Complotisme: Mon but n’était pas d’attaquer les Juifs mais de défendre la position adventiste (21st century Gnostic revivalism: Guess why conspiracy evangelism is so popular for people fed from birth on the apocalyptic reading of the Bible and news headlines as « signs of the times » and of their own election as part of God’s true “remnant » ?)

13 avril, 2023

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Daniel, le livre qui annonce le futur - Dieu | Pensées | Arts

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Le salut vient des Juifs.
Jésus (Jean 4:22)
Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtement de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. (…) C’est (…) à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Jésus (Matthieu 7: 15-20)
Si tu te glorifies, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte. Paul (Lettre aux Romains 11: 18)
Je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Paul (Rm 9: 3)
Lorsque Simon vit que le Saint Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, en disant: Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint Esprit. Mais Pierre lui dit: Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent! Actes des apôtres 8: 18-20
La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant: Va, fais le dénombrement d’Israël et de Juda. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé; et, de Dan à Beer Schéba, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple. Comme l’ange étendait la main sur Jérusalem pour la détruire, l’Éternel se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui faisait périr le peuple: Assez! Retire maintenant ta main. L’ange de l’Éternel était près de l’aire d’Aravna, le Jébusien. David, voyant l’ange qui frappait parmi le peuple, dit à l’Éternel: Voici, j’ai péché! C’est moi qui suis coupable; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père! 2 Samuel 24: 1-17
Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël.Cet ordre déplut à Dieu, qui frappa Israël. (…)  Et David dit à Dieu: J’ai commis un grand péché en faisant cela! Maintenant, daigne pardonner l’iniquité de ton serviteur, car j’ai complètement agi en insensé!L’Éternel adressa ainsi la parole à Gad, le voyant de David: Va dire à David: Ainsi parle l’Éternel: Je te propose trois fléaux; choisis-en un, et je t’en frapperai. (…) Accepte, ou trois années de famine, ou trois mois pendant lesquels tu seras détruit par tes adversaires et atteint par l’épée de tes ennemis, ou trois jours pendant lesquels l’épée de l’Éternel et la peste seront dans le pays et l’ange de l’Éternel portera la destruction dans tout le territoire d’Israël. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, et il tomba soixante-dix mille hommes d’Israël. Dieu envoya un ange à Jérusalem pour la détruire; et comme il la détruisait, l’Éternel regarda et se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui détruisait: Assez! Retire maintenant ta main.(…) David leva les yeux, et vit l’ange de l’Éternel se tenant entre la terre et le ciel et ayant à la main son épée nue tournée contre Jérusalem. Alors David et les anciens, couverts de sacs, tombèrent sur leur visage.Et David dit à Dieu: N’est-ce pas moi qui ai ordonné le dénombrement du peuple? C’est moi qui ai péché et qui ai fait le mal; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Éternel, mon Dieu, que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, et qu’elle ne fasse point une plaie parmi ton peuple! I Chroniques 21: 1-17
Ainsi parle l’Éternel à son oint, à Cyrus. Esaïe 45 : 1
Il me fit voir Josué, le souverain sacrificateur, debout devant l’ange de l’Éternel  (…) C’est ici la parole que l’Éternel adresse à Zorobabel (…) Les mains de Zorobabel ont fondé cette maison, et ses mains l’achèveront; et tu sauras que l’Éternel des armées m’a envoyé vers vous. (…) Ce sont les deux oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre. Zacharie 3:1 – 4: 6-14
Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans. Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone. Jérémie 25: 11-12
Mais voici ce que dit l’Éternel: Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. Jérémie 29: 10
En ces jours-là surgit d’Israël une génération de vauriens qui séduisirent beaucoup de personnes en disant : “Allons, faisons alliance avec les nations qui nous entourent, car depuis que nous nous sommes séparés d’elles, bien des maux nous sont advenus.” (…) Plusieurs parmi le peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, qui leur donna l’autorisation d’observer les coutumes païennes. Ils construisirent donc un gymnase à Jérusalem, selon les usages des nations, se refirent des prépuces et renièrent l’alliance sainte pour s’associer aux nations. 1 Maccabées 1: 11-15
On n’avait pas le droit d’observer le sabbat, ni de célébrer les fêtes traditionnelles, ni même simplement de se déclarer juif. Chaque mois, au jour commémorant la naissance du roi, on était contraint de façon humiliante à participer à un repas sacrificiel; et quand arrivait la fête de Dionysos, on était forcé de se couronner de lierre et d’accompagner le cortège en l’honneur de ce dieu. Sur la proposition des habitants de Ptolémaïs, un décret fut publié: les villes grecques des régions voisines de la Judée devaient adopter la même politique à l’égard des Juifs qui s’y trouvaient et les obliger à participer aux repas sacrificiels; l’ordre fut donné d’égorger quiconque refuserait d’adopter les coutumes grecques. Il était donc facile de prévoir les malheurs à venir. Ainsi deux femmes furent déférées en justice pour avoir circoncis leurs enfants. On les produisit en public à travers la ville, leurs enfants suspendus à leurs mamelles, avant de les précipiter ainsi du haut des remparts. D’autres s’étaient rendus ensemble dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le septième jour. Dénoncés à Philippe, ils furent brûlés ensemble, se gardant bien de se défendre eux-mêmes par respect pour la sainteté du jour. (…) Parmi les principaux maîtres de la loi, il y avait alors un certain Élazar. Il était avancé en âge et de fort belle apparence. On lui tint la bouche ouverte pour l’obliger à avaler de la viande de porc. Mais il préférait mourir avec honneur plutôt que de vivre dans la honte. Il recracha donc la viande et se dirigea volontairement vers le lieu du supplice. Voilà un exemple pour ceux qui devraient avoir le courage, même au prix de leur vie, de repousser la nourriture que la loi de Dieu interdit de manger. 2 Maccabées 6 : 6-20
Pendant que les habitants de la ville sainte jouissaient d’une paix entière, et que les lois étaient encore exactement observées, grâce à la piété du grand prêtre Onias et à sa haine du mal (…) Mais, après la mort de Séleucus, Antiochus surnommé Épiphane lui ayant succédé, Jason, frère d’Onias, entreprit d’usurper le souverain pontificat. Dans un entretien avec le roi, il lui promit trois cent soixante talents d’argent et quatre-vingts talents pris sur d’autres revenus. Il promettait en outre de s’engager par écrit pour cent cinquante autres talents, si on lui accordait d’établir, de sa propre autorité et selon ses vues, un gymnase avec un éphébée, et d’inscrire les habitants de Jérusalem comme citoyens d’Antioche. Le roi consentit à tout. Dès que Jason eut obtenu le pouvoir, il se mit à introduire les moeurs grecques parmi ses concitoyens.(…) Lorsque Onias eut connu d’une manière certaine ce nouveau crime de Ménélas, il lui en adressa des reproches, après s’être retiré dans un lieu d’asile, a Daphné, près d’Antioche. C’est pourquoi Ménélas, prenant à part Andronique, le pressait de mettre à mort Onias. Andronique vint donc trouver Onias et, usant de ruse, il lui présenta la main droite avec serment; puis, quoique suspect, il le décida à sortir de son asile et le mit aussitôt à mort, sans égard pour la justice. Aussi, non seulement les Juifs, mais beaucoup d’entre les autres nations furent indignés et affligés du meurtre injuste de cet homme. II Maccabbées 3: 1 – 4: 7-35
Les Syriens prirent les villes fortes du pays d’Égypte, et Antiochus enleva les dépouilles de toute l’Égypte. Après avoir battu l’Égypte l’an cent quarante-trois, Antiochus revint sur ses pas et marcha contre Israël. Etant monté à Jérusalem avec une armée puissante, il entra avec une audace insolente dans le sanctuaire et en enleva l’autel d’or, le chandelier de la lumière avec tous ses ustensiles, la table des pains de proposition, les coupes, tasses et écuelles d’or, le rideau, les couronnes et les ornements d’or sur la façade du temple, et il détacha partout le placage. Il prit aussi l’or et l’argent et les vases précieux, ainsi que les trésors cachés qu’il put trouver. I Maccabbées 1: 20 – 24
Ces événements étant arrivés à la connaissance du roi, il crut que la Judée faisait défection. Il partit donc d’Égypte, furieux comme une bête féroce, et s’empara de la ville à main armée. Il ordonna aux soldats de tuer sans pitié ceux qui tomberaient entre leurs mains, et d’égorger ceux qui monteraient sur les toits ces maisons. Ainsi furent tués des jeunes gens et des vieillards; ainsi périrent des hommes faits, des femmes et des enfants; ainsi furent égorgés des jeunes filles et des nourrissons. Le nombre des victimes pendant ces trois jours, fut de quatre-vingt mille, dont quarante mille furent massacrés et autant furent vendus comme esclaves. Non content de ces atrocités, il osa pénétrer dans le temple le plus saint de toute la terre, ayant pour guide Ménélas, traître envers les lois et envers sa patrie. Et prenant de ses mains souillées les objets sacrés, et arrachant les offrandes déposées par les autres rois pour rehausser ta gloire et la dignité de ce lieu, il les remettait à des mains profanes. Antiochus s’enflait d’orgueil dans son esprit, ne considérant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville, et que c’était pour cela qu’il détournait ses regards de ce lieu. Autrement, s’ils n’avaient pas été coupables d’un grand nombre de péchés, lui aussi, comme Héliodore, envoyé par le roi Séleucus pour inspecter le trésor, il aurait été, dès son arrivée, flagellé et réprimé dans son audace. Mais Dieu n’a pas choisi le peuple à cause de ce lieu; il a choisi ce lieu à cause du peuple. C’est pourquoi ce lieu a participé aux malheurs du peuple, comme il a été ensuite associé aux bienfaits du Seigneur; délaissé dans la colère du Tout-Puissant, il a été de nouveau, quand le souverain Seigneur s’est réconcilié avec son peuple, rétabli en toute sa gloire. Antiochus, ayant donc enlevé au temple dix-huit cents talents, s’en retourna en hâte à Antioche, s’imaginant dans son orgueil, à cause de l’enivrement de son coeur, pouvoir rendre navigable la terre ferme et viable la mer. II Maccabbées 5: 11-21
De ces rois sortit une racine d’iniquité, Antiochus Épiphane, fils du roi Antiochus, qui avait été à Rome comme otage; et il devint roi en la cent trente-septième année du royaume des Grecs. En ces jours-là, il sortit d’Israël des enfants infidèles qui en entraînaient beaucoup d’autres en disant: « Allons et unissons-nous aux nations qui saut autour de nous; car, depuis que nous nous tenons séparés d’elles, il nous est arrivé beaucoup de malheurs. » Et ce discours parut bon à leurs yeux. Quelques-uns du peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, et il leur donna l’autorisation de suivre les coutumes des nations. Ils construisirent donc à Jérusalem un gymnase, selon les usages des nations. I Maccabbées 1: 11-15
Il fit la paix avec ceux qui étaient à Bethsur, et ceux-ci sortirent de la ville, parce qu’il n’y avait pas eu de vivres à renfermer pour eux dans la place, car c’était l’année du repos de la terre. Le roi s’empara ainsi de Bethsur, et il y laissa une garnison pour la garder. Il établit son camp devant le lieu saint pendant beaucoup de jours, et il y dressa des tours à balistes, des machines de guerre, des catapultes pour lancer des traits enflammés et des pierres, des scorpions pour lancer des flèches, et des frondes. Les assiégés construisirent aussi des machines pour les opposer à celles des assiégeants, et prolongèrent longtemps la résistance. Mais il n’y avait pas de vivres dans les magasins, parce que c’était la septième année, et que les Israélites qui s’étaient réfugiés en Judée devant les nations avaient consommé le reste de ce qu’on avait mis en réserve. Il ne resta dans le lieu saint qu’un petit nombre de Juifs, car la faim se faisait de plus en plus sentir; les autres se dispersèrent chacun chez soi. I Maccabbées 6: 49-54
Il prononcera des paroles contre le Très Haut, il opprimera les saints du Très Haut, et il espérera changer les temps et la loi; et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps, et la moitié d’un temps. Daniel 7: 25
J’entendis parler un saint; et un autre saint dit à celui qui parlait: Pendant combien de temps s’accomplira la vision sur le sacrifice perpétuel et sur le péché dévastateur? Jusques à quand le sanctuaire et l’armée seront-ils foulés? Et il me dit: Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. Daniel 8: 13-14
L’abomination du dévastateur (…) séduira par des flatteries les traîtres de l’alliance. Daniel 11: 31-32
Et j’entendis l’homme vêtu de lin, qui se tenait au-dessus des eaux du fleuve; il leva vers les cieux sa main droite et sa main gauche, et il jura par celui qui vit éternellement que ce sera dans un temps, des temps, et la moitié d’un temps, et que toutes ces choses finiront quand la force du peuple saint sera entièrement brisée. Daniel 12: 7
Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l’iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des saints. Sache-le donc, et comprends! Depuis le moment où la parole a annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu’à l’Oint, au Conducteur, il y a sept semaines et soixante-deux semaines, les places et les fossés seront rétablis, mais en des temps fâcheux. Après les soixante-deux semaines, un Oint sera retranché, et il n’aura pas de successeur. Le peuple d’un chef qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera comme par une inondation; il est arrêté que les dévastations dureront jusqu’au terme de la guerre. Il fera une solide alliance avec plusieurs pour une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande; le dévastateur commettra les choses les plus abominables, jusqu’à ce que la ruine et ce qui a été résolu fondent sur le dévastateur. Daniel 9: 24-27
Daniel, qui s’exprime en « je » tout au long des chapitres 7 à 12, est censé vivre à Babylone au VIe siècle av. J.-C., mais — en dépit de l’opinion traditionnelle encore défendue par quelques auteurs fondamentalistes américains — il est certain que le livre est beaucoup plus récent. En effet, on y remarque de nombreuses invraisemblances ; par exemple, Belshatsar (Balthazar) n’était pas le fils de Nabuchodonosor, comme l’ouvrage le présente, mais celui de Nabonide, et il n’a jamais eu le titre de roi. Daniel annonce des événements à venir, mais il devient de plus en plus exact au fur et à mesure que l’histoire avance, comme s’il connaissait mieux les événements de la première moitié du IIe siècle que ceux des siècles précédents. L’hébreu utilisé aux chapitres 1 et 8 à 12 est influencé par l’araméen ; cette langue est elle-même utilisée aux chapitres 2 à 7, avec des caractéristiques plus tardives que l’araméen du Livre d’Esdras et des papyri d’Eléphantine (VIe et Ve siècles av. J.-C.). Tout cela converge vers une conclusion aujourd’hui largement acceptée : l’auteur de l’ouvrage dans sa forme finale utilise le procédé de pseudépigraphie ; il n’écrit pas au VIe siècle av. J.-C., mais à l’époque des derniers évènements annoncés, c’est-à-dire au IIe siècle av. J.-C. Daniel est inconnu par l’auteur du Siracide (vers 180 av. J.-C.) qui contient une longue section (chapitres 44-50) en l’honneur des « hommes illustres » qui ont compté dans l’histoire juive. Toutefois, le livre est connu par l’auteur du Premier livre des Maccabées, entre 134 et 104 av. J.-C. (1 M 1,54 = Da 9. 27 et Da 11. 37), et sa première version grecque est même utilisée par le livre III des Oracles sibyllins. L’auteur connait la profanation du Temple, le 7 décembre 167 (Da 11. 31), et la mise à mort des Juifs fidèles (Da 11. 33), la révolte des Maccabées et les premiers succès de Judas (allusion de Da 11. 34) en 166 av. J.-C. Toutefois, l’auteur ne connaît pas les circonstances de la mort du roi persécuteur en automne 164, ce qui indique une fin de composition d’ensemble du Livre de Daniel entre 167 et 164. Rien dans le reste du livre ne vient contredire ces dates. (…) Les quatre visions des chapitres 7 à 12 sont des exemples types des écrits apocalyptiques, un genre littéraire d’écrits juifs et chrétiens. Contrairement aux six premiers chapitres qui parlent de Daniel à la troisième personne, le rédacteur parle ici à la première personne. L’un des traits caractéristiques de cette section concerne la dépendance de Daniel à des créatures spirituelles pour interpréter et expliquer ses visions. Le cadre historique de ces visions n’est pas indiqué, à l’exception de quelques dates de règnes mentionnées. Le chapitre 7 est écrit en araméen alors que les chapitres 8 à 12 sont écrits en hébreu. La section « visions apocalyptiques » de Daniel comprend trois visions et une prophétie concernant le destin d’Israël. Ces écrits apocalyptiques et eschatologiques ont donné lieu à de multiples interprétations chez les Esséniens et chez les Chrétiens. (…) La vision dans la première année de Balthazar roi de Babylone (7,1) concerne quatre bêtes énormes (7,3) représentant quatre futurs rois (7,17) ou royaumes (7,23), la quatrième bête qui mangera toute la terre, la foulera aux pieds et l’écrasera (7,23) ; ce quatrième royaume est représenté par une bête avec dix cornes représentant dix rois, suivi d’une petite corne qui abat trois rois (7,24), parlant contre le Très-Haut, et voulant changer les temps et le droit (7,25). Après « un temps et des temps et un demi-temps », cette corne est jugée et sa domination lui est ôtée et détruite (7,26) ; finalement, le royaume et l’empire et les grandeurs des royaumes sous tous les cieux sont donnés au peuple des saints du Très Haut (7,27). La vision de la troisième année de Balthazar concerne un bélier (8,1-27) qui représente les rois de Médie et de Perse (8,20), la Grèce (8,21) étant représentée par un bouc. La grande corne du bouc est cassée pour être remplacée par quatre royaumes plus faibles. La vision se consacre ensuite à « un roi impudent et expert en astuces qui opère des destructions prodigieuses » en supprimant les sacrifices au Temple de Jérusalem pour une période de deux mille trois cents soirs et matins (8,14). Ensuite, l’auteur attend le jugement final de ce roi dans les temps futurs avec le rétablissement du sanctuaire. Cette vision incorpore des boucs, des béliers et des cornes étaient utilisées pour le service du sanctuaire du Temple à Jérusalem. La vision dans la première année de Xerxès Ier fils de Darius Ier (9,1) concerne la prophétie des 70 semaines d’années. Cette prophétie concerne l’histoire de l’ancien Israël et l’histoire de Jérusalem (9,24). Elle consiste en une méditation sur la prédiction du prophète Jérémie que la désolation de Jérusalem durerait 70 ans, une longue prière de Daniel afin que Dieu restaure Jérusalem et son temple, et une explication de l’archange Gabriel qui indique une future restauration par un messie-chef. Une longue vision (10,1-12,13) dans la troisième année de Cyrus II roi de la Perse, qui concerne les conflits entre le « roi du Nord » et le « roi du Midi » (l’Égypte, 11,8). Cette vision commence par des références à la Perse et à la Grèce. Puis la vision atteint son paroxysme par une nouvelle description d’un roi arrogant qui profane le temple, installe « l’abomination de la désolation », supprime les sacrifices rituels et persécute les justes. La résurrection est enfin promise à Daniel par un homme sur le bord d’un fleuve. Wikipedia
La Prophétie des 70 semaines (ou littéralement « 70 fois 7 ») fait partie du chapitre 9 du Livre de Daniel. Elle est prononcée par l’ange Gabriel à l’attention de Daniel. Cette prophétie fait aussi bien partie de l’histoire juive que de l’eschatologie chrétienne. (…) Cette prophétie est une ré-interprétation d’un oracle du livre de Jérémie annonçant la ruine de Babylone (25,12) et le retour de l’exil (29,10). Celui-ci annonçait la durée de la désolation en Terre sainte et de l’exil en Babylonie, châtiment infligé aux fils d’Israël infidèles à l’Alliance abrahamique : 70 années ; estimation chiffrée qu’il convient d’ailleurs de contrôler sans trop de rigueur. Or voici que le messager céleste encourage une supputation qui fixerait un terme aux nouvelles épreuves subies par la « Ville Sainte » et le « peuple de Dieu » : au temps d’Antiochos IV sans doute, un roi Séleucide qui persécuta les Judéens, mais probablement aussi, à travers celui-là, aux temps de toute persécution dont pâtiront les justes fidèles au vrai Dieu, jusqu’au triomphe final. Ce n’est plus alors « 70 ans » qu’il faut entendre, mais « 70 semaines d’années » réparties en trois périodes : l’une de 7 (soit 49 années), achevée par l’avènement d’un « oint » qui sera un « chef » ; l’autre de 62 (soit 434 ans), à la fin de laquelle « un oint sera supprimé » ; la dernière d’une seule semaine d’années, et dont la moitié (3 ans et demi) s’écoulera avant que le dévastateur soit exterminé. Wikipedia
Antiochos IV Épiphane, « l’Illustre » ou « le Révélé » (en grec ancien Aντίoχoς Έπιφανής / Antiochos Épiphanès), né vers 215 av. J.-C. et mort en 164 av. J.-C., est un roi séleucide qui règne de 175 à sa mort en 164 av. J.-C. Fils d’Antiochos III, il est décrit comme un « ennemi » du peuple juif selon la tradition judaïque, qui inspire Hanoucca (ou fête de l’Édification), car il participe à l’hellénisation de la Judée et s’oppose à la révolte des Maccabées qu’il ne parvient pas à réprimer. Réputé instable psychologiquement, il montre tout de même des qualités d’homme d’État et peut être considéré comme l’un des derniers grands souverains séleucides. (…) La titulature d’Épiphane (l’« Illustre »), transmis par la tradition littéraire et attestée par les monnaies séleucides ainsi que par des dédicaces extérieures à l’empire (Délos et Milet), est habituellement réservée aux dieux. Les épithètes complets d’Antiochos incluent : Théos Épiphanès (Θεὸς Ἐπιφανής ou « Dieu révélé ») et après sa victoire lors de la guerre de Syrie, Niképhoros (Νικηφόρος ou « Porteur de la victoire »). Il a été le premier souverain séleucide à utiliser des épithètes divines sur des pièces de monnaie, peut-être inspiré par les rois grecs de Bactriane ou par le culte royal que son père a codifié. Cette titulature aurait pu servir à renforcer l’autorité royale au sein d’un empire disparate. (…) Antiochos est réputé pour avoir été un promoteur zélé de la culture hellénique à l’intérieur comme à l’extérieur de son empire ; il finance notamment la construction du temple de Zeus Olympien à Athènes ou fait ériger un autel et des statues à Délos. Mais cette réputation qui a traversé les siècles est d’abord une interprétation de sa politique envers les Juifs, sachant qu’il est considéré comme l’Antéchrist dans la tradition judéo-chrétienne. (…)  Mais cette hellénisation de la Judée est d’abord le fait des élites juives hellénisées sous l’impulsion des grands-prêtres Jason (Joshua hellénisé) et Ménélas, et provoque la réaction des Juifs traditionalistes. En effet, la culture impériale engendre un progrès politique et matériel, ce qui mène à la formation d’élites hellénisés au sein de la population juive. Cette hellénisation engendre des tensions entre les Juifs les plus orthodoxes et leurs coreligionnaires qui adoptent la culture grecque. En 175 av. J.-C., au moment où meurt Séleucos IV, le grand-prêtre Onias III vient à Antioche pour se justifier d’avoir refusé le prélèvement des trésors du Temple. Il est accompagné de son frère Joshua qui se fait appeler Jason. Celui-ci intrigue auprès d’Antiochos IV qui le désigne comme Grand-prêtre, à la place de son frère. Surtout, il lui accorde le droit de transformer Jérusalem en polis grecque ; en échange, Jason lui promet une augmentation du tribut. Selon l’historien Édouard Will, la transformation de Jérusalem en cité grecque n’est pas de l’initiative du roi, mais bien des Juifs hellénisés. Jason finit par être évincé par Ménélas vers 172. Ce dernier agit en tyran, soumettant Jérusalem à une forte pression fiscale. Ménélas vient plaider sa cause à Antioche et fait assassiner Onias qui s’est réfugié dans la capitale. (…) Les Séleucides, comme les Lagides avant eux, détiennent une suzeraineté sur la Judée : ils respectent la culture juive et ne nuisent pas aux institutions juives, ni aux autres religions locales de leur empire. Le soutien des Juifs à Antiochos III a été récompensé à travers une charte affirmant l’autonomie de la religion juive, tout en interdisant l’accès des étrangers et des animaux impurs à l’enceinte du Temple de Jérusalem, et l’attribution de fonds officiels afin de maintenir certains rituels religieux au sein du Temple. Cette politique est radicalement remise en cause par son fils Antiochos IV, après soit une dispute sur la direction du Temple de Jérusalem et la fonction de grand-prêtre, soit une révolte dont la nature a été perdue avec le temps après avoir été écrasée. Antiochos en vient en 168 av. J.-C. à consacrer le temple de Jérusalem à Baalshamin, une divinité phénicienne et y place même un culte de Zeus. Les Juifs hellénisés continuent de servir Yahweh dont un autel subsiste dans le Temple profané, alors sous une autorité mixte de Juifs « modernistes » hellénisés, de Grecs et d’Orientaux également hellénisés. Il apparaît donc que cette transformation du Temple répond à une volonté syncrétiste adaptée aux besoins des colons militaires de l’Acra, alors majoritairement syro-phéniciens, mais elle suscite une forte agitation dans une Jérusalem déjà sensibilisée par le poids des taxes et la résistance à l’hellénisation. L’année suivante, en décembre 167, Antiochos promulgue un édit de persécution (qui concerne les Juifs de la Samarie et de la Judée mais non ceux de la diaspora) : il ordonne d’abolir la Torah (ou la Loi dans le sens le plus large : foi, traditions, mœurs). Il impose d’offrir des porcs en holocauste au Temple de Jérusalem et interdit la circoncision. Selon Édouard Will, cette persécution religieuse ne semble pas avoir été motivée par un fanatisme anti-judaïque (fanatisme qu’exclut son épicurisme) ou par la volonté d’imposer les cultes grecs. Il s’agit d’abord de mettre fin à une révolte locale. Là où Antiochos commet une terrible maladresse, c’est qu’il n’a pas compris qu’abolir la Torah ne revient pas seulement à priver les Juifs de leurs lois civiques, mais conduit à l’abolition du judaïsme. Cette politique lui vaut le surnom d’Épimanès (l’« Insensé ») par jeu de mots. Les érudits du judaïsme du Second Temple se réfèrent donc parfois au règne d’Antiochos comme aux « crises d’Antioche » pour les Juifs. La politique d’Antiochos envers les Juifs est connue grâce au Livre de Daniel et aux Livres des Maccabées (inclus dans la Septante et l’Ancien Testament chrétien, mais pas dans la Bible hébraïque). Elle est marquée par la révolte des Maccabées, qui aboutit finalement à l’émancipation politique de la Judée et contribue à la désintégration de l’Empire séleucide au ier siècle av. J.-C. Cette crise politique et religieuse se poursuit sous ses successeurs. Les troubles commencent à Jérusalem pendant qu’Antiochos est occupé en Égypte, début 169 av. J.-C. Au retour de cette campagne, le roi saisit en effet le trésor du Temple, prétextant le paiement de trois années de retard du tribut. Mais l’agitation reste à cette date d’abord un conflit interne aux Juifs. En 168, après l’ultimatum des Romains lui enjoignant de quitter l’Égypte, Antiochos revient à Jérusalem qu’il pille, alors que le summum du sacrilège est qu’un roi entre dans le saint des saints, ce que seul le grand-prêtre est autorisé à faire une fois par an. Outre cette profanation, il massacre de nombreux Juifs et rétablit Ménélas, le grand prêtre pro-séleucide. Des historiens affirment qu’Antiochos est certes responsable du pillage du Temple de Jérusalem mais qu’il a été inspiré et soutenu par Ménélas. D’autres historiens estiment par ailleurs qu’ Antiochos a la réputation d’un pilleur de temples mais que ces actions ne sont pas le résultat de difficultés financières. Afin de financer ses objectifs militaires et diplomatiques à long terme, dans le cadre d’une politique dynastique ambitieuse, il a accepté que des parties de la population se retournent à court terme contre lui en dévalisant des temples. Finalement, cette approche n’a pas porté ses fruits en raison de la vive résistance qu’elle a provoquée. Après le départ d’Antiochos, une nouvelle révolte des Juifs traditionalistes dirigée par la famille des Maccabées éclate et Antiochos fait alors détruire les murailles de la ville de Jérusalem et bâtir la forteresse de l’Acra où trouvent refuge les Juifs hellénisés. Dès 168, des habitants de Jérusalem se réfugient dans les campagnes et le désert, la révolte prenant corps après l’édit de persécution. Antiochos, occupé en Iran, envoie des stratèges qui sont battus par Judas Maccabée : Apollonios à Samarie, Nicanor et Gorgias à Emmaüs et Lysias à Beth Zur. Cette nouvelle insurrection de Jérusalem dépasse le cadre d’une lutte entre clans aristocratiques et paraît avoir des motivations anti-séleucides. L’ambiance de la ville est aussi exacerbée par le poids de la fiscalité et la résistance aux mœurs grecques. En 164, Antiochos met fin à la persécution et amnistie les Juifs afin qu’ils regagnent leurs foyers par l’intermédiaire de son vizir, Lysias ; ce dernier traite avec Ménélas qui est rétabli dans ses fonctions. Mais Judas Maccabée poursuit la lutte après la mort d’Antiochos et finit par s’emparer de Jérusalem ; il procède à la purification du Temple et rend le sanctuaire aux Juifs pour le culte de YHWH. En décembre 164, la fête de l’Édification, Hanoucca, est célébrée pour la première fois dans le Temple rendu au seul culte juif. La révolte des Maccabées conduit à une interprétation du Livre de Daniel dans lequel un méchant appelé le « Roi du Nord » est généralement considéré comme une référence à Antiochos IV. La représentation d’Antiochos attaquant la ville sainte de Jérusalem mais rencontrant bientôt sa fin influence plus tard les représentations chrétiennes de l’Antéchrist. Traditionnellement, telle qu’exprimée dans les premier et deuxième livres des Maccabées, la révolte des Maccabées est dépeinte comme une résistance nationale à une oppression politique, culturelle et cultuelle étrangère. Cependant les érudits modernes soutiennent qu’Antiochos intervient davantage dans une guerre civile entre les Juifs traditionalistes du pays et les Juifs hellénisés de Jérusalem. Wikipedia
La crise maccabéenne n’est pas un affrontement entre un roi grec fanatique et des Juifs pieux attachés à leurs traditions. C’est d’abord une crise interne au judaïsme, d’un affrontement entre ceux qui estiment qu’on peut rester fidèle au judaïsme en adoptant néanmoins certains traits de la civilisation du monde moderne, le grec, la pratique du sport, etc.., et ceux qui au contraire, pensent que toute adoption des mœurs grecques porte atteinte de façon insupportable à la religion des ancêtres. Si le roi Antiochos IV intervient, ce n’est pas par fanatisme, mais bien pour rétablir l’ordre dans une province de son royaume qui, de plus, se place sur la route qu’il emprunte pour faire campagne en Égypte. (…) Là où Antiochos IV commettait une magistrale erreur politique, c’est qu’il n’avait pas compris qu’abolir la Torah ne revenait pas seulement à priver les Juifs de leurs lois civiles, mais conduisait à l’abolition du judaïsme. Maurice Sartre
Les juifs s’appellent les êtres humains, mais les non-juifs ne sont pas des humains. Ils sont des bêtes. Talmud: Mezia de baba, 114b
Il est autorisé de prendre le corps et la vie d’un Gentil. Ikkarim III C 25 de Sepher –
Chaque juif, qui renverse le sang de l’athée (non-juifs), est comme s’il faisait un sacrifice à Dieu. Talmud: Raba c 21 et Jalkut 772 de Bammidber
En citant de façon sélective divers passages du Talmud et du Midrash, des faiseurs de polémiques ont cherché à démontrer que le judaïsme prône la haine des non-Juifs (et des chrétiens en particulier), et promeut l’obscénité, la perversion sexuelle, et d’autres conduites immorales. Afin de rendre ces passages conformes à leurs buts, ces personnes les traduisent souvent de façon erronée ou les citent hors de leur contexte (la fabrication de passages entiers n’est pas inconnue) […] En déformant les significations normatives des textes rabbiniques, les écrivains anti-Talmud extraient fréquemment les passages de leur contexte textuel et historique. Même lorsqu’ils présentent leurs citations correctement, ils jugent les passages d’après les critères moraux actuels, ‘ignorant’ le fait que ces passages furent en majorité composés il y a près de deux mille ans par des gens vivant dans des cultures radicalement différentes de la nôtre. Ils sont donc capables d’ignorer la longue histoire du judaïsme en matière de progrès social, et la dépeindre comme une religion primitive et bornée. Ceux qui attaquent le Talmud citent fréquemment d’anciennes sources rabbiniques sans tenir compte des développements subséquents de la pensée juive, et sans faire un effort de bonne foi de consulter des autorités juives contemporaines qui pourraient expliquer le rôle de ces sources dans la pensée et la pratique juives normatives. Rapport de l’Anti-Defamation League
Les accusations envers le Talmud ont une longue histoire, datant du XIIIe siècle, lorsque les associés de l’Inquisition tentèrent de diffamer les Juifs et leur religion. Les premiers ouvrages, compilés par des prédicateurs haineux comme Raymond Martini et Nicholas Donin demeurent la base de toutes les accusations subséquentes envers le Talmud. Certaines sont vraies, la plupart sont fausses et basées sur des citations tirées de leur contexte, et certaines sont des fabrications totales. Sur Internet de nos jours, on peut trouver beaucoup de ces vieilles accusations ressassées… Gil Student (rabbin)
Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard
Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire ad usum delphini puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. Balzac (Illusions perdues)
Selon la théorie de la conspiration, tout ce qui arrive a été voulu par ceux à qui cela profite. (…) On ne croit plus aux machinations des divinités homériques, auxquelles on imputait les péripéties de la Guerre de Troie. Mais ce sont les Sages de Sion, les monopoles, les capitalistes ou les impérialistes qui ont pris la place des dieux de l’Olympe homérique. Karl Popper (1948)
Selon le sociologisme — cette perversion de la sociologie — l’individu étant le jouet des structures et des institutions, la seule question intéressante et pertinente est celle de savoir à qui profitent ces structures et ces institutions ? Plus familièrement, qui tire les ficelles ? Par définition, la classe dominante, bien entendu. La popularité de ce schéma a été si grande dans les années 60 et 70 que beaucoup de livres ont porté ou auraient pu porter un titre de type : A qui profite… ? A qui profite l’Ecole ? A qui profite la Justice ? A qui profite la Culture ? A qui profite la Langue ? Bref, le sociologisme utilise toujours de façon plus ou moins subtile, le schéma explicatif familier que Popper appelle la « théorie de la conspiration ». Raymond Boudon (1983)
Il est peu probable que les nouvelles religions émergeront des grottes d’Afghanistan ou des madrasas du Moyen-Orient. Elles sortiront plutôt des laboratoires de recherche. De même que le socialisme s’est emparé du monde en lui promettant le salut par la vapeur et l’électricité, dans les prochaines décennies les nouvelles techno-religions conquerront peut-être le monde en promettant le salut par les algorithmes et les gènes. Yuval Harari
L’athéisme libère les gens pour qu’ils soient leur propre dieu. Et puis il les libère pour croire que leur divinité est supérieure à celle des autres. C’est aussi l’impulsion que les êtres humains peuvent réorganiser la réalité par leur seule volonté, dont le point culminant (jusque ici) est le mouvement transgenre et la demande que nous reconnaissions une myriade de « genres » plutôt qu’une réalité biologique objective. C’est une extension du péché d’Adam et Eve en essayant d’usurper la création de Dieu. Sam Harris
La responsabilité individuelle est évacuée : c’est le système qui dirige tout, les pensées, les sentiments et les actions des individus, simples marionnettes. Pierre-André Taguieff 
Le wokisme est une idéologie qui perçoit les sociétés occidentales comme étant fondamentalement régies par des structures de pouvoir, des hiérarchies de domination, des systèmes d’oppression qui auraient pour but, ou en tout cas pour effet, « d’inférioriser » l’Autre, c’est-à-dire la figure de la minorité sous toutes ses formes (sexuelle, religieuse, ethnique etc.) par des moyens souvent invisibles. Le « woke » est celui qui est éveillé à cette réalité néfaste et qui se donne pour mission de « conscientiser » les autres. (…) L’estime de soi du dissident dépend donc de la nocivité fondamentale du monde, ce qui interdit tout émerveillement ou gratitude, et favorise grandement le ressentiment. Cette posture possède néanmoins plusieurs avantages. En parlant de la branche indigéniste du mouvement woke le philosophe Pierre-André Taguieff souligne la déresponsabilisation que permet cette manière de penser, car l’individu est poussé à externaliser ses échecs afin de les mettre sur le dos « du système ». (…) Elle offre également la possibilité de se mettre à distance de ce « système » – entité maléfique et floue, aux forces aussi difficilement cernables qu’omnipotentes – tout en se trouvant une raison d’agir dans le monde : agir contre ce monde. Ce faisant, on peut se respecter moralement, et à relativement peu de frais. Cette logique « systémique » se révèle omniprésente dans le logiciel woke. (…) La lecture woke (…) ressemble furieusement au fameux slogan complotiste « ce que ILS ne veulent pas que vous sachiez ». Le pouvoir, le système, censure tout ce qui « dérange ». (…) Car ce système nous ment forcément, et l’on voit ici que la cohérence interne du complotisme est moins importante que la posture dissidente. (…) Pour le formuler autrement, si la cohérence positive interne des militants dans les deux cas n’existe pas réellement, ils possèdent néanmoins une unité négative : « la lutte contre le système ». De la même façon, le complotiste ne croit pas à un complot juif, à un complot franc-maçon, et à un complot reptilien qui entreraient en conflit. Les complots doivent s’emboîter verticalement, et non simplement s’additionner horizontalement. D’une certaine façon, pour le complotiste, les complots n’existent pas, car ils sont dissous dans Le Complot, qui Lui existe bien. Le complot juif aide le complot franc-maçon, qui lui-même est tenu par les reptiliens. Ils doivent former un tout cohérent, voire hiérarchique, sans dissensions internes, et aux intérêts parfaitement convergents. (…) Cette clef de lecture totalisante permet à celui qui la possède de croire à sa supériorité morale et intellectuelle. Celui qui a compris peut toiser de haut ceux qui n’ont pas compris ; celui qui est éveillé mépriser ceux qui sont endormis. Ces derniers, qu’ils soient classés dans le camp des bourreaux ou des victimes, ne peuvent globalement rien apporter de sensé à la conversation. Comme dans tout complotisme, la possibilité d’un désaccord bienveillant ou étayé est rejetée d’avance. En effet, le « dominant » qui n’est pas d’accord est naïf et ignorant, car il a grandi dans des sociétés occidentales sexistes et racistes, et tel le poisson qui ne perçoit pas l’eau dans laquelle il a toujours baigné, il serait incapable de percevoir le mal dont il est issu et qu’il propage. Dans certains cas, ses paroles seront réduites à des stratégies pour conserver son pouvoir et ses « privilèges ». Le « dominé » qui affiche son désaccord avec l’idéologie qui se permet de parler en son nom sera quant à lui accusé de souffrir d’une forme de syndrome de Stockholm, ou alors d’avoir intériorisé les dogmes du système en place au point de ne plus pouvoir s’en défaire. (…) l’infalsifiabilité du propos s’institutionnalise au sein de la logique intersectionnelle. Celui qui conteste la théorie sera systématiquement naïf/ignorant ou cynique/cruel. Cette posture moralo-intellectuelle se révèle non seulement arrogante, mais profondément addictive, à tel point que celui qui l’apprivoise aura bien du mal à s’en défaire, même lorsque sa théorie entrera en conflit avec ceux qu’elle prétend plaindre et défendre. (…) C’est ici que ce mouvement révèle sa nature profonde, car il témoigne d’une volonté de « sacrifier » ces minorités pour mieux préserver sa cause. (…) Cette hypothèse du « racisme systémique » postule ainsi que le racisme, système totalisant plutôt que comportement individuel, peut fonctionner sans racistes. De la même façon, le « sexisme systémique » ne nécessite pas de sexistes pour se perpétuer. Toute disparité statistique dans un domaine donné sera jugée comme une preuve en soi du problème « systémique » dudit domaine. Nous voyons là la particularité du wokisme parmi les complotismes : son complot peut fonctionner sans comploteurs. Évidemment, un rapide coup d’œil sur Twitter permettra rapidement de voir qu’ils ne sont pas pour autant allergiques à un bon vieux phénomène de boucs émissaires et d’annulations, mais il n’en demeure pas moins que les forces de l’ombre peuvent maintenir ou accroître leur puissance sans « mangemorts » à temps plein. Cela offre à l’idéologie woke un avantage non-négligeable car elle permet de « s’absoudre » de la charge de la preuve ; on a plus besoin de donner d’exemples d’actes ou de comportements racistes pour user de cette étiquette infâmante une fois qu’elle est transformée en système. (…) De ce point de vue, l’essor concomitant du complotisme woke et des autres complotismes annonce non pas un monde « désenchanté » au sens wéberien du terme, mais plutôt « réenchanté négativement ». Des forces obscures tirent les ficelles en arrière-plan tout en dissimulant les traces de leur influence maléfique au sein du « Système », cette entité obscure qu’elles auraient créé à leur image. (…) Enfin, pour terminer, le complotisme comme le wokisme fonctionnent comme des trains sans frein. Pour le dire autrement, la notion « d’aller trop loin » leur est nécessairement étrangère. (…) De la même façon, le wokisme ne peut que se radicaliser, et celui qui fera l’éloge des transitions de genre à dix-huit ans risquera rapidement de se faire dépasser par des propositions de transition à quinze, treize, neuf, six ans etc. Pourtant, il suffirait d’un peu de courage pour s’opposer à ces idéologies infalsifiables. Mais ça, « ILS » ne veulent pas que vous le sachiez… Pierre Valentin
Je suis curieux. J’essaie de comprendre ce que vous entendez par « contenu haineux ». Et je demande des exemples précis. Et vous venez de dire que si quelque chose est un peu sexiste, c’est un contenu haineux. Est-ce que ça veut dire qu’il faut l’interdire ? (…) C’est pour ça que je demande des exemples. Vous pouvez me donner un exemple ? (…) Donnez-moi un exemple. (…) Vous avez littéralement dit que vous aviez rencontré plus de contenu haineux et que vous ne pouviez pas citer un seul exemple. (…) Vous ne pouvez pas donner un seul exemple de contenu haineux. Pas même un tweet. Et pourtant, vous avez affirmé que le contenu haineux était élevé. (…) La BBC se tient-elle responsable de la désinformation concernant les masques et les effets secondaires des vaccinations, et n’en parle-t-elle pas du tout ? Et qu’en est-il du fait que la BBC a été mise sous pression par le gouvernement britannique pour changer sa politique éditoriale ? Vous êtes au courant ? Elon Musk (propriétaire de Twitter)
Je n’ai pas vraiment regardé ce flux. (…) Parce que je dis que c’est ce que j’ai vu il y a quelques semaines. Je ne peux pas vous donner d’exemple exact. Passons à autre chose. Notre temps est limité. Désinformation Covid. (…) Ce n’est pas une interview sur la BBC (…) Je ne suis pas un représentant de la politique éditoriale de la BBC. Je tiens à le préciser. Parlons d’autre chose. James Clayton (BBC)
Un gnostique (…) Au sens large, c’est un homme qui sait. Gnostique vient du grec gnôsis, connaissance. Mais ce terme prit un sens plus particulier pour désigner un certain nombre de penseurs et de sectes qui, dès l’aube de notre ère, vécurent et enseignèrent en Egypte et dans le Proche-Orient. Le mot vient d’ailleurs des Chrétiens. Ce sont les auteurs chrétiens, les Pères de l’Eglise notamment, qui, par dérision, appelèrent Gnostiques ces hommes qui prétendaient détenir la véritable connaissance des mystères de la vie et du monde et rejetaient une grande partie de la prédication chrétienne. Car, le gnosticisme, malgré des emprunts évidents à certaines doctrines de son temps, fut avant tout une attitude originale, une pensée mutante, une réflexion inquisitrice et neuve sur le destin de l’homme et de la nature de l’univers. (…) Un seul problème domine la réflexion gnostique : celui du mal. Mais (…) Le mal, pour le Gnostique, ce n’est pas le péché, ce n’est pas la condition de l’homme après la chute. C’est l’homme tout entier, l’univers, la matière, la chair, la pensée, la terre, les lois et les institutions, l’histoire, le temps, l’espace lui-même où nous vivons. C’est ce monde fait de matière, soumis aux contraintes de la pesanteur, de l’obscurité, du froid, de l’inertie et de la mort. . (…) La gnose apparaît dans l’histoire dès les premiers siècles du christianisme, prêchée par un personnage que mentionnent les Actes des Apôtres du nom de Simon le Mage. On y trouve déjà les principes essentiels qui la caractérisent : la création du monde est l’œuvre d’un faux Dieu, le vrai Dieu est inconnu de l’homme, le monde n’est là que pour le séparer de Lui. Pour Simon le Mage, le seul moyen pour l’homme de briser l’illusion du monde et d’atteindre à la plénitude est de vivre librement ses désirs. Le désir, sous toutes ses formes, est la seule part divine qui réside en l’être humain. Jacques Lacarrière
Autrefois je croyais que le gnosticisme était un phénomène bien défini de l’histoire des religions de l’antiquité tardive. Bien sûr, j’étais prêt à accepter l’idée de diverses continuations de la gnose ancienne et même celle de la génération spontanée de visions du monde dans lesquelles, à différentes époques, les caractéristiques distinctives du gnosticisme réapparaissaient. J’ai vite appris cependant que j’étais en fait naïf. Non seulement la gnose était gnostique, mais les auteurs catholiques étaient gnostiques, les néoplatoniciens aussi, la Réforme était gnostique, le communisme était gnostique, le nazisme était gnostique, le libéralisme, l’existentialisme et la psychanalyse étaient également gnostiques, la biologie moderne était gnostique, Blake, Yeats, Kafka, Rilke, Proust, Joyce, Musil, Hesse et Thomas Mann étaient gnostiques. D’interprètes faisant autorité sur la gnose, j’appris en outre que la science est gnostique, et que la superstition est gnostique ; que le pouvoir, le contre-pouvoir et le manque de pouvoir sont gnostiques ; que Freud est gnostique et Jung est gnostique ; toute chose et son contraire sont également gnostiques.  Ioan Couliano (1984)
Le gnosticisme ou « gnosticisme historique » est un terme employé pour désigner certains mouvements du christianisme ancien qui relèvent d’une idéologie dualiste (croyance dans l’existence d’un Dieu du Mal et d’un Dieu du Bien). Cette gnose dualiste contraire aux principes métaphysiques du christianisme, a été combattue par les théologiens chrétiens des premiers siècles qui l’ont qualifiée de pseudo-gnose (Paul de Tarse), ou de « gnose au faux nom » (Irénée de Lyon). Le mot gnose désigne ainsi pour la période antique deux concepts théologiques opposés : une gnose chrétienne qui considère que tout homme est capable de percevoir Dieu, en lui, de devenir lumière et donc d’obtenir la vie éternelle ; et une gnose dualiste (gnosticisme) qui considère le corps et la vie terrestre comme une prison dont l’homme doit se libérer pour être sauvé. À partir du XIXe siècle, le terme gnose et les concepts qu’il recouvre ont été utilisés dans des contextes beaucoup plus larges, en histoire des religions (y compris non chrétienne), en philosophie, mais aussi en littérature ou en politique, ainsi que par les « nouveaux mouvements religieux », ésotériques et New Age. Wikipedia
INSCRIBED UPON THE CROSS WHEN JESUS WAS CRUCIFIED were the latin words « Jesus Nazarenus Rex Iudeorum. » Pontius Pilate was the author of that famous inscription. Latin was Pontius Pilate’s mother tongue. Authorities competent to translate and pass upon the correct translation into English agree that is « Jesus the Nazarene Ruler of the Judeans. » There is no disagreement among them of that. THE WORD « JEW » did not occur anywhere in the English Language until the 18th Century. Jesus referred to himself as a Judean. The modern day « Jews » were historically Khazars or Chazars, a Mongolian Nordic tribe who roamed northern Europe. Benjamin H. Freedman
Les faits sont les faits, la vérité sur les Khazars » est un pamphlet se présentant comme le texte d’une lettre qu’un homme d’affaires juif, Benjamin H. Freedman, a écrit à un médecin « converso », David Goldstein, en 1954. Cette lettre défend l’idée selon laquelle le christianisme est une réalité du judaïsme. Le texte expose la notion selon laquelle la plupart des individus désormais identifiés comme juifs, ne sont pas le peuple sémitique israélite de la Bible, mais les descendants des Khazars, un peuple turcophone d’Asie centrale converti en masse au judaïsme au 8ème siècle. Freedman ne se réfère pas aux Juifs, mais à des « soi-disant » Juifs. Né dans une famille juive ashkénaze, Benjamin H. Freedman se convertit au christianisme et devient un virulent orateur, conférencier et pamphlétaire antisioniste et critique du judaïsme. Il fut l’assistant de Bernard Baruch à la campagne présidentielle de 1912. Il assistait régulièrement à des réunions avec le futur président des États-Unis Woodrow Wilson au sein du Comité démocratique national où il croisa également Samuel Untermyer. Il aurait été présent parmi la délégation envoyés par les milieux sionistes lors de la conférence de Versailles qui devait aboutir au traité afin de veiller aux suites de la déclaration Balfour de 1917. Parmi ses relations, on peut citer Franklin Roosevelt, Joseph Kennedy et son fils John F. Kennedy ainsi que d’autres personnes influentes telles que Haroldson Lafayette Hunt, Jr. et son fils Nelson Bunker Hunt. En 1946, il fonda la « Ligue pour la paix et la justice en Palestine ». (…) Cet ouvrage ne plaira pas à de nombreuses personnes car il fait vibrer une corde extrêmement sensible : l’origine des peuples. En effet, ce texte remet « littéralement » en cause l’origine de la plus ancienne des civilisations : celle du peuple hébreu (rien que cela !) Dans ses différentes fonctions au service des intérêts sionistes, Benjamin H. Freedman eut l’occasion d’avoir un grand nombre d’entretiens personnels et approfondis avec sept présidents des Etats Unis. Il fut témoin, et même acteur, des manipulations dans la politique internationale et dans les medias. Il fut l’ami personnel de nombreux acteurs politiques -Bernard Baruch, Samuel Untermyer, Woodrow Wilson, Franklin Roosevelt, Joseph Kennedy, John F. Kennedy-. Benjamin Freedman était très riche, étant le principal actionnaire de l’immense compagnie des savons Woodbury et disposait d’un carnet d’adresses exceptionnel : ce sont sans doute les raisons qui l’ont maintenu en vie et parallèlement, les raisons qui l’ont poussé à écrire une série d’ouvrages explosifs. Après la Seconde Guerre mondiale, Freeman écoeuré par ce à quoi il avait assisté, décida de révéler tout ce qu’il pourrait sur le sionisme et ses origines, sujet qu’il connaissait parfaitement, étant lui-même juif et ancien sioniste. Il rompit avec ses idéaux et fonda en 1946 la « Ligue pour la paix et la Justice en Palestine » ; puis passa le reste de sa vie et une grande partie de sa fortune considérable, à lutter contre ce qu’il nommait « la tyrannie sioniste » qui enserrait le monde. Il consacra à cette activité plus de 2 millions et demi de dollars, tirés de son portefeuille personnel. Les faits sont les faits (1ère et 4e de couverture)
Ce n’est pas une théorie du complot mais une réalité prophétique et l’Esprit de prophétie avertit que si nous nous associons à ceux qui combattent contre le Christ, nous en viendrons bientôt à voir les choses sous le même jour qu’eux et nous perdrons notre discernement. Je vous supplie, chers frères, de noter les temps difficiles dans lesquels nous vivons et de tenir compte des avertissements que Dieu nous a si gracieusement donnés par l’Esprit de prophétie. Le but de la conférence était de montrer que l’Israël littéral (à la fois physiquement et théologiquement) ne peut en aucun cas représenter «l’Israël spirituel» de la Bible et que toute gymnastique théologique contraire ne peut nier ce fait. En effet, c’est la position adventiste et elle est contraire à la plupart des opinions théologiques modernes détenues par d’autres évangéliques. Mon but n’était pas d’attaquer les Juifs mais de défendre la position adventiste. Par nécessité, la position adventiste crée la controverse car elle se situe en juxtaposition avec toutes les autres opinions. Je souhaite sincèrement que tous les peuples, y compris les Juifs, acceptent la position adventiste qui glorifie le Christ et l’établit fermement comme Sauveur et Souverain de «l’Israël de Dieu». Walter Veith
The Inter-European Division’s Administrative Committee was profoundly disturbed by the contents of your presentation at the Seventh-day Adventist Church of Nurnberg-Marienberg in Germany, on October 20, 2012. The committee does not take lightly what you said for it is absolutely inappropriate to speak words like « yellow piece of clothing » and others in connection with the Jewish past. This is not the way we should speak about the Jews in the Seventh-day Adventist church. These comments have hurt people. I have personally tried on a few occasions to contact you by phone and e-mail to discuss this matter with you. However, I did not get a response from you. The committee acknowledges your apology concerning some of the expressions you used in association with the Jewish people. Understanding that, this is of the highest importance the committee asks you that you meet with the Inter-European Division’s officers during your next trip to our territories, so that we get some clarification on this issue and also about your theories regarding Freemasons and Jesuits amongst other topics. Bruno Vertallier (President of the SDA Inter-European Division)
Le public de Veith est déjà bien préparé pour entendre son message de conspiration catholique diabolique. Ses affirmations incroyables sur les stratagèmes des francs-maçons et les conspirations politiques derrière chaque événement mondial majeur ne font aucun doute pour beaucoup de ceux qui assistent à ses conférences parce que ce ne sont que des fioritures improvisées sur un thème bien établi qui pour la plupart des Adventistes est au-delà de toute question ou de révision. Beaucoup d’Adventistes apprennent à penser comme Veith dès leur plus jeune âge. Et les jeunes Adventistes sont très vulnérables aux théories du complot de Veith parce que c’est en fait l’enseignement officiel de l’église que la bonne façon de lire la littérature apocalyptique biblique est de parcourir ses pages pour une connaissance détaillée et ésotérique de la façon dont les événements de la fin vont se dérouler – et de se tourner ensuite vers les derniers titres de l’actualité pour confirmer la preuve des « signes des temps », dont la compréhension pourrait également confirmer son élection comme faisant partie du vrai « reste » de Dieu. (…) Comprendre Walter Veith ne nécessite aucune théorie du complot. Ce qu’il faut, c’est une compréhension plus profonde des expressions fondamentalistes de l’identité apocalyptique adventiste près de deux siècles après leur formulation originale. Ron Osborn

Obsession du rôle supposé des Jésuites et Francs-maçons dans le génocide juif,  allusions péjoratives aux Juifs telles que « petit tissu jaune » ou « troupeau », reprise des thèses du juif américain apostat et antisémite notoire Benjamin Freedman, idéologie  supersessioniste, thèses créationistes Mandela et Stalin présentés comme frères spirituels du même club contrôlé par Rome, Francs-maçons envoyés sur la lune par Rome à la recherche de la technologie perdue des anté-déluviens, conseils diététiques,  sosie de Saddam lynché  en 2003 après sa mort en 1999, pléthore de plus de 6,000 vidéos, déluge d’images ou de gros titres de journaux présentés à toute vitesse,  avec une autorité et une condescension professorale, décryptage d’images, de symboles ou gestes phalliques ou sataniques, personnages, dates, lieux ou sources souvent non identifiés, performance mesmérique, attentats du 11 septembre attribués à Bush et à la CIA, islam présenté comme création secrète du Vatican, références philosophiques,  Illuminati eux aussi contrôlés par Rome dont  Marx, Rhodes, Carnegie,  Churchill, Hoover,  Kissinger,  Reagan,  Peres, Arafat, les Bush, Ted Kennedy, Greenspan, Hilary Clinton, Carter, Saddam, Holbrooke, Gore,  Blair,  Mandela…

A l’heure où triomphent …

Sur fond, entre théorie critique de la race et idéologie trans, d’incroyables dérives dites progressistes …

Véritable continuation, entre psychologie dissidente, postulats infalsifiables et fonctionnement sans racistes ou même contre les dominés eux-mêmes, du complotisme par d’autres moyens

Et de programmes d’intelligence artificielle devenus les nouvelles Pythies de notre temps …

Tant la désinformation de nos médias et gouvernants

Que celle de nos réseaux sociaux

Devinez pourquoi …

Au-delà, à partir de citations du Talmud décontextualisées et  d’interprétations indues de textes bibliques, d’un antijudaïsme d’un autre temps …

L’évangélisme complotiste à la Walter Veith est si populaire …

Pour les personnes biberonnées dès leur naissance à la lecture apocalyptique de la Bible…

Comme de l’actualité comme « signes des temps » …

Et de leur propre appartenance au véritable « reste » de la fin des temps ?

The Dark Fantasy World of Walter Veith
Ron Osborn
Spectrum magazine
October 31, 2011

The name of Walter Veith may be unknown to many Spectrum readers but according to Veith’s own website it is well known to thousands of people around the globe. Veith is a “world renowned scientist, author, and lecturer,” WalterVeith.org reports. He is “deeply interested in the ecological deterioration of our planet” and speaks “to standing-room-only crowds around the world on his findings in archaeology, history, Bible prophecy, secret societies, and political intrigue.” What precisely qualifies Veith as a “world renowned scientist” and author is difficult to say from the four published titles that appear under his name on Amazon.com. His bestselling work Amazon indicates is a self-published 2002 tome of over 500 pages entitled Truth Matters: Escaping the Labyrinth of Error, which at last check had not received a single customer review. One of the most comprehensive online archives of peer-reviewed journal articles, JSTOR, does not show a single peer-reviewed article—scientific or otherwise—published in Veith’s name. But Veith’s primary mode of communication is not the printed but rather the spoken word. For anyone desiring to enter the dark fantasy world of Walter Veith—a universe that seamlessly blends nutritional advice and traditional Adventist apocalyptic beliefs with Veith’s own idiosyncratic, surreal, and sinister conspiracy theories—the portal is any computer with an internet connection.

Veith is a South African Seventh-day Adventist who was born in 1949 and was at one time chair of zoology at the University of the Western Cape. He was also at one time by his own telling a committed atheist who underwent a dramatic conversion. He now leads an independent evangelistic and itinerate speaking ministry based out of British Columbia entitled “Amazing Discoveries.” A Google Videos search for “Walter Veith” returns nearly 6,000 films. Veith’s most watched video of all time is “Saddam Hussein Dead Since 1999,” which has had nearly a quarter of a million views since it was posted on Youtube in June 2007. (By comparison, the most watched YouTube video of Ted Wilson, the first 10 minutes of his inaugural sermon as GC president in Atlanta, has had fewer than 20,000 views since it was posted by AYA Ministries in July 2010.)

“Saddam Hussein Dead Since 1999” is a ten-minute excerpt from a nearly two-hour lecture, “A New World Order,” originally filmed in 2004, which in turn is a single episode from a 36-part DVD lecture series entitled Total Onslaught that Veith sells on his website for $260, copies available in English, Spanish, and Russian.

In the lecture, the zoologist turned religious entrepreneur makes heavy use of crude but effective Powerpoint images, which he flashes at his audience with breathtaking speed as he unfolds the diabolical forces at work behind the daily news headlines (or the headlines of the parched newspapers he has kept on file dating back to the 1980s as the case may be). The “total onslaught” of demonic spirits acting through their human minions—virtually all of the world’s political and religious leaders—is in fact not so much behind these news clippings as it is transparently visible on their surface, self-evidently clear for those who have the secret knowledge necessary to decode the signs of the times. Veith does not analyze texts or images but rather dispatches them in tones of great authority and with an air of professorial condescension toward the somewhat bewildered looking people we catch occasional glimpses of in his audience.

Queue image of upside down European identity card. “What do you see?,” Veith demands, scrolling a cursor over what to this uninitiated viewer’s eyes is nothing more than an abstract pattern. The question is rhetorical, however, with Veith leaving no time for guesses. “You see the goat of Mendes,” he proclaims. “The horns are slightly modified to give another symbolism of the seat of the earth, but the inner facial features of the goat are very clearly discernible.” Veith then highlights another nebulous cluster of shapes on the card. “What these mean over here,” he says with a hint of deviousness, “I would rather not say.” The scales at last fall from one’s eyes. The shapes are surely phallic. How could anyone think otherwise? Or how could one think otherwise after being exposed to Veith’s not so subtle insinuation? Such is the power of suggestion.

But there is no time to linger on the goat of Mendes or to ponder why the European Union would think it vital to place such satanic symbolism on the otherwise numbingly dull documents of modern state bureaucracy. Veith is already on to the next slide, an image of former German Chancellor Schröder shaking hands in a business-like way with an unidentified man on an unidentified occasion at an unidentified date (he is in fact Helmut Kohl). “That is a Masonic handshake,” Veith declares, “signifying the new Mason is taking over where the old Mason is leaving.” It seems the diabolical secret of Masonic handshakes when compared with others is that they are actually just ordinary handshakes—which would, of course, be the most cunning disguise of all.

Veith quickly moves on to a set of images showing Bill Clinton and Vladimir Putin pointing with their index fingers toward other political leaders as they pose for photographs. This is also a Masonic gesture Veith informs his audience, something he refers to as “fingering.” “They are all showing that they are part of the same system.” Next slide. Veith has moved from the alleged goat of Mendes to Schröder’s alleged Masonic handshake to Clinton’s and Putin’s Masonic “fingering” to Russia’s adoption of the symbol of the double-headed eagle (the mark of its satanic allegiance to Freemasonry) in the span of less than one minute. His lecture has just begun. He will maintain this pace for the next hour and a half.

Veith, it goes without saying, is trading in a world of fantasy and myth that has considerably less logic than a Dan Brown novel and a great deal more creepiness. There is, however, something mesmeric in his performance. If nothing else, he knows how to play the chords of apocalyptic menace with a campy but bravura showmanship. And he seems to know exactly what he is doing. Veith repeatedly states in his performances that he is not telling his listeners what to believe but is simply presenting them with the “facts” so that they can make informed judgments for themselves. But these claims are also simply part of the show. Veith is by every indication a religious confidence man who has carved out his own niche market by convincing sadly credulous listeners to suspend their critical judgment just long enough to become convinced that what he is saying is not only entirely plausible but is in fact the very height of reason.

Who was responsible for plotting the terrorist attacks of September 11, 2001? George W. Bush and the CIA. What made the Twin Towers fall? They were brought down not by the airplanes but by explosives previously planted by the CIA in the buildings. What was the actual fate of Saddam Hussein? He died in 1999—it was his body double that was hung in 2003. What is the truth behind Islam? It is a secret creation of the Roman Catholic Church, invented by the Vatican and planted in the Middle East to stamp out the last remnants of non-Catholic “true” Christianity. “They are only playing the game of Hegelian idealism, thesis and antithesis,” Veith explains with pseudo-philosophical profundity, “but behind the scenes they all belong to the same club.”

The “club”—a term Veith uses often in his lectures—is interchangeably the Freemasons and the Catholic papacy. The extent of the Catholic Church’s diabolical control of world events through the tireless plotting of its puppets, the secret societies, is truly astounding. The ranks of the Illuminati, secretly and tirelessly working in consort across the ages toward the goal of one world government controlled by Rome, includes: Karl Marx, Cecil Rhodes, Andrew Carnegie, Winston Churchill, J. Edgar Hoover, Henry Kissinger, Ronald Reagan, Shimon Peres, Yassir Arafat, both George Bushes, Ted Kennedy, Alan Greenspan (part of the Illuminati’s “Committee of 300”), Hilary Clinton (a “6th Grand Dame,” according to Veith), Jimmy Carter, Saddam Hussein, Richard Holbrooke (a “thirty-three degree Freemason”), Al Gore, Tony Blair, and Nelson Mandela.

Veith does not discuss his sources for these fantastical claims. He simply declares at one point in this role call of the Illuminati’s greatest hits that the information can be found “on a website” (the address is included at the bottom of one of his slides but it is in a font too small to make out from the video).

The fact that Veith has been able to gain a hearing peddling in such ideas might be baffling to many. It is, though, not so difficult to grasp. To become a fellow traveler with Veith is to become the partaker of a profound secret wisdom, which the rest of the world is either too ignorant or too wicked to comprehend. But those who will just journey with him for these “amazing” 36 DVDs will discover at the end of the journey that it is not the rich, the powerful, or the well-educated, but rather they along with Veith who are the real Chosen Ones—the elect few who through their initiation into secret knowledge of end-time events will somehow escape this veil of corruption while the rest of the world burns. The Gospel according to Walter is nothing other than a 21st century Gnostic revivalism.

The great irony is that Veith himself is well educated and—at least judging from the slick packaging and merchandising of hundreds of his lectures in multiple languages—doing well from the power he exercises in the Adventist circles in which he operates. There is a Facebook page devoted to Veith that includes nearly 4,000 fans, the majority seemingly young adults of the Seventh-day Adventist church. His acolytes frequent the Generation of Youth for Christ (GYC) annual conferences. Herein lies an important fact. Veith’s audiences are already well primed to hear his message of diabolical Catholic conspiracy. His incredible claims about the schemes of the Freemasons and the political conspiracies behind every major world event go without question by many who attend his talks because they are merely improvisational flourishes on a well-established theme that for most Adventists is beyond question or revision.

Many Adventists are taught to think like Veith from an early age. And Adventist young people are highly vulnerable to Veith’s conspiracy theories because it is in fact official church teaching that the correct way to read Biblical apocalyptic literature is to scour its pages for detailed and esoteric knowledge of how final events will unfold—and to then turn to the latest news headlines for confirming evidence of the “signs of the times,” the understanding of which might also confirm one’s election as part of God’s true “remnant.”

CONSPIRACY CREATIONISM

Many Adventists also give Veith a free pass in his handling of historical evidence because they are pleased by what he has to tell them about the evidences of science. In addition to his lectures on the conspiracies of the Illuminati and the Catholic Church, Veith is a popular speaker on some Adventist circuits as an apologist for young earth creationism. Any Adventist theologian or scientist publicly expressing views on creation similar to rigorous and sober evangelical scholars like John Stott, Alister McGrath, John Walton, and Nancey Murphy today stands to be denounced as an “infidel” Adventist and “Seventh-day Darwinian” by high-ranking church officials. Meanwhile, any and every incredible claim about the creation is now apparently deemed theologically acceptable by church leaders (judging from their conspicuous silence when confronted by figures like Veith) provided only that it is a fundamentalist one.

On May 19 and 20, 2011, Veith delivered two lectures at La Sierra University at the invitation of a student group, the “Sci-Fai” Club (formed by student Louie Bishop to agitate for strictly fundamentalist readings of Genesis and “scientific” creationism in the classroom). Veith’s visit was reported as a significant event by one fundamentalist lay Adventist website, EducateTruth.com. Amid fulsome praise for Veith’s ideas, a few commenters on the site raised concerns about Veith’s conspiracy theories. Site operator Shane Hilde quickly intervened to steer the conversation away from these questions. “Veith lectures on many topics, a lot of which are considered controversial,” Hilde wrote, “however, let’s only focus on his lectures regarding science and creation. This forum is not intended to be grounds for discussing the plethora of topics he has covered.”

Yet Veith’s handling of the evidences of history is directly relevant to his credibility as a creationist claiming to speak with authority and integrity about the evidences of natural science. And Veith’s reasoning is not of a radically different kind when he is dealing with scientific problems. Whether discussing evolution or the Illuminati, he is blithely unconcerned with the actual weight of the evidence. His interest is in data mining for anomalous or puzzling facts that can be amplified in a sensational way to confirm for his followers what they think they already know. In answer to a question from an audience member at La Sierra about his views on “amalgamation,” Veith made clear that his conspiracy theories and his “scientific” creationism are in fact deeply intertwined.

“Do you think the antideluvian world with its tremendous brain capacity was not as advanced as we are?” Veith asked (without waiting for any replies). After suggesting that the myth of the lost city of Atlantis is evidence for a hyper-advanced pre-flood civilization fully capable of conducting genetics experiments to blend human and animal DNA, Veith continued (from 6:40 here):

There are some that say that this great race to go to the moon and to discover what is on the moon and on the other side is perhaps a race to pick up some of the lost technology of the antideluvians, because if we could get there they surely got there. Maybe there’s something there. And it’s fascinating to me that in the space race it’s only the esoterics [sic] that take part. You have to be a high-ranking Freemason or a high-ranking Mormon in order to go to space. So there are all kinds of circumstantial evidences. Yes, I believe there was amalgamation and I believe that God destroyed that amalgamation and eventually he will destroy it again.

The harm done to Adventism’s name by such unscrupulous conspiracy evangelism and “scientific” creationism might tempt one to offer an elaborate counter-conspiracy theory (“thesis and antithesis”) to explain Veith himself. What better way for the secret societies to disorient Adventists and discredit the Adventist church, after all, than to dispatch someone like Veith expounding in Adventism’s name about how Nelson Mandela and Joseph Stalin are spiritual brothers in the same “club” controlled by Rome? Or how the Freemasons working at the bidding of Rome may well have journeyed to the moon in the 1960s in search of the lost technology of the antideluvians, since the pre-flood civilization of the days of Noah “surely got there” first? Is it really just a coincidence that “Veith” is the Germanized name for Vitus, who was one of the Fourteen Holy Helpers of the Roman Catholic Church and who also happens to be the patron saint of actors?

But of course the only sane answer to this question is, yes, it really is just a coincidence. To understand Walter Veith requires no conspiracy theory. What it does require is deeper understanding of fundamentalist expressions of Adventist apocalyptic identity nearly two centuries after their original formulation. It also requires, it seems to this observer, some theological discernment of the meaning of Christ’s words in the Gospel of Matthew: “Beware of the false prophets, who come to you in sheep’s clothing, but inwardly are ravenous wolves.”

Voir aussi:

Under Investigation for Antisemitism, Walter Veith Banned in Churches by European Adventist Leaders

Spectrum magazine

December 5, 2012

Walter Veith, a speaker for Amazing Discoveries™,* is under investigation by the German government regarding allegations of antisemitism and incitement of popular hatred [Volksverhetzung].

Because it is not clear who complained, Walter Veith has falsely lashed out at Spectrum and another independent Adventist magazine in Germany, EANN, edited by the former Euro-Africa Division communication director. EANN published an article, « Veith’s dangerous game with the Jewish question – a disturbing fact-check » on Veith’s talk titled « King of the North-Part 2. » In it Veith, a noted conspiracy theorist, mixed interpretations of the Bible with theories about Jesuit and Masonic roles in the Holocaust, offensive language about « little yellow cloth » and « herding » of Jews and a positive citation of Benjamin Freedman, a « professional antisemite » according to the Anti-Defemation League.

Not only has this drawn the attention of the authorities, but both German Unions and the Inter-European Division have issued statements prohibiting Veith from speaking in Adventist churches.

This has only played into Veith’s persecution complex as his public comments includes lists of Ellen White comments showing that this « violent opposition » of him is a sign of the last days. In a letter to the German Unions, Veith has appealed to his South African history as a campaigner against racism, credited the offense to his sloppy German while also doubling-down on his dualist worldview:

This is not a conspiracy theory but a prophetic reality and the Spirit of Prophecy warns that if we associate with those who war against Christ we will soon come to see matters in the same light as they and lose our discernment. I plead with you dear brethren to note the serious times we are living in and heed the warnings that God has so graciously given us through the Spirit of Prophecy.

The purpose of the lecture was to show that literal Israel (both physically and theologically) can in no way represent the ‘Spiritual Israel’ of the Bible and that any theological gymnastics to the contrary cannot negate this fact. Indeed this is the Advent position and stands contrary to most modern theological views held by other evangelicals. My purpose was not to attack the Jews but to defend the Advent position. Of necessity the Advent position will create controversy as it stands in juxtaposition to all other views. It is my sincere wish that that all people, including the Jews, will accept the Advent position which glorifies Christ and firmly establishes Him as Saviour and Ruler of the ‘Israel of God’.

Even in his apology, Veith shows the underlying anti-Jewish supersessionist idealogy that drives his conspiratorial gloss on Adventist theology. In mid-November, Adventist leaders in Germany, Switzerland and Austria issued the following statement (translated from the German):

We dissociate from such statements and conspiracy. . . Here is a speculative worldview, there is no basis in the Bible and it distracts from the real purpose of the gospel. Moreover, that the manner of the presentation is not an ethically justifiable way of dealing with other religions. The Adventist departments and communities are encouraged to ensure that such events take place neither in our name nor in our premises.

In a November 30 letter cc’ed to Ted Wilson, Bruno Vertallier, President of the Inter-European Division wrote the following:

The Inter-European Division’s Administrative Committee was profoundly disturbed by the contents of your presentation at the Seventh-day Adventist Church of Nurnberg-Marienberg in Germany, on October 20, 2012. The committee does not take lightly what you said for it is absolutely inappropriate to speak words like « yellow piece of clothing » and others in connection with the Jewish past. This is not the way we should speak about the Jews in the Seventh-day Adventist church. These comments have hurt people. I have personally tried on a few occasions to contact you by phone and e-mail to discuss this matter with you. However, I did not get a response from you. The committee acknowledges your apology concerning some of the expressions you used in association with the Jewish people. Understanding that, this is of the highest importance the committee asks you that you meet with the Inter-European Division’s officers during your next trip to our territories, so that we get some clarification on this issue and also about your theories regarding Freemasons and Jesuits amongst other topics.

Last year, in a Spectrum article that holds the record for comments—1383—Ron Osborn explored « The Dark Fantasy World of Walter Veith: »

The harm done to Adventism’s name by such unscrupulous conspiracy evangelism and “scientific” creationism might tempt one to offer an elaborate counter-conspiracy theory (“thesis and antithesis”) to explain Veith himself. What better way for the secret societies to disorient Adventists and discredit the Adventist church, after all, than to dispatch someone like Veith expounding in Adventism’s name about how Nelson Mandela and Joseph Stalin are spiritual brothers in the same “club” controlled by Rome? Or how the Freemasons working at the bidding of Rome may well have journeyed to the moon in the 1960s in search of the lost technology of the antideluvians, since the pre-flood civilization of the days of Noah “surely got there” first?  Is it really just a coincidence that “Veith” is the Germanized name for Vitus, who was one of the Fourteen Holy Helpers of the Roman Catholic Church and who also happens to be the patron saint of actors?

Image: Walter Veith doing a talk sponsored by the Beaumont Seventh-day Adventist church and presented at the Loma Linda Filipino church in 2011.

*This story was updated to reflect Walter Veith’s connection to Amazing Discoveries™, a media company that works closely with Walter Veith and a few other speakers to promote their presentations.

Voir également:

Intelligence artificielle. Un journal allemand demande à ChatGPT comment régler la guerre en UkraineLa “Berliner Zeitung” a fait appel au logiciel conversationnel pour trouver une solution permettant de rétablir la paix en Europe. Elle lui a notamment demandé d’écrire un accord de paix équilibré, placé sous le signe du compromis. Sans préciser les raisons d’une telle expérience.Courrier international11 avril 2023“L’intelligence artificielle peut-elle aider à résoudre la guerre en Ukraine ?” La Berliner Zeitung est partie de ce postulat et a demandé à ChatGPT de régler le conflit entre Moscou et Kiev. Le logiciel d’intelligence artificielle de la start-up américaine OpenAI “a donc écrit des lettres [aux présidents russe et ukrainien] Poutine et Zelensky et élaboré une proposition d’accord de paix”, assure le titre berlinois, dont l’un des dirigeants a signé une pétition demandant l’arrêt des livraisons d’armes en Ukraine par l’Allemagne. Le média n’a pas précisé les motivations qui l’ont poussé à se livrer à cette expérience.L’agent conversationnel devait, selon les indications du journal, demander aux deux camps de faire des compromis. Mais il avait aussi pour instruction de “parvenir à une situation aussi stable que possible, afin d’éviter toute résurgence du conflit”. Concernant le traité de paix, le programme d’intelligence artificielle devait endosser “le rôle neutre de meneur des négociations”. Les lettres écrites aux dirigeants ukrainien et russe devaient quant à elles imiter le style du gouvernement allemand.Statut spécial pour Donetsk et LouhanskMême s’il paraît aujourd’hui difficilement réalisable, l’accord de paix écrit par ChatGPT est sans doute le plus intéressant des documents générés par le logiciel. Il propose, entre autres, la mise en place d’un “cessez-le-feu immédiat et durable”, incluant le retrait des troupes vers “leurs positions d’avant le début de la guerre, en février 2022”.La Russie et l’Ukraine devraient, toujours selon le document élaboré par le logiciel, accepter la création d’“une zone démilitarisée le long de l’actuelle ligne de front”. Celle-ci pourrait être déterminée par un comité d’experts indépendants ainsi que par des représentants russes et ukrainiens, et elle pourrait rester sous la surveillance d’organisations internationales.Les régions de Donetsk et Louhansk, intégrées fin 2022 à la Fédération de Russie après des référendums non reconnus par les Occidentaux, devraient quant à elles demeurer ukrainiennes, tranche ChatGPT. Mais avec “un statut autonome particulier”, et à la condition que l’Ukraine s’engage à “respecter et défendre les droits des populations russophones dans ces régions”.La proposition du logiciel inclut des dispositions pour la reconstruction de l’Ukraine et pour la “normalisation des relations” entre les Russes et les Ukrainiens. Mais elle plaide surtout pour une reprise des discussions diplomatiques, afin de “favoriser le retour de la paix en Europe”.La rédaction de la Berliner Zeitung n’a pas précisé sa position vis-à-vis des documents produits par ChatGPT, se contentant de relayer les réponses de l’intelligence artificielle.

Les Gnostiques, libertaires de l’absolu
Jacques Lacarrière
Revue Planète

Si Basilide, Valentin ou Carpocrate revenaient parmi nous aujourd’hui, trouveraient-ils le monde tellement changé ? Ils constateraient sans nul doute que le Mal – selon eux – n’a pas régressé.
Dormons-nous depuis des millénaires ? Vivons-nous dans un univers de mirages où le réel n’est que le reflet d’un monde lui-même illusoire ? Et ce que nous appelons conscience n’est-elle pas en fait une inconscience, impuissante à rendre compte de notre condition ? Bref, vivons-nous vraiment ou sommes-nous pris dans un piège cosmique, une énorme machination qui a vicié nos corps, nos pensées, notre histoire pour nous interdire d’être vraiment des hommes ?
Ces questions, je les formule ici de façon schématique mais c’est bien en ces termes — parfois même d’une façon plus radicale encore — que les posèrent il. y a huit siècles quelques hommes appelés Gnostiques. Si leur histoire est méconnue, ce n’est pas seulement parce que leurs écrits, condamnés et brûlés par les Chrétiens sont aujourd’hui presque entièrement perdus. C’est aussi parce qu’il était dans la nature des questions qu’ils posèrent à l’énigme du monde qu’elles demeurent clandestines et secrètes. A seule fin de pouvoir survivre dans un temps où le christianisme vainqueur ne pouvait tolérer qu’on mit en doute ses propres dogmes et pourchassait les, maîtres et les communautés gnostiques comme autant de foyers d’hérésie.

Qu’est-ce donc qu’un gnostique ? Au sens large, c’est un homme qui sait. Gnostique vient du grec gnôsis, connaissance. Mais ce terme prit un sens plus particulier pour désigner un certain nombre de penseurs et de sectes qui, dès l’aube de notre ère, vécurent et enseignèrent en Egypte et dans le Proche-Orient. Le mot vient d’ailleurs des Chrétiens. Ce sont les auteurs chrétiens, les Pères de l’Eglise notamment, qui, par dérision, appelèrent Gnostiques ces hommes qui prétendaient détenir la véritable connaissance des mystères de la vie et du monde et rejetaient une grande partie de la prédication chrétienne. Car, le gnosticisme, malgré des emprunts évidents à certaines doctrines de son temps, fut avant tout une attitude originale, une pensée mutante, une réflexion inquisitrice et neuve sur le destin de l’homme et de la nature de l’univers. En quoi consistait-elle ?

Un seul problème domine la réflexion gnostique : celui du mal. Mais d’emblée il prend avec elle des dimensions inusitées. Le mal, pour le Gnostique, ce n’est pas le péché, ce n’est pas la condition de l’homme après la chute. C’est l’homme tout entier, l’univers, la matière, la chair, la pensée, la terre, les lois et les institutions, l’histoire, le temps, l’espace lui-même où nous vivons. C’est ce monde fait de matière, soumis aux contraintes de la pesanteur, de l’obscurité, du froid, de l’inertie et de la mort. C’est le tissu de l’univers — des atomes aux étoiles — pollué par la matière comme une mer sans fin où l’homme est enlisé. Et c’est avec la matière, ce qui en procède, en émane : la psyché, la pseudo conscience, frappée comme le corps des mêmes insuffisances, qui se heurte aux prisons des concepts, aux chimères du langage, aux catégories du mental inhérentes à sa finitude. Et c’est, au-delà de ces données premières, les produits de l’intellect humain, les systèmes, les lois, toutes les institutions qui ne sont là, en définitive, que pour consolider, armer et perpétuer l’injustice et la perversité innées de l’homme. Tout porte ainsi, dans le corps, dans l’âme et dans l’histoire, la marque de ce vice congénital de l’univers : la misère, la souffrance, la maladie, la mort, les guerres, les génocides, les inquisitions et le néant évident qui clôt le cycle des échecs. Le temps lui-même n’est qu’un produit de la matière maudite, le temps qui ne propose à son dépassement qu’une fausse éternité et nous enchaîne à l’éphémère : la croyance à l’histoire, au progrès eut semblé aux Gnostiques la pire des impostures. Le ciel lui-même, malgré son apparence infinie, éternelle, n’échappe pas à la loi de la servitude et de la corruption : le feu des étoiles s’éteindra dans la nuit cosmique, et l’espace étendra à jamais sur notre planète stérile cette muraille d’ombre, ce couvercle de ténèbres qui déjà ce nous enserre. Le ciel qui dépose lentement la sur la terre, à la façon d’une rouille céleste, la substance apesantie, opaque, inerte du les cosmos. « L’angoisse et la misère accompagne l’existence comme la rouille couvre le ce fer » dit Basilide, un des maîtres gnostiques. Telle est la première vision proposée à notre lucidité : celle d’un abîme obscur, séparé du de feu primordial par toute l’épaisseur des espaces infinis et qui emprisonne notre terre, astre moribond, épave engloutie dans l’abysse céleste.

Le vrai et le faux Dieu

D’où est née cette vision déprimante ? Pourquoi cette attention, portée au mal, à la misère, et cette obsession de la mort ? Cette attitude pourrait paraître inexplicable si elle n’était qu’une pure spéculation intellectuelle. Mais en réalité, elle procède d’un sentiment, d’une certitude : celui, celle des évidentes imperfections de l’homme, du caractère fini, limité, fragmenté, éphémère de sa chair et de ses pensées.

Mais elle implique aussi une exigence, une revendication : celles d’un homme différent, libéré, nanti d’une conscience véritable. Quiconque n’a jamais éprouvé en lui ce sentiment, cette angoisse devant l’éphémère, le relatif, quiconque accepte sans le moindre sursaut de révolte la mort de toute vie — celle d’un insecte comme celle de l’homme – ne peut comprendre l’angoisse existentielle des Gnostiques.

Et c’est pour y répondre – peut-être aussi pour l’apaiser – que quelques-uns d’entre eux conçurent, pour expliquer l’inexplicable et combattre l’inadmissible, un enseignement radical, qui devait tant scandaliser leurs contemporains. Cet enseignement repose sur un constat fort simple : l’évidence du mal. Cette évidence en implique une autre, plus nette encore : ce monde mauvais ne peut être l’oeuvre de Dieu. C’est en réfléchissant sur la Bible et surtout sur la Genèse que les premiers Gnostiques furent amenés à poser ce principe émancipateur, qui les exclut de toute communauté chrétienne et les rejeta en marge de toutes les églises : Jehovah-Yahweh-Elohim, le dieu créateur de l’Ancien Testament, est en réalité un faux dieu, un simple démiurge qui a usurpé la fonction créatrice du Dieu suprême. Apprenti sorcier des astres et de la vie, il a mis au monde une créature imparfaite — l’homme — un univers soumis à la corruption et à la mort, Il a créé une oeuvre manquée. La preuve en est qu’à tout moment, il doit intervenir dans cette création malheureuse pour la modifier, la corriger, l’améliorer. Il doit sévir aussi contre les initiatives de l’homme, contraint de se « débrouiller » comme il peut dans un monde inadapté à ses besoins. Rien d’étonnant que toute l’histoire humaine, telle que la relate la Bible, ne soit qu’une suite de meurtres, de génocides, d’interventions répressives du faux-Dieu, de déluges, d’exterminations, de foudroiements, et pour finir, d’apocalypses.

Rien d’étonnant non plus à ce que le premier édit, du faux-Dieu, proclamé au temps de l’Eden, soit justement un interdit, un Non scandaleux, arbitraire opposé au désir adamique de connaissance, Seul le Serpent y a vu clair qui d’emblée s’est dressé contre l’interdiction répressive du démiurge pour transmettre à l’homme – en le faisant mordre au fruit défendu du savoir — une parcelle de la connaissance salvatrice. C’est à lui que nous devons de ne pas vivre entièrement dans les ténèbres de l’ignorance, d’avoir conservée la mémoire de la trahison primordiale, de l’imposture originelle qu’est notre présence en ce monde, de savoir au fond qui nous sommes et pourquoi nous sommes imparfaits. Ce qui explique que nombre de Gnostiques aient vu dans le Serpent le premier rebelle et le premier sauveur du genre humain, et aussi le premier initié de l’histoire terrestre.

Nous sommes tous des prématurés

Toute la réflexion gnostique part donc de ce postulat : nous sommes les produits d’une création manquée, le résultat d’une initiative désastreuse d’un démiurge qui s’est pris pour Dieu et qui continue de tromper le monde qu’il gouverne. Mais les Gnostiques ne se contentèrent pas d’interpréter la Bible dans un sens dualiste — comme le récit d’une fausse création — ils ont alimenté leurs réflexions de leurs propres spéculations sur cet instant premier de notre préhistoire céleste. Quelques-uns d’entre eux, comme Basilide et Valentin qui fondèrent à Alexandrie, au cours du second siècle de notre ère, des écoles importantes, revinrent en détail sur ce moment crucial de la genèse de l’homme et proposèrent leur propre schéma cosmique. Ce schéma comporte de nombreuses variantes mais toutes racontent en définitive une histoire identique : celle de la chute, de l’enlisement progressif de l’homme dans la matière terrestre.

Car l’homme procède d’une image lumineuse et numineuse, jaillie à l’aurore des temps, dans la virginité du cosmos incréé, dans l’esprit du vrai Dieu, aujourd’hui méconnu, oublié, séparé de la terre et de Flemme par les abîmes du ciel, les cercles enflammés des astres et les nappes du temps. Cet Anthropos mentalement conçu, les Eons le perçurent et en furent éblouis. Qui étaient les Eons ? Des créatures immatérielles, éternelles (aiôn signifie éternel en grec), compagnes du vrai Dieu, des anges donc ou plutôt des archontes, comme les nomment aussi les gnostiques, c’est-à-dire des entités principales, qui aussitôt voulurent reproduire, imiter cette image radieuse de l’homme. Mais, démunis de la parole de vie, ifs ne réussirent à créer qu’un être imparfait lombriforme, qui sous leurs yeux, se mit à vivre d’une existence purement végétative, et à « se tortiller sur le sol comme un ver ». Lombric, ver, amphibien peut-être (un texte gnostique dit curieusement que ce premier Ancêtre « se débattait dans les eaux noires »), l’homme n’était qu’un monstrueux foetus, une triste caricature de l’Anthropos conçu par Dieu. Ce dernier le prit néanmoins en pitié et lui insuffla la parole de vie, pour parfaire l’oeuvre manquée des Eons. L’homme put se dresser sur ses jambes, parachever sa forme anthropienne et parler l’homme bipédus, sapiens et loquens était né.
Telle est, grossièrement résumée, l’histoire de notre origine : nous sommes une sorte de ver rectifié, un foetus jeté avant terme dans les déserts de l’univers, une créature organiquement et psychiquement prématurée.
Cette histoire ou plutôt ce mythe cauchemardesque ne cessa d’être enrichi par la spéculation gnostique. Il explique en tout cas de façon radicale notre état d’immature: nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes — pour reprendre une image entomologique — que des imagos d’hommes. Ce mythe explique aussi pourquoi – bien que nés prématurément, d’une expérience présomptueuse des Eons accomplie sur une matière vivante encore en gestation — réside en nous une étincelle, un fragment du Feu divin, une émulsion de lumière divine. Cette émulsion, les Gnostiques croyaient l’entrevoir dans le fond de la pupille humaine. C’est là, d’après certains, dans cet abîme obscur, microcosmique, de l’ail, que résidait l’empreinte infime mais perceptible laissée par la splendeur du vrai Dieu. Et l’on peut voir alors, en partant des prémices de ce mythe, en quoi consistait l’enseignement gnostique : à restituer à l’homme sa maturité véritable, sa plénitude inachevée, à le contraindre à naître véritablement au monde, pour effacer les traces de sa première et désastreuse naissance. Tels sont d’ailleurs les deux sens du mot ptôsis : une connaissance (la connaissance de notre véritable histoire, de notre vraie nature) et une naissance (génésis en grec) qui doit faire de nous des êtres enfin adultes.

Mener une contre-vie

Mais l’essentiel de l’aventure gnostique, c’est l’attitude concrète qu’ils adoptèrent à partir de ce schéma mythique. Puisque tout, absolument tout, en ce monde est vicié et porte en soi l’empreinte d’une imposture universelle, l’homme ne pourra échapper aux illusions du monde, atteindre le vrai savoir et retrouver sa vraie nature qu’en prenant en tous points le contre-pied de la création. Tout ce qui peut consolider, perpétuer, accroître le monde matériel ne fait qu’augmenter l’épaisseur des obstacles et la densité des ténèbres qui nous séparent du vrai Dieu. Il faut donc refuser l’emprise de la chair — par l’ascèse ou par la libre pratique des activités érotiques — refuser la procréation (car procréer c’est ajouter une fausse vie à toutes celles qui existent déjà, augmenter la matière du cosmos}, refuser aussi toutes les lois et institutions dont le but avoué ou inavoué est de maintenir, de conserver les structures viciées de ce monde les nations, les états, les églises sont des conceptions limitées, marquées du sceau inhibiteur de la fragmentation qui s’oppose à l’élan unificateur qui seul peut assurer le salut de l’homme en tant qu’espèce. Les premiers, les Gnostiques se sont clairement proclamés des citoyens du monde, des terriens à part entière. Et ils ont magnifié fatalement tous ceux qui, dans l’histoire terrestre et cosmique, se sont dressés contre l’ordre aliénant de cette création : le Serpent, Lucifer, Caïn (qui s’opposa, en tuant son frère Abel à l’ordre familial fondé sur les liens du sang, la véritable famille étant pour l’homme de nature spirituelle), Seth, le troisième fils d’Adam, bref les grands rebelles qui furent les seuls à connaître ou à deviner le vrai Dieu. L’homme est un étranger sur terre, détenteur d’une lumière venue d’ailleurs, il est au monde mais il n’est pas du monde et c’est pourquoi tous ses efforts doivent tendre à fuir les pièges de la chair, les prisons de la terre et la ronde absurde des astres pour retrouver la plénitude originelle et regagner sa patrie perdue.
Reste à savoir comment, dans l’histoire à laquelle ils ne purent échapper, malgré leur refus du temps, les Gnostiques ont exprimé ces convictions. Il est facile de deviner que leur attitude radicale envers le monde, leur affranchissement total, à l’égard de toutes les doctrines et de toutes les morales devaient leur valoir maints déboires et l’hostilité générale de leurs contemporains. Leurs oeuvres elles-mêmes n’échappèrent pas à cette hostilité. La plupart ont toutes disparu, à l’exception d’un petit nombre retrouvé en Egypte. Tout ce qu’on peut savoir de la pensée gnostique repose en grande partie sur les témoignages, toujours agressifs, des Pères de l’église qui dénoncèrent leur hérésie.

Hélène ou la Sagesse venue des cieux

La gnose apparaît dans l’histoire dès les premiers siècles du christianisme, prêchée par un personnage que mentionnent les Actes des Apôtres du nom de Simon le Mage. On y trouve déjà les principes essentiels qui la caractérisent : la création du monde est l’oeuvre d’un faux Dieu, le vrai Dieu est inconnu de l’homme, le monde n’est là que pour le séparer de Lui. Pour Simon le Mage, le seul moyen pour l’homme de briser l’illusion du monde et d’atteindre à la plénitude est de vivre librement ses désirs. Le désir, sous toutes ses formes, est la seule part divine qui réside en l’être humain. Il y apparaît sous sa forme physique — par le sang et la semence — et sous sa forme psychique, par ce feu, cette étincelle déposée par Dieu. C’est donc en le développant, en l’intensifiant, en l’exprimant totalement, que l’homme aura des chances de retourner à son origine. L’union des âmes et des corps, voilà pour Simon la gnose et la voie du salut. Lui-même pratiquait l’une et l’autre avec application.
Il parcourait les routes de Samarie et d’Anatolie en compagnie d’une femme du nom d’Hélène, ancienne prostituée découverte dans un bouge de Tyr et qui était, selon lui, la sagesse suprême descendue du ciel, sur la terre. Des disciples ne tardèrent pas à se former autour du couple, vivant en union libre et pratiquant probablement des exercices ascétiques qui leur conférèrent certains pouvoirs. Les Actes des Apôtres mentionnent les « prodiges » que le couple opérait. Les légendes qui circulèrent par la suite sur la mort de Simon le Mage attestent elles aussi la fascination ambiguë exercée par ce personnage — mage ou sage, on ne sait — : il se serait élevé vers le ciel et aurait chu à la suite d’une intervention de l’apôtre Pierre, jaloux de ses pouvoirs.

Mais c’est surtout au siècle suivant, au second siècle donc, que le gnosticisme connut son plein épanouissement. De nombreux maîtres prêchèrent à Alexandrie et les sectes y connurent une floraison inespérée, Basilide, Valentin, Carpocrate sont les trois plus connus d’entre eux. Ils prêchaient et écrivaient en grec et recrutèrent, parmi les milieux hellénisés de la ville, un nombre important de disciples.

Ce qui les caractérise, c’est avant tout leur immense érudition. Ils possèdent à fond les philosophes grecs, la Bible, les auteurs orientaux, les textes hermétiques. Pour eux, l’histoire de l’humanité est celle des errances de l’homme, c’est une histoire de ténèbres, un devenir aveugle où seuls quelques illuminés perçurent la vérité et l’existence du Dieu caché. C’est pourquoi ils empruntèrent indifféremment aux philosophes grecs comme Platon, Pythagore, Aristote, à des figures mythiques comme Orphée, Prométhée, Hermès ou Seth, à tel ou tel texte d’auteur hermétiste, les éléments de leur vision du monde.

Cette vision s’exprime à travers les mythes étonnants que nous avons décrits mais avec un tel luxe de détails, une telle foule d’Eons, d’archontes, d’entités sublunaires, supralunaires, cosmiques et hypercosmiques que leur cosmologie apparaît comme une tragédie fantastique et complexe qui aboutit à la naissance prématurée, involontaire de l’homme. Certains auteurs chrétiens se sont gaussés à juste titre du caractère confus, parfois inextricable, de leurs spéculations. Mais derrière ces constructions savantes perce une exigence profonde, un désir intense de saisir, jusque dans ses rouages les plus ténus, le mécanisme de l’erreur primordiale, les raisons de la solitude et de l’angoisse humaines.

Les trois états de l’homme

Et leur implication est nette : il faut briser les lois du monde, refuser de collaborer au devenir d’une matière corrompue, d’un temps vicié dans sa substance, d’un espace contaminé par la présence du faux Dieu. Il faut violer toutes les lois du monde, stopper l’engrenage fatal, démanteler l’édifice organique et mental de l’homme, pour le réveiller de son inertie asphyxiante, de ce sommeil de l’âme au sein duquel il est plongé depuis son origine. Bref, pour reprendre une expression connue, pratiquer un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens, mener, en tous domaines, une contre-vie.
Pour Valentin, les étapes de cette libération passent par trois stades. Le premier est celui de l’homme matériel, l’homme hylique, attaché aux plaisirs et aux biens de ce monde, qui vit dans l’inconscience et dont la seule issue possible est le néant. Rivé à la terre, faute d’avoir acquis en ce monde la conscience de son véritable état, il y retournera inéluctablement à sa mort.
Le second, c’est celui de l’homme psychique, qui, par la voie des philosophies, de certaines religions comme le christianisme, et d’une ascèse appropriée s’est dégagé partiellement de la gangue corporelle. Il a acquis un principe pensant, une psyché mais faute de posséder la gnose, il demeure étranger à la vérité. Cet état est celui des Chrétiens, notamment, dont l’âme, après la mort, sera contrainte d’errer dans les espaces sublunaires, loin du vrai Dieu.
L’ultime état, c’est celui que seul peut obtenir la gnose, celui de l’homme pneumatique, c’est-à-dire détenteur de l’esprit, du pneuma divin. Il est alors totalement affranchi de tous les liens avec la matière de ce monde, car selon les propres termes de Valentin, il a « tué en lui la mort» et il « est devenu un être indestructible ».

Cette sotériologie rend un son familier. Ces principes, les Gnostiques ne furent pas les seuls à les proclamer et l’on peut retrouver, dans le tantrisme indien, notamment, une attitude très proche. Mais ce qui caractérise l’attitude gnostique et lui confère un sens très particulier, ce sont les méthodes, les techniques libératrices que certains ont prônées pour parvenir à l’état pneumatique. Car le problème est simple et il exige, pour être résolu, un peu de logique et beaucoup de courage. Pour échapper au mal, l’ascèse est. une voie possible mais elle n’est pas la seule.

La voie la plus radicale consiste justement, pour dominer le mal, à en épuiser la substance, à le pratiquer systématiquement pour rendre aux maîtres de ce monde, le tribut qui leur est dû et s’affranchir ainsi de leur tutelle. Idée singulière mais qui repose sur un principe logique, celui d’une ascèse homéopathique : lutter contre le mal avec ses propres armes.
Carpocrate, un gnostique d’Alexandrie, enseigne donc que la libération de l’homme ne peut se faire qu’en violant systématiquement toutes les lois de ce monde. La première, c’est la loi de division, de séparation, de fragmentation qui émiette et multiplie les supports matériels du mal. Il faut vivre en communauté, créer une conscience collective contre l’ennemi commun. La seconde, c’est l’attachement aux biens du monde, l’appropriation de ses richesses qui fragmentent l’unité première et perpétuent l’injustice. Il faut donc refuser la propriété, pratiquer la communauté des biens. La troisième, ce sont les institutions scandaleuses et aliénatrices du mariage, de la famille, de l’Etat, des églises, qui consolident la fragmentation, pétrifient le libre échange, la libre communion des corps et des âmes. Il faut donc pratiquer l’union libre et la communauté des femmes. La dernière enfin — et la plus redoutable — ce sont les interdits qui pèsent sur le sexe — le conditionnement de l’amour, la prohibition de la sodomie, de l’inceste, l’incitation à la procréation qui, toutes, détournent le désir de sa vraie voie. On pratiquera donc l’inceste, la sodomie, le coïtus interruptus pour éviter la fécondation et, en cas « d’accident », l’avortement.

Une orgie gnostique

De tous les enseignements gnostiques, c’est évidemment ce dernier domaine qui devait
provoquer, chez les Chrétiens, la fureur et la consternation. Cette incitation à l’union libre, ce « viol » du mariage, ce refus de l’amour en tant que sentiment et cette exaltation de l’éros en tant que feu divin, bref, cette révolution totale pratiquée sur et par le sexe, devaient conférer à certains gnostiques une réputation qui ne les quittera plus et dont on perçoit aujourd’hui encore, l’écho horrifié dans les ouvrages contemporains. Un certain nombre d’auteurs chrétiens ont apporté en tout cas sur ces pratiques singulières, ces « orgies » scandaleuses, un témoignage assez précis pour qu’on ne puisse douter de leur réalité. L’un d’eux surtout, saint Epiphane, venu à Alexandrie au IV° siècle pour suivre l’enseignement des maîtres chrétiens, tomba, selon ses propres dires, dans les filets d’une secte gnostique. Il nous transmit , ainsi le seul témoignage de visu de ces rites « licencieux », dont il sortit si horrifié qu’il s’empressa d’aller dénoncer la secte à l’évêque d’Alexandrie.
Que vit exactement Epiphane ? « Quand ils se sont bien repus et se sont, si je puis dire. rempli les veines d’un surplus de puissance, ils passent à la débauche. L’homme quitte sa place à côté de sa femme et dit, à celle-ci : « Lève-toi et accomplis l’agapè (l’union d’amour)
avec le frère ». Les malheureux se mettent alors à forniquer tous ensemble… Une fois qu’ils se sont unis, comme si ce crime de prostitution ne leur suffisait pas, ils élèvent vers le ciel leur propre ignominie : l’homme et la femme recueillent dans leur main le sperme de l’homme, s’avancent les yeux au ciel et. leur ignominie dans les mains, l’offrent au Père en disant : « Nous t’offrons ce don, le corps du Christ ». Puis ils mangent et communient avec leur propre sperme. Ils font exactement de même avec les menstrues de la femme. Ils recueillent le sang de son impureté et y communient de la même manière. Mais tout en pratiquant ces promiscuités, ils enseignent qu’il ne faut pas procréer d’enfants. C’est par pure volupté qu’ils pratiquent ces actes honteux. »

Les Gnostiques en question, toutefois, ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Au cours de ces orgies, des « accidents » sont inévitables. Que se passe-t-il alors ? « Lorsque l’un d’eux a par erreur laissé sa semence pénétrer trop avant et que la femme tombe enceinte, écoutez les horreurs qu’ils commettent. Ils extirpent l’embryon dès qu’ils peuvent le saisir avec les doigts, prennent cet avorton, le pilent dans une sorte de mortier, y mélangent du miel, du poivre, et différents condiments ainsi que des huiles parfumées pour conjurer le dégoût puis ils se réunissent et chacun communie de ses doigts avec cette pâtée d’avorton en terminant par cette prière : « Nous n’avons pas permis à l’Archonte de la volupté de se jouer de nous mais nous avons recueilli l’erreur du frère ». Voilà, à leurs yeux la Pâque parfaite. Mais ils pratiquent encore d’autres abominations. Lorsque, dans leurs réunions, ils entrent en extase, ils barbouillent leurs mains avec la honte de leur sperme, l’étendent partout, et les mains ainsi souillées et le corps entièrement nu, ils prient pour obtenir, par cette action, le libre accès auprès de Dieu ».

Une étrange initiation

C’est là évidemment un mode de prière assez. peu usité. On comprend qu’il ait pu horrifier les Chrétiens mais il mérite tout de même, de notre part, une réflexion., plus objective. Ce qu’ignore saint Epiphane ou qu’il feint d’ignorer, c’est le sens profond ou second de ces pratiques, dont certaines tournaient peut-être à l’orgie pure et simple, mais qui ne sont jamais que l’illustration révélatrice par son excès même de l’attitude gnostique devant l’enfer du monde. Derrière cette exaltation forcenée du désir érotique, se profilent les mythes, les archétypes qui les justifient et les fondent. Et on retrouve cette propension typiquement gnostique à inverser toutes les valeurs de ce monde, à vivre une contre-vie, à fonder une contre-histoire en exaltant tes grands rebelles.

D’autres sectes, qui vécurent à la même époque et qui s’appelaient les Ophites, les Pérates, les Séthiens, pratiquaient le culte du Serpent. Ils élevaient un serpent apprivoisé qu’on déposait sur les pains destinés à la communion et qui les consacrait par ce seul contact.
D’autres, les Caïnites, voyaient en Caïn le premier initié qui avait tenté de s’opposer aux commandements du faux Dieu. Ce refus des valeurs et des institutions traditionnelles, certains Gnostiques l’exprimaient parfois sur des terrains moins scandaleux. Les Saccophores, par exemple, allaient vêtus de sacs, le vêtement étant pour eux le signe majeur de l’aliénation sociale. D’autres, les Adamites, se réunissaient nus pour prier. D’autres enfin, les Phibionites, pratiquaient chaque jour l’union sexuelle avec une femme différente. Les Eons dominateurs du monde étant au nombre de 365, d’après leur cosmologie, il fallait rendre à chacun son dû. Au ternie de cette étrange initiation, le postulant devenait un homme pneumatique, désormais délivré de l’emprise de la chair.
On voit que toutes ces voies, aussi surprenantes soient-elles, mènent toutes vers un but unique et émancipateur : tout connaître, tout éprouver, faire l’expérience totale et absolue de tous les possibles. C’est là sans doute une exigence luciférienne. Mais elle devait conduire les Gnostiques au seuil de vérités jusqu’alors ignorées, leur faire franchir les portes de bien des mondes interdits. C’est en cela peut-être que leur attitude et pleur sensibilité demeurent étonnamment modernes. Car ils furent les premiers à entrevoir qu’aucune émancipation réelle n’est possible, aucune révolution véritablement positive, si elle n’est totalement libertaire, si elle ne lève pas d’abord tous les interdits pesant sur l’homme.

Bibliographie sur les Gnostiques

La plupart des textes gnostiques figurent, en tant qu’extraits, dans les oeuvres des Pères de l’Eglise des premiers siècles : saint Justin, saint Irénée, saint Hippolyte de Rome et saint Epiphane de Chypre. Un certain nombre de textes authentiques existent et ont été traduits, depuis un demi-siècle. La plupart d’entre eux sont reproduits dans les ouvrages cités ici :
• Jean Doresse :
Les livres secrets des Gnostiques d’Egypte
Tome 1 – Introduction à la littérature gnostique.
Tome 2 – Les manuscrits de Nag-Hammadi et l’Evangile de Thomas.
(Plon, 1958-1963).
• H. Leisengang
La gnose (Payot, 1951)
• S. Hutin
Les Gnostiques (Que sais-je ? P.U.F. 1963).
• Robert M. Grant :
La gnose et les origines chrétiennes (Le seuil, 1964).

COMPLEMENT:

Le wokisme est un complotisme (sans comploteurs)

Qu’est-ce que le wokisme ? Commençons par définir le terme : le wokisme est une idéologie qui perçoit les sociétés occidentales comme étant fondamentalement régies par des structures de pouvoir, des hiérarchies de domination, des systèmes d’oppression qui auraient pour but, ou en tout cas pour effet, « d’inférioriser » l’Autre, c’est-à-dire la figure de la minorité sous toutes ses formes (sexuelle, religieuse, ethnique etc.) par des moyens souvent invisibles. Le « woke » est celui qui est éveillé à cette réalité néfaste et qui se donne pour mission de « conscientiser » les autres.

En quoi serait-ce un complotisme ?

Il faut d’abord essayer de comprendre la psychologie dissidente.

Trois principes gouvernent la psyché du dissident :

  1. Je pense que je suis bon (principe d’estime de soi/élitiste).
  2. Je sais que le monde est mauvais (diagnostic sociétal).
  3. Je suis contre ce monde (principe d’opposition).

Combinez deux d’entre elles sous forme de postulats et vous serez systématiquement obligés d’accepter la troisième en conclusion. L’estime de soi du dissident dépend donc de la nocivité fondamentale du monde, ce qui interdit tout émerveillement ou gratitude, et favorise grandement le ressentiment.

Cette posture possède néanmoins plusieurs avantages.

En parlant de la branche indigéniste du mouvement woke le philosophe Pierre-André Taguieff souligne la déresponsabilisation que permet cette manière de penser, car l’individu est poussé à externaliser ses échecs afin de les mettre sur le dos « du système » : « La responsabilité individuelle est évacuée : c’est le système qui dirige tout, les pensées, les sentiments et les actions des individus, simples marionnettes. ».

Elle offre également la possibilité de se mettre à distance de ce « système » – entité maléfique et floue, aux forces aussi difficilement cernables qu’omnipotentes – tout en se trouvant une raison d’agir dans le monde : agir contre ce monde. Ce faisant, on peut se respecter moralement, et à relativement peu de frais.

Le Système nous ment

Cette logique « systémique » se révèle omniprésente dans le logiciel woke.

Il faut se tourner pour mieux le comprendre vers le concept de « Savoir-Pouvoir » chez Michel Foucault :

« Le pouvoir produit du savoir (et pas simplement en le favorisant parce qu’il le sert ou en l’appliquant parce qu’il est utile) ; que pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un l’autre ; qu’il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir ».

La lecture woke faite de cet extrait ressemble furieusement au fameux slogan complotiste « ce que ILS ne veulent pas que vous sachiez ». Le pouvoir, le système, censure tout ce qui « dérange ».

Ainsi, dans l’esprit de certains penseurs des « disability studies », c’est « le système » qui fait que l’on perçoit les troubles psychologiques comme étant « anormaux » et qui véhicule des idées néfastes.

Une activiste de ce domaine affirmait par exemple :

« Je ne crois pas qu’il faille donner le pouvoir au complexe médico-industriel et à son monopole de définir et de déterminer qui est considéré comme autiste et qui ne l’est pas ».

Car ce système nous ment forcément, et l’on voit ici que la cohérence interne du complotisme est moins importante que la posture dissidente. Ainsi, on a pu constater récemment que lorsque les extraterrestres n’étaient pas mentionnés par le gouvernement états-unien, c’était la preuve qu’ils existaient, tandis que désormais, leur mention serait presque en soi la preuve de leur non-existence ; une tactique de « diversion » de la part des politiques pour « nous cacher les vrais sujets » (dont faisaient partie hier encore les extraterrestres).

Pour le formuler autrement, si la cohérence positive interne des militants dans les deux cas n’existe pas réellement, ils possèdent néanmoins une unité négative : « la lutte contre le système ».

Le Complot est une poupée russe

De la même façon, le complotiste ne croit pas à un complot juif, à un complot franc-maçon, et à un complot reptilien qui entreraient en conflit.

Les complots doivent s’emboîter verticalement, et non simplement s’additionner horizontalement. D’une certaine façon, pour le complotiste, les complots n’existent pas, car ils sont dissous dans Le Complot, qui Lui existe bien. Le complot juif aide le complot franc-maçon, qui lui-même est tenu par les reptiliens. Ils doivent former un tout cohérent, voire hiérarchique, sans dissensions internes, et aux intérêts parfaitement convergents.

Tout ceci s’aperçoit aisément au sein du schéma intersectionnel.

Il n’y a pas d’un côté le « réseau masculin » qui lutterait pour davantage de pouvoir face à la « tribu hétérosexuelle » et contre le « clan blanc », mais plutôt une espèce d’hydre masculino-hétéro-blanche qui dominerait tous les opprimés, qui se retrouvent eux aussi fusionnés d’un même geste de résistance en un ensemble cohérent. Ces nouveaux Damnés de la Terre (bloc dont l’unité est naturellement, elle aussi, très largement imaginée) ont pour devoir de lutter contre « le système hétéro-patriarcal blanc », facteur explicatif de toutes leurs souffrances.

Cette clef de lecture totalisante permet à celui qui la possède de croire à sa supériorité morale et intellectuelle. Celui qui a compris peut toiser de haut ceux qui n’ont pas compris ; celui qui est éveillé mépriser ceux qui sont endormis. Ces derniers, qu’ils soient classés dans le camp des bourreaux ou des victimes, ne peuvent globalement rien apporter de sensé à la conversation.

Comme dans tout complotisme, la possibilité d’un désaccord bienveillant ou étayé est rejetée d’avance.

Sauver les « dominés », qu’ils le veuillent ou non

En effet, le « dominant » qui n’est pas d’accord est naïf et ignorant, car il a grandi dans des sociétés occidentales sexistes et racistes, et tel le poisson qui ne perçoit pas l’eau dans laquelle il a toujours baigné, il serait incapable de percevoir le mal dont il est issu et qu’il propage.

Dans certains cas, ses paroles seront réduites à des stratégies pour conserver son pouvoir et ses « privilèges ». Le « dominé » qui affiche son désaccord avec l’idéologie qui se permet de parler en son nom sera quant à lui accusé de souffrir d’une forme de syndrome de Stockholm, ou alors d’avoir intériorisé les dogmes du système en place au point de ne plus pouvoir s’en défaire.

Ainsi, une femme qui sera en désaccord avec une théorie woke souffrira probablement « d’internalised misogyny », tout comme un noir anti-woke aura intégré le racisme de la classe dominante. Le ad hominem devient officiellement un argument valide, et l’infalsifiabilité du propos s’institutionnalise au sein de la logique intersectionnelle. Celui qui conteste la théorie sera systématiquement naïf/ignorant ou cynique/cruel.

Cette posture moralo-intellectuelle se révèle non seulement arrogante, mais profondément addictive, à tel point que celui qui l’apprivoise aura bien du mal à s’en défaire, même lorsque sa théorie entrera en conflit avec ceux qu’elle prétend plaindre et défendre.

Prenons l’exemple de la Théorie Critique de la Race, particulièrement influente aux États-Unis (voire désormais en France). Cette dernière n’est autre qu’une théorie du complot qui défend l’idée selon laquelle les blancs, à la fois par le passé (ce qui pourrait se défendre) mais également aujourd’hui (ce qui est faux), auraient organisé la société spécifiquement afin de faire en sorte qu’elle produise des disparités raciales (le « racisme systémique ») en leur faveur. Outre le fait qu’on pourrait parfaitement remplacer « les blancs » par « les Juifs » pour se rendre compte de la teneur réelle du propos, elle met régulièrement ses théoriciens en porte-à-faux avec leurs cibles.

Aux États-Unis – pays censé être dominé par ce « racisme systémique » omnipotent, étouffant, créé par et pour les blancs – les Asiatiques et les Juifs se débrouillent pourtant remarquablement bien.

Comment est-ce que le wokisme réagit face à cette réalité dérangeante ?

C’est ici que ce mouvement révèle sa nature profonde, car il témoigne d’une volonté de « sacrifier » ces minorités pour mieux préserver sa cause. Les Asiatiques et les Juifs en Amérique sont désormais traités de « white adjacent », c’est-à-dire de de « proto-blancs », de quasi-blancs, déjà proche de la « blanchité », qui fait office de mal suprême. Symboliquement, cette proximité les déchoit de leur statut de « minoritaire ». Le racisme anti-asiatique et l’antisémitisme pourraient ainsi progressivement à terme être perçus comme de courageuses postures dissidentes à l’encontre du « système blanc ».

Complot sans comploteurs

Cette hypothèse du « racisme systémique » postule ainsi que le racisme, système totalisant plutôt que comportement individuel, peut fonctionner sans racistes.

De la même façon, le « sexisme systémique » ne nécessite pas de sexistes pour se perpétuer. Toute disparité statistique dans un domaine donné sera jugée comme une preuve en soi du problème « systémique » dudit domaine. Nous voyons là la particularité du wokisme parmi les complotismes : son complot peut fonctionner sans comploteurs.

Évidemment, un rapide coup d’œil sur Twitter permettra rapidement de voir qu’ils ne sont pas pour autant allergiques à un bon vieux phénomène de boucs émissaires et d’annulations, mais il n’en demeure pas moins que les forces de l’ombre peuvent maintenir ou accroître leur puissance sans « mangemorts » à temps plein. Cela offre à l’idéologie woke un avantage non-négligeable car elle permet de « s’absoudre » de la charge de la preuve ; on a plus besoin de donner d’exemples d’actes ou de comportements racistes pour user de cette étiquette infâmante une fois qu’elle est transformée en système. Pour filer la comparaison, le complotiste ici peut expliquer la pertinence de sa théorie sans avoir besoin de « l’étayer » en faisant référence à des actes précis de Bill Gates ou de Rockefeller.

De ce point de vue, l’essor concomitant du complotisme woke et des autres complotismes annonce non pas un monde « désenchanté » au sens wéberien du terme, mais plutôt « réenchanté négativement ». Des forces obscures tirent les ficelles en arrière-plan tout en dissimulant les traces de leur influence maléfique au sein du « Système », cette entité obscure qu’elles auraient créé à leur image. Pour ces militants, la jolie scène cache nécessairement des coulisses peu reluisantes.

Ils semblent dire à chaque instant : « Ce que je perçois n’est qu’une façade, je compte la démasquer, afin de percevoir ce qu’il y a derrière tout cela ».

L’émerveillé et le naïf ne font qu’un. Esprit critique et cynisme permanent se confondent. À eux, on ne la fait pas.

Enfin, pour terminer, le complotisme comme le wokisme fonctionnent comme des trains sans frein. Pour le dire autrement, la notion « d’aller trop loin » leur est nécessairement étrangère. Lorsqu’un complotiste vous dit que nous ne sommes pas allés sur la Lune, vous pourrez toujours lui répondre d’un air sceptique : « La « Lune » … ? ». Il s’empressera alors de ne pas se laisser déborder et de détailler la nature purement holographique de cette dernière.

De la même façon, le wokisme ne peut que se radicaliser, et celui qui fera l’éloge des transitions de genre à dix-huit ans risquera rapidement de se faire dépasser par des propositions de transition à quinze, treize, neuf, six ans etc.

Pourtant, il suffirait d’un peu de courage pour s’opposer à ces idéologies infalsifiables. Mais ça, « ILS » ne veulent pas que vous le sachiez…


Musique: Ni rouge ni mort (Why you probably never heard of one-of-a-kind Jean-Pax Méfret: « chanteur engagé « with over 300 songs and 50-plus year career, former Figaro journalist and staunch anti-communist with a populist and military-like following, deeply patriotic and devout Christian with a pied noir background and a very strong nostalgia for Algeria)

8 juin, 2021

Rudi Dutschke - Lieber rot als tot | StaatsReport | Flickr

Musique : l'indémodable Jean-Pax

Puisque la guitare est devenue une arme […] Puisque l’un de vous a chanté Potemkine Moi je viens chanter Soljenytsine […] Je chante contre le Grand Soir […] Je chante pour l’Occident. Jean-Pax Méfret
Je viens le dire très fort, ma devise, c’est ni rouge, ni mort ! J’ n’ai pas l’frisson du pacifisme Face aux armées du communisme, pour qu’il n’y ai plus d’autres Boeings, je crie « Bienvenue aux Pershings » ! Jean-Pax Méfret
Quand les droits des hommes sont en danger, c’est toujours vers l’ouest que le peuple s’évade, garde ça en mémoire, camarade, quand tu vas défiler pour la paix, et demande aux Afghans, camarade, toi qui parle pour les peuples opprimés car le sang des enfants tués à la grenade a la couleur de tes idées. Jean-Pax Méfret
Sous les pavés, ‘y a la plage, elle aimait bien cette image, elle ne chantait que des chansons de Dylan, elle ne parlait que de la guerre du Vietnam, San Francisco, Katmandou, Woodstock, Hanoï et Moscou, c’était sa géographie, ses frontières, toute sa vie, quand les maisons bleues accrochées aux collines la faisaient planer jusqu’au mont de Palestine, manipulation sur fond de mélodie, la nuit, sur l’île Saint-Louis, fini, le temps du Népal, plus d’ oeillets au Portugal là-bas, en Mer de Chine, les boat-people sont nés sous Ho Chi Minh, Mai 68, c’est loin d’ici… Jean-Pax Méfret
Il tremblait pour sa carcasse devant le fusil des rebelles, sur le quai d’une gare, certains chantaient le déserteur A Saint-Lazare. Lui il avait l’esprit ailleurs, (…) pour ses enfants C’est un mot qui ne veut rien dire, pour ses parents, c’est un bien cruel souvenir, pour ses amis, c’est une carte de combattant, mais ça reste pour lui « trente-six mois à vingt ans »… Jean-Pax Méfret
Dans son coeur, il y a de la vaillance, ça ne s’entend pas, mais il est toujours là, prêt à se lever pour la France, le vieux soldat, Ca lui fait mal, toutes ces insultes, cracher sur la France que l’on traite de pute, ça lui fait mal, le drapeau brûlé, le drapeau souillé, la mémoire tachée, ça lui fait mal, il l’a mauvaise, lorsque l’on siffle la Marseillaise, ça lui fait mal, voir son pays livré au mépris, il en est meurtri, le respect, il veut du respect, juste du respect, le respect, Il faut dire que ça n’arrive qu’en France … Jean-Pax Méfret
Vous brouillez les radios, vous régentez l’école, vous jouez aux prolos, j’en connais qui rigolent. Jean-Pax Méfret
Garçon, si par hasard sur ton livre d’histoire Tu tombes sur ce nom: Camérone! Garçon, regarde bien cette page d’histoire Et n’oublies pas ce nom: Camérone! Le ciel de feu du Mexique A jamais se souviendra De ce combat héroïque Garçon, sur le chemin qui conduit à la gloire Tu dois trouver ce nom: Camérone! Garçon, si ton destin exige une victoire N’oublies jamais ce nom: Camérone! Pour l’honneur de la légion, Sachant qu’ils allaient mourir Jusqu’au bout de leur mission, Fiers de tomber pour l’empire. Ils étaient 62, face à 2000 cavaliers,  Le soleil baissa les yeux lorsqu’ils furent exterminés… Jean-Pax Méfret
Au grand matin du mois de juin, Lorsque dans Sainte-Mère-Eglise Sont entrés les Américains, Ils sont tombés du ciel Comme s’ils avaient des ailes, Ils apportaient un air de liberté. Ils venaient de Virginie, D’Oklahoma, du Tennessee, Le jour le plus long les attendait ici, Tous unis pour nous délivrer, Sur la Normandie, Faut jamais oublier… Qu’un jour à Sainte-Mère-Eglise, Sont entrés les Américains ! Jean-Pax Méfret
Derrière lui, le rideau de pierre, Les miradors, les VoPos armés, Les tilleuls ne forment plus la frontière, Il y a un mur à Berlin, professeur Müller, Il s’avance, dans le décor sinistre, De cette ville de prisonniers, Et il se dit que, si la Vierge existe C’est elle seule qui pourra les sauver, Chez nous, soyez Reine, Nous sommes à vous, Il y a 20 ans qu’on l’appelle « camarade », Mais il sait bien que ce n’est qu’un mot. Jean-Pax Méfret
Je viens d’un pays qui n’existe plus, je viens d’un paradis perdu. Jean-Pax Méfret
Des petites filles de 10 ans m’ont chanté “Professeur Muller”, qui leur a fait découvrir l’histoire du mur de Berlin. Et les garçons m’ont tous parlé du “Jour J”, ma chanson sur le débarquement américain en Normandie. Un jeune m’a même dit que j’avais été son meilleur prof d’histoire.  Jean-Pax Méfret
Pour un jeune soldat de 18, 19 ans, voir Jean-Pax Méfret, ça valait des courriers de la famille. Dominique (militaire à Beyrouth dans les années 1980)
On n’a plus Johnny mais on a encore Jean-Pax !  Spectateur
On avait besoin qu’il y ait des voix qui disent autre chose. Quand vous aperceviez un de ses disques chez quelqu’un, c’était presque un signe de reconnaissance. Bernard Lehideux (cadre du Parti républicain et du Modem)
On est tellement heureux de voir qu’on n’est pas seul, que c’est une grande famille. Isabelle
[Ma première chanson] C’était après l’exécution du lieutenant Roger Degueldre. J’avais 16 ans, j’étais en prison, à Rouen, dans le quartier des activistes, j’y suis resté entre mai 1961 et septembre 1962, j’ai été le plus jeune détenu de France – pour cause d’Algérie française – en compagnie des plus grands seigneurs de l’armée française : les officiers avaient mis leurs décorations sur la porte de leur cellule. C’est dans cette atmosphère, quand j’ai appris l’exécution de Degueldre, c’est à ce moment que j’ai composé, en son honneur, ma première chanson.  (…) Je remonte à Paris, où je suis libre, sans rien. Enfin si : avec mon casier judiciaire. On est quelques copains pieds-noirs, on se regroupe, on commence à chanter le soir dans les cafés. Une Américaine tombe amoureuse de moi. J’habite avec elle Place du Tertre, ça ne s’invente pas. Je commence à chanter, je rencontre un garçon qui s’appelle Jean-Claude Camus, qui sera l’impresario de Johnny et de beaucoup d’autres. Je me fais faire une carte de visite : « secrétaire artistique de Jean-Claude Camus ». Je compose quelques chansons, cinq disques paraissent chez Decca, dont un titre, “La prière”, qui retient l’attention et obtient en 1965 le grand prix Âge tendre et tête de bois. J’ai 20 ans. À l’époque j’ai pris un pseudonyme : Jean-Noël Michelet. Jean est mon prénom. Noël le prénom de mon père. Quant à Michelet, c’est le nom de la rue centrale d’Alger. (…)  je mène une vie de galère (…) J’enchaîne les petits boulots. Notre réseau pieds-noirs est un soutien. Mon premier journal, dirigé par le colonel Pierre Battesti, président de l’Anfanoma, s’appelle France-Horizon, c’est le mensuel des Rapatriés d’Algérie. Plus tard, je serai journaliste d’investigation à Minute, puis à L’Aurore (où je suis grand reporter et spécialiste de politique étrangère). J’atterris enfin au Figaro puis au Figaro magazine où je serai directeur des magazines régionaux et responsable des grands dossiers. Je n’ai jamais vraiment fait de politique politicienne, je suis dans l’action, dans l’engagement, mais pas dans les idées. Je préfère les grands sentiments aux grandes idées. (…) Spirituellement, ce qui m’a marqué, (…), ce sont les veillées scoutes, c’est aussi la vie des grands missionnaires, et, dans les grands reportages que j’ai eu l’occasion de mener, la souffrance des enfants et puis l’impuissance de populations entières, incapables de sortir de leur misère. En Afrique, ce sont ces gens qui croient, quand vous arrivez que le Blanc peut tout. Le Christ permet de supporter tout ça… (…)  Ma foi a toujours été là mais j’ai moins de pudeur à la manifester. J’ai longtemps pensé qu’il fallait la garder pour soi. C’était familial : ma mère me mettait des médailles dans la doublure de ma veste. Chez moi, on n’entamait pas le pain, sans faire une croix dessus avec le couteau. Et en même temps, en Algérie, on respectait toutes les religions, on participait aux fêtes des uns et des autres. Les partisans de l’Algérie française n’ont jamais profané de mosquées. (…) Il est vrai que pour les Arabes la guerre était religieuse. Le FLN déjà avait interdit aux populations de fumer et de boire, sous peine de couper le nez et les lèvres… La chirurgie esthétique a fait des progrès énormes à cette triste occasion… Mais nous n’avons pas encore tout vu en France ! En Algérie, des Bataclan, il y en avait tous les jours ! Jean-Pax Méfret
[Les chrétiens d’Orient] c’est un sujet encore trop tu. J’ai hésité avant d’en faire une chanson. (…) Après, j’ai décidé de faire un disque autour du récit des chrétiens d’Orient. Ce n’est pas la première fois que j’écris un récit. Déjà dans mon album Camerone je glissais un livret afin d’expliquer aux auditeurs l’histoire de la bataille de Camerone. Imaginez la scène: soixante-deux légionnaires ont résisté face à deux mille Mexicains. Refusant de se rendre, ils se sont battus jusqu’au bout. Dès lors, chaque année les légionnaires fêtent cet événement et louent le courage de leurs prédécesseurs le 30 avril. Je crois que le vrai défi, c’est la foi. «Sommes-nous condamnés à subir le même sort que les chrétiens d’Orient?» tel est le problème. De toute évidence, leur martyre pourrait très bien annoncer le nôtre. Partout dans le monde les chrétiens sont persécutés, c’est pourquoi, nous, de tradition et de culture chrétienne, devons relever ce défi. C’est autrement plus ambitieux que de lutter contre le communisme: notre époque est encore plus exigeante. (…) À l’occasion des attentats de Londres en 2005, j’ai fait une chanson qui s’appelle «Au nom d’Allah» où je demande si le terrorisme islamiste agit vraiment au nom d’Allah. Quand je l’ai chantée à l’Olympia j’ai raconté avant l’histoire du capitaine Kheliff, cet officier de l’armée française musulman qui a sauvé des pieds noirs lors du massacre d’Oran du 5 juillet 1962 en enfreignant ses ordres et qui, une fois en France, a créé une association des anciens combattants musulmans. Il faut bien savoir qu’en Algérie, tous les anciens combattants musulmans se faisaient égorger par le FLN après l’indépendance. Kheliff a aussi créé une mosquée à Lyon. Cette histoire, racontée avant «Au nom d’Allah», visait à éviter les amalgames qu’aurait pu engendrer ma chanson. En effet, il faut reconnaître qu’il y a une vraie diversité au sein du monde musulman et que ces jeunes des banlieues, délaissés par la société, ne connaissant pas vraiment leur religion. J’ai du mal à voir quoique ce soit de «divin» dans les actes terroristes, c’est quelque chose de plus humain, de plus misérable. Mais tôt ou tard, nous allons être confrontés à cette violence et nous avons le devoir de nous y préparer. Figure du contre-exemple: l’Angleterre et son modèle communautariste étaient une pépinière pour les radicaux. De fait, dès le début des années 2000 nous avions fait les gros titres sur cette menace islamiste, nourrie par des prêcheurs à Londres. Ces derniers appelaient déjà la mort des chrétiens, nous avions déjà senti le danger. Mais paradoxalement, cette haine pour les chrétiens nous rappelle aussi notre héritage, notre identité chrétienne puisqu’ils nous appellent «les croisés». Ils nous obligent à retrouver nos racines. Peut-être aussi oublient-ils qu’avant d’être musulman, l’orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien? On oublie trop souvent que la première église fut construite à Antioche. Tout comme l’Algérie qui fut d’abord chrétienne avant les invasions arabes. Saint-Augustin et sa mère, la bien-aimée Monique, en sont la plus parfaite illustration. [la Légion Étrangère, l’Algérie et les Chouans] Ce sont des causes dont on parle peu et qui forment un ensemble de valeurs. Je suis pied-noir, l’Histoire de l’Algérie m’a marqué. Ma musique parle de grands faits d’Histoire parfois oubliés: Budapest, le mur de Berlin… Je pense être le seul à chanter en m’inspirant de ces événements. À part moi, personne n’a chanté la révolution hongroise par exemple. L’originalité de ces thèmes est aussi ce qui me définit. Je ne fais pas de chansons d’amour ou alors, si je parle d’amour, c’est pour dire que je ne suis pas du genre à chanter des chansons d’amour. (…) Je ne sais pas si je suis un chanteur de droite, mais je suis sûr de ne pas être un chanteur de gauche! Être de gauche pour les chanteurs, c’est parfois une volonté artistique, voire un snobisme. Pourtant il faut savoir que les chanteurs du siècle dernier n’étaient pas automatiquement de gauche. En tout cas, ils ne l’étaient pas sur le mode «grandes consciences» d’aujourd’hui, ils faisaient moins la leçon: regardez Boris Vian, je l’aime beaucoup. Moi, je ne voulais pas travailler dans la chanson à l’origine: mon objectif était de remettre au goût du jour des faits qui étaient ignorés. Je n’ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des situations. Il n’y a rien de mieux que la chanson pour faire découvrir ces faits. J’ai appris récemment que des élèves d’une banlieue parisienne, visitant le musée du débarquement américain en Normandie, avaient chanté ma chanson sur le débarquement: «Ils sont tombés du ciel comme s’ils avaient des ailes/ Ils ont apporté un air de liberté.» Une chanson s’écoute toujours plus facilement qu’un cours d’Histoire, c’est une autre manière de transmettre. (…) Je m’étonne toujours que l’on me présente comme le chanteur d’Occident alors que je viens d’orient. À l’époque, c’était parce que je m’opposais au communisme. On aurait mieux fait de parler de «chanteur du monde libre». Je ne pense pas qu’il y ait eu de combats plus forts que celui opposant les deux blocs pendant la Guerre Froide. Dans «Ni rouge ni mort» j’explique les raisons de mon opposition au communisme, le danger qu’il représentait avec notamment l’armée rouge! On oublie que le mur de Berlin, c’étaient des dalles dressées, prêtes à tout moment à être aplaties vers l’ouest pour faire passer les chars! C’était à mon sens un vrai combat pour la liberté que la lutte contre le communisme et les goulags dont personne ne parlait. On a tout de même eu un parti communiste français qui prenait ses ordres à Moscou. D’ailleurs, je trouve inouï qu’il y ait encore en France un parti communiste. Rouges de honte, ils ont changé de nom dans toutes les nations occidentales mais pas en France! (…) Je n’étais pas dans l’OAS. Quand j’ai été arrêté l’OAS n’existait même pas. Mais on peut dire que j’étais pour l’Algérie Française. Je suis né là-bas. Mes ancêtres du côté de ma mère ont fait partie des déportés de la première commune en 1848 que l’on a exilés en Kabylie. L’Algérie, à ce titre, n’était pas un pays de droite. D’ailleurs, c’étaient les bastions communistes, ayant des quartiers populaires, qui étaient les plus virulents lors de la guerre d’Algérie. Mon père lui n’était pas du pays: il était venu afin de préparer le débarquement américain. Il travaillait pour l’OSS qui étaient les services secrets américains. C’est là qu’il a rencontré ma mère. Pour revenir à mon parcours, lors du putsch de 1961, les autorités avaient besoin de voix pour lire les messages et, comme j’avais une voix radiophonique, j’ai été invité à travailler à la RTF Télévision d’Alger qui était pro-Algérie Française. Et donc j’ai été accusé de participation à un mouvement insurrectionnel, d’intelligence avec les chefs de l’insurrection, d’attentat contre l’autorité de l’État: vingt-cinq chefs d’inculpation en tout. Je suis donc passé directement des frères maristes à la prison d’Alger, puis à la Santé à Paris, enfermé pendant dix-huit mois. Ce fut une épreuve pour ma mère, bien qu’elle partageât mes convictions comme beaucoup. Je suis persuadé que ce n’était pas un combat politique, ou alors circonscrit à l’antigaullisme. De nos jours, c’est d’ailleurs une vérité reconnue et acceptée: de Gaulle a trahi les pieds-noirs. Cependant je ne suis pas non plus opposé à l’aura du Général. Si j’avais eu 16 ans en 1940 je pense que je me serai engagé dans la Résistance. Le problème donc n’est pas politique, le problème, c’est l’Algérie. Comprenez: les gens souhaitaient simplement rester là où ils étaient nés. C’était finalement plus une guerre franco-française que contre les Algériens. Les autorités françaises se sont complètement engagées contre les partisans de l’Algérie française. Le 26 mars 1962, l’armée française n’a pas hésité à mitrailler la foule, faisant 80 morts et 200 blessés, ce dont plus personne ne se souvient aujourd’hui. (…) [retourné] Non, jamais, je n’ai pas envie. Dans une chanson j’ai chanté «Je viens d’un pays qui n’existe plus». (…) [comme journaliste] J’ai commencé au journal l’Aurore dans la rubrique «faits divers», puis dans celle concernant les affaires étrangères où j’ai couvert les conflits. J’ai ainsi pu décrypter toutes les guerres d’Amérique centrale puis celles du Liban. Ensuite, je suis resté quelque temps au Figaro Magazine dirigé par Louis Pauwels. La grande époque! Je n’entends pas le journalisme comme une éducation de la pensée mais plutôt comme une révélation de faits sur des affaires. J’ai eu la chance de traiter des grosses affaires comme l’arrestation d’Escobar. Tout en étant journaliste je continuais de chanter, j’ai gagné le grand prix de l’émission télévisée Âge tendre et tête de bois avec «La Prière». (…) Je suis persuadé que croire en quelque chose est primordial dans la vie d’un homme, que c’est une force intérieure. Croire au Christ, c’est encore plus fort. Quant à «La Force», curieusement je n’ai jamais mis un point d’honneur à écrire une chanson dédiée au Christ, l’envie m’est venue naturellement. Le titre provient de la supplication «Donne-moi la force» qui ponctue les cantiques dans la Bible. La lecture de l’Histoire des chrétiens d’Orient et du massacre des Arméniens, de ces gens jetés vers la mort qui s’accrochent à la pensée de Dieu, m’a inspiré cette chanson. (…) Je crois que nous avions besoin d’un changement, un changement radical pour bouleverser l’ordre établi. Je salue ce rafraîchissement du personnel politique. Mais je ne crois ni au miracle Macron, ni que son système peut tenir sur la durée. Aujourd’hui ce qui est exaspérant, c’est la médiocrité de la droite, la gauche n’est pas mieux, mais il m’est désespérant de voir une droite sans repère et frileuse quand il faut défendre ses idées. Jean-Pax Méfret
Méfret peut servir d’analyseur à plusieurs titres. D’abord, il donne de voir fonctionner une forme de chanson politique : plus que la conviction, l’illustration, la construction d’un univers politique par l’appui sur des éléments métapolitiques faisant sens avec cet univers. Ensuite, historiquement, enraciné dans l’Algérie française, évoluant vers un fort anticommunisme en raison de l’évolution du contexte géopolitique, vivant un combat presque apocalyptique dans la France dirigée par le Parti socialiste, il montre l’existence, voire la vivacité, d’un populisme républicain dont on peut se demander s’il ne pourrait se retrouver chez d’autres personnalités, hebdomadaires ou organisations de droite dans les années 1980 (Alain Griotteray, Figaro Magazine, CNI, MIL, UNI). Il amène à s’interroger aussi sur la possible fonction d’interface que peut jouer ce républicanisme particulier dans les relations de la droite avec l’extrême droite, voire sa contribution à la vulgarisation de thèmes qui ont fait le succès de cette dernière à partir de 1984. Enfin, utilisant les formes musicales issues des années 1950-1960, se distinguant de la mouvance skinhead des années 1970, il précède le rock identitaire français des années 1990-2000, engagé de manière beaucoup plus explicite, lié à une génération née après 1970-1975 et à une politisation accompagnée par le poids du Front national. Paul Airiau

Attention: un chanteur rebelle peut en cacher un autre !

Chanteur aux disques introuvables, vendus par correspondance, non diffusés à la radio, voire interdits dans les casernes, journaliste ayant travaillé à Minute, L’Aurore, au Figaro Magazine ou à Valeurs actuelles, chanteur anticommuniste des pieds-noirs et des trouffions, de l’Algérie française et de l’Occident, invité à la fête des Bleu-blanc-rouge du FN ou pour SOS Chrétiens d’Orient, ayant participé en 1961 à l’occupation de la radio d’Alger lors du putsch des généraux, agent de liaison de l’OAS, prisonnier politique dès l’âge de 16 ans, dénonciateur du Mur de Berlin, du goulag, de l’internement des refuniks, du génocide khmer rouge, de l’extermination des chouans, chantre des GI’s du Débarquement,  des Harkis abandonnés, des soldats français oubliés sur les champs de bataille …

Au lendemain d’un anniversaire du Débarquement

Sans parler des bouchers de Tiananmen d’il y a  32 ans…

Que le président américain ne s’est même pas donné la peine d’évoquer …

Et à l’heure où après l’assassinat politique du président Trump et le hold up électoral du 8 novembre …

Les  génuflexions de Joe Biden face à l’Iran ou ses supplétifs palestiniens …

Viennent comme pour les mois d’émeutes des Black Lives Matter et des antifas

De relancer la violence à Gaza et en Israël

Et d’imposer, au sein même du gouvernement israélien nouvel assassinat politique, à la fois l’éviction de Netanyahou et l’entrée du loup islamique dans la bergerie

Pendant qu’entre la censure politique et les attaques ou pannes à répétition

L’expression publique semble de plus en plus fragile …

Mais qu’en France, sur fond, entre attentats, égorgements ou même décapitations, d’islamisation rampante de nombre de nos quartiers …

Et après l’assassinat politique de Fillon il y a quatre ans, notre propre lot de surenchère et de violence politique

Un philosophe bien-pensant tel que Raphaël Enthoven

Se voit contraint de choisir Marine Le Pen contre la basse démagogie d’un Jean-Luc Mélenchon

Peut-on imaginer meilleur contenu …

Pour l’étiquette ô combien galvaudée de chanteur rebelle …

Contre la pensée autrefois d’avant-garde devenue aujourd’hui pire des bien-pensances ..

Que cette réapparition sur le plateau de Cnews ce matin …

De cette sorte d’ovni dans la chanson française

Face au communisme d’un Ferrat ou l’antimilitarisme d’un Vian et d’un Le Forestier

Combinant anticommunisme et antisoviétisme, rejet de la gauche et des compagnons de route, défense du peuple et des pays martyrs, nostalgie de l’Algérie française et christianisme revendiqué …

Mais défendant aussi des valeurs d’un autre temps telles que vérité, engagement pour les valeurs, grandeur militaire

Et bien qu’en partie décalé de son public plutôt d’extrême droite et plutôt militaire …

Promoteur d’un populisme et d’un attachement à l’histoire de France tout à fait unique …

Et passeur pour plusieurs générations d’adolescents comme d’adultes de toute une culture politique …

Et surtout, à  l’instar d’un Camus ou d’un Aron opposé à Sartre ……

D’une rare lucidité et connaissance de l’histoire contemporaine ?

Jean-Pax Méfret, le chanteur qui fait taper des mains Zemmour et Madelin

Ses textes parlent aux nostalgiques de l’Indochine ou encore de l’Algérie française. Parmi les fans qui assistaient au concert de l’artiste au Casino de Paris les 13 et 14 janvier, on pouvait croiser quelques personnalités.
François Krug
Le Monde
19 janvier 2018

Le polémiste Eric Zemmour est en plein selfie avec des jeunes qui viennent de le reconnaître. Quelques mètres plus haut, on a déjà croisé l’ancien ministre de l’économie Alain Madelin ou le directeur des rédactions du Figaro Alexis Brézet. Ce samedi 13 janvier au soir, il y a du beau monde devant le Casino de Paris. Le lendemain après-midi sur le même trottoir, des familles bourgeoises côtoient des bikers, d’anciens soldats baraqués dans des blousons de cuir aux couleurs du Veterans Motorcycle Club.

« Diên Biên Phu » repris en chœur

Tous viennent fêter un chanteur aux disques introuvables, non diffusés à la radio. A son dernier passage à Paris, en 2012, il a rempli l’Olympia. Les billets pour ses deux concerts au Casino de Paris, une salle de 1 500 places, se sont vite envolés. Dans la queue, un blagueur fait rire un prêtre en soutane : « On n’a plus Johnny mais on a encore Jean-Pax ! »

Jean-Pax Méfret, 73 ans, monte sur scène sous les vivats. Le public enchaîne les standing ovations, reprend en chœur Diên Biên Phu (« Ils attendaient/Dans la cuvette/Le tout dernier/Assaut des Viets… »). Quand la sonnerie aux morts conclut Le Vieux Soldat, la salle se lève, le garde-à-vous pas loin. Même les plus jeunes connaissent les paroles du Chanteur de l’Occident, sorti en 1975 (« Je viens chanter l’espoir/Je chante contre le Grand Soir… »). Pour introduire Djebel Amour, un de ses nombreux hommages à l’Algérie française, le chanteur évoque « le gouvernement socialiste de l’époque » mais recadre vite les spectateurs qui huent : « C’est pas un meeting ! »

Ne dites pas à Jean-Pax Méfret qu’il est chanteur. Son vrai métier, insiste-t-il quand on le rencontre, c’est le journalisme. Il a travaillé à Minute, L’Aurore et surtout Le Figaro Magazine, couvrant tous les terrains de guerre. Il a brièvement repris du service il y a quelques années pour Valeurs actuelles. Ne lui dites pas non plus qu’il est de droite, même s’il en a séduit les courants musclés et même extrêmes sur plusieurs générations : il assure se méfier de la politique.

Il a chanté à la fête des Bleu-blanc-rouge du FN dans les années 1980 ou plus récemment pour SOS Chrétiens d’Orient, association proche de l’extrême droite ? « Il suffit de voir la liste des chanteurs qui ont participé à la Fête de l’Humanité sans être communistes », répond-il. Devoir convaincre qu’il est « profondément républicain » et « contre le nationalisme » le blesse :

« A partir du moment où des gens adhèrent à mes chansons, je ne demande pas autre chose. S’ils ont des idées extrémistes, moi, je n’y adhère pas. »

Hommages aux pieds-noirs et à l’OAS

Adolescent, il participe en 1961 à l’occupation de la radio d’Alger lors du putsch des généraux et découvre la prison. Agent de liaison de l’Organisation armée secrète (OAS), il est à nouveau arrêté l’année suivante, et découvre cette fois la Santé à Paris, puis la prison de Rouen. Au milieu des années 1960, il enregistre plusieurs 45-tours chez Decca et participe au télé-crochet de l’époque, « Age tendre et tête de bois ». Entre twist et ballades mélancoliques sur l’Algérie, il se cherche. Il opte pour la chanson engagée, enregistrant sur des labels confidentiels des hommages aux pieds-noirs et à l’OAS.

« Quand je l’ai connu, j’étais en terminale. Je l’ai entendu chanter des chansons anticommunistes chez des copains », raconte Anne Méaux. La future communicante des grands patrons et de la campagne de François Fillon milite alors à l’extrême droite. Elle n’aurait raté pour rien au monde ce retour sur scène : « C’est un homme libre qui n’a jamais renié ses valeurs. » Au tournant des années 1980, la petite bande entourant Jean-Pax Méfret se cotise pour financer ses disques. « On avait besoin qu’il y ait des voix qui disent autre chose, se souvient Bernard Lehideux, devenu plus tard cadre du Parti républicain et du Modem. Quand vous aperceviez un de ses disques chez quelqu’un, c’était presque un signe de reconnaissance. »

Vendus par correspondance, ses titres resteront confidentiels mais, dans les casernes ou les écoles catholiques, les chansons circuleront, piratées sur des cassettes. Aujourd’hui, Jean-Pax Méfret est distribué par Diffusia, qui édite aussi des « Vies de saints » et des récits militaires mis en musique. Sur son site, elle annonce combattre pour « la survie même de notre identité ». Le chanteur peut compter sur la fidélité d’une bonne partie des troufions. Dominique, 60 ans, ancien du 3e régiment parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) de Carcassonne, se souvient de la visite du reporter à Beyrouth, au début des années 1980 : « Pour un jeune de 18, 19 ans, voir Jean-Pax Méfret, ça valait des courriers de la famille. »

A la sortie du Casino de Paris, une dizaine de fans attendent le chanteur. Jean-Pierre, 66 ans, est venu d’Aix-en-Provence. « A l’époque, il y avait une petite notion d’interdit à cause de ses liens avec l’OAS, raconte cet ancien militaire. Dans ma caserne, quand on écoutait Jean-Pax Méfret, il ne s’agissait pas que nos officiers l’entendent. » Sa fille Isabelle, 43 ans, est venue de Nîmes. Elle affirme voter à gauche et se souvient de ces copains de classe qui traitaient son chanteur préféré de « facho ». Ce soir, elle ne cache pas son émotion : « On est tellement heureux de voir qu’on n’est pas seul, que c’est une grande famille. »

Voir aussi:

Jean-Pax Méfret : « Le martyre des Chrétiens d’Orient pourrait annoncer le nôtre »

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Il chantait contre le communisme et pour l’Algérie française. Le « chanteur d’Occident » prête aujourd’hui sa voix aux Chrétiens d’Orient, à qui il consacre un nouveau disque. Il a accordé un entretien au Figarovox. Vous allez (encore) le traiter de réac.


Jean-Pax Méfret est un journaliste, écrivain et auteur-compositeur-interprète français. Il a donné à nombre de ses chansons un fort contenu historique et politique. Il a récemment sorti un album: Noun, dédié aux chrétiens d’Orient dont il jouera quelques morceaux le jeudi 29 juin 2017 lors de la soirée caritative du Val-de-Grâce organisée par l’association SOS Chrétiens d’Orient.


FIGAROVOX. – Vous dédiez votre dernier disque «Noun» aux chrétiens d’Orient, est-ce vous avez l’impression que c’est un sujet dont on ne parle pas assez?

Jean-Pax MÉFRET. – Oui c’est un sujet encore trop tu. J’ai hésité avant d’en faire une chanson. C’est, au volant de ma voiture, en allant donner un concert à Fréjus que j’ai trouvé une mélodie, immédiatement enregistrée sur mon portable. Pour l’anecdote, j’ai terminé d’écrire les derniers vers dans la loge, quelques minutes avant d’entrer sur scène: «Ils meurent victimes de leur Foi/ Ils tombent à l’ombre de la Croix:/ Dans un silence qui fait douter du cœur des hommes». Après, j’ai décidé de faire un disque autour du récit des chrétiens d’Orient. Ce n’est pas la première fois que j’écris un récit. Déjà dans mon album Camerone je glissais un livret afin d’expliquer aux auditeurs l’histoire de la bataille de Camerone. Imaginez la scène: soixante-deux légionnaires ont résisté face à deux mille Mexicains. Refusant de se rendre, ils se sont battus jusqu’au bout. Dès lors, chaque année les légionnaires fêtent cet événement et louent le courage de leurs prédécesseurs le 30 avril.

À votre époque, le combat principal était contre le communisme, aujourd’hui quelle est la menace?

Je crois que le vrai défi, c’est la foi. «Sommes-nous condamnés à subir le même sort que les chrétiens d’Orient?» tel est le problème. De toute évidence, leur martyre pourrait très bien annoncer le nôtre. Partout dans le monde les chrétiens sont persécutés, c’est pourquoi, nous, de tradition et de culture chrétienne, devons relever ce défi. C’est autrement plus ambitieux que de lutter contre le communisme: notre époque est encore plus exigeante.

Le problème c’est l’islamisme?

À l’occasion des attentats de Londres en 2005, j’ai fait une chanson qui s’appelle «Au nom d’Allah» où je demande si le terrorisme islamiste agit vraiment au nom d’Allah. Quand je l’ai chantée à l’Olympia j’ai raconté avant l’histoire du capitaine Kheliff, cet officier de l’armée française musulman qui a sauvé des pieds noirs lors du massacre d’Oran du 5 juillet 1962 en enfreignant ses ordres et qui, une fois en France, a créé une association des anciens combattants musulmans. Il faut bien savoir qu’en Algérie, tous les anciens combattants musulmans se faisaient égorger par le FLN après l’indépendance. Kheliff a aussi créé une mosquée à Lyon.

Avant d’être musulman, l’orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien.

Cette histoire, racontée avant «Au nom d’Allah», visait à éviter les amalgames qu’aurait pu engendrer ma chanson. En effet, il faut reconnaître qu’il y a une vraie diversité au sein du monde musulman et que ces jeunes des banlieues, délaissés par la société, ne connaissant pas vraiment leur religion. J’ai du mal à voir quoique ce soit de «divin» dans les actes terroristes, c’est quelque chose de plus humain, de plus misérable. Mais tôt ou tard, nous allons être confrontés à cette violence et nous avons le devoir de nous y préparer. Figure du contre-exemple: l’Angleterre et son modèle communautariste étaient une pépinière pour les radicaux. De fait dès le début des années 2000 nous avions fait les gros titres sur cette menace islamiste, nourrie par des prêcheurs à Londres. Ces derniers appelaient déjà la mort des chrétiens, nous avions déjà senti le danger. Mais paradoxalement, cette haine pour les chrétiens nous rappelle aussi notre héritage, notre identité chrétienne puisqu’ils nous appellent «les croisés». Ils nous obligent à retrouver nos racines. Peut-être aussi oublient-ils qu’avant d’être musulman, l’orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien? On oublie trop souvent que la première église fut construite à Antioche. Tout comme l’Algérie qui fut d’abord chrétienne avant les invasions arabes. Saint-Augustin et sa mère, la bien-aimée Monique, en sont la plus parfaite illustration.

Entre la Légion Étrangère, l’Algérie et les Chouans, l’Histoire prend une très grande place dans votre œuvre. Quelle est l’unité entre toutes ces périodes évoquées?

Ce sont des causes dont on parle peu et qui forment un ensemble de valeurs. Je suis pied-noir, l’Histoire de l’Algérie m’a marqué. Ma musique parle de grands faits d’Histoire parfois oubliés: Budapest, le mur de Berlin… Je pense être le seul à chanter en m’inspirant de ces événements. À part moi, personne n’a chanté la révolution hongroise par exemple. L’originalité de ces thèmes est aussi ce qui me définit. Je ne fais pas de chansons d’amour ou alors, si je parle d’amour, c’est pour dire que je ne suis pas du genre à chanter des chansons d’amour.

Peut-on dire que vous êtes un chanteur de droite?

Je n’ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des situations.

Je ne sais pas si je suis un chanteur de droite, mais je suis sûr de ne pas être un chanteur de gauche! Être de gauche pour les chanteurs, c’est parfois une volonté artistique, voire un snobisme. Pourtant il faut savoir que les chanteurs du siècle dernier n’étaient pas automatiquement de gauche. En tout cas, ils ne l’étaient pas sur le mode «grandes consciences» d’aujourd’hui, ils faisaient moins la leçon: regardez Boris Vian, je l’aime beaucoup. Moi, je ne voulais pas travailler dans la chanson à l’origine: mon objectif était de remettre au goût du jour des faits qui étaient ignorés. Je n’ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des situations. Il n’y a rien de mieux que la chanson pour faire découvrir ces faits. J’ai appris récemment que des élèves d’une banlieue parisienne, visitant le musée du débarquement américain en Normandie, avaient chanté ma chanson sur le débarquement: «Ils sont tombés du ciel comme s’ils avaient des ailes/ Ils ont apporté un air de liberté.» Une chanson s’écoute toujours plus facilement qu’un cours d’Histoire, c’est une autre manière de transmettre.

On vous appelle le chanteur d’Occident, c’est comme ça que vous vous voyez?

Je m’étonne toujours que l’on me présente comme le chanteur d’Occident alors que je viens d’orient. À l’époque, c’était parce que je m’opposais au communisme. On aurait mieux fait de parler de «chanteur du monde libre». Je ne pense pas qu’il y ait eu de combats plus forts que celui opposant les deux blocs pendant la Guerre Froide. Dans «Ni rouge ni mort» j’explique les raisons de mon opposition au communisme, le danger qu’il représentait avec notamment l’armée rouge! On oublie que le mur de Berlin, c’étaient des dalles dressées, prêtes à tout moment à être aplaties vers l’ouest pour faire passer les chars! C’était à mon sens un vrai combat pour la liberté que la lutte contre le communisme et les goulags dont personnes ne parlait. On a tout de même eu un parti communiste français qui prenait ses ordres à Moscou. D’ailleurs, je trouve inouï qu’il y ait encore en France un parti communiste. Rouges de honte, ils ont changé de nom dans toutes les nations occidentales mais pas en France!

À bien des égards on peut dire que vous avez eu plusieurs vies. Comment passe-t-on de l’OAS à journaliste puis à chanteur?

Je n’étais pas dans l’OAS (Organisation de l’Armée secrète, NDLR). Quand j’ai été arrêté l’OAS n’existait même pas. Mais on peut dire que j’étais pour l’Algérie Française. Je suis né là-bas. Mes ancêtres du côté de ma mère ont fait partie des déportés de la première commune en 1848 que l’on a exilés en Kabylie. L’Algérie, à ce titre, n’était pas un pays de droite. D’ailleurs c’étaient les bastions communistes, ayant des quartiers populaires, qui étaient les plus virulents lors de la guerre d’Algérie. Mon père lui n’était pas du pays: il était venu afin de préparer le débarquement américain. Il travaillait pour l’OSS qui étaient les services secrets américains. C’est là qu’il a rencontré ma mère.

C’est une vérité reconnue et acceptée : de Gaulle a trahi les pieds-noirs.

Pour revenir à mon parcours, lors du putsch de 1961, les autorités avaient besoin de voix pour lire les messages et, comme j’avais une voix radiophonique, j’ai été invité à travailler à la RTF Télévision d’Alger qui était pro-Algérie Française. Et donc j’ai été accusé de participation à un mouvement insurrectionnel, d’intelligence avec les chefs de l’insurrection, d’attentat contre l’autorité de l’État: vingt-cinq chefs d’inculpation en tout. Je suis donc passé directement des frères maristes à la prison d’Alger, puis à la Santé à Paris, enfermé pendant dix-huit mois. Ce fut une épreuve pour ma mère, bien qu’elle partageât mes convictions comme beaucoup. Je suis persuadé que ce n’était pas un combat politique, ou alors circonscrit à l’antigaullisme. De nos jours, c’est d’ailleurs une vérité reconnue et acceptée: de Gaulle a trahi les pieds-noirs. Cependant je ne suis pas non plus opposé à l’aura du Général. Si j’avais eu 16 ans en 1940 je pense que je me serai engagé dans la Résistance. Le problème donc n’est pas politique, le problème c’est l’Algérie. Comprenez: les gens souhaitaient simplement rester là où ils étaient nés. C’était finalement plus une guerre franco-française que contre les Algériens. Les autorités françaises se sont complètement engagées contre les partisans de l’Algérie française. Le 26 mars 1962, l’armée française n’a pas hésité à mitrailler la foule, faisant 80 morts et 200 blessés, ce dont plus personne ne se souvient aujourd’hui.

Vous y êtes retourné?

Non, jamais, je n’ai pas envie. Dans une chanson j’ai chanté «Je viens d’un pays qui n’existe plus».

Comment êtes-vous devenu journaliste?

J’ai commencé au journal l’Aurore dans la rubrique «faits divers», puis dans celle concernant les affaires étrangères où j’ai couvert les conflits. J’ai ainsi pu décrypter toutes les guerres d’Amérique centrale puis celles du Liban. Ensuite je suis resté quelque temps au Figaro Magazine dirigé par Louis Pauwels. La grande époque! Je n’entends pas le journalisme comme une éducation de la pensée mais plutôt comme une révélation de faits sur des affaires. J’ai eu la chance de traiter des grosses affaires comme l’arrestation d’Escobar. Tout en étant journaliste je continuais de chanter, j’ai gagné le grand prix de l’émission télévisée Âge tendre et tête de bois avec «La Prière».

Dans votre dernier album il y a une chanson, «La Force», qui s’adresse au Christ. Quelle est la place de la Foi dans votre vie et dans votre œuvre?

Je suis persuadé que croire en quelque chose est primordial dans la vie d’un homme, que c’est une force intérieure. Croire au Christ c’est encore plus fort. Quant à «La Force», curieusement je n’ai jamais mis un point d’honneur à écrire une chanson dédiée Christ, l’envie m’est venue naturellement. Le titre provient de la supplication «Donne-moi la force» qui ponctue les cantiques dans la Bible. La lecture de l’Histoire des chrétiens d’Orient et du massacre des Arméniens, de ces gens jetés vers la mort qui s’accrochent à la pensée de Dieu, m’a inspiré cette chanson. Dans un passage, je dis que je vois «Briller les âmes des compagnons qui sont morts dans les flammes». Ce parallèle m’a beaucoup ému, ce qui m’est assez rare quand il s’agit de mes écrits. De fait, je n’ai pas pour habitude d’écouter mes propres chansons. Celle-là, pourtant, il m’arrive de la réécouter.

Aujourd’hui ce qui est exaspérant c’est la médiocrité de la droite.

Comment qualifieriez-vous la situation politique actuelle en France?

Je crois que nous avions besoin d’un changement, un changement radical pour bouleverser l’ordre établi. Je salue ce rafraîchissement du personnel politique. Mais je ne crois ni au miracle Macron, ni que son système peut tenir sur la durée. Aujourd’hui ce qui est exaspérant c’est la médiocrité de la droite, la gauche n’est pas mieux, mais il m’est désespérant de voir une droite sans repère et frileuse quand il faut défendre ses idées.

Jean-Pax Méfret, chanteur anticommuniste et républicain populiste

Paul Airiau

Histoire et politique

Résumé :

Journaliste et chanteur engagé à droite, Jean-Pax Méfret traduit en chanson les tensions idéologiques et géopolitiques des années 1980. Son univers politique est typé : anticommunisme et antisoviétisme, rejet de la gauche au pouvoir après 1981, défense du peuple opprimé par les puissants, nostalgie de l’Algérie française. Il défend aussi des valeurs métapolitiques : vérité, engagement pour des valeurs, gloire militaire. Il peut être rapproché d’une forme de populisme républicain. Bien qu’en partie décalé de son public plutôt d’extrême droite et plutôt militaire, il participe à la politisation d’adolescents et à l’entretien d’une culture politique chez les adultes.

La chanson politique en France, depuis le XIXe siècle, relève davantage de la contestation ou de la subversion de l’ordre établi que de la conservation ou de la réaction politiques [1] . Rares furent les chansons politiques de droite largement diffusées, notamment à partir des années 1960, même si certains chanteurs populaires sont réputés de droite, comme Michel Sardou [2] . Aussi peut-on se pencher sur Jean-Pax Méfret, dont l’itinéraire, du combat pour l’Algérie française au début des années 1960 à la chanson bientôt politique dans les années 1970 et au Figaro Magazine dans les années 1980, en fait une figure originale d’une droite populiste et un témoin significatif des mutations idéologiques de la fin du XXe siècle français.

Matricielle est en effet dans l’identité de Jean-Pax Méfret sa naissance à Alger en 1944 [3] . Son père, installé à Marseille, passé en Algérie en 1942 comme résistant lié à l’OSS, y rencontre sa mère, issue d’une famille franco-italienne. Méfret grandit dans le quartier populaire de Belcourt, socialisé dans le catholicisme et le patriotisme. Les « événements » le font anti-indépendantiste. S’il accueille avec joie de Gaulle en 1958, il se retrouve aux côtés des insurgés des barricades en janvier 1960, fréquente le Front de l’Algérie française et devient agent de renseignement et de liaison de l’OAS après le putsch d’avril 1961 ; il est interné quelques semaines pour avoir occupé la radio-télévision d’Alger. Arrêté en février 1962, libéré à l’automne, il achève ses études et se lance dans le journalisme et la chanson pour les rapatriés [4] . Promu par Decca en 1964 comme chanteur-auteur-compositeur, avec deux 45 tours et quatre chansons, sous le nom de Jean-Noël Michelet, il participe à l’émission « Âge tendre et têtes de bois » dont il remporte en juin 1965 le prix du public, puis enregistre en 1966 six nouveaux titres en deux 45 tours et connaît une certaine médiatisation [5] .

Decca aurait-elle tenté d’exploiter le filon « rapatriés » ouvert par Enrico Macias en 1962 ? Peut-être. Mais sa carrière ne décolle pas après 1966 [6] . Avec l’amnistie des partisans de l’Algérie française, sa chanson se politise nettement : trois 45 tours en 1968, dont Messages prisons exil où sa musique accompagne les propos de six anciens dirigeants de l’OAS, et en 1969 un 45 tours d’hommage au Lieutenant Roger Degueldre, un des chefs des commandos Delta de l’OAS, devenu une figure martyrielle des milieux d’Algérie française en raison des conditions de son exécution en 1962 – la salve ne fait que le blesser et il faut six coups de grâce pour l’achever. Journaliste à France Horizon, organe de l’ANFANOMA, association de rapatriés, il entre en 1970 à l’hebdomadaire Minute, passe à L’Aurore en 1974 comme grand reporter de politique intérieure puis internationale, et participe aux tentatives de suppléments dominicaux du Figaro. De 1980 à 2000, il est grand reporter au Figaro Magazine. Inséré dans une presse de droite libérale relancée par Robert Hersant, il n’oublie pas la chanson. En 1974, sous son nom, Le Chanteur de l’Occident (45 tours chez Barclay, diffusion Decca) bénéficie d’une certaine couverture médiatique, profitant de L’Archipel du goulag [7] .

Puis, de 1980 à 1986, il enregistre une cinquantaine de compositions. L’essentiel se concentre en 1980-1982, avec 32 titres : Vous allez me traiter de réac (1980, 33 tours et cassette de dix morceaux), trois 45 tours consacrés à l’Algérie (1980, sept compositions reprises en cassette), trois 45 tours d’une série intitulée « Combats » (six chansons dont une reprise, partiellement éditées en cassette), Faits divers (1982, 33 tours et cassette de neuf titres) dont est extrait le 45 tours Solidarité. Un album réunit les versions espagnoles de certaines chansons. La production est plus étalée ensuite (20 morceaux) : Ni rouge ni mort (1984, 33 tours et cassettes de dix compositions), un maxi-45 tours Calédonie  (1985, deux chansons), Pour mémoire (1986, 33 tours et cassette de huit titres). Après 1986, il compose peu (neuf chansons) et propose essentiellement des compilations [8] . Internet renouvelle le lien avec son public, grâce à un site lancé par un fan en 1999, agréé par lui en 2000, et connaissant sa troisième version en 2007. Cela le conduit à donner un concert parisien en 2004, puis d’autres jusqu’en 2008 [9] . Trois livres lui valent une certaine médiatisation au milieu des années 2000 : une biographie de Bastien-Thiry, un récit de jeunesse et une enquête sur l’affaire Markovic [10] 

L’essentiel de sa carrière musicale se déroule ainsi dans la première partie des années 1980. C’est donc sur les chansons de cette période que se focalisera l’analyse : déclinant anticommunisme, populisme et mémoire pied-noire sur les musiques des années 1960-1980, elles sont les plus significatives politiquement. La considération de caractéristiques communes à toutes les chansons préludera à une étude plus circonstanciée de l’anticommunisme et de sa déclinaison à la France, avant d’aborder les dimensions métapolitiques de l’univers de Méfret, le tout permettant alors de le situer précisément sur l’échiquier politique. Enfin, une approche de la diffusion et de la réception pourra conclure l’analyse.

Des thèmes

Le Chanteur de l’Occident “1980” le clame : « Puisque la guitare est devenue une arme […] Puisque l’un de vous a chanté Potemkine Moi je viens chanter Soljenytsine […] Je chante contre le Grand Soir […] Je chante pour l’Occident. » « Les démagos » vilipende les responsables de la levée du « soleil noir » et du « sang qui coule sur nos têtes » car il a sa source « dans [leur] esprit ». Si les intellectuels et les chanteurs engagés à gauche sont dénoncés comme meurtriers, seules trois allusions visent des chanteurs précis : Jean Ferrat pour Potemkine (dans Le Chanteur de l’Occident), Boris Vian pour Le Déserteur (dans Djebel Amour), et Maxime Le Forestier pour San Francisco (dans L’Île Saint-Louis) [11] . L’univers de Méfret est ainsi circonscrit : l’anticommunisme qui conduit à combattre les intellectuels homicides complices du totalitarisme soviétique et de tout régime anti-occidental.

A cet anticommunisme revendiqué s’ajoutent la lutte contre la gauche et pour les pays martyrs (Liban, Cambodge) ; l’Algérie ; les histoires exemplaires d’individus, et la grandeur militaire ; les sujets de société, des inspirations diverses et des notes personnelles. Ces thèmes se recoupent parfois – combat politique et anticommunisme, qui dominent les deux premiers albums, la grandeur militaire imprégnant l’Algérie et les destins –, certains ont une connotation politique sous-jacente (drogue, violence urbaine). Au final, combat politique, anticommunisme et Algérie sont les sujets principaux, dans le prolongement des engagements de Méfret et du contexte des années 1970-1980. Celui-ci rend aussi compte des sujets de société liés aux difficultés socio-économiques, ce qui conduit à un éparpillement de l’inspiration en 1986, avec la diminution des tensions idéologiques et internationales et l’affirmation de la droite depuis le début des années 1980.

Le caractère politique donne aux chansons une dimension pamphlétaire de martèlement des convictions politiques, pour un tiers à un quart d’entre elles. Mais, bien plus efficacement, les idées sont véhiculées par des récits d’une vie ou d’un épisode significatif prenant toute leur dimension une fois contextualisés. L’assimilation au personnage et la sympathie visent à convaincre en utilisant la sphère existentielle et émotive. Ce procédé appuie un manichéisme latent : Bien et Mal s’opposent dans un combat sans merci où la vie et la mort sont en jeu. Y est fréquemment associé le rapport entre « maintenant » et « autrefois », « ici » et « ailleurs ». Typique est Djebel Amour. Un ancien combattant d’Algérie se heurte à l’incompréhension de ses amis et de ses parents, comme trente ans auparavant quand on « chantait Le Déserteur à Saint-Lazare », alors que pour lui, cela représente « dix-huit mois à vingt ans », matérialisés dans « une rose des sables Qu’il pose sur la table Et il a le cœur lourd ».

La guitare est-elle « devenue une arme » ? Cette phrase est en effet chantée sur une mélodie de piano… Cependant, présente, la guitare crée le pathos, afin de convaincre sans utiliser la raison (Dien Bien Phû), ou assure un rythme (Les Barricades). Ce dernier prédomine, avec la guitare basse, la batterie et les percussions – l’exemple accompli en est Parole d’homme. A partir de 1985, la musique se rapproche de la « chanson FM ». Méfret suit en partie l’évolution des genres musicaux : son premier album contenait Goulag, un disco, alors sur son déclin. Il demeure ainsi loin des formes issues du rock à partir de la fin des années 1960 et en partie utilisées par la contestation socio-politique (hard-rock, punk). Il se glisse dans les musiques commercialement dominantes, entre « variétés », chanson d’auteur et pop-rock mainstream.

De l’anticommunisme au populisme

Anticommunisme : le thème est omniprésent. Il est abordé, avec l’URSS, par son aspect meurtrier, répressif et liberticide, ou par le biais de faits et d’événements symboliques. Le goulag est chanté trois fois (Le Camp 36, Sibérie, Goulag). Prenons quelques citations : « Les commissaires politiques ont estimé qu’il était fou » (car il chantait Yesterday des Beatles : Le Camp 36) ; « L’eau est sale Elle sort d’un égout », « Dehors ils ont creusé sa fosse La croix porte son numéro », on récite dans les camps « Je vous salue Staline » (Goulag) ; « Les femmes Avec des barbelés Tressent des colliers et des bagues Elles font les bijoux du Goulag » (Sibérie). Utilisation politique de la psychiatrie, internement pour avoir remis en cause le système soviétique, isolement sans contacts avec l’extérieur, souffrance, conditions de vie terribles, travail dur, mort qui fait définitivement sombrer dans l’anonymat, ultime négation de la personne, le goulag incarne le communisme annihilant liberté, droit et justice. Lieu de la perversion parfaite, de la déification du tyran, la résistance y demeure cependant possible : par la foi, l’inventivité et l’espérance matérialisée dans l’Ouest, « le paradis qui existe là-bas ».

Autre lieu symbolique, Berlin est traité dramatiquement avec Veronika, récit de la rencontre d’une jeune Allemande de l’Est, morte en tentant de franchir le Mur, symbole de ceux qui veulent se libérer du communisme et refusent la partition de la ville. Cette variation sur un topos, l’homme de l’Ouest rencontrant la femme de l’Est, faite à la première personne, renforce l’assomption existentielle de la déchirure qu’est le Mur, accentuée par l’insertion du « As a free man I take pride in these words : Ich bin ein Berliner » de John Kennedy à Berlin le 26 juin 1963, la fin de la chanson lui faisant écho. Professeur Müller propose une évasion spirituelle de Berlin, par la musique et la prière, Dieu devenant le seul recours dans un monde menteur et factice. Budapest affirme le caractère foncièrement liberticide du communisme en rapprochant la Hongrie de 1956 de la Pologne de 1981, où, dans les prisons, « On se tourne vers la terre française En criant “Solidarité” ». Cuba est traitée par le biais de l’humour. Dans Miss America, la fille de purs militants castristes, qui rêve des Etats-Unis et de devenir Miss America, « tiendra le drapeau » lors des fêtes officielles, pied de nez secret à Castro.

L’anticommunisme débouche dans un combat politique en France même, abordé à égalité par le pamphlet et le récit exemplaire. Parmi ces derniers, Antoine et L’Enfant du flic dénoncent l’antimilitarisme et la haine de la police. D’un côté, l’ancien combattant d’Algérie, clochardisé, castré par les fellaghas ; de l’autre, les enfants de policiers attaqués par leurs camarades sous l’œil indifférent de l’ « instit’ qui a fait 68 » et « tire sur son shit ». La Manif’ et L’Île Saint-Louis opposent l’espoir de mai 1981 à son impossible réalisation : l’électrice de gauche, blessée lors d’une manifestation, finit par considérer qu’on l’a trompée, que les chansons de mai 1968 ont « perdu leur magie ». Quant aux pamphlets, leur violence n’a d’égale que leur virulence : « Garde ça en mémoire camarade Quand tu vas défiler pour la paix Le sang des enfants tués à la grenade A la couleur de tes idées » (Camarade). Et pour n’être Ni rouge ni mort, il faut s’armer avec les missiles nucléaires Pershing II. Cet anticommuniste atteint les socialistes au pouvoir. Solidarité et Libertés dénoncent un totalitarisme larvé (« Vous brouillez les radios Vous régentez l’école »), l’hypocrisie (« Vous jouez au prolo J’en connais qui rigolent ») et la responsabilité du PS dans ses difficultés, en liant le combat de Solidarnosc, l’aspiration à la liberté et la situation française.

Méfret mène donc une lutte dont la violence répond à celle prêtée aux adversaires : non pas débattre, mais se battre. Cette violence verbale, au service du combat politique, répond en fait à une violence sociale, qui est le trait principal des années 1980. Elle est toujours abordée par le biais de l’histoire d’une victime, dans Faire-part, Faits divers, La Colère et L’Enfant otage. Des gens simples, ouvriers, retraités, anonymes, en situation de faiblesse accentuée parfois par leur solitude et leur état (une personne âgée dans son appartement, un collégien face à une bande, une jeune femme sur un quai de gare, un enfant otage de braqueurs de banque), sont la proie d’agresseurs, des hommes en groupe volant, cassant, rackettant, torturant, violant. La violence est gratuite et injuste. Ainsi, l’ouvrier de Faits divers est tué la veille des vacances parce que « le loubard le plus moche » a parié « dix sacs Il a les foies le bourgeois Il ne passera pas ». Elle est aussi mesquine : elle obtient un plaisir facile, le viol, et un peu d’argent. Flash présente dans ce cadre le cas particulier de raconter l’histoire d’une droguée exploitée par un dealer.

Méfret dénonce ainsi « la peur sur la zone », dont sont responsables des marginaux, des hommes politiques et des fonctionnaires inactifs (La Colère). La justice rendue par soi-même (dans Faits divers, le fils tue le meurtrier de son père) et la révolte politique enracinée dans une colère croissante sont légitimées. Les citoyens livrés à l’insécurité par l’incurie politique, les couches populaires souffrant de l’irresponsable politique socialiste après 1981, les nations privées de liberté par le communisme, les pieds-noirs abandonnés par des gouvernants inconséquents, tous petites gens, victimes innocentes, peuvent et vont se soulever, demander des comptes aux responsables de la situation et se libérer. Sous des modalités diverses s’affirme ainsi une catégorie centrale, le « peuple ». Pensé comme consistant, il est construit par la mise en avant d’une situation de victime appelée à se révolter pour construire un ordre nouveau, sûr et libre. Le populisme se révèle bien ici modalité particulière d’organisation du politique [12] .

L’engagement, valeur métapolitique enracinée dans l’expérience algérienne ?

La violence légitime répond ainsi à la violence imposée et subie, les chansons pamphlétaires n’en étant qu’une expression. Mais la lutte est rarement couronnée de succès, comme si l’essentiel était de combattre, la réaction exprimant l’existence, manifestant une dignité que rien ne peut abolir. Le combat devenant le mode de témoignage du spirituel, peu importe qu’il soit gagné ou ait lieu physiquement. Car le combat premier est celui de l’esprit contre le Mal : le chanteur de Camp 36 est interné dans un hôpital psychiatrique, le moribond de Goulag demande le Credo. Le combat, donc l’engagement, étant essentiel, les chansons de destin et de grandeur militaire prennent un sens nouveau, entre résurrection politique et mythification cosmique : d’un côté la France se réconcilie avec son armée grâce à Kolwezi, et Le Jour J exalte les soldats alliés du 6 juin 1944 ; de l’autre, à Camerone, « Le soleil baissa les yeux [lorsque les légionnaires] furent exterminés [13] . » La résistance désespérée devient accomplissement exemplaire. Les « gosses de dix-huit ans Pour la France Meurent en chantant » à Dien Bien Phû, Camerone est le modèle pour un « petit » qui veut « marcher sur le chemin qui mène à la gloire ». Mais l’on ne revient pas sans blessure de la guerre, puisque Le Fou, traumatisé en Indochine, est incompris même des prostituées, et l’échec est récurrent. Cependant, transformant les morts en symboles (Le Béret amarante), il permet de témoigner efficacement, ce qui en fait une réussite.

Cet engagement total, lié à une exaltation des destins, est aussi esthétisé, ainsi dans Le Camp des solitaires où la radicalité absolue d’une camaraderie renversant tout sur son passage, et Les Oies sauvages ou Le Messager, qui transfigure Jean-Paul II. Car Méfret veut susciter un désir tendu de tout l’être. Mais cette esthétisation de la militance est balancée par l’irréversibilité des catégories morales : il faut choisir le bien, la liberté, la patrie, l’honneur. Pourtant, un certain désenchantement pointe finalement, exprimé à travers la situation libanaise. Le Béret amarante relate le départ volontaire d’un jeune homme parti accomplir son « destin », son appui aux Phalanges chrétiennes, sa mort finale. Cinq ans plus tard, Beyrouth est sans illusion : « Soldat de la paix on l’appelle Soldat cible serait moins trompeur », dans une ville en ruines où la violence des adultes a perverti les enfants.

Ces dimensions se retrouvent toutes dans les chansons sur l’Algérie, avec des tonalités particulières. Les Barricades (de janvier 1960) et Le Loup de guerre (un officier parachutiste devenu mercenaire) unissent nombre d’éléments de la mythologie Algérie française : l’abandon par le gouvernement, les pieds-noirs patriotes se défendant légitimement, les soldats rebelles par honneur (le mercenaire voulut rester fidèle « au serment qu’on lui fit prêter ») réduits à survivre comme ils le peuvent, les parachutistes. S’y ajoute la vie marquée à jamais. Le mercenaire, devenu machine à tuer dans les guerres idéologiques, passant du Biafra indépendantiste aux milices chrétiennes du Liban, sans oublier la guérilla antimarxiste en Angola ou anti-islamiste au Soudan, est spirituellement misérable, comme l’ancien conscrit incompris de Djebel Amour que « Ses souvenirs […] entraînent, ses souvenirs […] enchaînent ». Ces victimes, marquées par leur engagement sans retour, ont vécu une tragédie, « le temps du malheur » : l’indépendance algérienne (Santa Cruz). Les notations personnelles se font alors plus fortes, Méfret devenant acteur de ce qu’il chante. L’exode crée la douloureuse nostalgie difficilement exprimable de la terre aimée (Le Pain de la misère, Un Noël à Alger, Santa Cruz). Le scandale, la révolte, « la colère », font interpeller Dieu pour tenter de comprendre (La Prière). Seule la statue de la Vierge d’Oran rapatriée en France demeure un point d’ancrage (Santa Cruz), alors que la geste pied-noire est magnifiée (L’Hymne des Pieds-Noirs, La Médaille – avec dénonciation de l’antimilitarisme).

Il est alors possible de penser que l’échec du combat pour l’Algérie française devient la matrice du positionnement métapolitique et politique de Méfret. Les pieds-noirs, victimes qui se sont battues envers et contre tout et dont les souffrances sont la promesse d’un renversement à venir, anticipent et permettent de penser ceux qui souffrirent du communisme et les gens de peu ignorés des puissants.

Un chanteur populiste et républicain

De quel univers politique relève alors Méfret ? En 1982, il se présente implicitement comme « nationaliste français [14] ». A partir de 2003, son site internet affirme qu’il « n’appartient à aucun parti politique. Il est avant tout attaché aux valeurs traditionnelles de la République dans le respect des droits, mais aussi des devoirs des hommes et des citoyens. Jean-Pax Méfret est d’abord un non-conformiste qui chante “vrai” [15] . » Tendance populiste, non-conformisme revendiqué, esthétique de l’engagement, anticommunisme, Algérie française, République des droits et des devoirs : tout pousse vers l’extrême droite.

Mais, entre 1999 et 2002, il s’est rapproché de Démocratie libérale d’Alain Madelin [16] ; et surtout, le nationalisme xénophobe est totalement absent. La descriptive « main d’ébène » du dealer de Flash est seule face aux légionnaires « Français par le sang versé » (Kolwezi) et à l’absence de l’immigration extra-européenne, question nettement politique depuis le début des années 1980. Le patriotisme, où l’armée incarne la nation, est républicain : La Marseillaise est « morceau d’histoire française » (Budapest), le casque bleu risque sa vie pour « Marianne » (Beyrouth). Au plan économique, ni libéralisme du Front national, ni organicisme corporatiste, ni allusion aux débats des années 1980 sur la politique industrielle, les nationalisations et les privatisations. Seules les conséquences des difficultés sont traitées, avec le suicide d’un chômeur dans Faire-part. Les grands combats, défaites et références de l’extrême droite et des contre-révolutions royalistes ou catholiques sont absents [17] . Sauf l’Algérie. Car domine l’origine algéroise : milieu populaire, patriote, rapproché de l’armée par la Guerre d’Algérie, éloigné des responsables politiques et radicalement opposé à la gauche socialiste et communiste – une sorte de Barrès pied-noir, le Barrès d’après-1919 où ont disparu les ennemis extérieurs, battus, et intérieurs, intégrés par le sacrifice militaire, la « nostalgérie » représentant l’enracinement.

Ce populiste républicain anticommuniste s’inscrit dans les conflits géopolitiques et idéologiques des années 1960-1980. Multiples sont les références à l’actualité internationale : révolution portugaise (1974) dans L’Île Saint-Louis, Soljenitsyne (1974-1975) dans Le Chanteur de l’Occident, guérilla bolivienne dans Feliciano, accords d’Helsinki (1975) dans Le Chanteur de l’Occident, Kampuchéa démocratique (1975-1978) dans Et la musique s’est arrêtée et Les Démagos, révolution iranienne dans Les Démagos et révolte katangaise (1978) dans Parole d’homme, boat people fuyant le Viêtnam dans L’Île Saint-Louis, syndicat libre polonais Solidarnosc (1980-1981) dans Solidarité et Budapest, dissidence d’Andreï Sakharov dans Le Chanteur de l’Occident, renouveau de la tension Est-Ouest (invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979, crise des euromissiles de 1981 à 1984, Boeing des Korean Airlines abattu par la chasse soviétique dans la nuit du 1er-2 septembre 1983) dans Camarade et Ni Rouge ni mort, guerre civile libanaise (1975-1986, avec l’assassinat du président Béchir Gemayel le 14 septembre 1982 et les attentats contre la Force multinationale de sécurité le 23 octobre 1983) dans Le Béret amarante et Beyrouth. Pour la France domine la donne politique issue de la présidentielle de 1981 : « changement » après le 10 mai dans L’Île Saint-Louis et Solidarité, congrès du PS à Valence qui demande un renouvellement des cadres de l’administration (23-25 octobre 1981, avec référence au discours de Paul Quilès du 23), naissance des « radios libres » autorisées de manière dérogatoire (1982) et projets éducatifs du ministre Alain Savary (1984) dans Solidarité, et, anecdotiquement, l’Îlot Châlon, lieu de squat et de trafic de drogue parisien avant sa rénovation (décidée en 1984) dans Flash. Les revendications kanakes de 1984 à 1989 permettent de croiser anticommunisme et patriotisme dans Calédonie, le FLNKS se revendiquant du marxisme.

Méfret participe donc du renouvellement des droites et d’un révisionnisme intellectuel à partir du milieu des années 1970. La poussée monétariste ne s’accompagne pas d’une rénovation politique ou culturelle, malgré les tentatives de Valéry Giscard d’Estaing. La Nouvelle Droite tente de s’affirmer, profitant du lancement par Hersant en 1978 du Figaro Magazine, où confluent plusieurs pensées de droite, unies par leur volonté nette d’en découdre avec les gauches [18] . 1981 accentue le mouvement, en plaçant la droite dans l’opposition, violente et active, au Parlement et dans la presse – notamment dans les journaux du groupe Hersant, visé en 1983-1984 par une loi « anti-concentration » âprement débattue. La désidéologisation de l’exercice socialiste du pouvoir, avec le tournant de la rigueur en 1983, la pratique de la désinflation compétitive après 1988, le difficile renoncement de la droite gaulliste au dirigisme économique, le réchauffement des relations Est-Ouest après 1986, atténuent les polémiques à visée identitaire. Les conflits se déplacent vers des thèmes plus « sociétaux » ou partiellement nationaux, comme l’indépendantisme kanak, ce que Méfret traduit à sa manière [19] .

De manière plus marginale, ses chansons n’interviennent pas dans les tensions agitant le monde rapatrié dans la décennie 1980. Mais il participe à la construction de la mythologie pied-noire : religion populaire dans Santa Cruz avec la statue de la Vierge d’Oran installée désormais à Nîmes, patriotisme et fierté de la participation à la libération de la métropole lors de la Seconde Guerre mondiale et revendiqués dans La Médaille et L’Hymne des pieds-noirs, pieds-noirs définis comme des pionniers sans s’interroger sur la colonisation dans L’Hymne des pieds-noirs, « nostalgérie » recomposant, par le biais de l’exil, en un peuple solidaire un monde qui fut et demeure traversé de failles politico-sociales – entre grands colons et petits artisans et employés urbains, entre partisans du Parti socialiste, des partis centristes ou de droite modérée, et ceux du Front national [20] .

Diffusion et réception [21]

Un univers aussi circonscrit et au message politique si fort jusque dans les voies indirectes qu’il emprunte, et dont l’expression dépendait assez largement des circonstances même s’il s’y trouve des éléments métapolitiques en partie intemporels, pouvait-il connaître le succès dans les années 1980 face à la chanson de divertissement, qui représente plus que l’écrasante majorité de la production et marginalise radicalement, au moins en France, toute forme de chanson militante ? La diffusion à la radio ou à la télévision, avec pour cette dernière quatre passages retrouvés dont deux en 1975, fut donc faible [22] . Les concerts occasionnels, à l’occasion de reportages ou de manifestations politiques, comme les journées d’Amitié française du Centre Charlier, les fêtes Bleu Blanc Rouge du Front national, servent aussi à la popularisation. Mais la diffusion repose largement sur le contact individuel et non sur une commercialisation de masse appuyée sur la médiatisation radio-télévisée – Méfret dénonce une censure [23] . Les disques et cassettes, achetés par exemple par le biais de la SERP de Jean-Marie Le Pen, sont écoutés entre amis ou camarades, prêtés, dupliqués – comme les CD ensuite. Ce fonctionnement réticulaire se double d’une transmission familiale, accentuée dans les années 2000, les rééditions, les nouvelles productions et le site Internet permettant une relance de la diffusion.

La spécificité des thèmes explique ce type de diffusion et la réceptivité sélective en fonction des milieux. Le monde militaire est un vivier très important, avec 16% des messages du site jean-pax.com en avril 2005, des années 1980 aux années 2000, plus peut-être parmi les militaires en opération que parmi les encasernés. Sont ensuite atteints les proches des soldats et des adolescents idéalisant l’armée – lycéens militaires, certaines unités scoutes de zones de classes moyennes supérieures, ainsi l’ouest des Yvelines. Le monde pied-noir est plus discret. Nationalistes, royalistes et catholiques contre-révolutionnaires accueillent un renouvellement pop-rock des chansons de droite, jusqu’à présent royalistes, vendéennes, chouannes, fascistes, antibolcheviques, militaires [24] . Ces publics sont plus ou moins segmentés, y compris au plan socio-économique : les militaires, plus souvent soldats ou sous-officiers, appartiennent davantage à un milieu populaire, de formation inférieure au baccalauréat. Ils sont fédérés par l’aspect militaro-esthétique et la contestation de la gauche, et se positionnent massivement à droite ou à l’extrême droite. La dimension populiste et républicaine n’est presque jamais perçue. L’univers politique de Méfret est ainsi partiellement décalé de celui de ses auditeurs.

Les chansons ont une fonction mobilisatrice et identificatoire, illustrant des idées ou des références déjà acceptées et défendues. Chantées à plusieurs, pour affirmer une communauté de vues ou de vie, rarement discutées, ou écoutées solitairement, elles ne diffèrent pas de la musique habituellement écoutée [25] , tout en ayant une portée politique, construisant un anticommunisme et une défense de l’Algérie française, et métapolitique, alimentant une esthétique de l’engagement et une valorisation de l’honneur. Chez les adolescents, illustrant musicalement un univers politique, elles participent à la politisation. Chez les adultes, elles entretiennent cet univers dans la durée. Ici réside leur efficacité, plus que dans un retournement ou une opposition politiques ponctuels [26] . Aussi Méfret peut-il être, à ce titre, l’objet d’un investissement important, avec l’initiation des enfants et amis, l’achat de tous les disques, des livres, la recherche d’informations.

Ainsi, Méfret peut servir d’analyseur à plusieurs titres. D’abord, il donne de voir fonctionner une forme de chanson politique : plus que la conviction, l’illustration, la construction d’un univers politique par l’appui sur des éléments métapolitiques faisant sens avec cet univers. Ensuite, historiquement, enraciné dans l’Algérie française, évoluant vers un fort anticommunisme en raison de l’évolution du contexte géopolitique, vivant un combat presque apocalyptique dans la France dirigée par le Parti socialiste, il montre l’existence, voire la vivacité, d’un populisme républicain dont on peut se demander s’il ne pourrait se retrouver chez d’autres personnalités, hebdomadaires ou organisations de droite dans les années 1980 (Alain Griotteray, Figaro Magazine, CNI, MIL, UNI). Il amène à s’interroger aussi sur la possible fonction d’interface que peut jouer ce républicanisme particulier dans les relations de la droite avec l’extrême droite, voire sa contribution à la vulgarisation de thèmes qui ont fait le succès de cette dernière à partir de 1984. Enfin, utilisant les formes musicales issues des années 1950-1960, se distinguant de la mouvance skinhead des années 1970, il précède le rock identitaire français des années 1990-2000, engagé de manière beaucoup plus explicite, lié à une génération née après 1970-1975 et à une politisation accompagnée par le poids du Front national [27] .

Notes :

[1] Sur le rapport entre chanson et politique : Chansons en politique : journée d’étude du 29 novembre 2002, Paris, Bibliothèque nationale de France, coll. « Conférences de la Bibliothèque nationale de France », 2003, 5 CD (dont Marc-Olivier Baruch, « Histoire, chanson et politique : remarques en forme de synthèse », CD 4, Anthony Pecqueux, « Chansons politiques : tendances actuelles », CD 5) ; « La politique en chanson », Mots. Les langages du politique, n° 70, novembre 2002 (http://mots.revues.org).

Approche plus factuelle dans Daniel Pantchenko, « Vous avez dit “chanson engagée” ? », Textes et documents pour la classe, n° 894, « La chanson française », 15-30  avril 2005 (http://www.cndp.fr/revueTDC/894-72891.htm, consulté le 3 février 2009) ; Chantons l’affiche. Quarante années de notre histoire illustrées par l’affiche et la chanson, documents réunis par Bernard Champelovier, Chambéry, Editions Jean-Jacques Rousseau, 1996 (Méfret, p. 15, 121, 125) ; Serge Dillaz, La Chanson française de contestation des barricades de la Commune à celles de mai 1968, Paris, Seghers, 1973 ; Le Choc du mois, n° 14, « Chanson française : engagez-vous », juillet 2007.

Pour les chansons sur les colonies : Alain Ruscio, Que la France était belle au temps des colonies… : anthologie de chansons coloniales et exotiques, Paris, Maisonneuve et Larose, coll. « Actualité de l’histoire », 2001 (Méfret, p. 283, 284) ; Claude Liauzu, Josette Liauzu, Quand on chantait les colonies, Paris, Editions Syllepse, coll. « Histoire : enjeux et débats », 2002 (Méfret, p. 149, 171-172).

[2] Polémique de Louis-Jean Calvet, Jean-Claude Klein, Faut-il brûler Sardou ?, Paris, Editions Savelli, 1978.

[3] « Regarde les hommes changer », Europe 1, 20 juin 2007.

[4] Il avait participé à un radio-crochet en 1960 ; le catalogue BN Opale Plus lui attribue un « slow-rock », « Chérie », en 1956.

[5] « Âge tendre et têtes de bois », ORTF, 10 novembre 1964, 10 juin 1965. Il participe au concert télévisé « MusicHall de France » (9 avril 1966) et à « Jeunesse oblige » (19 juillet 1966, où il côtoie Rika Zaraï, Serge Lama et Michel Polnareff).

[6] Valérie Esclangon-Morin, Les Rapatriés d’Afrique du Nord de 1956 à nos jours, avant-propos de Claude Liauzu, Paris, L’Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes », 2007, p. 337-338.

[7] Selon Renaud, il participe avec lui à un « Midi Première » (déclaration à « Les enfants de la télé », Antenne 2, 25 mars 1995). Selon les archives de l’Inathèque, Méfret chante dans « IT1 Magazine » de Yves Mourousi (TF1, 11 mai 1975), Renaud participe à « Midi Première » de Danielle Gilbert (TF1, 17 mai 1975) : « Rapport du Chef de chaîne », TF1, 11, 17 mai 1975 et « Conducteurs Actualités », TF1, 11 mai 1975. Un reportage sur Méfret est diffusé dans « FR3 Dernière » le 21 juin 1975 (« Rapport Chef de chaîne » de FR3, dactyl., 21 juin 1975, avec surcharges manus. : « Occident » remplacé par « Occitan », Inathèque).

[8] 1995 : Les années froides (double-CD, 40 titres), Algérie – Nostalgie (double-CD, neuf morceaux) ; 1999 : Le soir du neuf novembre ; 2002 : Méfret chante Saint-Cyr (CD de deux compositions) et Quand les souvenirs reviennent (CD collector de trois titres et un récit) ; 2003 : Là-bas (CD de neuf chansons  sur l’Algérie), deux double-CD reprenant les 33 tours, un quintuple-CD reprenant ces double-CD et les versions espagnoles ; 2004 : Sainte Mère Eglise (CD collector de trois titres), Chansons d’histoire militaire, (CD de dix chansons) ; 2006 : Guerres de Vendée (CD de cinq morceaux et récits).

[9] http://www.jean-pax.com . Début du concert de 2004 sur http://www.dailymotion.fr  Exemple de mise en valeur par Internet : http://pagesperso-orange.fr/jeunepiednoir/jpn.wst/Jean-Pax_Mefret.htm [lien consulté le 3 février 2009]. Le concert d’Issy-les-Moulineaux du 11 octobre 2008 a été édité en DVD par la société Diffusia.

[10] Tous publiés à Paris chez Pygmalion : Bastien-Thiry, jusqu’au bout de l’Algérie française, 2002 (rééd. 2007 : Jusqu’au bout de l’Algérie française : Bastien-Thiry) ; 1962, l’été du malheur, 2007 ; Une sale affaire. Markovic, Marcantoni, Delon, Pompidou et les autres, 2007.

[11] La présence de Le Forestier peut s’expliquer par Le parachutiste (1972) ; selon Le Forestier, Méfret se présentait comme l’anti-Le Forestier (L.-J. Calvet, J.-C. Klein, Faut-il…, op. cit.). Miss Cuba pourrait répondre à Cuba si (1967) de Ferrat.

[12] Ernesto Laclau, On Populist Reason, London, Verso, 2005, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Ricard, La raison populiste, Paris, Editions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2008 ; Pierre-André Taguieff, L’Illusion populiste : essai sur les démagogies de l’âge démocratique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », nouvelle éd. revue et augmentée, 2007 ; Guy Hermet, Les populismes dans le monde. Une histoire sociologique, XIXe-XXe siècles Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 2001 ; Yves Demy, Yves Surel, Par le peuple, pour le peuple. Le populisme et les démocraties, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 2001 ; Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 56, « Les populismes », novembre-décembre 1997. Intéressante comparaison : Christian Le Bart, « La figure du peuple dans les chansons de Renaud. De l’exploitation à l’aliénation », Mots. Les langages du politique, n° 70, « La politique en chanson », novembre 2002 (http://mots.revues.org/index9763.html, lien consulté le 3 février 2009).

[13] Le 30 avril 1863, lors de la guerre du Mexique, le capitaine Danjou et 62 soldats de la Légion étrangère, encerclés par deux mille Mexicains dans le hameau de Camerone, refusent de se rendre. Survécurent cinq soldats. L’anniversaire de la bataille est devenu la fête traditionnelle de la Légion.

[14] « Passez donc me voir », Antenne 2, 2 janvier 1982.

[15] http://www.jean-pax.com/page=faq (sans changements entre 2005 et 2007).

[16] Il chante « Le soir du 9 novembre » lors de la célébration de la chute du mur de Berlin organisée par Démocratie libérale (9 novembre 1999), et compose Aux couleurs de la vie qui clôt les meetings de la campagne présidentielle de Madelin en 2002 (« Décibels », France Culture, 6 mai 2002)

[17] Seules allusions : le phalangiste José Antonio Primo de Rivera dans Le Chanteur de l’Occident (1975), les Guerres de Vendée (2006). Les Oies sauvages renvoie aux missions de l’armée de l’air en Afrique, non à l’arrière-plan nationaliste allemand.

[18] Séverine Nikel, Culture, valeurs et art de vivre dans « Le Figaro Magazine », mémoire de DEA d’histoire du XXe siècle, sous la direction de Michel Winock, IEP de Paris, 1993, 134 f.

[19] Jean-Marie Donegani, Marc Sadoun, « 1958-1992. Le jeu des institutions », François Bourricaud, « 1945-1992. La crise des référents », dans Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites. 1. Politique, avant-propos de Jean-François Sirinelli, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2006 (1992), p. 426-481, 567-598.

[20] Daniel Leconte, Les pieds-noirs. Histoire et portrait d’une communauté, Paris, Seuil, coll. « L’Histoire immédiate », 1980 ; Joëlle Hureau, La mémoire des pieds-noirs, Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2001 (Olivier Orban, 1987) ; Jeanine Verdès-Leroux, Les Français d’Algérie de 1830 à aujourd’hui. Une page d’histoire déchirée, Paris, Fayard, 2001 ; Eric Savarèse, L’invention des pieds-noirs, Paris, Séguier, coll. « Les Colonnes d’Hercule », 2002, p. 147-179 ; Valérie Esclangon-Morin, Les rapatriés…, op. cit., p. 326-330. La pochette de L’Hymne des pieds-noirs est la seule allusion à la colonisation (une photographie d’un groupe de pieds-noirs, d’officiers et d’Algériens décorés, à la fin du XIXe siècle).

[21] Sont utilisés des éléments collectés par contacts amicaux avec une dizaine de personnes ayant écouté Méfret durant leur adolescence, envoi d’un questionnaire en mai 2005 à des personnes ayant posté des messages sur le site http://www.jean-pax.com (32 réponses, pas toutes complètes), exploitation du livre d’or de http://www.jean-pax.com (au 18 avril 2005, 542 messages), consultation de forums Internet évoquant Méfret. La représentativité est biaisée : utilisation d’Internet, connaissance des sites parlant de Méfret, postage d’un avis ou témoignage.

[22] Télévision : reportage dans « FR3 Dernière », 21 juin 1975 , « Passez donc me voir » de Philippe Bouvard, Antenne 2, 2 janvier 1982 : interview et chant en direct de « Un Noël à Alger » ; « Chantez-le moi » de Jean-François Kahn, Antenne 2, 21 mars 1982 : vidéo de « Solidarité ». Radio : Radio France Melun, Radio France Belfort, RTL, Radio Solidarité – cette radio, fondée en août 1981 par des militants et hommes politiques de droite, s’engagea nettement contre la gauche au pouvoir ; rapides éléments à http://www.schoop.fr/histos/solidarite.php, lien consulté le 3 février 2009).

[23] « FR3 Dernière », 21 juin 1975 ; « Passez donc me voir », 2 janvier 1982.

[24] « La première fois que j’ai entendu “le chanteur de l’Occident” un midi à la télé sur TF1, j’ai pensé : enfin une chanson engagée qui dit la Vérité, cela change de tout ce tissu d’âneries gauchistes » (Paul, 8 décembre 2002, témoignage présent dans le livre d’or du site http://www.jean-pax.com en 2005, disparu dans la version de 2007).

Les catholiques contre-révolutionnaires s’opposent à la Révolution pour des raisons religieuses, et, même s’ils ont souvent une préférence pour la monarchie, s’accommodent de tout régime conforme au droit public ecclésiastique (reconnaissance de la souveraineté de Dieu, législation civile inspirée par le catholicisme).

[25] Dans les trente-deux réponses au questionnaire sont mentionnés chanson et variété francophones (Brel, Brassens, Sardou, Halliday, Fersen), rock, « musiques du monde », classique ; le rap est absent.

[26] « En mission à Nouméa, j’ai appris à connaître les chansons de Jean Pax par une personnalité ministérielle qui en 1988 nous a réuni pour nous avertir qu’il y avait des documents subversifs qui circulaient sous le manteau » (Yvan Rednak, 11 octobre 2004, témoignage présent dans le livre d’or du site http://www.jean-pax.com en 2005, disparu dans la version de 2007) ; « Respect a Mr Mefret [sic] de la part d’un vieux gaucho que JPM a su faire reflechir [sic]. Je […] suis moins “stalinien” dans ma façon de penser la gauche. ! » (Alexis, 8 mars 2005, témoignage présent dans le livre d’or du site http://www.jean-pax.com en 2005, disparu dans la version de 2007).

[27] Enquêtes militantes : Rock Haine Roll. Origine, histoire et acteurs du Rock Identitaire Français. Une tentative de contre-culture d’extrême droite, Paris, Éditions No Pasaran, 2004 ; Ras l’front, Sur les terres du rock identitaire français. Acte II, dossier n° 2, sans date.

Paul Airiau

Agrégé et docteur en histoire, maître de conférences à l’IEP de Paris et enseignant dans le secondaire, Paul Airiau croise l’histoire religieuse à l’histoire politique (L’antisémitisme catholique aux XIXe et XXe siècles, Paris, Berg International, 2000 ; Cent ans de laïcité française, 1905-2005, Paris, Presses de la Renaissance, 2005) et culturelle (« Le prêtre catholique : masculin, neutre, autre ? », dans Hommes et masculinités de 1789 à nos jours, Paris, Editions Autrement, 2007, p. 192-207 ; « Catholicisme et actualisation du merveilleux médiéval. Le cas de J. R. R. Tolkien et Louis Bouyer », dans Fantasy : le merveilleux médiéval aujourd’hui, Paris, Bragelonne, 2007, p. 131-142 ; « Catholiques français versus rock’n’roll », dans L’Église et la culture, Montpellier, Centre régional d’histoire des mentalités, université Paul Valéry – Montpellier III, 1996, p. 233-264).

Entretien avec Jean-Pax Méfret

Jean-Pax Méfret, le chanteur d’Occident, qui a bercé notre adolescence de cinquantenaires, sort un nouvel album : deux chansons poignantes, l’une sur le martyre des chrétiens d’Orient, “Noun”, l’autre en forme de prière, intitulée sobrement : “La force”. Mais d’où vient cette voix ? De quelle histoire poignante est-elle l’écho irremplaçable ?

Vous avez toujours chanté, Jean-Pax, mais à quelle occasion avez-vous composé votre première chanson ?

C’était après l’exécution du lieutenant Roger Degueldre. J’avais 16 ans, j’étais en prison, à Rouen, dans le quartier des activistes, j’y suis resté entre mai 1961 et septembre 1962, j’ai été le plus jeune détenu de France – pour cause d’Algérie française – en compagnie des plus grands seigneurs de l’armée française : les officiers avaient mis leurs décorations sur la porte de leur cellule. C’est dans cette atmosphère, quand j’ai appris l’exécution de Degueldre, c’est à ce moment que j’ai composé, en son honneur, ma première chanson. Elle commençait ainsi : « Dans le quartier des activistes, derrière une porte de fer, un officier parachutiste vient de coiffer son béret vert ». Qui est cet officier ? On le comprend très vite : « En entonnant la Marseillaise, il lève la tête et sourit aux onze balles, toutes françaises, qui luttent pour lui ôter la vie ».

Voix chaude, passionnée, comme au premier jour : Jean-Pax aujourd’hui est encore là bas, dans la prison de Rouen, là où s’est élaborée la poésie rude de son existence… Je lui parle des matons, qui gardaient comme un criminel l’adolescent qu’il était encore.

Ils en avaient vu d’autre. C’était des professionnels, qui vous disaient : « J’ai gardé des résistants ; j’ai gardé des collabos ; maintenant je garde l’OAS ». Je me souviens, beaucoup plus tard, je travaillais à L’Aurore comme reporter et on me demande un sujet sur les émeutes dans les prisons. Je vais à Caen. Les gardiens étaient tous alignés dans la cour, pour montrer le visage de l’ordre au journaliste en visite. J’en reconnais un, de belles joues rouges comme des pommes, pas d’erreur. Je m’avance vers lui et un court dialogue s’engage : « – Vous vous souvenez de moi ? – Vous étiez à Rouen… – Oui – Méfret ! Ça alors ». Lui était un maton sympa. Mais quelques-uns restaient dans la doctrine. Nous étions des méchants pour eux. Je me souviens, une fois, nous étions réunis dans une salle, dans laquelle nous apportions un tabouret léger, pour écrire. J’oublie mon tabouret, je demande à aller le chercher et je m’entends répondre : « Mettez-vous à genoux. Pour écrire, c’est la position qui vous convient le mieux ». Un autre, à qui je demandais de ne pas être enchaîné avec la racaille des droit commun, me répondit durement : « C’est ceux que tu appelles la racaille qui devraient refuser d’être enchaînés avec toi ». Heureusement, en prison ma mère venait me voir deux fois par semaine, six kilomètres à pied. Elle a conservé mes lettres et me piquait les siennes. Après sa mort, j’ai retrouvé l’échange de missives, souvent légendées. À ce moment, j’étais assez dur et intransigeant. Je me souviens d’un mot d’elle, écrivant en marge : « Que peut répondre une mère à la souffrance de son enfant ? ». Quant à mon père, il n’était pas là… Il travaillait au SDECE, au service 7. Il a d’ailleurs été décoré, en particulier pour son action contre le trafic d’armes en Algérie. Il disait souvent, sans illusion : « On m’a décoré pour avoir gardé l’Algérie à la France et on met mon fils en prison pour la même raison ».

Que faites-vous en sortant de prison ?

Ma mère avait trouvé refuge chez les Pivert, une famille catholique de Rouen, qui, par conviction, logeait plusieurs femmes d’officiers détenus. J’ai donc été assigné à résidence chez les Pivert. Désormais, je peux suivre des cours, mais uniquement par correspondance. Que faire ? Je me souviens de ce Noël 1962, où, avec quelques camarades, et des autorisations administratives circonstanciées, j’ai organisé mon premier spectacle. Le préfet Chaussade avait été coopératif. J’avais composé pour la circonstance un poème récité sur fond sonore : « Toi Rouen, ville sainte par ton histoire, ville hérissée de clochers pointés vers le ciel, semblant symboliser l’ultime appel de Jeanne vers Dieu, témoin de son sort cruel. Écoute Rouen, cet humble et court hommage à la continuité de ton histoire ». Et encore : « Le souffle et la main de Jeanne t’ont-ils inspiré, Rouen, pour que dans leur malheur et désespoir, ces damnés de la grandeur puissent encore te dire : Merci Rouen ».

L’allusion aux détenus politiques, « damnés de la grandeur », est claire. Jean-Pax récite. Il déclame un peu. Sans note. Ces premiers textes, comme tous les autres, sont gravés dans sa mémoire, comme s’ils étaient marqués du sceau de sa trop précoce solitude. Je lui demande d’où lui vient ce souffle…

Je ne m’en suis pas rendu compte. “La Force” par exemple [sa dernière chanson en forme de prière], c’est direct. Mais dans beaucoup de chansons, on sent cette inspiration divine. Il y a sans doute mes années chez les maristes à Alger et puis les veillées scoutes, mon passage à la troupe Général de Sonis…

Que se passe-t-il une fois que vous en avez fini avec cette assignation à résidence ?

Le préfet, dont j’ai déjà parlé, m’avait accordé la permission d’aller à Marseille voir ma grand-mère. J’arrive de Rouen. Ma grand-mère n’est plus à l’adresse qu’elle nous avait indiquée. Je suis dans la rue. Je dors à l’Armée du salut et le lendemain, je rencontre la maman d’une petite amie : « Viens manger à la maison ». Elle insiste pour me raccompagner et découvre que je suis à l’Armée du salut. Ambiance ! Je remonte à Paris, où je suis libre, sans rien. Enfin si : avec mon casier judiciaire. On est quelques copains pieds-noirs, on se regroupe, on commence à chanter le soir dans les cafés. Une Américaine tombe amoureuse de moi. J’habite avec elle Place du Tertre, ça ne s’invente pas. Je commence à chanter, je rencontre un garçon qui s’appelle Jean-Claude Camus, qui sera l’impresario de Johnny et de beaucoup d’autres. Je me fais faire une carte de visite : « secrétaire artistique de Jean-Claude Camus ». Je compose quelques chansons, cinq disques paraissent chez Decca, dont un titre, “La prière”, qui retient l’attention et obtient en 1965 le grand prix Âge tendre et tête de bois. J’ai 20 ans. À l’époque j’ai pris un pseudonyme : Jean-Noël Michelet. Jean est mon prénom. Noël le prénom de mon père. Quant à Michelet, c’est le nom de la rue centrale d’Alger. Quelle était ma prière ? « Sainte Marie, seul dans la nuit, j’allais vers l’infini sans argent, j’allais vers le néant. Mais toi, alors que j’étais là sur la route dans le froid, tu es venue vers moi, toi au détour d’un chemin, cachée par les buissons, tu m’attendais. Moi pourtant je n’étais rien de plus qu’un jeune homme perdu dans l’abime du chagrin. Moi ne sachant plus pourquoi je retrouvais la foi, je me suis prosterné devant toi, sainte Marie seul dans la nuit, je suis là, je te prie sans un bagage et sans argent »…

Vous êtes en train de nous dire que vous menez la vie de Bohême…

Je dirais, et j’ai chanté cela aussi, je mène une vie de galère : « Je suis né les pieds dans l’eau et la tête au soleil. On voulait me faire taire je suis toujours debout ». J’enchaîne les petits boulots. Notre réseau pieds-noirs est un soutien. Mon premier journal, dirigé par le colonel Pierre Battesti, président de l’Anfanoma, s’appelle France-Horizon, c’est le mensuel des Rapatriés d’Algérie. Plus tard, je serai journaliste d’investigation à Minute, puis à L’Aurore (où je suis grand reporter et spécialiste de politique étrangère). J’atterris enfin au Figaro puis au Figaro magazine où je serai directeur des magazines régionaux et responsable des grands dossiers. Je n’ai jamais vraiment fait de politique politicienne, je suis dans l’action, dans l’engagement, mais pas dans les idées. Je préfère les grands sentiments aux grandes idées.

C’est sans doute pour cela que vous aimez le Christ…

Je m’appelle Jean-Pax Marie Ange : mon prénom est un chrisme. Vous savez, puisque vous en parlez, il n’est pas sûr que je ne finisse pas moine. J’y ai vraiment pensé, et il n’y a pas longtemps encore. Je me souviens, tout jeune, j’ai connu un officier, rentrant au monastère. Toute sa compagnie l’avait accompagné. Son geste m’a beaucoup frappé. Spirituellement, ce qui m’a marqué, je vous l’ai dit, ce sont les veillées scoutes, c’est aussi la vie des grands missionnaires, et, dans les grands reportages que j’ai eu l’occasion de mener, la souffrance des enfants et puis l’impuissance de populations entières, incapables de sortir de leur misère. En Afrique, ce sont ces gens qui croient, quand vous arrivez que le Blanc peut tout. Le Christ permet de supporter tout ça… J’ai une amie à Lourmarin qui est peintre. Elle a fait un tableau du Christ, qui m’a beaucoup inspiré pour ma chanson “La force”. Voir le monde tel qu’il est, cela vous donne envie de prier. La vie spirituelle c’est peut-être de l’évasion. Cela l’a toujours été pour moi, un peu plus maintenant. Ma foi a toujours été là mais j’ai moins de pudeur à la manifester. J’ai longtemps pensé qu’il fallait la garder pour soi. C’était familial : ma mère me mettait des médailles dans la doublure de ma veste. Chez moi, on n’entamait pas le pain, sans faire une croix dessus avec le couteau. Et en même temps, en Algérie, on respectait toutes les religions, on participait aux fêtes des uns et des autres. Les partisans de l’Algérie française n’ont jamais profané de mosquées.

Et pourtant les Algériens ont fait la guerre, eux, pour des raisons religieuses…

Il est vrai que pour les Arabes la guerre était religieuse. Le FLN déjà avait interdit aux populations de fumer et de boire, sous peine de couper le nez et les lèvres… La chirurgie esthétique a fait des progrès énormes à cette triste occasion… Mais nous n’avons pas encore tout vu en France ! En Algérie, des Bataclan, il y en avait tous les jours !

Propos recueillis par l’abbé G. de Tanoüarn

Un nouvel album de Jean-Pax Méfret : Noun éd. Diffusia 20 € (commandes ici ).

Voir également:

Méfret : le chanteur d’Occident

Le 6 juillet 1962, le lieutenant Roger Degueldre est fusillé au fort d’Ivry. Le soir,dans la petite chapelle de la prison de Rouen, à la messe des morts dite en mémoire…

Le 6 juillet 1962, le lieutenant Roger Degueldre est fusillé au fort d’Ivry. Le soir,dans la petite chapelle de la prison de Rouen, à la messe des morts dite en mémoire du lieutenant, le détenu Jean-Pax Méfret entonne le De profundis.Depuis la veille, le drapeau vert et blanc au croissant rouge flotte sur Alger. L’Algérie française est morte. Méfret n’a pas 18 ans. C’était il y a longtemps, presque dans un autre monde, celui que réveille Jean-Pax Méfret dans 1962, l’été du malheur, bouleversante alchimie de souvenirs personnels et d’un immense drame collectif.

Jean-Pax? le prénom qu’il reçut à sa naissance le 9 septembre 1944 à Alger. Un père marseillais résistant venu en Algérie pour préparer le débarquement américain de 1942. Une mère pied-noir, d’une famille installée depuis le XIXe siècle. Les Méfret habitent Belcourt, un faubourg populaire d’Alger. C’est là que grandit Jean-Pax, entre les maristes, les scouts et les copains musulmans, entre la ville et le bled. Des couleurs, des odeurs, des saveurs, des paysages,des attitudes,une attention aux gens modestes, le goût des petits bonheurs de la vie qui irradient la mémoire de Méfret.

Première fêlure, à la rentrée 1955, son ami de classe, un Chaoui des Aurès, est absent. Les temps changent : massacres, tel celui d’El-Alia, et attentats ensanglantent le pays. Jean- Pax en est le témoin direct. Élevé dans le culte de la France, il s’accroche à de Gaulle, l’acclame sur le Forum le 4 juin 1958. Son désespoir sera à la hauteur de ses espérances. En janvier 1960, pendant les “Barricades”, l’adolescent s’introduit dans le camp retranché d’Ortiz. Lors du putsch du 22 avril 1961, il participe à l’occupation de la radio d’Alger, rebaptisée Radio France. Arrêté, à peine libéré, le voilà agent de liaison de l’OAS. Deuxième arrestation le 13 février 1962, transfert en métropole, la Santé, puis Rouen. Sorti de prison à l’automne de la même année, assigné à résidence, il poursuit ses études et monte un groupe musical pour distraire les rapatriés parqués dans des centres d’accueil.

Chez Decca, il sort cinq disques sous le nom de Jean-Noël Michelet (le prénom de son père et le nom d’une grande rue d’Alger), gagne en 1965 le grand prix Âge tendre et têtes de bois, l’émission qui découvre les nouveaux talents. En 1968, le chanteur Jean-Pax voit le jour avec la Prière du pied-noir et l’Hymne des pieds-noirs, des chansons engagées en faveur de l’amnistie des prisonniers politiques et des exilés. Silence radio. Mais les disques se vendent, les succès s’enchaînent, le Chanteur d’Occident sert de mot de passe entre amis. Avec des paroles simples, soutenu par un remarquable accompagnement musical, Jean-Pax chante des histoires d’où sourd une émotion intense. Une bouffée d’air frais. Méfret crève les baudruches des démagos de tous poils. Loin de ruminer des défaites, il exalte le courage, le respect de soi et des autres, l’énergie, l’honneur, la force de la parole donnée, la foi aussi.

À partir de 1970, le journalisme.Pour l’Aurore,puis pour le Figaro Magazine, Méfret couvre la plupart des conflits de la fin du siècle, se spécialise dans les enquêtes politico-criminelles et les grands dossiers. Pourtant, il ne délaisse pas la chanson. Encouragé par des amis, il crée sa propre société de production. En octobre 2004, plusieurs milliers de spectateurs l’acclament au Kino, à Paris.Surprise:des jeunes gens fredonnent ses airs. Ses chansons ont franchi une génération et lui ont échappé. Un sentiment déjà ressenti à Berlin- Est. À la veille de la chute du Mur, de jeunes Allemands se rassemblaient, bougie à la main, en chantant Professeur Müller.

1962, l’été du malheur, Pygmalion, 216 pages, 19 euros

Prochain concert le 6 octobre, à Carnoux-en-Provence. Rés. : 04.42.73.30.21. Pour commander les disques : http://www.jean-pax.com.

MOI, JE VIENS CHANTER SOLJENITSYNE (Puisqu’il faut le dire en chanson et que la guitare est devenue une arme, je chante contre le grand soir et pour l’occident, )
https://www.youtube.com/watch?v=Aj5poDXMBdw

Puisqu’il faut le dire en chanson
Puisque la guitare est devenue une arme
Je viens chanter l’espoir
Je chante contre le grand soir
Je viens chanter pour l’occident
Puisque l’un de vous a chanté Potemkine
Moi je viens chanter Soljenitsyne
Je dénonce les camps
Les camps du temps présent
Ignorés par les nouveaux bien-pensants
Même si l’un de vous parle de calomnie
Moi je chante les accords d’Helsinki
Je chante pour Sakharov et contre les tyrans
Qui lancent leurs Antonovs
Sur le pays afghan
Vous n’avez pas le monopole du mot liberté
Vous n’avez pas le monopole du mot vérité
Budapest en Hongrie,
Prague en Tchécoslovaquie,
Les juifs en Sibérie, le mur de Berlin,
Et maintenant Kaboul
Sont là pour témoigner
Puisqu’il faut choisir entre deux camps
Puisqu’il faut s’engager en chantant
Moi je chante l’espoir
Je chante contre le grand soir
Je suis un chanteur d’occident
Alors chante l’espoir
Chante contre le grand soir
Chante fort, chante pour l’occident
Chante chante, chante pour l’occident

Chante chante, chante pour l’occident

JE SUIS BERLINOIS (Veronika, Jean-Pax Méfret, 1980)
 
Elle avait des cheveux blonds fous, Veronika
Des yeux bleus tristes et un air doux, Veronika
A Berlin Est elle balayait les allées
Lorsque je l’ai rencontrée
Je me suis approché d’elle, Veronika
J’ai trouvé qu’elle était belle, Veronika
Sous ses gants de laine usée, j’ai caressé
Les petits doigts froids, comme ce mur droit
Souviens toi John Kennedy
Une journée de juin l’a dit
Devant le mur hérissé de barbelés
Il s’est écrié: « Moi, je suis Berlinois! »
Lorsqu’il parle humanité je pense a toi
Qui vivait de l’autre coté de ce mur là
Et qui rêvait un jour d’aller respirer
Le parfum de la liberté
Elle avait des cheveux blonds fous, Veronika
Les yeux bleus tristes et un air doux, Veronika
A Berlin Est elle balayait les allées
Elle a voulu s’évader
Aujourd’hui il ne reste rien de Veronika
Un peu de terre, une petite croix de bois
La rose rouge et l’œillet sont fanés
Près de ce mur droit, de ce mur froid
La rose rouge et l’œillet sont fanés
Près de ce mur droit, de ce mur froid
Je suis Berlinois
 
LE SANG QUI COULE SUR PHNOM PENH A PRIS SA SOURCE DANS VOS ESPRITS
 
https://www.youtube.com/watch?v=F5gwP6wwJvY

 

Depuis que ma mémoire existe,
Je vous ai entendus vanter
Toutes les solutions marxistes
Au nom des peuples à libérer.
Mais quand le jour maudit arrive
Que vos régimes sont au pouvoir,
Le pays part à la dérive,
Et puis se lève le soleil noir.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Le sang qui coule sur Phnom-Penh
A pris sa source dans vos esprits.
Vous avez fait germer la haine
En soutenant Khomeiny.
Vous êtes tous responsables
De ces horizons sans espoirs,
Et vos consciences de coupables
Portent la tâche du soleil noir.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Avant de reprendre vos plumes,
Pour creuser de nouveau abimes,
Traversez les rideaux de brume,
Venez dénombrer vos victimes.
Ca vous évitera d’écrire
Pour faire pardonner vos mouroirs.
Je n’savais pas que ce serait pire
Lorsque se lève le soleil noir.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Moi, je ne suis pas un réac’
Moi, je ne suis pas un facho.
Et je ne crains pas vos attaques,
Vous, les pros de la démago,
Soldats de l’armée des Charlots.
Je sais ce que valent vos mots,

Soldats de l’armée des Charlots.

L’Île Saint-Louis

Elle fume toujours des Camel
Quand elle remonte Saint Michel.
Elle a les yeux qui s’ennuient
Aux reflets de l’île Saint-Louis.
Sous les pavés, ‘y a la plage :
Elle aimait bien cette image
Quand elle désertait la fac
Pour courir rue Gay-Lussac.

Elle ne chantait que des chansons de Dylan,
Elle ne parlait que de la guerre du Vietnam,
Elle transformait les restos en amphis,
La nuit, sur l’île Saint-Louis.

San Francisco, Katmandou,
Woodstock, Hanoï et Moscou,
C’était sa géographie,
Ses frontières, toute sa vie.

Quand les maisons bleues accrochées aux collines
La faisaient planer jusqu’au mont de Palestine,
Manipulation sur fond de mélodie,
La nuit, sur l’île Saint-Louis.

Je l’ai rencontrée hier,
Elle marchait en solitaire.
Elle avait un peu vieilli,
Elle avait beaucoup compris.

Fini, le temps du Népal,
Plus d’ oeillets au Portugal,
Là-bas, en Mer de Chine,
Les boat-people sont nés sous Ho Chi Minh.

Elle a tout raté, elle revient de Corrèze,
Elle a tout laissé, elle n’écoute plus Joan Baez,
Certaines chansons ont perdu leur magie,
Fait gris sur l’île Saint-Louis.

Paradis artificiel,
Elle s’en va de Saint Michel.
Elle veut d’autres harmonies.
Mai 68, c’est loin d’ici…

 

Djebel Amour

En ce temps-là,
Dans un village loin d’ici,
Jeune soldat
L’avait un peu peur pour sa vie.
Drôle de bidasse !
Qui avançait dans le Djebel.
Il tremblait pour sa carcasse
Devant le fusil des rebelles.

Sur le quai d’une gare,
Certains chantaient le déserteur
A Saint-Lazare.
Lui il avait l’esprit ailleurs,

Il regardait
Une femme et un petit garçon
Qui ne comprenait pas
Les mots de la chanson.

Alors, il pose sur la table
Une rose des sables
Et il a le coeur lourd.

Car tous ses souvenirs l’entrainent,
Ses souvenirs l’enchaînent
A ce Djebel Amour.

Ca fait longtemps
Qu’il est revenu d’Algérie,
Y’a des moments
Qui marquent à jamais une vie.

Et quelques soirs,
Quand il traine un peu au comptoir,
Il peut pas s’empêcher
D’raconter son histoire.

Pour ses enfants
C’est un mot qui ne veut rien dire,
Pour ses parents
C’est un bien cruel souvenir,

Pou ses amis
C’est une carte de combattant.
Mais ça reste pour lui
« Trente-six mois à vingt ans ».
Alors, il pose sur la table
Une rose des sables
Et il a le coeur lourd.

Car tous ses souvenirs l’entrainent,
Ses souvenirs l’enchaînent
A ce Djebel Amour.

C’est une fille
Au bout d’un quai.
Un pays qui s’en va,
Un cadeau emporté.

Ce n’est qu’une rose des sables
Qu’il pose sur la table.
Quand il a le coeur lourd.

Et puis les souvenirs l’entrainent,
Ses souvenirs l’enchaînent
A ce Djebel Amour.

Le Jour J

Au grand matin du mois de juin,
Julien préparait le troupeau ;
Dans la cuisine, Marie-Martine
Venait d’allumer les fourneaux.

La vieille Louise était assise,
Elle réchauffait ses pauvres mains.
Lorsque dans Sainte-Mère-Eglise
Sont entrés les Américains.

Ils sont tombés du ciel
Comme s’ils avaient des ailes,
Ils apportaient un air de liberté.
Ils venaient de Virginie,
D’Oklahoma, du Tennessee,
Le jour le plus long les attendait ici.

Les Écossais se distinguaient
Marchant au son des cornemuses,
Dans les marais, les SAS anglais,
Progressaient souvent par la ruse.

Et les balises, dans la nuit grise,
Regroupaient tous les Canadiens,
Tandis qu’à Sainte-Mère-Eglise,
Avançaient les américains.

Ils sont tombés du ciel
Comme s’ils avaient des ailes,
lls apportaient un air de liberté.
Ils venaient de Géorgie,
De l’Iowa, du Kentucky
Le jour le plus long les attendait ici.

Soldats des armées alliées
Tous unis pour nous délivrer,
Sur la Normandie,
Se levait le Jour J.

La vieille Louise était assise,
Elle réchauffait ses pauvres mains.
Lorsque dans Sainte-Mère-Eglise
Sont entrés les Américains.

Ils sont tombés du ciel
Comme s’ils avaient des ailes,
Ils apportaient un air de liberté.

Soldats des armées alliées
Tous unis pour nous délivrer.
Sur la Normandie,
Faut jamais oublier…
Qu’un jour à Sainte-Mère-Eglise,
Sont entrés les Américains !

Professeur Muller

Chaque soir, revenant de l’école
Il passe par Alexander platz
Personne n’écoute ses paroles
Quand il s’engage allée Karl Marx
Derrière lui, le rideau de pierre
Les miradors, les VoPos armés
Les tilleuls ne forment plus la frontière
Il y a un mur à Berlin, professeur Müller
Il s’avance, dans le décor sinistre
De cette ville de prisonniers
Et il se dit que, si la Vierge existe
C’est elle seule qui pourra les sauver
Chez nous, soyez Reine
Nous sommes à vous
Il y a 20 ans qu’on l’appelle « camarade »
Mais il sait bien que ce n’est qu’un mot
à l’image de toutes ces façades
Aux balcons vides, aux volets clos
Dans sa chambre, il oublie ses misères
Sur son violon au bois usé
Le vieil homme s’évade par la prière
La nuit s’achève loin des barbelés
Soyez la Madonne
Qu’on prie à genoux
Les tilleuls ne forment plus la frontière
Il y a un mur à Berlin, professeur Müller
Chaque soir, revenant de l’école
Il passe par Alexander platz
Les tilleuls ne forment plus la frontière
Il y a un mur à Berlin, professeur Müller

Camerone

Garçon, si par hasard sur ton livre d’histoire
Tu tombes sur ce nom:
Camérone!
Garçon, regarde bien cette page d’histoire
Et n’oublies pas ce nom:
Camérone!
Le ciel de feu du Mexique
A jamais se souviendra
De ce combat héroïque
Dans les murs de l’acienda.
Dans ce décor gigantesque,
La terre se désaltérait
Du sang qui courrait, dantesque,
Sur la prairie qui brûlait.
A Camérone! (bis)
Garçon, sur le chemin qui conduit à la gloire
Tu dois trouver ce nom:
Camérone!
Garçon, si ton destin exige une victoire
N’oublies jamais ce nom:
Camérone!
Pour l’honneur de la légion,
Sachant qu’ils allaient mourir
Jusqu’au bout de leur mission,
Fiers de tomber pour l’empire.
Ils étaient 62, face à 2000 cavaliers
Le soleil baissa les yeux lorsqu’ils furent exterminés
A Camérone! (bis)
Ce nom qui sonne et qui résonne,
Ce nom qui tonne et qui t’étonne…
Camérone!

Ni rouge ni mort

Forces du Pacte de Varsovie :
Six millions d’hommes, tenue kaki
Pour que l’Europe reste libre,
Il faut rétablir l’équilibre.
Pendant qu’les écolos défilent,
Ils dressent leurs barrières de missiles.
Je ne crois pas aux idées molles
De sécurité sur parole.A moins de trois cent kilomètres,
Ils rêvent de devenir nos maîtres.
Sur ordre du Kremlin,
Ils peuvent franchir le Rhin,
Et si c’est pour demain,
Tu peux me dire ce qu’il faut faire ?Alors je viens le dire très fort,
Ma devise, c’est ni rouge, ni mort !
J’ n’ai pas l’frisson du pacifisme
Face aux armées du communisme.
Ils ont des milliers de canons
Pointés dans notre direction.
Et tous leurs SS 20,
Et tous leurs sous-marins,
Bombardiers nucléaires,
Tu peux me dire c’est pour quoi faire ?
A moins de trois cent kilomètres,
Ils rêvent de devenir nos maîtres.
Sur ordre du Kremlin,
Ils peuvent franchir le Rhin,
Et si c’est pour demain,
Tu peux me dire ce qu’il faut faire ?
Camarade
Révolution bolchevique :
De terribles statistiques,
C’est vrai… c’est vrai.Douze millions de victimes
Pour imposer un régime,
C’est vrai… c’est vrai.Les ouvriers, les moujiks
Sous la violence étatique
L’ère de la grande famine
Sous le règne de Lénine
C’est vrai… c’est vrai.Au nom du Parti unique,
Plus de vie démocratique,
C’est vrai… c’est vrai.Dissidents et refuzniks
En hôpitaux psychiatriques ,
C’est vrai… c’est vrai.Et dans tous leurs satellites,
Ils forcent les plébiscites
En envoyant les blindés
Ecraser la dignité,Garde ça en mémoire, camarade
Quand les droits des hommes sont en danger
C’est toujours vers l’ouest que le peuple s’évade
Sur les allées des libertés
C’est vrai… c’est vraiDes camps pour les terroristes
Derrière les frontières marxistes
C’est vrai… c’est vrai.Des conseillers militaires
Pour « guerre révolutionnaire »
C’est vrai… c’est vrai.Des « Fronts de libération »
Pour servir leurs ambitions
Et sous couvert d’humanisme,
Ils marquent leur expansionnisme.Garde ça en mémoire, camarade
Quand tu vas défiler pour la paix,
L’armée rouge qui marche sur la grande esplanade
Est programmée pour attaquer.
C’est vrai… c’est vrai
C’est vrai… c’est vrai.Et demande aux Afghans, camarade
Toi qui parle pour les peuples opprimés
Car le sang des enfants tués à la grenade
A la couleur de tes idées.Solidarité

Salut, les tout-puissants,
Les livreurs de promesses,
Les hommes du changement,
C’est à vous qu’je m’adresse.
Ecoutez, solidarité !

Les enfants du 10 mai,
Qui sont né sous l’orage,
Commencent à déchanter,
Ils brûlent vos images.

Ecoutez, solidarité !

Je n’suis pas de vot’ camp,
Ca vous vous en doutez,
Laissez-moi cependant
Un instant m’exprimer.

Ecoutez, solidarité !
Liberté ! Solidarité !
Liberté !

A tous ceux qui refusent
Le pouvoir d’un parti,
Radeau de la Méduse
Sur les flots du mépris,

Je dirai : Solidarité !

Aux victimes des vengeances
Que l’on hisse sur les charettes
Des furieux de Valence
Qui réclamaient des têtes,

Je dirai : Solidarité !

Solidaire des exclus
De ce sinistre bal,
Où les roses ne sont plus
Que d’étranges fleurs du Mal,

Je dirai : Solidarité !
Liberté ! Solidarité !

Interdit d’interdire,
C’est encore sur les murs,
Y fallait pas l’écrire,
Maint’nant y a des bavures,

Ecoutez, solidarité !
Liberté ! Solidarité !
Liberté !
Vous brouillez les radios,
Vous régentez l’école,
Vous jouez aux prolos,
J’en connais qui rigolent.

Ecoutez, solidarité !

Il n’y a pas si longtemps,
Vous semiez des leçons,
Il vous faut maintenant
Récolter les moissons.

Ecoutez, solidarité !

Faites gaffe au populo,
Il en a ras la casquette,
Y a pas qu’les aristos
Qui sont pas à la fête,

Ecoutez, solidarité !
Liberté ! Solidarité !
Liberté !

Miss America

Son père est un vieux révolutionnaire.
Avec le Che, il a pris le maquis.
Sa mère est dans la milice auxiliaire.
Elle lit Lénine, le soir, à la bougie.
Tout ça pour dire que dans cette famille,
Ca bloque un peu au niveau des idées,
Tout ça pour dire, au nom de la faucille,
Qu’ils sont marteaux, complètement sonnés.

Ils ont une fille qui s’appelle Maria,
Elle rêve d’être Miss America.
Qu’est-ce qu’il va dire, Fidel, quand il saura?
Qu’est-ce qu’il va faire pour empêcher tout ça?

Elle a la peau couleur de pain d’épices,
la mer des Caraïbes dans les yeux.
Elle sait rouler le tabac sur ses cuisses.
Pour les Cubains, c’est un cadeau des Dieux.

Oui, mais la fille qui s’appelle Maria,
Elle rêve d’être Miss America.
Y’en a qui disent que c’est la CIA.
Elle porte des jeans, boit du Coca-Cola.
Le jour de la grande fête nationale,
C’est elle qui doit porter le drapeau.
Et des faubourg, jusqu’à la capitale,
Y’a la rumeur qui prévient l’Maximo

Oui, mais la fille qui s’appelle Maria,
Elle rêve d’être Miss America.
Elle se trémousse en dansant la salsa.
Elle dit qu’elle rêve d’être Miss USA.

 

Le vieux Soldat

Dans ses yeux, il y a de la souffrance,
ça ne se voit pas.
Dans son coeur, il y a de la vaillance,
ça ne s’entend pas.
Ses bras ont perdu leur puissance,
mais il est toujours là,
prêt à se lever pour la France,
le vieux soldat.

Derrière lui, il y a une existence,
que je n’te raconte pas.
ça commence dans la Résistance,
c’est loin déjà.
Il sortait à peine de l’enfance,
en ce temps là,
quand les nazis crevaient la France,
et c’est pour ça

Ca lui fait mal, toutes ces insultes,
cracher sur la France que l’on traite de pute.
Ca lui fait mal, le drapeau brûlé, le drapeau souillé
la mémoire tachée.

Ca lui fait mal, il l’a mauvaise,
lorsque l’on siffle la Marseillaise
Ca lui fait mal, voir son pays livré au mépris,
il en est meurtri.
Le respect, il veut du respect,
juste du respect, le respect.

Les symboles ont de l’importance,
pour cet homme là.
La vision de toutes les offenses,
Fait du dégât.
Il faut dire que ça n’arrive qu’en France,
Toutes ces souffrances, là.
Il vient défier l’irrévérence,
le vieux soldat.

 

Le pays qui n’existe plus

Même s’il y a toujours mon village
Où les enfants du quinzième âge
sautaient les feux de la Saint Jean.
Même s’il y a toujours le cimetière
où les filles faisaient des prières
et repartaient en se signant.
Je ne le reconnaîtrai plus
Ils ont changé le nom des rues !

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.

Même s’il y a toujours mon école
Où j’ai vécu des années folles,
lorsque j’étais adolescent.
Même s’il y a toujours les arcades
pleine des odeurs de grenades
et des cris des manifestants.
Le drapeau que l’on voit flotter
Il n’a plus les mêmes reflets !

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.

Le terrain vague de mon enfance
Les carrioles et les oliviers.
Mes souvenirs, mon existence
passent leur temps à se croiser.
C’est une étrange destinée.

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.

C’est une étrange destinée.
Oh eh…

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.


Guerres culturelles: La ‘wokeité’ serait-elle le christianisme des imbéciles ? (Purer-than-thou: Behind the fourth Great Awakening we now see taking to our streets once again is nothing but the Girardian escalation of mimetic rivalry, former Weekly Standard literary editor Joseph Bottum says)

26 septembre, 2020
Trump Campaign Ad Linking Churchgoers to 'Rioters' Upsets Black Church LeadersClassic Lincoln & Hamlin Wide Awakes 1860 Campaign Ribbon, white | Lot #25784 | Heritage Auctions
Woke | Know Your MemeDictionary.com Adds Words: 'Woke,' 'Butthurt' and 'Pokemon' | Time
PNG - 393.4 koL’antisémitisme est le socialisme des imbéciles. Ferdinand Kronawetter ? (attribué à August Bebel)
Je les ai foulés dans ma colère, Je les ai écrasés dans ma fureur; Leur sang a jailli sur mes vêtements, Et j’ai souillé tous mes habits. Car un jour de vengeance était dans mon coeur (…) J’ai foulé des peuples dans ma colère, Je les ai rendus ivres dans ma fureur, Et j’ai répandu leur sang sur la terre. Esaïe 63: 3-6
Et l’ange jeta sa faucille sur la terre. Et il vendangea la vigne de la terre, et jeta la vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu. Et la cuve fut foulée hors de la ville; et du sang sortit de la cuve, jusqu’aux mors des chevaux, sur une étendue de mille six cents stades. Apocalypse 14: 19-20
Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur; Il piétine le vignoble où sont gardés les raisins de la colère; Il a libéré la foudre fatidique de sa terrible et rapide épée; Sa vérité est en marche. (…) Dans la beauté des lys Christ est né de l’autre côté de l’océan, Avec dans sa poitrine la gloire qui nous transfigure vous et moi; Comme il est mort pour rendre les hommes saints, mourons pour rendre les hommes libres; Tandis que Dieu est en marche. Julia Ward Howe (1861)
La colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. John Steinbeck (1939)
La civilisation atteindra la perfection le jour où la dernière pierre de la dernière église aura assommé le dernier prêtre. Attribué à Zola
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. G.K. Chesterton
La nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion. Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera. C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l’islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. En théorie, la solution paraît d’ailleurs extrêmement difficile. Peut-être serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l’aspect français de la question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d’Etat. Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s’établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis «musulmane» je pense moins aux structures religieuses qu’aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Dès maintenant, le sultan du Maroc est dépassé et Bourguiba ne conservera le pouvoir qu’en devenant une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les «misérables» ont d’ailleurs peu à perdre. Ils préféreront conserver leur misère à l’intérieur d’une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d’eux une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils préféreront l’avenir de leur race. L’Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d’en retarder l’évolution. André Malraux (1956)
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème ! René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
Nous sommes entrés dans un mouvement qui est de l’ordre du religieux. Entrés dans la mécanique du sacrilège: la victime, dans nos sociétés, est entourée de l’aura du sacré. Du coup, l’écriture de l’histoire, la recherche universitaire, se retrouvent soumises à l’appréciation du législateur et du juge comme, autrefois, à celle de la Sorbonne ecclésiastique. Françoise Chandernagor
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
La glorification d’une race et le dénigrement corollaire d’une autre ou d’autres a toujours été et sera une recette de meurtre. Ceci est une loi absolue. Si on laisse quelqu’un subir un traitement particulièrement défavorable à un groupe quelconque d’individus en raison de leur race ou de leur couleur de peau, on ne saurait fixer de limites aux mauvais traitements dont ils seront l’objet et puisque la race entière a été condamnée pour des raisons mystérieuses il n’y a aucune raison pour ne pas essayer de la détruire dans son intégralité. C’est précisément ce que les nazis auraient voulu accomplir (…) J’ai beaucoup à cœur de voir les noirs conquérir leur liberté aux Etats Unis. Mais leur dignité et leur santé spirituelle me tiennent également à cœur et je me dois de m’opposer à toutes tentatives des noirs de faire à d’autres ce qu’on leur a fait. James Baldwin
The recent flurry of marches, demonstrations and even riots, along with the Democratic Party’s spiteful reaction to the Trump presidency, exposes what modern liberalism has become: a politics shrouded in pathos. Unlike the civil-rights movement of the 1950s and ’60s, when protesters wore their Sunday best and carried themselves with heroic dignity, today’s liberal marches are marked by incoherence and downright lunacy—hats designed to evoke sexual organs, poems that scream in anger yet have no point to make, and an hysterical anti-Americanism. All this suggests lostness, the end of something rather than the beginning. (…) America, since the ’60s, has lived through what might be called an age of white guilt. We may still be in this age, but the Trump election suggests an exhaustion with the idea of white guilt, and with the drama of culpability, innocence and correctness in which it mires us. White guilt (…) is the terror of being stigmatized with America’s old bigotries—racism, sexism, homophobia and xenophobia. To be stigmatized as a fellow traveler with any of these bigotries is to be utterly stripped of moral authority and made into a pariah. The terror of this, of having “no name in the street” as the Bible puts it, pressures whites to act guiltily even when they feel no actual guilt. (…) It is also the heart and soul of contemporary liberalism. This liberalism is the politics given to us by white guilt, and it shares white guilt’s central corruption. It is not real liberalism, in the classic sense. It is a mock liberalism. Freedom is not its raison d’être; moral authority is. (…) Barack Obama and Hillary Clinton, good liberals both, pursued power by offering their candidacies as opportunities for Americans to document their innocence of the nation’s past. “I had to vote for Obama,” a rock-ribbed Republican said to me. “I couldn’t tell my grandson that I didn’t vote for the first black president.” For this man liberalism was a moral vaccine that immunized him against stigmatization. For Mr. Obama it was raw political power in the real world, enough to lift him—unknown and untested—into the presidency. But for Mrs. Clinton, liberalism was not enough. The white guilt that lifted Mr. Obama did not carry her into office—even though her opponent was soundly stigmatized as an iconic racist and sexist. Perhaps the Obama presidency was the culmination of the age of white guilt, so that this guiltiness has entered its denouement. (…) Our new conservative president rolls his eyes when he is called a racist, and we all—liberal and conservative alike—know that he isn’t one. The jig is up. Bigotry exists, but it is far down on the list of problems that minorities now face. (…) Today’s liberalism is an anachronism. It has no understanding, really, of what poverty is and how it has to be overcome. (…) Four thousand shootings in Chicago last year, and the mayor announces that his will be a sanctuary city. This is moral esteem over reality; the self-congratulation of idealism. Liberalism is exhausted because it has become a corruption. Shelby Steele
For over forty years the left has been successfully reshaping American culture. Social mores and government policies about sexuality, marriage, the sexes, race relations, morality, and ethics have changed radically. The collective wisdom of the human race that we call tradition has been marginalized or discarded completely. The role of religion in public life has been reduced to a private preference. And politics has been increasingly driven by the assumptions of progressivism: internationalism privileged over nationalism, centralization of power over its dispersal in federalism, elitist technocracy over democratic republicanism, “human sciences” over common sense, and dependent clients over autonomous citizens. But the election of Donald Trump, and the overreach of the left’s response to that victory, suggest that we may be seeing the beginning of the end of the left’s cultural, social, and political dominance. The two terms of Barack Obama seemed to be the crowning validation of the left’s victory. Despite Obama’s “no blue state, no red state” campaign rhetoric, he governed as the most leftist––and ineffectual–– president in history. Deficits exploded, taxes were raised, new entitlements created, and government expanded far beyond the dreams of center-left Democrats. Marriage and sex identities were redefined. The narrative of permanent white racism was endorsed and promoted. Tradition-minded Americans were scorned as “bitter clingers to guns and religion.” Hollywood and Silicon Valley became even more powerful cultural arbiters and left-wing publicists. And cosmopolitan internationalism was privileged over patriotic nationalism, while American exceptionalism was reduced to an irrational parochial prejudice. The shocking repudiation of the establishment left’s anointed successor, Hillary Clinton, was the first sign that perhaps the hubristic left had overreached, and summoned nemesis in the form of a vulgar, braggadocios reality television star and casino developer who scorned the hypocritical rules of decorum and political correctness that even many Republicans adopted to avoid censure and calumny. Yet rather than learning the tragic self-knowledge that Aristotle says compensates the victim of nemesis, the left overreached yet again with its outlandish, hysterical tantrums over Trump’s victory. The result has been a stark exposure of the left’s incoherence and hypocrisy so graphic and preposterous that they can no longer be ignored. First, the now decidedly leftist Democrats refused to acknowledge their political miscalculations. Rather than admit that their party has drifted too far left beyond the beliefs of the bulk of the states’ citizens, they shifted blame onto a whole catalogue of miscreants: Russian meddling, a careerist FBI director, their own lap-dog media, endemic sexism, an out-of-date Electoral College, FOX News, and irredeemable “deplorables” were just a few. Still high on the “permanent majority” Kool-Aid they drank during the Obama years, they pitched a fit and called it “resistance,” as though comfortably preaching to the media, university, and entertainment choirs was like fighting Nazis in occupied France. (…) in colleges and universities. Normal people watched as some of the most privileged young people in history turned their subjective slights and bathetic discontents into weapons of tyranny, shouting down or driving away speakers they didn’t like, and calling for “muscle” to enforce their assault on the First Amendment. Relentlessly repeated on FOX News and on the Drudge Report, these antics galvanized large swaths of American voters who used to be amused, but now were disgusted by such displays of rank ingratitude and arrogant dismissal of Constitutional rights. And voters could see that the Democrats encouraged and enabled this nonsense. The prestige of America’s best universities, where most of these rites of passage for the scions of the well-heeled occurred, was even more damaged than it had been in the previous decades. So too with the world of entertainment. Badly educated actors, musicians, and entertainers, those glorified jugglers, jesters, and sword-swallowers who fancy themselves “artists,” have let loose an endless stream of dull leftwing clichés and bromides that were in their dotage fifty years ago. The spectacle of moral preening coming from the entertainment industry––one that trades in vulgarity, misogyny, sexual exploitation, the glorification of violence, and, worst of all, the production of banal, mindless movies and television shows recycling predictable plots, villains, and heroes––has disgusted millions of voters, who are sick of being lectured to by overpaid carnies. So they vote with their feet for the alternatives, while movie grosses and television ratings decline. As for the media, their long-time habit of substituting political activism for journalism, unleashed during the Obama years, has been freed from its last restraints while covering Trump. The contrast between the “slobbering love affair,” as Bernie Goldberg described the media’s coverage of Obama, and the obsessive Javert-like hounding of Trump has stripped the last veil of objectivity from the media. They’ve been exposed as flacks no longer seeking the truth, but manufacturing partisan narratives. The long cover-up of the Weinstein scandal is further confirmation of the media’s amoral principles and selective outrage. With numerous alternatives to the activism of the mainstream media now available, the legacy media that once dominated the reporting of news and political commentary are now shrinking in influence and lashing out in fury at their diminished prestige and profits. Two recent events have focused this turn against the sixties’ hijacking of the culture. The preposterous “protests” by NFL players disrespecting the flag during pregame ceremonies has angered large numbers of Americans and hit the League in the wallet. The race card that always has trumped every political or social conflict has perhaps lost its power. The spectacle of rich one-percenters recycling lies about police encounters with blacks and the endemic racism of American society has discredited the decades-long racial narrative constantly peddled by Democrats, movies, television shows, and school curricula from grade-school to university. The endless scolding of white people by blacks more privileged than the majority of human beings who ever existed has lost its credibility. The racial good will that got a polished mediocrity like Barack Obama twice elected president perhaps has been squandered in this attempt of rich people who play games to pose as perpetual victims. These supposed victims appear more interested in camouflaging their privilege than improving the lives of their so-called “brothers” and “sisters.” The second is the Harvey Weinstein scandal. A lavish donor to Democrats––praised by Hillary Clinton and the Obamas, given standing ovations at awards shows by the politically correct, slavishly courted and feted by progressive actors and entertainers, and long known to be a vicious sexual predator by these same progressive “feminists” supposedly anguished by the plight of women––perhaps will become the straw that breaks the back of progressive ideology. (…) The spectacle of a rich feminist and progressive icon like Jane Fonda whimpering about her own moral cowardice has destroyed the credibility we foolishly gave to Hollywood’s dunces and poltroons. Bruce Thornton
L' »intersectionnalité » est la dernière lubie académique qui déferle sur le monde universitaire américain. À première vue, il s’agit d’une théorie néo-marxiste récente qui affirme que l’oppression sociale ne s’applique pas simplement à des catégories d’identité uniques – telles que la race, le sexe, l’orientation sexuelle, la classe sociale, etc. C’est du moins la meilleure tentative que j’ai faite pour la définir brièvement. Mais le visionnage de cette vidéo permet de montrer comment une théorie sociale autrement stimulante peut souvent fonctionner dans la pratique. Elle fonctionne, pour reprendre les termes d’Orwell, comme une « petite orthodoxie malodorante » et se manifeste, me semble-t-il, presque comme une religion. Elle postule une orthodoxie classique à travers laquelle toute l’expérience humaine est expliquée – et à travers laquelle tout discours doit être filtré. Sa version du péché originel est le pouvoir de certains groupes identitaires sur d’autres. Pour surmonter ce péché, il faut d’abord se confesser, c’est-à-dire « vérifier ses privilèges », puis vivre sa vie et ordonner ses pensées de manière à tenir ce péché à distance. Le péché est si profondément ancré dans votre psyché, surtout si vous êtes blanc, masculin ou hétérosexuel, qu’une conversion profonde est nécessaire. Comme le puritanisme autrefois familier à la Nouvelle-Angleterre, l’intersectionnalité contrôle le langage et les termes mêmes du discours. Elle impose les bonnes manières. Elle a une idée de la vertu – et est obsédée par son maintien. Les saints sont les plus opprimés qui résistent néanmoins. Les pécheurs sont classés dans diverses catégories ascendantes de damnation démographique, comme dans un roman de Dante. La seule chose qui manque à cette religion, bien sûr, c’est le salut. La vie n’est qu’un drame imbriqué d’oppression, de pouvoir et de résistance, qui ne se termine que par la mort. C’est Marx sans la libération totale finale. Il fonctionne comme une religion dans une autre dimension critique : Si vous voyez le monde différemment, si vous êtes un libéral, un libertaire ou même un conservateur, si vous croyez qu’une université est un lieu où toute idée, aussi détestable soit-elle, peut être débattue et réfutée, vous n’avez pas seulement tort, vous êtes immoral. Si vous pensez que les arguments et les idées peuvent avoir une vie indépendante de la « suprématie blanche », vous êtes complice du mal. Et vous n’êtes pas seulement complice, votre hérésie est une menace directe pour les autres, et doit donc être éteinte. On ne peut pas raisonner avec l’hérésie. Il faut l’interdire. Elle contamine l’âme des autres et les blesse irrémédiablement. Ce que j’ai vu sur la vidéo m’a surtout frappé comme une forme de rituel religieux – un exorcisme laïque, si vous voulez – qui atteint une catharsis frénétique et dérangeante. Lorsque Murray commence à parler, les étudiants se lèvent et lui tournent rituellement le dos en silence. L’hérétique ne doit pas être regardé, et encore moins engagé. Puis ils récitent à l’unisson une liturgie commune sur des feuilles de papier. Voici comment ils commencent : « Il ne s’agit pas d’un discours respectueux, ni d’un débat sur la liberté d’expression. Ce ne sont pas des idées qui peuvent être débattues équitablement, ce n’est pas « représentatif » de l’autre camp que de donner une tribune à des idéologies aussi dangereuses. Il n’y a pas de potentiel pour un échange égal d’idées ». Ils ne précisent jamais à quelles idées de Murray ils font référence. Ils n’expliquent pas non plus pourquoi une conférence sur un livre récent concernant les inégalités sociales ne peut pas être un « discours respectueux ». L’orateur est ouvert aux questions et un membre de la faculté est présent sur scène pour dialoguer avec lui après la conférence. Elle est venue préparée avec des questions difficiles transmises par des spécialistes du domaine. Et pourtant : « Nous ne pouvons pas nous engager pleinement avec Charles Murray, alors qu’il est connu pour se citer lui-même. Pour cette raison, nous considérons ce discours comme un discours de haine ». Ils le savent avant même qu’un seul mot du discours n’ait été prononcé. Puis ceci : « La science a toujours été utilisée pour légitimer le racisme, le sexisme, le classisme, la transphobie, le capacitisme et l’homophobie, sous couvert de rationalité et de faits, et avec le soutien du gouvernement et de l’État. Dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a pas grand-chose qui soit un véritable ‘fait' ». Il me semble que cela touche au cœur de la question – non pas le fait que les étudiants aient empêché un discours, mais la raison pour laquelle ils l’ont fait. Je ne doute pas de leurs bonnes intentions. Mais, dans un étrange écho de la droite trumpienne, ils insistent sur la supériorité de leur orthodoxie sur les « faits ». Ils sont hostiles, comme tous les fondamentalistes, à la science, parce qu’elle pourrait aller à l’encontre de la doctrine. Et ils ferment l’événement parce que l’intersectionnalité rejette toute idée de libre débat, de science ou de vérité indépendante du pouvoir des hommes blancs. À la fin de cette partie de la cérémonie, un individu s’écrie donc : « Qui est l’ennemi ? » Et l’assemblée de répondre : « La suprématie blanche ! « Ils expulsent alors l’hérétique dans un chant unifié : « Hey hey, ho ho ! Charles Murray doit partir. » Puis : « Raciste, sexiste, anti-gay. Charles Murray, va-t-en ! » Les anciens travaux de Murray sur le QI ne démontrent aucune différence significative entre les hommes et les femmes, et Murray soutient depuis longtemps l’égalité des mariages. Il s’oppose passionnément à l’eugénisme. C’est un libertaire. Mais rien de tout cela n’a d’importance. L’intersectionnalité, vous vous souvenez ? Si vous êtes considéré comme un pécheur sur un point, vous l’êtes sur tous les autres. Si vous pensez que la race peut être à la fois une construction sociale et liée à la génétique, votre revendication scientifique n’est qu’une autre forme d’oppression. Il s’agit en fait d’un discours de haine. À un moment donné, les étudiants commencent à applaudir à l’unisson et l’on peut sentir l’hystérie monter à mesure que les chants s’amplifient. « Votre message est de la haine. Nous ne le tolérerons pas ! » Le chant final est le suivant : « Fermez-la ! Faites-le taire ! » On se croirait dans un procès de sorcières. La plupart des étudiants n’ont jamais lu un mot de Murray – et de nombreux professeurs qui ont soutenu la fermeture l’ont admis. Mais le zèle intersectionnel est si grand qu’il doit être banni – jusqu’à la violence physique. C’est important, me semble-t-il, parce que la raison et le débat empirique sont essentiels au fonctionnement d’une démocratie libérale. Nous avons besoin d’un discours commun pour délibérer. Nous avons besoin de faits indépendants de l’idéologie ou du bord politique de chacun, si nous voulons survivre en tant que société libre et démocratique. Trump nous l’a certainement montré. Et si une université ne peut pas permettre à ces faits et à ces arguments de s’exprimer librement, personne n’est à l’abri. Les universités sont les villes sanctuaires de la raison. Si la raison doit être subordonnée à l’idéologie même là, notre expérience de l’autonomie gouvernementale est terminée.  Andrew Sullivan (2017)
We disrupt the Western-prescribed nuclear family structure requirement by supporting each other as extended families and “villages” that collectively care for one another, especially our children, to the degree that mothers, parents, and children are comfortable.We foster a queer‐affirming network. When we gather, we do so with the intention of freeing ourselves from the tight grip of heteronormative thinking, or rather, the belief that all in the world are heterosexual (unless s/he or they disclose otherwise). Black Lives Matter
BLM’s « what we believe » page, calling for the destruction of the nuclear family among many other radical left wing agenda items, has been deleted » pic.twitter.com/qCZxUFMZH4 Matt Walsh
Correction: This article’s headline originally stated that People of Praise inspired ‘The Handmaid’s Tale’. The book’s author, Margaret Atwood, has never specifically mentioned the group as being the inspiration for her work. A New Yorker profile of the author from 2017 mentions a newspaper clipping as part of her research for the book of a different charismatic Catholic group, People of Hope. Newsweek regrets the error. Newsweek
Je conseille à tout le monde d’être un peu prudent quand ils passent par là, rester éveillé, garder les yeux ouverts. Leadbelly (« Scottsboro Boys », 1938)
If You’re Woke You Dig It. William Melvin Kelley (1962)
I been sleeping all my life. And now that Mr. Garvey done woke me up, I’m gon’ stay woke. And I’m gon help him wake up other black folk. Barry Beckham (1972)
I am known to stay awake A beautiful world I’m trying to find I’ve been in search of myself (…) I am in the search of something new (A beautiful world I’m trying to find) Searchin’ me Searching inside of you And that’s fo’ real What if it were no niggas Only master teachers? I stay woke. Erykah Badu (2008)
La vérité ne nécessite aucune croyance. / Restez réveillé. Regardez attentivement. / #FreePussyRiot. Erykah Badu
Wikipédia est-il  assez woke ? Bloomberg Businessweek
L’énigme est intégrée. Lorsque les Blancs aspirent à obtenir des points pour la conscience, ils marchent directement dans la ligne de mire entre l’alliance et l’appropriation. Amanda Hess
WOKE: Adjectif dérivé du verbe anglais awake (« s’éveiller »), il désigne un membre d’un groupe dominant, conscient du système oppressant les minorités et n’hésitant pas à dénoncer les discriminations en utilisant le vocabulaire intersectionnel. Marianne
Le grand réveil (Great Awakening) correspond à une vague de réveils religieux dans le Royaume de Grande-Bretagne et ses colonies américaines au milieu du XVIIIe siècle. Le terme de Great Awakening est apparu vers 1842. On le retrouve dans le titre de l’ouvrage consacré par Joseph Tracy au renouveau religieux qui débuta en Grande-Bretagne et dans ses colonies américaines dans les années 1720, progressa considérablement dans les années 1740 pour s’atténuer dans les années 1760 voire 1770. Il sera suivi de nouvelles vagues de réveil, le second grand réveil (1790-1840) et une troisième vague de réveils entre 1855 et les premières décennies du XXe siècle. Ces réveils religieux dans la tradition protestante et surtout dans le contexte américain sont compris comme une période de redynamisation de la vie religieuse. Le Great Awakening toucha des églises protestantes et des églises chrétiennes évangéliques et contribua à la formation de nouvelles Églises. Wikipedia
Woke est un terme apparu durant les années 2010 aux États-Unis, pour décrire un état d’esprit militant et combatif pour la protection des minorités et contre le racisme. Il dérive du verbe wake (réveiller), pour décrire un état d’éveil face à l’injustice. Il est dans un premier temps utilisé dans le mouvement de Black Lives Matter, avant d’être repris plus largement. Depuis la fin des années 2010, le terme Woke s’est déployé et aujourd’hui une personne « woke » se définit comme étant consciente de toutes les injustices et de toutes les formes d’inégalités, d’oppression qui pèsent sur les minorités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales et utilisant généralement un vocabulaire intersectionnel. Son usage répandu serait dû au mouvement Black Lives Matter. Le terme Woke est non seulement associé aux militantismes antiraciste, féministe et LGBT mais aussi à une politique de gauche dite progressiste et à certaines réflexions face aux problèmes socioculturels (les termes culture Woke et politique Woke sont également utilisés). (…) Les termes Woke et wide awake (complètement éveillé) sont apparus pour la première fois dans la culture politique et les annonces politiques lors de l’ élection présidentielle américaine de 1860 pour soutenir Abraham Lincoln. Le Parti républicain a cultivé le mouvement pour s’opposer principalement à la propagation de l’esclavage, comme décrit dans le mouvement Wide Awakes. Les dictionnaires d’Oxford enregistrent  une utilisation politiquement consciente précoce en 1962 dans l’article « If You’re Woke You Dig It » de William Melvin Kelley dans le New York Times et dans la pièce de 1971 Garvey Lives! de Barry Beckham (« I been sleeping all my life. And now that Mr. Garvey done woke me up, I’m gon’ stay woke. And I’m gon help him wake up other black folk. »). Garvey avait lui-même exhorté ses auditoires du début du XXe siècle, « Wake up Ethiopia! Wake up Africa! » (« Réveillez-vous Éthiopie! Réveillez-vous Afrique! »en français). Auparavant, Jay Saunders Redding avait enregistré un commentaire d’un employé afro-américain du syndicat United Mine Workers of America en 1940 (« Laissez-moi vous dire, mon ami. Se réveiller est beaucoup plus difficile que de dormir, mais nous resterons éveillés plus longtemps. »). Leadbelly utilise la phrase vers la fin de l’enregistrement de sa chanson de 1938 « Scottsboro Boys », tout en expliquant l’incident du même nom, en disant « Je conseille à tout le monde d’être un peu prudent quand ils passent par là, rester éveillé, garder les yeux ouverts ». La première utilisation moderne du terme « Woke » apparaît dans la chanson « Master Teacher » de l’album New Amerykah Part One (4th World War) (2008) de la chanteuse de soul Erykah Badu. Tout au long de la chanson, Badu chante la phrase: « I stay woke ». Bien que la phrase n’ait pas encore de lien avec les problèmes de justice, la chanson de Badu est créditée du lien ultérieur avec ces problèmes. To « stay woke » (Rester éveillé) dans ce sens exprime l’aspect grammatical continu et habituel intensifié de l’anglais vernaculaire afro-américain : en substance, être toujours éveillé, ou être toujours vigilant. David Stovall a dit: « Erykah l’a amené vivant dans la culture populaire. Elle veut dire ne pas être apaisée, ne pas être anesthésiée. » Le concept d’être Woke (réveillé en anglais) soutient l’idée que ce type de prise de conscience doit être acquise. Le rappeur Earl Sweatshirt se souvient d’avoir chanté « I stay woke » sur la chanson et sa mère a refusé la chanson et a répondu: « Non, tu ne l’es pas. » En 2012, les utilisateurs de Twitter, y compris Erykah Badu, ont commencé à utiliser « Woke » et « stay Woke » en relation avec des questions de justice sociale et raciale et #StayWoke est devenu un mot-dièse largement utilisé. Badu a incité ceci avec la première utilisation politiquement chargée de l’expression sur Twitter. Elle a tweeté pour soutenir le groupe de musique féministe russe Pussy Riot : « La vérité ne nécessite aucune croyance. / Restez réveillé. Regardez attentivement. / #FreePussyRiot. » Le terme Woke s’est répandu dans un usage courant dans le monde anglo-saxon par les médias sociaux et des cercles militants. Par exemple, en 2016, le titre d’un article de Bloomberg Businessweek demandait « Is Wikipedia Woke? » (« Est-ce que Wikipédia est Woke ? »), en faisant référence à la base de contributeurs largement blancs de l’encyclopédie en ligne. Enfin, le terme Woke s’est étendu à d’autres causes et d’autres usages, plus mondains. Car, en effet, tout semble maintenant ainsi « éveillé » : la 75ème cérémonie des Golden Globes, marquée par l’affaire Weinstein et la volonté d’en finir avec le harcèlement sexuel, était en partie Woke, selon le New York Times. Le magazine London Review of Books affirme même que la famille royale britannique est désormais Woke d’après les récentes fiançailles du prince Harry avec l’actrice métisse Meghan Markle, dont les positions anti-Donald Trump sont bien connues. À la fin des années 2010, le terme « Woke » avait pris pour indiquer « une paranoïa saine, en particulier sur les questions de justice raciale et politique » et a été adopté comme un terme d’argot plus générique et a fait l’objet de mèmes. Par exemple, MTV News l’a identifié comme un mot-clé d’argot adolescent pour 2016. Dans le New York Times, Amanda Hess a exprimé des inquiétudes quant au fait que le mot Woke a été culturellement approprié, écrivant: « L’énigme est intégrée. Lorsque les Blancs aspirent à obtenir des points pour la conscience, ils marchent directement dans la ligne de mire entre l’alliance et l’appropriation. Wikipedia
On ne peut comprendre la gauche si on ne comprend pas que le gauchisme est une religion. Dennis Prager
You cannot understand the Left if you do not understand that leftism is a religion. It is not God-based (some left-wing Christians’ and Jews’ claims notwithstanding), but otherwise it has every characteristic of a religion. The most blatant of those characteristics is dogma. People who believe in leftism have as many dogmas as the most fundamentalist Christian. One of them is material equality as the preeminent moral goal. Another is the villainy of corporations. The bigger the corporation, the greater the villainy. Thus, instead of the devil, the Left has Big Pharma, Big Tobacco, Big Oil, the “military-industrial complex,” and the like. Meanwhile, Big Labor, Big Trial Lawyers, and — of course — Big Government are left-wing angels. And why is that? Why, to be specific, does the Left fear big corporations but not big government? The answer is dogma — a belief system that transcends reason. No rational person can deny that big governments have caused almost all the great evils of the last century, arguably the bloodiest in history. Who killed the 20 to 30 million Soviet citizens in the Gulag Archipelago — big government or big business? Hint: There were no private businesses in the Soviet Union. Who deliberately caused 75 million Chinese to starve to death — big government or big business? Hint: See previous hint. Did Coca-Cola kill 5 million Ukrainians? Did Big Oil slaughter a quarter of the Cambodian population? Would there have been a Holocaust without the huge Nazi state? Whatever bad things big corporations have done is dwarfed by the monstrous crimes — the mass enslavement of people, the deprivation of the most basic human rights, not to mention the mass murder and torture and genocide — committed by big governments. (…) Religious Christians and Jews also have some irrational beliefs, but their irrationality is overwhelmingly confined to theological matters; and these theological irrationalities have no deleterious impact on religious Jews’ and Christians’ ability to see the world rationally and morally. Few religious Jews or Christians believe that big corporations are in any way analogous to big government in terms of evil done. And the few who do are leftists. That the Left demonizes Big Pharma, for instance, is an example of this dogmatism. America’s pharmaceutical companies have saved millions of lives, including millions of leftists’ lives. And I do not doubt that in order to increase profits they have not always played by the rules. But to demonize big pharmaceutical companies while lionizing big government, big labor unions, and big tort-law firms is to stand morality on its head. There is yet another reason to fear big government far more than big corporations. ExxonMobil has no police force, no IRS, no ability to arrest you, no ability to shut you up, and certainly no ability to kill you. ExxonMobil can’t knock on your door in the middle of the night and legally take you away. Apple Computer cannot take your money away without your consent, and it runs no prisons. The government does all of these things. Of course, the Left will respond that government also does good and that corporations and capitalists are, by their very nature, “greedy.” To which the rational response is that, of course, government also does good. But so do the vast majority of corporations, private citizens, church groups, and myriad voluntary associations. On the other hand, only big government can do anything approaching the monstrous evils of the last century. As for greed: Between hunger for money and hunger for power, the latter is incomparably more frightening. It is noteworthy that none of the twentieth century’s monsters — Lenin, Hitler, Stalin, Mao — were preoccupied with material gain. They loved power much more than money. And that is why the Left is much more frightening than the Right. It craves power.  Dennis Prager
What I found most interesting and provocative is Bottum’s thesis that although it seems that the moral core of modern American society has been entirely secularized, and religion and religious institutions play little role in shaping those views, in fact the watered-down gruel of moral views served up by elite establishment opinion (recycling, multiculturalism, and the like) is a remnant of the old collection of Protestant mainline views that dominated American society for decades or even centuries. To highlight the important sociological importance of religion in American society, Bottum uses the now-familiar metaphor of a three-legged stool in describing American society (one that I and others have used as well): a balance between constitutional democracy, free market capitalism, and a strong and vibrant web of civil society institutions where moral lessons are taught and social capital is built. In the United States, the most important civil society organizations traditionally have been family and churches. And, among the churches, by far the most important were those that Bottum deems as the “Protestant Mainline” — Episcopalian, Lutheran, Baptist (Northern), Methodist, Presbyterian, Congregationalist/United Church of Christ, etc. The data on changing membership in these churches is jaw-dropping. In 1965, for example, over half of the United States population claimed membership in one of the Protestant mainline churches. Today, by contrast, less than 10 percent of the population belongs to one of these churches. Moreover, those numbers are likely to continue to decline — the Protestant Mainline (“PM”) churches also sport the highest average age of any church group. Why does the suicide of the Protestant Mainline matter? Because for Bottum, these churches are what provided the sturdy third leg to balance politics and markets in making a good society. Indeed, Bottum sees the PM churches as the heart of American Exceptionalism — they provided the moral code of Americanism. Probity, responsibility, honesty, integrity — all the moral virtues that provided the bedrock of American society and also constrained the hydraulic and leveling tendencies of the state and market to devour spheres of private life. The collapse of this religious-moral consensus has been most pronounced among American elites, who have turned largely indifferent to formal religious belief. And in some leftist elite circles it has turned to outright hostility toward religion — Bottum reminds us of Barack Obama’s observation that rural Americans today cling to their “guns and Bibles” out of bitterness about changes in the world. Perhaps most striking is that anti-Catholic bigotry today is almost exclusively found on “the political Left, as it members rage about insidious Roman influence on the nation: the Catholic justices on the Supreme Court plotting to undo the abortion license, and the Catholic racists of the old rust belt states turning their backs on Obama to vote for Hillary Clinton in the 2008 Democratic primaries. Why is it no surprise that one of the last places in American Christianity to find good, old-fashioned anti-Catholicism is among the administrators of the dying Mainline…. They must be anti-Catholics precisely to the extent that they are also political leftists.” As the recent squabbles over compelling practicing Catholics to toe the new cultural line on same-sex marriage at the risk of losing their jobs or businesses, the political Left today is increasingly intolerant of recognizing a private sphere of belief outside of the crushing hand of political orthodoxy. Yet as Bottum notes, the traditional elite consensus has been replaced by a new spiritual orthodoxy of “morality.” The American elite (however defined) today does subscribe to a set of orthodoxies of what constitutes “proper” behavior: proper views on the environment, feminism, gay rights, etc. Thus, Bottum provocatively argues, the PM hasn’t gone away, it has simply evolved into a new form, a religion without God as it were, in which the Sierra club, universities, and Democratic Party have supplanted the Methodists and Presbyterians as the teachers of proper values. (…) Bottum points to the key moment as the emergence of the Social Gospel movement in the early 20th Century. Led by Walter Rauschenbusch, the Social Gospel movement reached beyond the traditional view that Christianity spoke to personal failings such as sin, but instead reached “the social sin of all mankind, to which all who ever lived have contributed, and under which all who ever lived have suffered.” As Bottum summarizes it, Rauschenbusch identified six social sins: “bigotry, the arrogance of power, the corruption of justice for personal ends, the madness [and groupthink] of the mob, militarism, and class contempt.” As religious belief moved from the pulpit and pew to the voting booth and activism, the role of Jesus and any religious belief became increasingly attenuated. And eventually, Bottum suggests, the political agenda itself came to overwhelm the increasingly irrelevant religious beliefs that initially supported it. Indeed, to again consider contemporary debates, what matters most is outward conformity to orthodox opinion, not persuasion and inward acceptance of a set of particular views–as best illustrated by the lynch mobs that attacked Brendan Eich for his political donations (his outward behavior) and to compel conformity of behavior among wedding cake bakers and the like, all of which bears little relation to (and in fact is likely counterproductive) to changing personal belief. (Of course, that too is an unstable equilibrium–in the future it won’t be sufficient to not merely not be politically opposed to same-sex marriage, it will be a litmus test to be affirmatively in favor of it.). Thus, while the modern elite appears to be largely non-religious, Bottum argues that they are the subconscious heirs to the old Protestant Mainline, but are merely Post-Protestant — the same demographic group of people holding more or less the same views and fighting the same battles as the advocates of the social gospel. In the second part of the book, Bottum turns to his second theme — the effort beginning around 2000 of Catholics and Evangelical Christians to form an alliance to create a new moral consensus to replace the void left by the collapse Protestant Mainline churches. Oversimplified, Bottum’s basic point is that this was an effort to marry the zeal and energy of Evangelical churches to the long, well-developed natural law theory of Catholicism, including Catholic social teaching. Again oversimplified, Bottum’s argument is that this effort was doomed on both sides of the equation–first, Catholicism is simply too dense and “foreign” to ever be a majoritarian church in the United States; and second, because evangelical Christianity itself has lost much of its vibrant nature. Bottum notes, which I hadn’t realized, that after years of rapid growth, evangelical Christianity appears to be in some decline in membership. Thus, the religious void remains. The obvious question with which one is left is if Bottum is correct that religious institutions uphold the third leg of the American stool, and if (as he claims) religion is the key to American exceptionalism, can America survive without a continued vibrant religious tradition? (…) Campus protests today, for example, often seem to be sort of a form of performance art, where the gestures of protest and being seen to “care” are ends in themselves, as often the protests themselves have goals that are somewhat incoherent (compared to, say, protests against the Vietnam War). Bottum describes this as a sort of spirtual angst, a vague discomfort with the way things are and an even vaguer desire for change. On this point I wonder whether he is being too generous to their motives. (…) But there is one thesis that he doesn’t consider that I think contributes much of the explanation of the decline of the importance of the Protestant Mainline, which is the thesis developed by Shelby Steele is his great book “White Guilt.” I think Steele’s argument provides the key to unlocking not only the decline of the Protestant Mainline but also the timing, and why the decline of the Protestant Mainline has been so much more precipitous than Evangelicals and Catholics, as well as why anti-Evangelical and anti-Catholic bigotry is so socially acceptable among liberal elites. Steele’s thesis, oversimplified, is that the elite institutions of American society for many years were complicit in a system that perpetrated injustices on many Americans. The government, large corporations, major universities, white-show law firms, fraternal organizations, etc.–the military being somewhat of an exception to this–all conspired explicitly or tacitly in a social system that supported first slavery then racial discrimination, inequality toward women, anti-Semitism, and other real injustices. Moreover, all of this came to a head in the 1960s, when these long-held and legitimate grievances bubbled to the surface and were finally recognized and acknowledged by those who ran these elite institutions and efforts were taken to remediate their harms. This complicity in America’s evils, Steele argues, discredited the moral authority of these institutions, leaving not only a vacuum at the heart of American society but an ongoing effort at their redemption. But, Steele argues, this is where things have become somewhat perverse. It wasn’t enough for, say, Coca-Cola to actually take steps to remediate its past sins, it was crucial for Coca-Cola to show that it was acknowledging its guilty legacy and, in particular, to demonstrate that it was now truly enlightened. But how to do that? Steele argues that this is the pivotal role played by hustlers like Jesse Jackson and Al Sharpton — they can sell the indulgences to corporations, universities, and the other guilty institutions to allow them to demonstrate that they “understand” and accept their guilt and through bowing to Jackson’s demands, Jackson can give them a clean bill of moral health. Thus, Steele says that what is really going on is an effort by the leaders of these institutions to “dissociate” themselves from their troubled past and peer institutions today that lack the same degree of enlightenment. Moreover, it is crucially important that the Jackson’s of the world set the terms–indeed, the more absurd and ridiculous the penance the better from this perspective, because more ridiculous penances make it easier to demonstrate your acceptance of your guilt. One set of institutions that Steele does not address, but which fits perfectly into his thesis, is the Protestant Mainline churches that Bottum is describing. It is precisely because the Protestant Mainline churches were the moral backbone of American society that they were in need of the same sort of moral redemption that universities, corporations, and the government. Indeed, because of their claim to be the moral exemplar, their complicity in real injustice was especially bad. Much of the goofiness of the Mainline Protestant churches over the past couple of decades can be well-understood, I think, through this lens of efforts to dissociate themselves from their legacy and other less-enlightened churches. In short, it seems that often their religious dogma is reverse-engineered–they start from wanting to make sure that they hold the correct cutting-edge political and social views, then they retrofit a thin veil of religious belief over those social and political opinions. Such that their religious beliefs today, as far as one ever hears about them at all, differ little from the views of The New York Times editorial page. This also explains why Catholics and Evangelicals are so maddening, and threatening, to the modern elites. Unlike the Protestant Mainline churches that were the moral voice of the American establishment, Catholicism and Evangelicals have always been outsiders to the American establishment. Thus they bear none of the guilt of having supported unjust political and social systems and refuse to act like they do. They have no reason to kowtow to elite opinion and, indeed, are often quite populist in their worldview (consider the respect that Justices Scalia or Thomas have for the moral judgments of ordinary Americans on issues like abortion or same-sex marriage vs. the views of elites). Given the sorry record of American elites for decades, there is actually a dividing line between two world views. Modern elites believe that the entire American society was to blame, thus we all share guilt and must all seek forgiveness through affirmative action, compulsory sensitivity training, and recycling mandates. Others, notably Catholics and Evangelicals, refuse to accept blame for a social system that they played no role in creating or maintaining and which, in fact, they were excluded themselves. To some extent, therefore, I think that the often-remarked political fault line in American society along religious lines (which Bottum discusses extensively), is as much cultural and historical (in Steele’s sense) as disagreements over religion per se. At the same time, the decline of its moral authority hit the Protestant Mainline churches harder than well-entrenched universities, corporations, or the government, in part because the embrace of the Social Gospel had laid the foundations for their own obsolescence years before. This also explains why if a religious revival is to occur, it would come from the alliance of Catholics and Evangelicals that he describes in the second half of the book. Mainline Protestantism seems to simply lack the moral authority to revive itself and has essentially made itself obsolete. There appears to be little market for religions without God.
In the end, Bottum leaves us with no answer to his central question–can America, which for so long relied on the Protestant Mainline churches to provide a moral and institutional third leg to the country, survive without it. Can the thin gruel of the post-Protestant New York Times elite consensus provide the moral glue that used to hold the country together? Perhaps, or perhaps not — that is the question we are left with after reading Bottum’s fascinating book. Finally, (…) I wanted to call attention to Jody’s new essay at the Weekly Standard “The Spiritual Shape of Political Ideas” that touches on many of the themes of the book and develops them in light of ongoing controversies, especially on the parallels between the new moral consensus and traditional religious thinking (and, in fact, his comments on “original sin” strike me as similar to the points about Shelby Steele that I raised above).
Todd Zywicki
I was simply going to take up the fact that America was in essence a Protestant nation from its founding, from the arrival of the Puritans—and well, it’s a little more sophisticated than that, really from William and Mary on this was a Protestant country—and that we needed to sort of describe what Tocqueville called the main current of that. Now mainline is a word from much later, from the 1930s, but there always was a kind of main current of a general Protestantism. And I wanted to look at its political consequences and cultural consequences. However much the rival Protestant denominations feuded with one another, disagreed with one another, I thought they gave a tone to the nation. And one of the things that they did particularly from the Civil War on was constrain social and political demons. They corralled them. They gave a shape to America, which was the marriage culture, the shape of funerals, life and death, birth, the family. They gave a shape to the cultural and sociological condition of America. And it struck me at the time, so I followed up that essay on the death of Protestant America with a whole book. And then subsequently applying it to the political situation that I saw emerging then in a big cover story for The Weekly Standard, called “The Spiritual Shape of Political Ideas.” And in that kind of threefold push, I thought, “No one that I know is taking seriously the massive sociological change, perhaps the biggest in American history.” From 1965 when the Protestant churches, the mainline churches, by which I mean the founding churches in the National Council of Churches and the God box up on Riverside Drive—those churches, and their affiliated black churches, constituted or had membership that was just over fifty percent of America, as late as 1965. Today that number is well under 10 percent and that’s a huge sociological change that nobody to me seems to be paying sufficient attention to. (…) in (…) mainstream sociological discussions of America that just was not appearing as anything significant, and I thought it was profoundly significant and that the attempt of some of our neoconservative Catholic friends—and I was in the belly of that beast in those days—to substitute Catholicism for the failed American cultural pillar of the mainline Protestant churches—that project, interesting as it was, failed, and that consequently, I predicted, we were going to see ever-larger sociological and cultural and political upset. Because there was no turning these demons of the human condition into an understanding of their personal application. Instead they just became cultural. And I trace this move, perhaps unfairly, but I traced it to Rauschenbusch. And said when you say that it’s not individual sin, it’s social sin. And he lists six of them and they are exactly what the protestors are out in the street against right now. It’s what he called bigotry, which we used the word racism for, its militarism, its authoritarianism, and he names these six social sins and they are exactly the ones that the protesters are out against. But I said the trouble with Rauschenbusch, who was a believer—I think he was a serious Christian and profoundly biblically educated so that his speech was just ripe with biblical quotations—the problem with him is the subsequent generations don’t need the church anymore. They don’t need Jesus anymore. He thinks of Jesus—in the metaphor I use—for the social gospel movement as it developed into just the social movement. Christ is the ladder by which we climb to the new ledge of understanding, but once we’re on that ledge, we don’t need the ladder anymore. The logic of it is quite clear. We’ve reached this new height of moral and ethical understanding. Yes, thank you, Jesus Christ and the revelations taught it to us, but we’re there now. What need have we for a personal relationship with Jesus, what we need have we for a church? Having achieved this sentiment that knows that sin is these social constructs of destructiveness and our anxiety, the spiritual anxiety that human beings always feel, just by being human, is here answered. How do you know that you are saved today? You know that you are saved because you have the right attitude toward social sins. That’s how you know. Now they wouldn’t say saved; they would say, “How do you know you’re a good person?” But that’s just the logic. The logical pattern is the same. And I develop that in the essay, “The Spiritual Shape of Political Ideas” by analyzing as tightly as I could the way in which white guilt is original sin. It’s original sin divorced from the theology that let it make sense. But the pattern of internal logic is exactly the same. It produces the same need to find salvation. It produces the same need to know that you are good by knowing that you are bad. It produces the same logic by which Paul would say, “Before the law there was no sin.” It has all of the same patterns of reason, except as you pointed out in your introduction, there’s no atonement. It’s as though (…) we’re living in St. Augustine’s metaphysics, but with all the Christ stuff stripped out. It’s a dark world; it’s a grim world. We’re inherently guilty and there’s no salvation. There’s no escape from it. Except for the destruction of all. Which is why I then moved in that essay to talk about shunning in its modern forms, again divorced from the structures that once made it make sense, and apocalypse. The sense that we’re living at the end of the world and things are so terrible and so destructive that all the ordinary niceties of manners, of balancing judgment and so on, those are—if someone says, “We are destroying the planet and we’re all going to die unless you do what I want,” if I say, “Well we need to hear other voices,” they say, “That’s complicity with evil.” Right? The end of the world is coming; this is this apocalyptic imagination. Now all of that I think was once upon a time in America—and I’m speaking only politically and sociologically—all of that was corralled, or much of it was corralled in the churches. You were taught a frame to understand your dissatisfactions with the world. You were taught a frame to understand the horror, the metaphysical horror that is the fact (…) that you and I are going to die. You were taught this frame that made it bearable and made it possible to move somewhere with it. With the breaking of that, these demons are let loose and now they’re out there. I’ve often said (…) that the history of America since World War II is a history of a fourth Great Awakening that never quite happened. In a sense what I’ve seen for some years building and is now taking to the streets once again is the fourth Great Awakening except without the Christianity. I see in other words what’s happening out there as spiritual anxiety. But spiritual anxiety occurring in a world in which these people have no answer. They just have outrage. And it’s an escalating outrage. This is where the single most influential thinker in my thought—a modern thinker—is Rene Girard, and Rene Girard’s idea of the escalation of mimetic rivalry. The ways in which we get ever purer and we seek ever more tiny examples of evil that we can scapegoat and we enter into competition, this rivalry, to see who is more pure. This is exactly the motor, the Girardian motor, on which my idea of the spiritual anxiety runs. And so, statues of George Washington are coming down now. And once upon a time, in the generation that I grew up in, and the generation that you grew up in, George Washington was—there were things bad things to say about him—but this was tantamount to saying America was a mistake. And of course these people think America was a mistake, because they think the whole history of the world is a mistake. There’s this outrage. And the outrage I think is spiritual. And that’s why it doesn’t get answered when voices of calm reason say, “Well, let’s consider all sides. Yes, there were mistakes that were made and evils that were done, but let’s try to fix them.” Spiritual anxiety doesn’t get answered by, “Oh well, let’s fix something.” It gets answered by the flame. It gets answered by the looting. It gets answered by the tearing down. (…) But creation appears to us in concrete guises, and the concrete guise right now is America. So, this is why you’ll get praise of ancient civilizations. Or you get the historical insanity of a US senator standing up on the well of the Senate and saying America invented slavery, that there was no slavery before the United States. That’s historically insane, but it’s not unlearned because we’ve passed beyond ignorance here. There’s something willful about it. And that’s what’s extraordinary, I think. And yeah, I’m glad you look back to my 10-year-old book now because I think I did predict some of this, although obviously not in its particulars. But there was a warning there that the collapse of the mainline Protestant churches was going to introduce a demonic element into American life. And lo and behold, it has. (…) there are multiple questions there (…). Why Catholicism failed, why the evangelicals and Catholics together failed. So Catholicism by itself failed. The evangelicals and Catholics together project failed to provide this moral pillar to American discourse. And then there are a variety of reasons for that, beginning with the fact that Catholicism is an alien religion, alien to America. Jews and Catholics were more or less welcome to live here, but we understood that we lived on the banks of a great Mississippi of Protestantism that poured down the center of this country. But the question of why it failed is one thing. The question of why the mainline Protestant churches failed is yet another part of your question. And although I list several examples that people have offered, I don’t make a decision about that in part because I am a Catholic. I have a suspicion that Protestantism with a higher sense of personal salvation, but a less thick metaphysics, was more susceptible to the line of the social gospel movement. But I don’t know that for certain so in the book I’m merely presenting these possibilities. And then evangelicalism, Catholicism, was under attack for wounds, some of which it committed itself. Evangelicalism is in decline in America. The statistics show that this period when it seemed to be going from strength to strength may have been fueled most of all by the death of the mainline churches. They were just picking up those members. Instead of going to the Methodist Church, they were going to the Bible church out on the prairie. But regardless, that Christian discourse, that slightly secularized Christian discourse, that would allow Abraham Lincoln to make his speeches, that would provide the background to political rhetoric and so on, that’s all gone. And as a consequence, it seems to me we don’t have a shared culture and that’s part of what allows these protests. But also I think (…) a culture that no longer believes in itself, that no longer has horizons, and targets, and goals, that no longer has even the vaguest sense of a telos towards which we ought to move, a culture like that, if we look at it, we no longer have a measure of progress. We can’t say what an advance is along the way. All we can do is look at our history and see it as a catalog of crimes that we perpetrated in order to reach this point that we’re at. And we can’t see the good that came out of it. Because we don’t know what the good is, we don’t know what the telos is, the target, so we have no measure for that. So, we can’t celebrate the Civil War victory that ended slavery. All we can do is condemn slavery. We can’t celebrate the victory over the Nazis. We have to end World War II; all we can do is decry militarism and the crimes we committed to win that war, like the firebombing of Dresden, or  Hiroshima. And I think that that reasoning is quite exact because the young people that I hear speak—now I haven’t spent as much time on this as I perhaps should have, following the ins and outs of every protestor alive today—but what I’ve heard suggests that they condemn America to the core—the whole of America, of American history. There is nothing good about this nation. And there it seems to me the reasoning is quite exact. Unable to see a point to America, unable to see a goal. They are quite right that all they can see are the crimes. Whereas you and I are capable of saying, yes slavery was a great sin, and we got over it, and then the post-reconstruction settlement of Jim Crow was a great sin, but we got over it, and we still are committing sins to this day but the optimism of America is that we’ll get over it, we will find solutions to these because we feel that we are a city on a hill. We feel that we are heading somewhere. The telos may be vague, maybe inchoate, but its pull is real for people like you and me, Mark. These young people—who, I think partly because they’ve been systematically miss-educated—don’t have any feeling for that at all. And because they don’t, I think they are actually being quite rational in saying America is just evil, it’s a history of sin. (…) I think it’ll pass. These things pass. There are various rages that take to the streets, but they are to some degree victims of their own energy. They burn out, and I think this one will burn out. The thing that we are not seeing now—in fact we’re seeing the opposite—is someone standing up to them. The New York Times firing of its op-ed page editor over publication of an op-ed from a sitting US senator is really quite extraordinary if we think about it. But I don’t believe institutions can survive if they pander in this way. And I think eventually we’ll get one standing up. I haven’t heard yet from the publisher of J.K. Rowling, the Harry Potter author, who the staff of her publishing house has declared themselves unwilling to work at a publisher that would publish a woman with such reprobate views of transgenderism. If the publisher doesn’t stand up to her, I think we may be in for another year of this. But I have a feeling she sells so well, that I don’t believe the publisher is going to give in. And if we have one person saying “That’s interesting, but if you can’t work here, you can’t work here, goodbye.” The first time we see that and they survived the subsequent Twitter outrage, I think we’ll see an end to the current cancel culture, which is of course the most insidious of the general social—the burning and the breaking of statues is physical, but the most destructive cultural thing right now is the cancel culture that gets people fired and their relatives fired and the rest of it. I think that has to end and I imagine it will, the first time somebody stands up to them and survives. Joseph Bottum
Quand j’ai écrit mon livre, je suis retourné à Max Weber et à Alexis de Tocqueville, car tous deux avaient identifié l’importance fondamentale de l’anxiété spirituelle que nous éprouvons tous. Il me semble qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, nous avons oublié la centralité de cette anxiété, de ces démons ou anges spirituels qui nous habitent. Ils nous gouvernent de manière profondément dangereuse. Norman Mailer a dit un jour que toute la sociologie américaine avait été un effort désespéré pour essayer de dire quelque chose sur l’Amérique que Tocqueville n’avait pas dit! C’est vrai! Tocqueville avait saisi l’importance du fait religieux et de la panoplie des Églises protestantes qui ont défini la nation américaine. Il a montré que malgré leur nombre innombrable et leurs querelles, elles étaient parvenues à s’unir pour être ce qu’il appelait joliment «le courant central des manières et de la morale». Quelles que soient les empoignades entre anglicans épiscopaliens et congrégationalistes, entre congrégationalistes et presbytériens, entre presbytériens et baptistes, les protestants se sont combinés pour donner une forme à nos vies: celle des mariages, des baptêmes et des funérailles ; des familles, et même de la politique, en cela même que le protestantisme ne cesse d’affirmer qu’il y a quelque chose de plus important que la politique. Ce modèle a perduré jusqu’au milieu des années 1960. (…) Pour moi, c’est avant tout le mouvement de l’Évangile social qui a gagné les Églises protestantes, qui est à la racine de l’effondrement. Dans mon livre, je consacre deux chapitres à Walter Rauschenbusch, la figure clé. Mais il faut comprendre que le déclin des Églises européennes a aussi joué. L’une des sources d’autorité des Églises américaines venait de l’influence de théologiens européens éminents comme Wolfhart Pannenberg ou l’ancien premier ministre néerlandais Abraham Kuyper, esprit d’une grande profondeur qui venait souvent à Princeton donner des conférences devant des milliers de participants! Mais ils n’ont pas été remplacés. Le résultat de tout cela, c’est que l’Église protestante américaine a connu un déclin catastrophique. En 1965, 50 % des Américains appartenaient à l’une des 8 Églises protestantes dominantes. Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à 4 %! Cet effondrement est le changement sociologique le plus fondamental des 50 dernières années, mais personne n’en parle. Une partie de ces protestants ont migré vers les Églises chrétiennes évangéliques, qui dans les années 1970, sous Jimmy Carter, ont émergé comme force politique. On a vu également un nombre surprenant de conversions au catholicisme, surtout chez les intellectuels. Mais la majorité sont devenus ce que j’appelle dans mon livre des «post-protestants», ce qui nous amène au décryptage des événements d’aujourd’hui. Ces post-protestants se sont approprié une série de thèmes empruntés à l’Évangile social de Walter Rauschenbusch. Quand vous reprenez les péchés sociaux qu’il faut selon lui rejeter pour accéder à une forme de rédemption – l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe… vous retrouvez exactement les thèmes que brandissent les gens qui mettent aujourd’hui le feu à Portland et d’autres villes. Ce sont les post-protestants. Ils se sont juste débarrassés de Dieu! Quand je dis à mes étudiants qu’ils sont les héritiers de leurs grands-parents protestants, ils sont offensés. Mais ils ont exactement la même approche moralisatrice et le même sens exacerbé de leur importance, la même condescendance et le même sentiment de supériorité exaspérante et ridicule, que les protestants exprimaient notamment vis-à-vis des catholiques. (…) Mais ils ne le savent pas. En fait, l’état de l’Amérique a été toujours lié à l’état de la religion protestante. Les catholiques se sont fait une place mais le protestantisme a été le Mississippi qui a arrosé le pays. Et c’est toujours le cas! C’est juste que nous avons maintenant une Église du Christ sans le Christ. Cela veut dire qu’il n’y a pas de pardon possible. Dans la religion chrétienne, le péché originel est l’idée que vous êtes né coupable, que l’humanité hérite d’une tache qui corrompt nos désirs et nos actions. Mais le Christ paie les dettes du péché originel, nous en libérant. Si vous enlevez le Christ du tableau en revanche, vous obtenez… la culpabilité blanche et le racisme systémique. Bien sûr, les jeunes radicaux n’utilisent pas le mot «péché originel». Mais ils utilisent exactement les termes qui s’y appliquent. (…) Ils parlent d’«une tache reçue en héritage» qui «infecte votre esprit». C’est une idée très dangereuse, que les Églises canalisaient autrefois. Mais aujourd’hui que cette idée s’est échappée de l’Église, elle a gagné la rue et vous avez des meutes de post-protestants qui parcourent Washington DC, en s’en prenant à des gens dans des restaurants pour exiger d’eux qu’ils lèvent le poing. Leur conviction que l’Amérique est intrinsèquement corrompue par l’esclavage et n’a réalisé que le Mal, n’est pas enracinée dans des faits que l’on pourrait discuter, elle relève de la croyance religieuse. On exclut ceux qui ne se soumettent pas. On dérive vers une vision apocalyptique du monde qui n’est plus équilibrée par rien d’autre. Cela peut donner la pire forme d’environnementalisme, par exemple, parce que toutes les autres dimensions sont disqualifiées au nom de «la fin du monde». C’est l’idée chrétienne de l’apocalypse, mais dégagée du christianisme. Il y a des douzaines d’exemples de religiosité visibles dans le comportement des protestataires: ils s’allongent par terre face au sol et gémissent, comme des prêtres que l’on consacre dans l’Église catholique. Ils ont organisé une cérémonie à Portland durant laquelle ils ont lavé les pieds de personnes noires pour montrer leur repentir pour la culpabilité blanche. Ils s’agenouillent. Tout cela sans savoir que c’est religieux! C’est religieux parce que l’humanité est religieuse. Il y a une faim spirituelle à l’intérieur de nous, qui se manifeste de différentes manières, y compris la violence! Ces gens veulent un monde qui ait un sens, et ils ne l’ont pas. (…) Le marxisme est une religion par analogie. Certes, il porte cette idée d’une nouvelle naissance. Certaines personnes voulaient des certitudes et ne les trouvant plus dans leurs Églises, ils sont allés vers le marxisme. Mais en Amérique, c’est différent, car tout est centré sur le protestantisme. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, avec génie et insolence, prend Marx et le met cul par-dessus tête. Marx avait dit que le protestantisme avait émergé à la faveur de changements économiques. Weber dit l’inverse. Ce n’est pas l’économie qui a transformé la religion, c’est la religion qui a transformé l’économie. Le protestantisme nous a donné le capitalisme, pas l’inverse! Parce que les puritains devaient épargner de l’argent pour assurer leur salut. Le ressort principal n’était pas l’économie mais la faim spirituelle, ce sentiment beaucoup plus profond, selon Weber. Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui. (…) Je n’ai pas voté pour Trump. Bien que conservateur, je fais partie des «Never Trumpers». Mais je vois potentiellement une guerre civile à feu doux éclater si Trump gagne cette élection! Car les parties sont polarisées sur le plan spirituel. Si Trump gagne, pour les gens qui sont dans la rue, ce ne sera pas le triomphe des républicains, mais celui du mal. Rauschenbusch, dans son Évangile, dit que nous devons accomplir la rédemption de notre personnalité. Ces gens-là veulent être sûrs d’être de «bonnes personnes». Ils savent qu’ils sont de bonnes personnes s’ils sont opposés au racisme. Ils pensent être de bonnes personnes parce qu’ils sont opposés à la destruction de l’environnement. Ils veulent avoir la bonne «attitude», c’est la raison pour laquelle ceux qui n’ont pas la bonne attitude sont expulsés de leurs universités ou de leur travail pour des raisons dérisoires. Avant, on était exclu de l’Église, aujourd’hui, on est exclu de la vie publique… C’est pour cela que les gens qui soutiennent Trump, sont vus comme des «déplorables», comme disait Hillary Clinton, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent être rachetés. Ils ont leur bible et leur fusil et ne suivent pas les commandements de la justice sociale. (…) Avant même que Trump ne surgisse, avec Sarah Palin, et même sous Reagan, on a vu émerger à droite le sentiment que tout ce que faisaient les républicains pour l’Amérique traditionnelle, c’était ralentir sa disparition. Il y avait une immense exaspération car toute cette Amérique avait le sentiment que son mode de vie était fondamentalement menacé par les démocrates. Reagan est arrivé et a dit: «Je vais m’y opposer». Et voilà que Trump arrive et dit à son tour qu’il va dire non à tout ça. Je déteste le fait que Trump occupe cet espace, parce qu’il est vulgaire et insupportable. Mais il est vrai que tous ceux qui s’étaient sentis marginalisés ont voté pour Trump parce qu’il s’est mis en travers de la route. C’est d’ailleurs ce que leur dit Trump: «Ils n’en ont pas après moi, mais après vous.» Il faut comprendre que l’idéologie «woke» de la justice sociale a pénétré les institutions américaines à un point incroyable. Je n’imagine pas qu’un professeur ayant une chaire à la Sorbonne soit forcé d’assister à des classes obligatoires organisées pour le corps professoral sur leur «culpabilité blanche», et enseignées par des gens qui viennent à peine de finir le collège. Mais c’est la réalité des universités américaines. Un sondage récent a montré que la majorité des professeurs d’université ne disent rien. Ils abandonnent plutôt toute mention de tout sujet controversé. Pourtant, des études ont montré que la foule des vigies de Twitter qui obtient la tête des professeurs excommuniés, remplirait à peine la moitié d’un terrain de football universitaire! Il y a un manque de courage. (…) La France a fait beaucoup de choses bonnes et glorieuses pour faire avancer la civilisation, mais elle a fait du mal. Si on croit au projet historique français, on peut démêler le bien du mal. Mais mes étudiants, et tous ces post-protestants dont je vous parle, sont absolument convaincus que tous les gens qui ont précédé, étaient stupides et sans doute maléfiques. Ils ne croient plus au projet historique américain. Ils sont contre les «affinités électives» qui, selon Weber, nous ont donné la modernité: la science, le capitalisme, l’État-nation. Si la théorie de la physique de Newton, Principia, est un manuel de viol, comme l’a dit une universitaire féministe, si sa physique est l’invention d’un moyen de violer le monde, cela veut dire que la science est mauvaise. Si vous êtes soupçonneux de la science, du capitalisme, du protestantisme, si vous rejetez tous les moteurs de la modernité la seule chose qui reste, ce sont les péchés qui nous ont menés là où nous sommes. Pour sûr, nous en avons commis. Mais si on ne voit pas que ça, il n’y a plus d’échappatoire, plus de projet. Ce qui passe aujourd’hui est différent de 1968 en France, quand la remise en cause a finalement été absorbée dans quelque chose de plus large. Le mouvement actuel ne peut être absorbé car il vise à défaire les États-Unis dans ses fondements: l’État-nation, le capitalisme et la religion protestante. Mais comme les États-Unis n’ont pas d’histoire prémoderne, nous ne pouvons absorber un mouvement vraiment antimoderne. (…) Il y a une phrase de Heidegger qui dit que «seulement un Dieu pourrait nous sauver»! On a le sentiment qu’on est aux prémices d’une apocalypse, d’une guerre civile, d’une grande destruction de la modernité. Est-ce à cause de la trahison des clercs? Pour moi, l’incapacité des vieux libéraux à faire rempart contre les jeunes radicaux, est aujourd’hui le grand danger. Quand j’ai vu que de jeunes journalistes du New York Times avaient menacé de partir, parce qu’un responsable éditorial avait publié une tribune d’un sénateur américain qui leur déplaisait, j’ai été stupéfait. Je suis assez vieux pour savoir que dans le passé, la direction aurait immédiatement dit à ces jeunes journalistes de prendre la porte s’ils n’étaient pas contents. Mais ce qui s’est passé, c’est que le rédacteur en chef a été limogé. Joseph Bottum

C’est ce qui reste du christianisme quand on a tout oublié, imbécile !

Racisme d’état, racisé, cisgenre/cishet, blantriarcat, privilège blanc, appropriation culturelle, larmes blanches, larmes males, biais de confirmation, woke…

A l’heure où après des mois d’émeutes et de casse et l’inévitable retour de bâton et remontée de leur Trump honni dans les sondages …

Les nouveaux protestants de Black lives matter en sont, signe des temps, à effacer leur profession de foi sur leur site …

Mais où leur vocabulaire semble en train d’entrer dans la langue courante …

Tandis que, de la part des médias dits sérieux, tout est bon pour discréditer le catholicisme de la candidate du président Tump pour remplacer une juge de la Cour suprême récemment décédée …

Comment ne pas voir …

Avec le spécialiste du phénomène religieux en politique et girardien Joseph Bottum

Entre iconoclasme, génuflexions, auto-flagellations, lavements des pieds, liturgie, procession, croisades, inquisition, textes sacrés, tabous, catéchisme, dogmatisme, moralisme, excommunications, saints, martyrs…

La dimension proprement religieuse de, pour reprendre le mot attribué à Bebel pour l’antisémitisme en ces temps de décérébration universitaire, cette sorte de « christianisme des imbéciles » …

Suite au fait sociologique central mais sous-estimé des 50 dernières années …

De l’effondrement, à partir du milieu des années 1960, du modèle et socle commun fait de mariages, baptêmes, funérailles, familles et politique, que leur avaient légué les églises protestantes américaines …

Et son remplacement, à partir du mouvement de l’Évangile social d’un Walter Rauschenbusch, par une sorte de version sécularisée que n’ont que compensé partiellement les églises évangéliques et catholique…

Avec ses péchés sociaux à rejeter pour accéder à la rédemption que seraient l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe…

Sauf que derrière ce « Mississippi protestant qui avait arrosé le pays’, c’est en fait de Dieu qu’ils se sont  débarrassés …

Via la sanctification de l’ultime victime du péché originel de l’esclavage, à savoir les noirs …

D’où leur reprise – ô combien transparente et significative – du terme d’argot noir « woke » …

Pour apporter à l’Amérique et au monde une sorte de quatrième Grand Réveil comme l’Amérique les multiplie depuis le milieu du 19e siècle …

Sauf que derrière cette nouvelle église du Christ sans le Christ, il n’y a plus de pardon possible …

Que l’indécrottable péché originel, derrière l’impardonnable privilège blanc, de la culpabilité blanche et du racisme systémique…

Et in fine, libérée du cadre des églises qui avaient autrefois canalisé cette sainte colère, que l’escalade, proprement mimétique, de la course à la pureté idéologique que l’on voit actuellment dans leurs rues et déjà en partie dans les nôtres …

Autrement dit, jusqu’à ce que pourrait peut-être y mettre fin la réaction de la majorité silencieuse que comme nombre de Never-Trumpers, Bottum se refuse à voir derrière la vulgarité d’un Trump …

La démolition pure et simple, entrevue déjà par Malraux comme Girard, de l’essentiel de la culture et du projet non seulement américain mais occidental …

Et donc l’ouverture, derrière cette remise en cause de toutes valeurs partagées et but commun, à la guerre civile  ?

« La passion religieuse a échappé au protestantisme et met le feu à la politique »

GRAND ENTRETIEN – Professeur à l’université du Dakota du Sud, Joseph Bottum est essayiste et spécialiste du phénomène religieux en politique. Il offre un éclairage saisissant sur les élections américaines, dont il craint qu’elles ne dégénèrent en guerre civile si Trump est réélu.
Laure Mandeville
Le Figaro
24 septembre 2020

Dans son livre An Anxious Rage, the Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, écrit il y a six ans, il explique qu’on ne peut comprendre la fureur idéologique qui s’est emparée de l’Amérique, si on ne s’intéresse pas à la centralité du fait religieux et à l’effondrement du protestantisme, «ce Mississippi» qui a arrosé et façonné si longtemps la culture américaine et ses mœurs.

Bottum décrit la marque laissée par le protestantisme à travers l’émergence de ce qu’il appelle les «post-protestants», ces nouveaux puritains sans Dieu qui pratiquent la religion de la culture «woke» et de la justice sociale, et rejettent le projet américain dans son intégralité. Il voit à l’œuvre une entreprise de «destruction de la modernité» sur laquelle sont fondés les États-Unis.

LE FIGARO. – Dans votre livre An Anxious Age, vous revenez sur l’importance fondamentale du protestantisme pour comprendre les États-Unis et vous expliquez que son effondrement a été le fait sociologique central, mais sous-estimé, des 50 dernières années. Vous dites que ce déclin a débouché sur l’émergence d’un post-protestantisme qui est un nouveau puritanisme sans Dieu, qui explique la rage quasi-religieuse qui s’exprime dans les rues du pays. De quoi s’agit-il?

Joseph BOTTUM. –Quand j’ai écrit mon livre, je suis retourné à Max Weber et à Alexis de Tocqueville, car tous deux avaient identifié l’importance fondamentale de l’anxiété spirituelle que nous éprouvons tous. Il me semble qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, nous avons oublié la centralité de cette anxiété, de ces démons ou anges spirituels qui nous habitent. Ils nous gouvernent de manière profondément dangereuse. Norman Mailer a dit un jour que toute la sociologie américaine avait été un effort désespéré pour essayer de dire quelque chose sur l’Amérique que Tocqueville n’avait pas dit! C’est vrai! Tocqueville avait saisi l’importance du fait religieux et de la panoplie des Églises protestantes qui ont défini la nation américaine. Il a montré que malgré leur nombre innombrable et leurs querelles, elles étaient parvenues à s’unir pour être ce qu’il appelait joliment «le courant central des manières et de la morale». Quelles que soient les empoignades entre anglicans épiscopaliens et congrégationalistes, entre congrégationalistes et presbytériens, entre presbytériens et baptistes, les protestants se sont combinés pour donner une forme à nos vies: celle des mariages, des baptêmes et des funérailles ; des familles, et même de la politique, en cela même que le protestantisme ne cesse d’affirmer qu’il y a quelque chose de plus important que la politique. Ce modèle a perduré jusqu’au milieu des années 1960.

Qu’est-ce qui a précipité le déclin du protestantisme? La libération des mœurs des années 1960, l’émergence de la théologie de la justice sociale?

Pour moi, c’est avant tout le mouvement de l’Évangile social qui a gagné les Églises protestantes, qui est à la racine de l’effondrement. Dans mon livre, je consacre deux chapitres à Walter Rauschenbusch, la figure clé. Mais il faut comprendre que le déclin des Églises européennes a aussi joué. L’une des sources d’autorité des Églises américaines venait de l’influence de théologiens européens éminents comme Wolfhart Pannenberg ou l’ancien premier ministre néerlandais Abraham Kuyper, esprit d’une grande profondeur qui venait souvent à Princeton donner des conférences devant des milliers de participants! Mais ils n’ont pas été remplacés. Le résultat de tout cela, c’est que l’Église protestante américaine a connu un déclin catastrophique. En 1965, 50 % des Américains appartenaient à l’une des 8 Églises protestantes dominantes. Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à 4 %! Cet effondrement est le changement sociologique le plus fondamental des 50 dernières années, mais personne n’en parle.

Une partie de ces protestants ont migré vers les Églises chrétiennes évangéliques, qui dans les années 1970, sous Jimmy Carter, ont émergé comme force politique. On a vu également un nombre surprenant de conversions au catholicisme, surtout chez les intellectuels. Mais la majorité sont devenus ce que j’appelle dans mon livre des «post-protestants», ce qui nous amène au décryptage des événements d’aujourd’hui. Ces post-protestants se sont approprié une série de thèmes empruntés à l’Évangile social de Walter Rauschenbusch. Quand vous reprenez les péchés sociaux qu’il faut selon lui rejeter pour accéder à une forme de rédemption – l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe… vous retrouvez exactement les thèmes que brandissent les gens qui mettent aujourd’hui le feu à Portland et d’autres villes. Ce sont les post-protestants. Ils se sont juste débarrassés de Dieu! Quand je dis à mes étudiants qu’ils sont les héritiers de leurs grands-parents protestants, ils sont offensés. Mais ils ont exactement la même approche moralisatrice et le même sens exacerbé de leur importance, la même condescendance et le même sentiment de supériorité exaspérante et ridicule, que les protestants exprimaient notamment vis-à-vis des catholiques.

La génération «woke» est une nouvelle version du puritanisme?

Absolument! Mais ils ne le savent pas. En fait, l’état de l’Amérique a été toujours lié à l’état de la religion protestante. Les catholiques se sont fait une place mais le protestantisme a été le Mississippi qui a arrosé le pays. Et c’est toujours le cas! C’est juste que nous avons maintenant une Église du Christ sans le Christ. Cela veut dire qu’il n’y a pas de pardon possible. Dans la religion chrétienne, le péché originel est l’idée que vous êtes né coupable, que l’humanité hérite d’une tache qui corrompt nos désirs et nos actions. Mais le Christ paie les dettes du péché originel, nous en libérant. Si vous enlevez le Christ du tableau en revanche, vous obtenez… la culpabilité blanche et le racisme systémique. Bien sûr, les jeunes radicaux n’utilisent pas le mot «péché originel». Mais ils utilisent exactement les termes qui s’y appliquent.

Ils parlent d’«une tache reçue en héritage» qui «infecte votre esprit». C’est une idée très dangereuse, que les Églises canalisaient autrefois. Mais aujourd’hui que cette idée s’est échappée de l’Église, elle a gagné la rue et vous avez des meutes de post-protestants qui parcourent Washington DC, en s’en prenant à des gens dans des restaurants pour exiger d’eux qu’ils lèvent le poing. Leur conviction que l’Amérique est intrinsèquement corrompue par l’esclavage et n’a réalisé que le Mal, n’est pas enracinée dans des faits que l’on pourrait discuter, elle relève de la croyance religieuse. On exclut ceux qui ne se soumettent pas. On dérive vers une vision apocalyptique du monde qui n’est plus équilibrée par rien d’autre. Cela peut donner la pire forme d’environnementalisme, par exemple, parce que toutes les autres dimensions sont disqualifiées au nom de «la fin du monde».

C’est l’idée chrétienne de l’apocalypse, mais dégagée du christianisme. Il y a des douzaines d’exemples de religiosité visibles dans le comportement des protestataires: ils s’allongent par terre face au sol et gémissent, comme des prêtres que l’on consacre dans l’Église catholique. Ils ont organisé une cérémonie à Portland durant laquelle ils ont lavé les pieds de personnes noires pour montrer leur repentir pour la culpabilité blanche. Ils s’agenouillent. Tout cela sans savoir que c’est religieux! C’est religieux parce que l’humanité est religieuse. Il y a une faim spirituelle à l’intérieur de nous, qui se manifeste de différentes manières, y compris la violence! Ces gens veulent un monde qui ait un sens, et ils ne l’ont pas.

Les post-protestants peuvent-ils être comparés aux nihilistes russes qui cherchaient aussi un sens dans la lutte révolutionnaire et le marxisme?

Oui et non. Le marxisme est une religion par analogie. Certes, il porte cette idée d’une nouvelle naissance. Certaines personnes voulaient des certitudes et ne les trouvant plus dans leurs Églises, ils sont allés vers le marxisme. Mais en Amérique, c’est différent, car tout est centré sur le protestantisme. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, avec génie et insolence, prend Marx et le met cul par-dessus tête. Marx avait dit que le protestantisme avait émergé à la faveur de changements économiques. Weber dit l’inverse. Ce n’est pas l’économie qui a transformé la religion, c’est la religion qui a transformé l’économie. Le protestantisme nous a donné le capitalisme, pas l’inverse! Parce que les puritains devaient épargner de l’argent pour assurer leur salut. Le ressort principal n’était pas l’économie mais la faim spirituelle, ce sentiment beaucoup plus profond, selon Weber. Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui.

Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui.

Trump se présente comme le protecteur du projet américain, ses adversaires le diabolisent… Comment jugez-vous la tournure religieuse prise par la campagne?

Je n’ai pas voté pour Trump. Bien que conservateur, je fais partie des «Never Trumpers». Mais je vois potentiellement une guerre civile à feu doux éclater si Trump gagne cette élection! Car les parties sont polarisées sur le plan spirituel. Si Trump gagne, pour les gens qui sont dans la rue, ce ne sera pas le triomphe des républicains, mais celui du mal. Rauschenbusch, dans son Évangile, dit que nous devons accomplir la rédemption de notre personnalité. Ces gens-là veulent être sûrs d’être de «bonnes personnes». Ils savent qu’ils sont de bonnes personnes s’ils sont opposés au racisme. Ils pensent être de bonnes personnes parce qu’ils sont opposés à la destruction de l’environnement. Ils veulent avoir la bonne «attitude», c’est la raison pour laquelle ceux qui n’ont pas la bonne attitude sont expulsés de leurs universités ou de leur travail pour des raisons dérisoires. Avant, on était exclu de l’Église, aujourd’hui, on est exclu de la vie publique… C’est pour cela que les gens qui soutiennent Trump, sont vus comme des «déplorables», comme disait Hillary Clinton, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent être rachetés. Ils ont leur bible et leur fusil et ne suivent pas les commandements de la justice sociale.

Trump a-t-il gagné en 2016 parce qu’il s’est dressé contre ce nouveau catéchisme?

Avant même que Trump ne surgisse, avec Sarah Palin, et même sous Reagan, on a vu émerger à droite le sentiment que tout ce que faisaient les républicains pour l’Amérique traditionnelle, c’était ralentir sa disparition. Il y avait une immense exaspération car toute cette Amérique avait le sentiment que son mode de vie était fondamentalement menacé par les démocrates. Reagan est arrivé et a dit: «Je vais m’y opposer». Et voilà que Trump arrive et dit à son tour qu’il va dire non à tout ça. Je déteste le fait que Trump occupe cet espace, parce qu’il est vulgaire et insupportable. Mais il est vrai que tous ceux qui s’étaient sentis marginalisés ont voté pour Trump parce qu’il s’est mis en travers de la route. C’est d’ailleurs ce que leur dit Trump: «Ils n’en ont pas après moi, mais après vous.» Il faut comprendre que l’idéologie «woke» de la justice sociale a pénétré les institutions américaines à un point incroyable. Je n’imagine pas qu’un professeur ayant une chaire à la Sorbonne soit forcé d’assister à des classes obligatoires organisées pour le corps professoral sur leur «culpabilité blanche», et enseignées par des gens qui viennent à peine de finir le collège. Mais c’est la réalité des universités américaines.

Un sondage récent a montré que la majorité des professeurs d’université ne disent rien. Ils abandonnent plutôt toute mention de tout sujet controversé. Pourtant, des études ont montré que la foule des vigies de Twitter qui obtient la tête des professeurs excommuniés, remplirait à peine la moitié d’un terrain de football universitaire! Il y a un manque de courage.

Vous dites qu’à cause de la disparition des Églises, il n’y a plus de valeurs partagées et donc plus de but commun. Cela explique-t-il la remise en cause du projet américain lui-même?

La France a fait beaucoup de choses bonnes et glorieuses pour faire avancer la civilisation, mais elle a fait du mal. Si on croit au projet historique français, on peut démêler le bien du mal. Mais mes étudiants, et tous ces post-protestants dont je vous parle, sont absolument convaincus que tous les gens qui ont précédé, étaient stupides et sans doute maléfiques. Ils ne croient plus au projet historique américain. Ils sont contre les «affinités électives» qui, selon Weber, nous ont donné la modernité: la science, le capitalisme, l’État-nation. Si la théorie de la physique de Newton, Principia, est un manuel de viol, comme l’a dit une universitaire féministe, si sa physique est l’invention d’un moyen de violer le monde, cela veut dire que la science est mauvaise. Si vous êtes soupçonneux de la science, du capitalisme, du protestantisme, si vous rejetez tous les moteurs de la modernité la seule chose qui reste, ce sont les péchés qui nous ont menés là où nous sommes. Pour sûr, nous en avons commis. Mais si on ne voit pas que ça, il n’y a plus d’échappatoire, plus de projet. Ce qui passe aujourd’hui est différent de 1968 en France, quand la remise en cause a finalement été absorbée dans quelque chose de plus large. Le mouvement actuel ne peut être absorbé car il vise à défaire les États-Unis dans ses fondements: l’État-nation, le capitalisme et la religion protestante. Mais comme les États-Unis n’ont pas d’histoire prémoderne, nous ne pouvons absorber un mouvement vraiment antimoderne.

Comment sort-on de cette impasse?

Je n’en sais rien. Il y a une phrase de Heidegger qui dit que «seulement un Dieu pourrait nous sauver»! On a le sentiment qu’on est aux prémices d’une apocalypse, d’une guerre civile, d’une grande destruction de la modernité. Est-ce à cause de la trahison des clercs? Pour moi, l’incapacité des vieux libéraux à faire rempart contre les jeunes radicaux, est aujourd’hui le grand danger. Quand j’ai vu que de jeunes journalistes du New York Times avaient menacé de partir, parce qu’un responsable éditorial avait publié une tribune d’un sénateur américain qui leur déplaisait, j’ai été stupéfait. Je suis assez vieux pour savoir que dans le passé, la direction aurait immédiatement dit à ces jeunes journalistes de prendre la porte s’ils n’étaient pas contents. Mais ce qui s’est passé, c’est que le rédacteur en chef a été limogé.

Voir aussi:

America amid Spiritual Anxiety: A Conversation with Joseph Bottum
Mark Tooley & Joseph Bottum
Providence
June 19, 2020

Here’s my interview with Jody Bottum, author of An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, who applies his insights about post-Protestant America to contemporary protests.

Bottum theorizes that Mainline Protestantism’s collapse left a spiritual vacuum in American culture that loosed myriad social demons. Post-Protestantism wants to wage war on social sins, but not personal sins. It identifies redemption with having politically correct opinions. And it finds sanctification in denouncing others who lack its spiritual and political insights.

Of course, the post-Protestant theory of salvation is not satisfying, which leads to despair and deconstruction. From its perspective, absent Providence and eschatology, there is no destination, which potentially leads to destruction and nihilism. Bottum warns that a society without a shared culture cannot measure progress or purpose and no longer believes in itself, causing it to see its history as a long list of crimes.

Bottum published his book six years ago, yet its message is so timely today.


Rough Transcript of the Conversation:

TOOLEY: Hello, this is Mark Tooley, president of the Institute on Religion and Democracy here in Washington, DC, and also editor of Providence, a journal of Christianity and American foreign policy. Today I have the great pleasure of conversing with Jody Bottum, whose important book, of, I believe six years ago, called An Anxious Age, has a great application to contemporary events in terms of where America is spiritually and how we’re responding to today’s protests. So, I’m going to ask Jody to expound on that topic. But it’s a great pleasure to talk with you again, Jody.

BOTTUM: Thanks for having me, Mark.

TOOLEY: Well as I mentioned, your book An Anxious Age—and I need to recall the full title of it, it was An Anxious Age: The Post Protestant Ethic and The Spirit of America, quite a mouthful and a mindful. But you address the post-Protestant culture that has become paramount in American culture which continues the habits of the old wasp elite without the core theology of course. And it seems to pertain to contemporary events, among other reasons, and that these post Protestant elites want to contend against sinful forces which in their mind are almost amorphous and impersonal. And certainly, institutional and systemic racism would have ranked among them. They went to atone for this sense of guilt, but they really have no definition of atonement, so they seem to be trapped in a cycle without any conclusion. Do you think I’m understanding your thesis correctly?

BOTTUM: Yeah… now the direction I took that was not theological, but sociological and political. Because it struck me at the time that I wrote the first essay of what would become the book, which was a political theory of the Protestant mainline. And I meant the words political theory quite deliberately—that I wasn’t going to take up the question of a Christian metaphysics and who has a better account of it, whether Protestants or Catholics. I wasn’t going to do that. I was simply going to take up the fact that America was in essence a Protestant nation from its founding, from the arrival of the Puritans—and well, it’s a little more sophisticated than that, really from William and Mary on this was a Protestant country—and that we needed to sort of describe what Tocqueville called the main current of that. Now mainline is a word from much later, from the 1930s, but there always was a kind of main current of a general Protestantism. And I wanted to look at its political consequences and cultural consequences.

However much the rival Protestant denominations feuded with one another, disagreed with one another, I thought they gave a tone to the nation. And one of the things that they did particularly from the Civil War on was constrain social and political demons. They corralled them. They gave a shape to America, which was the marriage culture, the shape of funerals, life and death, birth, the family. They gave a shape to the cultural and sociological condition of America. And it struck me at the time, so I followed up that essay on the death of Protestant America with a whole book. And then subsequently applying it to the political situation that I saw emerging then in a big cover story for The Weekly Standard, called “The Spiritual Shape of Political Ideas.”

And in that kind of threefold push, I thought, “No one that I know is taking seriously the massive sociological change, perhaps the biggest in American history.” From 1965 when the Protestant churches, the mainline churches, by which I mean the founding churches in the National Council of Churches and the God box up on Riverside Drive—those churches, and their affiliated black churches, constituted or had membership that was just over fifty percent of America, as late as 1965. Today that number is well under 10 percent and that’s a huge sociological change that nobody to me seems to be paying sufficient attention to.

Now of course for someone like you, Mark, this is old news. You’ve been following this story for decades. But in kind of mainstream sociological discussions of America that just was not appearing as anything significant, and I thought it was profoundly significant and that the attempt of some of our neoconservative Catholic friends—and I was in the belly of that beast in those days—to substitute Catholicism for the failed American cultural pillar of the mainline Protestant churches—that that project, interesting as it was, failed, and that consequently, I predicted, we were going to see ever-larger sociological and cultural and political upset. Because there was no turning these demons of the human condition into an understanding of their personal application. Instead they just became cultural.

And I trace this move, perhaps unfairly, but I traced it to Rauschenbusch. And said when you say that it’s not individual sin, it’s social sin. And he lists six of them and they are exactly what the protestors are out in the street against right now. It’s what he called bigotry, which we used the word racism for, its militarism, its authoritarianism, and he names these six social sins and they are exactly the ones that the protesters are out against.

But I said the trouble with Rauschenbusch, who was a believer—I think he was a serious Christian and profoundly biblically educated so that his speech was just ripe with biblical quotations—the problem with him is the subsequent generations don’t need the church anymore. They don’t need Jesus anymore. He thinks of Jesus—in the metaphor I use—for the social gospel movement as it developed into just the social movement. Christ is the ladder by which we climb to the new ledge of understanding, but once we’re on that ledge, we don’t need the ladder anymore.

The logic of it is quite clear. We’ve reached this new height of moral and ethical understanding. Yes, thank you, Jesus Christ and the revelations taught it to us, but we’re there now. What need have we for a personal relationship with Jesus, what we need have we for a church? Having achieved this sentiment that knows that sin is these social constructs of destructiveness and our anxiety, the spiritual anxiety that human beings always feel, just by being human, is here answered. How do you know that you are saved today? You know that you are saved because you have the right attitude toward social sins. That’s how you know. Now they wouldn’t say saved; they would say, “How do you know you’re a good person?” But that’s just the logic. The logical pattern is the same.

And I develop that in the essay, “The Spiritual Shape of Political Ideas” by analyzing as tightly as I could the way in which white guilt is original sin. It’s original sin divorced from the theology that let it make sense. But the pattern of internal logic is exactly the same. It produces the same need to find salvation. It produces the same need to know that you are good by knowing that you are bad. It produces the same logic by which Paul would say, “Before the law there was no sin.” It has all of the same patterns of reason, except as you pointed out in your introduction, there’s no atonement. It’s as though, Mark, we’re living in St. Augustine’s metaphysics, but with all the Christ stuff stripped out. It’s a dark world; it’s a grim world. We’re inherently guilty and there’s no salvation. There’s no escape from it.

Except for the destruction of all. Which is why I then moved in that essay to talk about shunning in its modern forms, again divorced from the structures that once made it make sense, and apocalypse. The sense that we’re living at the end of the world and things are so terrible and so destructive that all the ordinary niceties of manners, of balancing judgment and so on, those are—if someone says, “We are destroying the planet and we’re all going to die unless you do what I want,” if I say, “Well we need to hear other voices,” they say, “That’s complicity with evil.” Right? The end of the world is coming; this is this apocalyptic imagination.

Now all of that I think was once upon a time in America—and I’m speaking only politically and sociologically—all of that was corralled, or much of it was corralled in the churches. You were taught a frame to understand your dissatisfactions with the world. You were taught a frame to understand the horror, the metaphysical horror that is the fact, Mark, that you and I are going to die. You were taught this frame that made it bearable and made it possible to move somewhere with it. With the breaking of that, these demons are let loose and now they’re out there.

I’ve often said, Mark, that the history of America since World War II is a history of a fourth Great Awakening that never quite happened. In a sense what I’ve seen for some years building and is now taking to the streets once again is the fourth Great Awakening except without the Christianity. I see in other words what’s happening out there as spiritual anxiety. But spiritual anxiety occurring in a world in which these people have no answer. They just have outrage. And it’s an escalating outrage.

This is where the single most influential thinker in my thought—a modern thinker—is Rene Girard, and Rene Girard’s idea of the escalation of memetic rivalry. The ways in which we get ever purer and we seek ever more tiny examples of evil that we can scapegoat and we enter into competition, this rivalry, to see who is more pure. This is exactly the motor, the Girardian motor, on which my idea of the spiritual anxiety runs.

And so, statues of George Washington are coming down now. And once upon a time, in the generation that I grew up in, and the generation that you grew up in, George Washington was—there were things bad things to say about him—but this was tantamount to saying America was a mistake. And of course these people think America was a mistake, because they think the whole history of the world is a mistake. There’s this outrage. And the outrage I think is spiritual. And that’s why it doesn’t get answered when voices of calm reason say, “Well let’s consider all sides. Yes, there were mistakes that were made and evils that were done, but let’s try to fix them.” Spiritual anxiety doesn’t get answered by, “Oh well let’s fix something.” It gets answered by the flame. It gets answered by the looting. It gets answered by the tearing down.

TOOLEY: So, it’s not just America that’s the mistake or Western civilization, its creation itself that’s the mistake.

BOTTUM: I think so. But creation appears to us in concrete guises, and the concrete guise right now is America. So, this is why you’ll get praise of ancient civilizations. Or you get the historical insanity of a US senator standing up on the well of the Senate and saying America invented slavery, that there was no slavery before the United States. That’s historically insane, but it’s not unlearned because we’ve passed beyond ignorance here. There’s something willful about it. And that’s what’s extraordinary, I think.

And yeah, I’m glad you look back to my 10-year-old book now because I think I did predict some of this, although obviously not in its particulars. But there was a warning there that the collapse of the mainline Protestant churches was going to introduce a demonic element into American life. And lo and behold, it has.

TOOLEY: Now it’s interesting what you described—the collapse in the mainline churches and the social consequences—the inability of Catholicism or evangelicals to fill that social and cultural vacuum and the inability of evangelicals and Catholics, seemingly, to diagnose our current crisis in the way that you just described. Why is that do you think?

BOTTUM: Well there are multiple questions there, Mark. Why Catholicism failed, why the evangelicals and Catholics together failed. So Catholicism by itself failed. The evangelicals and Catholics together project failed to provide this moral pillar to American discourse. And then there are a variety of reasons for that, beginning with the fact that Catholicism is an alien religion, alien to America. Jews and Catholics were more or less welcome to live here, but we understood that we lived on the banks of a great Mississippi of Protestantism that poured down the center of this country.

But the question of why it failed is one thing. The question of why the mainline Protestant churches failed is yet another part of your question. And although I list several examples that people have offered, I don’t make a decision about that in part because I am a Catholic. I have a suspicion that Protestantism with a higher sense of personal salvation, but a less thick metaphysics, was more susceptible to the line of the social gospel movement. But I don’t know that for certain so in the book I’m merely presenting these possibilities.

And then evangelicalism, Catholicism, was under attack for wounds, some of which it committed itself. Evangelicalism is in decline in America. The statistics show that this period when it seemed to be going from strength to strength may have been fueled most of all by the death of the mainline churches. They were just picking up those members. Instead of going to the Methodist Church, they were going to the Bible church out on the prairie.

But regardless, that Christian discourse, that slightly secularized Christian discourse, that would allow Abraham Lincoln to make his speeches, that would provide the background to political rhetoric and so on, that’s all gone. And as a consequence, it seems to me we don’t have a shared culture and that’s part of what allows these protests. But also I think, if there’s a way to put this, a culture that no longer believes in itself, that no longer has horizons, and targets, and goals, that no longer has even the vaguest sense of a telos towards which we ought to move, a culture like that, if we look at it, we no longer have a measure of progress. We can’t say what an advance is along the way. All we can do is look at our history and see it as a catalog of crimes that we perpetrated in order to reach this point that we’re at. And we can’t see the good that came out of it. Because we don’t know what the good is, we don’t know what the telos is, the target, so we have no measure for that.

So, we can’t celebrate the Civil War victory that ended slavery. All we can do is condemn slavery. We can’t celebrate the victory over the Nazis. We have to end World War II; all we can do is decry militarism and the crimes we committed to win that war, like the firebombing of Dresden, or the Hiroshima.

And I think that that reasoning is quite exact because the young people that I hear speak—now I haven’t spent as much time on this as I perhaps should have, following the ins and outs of every protestor alive today—but what I’ve heard suggests that they condemn America to the core—the whole of America, of American history. There is nothing good about this nation. And there it seems to me the reasoning is quite exact. Unable to see a point to America, unable to see a goal. They are quite right that all they can see are the crimes. Whereas you and I are capable of saying, yes slavery was a great sin, and we got over it, and then the post-reconstruction settlement of Jim Crow was a great sin, but we got over it, and we still are committing sins to this day but the optimism of America is that we’ll get over it, we will find solutions to these because we feel that we are a city on a hill. We feel that we are heading somewhere. The telos may be vague, maybe inchoate, but its pull is real for people like you and me, Mark. These young people—who, I think partly because they’ve been systematically miss-educated—don’t have any feeling for that at all. And because they don’t, I think they are actually being quite rational in saying America is just evil, it’s a history of sin.

TOOLEY: So these protests seem to lack any sense of redemption, personal or social, and no sense of providence, there is no historical destination for them. You and I do believe in redemption and in providence, so in conclusion, what words of hope would you have in terms of surviving and coming out of the present moment?

BOTTUM: I think it’ll pass. These things pass. There are various rages that take to the streets, but they are to some degree victims of their own energy. They burn out, and I think this one will burn out. The thing that we are not seeing now—in fact we’re seeing the opposite—is someone standing up to them. The New York Times firing of its op-ed page editor over publication of an op-ed from a sitting US senator is really quite extraordinary if we think about it. But I don’t believe institutions can survive if they pander in this way. And I think eventually we’ll get one standing up. I haven’t heard yet from the publisher of J.K. Rowling, the Harry Potter author, who the staff of her publishing house has declared themselves unwilling to work at a publisher that would publish a woman with such reprobate views of transgenderism. If the publisher doesn’t stand up to her, I think we may be in for another year of this. But I have a feeling she sells so well, that I don’t believe the publisher is going to give in. And if we have one person saying “That’s interesting, but if you can’t work here, you can’t work here, goodbye.” The first time we see that and they survived the subsequent Twitter outrage, I think we’ll see an end to the current cancel culture, which is of course the most insidious of the general social—the burning and the breaking of statues is physical, but the most destructive cultural thing right now is the cancel culture that gets people fired and their relatives fired and the rest of it. I think that has to end and I imagine it will, the first time somebody stands up to them and survives.

TOOLEY: Jody Bottum, author and commentator, thank you for a fascinating conversation about our current anxious age.

BOTTUM: Thanks Mark.

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Dec. 2, 2014

I recently read Joseph Bottum’s marvelous book, “An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America.” This is one of the most fascinating books I’ve read in some time.

Bottum will be familiar to many readers through his many essays in the Weekly Standard and elsewhere (this one is one of my favorites, which anticipates some of the ideas in this book) and his term at the helm of First Things. In fact, the prototype for “An Anxious Age” was a First Things cover story that Bottum wrote in 2008, “The Death of Protestant America: A Political Theory of the Protestant Mainline.” That article made a large impression on me when it first came out, and I was happy to learn that Bottum was planning to develop those ideas into a book.

“An Anxious Age” is probably best described as a work of religious sociology — both how society impacts religious practice (and how religious views evolve over time) as well as how religious views impact society. But it is written as an extended essay, not a data-focused academic tome, as is, for example, Charles Murray’s “Coming Apart,” to which the themes of “An Anxious Age” bear a good deal of resemblance.

The book is actually two relatively distinct essays, which bear a somewhat loose but useful connection. Part I of the book deals with the formal decline of the Protestant mainline churches as the moral center of American society, but also the continued rump effect those churches have on American society’s subconscious (if society can have a subconscious). Part II of the book addresses what Bottum characterizes as an effort — ultimately unsuccessful — by Catholics and evangelicals beginning in the mid-2000s to form a sort of alliance to try to create a new moral code and religious institutional ballast to fill the void left in American society by the decline of the Protestant mainline churches that he describes in the first part of the book. What I found most interesting and provocative is Bottum’s thesis that although it seems that the moral core of modern American society has been entirely secularized, and religion and religious institutions play little role in shaping those views, in fact the watered-down gruel of moral views served up by elite establishment opinion (recycling, multiculturalism, and the like) is a remnant of the old collection of Protestant mainline views that dominated American society for decades or even centuries.

To highlight the important sociological importance of religion in American society, Bottum uses the now-familiar metaphor of a three-legged stool in describing American society (one that I and others have used as well): a balance between constitutional democracy, free market capitalism, and a strong and vibrant web of civil society institutions where moral lessons are taught and social capital is built. In the United States, the most important civil society organizations traditionally have been family and churches. And, among the churches, by far the most important were those that Bottum deems as the “Protestant Mainline” — Episcopalian, Lutheran, Baptist (Northern), Methodist, Presbyterian, Congregationalist/United Church of Christ, etc.

The data on changing membership in these churches is jaw-dropping. In 1965, for example, over half of the United States population claimed membership in one of the Protestant mainline churches. Today, by contrast, less than 10 percent of the population belongs to one of these churches. Moreover, those numbers are likely to continue to decline — the Protestant Mainline (“PM”) churches also sport the highest average age of any church group.

Why does the suicide of the Protestant Mainline matter? Because for Bottum, these churches are what provided the sturdy third leg to balance politics and markets in making a good society. Indeed, Bottum sees the PM churches as the heart of American Exceptionalism — they provided the moral code of Americanism. Probity, responsibility, honesty, integrity — all the moral virtues that provided the bedrock of American society and also constrained the hydraulic and leveling tendencies of the state and market to devour spheres of private life.

The collapse of this religious-moral consensus has been most pronounced among American elites, who have turned largely indifferent to formal religious belief. And in some leftist elite circles it has turned to outright hostility toward religion — Bottum reminds us of Barack Obama’s observation that rural Americans today cling to their “guns and Bibles” out of bitterness about changes in the world. Perhaps most striking is that anti-Catholic bigotry today is almost exclusively found on “the political Left, as it members rage about insidious Roman influence on the nation: the Catholic justices on the Supreme Court plotting to undo the abortion license, and the Catholic racists of the old rust belt states turning their backs on Obama to vote for Hillary Clinton in the 2008 Democratic primaries. Why is it no surprise that one of the last places in American Christianity to find good, old-fashioned anti-Catholicism is among the administrators of the dying Mainline…. They must be anti-Catholics precisely to the extent that they are also political leftists.” As the recent squabbles over compelling practicing Catholics to toe the new cultural line on same-sex marriage at the risk of losing their jobs or businesses, the political Left today is increasingly intolerant of recognizing a private sphere of belief outside of the crushing hand of political orthodoxy.

Yet as Bottum notes, the traditional elite consensus has been replaced by a new spiritual orthodoxy of “morality.” The American elite (however defined) today does subscribe to a set of orthodoxies of what constitutes “proper” behavior: proper views on the environment, feminism, gay rights, etc. Thus, Bottum provocatively argues, the PM hasn’t gone away, it has simply evolved into a new form, a religion without God as it were, in which the Sierra club, universities, and Democratic Party have supplanted the Methodists and Presbyterians as the teachers of proper values.

How did this occur? I am Catholic, so this part of the story was one of the elements of the book that struck me as particularly interesting, as much of the history was new to me. Bottum points to the key moment as the emergence of the Social Gospel movement in the early 20th Century. Led by Walter Rauschenbusch, the Social Gospel movement reached beyond the traditional view that Christianity spoke to personal failings such as sin, but instead reached “the social sin of all mankind, to which all who ever lived have contributed, and under which all who ever lived have suffered.” As Bottum summarizes it, Rauschenbusch identified six social sins: “bigotry, the arrogance of power, the corruption of justice for personal ends, the madness [and groupthink] of the mob, militarism, and class contempt.” As religious belief moved from the pulpit and pew to the voting booth and activism, the role of Jesus and any religious belief became increasingly attenuated. And eventually, Bottum suggests, the political agenda itself came to overwhelm the increasingly irrelevant religious beliefs that initially supported it. Indeed, to again consider contemporary debates, what matters most is outward conformity to orthodox opinion, not persuasion and inward acceptance of a set of particular views–as best illustrated by the lynch mobs that attacked Brendan Eich for his political donations (his outward behavior) and to compel conformity of behavior among wedding cake bakers and the like, all of which bears little relation to (and in fact is likely counterproductive) to changing personal belief. (Of course, that too is an unstable equilibrium–in the future it won’t be sufficient to not merely not be politically opposed to same-sex marriage, it will be a litmus test to be affirmatively in favor of it.).

Thus, while the modern elite appears to be largely non-religious, Bottum argues that they are the subconscious heirs to the old Protestant Mainline, but are merely Post-Protestant — the same demographic group of people holding more or less the same views and fighting the same battles as the advocates of the social gospel.

In the second part of the book, Bottum turns to his second theme — the effort beginning around 2000 of Catholics and Evangelical Christians to form an alliance to create a new moral consensus to replace the void left by the collapse Protestant Mainline churches. Oversimplified, Bottum’s basic point is that this was an effort to marry the zeal and energy of Evangelical churches to the long, well-developed natural law theory of Catholicism, including Catholic social teaching. Again oversimplified, Bottum’s argument is that this effort was doomed on both sides of the equation–first, Catholicism is simply too dense and “foreign” to ever be a majoritarian church in the United States; and second, because evangelical Christianity itself has lost much of its vibrant nature. Bottum notes, which I hadn’t realized, that after years of rapid growth, evangelical Christianity appears to be in some decline in membership. Thus, the religious void remains. The obvious question with which one is left is if Bottum is correct that religious institutions uphold the third leg of the American stool, and if (as he claims) religion is the key to American exceptionalism, can America survive without a continued vibrant religious tradition?

Herewith a few of my own thoughts after reading the book:

The first is simply that this is an immensely interesting and readable book. I read almost the whole thing on a plane trip from California and Jody’s writing style just carries you along effortlessly. His writing is high stylistic without be overstylized and is just an absolute joy to read. He has a gift for weaving together larger ideas with anecdotes and exemplars of his point. He has a light touch in making his point that rarely offends (even on controversial issues) and always illuminates.

Second, is that I largely find Bottum’s argument persuasive. The absence of the Protestant Mainline as a central moral force in American society today is largely taken for granted, such that the implications are largely ignored–as if it has always been this way. To the extent that leaders of Mainline Protestant churches are ever noticed in public, my impression is they are viewed as somewhat buffoonish figures trotted out occasionally to add a veneer of religious window-dressing to the elite’s preexisting views on various political issues such as same-sex marriage and the size of the welfare state. I say “buffoonish” because they often seem to come across as intellectual lightweights, to shallow intellectually to be taken seriously by secular analysts and too shallow theologically to be taken seriously by religious analysts. As a result, they seem to have little influence over public life today. They’ve essentially made themselves irrelevant. (My apologies for painting with an overly-broad brush, and I realize that this is a contestable assertion. It just reflects my impression of how leaders of the Mainline Protestant churches are often treated in news coverage and the like).

Third, one  aspect of the modern post-Protestant morality that struck me after reading the book is its ostentatious and somewhat self-congratulatory nature. In the Preface to the book, Bottum explains that the proximate genesis of the book was an experience he had in 2011 when he was commissioned to write an article about the Occupy Wall Street protest movement. Bottum sensed in these young and clueless youth a deep spiritual anxiety. But it was not linked to any coherent political platform or reform agenda–instead, the goal was “change” of some sort and an assertion of the protesters moral rectitude; and, perhaps equally important (as Bottum describes it), an anxiety to be publicly congratulated for their moral rectitude. Campus protests today, for example, often seem to be sort of a form of performance art, where the gestures of protest and being seen to “care” are ends in themselves, as often the protests themselves have goals that are somewhat incoherent (compared to, say, protests against the Vietnam War). Bottum describes this as a sort of spirtual angst, a vague discomfort with the way things are and an even vaguer desire for change. On this point I wonder whether he is being too generous to their motives.

Fourth, and to my mind the most important thought I had while reading it, was that I found Bottum’s description of the causal decline of the Protestant Mainline incomplete. He briefly pauses to address the question: “The question, of course, is why it happened–this sudden decline of the Mainline, this collapse of the Great Church of America, this dwindling of American Protestantism even as it has now found the unity that it always lacked before.” He discusses a few of the hypotheses (at pages 104-107) but simply defers to the work of others.

But there is one thesis that he doesn’t consider that I think contributes much of the explanation of the decline of the importance of the Protestant Mainline, which is the thesis developed by Shelby Steele is his great book “White Guilt.” I think Steele’s argument provides the key to unlocking not only the decline of the Protestant Mainline but also the timing, and why the decline of the Protestant Mainline has been so much more precipitous than Evangelicals and Catholics, as well as why anti-Evangelical and anti-Catholic bigotry is so socially acceptable among liberal elites.

Steele’s thesis, oversimplified, is that the elite institutions of American society for many years were complicit in a system that perpetrated injustices on many Americans. The government, large corporations, major universities, white-show law firms, fraternal organizations, etc.–the military being somewhat of an exception to this–all conspired explicitly or tacitly in a social system that supported first slavery then racial discrimination, inequality toward women, anti-Semitism, and other real injustices. Moreover, all of this came to a head in the 1960s, when these long-held and legitimate grievances bubbled to the surface and were finally recognized and acknowledged by those who ran these elite institutions and efforts were taken to remediate their harms. This complicity in America’s evils, Steele argues, discredited the moral authority of these institutions, leaving not only a vacuum at the heart of American society but an ongoing effort at their redemption.

But, Steele argues, this is where things have become somewhat perverse. It wasn’t enough for, say, Coca-Cola to actually take steps to remediate its past sins, it was crucial for Coca-Cola to show that it was acknowledging its guilty legacy and, in particular, to demonstrate that it was now truly enlightened. But how to do that? Steele argues that this is the pivotal role played by hustlers like Jesse Jackson and Al Sharpton — they can sell the indulgences to corporations, universities, and the other guilty institutions to allow them to demonstrate that they “understand” and accept their guilt and through bowing to Jackson’s demands, Jackson can give them a clean bill of moral health.

Thus, Steele says that what is really going on is an effort by the leaders of these institutions to “dissociate” themselves from their troubled past and peer institutions today that lack the same degree of enlightenment. Moreover, it is crucially important that the Jackson’s of the world set the terms–indeed, the more absurd and ridiculous the penance the better from this perspective, because more ridiculous penances make it easier to demonstrate your acceptance of your guilt.

One set of institutions that Steele does not address, but which fits perfectly into his thesis, is the Protestant Mainline churches that Bottum is describing. It is precisely because the Protestant Mainline churches were the moral backbone of American society that they were in need of the same sort of moral redemption that universities, corporations, and the government. Indeed, because of their claim to be the moral exemplar, their complicity in real injustice was especially bad. Much of the goofiness of the Mainline Protestant churches over the past couple of decades can be well-understood, I think, through this lens of efforts to dissociate themselves from their legacy and other less-enlightened churches. In short, it seems that often their religious dogma is reverse-engineered–they start from wanting to make sure that they hold the correct cutting-edge political and social views, then they retrofit a thin veil of religious belief over those social and political opinions. Such that their religious beliefs today, as far as one ever hears about them at all, differ little from the views of The New York Times editorial page.

This also explains why Catholics and Evangelicals are so maddening, and threatening, to the modern elites. Unlike the Protestant Mainline churches that were the moral voice of the American establishment, Catholicism and Evangelicals have always been outsiders to the American establishment. Thus they bear none of the guilt of having supported unjust political and social systems and refuse to act like they do. They have no reason to kowtow to elite opinion and, indeed, are often quite populist in their worldview (consider the respect that Justices Scalia or Thomas have for the moral judgments of ordinary Americans on issues like abortion or same-sex marriage vs. the views of elites). Given the sorry record of American elites for decades, there is actually a dividing line between two world views. Modern elites believe that the entire American society was to blame, thus we all share guilt and must all seek forgiveness through affirmative action, compulsory sensitivity training, and recycling mandates. Others, notably Catholics and Evangelicals, refuse to accept blame for a social system that they played no role in creating or maintaining and which, in fact, they were excluded themselves. To some extent, therefore, I think that the often-remarked political fault line in American society along religious lines (which Bottum discusses extensively), is as much cultural and historical (in Steele’s sense) as disagreements over religion per se. At the same time, the decline of its moral authority hit the Protestant Mainline churches harder than well-entrenched universities, corporations, or the government, in part because the embrace of the Social Gospel had laid the foundations for their own obsolescence years before.

This also explains why if a religious revival is to occur, it would come from the alliance of Catholics and Evangelicals that he describes in the second half of the book. Mainline Protestantism seems to simply lack the moral authority to revive itself and has essentially made itself obsolete. There appears to be little market for religions without God.

In the end, Bottum leaves us with no answer to his central question–can America, which for so long relied on the Protestant Mainline churches to provide a moral and institutional third leg to the country, survive without it. Can the thin gruel of the post-Protestant New York Times elite consensus provide the moral glue that used to hold the country together? Perhaps, or perhaps not — that is the question we are left with after reading Bottum’s fascinating book.

Finally, I drafted this over the weekend, but I wanted to call attention to Jody’s new essay at the Weekly Standard “The Spiritual Shape of Political Ideas” that touches on many of the themes of the book and develops them in light of ongoing controversies, especially on the parallels between the new moral consensus and traditional religious thinking (and, in fact, his comments on “original sin” strike me as similar to the points about Shelby Steele that I raised above).

He traces this to the early 20th-century Social Gospel movement and the Protestant writer Walter Rauschenbusch. This movement has created a post-Protestant class: “Christian in the righteous timbre of its moral judgments, without any actual Christianity; middle class in social flavor, while ostensibly despising middle-class norms; American in cultural setting, even as [they believe] American history is a tale of tyranny.”

Voir de plus:

« An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America »


An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, by Joseph Bottum. Image Books (February 11, 2014)

We live in a profoundly spiritual age–but in a very strange way, different from every other moment of our history. Huge swaths of American culture are driven by manic spiritual anxiety and relentless supernatural worry. Radicals and traditionalists, liberals and conservatives, together with politicians, artists, environmentalists, followers of food fads, and the chattering classes of television commentators: America is filled with people frantically seeking confirmation of their own essential goodness. We are a nation desperate to stand on the side of morality–to know that we are righteous and dwell in the light.

Or so Joseph Bottum argues in An Anxious Age, an account of modern America as a morality tale, formed by its spiritual disturbances. And the cause, he claims, is the most significant and least noticed historical fact of the last fifty years: the collapse of the Mainline Protestant churches that were the source of social consensus and cultural unity. Our dangerous spiritual anxieties, broken loose from the churches that once contained them, now madden everything in American life.

Updating The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, Max Weber’s sociological classic, An Anxious Age undertakes two case studies in contemporary social class, adrift in a nation without the religious understandings that gave it meaning. Looking at the college-educated elite he calls “The Poster Children,” Bottum sees the post-Protestant heirs of the old Mainline Protestant domination of culture: dutiful descendants who claim the high social position of their Christian ancestors even while they reject their ancestors’ Christianity. Turning to “The Swallows of Capistrano,” the Catholics formed by the pontificate of John Paul II, Bottum evaluates the early victories–and later defeats–of the attempt to substitute Catholicism for the dying Mainline voice in public life.

Sweeping across American intellectual and cultural history, An Anxious Age traces the course of national religion and warns about the strange angels and even stranger demons with which we now wrestle. Insightful and contrarian, wise and unexpected, An Anxious Age ranks among the great modern accounts of American culture.

Voir encore:

The New York Times magazine

There is a strange little cultural feedback loop that’s playing out again and again on social media. It begins with, say, a white American man who becomes interested in taking an outspoken stand against racism or misogyny. Maybe he starts by attending a Black Lives Matter demonstration. Or by reading the novels of Elena Ferrante. At some point, he might be asked to “check his privilege,” to acknowledge the benefits that accrue to him as a white man. At first, it’s humiliating — there’s no script for taking responsibility for advantages that he never asked for and that he can’t actually revoke. But soon, his discomfort is followed by an urge to announce his newfound self-­awareness to the world. He might even want some public recognition, a social affirmation of the work he has done on himself.

These days, it has become almost fashionable for people to telegraph just how aware they have become. And this uneasy performance has increasingly been advertised with one word: “woke.” Think of “woke” as the inverse of “politically correct.” If “P.C.” is a taunt from the right, a way of calling out hypersensitivity in political discourse, then “woke” is a back-pat from the left, a way of affirming the sensitive. It means wanting to be considered correct, and wanting everyone to know just how correct you are.

In the ’70s, Americans who styled themselves as “radical chic” communicated their social commitments by going to cocktail parties with Black Panthers. Now they photograph themselves reading the right books and tweet well-­tuned platitudes in an effort to cultivate an image of themselves as politically engaged. Matt McGorry, the actor who plays a sweetly doofy prison guard in “Orange Is the New Black,” is a helpful case study of this phenomenon. McGorry’s Instagram presence was once blithely ­bro-ey — yacht shots, tank tops, a tribute to coconut water. Then he watched the actress Emma Watson brief the United Nations on the importance of men’s involvement in the feminist movement, and he took it to heart. Now he presents his muscular selfies and butt jokes alongside iconography of feminism and anti-­racism. In one snap, he holds a copy of “The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness,” in bed, shirtless. In December, BuzzFeed nodded at McGorry with a listicle titled: “Can We Talk About How Woke Matt McGorry Was in 2015?”

Earning the “woke” badge is a particularly tantalizing prospect because it implies that you’re down with the historical fight against prejudice. It’s a word that arose from a specific context of black struggle and has recently assumed a new sense of urgency among activists fighting against racial injustices in Ferguson, Sanford, Baltimore and Flint. When Black Lives Matter activists started a website to help recruit volunteers to the cause, they called it StayWoke.org. “Woke” denotes awareness, but it also connotes blackness. It suggests to white allies that if they walk the walk, they get to talk the talk.

The most prominent pop touchstone for “stay woke” is Erykah Badu’s 2008 track “Master Teacher,” in which she sings the refrain “I stay woke.” “Erykah brought it alive in popular culture,” says David Stovall, a professor of African-­American studies at the University of Illinois at Chicago. “She means not being placated, not being anesthetized. She brought out what her elders and my elders had been saying for hundreds of years.” In turn, the track has helped shepherd the next generation into its own political consciousness. In an interview with NPR last year, the rapper Earl Sweatshirt described listening to “Master Teacher” in the car with his mother as a teenager. “I was singing the hook, like, ‘I stay woke,’ ” he said. His mother turned down the music, and “she was like, ‘No you’re not.’ ”

Earl Sweatshirt’s mom was cautioning her son against brandishing a word without understanding its history and power. He got the message years later, he said, and called her up and announced: “I’m grown.” Such reflectiveness is often absent from the promiscuous spread of “woke” online. The word has now been recycled by people hoping to add splashes of drama to their own inconsequential obsessions, tweeting “Raptors will win it all #STAYWOKE” or “new bio … #staywoke.” The new iteration of radical chic is the guy on Tinder who calls himself a “feminist artist in Brooklyn” and then says he’s “looking for the you-know-what in the you-know-where” — the performance of “wokeness” is so conspicuous that it breeds distrust.

In a 2012 paper about race relations on Twitter, Dr. André Brock, a University of Michigan communications professor, wrote about how the surfacing of popular hashtags and trending topics “brought the activities of tech-­literate blacks to mainstream attention,” creating a space where the expressions of black identity are subject to “intense monitoring” by white people — a kind of accelerator for cultural appropriation. When black activists used “stay woke” in their Twitter campaigns against police violence, the term appeared alongside a host of trending hashtags — #ICantBreathe, #IfTheyGunnedMeDown — and was thus flagged for white people who have never listened to a Badu album or joined the crowd at a rally.

Defanged of its political connotations, “stay woke” is the new “plugged in.” In January, MTV announced “woke” as a trendy new slice of teen slang. As Brock said, “The original cultural meaning of ‘stay woke’ gets lost in the shuffle.”

And so those who try to signal their wokeness by saying “woke” have revealed themselves to be very unwoke indeed. Now black cultural critics have retooled “woke” yet again, adding a third layer that claps back at the appropriators. “Woke” now works as a dig against those who claim to be culturally aware and yet are, sadly, lacking in self-awareness. In a sharp essay for The Awl, Maya Binyam coined the term “Woke Olympics,” a “kind of contest” in which white players compete to “name racism when it appears” or condemn “fellow white folk who are lagging behind.”

The latest revolution of “woke” doesn’t roll its eyes at white people who care about racial injustice, but it does narrow them at those who seem overeager to identify with the emblems and vernacular of the struggle. For black activists, there is a certain practicality in publicly naming white allies. Being woke, Stovall says, means being “aware of the real issues” and willing to speak of them “in ways that are uncomfortable for other white folks.” But identifying allies poses risks, too. “There are times when people have been given the ‘black pass,’ and it hasn’t worked out so well,” Stovall says. “Like Clinton in the ’90s.” A white person who gains a kind of license to use power on behalf of black people can easily wield that power on behalf of themselves.

“Woke” feels a little bit like Macklemore rapping in one of his latest tracks about how his whiteness makes his rap music more acceptable to other white people. The conundrum is built in. When white people aspire to get points for consciousness, they walk right into the cross hairs between allyship and appropriation. These two concepts seem at odds with each other, but they’re inextricable. Being an ally means speaking up on behalf of others — but it often means amplifying the ally’s own voice, or centering a white person in a movement created by black activists, or celebrating a man who supports women’s rights when feminists themselves are attacked as man-haters. Wokeness has currency, but it’s all too easy to spend it.

The Puritans Among Us

Mary Eberstadt

National Review

April 21, 2014

Review of An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, by Joseph Bottum (Image, 320 pp., $25).

Some writers are “Catholic writers” in the sense that they do their work qua Catholics, and their main subject is the immense intellectual, social, and aesthetic patrimony of the Catholic Church. But there also exists a rarer kind of Catholic writer: the one who is multilingual in secular as well as religious tongues, whose Catholicism nonetheless runs so deep that it cannot help but shape and suffuse his every line.

Joseph Bottum, fortunately for American letters, is an example of the latter sort. In fact, it’s safe to say that if Mr. Bottum were anything but a writer who is also known to be Catholic, his name would be mandatory on any objective short list of public intellectuals, if there were such a thing. He is the author of several books, including a volume of poetry (The Fall & Other Poems), a work of verse set to music (The Second Spring), a bestselling memoir (The Christmas Plains), and now, with An Anxious Age, an immensely ambitious work of sociological criticism. His essays have garnered awards and are included in notable collections. He has also worn the hats of literary critic, columnist, editor, books editor, short-story writer, autobiographer, eulogist, public speaker, television pundit, Amazon author (via the groundbreaking Kindle Singles series), and visiting professor. If there were milliners for intellectuals, his would be the busiest in town.

Yet, as is not widely understood despite this prodigious body of work, Bottum is also, at heart, a storyteller — meaning that he is preoccupied not only with syllogism and validity but also with literary characters and creations. Once in a while, this absorption with dramatis personae ends up confounding readers — as happened just last year, when a long essay of his, published in Commonweal, arguing the futility of continuing Church opposition to same-sex marriage, combusted as instantly and widely as a summer brushfire. That piece, too, as was perhaps insufficiently noted at the time, began with and meandered around a literarycharacter: a former friend and foil with whom the piece amounts to an imaginary conversation.

To observe as much isn’t to say that fiction always trumps. It’s rather to note that with poets and poetry, for better or worse, comes license — including license to chase arguments into places where other people, rightly or wrongly, fear to tread.

That same singular gift is now turned to brilliant advantage in Bottum’s new book. A strikingly original diagnosis of the national moral condition, An Anxious Age bears comparison for significance and scope to only a handful of recent seminal works. Deftly analytical and also beautifully written, it has the head of Christopher Lasch and the heart of Flannery O’Connor. Anyone wishing to chart the deeper intellectual and religious currents of this American time, let alone anyone who purports to navigate them for the rest of the public, must first read and reckon withAn Anxious Age.

The book begins in territory that’s familiar enough: the well-known and ongoing collapse of the Protestant mainline churches, whose floor-by-floor implosion the author traced first in a seminal 2008 essay for First Things on “The Death of Protestant America.” This starting point soon widens dramatically onto a 180-degree view of the national milieu. Contrary to the widely held secularization thesis, according to which the decline of Christianity is inevitable, Bottum argues instead that the Puritans and Protestants of yesteryear still walk the country in new and rarely recognized “secular” guises. Bonnie Paisley of Oregon, Gil Winslow of upstate New York, Ellen Doorn of Texas — these and other characters conjured as the “Poster Children of Post-Protestantism” illustrate via their individual stories the author’s central point: The mainline hasn’t so much vanished as gone underground to become what O’Connor once derisively called “the Church without Christ.”

To be sure, the idea that secularization has not so much killed God as repurposed Him into seemingly secular shapes is not in itself new. It’s the key point in philosopher Charles Taylor’s work, especially in his prodigious book A Secular Age. No author, however, has brought this idea to life as Bottum does in An Anxious Age — whose very title, obviously, suggests the amendment that it is to Taylor’s thesis. Throughout, the Poster Children spring from the pages like so many impish holograms, turning two-dimensional arguments over “believing” and “belonging” into recognizable and ultimately persuasive companions at the reader’s elbow.

These Poster Children, the author argues, are direct descendants of the “social gospel” of Protestant theologian Walter Rauschenbusch: the notion that sin has a social and not merely individual dimension. “Social nature abhors a vacuum,” notes Bottum in a key passage,

and the past thirty years have seen many attempts to fill the space where Protestantism used to stand. Feminism in the 1980s, homosexuality in the 1990s, environmentalism in the 2000s, the quadrennial presidential campaigns that promise to reunify the nation . . . [these] movements have all posed themselves as partial Protestantisms, bastard Christianities, determined not merely to win elections but to be the platform by which all other platforms are judged.

Once again, the millenarian character of contemporary politics — particularly today’s politics of the Left — has been noted before. But once again, Bottum digs deeper here to yield truths not hitherto inspected.Partial Protestantisms, bastard Christianities: It isn’tonly that ostensibly secular leftism is Christianity in some unexpected, other guise. It’s rather that ostensibly secular leftism is a particular kind of truncated Christianity: the theological and sociological equivalent of the fatherless home.

And so, for example, Occupy Wall Street, for all its grubby pretension, is in essence just one more “protest against the continuing reign of Satan and a plea for the coming of the Kingdom of God, with a new heaven and a new earth.” Related yearnings for personal redemption, the author argues, also unite certain ardent young Catholics drawn to “lifeboat theology, escaping the rising sea of evil on small arks of the saved.” These groups are joined, he argues, at the sociological root — proof of what, in a bow to Max Weber, the book calls our “Anxious Age” created by “the catastrophic decline of the mainline Protestant churches that had once been central institutions in public life.”

In a curious way, An Anxious Age also amounts to a limited reenchantment of the intellectual world. When conservatives in particular attack “the elites,” Bottum argues, they “focus entirely on non-spiritual causes.” In this they overlook the essential link between these “elites” and their Puritan forebears, for “the one social ascendency they truly feel, the one deepest in their souls, is the superiority of the spiritually enlightened to those still lost in darkness.” Contrary to what both the Poster Children and their religious critics seem to think, all are leaning toward the same end: a sense of redemption. “Elite or not,” he observes, “they are the elect — people who understand themselves primarily in spiritual terms,” whether they darken the doors of churches or not.

An Anxious Age abounds in logic and clarification (and for that reason among others, it was derelict of the book’s publisher to omit footnotes and an index, both of which would have helped to signal its scholarly nature). Even so, it is the book’s metaphors that will haunt the reader after he puts it down. Who else would describe Protestantism in the United States as “our cultural Mississippi, rolling through the center of the American landscape”? Likely no one — but the image brings to vivid and unexpected life a thousand Pew Research reports on declining attendance and the rise in “nones.” Similarly, the author’s unspooling of the story of the swallows of San Juan Capistrano as a metaphor for explaining what has happened to Catholicism in America is not only arresting but convincing, succeeding both as religious sociology and as literary trope.

None of which is to say that the book’s every fillip and expostulation amounts to the last word. Like any serious work, this one excites demurrals, objections, and second and third thoughts. In particular, one wants to hear more about the other and less cerebral forces that were obviously at work in the implosion of mainline Protestantism and its fallout.

After all, not every religious movement emerging from the “burned-over district” in upstate New York suffered the same communal fate. The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, to take one salient example, went on to become one of the most ascendant faiths of the next century. Why did mainline Presbyterianism, say, fall one way on history’s divide, while Protestant evangelicalism and Mormonism, say, fell another? One likely answer is that the mainline’s doctrinal neglect and practical abandonment of the family led eventually to demographic disaster in the pews. In similar fashion, one can argue, Catholics who have behaved like Catholics have seen their own corners of the religious world prosper — and Catholics who have behaved like mainline Protestants have not.

Other points invite similar friendly debate, including the author’s claim that tomorrow’s Catholicism is necessarily less robust than yesterday’s because it is no longer as “inherited.” And of course one can also question ad infinitum why Bottum chose to discuss some of the thinkers in these pages, and not others. But no shortcomings gainsay the superb achievement here. As his friend and sometime collaborator, the author David P. Goldman, once put it, “One often learns more about the underlying issues from Jody Bottum’s mistakes than from the dutiful plodding of many of his peers.”

Readers who find the Poster Children stalking their imaginations might also hope to see more overt works of fiction from the talented Mr. Bottum down the road. Meanwhile, the daring achievement of the author of An Anxious Age — bringing sociology to unique fictional life — is something that the rest of us will be thinking about for a long time to come.

– Mary Eberstadt is a senior fellow at the Ethics and Public Policy Center and the author of How the West Really Lost God: A New Theory of Secularization.

Voir enfin:
Delphine Le Goff
Stratégies
16/12/2019

C’est le nouveau buzzword, une nouvelle forme de coolitude : être « woke » ou ne pas être. Le terme, dérivé de l’argot afro-américain, désigne l’état d’éveil aux injustices de la société au sens large. Une nouvelle forme de bien-pensance ?

Tenez-vous prêts. Il paraît que dans les mois à venir, on n’aura que ce mot à la bouche. Ringardisée, la bienveillance, mot de l’année 2018 selon Le Robert, utilisée jusqu’à l’écœurement – d’ailleurs bien souvent par des personnes en réalité tout sauf bienveillantes. 2019, paraît-il, sera l’année du « woke ». Même Le Monde, il y a quelques mois, donnait en avant-première ce sage conseil : « Ne soyez plus cool, soyez woke. » Voilà autre chose !
« Woke, c’est le nouveau buzzword, reconnaît Martin Lagache, planneur stratégique chez BETC, qui se lance dans une exégèse du terme, issu de l’argot afro-américain. C’est la chanteuse Erykah Badu qui l’a popularisé il y a une dizaine d’années, avec sa chanson “Master Teacher (I stay woke)”, puis en 2012, en utilisant la phrase “Stay woke” dans un message public de soutien aux Pussy Riot [groupe de rock féministe russe dissident]. » Woke, comme « éveillé », un terme repris à l’envi pendant le mouvement #Blacklivesmatter en 2013. Le terme s’est déployé et désigne aujourd’hui le fait d’être conscient de toutes les formes d’inégalités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales. En somme, résume Martin Lagache, « le “woke” est le terme étendard de la bien-pensance libérale [au sens anglo-saxon] américaine de gauche. Est-ce que les Gilets jaunes sont woke ? Tout le monde peut être woke. »

Atout séduction

Le terme infuse irrésistiblement, y compris dans les replis de la vie privée. À telle enseigne qu’être « woke » peut même faire de vous un prince ou une princesse de l’amour. Il est désormais de bon ton, dans les pays anglo-saxons, de proclamer que l’on est un « woke bae », c’est-à-dire un(e) petit(e) ami(e) progressiste et averti(e) des injustices de notre triste monde. Pour certains, il ne s’agit plus de débusquer Mr Right, mais Mr Woke : une journaliste du Guardian relatait ainsi, en août dernier, sa recherche éperdue de ce nouveau spécimen hautement désirable dans un déchirant article titré « My search for Mr Woke : a dating diary. » La rédactrice confie gentiment aux lecteurs ses trucs et astuces pour draguer « woke ». À faire : prononcer des phrases comme « la pauvreté n’est pas de la faute des pauvres ». À éviter : la complainte du « on ne peut plus rien dire ». C’est noté.

Grande recycleuse devant l’éternel, la publicité ne pouvait rester immune aux charmes du « woke ». Avec la récente campagne Gillette, « We believe : The best men can be », galerie d’hommes qui expriment leur aversion du sexisme ordinaire, des violences faites aux femmes, du mansplaining, du harcèlement scolaire – en bref, de ce que la marque désigne comme « la masculinité toxique » –, n’atteindrait-on pas un sommet de « wokeité » ? Sans l’ombre d’un doute, selon Olivier et Hervé Bienaimé, directeurs de la création de 84.Paris : « Pour ce qui est du combat contre le machisme et le patriarcat, le message est ultra-positif. » Et archi-opportuniste, aussi ? « Gillette change tout à coup de braquet, après nous avoir vendu pendant des années le modèle de l’homme blanc musclé en pleine réussite sociale », soulignent les créatifs.

Plus engagé que le cool

C’est bien d’être éveillé. Mais trop le faire savoir, ne serait-ce pas suspect ? « Le cool était une attitude anti-mainstream, un peu rebelle mais farouchement individualiste, souligne Martin Lagache. Avec le “woke”, on se situe dans une posture plus engagée. Mais bien souvent, c’est plus une posture qu’autre chose. Et dans la plupart des cas, une posture paresseuse de valorisation personnelle… » Dans une tribune pour le New York Times titrée « The Problem With Wokeness », l’éditorialiste David Brooks pointe les dérives du phénomène : « Le plus grand danger de la “wokeness” extrême est qu’elle rend plus difficile de pratiquer la dextérité nécessaire à toute vie en société, c’est-à-dire la faculté à appréhender deux vérités dans le même temps. »
Marie Nossereau, directrice du planning stratégique de Publicis Sapient, affiche carrément de la défiance par rapport à tout ce qui se prétend « woke ». « Les gens qui se disent plus éveillés que les autres, ça a toujours existé. C’est assez méprisant, cela sous-entend que tous les autres dorment, sont aux mains des multinationales… Le terme “woke” m’évoque aussi le discours de l’Église de Scientologie, dont les adeptes se disent “clear” [clairs]. Selon moi, cela fait partie de la même dialectique, je n’aime pas trop ça. In fine, ça ne me paraît pas très clean. »

Un brin hypocrite

Pas clean, peut-être pas, mais hypocrite, sans doute un peu trop souvent. On revient à Gillette : « Dans les faits, la marque continue à vendre des rasoirs pour les femmes plus chers que les rasoirs pour les hommes… », grince Martin Lagache. Gillette, au passage, s’est félicitée publiquement d’avoir vu les ventes de ses rasoirs bondir après sa campagne… Les frères Bienaimé de l’agence 84.Paris rappellent quant à eux « le film “The Talk” de Procter & Gamble qui a raflé des tonnes de prix, pour une marque qui n’a pas vraiment été “woke” pendant des décennies. Une conscience éveillée, OK, si les produits suivent. »
Et si, malgré tout, l’éveil n’en était qu’à ses prémices ? La sociologue Irène Pereira et l’historienne Laurence De Cock ont publié en janvier un ouvrage, Les pédagogies critiques (Éd. Agone contre-feux), qui prône une éducation inspirée des travaux du pédagogue brésilien Paulo Freire et du pédagogue français Célestin Freinet. Il s’agirait non pas de préparer les élèves à devenir des bêtes à concours ou de futurs soldats des entreprises, mais plutôt de leur enseigner les rapports de domination qui régissent le monde pour mieux les réduire à néant. Pour une future génération woke ?

Voir enfin:

Against Moralistic Therapeutic Totalitarianism

 

I have received some of the best comments from readers about retired Catholic theologian Larry Chapp’s short essays, which I’ve published in this space. I was pleased to wake up this morning and find another one from him in my in-box. I count myself fortunate to be in a position of publishing them in this space.

Below is an essay Larry titles “The Collective Of Concupiscence.” In it, he pretty much sums up my take on the current political and social situation, though I have some post-election thoughts to add at the end. First, here’s Larry:

There is talk in some quarters of Oprah Winfrey running for President in 2020. My response to this is, why not? If Donald Trump can be President ­ a man whose only qualification for the job seems to be that he is a rich celebrity, then any rich celebrity can be President I guess.

What all of this probably points to, sadly, is how utterly exhausted and bankrupt our politics has become, with Americans by the millions turning away from the more experienced political insiders in favor of outsiders who promise us that they alone can provide the radical change that is needed. And everyone seems to agree that radical change is indeed needed, so long as “radical change” means ripping the Band-Aids off of everyone else’s scabs but mine. Radical change can also mean, rather simply, that you want the power that the ruling party possesses transferred to your party. Which is to say, no change at all, which is why you have to lie about it.

For example, in our last election, “Drain the swamp!” was the mantra of the Trump supporters. But did anyone really expect that the man we elected, a swamp creature if ever there were one, would be able to do this? And what, exactly, does one do with a drained swamp anyway? Probably sell it to developers who would build overpriced, poorly made, beige and boring condos, nicely accessorized with a strip mall complete with a Dunkin Donuts and a Vape shop. In other words, just a different kind of swamp. The Democrats prefer the fevered swamp of coercive governmental power, whereas the Republicans prefer the fetid swamp of corporate greed. So all we have really done is trade Lenin for Bezos.

Oh, I can hear people now… “Damn it Chapp, you are always so negative about politics and America. You have to live in the real world and the real world is never perfect!” If you are in that cloud of critics, then I can say to you that you are correct about one thing: nothing in this world is wholly perfect. But that does not mean that there aren’t degrees of imperfection. To deny this is to deny that there is such a thing as truth ­ ­– a truth that acts as the barometer for all of our actions, political or otherwise.

Therefore, my claim is this, a claim that you can take or leave as you see fit, but a claim I stand by with full conviction: the contemporary American socio­ economic­-political system is predicated in a foundational way on a profound and tragic falsehood. It is a false first principle shared by every major governmental and economic institution in this country and it stands in total contradiction to the Christian faith.

This false first principle can be stated simply and then its logical conclusions can be teased out as follows: God is irrelevant to the construction of government and our public life together, which is to say, God does not exist, which is to say, nothing spiritual or supernatural exists, which is to say that we are all purely material beings with no purpose or goal or end beyond the satisfaction of our individual desires, which is to say that pleasure (the satisfaction of our base desires) is more rooted in reality than happiness (the joy and peace that comes from pursuing the higher spiritual realities like the moral good). Indeed, according to this false principle, the spiritual dimension of life and the moral good are, at best, “noble lies,” and at worst repressive illusions ­­– repressive, since their pursuit often inhibits the attainment of pleasure.

The late Italian philosopher Augusto del Noce, building on this same insight (that our culture is founded on a false first principle: God does not matter), points out that the ruling philosophy that our culture has adopted as a replacement for God and religion is the philosophy known as “scientism”. In a nutshell, scientism is the belief that only the hard, empirical sciences give us access to truth. Everything else is an illusion. Therefore, when it comes to our common life together as a people ­ — a life that comes to be defined, regulated and controlled by government and corporate elites — there is only one form of reason that is “allowed in” as proper public discourse. And that is the language of science.

Furthermore, given our reduction of life to economics, what the elevation of science really means is the ascendency of “applied science” (technology) to pride of place. Every aspect of our social life thus comes under the purview of governmental control, and all culture and every form of reason becomes a function of politics. And this final step, the submission of culture to politics, is the very heart of totalitarianism. Only, in this case, it is not the totalitarianism of the Nazis or the Stalinists or the Maoists ­– ­brutal, bloody, and quite vulgar in its unsubtle use of blunt violence ­– but rather the much more seductive totalitarianism of techno-­nihilism, where our base bodily desires form what I call a “Collective of Concupiscence” which the government regulates, and the economy inflames.

Our future is thus most likely to be a dystopian one. But it won’t be the dystopia of the concentration camp. Rather, it will be Huxley’s Brave New World with a Disneyland aesthetic. Because… you know… “family values”.

You might think this is an exaggeration. I don’t think it is. It is the logical conclusion of scientism no matter what our elites might say about our bold new future. Because, despite what scientism’s popularizers (such as Carl Sagan and Richard Dawkins) might say in their more poetic moments when speaking about the “beauty” of the cosmos and of science, the fact is, if I am just an ape with a big brain, and an accidental byproduct of the cosmic chemistry of stardust remnants, then I really don’t give a shit about some gaseous blob, or even a vast number of “billions and billions” of gaseous blobs, ten million light years away; or the “fascinating” mating rituals of fruit bats; or the “poetry” of soil regeneration through dung beetle digestive cycles. In other words, when you are told endlessly that there is no meaning to existence, then guess what? You actually start to think that way. And then everything loses its flavor. Everything starts to taste like rice cakes.

Therefore, you cannot have it both ways. You cannot bleach divinity and Transcendence out of the cosmos and tell everyone that the whole affair is just an aimless and pointless accident, and then turn around and talk to us about the “moral necessity” of this or that urgent social cause. Why should I even care about the future of humanity itself? Why should I care about the ultimate destiny of ambulatory, bipedal, chemistry sets?

So really, it doesn’t matter who is in power … Democrats or Republicans, Trump or Oprah, and it does not matter if we place more emphasis on the government to solve our problems or free enterprise economics. Because our entire society operates according to the false premise I articulated above. In that sense we are all Marxists now, insofar as Marx’s controlling idea was the notion that the material world is all that exists and that economics drives everything.

And try as we might to deny that this materialistic view of existence is death to the higher functions of our soul, there is no escaping the fact that fewer and fewer people will devote themselves to higher pursuits, once the notions of God, Transcendence, purpose, meaning, the Good, and so on, are banished from our lexicon of acceptable ideas. We will increasingly privilege pleasure over happiness, which is to say, we will privilege opioids, techno gadgets, virtual reality stimulation, porn, and various other forms of addiction. We will be, if we aren’t already, a nation of addicts. Because if there is one thing we know about our bodily appetites it is that they are insatiable, requiring ever more of the same things to slake our rapacious desires. But partaking of the same thing, addictively, over and over and over, is boring. It crushes and kills the soul. And so what we will really end up with is not a society of liberated selves, but a society of bored, libidinous, pleasure addicts trending toward suicidal despair.

Furthermore, the fact of the matter is that we all share the same basic bodily appetites. It does not matter if you are rich or poor, gay or straight, fat or skinny, old or young, or what race you are, or your ethnicity, or your political party, or if you prefer the vapid and brain-dead banter of “Fox and Friends” over the vicious and pompous self­-importance of the moronic ladies on “The View”. Once you take away the idea that human nature has a spiritual side that, you know, “trends upward”, you are left with staring at your crotch or your gut or your veins. This is, of course, absolutely true, but we ignore the downward spiral of our culture into techno­pagan bacchanalia because our affluent elites, the poor dears, have confused despairing addiction and the “dark” view of life it spawns, with sophistication, and count as “enlightenment” a cultivated anti-intellectual stupidity.

I am struck, for example, by how many of the lead characters in shows made by Netflix or Amazon (especially detective shows) are depressive and “dark” souls, haunted by some hidden pain in their past that is the irritant in the oyster that creates the pearl of their genius. So far so good, since we all have hidden pain in our lives, and the various things we all suffer from really are, quite often, the genesis of much depth and creativity.

But these characters are different. They are nihilistic, often cruel, morally ambiguous, irreligious of course (duh), self­-destructive, and live as radically atomized, alienated and isolated individuals devoid of love or meaningful relationships. And if they do develop a relationship, it usually flounders on the shoals of the lead character’s unfathomably dark pain. Or worse, the love interest is killed off, with a hefty dose of complicit guilt on the part of the lead character, further adding to his or her morose self-­immolation. And all of this is portrayed as “sophisticated”. (There are exceptions of course, but this is just an anecdotal and subjective impression I have of many of these shows).

The irritating thing about all of this, of course, is that it is just so puerile and shallow, with little justification for its pretentious dismissal of “God” or “the Good”. And it is unbearably boring and drab. Is there anything more pitifully awful than being forced to listen to someone drone on and on about their “sexuality”?

By contrast, people only really become interesting when they differentiate themselves from one another, as true individuals, by cultivating the higher levels of the soul. And this is done in many ways, even still today, because the fact is we ARE spiritual beings and the spiritual dimension of our existence cannot be snuffed out. But those among us who still seek these things are becoming ever rarer and are being forced into ghettos or isolated enclaves of activity, and frequently branded as bigots because we adhere to traditional religious views about God and such things. It does appear, in other words, that the Collective of Concupiscence has fangs and claws, because at the end of the day, we are all “God haunted”, which is why members of the Collective view traditional religious believers as their tormentors

However, sadly, gradually the creative power of the majority of people is being perverted and bent to serve the needs of the emerging political and economic collective ­ ­– the Collective of Concupiscence ­ — wherein the true “liberation” of your “identity” can only come about when all of those institutions that represent the values of the Spirit are branded as oppressors. We WILL be liberated, and we WILL use government to enforce that liberation, and we WILL demand that the economy provide us with the means to enjoy the fruits of that liberation. Indeed, we will demand that the economy provide us with all of the gadgets and accouterments that we need to enhance our pleasures to unimaginable heights. Welcome to the wacky, upside down world of the new “sophistication”: mass ­produced individualism where radical “nonconformity” means all public and, increasingly, private speech, will be policed, looking for any sign that someone has breached the canons of non­conforming orthodoxy. So “individualism” here appears to mean its exact opposite.

But that is what you get in the Collective of Concupiscence. Somewhere Orwell is smiling.

Peter Maurin lived before all of this technological wizardry was real. But he lived in an age of totalitarianisms. And he was a thinking Catholic. Which means he had a deep prophetic insight into what was around the corner, so to speak. And just as Rod Dreher, in his wonderful book, The Benedict Option, calls orthodox Christians to a deeper awareness of the profoundly anti­ Christian challenges our culture is putting before us, so too did Peter Maurin warn us that the only way we will endure the coming storm of cultural barbarity is to form deeply intentional communities of Christian intellectual discourse, moral ecology, and liturgical practice. Not so that we can “escape” the world and shun our brothers and sisters who remain within it. But so that we can know ourselves better and come closer to God so as to be better able to serve our neighbor in love.

The members of the Collective of Concupiscence are not our “enemies”. Indeed, we are, if we are honest, infected with the same bacillus as everyone else. We are all in the Collective in one­ way or another. And so there is no question of abandoning the culture because that is, quite simply, neither desirable nor possible.

But we cannot drink from the same poisonous well and so we must cultivate new sources of “living water” in order to share it with everyone. And “everyone” means, literally, “everyone”. So please do not accuse me of “us vs. them” thinking. That kind of approach is not an option for a Christian. But if you do not “have” a Christian sensibility of the big questions of life, then by default you will “have” the template provided by our culture. I will end therefore with an old Latin phrase: “Nemo dat quod non habet”: You cannot give what you do not have.

Larry Chapp writes from the Dorothy Day Catholic Worker Farm in rural Pennyslvania that he runs with his wife, Carmina. You can visit the farm; follow the link for more information.

Larry’s essay made me reflect on why the only thing in politics that seriously engages my interest these days is the appointment of federal judges. I believe that the dystopia Larry Chapp envisions in this essay — this present dystopia, and the dystopia to come — is unstoppable in the short run. The question is only whether or not we will have a right-wing or a left-wing version of it. I care so much about federal judges because I see them as the only institution that can protect the rights of dissenters to be left alone in this new America.

Don’t get me wrong. Leaving aside the courts, it’s not a matter of total indifference whether or not there’s an R or a D sitting in the White House. Despite all his sins and failings, President Trump is not going to sic the Justice Department on Christian schools that fail to Celebrate Diversity — Or Else™. A Democratic president almost certainly would — and almost certainly will. As America secularizes, though — a process that includes professing Christians changing their minds on moral issues that conflict with liberalism — people will cease to understand why the trad holdouts believe what they believe, and do what they do. It is possible that there will be enough libertarian sentiment left in the country to leave us alone — but I very much doubt that. The only exterior protection we can rely on will be a federal judiciary, especially the Supreme Court — that holds strong First Amendment convictions about protecting religious minorities.

Some Benedict Option critics think they’re making a meaningful argument against it when they say some version of, “Ah ha, what do you think is going to happen to your little communities when the State decides they are a public danger, huh?” It’s a reasonable point, but a weak one. It is precisely when the State decides that traditional Christians are a danger to it that the Benedict Option is going to be most needed. But it is still needed up until that time — which may never come — because our faith is not being taken away from us by the State; it is being dissolved by the ambient culture. For example, Washington is not compelling Christian parents to let their children be absorbed by social media and catechized by the Internet.

I see getting good federal judges in place to be an entirely defensive political act, designed to gain more time for religious minorities to develop resilient practices and institutions capable of enduring what’s to come, and keeping the faith alive.

I also see nothing at all wrong with traditional Christians engaging in politics for other reasons. My only caution — and it’s a strong caution — is that they not fool themselves into thinking that by doing so, they are meaningfully addressing the most severe crisis upon us. Let me put it like this: in the Book of Daniel, the Hebrew captives Shadrach, Meshach, and Abednego served the King in high positions of state. You could say that they worked in politics, though they were outsiders. But when it came down to it, those men chose the prospect of martyrdom to the apostasy the King demanded of them. What practices did the three Hebrew men live by in their everyday lives as Jews in Babylon that gave them the presence of mind, and the strength, to choose God over Nebuchadnezzar? That’s the question that ought to be first on the minds of every traditional Christian thinking of going into public service. It’s the same with Sir Thomas More, who went to his martyrdom proclaiming that he was the King’s good servant — but God’s first.

One of the most important lines in Larry Chapp’s essay is his point that we traditional Christians “are infected with the same bacillus as everyone else.” It brought to mind the insufficiency of institutions and habits to protect us fully from the malaise of the broader culture. To be clear: these things are necessary, but not sufficient.

An example: at the Notre Dame conference, I spoke with an academic from a conservative Christian college. He told me that the student body there is quite conservative and observant. They are overwhelmingly pro-life. But they also do not understand at all what’s wrong with gay marriage. There are strong arguments from Scripture and from the authoritative Christian tradition, but these make no sense to them. Mind you, most of these young people were raised in optimal environments for the passing down of the faith and its teachings, and yet, on the key matter of the meaning of sex, marriage, and family, they … don’t get it.

I asked my interlocutor why. He shrugged, and said, “The culture is just too powerful.”

The problem with this is that in order to arrive at the point where one, as a Christian, rejects the Church’s teaching on the interrelated meaning of sex, marriage, and family, one has to reject both the authority of Scripture (and, for Catholics, the Church), and the anthropological core of Christianity — that is, the Biblical model of what man is. Ultimately, you have to reject traditional Christian metaphysics. I cover this all in my Sex and Sexuality chapter of The Benedict Option, but the heart of it is in this 2013 essay, “Sex After Christianity.” The gist of it is that the gay marriage revolution is really a cosmological revolution, and that to affirm gay marriage, as a Christian, means surrendering far more than many Christians think. It means, ultimately, that you see the world through the post-Christian culture’s template, not Christianity’s. What is likely happening with these young people is that they’re pro-life because they see the unborn child as a bearer of rights, including the right to life. And they’re not wrong! But that’s essentially a liberal position, one that is entirely amenable to gay marriage and the rest. The “bacillus” of materialism and radical individualism may find more resistance within the Body of Christ, but it still compromises its health.

Here’s another reason to be concerned, and to resist hoping in politics. It’s from an interview with Sir Roger Scruton:

How do current right-wing populist politics fit (or not) into your conception of conservative thought and conservative politics?

Well, I’m not a populist. I’m a believer in institutions. I think that institutions are the only guarantee we have of continuity and freedom. If you make direct appeals to the people all the time, the result is totally unstable and unpredictable, like the French Revolution. The revolutionaries made direct appeal to the people, and then discovered that they hated the people. So, they cut off their heads.

I believe [British historian] Simon Schama wrote a book on the topic…

Yes, Simon Schama’s book on the French Revolution is very revealing about this. The attempts to get rid of all mediating institutions just leaves the people in a dangerous condition, and a demagogue in charge. You can see this in Robespierre and Saint Just. And the only good thing about the French Revolution is that the demagogue gets his head chopped off as well.

So, I believe in institutions, and in using institutions to direct the people towards the kind of continuity and stability that they actually need, but doing it with their consent, obviously. That’s where the democratic process comes in.

What are your thoughts on the balance between consent and stability?

Well, first of all, stability requires legitimacy of opposition. There has to be a discussion of all the issues. That means that there must be a voice for the opponent, that’s what Congress and Parliament are about. And the first victim of real populism is the opponent, who is shut up. The press is taken away from him, parliamentary positions are taken away from him, so that the leading power has no voice opposed to it. …

It is no secret now that Americans have lost faith in institutions across the board. As Bill Bishop puts it, this is not Trump’s fault; the way we live in modernity all but guarantees it. Trump is not the cause of this, but rather an effect — though of course he also serves as a cause. The fact that a man can be elected President of the United States despite having violated so many institutional norms tells us something about the presidency, and the American people today. We are losing, and in many cases have already lost, mediating institutions. America is quite vulnerable to a demagogue — and there’s no guarantee that the demagogue will always be from the political right. Huey P. Long, for example, was a very effective left-wing demagogue — and he emerged almost a century ago, when the power of American institutions was much, much stronger than it is today.

We see in Trump a desire to delegitimize the opposition. For example, the media isn’t simply biased — a standard conservative politician’s critique, because it’s usually true — but is illegitimate. That’s what “fake news” means. The thing is, on college campuses, the urge to delegitimize opposition as racist, sexist, homophobic, and so forth, is exactly the same thing. Ultimately it will become more powerful, because this mentality is conquering the hearts and minds of the kind of people who will be running the institutions that, however attenuated their influence, will be shaping the perceptions and beliefs of Americans.

The power of Google and Facebook to determine which opinions are legitimate and which ones are not is going to be massively important. And I would be shocked if some form of the Chinese “social credit” system were not introduced into this country. What does that mean? From the National Interest:

The Chinese government has  unveiled a new program that it dubbed the “social credit system.” The system won’t be fully operational until 2020, but already it has generated as many as  7 million  punishments.

The system would rate the “trustworthiness” of Chinese citizens according to a wide variety of factors, such as what they buy, how they spend their time, and who their friends are, just to name a few.

The government would then take those deemed untrustworthy and punish them by not letting their children attend prestigious private schools, not allowing them to travel, and shutting down their internet presence.

The Chinese Communist government  promises that the social credit system will “allow the trustworthy to roam freely under heaven while making it hard for the discredited to take a single step.”

However, one must ask what it means to be “untrustworthy.”

In the  case of journalist Liu Hu, it could mean trying to expose government corruption. Other offenses could be things such as jaywalking, smoking on a train, criticizing the government, or having friends or family that speak ill of the government, all things that can lower one’s score.

In a future America in which opposition is deemed illegitimate, and in which personal data is widely available, how long do you think we can hold out against the temptation to institute a social credit score system? In China, it is being imposed from the top. In the US, our population is being acculturated by online norms, as well by an ethos that regards opponents not simply as wrong, but evil. We are being conditioned to accept this, and even, within the next couple of generations, to demand it.

It might come from the right, in which case I believe conservatives would bear a special responsibility for fighting it. But looking at the demographic data about the political and cultural beliefs of younger Americans, I think it is far, far more likely that it will come from the left — and that it will primarily be directed towards thought criminals like traditional Christians and social conservatives.

In that case, the best chance we have to protect ourselves from that all-encompassing tyranny would be a Supreme Court that defends the First Amendment. The greater concern for us, however, is that there would be no need for traditional Christians to be protected from a tyrannical social-credit-score government, because all Christians will have conformed internally, like so many “good German Christians” of the 1930s, to the regime — in our case, a regime of Moralistic Therapeutic Totalitarianism.

Larry Chapp:

…so too did Peter Maurin warn us that the only way we will endure the coming storm of cultural barbarity is to form deeply intentional communities of Christian intellectual discourse, moral ecology, and liturgical practice. Not so that we can “escape” the world and shun our brothers and sisters who remain within it. But so that we can know ourselves better and come closer to God so as to be better able to serve our neighbor in love.

We have to build this now — while there is still time.

UPDATE: Former San Francisco mayor Gavin Newsom was elected Governor of California last night. Note this:

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The old liberals — Jerry Brown, say — who respected institutions are dying out. Newsom is the next generation. Damon Linker is right to point to Newsom’s willingness to openly defy the law to achieve a liberal goal as a harbinger of what’s to come from the left. He was eager to cut down the law to get to the devil of homophobia. This kind of thing is coming.

Voir par ailleurs:

Is Intersectionality a Religion?
Andrew Sullivan
NY Magazine
Mar. 10, 2017

Middlebury College students turn their backs to Charles Murray during his lecture on March 2, 2017. Photo: Lisa Rathke/AP

Here’s the latest in the assault on liberal democracy. It happened more than a week ago, but I cannot get it out of my consciousness. A group of conservative students at Middlebury College in Vermont invited the highly controversial author Charles Murray to speak on campus about his latest book, Coming Apart. His talk was shut down by organized chanting in its original venue, and disrupted when it was shifted to a nearby room and livestreamed. When Murray and his faculty interlocutor, Allison Stanger, then left to go to their car, they were surrounded by a mob, which tried to stop them leaving the campus. Someone in the melee grabbed Stanger by the hair and twisted her neck so badly she had to go to the emergency room (she is still suffering from a concussion). After they escaped, their dinner at a local restaurant was crashed by the same mob, and they had to go out of town to eat.

None of this is very surprising, given the current atmosphere on most American campuses. And protests against Murray are completely legitimate. The book he co-authored with Harvard professor Richard Herrnstein more than 20 years ago, The Bell Curve, included a chapter on empirical data showing variations in the largely overlapping bell curves of IQ scores between racial groups. Their provocation was to assign these differences to both the environment and genetics. The genetic aspect could be and was exploited by racists and bigots.

I don’t think that chapter was necessary for the book’s arguments, but I do believe in the right of good-faith scholars to publish data — as well as the right of others to object, critique, and debunk. If the protesters at Middlebury had protested and disrupted the event for a period of time, and then let it continue, I’d be highly sympathetic, even though race and IQ were not the subject of Murray’s talk. If they’d challenged the data or the arguments of the book, I’d be delighted. But this, alas, is not what they did. (I should add up-front that I am friends with both Murray and Stanger — having edited a symposium on The Bell Curve in The New Republic over two decades ago, and having known Allison since we were both grad students in government at Harvard.)

But what grabbed me was the deeply disturbing 40-minute video of the event, posted on YouTube. It brings the incident to life in a way words cannot. At around the 19-minute mark, the students explained why they shut down the talk, and it helped clarify for me what exactly the meaning of “intersectionality” is.

“Intersectionality” is the latest academic craze sweeping the American academy. On the surface, it’s a recent neo-Marxist theory that argues that social oppression does not simply apply to single categories of identity — such as race, gender, sexual orientation, class, etc. — but to all of them in an interlocking system of hierarchy and power. At least, that’s my best attempt to define it briefly. But watching that video helps show how an otherwise challenging social theory can often operate in practice.

It is operating, in Orwell’s words, as a “smelly little orthodoxy,” and it manifests itself, it seems to me, almost as a religion. It posits a classic orthodoxy through which all of human experience is explained — and through which all speech must be filtered. Its version of original sin is the power of some identity groups over others. To overcome this sin, you need first to confess, i.e., “check your privilege,” and subsequently live your life and order your thoughts in a way that keeps this sin at bay. The sin goes so deep into your psyche, especially if you are white or male or straight, that a profound conversion is required.

Like the Puritanism once familiar in New England, intersectionality controls language and the very terms of discourse. It enforces manners. It has an idea of virtue — and is obsessed with upholding it. The saints are the most oppressed who nonetheless resist. The sinners are categorized in various ascending categories of demographic damnation, like something out of Dante. The only thing this religion lacks, of course, is salvation. Life is simply an interlocking drama of oppression and power and resistance, ending only in death. It’s Marx without the final total liberation.

It operates as a religion in one other critical dimension: If you happen to see the world in a different way, if you’re a liberal or libertarian or even, gasp, a conservative, if you believe that a university is a place where any idea, however loathsome, can be debated and refuted, you are not just wrong, you are immoral. If you think that arguments and ideas can have a life independent of “white supremacy,” you are complicit in evil. And you are not just complicit, your heresy is a direct threat to others, and therefore needs to be extinguished. You can’t reason with heresy. You have to ban it. It will contaminate others’ souls, and wound them irreparably.

And what I saw on the video struck me most as a form of religious ritual — a secular exorcism, if you will — that reaches a frenzied, disturbing catharsis. When Murray starts to speak, the students stand and ritually turn their backs on him in silence. The heretic must not be looked at, let alone engaged. Then they recite a common liturgy in unison from sheets of paper. Here’s how they begin: “This is not respectful discourse, or a debate about free speech. These are not ideas that can be fairly debated, it is not ‘representative’ of the other side to give a platform to such dangerous ideologies. There is not a potential for an equal exchange of ideas.” They never specify which of Murray’s ideas they are referring to. Nor do they explain why a lecture on a recent book about social inequality cannot be a “respectful discourse.” The speaker is open to questions and there is a faculty member onstage to engage him afterward. She came prepared with tough questions forwarded from specialists in the field. And yet: “We … cannot engage fully with Charles Murray, while he is known for readily quoting himself. Because of that, we see this talk as hate speech.” They know this before a single word of the speech has been spoken.

Then this: “Science has always been used to legitimize racism, sexism, classism, transphobia, ableism, and homophobia, all veiled as rational and fact, and supported by the government and state. In this world today, there is little that is true ‘fact.’” This, it seems to me, gets to the heart of the question — not that the students shut down a speech, but why they did. I do not doubt their good intentions. But, in a strange echo of the Trumpian right, they are insisting on the superiority of their orthodoxy to “facts.” They are hostile, like all fundamentalists, to science, because it might counter doctrine. And they shut down the event because intersectionality rejects the entire idea of free debate, science, or truth independent of white male power. At the end of this part of the ceremony, an individual therefore shouts: “Who is the enemy?” And the congregation responds: “White supremacy!”

They then expel the heretic in a unified chant: “Hey hey, ho ho! Charles Murray has got to go.” Then: “Racist, Sexist, Anti-gay. Charles Murray, Go away!” Murray’s old work on IQ demonstrates no meaningful difference between men and women, and Murray has long supported marriage equality. He passionately opposes eugenics. He’s a libertarian. But none of that matters. Intersectionality, remember? If you’re deemed a sinner on one count, you are a sinner on them all. If you think that race may be both a social construction and related to genetics, your claim to science is just another form of oppression. It is indeed hate speech. At a later moment, the students start clapping in unison, and you can feel the hysteria rising, as the chants grow louder. “Your message is hatred. We will not tolerate it!” The final climactic chant is “Shut it down! Shut it down!” It feels like something out of The Crucible. Most of the students have never read a word of Murray’s — and many professors who supported the shutdown admitted as much. But the intersectional zeal is so great he must be banished — even to the point of physical violence.

This matters, it seems to me, because reason and empirical debate are essential to the functioning of a liberal democracy. We need a common discourse to deliberate. We need facts independent of anyone’s ideology or political side, if we are to survive as a free and democratic society. Trump has surely shown us this. And if a university cannot allow these facts and arguments to be freely engaged, then nowhere is safe. Universities are the sanctuary cities of reason. If reason must be subordinate to ideology even there, our experiment in self-government is over.

Liberal democracy is suffering from a concussion as surely as Allison is.

Meanwhile, of course, President Trump continues his assault on the very same independent truth — in this case, significantly more frightening given his position as the most powerful individual on the planet. He too has a contempt for any facts that do not fit his own ideology or self-image. That’s why the lies he repeats are not just moments of self-interested dishonesty. They are designed to erode the very notion of an empirical reality, independent of his own ideology and power. They are an attack on reason itself. A fact-driven media has to be discredited as “fake news” if it challenges Trump’s agenda. Equally, a bureaucracy designed impartially to implement legislation has to be delegitimized, if its fact-based neutrality challenges Trump’s worldview. And so the “administrative state,” in Steve Bannon’s words, has to be “deconstructed.”

Likewise, a health-care bill must be passed through committee before an independent CBO can empirically score it. The overwhelming conclusion of climate scientists — that carbon is warming the Earth irreversibly — is simply denied by the new head of the EPA. The judiciary can have no legitimate, independent stance if it too counters the president’s interests. A judge who opposes Trump is a “so-called” judge. Equally, intelligence-gathering can have no validity if it undermines Trump’s interests. It suddenly becomes “intelligence.” It can be ignored. Worse, the intelligence agencies are maligned as inherently political, rather than empirical. Last week, Trump went even further, claiming, with no evidence, that the Justice Department colluded in a criminal wiretap with the previous president to target Trump’s candidacy in the last election. Maybe this was designed merely as a distraction from the accumulating lies of his campaign surrogates about their contacts with Russian officials. Maybe it was another temper tantrum from a man with no ability to constrain his emotions by reason. But I tend to think Peter Beinart’s take is closer to the mark. Trump was delegitimizing the Justice Department so that he can reject the conclusion of any investigation of his campaign’s ties to Russia as politically rigged:

No one lives on Mount Olympus. Government lawyers, judges and journalists are all fallible. They are all vulnerable to bias and self-interest. But prior presidents have generally given them the benefit of the doubt. Prior presidents have assumed, absent contrary evidence, that they are motivated by professional standards, not rank partisanship. Trump does not. He has questioned the integrity of Judge Gonzalo Curiel and of vast swaths of the press. And now he is preparing to question the integrity of the career officials investigating his Russia ties.

They are all corrupt. They are all agents of the opposition, part of the massive conspiracy to deny Trump his rightful triumph. And thus, the independent standards by which they judge his actions are a sham. There are no independent standards. There is only the truth that comes from Trump himself.

This is the vortex we are being led into by the most reckless, feckless, and malevolent president in this country’s history. It is a vortex where reality itself must subordinate itself to one political side; where facts are always instruments of power and nothing else; where our entire Constitution, designed to balance power against power to give truth and reason a chance, is being deliberately corroded from within. It’s been seven weeks. And the damage done to our way of life is already deep, and deepening.


Pâques/2020e: Si le grain ne meurt (Ou la longue histoire, d’Isaac à Moïse et de la circoncision à l’eucharistie comme de l’avortement à la contraception et de la vaccination au confinement, de l’abandon comme des substituts et survivances du sacrifice d’enfants)

10 avril, 2020

The sacrifice of Isaac - collection of Marc Chagall Museum… | Flickr

The First mourning (William-Adolphe Bouguereau, 1888)Death of the Pharaoh Firstborn son (Lawrence Alma-Tadema, 1872)Lamentations over the Death of the First-Born of Egypt (Charles Sprague Pearce, 1877)La Fille de Jephté (Alexandre Cabanel, 1879)
Four sunflowers gone to seed - Vincent van Gogh (1853 - 1890)See, I think there’s a plan. There’s a design for each and every one of us. You look at nature. Bird flies somewhere, picks up a seed, shits the seed out, plant grows. Bird’s got a job, shit’s got a job, seed’s got a job. And you’ve got a job. Maddy (Cold mountain)
Que dire des procédés modernes d’immunisation et de vaccination ? (…) L’intervention médicale consiste à inoculer “un peu” de la maladie, exactement comme dans les rites qui injectent “un peu” de la violence dans le corps social pour le rendre capable de résister à la violence. Les analogies donnent le vertige par leur nombre et leur exactitude. Les « piqûres de rappel » correspondent à la répétition des sacrifices et on retrouve, bien entendu, comme dans tous les modes de protection sacrificielle, les possibilités d’inversion catastrophique: une vaccine trop virulente, un pharmakon trop puissant, peut répandre la contagion qu’il s’agissait de juguler. René Girard
En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Jésus (Jean 12: 24)
Tu me donneras le premier-né de tes fils. Tu me donneras aussi le premier-né de ta vache et de ta brebis; il restera sept jours avec sa mère; le huitième jour, tu me le donneras. Exode 22: 29-30
Tout premier-né m’appartient (…) tu rachèteras tout premier-né de tes fils; et l’on ne se présentera point à vide devant ma face. Exode 34: 19-20
Lorsqu’une femme deviendra enceinte, et qu’elle enfantera un mâle, elle sera impure pendant sept jours; elle sera impure comme au temps de son indisposition menstruelle. Le huitième jour, l’enfant sera circoncis. Elle restera encore trente-trois jours à se purifier de son sang; elle ne touchera aucune chose sainte, et elle n’ira point au sanctuaire, jusqu’à ce que les jours de sa purification soient accomplis. (…) Lorsque les jours de sa purification seront accomplis, pour un fils ou pour une fille, elle apportera au sacrificateur, à l’entrée de la tente d’assignation, un agneau d’un an pour l’holocauste, et un jeune pigeon ou une tourterelle pour le sacrifice d’expiation. Lévitique 12: 2-6
S’il n’a pas de quoi se procurer une brebis ou une chèvre, il offrira en sacrifice de culpabilité à l’Éternel pour son péché deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, l’un comme victime expiatoire, l’autre comme holocauste. Lévitique 5: 7
Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu. Deutéronome 18: 10
Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, – suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur: Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur, – et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur. Luc 2: 22-24
Au bout de quelque temps, Caïn fit à l’Éternel une offrande des fruits de la terre; et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L’Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande; mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. (…) Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua. (…) L’Éternel lui dit: Si quelqu’un tuait Caïn, Caïn serait vengé sept fois. Et l’Éternel mit un signe sur Caïn pour que quiconque le trouverait ne le tuât point. Genèse 4: 3-15
Dieu dit à Abraham: Toi, tu garderas mon alliance, toi et tes descendants après toi, selon leurs générations. C’est ici mon alliance, que vous garderez entre moi et vous, et ta postérité après toi: tout mâle parmi vous sera circoncis. Vous vous circoncirez; et ce sera un signe d’alliance entre moi et vous. A l’âge de huit jours, tout mâle parmi vous sera circoncis, selon vos générations, qu’il soit né dans la maison, ou qu’il soit acquis à prix d’argent de tout fils d’étranger, sans appartenir à ta race.  On devra circoncire celui qui est né dans la maison et celui qui est acquis à prix d’argent; et mon alliance sera dans votre chair une alliance perpétuelle. Un mâle incirconcis, qui n’aura pas été circoncis dans sa chair, sera exterminé du milieu de son peuple: il aura violé mon alliance. Genèse 17: 9-14
Abraham circoncit son fils Isaac, âgé de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné. Genèse 21: 4
Dieu dit: Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t’en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je te dirai. (…) Puis Abraham étendit la main, et prit le couteau, pour égorger son fils. Alors l’ange de l’Éternel (…) dit: N’avance pas ta main sur l’enfant, et ne lui fais rien; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. Abraham leva les yeux, et vit derrière lui un bélier retenu dans un buisson par les cornes; et Abraham alla prendre le bélier, et l’offrit en holocauste à la place de son fils. Genèse 22: 2-13
Pendant le voyage, en un lieu où Moïse passa la nuit, l’Éternel l’attaqua et voulut le faire mourir. Séphora prit une pierre aiguë, coupa le prépuce de son fils, et le jeta aux pieds de Moïse, en disant: Tu es pour moi un époux de sang! Et l’Éternel le laissa. C’est alors qu’elle dit: Époux de sang! à cause de la circoncision. Exode 4: 24-26
Parlez à toute l’assemblée d’Israël, et dites: Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison. (…) On prendra de son sang, et on en mettra sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte des maisons où on le mangera. (…) Cette nuit-là, je passerai dans le pays d’Égypte, et je frapperai tous les premiers-nés du pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’aux animaux, et j’exercerai des jugements contre tous les dieux de l’Égypte. (…) Le sang vous servira de signe sur les maisons où vous serez; je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous, et il n’y aura point de plaie qui vous détruise, quand je frapperai le pays d’Égypte. Vous conserverez le souvenir de ce jour, et vous le célébrerez par une fête en l’honneur de l’Éternel; vous le célébrerez comme une loi perpétuelle pour vos descendants. Exode 12: 3-14
Maudit soit devant l’Éternel l’homme qui se lèvera pour rebâtir cette ville de Jéricho! Il en jettera les fondements au prix de son premier-né, et il en posera les portes au prix de son plus jeune fils. Josué 6: 26
De son temps, Hiel de Béthel bâtit Jéricho; il en jeta les fondements au prix d’Abiram, son premier-né, et il en posa les portes aux prix de Segub, son plus jeune fils, selon la parole que l’Éternel avait dite par Josué, fils de Nun. I Rois 16: 34
Jephthé fit un voeu à l’Éternel, et dit: Si tu livres entre mes mains les fils d’Ammon, quiconque sortira des portes de ma maison au-devant de moi, à mon heureux retour de chez les fils d’Ammon, sera consacré à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste. Jephthé marcha contre les fils d’Ammon, et l’Éternel les livra entre ses mains. (…) Jephthé retourna dans sa maison à Mitspa. Et voici, sa fille sortit au-devant de lui avec des tambourins et des danses. C’était son unique enfant; il n’avait point de fils et point d’autre fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements, et dit: Ah! ma fille! tu me jettes dans l’abattement, tu es au nombre de ceux qui me troublent! J’ai fait un voeu à l’Éternel, et je ne puis le révoquer. Elle lui dit: Mon père, si tu as fait un voeu à l’Éternel, traite-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, maintenant que l’Éternel t’a vengé de tes ennemis, des fils d’Ammon. (…) Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il accomplit sur elle le voeu qu’il avait fait. Juges 11: 30-40
Et Saül dit: Que Dieu me traite dans toute sa rigueur, si tu ne meurs pas, Jonathan! Le peuple dit à Saül: Quoi! Jonathan mourrait, lui qui a opéré cette grande délivrance en Israël! Loin de là! L’Éternel est vivant! il ne tombera pas à terre un cheveu de sa tête, car c’est avec Dieu qu’il a agi dans cette journée. Ainsi le peuple sauva Jonathan, et il ne mourut point. I Samuel 14: 44-45
Alors Salomon bâtit sur la montagne qui est en face de Jérusalem un haut lieu pour Kemosch, l’abomination de Moab, et pour Moloc, l’abomination des fils d’Ammon. I Rois 11: 7
Achaz (…) marcha dans la voie des rois d’Israël; et même il fit passer son fils par le feu, suivant les abominations des nations que l’Éternel avait chassées devant les enfants d’Israël. II Rois 16: 2-3
Manassé (…) fit passer son fils par le feu. II Rois 21: 1-6
Le roi Josias (…) souilla Topheth dans la vallée des fils de Hinnom, afin que personne ne fît plus passer son fils ou sa fille par le feu en l’honneur de Moloc. 2 Rois 23: 1-10
Et il s’éleva sur la mer une grande tempête. Le navire menaçait de faire naufrage. Les mariniers eurent peur, ils implorèrent chacun leur dieu, et ils jetèrent dans la mer les objets qui étaient sur le navire, afin de le rendre plus léger. (…) Et il se rendirent l’un à l’autre: Venez, et tirons au sort, pour savoir qui nous attire ce malheur. Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas. Alors ils lui dirent: Dis-nous qui nous attire ce malheur. (…) Ils lui dirent: Que te ferons-nous, pour que la mer se calme envers nous? Car la mer était de plus en plus orageuse. Il leur répondit: Prenez-moi, et jetez-moi dans la mer, et la mer se calmera envers vous; car je sais que c’est moi qui attire sur vous cette grande tempête. (…) Puis ils prirent Jonas, et le jetèrent dans la mer. Et la fureur de la mer s’apaisa. Jonas 1: 15
Ils ont rempli ce lieu de sang innocent; Ils ont bâti des hauts lieux à Baal, Pour brûler leurs enfants au feu en holocaustes à Baal: Ce que je n’avais ni ordonné ni prescrit, Ce qui ne m’était point venu à la pensée. C’est pourquoi voici, les jours viennent, dit l’Éternel, Où ce lieu ne sera plus appelé Topheth et vallée de Ben Hinnom, Mais où on l’appellera vallée du carnage. Jérémie 19: 4-6
Je leur donnai aussi des préceptes qui n’étaient pas bons, et des ordonnances par lesquelles ils ne pouvaient vivre.Je les souillai par leurs offrandes, quand ils faisaient passer par le feu tous leurs premiers-nés; je voulus ainsi les punir, et leur faire connaître que je suis l’Éternel. Ezéchiel 20: 25-26
Avec quoi me présenterai-je devant l’Éternel, Pour m’humilier devant le Dieu Très Haut? Me présenterai-je avec des holocaustes, Avec des veaux d’un an? L’Éternel agréera-t-il des milliers de béliers, Des myriades de torrents d’huile? Donnerai-je pour mes transgressions mon premier-né, Pour le péché de mon âme le fruit de mes entrailles? – On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; Et ce que l’Éternel demande de toi, C’est que tu pratiques la justice, Que tu aimes la miséricorde, Et que tu marches humblement avec ton Dieu. Michée 6: 6-8
Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation… Donc j’ai dit: Voici, je viens. Psaume 40: 7-8
Le roi dit: Coupez en deux l’enfant qui vit, et donnez-en la moitié à l’une et la moitié à l’autre. Alors la femme dont le fils était vivant sentit ses entrailles s’émouvoir pour son fils, et elle dit au roi: Ah! mon seigneur, donnez-lui l’enfant qui vit, et ne le faites point mourir. Jugement de Salomon (I Rois 3: 25-26)
Il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas. Jésus (Matthieu 12: 39)
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Jésus (Jean 15: 13)
Je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance.Jésus (Luc 15: 7)
Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits; car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. Que vous en semble? Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elles s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s’est égarée Et, s’il la trouve, je vous le dis en vérité, elle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. De même, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits. Jésus (Matthieu 18: 10-14)
Les paraboles de la brebis égarée (Mt 18, 12) et du fils prodigue (Lc 15, 11) soulignent encore plus directement l’inversion de la logique victimaire – sacrificielle: au « tous contre un » Jésus oppose le « tous pour un », l’amour préférentiel pour l’égaré, même lorsqu’il semble responsable de son errance. Bernard Perret
Vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Caïphe (Jean 11: 50)
Nul ne peut ne pas mourir, mais l’homme seul peut donner sa vie. André Malraux
Après ce, vint une merdaille Fausse, traître et renoïe : Ce fu Judée la honnie, La mauvaise, la desloyal, Qui bien het et aimme tout mal, Qui tant donna d’or et d’argent Et promist a crestienne gent, Que puis, rivieres et fonteinnes Qui estoient cleres et seinnes En plusieurs lieus empoisonnerent, Dont pluseurs leurs vies finerent ; Car trestuit cil qui en usoient Assez soudeinnement moroient. Dont, certes, par dis fois cent mille En morurent, qu’a champ, qu’a ville. Einsois que fust aperceuë Ceste mortel deconvenue. Mais cils qui haut siet et louing voit, Qui tout gouverne et tout pourvoit, Ceste traïson plus celer Ne volt, enis la fist reveler Et si generalement savoir Qu’ils perdirent corps et avoir. Car tuit Juif furent destruit, Li uns pendus, li autres cuit, L’autre noié, l’autre ot copée La teste de hache ou d’espée. Et maint crestien ensement En morurent honteusement.  Guillaume de Machaut (Jugement du Roy de Navarre, v. 1349
Une nation ne se régénère que sur un monceau de cadavres. Saint-Just
Qu’un sang impur abreuve nos sillons! Air connu
L’arbre de la liberté doit être revivifié de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans. Jefferson
Dionysos contre le ‘crucifié’ : la voici bien l’opposition. Ce n’est pas une différence quant au martyre – mais celui-ci a un sens différent. La vie même, son éternelle fécondité, son éternel retour, détermine le tourment, la destruction, la volonté d’anéantir pour Dionysos. Dans l’autre cas, la souffrance, le ‘crucifié’ en tant qu’il est ‘innocent’, sert d’argument contre cette vie, de formulation de sa condamnation. (…) L’individu a été si bien pris au sérieux, si bien posé comme un absolu par le christianisme, qu’on ne pouvait plus le sacrifier : mais l’espèce ne survit que grâce aux sacrifices humains… La véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l’espèce – elle est dure, elle oblige à se dominer soi-même, parce qu’elle a besoin du sacrifice humain. Et cette pseudo-humanité qui s’institue christianisme, veut précisément imposer que personne ne soit sacrifié. Nietzsche
Le christianisme est une rébellion contre la loi naturelle, une protestation contre la nature. Poussé à sa logique extrême, le christianisme signifierait la culture systématique de l’échec humain. Adolf Hitler
Les catholiques et les orthodoxes décrivent l’Eucharistie comme une véritable « actualisation », non sanglante, du sacrifice du Christ en vue du salut, par le ministère du prêtre. De leur côté, les protestants s’y refusent, considérant que cela diminue la dignité du sacrifice de la Croix et affirmant que le texte biblique ne soutient pas la théorie de la transsubstantiation enseignée par l’Église catholique. Les luthériens emploient le terme de consubstantiation. Chez les chrétiens évangéliques, on parle d’un mémorial du sacrifice de Jésus-Christ et d’une annonce de son retour. Wikipedia
Un homme pur recueillera la cendre de la vache, et la déposera hors du camp, dans un lieu pur; on la conservera pour l’assemblée des enfants d’Israël, afin d’en faire l’eau de purification. C’est une eau expiatoire. Nombres 19: 9
Le baptême ou baptême d’eau est un rite ou un sacrement symbolisant la nouvelle vie du croyant chrétien. Il est partagé par la quasi-totalité des Églises chrétiennes, étant donné son importance dans les textes bibliques. L’eau symbolise à la fois la mort par noyade des baptisés dans leur ancienne vie caractérisée par le péché, et leur nouvelle naissance dans une vie nouvelle et éternelle. (…) Dans le judaïsme, le mikvé est un bain rituel utilisé pour l’ablution nécessaire aux rites de pureté. L’immersion totale du corps dans l’eau du mikvé fait partie du processus de conversion au judaïsme. On y voit généralement l’ancêtre du baptême chrétien. Dans l’esprit de la Torah et dans les rites d’immersion juifs demandés à Moïse par YHWH, l’immersion représente l’engloutissement dans l’eau d’un corps qui a été touché par l’impur. Wikipedia
L’histoire de Caïn et Abel, rapportée dans le chapitre IV du livre de la Genèse (…) soulève la question de savoir si l’auto-domestication sacrificielle est une tâche dont les hommes peuvent venir à bout ou un travail sans cesse à reprendre pour ne pas retomber dans la barbarie. Des deux fils d’Adam et Ève, nous savons seulement que l’un et l’autre font des offrandes à Dieu. Abel, qui est éleveur, sacrifie les premiers-nés de son troupeau, Caïn, qui est agriculteur, fait des offrandes végétales. Or, Dieu accepte les offrandes d’Abel, mais refuse celles de Caïn, sans qu’on sache pourquoi. (…) Dieu n’agit pas de façon arbitraire, car il y a bien une différence cruciale entre les sacrifices offerts par les deux frères. Il accepte le sacrifice d’Abel, parce qu’il est sanglant, il refuse celui de Caïn, parce qu’il n’est pas sanglant. Dire qu’il accepte le premier est une manière théologique de dire que celui-ci est approprié et efficace, dire que le second est refusé, de laisser entendre qu’il est inapproprié et inefficace. La suite de l’histoire montre aussitôt en quoi consiste l’efficacité du sacrifice. Abel met à mort les premiers-nés de son troupeau et, pour cette raison, ne devient pas meurtrier, alors que Caïn, ne faisant pas de sacrifice animal, devient homicide. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une loi naturelle, qui s’impose à Dieu lui-même, et qui explique la protection accordée à Caïn. Au fond, tout se passe comme si, faute de victime animale, la mise à mort d’Abel était ou valait un sacrifice, et donc comme si Caïn était une sorte de sacrificateur (…) Pour saisir toute la porté de ce passage de la Genèse, il faut le rapprocher de l’épisode non moins célèbre du sacrifice, ou de la «ligature », comme dit la tradition juive, d’Isaac. Cet épisode, ainsi que le thème récurrent du rachat des premiers-nés, montrent que chez les Hébreux, comme ailleurs, la victime sacrificielle idéale est un être humain, mais aussi qu’il est possible de détourner la violence rituelle et, avec elle, toute la violence humaine, sur une victime animale. En revanche, l’histoire de Caïn et Abel laisse entendre qu’il serait dangereux, ou du moins prématuré, de vouloir se soustraire totalement de l’ordre sacrificiel et s’affranchir de toute violence. Qui veut faire l’ange fait la bête. On peut sacrifier un animal à la place d’un homme, mais en voulant remplacer le sacrifice animal par des offrandes végétales, on prend le risque de retomber dans la violence même que l’on voulait éviter. Bref, le sacrifice est un moyen violent de tromper la violence, de lui céder localement du terrain pour mieux la dominer globalement et la contenir dans les limites les plus étroites possibles. Mais, sans que cette violence rituelle, on peut le craindre, puisse être réduite à zéro. Telle est la conjecture qui ressort de nos exemples. Jusqu’à preuve du contraire, elle semble corroborée par l’histoire, pleine de bruit et de fureur, des sociétés humaines. (…) si la théologie chrétienne traditionnelle a pu permettre à ses adversaires de lui imputer une réhabilitation du sacrifice humain et d’assimiler la communion à une nouvelle forme de cannibalisme, il est patent que le rituel chrétien, qui ici comme ailleurs constitue le noyau dur d’une religion, est, depuis toujours, et à l’instar, pourrait-on dire, du sacrifice de Caïn, aux antipodes du sacrifice humain. Ou plutôt, à l’instar de celui de Melchisédech, auquel il se réfère expressément, et qui est à peine un sacrifice, puisqu’il consiste en une simple offrande de pain et de vin. Le protestantisme a d’ailleurs rejeté, de longue date, toute interprétation sacrificielle du culte, et, cinq siècles plus tard, on s’aperçoit que, sans vraiment se l’avouer, le rituel catholique lui emboîte le pas. La «célébration eucharistique » tend à remplacer le «sacrifice de la messe », mettant l’accent sur le partage du pain et du vin, «fruit de la terre et du travail des hommes », entre les membres de la communauté, plutôt que sur le sacrifice du dieu ou au dieu. Mais, si cette sortie du sacrifice est indéniable, il est plus difficile de savoir s’il s’agit bien d’un progrès, comme le croient spontanément nos contemporains, chrétiens, irréligieux ou agnostiques, d’accord en cela avec Girard. (…) là aussi, l’acte central est un sacrifice, indéfiniment répété dans le repas de communion, pour la rémission des péchés, c’est-à-dire pour atténuer le mal sans pouvoir jamais s’y soustraire définitivement (…). Pour établir la supériorité du judaïsme sur le christianisme, certains auteurs juifs, tels que Hyam Maccoby, ont fait grief au second de retomber dans le sacrifice humain dont le premier avait su sortir depuis Abraham. Pour les raisons déjà dites, cet argument nous semble irrecevable. C’est un moyen maladroit de masquer le fait, apparemment difficile à assumer de nos jours, que le judaïsme est beaucoup plus sacrificiel que son rejeton chrétien. C’est, en effet, seulement à un accident historique, la destruction du Temple par les Romains, que le judaïsme doit d’avoir abandonné, ou plutôt interrompu, l’usage des sacrifices sanglants. Comme le rappellent les juifs orthodoxes, dès que le Temple sera reconstruit, il faudra y reprendre les sacrifices. Quant à la circoncision, qui se rattache au rachat des premiers-nés, et, en dernière instance, au sacrifice des enfants que pratiquaient les anciens Hébreux, elle est manifestement plus sacrificielle et sanglante que le baptême chrétien. Lucien Scubla
Pour se rendre compte du contraste remarquable entre l’histoire de l’Exode telle qu’elle est réellement racontée dans le livre de l’Ancien Testament et la façon mythologique dont de telles histoires sont habituellement racontées, il suffit de se demander : « À quoi ressemblerait l’histoire de l’Exode si les Égyptiens l’avaient racontée à la place des Israélites ? ». Malheureusement, il n’existe pas de documents historiques égyptiens datant du 14e ou du 13e siècle avant notre ère pour raconter la version égyptienne de l’histoire. Cependant, il existe des versions égyptiennes plus tardives de l’histoire de l’Exode, datant de la période hellénistique. Ces versions égyptiennes ultérieures indiquent que du point de vue égyptien, le départ des Hébreux d’Égypte était en fait une expulsion justifiée. Les sources principales sont les écrits de Manéthon et d’Apion, qui sont résumés et réfutés dans l’ouvrage de Josèphe intitulé Contre Apion …. Manéthon était un prêtre égyptien d’Héliopolis. Apion était un Égyptien qui écrivait en grec et jouait un rôle important dans la vie culturelle et politique de l’Égypte. Son récit de l’Exode a été utilisé pour attaquer les revendications et les droits des Juifs d’Alexandrie. La version hellénistique-égyptienne de l’Exode peut être résumée comme suit : Les Égyptiens étaient confrontés à une crise majeure précipitée par un groupe de personnes souffrant de diverses maladies. De peur que la maladie ne se propage ou que quelque chose de pire ne se produise, ce groupe hétéroclite a été rassemblé et expulsé du pays. Sous la conduite d’un certain Moïse, ce peuple fut expédié ; il se constitua alors en unité religieuse et nationale. Ils s’installèrent finalement à Jérusalem et devinrent les ancêtres des Juifs. James G. Williams
L’accusation de crime rituel à l’encontre des Juifs est l’une des plus anciennes allégations antijuives et antisémites de l’Histoire. En effet, bien que l’accusation de crime de sang ait touché d’autres groupes que les Juifs, dont les premiers chrétiens, certains détails, parmi lesquels l’allégation que les Juifs utilisaient du sang humain pour certains de leurs rituels religieux, principalement la confection de pains azymes (matza) lors de la Pâque, leur furent spécifiques. (…) Le premier exemple connu d’accusation de ce type précède le christianisme, puisqu’il est fourni, selon Flavius Josèphe, par Apion, un écrivain sophiste égyptien hellénisé ayant vécu au Ier siècle. (…) Après la première affaire à Norwich (Angleterre) en 1144, les accusations se multiplient dans l’Europe catholique. De nombreuses disparitions inexpliquées d’enfants et de nombreux meurtres sont expliqués par ce biais. Wikipedia
Le poète et musicien Guillaume de Machaut écrivait au milieu du XIVe siècle. Son Jugement du Roy de Navarre mériterait d’être mieux connu. La partie principale de l’œuvre, certes, n’est qu’un long poème de style courtois, conventionnel de style et de sujet. Mais le début a quelque chose de saisissant. C’est une suite confuse d’événements catastrophiques auxquels Guillaume prétend avoir assisté avant de s’enfermer, finalement, de terreur dans sa maison pour y attendre la mort ou la fin de l’indicible épreuve. Certains événements sont tout à fait invraisemblables, d’autres ne le sont qu’à demi. Et pourtant de ce récit une impression se dégage : il a dû se passer quelque chose de réel. Il y a des signes dans le ciel. Les pierres pleuvent et assomment les vivants. Des villes entières sont détruites par la foudre. Dans celle où résidait Guillaume – il ne dit pas laquelle – les hommes meurent en grand nombre. Certaines de ces morts sont dues à la méchanceté des juifs et de leurs complices parmi les chrétiens. Comment ces gens-là s’y prenaient-ils pour causer de vastes pertes dans la population locale? Ils empoisonnaient les rivières, les sources d’approvisionnement en eau potable. La justice céleste a mis bon ordre à ces méfaits en révélant leurs auteurs à la population qui les a tous massacrés. Et pourtant les gens n’ont pas cessé de mourir, de plus en plus nombreux, jusqu’à un certain jour de printemps où Guillaume entendit de la musique dans la rue, des hommes et des femmes qui riaient. Tout était fini et la poésie courtoise pouvait recommencer. (…) aujourd’hui, les lecteurs repèrent des événements réels à travers les invraisemblances du récit. Ils ne croient ni aux signes dans le ciel ni aux accusations contre les juifs mais ils ne traitent pas tous les thèmes incroyables de la même façon; ils ne les mettent pas tous sur le même plan. Guillaume n’a rien inventé. C’est un homme crédule, certes, et il reflète une opinion publique hystérique. Les innombrables morts dont il fait état n’en sont pas moins réelles, causées de toute évidence par la fameuse peste noire qui ravagea la France en 1349 et 1350. Le massacre des juifs est également réel, justifié aux yeux des foules meurtrières par les rumeurs d’empoisonnement qui circulent un peu partout. C’est la terreur universelle de la maladie qui donne un poids suffisant à ces rumeurs pour déclencher lesdits massacres. (…) Mais les nombreuses morts attribuées par l’auteur au poison judaïque suggèrent une autre explication. Si ces morts sont réelles – et il n’y a pas de raison de les tenir pour imaginaires – elles pourraient bien être les premières victimes d’un seul et même fléau. Mais Guillaume ne s’en doute pas, même rétrospectivement. A ses yeux les boucs émissaires traditionnels conservent leur puissance explicatrice pour les premiers stades de l’épidémie. Pour les stades ultérieurs, seulement, l’auteur reconnaît la présence d’un phénomène proprement pathologique. L’étendue du désastre finit par décourager la seule explication par le complot des empoisonneurs, mais Guillaume ne réinterprète pas la suite entière des événements en fonction de leur raison d’être véritable. (…) Même rétrospectivement, tous les boucs émissaires collectifs réels et imaginaires, les juifs et les flagellants, les pluies de pierre et l’epydimie, continuent à jouer leur rôle si efficacement dans le récit de Guillaume que celui-ci ne voit jamais l’unité du fléau désigné par nous comme la « peste noire ». L’auteur continue à percevoir une multiplicité de désastres plus ou moins indépendants ou reliés les uns aux autres seulement par leur signification religieuse, un peu comme les dix plaies d’Egypte. René Girard
Le passage du sacrifice humain au sacrifice animal (…) représente un progrès immense (…) que le judaïsme est le seul à interpréter dans le sacrifice d’Isaac. Le seul à le symboliser dans une grande scène qui est une des premières scènes de l’Ancien Testament. Il ne faut pas oublier ce dont ce texte tient compte et dont la tradition n’a pas assez tenu compte : tout l’Ancien Testament  se situe dans le contexte du sacrifice du premier né. Rattacher le christianisme au sacrifice du premier né est absurde, mais derrière le judaïsme se trouve ce qu’il y a dans toutes les civilisations moyen-orientales, en particulier chez les Phéniciens : le sacrifice des enfants. Lorsque Flaubert le représente dans  Salambo, Sainte-Beuve avait bien tort de se moquer de lui parce que ce dont parle Flaubert est très réel. Les chercheurs ont découvert dans les cimetières de Carthage des tombes qui étaient des mélanges d’animaux à demi-brulés et d’enfants à la naissance à demi-brulés. Il a beaucoup été reproché à Flaubert la scène du dieu Moloch où les parents carthaginois jettent leurs enfants dans la fournaise. Or, les dernières recherches lui donnent raison contre Sainte-Beuve. En définitive, c’est le romancier qui a raison : cette scène est l’un des éléments les plus terrifiants et magnifiques de  Salambo. La mode intellectuelle de ces dernières années selon laquelle la violence a été inventée par le monde occidental à l’époque du colonialisme est une véritable absurdité et les archéologues n’en ont pas tenu compte. Aux Etats-Unis, des programmes de recherche se mettent en place notamment sur les Mayas. Ces derniers ont souvent été considérés comme des « anti-Aztèques » : ils n’auraient pas pratiqué de sacrifices humains. Pourtant, dès que l’on fait la moindre fouille, on découvre des choses extraordinaires : chez les Mayas, il y a des kilomètres carrés de villes enfouies. C’est une population formidable avec de nombreux temples et les traces du sacrifice humain y sont partout : des crânes de petits-enfants mêlés à des crânes d’animaux. René Girard
Dans le christianisme, on ne se martyrise pas soi-même. On n’est pas volontaire pour se faire tuer. On se met dans une situation où le respect des préceptes de Dieu (tendre l’autre joue, etc.) peut nous faire tuer. Cela dit, on se fera tuer parce que les hommes veulent nous tuer, non pas parce qu’on s’est porté volontaire. Ce n’est pas comme la notion japonaise de kamikaze. La notion chrétienne signifie que l’on est prêt à mourir plutôt qu’à tuer. C’est bien l’attitude de la bonne prostituée face au jugement de Salomon. Elle dit : « Donnez l’enfant à mon ennemi plutôt que de le tuer. » Sacrifier son enfant serait comme se sacrifier elle-même, car en acceptant une sorte de mort, elle se sacrifie elle-même. Et lorsque Salomon dit qu’elle est la vraie mère, cela ne signifie pas qu’elle est la mère biologique, mais la mère selon l’esprit. Cette histoire se trouve dans le Premier Livre des Rois (3, 16-28), qui est, à certains égards, un livre assez violent. Mais il me semble qu’il n’y a pas de meilleur symbole préchrétien du sacrifice de soi par le Christ. René Girard
‘Ils m’ont haï sans cause’ (…) ‘Il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture’, ‘On l’a compté parmi les criminels [ou les transgresseurs]’ (…) C’est tout simplement le refus de la causalité magique, et le refus des accusations stéréotypées qui s’énonce dans ces phrases apparemment trop banales pour tirer à conséquence. C’est le refus de tout ce que les foules persécutrices acceptent les yeux fermés. C’est ainsi que les Thébains adoptent tous sans hésiter l’hypothèse d’un Oedipe responsable de la peste, parce qu’incestueux ; c’est ainsi que les Égyptiens font enfermer le malheureux Joseph, sur la foi des racontars d’une Vénus provinciale, tout entière à sa proie attachée. Les Égyptiens n’en font jamais d’autres. Nous restons très égyptiens sous le rapport mythologique, avec Freud en particulier qui demande à l’Égypte la vérité du judaïsme. Les théories à la mode restent toutes païennes dans leur attachement au parricide, à l’inceste, etc., dans leur aveuglement au caractère mensonger des accusations stéréotypées. Nous sommes très en retard sur les Évangiles et même sur la Genèse. René Girard
Les banlieues ont inventé une nouvelle forme de sacrifice : la destruction de l’objet symbolique fondamental de la société de consommation qu’est l’automobile. On se passe les nerfs en détruisant des automobiles. C’est très mauvais. Je ne suis pas du tout partisan de cela, mais on ne s’en prend pas aux personnes. René Girard
Voici quelques semaines, nous connûmes en France, pour la seconde fois, des révoltes sans morts, des violences déchaînées sans victimes humaines. Avons-nous vu, nous, vieillards, témoins des horreurs de la guerre et à qui l’histoire enseigna, contre le message d’Abraham et de Jésus, le bûcher de Jeanne d’Arc ou celui de Giordano Bruno ; avons-nous vu les révoltés en question ne brûler, par mimétisme, que des automobiles ; avons-nous observé la police, postée devant eux, épargner aussi les vies humaines ? Je vois ici une suite immanquable de votre anthropologie, où la violence collective passa, jadis, de l’homme à l’animal et, maintenant, de la bête, absente de nos villes, à des objets techniques. Parmi ces révoltes fument des chevaux-vapeur. Michel Serres
Nous vivons dans un monde, je l’ai dit, qui se reproche sa propre violence constamment, systématiquement, rituellement. Nous nous arrangeons pour transposer tous nos conflits, même ceux qui se prêtent le moins à cette transposition, dans le langage des victimes innocentes. Le débat sur l’avortement par exemple : qu’on soit pour ou contre, c’est toujours dans l’intérêt des « vraies victimes », à nous en croire, que nous choisissons notre camp. Qui mérite le plus nos lamentations, les mères qui se sacrifient pour leurs enfants ou les enfants sacrifiés à l’hédonisme contemporain. Voilà la question. (…) Contrairement au totalitarisme d’extrême droite – celui qui est ouvertement païen, comme le nazisme, dont on parle plus que jamais, et qui est, je pense, complètement fini -, le totalitarisme d’extrême gauche a de l’avenir. Des deux totalitarismes c’est le plus malin, parce qu’il est le rival du christianisme, comme l’était déjà le marxisme. Au lieu de s’opposer franchement au christianisme, il le déborde sur sa gauche. Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui prend en compte et radicalise le souci des victimes, pour le paganiser. Ainsi, les puissances et les principautés reprochent au christianisme de ne pas défendre les victimes avec assez d’ardeur. Dans le passé chrétien elles ne voient que persécutions, oppressions, inquisitions. L’Antéchrist, lui, se flatte d’apporter aux hommes la paix et la tolérance que le christianisme leur promet et ne leur apporte pas. En réalité, c’est un retour très effectif à toutes sortes d’habitudes païennes : l’avortement, l’euthanasie, l’indifférenciation sexuelle, les jeux du cirque à gogo, mais sans victimes réelles, grâce aux simulations électroniques, etc. Le néo-paganisme veut faire du Décalogue et de toute la morale judéo-chrétienne une violence intolérable, et leur abolition complète est le premier de ses objectifs. Ce néo-paganisme situe le bonheur dans l’assouvissement illimité des désirs et, par conséquent, dans la suppression de tous les interdits. René Girard
Le christianisme (…) nous a fait passer de l’archaïsme à la modernité, en nous aidant à canaliser la violence autrement que par la mort.(…) En faisant d’un supplicié son Dieu, le christianisme va dénoncer le caractère inacceptable du sacrifice. Le Christ, fils de Dieu, innocent par essence, n’a-t-il pas dit – avec les prophètes juifs : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice » ? En échange, il a promis le royaume de Dieu qui doit inaugurer l’ère de la réconciliation et la fin de la violence. La Passion inaugure ainsi un ordre inédit qui fonde les droits de l’homme, absolument inaliénables. (…) l’islam (…) ne supporte pas l’idée d’un Dieu crucifié, et donc le sacrifice ultime. Il prône la violence au nom de la guerre sainte et certains de ses fidèles recherchent le martyre en son nom. Archaïque ? Peut-être, mais l’est-il plus que notre société moderne hostile aux rites et de plus en plus soumise à la violence ? Jésus a-t-il échoué ? L’humanité a conservé de nombreux mécanismes sacrificiels. Il lui faut toujours tuer pour fonder, détruire pour créer, ce qui explique pour une part les génocides, les goulags et les holocaustes, le recours à l’arme nucléaire, et aujourd’hui le terrorisme. René Girard
Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour. (…) Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50) (…) Livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité. (…) Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants. René Girard
Ce que dit le texte, c’est qu’on ne peut renoncer au sacrifice première manière, qui est sacrifice d’autrui, violence contre l’autre, qu’en assumant le risque du sacrifice deuxième manière, le sacrifice du Christ qui meurt pour ses amis. Le recours au même mot coupe court à l’illusion d’un terrain neutre complètement étranger à la violence. René Girard
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Ce que nous vivons n’est pas simplement une pandémie mondiale, mais une pandémie numérique, où les effets du virus sont relayés par une information dite virale. Nous sommes confinés comme des poissons rouges, mais sur les parois de notre bocal nous n’arrêtons pas de consulter les chiffres de la surmortalité, en attendant que l’hameçon de la maladie vienne nous attraper et nous fasse basculer dans un autre monde. On s’aperçoit soudain que ce qui n’était qu’une unité dans un compte est un nom propre avec un visage. On passe d’un coup de la prophylaxie à l’asphyxie, du statistique au dramatique. Dans la Bible, la peste s’abat sur Israël parce que David a voulu recenser son peuple, c’est-à-dire ne plus le considérer dans la singularité de ses personnes, de ses familles et de ses tribus, mais comme un grand ensemble manipulable. Aujourd’hui, c’est la peste elle-même qui induit des recensements sans fin, à la fois hypnotiques et anxiogènes. Pendant ce temps, du fait de l’isolement des personnes âgées et des consignes de distanciation sociale, le mourant se voit dépouillé de son entourage au profit de l’assistance de la chimie et des machines, et le mort, privé de rites funéraires au profit du four crématoire. Sous ce rapport, l’épidémie ne fait qu’intensifier et dévoiler une structure qui était déjà là, et que l’on pourrait qualifier de structure techno-émotionnelle: face à la mort, on ne sait plus rien faire d’autre que de passer d’une gestion technologique qui nous permet de surnager, à une émotion qui brusquement nous noie. (…) Une crise ne produit pas des effets univoques. En termes de médecine, elle est état transitoire du patient, et peut être heureuse ou funeste, parce qu’elle débouche soit sur la guérison soit sur la mort. Les geeks vivaient déjà confinés derrière leurs écrans. Est-ce leur victoire, ou la preuve qu’ils vivaient déjà comme des malades? L’industrie des applications mobiles est en pleine forme, et le patron de Netflix peut se frotter les mains, mais on découvre aussi, avec les problèmes de ravitaillement, que l’agriculture est plus fondamentale que la haute finance, et l’œuvre des soignants plus essentielle que celle des winners. Hier, on parlait beaucoup de transhumanisme. L’épidémie nous ramène à la condition humaine, à notre mortalité, à la précarité de nos existences. Soudain Thucydide redevient notre contemporain, puisqu’il a traversé la peste d’Athènes. Sophocle, Bocacce, Manzoni, Giono ou Camus se révèlent plus actuels que nos actualités, parce qu’ils témoignent de ce qui appartient de manière indépassable à la chair de l’homme. Le confinement peut nous perdre dans nos tablettes, mais il est aussi l’occasion de réinventer la table familiale, et de retrouver le sens d’une culture toujours plus neuve que nos innovations – de même que le printemps restera toujours plus neuf que nos derniers gadgets. (…) S’il y a quelque chose qu’on ne peut virtualiser, c’est le rite chrétien. Les sacrements exigent une proximité physique. Ils communiquent la grâce par mode de contagion, de proche en proche, parce que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain. C’est pourquoi, l’épidémie se propageant de la même façon, les fidèles ont été privés de l’eucharistie… Comme l’Église fait normalement obligation de communier au moins à Pâques, certains ont jugé bon de discuter cette mesure, voire de la braver. Je préfère la penser. Vivre la Pâque dans cette privation, c’est aussi reconnaître que le christianisme n’est pas un spiritualisme, mais une religion de l’Incarnation, où le plus spirituel rejoint le plus charnel, où le don de la grâce passe par un prêtre balourd, près d’un voisin antipathique, en mastiquant un insipide bout de pain. L’an dernier, au début de la semaine sainte, c’était l’incendie de Notre-Dame: l’édifice incomparable brûlait, mais le rituel était intact. À présent, sans rien de spectaculaire, mais de manière plus profonde, c’est le rituel lui-même qui est atteint. Le drame est plus grand, même s’il se voit moins. Mais si grand que soit le drame, c’est encore de cela que parle le sacrifice de la Croix. Sous le rapport, non pas du rite, mais de ce à quoi il renvoie, en cette heure où l’ange de la mort passe à travers les villes, la Pâque nous rejoint dans toute sa force. Judas transmet la mort par un baiser. Pilate se lave les mains avec du gel hydroalcoolique. Jésus demande: Mon Dieu, pourquoi? Et il ne lui est pas répondu. Mais si nous crions ainsi sous le mal, c’est que nous avons d’abord vu la bonté de la vie. Comme le dit Rilke dans ce vers que je ne me lasse pas de répéter: «Seule la louange ouvre un espace à la plainte». Nous ne pouvons gémir devant ce qui nous détruit que parce que nous célébrons ce qui nous porte. L’envers du cri, si désespéré soit-il, est encore un appel à l’espérance. La nuit nous fait horreur parce que nous avons goûté à la beauté du jour, mais la perte de cette lumière, qui nous fait si mal, nous suggère aussi qu’au bout de la nuit noire l’aurore finit par poindre, plus poignante que jamais. Fabrice Hadjadj
C’est l’une des plus grandes révolutions qui aient jamais eu lieu au monde. Le Juif va être connu ! Un combat identique à celui que Pasteur et Koch ont dû mener doit aujourd’hui être livré par nous. Des maladies sans nombre sont dues au même bacille : le Juif ! (…). Nous guérirons si nous éliminons le Juif. Hitler
Cette flambée de judéophobie confirme l’hypothèse selon laquelle, dans les situations d’incertitude et de désarroi, lorsque se propage le sentiment d’une menace et que les explications officielles ne satisfont pas l’opinion, les Juifs sont accusés d’être liés d’une manière ou d’une autre au phénomène qui provoque des peurs, voire des paniques. Par ailleurs, en dehors même des situations de crise, la défiance des citoyens à l’égard des élites dirigeantes et des médias ne cesse de croître. Or, le manque de confiance favorise la diffusion des récits complotistes prétendant dévoiler des vérités cachées sur les causes des événements inquiétants et ainsi répondre au besoin d’explication. On observe que, dans ces récits pseudo-explicatifs et accusatoires, les Juifs (ou les « sionistes ») jouent souvent un rôle majeur. Lorsque, dans une situation de crise profonde, les élites du pouvoir sont d’origine juive, elles deviennent des cibles privilégiées pour les chasseurs de responsables et de coupables. S’il est vrai qu’il n’y a pas de croyances conspirationnistes sans événements déclencheurs, l’épidémie de coronavirus constitue l’événement déclencheur parfait, en ce qu’elle cumule un certain nombre de traits : elle est perçue comme un phénomène important, menaçant, ambigu, inexpliqué ou mal expliqué. Il s’agit à la fois d’expliquer l’apparition du phénomène anxiogène et de se défendre contre la menace qu’il représente, en désignant ceux qu’on suppose incarner la causalité diabolique. Dans la mise en accusation d’Agnès Buzyn, d’Yves Lévy et de Jérôme Salomon, dont la commune judéité est soulignée par les caricaturistes, la dénonciation complotiste s’entrecroise avec une incrimination de complicité dans une opération criminelle, dans laquelle on peut voir une forme dérivée de l’accusation de meurtre rituel. La cause cachée est en dernière analyse le diable, le principe du Mal. La logique du raisonnement complotiste inclut le biais de proportion, qui pousse le sujet à croire que de « grandes » et terribles conséquences (« l’enfer sur terre », une crise mondiale, la « fin d’une époque », la fin d’une civilisation) ne peuvent être engendrées que par de « grandes », puissantes et terribles causes (Satan, « le Juif », « les sionistes », le Capital, la CIA, « les élites », etc.). Depuis les années 1950, une analyse comparée de la littérature complotiste occidentale permet d’établir que les complots des puissants ou des dominants sont devenus plus crédibles que les complots des minorités actives ou des sociétés secrètes subversives, privilégiés à la fin du XVIIIe siècle ainsi qu’au cours du XIXe. L’âge de l’information globalisée et du libéralisme cognitif est aussi celui de la circulation planétaire de l’information erronée, trompeuse et manipulée, celui de la désinformation et de la mésinformation. Il est à bien des égards l’âge de la conspiration comme réalité et comme représentation, car ceux qui dénoncent compulsivement les complots rêvent de comploter et parfois passent à l’acte. Les croyances complotistes constituent notre mythologie, dans laquelle les démons de divers types ont chassé les dieux. Une démonologie populaire se forme sous nos yeux sur les réseaux sociaux. Or, l’on constate que cette démonologie contient une dimension judéophobe dont la visibilité et la virulence sont plus ou moins grandes selon les contextes. (…) Le concept de causalité diabolique, modèle élaboré par l’historien Léon Poliakov, est ici fort éclairant. Il permet de comprendre pourquoi les complotistes excluent à la fois le hasard et les causes naturelles de leurs modes d’explication des phénomènes dérangeants et inquiétants : non seulement rien n’arrive par accident, mais tous les événements malheureux sont les résultats d’intentions ou de volontés cachées, qui peuvent être liées à des entreprises criminelles. L’étude des accusations de meurtre rituel conduit à distinguer, parmi les modes de diabolisation des Juifs, ceux qui sont centrés sur le projet d’une domination du monde et ceux qui tournent autour d’une pulsion meurtrière visant les non-Juifs. Si les mythes complotistes se nourrissent du fantasme du Juif dominateur et conspirateur, visant la puissance mondiale, les mythes construits sur la base de l’accusation de meurtre rituel sont structurés par l’idée selon laquelle les Juifs poursuivent, en raison de leur nature – leurs instincts sanguinaires – ainsi que des enseignements secrets de leur religion – supposés consignés dans le Talmud –, l’élimination physique des non-Juifs. S’y greffe souvent l’attribution aux Juifs de plans secrets pour obtenir divers avantages ou faire des profits au détriment des non-Juifs. Les Juifs apparaissent alors comme un groupe soudé par la poursuite d’intérêts ou d’objectifs communs et inavouables. Le stéréotype du Juif exploiteur et parasite entre en synthèse avec celui du Juif conspirateur et criminel. Parmi les formes dérivées du mythe, qui prolifèrent dans des contextes de crise sanitaire, on trouve des énoncés selon lesquels « les Juifs » auraient créé le virus du SIDA, le virus H1N1 (responsable de la grippe A) ou le Covid-19 pour réaliser tel ou tel objectif criminel. Il en va ainsi de l’accusation, lancée le 26 février 2020 au moment de l’épidémie de coronavirus, par un « analyste politique » irakien, Muhammad Sadeq al-Hashemi : « Le coronavirus est un complot juif américain financé par Rothschild pour réduire la population mondiale. » Confirmation et condensation de quatre stéréotypes antijuifs : les Juifs sont riches, puissants, conspirateurs et criminels. Ils sont capables de créer et de propager un « tueur de masse » tel qu’un virus. Mais le peuple juif n’a-t-il pas été lui-même assimilé à un bacille ou à un virus ? « L’éternel bacille de l’humanité », comme le désignait Hitler en 1928 dans le « Second Livre ». Hitler définissait « le Juif » comme l’« ennemi mortel » (Todfeind) et l’assimilait au virus porteur d’une maladie mortelle en recourant à la métaphore du « parasite » destructeur (le Juif comme agent infectieux, « virus » ou « bacille »). Le 22 février 1942, dans l’une de ses « conversations secrètes » recueillies sous la direction de Martin Bormann entre 1941 et 1944, Hitler revient sur le traitement qu’il réserve à l’ennemi juif en mimant le langage biomédical, montrant qu’il prenait à la lettre la métaphore virologique :
« C’est l’une des plus grandes révolutions qui aient jamais eu lieu au monde. Le Juif va être connu ! Un combat identique à celui que Pasteur et Koch ont dû mener doit aujourd’hui être livré par nous. Des maladies sans nombre sont dues au même bacille : le Juif ! […]. Nous guérirons si nous éliminons le Juif. » Un autre exemple d’accusation dérivée, fondée sur la pathologisation du peuple juif assimilé à un virus, est fourni par la déclaration faite le 8 mars 2020 sur Yarmouk TV, la chaîne de télévision jordanienne affiliée aux Frères musulmans, par le cheikh Ahmad al-Shahrouri : « Est-il normal de parler du coronavirus parce que c’est l’actualité brûlante, et d’oublier les Juifs, qui sont plus dangereux que le sida, le coronavirus, le choléra et toutes les maladies de ce monde ? » Et le prédicateur d’adresser ce conseil à ses « frères » : « Pour être épargnés de ces maladies mortelles, nous devrions tous nous souvenir du djihad. Le djihad est un moyen de purification. » Le djihad est présenté comme le seul bon remède contre le « virus juif ». Du côté de l’extrême droite raciste, on relève la déclaration par laquelle Henry de Lesquen, invité par le groupuscule identitaire Résistance helvétique, a commencé sa conférence sur la « question raciale » à Aigle (Suisse) le 7 mars 2020 : « Il y a pire que le coronavirus : le judéovirus. » La représentation de l’invisibilité de « l’ennemi », qui fait partie du code culturel de l’antisémitisme moderne, facilite le recours à la métaphore polémique du « virus » pour accuser les Juifs. Le fantasme du « Juif invisible » hante en effet l’imaginaire judéophobe tel qu’il s’est reconfiguré à l’âge de l’émancipation et du projet normatif d’assimilation totale des Juifs, alimentant le soupçon qu’ils jouent un double jeu (assimilation apparente/persistance réelle). Rappelons la hantise d’Édouard Drumont, dans La France juive (1886) : « Le Juif dangereux, c’est le Juif vague (…) ; c’est l’animal nuisible par excellence et en même temps l’animal insaisissable (…). Il est le plus puissant agent de trouble que jamais la terre ait produit. » Plus le Juif est invisible – ou est perçu comme tel –, et plus l’hostilité des antijuifs s’intensifie en glissant vers une vision paranoïaque : puisqu’on ne les voit nulle part, c’est donc que « les Juifs sont partout » et qu’ils agissent dans l’ombre, « contre nous ». Un paradoxe est cependant à noter : dans cette configuration mythologique, les Juifs sont accusés de vouloir détruire le « matériel » humain dont ils ont besoin pour leurs rituels, pour satisfaire leurs pulsions criminelles ou pour faire des profits en les parasitant. Ce paradoxe s’ajoute à celui qui consiste à accuser les Juifs d’être mus par une volonté de dominer tous les peuples non juifs et à les accuser en même temps de vouloir exterminer ces derniers. Mais, tout comme l’inconscient, la pensée mythique ignore les contradictions formelles. (…) Il faut remonter à l’accusation de « meurtre rituel » portée contre les Juifs, qui constitue l’un des plus anciens mythes antijuifs, plus ancien que le mythe du complot juif. Cette accusation a surgi en même temps que celle de « haine du genre humain », dont on trouve des traces au IIIe siècle avant J.-C. Il s’agit d’une accusation chimérique, qui ne se fonde sur aucune preuve factuelle, contrairement aux assertions xénophobes, qui impliquent des généralisations abusives. Les récits où elle figure transmettent depuis plus de deux millénaires le stéréotype du Juif cruel et sanguinaire. Mais elle s’avère inséparable d’une autre accusation, celle de cannibalisme rituel, alors même que les sacrifices humains et la consommation du sang font l’objet d’un strict interdit dans le texte biblique (Lévitique, XVII, 2 ; XVIII, 21 ; XX, 2 et suiv. ; Deutéronome, XII, 31 ; XVIII, 10). Ces accusations couplées structurent le discours antijuif élaboré, de la judéophobie antique et de l’antijudaïsme médiéval à l’antisionisme radical d’aujourd’hui, en passant par l’antisémitisme apocalyptique dont l’hitlérisme a représenté la forme extrême. Les accusations les plus délirantes contre les Juifs ont pour résultat de transformer ces derniers en symboles du mal et, à ce titre, en représentants de l’ennemi absolu. D’où la représentation des Juifs en tant que proches alliés ou disciples du diable. La croyance que les sacrifices humains ou les meurtres rituels de non-Juifs, assortis ou non de cannibalisme, sont une caractéristique du peuple juif est apparue dans le monde antique, et circulait au cours des IIe et Ier siècles avant J.-C. À en croire Flavius Josèphe, le grammairien Apion (1ère moitié du Ier siècle après J.-C.), dans son Histoire d’Égypte, aurait accusé les Juifs de pratiquer des meurtres rituels – à la périodicité variable – dont les victimes étaient des Grecs : « Les Juifs […] s’emparaient d’un voyageur grec, l’engraissaient pendant une année, puis, au bout de ce temps, le conduisaient dans une forêt où ils l’immolaient ; son corps était sacrifié suivant les rites prescrits, et les Juifs, goûtant de ses entrailles, juraient, en sacrifiant le Grec, de rester les ennemis des Grecs ; ensuite ils jetaient dans un fossé les restes de leur victime. » L’historien Damocrite, avant Apion, affirmait que « tous les sept ans ils [les Juifs] capturaient un étranger, l’amenaient [dans leur temple], et l’immolaient en coupant ses chairs en petits morceaux ». La rumeur de crime rituel chez les Juifs a été vraisemblablement notée pour la première fois, ou bien fabriquée pour justifier la profanation et le pillage du temple, par Antiochus IV Épiphane en 168, par l’historien Posidonios au deuxième siècle avant J.-C. On peut supposer que la rumeur exprimait la haine qu’éprouvaient les Grecs à l’égard des Juifs, en particulier à Alexandrie. Au cours du IIe siècle après J.-C., des accusations analogues furent portées par les Romains contre les chrétiens, les victimes supposées étant des enfants : à l’accusation de cannibalisme rituel s’ajouta celle d’infanticide rituel. L’accusation diffamatoire a été réinterprétée ensuite dans le monde chrétien sur la base de la vision du « peuple déicide » et, plus particulièrement aux XIIe et XIIIe siècles, dans le contexte de la découverte du Talmud par le monde chrétien. Christianisée, elle s’est transformée en accusation d’infanticide rituel. Le premier infanticide rituel imputé aux Juifs remonte à 1144 en Angleterre : après la découverte, le 25 mars, du corps affreusement mutilé de William, âgé de douze ans, dans le bois de Thorpe à côté de Norwich, les Juifs chez qui il travaillait sont accusés par la mère et l’oncle de l’enfant de l’avoir tué après l’avoir torturé. Quelques années plus tard, la légende de l’enfant martyr, « tué par les Juifs », est mise en forme par le moine bénédictin Thomas de Monmouth, qui affirme que le meurtre de William aurait été commis d’une façon rituelle, en vue de reproduire la crucifixion de Jésus le Vendredi Saint. En Angleterre, des accusations similaires sont lancées contre les Juifs à Gloucester en 1168, à Bury St Edmunds en 1181, à Winchester en 1192 et une seconde fois à Norwich en 1235. En 1189, les Juifs sont attaqués à Londres puis dans tout le royaume. Le 6 février 1190, tous les Juifs de Norwich sont massacrés, à l’exception de ceux qui ont pu se réfugier au château. Je ne ferai ici qu’évoquer l’accusation d’empoisonnement massif des fontaines et des puits (1321) ainsi que celle de conspiration pour provoquer l’épidémie de « Peste noire » (1347-1348), accusations censées illustrer et prouver la méchanceté criminelle des Juifs, qui furent victimes de grands pogromes. Cette construction victimaire, pour être délirante, n’a cessé depuis le milieu du XIIe siècle, en Europe, de déclencher des réactions violentes contre les Juifs – émeutes sanglantes et pogromes –, de légitimer des chasses aux Juifs ou de justifier des mesures d’expulsion. La désignation d’un groupe de coupables imaginaires constitue en elle-même un acte de stigmatisation globale dudit groupe : elle transmet donc des stéréotypes négatifs sur ce groupe. Mais elle représente en même temps une incitation à la violence contre les membres du groupe stigmatisé et un puissant mode de légitimation des actions violentes contre ces derniers. Il y a là l’illustration d’un processus ou d’un mécanisme victimaire qu’on peut présumer universel : l’auto-victimisation d’un groupe à travers des récits qui criminalisent un autre groupe, quant à lui réellement innocent des crimes qu’on lui impute. L’inversion victimaire est le facteur déclenchant d’une forme de mobilisation sociale et politique dont on peut fournir de multiples exemples historiques. Ce mécanisme psychologique est au principe de la construction de l’ennemi absolu, celui qui incarne le Mal et contre lequel il faut lutter par tous les moyens.
Pierre-André Taguieff
What a tragedy that the 100,000 pangolins that are purged every year are sacrificed over the false belief that their scales can aid in blood circulation and cure rheumatism! Melissa Chen
Given China’s relatively limited medical resources – its per capita number of intensive care beds and ventilators is far too small – Beijing can’t afford to fight a prolonged battle with the coronavirus. The county can only concentrate its fight on one front, and thus is transporting all the medical equipment it can there, and sending all the medical personnel it can as well. China can only mobilize its national medical resources to tackle the virus head-on in Wuhan. If this battle fails, the fate of the country is at stake. People in Wuhan and Hubei had no choice but to sacrifice themselves. This is the luck of the Chinese people and the misfortune of the people of Wuhan and Hubei. People blessed with luck need to be grateful. Wang Shuo
Epidémie de grippe saisonnière: une surmortalité de 21.000 décès cet hiver. France Soir (01/03/2017)
En dépit d’une loi qui l’interdit, la Cour constitutionnelle a décrété mercredi que le suicide assisté peut être jugé licite en Italie si une série de conditions sont réunies, une décision qualifiée de « victoire » par les partisans de l’euthanasie. Dans une sentence très attendue, la haute cour a estimé que l’aide au suicide « n’est pas punissable » quand sont respectés « le consentement éclairé » de la personne, « les soins palliatifs », « la sédation profonde » ainsi qu’un contrôle (« vérification de ces conditions et des modalités d’exécution » du suicide assisté) effectué par les autorités de santé publique après « avis du comité éthique » local. La Cour a souligné que l’aide au suicide ne peut concerner que des patients « maintenus en vie par des traitements vitaux et atteints d’une pathologie irréversible, source de souffrances physiques et psychologiques jugées insupportables, mais pleinement en mesure de prendre des décisions libres et conscientes ». La Cour a aussi précisé que sa décision était prise « dans l’attente d’une intervention indispensable du législateur », demandant donc au parlement de modifier la législation en vigueur. En Italie, pays à forte tradition catholique, l’euthanasie est interdite et le code pénal punit « l’instigation ou l’aide au suicide » avec des peines comprises entre 5 ans et 12 ans de prison. Les juges constitutionnels étaient saisis du cas de Marco Cappato, un responsable du Parti radical (historiquement favorable à l’avortement et à l’euthanasie), qui avait conduit un célèbre DJ italien en Suisse en 2017 pour un suicide assisté. Fabiano Antoniani, dit DJ Fabo, grand voyageur, pilote de moto-cross et musicien, était resté tétraplégique et aveugle après un accident de la route en 2014. « A partir d’aujourd’hui nous sommes tous plus libres, y compris ceux qui ne sont pas d’accord » avec l’euthanasie, s’est félicité M. Cappato sur Facebook, évoquant une « victoire de la désobéissance civile ». « Pour moi aider DJ Fabo était un devoir, la Cour a établi que c’était son droit », a-t-il ajouté. Beppino Englaro, papa d’Eluana, plongée dans un état végétatif et qui fut entre 2008 et sa mort en 2009 un symbole de la lutte pour l’euthanasie, a salué en M. Cappato « un pionnier qui a ouvert la voie vers l’établissement d’un droit ». Le Point
Nous, les ouvriers, on nous dit : ‘Allez travailler !’ Alors que les cadres travaillent depuis chez eux. M. Leroy (élu CGT, Wattrelos)
« Quarantaine à deux vitesses : repos et loisirs pour les uns, précarité et risque sanitaire pour les autres. » « Le confinement, c’est pour les riches. » « On est 300 à bosser sur le site et les cadres sont en télétravail. Nous, qu’on se mette en danger, tout le monde s’en fout. » Les riches à l’abri, les pauvres au turbin ? Les aisés, en télétravail depuis leur maison secondaire du bord de mer, les précaires à l’usine ?  La formule est caricaturale, mais illustre ce sentiment diffus qui pointe, depuis quelques jours, chez certains travailleurs de terrain : deux salles, deux ambiances. Ou plutôt, deux poids, deux mesures. Car si Bruno Le Maire a appelé ce mardi, sur BFMTV, « tous les salariés des entreprises qui sont encore ouvertes, des activités qui sont indispensables au fonctionnement du pays, à se rendre sur leurs lieux de travail », pointe parfois, chez ceux qui sont mobilisés sur le terrain, l’impression d’être « envoyé au front », dans les usines, les bureaux, pour faire tourner la machine, et s’exposer, pendant que les autres, les confinés, préservent, au chaud et en télétravail, leur santé. Et tout ça pour très peu de reconnaissance. Ils sont caissiers, ouvriers, préparateur de commandes, logisticien, travaillent dans les transports, le commerce, ce sont les invisibles, ceux qui travaillent dans les tréfonds des usines, ceux qui ont les mains dans le cambouis. D’après le ministère du Travail, c’est un peu plus de quatre emplois sur dix qui peuvent être exercés à distance. Mais dans la conjoncture actuelle, les remarques fusent : « On ne peut pas aller voir la grand-mère, ni la famille, mais par contre, vous pouvez aller bosser. Et empilés les uns sur les autres », dit un salarié. Lâchés seuls en première ligne ? (…) Ce qui entretient encore plus particulièrement le sentiment d’injustice, c’est qu’on « laisse ouvrir des activités qui devraient être fermées », souligne Laurent Degousée.  « Le 14 mars, on a un arrêté qui indique la fermeture des commerces non utiles. Le 15, un autre arrêté liste les exceptions : les magasins de vapotage ont le droit d’être ouvert, la jardinerie, animalerie, la téléphonie mobile… On  se moque de qui ? » Qu’est-ce qui est utile, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Pour certains salariés ou travailleurs, la réponse est toute trouvée : ils sont sacrifiés pour des besoins non-utiles. Les livreurs de plateformes se considèrent ainsi comme des « travailleurs sacrifiables pour du récréatif ».  LCI
Il ne faudrait pas qu’en gagnant la bataille sanitaire, on se dirige vers un drame économique. Or, d’ores et déjà, le sort à moyen terme d’environ 20 à 30% de la population, entrepreneurs, personnes à leur compte, est très délicat. João Miguel Tavares
L’idéologie de la peur est devenue extrêmement présente dans l’esprit de nos concitoyens. On trouve notamment des traces de cette idéologie dans les fictions hollywoodiennes qui nous décrivent des apocalypses écologiques. A la différence des années 50 où les apocalypses étaient fondées sur l’imaginaire des soucoupes volantes ou de la guerre thermonucléaire, aujourd’hui la fin des temps viendra de l’action de l’homme et des conséquences désastreuses de cette action. La caractéristique de cette idéologie de la peur, c’est la crainte a priori que l’action de l’homme puisse conduire à des déséquilibres de la nature. Cette crainte peut se muer en une détestation de l’homme, vu comme « vorace », et de son action, ce que j’appelle « l’anthrophobie ». (…) La loi sur la transition énergétique s’inscrit dans un fait historique qui est celui de la question climatique. Une question réelle, qu’il faut prendre au sérieux, mais qui sert en quelque sorte d’otage à cette idéologie de la peur. Sur la base des dérèglements climatiques, et des conséquences désastreuses qui ne manqueront pas de survenir, on en infère des scénarios apocalyptiques qui devraient suspendre toutes nos actions y compris nos actions technologiques. Or, je pense qu’il y a un grand danger à suspendre nos actions : c’est celui de ne pas penser les conséquences catastrophiques de notre inaction. En ce sens, la loi sur la transition énergétique tient compte d’un certain nombre d’enjeux idéologiques qui cherchent à regrouper des considérations opportunistes et qui n’ont pas grand-chose à faire ensemble. Par exemple, plafonner la production nucléaire en France est problématique si on considère que le but est de lutter contre les énergies émettrices de gaz à effet de serre. Dans ce cas, pourquoi ne pas plus se préoccuper d’autres énergies comme le gaz ou le pétrole ? [réenchanter le risque] C’est non seulement possible mais c’est absolument nécessaire. Je suis assez préoccupé du fait que toute l’idéologie contemporaine nous oriente vers les conséquences possibles de notre action. Si nous devons être comptables des conséquences de notre action, cette idéologie nous rend totalement aveugle quant aux conséquences possibles de notre inaction. Celle-ci pourrait avoir des coûts cataclysmiques. Par exemple, pour le vaccin, on constate que la couverture maximale baisse y compris dans notre pays et qu’augmentent les craintes concernant le vaccin. En 2000, 9 % des Français se méfiaient des vaccins, ils sont près de 40 % en 2010. Cette méfiance aura des conséquences terribles sur les générations futures. (…) Ces questions ne peuvent avoir que des réponses technologiques. Or, ces réponses technologiques, nous ne les avons pas encore. Toute tentative d’enfermement des technologies du présent pourrait constituer un drame pour les générations futures. En d’autres termes, bâillonner le présent, c’est désespérer le futur. Le réenchantement du risque passe par une première étape celui de la conscience que le risque zéro n’existe pas. En effet, chacune de nos actions charrie une part incompressible de risque. La seconde étape consiste à dire que nous ne pouvons pas ne pas prendre de risque et qu’il n’y a pas de plus grand risque que celui de ne pas en prendre. A partir de là, il nous faut gérer de manière beaucoup plus raisonnable le rapport des coûts et des bénéfices de toute innovation technologique. Gérald Bronner
Êtes-vous prêt à prendre le risque afin de conserver l’Amérique que tout le monde aime pour vos enfants et petits-enfants ? Si c’est le deal, je suis prêt à me lancer. Je ne veux pas que tout le pays soit sacrifié. Dan Patrick (vice-gouverneur du Texas)
Coronavirus : sacrifier les personnes âgées pour sauver l’économie ? Les propos chocs du vice-gouverneur du Texas La Dépêche
Selon Trump et ses amis, qui veulent remettre les travailleurs au boulot dès avril, le ralentissement de l’économie américaine est aussi dangereuse que le coronavirus. C’est aussi ce que pense Dan Patrick, le vice-gouverneur du Texas, qui a appelé les personnes âgées à aller travailler. Autrement dit, se sacrifier pour « conserver l’Amérique que tout le monde aime ». C’est vrai que les plus âgés sont aussi les plus susceptibles d’être touchée par le virus, alors foutu pour foutu, autant qu’ils aillent se tuer à la tâche ! « L’Amérique qu’on aime » : celle où les plus faibles sont sacrifiés sur l’autel des profits ? Convergences révolutionnaires
Covid-19: les grands parents prêts à «se sacrifier» afin de sauver l’économie, affirme un vice-gouverneur du Texas Le vice-gouverneur du Texas s’est déclaré prêt à donner sa vie plutôt que de voir l’économie américaine sombrer à cause des mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Selon lui, «beaucoup de grands-parents» à travers le pays partagent cette position. Nombreux sont les Américains âgés qui sont prêts à «se sacrifier» afin d’empêcher la pandémie de coronavirus de porter un grave préjudice à l’économie nationale et par conséquent au bien-être de leurs petits-enfants, estime le vice-gouverneur du Texas Dan Patrick. «Mon message est le suivant: reprenons le travail, reprenons la vie normale, soyons intelligents, et ceux d’entre nous qui ont plus de 70 ans, nous nous occuperons de nous», a confié le responsable dans un entretien avec un journaliste de la chaîne Fox News. Lui-même âgé de 69 ans, il s’est dit prêt à mourir plutôt que de voir l’économie américaine détruite par les mesures sanitaires décrétées sur fond de pandémie. D’après lui, cette position est partagée par «beaucoup de grands-parents» à travers le pays. Sputnik
Lorsqu’une question se pose, il faut toujours avoir la prudence de considérer attentivement la question qui est posée et le contexte dans lequel elle est posée. Très souvent, c’est là que se trouve la réponse. On s’interroge il est vrai à propos de la question de savoir ce qu’il faut sauver en priorité : l’économie ou les vies humaines ? Cette question appelle quatre remarques. – En premier lieu, formulée telle quelle, cette question date. Donald Trump aux États Unis et Boris Johnson en Angleterre se la sont posée il y a plus d’une semaine déjà en clamant haut et fort qu’il fallait penser avant tout à sauver l’économie. La réalité s’est chargée d’apporter elle même la réponse. Face à l’afflux des malades dans les hôpitaux, face à l’inquiétude des populations, face au fait pour Boris Johnson d’avoir été testé comme étant positif au virus du Covid 19, que ce soit Donald Trump ou bien encore Boris Johnson, tous deux ont fait machine arrière en décidant 1). de s’occuper des vies humaines en mettant les moyens pour cela, 2). de sauver l’économie autrement, par une intervention de l’État allant contre le dogme libéral de sa non intervention dans l’économie.- Par ailleurs, il importe de ne pas oublier le contexte. Qui pose la question de savoir ce qu’il faut sauver ? Les plus grands dirigeants de la planète à savoir le Président des Etats-Unis et le Premier Ministre de Grande Bretagne. Quand ils se posent cette question, comment le font ils ? Sous la forme d’une grande annonce extrêmement médiatisée. Pour qui ? Pour rassurer les milieux financiers. Sur le moment, ce coup d’éclat a l’effet de communication escompté. Il crée un choc psychologique qui rassure les milieux économiques avant de paniquer l’opinion publique. Moralité : la question de savoir s’il faut sauver les vies humaines ou l’économie est un coup politique qui commence sur le ton grandiloquent d’une tragédie cornélienne avant de s’effondrer lamentablement. On veut nous faire croire que certaines questions sont essentielles. Vu ceux qui la posent et le ridicule des réponses qui lui sont apportées qu’il soit permis d’en douter – Dans la façon dont la question et posée, quelque chose ne va pas. On oublie le temps. Lorsque l’épidémie du Corona virus a commencé, désireux de ne pas freiner l’économie, les autorités françaises ont reculé le plus possible la décision du confinement avant de ne pas pouvoir faire autrement. La nécessité économique a alors précédé l’urgence sanitaire. Aujourd’hui, l’urgence sanitaire est devenue première et l’urgence économique a été placée en second. Jusqu’au pic de l’épidémie cela va être le cas. Le temps sanitaire va l’emporter sur le temps économique. Dès que la décrue épidémiologique commencera, le temps économique va reprendre ses droits. En conséquence de quoi, qui décide de ce qui doit se faire ou pas ? Ce n’est pas l’économie ni la vie, mais l’opportunité et, derrière elle, c’est l’être humain capable de juger et d’avoir de la sagesse. – On oublie enfin les hommes. Dans le Cid de Corneille, Rodrigue le héros, se demande s’il doit choisir son amour contre l’honneur de sa famille ou l’honneur de sa famille contre son amour. Au théâtre, cette alternative est admirable. Elle crée le spectacle. Avec l’épreuve que l’humanité endure, on fera du bien à tout le monde en évitant de basculer dans le théâtre. Si on ne s’occupe pas des vies humaines, il y aura des morts et avec eux une inquiétude collective ainsi qu’un drame social qui pèsera sur l’économie. Si on ne s’occupe pas d’économie, il y aura des morts et un drame économique qui pèsera sur les vivants. Si on choisit l’économie contre la santé, il y aura des morts. Si on choisit la santé contre l’économie, il y aura des morts. De toute façon quoi que l’on choisisse et que l’on sacrifie, ne croyons pas qu’il n’y aura pas de morts. Il y en aura. Il est possible toutefois de limiter la casse. Entre la richesse et la mort, on oublie quelque chose d’énorme qui est plus riche que la richesse et plus vivant que la mort : il s’agit de nous. Il s’agit des hommes. Il s’agit des vivants. Si nous avons la volonté chevillée au corps de nous en sortir et si nous sommes solidaires, nous serons capables de surmonter cette crise. Nous devons être humains et forts comme jamais nous ne l’avons été. Nous avons la possibilité de l’être. La solidarité avec le personnel soignant tous les soirs à 20h montre que nous sommes capables de solidarité. L’humour qui circule montre que nous sommes capables de créativité. En ces temps de distanciation sociale, nous sommes en train de fabriquer des proximités inédites, totalement nouvelles et créatrices. Notre instinct de vie a parfaitement compris le message qui est lancé par ce qui se passe : soyez proches autrement. Là se trouve la richesse et la vie qui permettront de relever le défi économique et sanitaire qui est lancé. (…) Il y a deux façons de mesurer. La première se fait par le calcul et les mathématiques en appliquant des chiffres et des courbes à la réalité. La seconde se fait par l’émotion, la sensation, la sensibilité. Quand quelque chose plaît, je n’ai pas besoin de chiffres et de courbes pour savoir que cela plaît. Quand cela déplaît également. Lorsque Donald Trump a compris qu’il fallait s’occuper de la question sanitaire aux États-Unis et pas simplement d’économie, il n’a pas eu cette révélation à la suite d’un sondage. Il n’a pas utilisé les compétences d’instituts spécialisés. La réaction ne se faisant pas attendre, il a été plus rapide que les chiffres, les courbes et les sondages en changeant immédiatement son discours. Il a été découvert récemment que l’intelligence émotionnelle est infiniment plus rapide que l’intelligence mathématique, abstraite et calculatrice. On peut sur le papier démontrer que l’humain coûte trop cher. Lorsque dans la réalité concrète on ne s’en occupe pas assez et mal, on a immédiatement la réponse. Donald Trump s’en est très vite aperçu. (…) On veut des règles pour répondre à la question de savoir comment décider qui doit vivre ou pas et qui doit mourir ou pas. Les règles en la matière sont au nombre de deux : la première qui fonde toute notre civilisation consiste à dire que, par principe, on soigne tout le monde et on sauve tout le monde. Pour éviter la folie monstrueuse des régimes qui décident que telle classe de la population a le droit de vivre et pas telle autre, on n’a pas trouvé autre chose. La seconde règle est empirique. Tout médecin vous dira qu’en matière de vie et de mort aucun médecin ne sait. Ce qu’il faut faire est dicté par chaque malade, jour après jour. A priori, un médecin sauve tout le monde et soigne tout le monde, jusqu’au moment où, basculant du soin et du sauvetage dans l’acharnement et de l’acharnement dans l’absurde, il décide d’arrêter de soigner et de sauver. Ainsi, un médecin aujourd’hui soigne une vielle dame de quatre-vingt cinq ans grabataire et atteinte d’Alzheimer. Maintenant si dans une situation d’extrême urgence il faut choisir entre un jeune de vingt ans et cette vieille dame, le médecin choisira le jeune en plaçant la vie qui commence avant celle qui se termine. Il fera comme les médecins faisaient au XIXème siècle quand il s’agissait de savoir si, lors d’un accouchement qui se passe mal, il faut choisir la mère ou l’enfant. Il choisira l’enfant. Choix déchirant, tragique, insupportable, n’ayant aucune valeur de règle, la responsabilité face à la vie étant la règle. Et ce, parce qu’il ne faut jamais l’oublier : on choisit toujours la vie deux fois : la première contre la mort et la seconde contre la folie. D’où la complexité du choix, choisir la vie contre la folie n’allant jamais de soi. Relever la complexité de ce choix est risqué. On l’a par exemple vu sur tweeter, où de tels commentaires ont déchaîné la colère des internautes. Pourtant si la population grogne lorsqu’elle voit la courbe du chômage monter et les premières conséquences d’une économie au ralenti se concrétiser, n’est-ce pas également parce qu’elle est consciente que équation est impossible ? (…) L’expérience ne se transmet pas. Pour une raison très simple : c’est en ne se transmettant pas qu’elle transmet le message le plus essentiel qui soit afin de surmonter les crises : aucune crise ne ressemble à une autre. Chaque crise étant singulière, chaque crise a un mode de résolution qui lui est propre et qu’elle doit inventer. Quand une crise est résolue, cela vient de ce que ceux qui la traversent ont su inventer la solution qu’il faut pour cette crise précise. Le message des crises est de ce fait clair. Il convient de les étudier afin de comprendre l’originalité qui a été déployée pour sortir de la crise afin de cultiver sa propre originalité. Pour sortir de la crise que nous endurons, nous allons inventer une solution inédite et c’est cette invention qui nous permettra de sortir de cette crise. Bertrand Vergely
Et tout cela aura pour conséquence, dans l’année 2020 et aussi dans les années à venir, d’exclure certains travailleurs, de les marginaliser, de les contraindre à une misère sociale accrue. La France des « gilets jaunes », des zones périphériques, des précaires, des auto-entrepreneurs, des indépendants, va trinquer plus que celle des grands groupes ou de la fonction publique. Si nous étions cyniques (ou d’une lucidité froide), (mais nos sociétés ne le sont plus), nous aurions pu, collectivement, examiner le « coût » de deux stratégies : le confinement avec une décroissance massive et des conséquences négatives en chaîne sur les années à venir ; le maintien au ralenti de l’économie avec des mesures de protection individuelle massive. Une question n’est jamais posée, quand on compare la stratégie du Japon et celle de l’Europe : les choix faits l’ont-ils été par souci des populations et de la pandémie (avec un virus que nous ne connaissons pas et qui évolue d’une manière plus incontrôlée que ce que nous pouvions penser au début) ou pour suppléer l’incurie des politiques de santé publiques qui n’ont pas prévu ce genre de situation et n’ont rien fait pour nous donner les moyens d’y faire face. Damien Le Guay
Rappelons-nous tout d’abord que nous abordons la pandémie avec le regard d’une société individualiste. Nos ancêtres de 1914 ont accepté la mort pour la défense de la patrie parce qu’ils avaient le sentiment d’être un chaînon dans une lignée. Ils défendaient la terre de leurs ancêtres et ils la défendaient pour leurs enfants. Quelques générations plus tôt, quand il y avait encore des épidémies régulières, on prenait des mesures de précaution, on soignait, mais on acceptait la mort éventuelle parce qu’on avait le sentiment d’appartenir à une société. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un tout petit nombre de nos concitoyens qui a l’expérience de la guerre. Nous avons derrière nous 60 ans d’individualisme absolu. Le christianisme est devenu ultraminoritaire. Il s’agit donc, dans l’absolu, d’avoir « zéro mort ». Effectivement notre société semble prête à sacrifier l’économie. Sans se rendre compte que ce genre de mentalités n’amène pas le « zéro mort » mais une catastrophe sanitaire. Et qu’une crise économique aussi fait des morts. (…) L’une des leçons de la crise du COVID 19, c’est que nous avons sous nos yeux la preuve expérimentale des ravages causés par l’effondrement de l’Education Nationale. En particulier, l’enseignement de l’économie tel qu’il est dispensé dans nos lycées, depuis des années, très hostile à l’entreprise et incapable de faire comprendre la dynamique du capitalisme, aboutit aux discours que nous entendons aujourd’hui. Il y aurait des activités indispensables et d’autres qui ne le seraient pas ! En fait, une économie moderne repose sur un fonctionnement très complexe. Les fonctionnaires du Ministère de l’Economie ont pris peur quand ils ont vu le nombre de demandes de mise au chômage partiel ! Dans un Etat qui prélève et redistribue 57% du PIB, on redécouvre qu’il y a beaucoup plus d’emplois utiles que ce qu’on pensait ! Et l’on risque de découvrir, à ce rythme, qu’il y aura encore plus de personnes mourant du fait du ralentissement de l’économie qu’à cause de l’épidémie. On ne peut pas dire que l’histoire des crises et leur taux de mortalité ne soit pas connu: de la crise de 1929 à l’asphyxie de la Grèce par l’Eurogroupe depuis 2015, tout est documenté. (…) Nos gouvernants ne feront pas un choix, s’ils arbitrent entre deux maux. Actuellement, ils sont dans l’incapacité de choisir entre les personnes qu’ils doivent soigner quand elles arrivent à l’hôpital et qu’ils n’ont pas assez de lit. Donc ils appliquent une règle mécanique: au-dessus d’un certain âge, on n’est plus soigné. Ce n’est pas un choix, car choisir c’est faire exercice de sa liberté, c’est pouvoir se déterminer entre deux options. Pour pouvoir choisir, il faut « avoir le choix ». Nous pourrions choisir un type d’équilibre entre la lutte contre la pandémie et la protection de notre économie si nous avions agi en amont. Si nous avions fermé nos frontières, testé largement, distribué massivement des masques etc…Il ne peut pas y avoir, en bonne philosophie, de choix entre des catégories de morts qui seraient préférables. Quand on en est arrivé là c’est qu’on subit. En revanche, aujourd’hui, le gouvernement pourrait choisir d’autoriser la généralisation du traitement du Professeur Raoult. (…) En fait, je pense que le dilemme est entre le fatalisme et le désir d’échapper à un destin tracé. Rappelez-vous, il y a quelques semaines, Emmanuel Macron parlait des progrès « inexorables » de l’épidémie. Au contraire, Boris Johnson et Donald Trump, qui sont des lutteurs, des battants, des hommes de liberté, ont commencé par penser qu’il fallait laisser passer l’épidémie, en faisant confiance aux capacités d’immunisation de la population. Puis, ils ont compris que toutes les grippes ne se ressemblent pas et qu’il fallait prendre des mesures. Ils font passer leur société aux tests massifs et au confinement partiel. Le redémarrage de l’économie apparaîtra d’autant plus souhaitable à leurs concitoyens que l’épidémie aura été jugulée. Ce qui est à craindre en France, comme en Italie, c’est qu’on ait deux crises, sanitaire et économique, qui s’éternisent. (…) Si l’on se réfère à la tradition occidentale, née entre Jérusalem, Athènes et Rome, l’être humain est appelé à se libérer des déterminismes naturels ou sociaux. L’homme occidental est celui qui propose à toute l’humanité d’apprendre la liberté, c’est-à-dire le choix. De la Genèse, où l’homme se voit enjoindre de dominer la Création, à René Descartes (il nous faut devenir « comme maîtres et possesseurs de la nature »), on s’est efforcé d’émanciper l’individu. Le grand paradoxe du dernier demi-siècle a consisté dans l’introduction en Occident de philosophies profondément étrangères à la tradition de l’émancipation individuelle, des sagesses orientales à la vénération de la Terre-Mère. La crise du Coronavirus vient nous rappeler que la nature n’est pas cette force bienveillante envers l’humanité que décrivent les écologistes. Et le yoga et le New Age sont de peu de secours pour lutter contre la pandémie. Si j’avais à me tourner vers la théologie, pour dire la même pensée de l’émancipation individuelle, je citerais Saint Ignace: « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu ». Quand on voit nos dirigeants avoir comme premier mouvement l’interdiction de la participation à un enterrement mais aussi la fermeture des églises, on se dit que ceux qui ne savent plus agir ne savent plus croire. (…) Tout doit être fait pour sortir du fatalisme ! C’est la seule possibilité de se garder une marge de manoeuvre. Le scénario le plus probable, actuellement dans notre pays est au contraire le cumul des crises, du fait de la passivité des gouvernants, qui prennent des décisions toujours trop tardives. Nous en revenons à la complexité des sociétés modernes. Elle peut être maîtrisée à condition, d’une part, de savoir traiter les innombrables données générées par chaque individu, chaque secteur d’activité; à condition, d’autre part, d’intégrer toutes les dimensions du problème à résoudre dans une stratégie unifiée. Réunir ces deux conditions, c’est commencer à pouvoir choisir ce qui servira le mieux la société et l’économie. Edouard Husson
Les hommes au paléolithique pratiquaient certainement la contraception. Déjà chez les Mésopotamiens (1600 av. J.-C.), les femmes utilisent des pierres pour ne pas concevoir: elles choisissent des pierres ovales ou arrondies qu’elles s’introduisent dans le vagin, le plus loin possible ; c’est la méthode intra-utérine. En Égypte, le Papyrus Ebers et Kahun prescrivent plusieurs recettes contraceptives, composées d’excréments de crocodile, de natron, de miel et de gomme arabique. Les remèdes de contraception dans l’Égypte antique sont des produits d’origine végétale, minérale ou animale. Certains sont aujourd’hui reconnus comme efficaces et utilisés dans les spermicides modernes.On dit aussi que les premiers préservatifs masculins seraient égyptiens, confectionnés avec des intestins de petits animaux (chats…). Selon certains auteurs5, il existerait aussi, dans les papyrus égyptiens, des écrits disant que Ramsès aurait fait distribuer à la population des contraceptifs pour limiter la surpopulation et les risques de famine. La sexualité dans le judaïsme se fonde sur la Bible et les Mishnas. La contraception n’est tolérée que dans certains cas et pour une durée définie. Le contrôle des naissances va à l’encontre de deux fondements du judaïsme, l’obligation de concevoir et l’interdiction d’onanisme. Néanmoins, selon le commentaire de la Bible du rabbin Raschi, Onan aurait été puni pour avoir transgressé les lois du lévirat, plus que « pour avoir gaspillé sa semence ». Les anciens Hébreux, qui pratiquaient la polygamie, étaient parfois autorisés des moyens contraceptifs si la grossesse risquait de mettre en danger la vie de la mère. Le droit talmudique, tiré de la Halakha admet la prévention mais en laisse uniquement l’initiative à la femme. De leur côté, les Araméennes de confession hébraïque utilisent, sur le conseil du rabbin (IIe siècle apr. J.-C.), le moukh, une éponge placée dans le vagin qui empêche le sperme d’atteindre l’utérus. (…) Les Grecs et les Romains ont quant à eux utilisé l’avortement et l’infanticide en cas d’échec des drogues et des amulettes, notamment pour éviter un enfant issu d’un riche citoyen et de son esclave. (…) Quant aux femmes, puisque l’allaitement arrête l’ovulation, la façon la plus naturelle pour elles de se protéger d’une éventuelle nouvelle grossesse était de prolonger la période pendant laquelle elles nourrissaient au sein leur enfant. Par ailleurs, le calcul des cycles menstruels devait leur permettre de savoir à quelles périodes elles étaient les plus fécondes ; on estimait alors qu’il s’agit de celles survenant juste avant ou juste après les menstruations. (…) Les études démographiques, telles celles de Louis Henry montrent que la fécondité diminue au sein de la bourgeoisie au XVIIe siècle. Cela va de pair avec la perte des recettes contraceptives des sorcières et sages-femmes. Au XVIIe siècle, la fécondité naturelle reprend. Les villes européennes croissent plus rapidement et apparaît alors des discussions et des controverses portant sur les avantages et les inconvénients de cette croissance. Nicolas Machiavel, un philosophe italien de la renaissance écrit alors que « Lorsque toutes les provinces du monde se seront remplies d’habitants tel qu’ils ne pourront plus subsister où ils sont ni se déplacer quelque part d’autre…alors le monde se purgera lui-même grâce à une de ces trois méthodes » en parlant des inondations, de la peste et des famines. Martin Luther affirme à cette époque que « Dieu fait les enfants. Il va aussi les nourrir ». (…) Les registres paroissiaux du XVIIIe siècle montrent un contrôle actif des naissances par la contraception, la continence ou le coït interrompu. Wikipedia
L’histoire de l’avortement remonte selon l’anthropologie à l’Antiquité. Pratiqué dans toutes les sociétés, les techniques (herbes abortives, utilisation d’objets tranchants, curetage, application d’une forte pression abdominale) et les conditions dans lesquelles l’avortement a été réalisé ont changé dans les pays où est reconnu le droit à l’avortement mais il demeure un fait de société. Le Code de Hammurabi daté d’environ 1750 av. J.-C. interdit l’avortement1. Le papyrus Ebers contient des prescriptions pour faire avorter les femmes. Ainsi, dès l’Antiquité, des politiques ont tenté de contrôler la fécondité. L’avortement est poursuivi très strictement chez les Hébreux. Dans la Grèce classique et la Rome antique, l’avortement est une pratique réprouvée (car elle prive le père de son droit de disposer de sa progéniture comme il l’entend) mais non interdite par un texte législatif. Ce n’est qu’avec l’expansion du christianisme et le besoin de gérer l’équilibre démographique que les empereurs romains Septime Sévère et Caracalla punissent dans des rescrits l’avortement au IIIe siècle. À cette époque, une plante (le silphium) servait principalement comme abortif et contraceptif. La très grande majorité des Églises chrétiennes condamnent fermement l’avortement mais au Moyen Âge, la sanction est différente selon que l’avortement est pratiqué avant ou après l’animation du fœtus. Au XIIIe siècle, les théologiens chrétiens optent pour une animation différenciée entre garçons et filles : ils fixent l’apparition d’une âme chez les fœtus à 40 jours pour les garçons et à 80 jours pour les filles. La Constitutio Criminalis Carolina, édictée par Charles Quint en 1532, fixe au milieu de la grossesse le moment de l’animation du fœtus, c’est-à-dire dès que la mère perçoit ses mouvements. Néanmoins, le pape Sixte Quint condamne de façon formelle l’avortement, quel qu’en soit le terme. Des femmes, au péril de leur vie en raison des techniques utilisées et du manque d’hygiène, s’avortent alors elles-mêmes, font appel à leur entourage ou recourent alors à un tiers. (…) Dès la fin du XVIIIe siècle en France et au XIXe siècle dans les autres pays d’Europe occidentale, les femmes mariées y recourent de plus en plus souvent afin de limiter la taille de leur famille. Elles font appel à des femmes sans qualification, surnommées « faiseuses d’anges », parmi lesquelles les « tricoteuses », célèbres pour leurs aiguilles à tricoter, qu’elles utilisent pour percer la poche des eaux ou ouvrir le col de l’utérus, et entraîner une fausse-couche. L’avortement dans ce contexte se pratique toujours dans la clandestinité, notamment par l’intervention appelée « dilatation et curetage ». La médecine du XIXe siècle voit des progrès dans les domaines de la chirurgie, de l’anesthésie et de l’hygiène. À la même époque, des médecins associés à l’Association médicale américaine font pression pour l’interdiction de l’avortement aux États-Unis alors que les interruptions de grossesse sont de plus en plus punies, comme en attestent en France l’article 317 du code pénal de 1810 qui punit de la réclusion d’un an à cinq ans aussi bien la femme qui avorte que le tiers avorteur, ou les articles 58 et 59 du Offences against the Person Act 1861 adoptés par le Parlement du Royaume-Uni qui criminalise l’avortement. Dans les années 1970, des féministes américaines développent la méthode de Karman qui permet d’avorter de manière sécuritaire. En Angleterre et aux États-Unis, cet avortement par aspiration se pratique en consultation externe, c’est ce que l’on appelle le « lunch-time abortion » (avortement pratiqué à l’heure du déjeuner). L’avortement devient plus sûr, ne nécessite aucun cadre hospitalier et peut même être réalisée par des non-médecins. Wikipedia
Des méthodes empiriques de variolisation sont apparues très tôt dans l’histoire de l’humanité, grâce à l’observation du fait qu’une personne qui survit à la maladie est épargnée lors des épidémies suivantes. L’idée de prévenir le mal par le mal se concrétise dans des pratiques populaires sur les continents asiatique et africain. La pratique de l’inoculation était en tout cas connue en Afrique depuis plusieurs siècles et c’est de son esclave Onésime que l’apprit le pasteur américain Cotton Mather. La première mention indiscutable de la variolisation apparaît en Chine au XVIe siècle. Il s’agissait d’inoculer une forme qu’on espérait peu virulente de la variole en mettant en contact la personne à immuniser avec le contenu de la substance qui suppure des vésicules d’un malade (le pus). Le risque n’était cependant pas négligeable : le taux de mortalité pouvait atteindre 1 ou 2 %. (…) Dans de très rares cas, la vaccination peut entraîner des effets indésirables sérieux et, exceptionnellement, fatals. Un choc anaphylactique, extrêmement rare, peut par exemple s’observer chez des personnes susceptibles avec certains vaccins (incidence de 0,65 par million, voir 10 par million pour le vaccin rougeole-rubéole-oreillons (RRO). En France, la loi prévoit le remboursement des dommages et intérêts par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux lorsqu’il s’agit de vaccins obligatoires. Wikipedia
La politique de vaccination française contre la grippe est de vacciner les personnes qui ont des risques de faire des complications suite à une grippe, des complications qui vont les emmener à l’hôpital, voire qui peuvent évoluer vers le décès [9 900 décès ont été attribués à la grippe en France pendant l’hiver 2018-2019]. Donc les gens à risque sont les personnes les plus âgées, à partir de 65 ans, les personnes qui ont un déficit de l’immunité, celles qui ont des maladies cardiaques, pulmonaires, respiratoires, rénales, hépatiques, neurologiques, et puis également les femmes enceintes. Il faut savoir que vacciner la femme enceinte protège aussi son bébé pour les 6 premiers mois de sa vie. Les personnes obèses sont également concernées. L’intérêt c’est de protéger toutes ces personnes-là. (…) Les personnes âgées (…) le vaccin marche moins bien chez elles, mais il y a aussi les adultes plus jeunes qui ont des complications, des maladies respiratoires, cardiaques… Ces personnes-là peuvent être protégées par la vaccination et puis on a aussi la possibilité de vacciner l’entourage, les gens qui vivent à proximité, en particulier les professionnels de santé, mais également l’entourage des petits nourrissons qu’on ne peut pas vacciner avant 6 mois. Dans ce cas, pour un nourrisson qui a des facteurs de risque, on va recommander la vaccination à son entourage. (…) On rencontre des difficultés à faire vacciner les professionnels de santé, d’abord parce que le vaccin de la grippe a lieu tous les ans, donc c’est relativement contraignant. Ensuite, parce que de façon générale le vaccin est responsable d’une réticence de la part des professionnels de santé, peut-être à cause de la vaccination hépatite B et des potentiels effets secondaires qui avaient été mis en doute à l’époque et qui depuis ont été infirmés. Aujourd’hui, on a une bonne couverture vaccinale chez les médecins et les étudiants en médecine, globalement on arrive à 60 -70% de couverture vaccinale, mais ça reste encore difficile chez les infirmières ou les aides soignantes. (…) Le vaccin antigrippal actuellement disponible en France ne comporte pas d’adjuvants, c’est peut-être aussi pour ça qu’il n’est pas aussi efficace que d’autres vaccins pour lesquels on a des adjuvants efficaces. Et les principaux effets secondaires, se font au moment de la vaccination donc soit au site d’injection, soit de la fièvre, un peu de fatigue et des douleurs articulaires et musculaires. Ensuite, il existe un effet secondaire, plus spécifique de la vaccination antigrippale, qui est lié au virus lui-même, une complication neurologique mais assez exceptionnelle avec le virus et encore plus exceptionnelle avec le vaccin, donc qui ne remet pas en cause l’intérêt même de ce vaccin. (…) Si vous n’êtes pas dans les populations à risque, vous pouvez vous faire vacciner d’une part pour protéger votre entourage éventuellement, et d’autre part pour vous protéger, vous. Il faut savoir que dans certains pays, pas très loin de chez nous au Royaume-Uni, la politique vaccinale est différente. On vaccine les enfants de façon généralisée pour qu’ils limitent la transmission de la grippe aux personnes fragiles, puisqu’on estime que pendant une épidémie de grippe environ 20% des enfants vont être affectés et seront donc le réservoir principal du virus. Dr. Odile Launay (Université de Paris, Centre d’Investigation Clinique Cochin-Pasteur)
Le saviez-vous ? 900 000 Juifs ont été exclus ou expulsés des Etats arabo-musulmans entre 1940 et 1970. L’histoire de la disparition du judaïsme en terres d’islam est la clef d’une mystification politique de grande ampleur qui a fini par gagner toutes les consciences. Elle fonde le récit qui accable la légitimité et la moralité d’Israël en l’accusant d’un pseudo « péché originel ». La fable est simpliste : le martyre des Juifs européens sous le nazisme serait la seule justification de l’État d’Israël. Sa « création » par les Nations Unies aurait été une forme de compensation au lendemain de la guerre. Cependant, elle aurait entraîné une autre tragédie, la « Nakba », en dépossédant les Palestiniens de leur propre territoire. Dans le meilleur des cas, ce récit autorise à tolérer que cet État subsiste pour des causes humanitaires, malgré sa culpabilité congénitale. Cette narration a, de fait, tout pour sembler réaliste. Elle surfe sur le sentiment de culpabilité d’une Europe doublement responsable : de la Shoah et de l’imposition coloniale d’Israël à un monde arabe innocent.  Dans le pire des cas, cette narration ne voit en Israël qu’une puissance colonialiste qui doit disparaître. Ce qui explique l’intérêt d’accuser sans cesse Israël de génocide et de nazisme : sa seule « raison d’être » (la Shoah) est ainsi sapée dans son fondement. La « Nakba » est le pendant de la Shoah. La synthèse politiquement correcte de ces deux positions extrêmes est trouvée dans la doctrine de l’État bi-national ou du « retour » des « réfugiés » qui implique que les Juifs d’Israël mettent en oeuvre leur propre destruction en disparaissant dans une masse démographique arabo-musulmane. Shmuel Trigano
Hors du sacrifice point de salut !
En ce 2020e vendredi saint …
Et premier jour de la Pâque juive …
Où nous chrétiens nous remémorons, à travers le don suprême de la vie du Christ, le sacrifice qui devait mettre fin à tous les sacrifices …
Et nos amis juifs, à travers leur expulsion pour crime rituel évidemment mythique mais contre-factuellement attribué à leur propre dieu des premiers nés égyptiens, le salut et la fondation de leur peuple …
Et où pour préserver aujourd’hui en une sorte de peur panique du risque, ses membres les plus vulnérables du virus chinois …
L’Humanité entière semble prête au sacrifice de l’avenir de ses propres enfants …
Sur fond, comme par hasard, de résurgence de l’antique accusation de crime rituel contre les juifs …
Comment ne pas voir à nouveau …
Derrière la longue histoire …
D’Isaac à Moïse et de la circoncision à l’eucharistie et au baptême comme de l’avortement à la contraception et de la vaccination à l’actuel confinement
De l’abandon comme de ses substituts et survivances …
L’ inévitable nécessité, jusqu’aux animaux eux-mêmes, du sacrifice
Comme à la Nietzsche, élimination de l’autre …
Ou préfiguré par la bonne prostituée du jugement de Salomon …
Ou incarné par le Christ lui-même…
Du don ultime de soi ?

Contempler.
Le fils unique, le fils aimé
Le ciel s’ouvre devant le père brisé. Mais le fils seul entrevoit, au-delà, la splendeur de Dieu et la douleur humaine.
Gérard Billon
La Croix
24/02/2018

Le Sacrifice d’Isaac (1960-1966), peint par Marc Chagall, est conservé au Musée national Marc- Chagall à Nice. Adagp, Paris 2018

Nous percevons d’abord les couleurs : rouge, jaune, bleu. Claires, elles débordent le dessin, enveloppent les personnages, les recouvrent. Rouge pour Abraham hébété, jaune pour Isaac offert, bleu pour l’ange secourable. Couleurs premières d’une histoire qui nous défie.

Du ciel, un cri…
« C’est l’ange du Seigneur qui appelle : Abraham ! Abraham ! Réponse : Oui, je suis là. – Arrête-toi, dit-il, ne fais rien à l’enfant. Je sais. Tu crains Dieu… » (Gn 22,11-12). Privilège de la peinture : arrêter le flot narratif pour explorer une phrase et discerner l’indiscernable, ce qui est écrit mais que l’on ne voit pas, que l’on n’entend pas encore.

Dieu a parlé. Abraham est à l’épreuve : prendre son fils unique, son fils aimé, le rire de sa vieillesse touchée par la mort, et l’offrir en holocauste. Offrir, donner sans retour ce qui lui a été donné. L’obéissance peut-elle aller jusqu’à répandre le sang et brûler la chair ? Le père et le fils ont gravi ensemble la montagne. L’autel est dressé, et les bûches, le feu bientôt. Lentement, le père prend le couteau. Le fils, lui, se tait.

Le tableau, grand, presque carré (230 x 235 cm), s’insère dans les silences du récit. Marc Chagall, rêveur juif de Vitebsk exilé en France (1887-1985), l’a conçu comme partie d’un cycle de douze toiles intitulé Message biblique (1960-1966). Grâce à Adam, Noé, Abraham et Moïse, Dieu y dialogue avec nous. En contrepoint, cinq autres toiles chantent le Cantique des Cantiques.

Invisible, Dieu parle. Ses mots sont dans le geste de l’ange recouvert d’azur, bras tendus pour consoler après l’épreuve. Car l’épreuve s’achève. Au loin mais face à son mari, Sara angoissée respire et le bélier attend au pied d’un arbre. Abraham avait repoussé jusqu’à l’ultime instant le coup fatal. Son couteau, sa bouche se figent. Le couteau, serré entre les doigts multipliés, n’a pu encore se retourner vers l’enfant. Le sang qu’il n’a pas versé coule en pluie libératrice sur le père, atteint le fils mais ne peut entacher le soleil du corps offert.

La vision du fils
Isaac s’est abandonné. Librement. Dos sur le bûcher, il n’est pas lié, contrairement au récit biblique. Nu, il se sépare de son père pour contempler le ciel, un œil ouvert, l’autre fermé, encore ici, déjà ailleurs. Indifférent à l’ange consolateur, lui seul voit un deuxième ange, d’un blanc radieux, en haut à gauche. Fugitive gloire divine. Le bras pointe d’autres drames au-dessus du drame, en haut à droite. Au jeune et lumineux Isaac, au bel Isaac, est accordée une vision d’avenir, d’incendies et de pogroms : une mère serre son enfant, un homme porte sa croix – Jésus le juif solidaire des Juifs persécutés –, un rabbin fuit, on s’affole. Viendra un temps déraisonnable où l’homme, au contraire d’Abraham, agira vite, sauvage, et l’ange ne pourra suspendre son geste meurtrier. Un temps où la crainte de Dieu aura disparu.

Isaac voit. Contre l’inéluctable, il s’offre en victime innocente, pure et sans péché. Son offrande et l’épreuve de son père peuvent-elles changer l’avenir ? Pour le XXe siècle, il est trop tard, nous dit Chagall. Pour le XXIe, pour notre siècle, rien n’est perdu.

Voir par ailleurs:

Re-visions of Sacrifice

Abraham in Art and Interfaith Dialogue

Aaron Rosen reflects on the manifold ways in which  Abrahams near-sacrifice of Isaac has been portrayed in the ‘Abrahamic’ religions and in art and literature

In a poignant episode in his bestseller, Abraham: A Journey to the Heart of Three Faiths, Bruce Feiler relates a conversation in Jerusalem with Petra Heldt, a Lutheran minister. Despite witnessing the power of religious intolerance firsthand, Heldt – who suffered severe burns during a suicide bombing in 1997 – sketches an optimistic vision for interfaith dialogue. Like Feiler, she sees the greatest source of conversation and consensus between Jews, Christians, and Muslims in the shared figured of Abraham. If we can learn to alter our “exclusivist thinking”, she tells the author, we can “sit down and begin to draw a picture of Abraham”. The resulting image, she muses, will be a figure capable of “representing the best of ourselves. It’s beautiful,” she adds, “and it can happen.” Heldt no doubt intended this image metaphorically. But what if we take her words literally? What would happen if we really put Jews, Christians, and Muslims around a table together and asked them to sketch a portrait of this ancient forefather? Would all those invited even agree to such an exercise? And where would they even begin? One can only imagine the tricky task of drafting a patriarchal proboscis that appealed to all parties. While this thought experiment might seem a bit frivolous at first glance, looking closely at how we picture Abraham can disclose tensions which are often left unexamined when we engage in interfaith dialogue. Heldt’s vision is indeed a beautiful one, but it is stilmportant to identify the impediments to imagining a shared Abraham. This task is especially critical at a time when references to ‘the Abrahamic faiths’ have become seemingly indispensable when talking about relations between Jews, Christians, and Muslims. Numerous interfaith organisations have taken Abraham as a figurehead, including Abraham’s Vision and the Abrahamic Alliance International in the United States, Abraham House in the United Kingdom, and the Abraham Fund in Israel. Universities have followed suit, with Oxford and Cambridge respectively establishing professorships in “The Study of the Abrahamic Religions” and “Abrahamic Faiths and Shared Values The proliferation of such gatherings, institutions, and lectureships is certainly a boon to interfaith dialogue and academic study. The more traction the idea of the ‘Abrahamic’ has attained, however – the more it has solidified its place within our vocabulary – the less attentive we have become to what this label might obscure or ignore. If we are really aiming at an informed practice of interfaith dialogue, one of our first steps must be to reflect rigorously on the language we employ. If we are going to call for interfaith dialogue under the banner of ‘the Abrahamic’, we need to wrestle first of all with the legacy of Abraham himself. By looking at how artists from different backgrounds depict Abraham, I hope to show that the ways we imagine Abraham today are at once more promising and more problematic for interfaith dialogue than we usually recognise. There is no single Abraham whose dignified portrait we can hang above the mantle, expecting him to gaze down approvingly on our interfaith salons and seminars. What visual art can show us, more palpably than any other medium, is a multiplicity of Abrahams, figures who embrace and exclude each other at the same time. Seen in this light, what constitutes ‘the Abrahamic’ is not any immutable bond over a common forefather, but rather a fraternal tension; a spiritual tug-of-war which draws the participants closer, even as they struggle with one another. I want to explore this tension through works of art which depict Abraham’s near sacrifice of his son, understood as Isaac in Judaism and Christianity, and usually as Ishmael in Islam. This traumatic event, known to Jews as the Akedah , to Christians as the Sacrifice of Isaac, and to Muslims as the Dhabih , is a major theme in the scriptures, interpretive traditions, and practices of all three faiths. Indeed, for each religion – albeit in distinct ways – Abraham’s willingness to slaughter his son has come to be seen as the defining moment in the patriarch’s spiritual life. After familiarising ourselves with interpretations of this event in Judaism, Christianity, and Islam, we will turn our attention to revealing examples of modern art. By providing embodied visions of the characters in question, these works force us to examine possibilities for interfaith dialogue which we might otherwise pass over.At the core of this story is a terrible divine demand, and a horrifying human willingness to execute it. Even the notion that this sequence of events constitutes a test for the patriarch – a major theme in each of the Abrahamic religions – leaves faith and obedience worryingly entwined with violence and bloodshed. For some commentators, this is compelling evidence of the “violent legacy of monotheism”. While it is reductive to read the Akedah as a cause of contemporary violence, the story does reinforce a logic which values religious commitment above the preservation of human life; a hierarchy with a dubious historical track record. Yet rather than throwing the baby – or in this case Isaac – Jewish Quarterly — Summer 2014 11 The proliferation of such gatherings, institutions, and lectureships is certainly a boon to interfaith dialogue and academic study. The more traction the idea of the ‘Abrahamic’ has attained, however – the more it has solidified its place within our vocabulary – the less attentive we have become to what this label might obscure or ignore. If we are really aiming at an informed practice of interfaith dialogue, one of our first steps must be to reflect rigorously on the language we employ. If we are going to call for interfaith dialogue under the banner of ‘the Abrahamic’, we need to wrestle first of all with the legacy of Abraham himself. By looking at how artists from different backgrounds depict Abraham, I hope to show that the ways we imagine Abraham today are at once more promising and more problematic for interfaith dialogue than we usually recognise. There is no single Abraham whose dignified portrait we can hang above the mantle, expecting him to gaze down approvingly on our interfaith salons and seminars. What visual art can show us, more palpably than any other medium, is a multiplicity of Abrahams, figures who embrace and exclude each other at the same time. Seen in this light, what constitutes ‘the Abrahamic’ is not any immutable bond over a common forefather, but rather a fraternal tension; a spiritual tug-of-war which draws the participants closer, even as they struggle with one another. I want to explore this tension through works of art which depict Abraham’s near sacrifice of his son, understood as Isaac in Judaism and Christianity, and usually as Ishmael in Islam. This traumatic event, known to Jews as the Akedah , to Christians as the Sacrifice of Isaac, and to Muslims as the Dhabih , is a major theme in the scriptures, interpretive traditions, and practices of all three faiths. Indeed, for each religion – albeit in distinct ways – Abraham’s willingness to slaughter his son has come to be seen as the defining moment in the patriarch’s spiritual life. After familiarising ourselves with interpretations of this event in Judaism, Christianity, and Islam, we will turn our attention to revealing examples of modern art. By providing embodied visions of the characters in question, these works force us to examine possibilities for interfaith dialogue which we might otherwise pass over.At the core of this story is a terrible divine demand, and a horrifying human willingness to execute it. Even the notion that this sequence of events constitutes a test for the patriarch – a major theme in each of the Abrahamic religions – leaves faith and obedience worryingly entwined with violence and bloodshed. For some commentators, this is compelling evidence of the “violent legacy of monotheism”. While it is reductive to read the Akedah as a cause of contemporary violence, the story does reinforce a logic which values religious commitment above the preservation of human life; a hierarchy with a dubious historical track record. Yet rather than throwing the baby – or in this case Isaac – ‘What would happen if we put Jews, Christians, and Muslims around a table together and asked them to sketch a portrait of this ancient forefather?’ he boy or do anything to him; for now I know that you fear God, since you have not withheld your son, your only son, from me” (Gen. 22.12). Glancing up, Abraham spies a ram caught in a thicket, which he slaughters instead. After a second encomium booms down from heaven, the story concludes on a seemingly prosaic note. “Abraham returned to his young men” and journeys back to Beer-sheba (Gen. 22.19). Surprisingly, the Akedah barely features in the remainder of the Hebrew Bible. Coupled with the episode’s sparse and cryptic narration, the narrative absolutely clamors for interpretation. The rabbis were happy to oblige. Even the opening words: “After these things”, suggested a whole scene in which Satan baits God into testing Abraham, à la Job (1.6-12). In another tradition, of central importance in Islam, a devil appears to Abraham, Isaac, and Sarah, arguing that such a monstrous demand transgresses moral law; precisely the argument later made by Immanuel Kant! Some midrashim fly in the face of the text’s plain sense, claiming that Abraham had wounded or even slaughtered his son. In one version Isaac is whisked away to the Garden of Eden for three years to rehabilitate, presumably mentally as well as physically. According to another, “When Father Isaac was bound on the altar and reduced to ashes… [God] immediately brought upon him dew and revived him.” The site of Isaac’s sacrifice became identified with the Temple in Jerusalem and Isaac himself came to be construed as a willing adult, an exemplar for martyrs (e.g. 4 Macc. 13.12), especially during the persecution of Jews during the Crusades. While many of these associations have become muted for contemporary Jews, the blast of the shofar on High Holidays, continues to recall Isaac’s miraculous deliverance. The early followers of Jesus quickly recognised a powerful affinity between Abraham’s offering of Isaac and God’s sacrifice of his own beloved son. When Paul asserted in his Letter to the Romans that God “did not withhold his own Son, but gave him up for all of us” (8.32), he directly echoed the language of the Hebrew Bible, which praises Abraham for not withholding his son (Genesis 22.12, 16). The Letter to the Hebrews develops another influential line of thought: By faith Abraham, when put to the test, offered up Isaac. He who had received the promises was ready to offer up his only son, of whom he had been told, “It is through Isaac that descendants shall be named for you.” He considered the fact that God is able even to raise someone from the dead—and figuratively speaking, he did receive him back (11.17-19) Abraham’s deed became – first and foremost – a measure of faith; a familiar touchstone in Christian interpretations from Paul to Søren Kierkegaard. While Hebrews does not explicitly link the sacrifice of Isaac to Christ’s resurrection, later interpreters soon cemented this connection. Over the next several centuries, the Church Fathers wrote extensively on Genesis 22, frequently reading it as a prototype for the perfected sacrifice of Christ. Thus, for Saint Augustine, Isaac carrying the wood for the burnt offering anticipated Jesus shouldering the cross on his way to Golgotha. And the ram caught in thicket also became a symbol for the Saviour, “crowned with Jewish thorns before he was offered in sacrifice.” Taking their cue from such typologies, many churches today read Genesis 22 during the Easter Holy Week, when Christians remember Jesus’ sacrifice as the Paschal Lamb. If Genesis 22 is laconic, the Qur’anic rendering of this story is downright hermetic. Here it is in its entirety: And when (his son) was old enough to walk with him, (Abraham) said: O my dear son, I have seen in a dream that I must sacrifice thee. So look, what thinkest thou? He said: O my father! Do that which thou art commanded. Allah willing, thou shalt find me steadfast. Then, when they had both surrendered (to Allah), and he had flung him down upon his face, we called unto him: O Abraham! Thou hast already fulfilled the vision. Lo! Thus do we reward the good. Lo! that verily was a clear test. Then we ransomed him with a tremendous victim (q37.102-107) Certain elements are familiar, but the differences are crucial. Abraham receives God’s call in a dream, and rather than deliberately keeping his son in the dark, he immediately asks his opinion. For his part, the son is less like the naïve Isaac of Genesis and more like the steadfast martyr of midrash. It is not even clear which son is the protagonist. Early Islamic interpreters leaned towards Isaac and imagined the events transpiring near Jerusalem, while later interpreters favored Ishmael, and the Muslim holy city of Mecca as the setting. Although overall Ishmael features as the hero in only slightly more authoritative texts than Isaac, he is the overwhelming consensus among Muslims today. Picking up elements from both Jewish exegesis and pre-Islamic traditions, numerous sources describe Abraham and Isaac or Ishmael stoning Satan as he attempts to dissuade them from their sacrifice. This is the basis for the Hajj ritual in which pilgrims hurl pebbles at stone pillars representing the devil. The pilgrimage culminates with the Eid al- Adha , the Feast of the Sacrifice, in which an animal is slaughtered in memory of Abraham’s trial. While the texts and traditions of the Abrahamic faiths frequently intersect, this trend is even more pronounced when we turn to the visual arts. The binding or sacrifice has featured prominently in ancient synagogue mosaics and Christian funerary art, medieval Hebrews does not explicitly link the sacrifice of Isaac to Christ’s resurrection, later interpreters soon cemented this connection. Over the next several centuries, the Church Fathers wrote extensively on Genesis 22, frequently reading it as a prototype for the perfected sacrifice of Christ. Thus, for Saint Augustine, Isaac carrying the wood for the burnt offering anticipated Jesus shouldering the cross on his way to Golgotha. And the ram caught in thicket also became a symbol for the Saviour, “crowned with Jewish thorns before he was offered in sacrifice.” Taking their cue from such typologies, many churches today read Genesis 22 during the Easter Holy Week, when Christians remember Jesus’ sacrifice as the Paschal Lamb. If Genesis 22 is laconic, the Qur’anic rendering of this story is downright hermetic. Here it is in its entirety: And when (his son) was old enough to walk with him, (Abraham) said: O my dear son, I have seen in a dream that I must sacrifice thee. So look, what thinkest thou? He said: O my father! Do that which thou art commanded. Allah willing, thou shalt find me steadfast. Then, when they had both surrendered (to Allah), and he had flung him down upon his face, we called unto him: O Abraham! Thou hast already fulfilled the vision. Lo! Thus do we reward the good. Lo! that verily was a clear test. Then we ransomed him with a tremendous victim (q37.102-107) Certain elements are familiar, but the differences are crucial. Abraham receives God’s call in a dream, and rather than deliberately keeping his son in the dark, he immediately asks his opinion. For his part, the son is less like the naïve Isaac of Genesis and more like the steadfast martyr of midrash. It is not even clear which son is the protagonist. Early Islamic interpreters leaned towards Isaac and imagined the events transpiring near Jerusalem, while later interpreters favored Ishmael, and the Muslim holy city of Mecca as the setting. Although overall Ishmael features as the hero in only slightly more authoritative texts than Isaac, he is the overwhelming consensus among Muslims today. Picking up elements from both Jewish exegesis and pre-Islamic traditions, numerous sources describe Abraham and Isaac or Ishmael stoning Satan as he attempts to dissuade them from their sacrifice. This is the basis for the Hajj ritual in which pilgrims hurl pebbles at stone pillars representing the devil. The pilgrimage culminates with the Eid al- Adha , the Feast of the Sacrifice, in which an animal is slaughtered in memory of Abraham’s trial. While the texts and traditions of the Abrahamic faiths frequently intersect, this trend is even more pronounced when we turn to the visual arts. The binding or sacrifice has featured prominently in ancient synagogue mosaics and Christian funerary art, medieval Hebrews does not explicitly link the sacrifice of Isaac to Christ’s resurrection, later interpreters soon cemented this connection. Over the next several centuries, the Church Fathers wrote extensively on Genesis 22, frequently reading it as a prototype for the perfected sacrifice of Christ. Thus, for Saint Augustine, Isaac carrying the wood for the burnt offering anticipated Jesus shouldering the cross on his way to Golgotha. And the ram caught in thicket also became a symbol for the Saviour, “crowned with Jewish thorns before he was offered in sacrifice.” Taking their cue from such typologies, many churches today read Genesis 22 during the Easter Holy Week, when Christians remember Jesus’ sacrifice as the Paschal Lamb. If Genesis 22 is laconic, the Qur’anic rendering of this story is downright hermetic. Here it is in its entirety: And when (his son) was old enough to walk with him, (Abraham) said: O my dear son, I have seen in a dream that I must sacrifice thee. So look, what thinkest thou? He said: O my father! Do that which thou art commanded. Allah willing, thou shalt find me steadfast. Then, when they had both surrendered (to Allah), and he had flung him down upon his face, we called unto him: O Abraham! Thou hast already fulfilled the vision. Lo! Thus do we reward the good. Lo! that verily was a clear test. Then we ransomed him with a tremendous victim (q37.102-107) Certain elements are familiar, but the differences are crucial. Abraham receives God’s call in a dream, and rather than deliberately keeping his son in the dark, he immediately asks his opinion. For his part, the son is less like the naïve Isaac of Genesis and more like the steadfast martyr of midrash. It is not even clear which son is the protagonist. Early Islamic interpreters leaned towards Isaac and imagined the events transpiring near Jerusalem, while later interpreters favored Ishmael, and the Muslim holy city of Mecca as the setting. Although overall Ishmael features as the hero in only slightly more authoritative texts than Isaac, he is the overwhelming consensus among Muslims today. Picking up elements from both Jewish exegesis and pre-Islamic traditions, numerous sources describe Abraham and Isaac or Ishmael stoning Satan as he attempts to dissuade them from their sacrifice. This is the basis for the Hajj ritual in which pilgrims hurl pebbles at stone pillars representing the devil. The pilgrimage culminates with the Eid al- Adha , the Feast of the Sacrifice, in which an animal is slaughtered in memory of Abraham’s trial. While the texts and traditions of the Abrahamic faiths frequently intersect, this trend is even more pronounced when we turn to the visual arts. The binding or sacrifice has featured prominently in ancient synagogue mosaics and Christian funerary art, medieval Hebrews does not explicitly link the sacrifice of Isaac to Christ’s resurrection, later interpreters soon cemented this connection. Over the next several centuries, the Church Fathers wrote extensively on Genesis 22, frequently reading it as a prototype for the perfected sacrifice of Christ. Thus, for Saint Augustine, Isaac carrying the wood for the burnt offering anticipated Jesus shouldering the cross on his way to Golgotha. And the ram caught in thicket also became a symbol for the Saviour, “crowned with Jewish thorns before he was offered in sacrifice.” Taking their cue from such typologies, many churches today read Genesis 22 during the Easter Holy Week, when Christians remember Jesus’ sacrifice as the Paschal Lamb. If Genesis 22 is laconic, the Qur’anic rendering of this story is downright hermetic. Here it is in its entirety: And when (his son) was old enough to walk with him, (Abraham) said: O my dear son, I have seen in a dream that I must sacrifice thee. So look, what thinkest thou? He said: O my father! Do that which thou art commanded. Allah willing, thou shalt find me steadfast. Then, when they had both surrendered (to Allah), and he had flung him down upon his face, we called unto him: O Abraham! Thou hast already fulfilled the vision. Lo! Thus do we reward the good. Lo! that verily was a clear test. Then we ransomed him with a tremendous victim (q37.102-107) Certain elements are familiar, but the differences are crucial. Abraham receives God’s call in a dream, and rather than deliberately keeping his son in the dark, he immediately asks his opinion. For his part, the son is less like the naïve Isaac of Genesis and more like the steadfast martyr of midrash. It is not even clear which son is the protagonist. Early Islamic interpreters leaned towards Isaac and imagined the events transpiring near Jerusalem, while later interpreters favored Ishmael, and the Muslim holy city of Mecca as the setting. Although overall Ishmael features as the hero in only slightly more authoritative texts than Isaac, he is the overwhelming consensus among Muslims today. Picking up elements from both Jewish exegesis and pre-Islamic traditions, numerous sources describe Abraham and Isaac or Ishmael stoning Satan as he attempts to dissuade them from their sacrifice. This is the basis for the Hajj ritual in which pilgrims hurl pebbles at stone pillars representing the devil. The pilgrimage culminates with the Eid al- Adha , the Feast of the Sacrifice, in which an animal is slaughtered in memory of Abraham’s trial. While the texts and traditions of the Abrahamic faiths frequently intersect, this trend is even more pronounced when we turn to the visual arts. The binding or sacrifice has featured prominently in ancient synagogue mosaics and Christian funerary art, medieval Hebrews does not explicitly link the sacrifice of Isaac to Christ’s resurrection, later interpreters soon cemented this connection. Over the next several centuries, the Church Fathers wrote extensively on Genesis 22, frequently reading it as a prototype for the perfected sacrifice of Christ. Thus, for Saint Augustine, Isaac carrying the wood for the burnt offering anticipated Jesus shouldering the cross on his way to Golgotha. And the ram caught in thicket also became a symbol for the Saviour, “crowned with Jewish thorns before he was offered in sacrifice.” Taking their cue from such typologies, many churches today read Genesis 22 during the Easter Holy Week, when Christians remember Jesus’ sacrifice as the Paschal Lamb. If Genesis 22 is laconic, the Qur’anic rendering of this story is downright hermetic. Here it is in its entirety: And when (his son) was old enough to walk with him, (Abraham) said: O my dear son, I have seen in a dream that I must sacrifice thee. So look, what thinkest thou? He said: O my father! Do that which thou art commanded. Allah willing, thou shalt find me steadfast. Then, when they had both surrendered (to Allah), and he had flung him down upon his face, we called unto him: O Abraham! Thou hast already fulfilled the vision. Lo! Thus do we reward the good. Lo! that verily was a clear test. Then we ransomed him with a tremendous victim (q37.102-107) Certain elements are familiar, but the differences are crucial. Abraham receives God’s call in a dream, and rather than deliberately keeping his son in the dark, he immediately asks his opinion. For his part, the son is less like the naïve Isaac of Genesis and more like the steadfast martyr of midrash. It is not even clear which son is the protagonist. Early Islamic interpreters leaned towards Isaac and imagined the events transpiring near Jerusalem, while later interpreters favored Ishmael, and the Muslim holy city of Mecca as the setting. Although overall Ishmael features as the hero in only slightly more authoritative texts than Isaac, he is the overwhelming consensus among Muslims today. Picking up elements from both Jewish exegesis and pre-Islamic traditions, numerous sources describe Abraham and Isaac or Ishmael stoning Satan as he attempts to dissuade them from their sacrifice. This is the basis for the Hajj ritual in which pilgrims hurl pebbles at stone pillars representing the devil. The pilgrimage culminates with the Eid al- Adha , the Feast of the Sacrifice, in which an animal is slaughtered in memory of Abraham’s trial. While the texts and traditions of the Abrahamic faiths frequently intersect, this trend is even more pronounced when we turn to the visual arts. The binding or sacrifice has featured prominently in ancient synagogue mosaics and Christian funerary art, medieval over a bolster. Compared to the hand of Rembrandt’s Abraham, clamped like an octopus over Isaac’s face, the executioner’s hand rests almost gingerly across her victim’s throat. The young women in this tableau may be acting out the patriarchal roles assigned to them, but they do so dispassionately, rather than fired by religious fervor, like Rembrandt’s Abraham. And instead of the knife that plummets towards Isaac in Rembrandt, in Topçuoğlu the executioner brandishes the sharp edge of a book. But is the book ultimately any less dangerous? Is it any less of a weapon? The real violence, Topçuoğlu suggests, is hermeneutic: the way in which we interpret our holy books. As disturbing as Abraham’s readiness to sacrifice his son may be, his most dubious and enduring legacy may be his literalism.Perhaps it is fitting that we should look to an image to show us what is at stake in the relations between the “People of the Book”. Calls for dialogue between the Abrahamic faiths frequently begin with the assertion that what binds together Jews, Christians, and Muslims is, above all, their scriptural heritage. This emphasis has yielded some valuable insights into the intersecting traditions and practices of these religions, and stimulated interfaith exchange. Despite this rich textual legacy, however, these faiths are also people of the image . If we are willing to open our eyes to this fact, we will discover that visual art has an essential role to play in inter-religious dialogue. Art has the capacity to challenge fundamental preconceptions about the sacrifice of Isaac and Ishmael as a paradigm of faith and obedience. Together, Chagall, Kadishman, Mansour, and Topçuoğlu encourage us to pry open new spaces within accepted narratives, inhabiting received texts and traditions from different positions. If Abraham might look askance at such endeavors, perhaps his sons, and their mothers, would see things differently. The poet Eleanor Wilner imagines Sarah asking Isaac to run away with her on the eve of the Akedah, to join Hagar and Ishmael in exile, far away from Abraham. “But Ishmael,” said Isaac, “How should I greet him?” “As you greet yourself,” she said, “when you bend over the well to draw water and see your image, not knowing it reversed. You must know your brother now, or you will see your own face looking back the day you’re at each other’s throats.” The act of looking, as Sarah intuitively understands, is not merely incidental to dialogue, it is at its very heart. For Isaac and Ishmael – and their latter day descendants – the consequences of dis- regarding the Other can be fatal. Art may not be able to present us with a portrait of Abraham we can all agree on, but it can train us to see difference in a new light. —

Voir encore:

Le sociologue Gerald Bronner : notre société doit accepter le risque

Déjà auteur d’un livre remarqué sur la dérégulation des médias, « La démocratie des crédules », le sociologue Gérald Bronner s’interroge dans un nouvel ouvrage, « La planète des hommes », sur le rejet par la société moderne de l’idée de risque et l’excès du principe de précaution.

Boris Le Ngoc

Energie/Expansion

-SFEN
22 octobre 2014

Voir son interview intégrale sur le blog de la SFEN

Extraits :

Notre société est-elle gouvernée par « l’idéologie de la peur » ?

L’idéologie de la peur est devenue extrêmement présente dans l’esprit de nos concitoyens. On trouve notamment des traces de cette idéologie dans les fictions hollywoodiennes qui nous décrivent des apocalypses écologiques. A la différence des années 50 où les apocalypses étaient fondées sur l’imaginaire des soucoupes volantes ou de la guerre thermonucléaire, aujourd’hui la fin des temps viendra de l’action de l’homme et des conséquences désastreuses de cette action.

La caractéristique de cette idéologie de la peur, c’est la crainte a priori que l’action de l’homme puisse conduire à des déséquilibres de la nature. Cette crainte peut se muer en une détestation de l’homme, vu comme « vorace », et de son action, ce que j’appelle « l’anthrophobie ».

La loi sur la transition énergétique s’inscrit-elle dans cette idéologie ?

La loi sur la transition énergétique s’inscrit dans un fait historique qui est celui de la question climatique. Une question réelle, qu’il faut prendre au sérieux, mais qui sert en quelque sorte d’otage à cette idéologie de la peur. Sur la base des dérèglements climatiques, et des conséquences désastreuses qui ne manqueront pas de survenir, on en infère des scénarios apocalyptiques qui devraient suspendre toutes nos actions y compris nos actions technologiques.

Or, je pense qu’il y a un grand danger à suspendre nos actions : c’est celui de ne pas penser les conséquences catastrophiques de notre inaction. En ce sens, la loi sur la transition énergétique tient compte d’un certain nombre d’enjeux idéologiques qui cherchent à regrouper des considérations opportunistes et qui n’ont pas grand-chose à faire ensemble. Par exemple, plafonner la production nucléaire en France est problématique si on considère que le but est de lutter contre les énergies émettrices de gaz à effet de serre. Dans ce cas, pourquoi ne pas plus se préoccuper d’autres énergies comme le gaz ou le pétrole ?
(…)

Est-il possible de réenchanter le risque ?

C’est non seulement possible mais c’est absolument nécessaire. Je suis assez préoccupé du fait que toute l’idéologie contemporaine nous oriente vers les conséquences possibles de notre action. Si nous devons être comptables des conséquences de notre action, cette idéologie nous rend totalement aveugle quant aux conséquences possibles de notre inaction. Celle-ci pourrait avoir des coûts cataclysmiques.

Par exemple, pour le vaccin, on constate que la couverture maximale baisse y compris dans notre pays et qu’augmentent les craintes concernant le vaccin. En 2000, 9 % des français se méfiaient des vaccins, ils sont près de 40 % en 2010. Cette méfiance aura des conséquences terribles sur les générations futures.

(…) Ces questions ne peuvent avoir que des réponses technologiques. Or, ces réponses technologiques, nous ne les avons pas encore. Toute tentative d’enfermement des technologies du présent pourrait constituer un drame pour les générations futures. En d’autres termes, bâillonner le présent, c’est désespérer le futur.

Le réenchantement du risque passe par une première étape celui de la conscience que le risque zéro n’existe pas. En effet, chacune de nos actions charrie une part incompressible de risque. La seconde étape consiste à dire que nous ne pouvons pas ne pas prendre de risque et qu’il n’y a pas de plus grand risque que celui de ne pas en prendre. A partir de là, il nous faut gérer de manière beaucoup plus raisonnable le rapport des coûts et des bénéfices de toute innovation technologique.
(…)

Gérald Bronner est professeur de sociologie à l’université Paris Diderot.
« La planète des hommes » (réenchanter le risque) est publié aux PUF.

Voir de plus:

Fabrice Hadjadj: « À l’heure où l’ange de la mort passe dans les villes, Pâques prend toute sa force »

ENTRETIEN – Tandis que les chrétiens vont vivre Pâques confinés et sans sacrements, le philosophe voit dans la privation de rites religieux l’occasion de redécouvrir leur prix.

Eugénie Bastié
Le Figaro

Fabrice Hadjadj est philosophe, directeur de l’Institut Philanthropos, lieu de formation à l’anthropologie chrétienne situé à Fribourg, en Suisse.

Dernier ouvrage paru: À moi la gloire (Éditions Salvator, 2019, 160 pages, 15 €).


Comme la peste chez Sophocle, l’épidémie de coronavirus nous ramène à la dimension tragique de notre condition: la confrontation avec un mal irréductible, explique avec élévation le philosophe. Tandis que les chrétiens vont vivre Pâques confinés et sans sacrements, comment éviter la victoire du virtuel sur le charnel?

«Le confinement peut nous perdre dans nos tablettes, mais il est aussi l’occasion de réinventer la table familiale et de retrouver le sens d’une culture toujours plus neuve que nos innovations», observe Fabrice Hadjadj. Et le penseur voit dans la privation de rites pour les chrétiens l’occasion de redécouvrir leur prix.

LE FIGARO. – L’une des premières représentations de la peste se trouve dans Œdipe roi de Sophocle. L’Occident voit-il avec le coronavirus le « retour du tragique », comme on l’entend beaucoup?

Fabrice HADJADJ. – Œdipe roi s’ouvre en effet sur la peste de Thèbes. Le peuple meurt, et l’oracle déclare que ce fléau a été envoyé parce que le meurtrier de Laïos court toujours. Œdipe va donc mener l’enquête pour découvrir qui a tué son prédécesseur sur le trône. Dès l’Antiquité, Sophocle invente une «detective story» ultramoderne, où l’enquêteur découvre qu’il est lui-même l’assassin, et que l’assassin est pire qu’on ne l’imagine au départ, puisqu’il s’avère parricide et incestueux. Cela ne suffit pas, cependant, à faire entrer dans le tragique.

Une telle histoire pourrait aussi bien relever de l’absurde ou du méchant fait divers. Ce qui fait le tragique d’une situation, ce ne sont pas les faits comme tels, mais la manière dont nous les lisons. L’épidémie peut être traitée de manière statistique – ou mélodramatique. C’est ce que l’on entend le plus souvent: un discours qui oscille entre le calcul et l’émotion. Il y a bien sûr aussi les vidéo-gags sur le confinement, qui tournent la chose à la farce, ou encore, à l’extrême opposé, le travail des microbiologistes, pour qui c’est un défi thérapeutique. Je ne méprise pas ces perspectives, qui ont chacune leur temps et leur nécessité.

La tragédie, ultimement, nous dit que la plus grande dignité de l’homme est dans ce déchirement vertical, qui vient questionner jusqu’aux sources de la vie

Je dis seulement que le tragique implique autre chose, et, d’abord, un cheminement de l’extérieur vers l’intérieur: Œdipe essaie de remédier à la peste, mais il ne se contente pas de prendre des mesures sanitaires, il rentre en lui-même, il médite sur sa propre destinée. Ensuite, le tragique suppose la confrontation à un mal irréductible: il ne suffit pas de désigner les coupables, car le coupable, ici, est aussi une victime, la peste frappe tout le monde, et ceux qui en sont préservés, comme Œdipe, découvrent en eux un mal encore plus grand.

Enfin, et c’est le point le plus important, puisque le roi se montre ici à jamais fragile et qu’aucun progrès ne pourra en finir avec le drame, il n’y a pas de solution définitive, il ne nous reste qu’une supplication sans réponse, une interpellation du ciel et des dieux, à la limite de la révolte et de l’abandon. La tragédie, ultimement, nous dit que la plus grande dignité de l’homme est dans ce déchirement vertical, qui vient questionner jusqu’aux sources de la vie.

Vous venez d’évoquer la lecture statistique. Chaque fin de journée, nous avons droit au décompte macabre des morts dans le monde entier. Que penser de cette épidémie des chiffres et du rapport à la mort qu’elle institue?

Ce que nous vivons n’est pas simplement une pandémie mondiale, mais une pandémie numérique, où les effets du virus sont relayés par une information dite virale. Nous sommes confinés comme des poissons rouges, mais sur les parois de notre bocal nous n’arrêtons pas de consulter les chiffres de la surmortalité, en attendant que l’hameçon de la maladie vienne nous attraper et nous fasse basculer dans un autre monde.

On découvre, avec les problèmes de ravitaillement, que l’agriculture est plus fondamentale que la haute finance, et l’œuvre des soignants plus essentielle que celle des winners

On s’aperçoit soudain que ce qui n’était qu’une unité dans un compte est un nom propre avec un visage. On passe d’un coup de la prophylaxie à l’asphyxie, du statistique au dramatique. Dans la Bible, la peste s’abat sur Israël parce que David a voulu recenser son peuple, c’est-à-dire ne plus le considérer dans la singularité de ses personnes, de ses familles et de ses tribus, mais comme un grand ensemble manipulable. Aujourd’hui, c’est la peste elle-même qui induit des recensements sans fin, à la fois hypnotiques et anxiogènes.

Pendant ce temps, du fait de l’isolement des personnes âgées et des consignes de distanciation sociale, le mourant se voit dépouillé de son entourage au profit de l’assistance de la chimie et des machines, et le mort, privé de rites funéraires au profit du four crématoire. Sous ce rapport, l’épidémie ne fait qu’intensifier et dévoiler une structure qui était déjà là, et que l’on pourrait qualifier de structure techno-émotionnelle: face à la mort, on ne sait plus rien faire d’autre que de passer d’une gestion technologique qui nous permet de surnager, à une émotion qui brusquement nous noie.

Nous sommes confinés et, en même temps, nous n’avons jamais été aussi connectés. Cette crise signe-t-elle le triomphe du virtuel sur le charnel?

Une crise ne produit pas des effets univoques. En termes de médecine, elle est état transitoire du patient, et peut être heureuse ou funeste, parce qu’elle débouche soit sur la guérison soit sur la mort. Les geeks vivaient déjà confinés derrière leurs écrans. Est-ce leur victoire, ou la preuve qu’ils vivaient déjà comme des malades? L’industrie des applications mobiles est en pleine forme, et le patron de Netflix peut se frotter les mains, mais on découvre aussi, avec les problèmes de ravitaillement, que l’agriculture est plus fondamentale que la haute finance, et l’œuvre des soignants plus essentielle que celle des winners. Hier, on parlait beaucoup de transhumanisme.

Vivre la Pâque dans cette privation, c’est aussi reconnaître que le christianisme n’est pas un spiritualisme, mais une religion de l’Incarnation, où le plus spirituel rejoint le plus charnel

L’épidémie nous ramène à la condition humaine, à notre mortalité, à la précarité de nos existences. Soudain Thucydide redevient notre contemporain, puisqu’il a traversé la peste d’Athènes. Sophocle, Bocacce, Manzoni, Giono ou Camus se révèlent plus actuels que nos actualités, parce qu’ils témoignent de ce qui appartient de manière indépassable à la chair de l’homme. Le confinement peut nous perdre dans nos tablettes, mais il est aussi l’occasion de réinventer la table familiale, et de retrouver le sens d’une culture toujours plus neuve que nos innovations – de même que le printemps restera toujours plus neuf que nos derniers gadgets.

Nous entrons dans le triduum pascal, ces trois jours qui vont de la messe du soir le Jeudi saint (la Cène) au dimanche de Pâques (la Résurrection). La virtualisation des rites ne nous fait-elle pas mieux sentir le prix de la communion et des églises?

S’il y a quelque chose qu’on ne peut virtualiser, c’est le rite chrétien. Les sacrements exigent une proximité physique. Ils communiquent la grâce par mode de contagion, de proche en proche, parce que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain. C’est pourquoi, l’épidémie se propageant de la même façon, les fidèles ont été privés de l’eucharistie…

L’an dernier, au début de la semaine sainte, c’était l’incendie de Notre-Dame : l’édifice incomparable brûlait, mais le rituel était intact

Comme l’Église fait normalement obligation de communier au moins à Pâques, certains ont jugé bon de discuter cette mesure, voire de la braver. Je préfère la penser. Vivre la Pâque dans cette privation, c’est aussi reconnaître que le christianisme n’est pas un spiritualisme, mais une religion de l’Incarnation, où le plus spirituel rejoint le plus charnel, où le don de la grâce passe par un prêtre balourd, près d’un voisin antipathique, en mastiquant un insipide bout de pain.

L’an dernier, au début de la semaine sainte, c’était l’incendie de Notre-Dame: l’édifice incomparable brûlait, mais le rituel était intact. À présent, sans rien de spectaculaire, mais de manière plus profonde, c’est le rituel lui-même qui est atteint. Le drame est plus grand, même s’il se voit moins. Mais si grand que soit le drame, c’est encore de cela que parle le sacrifice de la Croix. Sous le rapport, non pas du rite, mais de ce à quoi il renvoie, en cette heure où l’ange de la mort passe à travers les villes, la Pâque nous rejoint dans toute sa force. Judas transmet la mort par un baiser. Pilate se lave les mains avec du gel hydroalcoolique. Jésus demande: Mon Dieu, pourquoi? Et il ne lui est pas répondu.

Mais si nous crions ainsi sous le mal, c’est que nous avons d’abord vu la bonté de la vie. Comme le dit Rilke dans ce vers que je ne me lasse pas de répéter: «Seule la louange ouvre un espace à la plainte». Nous ne pouvons gémir devant ce qui nous détruit que parce que nous célébrons ce qui nous porte. L’envers du cri, si désespéré soit-il, est encore un appel à l’espérance. La nuit nous fait horreur parce que nous avons goûté à la beauté du jour, mais la perte de cette lumière, qui nous fait si mal, nous suggère aussi qu’au bout de la nuit noire l’aurore finit par poindre, plus poignante que jamais.

Voir enfin:

Les animaux aussi se sacrifient

Réformés
1 mars 2018
ALTRUISME
Chez certaines espèces de fourmis, d’abeilles, d’oiseaux ou de mammifères, on observe des comportements altruistes qui ressemblent à des sacrifices personnels. Mais il est délicat de comparer ces actes avec les attitudes humaines.

Nous les êtres humains n’avons pas le monopole des comportements de sacrifice. Au contraire, les attitudes altruistes sont très prononcées chez certaines espèces d’insectes, dont les hyménoptères sociaux. Fourmis, abeilles et termites forment des colonies gigantesques au sein desquelles certains individus se sacrifient pour la survie de la communauté. L’abeille ouvrière, par exemple, meurt en piquant un intrus dans la ruche, car elle ne peut retirer son dard cranté planté dans la chair de son adversaire.

Apparente moralité

Faut-il dès lors supposer qu’il existe une morale chez les insectes? Ces derniers sont-ils doués d’une volonté généreuse envers leur prochain? Ni Christine Clavien, philosophe des sciences à l’Université de Genève, ni Laurent Keller, spécialiste mondialement connu des insectes sociaux à l’Université de Lausanne, ne le croient une seule seconde! «Un comportement semblable chez les humains et les insectes n’appelle pas la même explication dans les deux cas», précise d’emblée Christine Clavien.

«L’explication des attitudes sacrificielles chez les insectes est d’ordre génétique», explique Laurent Keller, «elle ne suppose aucune décision libre de la part des individus. Le comportement altruiste de ces animaux est déterminé par leurs gènes en raison de l’avantage reproductif qu’il confère à l’ensemble de la colonie. Derrière ces comportements d’apparence altruiste se cache la logique implacable de la transmission des gènes, commandée par la sélection naturelle».

Oiseaux, mammifères et humains

L’attitude des oiseaux et des mammifères, qui prennent soin de leurs petits parfois jusqu’à l’épuisement et en prenant des risques énormes, fonctionne différemment de celle des insectes. Ces animaux sont dotés d’une intelligence qui leur permet de faire des choix plus complexes, et les mammifères sont, comme les humains, doués d’émotions. Pourtant, Laurent Keller souligne qu’en biologie, on ne parle pas d’altruisme lorsqu’il s’agit d’un sacrifice réalisé en faveur de ses petits. Tout ce qui permet d’augmenter sa «fitness reproductive», c’est-à-dire la transmission de ses gènes à sa descendance directe, n’est pas réellement altruiste. Un comportement est appelé altruiste en biologie «uniquement lorsqu’il diminue le nombre de bébés qu’un individu va générer, à la faveur d’un autre», clarifie le biologiste.

Même ainsi définis, les comportements altruistes concernent des milliers d’espèces animales, dont… l’être humain. Selon Laurent Keller, «nous sommes le produit de nos gènes comme les autres espèces animales», mais le chercheur reconnaît que «nous devons être responsables de nos actes». Christine Clavien considère aussi que nos sentiments d’empathie ont une base génétique, mais à ses yeux «nos choix conscients nous permettent de dépasser nos pulsions biologiques, pour le meilleur et pour le pire».

Voir enfin:

Taguieff : « Une démonologie populaire se forme sous nos yeux sur les réseaux sociaux »
Conspiracy watch
25 mars 2020

Depuis quelques jours, on assiste au partage massif, sur les réseaux sociaux, de posts (ici, là ou encore là) accusant Agnès Buzyn, son époux Yves Lévy ou encore l’actuel directeur général de la santé, Jérôme Salomon, d’avoir une responsabilité majeure dans l’épidémie de coronavirus actuelle quand on ne leur reproche pas carrément d’avoir comploté pour l’aggraver ou même de l’avoir créée de toutes pièces. Des montages violemment antisémites accompagnent cette fièvre inquisitrice.

Conspiracy Watch : Avec l’apparition de la pandémie de coronavirus, on pouvait raisonnablement s’attendre à une circulation importante de contenus à caractère conspirationniste. Mais les théories du complot qui sont apparues semblent aussi aller de pair avec la réactivation de très anciens lieux communs antisémites. Qu’est-ce que cela nous dit de l’époque ?

Pierre-André Taguieff : Cette flambée de judéophobie confirme l’hypothèse selon laquelle, dans les situations d’incertitude et de désarroi, lorsque se propage le sentiment d’une menace et que les explications officielles ne satisfont pas l’opinion, les Juifs sont accusés d’être liés d’une manière ou d’une autre au phénomène qui provoque des peurs, voire des paniques. Par ailleurs, en dehors même des situations de crise, la défiance des citoyens à l’égard des élites dirigeantes et des médias ne cesse de croître. Or, le manque de confiance favorise la diffusion des récits complotistes prétendant dévoiler des vérités cachées sur les causes des événements inquiétants et ainsi répondre au besoin d’explication. On observe que, dans ces récits pseudo-explicatifs et accusatoires, les Juifs (ou les « sionistes ») jouent souvent un rôle majeur. Lorsque, dans une situation de crise profonde, les élites du pouvoir sont d’origine juive, elles deviennent des cibles privilégiées pour les chasseurs de responsables et de coupables.

S’il est vrai qu’il n’y a pas de croyances conspirationnistes sans événements déclencheurs, l’épidémie de coronavirus constitue l’événement déclencheur parfait, en ce qu’elle cumule un certain nombre de traits : elle est perçue comme un phénomène important, menaçant, ambigu, inexpliqué ou mal expliqué. Il s’agit à la fois d’expliquer l’apparition du phénomène anxiogène et de se défendre contre la menace qu’il représente, en désignant ceux qu’on suppose incarner la causalité diabolique. Dans la mise en accusation d’Agnès Buzyn, d’Yves Lévy et de Jérôme Salomon, dont la commune judéité est soulignée par les caricaturistes, la dénonciation complotiste s’entrecroise avec une incrimination de complicité dans une opération criminelle, dans laquelle on peut voir une forme dérivée de l’accusation de meurtre rituel. Résurgence d’une mentalité archaïque.
Post accusant Agnès Buzyn, Yves Lévy et Jérôme Salomon de comploter contre la santé publique (Twitter, 23/03/2020).

La cause cachée est en dernière analyse le diable, le principe du Mal. La logique du raisonnement complotiste inclut le biais de proportion, qui pousse le sujet à croire que de « grandes » et terribles conséquences (« l’enfer sur terre », une crise mondiale, la « fin d’une époque », la fin d’une civilisation) ne peuvent être engendrées que par de « grandes », puissantes et terribles causes (Satan, « le Juif », « les sionistes », le Capital, la CIA, « les élites », etc.). Depuis les années 1950, une analyse comparée de la littérature complotiste occidentale permet d’établir que les complots des puissants ou des dominants sont devenus plus crédibles que les complots des minorités actives ou des sociétés secrètes subversives, privilégiés à la fin du XVIIIe siècle ainsi qu’au cours du XIXe.

L’âge de l’information globalisée et du libéralisme cognitif est aussi celui de la circulation planétaire de l’information erronée, trompeuse et manipulée, celui de la désinformation et de la mésinformation. Il est à bien des égards l’âge de la conspiration comme réalité et comme représentation, car ceux qui dénoncent compulsivement les complots rêvent de comploter et parfois passent à l’acte. Les croyances complotistes constituent notre mythologie, dans laquelle les démons de divers types ont chassé les dieux. Une démonologie populaire se forme sous nos yeux sur les réseaux sociaux. Or, l’on constate que cette démonologie contient une dimension judéophobe dont la visibilité et la virulence sont plus ou moins grandes selon les contextes.

CW : Est-ce que cela étonne l’historien des idées et des mythes modernes que vous êtes ?

P-A T. : Je ne vous étonnerai pas en vous disant que non. Le concept de causalité diabolique, modèle élaboré par l’historien Léon Poliakov, est ici fort éclairant. Il permet de comprendre pourquoi les complotistes excluent à la fois le hasard et les causes naturelles de leurs modes d’explication des phénomènes dérangeants et inquiétants : non seulement rien n’arrive par accident, mais tous les événements malheureux sont les résultats d’intentions ou de volontés cachées, qui peuvent être liées à des entreprises criminelles. L’étude des accusations de meurtre rituel conduit à distinguer, parmi les modes de diabolisation des Juifs, ceux qui sont centrés sur le projet d’une domination du monde et ceux qui tournent autour d’une pulsion meurtrière visant les non-Juifs. Si les mythes complotistes se nourrissent du fantasme du Juif dominateur et conspirateur, visant la puissance mondiale, les mythes construits sur la base de l’accusation de meurtre rituel sont structurés par l’idée selon laquelle les Juifs poursuivent, en raison de leur nature – leurs instincts sanguinaires – ainsi que des enseignements secrets de leur religion – supposés consignés dans le Talmud –, l’élimination physique des non-Juifs. S’y greffe souvent l’attribution aux Juifs de plans secrets pour obtenir divers avantages ou faire des profits au détriment des non-Juifs. Les Juifs apparaissent alors comme un groupe soudé par la poursuite d’intérêts ou d’objectifs communs et inavouables. Le stéréotype du Juif exploiteur et parasite entre en synthèse avec celui du Juif conspirateur et criminel.

Parmi les formes dérivées du mythe, qui prolifèrent dans des contextes de crise sanitaire, on trouve des énoncés selon lesquels « les Juifs » auraient créé le virus du SIDA, le virus H1N1 (responsable de la grippe A) ou le Covid-19 pour réaliser tel ou tel objectif criminel. Il en va ainsi de l’accusation, lancée le 26 février 2020 au moment de l’épidémie de coronavirus, par un « analyste politique » irakien, Muhammad Sadeq al-Hashemi : « Le coronavirus est un complot juif américain financé par Rothschild pour réduire la population mondiale. » Confirmation et condensation de quatre stéréotypes antijuifs : les Juifs sont riches, puissants, conspirateurs et criminels. Ils sont capables de créer et de propager un « tueur de masse » tel qu’un virus.

Mais le peuple juif n’a-t-il pas été lui-même assimilé à un bacille ou à un virus ? « L’éternel bacille de l’humanité », comme le désignait Hitler en 1928 dans le « Second Livre ». Hitler définissait « le Juif » comme l’« ennemi mortel » (Todfeind) et l’assimilait au virus porteur d’une maladie mortelle en recourant à la métaphore du « parasite » destructeur (le Juif comme agent infectieux, « virus » ou « bacille »). Le 22 février 1942, dans l’une de ses « conversations secrètes » recueillies sous la direction de Martin Bormann entre 1941 et 1944, Hitler revient sur le traitement qu’il réserve à l’ennemi juif en mimant le langage biomédical, montrant qu’il prenait à la lettre la métaphore virologique :

« C’est l’une des plus grandes révolutions qui aient jamais eu lieu au monde. Le Juif va être connu ! Un combat identique à celui que Pasteur et Koch ont dû mener doit aujourd’hui être livré par nous. Des maladies sans nombre sont dues au même bacille : le Juif ! […]. Nous guérirons si nous éliminons le Juif. »

Un autre exemple d’accusation dérivée, fondée sur la pathologisation du peuple juif assimilé à un virus, est fourni par la déclaration faite le 8 mars 2020 sur Yarmouk TV, la chaîne de télévision jordanienne affiliée aux Frères musulmans, par le cheikh Ahmad al-Shahrouri : « Est-il normal de parler du coronavirus parce que c’est l’actualité brûlante, et d’oublier les Juifs, qui sont plus dangereux que le sida, le coronavirus, le choléra et toutes les maladies de ce monde ? » Et le prédicateur d’adresser ce conseil à ses « frères » : « Pour être épargnés de ces maladies mortelles, nous devrions tous nous souvenir du djihad. Le djihad est un moyen de purification. » Le djihad est présenté comme le seul bon remède contre le « virus juif ».
Caricature antisémite postée le 22 mars 2020 sur le forum 4chan.

Du côté de l’extrême droite raciste, on relève la déclaration par laquelle Henry de Lesquen, invité par le groupuscule identitaire Résistance helvétique, a commencé sa conférence sur la « question raciale » à Aigle (Suisse) le 7 mars 2020 : « Il y a pire que le coronavirus : le judéovirus. » La représentation de l’invisibilité de « l’ennemi », qui fait partie du code culturel de l’antisémitisme moderne, facilite le recours à la métaphore polémique du « virus » pour accuser les Juifs. Le fantasme du « Juif invisible » hante en effet l’imaginaire judéophobe tel qu’il s’est reconfiguré à l’âge de l’émancipation et du projet normatif d’assimilation totale des Juifs, alimentant le soupçon qu’ils jouent un double jeu (assimilation apparente/persistance réelle). Rappelons la hantise d’Édouard Drumont, dans La France juive (1886) : « Le Juif dangereux, c’est le Juif vague (…) ; c’est l’animal nuisible par excellence et en même temps l’animal insaisissable (…). Il est le plus puissant agent de trouble que jamais la terre ait produit. » Plus le Juif est invisible – ou est perçu comme tel –, et plus l’hostilité des antijuifs s’intensifie en glissant vers une vision paranoïaque : puisqu’on ne les voit nulle part, c’est donc que « les Juifs sont partout » et qu’ils agissent dans l’ombre, « contre nous ».

Un paradoxe est cependant à noter : dans cette configuration mythologique, les Juifs sont accusés de vouloir détruire le « matériel » humain dont ils ont besoin pour leurs rituels, pour satisfaire leurs pulsions criminelles ou pour faire des profits en les parasitant. Ce paradoxe s’ajoute à celui qui consiste à accuser les Juifs d’être mus par une volonté de dominer tous les peuples non juifs et à les accuser en même temps de vouloir exterminer ces derniers. Mais, tout comme l’inconscient, la pensée mythique ignore les contradictions formelles.

CW : Quelle est l’origine de ces accusations ?

P-A T. : Il faut remonter à l’accusation de « meurtre rituel » portée contre les Juifs, qui constitue l’un des plus anciens mythes antijuifs, plus ancien que le mythe du complot juif. Cette accusation a surgi en même temps que celle de « haine du genre humain », dont on trouve des traces au IIIe siècle avant J.-C. Il s’agit d’une accusation chimérique, qui ne se fonde sur aucune preuve factuelle, contrairement aux assertions xénophobes, qui impliquent des généralisations abusives. Les récits où elle figure transmettent depuis plus de deux millénaires le stéréotype du Juif cruel et sanguinaire. Mais elle s’avère inséparable d’une autre accusation, celle de cannibalisme rituel, alors même que les sacrifices humains et la consommation du sang font l’objet d’un strict interdit dans le texte biblique (Lévitique, XVII, 2 ; XVIII, 21 ; XX, 2 et suiv. ; Deutéronome, XII, 31 ; XVIII, 10). Ces accusations couplées structurent le discours antijuif élaboré, de la judéophobie antique et de l’antijudaïsme médiéval à l’antisionisme radical d’aujourd’hui, en passant par l’antisémitisme apocalyptique dont l’hitlérisme a représenté la forme extrême. Les accusations les plus délirantes contre les Juifs ont pour résultat de transformer ces derniers en symboles du mal et, à ce titre, en représentants de l’ennemi absolu. D’où la représentation des Juifs en tant que proches alliés ou disciples du diable.

La croyance que les sacrifices humains ou les meurtres rituels de non-Juifs, assortis ou non de cannibalisme, sont une caractéristique du peuple juif est apparue dans le monde antique, et circulait au cours des IIe et Ier siècles avant J.-C. À en croire Flavius Josèphe, le grammairien Apion (1ère moitié du Ier siècle après J.-C.), dans son Histoire d’Égypte, aurait accusé les Juifs de pratiquer des meurtres rituels – à la périodicité variable – dont les victimes étaient des Grecs :

« Les Juifs […] s’emparaient d’un voyageur grec, l’engraissaient pendant une année, puis, au bout de ce temps, le conduisaient dans une forêt où ils l’immolaient ; son corps était sacrifié suivant les rites prescrits, et les Juifs, goûtant de ses entrailles, juraient, en sacrifiant le Grec, de rester les ennemis des Grecs ; ensuite ils jetaient dans un fossé les restes de leur victime. »

L’historien Damocrite, avant Apion, affirmait que « tous les sept ans ils [les Juifs] capturaient un étranger, l’amenaient [dans leur temple], et l’immolaient en coupant ses chairs en petits morceaux ». La rumeur de crime rituel chez les Juifs a été vraisemblablement notée pour la première fois, ou bien fabriquée pour justifier la profanation et le pillage du temple, par Antiochus IV Épiphane en 168, par l’historien Posidonios au deuxième siècle avant J.-C. On peut supposer que la rumeur exprimait la haine qu’éprouvaient les Grecs à l’égard des Juifs, en particulier à Alexandrie. Au cours du IIe siècle après J.-C., des accusations analogues furent portées par les Romains contre les chrétiens, les victimes supposées étant des enfants : à l’accusation de cannibalisme rituel s’ajouta celle d’infanticide rituel.

L’accusation diffamatoire a été réinterprétée ensuite dans le monde chrétien sur la base de la vision du « peuple déicide » et, plus particulièrement aux XIIe et XIIIe siècles, dans le contexte de la découverte du Talmud par le monde chrétien. Christianisée, elle s’est transformée en accusation d’infanticide rituel. Le premier infanticide rituel imputé aux Juifs remonte à 1144 en Angleterre : après la découverte, le 25 mars, du corps affreusement mutilé de William, âgé de douze ans, dans le bois de Thorpe à côté de Norwich, les Juifs chez qui il travaillait sont accusés par la mère et l’oncle de l’enfant de l’avoir tué après l’avoir torturé. Quelques années plus tard, la légende de l’enfant martyr, « tué par les Juifs », est mise en forme par le moine bénédictin Thomas de Monmouth, qui affirme que le meurtre de William aurait été commis d’une façon rituelle, en vue de reproduire la crucifixion de Jésus le Vendredi Saint. En Angleterre, des accusations similaires sont lancées contre les Juifs à Gloucester en 1168, à Bury St Edmunds en 1181, à Winchester en 1192 et une seconde fois à Norwich en 1235. En 1189, les Juifs sont attaqués à Londres puis dans tout le royaume. Le 6 février 1190, tous les Juifs de Norwich sont massacrés, à l’exception de ceux qui ont pu se réfugier au château.

Je ne ferai ici qu’évoquer l’accusation d’empoisonnement massif des fontaines et des puits (1321) ainsi que celle de conspiration pour provoquer l’épidémie de « Peste noire » (1347-1348), accusations censées illustrer et prouver la méchanceté criminelle des Juifs, qui furent victimes de grands pogromes.

Cette construction victimaire, pour être délirante, n’a cessé depuis le milieu du XIIe siècle, en Europe, de déclencher des réactions violentes contre les Juifs – émeutes sanglantes et pogromes –, de légitimer des chasses aux Juifs ou de justifier des mesures d’expulsion. La désignation d’un groupe de coupables imaginaires constitue en elle-même un acte de stigmatisation globale dudit groupe : elle transmet donc des stéréotypes négatifs sur ce groupe. Mais elle représente en même temps une incitation à la violence contre les membres du groupe stigmatisé et un puissant mode de légitimation des actions violentes contre ces derniers. Il y a là l’illustration d’un processus ou d’un mécanisme victimaire qu’on peut présumer universel : l’auto-victimisation d’un groupe à travers des récits qui criminalisent un autre groupe, quant à lui réellement innocent des crimes qu’on lui impute. L’inversion victimaire est le facteur déclenchant d’une forme de mobilisation sociale et politique dont on peut fournir de multiples exemples historiques. Ce mécanisme psychologique est au principe de la construction de l’ennemi absolu, celui qui incarne le Mal et contre lequel il faut lutter par tous les moyens.

Pierre-André Taguieff est philosophe, politiste et historien des idées, directeur de recherche au CNRS. Il vient de publier Criminaliser les Juifs. Le mythe du “meurtre rituel” et ses avatars (antijudaïsme, antisémitisme, antisionisme) aux éditions Hermann.


Historiquement correct: C’est au nom de valeurs chrétiennes que nous critiquons l’Inquisition (When it turns out that one of Western history’s supposedly most frightening and bloody chapters not only spilled very little blood but was a major force in support of moderation and justice)

2 décembre, 2019

https://medias.lavie.fr/api/v1/images/view/5f5fed208fe56f37097a684f/width_1000/image.jpgOrigin of the Spanish Influenza - The 1918 Spanish influenza epidemic in new zealand
Trial by Fire (Pieter Van Der Faes)

La grippe de 1918, dite « grippe espagnole » est due à une souche (H1N1) particulièrement virulente et contagieuse de grippe qui s’est répandue en pandémie de 1918 à 19192. Bien qu’ayant pour origine probable la Chine pour le « virus père » et les États-Unis pour sa mutation génétique, elle prit le nom de « grippe espagnole » car l’Espagne — non impliquée dans la Première Guerre mondiale — fut le seul pays à publier librement les informations relatives à cette épidémie. Wikipedia
Le commencement de la sagesse, c’est la crainte de l’Éternel. Proverbes 9: 10
Le sacrificateur fera jurer la femme, et lui dira: Si aucun homme n’a couché avec toi, et si, étant sous la puissance de ton mari, tu ne t’en es point détournée pour te souiller, ces eaux amères qui apportent la malédiction ne te seront point funestes. Mais si, étant sous la puissance de ton mari, tu t’en es détournée et que tu te sois souillée, et si un autre homme que ton mari a couché avec toi, – et le sacrificateur fera jurer la femme avec un serment d’imprécation, et lui dira: -Que l’Éternel te livre à la malédiction et à l’exécration au milieu de ton peuple, en faisant dessécher ta cuisse et enfler ton ventre et que ces eaux qui apportent la malédiction entrent dans tes entrailles pour te faire enfler le ventre et dessécher la cuisse! Et la femme dira: Amen! Amen! Le sacrificateur écrira ces imprécations dans un livre, puis les effacera avec les eaux amères. Et il fera boire à la femme les eaux amères qui apportent la malédiction, et les eaux qui apportent la malédiction entreront en elle pour produire l’amertume. Le sacrificateur prendra des mains de la femme l’offrande de jalousie, il agitera l’offrande de côté et d’autre devant l’Éternel, et il l’offrira sur l’autel; le sacrificateur prendra une poignée de cette offrande comme souvenir, et il la brûlera sur l’autel. C’est après cela qu’il fera boire les eaux à la femme. Quand il aura fait boire les eaux, il arrivera, si elle s’est souillée et a été infidèle à son mari, que les eaux qui apportent la malédiction entreront en elle pour produire l’amertume; son ventre s’enflera, sa cuisse se desséchera, et cette femme sera en malédiction au milieu de son peuple. Mais si la femme ne s’est point souillée et qu’elle soit pure, elle sera reconnue innocente et aura des enfants. Telle est la loi sur la jalousie, pour le cas où une femme sous la puissance de son mari se détourne et se souille, et pour le cas où un mari saisi d’un esprit de jalousie a des soupçons sur sa femme: le sacrificateur la fera tenir debout devant l’Éternel, et lui appliquera cette loi dans son entier. Le mari sera exempt de faute, mais la femme portera la peine de son iniquité. Nombres 5: 19-31
Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu: c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a ordonné d’observer le jour du repos. Deutéronome 5: 15
 Quand au lieu de “sorcières”, on choisit de lire “femmes”, on gagne une meilleure compréhension des cruautés infligées par l’Église à cette portion de l’humanité. (…) La sorcière était en réalité le penseur le plus profond, le scientifique le plus avancé de ces âges. La persécution qui, pendant des siècles, a mené contre les sorcières était en réalité une attaque contre la science de la part de l’église. Comme la connaissance a toujours été le pouvoir, l’église craignait qu’elle ne soit utilisée entre les mains des femmes et lui a porté ses coups les plus meurtriers. Matilda Joslyn Gage (La Femme, l’Église et l’État)
Le Christ, qui est la Vérité elle-même, qui n’a jamais failli et ne faillira jamais, a dit aux prédicateurs de la foi qu’il choisit pour cet office « Allez enseigner toutes les nations ». Il a dit toutes, sans exception, car toutes sont capables de recevoir les doctrines de la foi.L’Ennemi du genre humain, qui s’oppose à toutes les bonnes actions en vue de mener les hommes à leur perte, voyant et enviant cela, inventa un moyen nouveau par lequel il pourrait entraver la prédication de la parole de Dieu pour le salut des peuples: Il inspira ses auxiliaires qui, pour lui plaire, n’ont pas hésité à publier à l’étranger que les Indiens de l’Occident et du Sud, et d’autres peuples dont Nous avons eu récemment connaissance, devraient être traités comme des bêtes de somme créées pour nous servir, prétendant qu’ils sont incapables de recevoir la Foi Catholique. Nous qui, bien qu’indigne de cet honneur, exerçons sur terre le pouvoir de Notre-Seigneur et cherchons de toutes nos forces à ramener les brebis placées au-dehors de son troupeau dans le bercail dont nous avons la charge, considérons quoi qu’il en soit, que les Indiens sont véritablement des hommes et qu’ils sont non seulement capables de comprendre la Foi Catholique, mais que, selon nos informations, ils sont très désireux de la recevoir. Souhaitant fournir à ces maux les remèdes appropriés, Nous définissons et déclarons par cette lettre apostolique, ou par toute traduction qui puisse en être signée par un notaire public et scellée du sceau de tout dignitaire ecclésiastique, à laquelle le même crédit sera donné qu’à l’original, que quoi qu’il puisse avoir été dit ou être dit de contraire, les dits Indiens et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les Chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ ; et qu’ils peuvent et devraient, librement et légitimement, jouir de la liberté et de la possession de leurs biens, et qu’ils ne devraient en aucun cas être réduits en esclavage ; si cela arrivait malgré tout, cet esclavage serait considéré nul et non avenu. Pape Paul III (bulle Sublimis Deus, 1537)
Pour tous les Indiens vivant dans les provinces du Paraguay, du Brésil, et de la rivière de la Plata, ainsi que dans toutes les autres provinces et endroits de l’Inde occidentale et méridionales, et à tous les individus laïques ou clercs, de tout grade et sexe […] Interdisant strictement l’asservissement, l’achat, la vente, l’échange ou le don des Indiens, de leurs femmes, de leurs enfants, de les priver de leurs biens, de les reloger ailleurs, de les priver de leur liberté et de les garder comme esclaves. Pape Urbain VIII (Bulle Commissum Nobis, 1639)
S’il est permis de capturer par la force et la duperie des noirs ou autres indigènes qui n’ont porté préjudice à personne? Réponse : non. S’il est autorisé d’acheter, de vendre ou de faire des contrats en tout respect des noirs ou autres indigènes qui n’ont pas porté préjudice à personne et n’ont rien fait et qui ont été faits captifs par la force de la duperie Réponse : non Si les propriétaires de Noirs et autres natifs qui n’ont porté préjudice à personne et ont été capturés par la force ou la ruse, doivent les remettre en liberté ? Réponse: Oui Si les ravisseurs, les acheteurs et les propriétaires de Noirs ou autres indigènes qui n’ont porté préjudice à personne et qui ont été capturés par la force ou la duperie n’ont pas le droit de leur demander de payer compensation? Réponse : Oui. Congrégation du Saint Office (Sainte Inquisition Romaine, pontificat d’Innocent XI, 1686)
Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. (…) Enjoignons à tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu’ils soient, d’observer les jours de dimanches et de fêtes, qui sont gardés par nos sujets de la religion Catholique, Apostolique et Romaine. Leur défendons de travailler ni de faire travailler leurs esclaves auxdits jours depuis l’heure de minuit jusqu’à l’autre minuit à la culture de la terre, à la manufacture des sucres et à tous autres ouvrages, à peine d’amende et de punition arbitraire contre les maîtres et confiscation tant des sucres que des esclaves qui seront surpris par nos officiers dans le travail. (…) Les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leur concubinage avec des esclaves, ensemble les maîtres qui les auront soufferts, seront chacun condamnés en une amende de 2000 livres de sucre, et, s’ils sont les maîtres de l’esclave de laquelle ils auront eu lesdits enfants, voulons, outre l’amende, qu’ils soient privés de l’esclave et des enfants et qu’elle et eux soient adjugés à l’hôpital, sans jamais pouvoir être affranchis. N’entendons toutefois le présent article avoir lieu lorsque l’homme libre qui n’était point marié à une autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par l’Eglise ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen et les enfants rendus libres et légitimes. Les solennités prescrites par l’Ordonnance de Blois et par la Déclaration de 1639 pour les mariages seront observées tant à l’égard des personnes libres que des esclaves, sans néanmoins que le consentement du père et de la mère de l’esclave y soit nécessaire, mais celui du maître seulement. Défendons très expressément aux curés de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne font apparoir du consentement de leurs maîtres. Défendons aussi aux maîtres d’user d’aucunes contraintes sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré. (…) Les maîtres seront tenus de faire enterrer en terre sainte, dans les cimetières destinés à cet effet, leurs esclaves baptisés. Et, à l’égard de ceux qui mourront sans avoir reçu le baptême, ils seront enterrés la nuit dans quelque champ voisin du lieu où ils seront décédés. (…) Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure de Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant chacune 2 livres et demie au moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres de boeuf salé, ou 3 livres de poisson, ou autres choses à proportion : et aux enfants, depuis qu’ils sont sevrés jusqu’à l’âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus. (…) Seront tenus les maîtres de fournir à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile ou quatre aunes de toile, au gré des maîtres. Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l’avons ordonné par ces présentes, pourront en donner avis à notre procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d’office, si les avis viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais ; ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves. Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et entretenus par leurs maîtres, et, en cas qu’ils eussent abandonnés, lesdits esclaves seront adjugés à l’hôpital, auquel les maîtres seront condamnés de payer 6 sols par chacun jour, pour la nourriture et l’entretien de chacun esclave. (…) Pourront seulement les maîtres, lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verges ou cordes. Leur défendons de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres, à peine de confiscation des esclaves et d’être procédé contre les maîtres extraordinairement. Enjoignons à nos officiers de poursuivre criminellement les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave étant sous leur puissance ou sous leur direction et de punir le meurtre selon l’atrocité des circonstances ; et, en cas qu’il y ait lieu à l’absolution, permettons à nos officiers de renvoyer tant les maîtres que les commandeurs absous, sans qu’ils aient besoin d’obtenir de nous des lettres de grâce. (..) Ne pourront être saisis et vendus séparément le mari, la femme et leurs enfants impubères, s’ils sont tous sous la puissance d’un même maître ; déclarons nulles les saisies et ventes séparées qui en sont faites , ce que nous voulons avoir lieu dans les aliénations volontaires, sur peine, contre ceux qui feront les aliénations, d’être privés de celui ou de ceux qu’ils auront gardés, qui seront adjugés aux acquéreurs, sans qu’ils soient tenus de faire aucun supplément de prix. Code noir (articles 2, 6, 9, 10, 11, 14, 22, 25, 26, 27, 42, 43 et 47)
La vraie question est : devons-nous croire qu’il y a eu sorcellerie au seul motif que les sorcières le revendiquent ? Non : il est clair que les sorcières ne doivent pas être crues, et les juges ne devraient condamner personne, tant que le cas ne peut être prouvé par des éléments externes et objectifs suffisants pour convaincre tout un chacun. Et qui peut accepter ceci : qu’une personne peut voler dans l’air et parcourir cent lieues en une heure ; qu’une femme peut se faufiler dans un espace dans lequel une mouche ne passerait pas ; qu’une personne peut se rendre invisible; qu’elle peut être dans une rivière ou dans la mer sans se mouiller, ou qu’elle peut être en même temps dans son lit et au sabbat et qu’une sorcière peut prendre n’importe quelle forme, se transformer en mouche ou en corbeau ? En vérité, ces affirmations vont au-delà de la raison humaine, et dépassent peut-être même les limites autorisées par le Diable. Alonso Salazar y Frias (enquêteur de Zugarramurdi, 1612)
L’idée clé est que les ordalies n’étaient pas seulement largement pratiquées. On y croyait largement. C’est cette croyance – littéralement, la crainte de Dieu – qui aurait pu permettre aux épreuves de fonctionner efficacement. Tout d’abord, considérons le raisonnement des défendeurs. Les croyants coupables s’attendaient à ce que Dieu révèle leur culpabilité en leur faisant du mal dans l’épreuve. Ils s’attendaient à être bouillis et condamnés. Les croyants innocents, quant à eux, s’attendaient à ce que Dieu les protège dans l’épreuve. Ils prévoyaient de s’en sortir indemnes et d’être disculpés. Les seuls accusés qui auraient été disposés à subir l’épreuve étaient donc les innocents. Les accusés coupables auraient préféré éviter l’épreuve – en avouant leurs crimes, en s’installant avec leurs accusateurs ou en fuyant le royaume. La prochaine chose à comprendre est que les ecclésiastiques administraient les épreuves et jugeaient leurs résultats – et le faisaient selon des ensembles de règles élaborés qui leur donnaient une grande latitude pour manipuler le processus. Les prêtres savaient que seuls des accusés innocents seraient prêts à plonger leurs mains dans l’eau bouillante. Ainsi, les prêtres pouvaient simplement truquer les procès pour disculper les accusés qui étaient prêts à subir l’épreuve. Les rituels entourant les épreuves leur ont donné une couverture suffisante pour s’assurer que l’eau ne bouillait pas, ou que le fer ne brûlait pas, et ainsi de suite. Si le trucage échouait, un prêtre pourrait interpréter l’issue de l’épreuve pour disculper néanmoins l’accusé («Son bras guérit bien!»). Le système d’épreuve n’était aussi fort que la croyance superstitieuse qui le sous-tend. Ainsi, avec le temps, à mesure que la croyance des gens que Dieu était derrière les épreuves s’affaiblissait, le pouvoir des épreuves de traiter de manière satisfaisante les accusés criminels s’est affaibli. L’Église catholique a été un contributeur d’une importance cruciale à ce déclin. Au début du XIIIe siècle, le pape Innocent III a mené une dénonciation accablante des épreuves au motif que les épreuves étaient antithétiques à la doctrine chrétienne. Son décret interdisait aux prêtres de s’impliquer davantage avec eux. La condamnation des épreuves par l’Église a gravement sapé la superstition sur laquelle reposaient les épreuves. Si les épreuves étaient antithétiques au christianisme, comment Dieu pourrait-il révéler la culpabilité ou l’innocence des accusés à travers des épreuves de feu et d’eau? Les épreuves ont disparu d’Europe après le décret du pape Innocent III. Mais, tant qu’elles ont duré, elles ont amélioré la justice pénale. Les épreuves sont inférieures aux méthodes de procès modernes parce que les accusés modernes ne croient pas au iudicium Dei, pas parce que le procès par jury est intrinsèquement supérieur. Si les citoyens modernes avaient la croyance superstitieuse nécessaire pour que les épreuves fonctionnent, il pourrait être logique de ramener les chaudrons d’eau bouillante. Les procès devant jury coûtent cher. Les épreuves coûtent aussi quelque chose. Mais ils n’exigent pas des jours ou des semaines d’une demi-douzaine ou plus de jurés. Ils n’ont pas non plus besoin d’avocats. Si la force de la croyance superstitieuse requise pour que les épreuves fonctionnent aussi bien que le procès par jury existe, la société pourrait utiliser les épreuves pour garantir le même degré de justice pénale pour une fraction du coût du système actuel. Pensez à la société d’épargne dont bénéficierait la société d’épargne si les citoyens croyaient fermement qu’un être invisible, omniscient et omnipotent les punirait sévèrement, eux et leurs familles, non seulement dans l’au-delà, mais aussi dans celle-ci, pour tricherie, vol et malhonnêteté. Dans la société superstitieuse, les croyances «irrationnelles» font partie du travail que les institutions gouvernementales de la loi et de l’ordre font dans la société non superstitieuse. Cette perspicacité peut aider à expliquer l’importance de la superstition dans certaines sociétés. De nombreuses sociétés n’étaient pas, et dans certains cas ne le sont toujours pas, assez riches pour créer des institutions d’ordre publiques fortes, efficaces et plus coûteuses. L’importance de la superstition dans de telles sociétés peut refléter la nécessité de s’appuyer sur des substituts moins chers pour ces institutions, des substituts tels que la croyance en les malédictions, les survivances et l’auditoire Dei. Si cela est vrai, ce n’est pas seulement que les progrès scientifiques évincent la superstition. À mesure que les sociétés deviennent plus riches, les superstitions deviennent moins nécessaires. Alors les gens les abandonnent. Cela crée l’espace nécessaire à l’émergence des compréhensions scientifiques. Pourtant, même les sociétés les plus riches ont de la place pour la superstition et peuvent en tirer parti. Pour voir cela, ne cherchez pas plus loin que la pratique du serment devant les tribunaux aux États-Unis. Le serment a une histoire encore plus longue que les épreuves. À l’apogée des épreuves, des formes élaborées de serment, parfois prises avec d’autres appelés «compurgateurs», étaient souvent le premier recours pour les questions judiciaires. Le serment de serment survit aujourd’hui. Cela s’explique sans doute en partie par le fait que la superstition qui sous-tend sa capacité à promouvoir la justice a également survécu. Historiquement, les serments étaient prêtés à Dieu sur la Bible ou d’autres livres saints. Pour les personnes qui croient que Dieu fronce les sourcils en mentant, le serment peut être une force puissante pour encourager un témoignage véridique. En 1961, la Cour suprême des États-Unis a confirmé le droit des individus de témoigner devant le tribunal sans prêter serment. Mais il reste courant de demander aux personnes qui témoignent de le faire, ou du moins de promettre de dire la vérité. Alors que l’invocation explicite de Dieu est pratiquement partie des serments modernes, la solennité du serment lui-même reste forte. Des chercheurs précédents ont trouvé des preuves que certaines croyances superstitieuses peuvent être socialement productives dans les sociétés modernes. Des travaux importants de Robert Barro et Rachel McCleary de l’Université Harvard, par exemple, révèlent que des croyances plus fortes en une vie après la mort sont associées à une croissance économique plus élevée. De même, dans une étude expérimentale récente, Azim Shariff et Ara Norenzayan de l’Université de la Colombie-Britannique constatent que lorsque les «concepts de Dieu» sont activés dans l’esprit des participants à l’expérience, ils coopèrent davantage entre eux. L’une des raisons potentielles de ce résultat, soulignent Shariff et Norenzayan, est que les individus peuvent être plus susceptibles de se comporter de manière socialement positive lorsqu’ils sentent que Dieu les observe. Bien sûr, toutes les croyances superstitieuses ne sont pas socialement productives. En plus d’encourager les criminels à se révéler et les témoins à dire la vérité, la superstition peut créer des conflits et inhiber les activités économiques qui créent de la richesse. Surtout s’il est difficile de séparer les superstitions productives des superstitions improductives, la superstition peut retarder plutôt que promouvoir le progrès social. Néanmoins, il est utile de garder à l’esprit que de nombreuses croyances bizarres et apparemment irrationnelles sont apparues pour une raison et, à un moment donné, ont servi un objectif socialement utile. Même les superstitions modernes ne sont pas toutes mauvaises. Certains peuvent en fait nous améliorer. Mais où est passé cette marmite? Peter T. Leeson
In Jewish culture, there is a practice in the Torah called “Sotah” that will determine if a woman truly cheated on her husband or not. In the Orthodox Jewish tradition, married women are supposed to hide their hair, because it is considered to be a private part of her body that belongs to their husband. They normally cover their heads with scarves, and even today, some Orthodox Jewish women still carry on the tradition with wigs and hats. When a woman was accused of adultery, her husband would take her to the rabbi, who told her to untie their hair and expose it in front of everyone. As a married woman, this was considered to be a humiliating and indecent thing for other people to see her hair. Oat barley was ground up into a powder, and the woman was asked to swear an oath that she did not cheat on her husband. She wrote the oath on a piece of paper with the barley. Then, a Rabbi said a prayer, asking God to curse the wheat if she was guilty. It was mixed with with water, and she was forced to drink this bitter concoction. In the earliest form of the tradition, however, women were forced to write with the dirt they found on the floor of the Tabernacle, and drink dirt mixed with water, instead of barley. The idea was that if she had lied inside the holy Tabernacle, God would know. If a woman was infertile after drinking the bitter water, they took this as a sign that she was cursed, and she truly did cheat on her husband. This does not take into account the possibility that maybe this woman had health problems that made her infertile anyway. There were probably some women who actually did cheat on their husband, and they got away with it, because we now know that while drinking barley water is gross, it is relatively harmless. The Torah acknowledges the fact that sometimes, husbands are just jealous, and it is very possible that their wife is innocent of adultery. Before “Sotah”, women were publicly lynched whenever their husband accused them of cheating on them, even if there was no tangible proof. So, even though the Sotah trial seems very silly, it was actually a huge improvement on giving women an automatic death penalty just because her husband said so. » Shannon Quinn
Nous montons sur nos grands chevaux mais souvenons-nous que pendant les croisades et l’Inquisition, des actes terribles ont été commis au nom du Christ. Dans notre pays, nous avons eu l’esclavage, trop souvent justifié par le Christ. Barack Hussein Obama
Citez-moi une seule civilisation dont le mythe fondateur n’est pas à sa gloire ? Les Antillais sont nés dans l’esclavage. Cette date, c’est notre combat pour sortir de la honte et de la victimisation. Serge Romana
Nous condamnons l’Inquisition au nom de valeurs chrétiennes. Nous ne pouvons pas la condamner au nom du Mahâbhârata, qui est constitué d’une série de meurtres alternés, à peu près dans le style de l’Iliade ! René Girard
On apprend aux enfants qu’on a cessé de chasser les sorcières parce que la science s’est imposée aux hommes. Alors que c’est le contraire: la science s’est imposée aux hommes parce que, pour des raisons morales, religieuses, on a cessé de chasser les sorcières. (…) La sorcellerie n’existe pas (…) on ne passe pour sorcier qu’en vertu d’un système d’accusation. René Girard
Il y avait vraiment des gens qui s’agitaient devant des courts-bouillons de grenouilles et de scorpions, mais nous savons que leurs manigances n’empêcheraient pas les avions de voler (…) C’est bien pourquoi, même lorsqu’elles étaient condamnées, même lorsqu’elles étaient techniquement coupables, les sorcières étaient des boucs émissaires. René Girard
Il semble en effet inconcevable qu’on puisse être jaloux du bien. Et cependant… Vous connaissez cette histoire de monarchie sacrée au Soudan : renversant les anciennes façons, le nouveau roi et son épouse avaient instauré le régime le plus raisonnable qu’il soit possible d’imaginer, et produisant le plus de bien commun. Une telle envie en était résultée que les voisins s’étaient réunis pour le détruire… Sans aucunement idéaliser notre propre histoire, c’est peut-être la fable du destin de l’Occident… (…) C’est justement ce qui justifie « la repentance », que certains catholiques ont bien tort de reprocher au pape. Certes, les non-chrétiens, qui oublient régulièrement de se repentir, n’ont pas moins de choses à se reprocher (souvent, bien davantage : quand je pense que l’on continue à monter en épingle les abus de l’Inquisition, après ce que l’incroyance a fait au XXe siècle !) Mais grâce à la Révélation, les chrétiens auraient dû avancer, et faire avancer le monde plus vite. Nous avons « les paroles de la vie éternelle ». Or, c’est toujours le petit nombre qui a compris, et vécu de l’esprit du Christ. Seulement, aujourd’hui, je ne vois pas d’autre lieu que l’Église pour faire barrière à cette terrible désagrégation de tout, qu’on appelle parfois l’apocalypse. Est-ce pour cela que cette Église devient comme un ultime bouc émissaire, et qu’on emploie tant d’efforts pour discréditer ou empêcher sa parole, alors qu’elle n’a plus de pouvoir que spirituel ? Et parfois de son sein même… On a l’impression d’une force diabolique d’auto-destruction. René Girard
La paix véritable, globale et durable viendra le jour où les voisins d’Israël reconnaîtront que le peuple juif se trouve sur cette terre de droit, et non de facto. (…) Tout lie Israël à cette région: la géographie, l’histoire, la culture mais aussi la religion et la langue. La religion juive est la référence théologique première et le fondement même de l’islam et de la chrétienté orientale. L’hébreu et l’arabe sont aussi proches que le sont en Europe deux langues d’origine latine. L’apport de la civilisation hébraïque sur les peuples de cette région est indéniable. Prétendre que ce pays est occidental équivaut à délégitimer son existence; le salut d’Israël ne peut venir de son déracinement. Le Moyen-Orient est le seul « club » régional auquel l’Etat hébreu est susceptible d’adhérer. Soutenir cette adhésion revient à se rapprocher des éléments les plus modérés parmi son voisinage arabe, et en premier lieu: des minorités. Rejeter cette option, c’est s’isoler et disparaître. Israël n’a pas le choix. Masri Feki
Souvenons-nous que les tribus d’Arabie étaient chrétiennes. Les meilleurs poètes et écrivains étaient chrétiens, tout comme nombre de guerriers et de philosophes (…) Ce sont eux qui portaient la bannière du panarabisme. La première université palestinienne a été créée par des chrétiens. Abd Al-Nasser Al-Najjar (Al-Ayyam)
La persévérance du gouvernement français à racheter ces esclaves et à protéger notre marine marchande n’eut d’égale que la mauvaise foi des Algériens dans l’exécution des traités. On en fut réduit, après Pontchartrain, à une politique de conciliation vraiment humiliante ; en 1830, il restait encore 122 esclaves, en majeure partie français, dans les bagnes d’Alger. Il fallait en finir. La présence de ce nid de pirates, à trois jours de Marseille, était une honte pour l’Europe et un reproche pour notre gouvernement. Une dernière insulte faite à notre consul par le dey Baba-Hussein, amena la rupture et décida Charles X à tirer le glaive justicier de la France. On sait le reste : la prise d’Alger le 5 juillet 1830. Aujourd’hui l’odjak des corsaires redoutables a fait place à une grande ville de commerce et de plaisance. A la place des bagnes et des marchés aux esclaves s’élèvent des hôtels somptueux et de florissantes écoles et facultés. Et sur la kasbah, cette bastille des Barberousse, flotte le drapeau tricolore, symbole de liberté, de progrès et de justice. Gaston Bonet-Maury (1907)
L’arrivée des navigateurs européens a été providentielle pour le commerce des Etats riverains du golfe de Guinée, trop éloignés du Sahara pour qu’ils y écoulent leur surplus d’esclaves. Les Etats exportateurs d’esclaves de la côte atlantique de l’Afrique noire considéraient ce trafic comme leur commerce naturel. (…) Dès le haut Moyen Age, le monde musulman est devenu le grand importateur d’esclaves. Dans les premiers siècles de l’islam, de nombreux Blancs d’Asie et d’Europe sont déportés en terre musulmane. En particulier, des Slaves (d’où les termes «esclave», «ex-slave») … Il semble qu’au total, entre le milieu du VIIe siècle et la fin du XIXe siècle, les traites musulmanes aient déporté un nombre de Noirs nettement supérieur à la traite européenne. (…) A la différence de l’islam, le christianisme n’a pas entériné l’esclavage. Mais, comme il ne comportait aucune règle d’organisation sociale, il ne l’a pas non plus interdit. Pourtant, l’idée d’une égalité de tous les hommes en Dieu dont était porteur le christianisme a joué contre l’esclavage, qui disparaît de France avant l’an mil. Cependant, il ressurgit au XVIIe siècle aux Antilles françaises, bien que la législation royale y prescrive l’emploi d’une main-d’oeuvre libre venue de France. L’importation des premiers esclaves noirs, achetés à des Hollandais, se fait illégalement. (…) Le mouvement part d’Angleterre, le pays qui a déporté au XVIIIe siècle le plus de Noirs vers l’Amérique. La force du mouvement abolitionniste anglais repose principalement sur la prédication des pasteurs évangélistes. Il en résulte une interdiction de la traite par l’Angleterre (1806) et les autres puissances occidentales (France, 1817), puis une abolition de l’esclavage lui-même dans les colonies anglaises (1833) et françaises (1848). Décidée par l’Europe, la suppression de la traite atlantique est imposée par elle aux Etats pourvoyeurs d’esclaves de l’Afrique occidentale. (…) Cependant, rien de pareil n’a eu lieu dans le monde musulman. L’esclavage étant prévu par l’islam, il eût été impie de le remettre en cause. Aussi, l’autre grande forme de la traite vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient continua de plus belle au XIXe siècle, qui correspondit à son apogée. Et, parallèlement, des Européens continuaient d’être razziés en Méditerranée et réduits en esclavage à Alger, Oran, Tunis ou Salé (Rabat). D’où l’expédition de 1830 à Alger. Finalement, ce fut la colonisation qui mit presque entièrement fin à la traite musulmane. Jean-Louis Harouel 
Plus de 11 000 femmes nigérianes ont été secourues en Méditerranée l’année dernière, selon l’Office pour les migrations internationales (OMI). 80% d’entre elles faisaient l’objet d’un trafic à des fins d’exploitation sexuelle. “Il y a maintenant des filles qui n’ont que 13, 14 ou 15 ans”, m’a dit un agent anti-trafic de l’OMI. “L’Italie n’est qu’un point d’entrée. De la, elles sont dispatchées et vendues à des mères maquerelles partout en Europe.” Ben Taub
En 2015, le risque de mourir en Méditerranée (0, 37%) était inférieur au risque en France d’une personne de plus de 45 ans de subir un AVC (0, 4$%); en 2016, 363 000 migrants ont traversé la Mare nostrum (…) et 4 576 s’y sont noyés ou ont disparu, soit 1, 3% ou le double du risque de décéder apres une intervention chirurgicale – toutes catégories confondues – dans un pays industrialisé, ou encore le double du risque de mourir d’une anesthésie générale au sud du Sahara. En 2017, entre janvier et fin aout, 126 000 migrants ont traversé la Méditerranée et 2 428 ont été portés disparus, soit 1, 92%, ce qui est légèrement inférieur à la mortalité post-opératoire en chirurgie cardiaque en Europe de l’ouest (2%). Même si le risque est heureusement limité, on se demande évidemment pourquoi il ne cesse d’augmenter alors que les yeux du monde sont braqués sur la Méditerranée et que les secours devraient se perfectionner. La réponse: l’humanitaire est trop bon ! En effet, les bateaux de secours se rapprochent de plus en plus des eaux territoriales libyennes et, s’il y a danger de naufrage, n’hésitent plus à y entrer pour sauver les migrants. Si bien que les trafiquants embarquent un nombre croissant de migrants sur des embarcations toujours plus précaires (notamment des canots pneumatiques longs de 9 mètres, fabriqués en Chine, sur lesquels se serrent 130 personnes). (…) Les trafiquants emmènent donc les migrants à la limite des eaux territoriales, avant de repartir avec le moteur hors-bord dans un autre bateau en laissant les leurs clients dériver. A charge pour les humanitaires … Ceux-ci font bien, voire très bien leur travail, au risque de voir les migrants de moins en moins regardants sur la navigabilité des embarcations choisies par les trafiquants. Au cours des premiers six mois de 2017, quelque 93 000 migrants ont été secourus et transportés vers l’Italie, soit presque les trois quarts du total ayant embarqué pour la traversée pendant cette période. Stephen Smith
[La loi sur l’égalité réelle] revient tout simplement à détricoter la loi Taubira de 2001. Cette loi prend déjà en compte la souffrance des esclaves, honore leur lutte pour l’émancipation et redonne ainsi une place aux ultra-marins dans la République française. Le mouvement initié par Serge Romana milite pour instaurer le 23 mai en mémoire des victimes… Cela revient à dire qu’il y a d’un côté les abolitionnistes et de l’autre les victimes. (…) Prenez les faits : d’un côté, vous modifiez l’intitulé du 10 mai en expliquant qu’il s’agira désormais de « commémoration de la traite de l’esclavage et des abolitionnistes ». D’un autre côté, vous ajoutez le 23 mai, une journée en hommage « aux victimes de l’esclavage colonial ». Traduisez : les abolitionnistes sont presque tous blancs et les esclaves déportés depuis l’Afrique majoritairement noirs. La réalité, c’est que nous sommes en train de racialiser la France et d’entériner une vision racialiste du pays, à un moment où il faudrait tenir un discours d’unité et de cohérence. Si cette loi passe en l’état, nous allons adopter un texte qui définit des communautés – jusqu’alors non reconnues par les lois de la République – et qui entérine une fracture. Ce n’est qu’un symbole, certes, mais c’est très grave. C’est le signe qu’une racialisation subreptice est en train de s’installer au cœur de la société française. (…) Tout simplement parce que cette date ne fait pas consensus et n’a pas de sens collectif. Serge Romana propose le 23 mai en référence à une marche – qu’il n’a pas organisée, contrairement à ce qu’il dit – qui a rassemblé à Paris plusieurs dizaines de milliers de personnes. En vérité, Serge Romana fait de cette affaire une crispation personnelle et refuse le jeu démocratique. Sa date n’est pas choisie ? Il démissionne et œuvre en sous-main pour déstabiliser le 10 mai. L’amendement qu’il avait réussi à faire passer au Sénat est retiré du projet ? Il se met en grève de la faim et s’installe dans une tente devant le Sénat… Un sénateur que personne n’attendait sur ce sujet est arrivé, par simple déduction, à la même conclusion que nous : on ne doit pas instaurer deux dates. La célébration des victimes ne peut pas être une identité porteuse. (…)  Les décisions prises démocratiquement doivent être honorées. C’est une date qui fait consensus. Ce n’est pas celle que j’aurais choisie, mais il faut l’accepter. La commémoration est imparfaite : elle devrait être beaucoup plus ouverte au public, beaucoup plus suivie par des médias nationaux, ce devrait être un moment plus important de la vie politique française… (…) Nous sommes au-delà de l’affrontement, nous assistons à une réécriture de l’histoire par la mémoire. Le discours historique est dévoyé par le dolorisme, c’est une démarche perverse. Au sein de la population ultra-marine qui vit dans des conditions souvent précaires, ce discours rencontre un certain écho. Ce n’est pourtant qu’une manipulation de la souffrance. (…) Les indépendantistes se sont recyclés dans les questions identitaires, tout simplement parce qu’ils ont échoué. Jamais ils n’ont obtenu ce qu’ils voulaient, alors aujourd’hui, la mémoire autour de l’esclavage leur permet de construire une autonomie culturelle. L’identité devient la revendication. Et la mémoire de l’esclavage est dévoyée dans une entreprise politique. Myriam Cottias
Sous les arches de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à deux pas des grilles du Sénat, se joue une drôle de pièce. Tout le monde attend le personnage principal, Serge Romana, président de l’association CM98 (Comité Marche du 23 mai 1998). Ce généticien d’une soixantaine d’années est, ce lundi 16 janvier, en grève de la faim depuis quatre jours. Il entend protester contre l’initiative du sénateur de la Guadeloupe Desplan (PS) qui a supprimé un article du projet de loi sur l’égalité réelle en outre-mer, examiné à partir de ce mardi par le Sénat. Le texte ainsi biffé prévoyait que « la République française institue la journée du 10 mai comme journée nationale de commémoration de la traite, de l’esclavage et de leur abolition et celle du 23 mai comme journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial ». Une nouvelle date donc – celle du 23 mai – fera peut-être son apparition dans le calendrier républicain pour commémorer l’abolition de l’esclavage. Mais pourquoi ? « Ce n’est pas l’abolition que nous souhaitions honorer, mais la mémoire de nos parents victimes de l’esclavage », expliquent les militants rassemblés autour de la tente de Serge Romana, qui se définit lui-même comme « entrepreneur mémoriel ». L’affaire de la double date agite les historiens et les politiques des départements d’outre-mer. Mais le débat mériterait d’être posé en place publique, tant cette proposition bouleverse les symboles. « Cela revient à instaurer une date pour les Blancs et une date pour les Noirs », explique posément l’universitaire spécialiste de l’esclavage Myriam Cottias, farouche opposante à ce projet de « surenchère mémorielle  » (lire notre interview) ». Pour le sénateur Desplan, responsable de cette ablation législative vécue comme un outrage par Romana, « trop de commémorations banalisent la commémoration ». Et celui-ci d’ajouter : « Introduire la notion de victime sous-entend aussi celle de bourreau. Je préfère que l’on célèbre les combattants. Et puis cette formule, victimes de l’esclavage colonial… que fait-on alors des victimes de l’esclavage non colonial ? Faisons preuve de bon sens, on ne peut pas se réconcilier en racialisant le débat. Et quand bien même on retiendrait l’idée d’une seconde date, celle du 23 mai n’a pas grand sens. » Fermez le ban. Alors, pourquoi cet acharnement sur le 23 mai ? « En 1998, l’État a fêté en grande pompe les 150 ans de l’abolition de l’esclavage. Malgré des colloques au Sénat, malgré une exposition à l’Assemblée nationale, une manifestation a rassemblé 40 0000 manifestants qui souhaitaient honorer la mémoire de leurs ancêtres esclaves », se souvient Serge Romana avec des trémolos dans la voix. La date correspond donc à un rassemblement parisien commémoratif. Le 23 mai, c’est son combat, son horizon, une obsession dont il ne se sépare jamais. Emmitouflé dans son manteau, bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, l’homme reçoit sous sa tente, assis sur un tabouret, téléphone portable à la main. Il fait montre d’une insatiable envie de convaincre. D’éduquer aussi : « Ne dites pas métropole, cela voudrait dire qu’il y a encore des colonies ! » s’agace-t-il. Il souhaite, dit-il en martelant, « inverser le stigmate de l’esclave, grâce aux commémorations ». Pour cet ancien adhérent d’associations nationalistes guadeloupéennes, la question est aujourd’hui, selon ses termes, « identitaire ». La mémoire des descendants des esclaves serait-elle bafouée par la simple commémoration du jour où la loi Taubira a fait de l’esclavage un crime contre l’humanité ? « Non, bien entendu », explique Françoise, militante venue soutenir le patron de son association, « nous célébrons aussi le 10 mai ». Simplement, pour elle comme pour les militants qui l’entourent, tous préféreraient ajouter une date bien à eux, un petit lopin de mémoire qu’ils cultiveraient sous la protection bienveillante de la République compatissante. Mais, d’ailleurs, le 23 mai n’existe-t-il pas déjà dans les calendriers de l’État ? Un texte signé par François Fillon le 29 avril 2008 s’est penché sur la question. Le Premier ministre du président Sarkozy a alors parafé une circulaire « relative aux commémorations de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions », cadrant les commémorations nationales du 10 mai. Il y précisait en outre, que « de nombreuses associations originaires d’outre-mer organisent le 23 mai une journée commémorative en souvenir de la souffrance des esclaves. Cette date […] sera, pour les associations regroupant les Français d’outre-mer de l’Hexagone, celle de la commémoration du passé douloureux de leurs aïeux qui ne doit pas être oublié. » Serge Romana réclame que cette circulaire soit sanctuarisée par la loi. Lorsqu’il était enfant, raconte-t-il, ses parents ne parlaient jamais de l’esclavage. « Citez-moi une seule civilisation dont le mythe fondateur n’est pas à sa gloire ? Les Antillais sont nés dans l’esclavage. Cette date, c’est notre combat pour sortir de la honte et de la victimisation. » Ce mardi 17 janvier au soir, Serge Romana quittera sa tente pour rejoindre un hôtel proche. Il ne sera de retour sur place qu’à 8 heures du matin, mercredi. « Je ne peux pas faire la grève de la faim et celle du sommeil en même temps. » Il est aussi périlleux de démultiplier les dates que les combats. Le Point
Entre juin 2017 et juin 2019, période couverte par ce document sur les chrétiens opprimés pour leur foi, «la violence islamiste a fortement baissé en Irak et en Syrie». Mais cette amélioration conjoncturelle pèse peu face à la tendance lourde à l’œuvre dans ces pays: l’exode des populations chrétiennes a atteint un seuil critique, voire irréversible. À l’été 2019, ils étaient «bien en dessous des 150.000» en Irak, peut-être même «en dessous des 120.000», contre 1,5 million avant l’intervention américaine de 2003. «En l’espace d’une génération, la population chrétienne d’Irak a diminué de plus de 90%», note le rapport. Même phénomène en Syrie: mi-2017, les chrétiens étaient estimés à moins de 500.000, contre 1,5 million avant le début du conflit en 2011. Pour décrire cet exode massif qui a atteint son apogée entre 2017 et 2018, l’AED n’hésite pas à utiliser le terme de «génocide». L’Égypte, qui compte 10 millions de chrétiens essentiellement coptes, fait preuve d’une meilleure capacité de résilience. Malgré des attaques djihadistes extrêmement violentes – en novembre 2018, une embuscade contre trois bus de pèlerins chrétiens a fait sept morts et 19 blessés —, la fréquence de ces attentats est en baisse notable. En réalité, ce sont les chrétiens d’Afrique et d’Asie qui sont particulièrement visés par les persécutions. «La violence, et notamment la violence islamiste, est en mouvement ; elle se déplace du Moyen-Orient vers l’Afrique et l’Asie», explique le nouveau directeur France de l’AED, Benoît de Blanpré. Passé par plusieurs associations – les Enfants du Mékong, les Apprentis d’Auteuil et le centre Port-Royal -, le successeur de Marc Fromager connaît bien l’Asie du Sud-Est où il a vécu plus de 10 ans ; et c’est précisément dans cette région que «la situation s’est le plus dégradée», note-t-il. Les chrétiens sont confrontés à la violence islamiste, mais aussi au nationalisme agressif de certains États ou au régime totalitaire de la Corée du Nord, détaille Benoît de Blanpré. Le rapport s’attarde sur les Philippines, où se conjuguent la menace islamiste et l’autoritarisme de son président Rodrigo Duterte. En janvier 2019, vingt personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées dans un double attentat revendiqué par l’État islamique contre la cathédrale Notre-Dame du Mont Carmel à Jolo, dans le sud du pays. Un mois plus tôt, le 5 décembre, le président philippin appelait à «tuer les évêques», «ce ramassis d’imbéciles qui ne sert à rien». Le nationalisme agressif touche aussi le Pakistan, où le cas d’Asia Bibi a soulevé une vague d’indignation internationale, et l’Inde, déstabilisée par les nationalistes hindous. Dans ce dernier pays, plus de mille attaques contre les chrétiens ont été recensées entre début 2017 et fin mars 2019, et plus de 100 églises ont dû fermer leurs portes en 2018 selon l’AED. «Les militants de l’hindutva ont accusé les chrétiens d’acte de prosélytisme en violation des lois anti-conversion, en vigueur dans six États», note le rapport. Encore moins médiatisées, les violences djihadistes en Afrique contre les chrétiens restent pourtant «à des niveaux critiques». Des attaques islamistes ont endeuillé les communautés chrétiennes burkinabées et nigériennes. Mais c’est le Nigeria qui compte le plus grand nombre de chrétiens tués (3731 en 2018). Dans ce pays où opère Boko Haram, «il existe clairement un ordre du jour pour islamiser toutes les zones majoritairement chrétiennes», selon Mgr Wilfred Anagbe, évêque de Makurdi situé dans la ceinture centrale du pays. Dans ce contexte, l’AED estime que la communauté internationale «manifeste un intérêt certain» pour les populations touchées. «Mais les réactions sont encore trop lentes et trop faibles pour avoir un réel impact», regrette Benoît de Blanpré qui conclut: «La liberté religieuse est un droit fondamental à faire respecter.» Le Figaro
Hitler’s Pope cannot be understood except as a series of very low blows against the modern Catholic Church, and specifically the papacy of John Paul II. Philip Jenkins
The anti-papal polemics of ex-seminarians like Garry Wills and John Cornwell … of ex-priests like James Carroll, and or other lapsed or angry liberal Catholics exploit the tragedy of the Jewish people during the Holocaust to foster their own political agenda of forcing changes on the Catholic Church today. David G. Dalin
Many readers of The New York Times no doubt believe that Pope Pius XII was Hitler’s Pope. John Cornwell’s bestselling book told them that, and it’s been reaffirmed by Garry Wills, Daniel Goldhagen and other writers since. It’s been said so often in fact that most well-read Church bashers know it for a certainty. The only trouble is: It isn’t true. Not only does it contradict the words of Holocaust survivors, the founders of Israel, and the contemporary record of The New York Times, but even Cornwell, the originator of the moniker “Hitler’s Pope,” has recanted it saying that he was wrong to have ascribed evil motives to Pius and now found it “impossible to judge” the wartime Pope. But there’s something else that has been ignored nearly altogether. Precisely at the moment when Pope Pius XII and the Catholic Church in Rome (and throughout Europe) were saving thousands of Jewish lives, Hitler had a cleric broadcasting from Berlin who called for the extermination of the Jews. He was Hajj Amin al-Husseini, the viciously anti-Semitic grand mufti of Jerusalem, who resided in Berlin as a welcome guest and ally of the Nazis throughout the years of the Holocaust. As I point out in my book, The Myth of Hitler’s Pope, the outrageous calumny directed against Pope Pius XII has not only besmirched the reputation of a man who did more than any other religious leader to save Jewish lives, it has deflected attention from the horrible truth of Hajj Amin al-Husseini— who continues to be a revered figure in the Muslim world. It is possible to trace modern Islamic anti-Semitism back along a number of different historical and intellectual threads, but no matter which one you choose, they all seem to pass, at one point or another, through the hands of Hajj Amin al-Husseini —Hitler’s mufti. In late March 1933, al-Husseini contacted the German consul general in Jerusalem and requested German help in eliminating Jewish settlements in Palestine — offering, in exchange, a pan-Islamic jihad in alliance with Germany against Jews around the world. It was not until 1938, in the aftermath of British Prime Minister Neville Chamberlain’s infamous capitulation to Hitler at Munich, that al-Husseini’s overtures to Nazi Germany were officially reciprocated. But by then the influence of Nazi ideology had already grown significantly throughout the Arab Middle East. Several of the Arab political parties founded during the 1930s were modeled after the Nazi party, including the Syrian Popular Party and the Young Egypt Society, which were explicitly anti-Semitic in their ideology and programs. The leader of Syria’s Socialist Nationalist Party, Anton Sa’ada, imagined himself an Arab Hitler and placed a swastika on his party’s banner. Though he was the grand mufti of Jerusalem, al-Husseini moved his base of operations (and pro-Nazi propaganda) to Lebanon in 1938, to Iraq in 1939 (where he helped establish the strongly pro-German Rashid Ali al-Gaylani as prime minister), and then to Berlin in 1941. Adolf Eichmann’s deputy, Dieter Wisliceny, testified at the Nuremberg Trials that al-Husseini “was one of the initiators of the systematic extermination of European Jewry and had been a collaborator and adviser of Eichmann and Himmler in the execution of this plan. He was one of Eichmann’s best friends and had constantly incited him to accelerate the extermination measures.” At Auschwitz, al-Husseini reportedly “admonished the guards running the gas chambers to work more diligently.” After the defeat of the Axis powers, al-Husseini escaped indictment as a war criminal at Nuremberg by fleeing to Egypt, where he received political asylum and where he met the young Yasser Arafat, his distant cousin, who became a devoted protégé — to the point that the Palestinian Liberation Organization recruited former Nazis as terrorist instructors. Up until the time of his death, Arafat continued to pay homage to the mufti as his hero and mentor. This unholy legacy continues. Hajj Amin al-Husseini has inspired two generations of radical Islamic leaders to carry on Hitler’s war against the Jews, which is why today, as was true 60 years ago it is not the Catholic Church that is the great threat to the survival of the Jewish people, it is Islamofascism. Rabbi David G. Dalin
When Pius XII died in 1958, there were tributes from virtually every Jewish group around the world. Ronald J. Rychlak
John Cornwell’s new book, Hitler’s Pope: The Secret History of Pius XII, turns out to be a deeply flawed attack on Pope John Paul II. That’s right, the final chapter is actually an attack on the current plaintiff. Cornwell is disturbed by John Paul’s « conservative » positions on celibate clergy, women priests, artificial contraception, and abortion. He is especially concerned about the Pope’s opposition to direct political activity by the clergy. Cornwell apparently decided that the easiest way to attack the Pope of today was to go after Pius XII. If he can prove that Pius was flawed, then he establishes that popes can be wrong. If that is the case, then he can argue that John Paul II is wrong about the whole catalogue of teachings that tend to upset many modern Catholics. Cornwell’s thesis is that Eugenio Pacelli–Pope Pius XII–was driven by the desire to concentrate the authority of the Church under a strong, central papacy. Cornwell argues that as Pacelli worked toward that end, he created a situation that was easy for Hitler to exploit. Cornwell denies that Pacelli was a « monster. » In fact, he recognizes that Pacelli « hated » Hitler. His theory, deeply flawed though it may be, is that Hitler exploited Pacelli’s efforts to expand Roman influence. Unfortunately,   many reviews, like those in the New York Post and the London Sunday Times, missed that point. They simply reported that « Pius XII helped Adolf Hitler gain power, » as if the two worked together. That is certainly not Cornwell’s point. Some of the mistakes reported in the press are obvious to anyone who read Cornwell’s book. For instance, The Indianapolis News reported that Pius knew of Hitler’s plan for the Final Solution « in 1939 when he first became involved with the German leader. » First of all, the Nazis did not decide on the course of extermination until 1942. Perhaps more telling, this statement is at odds with two things in the book: 1) Cornwell argues that Hitler and the future Pope Pius XII first « became involved » in the early 1930s, and 2) Cornwell expressly notes that Pius XII’s first reliable information concerning extermination of the Jews came in the spring of 1942, not 1939. Similarly, the New York Post reported in a couple of different editions that « Pacelli… met with Hitler several times. » This is not true. The two men never met, and Cornwell does not claim that they did. The most common error by made reviewers was that of accepting Cornwell’s assertions without checking out the facts. On some of these points, the reviewer’s oversight might be forgiven. For instance, Viking Press has marketed this book as having been written by a practicing Catholic who started out to defend Pius XII. One is always reluctant to say what another person’s beliefs are, so reviewers could be forgiven had they simply remained silent about that issue. Instead, the vast majority took delight in calling Cornwell a good, practicing Catholic. Having decided to report on Cornwell’s religious beliefs, the reviewers might have noted that his earlier books were marketed as having been written by a « lapsed Catholic for more than 20 years » and that reviewers said he wrote « with that astringent, cool, jaundiced view of the Vatican that only ex-Catholics familiar with Rome seem to have mastered. » They might also have reported that during the time he was researching this book he described himself as an « agnostic Catholic. » Finally, it might have been worth noting that in a 1993 book he declared that human beings are « morally, psychologically and materially better off without a belief in God. » Instead, they presented only that side of the story that Cornwell and his publisher wanted the public to hear. The Vatican had not yet spoken, so a reviewer might be excused for not knowing that Cornwell lied about being the first person to see certain « secret » files and about the number of hours that he spent researching at the Vatican. When, however, he claimed that a certain letter was a « time bomb » lying in the Vatican archives since 1919, a careful reviewer might have mentioned that it had been fully reprinted and discussed in Germany and the Holy See: Pacelli’s Nunciature between the Great War and the Weimar Republic, by Emma Fattorini (1992). That letter at issue reports on the occupation of the royal palace in Munich by a group of Bolshevik revolutionaries. Pacelli was the nuncio in Munich and a noted opponent of the Bolsheviks. The revolutionaries sprayed his house with gunfire, assaulted him in his car, and invaded his home. The description of the scene in the palace (which was actually written by one of Pacelli’s assistants, not him) included derogatory comments about the Bolsheviks and noted that many of them were Jewish. Cornwell couples the anti-revolutionary statements with the references to Jews and concludes that it reflects « stereotypical anti-Semitic contempt. » That is a logical jump unwarranted by the facts. Even worse, however, is the report in USA Today that Pacelli described Jews (not a specific group of revolutionaries) « as physically and morally repulsive, worthy of suspicion and contempt. » Again, it is a case of the press being particularly anxious to report the worst about the Catholic Church. Cornwell claims that he received special assistance from the Vatican due to earlier writings which were favorable to the Vatican. Many reviewers gleefully reported this and his asserted « moral shock » at what he found in the archives. A simple call to the Vatican would have revealed that he received no special treatment. If the reviewer were suspicious about taking the word of Vatican officials, a quick consultation of Cornwell’s earlier works (or easily-available reviews thereof) would have revealed that he has never been friendly to the Holy See. (…) Cornwell misses the important point that is so well explained in George Weigel’s new biography of John Paul II, Witness to Hope. John Paul’s political impact came about precisely because he did not primarily seek to be political, or to think or speak politically. The pontiff’s contribution to the downfall of Soviet Communism was that he launched an authentic and deep challenge to the lies that made Communistic rule possible. He fought Communism in the same way that Pius XII fought Nazism: not by name-calling but by challenging the intellectual foundation on which it was based. John Paul has recognized the parallels between his efforts and those of Pius XII, perhaps better than anyone else. He, of course, did not have a horrible war to contend with, nor was he threatened with the possibility of Vatican City being invaded, but given those differences, the approach each Pope took was similar. As John Paul has explained: « Anyone who does not limit himself to cheap polemics knows very well what Pius XII thought of the Nazi regime and how much he did to help countless people persecuted by the regime. » The most disappointing thing is that the modern press seems unable to recognize cheap polemics, at least when it comes to the Catholic Church. Ronald J. Rychlak
The first cause for suspicion is on the cover of Cornwell’s book. The dust jacket of the British edition shows Nuncio Pacelli leaving a reception given for German President Hindenburg in 1927. The photograph, a favorite of those who seek to portray Pius XII in an unfavorable light, shows the nuncio dressed in formal diplomatic regalia (which could easily be confused with papal garments), as he exits a building. On each side of him stand soldiers of the Weimar republic. In front of him stands a chauffeur saluting and holding open the square-looking door, typical of automobiles from the 1920s. Those who do not recognize the differences in uniform details could easily confuse the Weimar soldiers with Nazi soldiers because of their distinctive helmets associated with Nazi-era German soldiers. Use of this photograph, especially when coupled with a provocative title such as “Hitler’s Pope,” gives the impression that Pope Pius XII is seen leaving a meeting with Hitler. Making matters even worse is the caption from inside the dust jacket on early British editions of the book. This caption says that the photograph is from March 1939. By this time, Hitler was Chancellor of Germany, and this was the month Pacelli was made Pope. A fair-minded person reading the caption could easily conclude that Cardinal Pacelli paid a visit to Hitler immediately prior to being elected Pope. The American version of Hitler’s Pope never had the wrong date, but–given that the date might have been an honest error–it is far more revealing about the intentional mis-information that went into the marketing of this book. The U.S. edition uses the same photograph as the British edition, but it is cropped to eliminate two important points of reference: The soldier nearest the camera and the square door of the automobile. Both of those images provide clues to the true date of this photo (1927), and despite his claims in Brill’s Content, Cornwell did not want that known. The photo also has been significantly darkened, giving it a more sinister feel. Even more telling is the intentional blurring of the background. Looking at this cover, Nuncio Pacelli is in focus, but the soldier to his left and the chauffeur are both badly blurred. They are so badly blurred that it is impossible even for a well-trained observer to recognize that the soldier wears a Weimar uniform rather than a Nazi uniform. The chauffeur, due to the blurring and cropping that eliminates the car door, takes on the appearance of a saluting SS officer. Even a civilian in the background could seem to be a military (Nazi) official. Since none of the images on the British edition are blurred, and since Nuncio Pacelli’s face is in focus on the U.S. cover, but the other images are blurred, the only logical conclusion is that the photo was intentionally altered to support Cornwell’s thesis. Ronald J. Rychlak
La sorcière existe-t-elle ? Est-elle bénéfique ou dangereuse, faut-il voir en elle l’héroïque témoignage d’une autre forme d’intelligence, réprimée par les détenteurs du pouvoir, ou une pauvre idiote, une marginale, une vieille folle manipulée ? Quiconque s’est confronté aux textes reconnaîtra ces questions, auxquelles s’impose la nécessité de ne pas répondre trop précipitamment – sauf à simplifier les phénomènes et les textes du passé jusqu’à les rendre inintelligibles, à les enfermer dans une altérité opaque. S’il est impossible d’adhérer au système de croyance à la sorcellerie, comme au système qui guide sa répression, il est nécessaire de tenter de leur restituer une intelligibilité, de comprendre du moins ce qui les a rendus possibles, à quelles questions ou à quelles angoisses ils ont pu apparaître comme des réponses. Ou on ne verra jamais dans cette histoire que des imbéciles féroces s’acharnant à brûler des imbéciles crédules (pour reprendre des mots de Voltaire) ; et on s’étonnera de l’acharnement répressif d’un humaniste comme Bodin (dont Michel Porret analyse ici la réfutation de Jean Wier), avec sa Démonomanie des sorciers, « un des livres les plus attristants de cette époque », écrivait en 1948 Lucien Febvre, dans un article dont le titre formulait nettement le problème qui se pose aux historiens : Sorcellerie, sottise ou révolution mentale ? [10] Et on ne comprendra pas non plus la fascination qu’exercent encore aujourd’hui la sorcellerie, en particulier dans ses versions sataniques, et sa répression. Dans cet effort pour comprendre ce qui révolte (Febvre parlait d’horreur et de dégoût), – mais qui souvent fascine –, on a le choix entre une approche externe, résolument rationaliste et matérialiste, qui verra par exemple dans la sorcière le produit de la misère et de l’oppression subie par le peuple des campagnes, et dans sa répression la volonté d’asseoir de nouveaux pouvoirs (qu’ils soient locaux ou centraux, ecclésiastiques ou laïques), voire de sordides règlements de comptes entre voisins. Et une approche plus empathique, qui cherchera à tenir compte des systèmes de croyance et de représentation du monde, et à penser le sens du recours à la sorcellerie (se défendre contre des forces et des maux angoissants et inexplicables, contre lesquels il n’apparaît pas d’autre remède ; soigner, transmettre des traditions, conserver un lien avec les forces de la nature), voire ce qui fonde le sens de la répression pour les persécuteurs (défendre le Bien, et l’ordre concret et symbolique d’un monde menacé, restaurer ou imposer une hiérarchie nécessaire). L’une et l’autre attitude pourront mettre l’accent sur le collectif, les affrontements et rapports de force sur l’horizon desquels intervient la sorcellerie (guerres de religion, centralisation…), ou plutôt sur l’individuel, en cherchant dans la sorcière (ou le sorcier) le produit d’une histoire singulière et de conflits psychiques. Dans les études concrètes, ces positions ne sont d’ailleurs pas aussi exclusives les unes des autres qu’elles peuvent apparaître en théorie. Le grand livre de Michelet a fait beaucoup à la fois pour la réintégration de la sorcière et de la sorcellerie dans une histoire commune, démarche que l’on peut par certains côtés considérer comme héritière des Lumières, rationaliste, et pré-ethnologique, mais il a fait plus encore pour l’édification d’un mythe – et combien durable ! – qui exalte dans la sorcière le Féminin, le Populaire, le lien à la Nature, les puissances de la vie et de la création persécutées par les pouvoirs mortifères de l’Église. De la défense de la sorcière contre les préjugés et une répression intolérante et cruelle à une réhabilitation qui la constitue en héroïne, – porteuse d’ailleurs de valeurs et de causes variables selon les auteurs et les moments historiques – , il n’y a qu’un pas, souvent franchi. Christine Planté
Dans « L’Inquisition espagnole : Une révision historique  » (…) Kamen (…) réaffirme sa thèse selon laquelle une Inquisition toute puissante et adepte de la torture est en grande partie un mythe du XIXe siècle. À la place, il dépeint une institution pauvre, manquant de personnel, dont les tribunaux dispersés n’avaient qu’une portée limitée et dont les méthodes étaient plus humaines que celles de la plupart des tribunaux laïques. La mort par le feu, affirme-t-il, était l’exception et non la règle. Il affirme en outre qu’au-delà de quelques autos da fe bien médiatisés en 1559, l’Inquisition n’est pas la principale raison pour laquelle la Réforme ne s’est pas imposée en Espagne. Kamen estime que l’échec des idées luthériennes en Espagne est moins lié à l’Inquisition qu’à l’indifférence de la population à l’égard du protestantisme. Quant au rôle de Big Brother tant vanté par l’Inquisition et à sa responsabilité dans le déclin intellectuel, Kamen rejette d’emblée cette hypothèse, arguant de son inefficacité en tant que censeur et du fait qu’elle n’a même pas réussi à empêcher l’importation d’articles figurant dans son propre Index des livres interdits. L’Inquisition, plus intéressée par la religion que par la science, n’a guère empêché la circulation des ouvrages de Copernic, Galilée et Kepler. Kamen rejette également l’idée que l’Inquisition bénéficiait d’un large soutien populaire. Les gens l’ont acceptée à contrecœur, affirme-t-il, comme une institution qu’ils employaient pour tourmenter leurs ennemis. De même, la monarchie, malgré les plaintes selon lesquelles les inquisiteurs interféraient régulièrement avec l’administration de la justice royale, la soutenait comme un moyen utile d’écarter les opposants politiques, comme ce fut le cas en 1590 lorsque Philippe II eut recours à ce tribunal et à sa tradition de procédures secrètes pour faire taire Lucrecia de Leon, une prophétesse madrilène qui avait critiqué le roi et sa politique. Plus controversée est l’interprétation que fait Kamen du traitement des juifs convertis, en particulier au cours des années 1480, lorsque, en tant qu' »instrument de crise » créé spécialement pour traiter de l’apostasie parmi les conversos, l’Inquisition était, de l’aveu même de Kamen, incontrôlable. « Il n’y a, écrit-il, aucune preuve systématique que les conversos en tant que groupe étaient des juifs secrets, bien que les preuves de cette affirmation soient ambiguës. Il ne croit pas non plus que ces conversos aient été persécutés uniquement par inimitié raciale. Il admet que les conversos ont souffert d’une marée montante d’antisémitisme au cours des années 1480, qui a finalement conduit à l’expulsion de la communauté juive d’Espagne, très réduite, en 1492. Les problèmes des conversos, affirme-t-il, étaient en partie auto-infligés : le résultat de la revendication d’être une « nation » à part, ni chrétienne ni juive, d’une réticence à s’assimiler (une attitude similaire, affirme-t-il, a contribué à l’expulsion des restes des musulmans d’Espagne en 1609), et aussi d’inimitiés personnelles au sein de la communauté des conversos, une situation qui a conduit à des milliers de dénonciations et de procès injustifiés. Malgré cette fureur, Kamen estime que la plupart des conversos s’en sont sortis indemnes et ont mené une vie « relativement tranquille » à la fin du XVIe siècle. Richard L. Kagan
Rodney Stark, universitaire américain, explore depuis de nombreuses années les relations entre le christianisme et l’essor de la civilisation occidentale. Dans ce nouvel ouvrage, il examine les préjugés anticatholiques selon lesquels le christianisme aurait été un obstacle au développement de cette civilisation occidentale, de la raison, de la science et des droits de l’homme. Stark montre, à l’aide des plus récentes recherches historiques, que c’est le contraire qui est vrai : la raison fondamentale pour laquelle ces caractéristiques se sont développées précisément en Occident tient au rôle que le christianisme a joué dans notre civilisation. Un renversement de perspective particulièrement stimulant. On lit souvent que l’Inquisition fut l’un des chapitres les plus terribles et sanglants de l’histoire occidentale ; que Pie XII, dit « le pape d’Hitler », était antisémite ; que l’obscurantisme a freiné la science jusqu’à l’arrivée des Lumières ; et que les croisades furent le premier exemple de l’avidité occidentale. Ces affirmations sont pourtant sans fondements historiques. Dans cet ouvrage, l’éminent professeur de sociologie des religions Rodney Stark démontre que certaines idées fermement établies – surtout lorsque l’Église entre en scène – sont en réalité des mythes. Il s’attaque aux légendes noires de l’histoire de l’Église et explique de quelles façons elles se sont substituées à la réalité des faits. Un livre passionnant, écrit « non pour défendre l’Église, mais pour défendre l’Histoire ». Editeur
Le point de vue historique que Stark expose dans Bearing False Witness est qu’une lignée de « bigots distingués », s’étendant de Gibbon à nos jours, a créé une culture commune dans laquelle les hypothèses largement répandues sur l’Église catholique sont basées sur « des exagérations extrêmes, de fausses accusations et des fraudes patentes ». Stark insiste sur le fait qu’il n’est pas un « blanchisseur » et qu’il « rapporte simplement l’opinion dominante parmi les experts qualifiés ». Il rappelle également à ses lecteurs qu’il n’est pas catholique. Bien qu’il n’ait jamais été athée, il a été pendant un certain temps avant tout un « chrétien culturel » ou, comme il l’a décrit ailleurs, « un admirateur mais pas un croyant ». Et maintenant ? « Je ne suis plus agnostique depuis des années. Je me suis écrit à la foi ». Ce processus d’écriture de la foi comprend des livres tels que Le triomphe du christianisme, qui raconte « comment le mouvement de Jésus est devenu la plus grande religion du monde », La victoire de la raison, qui explique comment le christianisme a conduit à la liberté, au capitalisme et au succès de l’Occident, et Les bataillons de Dieu, une défense incisive des croisades. Pourtant, dans les années 1960, Stark, jeune historien, était encore attaché à l’idée du rôle néfaste de l’Église dans l’histoire. Au cours de sa première année d’études supérieures à Berkeley, on lui a demandé de préparer un mémoire sur les recherches qu’il avait menées sur l’antisémitisme, afin de le distribuer aux évêques participant au Concile Vatican II. Selon le cardinal Augustin Bea, ce résumé a influencé la rédaction de Nostra Aetate, la déclaration du Concile sur le judaïsme.
(…) Mais au fil des années, en approfondissant ses travaux sur l’histoire ancienne et médiévale, il s’est rendu compte « à quel point l’Eglise catholique avait constitué une barrière cohérente contre la violence antisémite ». Une longue analyse de toutes les explosions de violence antisémite connues en Europe et dans le monde islamique entre 500 et 1600 l’a obligé à reconsidérer l’ensemble du lien entre le christianisme et l’antisémitisme. C’est le thème du premier chapitre de Bearing False Witness. En ce qui concerne l’état actuel de l’Église catholique, Stark est typiquement sans équivoque. La honte des catholiques face aux scandales impliquant des prêtres pédophiles est (du moins en Amérique) « limitée à quelques intellectuels ». Dans le cas contraire, il aurait dû y avoir une baisse substantielle du nombre de membres ou de la fréquentation de la messe. Or, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas eu de baisse du nombre de membres ou de la fréquentation des messes aux États-Unis. « L’engagement des catholiques ordinaires ne semble pas avoir été affecté. En Amérique latine, les taux de participation aux messes ont doublé et redoublé au cours des 25 dernières années. Le nombre de catholiques dans les pays d’Afrique subsaharienne est très supérieur à celui annoncé par l’Almanach catholique et continue de croître rapidement. Mais qu’en est-il de l’Europe ? « L’Europe est beaucoup plus religieuse qu’on ne le dit ou qu’il n’y paraît. J’ai beaucoup écrit à ce sujet, plus récemment dans Le triomphe de la foi ». Stark a suggéré dans d’autres interviews que le manque de fréquentation des églises en Europe était dû à des « églises inefficaces ».
Stark a suggéré dans d’autres interviews que le manque de fréquentation des églises en Europe est dû à « des églises inefficaces plutôt qu’à un manque de foi, puisque la croyance religieuse reste élevée sur tout le continent ». Ces propos sont typiquement tranchants de la part de quelqu’un qui a passé des décennies à comprendre le passé et le présent du christianisme. Quel est donc l’avenir de l’Église catholique selon le professeur Stark ? « Une force continue. L’âge de la raison a commencé au IIe siècle de notre ère. Que pensez-vous de cette affirmation ? Rodney Stark n’est pas homme à tergiverser. Selon lui, l’Église catholique a été régulièrement dénigrée par d’éminents « bigots », des historiens qui ont déformé ou ignoré les faits et pollué l’opinion publique. D’où la détermination de Stark à repousser d’un millénaire et demi la datation de l’âge de la raison, qui a réellement commencé, selon lui, avec certains Pères de l’Église et leur décision de faire de la théologie, c’est-à-dire un raisonnement formel sur Dieu. Tertullien, Clément d’Alexandrie, Augustin : tous ont insisté sur le pouvoir de la raison et sa place dans le plan de Dieu. Saint Augustin s’extasie sur la « sagacité » avec laquelle « on a découvert les mouvements et les liaisons des astres ». La nature rationnelle de l’homme est un « bienfait indicible » que Dieu nous a conféré. D’où la fureur de Stark à l’égard de l’expression « âge des ténèbres ». Il est remarquable de constater que les hommes politiques et les journalistes qui veulent exprimer leur dégoût, que ce soit pour les actions d’ISIS ou pour les règles concernant le port de talons hauts au travail, se contentent de dire qu’ils sont « en colère ». Il est remarquable de constater que les politiciens et les journalistes qui veulent exprimer leur dégoût de nos jours, que ce soit pour les actions d’ISIS ou pour les règles concernant le port de talons hauts au travail, sont susceptibles de qualifier une telle chose de « médiévale » ou de « retour à l’âge des ténèbres ». Et ces ténèbres étaient, bien sûr, le fait de l’Église catholique. Edward Gibbon l’a dit. Voltaire aussi. Daniel Boorstin, bibliothécaire du Congrès des États-Unis, a écrit que l’Église « a construit une grande barrière contre le progrès de la connaissance ». Foutaises, dit Stark. L’âge des ténèbres n’est rien d’autre qu’un canular inventé par les intellectuels pour se glorifier et vilipender l’Église. La période de 300 à 1300 a été, en fait, l’une des grandes époques d’innovation de l’humanité. La technologie a été développée et mise en œuvre à une échelle qu’aucune civilisation n’avait connue auparavant : les moulins à eau, le système des trois champs, le collier de cheval, l’amélioration sélective des plantes, les cheminées et bien d’autres choses encore. Ces innovations ont transformé la productivité, augmenté la population et élargi les horizons dans toute l’Europe soi-disant délaissée. Mais les hommes de lettres bien pensants ont jugé bon de ne pas s’en apercevoir. Quoi d’autre ? La dissection humaine à des fins scientifiques a commencé dans les universités médiévales, sans que l’Église n’émette d’objections sérieuses. Stark cite des ecclésiastiques-scientifiques qui ont précédé Copernic et qui, entre autres, ont mené et gagné la bataille de l’empirisme dans la science. Il y a également eu des progrès moraux. L’ironie des comparaisons avec ISIS, étant donné le recours de ce groupe à l’enlèvement et à l’esclavage, est que la majeure partie de l’Europe avait fait ses adieux à l’esclavage en 1300. Bien qu’il ne soit pas cité par Stark, Hugh Thomas, le grand historien moderne de la traite atlantique, a attribué la résurgence ultérieure de l’esclavage à la mémoire de l’Antiquité : « Si Athènes avait des esclaves pour construire le Parthénon, et Rome pour entretenir les aqueducs, pourquoi les Européens modernes hésiteraient-ils à avoir des esclaves pour construire leur nouveau monde en Amérique ? ». Quant à la façon dont certains historiens traitent le dossier de l’Église sur l’esclavage, Stark les accuse de mentir au vu et au su de tous. Ainsi, dans Bearing False Witness, Rodney Stark s’attaque à un « mythe » après l’autre sur le catholicisme. L’Inquisition espagnole ? Un « paquet de mensonges », diffusé à l’origine par des propagandistes anglais et hollandais. L’Inquisition « utilisait peu le bûcher, torturait rarement et entretenait des prisons exceptionnellement décentes ». Les croisades ? Stark commence par dire, en fait, que « ce sont les autres qui ont commencé », et continue ainsi. Il s’attaque en particulier à l’idée que les croisés étaient animés par des rêves de terre et de butin. Le style de Stark est brusque et clair. Il ressemble à un homme qui prépare soigneusement des quilles avant de tirer des boules de bowling de faits et d’arguments pour les disperser (bien que dans quelques cas, il rééquilibre en réalité le débat plutôt qu’il ne le renverse). Tout cela signifie que Bearing False Witness est un ouvrage passionnant, convaincant et souvent convaincant. Certains passages sont particulièrement intéressants. L’ironie des comparaisons avec l’Eya islamique, étant donné le recours de ce groupe à l’enlèvement et à l’esclavage, est que la majeure partie de l’Europe avait fait ses adieux à l’esclavage en 1300. Bien qu’il ne soit pas cité par Stark, Hugh Thomas, le grand historien moderne de la traite atlantique, a attribué la résurgence ultérieure de l’esclavage à la mémoire de l’Antiquité : « Si Athènes avait des esclaves pour construire le Parthénon, et Rome pour entretenir les aqueducs, pourquoi les Européens modernes hésiteraient-ils à avoir des esclaves pour construire leur nouveau monde en Amérique ? ». Quant à la façon dont certains historiens traitent le dossier de l’Église sur l’esclavage, Stark les accuse de mentir au vu et au su de tous. Ainsi, dans Bearing False Witness, Rodney Stark s’attaque à un « mythe » après l’autre sur le catholicisme. L’Inquisition espagnole ? Un « paquet de mensonges », diffusé à l’origine par des propagandistes anglais et hollandais. L’Inquisition « utilisait peu le bûcher, torturait rarement et entretenait des prisons exceptionnellement décentes ». Les croisades ? Stark commence par dire, en fait, que « ce sont les autres qui ont commencé », et continue ainsi. Il s’attaque en particulier à l’idée que les croisés étaient animés par des rêves de terre et de butin. Le style de Stark est brusque et clair. Il ressemble à un homme qui prépare soigneusement des quilles avant de tirer des boules de bowling de faits et d’arguments pour les disperser (bien que dans quelques cas, il rééquilibre en réalité le débat plutôt qu’il ne le renverse). Tout cela signifie que Bearing False Witness est un ouvrage passionnant, convaincant et souvent convaincant. Certains passages sont particulièrement fascinants, comme lorsque Stark défend l’idée que les monastères ont été les premières véritables entreprises capitalistes. (…) Et, bien sûr, le plus grand obstacle aujourd’hui à la perception de l’Église catholique comme une force pour le bien n’est pas le mythe des Évangiles supprimés, ou le mythe de l’éthique protestante du travail, ou quoi que ce soit d’autre. Ce sont les scandales d’abus, tout sauf mythiques. (…) Une chose que Stark n’est donc pas, c’est un catholique : « Je n’ai pas écrit ce livre pour défendre l’Église », déclare-t-il en regardant droit dans les yeux ses éventuels détracteurs. « Je l’ai écrit pour défendre l’histoire. Michael Dugan
Le problème n’était pas que le leadership fut silencieux. C’était que presque personne ne l’a écouté.  Quelques auteurs catholiques prétendent que ce ne fut pas avant les années 1890 que l’Église Catholique Romaine condamna l’esclavage. Un prêtre britannique a prétendu que cela n’a pas eu lieu avant 1965. Un non-sens! Dès le septième siècle, Sainte-Bathilde (l’épouse du Roi Clovis II) devint célèbre pour sa campagne afin de faire cesser le commerce des esclaves afin de les libérer tous; en 851 Saint-Anskar débuta ses efforts pour faire stopper le commerce d’esclaves effectué par les Vikings. Que l’Église baptisa volontairement les esclaves démontre qu’ils furent  considérés comme ayant une âme, et très tôt, Rois et Évêques, incluant William le Conquérant (1027-1087) Saint-Wulfstan (1009-1095) et Saint-Anselme (1033-1109) interdirent l’esclavage des Chrétiens. Puisqu’en faisant exception des petits hameaux, Juifs et Vikings au nord, tout le monde était au moins nominalement un Chrétien,  l’esclavage était effectivement supprimé en Europe médiévale, excepté aux frontières méridionales et orientales avec l’Islam où des deux côtés on asservissait les prisonniers de l’autre. Toutefois, même cette pratique a épisodiquement fait l’objet de condamnation: au dixième siècle, les évêques de Venise ont proclamé une expiation publique pour la participation passée dans le commerce d’esclaves des Maures et ont cherché à empêcher tout Vénitien de participer à l’esclavage. Puis, au treizième siècle, Saint-Thomas d’Aquin conclut que l’esclavage était un péché. Ainsi, une série de papes supportèrent sa position en 1435, année où culminèrent trois déclarations majeures contre l’esclavage par le Pape Paul III en 1537. Il est significatif qu’au jour d’Aquin, l’esclavage était déjà une chose du passé ou des contrées éloignées. En conséquence, il  porta peu d’attention au sujet intrinsèque, prêtant plutôt d’attention au servage, qu’il tint également pour répugnant. Cependant, dans son analyse globale de la moralité dans les rapports humains, Aquin considérait l’esclavage comme étant en opposition à la loi naturelle, concluant que toutes les «créatures raisonnables» ont un droit à la justice. Par conséquent, il ne trouva aucune base naturelle pour prétendre à esclavage de personnes plutôt que d’autres, « de ce fait enlevant toute espèce de justification possible pour l’esclavage basée sur la race ou la religion.» La raison, et non pas la coercition, est la base, morale de l’autorité, parce qu’aucun «homme n’est par sa nature assujetti  à un autre.» Sur cette question, Aquin a distingué deux formes de  «sujétion» à l’autorité, l’une juste et l’autre injuste. La première existe lorsque les dirigeants travaillent pour l’avantage et le bénéfice de leurs sujets. La forme injuste de soumission « est celle de l’esclavage, dans lequel l’autorité contrôle le sujet pour ses propres avantages.» Se fondant sur l’immense autorité donnée à Aquin par l’Église, la position officielle était donc que l’esclavage était un péché. Il est vrai que quelques papes n’ont pas observé l’obligation morale d’opposition à l’esclavage. En 1488, le pape Innocent  VIII accepta un cadeau de cent esclaves Maures fait par le Roi Ferdinand d’Aragon, donnant certains d’entre eux à ses cardinaux. Naturellement, Innocent était un cas à part puisqu’il en est venu à commettre dans sa vie des actions parfaitement immorales. Cependant, la laxité ne doit pas être confondue avec la doctrine.  Ainsi. tandis qu’Innocent engendra beaucoup d’enfants, il n’a en aucun temps changé la doctrine officielle de l’Église comme quoi le clergé devait être célibataire. De la même manière, son acceptation d’un cadeau d’esclaves ne devrait pas être confondue avec des enseignements officiels de l’Église sur l’esclavage, enseignements qui ne changèrent pas. Ceux-ci ont été énoncés fréquemment et explicitement lorsqu’il devenait pertinent de le faire. Lors des années 1430, les Espagnols colonisèrent les îles Canaries et commencèrent à asservir la population indigène. Il n’était pas question de servage mais d’un véritable esclavage de sorte que des Chrétiens et les Maures pratiquèrent longtemps  sur les captifs en Espagne. Quand la rumeur de ces actions atteignit le Pape Eugène IV (1431 à 1447), il publia une Bulles, «Sicut Dudum». Le pape n’y a pas mâché ses mots. Sous la menace de l’excommunication, il donna quinze jours à partir de la réception de sa Bulle pour « restaurer à leur liberté au plus tôt toute personne de l’un ou l’autre sexe qui était par le passé, des résidants de les dites îles Canaries. . . Ces personnes doivent être totalement et perpétuellement libres et doivent être laissées libres sans exaction ou demande de quelques sommes d’argent que ce soit. Le Pape Pie II (1458 à 1464) et le Pape Sixte IV (1471 à 1484) ont poursuivi cette action par des Bulles additionnelles condamnant l’esclavage des insulaires dans les îles Canaries, qui, malheureusement, a quand même continué… Ce que cet épisode démontre est la fragilité de l’autorité papale de l’époque, et non pas une indifférence de l’Église au péché de l’esclavage. Avec le succès des invasions espagnoles et portugaises du Nouveau Monde, l’esclavage des indigènes et l’importation des Africains s’en sont suivis, et quelques esclavagistes ont eu comme raisonnement que cela n’était pas en violation de la moralité chrétienne, prétendant que ces derniers n’étaient pas « des créatures raisonnables» ayant droit à la liberté mais étaient plutôt des espèces d’animaux, et que donc légitimement sujets à l’exploitation humaine. Ce subterfuge théologique par les esclavagistes-commerçants fut astucieusement employé par Normand F. Cantor pour accuser le Catholicisme alors qu’il dit  : « l’Église a accepté l’esclavage… au seizième siècle en Espagne, les chrétiens discouraient au sujet de savoir si les esclaves noirs avaient une âme ou étaient des créations animales du Seigneur.» Cantor ne donna aucune indication comme quoi Rome à plusieurs reprises dénonça l’esclavage dans le Nouveau Monde comme motif d’excommunication. Et pourtant  c’est précisément ce que fit le Pape Paul III (de 1534 à 1549) sur cette question. Bien que membre d’une famille ecclésiastique Romaine, et quelquefois libertin dans ses premières années (il a été fait cardinal à vingt-cinq ans mais n’a pas accepté l’ordination jusqu’à ce qu’il ait eu cinquante ans). Paul se transforma et devint un  pape efficace et pieux qui a pleinement reconnu la signification morale du Protestantisme et lança la Contre-Réforme. Sa Bulle magnifique contre l’esclavage dans le Nouveau Monde (aussi bien que les Bulles semblables par d’autres papes) furent d’une façon ou d’une autre «oubliées» des archives historiques jusque très récemment. (…) Dans une seconde Bulle sur l’esclavage, Paul  appliqua la sanction de l’excommunication à quiconque sans regard pour : « sa dignité,  son état, sa condition, ou sa fonction… qui de quelque façon que ce soit prétend réduire les dits Indiens à l’esclavage ou de les dépouiller de leurs biens.»  Mais rien ne s’est produit. Bientôt, en plus de l’exploitation brutale des Indiens, les bateaux esclavagistes Espagnols et Portugais ont commencé à naviguer entre l’Afrique et le Nouveau Monde. Et comme les missionnaires Catholiques d’outre-mer avaient éveillé Rome afin qu’elle condamne l’esclavage des Indiens, des appels semblables ont été envoyés au sujet des esclaves noirs importés. Le 22 Avril 1639, le pape Urbain VIII (1623 à 1644), sur demande des Jésuites du Paraguay, publia une Bulle  « Commissum Nobis»  réaffirmant la loi de «notre prédécesseur Paul III» pour ceux qui réduisent d’autres à l’esclavage puisqu’étant ainsi sujets à l’excommunication. Par la suite, la Congrégation du Saint Office (l’Inquisition Romaine) a même abordé la question. Le 20 Mars 1686. (…) Le problème ne fut pas que l’Église ne condamna pas l’esclavage; ce fut que peu entendirent et que la plupart d’entre eux refusèrent d’écouter. À cette époque, les papes avaient peu ou à peu près pas d’influence sur les Espagnols et les Portugais puisqu’à ce moment-là, l’Espagne même régnait sur la majeure partie de l’Italie; en 1527, sous la conduite de Charles V, les espagnols ont même saccagé Rome. Si le pape avait si peu d’influences en Espagne ou au Portugal, il en avait à peu près aucune dans le Nouveau Monde et les nouvelles colonies, excepté indirectement par le travail des ordres religieux. En fait, il était illégal même d’éditer les décrets papaux « dans les possessions coloniales espagnoles sans le consentement royal,»  et le roi s’arrogeait le droit de désigner également tous les évêques. Néanmoins, la Bulle d’Urbain VIII fut lue en public par les Jésuites à Rio de Janeiro, avec comme résultat qu’ils furent attaqués à l’université locale des Jésuites avec pour compte qu’un certain nombre de prêtres furent blessés. Dans Santos, une foule a piétiné un Jésuite vicaire-général quand il a essayé de publier la Bulle, et les Jésuites ont été expulsés de Sao Paulo lorsque la rumeur se répandit de leur action pour faire connaître la Bulle contre l’esclavage. Ainsi, la connaissance des Bulles anti-esclavagistes et des décrets postérieurs de l’Inquisition contre l’esclavage ont été généralement limités au clergé, particulièrement aux ordres religieux, ce qui de ce fait a limité leur impact public. Naturellement, les Espagnols et les Portugais n’étaient pas les seuls esclavagistes du Nouveau Monde. Et même si  les Bulles papales furent publiées partout, elles n’eurent aucune force morale chez les Anglais et les Hollandais. Ainsi, il doit être noté que l’introduction de l’esclavage au Nouveau Monde n’a fait l’objet d’aucune dénonciation de personnalités hollandaises ou protestantes anglaises. Cependant, bien que les Bulles papales contre l’esclavage aient été rejetées dans le Nouveau Monde, les vues anti-esclavagistes de l’Église ont eu un effet significatif de modération dans les Amériques Catholiques par les moyens du  « Code Noir » et du « Código Negro Español ». Dans les deux cas, l’Église a inspiré leur formulation et leur renforcement, démontrant de ce fait son opposition fondamentale à l’esclavage et cela en essayant d’assurer « les droits des esclaves et son bien-être matériel,» et en imposant des «obligations aux propriétaires d’esclaves, limitant ainsi leur contrôle sur ces derniers.» Comme Eugene Genovese l’a mentionné : « le Catholicisme a fait une différence profonde dans les vies des esclaves. [ En ] donnant aux sociétés esclavagistes américaines brésiliennes et espagnoles une éthique. . .  celui d’une véritable législation spirituelle.» La prédominance d’anti-religieux, et particulièrement d’anti-Catholique, polarisée principalement dans la relation de l’histoire sur l’esclavage est bien démontrée par la «rubrique» sur  «Le Code Noir dans la Colombia Encyclopedia de 1975»  sous le mot Louisiane nous lisons : « [ Le code Noir adopté en 1724 pourvoit au contrôle rigide de la vie des [ esclaves ] et à la protection des blancs. Des dispositions complémentaires ont établi le Catholicisme comme religion officielle.» Et c’est fait ! Pas la plus légère reconnaissance des nombreux articles conçus pour protéger les esclaves. Il ne s’agissait pas d’une proclamation d’émancipation c’est un fait, mais le «Code des Barbades» n’en était pas un non plus. Comme exemple additionnel de la polarisation biaisée  antireligieuse chez les historiens contemporains, considérez que dans son article sur le Code Noir, Robin Blackburn a écrit « la politique officielle feinte l’encouragement des mariages d’esclaves dans les colonies françaises,» seulement à la fin de sa phrase il admet que cela avait des résultats « limités» mais  des résultats non négligeables. Il cite alors un document de la Martinique rapportant que la moitié des esclaves d’âge à se marier l’était. Puisque la distribution de l’état matrimonial des esclaves est précisée, ceci équivaut en fait au taux de mariage en France à ce moment-là, et il semblerait que selon lui, le soutien au mariage « soit feint.» Également remarquable est le fait que tant d’historiens distingués sur l’esclavage ont à peine mentionné l’existence du Code Noir et ont ignoré le Código Negro Español  si complètement qu’il n’apparaît même pas dans les index de leurs travaux. Mais si beaucoup d’historiens n’ont prêté que peu ou pas d’attention à ces codes, l’Église inspira ces codes, non plus que pratiquement personne a même mentionné le Code des Barbades (sous aucun nom), excepté les quelques historiens se spécialisant dans des lois sur l’esclavage, et quelques auteurs qui ont écrit spécifiquement au sujet de l’histoire de l’esclavage à la Barbade, bien que le code ait été observé dans toutes les Indes Occidentales Britanniques. Je pense que le code des Barbades aurait suscité une attention considérable s’il avait été produit par des Catholiques plutôt que par des Protestants…  Mais peut-être que la plus importante omission à noter dans les écrits sur l’esclavage dans le Nouvel Monde, et particulièrement de l’esclavage et des mauvais traitements faits à des populations indigènes, concerne la République Jésuite du Paraguay. Pendant plus de 150 années (1609-1768), les Jésuites ont administré un secteur de plus de deux fois la taille de la France, localisé au sud du Brésil et à l’ouest du territoire cédé au Portugal par le Traité de Tordesillas(1494).  Là, un petit groupe de Jésuites espagnols ( probablement jamais plus considérable que deux cents) fonda, protégea, éduqua , et conseilla une civilisation remarquable d’environ une trentaine de «réductions,» ou communautés, formée exclusivement  d’Indiens Guarani. Non seulement les arts et l’industrie se sont-ils épanouis dans la république des Jésuites (villes avec des rues pavées et des bâtiments, des orchestres symphoniques impressionnants, des imprimeries), mais encore une véritable tentative fut faite d’un gouvernement représentatif. Leur but en fondant cette république, est expliqué par le Jésuite supérieur Antonio Ruiz de Montoya en 1609, il s’agissait de christianiser et «civiliser» les Indiens de sorte qu’ils puissent être des sujets libres de la couronne, égaux aux Espagnols, et d’ainsi  : « amener la paix entre les Espagnols et les Indiens, une tâche si difficile que, depuis la découverte des Indes Occidentales il y a plus de cent ans, cela n’a toujours pas été possible.» La république s’est épanouie, mais plutôt que de devenir un fondement pour l’égalité et la paix, son existence a offensé beaucoup de fonctionnaires et de planteurs coloniaux, et provoqua des tentatives d’expropriation. Néanmoins, les Jésuites sont parvenus à devancer et contrecarrer ces tentatives pendant plusieurs générations. Mais ensuite, les choses ont commencé à se dégrader. La première étape dans la chute de la république est venue en 1750 quand les Portugais et les Espagnols ont signé un nouveau traité, redivisant l’Amérique du Sud le long des frontières naturelles. Comme résultat, sept des réductions sont tombées sous la juridiction portugaise. Il leur fut ordonné de passer le pouvoir aux autorités civiles, les Jésuites résistèrent et firent appel aux Couronnes Portugaises et Espagnoles pour conserver les réductions libres. Mais leurs adversaires étaient trop forts et sans scrupule, faisant circuler des fausses rumeurs de  conspiration des Jésuites contre les deux Couronnes. Ainsi en 1754, des troupes espagnoles furent envoyées contre les sept réductions de l’Ouest, alors que les Portugais avançaient à l’Est. Les deux forces européennes ont été défaites par les Indiens, qui étaient tout à fait bien entraînées dans la tactique militaire et possédaient des mousquets et des canons. Bien que les Jésuites n’eurent aucune participation dans les batailles, ils ont été blâmés comme traîtres et comme conséquence à cette lutte contre l’esclavage, ils furent expulsés du Portugal et de tous les territoires portugais en 1758. Bientôt, des accusations supplémentaires de complots durent portés contre le Jésuites en Espagne alors que tous les membres de l’ordre furent arrêtés au début de 1667 et expulsés dans les états pontificaux. En juillet, les autorités coloniales étaient prêtes à expulser les Jésuites d’Amérique latine, et le rassemblement  de ces derniers débuta à Buenos Aires et à Cordoue. Mais ce ne fut pas avant l’année suivante que les troupes espagnoles  s’emparèrent des vingt-trois «réductions» restantes et se saisirent des Jésuites demeurant, sur quoi les pères (même très malades et vieux) ont été attachés à des mules et transportés à travers les montagnes par mauvais temps, beaucoup sont décédés. Ainsi, étaient les Jésuites expulsés de l’hémisphère occidental. Bientôt, leur république tomba en ruine et fut pillée par les autorités civiles. Découragés par les mauvais traitements et la perte des «Pères Robe Noire» (les jésuites), les survivants Guaraní s’enfuirent, la plupart dans les villes. Ainsi, périt une brillante civilisation… Bien sûr, parmi les quelques historiens à traiter de la république des Jésuites, certains vocifèrent contre le colonialisme et le Catholicisme, condamnent les Jésuites «fanatiques» pour l’imposition de la religion et de la civilisation aux Indiens païens, et dénoncent des efforts des Jésuites pour soutenir une république comme un cruel paternalisme et une exploitation. Mais même si l’on devait accepter la version la plus extrémiste de ces assertions, on est confronté aux efforts sincères et efficaces des Jésuites pour protéger les Indiens contre les planteurs et les autorités coloniales qui ont souhaité les ramener à l’esclavage ou de les supprimer entièrement. D’avoir réussi à ériger avec les indiens, une civilisation indienne avancée dans ce contexte historique est un exploit tout à  fait extraordinaire. D’ailleurs, nos historiens parlent au moins de cet événement historique important, alors que la plupart des autres historiens l’ont tout simplement ignoré. J’ai pu trouver seulement deux livres sur le sujet en langue anglaise écrits depuis les trente dernières années, l’un d’entre eux traduit du Portugais et tous deux maintenant indisponibles. D’autant plus que j’ai pu découvrir, une seule reconnaissance du sujet dans l’encyclopédie Britannica  autre que cette simple phrase sous le mot : « Paraguay, histoire de » : « Pendant la majeure partie de l’ère coloniale, le Paraguay a été connu principalement comme une énorme mission de Jésuites de 30 reducciones.» Il n’est même pas dit ce que sont les  «reducciones». Quant aux travaux principaux sur l’esclavage dans le Nouveau Monde, qui tous ont des choses amères (et souvent anti-Catholiques) à dire au sujet de l’esclavage et de l’abus des Indiens en Amérique latine: ils conservent un silence absolu sur la république des Indiens du Paraguay. En revanche, une attention considérable a été prêtée par des historiens au fait que pas tout le clergé catholique, incluant  les Jésuites, ont accepté que l’esclavage fut un péché. En effet, parfois au milieu des sociétés esclavagistes elles-mêmes, des membres du clergé  ont eu des esclaves pendant le dix-huitième et tôt durant le dix-neuvième siècle. Les Jésuites dans le Maryland furent  propriétaires d’esclaves. Le reste du clergé était très confus au sujet de cette question. Par exemple, Dominicain Bartolome de Las Casas (1474-1566) a fait une campagne amère et tout à fait réussie contre l’esclavage des Indiens, pendant laquelle il a proposé que des esclaves soient apportés d’Afrique pour les remplacer. Plus tard, il est venu à regretter vivement cette proposition et a exprimé un doute de savoir si Dieu le pardonnerait pour ce péché terrible. Il faut également reconnaître que l’Église, habituellement, n’a pas confronté les gouvernements de front et n’a pas essayé par la  force de faire cesser l’esclavage. Reconnaissant que les papes avaient menacé d’excommunication, mais dans la pratique, l’Église a travaillé à essayer d’améliorer les conditions de vie des esclaves autant que possible. Ainsi, l’église était persistante dans son affirmation que l’esclavage était seulement un état de service, et que ceux qui furent asservis, étaient entièrement humains et pleinement égaux aux yeux de Dieu. Pendant que l’éminent  Cardinal italien Hyacinthe Gerdil (1718-1802) disait que : « l’esclavage ne peut pas être compris comme conférant à un seul homme le même pouvoir qu’un homme a sur son bétail. . . L’esclavage ne supprime pas l’égalité naturelle des hommes… [ et est ] sujet à la condition que le maître prenne le soin qui est dû à son esclave et le traite avec humanité.»Comme déjà mentionné, c’était dans cet esprit que le premier article du « Código Negro Español» exigeait de tous les maîtres d’avoir leurs esclaves baptisés et spécifiait de sérieuses sanctions  pour les maîtres qui n’ont pas permis à leurs esclaves d’assister à la messe ou de célébrer les jours de célébrations. En revanche, l’Église d’Angleterre ne reconnaissait pas les esclaves comme des « êtres humains baptisables.» Ces deux vues ont eu un effet profond, non seulement sur ceux impliqués dans l’esclavage, mais sur des attitudes envers les ex-esclaves et l’affranchissement des esclaves. Ce qui est clair est que l’affirmation commune comme quoi l’Église Catholique a généralement favorisé l’esclavage, n’est pas vraie. En effet, comme il sera vu, quand les Quakers américains initièrent le mouvement abolitionniste, ils  trouvèrent des âmes soeurs non seulement chez d’autres Protestants mais également parmi les Catholiques Romains. Si le monothéisme possédait un potentiel certain de provoquer des doctrines anti-esclavagistes comme cela est avancé par certains, il faut également se demander pourquoi l’Islam ne s’est-il donc pas retourné contre l’esclavage ? En effet, pourquoi l’esclavage persiste-t-il dans certaines régions  islamiques, alors qu’il vient tout récemment de cesser dans d’autres nations musulmanes en réponse à une pression intense de l’ouest (chrétien)? Pour répondre à cette question, nous devons reconnaître que les théologiens travaillent dans des limites intellectuelles définies, non pas simplement en conclusion de fondements culturels particuliers. Par exemple, il serait tout à fait impossible pour les théologiens juifs, chrétiens, ou islamiques de déduire que Dieu n’a aucun intérêt dans le comportement sexuel humain. Les textes révélés ne permettront simplement pas une telle conclusion. Ni les théologiens chrétiens ne pourraient déduire que Jésus a favorisé la polygamie, du moins sans une révélation additionnelle. Le problème fondamental auquel font face les théologiens musulmans vis-à-vis de la moralité de l’esclavage est que Mahomet a acheté, vendu, capturé, et possédé des esclaves. Comme Moïse, le Prophète a conseillé que des esclaves soient bien traités : « Et que ceux qui n’ont pas de quoi se marier, cherchent à rester chastes jusqu’à ce qu’Allah les enrichisse par Sa grâce. Ceux de vos esclaves qui cherchent un contrat d’affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous reconnaissez du bien en eux; et donnez-leur des biens d’Allah qu’Il vous a accordés. Et dans votre recherche des profits passagers de la vie présente, ne contraignez pas vos femmes esclaves à la prostitution, si elles veulent rester chastes. Si on les y contraint, Allah leur accorde après qu’elles aient été contraintes, Son pardon et Sa miséricorde.», également il est possible de gagner la rémission si l’on a tué un compagnon croyant par erreur en libérant un esclave : «Il n’appartient pas à un croyant de tuer un autre croyant, si ce n’est par erreur. Quiconque tue par erreur un croyant, qu’il affranchisse alors un esclave croyant et remette à sa famille le prix du sang, à moins que celle-ci n’y renonce par charité. Mais si [le tué] appartenait à un peuple ennemi à vous et qu’il soit croyant, qu’on affranchisse alors un esclave croyant. S’il appartenait à un peuple auquel vous êtes liés par un pacte, qu’on verse alors à sa famille le prix du sang et qu’on affranchisse un esclave croyant. Celui qui n’en trouve pas les moyens, qu’il jeûne deux mois d’affilée pour être pardonné par Allah. Allah est Omniscient et Sage.»(4,92). Comme ce fut le cas des règles juives au sujet de l’esclavage, les critiques de Mahomet ainsi que l’exemple ont probablement atténué bien souvent les conditions de vie des esclaves dans l’Islam contrastant avec le monde Romain ou Grec. Cependant, la moralité fondamentale sur le fondement de l’esclavage ne fut pas remise en cause. Tandis que les théologiens chrétiens furent capables de remettre en cause l’acceptation biblique de l’esclavage, ils n’auraient pas pu probablement le faire si Jésus avait possédé des esclaves. Le fait que Mahomet posséda des esclaves fait que pour les  théologiens musulmans, il est impossible en manœuvrant intellectuellement de surmonter ce problème, et cela même s’ils désiraient le faire. Rodney Stark
Des croisades impérialistes. Une Inquisition sanguinaire. Une Église misogyne. Qui plus est, obscurantiste. Antimoderne. Une papauté avide de pouvoirs. Un Vatican richissime. Un Pie XII antisémite, etc. Ainsi présentée, l’histoire de l’Église catholique peut apparaître comme une succession de scandales, une litanie obsédante égrenée sur fond de l’air du temps glacial. Un faux procès qui lui serait intenté et entacherait, à la longue, sa réputation ? C’est justement pour répondre à ces supposées accusations et passer ces clichés au crible de l’analyse historique que trois livres, dont deux traductions de l’allemand et de l’anglais (États-Unis), sont sortis comme un tir groupé. Que faut-il penser de cette démarche ? Que révèle cette polémique de notre époque et de son rapport au christianisme ? Jean Sévillia, journaliste au Figaro, qui s’attache depuis des décennies à traquer dans ses livres les « contrevérités » historiques ou idéologiques, a réuni dans l’Église en procès la réponse des historiens (Tallandier) 15 historiens – parmi lesquels Martin Aurell, Jean-Christian Petitfils, Olivier Chaline, Christophe Dickès ou François Huguenin – pour répondre avec une volonté de nuance et de pondération à ce réquisitoire contre l’Église. Le maître d’oeuvre classifie ces poncifs : si l’« anachronisme » qui consiste à juger le passé avec ses propres critères est la mère de toutes les erreurs, il faut compter aussi avec le « manichéisme », qui fait fi de la complexité, le « mensonge par omission », qui ne présente qu’un pan de vérité, ou bien la fameuse « indignation sélective ». Rodney Stark, un universitaire américain, ferraille lui aussi contre les « préjugés anticatholiques » dans Faux témoignages. Pour en finir avec les préjugés anticatholiques (Salvator). Ce protestant revendiqué affirme n’avoir « pas écrit ce livre pour défendre l’Église, mais pour défendre l’Histoire ». Pour lui, les aspects négatifs de son histoire ne justifient pas les « exagérations extrêmes, les fausses accusations et les fraudes évidentes ». Il répond de la même façon à une liste à la Prévert d’assertions discutables. Creusant pareillement la métaphore judiciaire, Manfred Lütz se veut lui aussi l’avocat d’un « christianisme en procès ». Dans un ouvrage (le Christianisme en procès. Lumière sur 2000 ans d’histoire et de controverses, Éditions Emmanuel) qui s’est vendu à 100.000 exemplaires outre-Rhin, il a vulgarisé les travaux d’un historien, le professeur Arnold Angenendt. Il part de l’idée que les connaissances universitaires existent déjà et qu’il suffit de les diffuser au grand public. Pour lui, ces fake news qui circulent sur le christianisme sont tout sauf anodines : elles l’ont « totalement discrédité et ébranlé jusqu’aux entrailles ». Ce sentiment qu’on ferait un mauvais procès à l’Église et aux chrétiens n’est pas nouveau : il existe même depuis les débuts du christianisme ! Plus récemment, en 2001, l’historien René Rémond, figure respectée de l’Université française, qui se qualifiait lui-même de « catholique d’ouverture », s’était ému dans un livre au large écho (le Christianisme en accusation, DDB) de la constatation d’une « culture du mépris » (moqueries, sarcasmes, condescendance…) à l’égard du catholicisme d’une nature différente du vieil anticléricalisme d’antan. Le regretté « sage de la République » avait remis le couvert en 2005 dans un second ouvrage (le Nouvel Antichristianisme, DDB). En ce début du siècle, il visait notamment un Michel Onfray qui, depuis, a tourné son talent de polémiste vers d’autres combats. En presque 20 ans, que s’est-il donc passé ? Denis Pelletier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, vient de publier une synthèse historique (les Catholiques en France de 1789 à nos jours, Albin Michel) qui aide à comprendre ces glissements et ces évolutions. Par rapport à une époque où, selon l’expression de Danièle Hervieu-Léger, on stigmatisait la « ringardise catholique », il nous confie avoir constaté un « regain d’intérêt » pour cette religion qui, de nouveau, « intéresse et intrigue, émeut et scandalise ». Plusieurs événements ont favorisé ce changement de perception. D’abord, le retour visible des catholiques en politique (plutôt la frange conservatrice) avec la Manif pour tous en 2012-2013 ; ensuite, les attentats islamistes avec l’émoi provoqué par l’assassinat du père Hamel, prêtre de la paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray, le 26 juillet 2016 ; enfin, la crise des migrants avec la mobilisation de réseaux catholiques « qu’on pensait avoir disparu du paysage ». Mais, précise l’universitaire, cet engagement de minorités et cet intérêt grandissant ne doivent pas masquer une « méconnaissance » massive de la majorité à l’égard d’un catholicisme qui, selon lui, serait presque entièrement sorti de la culture ambiante. Ce vide de la connaissance se creusant sans cesse pourrait expliquer la perméabilité de l’opinion à toutes sortes d’idées approximatives qui traînent sur le christianisme. D’autant plus que, selon Denis Pelletier, l’opinion se montre ambivalente. D’un côté, beaucoup de non-pratiquants (mais pas seulement eux) restent attachés à un catholicisme « patrimonial », comme en témoigne l’intense émotion soulevée par l’incendie de Notre-Dame de Paris ; d’un autre côté, l’opinion fait preuve d’exigence à l’égard de l’Église, jusqu’à se montrer d’autant plus sévère lorsque surviennent des scandales comme ceux des prêtres pédophiles. En France, l’anticléricalisme, toujours prêt à se réveiller, côtoierait de façon indéfectible et paradoxale l’attachement au catholicisme. Loin d’être nés du hasard, les préjugés d’aujourd’hui héritent en partie de conflits passés, parfois ravivés. Comme la Révolution française, si dramatique dans sa dimension religieuse, qui a structuré la France contemporaine. Ou comme les guerres de Religion, qui ont opposé catholiques et protestants. Par exemple, lorsque l’Espagne apparut comme la principale puissance catholique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas décrivirent dans leur propagande les Espagnols comme des barbares fanatiques et assoiffés de sang. Avec l’image très noire qui nous est parvenue de l’Inquisition espagnole, il est resté des traces sensibles de cette ancienne confrontation. C’est la raison pour laquelle on nourrit des préjugés souvent avec bonne foi. Le protestant Rodney Stark reconnaît ainsi avoir découvert avec « stupéfaction » que l’Inquisition, selon lui, avait contenu en Espagne et en Italie la « fureur meurtrière » des bûchers de sorcières qui embrasèrent toute l’Europe des XVIe et XVIIe siècles. (…) Cette vulgate anticléricale, selon ce professeur à la Sorbonne [Dumézil] , nous l’avons héritée de Voltaire et des Lumières. Ce qui est moins connu, précise-t-il, c’est qu’au Moyen Âge les stéréotypes du « mauvais clerc » (glouton, salace, avide, sodomite…) ont été colportés par les clercs eux-mêmes dans le but moral de réformer le clergé. Mais avec les polémiques apparues au moment de la Réforme protestante, ces caricatures à usage interne se sont retournées contre l’Église elle-même. Ainsi, les clercs eux-mêmes ont créé l’anticléricalisme, créature incontrôlable qui leur a échappé. Longtemps, l’institution, pour ses adversaires, se montra coriace et, forte de ses bataillons de prêtres et de laïcs, prête à se défendre. Le « grand effondrement » de ces dernières décennies dans un pays comme la France l’a laissée dans un état de faiblesse pouvant expliquer à son égard une virulence d’autant plus intrépide qu’en face la capacité de réplique avait fléchi. Cependant, depuis le traumatisme des attentats islamistes, révélateur, peut-être, sur le moment, d’un désarroi existentiel, on observe dans la sphère publique une atténuation dans le sarcasme, qui avait pu frôler, en certaines circonstances, l’ignominieux. L’Église, si elle l’a jamais été, n’est plus une forteresse. Les chrétiens sont à découvert. Cette vulnérabilité explique pourquoi ces auteurs qui dénoncent les poncifs refusent de substituer une légende dorée à une légende noire – approche d’une autre époque. Dans l’intention en tout cas, ils réfutent l’idée d’entrer dans une démarche apologétique, souhaitent rétablir les faits, rien que les faits. Même si l’on peut discuter leur vision des événements, ils n’ont pas la tentation de construire une histoire parallèle. Ces historiens n’exonèrent pas, le cas échéant, les prélats de leurs responsabilités. Ce qui apparaît en filigrane, dans leur lecture de l’histoire de l’Église, c’est un permanent combat intérieur, révélateur aussi de notre temps. Pour preuve : le livre dirigé par Jean Sévillia se clôt sur un texte de Bernard Lecomte qui montre la résistance opposée par la curie romaine à la volonté de Joseph Ratzinger, comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, puis comme pape Benoît XVI, de lutter vraiment – c’est-à-dire en refusant d’enterrer les affaires – contre la pédophilie dans l’Église. (…)  En Occident, on croit connaître le christianisme alors qu’il est peut-être le plus méconnu. Il ne bénéficie pas – ou assez peu – de l’attrait de l’exotisme qui porte de nos jours les religions ou sagesses orientales. Mais ce qui compte pour les historiens de toute obédience, n’est-ce pas de porter un simple témoignage au nom de l’honnêteté intellectuelle, sans souci d’efficacité immédiate ? Par ailleurs, répondre aux idées fausses est une chose nécessaire, mais rendre compte de tout ce qui a pu être accompli de bien et de beau depuis deux millénaires, malgré les horreurs de chaque époque, en est une autre, non moins vitale. Il ne faudrait pas l’oublier. Jean-Marc Bastière
A propos de la féodalité et du Moyen Âge, l’auteur a beau jeu de rappeler qu’elle ne mérite pas les clichés méprisants du XVIIIe siècle. Les médiévistes contemporains, de Régine Pernoud à Jacques Le Goff en passant par Jacques Heers, ont fait litière de ces préjugés et montré comment, sous l’égide du clergé catholique, les peuples de l’Occident ont jeté les bases de la démocratie, de la laïcité, de l’émancipation des femmes etc. À propos des croisades, Jean Sévillia signale qu’elles furent avant tout une manifestation de foi populaire et une réaction de défense des Européens dans une époque très critique de leur Histoire. Les excès et les massacres qu’on peut leur attribuer ne sortent hélas pas de l’ordinaire de l’époque (et sont plutôt moins choquants que les horreurs du début du XXe siècle). Pire que le Goulag (*), l’ Inquisition ! Contre l’imagerie traditionnelle colportée par les protestants anglais et les philosophes français qui fait de l’Inquisition espagnole l’horreur absolue, on rappelle que ses victimes se comptent au nombre de quelques milliers en l’espace de trois siècles. Venons-en au XVIIIe siècle français. «Voilà un aspect des Lumières qui est aujourd’hui soigneusement caché : le racisme», dit fort justement l’auteur de Historiquement correct. Voltaire, le grand Voltaire, écrit dans Essai sur les moeurs et l’esprit des moeurs : «Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différentes». En écrivant cela, le pourfendeur du clergé prend le contrepied de l’enseignement religieux qui, depuis Saint Paul, n’a de cesse de souligner l’unicité de la condition humaine. Malheureusement, aux XIXe et XXe siècles, le triste enseignement de Voltaire sera mieux suivi que celui de Saint Paul. Faut-il insister ? Le Siècle des Lumières fut aussi le grand siècle de la traite atlantique et les «philosophes» ne furent pas les derniers à placer leurs économies dans le trafic d’esclaves. Jean Sévillia a beau jeu de rappeler les crimes commis pendant la Révolution française, sous la Terreur, au nom de la Liberté, mais curieusement ne s’appesantit pas sur Napoléon Bonaparte, dont les actions ont peu de rapport avec la légende. De même, il ne manque pas de rappeler les exactions des Communards de 1871 mais néglige la responsabilité d’ Adolphe Thiers dans cette tragédie.Plus près de nous, Historiquement correct témoigne de la grande confusion idéologique qui a conduit en France les républicains de gauche à se faire les apologues de la colonisation à la fin du XIXe siècle et à défendre la présence française en Algérie après la seconde guerre mondiale. De la même façon, peut-on ignorer la contribution de plusieurs dirigeants socialistes ou communistes au gouvernement du maréchal Pétain (Doriot, Déat, Laval, Belin…), tandis que des officiers catholiques et parfois monarchistes s’engageaient dès les débuts de l’occupation allemande dans la Résistance (d’Estienne d’Orves, Leclerc de Hauteclocque, de Gaulle…) ? Et quel est l’extrémiste qui confie les lignes suivantes à son journal intime, en juillet 1940 ? «J’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le général de Gaulle l’emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive, c’est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabées. » C’est le philosophe Alain, radical et pacifiste, grande conscience de la IIIe République. André Larané
Le Nom de la rose, a écrit un manuel particulièrement influent. Il n’y a aucune raison de croire que Gui était à l’image de son portrait fictif. Au XIVe siècle, l’Inquisition représentait les meilleures pratiques juridiques disponibles. Les fonctionnaires de l’Inquisition étaient des spécialistes du droit et de la théologie formés à l’université. Les procédures étaient similaires à celles utilisées dans les inquisitions laïques (nous les appelons aujourd’hui « enquêtes », mais il s’agit du même mot). Le pouvoir des rois s’est considérablement accru à la fin du Moyen Âge. (…) Comme dans d’autres domaines du contrôle ecclésiastique, les autorités séculières ont commencé à la fin du Moyen Âge à prendre en charge l’Inquisition, la soustrayant à la surveillance papale. En France, par exemple, des fonctionnaires royaux assistés par des juristes de l’Université de Paris ont pris le contrôle de l’Inquisition française. Les rois justifient cette décision par la conviction qu’ils savent mieux que le pape lointain comment traiter au mieux l’hérésie dans leurs propres royaumes. Cette dynamique a contribué à la formation de l’Inquisition espagnole, mais il y en a eu d’autres. L’Espagne était à bien des égards très différente du reste de l’Europe. Conquise par le jihad musulman au huitième siècle, la péninsule ibérique avait été le théâtre de guerres quasi permanentes. Les frontières entre les royaumes musulmans et chrétiens s’étant rapidement déplacées au cours des siècles, la plupart des dirigeants avaient intérêt à faire preuve d’une certaine tolérance à l’égard des autres religions. La capacité des musulmans, des chrétiens et des juifs à vivre ensemble, appelée convivencia par les Espagnols, était une rareté au Moyen Âge. En effet, l’Espagne était l’endroit le plus diversifié et le plus tolérant de l’Europe médiévale. L’Angleterre a expulsé tous ses Juifs en 1290. La France a fait de même en 1306. Pourtant, en Espagne, les Juifs prospèrent à tous les niveaux de la société. Mais il était peut-être inévitable que les vagues d’antisémitisme qui déferlaient sur l’Europe médiévale finissent par atteindre l’Espagne. L’envie, la cupidité et la crédulité ont conduit à des tensions croissantes entre les chrétiens et les juifs au XIVe siècle. Au cours de l’été 1391, à Barcelone et dans d’autres villes, des foules urbaines ont envahi les quartiers juifs, rassemblé les Juifs et leur ont donné le choix entre le baptême et la mort. La plupart choisissent le baptême. Le roi d’Aragon, qui avait fait de son mieux pour arrêter les attaques, rappela plus tard à ses sujets la doctrine bien établie de l’Église sur la question des baptêmes forcés : ils ne comptent pas. Il décrète que les juifs qui acceptent le baptême pour éviter la mort peuvent revenir à leur religion. Mais la plupart de ces nouveaux convertis, ou conversos, ont décidé de rester catholiques. Les raisons en sont multiples. Certains pensaient que l’apostasie les rendait inaptes à être juifs. D’autres craignaient que le retour au judaïsme ne les rende vulnérables à de futures attaques. D’autres encore voyaient dans leur baptême un moyen d’éviter le nombre croissant de restrictions et de taxes imposées aux Juifs. Au fil du temps, les conversos se sont adaptés à leur nouvelle religion, devenant aussi pieux que les autres catholiques. Leurs enfants sont baptisés à la naissance et élevés comme des catholiques. Mais ils sont restés dans un univers culturel obscur. Bien que chrétiens, la plupart des conversos parlaient, s’habillaient et mangeaient comme des juifs. Nombre d’entre eux ont continué à vivre dans des quartiers juifs afin d’être proches des membres de leur famille. La présence des conversos a eu pour effet de christianiser le judaïsme espagnol. Cela a entraîné un flux constant de conversions volontaires au catholicisme. En 1414, un débat s’est tenu à Tortosa entre les dirigeants chrétiens et juifs. Le pape Benoît XIII lui-même y assista. Du côté chrétien se trouvait le médecin du pape, Jeronimo de Santa Fe, qui s’était récemment converti au judaïsme. Le débat a provoqué une vague de nouvelles conversions volontaires. Rien qu’en Aragon, 3 000 Juifs reçoivent le baptême. Tout cela provoqua de nombreuses tensions entre ceux qui restèrent juifs et ceux qui devinrent catholiques. Après 1391, les rabbins espagnols avaient considéré les conversos comme des Juifs, puisqu’ils avaient été contraints au baptême. Cependant, en 1414, les rabbins ont souligné à plusieurs reprises que les conversos étaient en fait de vrais chrétiens, puisqu’ils avaient volontairement quitté le judaïsme. Au milieu du XVe siècle, une toute nouvelle culture converso fleurissait en Espagne – juive par son ethnie et sa culture, mais catholique par sa religion. Les conversos, qu’il s’agisse de nouveaux convertis ou de descendants de convertis, étaient extrêmement fiers de cette culture. Certains affirmaient même qu’ils étaient meilleurs que les « vieux chrétiens », puisque, en tant que juifs, ils étaient liés par le sang au Christ lui-même. Lorsque l’évêque converso de Burgos, Alonso de Cartagena, priait l’Ave Maria, il disait avec fierté : « Sainte Marie, Mère de Dieu et ma parente de sang, priez pour nous, pécheurs… ». « L’expansion de la richesse et du pouvoir des conversos en Espagne a provoqué une réaction brutale, en particulier parmi les aristocrates et les vieux chrétiens de la classe moyenne. Ils s’indignaient de l’arrogance des conversos et enviaient leurs succès. Plusieurs tracts ont été rédigés, démontrant que pratiquement toutes les lignées nobles d’Espagne avaient été infiltrées par des conversos. Les théories antisémites du complot abondent. Les conversos, disait-on, faisaient partie d’un complot juif élaboré visant à s’emparer de la noblesse espagnole et de l’Église catholique, les détruisant de l’intérieur. Selon cette logique, les conversos n’étaient pas des chrétiens sincères, mais des juifs secrets. Les études modernes ont définitivement démontré que, comme la plupart des théories du complot, celle-ci n’était que pure imagination. La grande majorité des conversos étaient de bons catholiques qui étaient simplement fiers de leur héritage juif. Il est surprenant de constater que de nombreux auteurs modernes – en fait, de nombreux auteurs juifs – ont adhéré à ces fantasmes antisémites. Il est courant aujourd’hui d’entendre que les conversos étaient en réalité des juifs secrets, luttant pour garder leur foi cachée sous la tyrannie du catholicisme. Même l’American Heritage Dictionary décrit le  » converso  » comme  » un juif espagnol ou portugais qui s’est converti extérieurement au christianisme à la fin du Moyen Âge afin d’éviter la persécution ou l’expulsion, tout en continuant souvent à pratiquer le judaïsme en secret « . « C’est tout simplement faux. Mais les accusations incessantes ont convaincu le roi Ferdinand et la reine Isabelle que la question des juifs secrets devait au moins être examinée. Répondant à leur demande, le pape Sixte IV émit une bulle le 1er novembre 1478, autorisant la couronne à former un tribunal inquisitorial composé de deux ou trois prêtres âgés de plus de 40 ans. Comme c’est désormais la coutume, les monarques ont toute autorité sur les inquisiteurs et sur l’inquisition. Ferdinand, qui comptait de nombreux juifs et conversos à sa cour, n’était pas très enthousiaste au départ. Deux ans s’écoulent avant qu’il ne nomme enfin deux hommes. C’est ainsi que commença l’Inquisition espagnole. Le roi Ferdinand semble avoir cru que l’enquête ne donnerait pas grand-chose. Il se trompait. Une poudrière de ressentiment et de haine explosa dans toute l’Espagne lorsque les ennemis des conversos – chrétiens et juifs – sortirent du bois pour les dénoncer. Les règlements de compte et l’opportunisme sont les principales motivations. Néanmoins, le volume des accusations submerge les inquisiteurs. Ils demandent et obtiennent davantage d’assistants, mais plus l’Inquisition s’agrandit, plus elle reçoit d’accusations. Enfin, même Ferdinand est convaincu que le problème des Juifs clandestins est réel. Au début de l’Inquisition espagnole, les vieux chrétiens et les juifs utilisaient les tribunaux comme une arme contre leurs ennemis conversos. L’Inquisition ayant pour seul but d’enquêter sur les conversos, les vieux chrétiens n’ont rien à craindre d’elle. Leur fidélité à la foi catholique n’est pas mise en cause (même si elle est loin d’être pure). Quant aux juifs, ils étaient à l’abri de l’Inquisition. N’oubliez pas que le but d’une inquisition est de trouver et de corriger les brebis égarées du troupeau du Christ. Elle n’avait aucune juridiction sur les autres troupeaux. Ceux qui tirent leur histoire de l’Histoire du monde, première partie, de Mel Brooks, seront peut-être surpris d’apprendre que tous ces Juifs qui subissent diverses tortures dans les cachots de l’Inquisition espagnole ne sont rien d’autre que le produit de l’imagination fertile de Brooks. Les Juifs d’Espagne n’avaient rien à craindre de l’Inquisition espagnole. Au cours des premières années, marquées par une expansion rapide, les abus et la confusion étaient légion. La plupart des conversos accusés furent acquittés, mais pas tous. Les bûchers très médiatisés – souvent dus à des faux témoignages flagrants – effrayaient à juste titre les autres conversos. Ceux qui avaient des ennemis fuyaient souvent la ville avant d’être dénoncés. Partout où ils regardaient, les inquisiteurs trouvaient de nouveaux accusateurs. Lorsque l’Inquisition s’étendit à l’Aragon, l’hystérie atteignit de nouveaux sommets. Le pape Sixte IV tente d’y mettre un terme. Le 18 avril 1482, (…) Sixte ordonne aux évêques de jouer un rôle direct dans tous les tribunaux à venir. Ils doivent veiller à ce que les normes de justice bien établies de l’Église soient respectées. Les accusés devaient bénéficier d’un avocat et du droit d’interjeter appel auprès de Rome. Au Moyen Âge, les ordres du pape auraient été respectés. Mais cette époque est révolue. Le roi Ferdinand est scandalisé (…) C’est la fin du rôle de la papauté dans l’Inquisition espagnole. Celle-ci sera désormais un organe de la monarchie espagnole, séparé de l’autorité ecclésiastique. Il est donc étrange que l’Inquisition espagnole soit si souvent décrite aujourd’hui comme l’un des grands péchés de l’Église catholique. L’Église catholique en tant qu’institution n’a pratiquement rien à voir avec l’Inquisition. En 1483, Ferdinand nomme Tomas de Torquemada inquisiteur général pour la majeure partie de l’Espagne. Torquemada est chargé d’établir des règles de preuve et de procédure pour l’Inquisition et de créer des antennes dans les grandes villes. Sixte confirme la nomination, espérant qu’elle mettra de l’ordre dans la situation. Malheureusement, le problème ne fait que s’aggraver. Les méthodes employées par la première Inquisition espagnole, qui s’éloignaient considérablement des normes de l’Église, en étaient la cause directe. Lorsque les inquisiteurs arrivaient dans une région donnée, ils annonçaient un édit de grâce. Il s’agissait d’une période de 30 jours au cours de laquelle les juifs secrets pouvaient volontairement se présenter, confesser leurs péchés et faire pénitence. C’était aussi l’occasion pour les personnes disposant d’informations sur des chrétiens pratiquant le judaïsme en secret de les communiquer au tribunal. Les personnes reconnues coupables à l’issue des 30 jours pouvaient être brûlées sur le bûcher. Pour les conversos, l’arrivée de l’Inquisition a donc certainement focalisé l’attention. Ils avaient généralement beaucoup d’ennemis, dont chacun pouvait décider de porter un faux témoignage. Ou peut-être leurs pratiques culturelles suffisaient-elles à les condamner ? Qui sait ? La plupart des converses s’enfuyaient donc ou faisaient la queue pour avouer. Ceux qui ne faisaient ni l’un ni l’autre s’exposaient à une enquête dans laquelle n’importe quel ouï-dire ou preuve, aussi ancienne ou suspecte soit-elle, était acceptable. L’opposition de la hiérarchie de l’Église catholique à l’Inquisition espagnole n’a fait que croître. De nombreux ecclésiastiques soulignent qu’il est contraire à toutes les pratiques acceptées que les hérétiques soient brûlés sans avoir reçu d’instruction sur la foi. Si les conversos étaient coupables, c’était simplement par ignorance, et non par hérésie délibérée. De nombreux ecclésiastiques au plus haut niveau se plaignent à Ferdinand. L’opposition à l’Inquisition espagnole se poursuit également à Rome. Le successeur de Sixte, Innocent VIII, écrit à deux reprises au roi pour lui demander plus de compassion, de miséricorde et d’indulgence à l’égard des conversos, mais en vain. Alors que l’Inquisition espagnole prend de l’ampleur, les personnes concernées sont de plus en plus convaincues que les Juifs d’Espagne séduisent activement les conversos pour qu’ils reviennent à leur ancienne foi. C’était une idée idiote, pas plus réelle que les théories du complot précédentes. Mais Ferdinand et Isabelle ont été influencés par cette idée. Les deux monarques avaient des amis et des confidents juifs, mais ils estimaient aussi que leur devoir envers leurs sujets chrétiens les poussait à écarter le danger. À partir de 1482, ils ont expulsé les Juifs de certaines régions où les problèmes semblaient les plus graves. Au cours de la décennie suivante, cependant, ils ont été soumis à une pression croissante pour éliminer la menace perçue. L’Inquisition espagnole, disait-on, ne pourrait jamais réussir à ramener les conversos au bercail tant que les Juifs mineraient son travail. Finalement, le 31 mars 1492, les monarques publièrent un édit expulsant tous les Juifs d’Espagne. Ferdinand et Isabelle espéraient que leur édit entraînerait la conversion de la plupart des Juifs restés dans leur royaume. Ils avaient en grande partie raison. De nombreux Juifs occupant des postes élevés, y compris à la cour royale, acceptèrent immédiatement le baptême. En 1492, la population juive d’Espagne comptait environ 80 000 personnes. Environ la moitié d’entre eux furent baptisés et conservèrent ainsi leurs biens et leurs moyens de subsistance. Les autres sont partis, mais nombre d’entre eux sont finalement revenus en Espagne, où ils ont reçu le baptême et se sont vu restituer leurs biens. En ce qui concerne l’Inquisition espagnole, l’expulsion des Juifs a eu pour effet d’augmenter considérablement le nombre de cas de conversos. Les 15 premières années de l’Inquisition espagnole, sous la direction de Torquemada, ont été les plus meurtrières. Environ 2 000 conversos ont été brûlés. En 1500, cependant, l’hystérie s’est calmée. Le successeur de Torquemada, le cardinal-archevêque de Tolède, Francisco Jimenez de Cisneros, a travaillé dur pour réformer l’Inquisition, en éliminant les pommes pourries et en réformant les procédures. Chaque tribunal se voit attribuer deux inquisiteurs dominicains, un conseiller juridique, un gendarme, un procureur et un grand nombre d’assistants. À l’exception des deux dominicains, tous étaient des fonctionnaires royaux laïcs. L’Inquisition espagnole était largement financée par les confiscations, mais celles-ci n’étaient ni fréquentes ni importantes. En effet, même à son apogée, l’Inquisition parvenait tout juste à joindre les deux bouts. Après les réformes, l’Inquisition espagnole a eu très peu de détracteurs. Dotée de juristes bien formés, elle était l’un des organes judiciaires les plus efficaces et les plus compatissants d’Europe. Aucun grand tribunal européen n’a exécuté moins de personnes que l’Inquisition espagnole. Après tout, c’était une époque où le fait d’endommager des arbustes dans un jardin public à Londres était passible de la peine de mort. Dans toute l’Europe, les exécutions faisaient partie du quotidien. Ce n’était pas le cas de l’Inquisition espagnole. Au cours de ses 350 années d’existence, seules 4 000 personnes environ ont été mises sur le bûcher. Comparez cela à la chasse aux sorcières qui a fait rage dans le reste de l’Europe catholique et protestante, au cours de laquelle 60 000 personnes, principalement des femmes, ont été brûlées. L’Espagne a été épargnée par cette hystérie précisément parce que l’Inquisition espagnole l’a arrêtée à la frontière. Lorsque les premières accusations de sorcellerie sont apparues dans le nord de l’Espagne, l’Inquisition a envoyé ses agents enquêter. Ces juristes qualifiés n’ont trouvé aucune preuve crédible de sabbats de sorcières, de magie noire ou de rôtissage de bébés. Il a également été noté que les personnes avouant des actes de sorcellerie étaient curieusement incapables de voler à travers les trous de serrure. Alors que les Européens jetaient des femmes sur les bûchers avec abandon, l’Inquisition espagnole a mis un terme à cette folie. (Pour mémoire, l’Inquisition romaine a également empêché la folie des sorcières d’infecter l’Italie). Qu’en est-il des sombres cachots et des salles de torture ? L’Inquisition espagnole avait des prisons, bien sûr. Mais elles n’étaient ni particulièrement sombres, ni semblables à des cachots. En fait, pour ce qui est des prisons, elles étaient largement considérées comme les meilleures d’Europe. Il est même arrivé que des criminels espagnols blasphèment délibérément afin d’être transférés dans les prisons de l’Inquisition. Comme tous les tribunaux d’Europe, l’Inquisition espagnole a eu recours à la torture. Mais elle le faisait beaucoup moins souvent que les autres tribunaux. Des chercheurs modernes ont découvert que l’Inquisition espagnole ne recourait à la torture que dans 2 % des cas. Chaque cas de torture était limité à un maximum de 15 minutes. Dans seulement 1 % des cas, la torture a été appliquée deux fois et jamais une troisième fois. La conclusion qui s’impose est que, selon les critères de son époque, l’Inquisition espagnole était positivement éclairée. Telle était l’opinion de la plupart des Européens jusqu’en 1530. C’est alors que l’Inquisition espagnole a détourné son attention des conversos pour se tourner vers la nouvelle Réforme protestante. Le peuple espagnol et ses monarques étaient déterminés à empêcher le protestantisme d’infiltrer leur pays comme il l’avait fait en Allemagne et en France. Les méthodes de l’Inquisition ne changent pas. Les exécutions et la torture restent rares. Mais sa nouvelle cible allait changer à jamais son image. Au milieu du XVIe siècle, l’Espagne est le pays le plus riche et le plus puissant d’Europe. Le roi Philippe II se voyait, lui et ses compatriotes, comme de fidèles défenseurs de l’Église catholique. Les régions protestantes d’Europe, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne du Nord et l’Angleterre, sont moins riches et moins puissantes. Mais elles disposaient d’une nouvelle arme puissante : la presse à imprimer. Bien que les Espagnols aient vaincu les protestants sur le champ de bataille, ils allaient perdre la guerre de propagande. C’est à cette époque que se forge la fameuse « légende noire » de l’Espagne. D’innombrables livres et pamphlets sortent des presses du Nord, accusant l’Empire espagnol de dépravation inhumaine et d’horribles atrocités dans le Nouveau Monde. L’opulente Espagne était présentée comme un lieu de ténèbres, d’ignorance et de mal. Bien que les érudits modernes aient depuis longtemps écarté la Légende Noire, elle reste encore très vivante aujourd’hui. En raison de son professionnalisme et de son efficacité, l’Inquisition espagnole a conservé de très bons documents. De vastes archives en sont remplies. Ces documents étant tenus secrets, les scribes n’avaient aucune raison de faire autre chose que de consigner avec précision toutes les actions de l’Inquisition. Ils constituent une mine d’or pour les historiens modernes qui s’y sont plongés avec avidité. Jusqu’à présent, les fruits de ces recherches ont mis en évidence une chose : le mythe de l’Inquisition espagnole n’a rien à voir avec la réalité. Thomas F. Madden
Lorsque l’on évoque les péchés de l’Église catholique (comme c’est souvent le cas), l’Inquisition figure en bonne place. Les personnes qui ne s’intéressent pas à l’histoire européenne savent parfaitement qu’elle était dirigée par des ecclésiastiques brutaux et fanatiques qui torturaient, mutilaient et tuaient ceux qui osaient remettre en question l’autorité de l’Église. Le mot « Inquisition » fait partie de notre vocabulaire moderne, décrivant à la fois une institution et une période. Pour la plupart des sénateurs, le fait que l’une de leurs auditions soit qualifiée d' »inquisition » n’est pas un compliment. Mais ces dernières années, l’Inquisition a fait l’objet d’un examen plus approfondi. En préparation du Jubilé de l’an 2000, le pape Jean-Paul II a voulu savoir ce qui s’était passé pendant la période d’existence de l’Inquisition (l’institution). En 1998, le Vatican a ouvert les archives du Saint-Office (le successeur moderne de l’Inquisition) à une équipe de 30 chercheurs du monde entier. Aujourd’hui, les chercheurs ont enfin rendu leur rapport, un tome de 800 pages qui a été dévoilé lors d’une conférence de presse à Rome mardi. Sa conclusion la plus surprenante est que l’Inquisition n’était pas si mauvaise après tout. La torture était rare et seulement 1 % des personnes traduites devant l’Inquisition espagnole ont été exécutées. (…) Les cris d’étonnement et les ricanements cyniques qui ont accueilli ce rapport ne sont qu’une preuve supplémentaire du fossé lamentable qui existe entre les historiens professionnels et le grand public. En réalité, même si ce rapport s’appuie sur des documents inédits, il n’en demeure pas moins qu’il est le fruit d’un travail de longue haleine et d’un travail de fond. Parmi les meilleurs ouvrages récents sur le sujet, citons Inquisition d’Edward Peters (1988) et The Spanish Inquisition d’Henry Kamen (1997), mais il y en a d’autres. En résumé, les historiens savent depuis longtemps que la vision populaire de l’Inquisition est un mythe. (…) L’Inquisition n’est pas née du désir d’écraser la diversité ou d’opprimer les gens ; il s’agissait plutôt d’une tentative de mettre fin à des exécutions injustes. Oui, vous avez bien lu. L’hérésie était un crime contre l’État. Le droit romain, dans le code de Justinien, en faisait un crime capital. Les dirigeants, dont l’autorité était censée venir de Dieu, n’avaient aucune patience pour les hérétiques. Les gens du peuple non plus, qui les considéraient comme de dangereux étrangers susceptibles d’attirer la colère divine. Lorsqu’une personne était accusée d’hérésie au début du Moyen Âge, elle était amenée devant le seigneur local pour être jugée, tout comme si elle avait volé un cochon ou endommagé des arbustes (il s’agissait en fait d’un crime grave en Angleterre). Pourtant, contrairement à ces crimes, il n’était pas si facile de déterminer si l’accusé était réellement un hérétique. Pour commencer, il fallait avoir une formation théologique de base, ce qui manquait cruellement à la plupart des seigneurs médiévaux. En conséquence, des milliers de personnes à travers l’Europe ont été exécutées par les autorités séculières sans procès équitable ni évaluation compétente de la validité de l’accusation. La réponse de l’Église catholique à ce problème a été l’Inquisition, instituée pour la première fois par le pape Lucius III en 1184. Elle est née de la nécessité d’organiser des procès équitables pour les hérétiques accusés, en s’appuyant sur les lois de la preuve et en étant présidée par le pape Lucius III. Du point de vue des autorités séculières, les hérétiques étaient des traîtres à Dieu et au roi et méritaient donc la mort. Du point de vue de l’Église, en revanche, les hérétiques étaient des brebis égarées qui s’étaient éloignées du troupeau. En tant que bergers, le pape et les évêques avaient le devoir de les ramener au bercail, comme le Bon Pasteur le leur avait ordonné. Ainsi, tandis que les dirigeants séculiers du Moyen Âge tentaient de sauvegarder leurs royaumes, l’Église essayait de sauver les âmes. L’Inquisition permettait aux hérétiques d’échapper à la mort et de réintégrer la communauté. Comme le confirme ce nouveau rapport, la plupart des personnes accusées d’hérésie par l’Inquisition ont été acquittées ou ont vu leur peine suspendue. Les personnes reconnues coupables d’une grave erreur étaient autorisées à confesser leur péché, à faire pénitence et à être réintégrées dans le corps du Christ. L’Inquisition partait du principe que, comme des brebis égarées, les hérétiques s’étaient simplement égarés. Cependant, si un inquisiteur déterminait qu’une brebis particulière avait délibérément quitté le troupeau, il n’y avait plus rien à faire. Les hérétiques impénitents ou obstinés étaient excommuniés et remis aux autorités séculières. Malgré le mythe populaire, l’Inquisition ne brûlait pas les hérétiques. Ce sont les autorités séculières qui considéraient l’hérésie comme un crime capital, et non l’Église. Le fait est que l’Inquisition médiévale a sauvé des milliers d’innocents (et même de moins innocents) qui auraient autrement été rôtis par des seigneurs séculiers ou par la loi de la populace. Au cours du 13e siècle, l’Inquisition est devenue beaucoup plus formelle dans ses méthodes et ses pratiques. Des dominicains hautement qualifiés, responsables devant le pape, ont pris en charge l’institution, créant des tribunaux qui représentaient les meilleures pratiques juridiques en Europe. Au fur et à mesure que l’autorité royale s’est développée au cours du XIVe siècle et au-delà, le contrôle de l’Inquisition est passé des mains des papes à celles des rois. Au lieu d’une seule Inquisition, il y en avait désormais plusieurs. Malgré la perspective d’abus, des monarques comme ceux d’Espagne et de France ont généralement fait de leur mieux pour que leurs inquisitions restent à la fois efficaces et clémentes. Au XVIe siècle, lorsque la folie des sorcières a balayé l’Europe, ce sont les régions dotées des inquisitions les mieux développées qui ont mis un terme à l’hystérie. En Espagne et en Italie, des inquisiteurs qualifiés ont enquêté sur les accusations de sabbats de sorcières et de rôtissage de bébés et les ont jugées sans fondement. Ailleurs, notamment en Allemagne, des tribunaux laïques ou religieux ont brûlé des milliers de sorcières. Comparée à d’autres tribunaux laïques médiévaux, l’Inquisition était positivement éclairée. Pourquoi alors les gens en général et la presse en particulier sont-ils si surpris de découvrir que l’Inquisition n’a pas brûlé des millions de personnes sur des barbecues ? Tout d’abord, lorsque la plupart des gens pensent à l’Inquisition aujourd’hui, ils pensent en réalité à l’Inquisition espagnole. Non, ce n’est même pas exact. Ils pensent au mythe de l’Inquisition espagnole. Étonnamment, avant 1530, l’Inquisition espagnole était largement saluée comme le tribunal le mieux géré et le plus humain d’Europe. Il existe en effet des témoignages de condamnés en Espagne qui ont délibérément blasphémé afin d’être transférés dans les prisons de l’Inquisition espagnole. Après 1530, cependant, l’Inquisition espagnole a commencé à s’intéresser à la nouvelle hérésie du luthéranisme. C’est la Réforme protestante et les rivalités qu’elle a engendrées qui ont donné naissance au mythe. Au milieu du XVIe siècle, l’Espagne est le pays le plus riche et le plus puissant d’Europe. Les régions protestantes d’Europe, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne du Nord et l’Angleterre, n’étaient peut-être pas aussi puissantes sur le plan militaire, mais elles disposaient d’une nouvelle arme puissante : l’imprimerie. Bien que les Espagnols aient vaincu les protestants sur le champ de bataille, ils allaient perdre la guerre de propagande. C’est à cette époque que se forge la fameuse « légende noire » de l’Espagne. D’innombrables livres et pamphlets sortent des presses du Nord, accusant l’Empire espagnol de dépravation inhumaine et d’horribles atrocités dans le Nouveau Monde. L’opulente Espagne était présentée comme un lieu de ténèbres, d’ignorance et de mal. (…) Avec le temps, l’empire espagnol va s’estomper. La richesse et le pouvoir se déplacent vers le nord, en particulier vers la France et l’Angleterre. À la fin du XVIIe siècle, de nouvelles idées de tolérance religieuse se font jour dans les cafés et les salons d’Europe. Les inquisitions, tant catholiques que protestantes, s’étiolent. Les Espagnols s’obstinent à maintenir les leurs, ce qui leur vaut d’être ridiculisés. Des philosophes français comme Voltaire voient en l’Espagne un modèle du Moyen Âge : faible, barbare, superstitieux. L’Inquisition espagnole, déjà reconnue comme un outil sanguinaire de persécution religieuse, a été tournée en dérision par les penseurs des Lumières, qui l’ont considérée comme une arme brutale de l’intolérance et de l’ignorance. Une nouvelle Inquisition espagnole fictive a été construite, conçue par les ennemis de l’Espagne et de l’Église catholique. Thomas F. Madden

Attention: une chasse aux sorcières peut en cacher une autre !

En cette nouvelle journée internationale pour l’abolition de l’esclavage

Et face aux quelque 40 millions de nouveaux esclaves …

Derrière la surenchère et l’emballement mémoriel

L’indifférence, voire la complicité, politiquement correct oblige …

D’un Monde judéo-chrétien qui y a hélas eu sa part …

Mais – qui le rappelle encore ? – , est à l’origine de son abolition

Et à l’heure où, djihad oblige et dans la même indifférence, l’épuration du judéo-christianisme hors de son propre berceau se poursuit …

Retour, après les croisades, à notre petite remise des pendules à l’heure …

Avec la traduction française du dernier ouvrage du sociologue des religions américain Rodney Stark …

Et sa recension des dernières recherches des historiens les plus reconnus …

Comme avec le livre du journaliste du Figaro Jean Sévilla …

Sur les préjugés antichrétiens en général et anticatholiques en particulier …

Et notamment, entre autodafés (à peine 10 exécutions par an pour un total de 2 300 sur 220 ans soit moins de 2% des accusés, et bien moins, sans compter les foules déchainées, que les autorités séculières qui les mettaient à exécution) et incinérations de sorcières (une petite poignée sur quelque 60 000),  la légende noire d’une Inquisition espagnole

Et l’un des chapitres soi-disant les plus terribles et sanglants de l’histoire occidentale …

Qui si l’on en croit les dernières recherches …

A non seulement versé très peu de sang …

Mais au nom même des valeurs à partir desquelles on la critique …

A été, à la manière des ordalies avant elle, une force majeure en faveur de la modération et de la justice …

Et dont la prétendue férocité  …

N’avait en fait à l’instar de la Grande grippe de 1918 200 ans après …

D’espagnole que le nom !

The Real Inquisition

Investigating the popular myth.When the sins of the Catholic Church are recited (as they so often are) the Inquisition figures prominently. People with no interest in European history know full well that it was led by brutal and fanatical churchmen who tortured, maimed, and killed those who dared question the authority of the Church. The word “Inquisition” is part of our modern vocabulary, describing both an institution and a period of time. Having one of your hearings referred to as an “Inquisition” is not a compliment for most senators.

But in recent years the Inquisition has been subject to greater investigation. In preparation for the Jubilee in 2000, Pope John Paul II wanted to find out just what happened during the time of the Inquisition’s (the institution’s) existence. In 1998 the Vatican opened the archives of the Holy Office (the modern successor to the Inquisition) to a team of 30 scholars from around the world. Now at last the scholars have made their report, an 800-page tome that was unveiled at a press conference in Rome on Tuesday. Its most startling conclusion is that the Inquisition was not so bad after all. Torture was rare and only about 1 percent of those brought before the Spanish Inquisition were actually executed. As one headline read “Vatican Downsizes Inquisition.”

The amazed gasps and cynical sneers that have greeted this report are just further evidence of the lamentable gulf that exists between professional historians and the general public. The truth is that, although this report makes use of previously unavailable material, it merely echoes what numerous scholars have previously learned from other European archives. Among the best recent books on the subject are Edward Peters’s Inquisition (1988) and Henry Kamen’s The Spanish Inquisition (1997), but there are others. Simply put, historians have long known that the popular view of the Inquisition is a myth. So what is the truth?

To understand the Inquisition we have to remember that the Middle Ages were, well, medieval. We should not expect people in the past to view the world and their place in it the way we do today. (You try living through the Black Death and see how it changes your attitude.) For people who lived during those times, religion was not something one did just at church. It was science, philosophy, politics, identity, and hope for salvation. It was not a personal preference but an abiding and universal truth. Heresy, then, struck at the heart of that truth. It doomed the heretic, endangered those near him, and tore apart the fabric of community.

The Inquisition was not born out of desire to crush diversity or oppress people; it was rather an attempt to stop unjust executions. Yes, you read that correctly. Heresy was a crime against the state. Roman law in the Code of Justinian made it a capital offense. Rulers, whose authority was believed to come from God, had no patience for heretics. Neither did common people, who saw them as dangerous outsiders who would bring down divine wrath. When someone was accused of heresy in the early Middle Ages, they were brought to the local lord for judgment, just as if they had stolen a pig or damaged shrubbery (really, it was a serious crime in England). Yet in contrast to those crimes, it was not so easy to discern whether the accused was really a heretic. For starters, one needed some basic theological training–something most medieval lords sorely lacked. The result is that uncounted thousands across Europe were executed by secular authorities without fair trials or a competent assessment of the validity of the charge.

The Catholic Church’s response to this problem was the Inquisition, first instituted by Pope Lucius III in 1184. It was born out of a need to provide fair trials for accused heretics using laws of evidence and presided over by knowledgeable judges. From the perspective of secular authorities, heretics were traitors to God and the king and therefore deserved death. From the perspective of the Church, however, heretics were lost sheep who had strayed from the flock. As shepherds, the pope and bishops had a duty to bring them back into the fold, just as the Good Shepherd had commanded them. So, while medieval secular leaders were trying to safeguard their kingdoms, the Church was trying to save souls. The Inquisition provided a means for heretics to escape death and return to the community.

As this new report confirms, most people accused of heresy by the Inquisition were either acquitted or their sentences suspended. Those found guilty of grave error were allowed to confess their sin, do penance, and be restored to the Body of Christ. The underlying assumption of the Inquisition was that, like lost sheep, heretics had simply strayed. If, however, an inquisitor determined that a particular sheep had purposely left the flock, there was nothing more that could be done. Unrepentant or obstinate heretics were excommunicated and given over to secular authorities. Despite popular myth, the Inquisition did not burn heretics. It was the secular authorities that held heresy to be a capital offense, not the Church. The simple fact is that the medieval Inquisition saved uncounted thousands of innocent (and even not-so-innocent) people who would otherwise have been roasted by secular lords or mob rule.

During the 13th century the Inquisition became much more formalized in its methods and practices. Highly trained Dominicans answerable to the Pope took over the institution, creating courts that represented the best legal practices in Europe. As royal authority grew during the 14th century and beyond, control over the Inquisition slipped out of papal hands and into those of kings. Instead of one Inquisition there were now many. Despite the prospect of abuse, monarchs like those in Spain and France generally did their best to make certain that their inquisitions remained both efficient and merciful. During the 16th century, when the witch craze swept Europe, it was those areas with the best-developed inquisitions that stopped the hysteria in its tracks. In Spain and Italy, trained inquisitors investigated charges of witches’ sabbaths and baby roasting and found them to be baseless. Elsewhere, particularly in Germany, secular or religious courts burned witches by the thousands.

Compared to other medieval secular courts, the Inquisition was positively enlightened. Why then are people in general and the press in particular so surprised to discover that the Inquisition did not barbecue people by the millions? First of all, when most people think of the Inquisition today what they are really thinking of is the Spanish Inquisition. No, not even that is correct. They are thinking of the myth of the Spanish Inquisition. Amazingly, before 1530 the Spanish Inquisition was widely hailed as the best run, most humane court in Europe. There are actually records of convicts in Spain purposely blaspheming so that they could be transferred to the prisons of the Spanish Inquisition. After 1530, however, the Spanish Inquisition began to turn its attention to the new heresy of Lutheranism. It was the Protestant Reformation and the rivalries it spawned that would give birth to the myth.

By the mid 16th century, Spain was the wealthiest and most powerful country in Europe. Europe’s Protestant areas, including the Netherlands, northern Germany, and England, may not have been as militarily mighty, but they did have a potent new weapon: the printing press. Although the Spanish defeated Protestants on the battlefield, they would lose the propaganda war. These were the years when the famous “Black Legend” of Spain was forged. Innumerable books and pamphlets poured from northern presses accusing the Spanish Empire of inhuman depravity and horrible atrocities in the New World. Opulent Spain was cast as a place of darkness, ignorance, and evil.

Protestant propaganda that took aim at the Spanish Inquisition drew liberally from the Black Legend. But it had other sources as well. From the beginning of the Reformation, Protestants had difficulty explaining the 15-century gap between Christ’s institution of His Church and the founding of the Protestant churches. Catholics naturally pointed out this problem, accusing Protestants of having created a new church separate from that of Christ. Protestants countered that their church was the one created by Christ, but that it had been forced underground by the Catholic Church. Thus, just as the Roman Empire had persecuted Christians, so its successor, the Roman Catholic Church, continued to persecute them throughout the Middle Ages. Inconveniently, there were no Protestants in the Middle Ages, yet Protestant authors found them there anyway in the guise of various medieval heretics. In this light, the medieval Inquisition was nothing more than an attempt to crush the hidden, true church. The Spanish Inquisition, still active and extremely efficient at keeping Protestants out of Spain, was for Protestant writers merely the latest version of this persecution. Mix liberally with the Black Legend and you have everything you need to produce tract after tract about the hideous and cruel Spanish Inquisition. And so they did.

In time, Spain’s empire would fade away. Wealth and power shifted to the north, in particular to France and England. By the late 17th century new ideas of religious tolerance were bubbling across the coffeehouses and salons of Europe. Inquisitions, both Catholic and Protestant, withered. The Spanish stubbornly held on to theirs, and for that they were ridiculed. French philosophes like Voltaire saw in Spain a model of the Middle Ages: weak, barbaric, superstitious. The Spanish Inquisition, already established as a bloodthirsty tool of religious persecution, was derided by Enlightenment thinkers as a brutal weapon of intolerance and ignorance. A new, fictional Spanish Inquisition had been constructed, designed by the enemies of Spain and the Catholic Church.

Now a bit more of the real Inquisition has come back into view. The question remains, will anyone take notice?

Thomas F. Madden is professor and chair of the department of history at Saint Louis University in St. Louis, Missouri. He is the author most recently of Enrico Dandolo and the Rise of Venice and editor of the forthcoming Crusades: The Illustrated History.

Voir aussi:

The Truth about the Spanish Inquisition

Thomas F. Madden

Catholic culture

Description

An accurate portrayal of the Spanish Inquisition by a contemporary American historian, this treatment demolishes the Black Legend by providing both the historical context and the historical evidence required to make a balanced judgment. Political, cultural, religious and judicial aspects of the Inquisition are all addressed. The roles of both the Holy See and the Spanish Crown are described. The author is chairman of the Department of History at Saint Louis University.

October 2003

The scene is a plain-looking room with a door to the left. A pleasant young man, pestered by tedious and irrelevant questions, exclaims in a frustrated tone, « I didn’t expect a kind of Spanish Inquisition. » Suddenly the door bursts open to reveal Cardinal Ximinez flanked by Cardinal Fang and Cardinal Biggles. « Nobody expects the Spanish Inquisition! » Ximinez shouts. « Our chief weapon is surprise . . . surprise and fear . . . fear and surprise . . . Our two weapons are fear and surprise . . . and ruthless efficiency . . . Our three weapons are fear, surprise, and ruthless efficiency . . . and an almost fanatical devotion to the pope . . . Our four . . . no . . . Amongst our weapons . . . amongst our weaponry — are such elements as fear, surprise . . . I’ll come in again. »

Anyone not living under a rock for the past 30 years will likely recognize this famous scene from Monty Python’s Flying Circus. In these sketches three scarlet-clad, inept inquisitors torture their victims with such instruments as pillows and comfy chairs. The whole thing is funny because the audience knows full well that the Spanish Inquisition was neither inept nor comfortable, but ruthless, intolerant, and deadly. One need not have read Edgar Allan Poe’s The Pit and the Pendulum to have heard of the dark dungeons, sadistic churchmen, and excruciating tortures of the Spanish Inquisition. The rack, the iron maiden, the bonfires on which the Catholic Church dumped its enemies by the millions: These are all familiar icons of the Spanish Inquisition set firmly into our culture.

This image of the Spanish Inquisition is a useful one for those who have little love for the Catholic Church. Anyone wishing to beat the Church about the head and shoulders will not tarry long before grabbing two favorite clubs: the Crusades and the Spanish Inquisition. I have dealt with the Crusades in a previous issue of CRISIS (see « The Real History of the Crusades, » April 2002). Now on to the other club.

In order to understand the Spanish Inquisition, which began in the late 15th century, we must look briefly at its predecessor, the medieval Inquisition. Before we do, though, it’s worth pointing out that the medieval world was not the modern world. For medieval people, religion was not something one just did at church. It was their science, their philosophy, their politics, their identity, and their hope for salvation. It was not a personal preference but an abiding and universal truth. Heresy, then, struck at the heart of that truth. It doomed the heretic, endangered those near him, and tore apart the fabric of community. Medieval Europeans were not alone in this view. It was shared by numerous cultures around the world. The modern practice of universal religious toleration is itself quite new and uniquely Western.

Secular and ecclesiastical leaders in medieval Europe approached heresy in different ways. Roman law equated heresy with treason. Why? Because kingship was God-given, thus making heresy an inherent challenge to royal authority. Heretics divided people, causing unrest and rebellion. No Christian doubted that God would punish a community that allowed heresy to take root and spread. Kings and commoners, therefore, had good reason to find and destroy heretics wherever they found them — and they did so with gusto.

One of the most enduring myths of the Inquisition is that it was a tool of oppression imposed on unwilling Europeans by a power-hungry Church. Nothing could be more wrong. In truth, the Inquisition brought order, justice, and compassion to combat rampant secular and popular persecutions of heretics. When the people of a village rounded up a suspected heretic and brought him before the local lord, how was he to be judged? How could an illiterate layman determine if the accused’s beliefs were heretical or not? And how were witnesses to be heard and examined?

The medieval Inquisition began in 1184 when Pope Lucius III sent a list of heresies to Europe’s bishops and commanded them to take an active role in determining whether those accused of heresy were, in fact, guilty. Rather than relying on secular courts, local lords, or just mobs, bishops were to see to it that accused heretics in their dioceses were examined by knowledgeable churchmen using Roman laws of evidence. In other words, they were to « inquire » — thus, the term « inquisition. »

From the perspective of secular authorities, heretics were traitors to God and king and therefore deserved death. From the perspective of the Church, however, heretics were lost sheep that had strayed from the flock. As shepherds, the pope and bishops had a duty to bring those sheep back into the fold, just as the Good Shepherd had commanded them. So, while medieval secular leaders were trying to safeguard their kingdoms, the Church was trying to save souls. The Inquisition provided a means for heretics to escape death and return to the community.

Most people accused of heresy by the medieval Inquisition were either acquitted or their sentence suspended. Those found guilty of grave error were allowed to confess their sin, do penance, and be restored to the Body of Christ. The underlying assumption of the Inquisition was that, like lost sheep, heretics had simply strayed. If, however, an inquisitor determined that a particular sheep had purposely departed out of hostility to the flock, there was nothing more that could be done. Unrepentant or obstinate heretics were excommunicated and given over to the secular authorities. Despite popular myth, the Church did not burn heretics. It was the secular authorities that held heresy to be a capital offense. The simple fact is that the medieval Inquisition saved uncounted thousands of innocent (and even not-so-innocent) people who would otherwise have been roasted by secular lords or mob rule.

As the power of medieval popes grew, so too did the extent and sophistication of the Inquisition. The introduction of the Franciscans and Dominicans in the early 13th century provided the papacy with a corps of dedicated religious willing to devote their lives to the salvation of the world. Because their order had been created to debate with heretics and preach the Catholic faith, the Dominicans became especially active in the Inquisition. Following the most progressive law codes of the day, the Church in the 13th century formed inquisitorial tribunals answerable to Rome rather than local bishops. To ensure fairness and uniformity, manuals were written for inquisitorial officials. Bernard Gui, best known today as the fanatical and evil inquisitor in The Name of the Rose, wrote a particularly influential manual. There is no reason to believe that Gui was anything like his fictional portrayal.

By the 14th century, the Inquisition represented the best legal practices available. Inquisition officials were university-trained specialists in law and theology. The procedures were similar to those used in secular inquisitions (we call them « inquests » today, but it’s the same word).

The power of kings rose dramatically in the late Middle Ages. Secular rulers strongly supported the Inquisition because they saw it as an efficient way to ensure the religious health of their kingdoms. If anything, kings faulted the Inquisition for being too lenient on heretics. As in other areas of ecclesiastical control, secular authorities in the late Middle Ages began to take over the Inquisition, removing it from papal oversight. In France, for example, royal officials assisted by legal scholars at the University of Paris assumed control of the French Inquisition. Kings justified this on the belief that they knew better than the faraway pope how best to deal with heresy in their own kingdoms.

These dynamics would help to form the Spanish Inquisition — but there were others as well. Spain was in many ways quite different from the rest of Europe. Conquered by Muslim jihad in the eighth century, the Iberian peninsula had been a place of near constant warfare. Because borders between Muslim and Christian kingdoms shifted rapidly over the centuries, it was in most rulers’ interest to practice a fair degree of tolerance for other religions. The ability of Muslims, Christians, and Jews to live together, called convivencia by the Spanish, was a rarity in the Middle Ages. Indeed, Spain was the most diverse and tolerant place in medieval Europe. England expelled all of its Jews in 1290. France did the same in 1306. Yet in Spain Jews thrived at every level of society.

But it was perhaps inevitable that the waves of anti-Semitism that swept across medieval Europe would eventually find their way into Spain. Envy, greed, and gullibility led to rising tensions between Christians and Jews in the 14th century. During the summer of 1391, urban mobs in Barcelona and other towns poured into Jewish quarters, rounded up Jews, and gave them a choice of baptism or death. Most took baptism. The king of Aragon, who had done his best to stop the attacks, later reminded his subjects of well-established Church doctrine on the matter of forced baptisms — they don’t count. He decreed that any Jews who accepted baptism to avoid death could return to their religion.

But most of these new converts, or conversos, decided to remain Catholic. There were many reasons for this. Some believed that apostasy made them unfit to be Jewish. Others worried that returning to Judaism would leave them vulnerable to future attacks. Still others saw their baptism as a way to avoid the increasing number of restrictions and taxes imposed on Jews. As time passed, the conversos settled into their new religion, becoming just as pious as other Catholics. Their children were baptized at birth and raised as Catholics. But they remained in a cultural netherworld. Although Christian, most conversos still spoke, dressed, and ate like Jews. Many continued to live in Jewish quarters so as to be near family members. The presence of conversos had the effect of Christianizing Spanish Judaism. This in turn led to a steady stream of voluntary conversions to Catholicism.

In 1414 a debate was held in Tortosa between Christian and Jewish leaders. Pope Benedict XIII himself attended. On the Christian side was the papal physician, Jeronimo de Santa Fe, who had recently converted from Judaism. The debate brought about a wave of new voluntary conversions. In Aragon alone, 3,000 Jews received baptism. All of this caused a good deal of tension between those who remained Jewish and those who became Catholic. Spanish rabbis after 1391 had considered conversos to be Jews, since they had been forced into baptism. Yet by 1414, rabbis repeatedly stressed that conversos were indeed true Christians, since they had voluntarily left Judaism.

By the mid-15th century, a whole new converso culture was flowering in Spain — Jewish in ethnicity and culture, but Catholic in religion. Conversos, whether new converts themselves or the descendants of converts, took enormous pride in that culture. Some even asserted that they were better than the « Old Christians, » since as Jews they were related by blood to Christ Himself. When the converso bishop of Burgos, Alonso de Cartagena, prayed the Hail Mary, he would say with pride, « Holy Mary, Mother of God and my blood relative, pray for us sinners . . . »

The expansion of converso wealth and power in Spain led to a backlash, particularly among aristocratic and middle-class Old Christians. They resented the arrogance of the conversos and envied their successes. Several tracts were written demonstrating that virtually every noble bloodline in Spain had been infiltrated by conversos. Anti-Semitic conspiracy theories abounded. The conversos, it was said, were part of an elaborate Jewish plot to take over the Spanish nobility and the Catholic Church, destroying both from within. The conversos, according to this logic, were not sincere Christians but secret Jews.

Modern scholarship has definitively shown that, like most conspiracy theories, this one was pure imagination. The vast majority of conversos were good Catholics who simply took pride in their Jewish heritage. Surprisingly, many modern authors — indeed, many Jewish authors — have embraced these anti-Semitic fantasies. It is common today to hear that the conversos really were secret Jews, struggling to keep their faith hidden under the tyranny of Catholicism. Even the American Heritage Dictionary describes « converso » as « a Spanish or Portuguese Jew who converted outwardly to Christianity in the late Middle Ages so as to avoid persecution or expulsion, though often continuing to practice Judaism in secret. » This is simply false.

But the constant drumbeat of accusations convinced King Ferdinand and Queen Isabella that the matter of secret Jews should at least be investigated. Responding to their request, Pope Sixtus IV issued a bull on November 1, 1478, allowing the crown to form an inquisitorial tribunal consisting of two or three priests over the age of 40. As was now the custom, the monarchs would have complete authority over the inquisitors and the inquisition. Ferdinand, who had many Jews and con-versos in his court, was not at first overly enthusiastic about the whole thing. Two years elapsed before he finally appointed two men. Thus began the Spanish Inquisition.

King Ferdinand seems to have believed that the inquiry would turn up little. He was wrong. A tinderbox of resentment and hatred exploded across Spain as the enemies of conversos — both Christian and Jewish — came out of the woodwork to denounce them. Score-settling and opportunism were the primary motivators. Nevertheless, the sheer volume of accusations overwhelmed the inquisitors. They asked for and received more assistants, but the larger the Inquisition became, the more accusations it received. At last even Ferdinand was convinced that the problem of secret Jews was real.

In this early stage of the Spanish Inquisition, Old Christians and Jews used the tribunals as a weapon against their converso enemies. Since the Inquisition’s sole purpose was to investigate conversos, the Old Christians had nothing to fear from it. Their fidelity to the Catholic faith was not under investigation (although it was far from pure). As for the Jews, they were immune to the Inquisition. Remember, the purpose of an inquisition was to find and correct the lost sheep of Christ’s flock. It had no jurisdiction over other flocks. Those who get their history from Mel Brooks’s History of the World, Part I will perhaps be surprised to learn that all of those Jews enduring various tortures in the dungeons of the Spanish Inquisition are nothing more than a product of Brooks’s fertile imagination. Spain’s Jews had nothing to fear from the Spanish Inquisition.

In the early, rapidly expanding years, there was plenty of abuse and confusion. Most accused conversos were acquitted, but not all. Well-publicized burnings — often because of blatantly false testimony — justifiably frightened other conversos. Those with enemies often fled town before they could be denounced. Everywhere they looked, the inquisitors found more accusers. As the Inquisition expanded into Aragon, the hysteria levels reached new heights. Pope Sixtus IV attempted to put a stop to it. On April 18, 1482, he wrote to the bishops of Spain:

In Aragon, Valencia, Mallorca, and Catalonia the Inquisition has for some time been moved not by zeal for the faith and the salvation of souls but by lust for wealth. Many true and faithful Christians, on the testimony of enemies, rivals, slaves, and other lower and even less proper persons, have without any legitimate proof been thrust into secular prisons, tortured and condemned as relapsed heretics, deprived of their goods and property and handed over to the secular arm to be executed, to the peril of souls, setting a pernicious example, and causing disgust to many.

Sixtus ordered the bishops to take a direct role in all future tribunals. They were to ensure that the Church’s well-established norms of justice were respected. The accused were to have legal counsel and the right to appeal their case to Rome.

In the Middle Ages, the pope’s commands would have been obeyed. But those days were gone. King Ferdinand was outraged when he heard of the letter. He wrote to Sixtus, openly suggesting that the pope had been bribed with converso gold.

Things have been told me, Holy Father, which, if true, would seem to merit the greatest astonishment . . . To these rumors, however, we have given no credence because they seem to be things which would in no way have been conceded by Your Holiness who has a duty to the Inquisition. But if by chance concessions have been made through the persistent and cunning persuasion of the conversos, I intend never to let them take effect. Take care therefore not to let the matter go further, and to revoke any concessions and entrust us with the care of this question.

That was the end of the papacy’s role in the Spanish Inquisition. It would henceforth be an arm of the Spanish monarchy, separate from ecclesiastical authority. It is odd, then, that the Spanish Inquisition is so often today described as one of the Catholic Church’s great sins. The Catholic Church as an institution had almost nothing to do with it.

In 1483 Ferdinand appointed Tomas de Torquemada as inquistor-general for most of Spain. It was Torquemada’s job to establish rules of evidence and procedure for the Inquisition as well as to set up branches in major cities. Sixtus confirmed the appointment, hoping that it would bring some order to the situation.

Unfortunately, the problem only snowballed. This was a direct result of the methods employed by the early Spanish Inquisition, which strayed significantly from Church standards. When the inquisitors arrived in a particular area, they would announce an Edict of Grace. This was a 30-day period in which secret Jews could voluntarily come forward, confess their sin, and do penance. This was also a time for others with information about Christians practicing Judaism in secret to make it known to the tribunal. Those found guilty after the 30 days elapsed could be burned at the stake.

For conversos, then, the arrival of the Inquisition certainly focused the mind. They generally had plenty of enemies, any one of whom might decide to bear false witness. Or perhaps their cultural practices were sufficient for condemnation? Who knew? Most converses, therefore, either fled or lined up to confess. Those who did neither risked an inquiry in which any kind of hearsay or evidence, no matter how old or suspicious, was acceptable.

Opposition in the hierarchy of the Catholic Church to the Spanish Inquisition only increased. Many churchmen pointed out that it was contrary to all accepted practices for heretics to be burned without instruction in the Faith. If the conversos were guilty at all, it was merely of ignorance, not willful heresy. Numerous clergy at the highest levels complained to Ferdinand. Opposition to the Spanish Inquisition also continued in Rome. Sixtus’s successor, Innocent VIII, wrote twice to the king asking for greater compassion, mercy, and leniency for the conversos — but to no avail.

As the Spanish Inquisition picked up steam, those involved became increasingly convinced that Spain’s Jews were actively seducing the conversos back into their old faith. It was a silly idea, no more real than the previous conspiracy theories. But Ferdinand and Isabella were influenced by it. Both of the monarchs had Jewish friends and confidants, but they also felt that their duty to their Christian subjects impelled them to remove the danger. Beginning in 1482, they expelled Jews from specific areas where the trouble seemed greatest. Over the next decade, though, they were under increasing pressure to remove the perceived threat. The Spanish Inquisition, it was argued, could never succeed in bringing the conversos back into the fold while the Jews undermined its work. Finally, on March 31, 1492, the monarchs issued an edict expelling all Jews from Spain.

Ferdinand and Isabella expected that their edict would result in the conversion of most of the remaining Jews in their kingdom. They were largely correct. Many Jews in high positions, including those in the royal court, accepted baptism immediately. In 1492 the Jewish population of Spain numbered about 80,000. About half were baptized and thereby kept their property and livelihoods. The rest departed, but many of them eventually returned to Spain, where they received baptism and had their property restored. As far as the Spanish Inquisition was concerned, the expulsion of the Jews meant that the caseload of conversos was now much greater.

The first 15 years of the Spanish Inquisition, under the direction of Torquemada, were the deadliest. Approximately 2,000 conversos were put to the flames. By 1500, however, the hysteria had calmed. Torquemada’s successor, the cardinal archbishop of Toledo, Francisco Jimenez de Cisneros, worked hard to reform the Inquisition, removing bad apples and reforming procedures. Each tribunal was given two Dominican inquisitors, a legal adviser, a constable, a prosecutor, and a large number of assistants. With the exception of the two Dominicans, all of these were royal lay officials. The Spanish Inquisition was largely funded by confiscations, but these were not frequent or great. Indeed, even at its peak the Inquisition was always just making ends meet.

After the reforms, the Spanish Inquisition had very few critics. Staffed by well-educated legal professionals, it was one of the most efficient and compassionate judicial bodies in Europe. No major court in Europe executed fewer people than the Spanish Inquisition. This was a time, after all, when damaging shrubs in a public garden in London carried the death penalty. Across Europe, executions were everyday events. But not so with the Spanish Inquisition. In its 350-year lifespan only about 4,000 people were put to the stake. Compare that with the witch-hunts that raged across the rest of Catholic and Protestant Europe, in which 60,000 people, mostly women, were roasted. Spain was spared this hysteria precisely because the Spanish Inquisition stopped it at the border. When the first accusations of witchcraft surfaced in northern Spain, the Inquisition sent its people to investigate. These trained legal scholars found no believable evidence for witches’ Sabbaths, black magic, or baby roasting. It was also noted that those confessing to witchcraft had a curious inability to fly through keyholes. While Europeans were throwing women onto bonfires with abandon, the Spanish Inquisition slammed the door shut on this insanity. (For the record, the Roman Inquisition also kept the witch craze from infecting Italy.)

What about the dark dungeons and torture chambers? The Spanish Inquisition had jails, of course. But they were neither especially dark nor dungeon-like. Indeed, as far as prisons go, they were widely considered to be the best in Europe. There were even instances of criminals in Spain purposely blaspheming so as to be transferred to the Inquisition’s prisons. Like all courts in Europe, the Spanish Inquisition used torture. But it did so much less often than other courts. Modern researchers have discovered that the Spanish Inquisition applied torture in only 2 percent of its cases. Each instance of torture was limited to a maximum of 15 minutes. In only 1 percent of the cases was torture applied twice and never for a third time.

The inescapable conclusion is that, by the standards of its time, the Spanish Inquisition was positively enlightened. That was the assessment of most Europeans until 1530. It was then that the Spanish Inquisition turned its attention away from the conversos and toward the new Protestant Reformation. The people of Spain and their monarchs were determined that Protestantism would not infiltrate their country as it had Germany and France. The Inquisition’s methods did not change. Executions and torture remained rare. But its new target would forever change its image.

By the mid-16th century, Spain was the wealthiest and most powerful country in Europe. King Philip II saw himself and his countrymen as faithful defenders of the Catholic Church. Less wealthy and less powerful were Europe’s Protestant areas, including the Netherlands, northern Germany, and England. But they did have a potent new weapon: the printing press. Although the Spanish defeated Protestants on the battlefield, they would lose the propaganda war. These were the years when the famous « Black Legend » of Spain was forged. Innumerable books and pamphlets poured from northern presses accusing the Spanish Empire of inhuman depravity and horrible atrocities in the New World. Opulent Spain was cast as a place of darkness, ignorance, and evil. Although modern scholars have long ago discarded the Black Legend, it still remains very much alive today. Quick: Think of a good conquistador.

Protestant propaganda that took aim at the Spanish Inquisition drew liberally from the Black Legend. But it had other sources as well. From the beginning of the Reformation, Protestants had difficulty explaining the 15-century gap between Christ’s institution of His Church and the founding of the Protestant churches. Catholics naturally pointed out this problem, accusing Protestants of having created a new church separate from that of Christ. Protestants countered that their church was the one created by Christ but that it had been forced underground by the Catholic Church. Thus, just as the Roman Empire had persecuted Christians, so its successor, the Roman Catholic Church, continued to persecute them throughout the Middle Ages. Inconveniently, there were no Protestants in the Middle Ages, yet Protestant authors found them anyway in the guise of various medieval heresies. (They were underground, after all.) In this light, the medieval Inquisition was nothing more than an attempt to crush the hidden, true church. The Spanish Inquisition, still active and extremely efficient at keeping Protestants out of Spain, was for Protestant writers merely the latest version of this persecution. Mix liberally with the Black Legend, and you have everything you need to produce tract after tract about the hideous and cruel Spanish Inquisition. And so they did.

The Spanish people loved their Inquisition. That is why it lasted for so long. It stood guard against error and heresy, protecting the faith of Spain and ensuring the favor of God. But the world was changing. In time, Spain’s empire faded away. Wealth and power shifted to the north, in particular to France and England. By the late 17th century, new ideas of religious tolerance were bubbling across the coffeehouses and salons of Europe. Inquisitions, both Catholic and Protestant, withered. The Spanish stubbornly held on to theirs, and for that, they were ridiculed. French philosophes like Voltaire saw in Spain a model of the Middle Ages: weak, barbaric, superstitious. The Spanish Inquisition, already established as a bloodthirsty tool of religious persecution, was derided by Enlightenment thinkers as a brutal weapon of intolerance and ignorance. A new, fictional Spanish Inquisition had been constructed, designed by the enemies of Spain and the Catholic Church.

Because it was both professional and efficient, the Spanish Inquisition kept very good records. Vast archives are filled with them. These documents were kept secret, so there was no reason for scribes to do anything but accurately record every action of the Inquisition. They are a goldmine for modern historians who have plunged greedily into them. Thus far, the fruits of that research have made one thing abundantly clear — the myth of the Spanish Inquisition has nothing at all to do with the real thing.

Thomas F. Madden is associate professor and chairman of the Department of History at Saint Louis University. He is the author of numerous works, including most recently A Concise History of the Crusades (Rowman & Littlefield, 1999) and Enrico Dandolo and the Rise of Venice (Johns Hopkins University Press, 2003).

Voir également:

Historiquement correct

Pour en finir avec le passé unique

Nous avons lu : Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique (Perrin, mars 2003, 452 pages, 21,50 euros), par Jean Sévillia, rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine.

André Larané
Hérodote
2018-11-27

Historiquement correct (Perrin) est un pamphlet dédié aux hommes politiques qui traitent de l’Histoire à tort et à travers.

L’auteur, Jean Sévillia, ne cache pas son aversion pour la gauche. Il a la dent dure contre les politiciens qui conjuguent leur ignorance de l’Histoire et leur parti-pris idéologique.

Faut-il des noms ? Ils sont connus de tous les lecteurs de la presse française et l’auteur de Historiquement correct ne se fait pas faute de les rappeler, citations à l’appui.

En journaliste plus qu’en historien, il montre comment on peut déformer l’Histoire pour la mettre à son service ou cacher des vérités troublantes.

Il rappelle le racisme de Voltaire, les crimes commis contre les Vendéens, l’idéologie colonialiste des dirigeants de la IIIe République, la contribution des leaders de gauche au régime de Vichy.

Historiquement correct comporte 18 chapitres qui chacun se rapporte à une phase de l’Histoire. Cela va de la féodalité à la guerre d’Algérie en passant par les Croisades, l’Inquisition espagnole, la Terreur, la Commune, la Résistance et la Collaboration… Autant de sujets polémiques sur lesquels se déchirent les néophytes et les idéologues mais sur lesquels s’accordent la plupart des historiens, attentifs aux faits et aux sources de première main.

Ainsi, à propos de la féodalité et du Moyen Âge, l’auteur a beau jeu de rappeler qu’elle ne mérite pas les clichés méprisants du XVIIIe siècle. Les médiévistes contemporains, de Régine Pernoud à Jacques Le Goff en passant par Jacques Heers, ont fait litière de ces préjugés et montré comment, sous l’égide du clergé catholique, les peuples de l’Occident ont jeté les bases de la démocratie, de la laïcité, de l’émancipation des femmes etc.

À propos des croisades, Jean Sévillia signale qu’elles furent avant tout une manifestation de foi populaire et une réaction de défense des Européens dans une époque très critique de leur Histoire. Les excès et les massacres qu’on peut leur attribuer ne sortent hélas pas de l’ordinaire de l’époque (et sont plutôt moins choquants que les horreurs du début du XXe siècle).

Pire que le Goulag ( *), l’ Inquisition ! Contre l’imagerie traditionnelle colportée par les protestants anglais et les philosophes français qui fait de l’Inquisition espagnole l’horreur absolue, on rappelle que ses victimes se comptent au nombre de quelques milliers en l’espace de trois siècles.

Venons-en au XVIIIe siècle français. «Voilà un aspect des Lumières qui est aujourd’hui soigneusement caché : le racisme», dit fort justement l’auteur de Historiquement correct. Voltaire, le grand Voltaire, écrit dans Essai sur les moeurs et l’esprit des moeurs : «Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différents».

En écrivant cela, le pourfendeur du clergé prend le contrepied de l’enseignement religieux qui, depuis Saint Paul, n’a de cesse de souligner l’unicité de la condition humaine. Malheureusement, aux XIXe et XXe siècles, le triste enseignement de Voltaire sera mieux suivi que celui de Saint Paul. Faut-il insister ? Le Siècle des Lumières fut aussi le grand siècle de la traite atlantique et les «philosophes» ne furent pas les derniers à placer leurs économies dans le trafic d’esclaves.

Jean Sévillia a beau jeu de rappeler les crimes commis pendant la Révolution française, sous la Terreur, au nom de la Liberté, mais curieusement ne s’appesantit pas sur Napoléon Bonaparte, dont les actions ont peu de rapport avec la légende. De même, il ne manque pas de rappeler les exactions des Communards de 1871 mais néglige la responsabilité d’ Adolphe Thiers dans cette tragédie.

Plus près de nous, Historiquement correct témoigne de la grande confusion idéologique qui a conduit en France les républicains de gauche à se faire les apologues de la colonisation à la fin du XIXe siècle et à défendre la présence française en Algérie après la seconde guerre mondiale.

De la même façon, peut-on ignorer la contribution de plusieurs dirigeants socialistes ou communistes au gouvernement du maréchal Pétain (Doriot, Déat, Laval, Belin…), tandis que des officiers catholiques et parfois monarchistes s’engageaient dès les débuts de l’occupation allemande dans la Résistance (d’Estienne d’Orves, Leclerc de Hauteclocque, de Gaulle…) ?

Et quel est l’extrémiste qui confie les lignes suivantes à son journal intime, en juillet 1940 ? «J’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le général de Gaulle l’emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive, c’est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabées. » C’est le philosophe Alain, radical et pacifiste, grande conscience de la IIIe République… (pages 367-368).

Discussions en perspective

Le ton de l’essai est vif. Les thèmes abordés sont aussi passionnants les uns que les autres et bien documentés. De quoi nourrir de passionnants débats entre amis. Mais ne prenons pas au pied de la lettre toutes les analyses de Historiquement correct.

Jean Sévillia se montre trop indulgent pour certains personnages (Thiers, Bonaparte…) et lui-même ne se gêne pas pour occulter des faits qui heurtent ses convictions. L’Histoire n’est ni à droite ni à gauche. Elle est tissée de compromis imposés par les circonstances.

Voir aussi:

Esclavage : « La célébration des victimes ne peut pas être une identité porteuse »

Le choix d’une date pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage et son abolition divise. Explication de texte avec l’historienne Myriam Cottias.

Propos recueillis par Clément Pétreault

Le Point

Pius, born in 1876 as Eugenio Pacelli, reigned as head of the Catholic Church from 1939 until his death in 1958. During the war, the Vatican remained neutral, as required by the treaty with German ally Benito Mussolini that guaranteed church sovereignty over a small sliver of the city of Rome. But the Vatican sympathized with the Allied powers, said William Doino Jr., a Catholic researcher and writer living in western Connecticut and a contributing editor to Inside the Vatican, an international monthly Roman Catholic publication.

Voir par ailleurs:

Lester LITTLE Religious poverty and the profit economy in medieval Europe Londres Paul Elek 1978 xi- 267p

Le thème de la pauvreté volontaire domine histoire de la spiritualité en Occident du xie au xiiie siècle. Il surgit en écho aux profondes transformations de l’économie et de la société: renaissance urbaine, essor des échanges et de l’économie monétaire, renforcement des inégalités sociales. Ces transformations déterminent une crise profonde de l’éthique traditionnelle et de la spiritualité: le vieux monachisme bénédictin se replie sur lui-même et les ermites fuient au désert Au contraire, chanoines réformés, groupes de pieux laïcs et bientôt religieux mendiants relèvent le défi de la ville mais les Pauvres du Christ refusent la propriété individuelle, prônent le travail manuel, se gardent du contact avec l’argent. Leur idéal contredit l’éthique de la ville dont pourtant ils sont nés: aussi ses tenants les plus rigoristes ne tardent-ils pas être éliminés tels les vaudois ou les spirituels franciscains condamnés pour hérésie. Au contraire, ceux qui s’adaptent, dominicains pour qui la pauvreté n’est pas une fin en soi mais un moyen, franciscains conventuels qui usent de biens fictivement possédés par un ami laïc en viennent paradoxalement à forger une éthique justifiant la ville, le commerce de l’argent et l’accumulation des richesses; ils définissent même pour les riches et les puissants une véritable idéologie urbaine.

Bien des aspects de cette évolution ont été depuis une vingtaine années étudiés de manière remarquable notamment par le Chenu, John Baldwin, Le Goff ou Little lui-même qui propose mainte nant et au bon moment une synthèse cohérente de tous ces résultats. La force de son étude tient abord à son immense érudition, elle tient ensuite au propos même de l’auteur qui est d’étudier en même temps l’évolution économique et sociale, une économie de troc, une économie de profit ou encore selon Marc Bloch du premier au deuxième âge féodal et celle de la spiritualité. Sa préoccupation majeure est d’analyser le rapport entre comportements et pensée (il n’use pas du terme mentalités) et société mais sans faire la théorie de ce rapport. De fait, l’empirisme lui réussit mieux que la théorie, sa comparaison finale du système intégré des relations entre guerriers et moines au premier âge féodal et entre marchands et frères des ordres mendiants dans la ville du xme siècle va bien au-delà de ses réflexions préliminaires et elle est moins convaincante sur les niveaux (levels strata) dont serait constituée la vie sociale. Notons aussi des pages lumineuses sur l’attitude traditionnelle de rejet, voire de dégoût à l’égard de la monnaie, comparée aux excréments (34) ou sur les débuts de l’antisémitisme présenté comme un exutoire aux doutes et la à mauvaise conscience des chrétiens au moment où eux-mêmes commencent se mêler du commerce de l »argent (54). En revanche, il me semble que l’étude de l’idéologie définie par les Mendiants aurait pu être poussée plus loin par l’analyse du contenu de leurs sermons: non seulement les religieux valorisent l’image de la ville qui remplace le monastère comme préfiguration terrestre du paradis) et justifient par leur utilité sociale les profits des riches mais ils prêchent la résignation aux pauvres réels. Les Mendiants ont digéré la ville certes mais parce que la ville ou plutôt sa classe dirigeante se les était d’abord ralliés.

Jean-Claude SCHMITT

Voir par ailleurs:

Justice, medieval style

The case that ‘trial by ordeal’ actually worked

 

Peter Leeson

The Boston Globe

January 31, 2010

For the better part of a millennium, Europe’s legal systems decided difficult criminal cases in a most peculiar way. When judges were uncertain about an accused criminal’s guilt, they ordered a cauldron of water to be boiled, a ring to be thrown in, and the defendant to plunge in his naked hand and pluck the object out. The defendant’s hand was wrapped in bandages and revisited three days later. If it survived the bubbling cauldron unharmed, the defendant was declared innocent. If it didn’t, he was convicted.

These trials were called “ordeals.” They reached their height between the 9th and 13th centuries, and the methods varied. In one variant, a piece of iron was heated until it was red hot. The defendant picked it up and carried it with her bare hand. In another, the defendant was stripped naked, his hands and feet bound, and he was pushed into a pool of holy water. If the defendant sank, he was acquitted. If he floated, he was condemned.

Modern observers have roundly condemned ordeals for being cruel and arbitrary. Ordeals seem to reflect everything that was wrong with the Dark Ages. They’re an icon of medieval barbarism and backwardness.

But a closer look suggests something very different: The ordeal system worked surprisingly well. It accurately determined who was guilty and who was innocent, sorting genuine criminals from those who had been wrongly accused. Stranger still, the ordeal system suggests that pervasive superstition can be good for society. Medieval legal systems leveraged citizens’ superstitious beliefs through ordeals, making it possible to secure criminal justice where it would have otherwise been impossible to do so. Some superstitions, at least, may evolve and persist for a good reason: They help us accomplish goals we couldn’t otherwise accomplish, or accomplish them more cheaply.

Ordeals were based on a medieval superstition called “iudicium Dei” – the judgment of God. According to this belief, God helped man resolve judicial matters through trials of fire and water. The superstitious “logic” that underlay ordeals was based on divine intervention. God, the thinking went, saved innocent defendants from being burned in hot ordeals and allowed guiltless men to sink in water “over which He hath thundered” in cold ones. The ordeal, then, offered a way for God to render judgment.

How might these trials have worked, without divine intervention? The key insight is that ordeals weren’t just widely practiced. They were widely believed in. It’s this belief – literally, the fear of God – that could have allowed the ordeals to function effectively.

First, consider the reasoning of the defendants. Guilty believers expected God to reveal their guilt by harming them in the ordeal. They anticipated being boiled and convicted. Innocent believers, meanwhile, expected God to protect them in the ordeal. They anticipated escaping unscathed, and being exonerated.

The only defendants who would have been willing to go through with the ordeal were therefore the innocent ones. Guilty defendants would have preferred to avoid the ordeal – by confessing their crimes, settling with their accusers, or fleeing the realm.

The next thing to understand is that clerics administrated ordeals and adjudged their outcomes – and did so under elaborate sets of rules that gave them wide latitude to manipulate the process. Priests knew that only innocent defendants would be willing to plunge their hands in boiling water. So priests could simply rig trials to exonerate defendants who were willing to go through with the ordeal. The rituals around the ordeals gave them plenty of cover to ensure the water wasn’t boiling, or the iron wasn’t burning, and so on. If rigging failed, a priest could interpret the ordeal’s outcome to exculpate the defendant nonetheless (“His arm is healing well!”).

The ordeal system was only as strong as the superstitious belief underlying it. So, over time, as people’s belief that God was behind ordeals weakened, so did ordeals’ power to satisfactorily deal with criminal defendants. One crucially important contributor to this decline was the Catholic Church. In the early 13th century, Pope Innocent III spearheaded a damning denunciation of ordeals on the grounds that ordeals were antithetical to Christian doctrine. His edict banned priests from further involvement with them. The Church’s condemnation of ordeals seriously undermined the superstition on which ordeals relied. If ordeals were antithetical to Christianity, how could God reveal defendants’ guilt or innocence through trials of fire and water?

Ordeals disappeared from Europe after Pope Innocent III’s decree. But, while they lasted, they improved criminal justice. Ordeals are inferior to modern trial methods because modern defendants don’t believe in iudicium Dei, not because trial by jury is inherently superior. If modern citizens did have the superstitious belief required for ordeals to work, it might make sense to bring back the cauldrons of boiling water.

Jury trials are expensive. Ordeals cost something, too. But they don’t require days or weeks of a half dozen or more jurors’ time. Nor do they require lawyers. If the strength of superstitious belief required for ordeals to work as well as trial by jury existed, society could use ordeals to secure the same degree of criminal justice for a fraction of the current system’s cost. Consider the savings society would enjoy if citizens firmly believed that an invisible, omniscient, and omnipotent being would severely punish them and their families, not just in an afterlife, but in this one as well, for cheating, stealing, and dishonesty. In the superstitious society, “irrational” beliefs do part of the work that government institutions of law and order do in the nonsuperstitious one.

This insight may help explain the prominence of superstition in some societies. Many societies weren’t, and in some cases still aren’t, wealthy enough to create strong, effective, and more expensive state-made institutions of order. Superstition’s prominence in such societies may reflect the need to rely on cheaper substitutes for such institutions, substitutes such as beliefs in curses, afterlives, and iudicium Dei.

If this is right, it’s not only that scientific advance crowds out superstition. As societies become wealthier, superstitions become less necessary. So people abandon them. This creates the space required for scientific understandings to emerge.

Still, even the wealthiest societies have room for, and can leverage, superstition. To see this, look no further than the practice of oath swearing in courts in the United States. Oath swearing has an even longer history than ordeals. In ordeals’ heyday, elaborate forms of oath taking, sometimes taken with others called “compurgators,” were often the first resort for judicial questions.

Oath swearing survives today. No doubt part of the reason for this is that the superstition underlying its ability to promote justice has survived, too. Historically, oaths were sworn on the Bible, or other holy books, to God. For people who believe God frowns on lying, oath swearing can be a powerful force encouraging truthful testimony. In 1961 the US Supreme Court upheld individuals’ right to testify in court without swearing an oath. But it remains common to ask people providing testimony to do so, or at least to promise to tell the truth. While the explicit invocation of God is all but gone from modern oaths, the solemnity of the oath itself remains strong.

Previous researchers have found evidence that certain superstitious beliefs may be socially productive in modern societies. Important work by Robert Barro and Rachel McCleary of Harvard University, for example, finds that stronger beliefs in an afterlife are associated with higher economic growth. Similarly, in a recent experimental study, Azim Shariff and Ara Norenzayan of the University of British Columbia find that when “God concepts” are activated in the minds of experiment participants, they’re more cooperative with one another. One of the potential reasons for this result, Shariff and Norenzayan point out, is that individuals may be more likely to behave in socially positive ways when they feel that God is watching them.

Of course, not all superstitious beliefs are socially productive. Besides encouraging criminals to reveal themselves and witnesses to tell the truth, superstition can create conflict and inhibit economic activities that create wealth. Especially if it’s hard to hold productive superstitions separately from unproductive ones, superstition might retard rather than promote social progress.

Still, it’s useful to bear in mind that many bizarre and seemingly irrational beliefs emerged for a reason and, at one time, served a socially useful purpose. Even modern superstitions aren’t all bad. Some may actually make us better off.

Now, where did that cauldron go?

Peter T. Leeson is visiting professor of economics at the University of Chicago’s Becker Center on Chicago Price Theory, author of the paper ”Ordeals,” and author of the recent book ”The Invisible Hook: The Hidden Economics of Pirates” (Princeton University Press, 2009).

Voir par ailleurs:

La chasse aux sorcières n’est pas le fait du Moyen Âge…
Marie Mougin
France inter
04/12/2018

On associe souvent les sorcières à l’époque médiévale… à tort. Face cachée de la Renaissance, c’est pendant cette révolution considérée comme humaniste, rationnelle et éclairée que la chasse aux sorcières fait rage ! Comme s’il fallait « tuer la femme » pour créer « l’homme moderne »…

« Les sorcières ne sont pas l’affaire du Moyen Âge mais de l’époque moderne. » Voici ce que glissait Michel Pastoureau, grand historien français des couleurs, des emblèmes et des animaux, dans une émission consacrée à la peur du loup. Des mots qui nous rappellent qu’il y a quelques semaines à peine, Mona Chollet, invitée pour son ouvrage Sorcières, la puissance invaincue des femmes aux éditions La Découverte énonçait également que ce n’est véritablement que sous la Renaissance que la chasse aux sorcières eu réellement lieu.

Mona Chollet avait déjà rédigé un essai féministe Beauté Fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine aux éditions Zones, en 2012, et dans Sorcières, elle s’attaque une fois de plus aux stéréotypes sur la puissance et la dangerosité des femmes, cette fois-ci autour du mythe de la sorcière. Invitée d’Antoine de Caunes pour Popopop, elle rappelle que le monde occidental associe depuis longtemps les sorcières au sombre Moyen Âge, à tort, alors que c’est pendant le temps glorieux et « humaniste » de la Renaissance que des dizaines de milliers de femmes furent exécutées, accusées de sorcellerie.

Les sages-femmes et les guérisseuses en ligne de mire

Halte aux idées reçues, au Moyen Âge, les femmes soupçonnées de sorcellerie n’étaient pas persécutées, elles étaient simplement mises au ban de la société. Considérées comme de pauvres folles, elles n’inspiraient rien de plus que de la pitié. La naissance des procès en sorcellerie accompagna en revanche l’établissement de la justice civile, comme s’il eut fallu un premier bouc émissaire pour essuyer les plâtres… Les procès en sorcellerie débutent au XVe siècle (dans les années 1430) et se développent majoritairement au XVIe et au XVIIe siècle (entre les années 1560 et 1630). Entre 1430 et 1630, le continent européen a connu 110 000 procès en sorcellerie, dont 48% se sont soldés par une condamnation à mort. Et c’est sans compter les exécutions privées et les lynchages…

Pour comprendre pourquoi autant de femmes furent persécutées en Europe, il faut revenir à l’identité de ces « sorcières ». Dans les foyers sans enfants, la femme était communément accusée de sorcellerie car l’impuissance de l’homme était inconcevable à l’époque. Mais la majeure partie des « sorcières » étaient en réalité des sages-femmes et autres guérisseuses. Elles étaient pourchassées car elles détenaient une pharmacopée et des savoirs ancestraux que les théologiens, qui tentaient, en pleine Renaissance, d’établir les fondements de la science et du savoir, ne reconnaissaient pas.

Comme l’écrit Esther Cohen, docteur en philosophie, dans son livre Le Corps du diable, philosophes et sorcières à la Renaissance aux éditions Léo Sheer : « Au nom de la science, la rationalité occidentale éradique les figures de l’altérité. » En effet, la Renaissance fut aussi le moment où les penseurs de l’époque balayèrent toutes les croyances et la culture médiévale afin de revenir aux fondamentaux de la culture antique… qui fut érigée comme « culture classique ». Dans cette révolution culturelle et intellectuelle, également qualifiée d’« Humanisme », l’homme est remis au centre. Mais c’est de l’homme (petit h) dont on parle, pas l’Homme… Et toutes les femmes détentrices d’un certain savoir, et par extension d’un certain pouvoir, furent persécutées. Toutes les pratiques médicinales des guérisseuses et des sages-femmes furent qualifiées de « magiques » ou relevant de la superstition. Des qualificatifs qui ouvraient dès lors la porte aux persécutions car les sorcières devenaient des « hérétiques ». Magique n’est pas « saint », superstition n’est pas « religion » et ces femmes sont ainsi automatiquement liées au Malin et deviennent « sorcières ».

Un temps de grands malheurs, où les sorcières jouaient les boucs émissaires

Mais cela suffit-il à brûler des êtres humains ? Non mais la fin du Moyen Âge s’accompagna également d’une période de calamités : plusieurs épisodes de peste, mais également des hivers très froids, des inondations, des sécheresses… En France par exemple, la population était en pleine expansion mais la production agricole stagne à cause de manque de progrès techniques notables. Le pays connait alors de nombreux épisodes de famine. Dès lors, pour certains penseurs de l’époque, la concordance de tous ces événements ne pouvait s’expliquer que par une seule chose : la main du Diable. Et ces manifestations démoniaques ne pouvaient se faire que par l’intermédiaire… des femmes évidemment.

L’époque fut aussi très marquée par une crise sociale européenne : la guerre de Trente Ans. En France de nombreuses guerres féodales détruisirent les champs sans oublier le pillage des récoltes par les compagnies, des hordes de chevaliers peu scrupuleux… Puis les guerres de religion se succédèrent les unes aux autres, opposant catholiques et protestants… Sans oublier le développement de l’économie monétaire et du salariat, qui amena dans un premier temps, à la paupérisation du peuple. Tous ces malheurs liés à la transition du système féodal à l’époque moderne ne se firent pas sans plonger le peuple dans une certaine misère qui fit gronder encore plus la contestation…

Dans cette période de profonde instabilité, quelques jacqueries éclatèrent (des révoltes paysannes). Les tranches de la population impliquées prenaient irrémédiablement l’habitude de se réunir pour organiser ces protestations et ces réunions furent cristallisées dans l’imaginaire du sabbat des sorcières. Face à la rébellion du peuple, les magistrats établirent dès lors les premiers procès contre les sorcières, afin de canaliser cette vague contestataire contre un bouc émissaire et mater la population, en dissuadant par la même occasion toute nouvelle tentative de rébellion, face à la menace du procès et du bûcher.

Chasse aux sorcières et émergence du monde rationnel et éclairé

L’avènement des procès en sorcellerie concorda également avec le développement de l’écriture juridique et des manuels pour établir les premières règles et procédures juridiques. En France, le juriste, économiste et philosophe Jean Bodin écrivit un guide à l’intention des tribunaux, De la Démonomanie des sorciers (trouvable aux éditions Droz), en 1580. Il réclamait notamment les peines les plus sévères contre toute personne accusée de sorcellerie. À Nancy et dans ses alentours, le procureur général Nicolas Rémy consigna plus de 900 procès et séances de torture en 15 ans et condamna plusieurs centaines de personnes au bûcher pour satanisme. Dans la région de Saint-Claude, le juge Henry Boguet, surnommé le « brûleur féroce », il condamna quant à lieu 1 500 personnes au bûcher, mais détecta également neuf cas de lycanthropie et rédigea plusieurs ouvrages de démonologie, dont le manuel Instruction pour un juge où il lista 70 cas de procès de sorcellerie et la conduite juridique à adopter.

Les bûchers et les persécutions des sorcières sont donc un autre visage de cette Renaissance, que le cliché voudrait resplendissante, rayonnante, lumineuse et éclairée… La chasse aux sorcières se fait dans les coulisses de l’Humanisme naissance, de l’émergence de la raison et du monde rationnel moderne. Cette idée de la barbarie, comme sœur jumelle de la raison, a notamment été théorisée par René Girard, anthropologue, historien, philosophe, académicien français, et l’illustre auteur de La Violence et le Sacré aux éditions Grasset en 1972, a beaucoup travaillé sur l’anthropologie de la violence et du religieux et a beaucoup théorisé l’idée du mécanisme « victimaire » ou « de la victime émissaire ». Une réflexion que l’on peut retrouver résumé en une formule dans son ouvrage Quand ces choses commenceront… de 1996 : « S’il y a un ordre moral dans les sociétés, il doit être le fruit d’une crise antérieure, il doit être la résolution de cette crise. » Aujourd’hui, de nombreux historiens et philosophes s’accordent à penser que la chasse aux sorcières était en quelque sorte le prix à payer pour la naissance du monde moderne, rationnel et éclairé, comme s’il eut fallu tuer les femmes anciennes pour créer l’homme nouveau…

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Historiquement correct: Souvenons-nous des croisades ! (Blame it on the Scotts: guess who actually taught Islam to hate the crusades ?)

24 novembre, 2019
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spread_of_religions600

Image result for ridley scott kingdom of heaven film poster Saladin"Il nous faut entrer dans une pensée du temps où la bataille de Poitiers et les Croisades sont beaucoup plus proches de nous que la Révolution française et l’industrialisation du Second Empire. René Girard
Those of us who come from various European lineages are not blameless. Indeed, in the First Crusade, when the Christian soldiers took Jerusalem, they first burned a synagogue with three hundred Jews in it, and proceeded to kill every woman and child who was Muslim on the Temple Mount. The contemporaneous descriptions of the event describe soldiers walking on the Temple Mount, a holy place to Christians, with blood running up to their knees I can tell you that that story is still being told today in the Middle East, and we are still paying for it. Bill Clinton
Nous montons sur nos grands chevaux mais souvenons-nous que pendant les croisades et l’Inquisition, des actes terribles ont été commis au nom du Christ. Dans notre pays, nous avons eu l’esclavage, trop souvent justifié par le Christ. Barack Hussein Obama
Dès le second siècle de l’Hégire, les Arabes deviennent les précepteurs de l’Europe. Voltaire
Sans Charles Martel (…), la France était une province mahométane. Voltaire
Chanoines, moines, curés même, si on vous imposait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures du matin jusqu’à dix heures du soir, pendant le mois de juillet, lorsque le carême arriverait dans ce temps ; si on vous défendait de jouer à aucun jeu de hasard sous peine de damnation ; si le vin vous était interdit sous la même peine ; s’il vous fallait faire un pèlerinage dans des déserts brûlants ; s’il vous était enjoint de donner au moins deux et demi pour cent de votre revenu aux pauvres ; si, accoutumés à jouir de dix-huit femmes, on vous en retranchait tout d’un coup quatorze ; en bonne foi, oseriez-vous appeler cette religion sensuelle ? (…) Il faut combattre sans cesse. Quand on a détruit une erreur, il se trouve toujours quelqu’un qui la ressuscite. Voltaire (dictionnaire philosophique 1764)
Sa religion est sage, sévère, chaste et humaine : sage puisqu’elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés, et qu’elle n’a point de mystère ; sévère puisqu’elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu’elle ordonne la prière cinq fois par jour ; chaste, puisqu’elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d’épouses qui partageaient le lit de tous les princes de l’Orient ; humaine, puisqu’elle nous ordonne l’aumône, bien plus rigoureusement que le voyage de La Mecque. Ajoutez à tous ces caractères de vérité, la tolérance. Voltaire
Il n’y a point de religion dans laquelle on n’ait recommandé l’aumône. La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran [le Coran] ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées. La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne peut trouver d’exemple dans aucune religion. Toutes ces lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à la religion, le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu présenté sans mystère, et proportionné à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations et, jusqu’à des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien. Le peu que je viens de dire dément bien tout ce que nos historiens, nos déclamateurs et nos préjugés nous disent : mais la vérité doit les combattre. Voltaire
Le plus grand changement que l’opinion ait produit sur notre globe fut l’établissement de la religion de Mahomet. Ses musulmans, en moins d’un siècle, conquirent un empire plus vaste que l’empire romain. Cette révolution, si grande pour nous, n’est, à la vérité, que comme un atome qui a changé de place dans l’immensité des choses, et dans le nombre innombrable de mondes qui remplissent l’espace; mais c’est au moins un événement qu’on doit regarder comme une des roues de la machine de l’univers, et comme un effet nécessaire des lois éternelles et immuables: car peut-il arriver quelque chose qui n’ait été déterminé par le Maître de toutes choses? Rien n’est que ce qui doit être. Voltaire
Ce fut certainement un très grand homme, et qui forma de grands hommes. Il fallait qu’il fût martyr ou conquérant, il n’y avait pas de milieu. Il vainquit toujours, et toutes ses victoires furent remportées par le petit nombre sur le grand. Conquérant, législateur, monarque et pontife, il joua le plus grand rôle qu’on puisse jouer sur la terre aux yeux du commun des hommes. Voltaire
J’ai dit qu’on reconnut Mahomet pour un grand homme; rien n’est plus impie, dites-vous. Je vous répondrai que ce n’est pas ma faute si ce petit homme a changé la face d’une partie du monde, s’il a gagné des batailles contre des armées dix fois plus nombreuses que les siennes, s’il a fait trembler l’empire romain, s’il a donné les premiers coups à ce colosse que ses successeurs ont écrasé, et s’il a été législateur de l’Asie, de l’Afrique, et d’une partie de l’Europe. Voltaire
Votre Majesté sait quel esprit m’animait en composant cet ouvrage ; l’amour du genre humain et l’horreur du fanatisme, deux vertus qui sont faites pour être toujours auprès de votre trône, ont conduit ma plume. J’ai toujours pensé que la tragédie ne doit pas être un simple spectacle qui touche le cœur sans le corriger. Qu’importent au genre humain les passions et les malheurs d’un héros de l’antiquité, s’ils ne servent pas à nous instruire ? On avoue que la comédie du Tartuffe, ce chef-d’œuvre qu’aucune nation n’a égalé, a fait beaucoup de bien aux hommes, en montrant l’hypocrisie dans toute sa laideur ; ne peut-on pas essayer d’attaquer, dans une tragédie, cette espèce d’imposture qui met en œuvre à la fois l’hypocrisie des uns et la fureur des autres ? Ne peut-on pas remonter jusqu’à ces anciens scélérats, fondateurs illustres de la superstition et du fanatisme, qui, les premiers, ont pris le couteau sur l’autel pour faire des victimes de ceux qui refusaient d’être leurs disciples ? Ceux qui diront que les temps de ces crimes sont passés ; qu’on ne verra plus de Barcochebas [Shimon bar Kokhba], de Mahomet, de Jean de Leyde, etc. ; que les flammes des guerres de religion sont éteintes, font, ce me semble, trop d’honneur à la nature humaine. Le même poison subsiste encore, quoique moins développé ; cette peste, qui semble étouffée, reproduit de temps en temps des germes capables d’infecter la terre. N’a-t-on pas vu de nos jours les prophètes des Cévennes tuer, au nom de Dieu, ceux de leur secte qui n’étaient pas assez soumis ? Voltaire (préface au Fanatisme ou Mahomet, le Prophète, 1742)
C’est un des plus grands événements de l’Histoire: les Sarrasins victorieux, le monde était mahométan. Chateaubriand
Il faut rendre justice au culte de Mahomet qui n’a imposé que deux grands devoirs à l’homme : la prière et la charité. (…) Les deux plus hautes vérités de toute religion. Lamartine (1833)
Cette bataille n’a pas l’importance qu’on lui attribue. Elle n’est pas comparable à la victoire remportée sur Attila. Elle marque la fin d’un raid, mais n’arrête rien en réalité. Si Charles avait été vaincu, il n’en serait résulté qu’un pillage plus considérable. (…) Sans l’Islam, l’Empire franc n’aurait sans doute jamais existé, et Charlemagne sans Mahomet serait inconcevable. Henri Pirenne (historien belge, 1922)
Monsieur Dubois demanda à Madame Nozière quel était le jour le plus funeste de l’Histoire de France. Madame Nozière ne le savait pas. C’est, lui dit Monsieur Dubois, le jour de la bataille de Poitiers, quand, en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent devant la barbarie franque. Anatole France (1922)
Si à Poitiers Charles Martel avait été battu, le monde aurait changé de face. Puisque le monde était déjà condamné à l’influence judaïque (et son sous-produit le christianisme est une chose si insipide !), il aurait mieux valu que l’islam triomphe. Cette religion récompense l’héroïsme, promet au guerrier les joies du septième ciel… Animé d’un esprit semblable, les Germains auraient conquis le monde. Ils en ont été empêchés par le christianisme. Hitler (1942)
Bien des voix se sont élevées pour tenter de ramener la bataille à sa juste place. En vain, car, érigé en symbole, l’événement est passé à la postérité et avec lui son héros Charles Martel. Il appartient à ce fonds idéologique commun qui fonde la nation française, la civilisation chrétienne, l’identité européenne sur la mise en scène du choc des civilisations et l’exclusion de l’Autre. Françoise Micheau et Philippe Sénac (historiens mediévistes)
Recent scholars have suggested Poitiers, so poorly recorded in contemporary sources, was a mere raid and thus a construct of western mythmaking or that a Muslim victory might have been preferable to continued Frankish dominance. What is clear is that Poitiers marked a general continuance of the successful defense of Europe, (from the Muslims). Flush from the victory at Tours, Charles Martel went on to clear southern France from Islamic attackers for decades, unify the warring kingdoms into the foundations of the Carolingian Empire, and ensure ready and reliable troops from local estates. Victor Davis Hanson
Je n’ai jamais entendu un Arabe s’excuser d’être allé jusqu’à Poitiers. Stéphane Denis (2001)
Aujourd’hui les bicots ont dépassé Poitiers. Tunisiano (groupe Sniper, 2003)
I was stunned that the president could say something so at once banal and offensive. Here we are now two days away from an act shocking barbarism, the burning alive of a prisoner of war, and Obama’s message is that we should remember the crusades and the inquisition. I mean, for him to say that all of us have sinned, all religions have been transgressed, is, you know, is adolescent stuff. Everyone knows that. What’s important is what’s happening now. Christianity no longer goes on crusades and it gave up the inquisition a while ago. The Book of Joshua is knee deep in blood. That story is over too. The story of today, of our generation, is the fact that the overwhelming volume of the violence and the barbarism that we are seeing in the world from Nigeria to Paris all the way to Pakistan and even to the Philippines, the island of Mindanao in the Philippines is coming from one source. And that’s from inside Islam. It is not the prevalent idea of Islam, but it is coming from Islam, as many Islamic leaders including the president of Egypt and many others have admitted. And there needs to be a change in Islam. It is not a coincidence that all of these attacks on other religions are happening, all over the world, in a dozen countries, two dozen countries, all in the name of one religion. It’s not a coincidence. And for the president to be lecturing us and to say we shouldn’t get on our high horse and to not remember our own path is ridiculous. The present issue is Muslim radicalism and how to attack it. (…) From Obama’s first speech at West Point in December 2009, ironically announcing the surge in Afghanistan, you could tell that his heart has never been in this fight, never. Charles Krauthammer
Il est important que nous démontrions que nous croyants sommes un facteur de paix pour les sociétés humaines et que nous puissions ainsi répondre à ceux qui nous accusent injustement de fomenter la haine et d’être la cause de la violence. Dans le monde précaire d’aujourd’hui, le dialogue entre les religions n’est pas un signe de faiblesse. Elle trouve sa propre raison d’être dans le dialogue de Dieu avec l’humanité. Il s’agit de changer les attitudes historiques. Une scène de la Chanson de Roland me vient à l’esprit comme un symbole, quand les chrétiens battent les musulmans et les mettent tous en ligne devant les fonts baptismaux, et un avec une épée. Et les musulmans devaient choisir entre le baptême ou l’épée. C’est ce que les chrétiens ont fait. C’était une mentalité que nous ne pouvons plus accepter, ni comprendre, ni faire fonctionner. Prenons soin des groupes fondamentalistes, chacun a le sien. En Argentine, il y a un petit coin fondamentaliste. Et essayons avec la fraternité d’aller de l’avant. Le fondamentalisme est un fléau et toutes les religions ont une sorte de cousin germain fondamentaliste, qui est regroupé. Pape François
La Chanson de Roland n’est pas le reportage détaillé d’un journaliste mais un poème épique rédigé au 11ème siècle et qui traite, 3 siècles après les faits, de l’histoire de Roland de Ronceveaux, un guerrier franc parti combattre l’envahisseur musulman en Espagne aux côtés de Charlemagne. Il s’agissait alors de ralentir l’invasion islamique qui menaçait la Chrétienté d’Occident et la France. Dans ce contexte, on ne peut qu’être stupéfait par la dénonciation bergoglienne des « conversions forcées » de mahométans par les Francs partis porter secours aux Espagnols, les seuls véritablement obligés de se convertir à l’époque. L’intention de l’occupant du Vatican est particulièrement perverse et vise à établir un parallèle surréel entre la campagne de Charlemagne et les massacres de masse perpétrés par les musulmans contre les Chrétiens au 21ème siècle. Les victimes chrétiennes, selon Bergoglio, deviennent les coupables, dans l’Espagne du 8ème siècle tout comme dans l’Europe et l’Orient du 21ème siècle. Cette nouvelle provocation du chef de l’Eglise Catholique s’ajoute à une longue série de propos incendiaires en faveur l’immigration de masse et de l’islam en Europe. Déclarations qui l’ont très largement marginalisé, y compris au sein des derniers pans de la population qui se dit catholique et pratiquante. Caricature du curé gauchiste octogénaire, Bergoglio ne choque plus tant qu’il ne lasse une Europe déjà saturée de sermons iréniques sur l’islam alors que le terrorisme musulman prend toujours plus d’ampleur. Breizato
Le 18 novembre dernier, le pape François a reçu en audience les participants à la réunion organisée par l’Istituto para el Dialogo Interreligioso de la Argentina (IDI), et il a notamment salué trois des dirigeants de cet organisme, le Père Guillermo Marco, le responsable musulman Omar Abboud et le rabbin Daniel Goldman, tous trois vice-présidents de l’IDI. Le Souverain Pontife a prononcé une allocution (…) Il ne s’agit pas là d’une improvisation du pape François, comme il en commet tant notamment en avion, mais d’un texte écrit et publié. Le moins qu’on puisse en dire, c’est que le Saint-Père prend quelques libertés avec la vérité historique et le texte même de la Chanson de Roland, pour appuyer ses affirmations. La Chanson de Roland s’inspire en partie d’un événement historique, l’expédition de Charlemagne en Espagne de 778, le siège avorté de Saragosse, la retraite de l’armée des Francs menacée d’une intervention de l’émir de Cordoue, la prise et le pillage, au passage, de Pampelune, puis le revers de son arrière-garde prise en embuscade, essentiellement par des Basques, à Roncevaux. Il n’est pas inutile de rappeler que cette expédition en Espagne fut décidée à la demande de plusieurs gouverneurs musulmans d’Espagne, en rébellion contre l’émir de Cordoue, et que l’Espagne fut conquise par les musulmans sans que les autochtones les y invitent… La Chanson de Roland n’est évidemment pas une chronique historique racontant des événements, mais un poème épique, une chanson de geste, dont le plus ancien et plus complet manuscrit, rédigé en anglo-normand remonte au tout début du XIIe siècle, quatre siècles après les faits qu’il est supposé raconter… Le souvenir du pape François évoquant la victoire des Francs sur les musulmans, est donc confus, car l’expédition ne fut pas une victoire. Le texte même de cette chanson de geste, ne corrobore pas le souvenir que le Saint-Père en a et qu’il évoque. L’affaire fictive du baptême de force des musulmans supposés vaincus après la prise de Saragosse – qui n’eut pas lieu – n’a rien d’historique mais est une pure imagination du poète. On trouve aux vers 3666 à 3674 cette invention littéraire : Le roi [Charlemagne] croit en Dieu, il veut faire son service ; et ses évêques bénissent les eaux. On mène les païens jusqu’au baptistère ; s’il en est un qui résiste à Charles, le roi le fait pendre, ou brûler ou tuer par le fer [l’ancien français ocire veut dire tuer, massacrer, assassiner pas nécessairement par le fer : il n’est pas question d’un chrétien tenant une épée dans le texte original]. Bien plus de cent mille sont baptisés vrais chrétiens, mais non la reine. Elle sera menée en douce France, captive : le roi veut qu’elle se convertisse par amour. Comment dès lors affirmer que « c’est ce que les chrétiens firent » ? Riposte catholique
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. Lorsque j’ai lu les premiers documents de Ben Laden, constaté ses allusions aux bombes américaines tombées sur le Japon, je me suis senti d’emblée à un niveau qui est au-delà de l’islam, celui de la planète entière. Sous l’étiquette de l’islam, on trouve une volonté de rallier et de mobiliser tout un tiers-monde de frustrés et de victimes dans leurs rapports de rivalité mimétique avec l’Occident. Mais les tours détruites occupaient autant d’étrangers que d’Américains. Et par leur efficacité, par la sophistication des moyens employés, par la connaissance qu’ils avaient des Etats-Unis, par leurs conditions d’entraînement, les auteurs des attentats n’étaient-ils pas un peu américains ? On est en plein mimétisme.Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme.  René Girard
Malgré eux, les islamistes sont des Occidentaux. Même en rejetant l’Occident, ils l’acceptent. Aussi réactionnaires que soient ses intentions, l’islamisme intègre non seulement les idées de l’Occident mais aussi ses institutions. Le rêve islamiste d’effacer le mode de vie occidental de la vie musulmane est, dans ces conditions, incapable de réussir. Le système hybride qui en résulte est plus solide qu’il n’y paraît. Les adversaires de l’islam militant souvent le rejettent en le qualifiant d’effort de repli pour éviter la vie moderne et ils se consolent avec la prédiction selon laquelle il est dès lors condamné à se trouver à la traîne des avancées de la modernisation qui a eu lieu. Mais cette attente est erronée. Car l’islamisme attire précisément les musulmans qui, aux prises avec les défis de la modernité, sont confrontés à des difficultés, et sa puissance et le nombre de ses adeptes ne cessent de croître. Les tendances actuelles donnent à penser que l’islam radical restera une force pendant un certain temps encore. Daniel Pipes
They are not expressions of an outburst in the West of the [Israeli-Palestinian] conflict in the Middle East. It is truly modern, aimed against American imperialism, capitalism, etc. In other words, they occupy the same space that the proletarian left had thirty years ago, that Action Directe had twenty years ago. . . . It partakes henceforth of the internal history of the West. (…) It can feel like a time-warp, a return to the European left of the 1970s and early 1980s. Europe’s radical-mosque practitioners can appear, mutatis mutandis, like a Muslim version of the hard-core intellectuals and laborers behind the aggrieved but proud Scottish National party in its salad days. (…) In the last three centuries, Europe has given birth and nourishment to most of mankind’s most radical causes. It shouldn’t be that surprising to imagine that Europe could nurture Islamic militancy on its own soil. (…) In Europe as elsewhere, Westernization is the key to the growth and virulence of hard-core Islamic radicalism. The most frightening, certainly the most effective, adherents of bin Ladenism are those who are culturally and intellectually most like us. The process of Westernization liberates a Muslim from the customary sanctions and loyalties that normally corralled the dark side of the human soul. (…) It would be a delightful irony if the more progressive political and religious debates among the Middle East’s Muslims saved their brethren in the intellectually backward lands of the European Union. Reuel Marc Gerecht
Wherever it occurs, Occidentalism is fed by a sense of humiliation, of defeat. It is a war against a particular idea of the West – a bourgeois society addicted to money, creature comforts, sex, animal lusts, self-interest, and security – which is neither new nor unique to Islamist extremism. This idea has historical roots that long precede any form of ‘U.S. imperialism’ . (…) Blood, soil, and the spirit of the Volk were what German romantics in the late 18th and early 19th centuries invoked against the universalist claims of the French Enlightenment, the French Revolution, and Napoleon’s invading armies. This notion of national soul was taken over by the Slavophiles in 19th-century Russia, who used it to attack the « Westernizers, » that is, Russian advocates of liberal reforms. It came up again and again, in the 1930s, when European fascists and National Socialists sought to smash « Americanism, » Anglo-Saxon liberalism, and « rootless cosmopolitanism » (meaning Jews). Aurel Kolnai, the great Hungarian scholar, wrote a book in the 1930s about fascist ideology in Austria and Germany. He called it War Against the West. Communism, too, especially under Stalin, although a bastard child of the Enlightenment and the French Revolution, was the sworn enemy of Western liberalism and « rootless cosmopolitanism. » Many Islamic radicals borrowed their anti-Western concepts from Russia and Germany. The founders of the Ba’ath Party in Syria were keen readers of prewar German race theories. Jalal Al-e Ahmad, an influential Iranian intellectual in the 1960s, coined the phrase « Westoxification » to describe the poisonous influence of Western civilization on other cultures. He, too, was an admirer of German ideas on blood and soil. Clearly, the idea of the West as a malign force is not some Eastern or Middle Eastern idea, but has deep roots in European soil. Defining it in historical terms is not a simple matter. Occidentalism was part of the counter-Enlightenment, to be sure, but also of the reaction against industrialization. Some Marxists have been attracted to it, but so, of course, have their enemies on the far right. Occidentalism is a revolt against rationalism (the cold, mechanical West, the machine civilization) and secularism, but also against individualism. European colonialism provoked Occidentalism, and so does global capitalism today. But one can speak of Occidentalism only when the revolt against the West becomes a form of pure destruction, when the West is depicted as less than human, when rebellion means murder. Wherever it occurs, Occidentalism is fed by a sense of humiliation, of defeat. Isaiah Berlin once described the German revolt against Napoleon as « the original exemplar of the reaction of many a backward, exploited, or at any rate patronized society, which, resentful of the apparent inferiority of its status, reacted by turning to real or imaginary triumphs and glories in its past, or enviable attributes of its own national or cultural character. » The same thing might be said about Japan in the 1930s, after almost a century of feeling snubbed and patronized by the West, whose achievements it so fervently tried to emulate. It has been true of the Russians, who have often slipped into the role of inferior upstarts, stuck in the outer reaches of Asia and Europe. But nothing matches the sense of failure and humiliation that afflicts the Arab world, a once glorious civilization left behind in every respect by the post-Enlightenment West. Humiliation can easily turn into a cult of the pure and the authentic. Among the most resented attributes of the hated Occident are its claims to universalism. Christianity is a universalist faith, but so is the Enlightenment belief in reason. Napoleon was a universalist who believed in a common civil code for all his conquered subjects. The conviction that the United States represents universal values and has the God-given duty to spread democracy in the benighted world belongs to the same universalist tradition. Some of these values may indeed be universal. One would like to think that all people could benefit from democracy or the use of reason. The Code Napoleon brought many benefits. But when universal solutions are imposed by force, or when people feel threatened or humiliated or unable to compete with the powers that promote such solutions, that is when we see the dangerous retreat into dreams of purity. Not all dreams of local authenticity and cultural uniqueness are noxious, or even wrong. As Isaiah Berlin also pointed out, the crooked timber of humanity cannot be forcibly straightened along universal standards with impunity. The experiments on the human soul by Communism showed how bloody universalist dreams can be. And the poetic romanticism of 19th-century German idealists was often a welcome antidote to the dogmatic rationalism that came with the Enlightenment. It is when purity or authenticity, of faith or race, leads to purges of the supposedly inauthentic, of the allegedly impure, that mass murder begins. The fact that anti-Americanism, anti-Zionism, anti-Semitism, and a general hostility to the West often overlap is surely no coincidence. Even in Japan, where Jews play no part in national life, one of the participants at the 1942 Kyoto conference suggested that the war against the West was a war against the « poisonous materialist civilization » built on Jewish financial capitalist power. At the same time, European anti-Semites, not only in Nazi Germany, were blaming the Jews for Bolshevism. Both Bolshevism and capitalism are universalist systems in the sense that they do not recognize national, racial, or cultural borders. Since Jews are traditionally regarded by the defenders of purity as the congenital outsiders, the archetypal « rootless cosmopolitans, » it is no wonder that they are also seen as the main carriers of the universalist virus. To be sure, Jews had sound reasons to be attracted to such notions as equality before the law, secular politics, and internationalism, whether of a socialist or capitalist stamp. Exclusivity, whether racial, religious, or nationalist, is never good for minorities. Only in the Middle East have Jews brought their own form of exclusivity and nationalism. But Zionism came from the West. And so Israel, in the eyes of its enemies, is the colonial outpost of « Westoxification. » Its material success only added to the Arab sense of historic humiliation. The idea, however, that Jews are a people without a soul, mimics with no creative powers, is much older than the founding of the State of Israel. It was one of the most common anti-Semitic slurs employed by Richard Wagner. He was neither the first to do so, nor very original in this respect. Karl Marx, himself the grandson of a rabbi, called the Jews greedy parasites, whose souls were made of money. The same kind of thing was often said by 19th-century Europeans about the British. The great Prussian novelist Theodor Fontane, who rather admired England, nonetheless opined that « the cult of the Gold Calf is the disease of the English people. » He was convinced that English society would be destroyed by « this yellow fever of gold, this sellout of all souls to the devil of Mammon. » And much the same is said today about the Americans. Calculation — the accounting of money, interests, scientific evidence, and so on — is regarded as soulless. Authenticity lies in poetry, intuition, and blind faith. The Occidentalist view of the West is of a bourgeois society, addicted to creature comforts, animal lusts, self-interest, and security. It is by definition a society of cowards, who prize life above death. As a Taliban fighter once put it during the war in Afghanistan, the Americans would never win, because they love Pepsi-Cola, whereas the holy warriors love death. This was also the language of Spanish fascists during the civil war, and of Nazi ideologues, and Japanese kamikaze pilots. The hero is one who acts without calculating his interests. He jumps into action without regard for his own safety, ever ready to sacrifice himself for the cause. And the Occidentalist hero, whether he is a Nazi or an Islamist, is just as ready to destroy those who sully the purity of his race or creed. It is indeed his duty to do so. When the West is seen as the threat to authenticity, then it is the duty of all holy warriors to destroy anything to do with the « Zionist Crusaders, » whether it is a U.S. battleship, a British embassy, a Jewish cemetery, a chunk of lower Manhattan, or a disco in Bali. The symbolic value of these attacks is at least as important as the damage inflicted. What, then, is new about the Islamist holy war against the West? Perhaps it is the totality of its vision. Islamism, as an antidote to Westoxification, is an odd mixture of the universal and the pure: universal because all people can, and in the eyes of the believers should, become orthodox Muslims; pure because those who refuse the call are not simply lost souls but savages who must be removed from this earth. Hitler tried to exterminate the Jews, among others, but did not view the entire West with hostility. In fact, he wanted to forge an alliance with the British and other « Aryan » nations, and felt betrayed when they did not see things his way. Stalinists and Maoists murdered class enemies and were opposed to capitalism. But they never saw the Western world as less than human and thus to be physically eradicated. Japanese militarists went to war against Western empires but did not regard everything about Western civilization as barbarous. The Islamist contribution to the long history of Occidentalism is a religious vision of purity in which the idolatrous West simply has to be destroyed. The worship of false gods is the worst religious sin in Islam as well as in ancient Judaism. The West, as conceived by Islamists, worships the false gods of money, sex, and other animal lusts. In this barbarous world the thoughts and laws and desires of Man have replaced the kingdom of God. The word for this state of affairs is jahiliyya, which can mean idolatry, religious ignorance, or barbarism. Applied to the pre-Islamic Arabs, it means ignorance: People worshiped other gods because they did not know better. But the new jahiliyya, in the sense of barbarism, is everywhere, from Las Vegas and Wall Street to the palaces of Riyadh. To an Islamist, anything that is not pure, that does not belong to the kingdom of God, is by definition barbarous and must be destroyed. Just as the main enemies of Russian Slavophiles were Russian Westernizers, the most immediate targets of Islamists are the liberals, reformists, and secular rulers in their own societies. They are the savage stains that have to be cleansed with blood. But the source of the barbarism that has seduced Saudi princes and Algerian intellectuals as much as the whores and pimps of New York (and in a sense all infidels are whores and pimps) is the West. And that is why holy war has been declared against the West. Ian Buruma
Il est malheureux que le Moyen-Orient ait rencontré pour la première fois la modernité occidentale à travers les échos de la Révolution française. Progressistes, égalitaristes et opposés à l’Eglise, Robespierre et les jacobins étaient des héros à même d’inspirer les radicaux arabes. Les modèles ultérieurs — Italie mussolinienne, Allemagne nazie, Union soviétique — furent encore plus désastreux …Ce qui rend l’entreprise terroriste des islamistes aussi dangereuse, ce n’est pas tant la haine religieuse qu’ils puisent dans des textes anciens — souvent au prix de distorsions grossières —, mais la synthèse qu’ils font entre fanatisme religieux et idéologie moderne. Ian Buruma et Avishai Margalit
La révolution iranienne fut en quelque sorte la version islamique et tiers-mondiste de la contre-culture occidentale. Il serait intéressant de mettre en exergue les analogies et les ressemblances que l’on retrouve dans le discours anti-consommateur, anti-technologique et anti-moderne des dirigeants islamiques de celui que l’on découvre chez les protagonistes les plus exaltés de la contre-culture occidentale. Daryiush Shayegan (Les Illusions de l’identité, 1992)
Sir Ridley Scott, the Oscar-nominated director, was savaged by senior British academics last night over his forthcoming film which they say « distorts » the history of the Crusades to portray Arabs in a favourable light. The £75 million film, which stars Orlando Bloom, Jeremy Irons and Liam Neeson, is described by the makers as being « historically accurate » and designed to be « a fascinating history lesson ». Academics, however – including Professor Jonathan Riley-Smith, Britain’s leading authority on the Crusades – attacked the plot of Kingdom of Heaven, describing it as « rubbish », « ridiculous », « complete fiction » and « dangerous to Arab relations ». The film, which began shooting last week in Spain, is set in the time of King Baldwin IV (1161-1185), leading up to the Battle of Hattin in 1187 when Saladin conquered Jerusalem for the Muslims. The script depicts Baldwin’s brother-in-law, Guy de Lusignan, who succeeds him as King of Jerusalem, as « the arch-villain ». A further group, « the Brotherhood of Muslims, Jews and Christians », is introduced, promoting an image of cross-faith kinship. « They were working together, » the film’s spokesman said. « It was a strong bond until the Knights Templar cause friction between them. » The Knights Templar, the warrior monks, are portrayed as « the baddies » while Saladin, the Muslim leader, is a « a hero of the piece », Sir Ridley’s spokesman said. « At the end of our picture, our heroes defend the Muslims, which was historically correct. » Prof Riley-Smith, who is Dixie Professor of Ecclesiastical History at Cambridge University, said the plot was « complete and utter nonsense ». He said that it relied on the romanticised view of the Crusades propagated by Sir Walter Scott in his book The Talisman, published in 1825 and now discredited by academics. (..) Dr Philips said that by venerating Saladin, who was largely ignored by Arab history until he was reinvented by romantic historians in the 19th century, Sir Ridley was following both Saddam Hussein and Hafez Assad, the former Syrian dictator. Both leaders commissioned huge portraits and statues of Saladin, who was actually a Kurd, to bolster Arab Muslim pride. Prof Riley-Smith added that Sir Ridley’s efforts were misguided and pandered to Islamic fundamentalism. « It’s Osama bin Laden’s version of history. It will fuel the Islamic fundamentalists. » (…) Sir Ridley’s spokesman said that the film portrays the Arabs in a positive light. « It’s trying to be fair and we hope that the Muslim world sees the rectification of history. The Telegraph
[Ridley Scott’s Kingdom of heaven]  is not historically accurate at all. They refer to The Talisman, which depicts the Muslims as sophisticated and civilised, and the Crusaders are all brutes and barbarians. It has nothing to do with reality. Guy of Lusignan lost the Battle of Hattin against Saladin, yes, but he wasn’t any badder or better than anyone else. There was never a confraternity of Muslims, Jews and Christians. That is utter nonsense. It’s Osama bin Laden’s version of history. It will fuel the Islamic fundamentalists. Jonathan Riley-Smith
It does not do any good to distort history, even if you believe you are distorting it in a good way. Cruelty was not on one side but on all. Amin Maalouf
I recently refused to take part in a television series, produced by an intelligent and well-educated Egyptian woman, for whom a continuing Western crusade was an article of faith. Having less to do with historical reality than with reactions to imperialism, the nationalist and Islamist interpretations of crusade history help many people, moderates as well as extremists, to place the exploitation they believe they have suffered in a historical context and to satisfy their feelings of both superiority and humiliation. Jonathan Riley-Smith
For Christians . . . sacred violence cannot be proposed on any grounds save that of love, . . . [and] in an age dominated by the theology of merit this explains why participation in crusades was believed to be meritorious, why the expeditions were seen as penitential acts that could gain indulgences, and why death in battle was regarded as martyrdom. . . . As manifestations of Christian love, the crusades were as much the products of the renewed spirituality of the central Middle Ages, with its concern for living the vita apostolica and expressing Christian ideals in active works of charity, as were the new hospitals, the pastoral work of the Augustinians and Premonstratensians and the service of the friars. The charity of St. Francis may now appeal to us more than that of the crusaders, but both sprang from the same roots. Jonathan Riley-Smith
Within a month of the attacks of September 11, 2001, former president Bill Clinton gave a speech to the students of Georgetown University. As the world tried to make sense of the senseless, Clinton offered his own explanation: “Those of us who come from various European lineages are not blameless,” he declared. “Indeed, in the First Crusade, when the Christian soldiers took Jerusalem, they first burned a synagogue with three hundred Jews in it, and proceeded to kill every woman and child who was Muslim on the Temple Mount. The contemporaneous descriptions of the event describe soldiers walking on the Temple Mount, a holy place to Christians, with blood running up to their knees. “I can tell you that that story is still being told today in the Middle East, and we are still paying for it,” he concluded, and there is good reason to believe he was right. Osama bin Laden and other Islamists regularly refer to Americans as “Crusaders.” Indeed, bin Laden directed his fatwa authorizing the September 11 attacks against the “Crusaders and Jews.” (…) Most people in the West do not believe that they have been prosecuting a continuous Crusade against Islam since the Middle Ages. But most do believe that the Crusades started the problems that plague and endanger us today. Westerners in general (and Catholics in particular) find the Crusades a deeply embarrassing episode in their history. As the Ridley Scott movie Kingdom of Heaven graphically proclaimed, the Crusades were unprovoked campaigns of intolerance preached by deranged churchmen and fought by religious zealots against a sophisticated and peaceful Muslim world. According to the Hollywood version, the blind violence of the Crusades gave birth to jihad, as the Muslims fought to defend themselves and their world. And for what? The city of Jerusalem, which was both “nothing and everything,” a place filled with religion that “drives men mad.” (…) It is generally thought that Christians attacked Muslims without provocation to seize their lands and forcibly convert them. The Crusaders were Europe’s lacklands and ne’er-do-wells, who marched against the infidels out of blind zealotry and a desire for booty and land. As such, the Crusades betrayed Christianity itself. They transformed “turn the other cheek” into “kill them all; God will know his own.” Every word of this is wrong. Historians of the Crusades have long known that it is wrong, but they find it extraordinarily difficult to be heard across a chasm of entrenched preconceptions. For on the other side is, as Riley-Smith puts it “nearly everyone else, from leading churchmen and scholars in other fields to the general public.” There is the great Sir Steven Runciman, whose three-volume History of the Crusades is still a brisk seller for Cambridge University Press a half century after its release. It was Runciman who called the Crusades “a long act of intolerance in the name of God, which is a sin against the Holy Ghost.” The pity of it is that Runciman and the other popular writers simply write better stories than the professional historians. (…) One of the most profound misconceptions about the Crusades is that they represented a perversion of a religion whose founder preached meekness, love of enemies, and nonresistance. Riley-Smith reminds his reader that on the matter of violence Christ was not as clear as pacifists like to think. He praised the faith of the Roman centurion but did not condemn his profession. At the Last Supper he told his disciples, “Let him who has no sword sell his cloak and buy one. For I tell you that this Scripture must be fulfilled in me, And he was reckoned with transgressors.” St. Paul said of secular authorities, “He does not bear the sword in vain; he is the servant of God to execute his wrath on the wrongdoer.” Several centuries later, St. Augustine articulated a Christian approach to just war, one in which legitimate authorities could use violence to halt or avert a greater evil. It must be a defensive war, in reaction to an act of aggression. For Christians, therefore, violence was ethically neutral, since it could be employed either for evil or against it. As Riley-Smith notes, the concept that violence is intrinsically evil belongs solely to the modern world. It is not Christian. All the Crusades met the criteria of just wars. They came about in reaction attacks against Christians or their Church. The First Crusade was called in 1095 in response to the recent Turkish conquest of Christian Asia Minor, as well as the much earlier Arab conquest of the Christian-held Holy Land. The second was called in response to the Muslim conquest of Edessa in 1144. The third was called in response to the Muslim conquest of Jerusalem and most other Christian lands in the Levant in 1187. In each case, the faithful went to war to defend Christians, to punish the attackers, and to right terrible wrongs. As Riley-Smith has written elsewhere, crusading was seen as an act of love—specifically the love of God and the love of neighbor. By pushing back Muslim aggression and restoring Eastern Christianity, the Crusaders were—at great peril to themselves—imitating the Good Samaritan. Or, as Innocent II told the Knights Templar, “You carry out in deeds the words of the gospel, ‘Greater love has no man than this, that a man lay down his life for his friends.’” But the Crusades were not just wars. They were holy wars, and that is what made them different from what came before. They were made holy not by their target but by the Crusaders’ sacrifice. The Crusade was a pilgrimage and thereby an act of penance. When Urban II called the First Crusade in 1095, he created a model that would be followed for centuries. Crusaders who undertook that burden with right intention and after confessing their sins would receive a plenary indulgence. The indulgence was a recognition that they undertook these sacrifices for Christ, who was crucified again in the tribulations of his people. And the sacrifices were extraordinary. As Riley-Smith writes in this book and his earlier The First ­Crusaders, the cost of crusading was staggering. Without financial assistance, only the wealthy could afford to embark on a Crusade. Many noble families impoverished themselves by crusading. Historians have long known that the image of the Crusader as an adventurer seeking his fortune is exactly backward. The vast majority of Crusaders returned home as soon as they had fulfilled their vow. What little booty they could acquire was more than spent on the journey itself. One is hard pressed to name a single returning Crusader who broke even, let alone made a profit on the journey. And those who returned were the lucky ones. As Riley-Smith explains, recent studies show that around one-third of knights and nobility died on crusade. The death rates for lower classes were even higher. One can never understand the Crusades without understanding their penitential character. It was the indulgence that led thousands of men to take on a burden that would certainly cost them dearly. The secular nobility of medieval Europe was a warrior aristocracy. They made their living by the sword. We know from their wills and charters that they were deeply aware of their own sinfulness and anxious over the state of their souls. A Crusade provided a way for them to serve God and to do penance for their sins. It allowed them to use their weapons as a means of their salvation rather than of their damnation. (…) The Crusader sewed a cloth cross to his garment to signify his penitential burden and his hope. Take away penitence and the Crusades cannot be explained. Yet in the seventeenth and eighteenth centuries Protestants and then Enlightenment thinkers rejected the idea of temporal penalties due to sin—along with indulgences, purgatory, and the papacy. How then did they explain the Crusades? Why else would thousands of men march thousands of miles deep into enemy territory, if not for something precious? The first explanation was that they were fooled by the Antichrist: The Catholic Church had convinced the simple that their salvation lay in fighting its battles. Later, with the advent of liberalism, critics assumed that the Crusaders must have had economic motives. They were seeking wealth and simply used religion as a cover for their worldly desires. In the nineteenth century, the memory of the Crusades became hopelessly entangled with contemporary European imperialism. Riley-Smith tells the fascinating story of Archbishop Charles-Martial Allemand-Lavigerie of Algiers, the founder of the missionary orders of the White Fathers and White Sisters, who worked diligently to establish a new military order resembling the Knights Templar, Teutonic Knights, and the Knights Hospitaller of the Middle Ages. His new order was to be sent to Africa, where it would protect missionaries, fight against the slave trade, and support the progress of French civilization in the continent. Drawing on money from antislavery societies, Lavigerie purchased lands on the edge of the Saharan Desert to use as a mother house for a new order, L’Institut Religieux et Militaire des Frères Armés du Sahara. The order attracted hundreds of men from all social classes, and in 1891 the first brothers received their white habits emblazoned with red crosses. The dust cover of Riley-Smith’s book is itself a wonderful picture of these brothers at their African home. With palm trees behind them, they look proudly into the camera, each wearing a cross and some holding rifles. The Institut des Fréres Armés lasted scarcely more than a year before it was scrapped and its founder died, but other attempts to found a military order were made in the nineteenth century, even in Protestant England. All wove together the contrasting threads of Romanticism, imperialism, and the medieval Crusades. President Clinton is not alone in thinking that the Muslim world is still brooding over the crimes of the Crusaders. It is commonly thought—even by Muslims—that the effects and memory of that trauma have been with the Islamic world since it was first inflicted in the eleventh century. As Riley-Smith explains, however, the Muslim memory of the Crusades is of very recent vintage. Carole Hillenbrand first uncovered this fact in her groundbreaking book The Crusades: Islamic Perspectives. The truth is that medieval Muslims came to realize that the Crusades were religious but had little interest in them. When, in 1291, Muslim armies removed the last vestiges of the Crusader Kingdom from Palestine, the Crusades largely dropped out of Muslim memory. In Europe, however, the Crusades were a well-remembered formative episode. Europeans, who had bound the Crusades to imperialism, brought the story to the Middle East during the nineteenth century and reintroduced it to the Muslims. Stripping the Crusades of their original purpose, they portrayed the Crusades as Europe’s first colonial venture—the first attempt of the West to bring civilization to the backward Muslim East. Riley-Smith describes the profound effect that Sir Walter Scott’s novel The Talisman had on European and therefore Middle Eastern opinion of the Crusades. Crusaders such as Richard the Lionhearted were portrayed as boorish, brutal, and childish, while Muslims, particularly Saladin, were tolerant and enlightened gentlemen of the nineteenth century. With the collapse of Ottoman power and the rise of Arab nationalism at the end of the nineteenth century, Muslims bound together these two strands of Crusade narrative and created a new memory in which the Crusades were only the first part of Europe’s assault on Islam—an assault that continued through the modern imperialism of European powers. Europeans reintroduced Saladin, who had been nearly forgotten in the Middle East, and Arab nationalists then cleansed him of his Kurdish ethnicity to create a new anti-Western hero. We saw the result during the run-up to the Iraq War, when Saddam Hussein portrayed himself as a new Saladin who would expel the new Crusaders. Arab nationalists made good use of the new story of the Crusades during their struggles for independence. Their enemies, the Islamists, then took over the same tool. Osama bin Laden is only the most recent Islamist to adopt this useful myth to characterize the actions of the West as a continual Crusade against Islam. That is the Crusades’ only connection with modern Islamist terrorism. And yet, so ingrained is this notion that the Crusades began the modern European assault on Islam that many moderate Muslims still believe it. In the Middle East, as in the West, we are left with the gaping chasm between myth and reality. Crusade historians sometimes try to yell across it but usually just talk to each other, while the leading churchmen, the scholars in other fields, and the general public hold to a caricature of the Crusades created by a pox of modern ideologies. Thomas F. Madden (Saint Louis University)
In 2001, former president Bill Clinton delivered a speech at Georgetown University in which he discussed the West’s response to the recent terrorist attacks of September 11. The speech contained a short but significant reference to the crusades. Mr. Clinton observed that “when the Christian soldiers took Jerusalem [in 1099], they . . . proceeded to kill every woman and child who was Muslim on the Temple Mount.” He cited the “contemporaneous descriptions of the event” as describing “soldiers walking on the Temple Mount . . . with blood running up to their knees.” This story, Mr. Clinton said emphatically, was “still being told today in the Middle East and we are still paying for it.” This view of the crusades is not unusual. It pervades textbooks as well as popular literature. One otherwise generally reliable Western civilization textbook claims that “the Crusades fused three characteristic medieval impulses: piety, pugnacity, and greed. All three were essential.”1 The film Kingdom of Heaven (2005) depicts crusaders as boorish bigots, the best of whom were torn between remorse for their excesses and lust to continue them. Even the historical supplements for role-playing games—drawing on supposedly more reliable sources—contain statements such as “The soldiers of the First Crusade appeared basically without warning, storming into the Holy Land with the avowed—literally—task of slaughtering unbelievers”; “The Crusades were an early sort of imperialism”; and “Confrontation with Islam gave birth to a period of religious fanaticism that spawned the terrible Inquisition and the religious wars that ravaged Europe during the Elizabethan era.” The most famous semipopular historian of the crusades, Sir Steven Runciman, ended his three volumes of magnificent prose with the judgment that the crusades were “nothing more than a long act of intolerance in the name of God, which is the sin against the Holy Ghost.” The verdict seems unanimous. From presidential speeches to role-playing games, the crusades are depicted as a deplorably violent episode in which thuggish Westerners trundled off, unprovoked, to murder and pillage peace-loving, sophisticated Muslims, laying down patterns of outrageous oppression that would be repeated throughout subsequent history. In many corners of the Western world today, this view is too commonplace and apparently obvious even to be challenged. But unanimity is not a guarantee of accuracy. What everyone “knows” about the crusades may not, in fact, be true. (…)  In a.d. 632, Egypt, Palestine, Syria, Asia Minor, North Africa, Spain, France, Italy, and the islands of Sicily, Sardinia, and Corsica were all Christian territories. Inside the boundaries of the Roman Empire, which was still fully functional in the eastern Mediterranean, orthodox Christianity was the official, and overwhelmingly majority, religion. Outside those boundaries were other large Christian communities—not necessarily orthodox and Catholic, but still Christian. Most of the Christian population of Persia, for example, was Nestorian. Certainly there were many Christian communities in Arabia. By a.d. 732, a century later, Christians had lost Egypt, Palestine, Syria, North Africa, Spain, most of Asia Minor, and southern France. Italy and her associated islands were under threat, and the islands would come under Muslim rule in the next century. The Christian communities of Arabia were entirely destroyed in or shortly after 633, when Jews and Christians alike were expelled from the peninsula. Those in Persia were under severe pressure. Two-thirds of the formerly Roman Christian world was now ruled by Muslims. (…) The attacks continued, punctuated from time to time by Christian attempts to push back. Charlemagne blocked the Muslim advance in far western Europe in about a.d. 800, but Islamic forces simply shifted their focus and began to island-hop across from North Africa toward Italy and the French coast, attacking the Italian mainland by 837. A confused struggle for control of southern and central Italy continued for the rest of the ninth century and into the tenth. In the hundred years between 850 and 950, Benedictine monks were driven out of ancient monasteries, the Papal States were overrun, and Muslim pirate bases were established along the coast of northern Italy and southern France, from which attacks on the deep inland were launched. Desperate to protect victimized Christians, popes became involved in the tenth and early eleventh centuries in directing the defense of the territory around them. The surviving central secular authority in the Christian world at this time was the East Roman, or Byzantine, Empire. Having lost so much territory in the seventh and eighth centuries to sudden amputation by the Muslims, the Byzantines took a long time to gain the strength to fight back. By the mid-ninth century, they mounted a counterattack on Egypt, the first time since 645 that they had dared to come so far south. Between the 940s and the 970s, the Byzantines made great progress in recovering lost territories. Emperor John Tzimiskes retook much of Syria and part of Palestine, getting as far as Nazareth, but his armies became overextended and he had to end his campaigns by 975 without managing to retake Jerusalem itself. Sharp Muslim counterattacks followed, and the Byzantines barely managed to retain Aleppo and Antioch. The struggle continued unabated into the eleventh century. In 1009, a mentally deranged Muslim ruler destroyed the Church of the Holy Sepulchre in Jerusalem and mounted major persecutions of Christians and Jews. He was soon deposed, and by 1038 the Byzantines had negotiated the right to try to rebuild the structure, but other events were also making life difficult for Christians in the area, especially the displacement of Arab Muslim rulers by Seljuk Turks, who from 1055 on began to take control in the Middle East. This destabilized the territory and introduced new rulers (the Turks) who were not familiar even with the patchwork modus vivendi that had existed between most Arab Muslim rulers and their Christian subjects. Pilgrimages became increasingly difficult and dangerous, and western pilgrims began banding together and carrying weapons to protect themselves as they tried to make their way to Christianity’s holiest sites in Palestine: notable armed pilgrimages occurred in 1064–65 and 1087–91. (…) Desperate, the Byzantines sent appeals for help westward, directing these appeals primarily at the person they saw as the chief western authority: the pope, who, as we have seen, had already been directing Christian resistance to Muslim attacks. In the early 1070s, the pope was Gregory VII, and he immediately began plans to lead an expedition to the Byzantines’ aid. He became enmeshed in conflict with the German emperors, however (what historians call “the Investiture Controversy”), and was ultimately unable to offer meaningful help. Still, the Byzantines persisted in their appeals, and finally, in 1095, Pope Urban II realized Gregory VII’s desire, in what turned into the First Crusade. (…) Far from being unprovoked, then, the crusades actually represent the first great western Christian counterattack against Muslim attacks which had taken place continually from the inception of Islam until the eleventh century, and which continued on thereafter, mostly unabated. Three of Christianity’s five primary episcopal sees (Jerusalem, Antioch, and Alexandria) had been captured in the seventh century; both of the others (Rome and Constantinople) had been attacked in the centuries before the crusades. The latter would be captured in 1453, leaving only one of the five (Rome) in Christian hands by 1500. Rome was again threatened in the sixteenth century. This is not the absence of provocation; rather, it is a deadly and persistent threat, and one which had to be answered by forceful defense if Christendom were to survive. The crusades were simply one tool in the defensive options exercised by Christians. To put the question in perspective, one need only consider how many times Christian forces have attacked either Mecca or Medina. (…) One version of Pope Urban II’s speech at Clermont in 1095 urging French warriors to embark on what would become known as the First Crusade does note that they might “make spoil of [the enemy’s] treasures,” but this was no more than an observation on the usual way of financing war in ancient and medieval society. And Fulcher of Chartres did write in the early twelfth century that those who had been poor in the West had become rich in the East as a result of their efforts on the First Crusade, obviously suggesting that others might do likewise. But Fulcher’s statement has to be read in its context, which was a chronic and eventually fatal shortage of manpower for the defense of the crusader states. Fulcher was not being entirely deceitful when he pointed out that one might become rich as a result of crusading. But he was not being entirely straightforward either, because for most participants, crusading was ruinously expensive. (…) One of the chief reasons for the foundering of the Fourth Crusade, and its diversion to Constantinople, was the fact that it ran out of money before it had gotten properly started, and was so indebted to the Venetians that it found itself unable to keep control of its own destiny. Louis IX’s Seventh Crusade in the mid-thirteenth century cost more than six times the annual revenue of the crown. The popes resorted to ever more desperate ploys to raise money to finance crusades, from instituting the first income tax in the early thirteenth century to making a series of adjustments in the way that indulgences were handled that eventually led to the abuses condemned by Martin Luther. Even by the thirteenth century, most crusade planners assumed that it would be impossible to attract enough volunteers to make a crusade possible, and crusading became the province of kings and popes, losing its original popular character. (…) In short: very few people became rich by crusading, and their numbers were dwarfed by those who were bankrupted. Most medieval people were quite well aware of this, and did not consider crusading a way to improve their financial situations. (…) certainly there were cynics and hypocrites in the Middle Ages—beneath the obvious differences of technology and material culture, medieval people were just as human as we are, and subject to the same failings. However (…) the casualty rates on the crusades were usually very high, and many if not most crusaders left expecting not to return. At least one military historian has estimated the casualty rate for the First Crusade at an appalling 75 percent, for example. (…) It is hard to imagine a more conclusive way of proving one’s dedication to a cause than sacrificing one’s life for it, and very large numbers of crusaders did just that. But this assertion is also revealed to be false when we consider the way in which the crusades were preached. Crusaders were not drafted. Participation was voluntary, and participants had to be persuaded to go. The primary means of persuasion was the crusade sermon, and one might expect to find these sermons representing crusading as profoundly appealing. (…) In fact, the opposite is true: crusade sermons were replete with warnings that crusading brought deprivation, suffering, and often death. That this was the reality of crusading was well known anyway. (…) It worked because crusading was appealing precisely because it was a known and significant hardship, and because undertaking a crusade with the right motives was understood as an acceptable penance for sin. Far from being a materialistic enterprise, crusading was impractical in worldly terms, but valuable for one’s soul. There is no space here to explore the doctrine of penance as it developed in the late antique and medieval worlds, but suffice it to say that the willing acceptance of difficulty and suffering was viewed as a useful way to purify one’s soul (and still is, in Catholic doctrine today). Crusading was the near-supreme example of such difficult suffering, and so was an ideal and very thorough-going penance. (…) As difficult as it may be for modern people to believe, the evidence strongly suggests that most crusaders were motivated by a desire to please God, expiate their sins, and put their lives at the service of their “neighbors,” understood in the Christian sense. (…) Muslims had been attacking Christians for more than 450 years before Pope Urban declared the First Crusade. They needed no incentive to continue doing so. (…) Up until quite recently, Muslims remembered the crusades as an instance in which they had beaten back a puny western Christian attack. (…) Most of the Arabic-language historical writing on the crusades before the mid-nineteenth century was produced by Arab Christians, not Muslims, and most of that was positive. There was no Arabic word for “crusades” until that period, either, and even then the coiners of the term were, again, Arab Christians. It had not seemed important to Muslims to distinguish the crusades from other conflicts between Christianity and Islam. Nor had there been an immediate reaction to the crusades among Muslims. As Carole Hillenbrand has noted, “The Muslim response to the coming of the Crusades was initially one of apathy, compromise and preoccupation with internal problems.” By the 1130s, a Muslim counter-crusade did begin, under the leadership of the ferocious Zengi of Mosul. But it had taken some decades for the Muslim world to become concerned about Jerusalem, which is usually held in higher esteem by Muslims when it is not held by them than when it is. Action against the crusaders was often subsequently pursued as a means of uniting the Muslim world behind various aspiring conquerors, until 1291, when the Christians were expelled from the Syrian mainland. And—surprisingly to Westerners—it was not Saladin who was revered by Muslims as the great anti-Christian leader. That place of honor usually went to the more bloodthirsty, and more successful, Zengi and Baibars, or to the more public-spirited Nur al-Din. The first Muslim crusade history did not appear until 1899. By that time, the Muslim world was rediscovering the crusades—but it was rediscovering them with a twist learned from Westerners. In the modern period, there were two main European schools of thought about the crusades. One school, epitomized by people like Voltaire, Gibbon, and Sir Walter Scott, and in the twentieth century Sir Steven Runciman, saw the crusaders as crude, greedy, aggressive barbarians who attacked civilized, peace-loving Muslims to improve their own lot. The other school, more romantic and epitomized by lesser-known figures such as the French writer Joseph-François Michaud, saw the crusades as a glorious episode in a long-standing struggle in which Christian chivalry had driven back Muslim hordes. In addition, Western imperialists began to view the crusaders as predecessors, adapting their activities in a secularized way that the original crusaders would not have recognized or found very congenial. At the same time, nationalism began to take root in the Muslim world. Arab nationalists borrowed the idea of a long-standing European campaign against them from the former European school of thought—missing the fact that this was a serious mischaracterization of the crusades—and using this distorted understanding as a way to generate support for their own agendas. This remained the case until the mid-twentieth century, when, in Riley-Smith’s words, “a renewed and militant Pan-Islamism” applied the more narrow goals of the Arab nationalists to a worldwide revival of what was then called Islamic fundamentalism and is now sometimes referred to, a bit clumsily, as jihadism. This led rather seamlessly to the rise of Osama bin Laden and al-Qaeda, offering a view of the crusades so bizarre as to allow bin Laden to consider all Jews to be crusaders and the crusades to be a permanent and continuous feature of the West’s response to Islam. Bin Laden’s conception of history is a feverish fantasy. He is no more accurate in his view about the crusades than he is about the supposed perfect Islamic unity which he thinks Islam enjoyed before the baleful influence of Christianity intruded. But the irony is that he, and those millions of Muslims who accept his message, received that message originally from their perceived enemies: the West. So it was not the crusades that taught Islam to attack and hate Christians. Far from it. Those activities had preceded the crusades by a very long time, and stretch back to the inception of Islam. Rather, it was the West which taught Islam to hate the crusades. The irony is rich. (….) Let us return to President Clinton’s Georgetown speech. How much of his reference to the First Crusade was accurate? It is true that many Muslims who had surrendered and taken refuge under the banners of several of the crusader lords—an act which should have granted them quarter—were massacred by out-of-control troops. This was apparently an act of indiscipline, and the crusader lords in question are generally reported as having been extremely angry about it, since they knew it reflected badly on them. To imply—or plainly state—that this was an act desired by the entire crusader force, or that it was integral to crusading, is misleading at best. In any case, John France has put it well: “This notorious event should not be exaggerated. . . . However horrible the massacre . . . it was not far beyond what common practice of the day meted out to any place which resisted.” And given space, one could append a long and bloody list, stretching back to the seventh century, of similar actions where Muslims were the aggressors and Christians the victims. Such a list would not, however, have served Mr. Clinton’s purposes. Mr. Clinton was probably using Raymond of Aguilers when he referred to “blood running up to [the] knees” of crusaders. But the physics of such a claim are impossible, as should be apparent. Raymond was plainly both bragging and also invoking the imagery of the Old Testament and the Book of Revelation. He was not offering a factual account, and probably did not intend the statement to be taken as such. As for whether or not we are “still paying for it,” (…)This is the most serious misstatement of the whole passage. What we are paying for is not the First Crusade, but western distortions of the crusades in the nineteenth century which were taught to, and taken up by, an insufficiently critical Muslim world. The problems with Mr. Clinton’s remarks indicate the pitfalls that await those who would attempt to explicate ancient or medieval texts without adequate historical awareness, and they illustrate very well what happens when one sets out to pick through the historical record for bits—distorted or merely selectively presented—which support one’s current political agenda. This sort of abuse of history has been distressingly familiar where the crusades are concerned. But nothing is served by distorting the past for our own purposes. Or rather: a great many things may be served . . . but not the truth. Distortions and misrepresentations of the crusades will not help us understand the challenge posed to the West by a militant and resurgent Islam, and failure to understand that challenge could prove deadly. Indeed, it already has. It may take a very long time to set the record straight about the crusades. It is long past time to begin the task. Paul F. Crawford
L’historiquement correct, c’est le politiquement correct appliqué à l’histoire : ce n’est pas une lecture scientifique du passé, une tentative de le restituer tel qu’il a été, c’est une interprétation idéologique et politique du monde d’hier, visant à lui faire dire quelque chose pour les hommes d’aujourd’hui, avec les mots et les concepts d’aujourd’hui. L’historiquement correct ne cherche pas à comprendre le passé pour éclairer le présent : il part du présent pour juger le passé. Dans cet état d’esprit, l’histoire devient un écran où se projettent toutes les passions contemporaines. A l’école, à la télévision ou au café du Commerce, l’historiquement correct règne en maître, proposant une histoire tronquée, falsifiée, manipulée. Et c’est ainsi que l’on voit tous les jours traquer l’obscurantisme, l’impérialisme, le colonialisme, le racisme, l’antisémitisme, le fascisme ou le sexisme à travers les siècles, même si ces mots n’ont pas de sens hors d’un contexte précis : l’historiquement correct s’en moque, car son but n’est pas la connaissance mais la propagande. L’historiquement correct pratique l’anachronisme (les événements d’hier sont évalués selon les critères de notre époque) et porte des jugements manichéens, le Bien et le Mal étant définis selon les valeurs qui ont cours aujourd’hui. Jean Sévillia
Des croisades impérialistes. Une Inquisition sanguinaire. Une Église misogyne. Qui plus est, obscurantiste. Antimoderne. Une papauté avide de pouvoirs. Un Vatican richissime. Un Pie XII antisémite, etc. Ainsi présentée, l’histoire de l’Église catholique peut apparaître comme une succession de scandales, une litanie obsédante égrenée sur fond de l’air du temps glacial. Un faux procès qui lui serait intenté et entacherait, à la longue, sa réputation ? C’est justement pour répondre à ces supposées accusations et passer ces clichés au crible de l’analyse historique que trois livres, dont deux traductions de l’allemand et de l’anglais (États-Unis), sont sortis comme un tir groupé. Que faut-il penser de cette démarche ? Que révèle cette polémique de notre époque et de son rapport au christianisme ? Jean Sévillia, journaliste au Figaro, qui s’attache depuis des décennies à traquer dans ses livres les « contrevérités » historiques ou idéologiques, a réuni dans l’Église en procès la réponse des historiens (Tallandier) 15 historiens – parmi lesquels Martin Aurell, Jean-Christian Petitfils, Olivier Chaline, Christophe Dickès ou François Huguenin – pour répondre avec une volonté de nuance et de pondération à ce réquisitoire contre l’Église. Le maître d’oeuvre classifie ces poncifs : si l’« anachronisme » qui consiste à juger le passé avec ses propres critères est la mère de toutes les erreurs, il faut compter aussi avec le « manichéisme », qui fait fi de la complexité, le « mensonge par omission », qui ne présente qu’un pan de vérité, ou bien la fameuse « indignation sélective ». Rodney Stark, un universitaire américain, ferraille lui aussi contre les « préjugés anticatholiques » dans Faux témoignages. Pour en finir avec les préjugés anticatholiques (Salvator). Ce protestant revendiqué affirme n’avoir « pas écrit ce livre pour défendre l’Église, mais pour défendre l’Histoire ». Pour lui, les aspects négatifs de son histoire ne justifient pas les « exagérations extrêmes, les fausses accusations et les fraudes évidentes ». Il répond de la même façon à une liste à la Prévert d’assertions discutables. Creusant pareillement la métaphore judiciaire, Manfred Lütz se veut lui aussi l’avocat d’un « christianisme en procès ». Dans un ouvrage (le Christianisme en procès. Lumière sur 2000 ans d’histoire et de controverses, Éditions Emmanuel) qui s’est vendu à 100.000 exemplaires outre-Rhin, il a vulgarisé les travaux d’un historien, le professeur Arnold Angenendt. Il part de l’idée que les connaissances universitaires existent déjà et qu’il suffit de les diffuser au grand public. Pour lui, ces fake news qui circulent sur le christianisme sont tout sauf anodines : elles l’ont « totalement discrédité et ébranlé jusqu’aux entrailles ». Ce sentiment qu’on ferait un mauvais procès à l’Église et aux chrétiens n’est pas nouveau : il existe même depuis les débuts du christianisme ! Plus récemment, en 2001, l’historien René Rémond, figure respectée de l’Université française, qui se qualifiait lui-même de « catholique d’ouverture », s’était ému dans un livre au large écho (le Christianisme en accusation, DDB) de la constatation d’une « culture du mépris » (moqueries, sarcasmes, condescendance…) à l’égard du catholicisme d’une nature différente du vieil anticléricalisme d’antan. Le regretté « sage de la République » avait remis le couvert en 2005 dans un second ouvrage (le Nouvel Antichristianisme, DDB). En ce début du siècle, il visait notamment un Michel Onfray qui, depuis, a tourné son talent de polémiste vers d’autres combats. En presque 20 ans, que s’est-il donc passé ? Denis Pelletier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, vient de publier une synthèse historique (les Catholiques en France de 1789 à nos jours, Albin Michel) qui aide à comprendre ces glissements et ces évolutions. Par rapport à une époque où, selon l’expression de Danièle Hervieu-Léger, on stigmatisait la « ringardise catholique », il nous confie avoir constaté un « regain d’intérêt » pour cette religion qui, de nouveau, « intéresse et intrigue, émeut et scandalise ». Plusieurs événements ont favorisé ce changement de perception. D’abord, le retour visible des catholiques en politique (plutôt la frange conservatrice) avec la Manif pour tous en 2012-2013 ; ensuite, les attentats islamistes avec l’émoi provoqué par l’assassinat du père Hamel, prêtre de la paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray, le 26 juillet 2016 ; enfin, la crise des migrants avec la mobilisation de réseaux catholiques « qu’on pensait avoir disparu du paysage ». Mais, précise l’universitaire, cet engagement de minorités et cet intérêt grandissant ne doivent pas masquer une « méconnaissance » massive de la majorité à l’égard d’un catholicisme qui, selon lui, serait presque entièrement sorti de la culture ambiante. Ce vide de la connaissance se creusant sans cesse pourrait expliquer la perméabilité de l’opinion à toutes sortes d’idées approximatives qui traînent sur le christianisme. D’autant plus que, selon Denis Pelletier, l’opinion se montre ambivalente. D’un côté, beaucoup de non-pratiquants (mais pas seulement eux) restent attachés à un catholicisme « patrimonial », comme en témoigne l’intense émotion soulevée par l’incendie de Notre-Dame de Paris ; d’un autre côté, l’opinion fait preuve d’exigence à l’égard de l’Église, jusqu’à se montrer d’autant plus sévère lorsque surviennent des scandales comme ceux des prêtres pédophiles. En France, l’anticléricalisme, toujours prêt à se réveiller, côtoierait de façon indéfectible et paradoxale l’attachement au catholicisme. Loin d’être nés du hasard, les préjugés d’aujourd’hui héritent en partie de conflits passés, parfois ravivés. Comme la Révolution française, si dramatique dans sa dimension religieuse, qui a structuré la France contemporaine. Ou comme les guerres de Religion, qui ont opposé catholiques et protestants. Par exemple, lorsque l’Espagne apparut comme la principale puissance catholique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas décrivirent dans leur propagande les Espagnols comme des barbares fanatiques et assoiffés de sang. Avec l’image très noire qui nous est parvenue de l’Inquisition espagnole, il est resté des traces sensibles de cette ancienne confrontation. C’est la raison pour laquelle on nourrit des préjugés souvent avec bonne foi. Le protestant Rodney Stark reconnaît ainsi avoir découvert avec « stupéfaction » que l’Inquisition, selon lui, avait contenu en Espagne et en Italie la « fureur meurtrière » des bûchers de sorcières qui embrasèrent toute l’Europe des XVIe et XVIIe siècles. (…) Cette vulgate anticléricale, selon ce professeur à la Sorbonne [Dumézil] , nous l’avons héritée de Voltaire et des Lumières. Ce qui est moins connu, précise-t-il, c’est qu’au Moyen Âge les stéréotypes du « mauvais clerc » (glouton, salace, avide, sodomite…) ont été colportés par les clercs eux-mêmes dans le but moral de réformer le clergé. Mais avec les polémiques apparues au moment de la Réforme protestante, ces caricatures à usage interne se sont retournées contre l’Église elle-même. Ainsi, les clercs eux-mêmes ont créé l’anticléricalisme, créature incontrôlable qui leur a échappé. Longtemps, l’institution, pour ses adversaires, se montra coriace et, forte de ses bataillons de prêtres et de laïcs, prête à se défendre. Le « grand effondrement » de ces dernières décennies dans un pays comme la France l’a laissée dans un état de faiblesse pouvant expliquer à son égard une virulence d’autant plus intrépide qu’en face la capacité de réplique avait fléchi. Cependant, depuis le traumatisme des attentats islamistes, révélateur, peut-être, sur le moment, d’un désarroi existentiel, on observe dans la sphère publique une atténuation dans le sarcasme, qui avait pu frôler, en certaines circonstances, l’ignominieux. L’Église, si elle l’a jamais été, n’est plus une forteresse. Les chrétiens sont à découvert. Cette vulnérabilité explique pourquoi ces auteurs qui dénoncent les poncifs refusent de substituer une légende dorée à une légende noire – approche d’une autre époque. Dans l’intention en tout cas, ils réfutent l’idée d’entrer dans une démarche apologétique, souhaitent rétablir les faits, rien que les faits. Même si l’on peut discuter leur vision des événements, ils n’ont pas la tentation de construire une histoire parallèle. Ces historiens n’exonèrent pas, le cas échéant, les prélats de leurs responsabilités. Ce qui apparaît en filigrane, dans leur lecture de l’histoire de l’Église, c’est un permanent combat intérieur, révélateur aussi de notre temps. Pour preuve : le livre dirigé par Jean Sévillia se clôt sur un texte de Bernard Lecomte qui montre la résistance opposée par la curie romaine à la volonté de Joseph Ratzinger, comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, puis comme pape Benoît XVI, de lutter vraiment – c’est-à-dire en refusant d’enterrer les affaires – contre la pédophilie dans l’Église. (…)  En Occident, on croit connaître le christianisme alors qu’il est peut-être le plus méconnu. Il ne bénéficie pas – ou assez peu – de l’attrait de l’exotisme qui porte de nos jours les religions ou sagesses orientales. Mais ce qui compte pour les historiens de toute obédience, n’est-ce pas de porter un simple témoignage au nom de l’honnêteté intellectuelle, sans souci d’efficacité immédiate ? Par ailleurs, répondre aux idées fausses est une chose nécessaire, mais rendre compte de tout ce qui a pu être accompli de bien et de beau depuis deux millénaires, malgré les horreurs de chaque époque, en est une autre, non moins vitale. Il ne faudrait pas l’oublier. Jean-Marc Bastière

C’est la faute aux Scott, imbécile !

Anitsémitisme, persécution des païens tolérants, sombre Moyen-Age, croisades en quête de terres, butin et convertis, monstres de l’Inquisition, hérésies scientifiques, bénédiction de l’esclavage, saint autoritarisme, archaïsme économique …

Moyen-Orient berceau du judaïsme et du christianisme, présence multi-millénaire et cumulée juive et chrétienne, 450 ans d’invasions et d’occupation musulmanes y compris jusqu’à Poitiers et au sac de Rome, décennies de provocations, incinération du Saint-Sépulcre, harcèlement et violences contre un marché pourtant longtemps lucratif de pèlerins chrétiens, « guerres justes » et croisades à la fois pénitentielles et défensives aux coûts humains et matériels prohibitifs, flux financiers massifs mais presque exclusivement dans le sens Europe-Levant, massacres occasionnels mais tout à fait dans les moeurs du temps, absence de tout projet d’attaque ou d’invasion de La Mecque ou Médine …

A l’heure où après un Clinton ou un Obama …

Et tant d’autres de leurs devanciers

Le pape nous ressort d’un poème épique, nouvelle petite merveille d’équivalence morale, les conversions forcées imaginaires de musulmans par des chrétiens pour mieux faire le parallèle avec les actuels égorgements de nos amis islamistes …

Pendant que massacre après massacre en Syrie, Irak ou Iran, l’islam montre son vrai visage …

Petite remise des pendules à l’heure ….

Avec la traduction française de l’ouvrage du sociologue des religions américains Rodney Stark …

Et sa recension des dernières recherches des historiens les plus reconnus …

Sur les préjugés antichrétiens en général et anticatholiques en particulier …

Et notamment comme le rappelle Paul F. Crawford …

Sur l’incroyable ironie dont l’Histoire a le secret …

Qui veut que comme souvent ça pourrait bien être l’Occident lui-même …

Via par exemple les Scott (Walter le romancier du 19e et son émule Ridley le cinéaste du 21e) …

Et leurs innombrables fans que nous sommes …

Qui ont appris à nos actuels Ben Laden à haïr les croisades !

Histoire de l’Église : pour en finir avec les clichés

La Croix

07/11/2019

Des croisades impérialistes. Une Inquisition sanguinaire. Une Église misogyne. Qui plus est, obscurantiste. Antimoderne. Une papauté avide de pouvoirs. Un Vatican richissime. Un Pie XII antisémite, etc. Ainsi présentée, l’histoire de l’Église catholique peut apparaître comme une succession de scandales, une litanie obsédante égrenée sur fond de l’air du temps glacial. Un faux procès qui lui serait intenté et entacherait, à la longue, sa réputation ? C’est justement pour répondre à ces supposées accusations et passer ces clichés au crible de l’analyse historique que trois livres, dont deux traductions de l’allemand et de l’anglais (États-Unis), sont sortis comme un tir groupé. Que faut-il penser de cette démarche ? Que révèle cette polémique de notre époque et de son rapport au christianisme ?

Jean Sévillia, journaliste au Figaro,qui s’attache depuis des décennies à traquer dans ses livres les « contrevérités » historiques ou idéologiques, a réuni dans l’Église en procès. La réponse des historiens (Tallandier) 15 historiens – parmi lesquels Martin Aurell, Jean-Christian Petitfils, Olivier Chaline, Christophe Dickès ou François Huguenin – pour répondre avec une volonté de nuance et de pondération à ce réquisitoire contre l’Église. Le maître d’oeuvre classifie ces poncifs : si l’« anachronisme » qui consiste à juger le passé avec ses propres critères est la mère de toutes les erreurs, il faut compter aussi avec le « manichéisme », qui fait fi de la complexité, le « mensonge par omission », qui ne présente qu’un pan de vérité, ou bien la fameuse « indignation sélective ».

Rodney Stark, un universitaire américain, ferraille lui aussi contre les « préjugés anticatholiques » dans Faux témoignages. Pour en finir avec les préjugés anticatholiques (Salvator). Ce protestant revendiqué affirme n’avoir « pas écrit ce livre pour défendre l’Église, mais pour défendre l’Histoire ». Pour lui, les aspects négatifs de son histoire ne justifient pas les « exagérations extrêmes, les fausses accusations et les fraudes évidentes ». Il répond de la même façon à une liste à la Prévert d’assertions discutables.

De l’anticléricalisme au mépris

Creusant pareillement la métaphore judiciaire, Manfred Lütz se veut lui aussi l’avocat d’un « christianisme en procès ». Dans un ouvrage (le Christianisme en procès. Lumière sur 2000 ans d’histoire et de controverses, Éditions Emmanuel) qui s’est vendu à 100.000 exemplaires outre-Rhin, il a vulgarisé les travaux d’un historien, le professeur Arnold Angenendt. Il part de l’idée que les connaissances universitaires existent déjà et qu’il suffit de les diffuser au grand public. Pour lui, ces fake news qui circulent sur le christianisme sont tout sauf anodines : elles l’ont « totalement discrédité et ébranlé jusqu’aux entrailles ».

Ce sentiment qu’on ferait un mauvais procès à l’Église et aux chrétiens n’est pas nouveau : il existe même depuis les débuts du christianisme ! Plus récemment, en 2001, l’historien René Rémond, figure respectée de l’Université française, qui se qualifiait lui-même de « catholique d’ouverture », s’était ému dans un livre au large écho (le Christianisme en accusation, DDB) de la constatation d’une « culture du mépris » (moqueries, sarcasmes, condescendance…) à l’égard du catholicisme d’une nature différente du vieil anticléricalisme d’antan. Le regretté « sage de la République » avait remis le couvert en 2005 dans un second ouvrage (le Nouvel Antichristianisme, DDB). En ce début du siècle, il visait notamment un Michel Onfray qui, depuis, a tourné son talent de polémiste vers d’autres combats.

En presque 20 ans, que s’est-il donc passé ? Denis Pelletier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, vient de publier une synthèse historique (les Catholiques en France de 1789 à nos jours, Albin Michel) qui aide à comprendre ces glissements et ces évolutions. Par rapport à une époque où, selon l’expression de Danièle Hervieu-Léger, on stigmatisait la « ringardise catholique », il nous confie avoir constaté un « regain d’intérêt » pour cette religion qui, de nouveau, « intéresse et intrigue, émeut et scandalise ».

Plusieurs événements ont favorisé ce changement de perception. D’abord, le retour visible des catholiques en politique (plutôt la frange conservatrice) avec la Manif pour tous en 2012-2013 ; ensuite, les attentats islamistes avec l’émoi provoqué par l’assassinat du père Hamel, prêtre de la paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray, le 26 juillet 2016 ; enfin, la crise des migrants avec la mobilisation de réseaux catholiques « qu’on pensait avoir disparu du paysage ». Mais, précise l’universitaire, cet engagement de minorités et cet intérêt grandissant ne doivent pas masquer une « méconnaissance » massive de la majorité à l’égard d’un catholicisme qui, selon lui, serait presque entièrement sorti de la culture ambiante.

Des préjugés hérités du passé

Ce vide de la connaissance se creusant sans cesse pourrait expliquer la perméabilité de l’opinion à toutes sortes d’idées approximatives qui traînent sur le christianisme. D’autant plus que, selon Denis Pelletier, l’opinion se montre ambivalente. D’un côté, beaucoup de non-pratiquants (mais pas seulement eux) restent attachés à un catholicisme « patrimonial », comme en témoigne l’intense émotion soulevée par l’incendie de Notre-Dame de Paris ; d’un autre côté, l’opinion fait preuve d’exigence à l’égard de l’Église, jusqu’à se montrer d’autant plus sévère lorsque surviennent des scandales comme ceux des prêtres pédophiles. En France, l’anticléricalisme, toujours prêt à se réveiller, côtoierait de façon indéfectible et paradoxale l’attachement au catholicisme.

Loin d’être nés du hasard, les préjugés d’aujourd’hui héritent en partie de conflits passés, parfois ravivés. Comme la Révolution française, si dramatique dans sa dimension religieuse, qui a structuré la France contemporaine. Ou comme les guerres de Religion, qui ont opposé catholiques et protestants. Par exemple, lorsque l’Espagne apparut comme la principale puissance catholique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas décrivirent dans leur propagande les Espagnols comme des barbares fanatiques et assoiffés de sang. Avec l’image très noire qui nous est parvenue de l’Inquisition espagnole, il est resté des traces sensibles de cette ancienne confrontation.

C’est la raison pour laquelle on nourrit des préjugés souvent avec bonne foi. Le protestant Rodney Stark reconnaît ainsi avoir découvert avec « stupéfaction » que l’Inquisition, selon lui, avait contenu en Espagne et en Italie la « fureur meurtrière » des bûchers de sorcières qui embrasèrent toute l’Europe des XVIe et XVIIe siècles. Dans le Baptême de Clovis : 24 décembre 505 ?, le médiéviste Bruno Dumézil (voir encadré p. 32) trouve « plutôt pas mal » cette démarche de lutter contre les idées fausses, en tout cas d’apporter de la « nuance ». Le sens de la nuance, que Verlaine applique à l’art poétique, est aussi le maître mot des historiens.

Cette vulgate anticléricale, selon ce professeur à la Sorbonne, nous l’avons héritée de Voltaire et des Lumières. Ce qui est moins connu, précise-t-il, c’est qu’au Moyen Âge les stéréotypes du « mauvais clerc » (glouton, salace, avide, sodomite…) ont été colportés par les clercs eux-mêmes dans le but moral de réformer le clergé. Mais avec les polémiques apparues au moment de la Réforme protestante, ces caricatures à usage interne se sont retournées contre l’Église elle-même. Ainsi, les clercs eux-mêmes ont créé l’anticléricalisme, créature incontrôlable qui leur a échappé. Longtemps, l’institution, pour ses adversaires, se montra coriace et, forte de ses bataillons de prêtres et de laïcs, prête à se défendre. Le « grand effondrement » de ces dernières décennies dans un pays comme la France l’a laissée dans un état de faiblesse pouvant expliquer à son égard une virulence d’autant plus intrépide qu’en face la capacité de réplique avait fléchi.

L’Église n’est plus une forteresse

Cependant, depuis le traumatisme des attentats islamistes, révélateur, peut-être, sur le moment, d’un désarroi existentiel, on observe dans la sphère publique une atténuation dans le sarcasme, qui avait pu frôler, en certaines circonstances, l’ignominieux. L’Église, si elle l’a jamais été, n’est plus une forteresse. Les chrétiens sont à découvert. Cette vulnérabilité explique pourquoi ces auteurs qui dénoncent les poncifs refusent de substituer une légende dorée à une légende noire – approche d’une autre époque. Dans l’intention en tout cas, ils réfutent l’idée d’entrer dans une démarche apologétique, souhaitent rétablir les faits, rien que les faits. Même si l’on peut discuter leur vision des événements, ils n’ont pas la tentation de construire une histoire parallèle.

Ces historiens n’exonèrent pas, le cas échéant, les prélats de leurs responsabilités. Ce qui apparaît en filigrane, dans leur lecture de l’histoire de l’Église, c’est un permanent combat intérieur, révélateur aussi de notre temps. Pour preuve : le livre dirigé par Jean Sévillia se clôt sur un texte de Bernard Lecomte qui montre la résistance opposée par la curie romaine à la volonté de Joseph Ratzinger, comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, puis comme pape Benoît XVI, de lutter vraiment – c’est-à-dire en refusant d’enterrer les affaires – contre la pédophilie dans l’Église.

N’est-ce pas une tâche de Sisyphe, jamais achevée, de combattre des poncifs qui ont la vie dure ? Il est plus difficile, on le sait, de corriger des préjugés que de combler une ignorance. En Occident, on croit connaître le christianisme alors qu’il est peut-être le plus méconnu. Il ne bénéficie pas – ou assez peu – de l’attrait de l’exotisme qui porte de nos jours les religions ou sagesses orientales. Mais ce qui compte pour les historiens de toute obédience, n’est-ce pas de porter un simple témoignage au nom de l’honnêteté intellectuelle, sans souci d’efficacité immédiate ? Par ailleurs, répondre aux idées fausses est une chose nécessaire, mais rendre compte de tout ce qui a pu être accompli de bien et de beau depuis deux millénaires, malgré les horreurs de chaque époque, en est une autre, non moins vitale. Il ne faudrait pas l’oublier.

À lire
L’Église en procès. La réponse des historiens
, sous la direction de Jean Sévillia, Tallandier.
Faux témoignages. Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, de Rodney Stark, Salvator.
Le Christianisme en procès. Lumière sur 2000 ans d’histoire et de controverses, de Manfred Lütz, Éditions Emmanuel

Voir aussi:

Protestants et anticatholiques des “Lumières”, responsables des légendes noires contre l’Eglise

Salon beige

On lit souvent que l’Inquisition fut l’un des chapitres les plus terribles et sanglants de l’histoire occidentale ; que Pie XII, dit « le pape d’Hitler », était antisémite ; que l’obscurantisme a freiné la science jusqu’à l’arrivée des Lumières ; et que les croisades furent le premier exemple de l’avidité occidentale. Ces affirmations sont sans fondements historiques.

Dans cet ouvrage, Faux témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, l’éminent professeur de sociologie des religions Rodney Stark démontre que certaines idées fermement établies sont en réalité des mythes. Il s’attaque aux légendes noires de l’histoire de l’Église et explique de quelles façons elles se sont substituées à la réalité des faits. Son travail est d’autant plus méritoire qu’il est lui-même protestant. Et il écrit justement à propos de ces légendes :

Tout a débuté avec les guerres déclenchées en Europe à la suite de la Réforme qui a opposé protestants et catholiques et fait des millions de morts. A la même époque, l’Espagne apparaissait comme la principale puissance catholique. Par réaction, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont alors déclenché d’intenses campagnes de propagande qui décrivaient les Espagnols comme de fanatiques barbares assoiffés de sang. Jeffrey Burton Russel, éminent historien du Moyen Age, écrit :

D’innombrables livres et pamphlets furent édités par les presses du Nord accusant l’empire espagnol de dépravation inhumaine et d’horribles atrocités. […] L’Espagne était décrite comme un lieu de ténèbres, d’ignorance et de mal.

[…] Mais les protestants en colère n’étaient pas les seuls à inventer ces histoires ou à y acquiescer. De nombreux mensonges analysés dans les chapitres qui vont suivre étaient soutenus par des auteurs antireligieux, notamment à l’époque des “Lumières”.

Voir également:

Why is this non-Catholic scholar debunking “centuries of anti-Catholic history”?

An interview with Dr. Rodney Stark, sociologist and author of « Bearing False Witness »

The Catholic world report

Dr. Rodney Stark has written nearly 40 books on a wide range of topics, incuding a number of recent books on the history of Christianity, monotheism, Christianity in China, and the roots of modernity. After beginning as a newspaper reporter and spending time in the Army, Stark received his Ph.D. from the University of California, Berkeley, where he held appointments as a research sociologist at the Survey Research Center and at the Center for the Study of Law and Society. He later was Professor of Sociology and of Comparative Religion at the University of Washington; he has been at Baylor University since 2004. Stark is past president of the Society for the Scientific Study of Religion and of the Association for the Sociology of Religion, and he has won a number of national and international awards for distinguished scholarship. Raised as a Lutheran, he has identified himself as an agnostic but has, more recently, called himself an “independent Christian”.

His most recent book isBearing False Witness: Debunking Centuries of Anti-Catholic History (Templeton Press, 2016), which addresses ten prevalent myths about Church history. Dr. Stark recently responded by e-mail to some questions from Carl E. Olson, editor ofCatholic World Report.

CWR: You begin the book by first noting your upbringing as an American Protestant and then discussing “distinguished bigots”. What is a “distinguished bigot”? And how have such people influenced the way in which the Catholic Church is understood and perceived by many Americans today?

Dr. Rodney Stark: By distinguished bigots I mean prominent scholars and intellectuals who clearly are antagonistic to the Catholic Church and who promulgate false historical claims.

CWR: How did you go about identifying and selecting the ten anti-Catholic myths that you rebut in the book? To what degree are these myths part of a general (if sometimes vague) Protestant culture, and to what degree are they encouraged and spread by a more secular, elite culture?

Dr. Stark: For the most part I encountered these anti-Catholic myths as I wrote about various historical periods and events, and discovered that these well-known ‘facts” were false and therefore was forced to deal with them in those studies. These myths are not limited to some generalized Protestant culture—many Catholics, including well-known ones, have repeated them too. These myths have too often, and for too long, been granted truthful validity by historians in general. Of course secularists—especially ex-Catholics such as Karen Armstrong—love these myths.

CWR: The first chapter is on “sins of anti-Semitism,” perhaps the most divisive and controversial of the topics you address. How have your own views on this issue changed, and why? Why do you think there continues to be a wide-spread belief or impression that the Catholic Church in inherently anti-Semitic?

Dr. Stark: When I began as a scholar, “everybody” including leading Catholics knew the Church was a primary source of anti-Semitism. It was only later as I worked with materials on medieval attacks on Jews that I discovered the effective role of the Church in opposing and suppressing such attacks—this truth being told by medieval Jewish chroniclers and thereby most certainly true. Why do so many ‘intellectuals,’ many of them ex-Catholics, continue to accept the notion that Pope Pius XII was “Hitler’s Pope,” when that is so obviously a vicious lie? It can only be hatred of the Church. Keep in mind that it is prominent Jews who defend the pope.

CWR: Why have various historians, such as Gibbons, presented the ancient pagans as either benevolent or mostly tolerant toward Christianity? What was the actual relationship between Christianity and paganism in the first centuries of the Church’s existence?

Dr. Stark: In those days, the safe way to attack religion was to let readers assume it was only an attack on Catholicism, so that’s what Gibbon and his contemporaries did. Perhaps surprisingly, once the pagans were no longer able to persecute Christians, they were pretty much ignored by the Church and by emperors and only slowly disappeared

CWR: How did the mythology of the “Dark Ages” develop? What are some of the main problems with that mythology?

Dr. Stark: Voltaire and his associates made up the fiction of the Dark Ages so that they could claim to have burst forth with the Enlightenment. As every competent historian (and even the encyclopedias) now acknowledges, there were no Dark Ages. To the contrary, it was during these centuries that Europe took the great cultural and technological leap forward that put it so far ahead of the rest of the world.

CWR: What relationship is there between the mythology of the “Dark Ages” and the myth of “secular Enlightenment”? How rational and scientific, in fact, was the Enlightenment?

Dr. Stark: The “philosophes” of the so-called “Enlightenment played no role in the rise of science—the great scientific progress of the time was achieved by highly religious men, many of them Catholic clergy.

CWR: The Crusades and the Inquisitions continue be presented as epochs and events that involved Christian barbarism and the murder of millions. Why are those myths so widespread and popular, especially after scholars have spent decades correcting and clarifying what really did (or did not) happen?

Dr. Stark: I am competent to reveal that the Crusades were legitimate defensive wars and that the Inquisition was not bloody. I am not competent to explain why the pile of fine research supporting these corrections have had no impact on the chattering classes. I suspect that these myths are too precious for the anti-religious to surrender.

CWR: In addressing “Protestant Modernity” you flatly stated that Max Weber’s thesis that Protestantism birthed capitalism and modernity is “nonsense”. What are the main problems with Weber’s thesis?

Dr. Stark: The problem is simply that capitalism was fully developed and thriving in Europe many centuries before the Reformation.

CWR:
 You emphatically state that as a scholar with a Protestant background working at a Baptist university you did not write your book as “a defense of the Church” but “in defense of history.” Why is that significant? And, finally, do you think most Americans actually give more credence to history than to the Church?

Dr. Stark: I think the distinguished bigots will have a hard time accusing me of being a Catholic toady, trying to cover up the sins of the Church. The only axe I have to grind is that history ought to be honestly reported. As to your final point: I don’t think ‘most Americans’ will ever know that this book was written. I can only hope that I will influence intellectuals and textbook writers—maybe.

Related CWR articles:

“The Story of the West: Who, Why, and How” (June 2014): A review of Rodney Stark’s book, How the West Won: The Neglected Story of the Triumph of Modernity | Gregory J. Sullivan

“A Curious Mix of Sophistication, Sin, and Piety” (May 2011): An interview with sociologist Rodney Stark about the Crusades | Mark Sullivan

Voir de même:

An agnostic demolishes anti-Catholic myths

Michael Duggan

Bearing False Witness
by Rodney Stark
Templeton Press, £19

The Age of Reason began in the 2nd century AD. How about that for a claim? Rodney Stark is not a man to equivocate. In his judgment, the Catholic Church has been routinely traduced by “distinguished bigots” – historians who have twisted or ignored the evidence and polluted popular understanding. Hence Stark’s determination to put back by a millennium-and-a-half the dating of the Age of Reason, which really began, he argues, with certain Church Fathers and their decision to conduct theology; that is, formal reasoning about God. Tertullian, Clement of Alexandria, Augustine: they all insisted on the power of reason and its place in God’s plan.

St Augustine went into raptures about the “sagacity” with which “the movements and connections of the stars have been discovered”. Man’s rational nature was an “unspeakable boon” conferred on us by God.

Hence also Stark’s fury about the term “Dark Ages”. It is remarkable how politicians and journalists wanting to convey disgust these days, whether for the actions of ISIS or for rules about wearing high heels at work, are liable to call such a thing “medieval” or “a return to the Dark Ages”.

And this darkness was, of course, the doing of the Catholic Church. Edward Gibbon said so. So did Voltaire. Daniel Boorstin, librarian of the United States Congress, wrote that the Church “built a grand barrier against the progress of knowledge”.

Rubbish, says Stark. The Dark Ages are nothing but a hoax invented by intellectuals to glorify themselves and vilify the Church. The period from 300 to 1300 was, in fact, one of the great innovative eras of mankind.

Technology was developed and put into use on a scale no civilisation had previously known: water mills, the three-field system, the horse collar, selective plant breeding, chimneys and much more. These things transformed productivity, increased the population, and widened horizons all over supposedly benighted Europe. But high-minded men of letters saw fit not to notice such things.

What else? Human dissection for scientific purposes began in medieval universities and without serious objections from the Church. Stark reels off clergymen-scientists who preceded Copernicus and who, among other things, fought and won the battle for empiricism in science.

There was moral progress too. The irony of ISIS comparisons, given that group’s recourse to abduction and enslavement, is that most of Europe had waved goodbye to slavery by 1300. Though not cited by Stark, Hugh Thomas, the great modern historian of the Atlantic slave trade, attributed the later resurgence of slavery to the memory of antiquity: “If Athens had slaves to build the Parthenon, and Rome to maintain the aqueducts, why should modern Europeans hesitate to have slaves to build its new world in America?” As for the treatment by some historians of the Church’s record on slavery, Stark accuses them of lying in plain sight.

And so, in Bearing False Witness, Rodney Stark takes aim at one “myth” after another about Catholicism. The Spanish Inquisition? A “pack of lies”, originally spread by English and Dutch propagandists. The Inquisition “made little use of the stake, seldom tortured anyone and maintained unusually decent prisons”.

The Crusades? Stark begins by saying, in effect, “the others started it”, and goes from there. He is particularly hot in attacking the idea that the Crusaders were driven by dreams of land and loot. Stark’s style is brusque and clear. He is like a man carefully setting up skittles before firing down bowling balls of fact and argument to send them scattering (though in a couple of cases he is, in reality, rebalancing rather than overturning the debate).

All of which means that Bearing False Witness is stirring, compelling, often convincing stuff. Some bits are especially fascinating, as when Stark makes the case for monasteries as the first true capitalist firms. One hopes that, as can happen when the pursuit of truth gets wrapped up in controversy, Stark is not carting more away from the evidence than he should. It would be fascinating to read a riposte.

And, of course, the greatest obstacle nowadays to perceiving the Catholic Church as a force for good is not the myth of the suppressed Gospels, or the myth of the Protestant work ethic, or whatever else. It is the anything but mythical abuse scandals.

Finally, a word on Professor Stark himself. He is co-director of the Institute for Studies of Religion at Baylor, the world’s largest Baptist university, once a hotbed of militant anti-Catholicism. He grew up an American Protestant, “raised on the glories of the Reformation”. More recently, he has described himself as incapable of religious faith, an agnostic.

One thing Stark is not, therefore, is a Catholic: “I did not write this book in defence of the Church,” he states, looking possible critics straight in the eye. “I wrote it in defence of history.”

Voir de plus:

Lies, myths and patent frauds

Michael Duggan
Catholic Herald

‘Europe is a lot more religious than it appears to be’: sociologist Rodney Stark (Baylor University)

They all laughed at Columbus when he said the world was round,
They all laughed when Edison recorded sound.
Ira Gershwin

Professor Rodney Stark grew up in Jamestown, North Dakota, in the 1930s and 1940s. He was, in his own words, “an American Protestant with intellectual pretensions”.

Every October 12 – Columbus Day – he would look on at “throngs of Knights of Columbus members, accompanied by priests, marching in celebration of the arrival of the ‘Great Navigator’ in the New World”. The young Stark found the spectacle absurd. He knew that Columbus had acted in the teeth of unyielding opposition from Roman Catholic prelates who cited biblical proof that the world was flat. Any attempt to reach Asia by sailing west would mean ships falling off the edge of the world, they said.

Years later he found out that the whole story was a lie. Stark recounts all of this – and explains the real story of the opposition to Columbus – in the introduction to his latest book Bearing False Witness: Debunking Centuries of Anti-Catholic History (reviewed in the Catholic Herald on June 3).

So how did he get his first direct experience of Catholicism? “I was about 16 when I first attended a Catholic service. I went with a girl I was dating. I found nothing remarkable about it.” Stark was raised as a Lutheran and was used to “highly liturgical services. So I did not find Catholic ritual strange. We stood when Catholics knelt.” He adds: “I don’t know that this had any influence on my historical views.”

The historical view that Stark sets out in Bearing False Witness is that a line of “distinguished bigots”, stretching from Gibbon to the present day, have created a common culture in which widely held assumptions about the Catholic Church are based on “extreme exaggerations, false accusations and patent frauds”.

Stark insists that he is not a whitewasher and that he is “simply reporting the prevailing view among qualified experts”. He also reminds his readers that he is not a Catholic. Though never an atheist, he was for some time primarily a “cultural Christian” or, as he has described it elsewhere, “an admirer but not a believer”. And now? “I have not been an agnostic for years. I wrote myself to faith.”

The process of writing himself to faith includes books such as The Triumph of Christianity, which records “how the Jesus Movement became the world’s largest religion”; The Victory of Reason, explaining how Christianity led to freedom, capitalism and Western success; and God’s Battalions, an incisive defence of the Crusades.

As a fledgling historian in the 1960s, though, Stark was still wedded to notions of the baneful role of the Church in history. In his first year of graduate school at Berkeley, he was asked to prepare a brief of research he had been doing on anti-Semitism to be distributed to bishops attending the Second Vatican Council. According to Cardinal Augustin Bea, this summary was influential in the production of Nostra Aetate, the Council’s statement on the Jews.

Stark glowed with pride. But over the years, as he carried out more work on ancient and medieval history, he became aware of “the extent to which the Catholic Church had stood as a consistent barrier against anti-Semitic violence”. A long analysis of all known outbursts of anti-Semitic violence in both Europe and the Islamic world from 500 to 1600 forced him to reconsider the entire link between Christianity and anti-Semitism. This was to become the theme of the first chapter of Bearing False Witness.

Turning to the current state of the Catholic Church, Stark is typically unequivocal. Shame among Catholics about scandals involving paedophile priests is (in America at least) “limited to a few intellectuals. Otherwise there should have been substantial declines in membership or in Mass attendance. And that hasn’t happened. There has been no decline in membership or mass attendance in the United States.

“The commitment of ordinary Catholics seems unaffected. In Latin America, rates of mass attendance have doubled and redoubled during the past 25 years. Catholic membership in the nations of sub-Saharan Africa is very far above that even claimed by the Catholic Almanac and continues to grow rapidly.”

But what about Europe? “Europe is a lot more religious than it is said to be or even than it appears to be. I have written a lot about this, most recently in The Triumph of Faith.” Stark has suggested in other interviews that the lack of attendance at church in Europe is down to “ineffective churches rather than lack of faith, since religious belief remains high all across the continent”.

This is typically trenchant stuff from someone who has spent decades understanding the past and present of Christianity. So what then does Prof Stark see as the future for the Catholic Church? “Continued strength.”

Bearing False Witness: Debunking Centuries of Anti-Catholic History

by Rodney Stark.
Templeton Press, 2016.
Hardcover, 280 pages, $28.

Rodney Stark, while doing research into the history of religion, discovered that the popular history of Catholicism is rife with errors, errors that have been repeatedly exposed as such by serious historians. However, the people who read pop history do not typically read serious historians, and so only a work of pop history can correct the errors in other works of pop history. Thus this book.

Each of the book’s ten chapters addresses a subject concerning which the Catholic Church has been held to have behaved badly. Each chapter begins with a number of examples of writers condemning the Church for some fault, which is useful in showing that Stark is not going after straw men. Nor does he claim that the Church, or those that claim to act in the Church’s name, are uniformly blameless. Rather, his debunk of the more extreme claims has a historiographical purpose: to show that the accusations against theChurch are themselves driven by an anti-Catholic animus rather than scholarly research or factual accuracy.

Stark, a professor of history at Baptist-affiliated Baylor University, first takes up the topic of Jews and the Catholic Church. Stark notes that while Christians sometimes attacked or killed Jews between 500 and 1400, the Church hierarchy consistently defended the Jews. For instance, during the First Crusade, some crusaders decided that, before they went all the way to the Middle East to fight “God’s enemies,” they should “take care” of those enemies who were living next door in Europe (i.e. Jews). And so a certain Emich of Leiningen set out to kill Jews in the Rhineland. Their first stop was Speyer, but:

The bishop of Speyer took the local Jews under his protection, and Emich’s forces could only lay their hands on a dozen Jews who had somehow failed to heed the bishop’s alarm. All twelve were killed. Then Emich led his forces to Worms. Here, too, the bishop took the local Jews into his palace for protection. But this time Emich would have none of that, and his forces broke down the bishop’s gate and killed about five hundred Jews. The same pattern was repeated the following week Mainz. Just as before, the bishop attempted to shield the Jews, but he was attacked and forced to flee for his life.

In the Second Crusade, St. Bernard of Clairvaux rode to the Rhine Valley—apparently the worst place in Medieval Europe to be a Jew—and, as told by a Jewish chronicler Ephraim, said, “Anyone who attacks a Jew and tries to kill him is as though he attacks Jesus himself.”

During the Black Death, rumors arose that Jews were poisoning wells and causing the plague deaths. But, “Pope Clement VI, who directed the clergy to protect the Jews, denounced all claims about poisoned wells, and ordered that those who spread the rumor, as well as anyone who harmed Jews, be excommunicated.” In short, attacks on Jews in the Middle Ages almost always arose from “the mob,” and were resisted by the Church hierarchy.

And so through today. Stark goes on to thoroughly debunk the idea that Pope Pius XII was “Hitler’s Pope,” citing the hundreds of thousands of Jews saved by the Church during World War II, some of them sheltered from Nazis in the Vatican itself. In fact, in the years after the war, a number of prominent Jews, such as Golda Meir, praised Pius for his efforts.

Stark is somewhat less objective when it comes to the so-called “lost gospels.” These gospels are, to a great extent, “Gnostic” in character. The trait that characterizes gnosticism, in general, is that it is neither works nor faith that bring salvation, but knowledge. More specifically, it is usually secret knowledge, available only to spiritual adepts, that saves. And even more specifically, that knowledge is often held to be the knowledge that the physical world is a prison, trapping the adept in his or her body and blocking the adept from realizing the soul’s true nature, as a resident of a better, divine realm. Gnostic texts often set out an elaborate metaphysics of this imprisonment, involving multiple levels of divine beings. In particular, one divine being, the demiurge, had fallen from the Pleroma, the divine realm, essentially gone mad, and created a prison—the physical world—in which he could entrap other spiritual beings and garner their worship. Gnostics often identified this crazed divinity with … Jehovah, the Hebrew God.

This may seem mad or it may seem insightful, but Stark adopts an odd way to describe these beliefs: “[For Gnostics] God is the epitome of evil and the gleeful cause of human suffering.” But no gnostic would likely say that about “God” with a capital G: they always seemed to hold that the god who created the physical world was a distinctly lesser divine being, and that “God,” the ultimate divinity, is good and uniting with him is the true goal of Gnostic practice.

Over the nextfew pages, Stark demonstrates that he understands this quite well, and yet he (or perhaps an editor) continues to call the gnostic demiurge “God” with a capital G. It is as though someone took the fact that orthodox Christians believe that there is a fallen divine being, namely Satan, who epitomizes evil, and claimed that therefore Christians believe that God is evil! Gnostic beliefs seem nutty to Stark, and that is understandable: they have so seemed to many others, including the Church fathers. But the way these beliefs are presented is arguably misleading.

Stark’s next chapter debunks the notion that there were massive “forced conversions” to Christianity in late antiquity. His own work (The Rise of Christianity and The Triumph of Christianity) has shown that the main factors prompting conversions were social and doctrinal: “socially, Christianity generated an intense congregational life” and “doctrinally, in contrast to paganism’s belief in limited, unreliable, and often immoral gods, Christianity presented an image of God as moral, concerned, dependable, and omnipotent.” He demonstrates that the Christian emperors continued to employ large numbers of pagans as consuls and prefects. He quotes the Code of Justinian, from as late as the sixth century, declaring: “We especially command those persons who are truly Christians, or who are said to be so, that they should not abuse the authority of religion and dare to lay violent hands on Jews and pagans, who are living quietly and attempting nothing disorderly or contrary to law.” Of course, this means that there were Christians doing these things, but their acts were not official policy.

In another chapter, Stark shows how the belief in a “Dark Age” is essentially dead among serious historians. He quotes Warren Hollister: “To my mind, anyone who believes that the era that witnessed the building of the Chartres Cathedral and the invention of parliament and the university was ‘dark’ must be mentally retarded.…” And he demonstrates that, contrary to the myth promoted by “Enlightenment” thinkers, almost all of the major figures in the scientific revolution were religious, many of them very devout. Isaac Newton, for instance, devoted more time to biblical scholarship than to science or mathematics. The idea of a “Dark Age” was a piece of Enlightenment propaganda.

Stark relates how recent historical research has revealed the Crusades as largely a response to Muslim aggression in the Middle East. Most of the crusaders were motivated by a religious belief that they were on a mission from God, not by a desire to grab wealth from the Muslims. In fact, crusading was expensive and the Crusader states established in the Middle East had to be constantly subsidized by a flow of silver from Europe. The crusaders certainly committed what wetoday would regard as atrocities, but they were the standard for war at that time, and similar acts were committed by Muslim armies.

Stark next turns his attention to the Spanish Inquisition, today a symbol of oppression and persecution. But as Stark makes clear, by the standards of the day, the Spanish Inquisition was actually fairly innocuous. Torture, for instance, was a standard way of getting confessions at the time, and while the Inquisition employed it, it did so within strict guidelines secular courts often lacked. In fact, the Inquisition’s reputation was so much better than that of the secular courts that defendants would try to get their trials moved to an Inquisition venue.

Stark spends some time blowing apart the myth that having faith means rejecting reason. He quotes various Catholic thinkers, such as Quintus Tertullian: “Reason is a thing of God, inasmuch as there is nothing which God the Maker of all has not provided, disposed, ordained by reason—nothing which he has not willed should be handled and understood by reason.” Or, from Clement of Alexandria, we have: “Do not think we say these things [Christian doctrines] are only to be received by faith, but also that they are to be asserted by reason. For indeed it is not safe to commit these things to bare faith without reason, since assuredly truth cannot be without reason.”

The idea that faith is the opposite of reason is a fairly recent idea, and would have stunned most Christians from the time of Christ through the Middle Ages. It is based on a (willful?) misunderstanding of what was meant by “faith.” So, for instance, when Bertrand Russell writes, “We may define ‘faith’ as a firm belief in something for which there is no evidence,” we should recognize this as another piece of propaganda and not a reasoned philosophical position. In fact, “faith,” properly understood, is every bit as necessary to science as it is to Christianity. We might see Michael Polanyi on this point, or consider this passage:

“I’ve found that a big difference between new coders and experienced coders is faith: faith that things are going wrong for a logical and discoverable reason, faith that problems are fixable, faith that there is a way to accomplish the goal. The path from ‘not working’ to ‘working’ might not be obvious, but with patience you can usually find it.” (Emphasis mine.)

Indeed, this is something I continually have to convey to my own computer science students: they must first believe that our whole enterprise is rational, and will make sense given time, before they will be able to commit to making the effort necessary to overcome all the obstacles to understanding they will face along the way. (Believe that they may know?) In any case, as Alfred North Whitehead has noted, science did not develop in Christian civilization by accident: the faith that creation is fundamentally reasonable was the basis for the whole scientific enterprise.

Stark runs into some problems when he attempts to address more technical aspects of the history of science. For instance, he writes, “To make his system work, Copernicus had to postulate that there were loops in the orbits of the heavenly bodies … However, these loops lacked any observational support; had they existed, a heavenly body should have been observed looping.” What are we to make of this? Copernicus introduced epicycles (Stark’s “loops”) precisely to get his system to fit with the observational data! The “observational support” was that, with the loops, Copernicus could predict where planets would appear reasonably well, but without them he could not. Stark writes that “a heavenly body should have been observed looping,” when in fact, for Copernicus, that is exactly what we are observing all the time.

Thanks to Kepler’s discovery of elliptical orbits, we now have a simpler system for explaining these apparent loops, but the point is that Copernicus introduced epicycles as the only way he could envision to explain the actual observations.

Furthermore, Stark seems to think that “loops” had to be introduced into the planets’ circular orbits to get the orbital period correct: “it would not do for the earth to circle the sun in only three hundred days.” But one can always change the diameter or speed of a circular orbit in one’s model and thus get the orbital period correct. The real problem with positing circular orbits instead of the actual elliptical ones has to do with the relationship of different segments of a planet’s orbit, as can be seen with a visual aid:

In the portions of a planet’s orbit where the ellipse is flatter than a circle, the planet will appear to move too fast for it to have a circular orbit. And in the portion of its elliptical orbit where the ellipse is more curved than a circle, the planet will appear to move too slowly.

So the problem is not that circular orbits show planets having years of too short (or too long) a duration—that problem could be trivially corrected. Instead, the problem is that if we mistakenly assume circular orbits, we are left with having to introduce “loops” to explain why some portions of a planet’s orbit proceed faster than other portions.

Stark next addresses the history of the Catholic Church vis-à-vis slavery. He notes that while slavery was hardly questioned in antiquity, the Catholic Church gradually eliminated it in Western Europe during the Middle Ages. When Aquinas condemned slavery as “contrary to natural law,” this soon became the official Church position. Recent controversies concerning Catholic colleges like Georgetown, which did own and sell slaves, make this a pertinent point, as well as the fact that slavery continues across wide parts of the non-Christian world.

Some Church officials, even some popes, continued to own slaves. (But some popes also engaged in fornication and had children out of wedlock, despite official Church opposition to sex outside of marriage: this shows that popes do not always follow Church doctrine, not that Church doctrine permits fornication.) And the Spanish and Portuguese imperialists often continued to enslave people, despite Church opposition. But when Spain colonized the Canary Islands in the early 1400s and started enslaving the islanders, the action prompted Pope Eugene IV to declare that “these people are to be totally and perpetually free and are to be let go without exaction or reception of any money.”

In the 1500s, Pope Paul II asserted that “the same Indians and all other peoples—even though they be outside the faith … should not be deprived of their liberty or their other possessions … and are not to be reduced to slavery.…” The Inquisition took up the matter in the 1600s, and asked:

Whether it is permitted to buy, sell, or make contracts in their respect Blacks and other natives who have harmed no one and have been made captives by force or deceit?

And it declared, “Answer: no.”

In fact, the papacy denounced slavery in 1462, 1537, 1639, 1741, 1815, and 1839.

Stark’s second-to-last chapter shows that the supposed close link between the Church and authoritarianism is actually rather flimsy; for instance, while the Church supported Franco in the Spanish Civil War, it did so because the Republicans were busily murdering Catholic clergy. Stark’s final chapter denies the link between the rise of capitalism and the Protestant Reformation, arguing that all of the necessary ingredients were already present in Scholastic economics, the large-scale enterprises run by monasteries, and the entrepreneurial Italian city-states.

Stark’s overall thesis, that popular history is frequently anti-Catholic in ways that serious historians today recognize as without factual basis, is certainly correct. And he is correct in suggesting that rectifying this bias is important: far too often, the Catholic argument against, say, abortion “rights” is dismissed with a “well, what does one expect from such a pro-slavery, anti-science, anti-Semitic, authoritarian institution?” But the importance of the project makes it unfortunate that Stark has been sloppy in his research in several sections of this work.


Gene Callahan is a Lecturer in Computer Science and Economics at St. Joseph’s College and a Research Fellow at the Collingwood and British Idealism Centre at Cardiff University, Wales. He is the author of Economics for Real People and Oakeshott on Rome and America.

Voir aussi:

A Baptist Scholar Debunks Anti-Catholic Historical Hogwash

In snappy prose, Bearing False Witness looks at the West’s Christian roots.It’s not exactly beach reading, but for those of a certain mind, Rodney Stark’s Bearing False Witness could prove a page turner. The subtitle — academics invariably include subtitles — makes plain that this is no potboiler: Debunking Centuries of Anti-Catholic History. And true to academic form the book includes more than 20 pages of footnotes and citations. Stark, however, has written a wise and rollicking work of intellectual history that should be read by Catholics, non-Catholics, and, really, anyone who wants to comment on the Catholic Church’s proper place in some 2,000 years of history.

Stark is coordinator of the Institute for Studies of Religion at Baylor University, the world’s largest Baptist University, and the author of several books: The Rise of Christianity; For the Glory of God: How Monotheism Led to Reformations, Science, Witch-Hunts, and the End of Slavery; and One True God: Historical Consequences of Monotheism. In short, he’s a distinguished scholar with impeccable academic credentials, and he is working at the top of his game in Bearing False Witness. Of equal importance, he’s not a Roman Catholic. This is no polemic or tract. Stark’s overriding interest is the historical evidence and the most up-to-date scholarship, and he marshals that evidence and scholarship with a great and subdued power.

It all makes for a snappy and instructive read, because the professor actually writes in English, not academic jargon. He never minces words. He’ll tell you what’s historical hogwash and why, and who promoted anti-Catholic history — and who is promoting it today.

It also says something about Bearing False Witness that Stark does not spare himself scrutiny. Right from the start of the book, from the first chapter on “The Sins of Anti-Semitism,” he lets readers know when his past views were out sync with the historical record. He covers it all. In addition to the alleged anti-Semitism early on up to Pope Pius XII’s fabled complicity with Adolf Hitler and the Nazis, he gives us chapters on the Crusaders and the Inquisition and the Dark Ages.

That is, the so-called Dark Ages, for Stark is at his best in showing how an era or age came by its name and how the vast historical evidence belies the easy — or intentionally hostile — handle. Enter the Dark Ages, which is said to have “fallen” over Europe following the fifth-century collapse of Rome and lasted to at least 1300, a benighted millennium hostile to progress and knowledge, thanks to orthodox Christendom. Even the most educated will be forgiven for accepting this view, which writers from Petrarch to Voltaire, Rousseau to Gibbon advanced for their own purposes. Yet, as Stark points out, “serious scholars” have known for decades that this organizing scheme for Western history is a “complete fraud” and, as Warren Hollister wrote, “an indestructible fossil of self-congratulatory Renaissance humanism.”

The Romans may have called the conquering Goths “barbarians,” but their chieftain (Alaric) had been a Roman commander, and many of the soldiers had served in the Roman army. It’s also the case that the “barbarian North” had been under the rule of Rome. While intellectuals have not been able to appreciate the technological, commercial, and moral progress that took place in the small communities of medieval Europe, that doesn’t mean the advances did not take place. On the contrary, revolutions in agriculture, weaponry, nonhuman power (water and wind power), transportation, manufacturing, education (the first universities in Paris and Bologna), and morals (the fall of slavery) occurred. Scholars have concluded that the flowering of science that followed during the Scientific Revolution in the 16th century was “an evolution, not a revolution.” As Stark writes: “Just as Copernicus simply took the next implicit step in the cosmology of his day, so too the flowering of science in that era was the culmination of the gradual progress that had been made over previous centuries.”

All this progress didn’t happen in spite of the Catholic Church or get started only in the fourth century or the 17th century. According to Stark, the rise of the West began late in the second century because of an “extraordinary faith in reason and progress” that originated in Christianity, which held that human reason could unlock God’s creation.

Bearing False Witness deserves a wide audience. It’s full of spunk and verve, wisdom and scholarship.

Voir également:

Catherine Pepinster sees points scored off historical sceptics

Catherine Pepinster

Churchtimes

16 June 2017

Bearing False Witness: Debunking centuries of anti-Catholic history

Rodney Stark

SPCK £14.99

(978-1-911096-62-7)

Church Times

UNTIL a visit to Louisiana a couple of years ago, I had always assumed that slaves were completely brutalised. But, on a tour of a New Orleans 19th-century home, I discovered that the lady of the house had worked closely alongside her slaves in the kitchen. Then I found out that slaves were forbidden to learn to read, and so their mistress had to read them the recipes. It might have not have been violent, but it was a deeply disturbing form of enslavement. Later, a friend told how the nuns at one of Louisiana’s most exclusive Roman Catholic convent schools, who had schooled the daughters of elite white families at that time, had also secretly taught the slave girls who accompanied them to read.

In reading Rodney Stark’s account of anti-Catholic history — a volume that debunks hundreds of years of prejudice, myth, and false allegations — I could set these stories in context. I now know that RC Louisiana’s treatment of slaves was rather different from the rest of North America’s; for it came under France’s Code Noir, influenced by papal teaching that insisted that Africans and Indians should be afforded the same dignity as anyone else.

Stark, an American sociologist as well as popular historian, guides the reader through some of the most controversial accusations that the Catholic Church has faced: its treatment of Jews, its hostility to learning during the so-called Dark Ages, its part in the Crusades, and the Spanish Inquisition. With each chapter comes a useful list of historians who have explored the issue in more detail and are Stark’s key sources.

Protestants, as well as Voltaire and other Enlightenment intellectuals, are identified as the accusers-in-chief, claiming that the Roman Church suppressed truth and destroyed lives. The Crusades? Voltaire and others say they were caused by Catholic bigotry and cruelty; contemporary historians say that they were a response to Christians’ being robbed and enslaved by Muslims. The Dark Ages? Again, Voltaire and co., and also Bertrand Russell, say it was a time of barbarism and the stifling of learning thanks to the Catholic Church. Not so, says Stark, citing more historians: it was the age of building great cathedrals, developing universities and beautiful prose.

As an apologist, Stark seems on shakier ground over his defence of church treatment of Jews and of Galileo. After all, Pope John Paul II saw fit to apologise for the grievous harm that the Church did to them.

This is a story of a Church more sinned against than sinning. But Stark’s most significant conclusion is that papal authority has never been as strong as both its detractors and its most devoted adherents believe. Popes might denounce slavery and torture, but some powerful Roman Catholic monarchs ignored their teaching and carried out atrocities.

The story today is rather different. The RC Church still has its detractors, but in this ecumenical age, they tend to be ardent secularists rather than other Christians. The heirs of Voltaire, one might say.

Catherine Pepinster, a former editor of The Tablet, is UK Development Officer of the Anglican Centre in Rome, and the author of a forthcoming book on the British and the papacy.

Voir de même:

Inventing the Crusades
Thomas F. Madden
First things
June 2009

The Crusades, Christianity, and Islam 
by Jonathan Riley-Smith
columbia university press, 136 pages, $24.50

Within a month of the attacks of September 11, 2001, former president Bill Clinton gave a speech to the students of Georgetown University. As the world tried to make sense of the senseless, Clinton offered his own explanation: “Those of us who come from various European lineages are not blameless,” he declared. “Indeed, in the First Crusade, when the Christian soldiers took Jerusalem, they first burned a synagogue with three hundred Jews in it, and proceeded to kill every woman and child who was Muslim on the Temple Mount. The contemporaneous descriptions of the event describe soldiers walking on the Temple Mount, a holy place to Christians, with blood running up to their knees.

“I can tell you that that story is still being told today in the Middle East, and we are still paying for it,” he concluded, and there is good reason to believe he was right. Osama bin Laden and other Islamists regularly refer to Americans as “Crusaders.” Indeed, bin Laden directed his fatwa authorizing the September 11 attacks against the “Crusaders and Jews.” He later preached that “for the first time the Crusaders have managed to achieve their historic ambitions and dreams against our Islamic umma, gaining control over Islamic holy places and Holy Sanctuaries. . . . Their defeat in Iraq will mean defeat in all their wars and a beginning of the receding of their Zionist–Crusader tide against us.”

Most people in the West do not believe that they have been prosecuting a continuous Crusade against Islam since the Middle Ages. But most do believe that the Crusades started the problems that plague and endanger us today. Westerners in general (and Catholics in particular) find the Crusades a deeply embarrassing episode in their history. As the Ridley Scott movie Kingdom of Heaven graphically proclaimed, the Crusades were unprovoked campaigns of intolerance preached by deranged churchmen and fought by religious zealots against a sophisticated and peaceful Muslim world. According to the Hollywood version, the blind violence of the Crusades gave birth to jihad, as the Muslims fought to defend themselves and their world. And for what? The city of Jerusalem, which was both “nothing and everything,” a place filled with religion that “drives men mad.”

On September 11, 2001, there were only a few professional historians of the Crusades in America. I was the one who was not retired. As a result, my phone began ringing and didn’t stop for years. In the hundreds of interviews I have given since that terrible day, the most common question has been, “How did the Crusades lead to the terrorist attacks against the West today?” I always answered: “They did not. The Crusades were a medieval phenomenon with no connection to modern Islamist terrorism.”

That answer has never gone over well. It seems counterintuitive. If the West sent Crusaders to attack Muslims throughout the Middle Ages, haven’t they a right to be upset? If the Crusades spawned anti-Western jihads, isn’t it reasonable to see them as the root cause of the current jihads? The answer is no, but to understand it requires more than the scant minutes journalists are usually willing to spare. It requires a grasp not only of the Crusades but of the ways those wars have been exploited and distorted for modern agendas.

That answer is now contained in a book, The Crusades, Christianity, and Islam, written by the most distinguished historian of the Crusades, the Cambridge University scholar Jonathan Riley-Smith. A transcription of the Bampton Lectures he delivered in October 2007 at Columbia University, it is a thin book, brimming with insights, approachable by anyone interested in the subject.

It is generally thought that Christians attacked Muslims without provocation to seize their lands and forcibly convert them. The Crusaders were Europe’s lacklands and ne’er-do-wells, who marched against the infidels out of blind zealotry and a desire for booty and land. As such, the Crusades betrayed Christianity itself. They transformed “turn the other cheek” into “kill them all; God will know his own.”

Every word of this is wrong. Historians of the Crusades have long known that it is wrong, but they find it extraordinarily difficult to be heard across a chasm of entrenched preconceptions. For on the other side is, as Riley-Smith puts it “nearly everyone else, from leading churchmen and scholars in other fields to the general public.” There is the great Sir Steven Runciman, whose three-volume History of the Crusades is still a brisk seller for Cambridge University Press a half century after its release. It was Runciman who called the Crusades “a long act of intolerance in the name of God, which is a sin against the Holy Ghost.” The pity of it is that Runciman and the other popular writers simply write better stories than the professional historians.

So we continue to write our scholarly books and articles, learning more and more about the Crusades but scarcely able to be heard. And when we are heard, we are dismissed as daft. I once asked Riley-Smith if he believed popular perceptions of the Crusades would ever be changed by modern scholarship. “I’ve just about given up hope,” he answered. In his new book he notes that in the last thirty years historians have begun to reject “the long-held belief that it [the Crusade movement] was defined solely by its theaters of operation in the Levant and its hostility toward Islam—with the consequence that in their eyes the Muslims move slightly off center stage—and many of them have begun to face up to the ideas and motivation of the Crusaders. The more they do so the more they find themselves contra mundum or, at least, contra mundum Christianum.”

One of the most profound misconceptions about the Crusades is that they represented a perversion of a religion whose founder preached meekness, love of enemies, and nonresistance. Riley-Smith reminds his reader that on the matter of violence Christ was not as clear as pacifists like to think. He praised the faith of the Roman centurion but did not condemn his profession. At the Last Supper he told his disciples, “Let him who has no sword sell his cloak and buy one. For I tell you that this Scripture must be fulfilled in me, And he was reckoned with transgressors.

St. Paul said of secular authorities, “He does not bear the sword in vain; he is the servant of God to execute his wrath on the wrongdoer.” Several centuries later, St. Augustine articulated a Christian approach to just war, one in which legitimate authorities could use violence to halt or avert a greater evil. It must be a defensive war, in reaction to an act of aggression. For Christians, therefore, violence was ethically neutral, since it could be employed either for evil or against it. As Riley-Smith notes, the concept that violence is intrinsically evil belongs solely to the modern world. It is not Christian.

All the Crusades met the criteria of just wars. They came about in reaction attacks against Christians or their Church. The First Crusade was called in 1095 in response to the recent Turkish conquest of Christian Asia Minor, as well as the much earlier Arab conquest of the Christian-held Holy Land. The second was called in response to the Muslim conquest of Edessa in 1144. The third was called in response to the Muslim conquest of Jerusalem and most other Christian lands in the Levant in 1187.

In each case, the faithful went to war to defend Christians, to punish the attackers, and to right terrible wrongs. As Riley-Smith has written elsewhere, crusading was seen as an act of love—specifically the love of God and the love of neighbor. By pushing back Muslim aggression and restoring Eastern Christianity, the Crusaders were—at great peril to themselves—imitating the Good Samaritan. Or, as Innocent II told the Knights Templar, “You carry out in deeds the words of the gospel, ‘Greater love has no man than this, that a man lay down his life for his friends.’”

But the Crusades were not just wars. They were holy wars, and that is what made them different from what came before. They were made holy not by their target but by the Crusaders’ sacrifice. The Crusade was a pilgrimage and thereby an act of penance. When Urban II called the First Crusade in 1095, he created a model that would be followed for centuries. Crusaders who undertook that burden with right intention and after confessing their sins would receive a plenary indulgence. The indulgence was a recognition that they undertook these sacrifices for Christ, who was crucified again in the tribulations of his people.

And the sacrifices were extraordinary. As Riley-Smith writes in this book and his earlier The First ­Crusaders, the cost of crusading was staggering. Without financial assistance, only the wealthy could afford to embark on a Crusade. Many noble families impoverished themselves by crusading.

Historians have long known that the image of the Crusader as an adventurer seeking his fortune is exactly backward. The vast majority of Crusaders returned home as soon as they had fulfilled their vow. What little booty they could acquire was more than spent on the journey itself. One is hard pressed to name a single returning Crusader who broke even, let alone made a profit on the journey. And those who returned were the lucky ones. As Riley-Smith explains, recent studies show that around one-third of knights and nobility died on crusade. The death rates for lower classes were even higher.

One can never understand the Crusades without understanding their penitential character. It was the indulgence that led thousands of men to take on a burden that would certainly cost them dearly. The secular nobility of medieval Europe was a warrior aristocracy. They made their living by the sword. We know from their wills and charters that they were deeply aware of their own sinfulness and anxious over the state of their souls. A Crusade provided a way for them to serve God and to do penance for their sins. It allowed them to use their weapons as a means of their salvation rather than of their damnation.

Of course it was difficult, but that is what penance is supposed to be. As Urban and later Crusade preachers reminded them, Christ Himself had said, “If any man would come after me, let him deny himself and take up his cross and follow me.” As one Crusade preacher wrote, “Those who take the cross deny, that is to say renounce, themselves by exposing themselves to mortal danger, leaving behind their loved ones, using up their goods, carrying their cross, so that afterward they may be carried to heaven by the cross.” The Crusader sewed a cloth cross to his garment to signify his penitential burden and his hope.

Take away penitence and the Crusades cannot be explained. Yet in the seventeenth and eighteenth centuries Protestants and then Enlightenment thinkers rejected the idea of temporal penalties due to sin—along with indulgences, purgatory, and the papacy. How then did they explain the Crusades? Why else would thousands of men march thousands of miles deep into enemy territory, if not for something precious? The first explanation was that they were fooled by the Antichrist: The Catholic Church had convinced the simple that their salvation lay in fighting its battles. Later, with the advent of liberalism, critics assumed that the Crusaders must have had economic motives. They were seeking wealth and simply used religion as a cover for their worldly desires.

In the nineteenth century, the memory of the Crusades became hopelessly entangled with contemporary European imperialism. Riley-Smith tells the fascinating story of Archbishop Charles-Martial Allemand-Lavigerie of Algiers, the founder of the missionary orders of the White Fathers and White Sisters, who worked diligently to establish a new military order resembling the Knights Templar, Teutonic Knights, and the Knights Hospitaller of the Middle Ages. His new order was to be sent to Africa, where it would protect missionaries, fight against the slave trade, and support the progress of French civilization in the continent.

Drawing on money from antislavery societies, Lavigerie purchased lands on the edge of the Saharan Desert to use as a mother house for a new order, L’Institut Religieux et Militaire des Frères Armés du Sahara. The order attracted hundreds of men from all social classes, and in 1891 the first brothers received their white habits emblazoned with red crosses. The dust cover of Riley-Smith’s book is itself a wonderful picture of these brothers at their African home. With palm trees behind them, they look proudly into the camera, each wearing a cross and some holding rifles.

The Institut des Fréres Armés lasted scarcely more than a year before it was scrapped and its founder died, but other attempts to found a military order were made in the nineteenth century, even in Protestant England. All wove together the contrasting threads of Romanticism, imperialism, and the medieval Crusades.

President Clinton is not alone in thinking that the Muslim world is still brooding over the crimes of the Crusaders. It is commonly thought—even by Muslims—that the effects and memory of that trauma have been with the Islamic world since it was first inflicted in the eleventh century. As Riley-Smith explains, however, the Muslim memory of the Crusades is of very recent vintage. Carole Hillenbrand first uncovered this fact in her groundbreaking book The Crusades: Islamic Perspectives. The truth is that medieval Muslims came to realize that the Crusades were religious but had little interest in them. When, in 1291, Muslim armies removed the last vestiges of the Crusader Kingdom from Palestine, the Crusades largely dropped out of Muslim memory.

In Europe, however, the Crusades were a well-remembered formative episode. Europeans, who had bound the Crusades to imperialism, brought the story to the Middle East during the nineteenth century and reintroduced it to the Muslims. Stripping the Crusades of their original purpose, they portrayed the Crusades as Europe’s first colonial venture—the first attempt of the West to bring civilization to the backward Muslim East.

Riley-Smith describes the profound effect that Sir Walter Scott’s novel The Talisman had on European and therefore Middle Eastern opinion of the Crusades. Crusaders such as Richard the Lionhearted were portrayed as boorish, brutal, and childish, while Muslims, particularly Saladin, were tolerant and enlightened gentlemen of the nineteenth century. With the collapse of Ottoman power and the rise of Arab nationalism at the end of the nineteenth century, Muslims bound together these two strands of Crusade narrative and created a new memory in which the Crusades were only the first part of Europe’s assault on Islam—an assault that continued through the modern imperialism of European powers. Europeans reintroduced Saladin, who had been nearly forgotten in the Middle East, and Arab nationalists then cleansed him of his Kurdish ethnicity to create a new anti-Western hero. We saw the result during the run-up to the Iraq War, when Saddam Hussein portrayed himself as a new Saladin who would expel the new Crusaders.

Arab nationalists made good use of the new story of the Crusades during their struggles for independence. Their enemies, the Islamists, then took over the same tool. Osama bin Laden is only the most recent Islamist to adopt this useful myth to characterize the actions of the West as a continual Crusade against Islam.

That is the Crusades’ only connection with modern Islamist terrorism. And yet, so ingrained is this notion that the Crusades began the modern European assault on Islam that many moderate Muslims still believe it. Riley-Smith recounts : “I recently refused to take part in a television series, produced by an intelligent and well-educated Egyptian woman, for whom a continuing Western crusade was an article of faith. Having less to do with historical reality than with reactions to imperialism, the nationalist and Islamist interpretations of crusade history help many people, moderates as well as extremists, to place the exploitation they believe they have suffered in a historical context and to satisfy their feelings of both superiority and humiliation.”

In the Middle East, as in the West, we are left with the gaping chasm between myth and reality. Crusade historians sometimes try to yell across it but usually just talk to each other, while the leading churchmen, the scholars in other fields, and the general public hold to a caricature of the Crusades created by a pox of modern ideologies. If that chasm is ever to be bridged, it will be with well-written and powerful books such as this.

Thomas F. Madden is chair of the department of history at Saint Louis University. He is author of The New Concise History of the Crusades and, most recently, Empires of Trust: How Rome Built—and America Is Building—a New World.

Four Myths about the Crusades

This article first appeared in the print Spring 2011 edition of the Intercollegiate Review.


In 2001, former president Bill Clinton delivered a speech at Georgetown University in which he discussed the West’s response to the recent terrorist attacks of September 11. The speech contained a short but significant reference to the crusades. Mr. Clinton observed that “when the Christian soldiers took Jerusalem [in 1099], they . . . proceeded to kill every woman and child who was Muslim on the Temple Mount.” He cited the “contemporaneous descriptions of the event” as describing “soldiers walking on the Temple Mount . . . with blood running up to their knees.” This story, Mr. Clinton said emphatically, was “still being told today in the Middle East and we are still paying for it.”

This view of the crusades is not unusual. It pervades textbooks as well as popular literature. One otherwise generally reliable Western civilization textbook claims that “the Crusades fused three characteristic medieval impulses: piety, pugnacity, and greed. All three were essential.”1 The film Kingdom of Heaven (2005) depicts crusaders as boorish bigots, the best of whom were torn between remorse for their excesses and lust to continue them. Even the historical supplements for role-playing games—drawing on supposedly more reliable sources—contain statements such as “The soldiers of the First Crusade appeared basically without warning, storming into the Holy Land with the avowed—literally—task of slaughtering unbelievers”;2 “The Crusades were an early sort of imperialism”;3 and “Confrontation with Islam gave birth to a period of religious fanaticism that spawned the terrible Inquisition and the religious wars that ravaged Europe during the Elizabethan era.”4 The most famous semipopular historian of the crusades, Sir Steven Runciman, ended his three volumes of magnificent prose with the judgment that the crusades were “nothing more than a long act of intolerance in the name of God, which is the sin against the Holy Ghost.”5

The verdict seems unanimous. From presidential speeches to role-playing games, the crusades are depicted as a deplorably violent episode in which thuggish Westerners trundled off, unprovoked, to murder and pillage peace-loving, sophisticated Muslims, laying down patterns of outrageous oppression that would be repeated throughout subsequent history. In many corners of the Western world today, this view is too commonplace and apparently obvious even to be challenged.

But unanimity is not a guarantee of accuracy. What everyone “knows” about the crusades may not, in fact, be true. From the many popular notions about the crusades, let us pick four and see if they bear close examination.

Myth #1: The crusades represented an unprovoked attack by Western Christians on the Muslim world.

Nothing could be further from the truth, and even a cursory chronological review makes that clear. In a.d. 632, Egypt, Palestine, Syria, Asia Minor, North Africa, Spain, France, Italy, and the islands of Sicily, Sardinia, and Corsica were all Christian territories. Inside the boundaries of the Roman Empire, which was still fully functional in the eastern Mediterranean, orthodox Christianity was the official, and overwhelmingly majority, religion. Outside those boundaries were other large Christian communities—not necessarily orthodox and Catholic, but still Christian. Most of the Christian population of Persia, for example, was Nestorian. Certainly there were many Christian communities in Arabia.

By a.d. 732, a century later, Christians had lost Egypt, Palestine, Syria, North Africa, Spain, most of Asia Minor, and southern France. Italy and her associated islands were under threat, and the islands would come under Muslim rule in the next century. The Christian communities of Arabia were entirely destroyed in or shortly after 633, when Jews and Christians alike were expelled from the peninsula.6 Those in Persia were under severe pressure. Two-thirds of the formerly Roman Christian world was now ruled by Muslims.

What had happened? Most people actually know the answer, if pressed—though for some reason they do not usually connect the answer with the crusades. The answer is the rise of Islam. Every one of the listed regions was taken, within the space of a hundred years, from Christian control by violence, in the course of military campaigns deliberately designed to expand Muslim territory at the expense of Islam’s neighbors. Nor did this conclude Islam’s program of conquest. The attacks continued, punctuated from time to time by Christian attempts to push back. Charlemagne blocked the Muslim advance in far western Europe in about a.d. 800, but Islamic forces simply shifted their focus and began to island-hop across from North Africa toward Italy and the French coast, attacking the Italian mainland by 837. A confused struggle for control of southern and central Italy continued for the rest of the ninth century and into the tenth. In the hundred years between 850 and 950, Benedictine monks were driven out of ancient monasteries, the Papal States were overrun, and Muslim pirate bases were established along the coast of northern Italy and southern France, from which attacks on the deep inland were launched. Desperate to protect victimized Christians, popes became involved in the tenth and early eleventh centuries in directing the defense of the territory around them.

The surviving central secular authority in the Christian world at this time was the East Roman, or Byzantine, Empire. Having lost so much territory in the seventh and eighth centuries to sudden amputation by the Muslims, the Byzantines took a long time to gain the strength to fight back. By the mid-ninth century, they mounted a counterattack on Egypt, the first time since 645 that they had dared to come so far south. Between the 940s and the 970s, the Byzantines made great progress in recovering lost territories. Emperor John Tzimiskes retook much of Syria and part of Palestine, getting as far as Nazareth, but his armies became overextended and he had to end his campaigns by 975 without managing to retake Jerusalem itself. Sharp Muslim counterattacks followed, and the Byzantines barely managed to retain Aleppo and Antioch.

The struggle continued unabated into the eleventh century. In 1009, a mentally deranged Muslim ruler destroyed the Church of the Holy Sepulchre in Jerusalem and mounted major persecutions of Christians and Jews. He was soon deposed, and by 1038 the Byzantines had negotiated the right to try to rebuild the structure, but other events were also making life difficult for Christians in the area, especially the displacement of Arab Muslim rulers by Seljuk Turks, who from 1055 on began to take control in the Middle East. This destabilized the territory and introduced new rulers (the Turks) who were not familiar even with the patchwork modus vivendi that had existed between most Arab Muslim rulers and their Christian subjects. Pilgrimages became increasingly difficult and dangerous, and western pilgrims began banding together and carrying weapons to protect themselves as they tried to make their way to Christianity’s holiest sites in Palestine: notable armed pilgrimages occurred in 1064–65 and 1087–91.

In the western and central Mediterranean, the balance of power was tipping toward the Christians and away from the Muslims. In 1034, the Pisans sacked a Muslim base in North Africa, finally extending their counterattacks across the Mediterranean. They also mounted counterattacks against Sicily in 1062–63. In 1087, a large-scale allied Italian force sacked Mahdia, in present-day Tunisia, in a campaign jointly sponsored by Pope Victor III and the countess of Tuscany. Clearly the Italian Christians were gaining the upper hand.

But while Christian power in the western and central Mediterranean was growing, it was in trouble in the east. The rise of the Muslim Turks had shifted the weight of military power against the Byzantines, who lost considerable ground again in the 1060s. Attempting to head off further incursions in far-eastern Asia Minor in 1071, the Byzantines suffered a devastating defeat at Turkish hands in the battle of Manzikert. As a result of the battle, the Christians lost control of almost all of Asia Minor, with its agricultural resources and military recruiting grounds, and a Muslim sultan set up a capital in Nicaea, site of the creation of the Nicene Creed in a.d. 325 and a scant 125 miles from Constantinople.

Desperate, the Byzantines sent appeals for help westward, directing these appeals primarily at the person they saw as the chief western authority: the pope, who, as we have seen, had already been directing Christian resistance to Muslim attacks. In the early 1070s, the pope was Gregory VII, and he immediately began plans to lead an expedition to the Byzantines’ aid. He became enmeshed in conflict with the German emperors, however (what historians call “the Investiture Controversy”), and was ultimately unable to offer meaningful help. Still, the Byzantines persisted in their appeals, and finally, in 1095, Pope Urban II realized Gregory VII’s desire, in what turned into the First Crusade. Whether a crusade was what either Urban or the Byzantines had in mind is a matter of some controversy. But the seamless progression of events which lead to that crusade is not.

Far from being unprovoked, then, the crusades actually represent the first great western Christian counterattack against Muslim attacks which had taken place continually from the inception of Islam until the eleventh century, and which continued on thereafter, mostly unabated. Three of Christianity’s five primary episcopal sees (Jerusalem, Antioch, and Alexandria) had been captured in the seventh century; both of the others (Rome and Constantinople) had been attacked in the centuries before the crusades. The latter would be captured in 1453, leaving only one of the five (Rome) in Christian hands by 1500. Rome was again threatened in the sixteenth century. This is not the absence of provocation; rather, it is a deadly and persistent threat, and one which had to be answered by forceful defense if Christendom were to survive. The crusades were simply one tool in the defensive options exercised by Christians.

To put the question in perspective, one need only consider how many times Christian forces have attacked either Mecca or Medina. The answer, of course, is never.7

Myth #2: Western Christians went on crusade because their greed led them to plunder Muslims in order to get rich.

Again, not true. One version of Pope Urban II’s speech at Clermont in 1095 urging French warriors to embark on what would become known as the First Crusade does note that they might “make spoil of [the enemy’s] treasures,”8 but this was no more than an observation on the usual way of financing war in ancient and medieval society. And Fulcher of Chartres did write in the early twelfth century that those who had been poor in the West had become rich in the East as a result of their efforts on the First Crusade, obviously suggesting that others might do likewise.9 But Fulcher’s statement has to be read in its context, which was a chronic and eventually fatal shortage of manpower for the defense of the crusader states. Fulcher was not being entirely deceitful when he pointed out that one might become rich as a result of crusading. But he was not being entirely straightforward either, because for most participants, crusading was ruinously expensive.

As Fred Cazel has noted, “Few crusaders had sufficient cash both to pay their obligations at home and to support themselves decently on a crusade.”10 From the very beginning, financial considerations played a major role in crusade planning. The early crusaders sold off so many of their possessions to finance their expeditions that they caused widespread inflation. Although later crusaders took this into account and began saving money long before they set out, the expense was still nearly prohibitive. Despite the fact that money did not yet play a major role in western European economies in the eleventh century, there was “a heavy and persistent flow of money” from west to east as a result of the crusades, and the financial demands of crusading caused “profound economic and monetary changes in both western Europe and the Levant.”11

One of the chief reasons for the foundering of the Fourth Crusade, and its diversion to Constantinople, was the fact that it ran out of money before it had gotten properly started, and was so indebted to the Venetians that it found itself unable to keep control of its own destiny. Louis IX’s Seventh Crusade in the mid-thirteenth century cost more than six times the annual revenue of the crown.

The popes resorted to ever more desperate ploys to raise money to finance crusades, from instituting the first income tax in the early thirteenth century to making a series of adjustments in the way that indulgences were handled that eventually led to the abuses condemned by Martin Luther. Even by the thirteenth century, most crusade planners assumed that it would be impossible to attract enough volunteers to make a crusade possible, and crusading became the province of kings and popes, losing its original popular character. When the Hospitaller Master Fulk of Villaret wrote a crusade memo to Pope Clement V in about 1305, he noted that “it would be a good idea if the lord pope took steps enabling him to assemble a great treasure, without which such a passage [crusade] would be impossible.”12 A few years later, Marino Sanudo estimated that it would cost five million florins over two years to effect the conquest of Egypt. Although he did not say so, and may not have realized it, the sums necessary simply made the goal impossible to achieve. By this time, most responsible officials in the West had come to the same conclusion, which explains why fewer and fewer crusades were launched from the fourteenth century on.

In short: very few people became rich by crusading, and their numbers were dwarfed by those who were bankrupted. Most medieval people were quite well aware of this, and did not consider crusading a way to improve their financial situations.13

Myth #3: Crusaders were a cynical lot who did not really believe their own religious propaganda; rather, they had ulterior, materialistic motives.

This has been a very popular argument, at least from Voltaire on. It seems credible and even compelling to modern people, steeped as they are in materialist worldviews. And certainly there were cynics and hypocrites in the Middle Ages—beneath the obvious differences of technology and material culture, medieval people were just as human as we are, and subject to the same failings.

However, like the first two myths, this statement is generally untrue, and demonstrably so. For one thing, the casualty rates on the crusades were usually very high, and many if not most crusaders left expecting not to return. At least one military historian has estimated the casualty rate for the First Crusade at an appalling 75 percent, for example.14 The statement of the thirteenth-century crusader Robert of Crésèques, that he had “come from across the sea in order to die for God in the Holy Land”15—which was quickly followed by his death in battle against overwhelming odds—may have been unusual in its force and swift fulfillment, but it was not an atypical attitude. It is hard to imagine a more conclusive way of proving one’s dedication to a cause than sacrificing one’s life for it, and very large numbers of crusaders did just that.

But this assertion is also revealed to be false when we consider the way in which the crusades were preached. Crusaders were not drafted. Participation was voluntary, and participants had to be persuaded to go. The primary means of persuasion was the crusade sermon, and one might expect to find these sermons representing crusading as profoundly appealing.

This is, generally speaking, not the case. In fact, the opposite is true: crusade sermons were replete with warnings that crusading brought deprivation, suffering, and often death. That this was the reality of crusading was well known anyway. As Jonathan Riley-Smith has noted, crusade preachers “had to persuade their listeners to commit themselves to enterprises that would disrupt their lives, possibly impoverish and even kill or maim them, and inconvenience their families, the support of which they would . . . need if they were to fulfill their promises.”16

So why did the preaching work? It worked because crusading was appealing precisely because it was a known and significant hardship, and because undertaking a crusade with the right motives was understood as an acceptable penance for sin. Far from being a materialistic enterprise, crusading was impractical in worldly terms, but valuable for one’s soul. There is no space here to explore the doctrine of penance as it developed in the late antique and medieval worlds, but suffice it to say that the willing acceptance of difficulty and suffering was viewed as a useful way to purify one’s soul (and still is, in Catholic doctrine today). Crusading was the near-supreme example of such difficult suffering, and so was an ideal and very thorough-going penance.

Related to the concept of penance is the concept of crusading as an act of selfless love, of “laying down one’s life for one’s friends.”17 From the very beginning, Christian charity was advanced as a reason for crusading, and this did not change throughout the period. Jonathan Riley-Smith discussed this aspect of crusading in a seminal article well-known to crusade historians but inadequately recognized in the wider scholarly world, let alone by the general public. “For Christians . . . sacred violence,” noted Riley-Smith,

cannot be proposed on any grounds save that of love, . . . [and] in an age dominated by the theology of merit this explains why participation in crusades was believed to be meritorious, why the expeditions were seen as penitential acts that could gain indulgences, and why death in battle was regarded as martyrdom. . . . As manifestations of Christian love, the crusades were as much the products of the renewed spirituality of the central Middle Ages, with its concern for living the vita apostolica and expressing Christian ideals in active works of charity, as were the new hospitals, the pastoral work of the Augustinians and Premonstratensians and the service of the friars. The charity of St. Francis may now appeal to us more than that of the crusaders, but both sprang from the same roots.18

As difficult as it may be for modern people to believe, the evidence strongly suggests that most crusaders were motivated by a desire to please God, expiate their sins, and put their lives at the service of their “neighbors,” understood in the Christian sense.

Myth #4: The crusades taught Muslims to hate and attack Christians.

Part of the answer to this myth may be found above, under Myth #1. Muslims had been attacking Christians for more than 450 years before Pope Urban declared the First Crusade. They needed no incentive to continue doing so. But there is a more complicated answer here, as well.

Up until quite recently, Muslims remembered the crusades as an instance in which they had beaten back a puny western Christian attack. An illuminating vignette is found in one of Lawrence of Arabia’s letters, describing a confrontation during post–World War I negotiations between the Frenchman Stéphen Pichon and Faisal al-Hashemi (later Faisal I of Iraq). Pichon presented a case for French interest in Syria going back to the crusades, which Faisal dismissed with a cutting remark: “But, pardon me, which of us won the crusades?”19

This was generally representative of the Muslim attitude toward the crusades before about World War I—that is, when Muslims bothered to remember them at all, which was not often. Most of the Arabic-language historical writing on the crusades before the mid-nineteenth century was produced by Arab Christians, not Muslims, and most of that was positive.20 There was no Arabic word for “crusades” until that period, either, and even then the coiners of the term were, again, Arab Christians. It had not seemed important to Muslims to distinguish the crusades from other conflicts between Christianity and Islam.21

Nor had there been an immediate reaction to the crusades among Muslims. As Carole Hillenbrand has noted, “The Muslim response to the coming of the Crusades was initially one of apathy, compromise and preoccupation with internal problems.”22 By the 1130s, a Muslim counter-crusade did begin, under the leadership of the ferocious Zengi of Mosul. But it had taken some decades for the Muslim world to become concerned about Jerusalem, which is usually held in higher esteem by Muslims when it is not held by them than when it is. Action against the crusaders was often subsequently pursued as a means of uniting the Muslim world behind various aspiring conquerors, until 1291, when the Christians were expelled from the Syrian mainland. And—surprisingly to Westerners—it was not Saladin who was revered by Muslims as the great anti-Christian leader. That place of honor usually went to the more bloodthirsty, and more successful, Zengi and Baibars, or to the more public-spirited Nur al-Din.

The first Muslim crusade history did not appear until 1899. By that time, the Muslim world was rediscovering the crusades—but it was rediscovering them with a twist learned from Westerners. In the modern period, there were two main European schools of thought about the crusades. One school, epitomized by people like Voltaire, Gibbon, and Sir Walter Scott, and in the twentieth century Sir Steven Runciman, saw the crusaders as crude, greedy, aggressive barbarians who attacked civilized, peace-loving Muslims to improve their own lot. The other school, more romantic and epitomized by lesser-known figures such as the French writer Joseph-François Michaud, saw the crusades as a glorious episode in a long-standing struggle in which Christian chivalry had driven back Muslim hordes. In addition, Western imperialists began to view the crusaders as predecessors, adapting their activities in a secularized way that the original crusaders would not have recognized or found very congenial.

At the same time, nationalism began to take root in the Muslim world. Arab nationalists borrowed the idea of a long-standing European campaign against them from the former European school of thought—missing the fact that this was a serious mischaracterization of the crusades—and using this distorted understanding as a way to generate support for their own agendas. This remained the case until the mid-twentieth century, when, in Riley-Smith’s words, “a renewed and militant Pan-Islamism” applied the more narrow goals of the Arab nationalists to a worldwide revival of what was then called Islamic fundamentalism and is now sometimes referred to, a bit clumsily, as jihadism.23 This led rather seamlessly to the rise of Osama bin Laden and al-Qaeda, offering a view of the crusades so bizarre as to allow bin Laden to consider all Jews to be crusaders and the crusades to be a permanent and continuous feature of the West’s response to Islam.

Bin Laden’s conception of history is a feverish fantasy. He is no more accurate in his view about the crusades than he is about the supposed perfect Islamic unity which he thinks Islam enjoyed before the baleful influence of Christianity intruded. But the irony is that he, and those millions of Muslims who accept his message, received that message originally from their perceived enemies: the West.

So it was not the crusades that taught Islam to attack and hate Christians. Far from it. Those activities had preceded the crusades by a very long time, and stretch back to the inception of Islam. Rather, it was the West which taught Islam to hate the crusades. The irony is rich.

Back to the Present

Let us return to President Clinton’s Georgetown speech. How much of his reference to the First Crusade was accurate?

It is true that many Muslims who had surrendered and taken refuge under the banners of several of the crusader lords—an act which should have granted them quarter—were massacred by out-of-control troops. This was apparently an act of indiscipline, and the crusader lords in question are generally reported as having been extremely angry about it, since they knew it reflected badly on them.24 To imply—or plainly state—that this was an act desired by the entire crusader force, or that it was integral to crusading, is misleading at best. In any case, John France has put it well: “This notorious event should not be exaggerated. . . . However horrible the massacre . . . it was not far beyond what common practice of the day meted out to any place which resisted.”25 And given space, one could append a long and bloody list, stretching back to the seventh century, of similar actions where Muslims were the aggressors and Christians the victims. Such a list would not, however, have served Mr. Clinton’s purposes.

Mr. Clinton was probably using Raymond of Aguilers when he referred to “blood running up to [the] knees” of crusaders.26 But the physics of such a claim are impossible, as should be apparent. Raymond was plainly both bragging and also invoking the imagery of the Old Testament and the Book of Revelation.27 He was not offering a factual account, and probably did not intend the statement to be taken as such.

As for whether or not we are “still paying for it,” see Myth #4, above. This is the most serious misstatement of the whole passage. What we are paying for is not the First Crusade, but western distortions of the crusades in the nineteenth century which were taught to, and taken up by, an insufficiently critical Muslim world.

The problems with Mr. Clinton’s remarks indicate the pitfalls that await those who would attempt to explicate ancient or medieval texts without adequate historical awareness, and they illustrate very well what happens when one sets out to pick through the historical record for bits—distorted or merely selectively presented—which support one’s current political agenda. This sort of abuse of history has been distressingly familiar where the crusades are concerned.

But nothing is served by distorting the past for our own purposes. Or rather: a great many things may be served . . . but not the truth. Distortions and misrepresentations of the crusades will not help us understand the challenge posed to the West by a militant and resurgent Islam, and failure to understand that challenge could prove deadly. Indeed, it already has. It may take a very long time to set the record straight about the crusades. It is long past time to begin the task.

Notes

  1. Warren Hollister, J. Sears McGee, and Gale Stokes, The West Transformed: A History of Western Civilization, vol. 1 (New York: Cengage/Wadsworth, 2000), 311.
  2. R. Scott Peoples, Crusade of Kings (Rockville, MD: Wildside, 2009), 7.
  3. Ibid.
  4. The Crusades: Campaign Sourcebook, ed. Allen Varney (Lake Geneva, WI: TSR, 1994), 2.
  5. Sir Steven Runciman, A History of the Crusades: Vol. III, The Kingdom of Acre and the Later Crusades (Cambridge: Cambridge University Press, 1954), 480.
  6. Francesco Gabrieli, The Arabs: A Compact History, trans. Salvator Attanasio (New York: Hawthorn Books, 1963), 47.
  7. Reynald of Châtillon’s abortive expedition into the Red Sea, in 1182–83, cannot be counted, as it was plainly a geopolitical move designed to threaten Saladin’s claim to be the protector of all Islam, and just as plainly had no hope of reaching either city.
  8. “The Version of Baldric of Dol,” in The First Crusade: The Chronicle of Fulcher of Chartres and other source materials, 2nd ed., ed. Edward Peters (Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 1998), 32.
  9. Ibid., 220–21.
  10. Fred Cazel, “Financing the Crusades,” in A History of the Crusades, ed. Kenneth Setton, vol. 6 (Madison, WI: University of Wisconsin Press, 1989), 117.
  11. John Porteous, “Crusade Coinage with Greek or Latin Inscriptions,” in A History of the Crusades, 354.
  12. “A memorandum by Fulk of Villaret, master of the Hospitallers, on the crusade to regain the Holy Land, c. 1305,” in Documents on the Later Crusades, 1274–1580, ed. and trans. Norman Housley (New York: St. Martin’s Press, 1996), 42.
  13. Norman Housley, “Costing the Crusade: Budgeting for Crusading Activity in the Fourteenth Century,” in The Experience of Crusading, ed. Marcus Bull and Norman Housley, vol. 1 (Cambridge: Cambridge University Press, 2003), 59.
  14. John France, Victory in the East: A Military History of the First Crusade (Cambridge: Cambridge University Press, 1994), 142. Not all historians agree; Jonathan Riley-Smith thinks it was probably lower, though he does not indicate just how much lower. See Riley-Smith, “Casualties and Knights on the First Crusade,” Crusades 1 (2002), 17–19, suggesting casualties of perhaps 34 percent, higher than those of the Wehrmacht in World War II, which were themselves very high at about 30 percent. By comparison, American losses in World War II in the three major service branches ranged between about 1.5 percent and 3.66 percent.
  15. The ‘Templar of Tyre’: Part III of the ‘Deeds of the Cypriots,’ trans. Paul F. Crawford (Burlington, VT: Ashgate, 2003), §351, 54.
  16. Jonathan Riley-Smith, The Crusades, Christianity, and Islam (New York: Columbia University Press, 2008), 36.
  17. John 15:13.
  18. Jonathan Riley-Smith, “Crusading as an Act of Love,” History 65 (1980), 191–92.
  19. Letter from T. E. Lawrence to Robert Graves, 28 June 1927, in Robert Graves and B. H. Liddell-Hart, T. E. Lawrence to His Biographers (Garden City, NY: Doubleday, 1938), 52, note.
  20. Riley-Smith, The Crusades, Christianity, and Islam, 71.
  21. Jonathan Riley-Smith, “Islam and the Crusades in History,” Crusades 2 (2003), 161.
  22. Carole Hillenbrand, The Crusades: Islamic Perspectives, (New York: Routledge, 2000), 20.
  23. Riley-Smith, Crusading, Christianity, and Islam, 73.
  24. There is some disagreement in the primary sources on the question of who was responsible for the deaths of these refugees; the crusaders knew that a large Egyptian army was on its way to attack them, and there does seem to have been a military decision a day or two later that they simply could not risk leaving potential enemies alive. On the question of the massacre, see Benjamin Kedar, “The Jerusalem Massacre of July 1099 in the Western Historiography of the Crusades,” Crusades 3 (2004), 15–75.
  25. France, Victory in the East, 355–56.
  26. Raymond of Aguilers, in August C. Krey, The First Crusade: The Accounts of Eye-witnesses and Participants (Princeton: Princeton University Press, 1921), 262.
  27. Revelation 14:20.

Le pape François et la Chanson de Roland

Le Pape François compare la Chanson de Roland au djihadisme et la juge « inacceptable » en raison de sa célébration de la Reconquista

BREIZATAO – ETREBROADEL (19/11/2019) Lors d’une audience accordée à l’Institut pour le Dialogue Interreligieux d’Argentine, l’actuel Pape Jorge Bergoglio s’en est violemment pris aux chevaliers de Charlemagne qui ont prêté main forte aux Espagnols pour stopper l’assaut islamique contre l’Europe chrétienne.

Presse du Vatican (source) :

Dans le monde précaire d’aujourd’hui, le dialogue entre les religions n’est pas un signe de faiblesse. Elle trouve sa propre raison d’être dans le dialogue de Dieu avec l’humanité. Il s’agit de changer les attitudes historiques. Une scène de la Chanson de Roland me vient à l’esprit comme un symbole, quand les chrétiens battent les musulmans et les mettent tous en ligne devant les fonts baptismaux, et un avec une épée. Et les musulmans devaient choisir entre le baptême ou l’épée. C’est ce que les chrétiens ont fait. C’était une mentalité que nous ne pouvons plus accepter, ni comprendre, ni faire fonctionner. Prenons soin des groupes fondamentalistes, chacun a le sien. En Argentine, il y a un petit coin fondamentaliste. Et essayons avec la fraternité d’aller de l’avant. Le fondamentalisme est un fléau et toutes les religions ont une sorte de cousin germain fondamentaliste, qui est regroupé.

La Chanson de Roland n’est pas le reportage détaillé d’un journaliste mais un poème épique rédigé au 11ème siècle et qui traite, 3 siècles après les faits, de l’histoire de Roland de Ronceveaux, un guerrier franc parti combattre l’envahisseur musulman en Espagne aux côtés de Charlemagne.

Il s’agissait alors de ralentir l’invasion islamique qui menaçait la Chrétienté d’Occident et la France.

Dans ce contexte, on ne peut qu’être stupéfait par la dénonciation bergoglienne des « conversions forcées » de mahométans par les Francs partis porter secours aux Espagnols, les seuls véritablement obligés de se convertir à l’époque.

L’intention de l’occupant du Vatican est particulièrement perverse et vise à établir un parallèle surréel entre la campagne de Charlemagne et les massacres de masse perpétrés par les musulmans contre les Chrétiens au 21ème siècle.

Les victimes chrétiennes, selon Bergoglio, deviennent les coupables, dans l’Espagne du 8ème siècle tout comme dans l’Europe et l’Orient du 21ème siècle.

Cette nouvelle provocation du chef de l’Eglise Catholique s’ajoute à une longue série de propos incendiaires en faveur l’immigration de masse et de l’islam en Europe. Déclarations qui l’ont très largement marginalisé, y compris au sein des derniers pans de la population qui se dit catholique et pratiquante.

Caricature du curé gauchiste octogénaire, Bergoglio ne choque plus tant qu’il ne lasse une Europe déjà saturée de sermons iréniques sur l’islam alors que le terrorisme musulman prend toujours plus d’ampleur.

Pour rester sur une note positive, on écoutera ou réécoutera la Chanson de Roland qui, n’en déplaise au Pape de l’islam, exalte l’esprit de résistance face à l’invasion du fanatisme islamique.

A Kinder, Gentler Inquisition
A new revisionist study of the Spanish tribunal asserts that it wasn’t as bad as previously thought. Read the First Chapter

Richard L. Kagan

April 19, 1998

THE SPANISH INQUISITION
A Historical Revision.
By Henry Kamen.
Illustrated. 369 pp. New Haven:
Yale University Press. $35.

At the start of this century Henry Charles Lea, a Philadelphia businessman turned historian, published his monumental  »History of the Inquisition in Spain. » The Spanish Inquisition had been studied before, primarily by Protestant scholars for whom it had become the archsymbol of religious intolerance and ecclesiastical power. William H. Prescott, the great Boston historian, likened it to an  »eye that never slumbered, » a malevolent Argus assisted by legions of spies on the lookout for deviance. His disciple, J. L. Motley, thought similarly, and so did Lea, although the Philadelphian was determined to document the Inquisition’s methods and modes of operation. Lea described it as  »an engine of immense power, constantly applied for the furtherance of obscurantism, the repression of thought, the exclusion of foreign ideas and the obstruction of progress. » For him the Inquisition also exemplified  »theocratic absolutism » at its worst, a power that had so weakened Spain that it was helpless in the face of Yankee might to defend what little remained of its vast overseas empire during the Spanish-American War of 1898.

Starting in the 1920’s, Jewish scholars took up where Lea left off. Although the Inquisition was created exclusively for the purpose of dealing with the problem of Judaizing among Spain’s large population of conversos (Jews converted to Christianity), for centuries it had been associated primarily with the persecution of Protestants. Nineteenth-century historians, including the Spanish scholar Amador de los Rios, helped changed this perception. So too did Yitzhak Baer’s  »History of the Jews in Christian Spain, » Cecil Roth’s  »History of the Marranos » and, after World War II, the work of Haim Beinart, an Israeli scholar, who for the first time published trial transcripts of cases involving conversos.

Throughout it all, the Inquisition remained the Spanish antecedent of the K.G.B. Among the first books to challenge this view was  »The Spanish Inquisition » (1965), a pioneering study in which Henry Kamen, a young British graduate student, argued that the Inquisition was not nearly as cruel or as powerful as commonly believed, let alone an institution capable of precipitating Spain’s decline. That book, though controversial, was partly responsible for a surge of quantitative studies, starting in the 70’s, that attempted to classify and measure the extent of the Inquisition’s activities from 1480, the year its first tribunal began work in Seville, until 1834, when it was abolished. These studies indicated that following an initial burst of activity against conversos suspected of relapsing into Judaism and a mid-16th-century pursuit of Protestants, the Inquisition served principally as a forum Spaniards occasionally used to humiliate and punish people they did not like: blasphemers, bigamists, foreigners and, in Aragon, homosexuals and horse smugglers.

This new scholarship also confirmed Kamen’s contention that the Inquisition had relatively little impact on Spanish intellectual life. In fact, during its last two centuries, other than persecuting hundreds of Portuguese conversos who emigrated to Spain in the 17th century, the Inquisition busied itself mainly with cases designed to protect its authority and to exempt its notorious henchmen, the familiares — laymen who served as the institution’s supporters and occasional spies — from the jurisdiction of civil courts. Kamen incorporated these findings in a revised version of his original study published as  »Inquisition and Society in Spain in the 16th and 17th Centuries » (1985).

In  »The Spanish Inquistion: A Historical Revision, » to my mind the best general book on the Spanish Inquisition both for its range and its depth of information, Kamen restates his original argument, supporting it with additional evidence derived from many new monographic studies by other scholars. He reaffirms his contention that an all-powerful, torture-mad Inquisition is largely a 19th-century myth. In its place he portrays a poor, understaffed institution whose scattered tribunals had only a limited reach and whose methods were more humane than those of most secular courts. Death by fire, he asserts, was the exception, not the rule. He further argues that, beyond a few well-publicized autos de fe staged in 1559, the Inquisition was not the principal reason the Reformation did not take hold in Spain. Kamen believes the failure of Lutheran ideas in Spain had less to do with the Inquisition than with the populace’s indifference to Protestantism. As for the Inquisition’s much-vaunted role as Big Brother and its responsibility for intellectual decline, Kamen rejects this hypothesis out of hand, arguing that it was ineffective as a censor and that it failed even to prevent the importation of items listed on its own Index of Prohibited Books. The Inquisition, more interested in religion than science, did little to prevent the circulation of works by Copernicus, Galileo and Kepler.

Kamen also dismisses the notion that the Inquisition enjoyed widespread popular support. People grudgingly accepted it, he avers, as an institution they employed to torment their enemies. Similarly, the monarchy, despite complaints that the Inquisitors regularly interfered with the administration of royal justice, supported it as a useful means of getting political opponents out of the way, as it did in 1590 when Philip II turned to this tribunal and its tradition of secret proceedings to silence Lucrecia de Leon, a prophetess in Madrid who had criticized the King and his policies.

More controversial is Kamen’s interpretation of its handling of converted Jews, especially during the 1480’s, when, as a  »crisis instrument » created especially to deal with apostasy among conversos, the Inquisition was, by Kamen’s own admission, out of control.  »There is, » he writes,  »no systematic evidence that conversos as a group were secret Jews, » although the evidence for that assertion is ambiguous. Nor does he believe these conversos were persecuted solely out of racial enmity. He admits conversos suffered from a rising tide of anti-Semitism during the 1480’s that eventually led to the expulsion of Spain’s much diminished Jewish community in 1492. The conversos’ troubles, he asserts, were partly self-inflicted: the result of claims to be a  »nation » apart, neither Christian nor Jewish, a reluctance to assimilate (a similar attitude, he claims, contributed to the expulsion of the remnants of Spain’s Muslims in 1609), and also from personal enmities among the converso community, a situation that led to thousands of unwarranted denunciations and trials. Despite this fury, Kamen believes that most conversos escaped unharmed and led a  »relatively undisturbed » life by the close of the 16th century.

One weakness of this argument, and indeed of the whole book, is that Kamen, anxious to counter the 19th-century conception of the Inquisition as a monster that ultimately consumed Spain, fails to get inside the belly of the beast and to assess what it actually meant to individuals living with it. Little is said, for example, about the Inquisitors themselves, and what they sought to achieve beyond a confession of a guilt. Recent studies suggest that they were not faceless bureaucrats but law graduates with varying interests and career aims. Some were even capable of fraternizing with the people they investigated. Nor does Kamen lead the reader through an actual trial. Had he done so, a reader might conclude that the institution he portrays as relatively benign in hindsight was also capable of inspiring fear and desperate attempts at escape, and thus more deserving of its earlier reputation. More too might have been said about the lawyers who intervened in the trials and manipulated its procedures, along with the ploys, like bribes and pleas of insanity, that defendants used to bring the inquisitorial machinery to a halt.

In the end, Kamen’s Inquisition is the Inquisition seen from afar, and, despite his attempted revision, his survey is essentially one whose agenda was set long ago by Prescott, Lea and the others that he set out to refute. To make sense of it, a new, more nuanced evaluation is necessary, one that not only gives the Inquisition more of a human face but also examines it from the perspective of its times. Also necessary are studies that actually use its archives — for all its infamy, it kept excellent records — to reconstruct the world of the individuals, converso or otherwise, who became entangled in its net. Otherwise, it is likely that the Spanish Inquisition will forever remain, as Lea conceived it,  »an engine of immense power. »

Richard L. Kagan is a professor of history and the director of the Program in Iberian and Latin American Studies at Johns Hopkins University. His  »Urban Images of the Hispanic World » will be published later this year.

Historiquement correct
Pour en finir avec le passé unique
André Larané
Hérodote

2014-06-16

Nous avons lu : Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique (Perrin, mars 2003, 452 pages, 21,50 euros), par Jean Sévillia, rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine.
Historiquement correct (Perrin) est un pamphlet dédié aux hommes politiques qui traitent de l’Histoire à tort et à travers.

L’auteur, Jean Sévillia, ne cache pas son aversion pour la gauche. Il a la dent dure contre les politiciens qui conjuguent leur ignorance de l’Histoire et leur parti-pris idéologique.

Faut-il des noms ? Ils sont connus de tous les lecteurs de la presse française et l’auteur de Historiquement correct ne se fait pas faute de les rappeler, citations à l’appui.

En journaliste plus qu’en historien, il montre comment on peut déformer l’Histoire pour la mettre à son service ou cacher des vérités troublantes.

Il rappelle le racisme de Voltaire, les crimes commis contre les Vendéens, l’idéologie colonialiste des dirigeants de la IIIe République, la contribution des leaders de gauche au régime de Vichy.

Historiquement correct comporte 18 chapitres qui chacun se rapporte à une phase de l’Histoire. Cela va de la féodalité à la guerre d’Algérie en passant par les Croisades, l’Inquisition espagnole, la Terreur, la Commune, la Résistance et la Collaboration… Autant de sujets polémiques sur lesquels se déchirent les néophytes et les idéologues mais sur lesquels s’accordent la plupart des historiens, attentifs aux faits et aux sources de première main.

Ainsi, à propos de la féodalité et du Moyen Âge, l’auteur a beau jeu de rappeler qu’elle ne mérite pas les clichés méprisants du XVIIIe siècle. Les médiévistes contemporains, de Régine Pernoud à Jacques Le Goff en passant par Jacques Heers, ont fait litière de ces préjugés et montré comment, sous l’égide du clergé catholique, les peuples de l’Occident ont jeté les bases de la démocratie, de la laïcité, de l’émancipation des femmes etc.

À propos des croisades, Jean Sévillia signale qu’elles furent avant tout une manifestation de foi populaire et une réaction de défense des Européens dans une époque très critique de leur Histoire. Les excès et les massacres qu’on peut leur attribuer ne sortent hélas pas de l’ordinaire de l’époque (et sont plutôt moins choquants que les horreurs du début du XXe siècle).

Pire que le Goulag ( *), l’ Inquisition ! Contre l’imagerie traditionnelle colportée par les protestants anglais et les philosophes français qui fait de l’Inquisition espagnole l’horreur absolue, on rappelle que ses victimes se comptent au nombre de quelques milliers en l’espace de trois siècles.

Venons-en au XVIIIe siècle français. «Voilà un aspect des Lumières qui est aujourd’hui soigneusement caché : le racisme», dit fort justement l’auteur de Historiquement correct. Voltaire, le grand Voltaire, écrit dans Essai sur les moeurs et l’esprit des moeurs : «Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différents».

En écrivant cela, le pourfendeur du clergé prend le contrepied de l’enseignement religieux qui, depuis Saint Paul, n’a de cesse de souligner l’unicité de la condition humaine. Malheureusement, aux XIXe et XXe siècles, le triste enseignement de Voltaire sera mieux suivi que celui de Saint Paul. Faut-il insister ? Le Siècle des Lumières fut aussi le grand siècle de la traite atlantique et les «philosophes» ne furent pas les derniers à placer leurs économies dans le trafic d’esclaves.

Jean Sévillia a beau jeu de rappeler les crimes commis pendant la Révolution française, sous la Terreur, au nom de la Liberté, mais curieusement ne s’appesantit pas sur Napoléon Bonaparte, dont les actions ont peu de rapport avec la légende. De même, il ne manque pas de rappeler les exactions des Communards de 1871 mais néglige la responsabilité d’ Adolphe Thiers dans cette tragédie.

Plus près de nous, Historiquement correct témoigne de la grande confusion idéologique qui a conduit en France les républicains de gauche à se faire les apologues de la colonisation à la fin du XIXe siècle et à défendre la présence française en Algérie après la seconde guerre mondiale.

De la même façon, peut-on ignorer la contribution de plusieurs dirigeants socialistes ou communistes au gouvernement du maréchal Pétain (Doriot, Déat, Laval, Belin…), tandis que des officiers catholiques et parfois monarchistes s’engageaient dès les débuts de l’occupation allemande dans la Résistance ( d’Estienne d’Orves, Leclerc de Hauteclocque, de Gaulle…) ?

Et quel est l’extrémiste qui confie les lignes suivantes à son journal intime, en juillet 1940 ? «J’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le général de Gaulle l’emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive, c’est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabées. » C’est le philosophe Alain, radical et pacifiste, grande conscience de la IIIe République… (pages 367-368).

Discussions en perspective
Le ton de l’essai est vif. Les thèmes abordés sont aussi passionnants les uns que les autres et bien documentés. De quoi nourrir de passionnants débats entre amis. Mais ne prenons pas au pied de la lettre toutes les analyses de Historiquement correct.

Jean Sévillia se montre trop indulgent pour certains personnages (Thiers, Bonaparte…) et lui-même ne se gêne pas pour occulter des faits qui heurtent ses convictions. L’Histoire n’est ni à droite ni à gauche. Elle est tissée de compromis imposés par les circonstances.

Contre l’historiquement correct

René Schleiter
Polemia
4 mai 2003

« Quelle époque peut mieux que la nôtre comprendre l’inquisition médiévale à condition que nous transposions le délit d’opinion du domaine religieux au domaine politique ? » (Régine Pernoud).

Pour qui aime l’histoire, ce livre remplit bien son office. L’auteur, Jean Sévillia, est journaliste et critique littéraire. Rédacteur en chef adjoint au très conformiste Figaro Magazine, il sait de quoi il parle quand il rappelle que « le débat public fait constamment référence à l’histoire » et que « les hommes de presse, les polémistes, les gardiens sévères de la bienséance intellectuelle et, en tout cas, les policiers de la pensée cadrent leurs propos par rapport à des représentations du passé qui sont fausses… ». Il fustige les manuels scolaires en réhabilitant le fait historique et en le dépouillant de toute idéologie marxisante. Ne pouvant être exhaustif il limite son étude à « dix-huit points chauds » de l’histoire française et européenne.

Il entre tout de go dans l’histoire avec la Féodalité dont il désamorce un certain nombre de légendes telles que celle du droit de cuissage et surtout rétablit des concepts fondateurs comme celui, élémentaire mais primordial, de l’instauration de la royauté et de la nation par les Capétiens. Il bat en brèche cette vieille antienne chantée encore aujourd’hui aux jeunes Français lors de la Journée d’appel à la préparation de la défense : « La France commence en 1789 ».

Les Croisades : que de choses ont été écrites à leur sujet ! Aujourd’hui, il est de bon ton chez les humanistes de les considérer comme « une agression perpétrée par les Occidentaux violents et cupides à l’encontre d’un Islam tolérant et raffiné », alors que, si l’on en croit Sévillia, les Croisades sont tout bonnement une riposte à l’expansion militaire de l’Islam et une réplique à l’implantation des Arabes et des Turcs en des régions berceaux du christianisme. Cette considération partisane, pense-t-il, ne fait qu’alimenter la culpabilisation de l’Occident vis-à-vis de l’Orient dans le contexte colonialiste.

Un long chapitre est consacré aux rois catholiques d’Espagne et à l’Inquisition. On cite souvent Torquemada comme le modèle de l’intolérance et de la cruauté ; l’auteur, quant à lui, soutient que l’Inquisition au XVe siècle évolue dans un contexte très particulier propre à l’Espagne : « Torquemada n’est pas le fruit du catholicisme mais le produit d’une histoire nationale ». Toujours selon lui, et contrairement à une croyance bien ancrée, l’antisémitisme qui règne en Espagne au temps d’Isabelle la Catholique n’est nullement du fait de la reine mais des masses populaires qui reprochent aux juifs (air connu !) d’être « puissants, arrogants et accapareurs des meilleures places ». Leur expulsion en 1492 aurait une tout autre raison que celle, simpliste, qui est généralement présentée.

Revenant en France, Sévillia prend la défense de l’Ancien Régime contre les instructions de l’Education nationale. Il trouve comme une forme de paradoxe que, durant leur scolarité, les Français ont fort peu l’occasion d’entendre parler du Grand Siècle en cours d’histoire et, quand on leur en parle, c’est toujours sous le couvert de l’absolutisme et de l’obscurantisme. Pourtant, dans l’esprit de ces mêmes Français, l’Ancien Régime est bien vivant : ils adorent aller au théâtre voir jouer Molière, ils sont fous de la musique baroque, ils envahissent les monuments lors des Journées du patrimoine, etc. Comment comprendre, se demande l’auteur, que ces chefs-d’œoeuvre sont le fruit de l’intelligence et de la sensibilité d’une société qui aurait été hébétée par la servitude résultant de l’absolutisme ? Il a toute une série de réponses, fort séduisantes et convaincantes, sur la réalité de cet absolutisme dont le terme même a été forgé par la Révolution.

Sévillia dénonce la vision angélique que nos républicains modernes ont de la Révolution et de la Terreur en considérant la décennie 1790 comme un passage de l’absolutisme à la liberté, la Terreur ne constituant qu’un accident de parcours. Lui, il voit les choses différemment : « Conduite au nom du peuple, la Révolution s’est effectuée sans le consentement du peuple et souvent même contre le peuple ».

Une révolution en chassant une autre, l’historien traverse à pas de géant le XIXe siècle, alors qu’il aurait eu beaucoup à dire sur le Ier Empire et Napoléon fort délaissés par l’Education nationale, et aboutit à la Commune de 1871 dont il place avec clarté les origines dans la nostalgie de 1792 et les souvenirs de 1830 et 1848. Sa question : « Qui est responsable de cette tache sanglante dans l’histoire de France ? Est-ce le républicain Thiers, qui laisse ses troupes mener sans discernement la répression, ou bien sont-ce les communards, dont l’utopie était porteuse d’une violence que plus personne n’ose rappeler ? ».

Tout naturellement, la Commune, phase préparatoire de la IIIe République, amène l’auteur à s’intéresser à la question ouvrière au cours de l’industrialisation du XIXe siècle. Une fois encore, il dénonce un postulat républicain largement répandu dans les manuels scolaires en démontrant par les faits l’absurdité d’une idée bien installée selon laquelle seuls les socialistes ou les révolutionnaires auraient pris en charge le monde ouvrier. Rien n’est plus faux, dit-il : il suffit de faire l’inventaire des lois et des œoeuvres sociales ou de charité pour se convaincre qu’elles furent prises ou créées le plus souvent par des politiques ou des entrepreneurs catholiques.

Pour rester dans ce siècle avant de basculer dans le deuxième millénaire, l’abolition de l’esclavage, grande victoire de la IIe République, n’échappe pas à la loupe de Sévillia. À l’issue d’un long rappel historique, il conclut sur ce sujet par cette phrase laconique : « Qu’un magazine d’histoire, dénonçant un “tabou français”, publie les vrais chiffres de la traite des Noirs, c’est une démarche très légitime. Cependant, il ne serait pas moins intéressant de connaître les vrais chiffres de la traite des Noirs par les musulmans ».

Parmi les plus « chauds » sujets choisis par l’auteur apparaît l’Affaire Dreyfus. Il nous en livre une exégèse toute personnelle et fort intéressante. Selon lui, l’antisémitisme n’explique pas seul l’Affaire Dreyfus. Il va même jusqu’à écrire que « si l’accusé de 1894 n’avait pas été juif, il y aurait quand même eu une Affaire Dreyfus ». En effet, il fait intervenir dans cette alchimie d’autres éléments, notamment le radicalisme naissant, l’antimilitarisme de gauche et l’anticléricalisme, sujets interactifs qu’il développe.

« Ce n’est pas Hitler qui a engendré le nationalisme allemand ». Au risque de passer pour un iconoclaste, Sévillia dénonce trois raisons à ce nationalisme exacerbé : les énormes pénalités du Traité de Versailles, la stratégie exclusivement défensive conçue par l’état-major français en 1929 et le pacifisme des quarante-deux cabinets ministériels (!) en vingt et un ans.

L’entre-deux-guerres aura été la période du fascisme florissant, avec l’Italie et l’Allemagne et, par voie de conséquence, de l’antifascisme. Ce dernier naît en France de toutes pièces le 6 février 1934 quand la République entre en crise et que l’imaginaire politique de la gauche craint « le danger fasciste contre lequel doivent s’allier les forces de progrès ». Sévillia insiste bien sur le fait que le fascisme français des années 1930 représenté par les ligues et quelques petits partis sans aucune envergure est un mythe que la gauche utilise pour mieux combattre ses adversaires.

L’auteur traite les années 1940-1945 d’une façon inhabituelle mais intéressante. Ne voulant pas se plier à la règle qui veut qu’ « aujourd’hui tout concourt à appréhender prioritairement l’étude de la seconde guerre mondiale par le récit des malheurs juifs », il préfère considérer que « sur le plan historique, cette tragédie est survenue à l’occasion d’un conflit mondial dont les enjeux n’engageaient pas que les juifs ». Après un rappel des événements survenus entre le 10 mai et le 10 juillet 1940, Sévillia analyse la période des quatre années suivantes selon un découpage thématique : Vichy n’est pas un bloc ; La tragédie juive : qui est responsable ? ; De Gaulle : de la révolte à la victoire ; Contre les Allemands, des hommes de tous les camps ; Vérités et légendes de la résistance ; Résistants de droite et collaborateurs de gauche.

Pour ce qui concerne la tragédie juive, l’auteur est mesuré dans ses observations : « S’il n’y a pas une faute collective de la France comme l’a affirmé Jacques Chirac le 16 juillet 1995, ses racines plongent jusqu’à la IIIe République ». « Les Français ne sont pas les antisémites que décrit une certaine légende noire », ce qui apporte un démenti à tout ce qui peut être dit sur cette tragédie dans les manuels scolaires et, plus généralement, dans les médias.

Quant à la Résistance et à la Collaboration, Sévillia réduit à néant le manichéisme habituel d’une gauche résistante et d’une droite collaborationniste en s’appuyant là encore sur des faits et en donnant des exemples de personnalités attachées à l’un ou l’autre camp.

Vers la fin de son livre, l’auteur s’intéresse, d’ailleurs avec une certaine sympathie, à la personnalité du pape Pie XII dont l’attitude pendant la guerre est très controversée. Pour les uns, il n’aurait été que le complice tacite du régime national-socialiste en restant silencieux face au martyre juif dont il aurait eu connaissance ; pour d’autres, il aurait été à la fois favorable aux Alliés et secourable aux juifs en organisant le sauvetage de certains d’entre eux. Sévillia, lui, se dit appartenir au camp de ses défenseurs et s’appuie pour cela sur les archives du Vatican que le pape Paul VI fit ouvrir en 1963 pour faire justice des accusations lancées contre Pie XII. On pourra regretter que l’auteur n’ait pas poussé plus avant sa recherche sur la véritable attitude du pape puisque, écrit-il, « Pendant la guerre, ni Roosevelt, ni Churchill ni le général de Gaulle n’ont publiquement accusé l’Allemagne nazie d’exterminer les juifs ».

Jean Sévillia a atteint son objectif. Puisse son livre être lu ! Fort d’une documentation sérieuse, il a la vivacité et la concision d’une oeœuvre journalistique, la précision et la clarté du travail de l’historien.

Cependant, on peut reprocher à Jean Sévillia, bien qu’il s’en défende, de ne pas s’être suffisamment extrait de la Pensée unique et du Politiquement Correct (environnement oblige !). Alors qu’en sa qualité de journaliste, il ne peut l’ignorer, il omet – et en cela il demeure « Historiquement Correct » – de citer tout l’arsenal répressif qui a été mis en place pour protéger une certaine histoire officielle et interdire certains écrits. Ainsi il a passé sous silence les annulations administratives de thèses et de mémoires universitaires, comme à Nantes ou à Lyon, et bien sûr la loi Fabius-Gayssot du 13 juillet 1990, loi dite « sur la liberté de la presse » qui entrave dans les faits la liberté de recherche historique.
Jean Sévillia, « Historiquement Correct/Pour en finir avec le passé unique », Perrin, 2003, 456 pages, 21,50 euros.

Politique

L’histoire falsifiée

Fabrice Madouas

Valeurs actuelles

22 Décembre 2011

Colonisation, rapports entre l’islam et l’Occident, rôle de l’Église dans les progrès de la civilisation… L’idéologie s’est emparée de l’enseignement de l’histoire. Il est temps de rétablir quelques vérités. Entretien avec Jean Sévillia.

Assurément, les Français ont le goût de l’histoire, écrivait, en mai 2009, l’historien Jean-Pierre Rioux, dans son rapport sur les sites susceptibles d’accueillir un musée de l’Histoire de France. Pour preuve, ajoutait-il, le succès du documentaire sur la Seconde Guerre mondiale, Apocalypse, sur France 2 : 17 millions de téléspectateurs !

Oui, les Français aiment l’histoire, mais, comme ils aiment aussi se quereller, ils adorent se déchirer sur le passé. Le sachant, les plus avisés de nos monarques, républicains compris, ont toujours cherché à refermer nos querelles. « J’assume tout, de Clovis au Comité de salut public », disait Bonaparte.

Pourtant, depuis plusieurs années, la passion paraît l’emporter sur la sagesse. Des feux mal éteints se sont rallumés à l’occasion de l’adoption, sous la pression de communautés diverses, de plusieurs lois mémorielles – on pense notamment à la loi Taubira faisant de la traite négrière transatlantique un crime contre l’humanité, plus de cent cinquante ans après l’abolition de l’esclavage. En 2005, le gouvernement français se tint à l’écart des commémorations de la victoire d’Austerlitz, en raison de la campagne lancée par un écrivain guadeloupéen qualifiant l’Empereur de « despote misogyne, homophobe, antisémite, raciste, fasciste, antirépublicain »…

« Si la manipulation de l’histoire a toujours existé, le phénomène a pris un tour aigu et particulier au cours des dernières décennies, résume Jean Sévillia dans son livre, Historiquement incorrect (Fayard). Le regard contemporain se focalise sur certains épisodes au prix d’indignations sélectives qui ins truisent un procès permanent contre le passé occidental et contre celui de la France. »

Le problème est d’autant plus aigu que l’institution censée transmettre la connaissance de notre passé aux futurs citoyens français, d’où qu’ils viennent, ne le fait plus : l’École a renoncé au récit national, qui fut enseigné par des générations d’instituteurs à des générations d’élèves jusqu’à la fin des années 1950. L’historien Dimitri Casali a raison de souligner que nos “grands hommes” (Saint Louis, François Ier, Louis XIV, Napoléon…) disparaissent progressivement des manuels scolaires.

Sans doute ne peut-on plus raconter l’histoire comme le faisaient les instituteurs de la IIIe République, mais on peut retenir qu’ils surent intégrer à la nation française les hommes les plus divers. Une leçon à méditer pour rassembler et préserver l’unité du pays.

Toutes les époques sont-elles concernées par la falsification historique ? Toutes les époques sont concernées, mais les raisons de ces maquillages varient selon les dominantes idéologiques. Pour faire court, l’histoire est instrumentalisée, en Occident, depuis les Lumières : encyclopédistes et philosophes tressent une légende noire de l’Église, dont ils combattent le pouvoir. Au XIXe siècle, le roman national, tel que l’enseigne l’école jusqu’aux années 1950, s’inscrit dans une veine républicaine qui glorifie la Révolution et caricature l’“Ancien Régime”. L’après-guerre est dominée, jusqu’à la fin des années 1960, par l’histoire marxiste, ce qui s’explique par l’hégémonie culturelle du Parti communiste.

Et par l’influence de l’école des Annales ? À ceci près que Lucien Febvre et Marc Bloch, les fondateurs des Annales, étaient des hommes d’une très grande science, de grands historiens dont les travaux n’ont pas toujours été assimilés par ceux qui les diffusaient ensuite dans les établissements scolaires. Les Annales se sont démarxisées au fil du temps, et bon nombre d’historiens issus de cette école (Georges Duby, Emmanuel Le Roy Ladurie, François Furet, Jacques Le Goff…) sont revenus à une vision classique de l’histoire, parfois à la biographie, voire à l’“histoire-bataille”. Quoi qu’il en soit, le marxisme s’effondre dans les années 1980. Un autre paradigme lui est substitué – les droits de l’homme – , et c’est encore à l’aune de ce paradigme qu’on interprète le passé. C’est cela, l’“historiquement correct” : passer l’histoire au crible de l’idéologie du moment. Ce faisant, on commet un anachronisme préjudiciable à la connaissance historique.

Comment définiriez-vous l’idéologie dominante que vous évoquez ? Elle relègue la nation dans les limbes de l’histoire, condamne les frontières, rejette tout enracinement géographique et spirituel. Elle fait l’apologie du nomadisme. Elle élève l’individu au rang de valeur sacrée et proclame son libre arbitre comme ultime référence. Est considéré comme juste celui qui respecte les droits de l’homme, comme injuste – donc immédiatement condamné – celui qui les viole. Alors que l’histoire est un domaine éminemment complexe, on cède à la facilité manichéenne (les bons et les méchants) et l’on procède à des réductions abusives en braquant le projecteur sur certains événements, au risque d’en laisser d’autres dans l’obscurité. Anachronisme, manichéisme, réductionnisme : ce sont les trois procédés de la falsification historique, qui sont beaucoup plus subtils que ce qui se faisait en Union soviétique…

Un exemple ? La Première Guerre mondiale. On ne perçoit plus ce conflit qu’à travers la vie des combattants de base. Ce qu’ils ont vécu fut atroce, mais on insiste tant sur cet aspect qu’on oublie la dimension géopolitique de la guerre. Comme nous sommes attachés par-dessus tout à nos droits individuels, comme nous sommes dans un moment de concorde européenne, nous ne comprenons plus ce qui les animait, ni qu’ils aient largement consenti à ce sacrifice. Nous ne comprenons plus l’expression “faire son devoir”.

Plusieurs controverses ont éclaté sur des sujets de recherche historique, par exemple sur l’esclavage, après la parution d’un livre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau, les Traites négrières. Essai d’histoire globale (Gallimard). Est-ce aussi l’effet de l’historiquement correct ? Absolument. En 2004, cet historien – dont l’ouvrage a reçu plusieurs prix – démontre que l’esclavage n’a pas été seulement le fait des Occidentaux. En 2005, il déclare, au détour d’un entretien à la presse, que « les traites négrières ne sont pas des génocides ». La condition des esclaves était certes atroce, mais l’intérêt des négriers n’était pas de les laisser mourir puisqu’ils tiraient profit de leur vente. Aussitôt, diverses associations lancent une procédure judiciaire et nourrissent une campagne si violente qu’elle provoque la réaction de nombreux historiens : un millier d’entre eux signeront un appel rappelant que l’histoire n’est ni une religion ni une morale, qu’elle ne doit pas s’écrire sous la dictée de la mémoire et qu’elle ne saurait être un objet juridique. C’est à cette occasion qu’est née l’association Liberté pour l’histoire, à l’époque présidée par René Rémond.

De nombreux historiens considèrent que le Parlement n’a pas à s’emparer de ces questions. Qu’en pensezvous ? Les lois mémorielles entretiennent une concurrence victimaire, indexée sur la tragédie que fut la Shoah. Elles ont aussi nourri des revendications d’ordre politique, de sorte qu’on peut craindre une instrumentalisation de l’histoire. Il est tout à fait légitime d’entretenir la mémoire des tragédies, de toutes les tragédies, mais la mémoire n’est pas toute l’histoire.

Autre polémique, celle qu’a provoquée le livre de Sylvain Gouguenheim, Aristote au mont Saint-Michel (Seuil), en 2008… Agrégé d’histoire et docteur ès lettres, Sylvain Gouguenheim enseigne l’histoire médiévale à l’École normale supérieure de Lyon. Il souligne dans son livre que l’Occident médiéval n’a jamais été coupé de ses sources helléniques pour au moins trois raisons. Tout d’abord, il a toujours subsisté des îlots de culture grecque en Europe. Ensuite, les liens n’ont jamais été rompus entre le monde latin et l’Empire romain d’Orient. Enfin, c’est le plus souvent par des Arabes chrétiens que les penseurs de l’Antiquité grecque ont été traduits dans les régions passées sous la domination de l’islam. Conclusion : si la civilisation musulmane a contribué à la transmission du savoir antique, cette contribution n’a pas été exclusive ; elle a même été moindre que celle de la filière chrétienne. Ce livre a rapidement déclenché la mise en route d’une machine à exclure visant non seu lement à discréditer son auteur comme historien, mais à l’interdire professionnellement !

Pourquoi ? Parce qu’il est couramment admis que l’Occident n’aurait eu connaissance des textes antiques que par le truchement du monde islamique. L’essor de la culture occidentale ne pourrait donc pas s’expliquer sans l’intermédiation musulmane. Quiconque n’épouse pas cette thèse – enseignée dans les collèges – est voué aux gémonies. Il était naguère impossible de critiquer le communisme, il est aujourd’hui presque interdit d’évoquer l’islam. Il est quand même symptomatique que deux journaux français seulement – Valeurs actuelles et le Figaro Magazine – , aient parlé du livre de Christopher Caldwell, Une révolution sous nos yeux, qui explique que les populations musulmanes sont en train de redessiner l’avenir de l’Europe… Le système médiatique français reste politiquement très homogène.

Les programmes d’histoire n’échappent pas à la polémique. L’Éducation nationale est-elle à l’abri de la falsification historique ? Je suis navré de le dire, mais l’Éducation nationale est au coeur de ce système. Les commissions des programmes sont constituées d’enseignants qui, pour beaucoup, sont inspirés par le “pédagogisme” ambiant, donc en accord avec l’idéologie dominante. Le retour à la chronologie est infime, l’histoire est toujours enseignée de façon thématique aux enfants. Qu’un agrégé d’histoire fasse du comparatisme entre les sociétés ou à travers les siècles est très intéressant, mais cela n’est guère adapté à des enfants qui n’ont ni les connaissances ni les repères chronologiques nécessaires. Le problème est d’autant plus important que le système scolaire français est très concentré.

Mais l’école de la République, celle d’Ernest Lavisse, diffusait elle aussi un message idéologique… L’histoire républicaine était nationale. Parfois caricaturalement, mais cette approche avait au moins la vertu de donner aux enfants, qu’ils soient bretons ou provençaux, un patrimoine commun, presque un héritage spirituel. “Nos ancêtres les Gaulois”… Les choses étaient scientifiquement contestables, mais elles avaient un sens. L’histoire, telle qu’on l’enseigne aujourd’hui, sort de ce cadre national, car le credo politique actuel est de mettre à bas les nations. D’où le bannissement des grands hommes de notre histoire.

Comment expliquez-vous que la France doute à ce point d’elle-même ? La nation française est une construction de l’État. Or, l’État a été dépossédé – démocratiquement, c’est vrai – des attributs de sa puissance. Au profit de quoi, de qui ? On ne sait pas très bien : de Bruxelles ? De Francfort ? La crise de la nation est évidemment liée à celle de l’État.,

Les choses peuvent-elles évoluer ? Bien sûr. Les générations passent, les idéologies aussi. Mais ne me demandez pas de prédire l’avenir : nous avons assez à faire avec le passé !  Propos recueillis par Fabrice Madouas

Historiquement incorrect, de Jean Sévillia, Fayard, 372 pages, 20 €Voir égalment:

Voir également:

Rencontres

Entretien avec René Girard

L’entretien avec René Girard réalisé à Paris le mardi 30 octobre 2001, fait ici l’objet d’un compte-rendu qui se borne volontairement à quelques points. Si bref soit-il, puisse-t-il diriger l’attention vers le livre à l’occasion duquel il a été réalisé, Celui par qui le scandale arrive, édité cet automne chez Desclée de Brouwer. Kephas se propose de poursuivre régulièrement la réflexion sur une pensée qui a vigoureusement replacé le christianisme au centre de la compréhension de l’homme, à l’heure où philosophie installée et sciences anthropologiques feignaient de n’avoir plus l’usage de cette vieillerie…

Pierre Gardeil *

Janvier–Mars 2002

Pierre Gardeil

René Girard, votre dernier livre se dévore avec un tel bonheur que je viens, en trois jours, de le lire deux fois ! Et j’ai beaucoup de plaisir à y revenir ici avec vous.

Permettez-moi, pour commencer, d’applaudir à votre éloge du cardinal Ratzinger, qui est, dites-vous, pour certains Américains, un personnage épouvantable ! Et vous poursuivez : « Vous rendez-vous compte, le courage qu’il faut à des hommes comme lui pour s’opposer à tout le monde, pour se rendre impopulaire en rappelant aux théologiens catholiques qu’il y a certaines limites qu’il ne faut pas dépasser sans cesser de se dire légitimement catholique ? Il ne peut rien imposer à personne puisque personne ne peut être contraint de rester dans l’Église contre son gré. Il ne fait que répéter ce que l’Église a toujours dit. Il dit aussi son inquiétude relative à ce qui se voit partout. »

On est surpris que cette conduite responsable suscite aux USA tant de haine !

René Girard

Ce n’est pas réservé aux USA, vous le savez. J’ai été frappé par un petit événement ayant suivi la publication de Dominus Jésus. M’appelait de Paris une dame fort résolue, représentant je ne sais quel magazine français, dont je n’ai pas clairement compris s’il était ou non catholique… Elle me demandait « ma réaction » à ce texte, ajoutant (par avance) que la réaction de tous ceux qu’elle avait consultés avant moi était très négative. Je lui dis alors : « S’ils sont tous contre lui, c’est qu’il doit avoir raison ! » J’ai naturellement fait l’éloge du cardinal Ratzinger. Il a dû paraître dans ce magazine, du moins je l’espère.

P.G.

Il a paru, et il faisait tache ! Au milieu des rabbins, des pasteurs, des prêtres (il y avait même un vice-recteur d’Université Catholique), et à côté d’une autorité musulmane appelant le cardinal à la « tolérance », votre approbation tranquille et ferme ouvrait un paragraphe de respiration !

Allons maintenant au centre de votre livre. Quand vous évoquez le processus d’escalade de la violence parmi nous, vous parlez des violences familiales et scolaires, et du terrorisme sans limites ni frontières. Vous concluez : « Il semble qu’on se dirige vers un rendez-vous planétaire de toute l’humanité avec sa propre violence. » Cela était-il écrit avant le 11 septembre ?

R.G.

Oui, et j’aurais dû en dire les circonstances. Dumouchel m’avait demandé ce texte à propos de la commémoration d’un meurtre à l’Université de Montréal, où un type avait tiré sur les étudiants, à peu près comme un autre vient de le faire ces jours-ci à Tours… Le rendez-vous est bien planétaire, en effet. Rien ne fut plus attendu que la globalisation, l’unité de la planète : que de célébrations, que d’expositions internationales ! Eh bien ! cette unité réalisée suscite plus d’angoisse que d’orgueil. L’effacement des différences n’est pas la réconciliation universelle espérée… Naïveté (ou aveuglement) de l’humanisme.

P.G.

Ce constat ne fut-il pas à l’origine du succès de « l’absurde » ?

R.G.

Certes, mais c’est une vue trop courte. Méditez plutôt cette phrase prodigieuse d’Anaximandre, que je cite dans mon livre : « D’où toutes les choses ont leur naissance, vers là aussi elles doivent sombrer, selon la nécessité, car elles doivent expier et être jugées pour leur injustice, selon l’ordre du temps. » S’il y a quelque rationalité au mythe du retour éternel, la voilà.

P.G.

Crise mimétique1 de l’indifférenciation, sa résolution par la violence, installation de différences sacralisées… dès longtemps vous nous avez appris cette chair de l’histoire, au plus loin des études formelles, qui font leurs délices de l’inépuisable analyse des différences… mais qui cherchent en vain à se tenir à l’écart du « réel ».

R.G.

Ou du « référent », comme dit notre préciosité avec ses pincettes linguistiques ! Se borner aux jeux de langage est tellement exigé aujourd’hui… mais les gens sentent bien que c’est la fin. Le réel nous revient dans la figure.

L’innocence des mythes ne peut plus être supposée. On s’en rend compte, et c’est pourquoi – ultime attaque contre notre « ethnocentrisme » – on déclare qu’il faut renoncer à l’analyse quand on n’est pas partie prenante de la société analysée…

P.G.

Vous avez un fameux chapitre sur l’ethnocentrisme, « Les bons sauvages et les autres ». Personne n’a pu oublier la leçon pieusement transmise depuis qu’il y a de l’Instruction Publique en notre pays, à savoir que les peuples vivant sous les douces lois de nature sont bons, purs et heureux. Il est drôle qu’on la doive, avant Rousseau, à Montaigne, généralement plus perspicace. Mais la diffusion pédagogique de ses vues trop rapides sur les cannibales (en l’occurrence les Tupinambas), étrangement indulgenciés, est bien l’œuvre de notre « humanisme ».

R.G.

Oui, à condition, encore une fois, de ne pas en borner l’aire à notre Éducation Nationale. Aux États-Unis, certains musées d’ethnologie amérindienne minimisent, et parfois éliminent, toute violence religieuse et guerrière dans les cultures des native Americans. Pour en revenir aux Tupinambas, il se trouve qu’on est très bien renseigné sur eux. Alfred Métraux a fait le point sur la question, dès 1928, s’appuyant sur plusieurs témoignages distincts de contemporains de Montaigne : capturés par cette peuplade farouche, ils avaient pu s’en sortir, et nous décrivent par le menu les mœurs terribles de ces peuples, qui faisaient des prisonniers afin de se procurer de futures victimes sacrificielles, mises à mort et dévorées après acclimatation à la tribu des vainqueurs ! Métraux ironisait sur le fait que cette tribu fût justement à l’origine du mythe du « bon sauvage » ! Son texte, si contraire à la vague primitiviste qui allait suivre, fut repris plusieurs fois; L’anthropologie rituelle des Tupinambas se trouve aujourd’hui dans Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud (Gallimard 1967).

P.G.

Le christianisme comme révélation de la méchanceté du « religieux » : on vous doit cette magnifique clarification, et comme il est légitime d’opposer « le Bon Dieu » aux faux dieux, qui sont, équivalemment, des « mauvais » dieux. L’opposition, toutefois, n’est pas absolument radicale…

R.G.

En effet. D’une part, on a pu trouver chez de vieux auteurs (imparfaitement christianisés !) la justification de l’offrande du Christ à la messe au titre d’une « efficacité » comparable à celle des sacrifices païens qui obtiennent quelques bons résultats, quand c’est, au cœur du salut, l’efficace de l’amour du Fils qui est à l’œuvre… et vous savez que la Rédemption elle-même a pu être interprétée dans des langages discutables.

D’autre part, on rencontre, dans certains rites païens, une espèce d’excuse présentée à la victime, comme si, sachant qu’elle n’était pas vraiment coupable, on lui reprochait seulement son imprudence…

P.G.

C’est le commencement d’un passage du mythique au tragique…

R.G.

Oui. Toute la part esthétique de la religion, cette espèce d’amoindrissement du sacrifice que constitue la cérémonie (par rapport au lynchage), nous ne devons pas la négliger. On pourrait peut-être en dessiner le parcours dans une histoire de la danse, qui montrerait qu’elle va des choses les plus sauvages aux figures les plus sereines… En tous cas, l’apaisement obtenu par un rite sacrificiel de plus en plus symbolique, on aurait tort d’en faire fi trop vite, et d’en détruire sans précaution les usages sous prétexte de « lumières », dans un monde qui cherche fiévreusement des « repères ».

P.G.

C’est, dans la fausse religion, le soupir de la vraie opprimée !

R.G.

En quelque sorte. Mais, dans un sens réciproque, et puisque vous parlez de tragique, savez-vous qu’à Byzance, on jouait Oedipe-Roi comme la Passion du Christ ? Je trouve cela bouleversant; cette lecture naïve illustre, avec une grande force, le regard que le christianisme porte légitimement sur la culture.

P.G.

Vous écrivez (p. 180) : « La vérité mimétique reste inacceptable pour la plupart des hommes, parce qu’elle implique le Christ. Le chrétien ne peut pas s’empêcher de réfléchir sur le monde tel qu’il est, et d’en voir la fragilité extrême. Je pense que la foi religieuse est la seule manière de vivre avec cette fragilité. » Et vous citez Pascal…

R.G.

Oui, je m’intéresse de plus en plus à Pascal. Cette œuvre est si puissante ! Mais, pour appliquer ce que vous dites à ce que nous vivons, n’est-il pas clair qu’on met bien à tort sur le dos de « différences » (traditionnelles, ancestrales, culturelles, religieuses…) des phénomènes enracinés au contraire dans la perte de ces traditions ? L’incapacité – par trop de retard pris – à participer à la concurrence avec l’Occident, dont on rêve, qui fait le tourment unique, et dont on a, par imitation, adopté les valeurs, devient le désir brûlant de briser ce qu’on ne peut atteindre. Peut-être Pascal n’a-t-il pas vu pleinement cet entraînement mimétique; mais comment ne pas admirer la mise en cause du désir qu’il opère à travers la notion de « divertissement » ?

P.G.

Le regard critique sur le désir blesse au cœur la modernité, qui s’est bâtie sur une fausse désacralisation, puisqu’on la faisait jouer au service de ce désir même, supposé autonome et innocent, idolâtré.

Mais rassurez-nous : ce désir, qui fait corps avec notre être, il n’est pas coupable de naissance ? Nous ne fûmes pas créés par erreur ?

R.G.

Certes pas ! J’adhère profondément à l’idée chrétienne que notre âme est une passion du divin. Simplement, quand nous le rencontrons, ce désir, il a déjà manqué son objet, il est dévoyé. Gare aux conséquences !

P.G.

Le monde est sous l’empire de Satan, lequel – on peut en apporter la précision après les lignes que vous lui consacrez ? – est métaphysiquement bon dans la conception chrétienne traditionnelle. Identifié au mécanisme mimético-sacrificiel, il serait injustifiable en tant que nécessité ontologique… ou créature mauvaise.

Si le mal est une absence d’être, moralement cette absence est le fruit d’un choix, toujours contemporain de celui qui le fait. Comme nous-mêmes, Satan est né pour l’amour… Mystère du choix de la haine (« Ils m’ont haï sans raison », dit Jésus, et encore : « Après avoir vu nos œuvres, ils nous ont haïs, le Père et moi »)… mais ce mystère fait l’objet dans la Genèse d’une description psychologique irrécusable; le premier mot du Tentateur est bien mimétique en effet : « Si vous mangez… vous serez comme ».

R.G.

Je ne prétends pas avoir vidé la question dans ce que j’ai publié à ce propos. Je voulais laisser plus explicitement le sujet ouvert; des considérations très matérielles d’édition ont fait sauter une note qui exprimaient davantage cette ouverture… Il semble en effet inconcevable qu’on puisse être jaloux du bien. Et cependant… Vous connaissez cette histoire de monarchie sacrée au Soudan : renversant les anciennes façons, le nouveau roi et son épouse avaient instauré le régime le plus raisonnable qu’il soit possible d’imaginer, et produisant le plus de bien commun. Une telle envie en était résultée que les voisins s’étaient réunis pour le détruire… Sans aucunement idéaliser notre propre histoire, c’est peut-être la fable du destin de l’Occident…

P.G.

Oui. Vous écrivez p. 120 : « Nous condamnons l’Inquisition au nom de valeurs chrétiennes. Nous ne pouvons pas la condamner au nom du Mahâbhârata, qui est constitué d’une série de meurtres alternés, à peu près dans le style de l’Iliade ! »

R.G.

C’est justement ce qui justifie « la repentance », que certains catholiques ont bien tort de reprocher au pape. Certes, les non-chrétiens, qui oublient régulièrement de se repentir, n’ont pas moins de choses à se reprocher (souvent, bien davantage : quand je pense que l’on continue à monter en épingle les abus de l’Inquisition, après ce que l’incroyance a fait au XXe siècle !) Mais grâce à la Révélation, les chrétiens auraient dû avancer, et faire avancer le monde plus vite. Nous avons « les paroles de la vie éternelle ». Or, c’est toujours le petit nombre qui a compris, et vécu de l’esprit du Christ. Seulement, aujourd’hui, je ne vois pas d’autre lieu que l’Église pour faire barrière à cette terrible désagrégation de tout, qu’on appelle parfois l’apocalypse. Est-ce pour cela que cette Église devient comme un ultime bouc émissaire, et qu’on emploie tant d’efforts pour discréditer ou empêcher sa parole, alors qu’elle n’a plus de pouvoir que spirituel ? Et parfois de son sein même… On a l’impression d’une force diabolique d’auto-destruction… Je dis le mot, on ne l’écrira pas.

P.G.

D’accord, on ne l’écrira pas… Mais pourquoi ? N’est-ce pas le mot par excellence qui cherche à se faire oublier ? C’est ça, le diabolique, que le mot n’y soit pas. Mettons-le, si vous le voulez bien.

R.G.

Vous avez raison, mettons-le.

Propos recueillis par Pierre Gardeil

* Professeur de philosophie, puis directeur du lycée Saint-Jean à Lectoure. A publié dans de nombreuses revues (Nouvelle Revue théologique, Études, Itinéraires…) et, chez Ad Solem, quatre ouvrages : Quinze regards sur le Corps livré; Alors le Bon Dieu, c’est fini ?; La Monnaie du pape, éloge des indulgences; Mon Livre de lectures.


  1. La récurrence du terme « mimétique » peut surprendre celui qui n’est pas familier de la pensée de R.G.
    Toute son œuvre en donne la clef… D’un mot, ici : Le désir est spontanément jaloux, il ne porte pas sur l’objet, mais sur l’autre (désirant lui-même ou possesseur, et par là désignant le désirable). D’où rivalité. Quand le conflit des désirs produit un orage social, le groupe refait son unité par la désignation (arbitraire) d’un coupable dont l’injuste sacrifice ramènera, pour un temps, la tranquillité, et installera dans le groupe des différences sacralisées censées émaner de la puissance surnaturelle dont l’exclusion constitue la fausse transcendance. Celle-ci nous menace de son retour violent si nous ne respectons pas les barrières et interdits qui paraissent son « ordre ». À cette fausse religion du mensonge et de la haine, le christianisme est venu opposer le Dieu de la vérité et de l’amour… Désir mauvais : « Mangez ce fruit… vous serez comme ». Désir suprêmement bon : « Mangez ce corps… vous serez un ». De l’être-comme à l’être-un, tel est le processus de la conversion chrétienne, impossible si le Christ ne la fonde.

Voir de même:

Rene Girard on Dostoevsky’s Legend of the Grand Inquisitor

When we consider the seventy years in the twentieth century his country was in the hands of its revolutionaries trying to build a Communist utopia, we cannot fail to discern in the nineteenth-century Russian novelistFeodor Dostoevsky a prophetic dimension — and one in which we may behold an image of our own culture’s controversies even after the fall of communism. The crisis he explored in nineteenth-century Russia’s belated and vexed encounter with Europe foreshadows the critical confrontations of our own time, as we face the decline of traditional religious, political, and epistemological authority while lost in a fog of competing claims about scientific determinism, groundless freedom, and the latest fashionable ideology.

If we cannot imagine Dostoevsky’s adaptation of our culture wars to the debates he stages in the living rooms, taverns, and seminaries of his novels, we haven’t grasped the implications of his work — as René Girard suggests in the concluding essay he has a’ached to Resurrection from the Underground, his twenty-year-old study of Dostoevsky’s work, now deftly translated into English.

The narrator of the Russian novelist’s Notes from the Underground neatly summarizes the far from completely secularized pandemonium in which we can recognize our own nihilistic climate: “Without books and literature, we are entangled and lost — we don’t know what to join, what to keep up with; what to love, what to hate; what to respect, what to despise.”

The famous passage in Dostoevsky’s The Brothers Karamazov — where Ivan Karamazov tells the legend of Jesus Christ returning to the world, only to encounter the Grand Inquisitor — is perhaps the best example ofthe novelist’s own relentless probing into modern culture’s muddled relation to its religious inheritance, the repudiation of which in the name of purely human dominion he views as blindly self-destructive.

But only in Girard’s retrospective comments twenty years after he wrote the book do these elements in Resurrection from the Underground come clear. Here is a reading selection from “Resurrection from the Underground” where Girard deals with the Legend of the Grand Inquisitor:

Dostoevsky begins to explain the freedom that comes from Christ in The Brothers Karamazov. He finally makes his way to this freedom with the aid of Christ and he celebrates it in the famous Legend of the Grand Inquisitor. It is put in the mouth of Ivan Karamazov as he seeks to explain to his brother Alyosha why he, Ivan, must “return his ticket” to a world which is not governed by a just and loving God — if there is a God.

The scene is in Seville in the end of the fifteenth century. Christ appears in a street and a crowd gathers about him, but the Grand Inquisitor comes along the way. He observes the mob and has Christ arrested. That night he goes to pay a visit to the prisoner in his dungeon and shows him, in a long discourse, the folly of his “idea.”

Thou wanted to found thy reign on that freedom that human beings hate and from which they always flee into some idolatry, even if they celebrate it with words. It would be be’er to make humans less free and thou hast made them more free, which only leads them to multiply their idols and conflicts between idols. Thou hast commi’ed humanity to violence, misery, and disorder.

The Inquisitor predicts that a new Tower of Babel will be raised up, more dreadful than the former one and dedicated, like it, to destruction. The grand Promethean enterprise, fruit of Christian freedom, will end in “cannibalism.”

The Grand Inquisitor is not unaware of anything that the underground, Stavrogin, and Kirillov (characters in The Possessed) have taught Dostoevsky. The vulgar rationalists find no trace of Christ, neither in the individual soul nor in history, but the Inquisitor asserts that the divine incarnation has made everything worse. The fifteen centuries gone by and the four centuries to come, whose course he prophesies, support his account.

The Inquisitor does not confuse the message of Christ with the psychological cancer to which it leads, by contrast to Nie-sche and Freud. He therefore doesn’t accuse Christ of having underestimated human nature, but of having overestimated it, of not having understood that the impossible morality of love necessarily leads to a world of masochism and humiliation.The Grand Inquisitor doesn’t seek to make an end of idolatry by an act of metaphysical force, like Kirillov; he wants rather to heal evil with evil, to tie humans to immutable idols and, in particular, to an idolatrous conception of Christ. D. H. Lawrence, in a famous article, accused Dostoevsky of “perversity” because he placed in the mouth of a wicked inquisitor what he, Lawrence, regarded as the truth concerning human beings and the world.

The error of Christ, in the eyes of the Inquisitor, is all the less excusable because “he had adequate warnings.” In the course of the temptations in the wilderness the devil, the “profound spirit of self-destruction and nothingness,” revealed to the redeemer and placed at his disposal the three means capable of insuring the stability, well-being, and happiness of humanity. Christ disdained them, but the Inquisitor and his ilk have taken them up and work — always in the name of Christ but in a spirit contrary to his — for the advent of an earthly kingdom more in keeping with the limitations of human nature.

Agreeing with Dostoevsky, Simone Weil saw in the inquisition the archetype of all totalitarian solutions. The end of the Middle Ages is an essential moment in Christian history; the heir, having reached the age of an adult, lays claim to his heritage. His guardians are not wrong to mistrust his maturity, but they are wrong to want to prolong indefinitely their tutelage. The Legend resumes the problem of evil at the precise point where Demons abandoned it. The underground appeared in this novel as the failure and reversal of Christianity. The wisdom of the redeemer, and especially his redemptive power, are notably absent. Rather than hide his own anxiety from himself, Dostoevsky expresses it and gives it an extraordinary fullness. He never combats nihilism by fleeing from it.

Christianity disappointed Dostoevsky. Christ himself has surely not responded to his expectation. There is, in the first place, the misery that he has not abolished, then the suffering, and also the daily bread that he has not given to all human beings. He has not “changed life.” That is the first reproach, and the second is yet more serious. Christianity does not bring certitude; why does God not send a proof of his existence, a sign, to those who would believe in him, but don’t a&ain this belief? And finally and above all, there is that pride which no effort, no prostration of oneself is able to reduce, that pride which goes as far, sometimes, as envying Christ himself.

When he defines his own grievances against Christianity, Dostoevsky encounters the Gospel, he encounters the three “temptations in the wilderness”:

Then Jesus was led by the Spirit out into the wilderness to be tempted by the devil. He fasted for forty days and forty nights, after which he was very hungry~ and the tempter came and said to him, “If thou art the Son of God, tell these stones to turn into loaves.” But he replied, “Scripture says:

Man does not live on bread alone but on every word that comes from the mouth of God.”

The devil then took him to the holy city and made him stand on the parapet of the Temple. “If thou art the Son of God,” he said, “throw thyself down; for Scripture says:

He will put thee in his angels’ charge, and they will support thee on their hands in case thou hurtest thy foot against a stone.”

Jesus said to him, “Scripture also says:

Thou must not put the Lord your God to the test.”

Next, taking him to a very high mountain, the devil showed him all the kingdoms of the world and their splendor. “I will give thee all these,” he said, “if thou fallest at my feet and worship me.” Then Jesus replied, “Be off, Satan! For Scripture says:

Thou shalt worship the Lord thy God, and serve him alone.”

Then the devil left him, and angels appeared and looked after him. MaÆhew 4:1-11 The translation of Gospel passages follows the Jerusalem Bible except for the use of

the archaic pronouns “thou,” “thy,” “thee.” Dostoevsky evidently made the language of the Inquisitor archaic, and this pronoun usage helps to convey that.

These are indeed the major temptations of Dostoevsky: social Messianism, doubt, and pride. The last one is especially worthy of meditation. Everything that the proud desire leads them, after all, to prostrate themselves before the Other, Satan. The only moments of his life when Feodor Mikhailovich did not succumb to one or the other of the temptations were those when he succumbed to all three at once. So it is therefore to himself in particular that this message is addressed; the Legend is the proof that he finally understands its call. The presence in the Gospel of Ma&hew of a text so adapted to his needs affords him great comfort. There it is, the sign he was seeking, as he tells us in brilliant and veiled fashion by the mouth of his Inquisitor:

And could one say anything more penetrating than what was said to thee in the three questions or, to speak in the language of the Scriptures, the “temptations” that thou rejected? If ever there had been on earth an authentic and resounding miracle, it occurred the day of the three temptations. The very formulation of these three questions constitutes a miracle. Let us suppose that they had disappeared from the Scriptures, that it had been necessary to compose them, to imagine them anew in order to replace them there, and that one had gathered for this all the sages of the earth, persons of state, prelates, scholars, philosophers, poets, saying to them: imagine and compose three questions which not only correspond to the importance of that event, but express in three sentences all the history of future humanity — dost thou believe that this summit gathering of human wisdom could imagine anything as strong and profound as the three questions put to thee by the powerful Spirit? These three questions prove, all by themselves, that one has met here the eternal and absolute Spirit and not a transitory human mind. For they summarize and predict simultaneously all the later history of humanity. These are the three forms in which all the insoluble contradictions of human nature are crystalized. One could not understand it then, for the future was veiled, but now, after fifteen centuries have elapsed, we see that everything had been foreseen in these three questions and has been realized to the point that it is impossible to add anything to them or to remove a single word from them.

The Legend is basically only the repetition and expansion of the Gospel scene evoked by the Grand Inquisitor. This is what must be understood when one wonders, a li&le naively, about the silence that Alyosha maintains in face of the arguments of this new tempter. There is no “refuting” of the Legend since, from a Christian point of view, it is the devil, it is the Grand Inquisitor, it is Ivan who is right. The world is delivered over to evil. In St. Luke the devil asserts that every earthly power has been delivered to him “and I give it to whom I will.” Christ does not “refute” this assertion. Never does he speak in his own name; he takes refuge behind the citations of Scripture. Like Alyosha, he refuses to debate.

The Grand Inquisitor believes he can praise Satan, but it is of the Gospel that he speaks, it is the Gospel that has preserved its freshness after fifteen, after nineteen centuries of Christianity. And it is not only in the instance of the temptations, but at each moment the Legend echoes the Gospel sayings:

Do not suppose that I have come to bring peace to the earth: it is not peace I have come to bring but a sword. For I have come to set a man against his father, a daughter against her mother.

Matthew 10:34-35a

The central idea of the Legend, that of the risk entailed by the increase of freedom for humans, orof the grace conferred by Christ, a risk the Grand Inquisitor refuses to run — this very idea figures in passages of the Gospel which evoke irresistibly Dostoevsky’s concept of underground metaphysics.

When an unclean spirit goes out of a man it wanders through waterless country looking for a place to rest, and cannot find one. Then it says, “I will return to the house I came from.” But on arrival, finding it unoccupied, swept, and tidied, it then goes off and collects seven other spirits more evil than itself, and they go in and set up house there, so that the man ends up by being worse than he was before. That is what will happen to this evil generation.

Matthew 12:43-45

Behind the dark pessimism of the Grand Inquisitor is the outline of an eschatological vision of history that responds to the question Demons left in suspense. Because he foresaw the rebellion of man, Christ foresaw also the sufferings and ruptures that his coming would cause. The proud assurance of the orator allows us to discern a new paradox, that of the divine Providence which effortlessly outwits the calculations of rebellion. The reappearance of Satan does not nullify his prior defeat. Everything must finally converge toward the good, even idolatry.

If the world flees Christ, he will be able to make this flight serve his redemptive plan. In division and contradiction he will accomplish what he wanted to accomplish in union and joy. In seeking to divinize itself without Christ, humankind places itself on the cross. It is the freedom of Christ, perverted but still vital, that produces the underground. There is not a fragment of human nature that is not kneaded and pressed in the conflict between the Other and the Self. Satan, divided against himself, expels Satan. The idols destroy the idols. Humankind exhausts, li&le by li&le, all illusions, including inferior notions of God swept away by atheism. It is caught in a vortex more and more rapid as its always more frantic and mendacious universe strikingly reveals the absence and need of God. The prodigious series of historical catastrophes, the improbable cascade of empires and kingdoms, of social, philosophical, and political systems that we call Western civilization, the circle always greater which covers over an abyss at whose heart history collapses ever more speedily — all this accomplishes the plan of divine redemption. It is not the plan that Christ would have chosen for human beings if he had not respected their freedom, but the one they have chosen for themselves in rejecting him.

Dostoevsky’s art is literally prophetic. He is not prophetic in the sense of predicting the future, but in a truly biblical sense, for he untiringly denounces the fall of the people of God back into idolatry. He reveals the exile, the rupture, and the suffering that results from this idolatry. In a world where the love of Christ and the love of the neighbor form one love, the true touchstone is our relation to others. It is the Other whom one must love as oneself if one does not desire to idolize and hate the Other in the depths of the underground. It is no longer the golden calf, it is this Other who poses the risk of seducing humans in a world commiÆed to the Spirit, for beÆer or for worse.

Between the two forms of idolatry. the one aÆacked in the Old Testament and the other unmasked in the New, there are the same differences and the same analogical relation as between the rigidity of the law and universal Christian freedom. All the biblical words that describe the first idolatry describe analogously the second. This is certainly why the prophetic literature of the Old Testament has remained fresh and alive.

The Christianity that the Inquisitor describes is like the negative of a photograph — it shows everything in a reversed manner, just like the words of Satan in the account of the temptations. It has nothing to do with the metaphysical milk toast that a certain bourgeois piety holds up as a mirror to itself. Christ wanted to make humans into super-humans, but by means opposed to those of Promethean thought. So the arguments of the Grand Inquisitor are turned against him when one understands them as they are intended. It is just this that the pure Alyosha observes to his brother Ivan, the author and narrator of the Legend. “Everything that you say serves not to blame, but to praise Christ.”

Christ has been voluntarily deprived of all prestige and all power. He refuses to exercise the least pressure; he desires to be loved for himself. To reiterate, it is here the Inquisitor who speaks. What Christian would want to “refute” such statements? The Inquisitor sees all, knows all, understands all. He understands even the mute appeal of love but is incapable of responding to it. What to do in this case but to reaffirm the presence of this love? Such is the sense of the kiss that Christ gives, wordlessly, to the wretched old man. Alyosha, too, kisses his brother at the conclusion of his story and Ivan accuses him, laughingly, of plagiary.

The diabolical choice of the Inquisitor is nothing else than a reflection of the diabolical choice made by Ivan Karamazov. The four brothers are accomplices in the murder of their father, but the guiltiest of all is Ivan, for he is the one who inspires the act of murder. The bastard Smerdyakov is the double of Ivan, whom he admires and hates passionately. To kill the father in place of Ivan is to put into practice the audacious statements of this master of rebellion; it is to anticipate his most secret desires; it is to go even further on the road he himself designated. But a diabolical double is soon substituted beside Ivan for this double who is still human.

The hallucination of the double synthesizes, as we have seen, quite a series of subjective and objective phenomena belonging to underground existence. This hallucination, at once true and false, is notperceived until the phenomenon of doubling reaches a certain degree of intensity and gravity.

The hallucination of the devil that Ivan experiences may be explicated, at the phenomenal level, by a new aggravation of psychopathological troubles produced by pride; it embodies, on the religious level, the metaphysical overcoming of underground psychology. The more one approaches madness, the more one equally approaches the truth, and if one does not fall into the former, one must end up necessarily in the laÆer.

What is the traditional conception of the devil? This character is the father of lies; he is thus simultaneously true and false, illusory and real, fantastic and everyday. Outside of us when we believe him to be in us, he is in us when we believe him outside of us. Although he leads an existence useless and parasitic, he is morally and resolutely “Manichean.” He offers us a grimacing caricature of what is worst in us. He is at once both seducer and adversary. He does not cease to thwart the desires that he suggests and if, by chance, he satisfies them it is in order to deceive us.

It is superfluous to emphasize the relations between this devil and the Dostoevskyan double. The individuality of the devil, like that of the double, is not a point of departure, but an outcome. Just as the double is the origin of all doublings or divisions, the devil is the locus and the origin of all possessions and other demoniacal manifestations. The objective reading of the underground leads to demonology. And there is no reason to by astonished by that, for we are really always in this “kingdom of Satan” which is not able to maintain itself, for “it is divided against itself.”

Between the double and the devil there is not a relation of identity but a relation of analogy. One moves from the first to the second in the way in which one moves from the portrait to the caricature; the caricaturist relies on characteristic features and suppresses those that are not. The devil, parodist par excellence, is himself the fruit of parody. For an artist imitates himself, he simplifies, schematizes, makes himself starker in his own essence, in order finally to render ever more striking the meanings with which his work is permeated.

There is no break in continuity, no metaphysical leap between the double and the devil. One moves imperceptibly from one to the other, just as one passed imperceptibly from romantic doublings to the personified double. The process is essentially aesthetic. For Dostoevsky there is, as for most great artists, what could be called an “operational formalism,” from which, however, a formalist theory of art should not be deduced. Perhaps the distinction between form and content, which is always dialectical, is not truly legitimate except from the standpoint of the creative process. It is proper to define the artist by his quest for form, because by form as intermediary he accomplishes the penetration of reality, the knowledge of the world and himself. The form here literally precedes the meaning, and this is why it is bestowed as “pure” form.

In Dostoevsky the devil is thus called forth by an irresistible tendency to bring forth the structure of some fundamental obsessions which constitute the primary subject-maÆer of the work. The idea of the devil does not introduce any new element, but it organizes the old ones in a more coherent and meaningful manner. In fact, this idea is revealed as the only one capable of unifying all the phenomena observed. There is not a gratuitous intervention of the supernatural in the natural world. The devil is not represented to us as the cause of the phenomena. For example, he repeats all the ideas of Ivan, who recognizes in him a “projection” of his sick brain but who ends up, like Luther, by throwing an inkwell at his head.

Ivan’s devil is even more interesting to the extent that Dostoevsky’s realism is so scrupulous. Never, before The Brothers Karamazov, had the theme of the devil contaminated that of the double. Even in the “romantic” period we do not find in Dostoevsky those purely literary and decorative comparisons and connections to which the German writers devote themselves so readily. On the other hand, he had already thought about giving a satanic double to the persona of Stavrogin, but this double is already that of Ivan. It is particularly with Demons(more familiarly known as The Possessed in its first translation), one may recall, that the entire underground psychology appears to Dostoevsky as an inverted image of the Christian structure of reality, as precisely its double. If Dostoevsky temporarily withdrew from his idea, it was not because the novelist within him still held in check a fanaticism to which he gave free rein in The Brothers Karamazov. It is rather because he feared misunderstanding from the public. The interior demand and motivation were not yet mature enough to surmount this obstacle.

With The Brothers Karamazov all things are accomplished. The devil is totally objectified, expelled, exorcised; he must therefore figure in the work as the devil as such. Pure evil is disengaged, and its nothingness is revealed. It no longer causes fear, for separated from the being that it haunts, it seems even derisory and ridiculous, nothing more than a bad nightmare.

This impotence of the devil is not a gratuitous idea, but a truth inscribed on all the pages of the work. If the Inquisitor is able to express only what is good, this is because he goes further in evil than all his predecessors. There is almost no longer any difference between his reality and that of the elect. Indeed, it is with full knowledge that he chooses evil. Almost everything he says is true, but his conclusions are radically false. The last words he states are the pure and simple inversion of the words that end the New Testament in the Apocalypse: for the marana tha of the early Christians — “Come, O Lord” —he substitutes a diabolic “Don’t come back, don’t ever come back, ever!”

This evil that is at once the strongest and the feeblest is evil seized at its root, that is, evil revealedas pure choice. The pinnacle of diabolic lucidity is also extreme blindness. The Dostoevsky of The Brothers Karamazov is just as ambiguous as the romantic Dostoevsky, but the terms of ambiguity are no longer the same. In The Insulted and Injured the rhetoric of altruism, nobility, and devotion covers over pride, masochism, and hate. In The Brothers Karamazov it is pride that comes into the foreground. But the frenzied discourses of this pride allow us to catch a glimpse of a good that has nothing otherwise in common with romantic rhetoric.

Dostoevsky lets evil speak to bring it to the point where it refutes and condemns itself. The Inquisitor discloses his scorn for humanity and his appetite for domination that drives him to prostrate himself before Satan. But this self-refutation, the self-destruction of evil must not be uÆerly explicit for otherwise it would lose all its aesthetic and spiritual value. It would lose, in other words, its value as temptation. This art of which the Legend is the model could indeed be defined as the art of temptation. All the characters of the novel, or almost all, are tempters of Alyosha: his father, his brothers, and also Grushenka, the seductress, who gives money to the wicked monk Rakitin so that he will lead Alyosha to her. Father Zossima himself becomes, after his death, the object of a new temptation as the rapid decomposition of his corpse shocks the naive faith of the monastic community.

But the most terrible tempter is certainly Ivan when he presents the suffering of innocent children as a motif of metaphysical revolt. Alyosha is stunned and upset, but the tempter, once again, is powerless, for without knowing it he works even for the victory of the good, since he incites his brother to concern himself with the unfortunate liÆle Ilyusha and his friends. The same reasons that distance the rebel from Christ impel those open to love toward him. Alyosha well knows that the pain he experiences at the thought of the suffering children comes from Christ himself.

Between the temptations of Christ and the temptations of Alyosha there is an analogy that underlines the parallelism of the two kisses given to the two tempters. The Legend is presented as a series ofconcentric circles around the Gospel archetype: circle of the Legend, circle of Alyosha, and finally the circle of the readers themselves. The aft of the tempter-novelist consists in revealing, behind all human situations, the choices that they imply. The novelist is not the devil but his advocate, advocatus diaboli. He preaches the false in order to lead us to what is true. The task of the reader consists in recognizing, with Alyosha, that everything he has just read “is not for the blame but the praise of Christ.”

The Slavophil and reactionary friends of Dostoevsky did not recognize anything at all. No one, it seems, was really ready for an art so simple and so great. They expected of a Christian novelist some reassuring formulas, some simplistic distinctions between good and bad people, in a word, “religious” art in the ideological sense. The art of the later Dostoevsky is terribly ambiguous from the point of view of the sterile oppositions with which the world is filled because it is terribly clear from the spiritual point of view. Constantine Pobedonos9ev, the procurator of the Holy Synod, was the first to demand this “refutation,” whose absence continues to chagrin or elate so many contemporary critics. There is no need to be astonished if Dostoevsky himself ratifies, in a way, this superficial reading of his work by promising the demanded refutation. It is not the author but the reader who defines the objective meaning of the work. If the reader does not perceive that the strongest negation affirms, how would the writer know that this affirmation is really present in his text? If the reader does not perceive that rebellion and adoration finally converge, how would the writer know that this convergence is effectively realized? How could he analyze the art which he is in the process of living? How would he divine that it is the reader, not he, who is wrong? He knows the spirit in which he has wriÆen his work, but the results escape him, if one says to him that the effect sought is not visible, he can only bow. This is why Dostoevsky promises to refute the irrefutable without ever following through, and this for good reason.

The pages devoted to the death of Father Zossima are beautiful, but they do not have the force of genius found in the invectives of Ivan. The critics who try to bend Dostoevsky in the direction of atheism insist on the laborious character that Dostoevsky’s positive expression of the good always had. The observation is fair, but the conclusions usually drawn from it are not. Those who demand of Dostoevsky a “positive” art see in this art solely the adequate expression of Christian faith. But these are always people who conceive a lame idea either of art or of Christianity. The art of extreme negation is perhaps, to the contrary the only Christian art adapted to our time, the only art worthy of it. This art does not require listening to sermons, for our era cannot tolerate them. It lays aside traditional metaphysics, with which nobody, or almost nobody, can comply. Nor does it base itself on reassuring lies, but on consciousness of universal idolatry.

Direct assertion and affirmation is ineffective in contemporary art, for it necessarily invokes intolerable cha&er about Christian values. The Legend of the Grand Inquisitor escapes from shameful nihilism and the disgusting insipidity of values. The art that emerges in its entirety from the miserable and splendid existence of the writer seeks affirmation beyond negations. Dostoevsky does not claim to escape from the underground. To the contrary, he plunges into it so profoundly that his light comes to him from the other side. “It is not as a child that I believe in Christ and confess him. It is through the crucible of doubt that my Hosanna has passed.”

Voir encore:

L’auteur

Ancien élève de l’ENS (1984), docteur en philosophie (1994) habilité à diriger des recherches (2004) et docteur en science politique (2012), Christian Ferrié enseigne en classes préparatoires aux grandes écoles à Strasbourg. Il a consacré l’essentiel de son travail à la philosophie de langue allemande : deux livres sur l’herméneutique heideggerienne (1998 et 1999), des articles de philosophie politique sur Carl Schmitt et Hannah Arendt (2006-2010), deux ouvrages sur la politique kantienne à publier chez Payot (2015). Parallèlement à ces travaux, il a entrepris un travail de recherche sur l’anthropologie politique de Pierre Clastres qui l’a amené à rédiger un livre (à paraître) : Le mouvement inconscient du politique (essai d’ethno-psychanalyse à partir de Clastres). Dans ce contexte, il a déjà publié une contribution dans le Cahier Clastres (2011), lequel Cahier fait suite au colloque à l’Unesco qui avait été consacré en novembre 2009 à Pierre Clastres : « La dynamique inconsciente du mouvement politique », p.323-339 in Pierre Clastres, sous la dir. de M. Abensour et A. Kupiec, 2011, Sens&Tonka.


À Hélène Clastres

« Des Cannibales » : le titre de l’essai de Montaigne peut paraître paradoxal. L’intention est évidente : cette réflexion sur la barbarie humaine entend rejeter comme unilatérale la condamnation morale et religieuse des pratiques anthropophagiques du Nouveau Monde que les voyageurs et les chroniqueurs ont révélées, en ce XVIe siècle finissant, à une France déchirée par les guerres de religion [1]. Le procédé est tout aussi clair : il s’agit de relativiser le cannibalisme pratiqué en Amérique en le réinsérant dans l’ensemble culturel où il prend sens, tout en éclairant les pratiques de cette nation prétendument barbare par des comparaisons valorisantes à l’Antiquité. Pourtant, le titre de l’essai a ceci d’étrange qu’il semble réduire la nation en question à sa coutume anthropophagique : « cette nation » alliée des Français qui habitait la contrée où le vice-amiral Villegagnon a fondé la France Antarctique – c’est celle dont les relations de Thevet (1557 et 1575) et de Léry (1578) nous entretiennent – n’a pas chez Montaigne de nom propre ; leur cannibalisme en ferait essentiellement des cannibales. Le paradoxe est d’autant plus grand que Montaigne refuse la démarcation sémantique entre les mauvais Cannibales et les bons Amériques, celle même mise en place par la délimitation cartographique du Pays des Cannibales entreprise par Thevet en 1557 à partir du cap de Saint-Augustin [2] : par opposition aux Sauvages des Amériques, lesquels font de manière barbare mourir leurs ennemis pris en guerre en les mangeant (il s’agit des Tamoio de la région autour de Rio de Janeiro), André Thevet dénomme et dénonce ces « Canibales » qui mangent « ordinairement chair humaine » (il s’agit cette fois des Tupi de la région située entre Bahia et le Maranhão [3]). Mais la distance prise par Montaigne avec le cosmographe du Roi suffit à lever le paradoxe apparent du titre.

S’il le fallait, la lecture ethnologique de l’essai de Montaigne à laquelle nous invite sa description, ethnographique avant la lettre, des coutumes de ces « Cannibales » avère ce point. On peut même dire que cet essai annonce la « révolution copernicienne » que Pierre Clastres célèbre dans un article, Copernic et les Sauvages (1969), qui ne porte pas par hasard une citation des Essais de Montaigne en exergue [4]. La conversion du regard qui permet de briser le cercle herméneutique de l’ethnocentrisme – suivant en cela le chemin tracé par l’œuvre de Lévi-Strauss, laquelle a su prendre au sérieux la pensée sauvage –, cette conversion donc trouverait son inspiration dans le voyage de Montaigne au pays des Cannibales : si Jean de Léry écrit bien le bréviaire de l’ethnologue [5], c’est la fraîcheur du regard de Montaigne qui en assure le succès au XVIe siècle [6] et depuis lors. Il s’agirait de proposer une lecture ingénue de son essai, et ce en faisant abstraction de la mise en scène subtile et raffinée des références philosophiques et poétiques qui encadre la présentation par Montaigne des mœurs de cette nation cannibale du Brésil. Cela me semble justifié d’un double point de vue. Dégager les éléments ethnographiques du témoignage de Montaigne en faveur de l’humanité de ces Cannibales du Nouveau Monde ne serait-ce pas rendre justice aux Cannibales de Montaigne tout autant qu’à Montaigne lui-même ?

Les Cannibales sans Montaigne

Les Cannibales qui circulent en France à l’époque de Montaigne et dont parlent les chroniqueurs français du XVIe siècle sont des Tupi-Guarani. Avant la Conquista, ces tribus constituent une population de plusieurs millions : ce qui est un fait tout à fait exceptionnel pour une société primitive ou sauvage [7]. Les tribus tupi-guarani qui vivaient dans la forêt amazonienne et sur le littoral ont une place tout à fait singulière aussi bien d’un point de vue ethnographique que dans une perspective historico-politique : ce sont les Tamoio ou Tupinamba qui servent de modèle à la figure du Cannibale tout autant que du Bon Sauvage ; ce sont des groupes guarani qui, d’une part, frayent aux Espagnols la voie vers l’or inca et, d’autre part, vont être rassemblés dans les missions jésuites des XVIe et XVIIe siècles. L’association entre Tupi et Guarani dans le vocable Tupi-Guarani provient d’une très grande homogénéité culturelle entre ces tribus, remarquable tant au plan de la vie socio-économique qu’au niveau des pratiques rituelles, des croyances religieuses et de la structure des mythes [8]. Les différences culturelles entre ces tribus tupi et guarani sont donc relativement négligeables, en particulier par rapport au cannibalisme, dont le rituel a été observé principalement à partir des Tupi côtiers. Il existe cependant une différence : chez les Tupi, seul le meurtrier changeait de nom alors que, chez les Guarani, tous ceux qui avaient mangé un morceau du corps ou l’avaient touché (les enfants étaient invités à broyer son crâne à la hache et à tremper leurs mains dans son sang) devaient changer de nom [9]. C’est l’occupation du territoire qui semble ainsi constituer la plus grande différence entre Tupi et Guarani : les Guarani à l’intérieur du Paraguay et les Tupi sur la côte brésilienne [10]. Avant la Conquête, les Tupi et les Guarani partagent donc culture et langue, mais ils ne forment aucunement une seule et même nation. Il n’y avait pas plus d’unité politique entre les Tupi qu’entre les Guarani : en effet, les tribus tupi ou guarani se trouvaient bien plutôt dans un état de guerre permanente entre elles comme, par ailleurs, avec les tribus dont elles essayaient de conquérir le territoire suite à leurs propres migrations. C’est en fait le contexte de leur exo-cannibalisme guerrier. Leur pratique pourtant bien particulière de cannibalisme – la capture des hommes et non des femmes est une des « curieuses inversions » notées par Hélène Clastres [11] –, cette anthropophagie rituelle pourtant atypique est paradoxalement devenue avec le temps un classique du genre [12], et ce par l’entremise décisive de Montaigne.

Il y a encore un autre paradoxe, noté par Métraux [13] : le mythe du Bon Sauvage a été forgé en Europe, au sein du milieu calviniste, à partir de la figure idéalisée du Tupinamba anthropophage [14]. C’est que le contexte européen des guerres de religion qui préside à la réception théologico-politique des Tupi-Guarani est au moins aussi important que les stratégies d’alliance des Européens avec les tribus indiennes : les Français avec les Tupinamba, les Portugais avec les Tupininquin [15] et les Espagnols avec les Guarani. En fonction même de ces alliances, les Européens ont une image positive de leurs alliés tupi-guarani avec lesquels ils entretiennent un très bon contact : dans ces conditions, ils peuvent apprécier le commerce avec ces tribus, le soutien militaire des hommes contre leurs ennemis et la beauté des femmes dont ils font des épouses ou des maîtresses (ce qui, en outre, leur assure l’alliance militaire des chefs de famille) [16]. Tout autant de raisons de relativiser leur cannibalisme.

Ces données ethnographiques nous permettent d’aborder en connaissance de cause ethnologique l’essai de Montaigne, lequel pointe tout particulièrement les pratiques guerrières des Cannibales. Mais il est un autre point d’intérêt dont il est également question dans l’essai : c’est l’existence de prophètes chez les Tupinamba. Pour achever cette présentation liminaire des sociétés tupi-guarani, il faut évoquer le phénomène tout à fait singulier des migrations prophétiques, que Nimuendaju (1914) et Métraux (1927) ont étudiées avant que Lowie (1948) et Clastres (1974) n’en fournissent une interprétation. Ce sont ces mouvements prophétiques qui intéressent en premier lieu Pierre Clastres chez les Tupi-Guarani, et non pas leur anthropophagie rituelle. Lire Montaigne à la lumière de Clastres peut, dans ces conditions, paraître aussi téméraire que paradoxal. Risquons ingénument un tel décryptage.

Une lecture ingénue : Des Cannibales de Montaigne

Il s’agit d’éclairer l’évocation ethnographique des mœurs tupi par l’essai de Montaigne en partant du principe que la fiction littéraire construite par Montaigne rencontre la réalité ethnographique. Si l’on fait abstraction des multiples références à l’Ancien monde (et tout particulièrement à la littérature de l’Antiquité) dont Montaigne agrémente la démonstration de l’essai, on peut reconnaître deux moments d’intérêt d’un point de vue ethnographique : le compte rendu par Montaigne du témoignage d’un de ses domestiques quant aux mœurs de cette nation du Nouveau Monde qui pratique notamment le cannibalisme ; le dialogue direct avec trois d’entre eux, lequel porte sur la question du pouvoir socio-politique.

Avant même d’en faire état en deux temps, Montaigne présente le « veritable tesmoignage » d’un homme « simple et grossier », lequel avait « demeuré dix ou douze ans en cet autre monde », à l’endroit même de la France Antarctique de Villegagnon, comme étant d’autant plus authentique et fidèle qu’il a été confirmé par d’autres voyageurs que cet homme simple lui a présentés [17]. Il convient de collecter les informations que ce témoignage ingénu nous apporte, et ce afin de les recouper avec les connaissances ethnographiques qui sont par ailleurs disponibles. Dans un premier temps, les mœurs de cette nation sont présentées d’une double manière. Tout d’abord, il s’agit pour Montaigne de déconstruire l’ethnocentrisme du jugement de ces nations par l’Ancien monde : contredisant leur disqualification comme « barbare et sauvage », il défend cette nation, proche de la nature, contre l’anti-modèle de notre société, artificielle. Mais surtout, il lui faut ensuite faire état de leurs mœurs, et ce afin d’en avérer la simplicité. En fait, tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît au premier abord.

Au plan de la civilisation matérielle, leurs « bastimens » sont considérables : une « grangée » de « cent pas de longueur » peut contenir deux à trois cent âmes et constituer un village [18]. Il convient d’apporter une précision ethnographique, laquelle montre un déplacement dans la description de Montaigne. La communauté primitive constitue un groupe local qui réside souvent dans une seule maison (maloca). Mais, chez les Tupi-Guarani, le village est constitué de plusieurs maloca [19] qui abritent en moyenne quatre cents personnes [20]. Par suite, le village étant capable d’abriter mille à trois mille habitants ne ressemble plus à une communauté primitive classique. C’est donc comme si Montaigne projetait sur les villages tupinamba « le modèle primitif habituel » dont ils s’étaient pourtant écartés [21]. C’est le premier déplacement qu’on peut noter, lequel converge avec un second déplacement. Ayant avancé l’idée qu’il n’existe aucune distinction politique parmi cette nation, « nul nom de magistrat, ny de superiorité politique » [22], Montaigne attribue à « quelqu’un des vieillards » la fonction de prêcher toute la grangée le matin [23], alors que ce rôle est traditionnellement dévolu au chef de tribu [24]. Ayant précisé que les gens de cette nation « croyent les ames eternelles », Montaigne affirme que ces prêches quotidiens iraient dans le même sens que les exhortations à la vertu des « prestres et prophetes », dont la « science éthique » se limiterait à deux articles : la résolution à la guerre, où il faut montrer son courage contre les ennemis, et l’affection ou l’amitié envers les femmes [25]. Suivant Léry, Montaigne fait état des grandes fêtes et assemblées solennelles de plusieurs villages qui ont lieu les rares fois où ces Caraïbes, qui demeurent dans les montagnes, en descendent pour se présenter au peuple [26] : leur tâche est de prédire à cette occasion l’issue de la guerre et leur destin de disparaître ou d’être mis à mort s’ils s’avèrent être des « faux prophètes [27] ».

Après un intermède cultivé sur la divination chez les Scythes, la transition est faite pour passer à la question de leurs « guerres contre les nations au delà de leurs montagnes » : armés d’arcs et d’épées de bois, ils vont nus au combat, combat qu’ils mènent sans jamais s’enfuir ni se laisser effrayer ; les guerriers victorieux ramènent comme trophées la tête de l’ennemi vaincu ainsi que des prisonniers, lesquels seront mis à mort et mangés au bout d’un certain temps. Montaigne rend fidèlement compte du rituel qui préside au repas anthropophagique, et ce malgré quelques imprécisions (indiquées entre parenthèses) et quelques inexactitudes de détail [que je m’autorise à corriger] : pendant leur séjour, qui peut effectivement être assez long (jusqu’à quelques années), les prisonniers sont bien traités (même si, lors de leur arrivée dans le village ennemi, ils sont insultés par des femmes et qu’ils le seront à nouveau de temps à autre à l’occasion de fêtes) ; lors de son exécution, le prisonnier est maintenu par une corde attachée [non par les bras, mais] au torse, laquelle corde est tenue par deux autres hommes [et non par le maître et son ami] pendant que son maître [seul] l’assomme d’un coup d’épée-massue ; ensuite, son corps mort est rôti [boucané en fait], puis mangé en commun après une répartition des lots (laquelle a été décidée en amont de la cérémonie) ; tout ce rituel (d’une durée de trois à cinq jours) a pour signification non de satisfaire la faim, mais de « representer une extreme vengeance [28] ». S’il suit fidèlement les chroniqueurs qui, tel Léry, insistent tout particulièrement sur ce dernier point, Montaigne a pour insigne mérite d’avoir parfaitement mis en scène le lien qui unit guerre et cannibalisme [29]. Cette compréhension (pré)ethnologique de la signification de l’anthropophagie guerrière permet à Montaigne de récuser sa condamnation ethnocentriste et, qui plus est, de fustiger le châtiment barbare qui peut être infligé aux cannibales du Nouveau Monde : être livrés à des chiens pour être dévorés vivants [30]. Après cette relativisation de la barbarie cannibale, il est longuement question du sens de leur pratique guerrière et de la signification que revêt dans ce contexte la vengeance anthropophagique.

Montaigne démarque leur manière de faire la guerre, « toute noble et genereuse », d’une guerre de « conqueste de nouvelles terres » et de pillage des « biens des vaincus » : « l’acquest du victorieux c’est la gloire, et l’avantage d’estre demeuré maistre en valeur et en vertu ». Pour étayer cette hypothèse sur le but de la guerre, il rend compte du traitement apparemment ambivalent des prisonniers : si, d’une part, ils sont laissés en liberté et peuvent jouir de toutes les commodités (dont une épouse), c’est pour leur rendre la vie d’autant plus chère et, ainsi, les attacher à la vie qu’on va leur prendre ; d’autre part, les prisonniers sont périodiquement entretenus de leur mort future, des tourments qu’ils vont souffrir et du « festin qui se fera à leurs despens », et ce afin de leur arracher la requête de n’être pas tués et mangés. On leur rend donc la vie agréable tout en leur peignant leur propre mort dans le seul objectif d’abattre leur vaillance :

Tout cela se fait pour cette seule fin d’arracher de leur bouche quelque parole molle ou rabaissée, ou de leur donner envie de s’en fuyr, pour gaigner cet avantage de les avoir espouvantez, et d’avoir faict force à leur constance. Car aussi, à le bien prendre, c’est en ce seul point que consiste la vraye victoire [31].

La véritable victoire et, donc, la vengeance suprême contre l’ennemi, ce serait de parvenir à affaiblir la fermeté d’âme et le courage du guerrier vaincu : c’est peine perdue, car « de vray, ils ne cessent jusques au dernier souspir de les braver et deffier de parole et de contenance ». C’est le sens de cette « chanson faicte par un prisonnier » que Montaigne évoque après avoir établi, à travers une incursion savante dans le monde gréco-romain, le sens de la noble guerre : acquérir l’honneur de la vertu guerrière, laquelle consisterait moins à battre qu’à combattre [32]. Le but de cette généreuse guerre ne serait donc ni la conquête territoriale, ni le pillage des biens, ni même la victoire : ce serait uniquement le gain de gloire. C’est comme si l’analyse de Montaigne rencontrait une forme primitive de guerre que les Tupi-Guarani, en fait, ne pratiquaient plus au moment de la Conquista. Car, pendant la période pré-colombienne, les tribus tupi-guarani ont mené de véritables guerres de conquête [33] qui, par exemple, ont permis aux Tupinamba de repousser les anciens occupants de la côte brésilienne dans les forêts : ceux qu’ils appellent les Tapuya [34]. Rien ne permet d’affirmer que, si la Conquista n’avait pas eu lieu, les Tupinamba s’en seraient tenus aux frontières entre provinces que les Européens ont pu constater au moment de leur arrivée : la séparation de la côte brésilienne en provinces est, en quelque sorte, un cliché de l’état du rapport de forces entre les tribus au moment de la Conquête. C’est donc comme si Montaigne avait projeté la pratique primitive de la guerre sur les Tupi-Guarani tout autant, d’ailleurs, que sur les Grecs et les Romains. Mais ce déplacement a permis à Montaigne d’entrevoir l’idéal-type de la guerre primitive, idéal-type que Pierre Clastres a forgé en s’appuyant sur les paroles des guerriers chulupi du Chaco [35] : le moteur de la guerre en sa forme primitive, c’est la quête insatiable de gloire [36]. C’est un des passages les plus captivants de l’œuvre de Clastres : le guerrier est condamné à mort par sa propre tribu qui le pousse à rechercher la gloire [37], et ce afin d’empêcher la logique mortifère de la guerre de l’emporter sur la logique de vie de la société primitive [38]. La vérité de la guerre primitive, ce serait la mort du guerrier en quête de gloire.

Il faut « revenir à nostre histoire » pour bien comprendre que le guerrier vaincu, fait prisonnier, ne perd pas pour autant son honneur. Afin d’attester leur « contenance gaye », Montaigne fait état de la constance des prisonniers, lesquels défient leurs maîtres, accusés de lâcheté et pressés de les exécuter, et vocifèrent même tout leur mépris « jusques au dernier souspir [39] ». Il évoque les gravures qui « peignent le prisonnier crachant au visage de ceux qui le tuent » en l’assommant, et ce juste après avoir restitué la chanson faite par le prisonnier, mais sans préciser la corrélation entre les deux événements. Il y en a pourtant une : cette « chanson guerrière » (comme Montaigne la dénomme par la suite) est, en effet, le discours que le prisonnier fait pendant le rituel de son exécution, et ce juste avant de mourir [40] ; pour que le rituel soit accompli, il est même tenu de le faire de façon à simuler le combat à mort qui, en quelque sorte, autorise sa mise à mort finale et le repas anthropophagique [41]. Sans transition autre que d’en faire un « tesmoignage de la vertu du mary » et de sa « reputation de vaillance », il est ensuite question de la polygynie, laquelle n’est plus chez les Tupi-Guarani l’apanage du chef ou du chaman, mais est partagée par les guerriers valeureux. Le prestige d’avoir capturé des ennemis se double ainsi du droit prestigieux d’avoir plusieurs femmes : à l’instar de leur groupe familial, ces dernières recherchent elles-mêmes les guerriers les meilleurs et donc les plus prestigieux [42]. Montaigne noterait donc, à juste titre, l’accord des femmes avec le dispositif polygamique de la société : « soigneuse de l’honneur de leurs maris […], elles cherchent et mettent leur sollicitude à avoir le plus de compaignes qu’elles peuvent [43] ». C’est pour montrer que ces femmes ne sont pas servilement dominées et abêties par « l’impression de l’authorité de leur ancienne coutume » (polygénique) qu’est invoquée une chanson amoureuse dont Montaigne restitue le premier couplet et refrain.

Il s’agirait d’illustrer une concorde raffinée entre des femmes qui seraient reliées entre elles par une corde de coton. Je risque une hypothèse, anti-poétique au possible : ce ne serait pas un homme amoureux, mais une femme qui s’adresserait à une couleuvre pour la prier d’arrêter son mouvement, et ce afin qu’elle puisse servir de modèle au cordon filé par sa sœur ; ce qui permettrait à cette femme de l’offrir à son amie ; cette corde pourrait être celle qui est mise autour du cou du prisonnier pendant toute la durée de son séjour ou bien le cordon qui servirait à sa mise à mort. Les Tupi ne tissaient pas, mais filaient et tressaient le coton pour en faire des cordons qui servaient à fabriquer les hamacs, lieux des accouplements, tout autant que la corde maintenant le prisonnier lors de sa mise à mort, la mussurana. C’est un terme tupi qui, à l’origine, désigne un serpent cannibale : insensible au venin des serpents venimeux, ce serpent non venimeux se laisse mordre par la vipère, puis l’enlace de ses volutes avant de s’emparer tout d’abord de sa tête et ensuite de l’engloutir complètement ; de même que « le mussurana-serpent attache avec son propre corps la victime au moment de la tuer », de même la corde-mussurana attache le prisonnier à mettre à mort [44]. Il n’y aurait « rien de barbarie dans cette imagination » mienne : une femme offre à une autre un riche cordon filé par sa sœur sur le modèle d’un serpent inoffensif pour l’être humain ; on peut même s’imaginer que cette autre femme est l’épouse transitoire du prisonnier ennemi. Il faut bien, en effet, que la mussurana soit filée par des femmes avant d’être nouée par des hommes : le prisonnier est alors immobilisé comme le serpent venimeux [45] ; l’épouse du captif sacrifié versait des larmes, puis consommait son époux [46] en suivant le modèle du serpent-mussurana. C’est une hypothèse qui ne peut être vérifiée, faute de disposer de la chanson tupi à laquelle Montaigne se réfère pour en affirmer le caractère anacréontique. Mais on peut en supputer plusieurs traits qui se tresseraient ici en une sorte de cordon directeur d’une interprétation polyphonique de la chanson : la métaphore filée par Montaigne, peut-être, parviendrait à relier la symbolique de la couleuvre à l’ouvrage artisanal et à la création poétique, et ce avec une discrétion anacréontique dont André Tournon a révélé la signification raffinée au possible [47]. Comme si la mélodie tupi, « retirant aux terminaisons Grecques », parvenait de la sorte à faire entendre sa composition symboliquement raffinée en contrepoint du chant poétiquement cultivé par Anacréon.

Discrètement, Montaigne passe du témoignage indirect sur les mœurs de cette nation du Nouveau Monde au dialogue direct avec trois d’entre eux sur la question du pouvoir socio-politique : c’est la rencontre mise en scène à Rouen. Il y a deux scènes dialoguées, lesquelles voient Montaigne passer du statut de spectateur à celui d’interlocuteur. C’est bien connu. L’ensemble est placé tout entier sous le signe de La Boétie, et ce d’entrée de jeu puisque Montaigne les juge « bien miserables de s’estre laissez piper au desir de la nouvelleté [48] ». Il faut s’imaginer la première scène : le jeune roi Charles IX leur parle « long temps » ; pourtant, ce n’est pas le long dialogue royal avec eux qui retient l’attention de Montaigne, mais bien les impressions négatives qu’ils ont de la France monarchique. Faussement inattentif, Montaigne a bien noté les réponses interrogatives qu’ils ont faites aux questions posées par « quelqu’un » d’inconnu qui pourrait figurer le fantôme de La Boétie. Car ce sont manifestement les subversives questions de la servitude volontaire face à la division socio-politique qui caractérise l’Ancien monde depuis la malencontre. Ainsi, Montaigne fait apparaître La Boétie en arrière-plan de ces « gens tout neufs » qu’évoque Le Contr’Un :

… si d’avanture il naissoit aujourdhuy quelques gens tout neufs, ni accoustumés a la subjection, ni affriandés a la liberté, et qu’ils ne sceussent que c’est ni de l’un ni de l’autre ni à grand peine des noms, si on leur présentoit ou d’estre serfs, ou vivre francs selon les loix desquelles ils ne s’accorderoient : il ne faut faire doute qu’ils n’aimassent trop mieulx obéir a la raison seulement, que servir a un homme [49]

Suivant l’allusion de son ami La Boétie, Montaigne ne peut qu’écouter ce que ces gens ont à dire de notre monde de servitude comme de leur monde de liberté. Le versant critique de la rencontre, la vision que les Tupi-Guarani donnent de l’ancien monde, précède dans l’essai le versant positif, l’exposition de leur pratique du pouvoir. C’est la seconde scène du dialogue qui voit Montaigne sortir de l’ombre pour devenir l’interlocuteur principal : à son tour, il parla « à l’un d’eux fort long temps », et ce grâce à la traduction d’un « truchement » qui fut cependant d’une trop grande bêtise pour suivre Montaigne. Tout semble donc défavorable à la compréhension mutuelle entre Montaigne et ce « Capitaine » que les matelots appelaient « Roy » : le truchement normand ayant séjourné au Brésil, cela vaut, par extension, de la difficile rencontre entre l’ancien et le nouveau monde sous les conditions de la Conquête. Malgré tout, l’écoute et l’entente semblent possibles : un dialogue authentique peut avoir lieu… du moins dans l’essai de Montaigne. Toute la mise en scène du dialogue direct de Montaigne avec le Capitaine vise ainsi à nous persuader de l’authenticité d’une fiction qui, en substance, rejoint la réalité. Pour répondre aux questions de Montaigne, le Capitaine avance trois éléments : « marcher le premier à la guerre » est l’avantage que lui apporte sa « superiorité » de chef ; en tant que chef de guerre il est suivi de quatre à cinq mille hommes (selon l’estimation de Montaigne) ; « hors la guerre, toute son autorité estoit expirée » à l’exception du fait qu’on lui fraye des sentiers où il peut passer à l’aise pour accéder aux villages [50]. Cette toute dernière précision pourrait être le fait d’une confusion entre chef et chaman [51]. Mais pour le reste, Montaigne rencontre bien la réalité ethnographique de la chefferie amérindienne, et ce à la faveur de quelques déplacements qu’il nous faut prendre soin d’analyser. Pour ce faire, laissons la clarification ethnologique prendre la relève du décryptage ingénu de ce que l’essai de Montaigne révèle d’évocation ethnographique.

Un éclairage ethnologique : la chefferie tupi

L’éclairage ethnologique n’a pas pour objectif d’infliger une rectification positiviste à la description ethnographique de Montaigne, mais bien d’en attester la justesse en cernant la réalité rencontrée par son essai. Tout atteste, en premier lieu, que l’interlocuteur de Montaigne est un chef de guerre : un capitaine donc (comme Montaigne l’avait bien compris), et peut-être bien un fils de roi plutôt qu’un roi (les matelots revenus du Brésil anticiperaient peut-être son statut à venir). Marcher le premier à la guerre : ce caractère a été relevé par Claude Lévi-Strauss, qui l’évoque dans Tristes tropiques (1955), en écho à sa thèse complémentaire sur les Nambikwara (1948) : la référence explicite à Montaigne conforte le constat ethnographique que « le chef marche en avant », en général et non seulement à la guerre [52]. Il y a là, de la part de Lévi-Strauss, une étrange indistinction entre le chef et le chef de guerre. Ce qui enlève en fait tout son mordant à la réponse faite à Montaigne : pour le chef de guerre, il s’agit de risquer sa vie en s’exposant en premier et, par le courage ainsi donné en exemple, d’inciter les autres à le suivre, alors que les mauvaises décisions du chef risquent tout au plus de provoquer une scission du groupe. Lorsqu’il donne l’exemple des Nambikwara étudiés par Lévi-Strauss (1944), Lowie (1948) néglige bizarrement de remarquer cette confusion entre chef et chef de guerre, et ce alors même qu’il entend avérer l’opposition entre l’influence d’un titular chief sans pouvoir de commandement et l’autorité du war leader :

… les Nambikwara illustrent la montée en puissance d’une chefferie relativement stable, comme celle décrite de manière suggestive par Lévi-Strauss […]. Ici émerge un chef titulaire avec une véritable influence, bien qu’encore dépourvu de pouvoir (not a ruler). Par contraste, le chef de guerre a une autorité éphémère mais absolue, comme cela a déjà été remarqué pour de nombreux groupes d’Amérique du Sud [53].

En règle générale, le chef de guerre n’est pas le chef tout court : le stratège et le chef n’ont pas les mêmes attributs et attributions. Selon Lowie, le chef en titre (titular chief), qui assume la direction du groupe en temps de paix (civil leadership), peut être défini, négativement, par son absence d’autorité coercitive et de pouvoir de commander les autres : positivement, il est un pacificateur caractérisé par sa générosité (obligation de munificence) et par ses dons oratoires [54]. C’est le point de départ de Pierre Clastres dans son texte inaugural sur la philosophie de la chefferie indienne (1962), texte qui fait tout logiquement référence à Lowie et Lévi-Strauss [55]. Selon Clastres, la chefferie indienne est instituée dans l’intention sociologique de figurer « l’impuissance de l’institution » d’un chef condamné à être contrôlé et contesté, si besoin est, par la société :

…le chef ne dispose d’aucune autorité, d’aucun moyen de coercition, d’aucun moyen de donner un ordre. Le chef n’est pas un commandant, les gens de la tribu n’ont aucun devoir d’obéissance. L’espace de la chefferie n’est pas le lieu du pouvoir, et la figure (bien mal nommée) du « chef » sauvage ne préfigure en rien celle d’un futur despote [56].

Clastres note que la guerre perturbe cette situation dans la mesure où le chef de guerre doit, lors d’une expédition guerrière, « exercer un minimum d’autorité », et ce en relation avec sa « compétence technique de guerrier [57] ». Pourtant, le chef de guerre ne commande pas à proprement parler. Ce qui reste vrai pour les Tupi côtiers, et ce alors même que des milliers de combattants étaient engagés sur le champ de bataille [58] : suivant Léry, Métraux précise ainsi qu’après avoir suivi le chef qui menait toujours la colonne, les Tupinamba combattaient sans obéir à aucun commandement [59] ; les plus vaillants à la pointe, ils marchaient au combat sans tenir « ni rang ni ordre », pendant que les femmes assuraient l’approvisionnement [60]. Selon Léry, même la mobilisation initiale des troupes n’était pas le fait du chef, mais bien plutôt une œuvre collective résultant de la décision prise par le Conseil des Anciens [61] : c’est la tribu qui décide de la guerre et c’est elle qui mène le combat. En temps de guerre, le chef de guerre dispose donc d’une force de commandement tout à fait relative et, « hors la guerre », il perd tout pouvoir : en temps de paix, il ne jouit en effet que du prestige d’un guerrier ayant tué et mis à mort beaucoup d’ennemis, prestige qui se marque et se remarque par l’accumulation des tatouages et des noms. Mais prestige n’est pas pouvoir : le chef de guerre ne peut pas faire le chef au sens où nous l’entendons, sauf à renverser le rapport de forces entre la tribu et le chef : s’appuyant sur l’exemple de Geronimo, qui s’y essaie, Clastres avance l’hypothèse que « ça ne marche jamais [62] ». Jusqu’à présent, tout paraît congruent à l’essai de Montaigne.

Il y a pourtant un élément dissonant, qui renvoie à l’état bien particulier de la société tupi à l’époque de la Conquête. Parmi les sociétés primitives, les Tupi-Guarani constituent en effet un cas tout à fait exceptionnel : c’est l’exemple singulier d’une montée en puissance des chefs (de guerre) au sein de la société sauvage, dont le célèbre Quoniambec est une illustration exemplaire. Tout en récusant le déterminisme démographique, Clastres a montré l’articulation entre la croissance démographique et la lente émergence du pouvoir politique par l’intermédiaire sociologique de la concentration de la population dans des unités socio-politiques de plusieurs milliers d’habitants :

…les Tupi-Guarani paraissent, à l’époque où l’Europe les découvre, s’écarter sensiblement du modèle primitif habituel […]. Sur ce fond d’expansion démographique et de concentration de la population se détache – fait également inhabituel dans l’Amérique des Sauvages, sinon dans celle des Empires – l’évidente tendance des chefferies à acquérir un pouvoir inconnu ailleurs [63].

En corrélation avec l’expansion démographique [64], l’expansion territoriale et politique, permise par des guerres de conquête [65], assure ainsi l’autorité de certains chefs sur plusieurs villages et même sur une province entière. La tendance centripète à l’unification [66], qui s’était tout d’abord déployée au niveau d’un village rassemblant plusieurs communautés, conduisait en effet les sociétés tupi-guarani à reproduire le même schéma au plan fédéral du rassemblement de plusieurs villages sous l’autorité d’un chef de province [67]. Lorsque les Européens arrivent, le système social était bien loin d’avoir, à ce niveau provincial, trouvé un état d’équilibre. Car cette dynamique politique créatrice de sortes de « royautés » (les guillemets de Clastres indiquent que le terme révèle la perception des chroniqueurs) constituait un processus conflictuel : « à s’étendre en effet, le champ d’application d’une autorité centrale suscite des conflits aigus avec les petits pouvoirs locaux » (par exemple, entre le « Roy » Quoniambec et ses « roytelets ») ; et ce comme si les chefferies locales résistaient à un processus historique qui, à terme, aurait abouti à l’exercice d’une « hégémonie politique » sur plusieurs communautés ou tribus voisines [68]. Constatant qu’il y a « une différence radicale, une différence de nature » (et non pas simplement de degré) entre le chef d’une centaine de guerriers et les grands leaders tupi-guarani menant au combat plusieurs milliers de guerriers [69], Clastres peut en conclure que « les chefs tupi-guarani n’étaient certes pas des despotes, mais ils n’étaient plus tout à fait des chefs sans pouvoir [70] ».

Cet état socio-politique tout à fait singulier des sociétés tupi-guarani permet de mettre en perspective plusieurs faits ethnographiques évoqués par Montaigne. Tout d’abord, l’existence de villages multi-communautaires éloigne les Tupi-Guarani de l’horizon d’une communauté primitive dont le village se limiterait à la dimension d’une grange (maloca). Ensuite, la polygynie n’est plus limitée aux chefs et chamanes, comme c’est en général le cas dans les communautés primitives. Chez les Tupi, elle s’étend aux guerriers valeureux : Montaigne note ce point juste après avoir rendu compte de la bravoure des prisonniers mis à mort, et ce comme s’il entrevoyait une corrélation entre leur glorieuse capture et la polygynie. C’est devenu un fait social chez les Tupi-Guarani : la société accorde désormais le droit d’avoir plusieurs épouses au guerrier prestigieux qui acquiert ce prestige (noms et tatouages) en faisant prisonnier des ennemis et en les exécutant. La guerre à l’origine du prestige entraîne donc la polygynie, et ce avec l’accord de la société : les femmes recherchent les meilleurs guerriers et un clan familial a tout intérêt à donner ses femmes à des hommes de prestige. Le lignage des chefs de guerre tend par suite à devenir socialement plus important que les autres : le grand guerrier a beaucoup de femmes, donc plus de richesses que les autres, plus d’esclaves (plus de prisonniers de guerre), plus d’enfants, une famille plus importante et plus puissante, plus de gendres, etc. Il a donc davantage d’influence sur son groupe local et, éventuellement, sur d’autres groupes locaux. Ce système de la conjonction guerre-polygynie-pouvoir conduit à une différenciation socio-politique. Clastres signale ainsi qu’au sein d’autres sociétés amérindiennes déjà fortement engagées dans un processus de stratification sociale, la polygynie cesse d’être le privilège du chef pour devenir un attribut des guerriers, lesquels réduisent en esclavage les tribus voisines et s’approprient leurs femmes comme épouses secondaires [71].

La montée en puissance des chefferies et la constitution d’armées imposantes seraient le signe qu’à l’époque de la Conquête, les Tupi étaient confrontés à un processus de transformation profonde de leur société [72] que Clastres finit par mettre en rapport avec l’intensification de leur pratique guerrière et la mutation corollaire du sens même de la guerre : le cas des Tupi l’amène ainsi à envisager « la guerre de conquête dans les sociétés primitives comme amorce possible d’un changement de la structure politique [73] ». Ce qu’il appelle par ailleurs l’emballement de la machine guerrière transformerait la guerre primitive en une guerre de conquête : c’est ce qu’avèreraient la conquête précolombienne de la côte brésilienne par les Tupi [74] tout autant que les guerres incessantes entre tribus à l’époque coloniale. Dans La Terre sans mal (1975), Hélène Clastres rappelle, à la suite de Métraux, qu’avant l’arrivée des Blancs, les Tupi-Guarani sont devenues des « sociétés de conquérants » qui mènent des « guerres de conquête [75] », de sorte que des provinces intertribales se sont constituées sur le fondement d’une répartition politique nouvelle entre tribus amies et ennemies : chez les Tupi, le chef de province a autorité sur les chefs de villages alliés qui, assistés désormais d’un Conseil des Anciens, ont autorité sur les chefs des maisons collectives. Ce qui est donc en gestation, c’est l’« évolution politique » et sociale vers une organisation pyramidale de sociétés qui sont devenues conquérantes en corrélation avec leur explosion démographique.

C’est un phénomène décisif qui marque une sorte de perversion de la fonction politique de la guerre primitive. En effet, les guerres de conquête n’obéissent plus à la logique centrifuge de séparation entre les communautés primitives, mais à la logique inverse de l’unification centripète d’un territoire sous la domination d’une tribu et de ses chefs. Habituellement, les communautés se divisent en cas d’expansion [76], et ce grâce à la scission qui peut, au bout de quelques générations, mener à la guerre en raison d’un renversement d’alliances : les anciens beaux-frères deviennent des ennemis. Scission interne et guerre émanent donc de la même force centrifuge. Clastres reconstruit ainsi l’idéal-type de la guerre qui correspond à l’état de la communauté primitive : la guerre de scission [77], c’est la politique extérieure de la communauté primitive [78]. La fonction politique des guerres de scission, c’est d’empêcher la fusion entre les communautés primitives [79] : il s’agit de maintenir l’Autre à l’extérieur du territoire [80], et ce de manière à prévenir la concentration sociale dans des structures multi-communautaires et l’émergence corollaire de chefferies puissantes. De ce point de vue, le glissement fonctionnel d’un raid guerrier qui devient aussi une entreprise de pillage paraît constituer une perversion économique de la guerre, mais il s’agit encore et toujours pour le guerrier de montrer sa bravoure et d’acquérir de la gloire, et non pas de conquérir des territoires ou de s’approprier des biens [81]. La capture des femmes est un des buts inhérents à la guerre de ce type : « on attaque les ennemis pour s’emparer de leurs femmes », et ce de manière à éviter tout échange [82]. Mais, chez les Tupi-Guarani, il y a un phénomène tout à fait singulier : le but avancé n’est plus la prise des femmes, mais bien plutôt la capture des hommes dont on fait, pendant un temps, des beaux-frères avant de les mettre à mort et de les dévorer [83]. L’inféodation de la guerre à la logique de l’anthropophagie rituelle est un signe que quelque chose de bien particulier s’est passé, dont le prophétisme tupi-guarani pourrait bien s’avérer être le symptôme principal. J’ai déjà évoqué ce point : c’est ce phénomène des migrations prophétiques qui explique l’intérêt de Clastres pour les Tupi-Guarani, et non pas le cannibalisme. Sans dénier la dimension religieuse de ces mouvements que Métraux a mise en avant, Hélène et Pierre Clastres en proposent une lecture socio-politique [84] qui en dégage la « signification politique en son essence » :

…ce prophétisme […] traduisait, sur le plan religieux, une crise profonde de la société, et cette crise elle-même était certainement liée à la lente, mais sûre, émergence de puissantes chefferies. En d’autres termes, la société tupi-guarani en tant que société primitive, en tant que société sans État, voyait surgir de son sein cette chose absolument nouvelle : un pouvoir politique séparé qui, comme tel, menaçait de disloquer l’antique ordre social et de transformer radicalement les relations entre les hommes. On ne saurait comprendre l’apparition des karai, des prophètes, sans l’articuler à cette autre apparition, celle des grands mburuvicha, des chefs. Et la facilité, la ferveur avec laquelle les Indiens répondaient à l’appel des premiers révèlent bien la profondeur du désarroi où les plongeait l’inquiétante figure des chefs : les prophètes ne prêchaient nullement dans le désert [85].

Le prophétisme est le symptôme, de forme et d’apparence religieuse, de la maladie d’un corps social qui souffre de la lente institution d’un pouvoir politique séparé [86]. Mais, en déclarant la mort de la société, devenue mauvaise, ces karai mettent le corps social dans un état critique d’auto-destruction déclarée : le « désir de rupture avec le mal » provoque une « subversion totale de l’ordre ancien » (établi parmi les humains) qui détruit, entre autres, la loi fondamentale de la société humaine (la prohibition de l’inceste) et cette volonté de subversion « allait jusqu’au désir de mort, jusqu’au suicide collectif [87] ». Il s’agit donc de détruire la société mauvaise en mettant fin à tout ce qui caractérise la société en général (la parenté, le travail, etc.) : ainsi, la destruction des lignages devenus inégaux passe par l’abolition de la parenté, la destruction du pouvoir croissant des chefs passe par l’abandon du village comme lieu de la concentration de pouvoir et de population, la destruction de l’accumulation passe par l’abolition du travail, etc. Contrairement à ce qu’a cru Montaigne à la suite de Thevet et de Léry, les karai qui circulent impunément entre les tribus en guerre ne sont pas de même statut que les chamans (ou page), ces guérisseurs affiliés aux villages qui pouvaient prédire l’issue de la guerre [88] : car ces prophètes préconisent non la guerre et l’affection des femmes, mais l’abolition de l’interdit de l’inceste [89]. Or, la circulation des prophètes entre les tribus ennemies indique le mouvement d’abolition de la guerre qu’accomplit effectivement la migration prophétique, et ce comme si la destruction de l’inégalité naissante devait passer par l’abolition de la guerre à l’origine de l’inégalité. Par sa transversalité de nomade traversant tous les groupes, amis ou ennemis, ce transcommunautaire est un ferment d’union qui tendait à supprimer la différence entre les communautés et à abolir la guerre entre les groupes ennemis. En abolissant la guerre comme machine principale pour permettre la dispersion et pour éviter la division sociale, le prophète se révèle, paradoxalement, être un artisan de l’Un et de l’unification [90]. Ce n’est pas le seul effet collatéral de la migration prophétique : l’obéissance aux injonctions subversives des prophètes reviendrait à mettre fin à l’exo-cannibalisme guerrier, même si les karai – à ce qu’il semble – ne le disent pas plus qu’ils ne reconnaissent explicitement dans l’anthropophagie rituelle une composante de la société mauvaise qu’il s’agit de fuir.

Le coup de massue final : interprétations clastriennes du cannibalisme tupi

Il serait temps, à la lumière de ces analyses clastriennes, de risquer une interprétation de l’exo-cannibalisme guerrier des Tupi-Guarani. Comme l’a reconnu Montaigne à la suite des chroniqueurs, la vengeance est le motif manifeste et revendiqué de ce cannibalisme raffiné à l’extrême. Tout semble indiquer que les Tupinamba redoublent de cruauté pour perfectionner la vengeance. Thevet et Léry avancent qu’ils engraissaient les prisonniers à sacrifier [91]. Suivant ce même Léry, Montaigne leur rétorque qu’il s’agit bien plutôt d’affaiblir leur courage [92]. Mais n’y aurait-il pas une forme assez cruelle de perversion à intégrer tout d’abord les captifs à la communauté et à les bien traiter pour mieux leur faire ressentir leur mauvais sort ?

Avant même d’entrer dans le village des vainqueurs, le guerrier vaincu est rasé par son maître, de sorte qu’il ait, au moins extérieurement, l’air d’être un Tupinamba (sourcils rasés, front tonsuré et épilé, paré de des plus beaux ornements de plumes) [93]. L’intégration apparente du captif dans la communauté de ses ennemis semble accomplie par le fait d’un double don qui lui est fait : tous les objets ayant appartenu à un guerrier défunt, dont le prisonnier doit au préalable renouveler la tombe, lui sont donnés ainsi qu’une épouse qui va véritablement le choyer [94]. L’ennemi devient un beau-frère, et ce conformément au double sens du terme tupi tovaja dont Hélène Clastres fait état dans un article décisif sur le cannibalisme tupi au titre significatif : Les beaux-frères ennemis (1972) [95]. Mais l’intégration, provisoire, reste tout à fait ambivalente. Si le captif est bien traité en général et s’il jouit d’une liberté certaine, le fait est que certains signes trahissent son statut de prisonnier, symbolisé par la petite corde attachée à son cou : il lui faut travailler pour son maître, il doit pénétrer dans la maloca par la porte, il est maltraité et subit des humiliations pendant certaines fêtes, etc. [96] Ce traitement ne fait que reproduire l’accueil ambivalent qui lui est fait à son arrivée dans le village : d’une part, le prisonnier entravé est exposé aux coups et autres insultes des femmes ; par contre, de l’autre côté, masculin, il y a ensuite un « dialogue de reconnaissance » entre maîtres et esclaves, qui précède d’ailleurs l’attribution des lots de chair [97]. C’est donc une intégration feinte, dont la fonction est ambiguë : tout en maintenant la distance et en marquant la différence, il s’agit de lui faire – pendant un certain temps, indéfini – une place qu’il a perdue dans sa propre communauté (s’il s’avisait de s’enfuir pour y chercher refuge, il y serait mis à mort par les siens à cause de sa lâcheté [98]) ; il est cependant destiné à être sacrifié, comme il le lui est rappelé à l’occasion de fêtes pendant lesquelles chacun désigne sur son corps les morceaux convoités [99].

Les cérémonies qui président à l’exécution rituelle du captif durent plusieurs jours [100]. Ce rituel commence par mettre fin à l’intégration du captif dans la communauté de ses ennemis en accomplissant un rite de ségrégation [101] qui revient à une véritable dés-intégration : ce processus de s’achèvera par l’incorporation du corps de l’ennemi rituellement sacrifié. Hélène Clastres repère deux grands actes qui ont pour fonction de rendre le prisonnier à sa réalité d’ennemi : le meurtre final, mais également le simulacre de sa capture [102], symbolique, qui initie le rituel préliminaireà son exécution. C’est une sorte de répétition du combat qui a présidé à la capture du prisonnier : après avoir été fictivement délivré, il est maîtrisé par les guerriers parés pour le combat ; il est ensuite encordé par la mussurana ; dès le premier jour et pendant les nuits suivantes, des femmes entonnent des chansons hostiles aux ennemis et dépeignent au prisonnier le sort qui l’attend ; celui-ci séjournera et devra passer ses dernières nuits non plus dans la maison commune, mais dans une hutte individuelle qui, à cette occasion, a été construite sur la place centrale ; à plusieurs reprises, le captif a l’occasion d’assouvir sa propre hostilité par des paroles de vengeance et également par des actes, puisque son épouse le pourvoit en projectiles de divers types qu’il peut jeter sur l’assemblée ; toujours sous la surveillance de vieilles femmes qui chantent, il passe la dernière nuit avec son épouse, qui le quitte en pleurant le matin de son exécution ; lors de la cérémonie d’exécution, le meurtrier apparaît de manière solennelle et échange avec le prisonnier des paroles de vengeance ; entravé par la mussurana tenue par deux guerriers, le captif peut et doit essayer de se défendre et même de s’emparer de l’épée-massue qui va finalement l’assommer ; après qu’il a été tué, sa veuve prononce son éloge comme c’est coutumier pour tout défunt ; le corps est ensuite préparé pour être intégralement consommé par l’ensemble de la communauté, à l’exception du meurtrier qui doit vomir et jeûner, entre autres règles de précautions à prendre pour se protéger contre la vengeance de l’esprit du mort. Tout est ainsi fait pour simuler la lutte à mort avec un guerrier ennemi sur le champ de bataille : « ce n’est pas une victime passive qu’on veut immoler, c’est un ennemi […] qu’on veut tuer au combat [103] ». En effet, il s’agit de tuer un ennemi courageux et de le manger à la suite du combat, comme c’est le cas sur le champ de bataille : car les Tupinamba avaient pour coutume de manger sur place les ennemis tués [104] et également de ramener des morceaux de chair boucanés afin de partager leur repas anthropophagique avec l’ensemble de la communauté [105]. Aucune cérémonie n’est nécessaire en ce cas, car le guerrier ennemi a été tué dans les règles de l’art martial, conformément à ce que les Européens appellent le droit de guerre. Dans le cas, en revanche, où le prisonnier de guerre est mis à mort, un rituel est nécessaire afin de faire passer le meurtre pour un acte de guerre et également de protéger le meurtrier contre la vengeance de l’esprit du mort [106].

Manifestement, l’ensemble du rituel obéit à une logique de répétition, laquelle vise à remettre les protagonistes dans les conditions d’une guerre où l’on ne fait pas de quartier : simulation du combat sur le champ de bataille, puis de la lutte à mort ; dissimulation donc du meurtre rituel qui est présenté comme une mort au combat ; répétition du repas anthropophagique sur le champ de bataille ; simulation d’un rite funéraire qui rend hommage au défunt. Mais cette ritualisation du meurtre sacrificiel donne lieu à une étrange inversion : l’épouse semble pleurer son époux défunt comme s’il s’agissait d’un guerrier tué au combat par l’ennemi et, donc, comme si le prisonnier exécuté était l’époux antérieurement perdu à la guerre. L’un pourrait bien être en effet le substitut de l’autre, et ce dans des conditions que la culture tupi permettrait de déterminer : les veuves des guerriers tués à la guerre ne pouvaient se remarier qu’à condition que l’époux soit au préalable vengé ; on leur faisait épouser un ennemi captif pour compenser la perte de leur défunt mari [107] ; pendant tout le temps du séjour, l’épouse pouvait jouir de ce mari de substitution qu’elle aimait et choyait comme son propre mari (au point même de pouvoir l’aider à fuir) [108] ; la vengeance était accomplie lors de l’exécution, laquelle donnait à l’épouse l’occasion de prendre définitivement congé de son époux mort au combat et mangé par l’ennemi ; ce qui l’autorisait à prendre un nouveau mari dans la communauté sans que l’esprit du mari tué et dorénavant vengé puisse lui en faire reproche. Dans le cas où s’il s’agissait de la veuve d’un guerrier tué à la guerre, il y avait donc là, probablement, une forme de substitution symbolique, laquelle aurait pu assumer une fonction thérapeutique pour la veuve éplorée : le guerrier ennemi prendrait la place du guerrier occis afin de « réparer » sa propre faute et d’ainsi « payer sa dette » par son sacrifice ritualisé [109] ; la répétition aurait une vertu réparatrice pour la veuve qui pourrait revivre activement le traumatisme subi et le dépasser. Ce serait l’idéal-type d’un processus de compensation réparatrice du deuil subi par la veuve et par l’ensemble de la communauté : avant d’entrer dans le village, le captif renouvelle la tombe du mari défunt ; on lui donne les effets personnels de ce guerrier ainsi que sa femme ; il se substitue à l’époux pendant tout le temps de son séjour ; il est pleuré comme l’époux tué sur le champ de bataille ; comme ce mari l’avait été par l’ennemi sur le champ de bataille, le captif sacrifié est mangé par l’épouse. Par contraste avec l’attachement manifesté par l’épouse du prisonnier, la fonction assumée par les (vieilles) femmes tout au long de sa captivité, et ce depuis l’accueil initial du guerrier vaincu jusqu’à son exécution finale en passant par les fêtes intermédiaires, consiste au contraire à marquer l’indépassable hostilité du groupe envers l’ennemi. Cette dernière ambivalence participe du système d’ambivalences qui caractérise le rapport du groupe à l’ennemi captif. La distribution des rôles entre hommes et femmes n’est en effet qu’un aspect d’un dispositif parfaitement réglé qui, comme l’explique Hélène Clastres, implique « une étonnante mise en scène où les rôles ne sont pas seuls distribués par avance, mais réglés également les dialogues, danses et chœurs de femmes, décors, mouvements dans l’espace [110]… ».

Il faut noter ce point décisif. L’ensemble du rituel anthropophagique et, en particulier, la participation active du captif à sacrifier présuppose l’accord culturel entre tous les protagonistes qui sont « gens de même langue et de mêmes mœurs ». L’unité de culture et de langue entre les groupes ennemis est la condition pour que cette mise à mort ritualisée assure une mort honorable à un guerrier valeureux. Tout le rituel perdrait tout sens si le prisonnier s’avérait incapable de jouer le jeu. Thevet rapporte ainsi le cas d’un Portugais que son maître fit mourir à coups de flèches après lui avoir déclaré son mépris : « tu ne mérites pas que l’on te fasse mourir honorablement comme les autres et en bonne compagnie [111] ». L’apparition d’Européens qui ne montrent aucun courage à mourir ne peut que perturber ainsi le fonctionnement même du rituel anthropophagique. Ce qui montre a contrario que la pratique de l’anthropophagie rituelle des Tupi-Guarani serait dépourvue de toute valeur symbolique en dehors de ce cadre culturel qui lui donne tout son sens : il s’agit de mettre à mort et de manger non pas un être humain en général, mais à vrai dire des ennemis bien identifiés qui ont au préalable eux-mêmes mis à mort et mangé des membres de la communauté. Montaigne pourrait bien avoir montré une admirable intuition de la symbolique culturelle qui préside à cet échange de bons procédés entre ennemis anthropophages :

J’ay une chanson faite par un prisonnier, où il y a ce traict : qu’ils viennent hardiment trétous et s’assemblent pour disner de lui : car ils mangeront quant et quant leurs peres et leurs ayeux, qui ont servy d’aliment et de nourriture à son corps. Ces muscles, dit-il, cette cher et ces veines, ce sont les vostres, pauvres fols que vous estes ; vous ne recognoissez pas que la substance des membres de vos ancestres s’y tient encore : savourez les bien, vous y trouverez le goust de votre chair [112].

Montaigne semble savourer la provocation littéraire d’un prisonnier au menu dont la chanson prendrait un malin plaisir à évoquer la saveur culinaire du corps des ennemis. Par ce savoureux assaisonnement, l’essayiste paraît forcer le trait des paroles de captif restituées par les chroniqueurs Thevet [113] et Léry [114]. Certes, mais cette invention littéraire manifeste un sens raffiné de l’altérité culturelle de ces nations du Nouveau Monde. Car c’est un fait ethnologique : les Tupi-Guarani se mangent entre eux. Comme le cannibalisme s’insérait dans le contexte culturel de rites funéraires, Florestan Fernandes (1952) a suggéré en ce sens que les Indiens cherchaient moins à s’incorporer les qualités du guerrier mis à mort qu’à s’approprier la substance du parent qu’il avait dévoré et qu’il s’agissait de venger en lui rendant un dernier hommage [115]. S’appuyant sur la suggestion de Montaigne, Hélène Clastres peut avancer une hypothèse étonnante : apparent, l’exo-cannibalisme tupi pourrait dissimuler une forme d’« endo-cannibalisme étrangement contourné » qui amènerait, « en mangeant les ennemis, à manger en réalité les parents et alliés dont ceux-là s’étaient nourris [116] ». L’anthropophagie rituelle permettrait à la communauté de réincorporer ses propres membres désintégrés par la consommation cannibale des ennemis. Risquons une ultime hypothèse pour comprendre la logique paradoxale de ce contournement raffiné de l’endo-cannibalisme…

Ce que dissimule l’exo-cannibalisme guerrier, ce serait la parenté entre les tribus tupi-guarani en guerre fratricide. Car ce que cultive la guerre, c’est la scission entre ces nations qui ne furent, à l’origine, qu’une seule et même tribu. Les Tupi partagent cette logique de la guerre de scission avec toutes les sociétés primitives. Mais, dans leur cas, il s’agirait de maintenir la séparation entre les tribus de manière d’autant plus brutale qu’un processus d’intégration confédératrice est en cours : le moyen violent d’entretenir la scission polémique entre les tribus tupi, ce serait de cultiver la vengeance à l’extrême en laissant s’emballer la machine de guerre. Il y aurait là comme une sorte de politique inconsciente, laquelle aurait pour stratégie d’empêcher violemment la fusion entre les tribus tupi-guarani en entretenant le cycle de la vindicte. Reste que cette stratégie polémique provoque une intensification de la pratique guerrière qui a des effets ambivalents. Certes, la séparation est bien marquée par ces guerres fratricides et perpétuelles : au plan conscient, il s’agit de se venger et non pas d’exterminer la tribu ennemi. Mais l’emballement de la machine de guerre transforme la nature même de la guerre : la logique de la vengeance pousse à la conquête de territoires ennemis et à l’absorption des tribus ennemies. Comme si la stratégie de la guerre de conquête rejoignait en fin de compte la logique de l’anthropophagie rituelle : s’incorporer l’ennemi en l’intégrant comme un alter ego. Il y aurait là comme une énigme qui relèverait du destin d’une pulsion inconsciente.

Notes

[1Les Essais, livre I, chapitre xxxi, « Des Cannibales »,éd. Pierre Villey (1924/1930), rééd. ss la dir. de V.-L. Saulnier (1965), PUF-Quadrige, 1992, p. 202-214 : « il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » (p. 205).

[2Ce qui permettrait de mettre en place une distinction de principe entre cannibalisme et androphagie ou anthropophagie : voir Frank Lestringant, Le Cannibale. Grandeur et décadence, Perrin, 1994, chapitre 4, p. 90-96 (démarcation géographique par Thevet entre le Brésil et le pays des Cannibales) vs p. 100 (le refus sémantique de Montaigne d’entériner cette distinction). Lestringant montre que cette distinction est pourtant celle, présupposée par le siècle de Montaigne, entre le cannibalisme d’horreur, qui répond à la satisfaction de la nécessité naturelle de se nourrir, et le cannibalisme d’honneur ou de fureur, lequel s’inscrit dans la logique de la vengeance et de la passion (voir en particulier la mise en place de cette opposition au chapitre 7). Voir, à ce propos, l’entretien de Pierre Clastres avec le journal Veja, « Cannibales et anthropophages » (31 janvier 1973), p. 123-128, in Pierre Clastres, Sens&Tonka, sous la direction de Miguel Abensour et Anne Kupiec, 2011. Clastres y distingue en principe l’anthropophagie pratiquée dans les sociétés primitives, qu’elle prenne une forme endo-cannibale (chez certains Guayaki) ou exo-cannibale (chez les Tupi-Guarani), du cannibalisme comme moyen exceptionnel de survie (comme lors de l’accident d’un avion qui s’est écrasé dans les Andes le 13 octobre 1972, événement qui amène les survivants à se nourrir de la chair des corps des victimes de la catastrophe aérienne).

[3Les Singularitez de la France Antarctique (1557), chap. xl vs chap. lxi : p. 232 (réédition par F. Lestringant dans Le Brésil d’André Thevet, 1997, éd. Chandeigne).

[4P. Clastres, « Copernic et les sauvages » (1969) in La société contre l’État (chapitre 1), p. 23 et p. 7. Soit la citation de Montaigne qui se trouve de facto au début de La société contre l’État : « On disoit à Socrates que quelqu’un ne s’estoit aucunement amendé en son voyage : Je croy bien, dit-il, il s’estoit emporté avecques soy » (Essais, I, xxxix, p. 239).

[5C. Lévi-Strauss, Tristes tropiques (1955), Plon, Terre humaine/poche, 1972, p. 87.

[6« Entretien avec Claude Lévi-Strauss Sur Jean de Léry », in Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la Terre du Brésil (1578), texte établi, présenté et annoté par Frank Lestringant à partir de la seconde édition (1580), Librairie Générale Française, 1994, Livre de poche, p. 11.

[7P. Clastres, « Éléments de démographie amérindienne » (1973) in La société contre l’État (chapitre 4), p. 69-70.

[8P. Clastres, « Mythes et rites des Indiens d’Amérique du Sud », in Recherches…,p. 61.

[9A. Métraux, « The Guarani », p. 88 in tome III du Handbook of South American Indians (1948) ; Métraux fait référence à Montoya (1892, p. 51).

[10P. Clastres, « Mythes et rites des Indiens d’Amérique du Sud » : III. Le monde tupi-guarani, in Recherches… : « Ces populations occupaient un très vaste territoire : au Sud, les Guarani s’étendaient du fleuve Paraguay à l’Ouest jusqu’au littoral atlantique à l’Est ; quant au Tupi, ils peuplaient ce même littoral jusqu’à l’embouchure de l’Amazone au Nord et s’enfonçaient dans l’arrière-pays sur une profondeur imprécise. C’est au nombre de plusieurs millions que se comptaient les Indiens […]. Fait notable chez ces Indiens : leur densité démographique était nettement plus élevée que celle des populations voisines et les communautés pouvaient rassembler jusqu’à deux mille individus ou plus » (p. 92-93).

[11H. Clastres, « Les beaux-frères ennemis. À propos du cannibalisme tupinamba », in Destins du cannibalisme, Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 6, automne 1972, Gallimard, p. 81.

[12Ce rituel, entre-temps bien connu, a en effet donné lieu à maintes descriptions : Staden (II, 28 ; cf. I, 21-25 – préliminaires -, 36 et 43), Thevet (chap. xi des Singularités), Léry (chap. xv de l’Histoire), etc. La description la plus complète et précise reste celle de Métraux qui, dans sa thèse complémentaire de 1928, compare et synthétise les témoignages des chroniqueurs (Léry, Thevet, Staden, Cardim, Souza, Yves d’Évreux, Claude d’Abbeville, etc.) : voir le chapitre II (p. 45-78) de son ouvrage sur les Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud, Gallimard, 1967.

[13Voir la présentation liminaire par Métraux (1967) de son chapitre sur « L’anthropologie rituelle des Tupinamba », p. 45.

[14Frank Lestringant, Le Huguenot et le Sauvage, Droz [1990], 2004 (3e éd. revue et augmentée), p. 409. Dans cet ouvrage, F. Lestringant retrace l’histoire qui unit le Huguenot et le Sauvage dans l’imaginaire européen : leur identification est fonction de la dénonciation de la « tyrannie » espagnole, laquelle consisterait à faire la guerre aux Indiens en rentrant à l’intérieur du pays, et ce contrairement au modèle portugais et français qui préconise de faire du commerce avec eux en restant sur le littoral (p. 392). L’exo-cannibalisme rituel des Tupi n’est pas pour autant nié : en effet, il est bien plutôt comparé, à son avantage, au cannibalisme des nations chrétiennes d’Europe qui s’entredévorent lors d’une boucherie anthropophage (p. 372-375). L’image idéalisée (p. 409) de l’ » Indien imaginaire » (p. 373), menacé d’évanescence par abstraction, s’accomplit pour part par une sorte de « tupinambisation » discrète (des Indiens d’Amérique du Nord) qu’on peut observer dans « Des coches » de Montaigne, chapitre vi du livre III publié en 1588 (p. 381). Dans Le Cannibale (1994), F. Lestringant présente de manière remarquablement synthétique l’arrière-plan théologique de la querelle du cannibalisme, à savoir la polémique entre catholiques et protestants à propos de l’interprétation de la Cène de transsubstantiation ou de consubstantiation, c’est-à-dire de la signification littérale ou symbolique de l’eucharistie (voir la seconde partie de l’ouvrage et, en particulier, les chapitres 6-7).

[15Voir la topographie des tribus de la côte brésilienne sur la carte proposé en ligne http://pt.wikipedia.org/wiki/Ficheiro:Map_of_indigenous_peoples_of_Brazil_(16th_C.).jpg. L’article de Wikipedia en anglais sur les Indigenous peoples of Brazil reprend peu ou prou la description par Métraux de l’occupation de la côte brésilienne par les Tupinamba (pris au sens général de Tupi côtiers) : Alfred Métraux, « The Tupinamba », p. 96 in tome III du Handbook of South American Indians (1948), éd. par Julian H. Steward, Bulletin 143 du Bureau of American Ethnology.

[16A. Métraux, « The Guarani », p. 69-94, ibid., p. 77. Cette remarque vaut tout autant pour les colonisateurs du littoral (en relation avec les Tupi) que pour les Conquistadores de l’intérieur du Brésil (en relation avec les Guarani).

[17Montaigne, « Des Cannibales », p. 205 vs p. 203.

[18Ibid., p. 207-208.

[19Les gravures de Hans Staden montrent à chaque fois quatre maloca : voir liv. II, chap. 4 et liv. I, chap. 22-23, 29-30 & 34.

[20P. Clastres, « Éléments de démographie amérindienne » (1973) in La société contre l’État (chapitre 4), p. 76.

[21P. Clastres,chapitre éponyme (1974) de La société contre l’État,p. 182.

[22Montaigne, « Des Cannibales », p. 206.

[23Ibid., p. 207-208.

[24P. Clastres,« Le devoir de parole » (1973) in La société contre l’État (chapitre 7), p. 133-136.

[25Montaigne, « Des Cannibales », p. 206.

[26Léry, Histoire d’un voyage faict en la Terre du Brésil (1578), p. 396-409 (2de éd. de 1580 publié par Lestringant en 1994 dans le Livre de poche).

[27Il y a là une confusion entre prêtres et prophètes : voir la mise au point très synthétique de Pierre Clastres sur la différence entre les paje, des chamans auxquels est dévolue la fonction ordinaire de guérir, et les karai, ces prophètes tupi-guarani qui initient des mouvements tout à fait exceptionnels (dont Montaigne ne parle pas plus que Thevet ou Léry) : « Mythes et rites des Indiens d’Amérique du Sud » : III. Le monde tupi-guarani, in Recherches…, p. 94. Voir également Hélène Clastres, La terre sans mal, Seuil, 1975, p. 48-55.

[28Montaigne, « Des Cannibales », p. 209.

[29Alfred Métraux présente toujours le cannibalisme en corrélation avec la guerre : voir notamment « Warfare, cannibalism, and human trophies », p. 383-409 in tome V du Handbook of South American Indians (1948).

[30Françoise Mari, « Les Indiens entre Sodome et les Scythes », in Histoire, économie et société, 1986, 5e année, n° 1, p. 20. D’après Fernandez de Oviedo (1535) – dont la traduction française par Poleur en 1555 semble être une des sources de Montaigne –, Pedrarias Davila aurait, en 1528, fait dévorer par ses chiens des Indiens pour les châtier d’avoir eux-mêmes dévoré quatre Espagnols de la région de la ville de León (Historia general y natural de las Indias, liv. xlii, chap. xi, p. 419, éd. Juan Pérez de Tudela Bueso, Madrid, B.A.E., 1959).

[31Montaigne, « Des Cannibales », p. 210.

[32Ibid., p. 211-212.

[33Hélène Clastres, La Terre sans mal, Seuil, 1975, p. 70.

[34Alfred Métraux, « The Tupinamba », p. 97 in tome III du Handbook of South American Indians (1948).

[35C’est l’étude de terrain de la culture guerrière des Chulupi par Clastres (juin-octobre 1966 et juin-septembre 1968) qui donne toute sa consistance ethnographique à la description clastrienne du « Malheur du guerrier sauvage » (1977), rééditéedans les Recherches… (p. 209-248) : « je dois à ces Indiens – d’une lucidité surprenante quant au statut du guerrier dans leur propre communauté – d’avoir entr’aperçu les traits qui composent, pleine d’orgueil, la figure du Guerrier ; d’avoir su repérer les lignes du mouvement nécessaire que décrit la vie guerrière ; enfin d’avoir compris (car ils me le dirent : ils le savaient) quelle est la destinée du guerrier sauvage » (p. 216-217).

[36« …il lui faut à chaque instant recommencer, car chaque exploit accompli est à la fois source de prestige et mise en question de ce prestige. Le guerrier est par essence condamné à la fuite en avant. La gloire conquise ne se suffit jamais à soi-même, elle demande à être sans cesse prouvée, et tout exploit réalisé en appelle aussitôt un autre » (p. 229 in Recherches…).

[37« …il se trouve piégé sans remède dans sa propre vocation, prisonnier de son désir de gloire qui le conduit tout droit à la mort. Il y a échange entre la société et le guerrier : le prestige contre l’exploit. Mais dans ce face à face, c’est la société qui, maîtresse des règles du jeu, a le dernier mot : car l’ultime échange, c’est celui de la gloire éternelle contre l’éternité de la mort. D’avance, le guerrier est condamné à mort par la société » (p. 239 in Recherches…).

[38Ibid., p. 240-242. Certaines formulations de Clastres, à mon sens, autorisent à cet endroit à décrypter l’œuvre de la pulsion de mort : voir C. Ferrié, « La dynamique inconsciente du mouvement politique », in Pierre Clastres, 2011, p. 326-327.

[39Montaigne, « Des Cannibales », p. 210.

[40Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la Terre du Brésil (1578), chap. xv, p. 356 (éd. par F. Lestringant en 1994). Voir également Hans Staden (II, chap. 28, p. 210 ; cf. I, chap. 43, p. 143). Hans Staden, Wahrhaftige Historia und beschreibung eyner Landschaft der Wilden Nacketen, Grimmigen Menschfresser-Leuthen in der neuen Welt America gelegen (Marburg, 1557). Cette Histoire véritable et description d’un pays de Sauvages nus, féroces anthropophages, situé dans le Nouveau Monde Amérique est actuellement traduite en français dans plusieurs éditions, souvent sous le titre raccourci et un peu trompeur de Nus, féroces, anthropophages : c’est, par exemple, celle de Henri Ternaux Compans chez Métaillé (1979), à laquelle se réfère la pagination française que je donne.

[41Hélène Clastres, « Les beaux-frères ennemis. À propos du cannibalisme tupinamba » in Destins du cannibalisme (1972), p. 79-80.

[42Alfred Métraux, « The Tupinamba », p. 112 vs p. 116 in tome III du Handbook of South American Indians (1948).

[43Montaigne, « Des Cannibales », p. 213.

[44E. Luja, « Les serpents venimeux du Brésil », Bulletin de la Société nationale des Naturalistes Luxembourgeois, 1947, n° 52, p. 8-13 ; v. p. 12-13 (http://snl.lu/publications/bulletin/SNL_1947_052_008_013.pdf).

[45Dans la version de Cardim (Tratados da terra, p. 184-186), un des Anciens fait avec la corde deux nœuds très compliqués dès le premier jour du rituel anthropophagique (p. 55) ; le quatrième jour, les cordes enroulées sont portées par une troupe de nymphes pendant qu’une maîtresse de cérémonie entonne une chanson reprise par les autres femmes : les hommes attachent alors la corde au cou du prisonnier et cette femme lui est attachée par le bras (p. 58), en particulier pendant sa dernière nuit (p. 59). Voir Alfred Métraux, « L’anthropologie rituelle des Tupinamba », chapitre II de Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud (1967), p. 55-59.

[46Ibid., p. 65.

[47L’analyse extrêmement fine d’André Tournon éclaire le jugement poétique que Montaigne porte sur la valeur anacréontique de la Chanson de la couleuvre. C’est cette interprétation très suggestive qui m’a incité à rechercher du côté de la culture tupi une sorte d’Anacréon à jamais disparu, le poète inconnu en somme, ou bien plutôt une Sapho et ses sœurs, ces poétesses à jamais méconnues qui auraient filé la chanson polyphonique entendue par Montaigne. Inspirée par une note d’Hélène Clastres (1972) sur le terme mussurana, lequel désigne la corde de coton tout autant qu’un serpent ophiophage, en quelque sorte cannibale (p. 77), mon interprétation de la partition tupi cherche à découvrir un accord mineur qui ferait écho à l’accord majeur de la partition grecque. Non pas qu’il faille, pour l’entendre, s’imaginer un instrument qui soit capable de jouer cette impossible mesure : au lieu de désencorder les fils du cordon directeur de la mélodie, cet instrument imaginaire, forcément désaccordé, ne pourrait produire qu’une dissonance. Accordé à cette improbable possibilité, l’humanisme décentré de Montaigne permettrait, au contraire, de prêter une oreille attentive à la tonalité propre de chacune de ces deux musicalités qu’un gouffre océanique sépare à tout jamais. Et Montaigne d’en percevoir la consonance… comme s’il y avait une sorte d’accord secret, d’une discrétion anacréontique presque imperceptible, entre deux registres culturels dont on ne sait plus, entre la poésie grecque d’un Anacréon reconnu et celle de la chanson tupi d’une Sapho inconnue, lequel donnerait le ton !

[48Montaigne, « Des Cannibales », p. 213.

[49La Boétie, Le discours de la servitude volontaire, ss la dir. de Miguel Abensour, Payot, 1976, p. 146 (Petite Bibliothèque Payot, 1993/2002). C’est à l’initiative de Miguel Abensour que nous devons la redécouverte de ce texte inaugural de La Boétie tout autant que sa relecture par Pierre Clastres (p. 247-267) et Claude Lefort (p. 269-335). Pierre Clastres cite ce passage du Discours de La Boétie dans « Liberté, Malencontre, Innommable » (1976), p. 264et p. 124, rééd. in Recherches d’anthropologie politique (1980).

[50Montaigne, « Des Cannibales », p. 214.

[51Dans Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud (1967), Alfred Métraux cite un texte de Nobrega qui irait en ce sens : « Quand un chaman de renom leur rendait visite, les Indiens, en signe de respect, nettoyaient devant lui le sentier qu’il allait fouler » (p. 18).

[52Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques (1955), p. 367 et La vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara (Société des Américanistes, Paris, 1948) : « le chef marche en avant » (p. 86), comme l’avait remarqué Montaigne (note 1). C’est dans la section sur le Commandement (et non pas sur Guerre et commerce) que Lévi-Strauss restitue cette formule usuelle, laquelle ne vaut pas spécifiquement pour la guerre, mais en général pour toutes les décisions du chef (se mettre en route, s’arrêter, etc.).

[53Robert Harry Lowie, Some Aspects of Political Organization among the American Aborigines (Huxley Memorial Lecture for 1948, ed. in The Journal of the Royal Anthropological Institute, 78, n° 1-2, 1948), p. 262-290 in Lowie’s selected Papers, édité par Cora Du Bois, University of California Press, 1960, p. 280.

[54Ibid., p. 270-277.

[55P. Clastres, « Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne » (1962) in La société contre l’État (chapitre 2), p. 27-28.

[56Chapitre éponyme (1974) de La société contre l’État, p. 175.

[57Ibid., p. 177.

[58« Éléments de démographie amérindienne » (1973) in La société contre l’État (chapitre 4), p. 77.

[59A. Métraux, « The Tupinamba » in tome III du Handbook of South American Indians (1948), p. 119.

[60Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la Terre du Brésil (1578), p. 343.

[61Ibid., p. 337-338.

[62Chapitre éponyme (1974) de La société contre l’État, p. 176-180.

[63P. Clastres, chapitre éponyme de La société contre l’État (1974), p. 181-182.

[64« Éléments de démographie amérindienne » (1973) in La société contre l’État (chapitre 4), p. 70.

[65« Entretien avec Clastres »,p. 25-26 (Cahier Clastres, 2011). Confer « Éléments de démographie amérindienne » (1973) in La société contre l’État (chapitre 4), p. 77-78.

[66« Archéologie de la violence : la guerre dans les sociétés primitives »(1977) :« Tel est le cas, absolument exemplaire, des Tupi-Guarani d’Amérique du Sud, dont la société était travaillée, au moment de la découverte du Nouveau Monde, par des forces centripètes, par une logique de l’unification » (note 1 p. 205 in Recherches…).

[67Pierre Clastres explique ainsi que « la tendance à constituer des ensembles sociaux plus vastes que dans le reste du continent » s’accompagne d’une « tendance à construire un modèle de l’autorité qui dépassait largement le cadre du seul village » au point de former, par exemple « chez les Tupinamba de véritables fédérations groupant dix à vingt villages. Les Tupi, et particulièrement ceux de la côte brésilienne, révèlent donc une tendance très nette vers la constitution de systèmes politiques larges, à chefferies puissantes » (p. 64-66) : voir « Indépendance et exogamie » (1963) in La société contre l’État (chapitre 3).

[68Ibid., p. 65-66.

[69« Éléments de démographie amérindienne » (1973) in La société contre l’État (chapitre 4), p. 86.

[70Ibid., p. 182.

[71P. Clastres, « Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne » (1962), in La société contre l’État (chapitre 2), p. 31.

[72P. Clastres,chapitre éponyme de La société contre l’État (1974), p. 182-183.

[73Note éditoriale de Libre, adjointe à la fin du « Malheur du guerrier sauvage » (1977)in Recherches…,p. 247.

[74Alfred Métraux, La civilisation matérielle des Tupi-Guarani (1928), p. 290-293 et p. 310-311. Voir également « The Tupinamba », in tome III du Handbook of South American Indians (1948), p. 97-98. Au moment de la Conquête, les Tupinamba avaient conquis depuis peu de temps le littoral (de l’Amazone au Rio del Plata), d’où ils avaient chassé les Tapuya, lesquels s’étaient réfugiés dans les forêts d’où ils menaient des guerres contre leurs envahisseurs.

[75H. Clastres, La terre sans mal (1975), p. 68-71.

[76P. Clastres, « Archéologie de la violence : la guerre dans les sociétés primitives » (1977) : « En Amérique du Sud, lorsque la taille démographique d’un groupe dépasse le seuil jugé optimum par la société, une partie des gens s’en va fonder plus loin un autre village » (note 1 p. 204 in Recherches…).

[77« Entretien avec Clastres »,p. 25 in Pierre Clastres (2011).

[78« Archéologie de la violence : la guerre dans les sociétés primitives »(1977) in Recherches…, p. 195.

[79Ibid., p. 201-204.

[80Ibid., p. 190-193.

[81« Malheur du guerrier sauvage » (1977) in Recherches…, p. 226.

[82« Archéologie de la violence : la guerre dans les sociétés primitives »(1977) in Recherches…, p. 199.

[83H. Clastres, « Les beaux-frères ennemis. À propos du cannibalisme tupinamba » in Destins du cannibalisme (1972), p. 81.

[84H. Clastres, La terre sans mal (1975), p. 72.

[85P. Clastres, Le Grand Parler, Seuil, 1974, p. 9.

[86P. Clastres, « Mythes et rites des Indiens d’Amérique du Sud » : III. Le monde tupi-guarani, in Recherches…, p. 94 vs p. 97-98.

[87Ibid., p. 98-99.

[88Ibid., p. 94-95.

[89M. Nobrega, Informação das terras do Brasil (1549) : « Lhes diz […] as filhas que as dêm a quem quizerem » (p. 92-93 in Revista do Instituto Historico Geographico Brasileiro, t. VI, n° 21, 1844).

[90L’expression « artisan de l’Un et de l’unification » apparaît pratiquement dans toutes les versions des notes d’auditeurs du Cours de 1976-77 qu’Hélène Clastres m’a généreusement permis de consulter. Cette formulation précise la fin elliptique du chapitre éponyme (1974) de La société contre l’État (p. 185-186).

[91André Thevet, Singularitez (1557), chap. xli, p. 160 (1997) et Jean de Léry, Histoire (1578), chapitre xv, p. 354-355.

[92Montaigne, « Des Cannibales », p. 210-211.

[93A. Métraux, « L’anthropologie rituelle des Tupinamba » in Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud (1967), p. 47.

[94Ibid., p. 48-49.

[95H. Clastres, « Les beaux-frères ennemis. A propos du cannibalisme tupinamba » in Destins du cannibalisme (1972), p. 73 et p. 77.

[96Ibid., p. 75 ; cf. A. Métraux (1967), p. 50.

[97Ibid., p. 73-74 ; cf. A. Métraux (1967), p. 48-49.

[98Ibid., p. 76-77 ; cf. A. Métraux (1967), p. 52.

[99Ibid., p. 75 ; cf. A. Métraux (1967), p. 50.

[100A. Métraux (1967), p. 53-66 (Cérémonies préliminaires à l’exécution du prisonnier). Pour la description du rituel, je suis Métraux en puisant, en outre, quelques détails dans sa thèse complémentaire de 1928 (p. 137-157) et en m’inspirant très largement de l’analyse d’Hélène Clastres (1972).

[101F. Fernandes, « la guerre et le sacrifice humain chez les Tupinamba », in Journal de la société des Américanistes, tome 41 n°1, 1952, p. 139.

[102H. Clastres, « Les beaux-frères ennemis. À propos du cannibalisme tupinamba » (1972), p. 77.

[103Ibid., p. 80.

[104Ibid., p. 82 ; cf. A. Métraux (1967), p. 46.

[105André Thevet, Singularitez (1557), chap. xli, p. 158 (1997).

[106A. Métraux (1967), p. 73-78.

[107Thevet, Cosmographie (1575) : « …si les freres, enfans, ou autres de la parenté dudit deffunct, de qui le sepulchre a esté renouvellé, ont esté occis en guerre, leurs femmes ne peuvent se joindre en secondes nopces, que premierement leur mary occis n’ait esté vengé par le massacre d’un de leurs ennemis. Si tost donc que un prisonnier est ainsi equippé, quelquefois on luy donne les femmes de celuy qui aura esté occis, à fin qu’il s’en serve : Et elles les ayant pour associez, disent qu’elles sont recompensees de la deffaite de leurs premiers maris » (p. 194). Voir également l’Histoire… de deux voyages (inédit) : « à cette occasion baille on aux vefves le prisonnier pour recompenser la perte de leur defunct mary, jusques à ce que le jour soit venu de le tuer, et manger en vengeance de leur mary […]. Et cela leur oste de detresse et ennuy… » (p. 283). Les deux citations font référence au choix de textes d’André Thevet édité par S. Lussagnet : Les Français en Amérique. Le Brésil et les Brésiliens, PUF, Paris, 1953 ; cité par Métraux (1967), p. 49 et déjà en appendice de sa thèse complémentaire (1928), p. 247. Florestan Fernandes cite ces mêmes textes dans la conclusion de sa thèse de 1952 (A função social da guerra na sociedade tupinamba), laquelle conclusion a été traduite en français par S. Lussagnet : « la guerre et le sacrifice humain chez les Tupinamba », p. 202 in Journal de la société des Américanistes, tome 41 n° 1, 1952.

[108A. Métraux (1967), p. 51.

[109C’est le sens du concept tupi-guarani de vengeance : il s’agit de payer une dette. Dans le Tesoro de la lengua guarani (1639, Madrid), Antonio Ruíz de Montoya traduit ainsi le terme tepi tout d’abord par paga (paye, salaire), puis par vengança (p. 382).

[110Ibid., p. 72.

[111André Thevet, Singularitez (1557), chap. xli, p. 166 (1997).

[112Montaigne, « Des Cannibales », p. 212.

[113André Thevet, Les Singularitez de la France Antarctique (1557), chapitre xl : « Les Margageas nos amis sont gens de bien, forts et puissants en guerre, ils ont pris et mangé grand nombre de nos ennemis, aussi me mangeront-ils [nos ennemis les Tupinamba] quelque jour, quand il leur plaira ; mais de moi, j’ai tué et mangé des parents et amis de celui qui me tient prisonnier… » (p. 161).

[114Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la Terre du Brésil (1578), chapitre xiv : « avec la contenance de mesme, se tournant de costé et d’autre, il dira à l’un, J’ay mangé de ton pere, à l’autre, J’ay assommé et boucané tes freres : bref, adjoustera-il, J’ai en general tant mangé d’hommes et de femmes, voire des enfants de vous autres » (p. 356) et « N’es-tu pas de la nation nommée Margajas, qui nous est ennemie ? et n’as-tu pas toy-même tué et mangé de nos parents et amis ? Lui plus asseuré que jamais respond en son langage (car les Margajas et les Toupinenquins s’entendent) : Ouy, je suis tres fort et en ay assommé et mangé plusieurs » (p. 357).

[115A. Métraux, « L’anthropologie rituelle des Tupinamba » in Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud (1967), p. 70. Parlant de « pures spéculations qu’aucun document ne vient étayer », Métraux reste en 1967 réservé à l’endroit de ce travail de doctorat de Florestan Fernandes (A função social da guerra na sociedade tupinamba, São Paulo, 1952), dont il a fait traduire la conclusion par S. Lussagnet, et ce avant même sa publication au Brésil en 1952, et qu’il a même fait publier par la Société des Américanistes : « La guerre et le sacrifice humain chez les Tupinamba », p. 139-220 in Journal de la société des Américanistes, tome 41 n° 1, 1952. Mettant en avant les rites funéraires de séparation (p. 156), Fernandes interprète la guerre primitive pratiquée par les Tupinamba comme un phénomène purement religieux (p. 185) dont l’enjeu est la récupération mystique des « énergies » du parent mort (p. 192-195).

[116H. Clastres, « Les beaux-frères ennemis. À propos du cannibalisme tupinamba » (1972), p. 82.


Pour citer l’article:

Christian FERRIÉ, « Les cannibales de Montaigne à la lumière ethnologique de Clastres » in Rouen 1562. Montaigne et les Cannibales, Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en octobre 2012 par Jean-Claude Arnould (CÉRÉdI) et Emmanuel Faye (ÉRIAC).
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude (ISSN 1775-4054) », n° 8, 2013.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?les-cannibales-de-montaigne-a-la.html

Pour en finir avec la repentance coloniale
Le passé colonial revisité
Hérodote

Daniel Lefeuvre (1951-2013), professeur à l’Université Paris-8 (Saint-Denis), bouscule les idées reçues, les mystifications et les erreurs qui polluent notre réflexion sur le passé colonial de la France.
Depuis le début du XXIe siècle monte en France un débat autour du passé colonial avec une question très actuelle : les jeunes Français issus des anciennes colonies (Antilles, Afrique du nord, Afrique noire) doivent-ils se considérer comme des victimes de ce passé ?

Daniel Lefeuvre y a répondu avec un essai court mais solidement argumenté : Pour en finir avec la repentance coloniale.

Il démonte avec les bons vieux outils de l’historien (analyse critique des sources et des chiffres, contexte, comparaisons historiques…), les contrevérités, les trucages et les billevesées des anticolonialistes de salon qu’il appelle les « Repentants ».

Le résultat a de quoi surprendre :
– La conquête de l’Algérie et des autres colonies ? Des guerres ni plus ni moins cruelles que les guerres européennes,
– Le bilan économique de la colonisation ? Une perte nette pour la métropole et un transfert de richesses au profit des colonies très supérieur à l’actuelle aide au développement,
– Les immigrants des anciennes colonies dans la société française ? Une intégration beaucoup plus aisée que ne le fut celle des immigrants d’origine européenne (Italiens, Polonais…) !

La démonstration de Daniel Lefeuvre nous invite à réfléchir sur notre passé et sur… les motivations plus ou moins conscientes des « Repentants » dans leur volonté de victimiser les enfants de l’immigration.

Anachronisme
Le premier péché des Repentants, selon l’historien, est l’anachronisme : il consiste à juger les événements du passé selon notre propre grille de valeurs, indépendamment du contexte. « Comment ne pas s’inquiéter des dangers dont cette conception de l’Histoire est porteuse ? » note Daniel Lefeuvre.

« Falsifier l’histoire, c’est tromper les citoyens, c’est fausser leur jugement », dit-il en prenant pour exemple la conquête de l’Algérie, dans laquelle certains, dont le président algérien Bouteflika, voient rien moins que le prélude des chambres à gaz !

Daniel Lefeuvre rappelle la triviale réalité : après la prise d’Alger en 1830, les Français se cantonnent sur le littoral et concluent des traités avec les chefs de l’intérieur. Mais la guerre sainte lancée par Abd el-Kader en 1839 les entraîne dans une longue et difficile conquête.

L’historien en évoque les aspects sombres. Il rappelle ce que furent très précisément les « enfumades ». Il réévalue aussi les pertes des deux côtés en écornant au passage certaines évaluations fantaisistes.

Plus important encore, il rappelle, preuves à l’appui, que les horreurs de la guerre d’Algérie (comme des autres guerres coloniales) n’avaient hélas rien d’exceptionnel. Le mépris de l’ennemi était au moins aussi grand dans les troupes républicaines qui combattaient les Vendéens en 1793 ou dans les armées de Napoléon engagées en Espagne en 1808…

Les guerres coloniales n’anticipent en rien la Shoah. Elles reflètent les moeurs de leur époque et c’est déjà bien assez.

Exploitation
Je ne m’attarderai pas sur les chapitres que Daniel Lefeuvre consacre à l’économie coloniale.

Malgré la propagande distillée par les partis colonistes de la fin du XIXe siècle à l’Exposition coloniale de 1931, les colonies se révèlent un gouffre économique, commercial et financier et il n’y a guère que quelques affairistes liés aux lobbies coloniaux pour en tirer profit.

A la suite de l’historien Jacques Marseille (Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce), Daniel Lefeuvre montre que les colonies n’ont rien apporté à l’économie française et ont plutôt bridé son dynamisme. Tout juste ont-elles permis l’enrichissement de quelques sociétés et affairistes protégés par le gouvernement.

La principale exportationde l’Algérie était le vin, concurrent des vins métropolitains, déjà en surproduction. L’Afrique noire n’arrivait à exporter tant bien que mal qu’un peu de coton et de denrées tropicales, à des coûts bien plus élevés que sur les marchés mondiaux. Même le phosphate du Maroc coûtait plus cher à la France que celui disponible ailleurs.

Retenons le mot d’un économiste belge du XIXe siècle, Gustave de Molinari : « De toutes les entreprises de l’État, la colonisation est celle qui coûte le plus cher et qui rapporte le moins ».

Stigmatisation
Daniel Lefeuvre réévalue la perception des indigènes par les colons. Que n’a-t-on écrit là-dessus ces dernières années, en redécouvrant les « zoos humains » d’il y a 100 ans, ces cirques où l’on venait se repaître de la vue des « sauvages » !

« Sauvages ? » Parlons-en. Ce qualificatif revient fréquemment au XIXe siècle dans la bouche et sous la plume des bourgeois qui évoquent les paysans de notre douce France. Les poncifs que l’on appliquait à l’époque coloniale aux habitants des colonies s’appliquaient aussi aux plus pauvres des Français.

Daniel Lefeuvre cite à ce propos l’oeuvre magistrale d’Eugen Weber : La fin des terroirs (1976). On peut y lire : « Un spécialiste de folklore musical, parcourant le pays de l’ouest de la Vendée jusqu’aux Pyrénées, compare la population locale à des enfants et des sauvages qui,  heureusement,  comme tous les peuples primitifs, montrent un goût prononcé du rythme »… Après cette lecture, il ne reste plus aux Vendéens et aux Pyrénéens (dont votre serviteur) qu’à rallier le clan des « indigènes de la République » !

À ceux qui aujourd’hui stigmatisent le comportement discriminatoire de la République à l’égard des immigrés et enfants d’immigrés, Daniel Lefeuvre offre un aperçu de l’accueil reçu en d’autres temps par les immigrants européens (Belges, Polonais, Italiens).

En août 1893, à Aigues-Mortes, la population fait la chasse aux immigrants italiens aux cris de : « Mort aux Christos ! » (Mort aux chrétiens !). Les malheureux sont roués de coups. On relève huit morts. La chronique rapporte ça et là d’autres incidents violents et souvent mortels…

Si l’on s’attarde sur les immigrants européens qui, au tournant du XXe siècle, se sont magnifiquement intégrés à la société française, on ne voit pas, et pour cause, ceux, en nombre équivalent, qui n’y ont pas réussi par le simple fait que, découragés par l’hostilité ambiante, ils sont rentrés au bercail.

Félicitons-nous que la situation actuelle n’ait rien de comparable à celle-là. A rebours des idées convenues, Daniel Lefeuvre considère que les immigrés originaires des anciennes colonies sont somme toute mieux accueillis et mieux intégrés que ne le furent les immigrés européens, prétendûment si proches des « Français de souche ».

L’historien craint en conclusion qu’à trop minimiser le processus d’intégration des Français originaires des anciennes colonies, on ne « persuade ces populations que la République s’est définitivement fermée à elles et qu’il leur faut donc chercher ailleurs les voies de leur réussite ».

La repentance pourrait en définitive réussir là où les colonistes et les racistes d’antan ont échoué, en enfermant les Français originaires des Antilles, d’Afrique du Nord ou d’Afrique noire dans un statut de victimes innocentes et de grands enfants irresponsables et en les convainquant qu’il leur est impossible d’en sortir par leur effort personnel !

Paralysés par le complexe victimaire, ils pourraient alors se détourner de la compétition sociale (« À quoi bon travailler à l’école, acquérir des diplômes et devenir un bon professionnel puisque je serai toujours marqué au fer rouge de la colonisation et de l’esclavage ? »). Ce renoncement marquerait le triomphe des bourgeois « repentants », tartuffes modernes, en facilitant à leurs rejetons la conquête des postes de commandement.

André Larané
Les cinq péchés capitaux des faux historiens
Daniel Lefeuvre recense cinq fautes méthodologiques majeures chez les « Repentants » et les prétendus historiens qui torturent le passé pour l’asservir à leurs présupposés idéologiques :

– l’absence de recul critique dans la reprise de citations isolées : le propos d’un excentrique ne reflète pas nécessairement l’état d’esprit de l’opinion publique,
– l’anachronisme : on assimile les faits de guerre pendant la conquête de l’Algérie à des crimes nazis sans voir qu’ils sont tout simplement de même nature que d’autres faits de guerre commis à la même époque et en d’autres lieux, y compris en Europe,
– la généralisation abusive : sur la base de quatre « enfumades » identifiées, on imagine que ce type d’action était banal pendant la conquête de l’Algérie,
– l’absence de comparaison : on déplore la condition déplorable des immigrés algériens en France après la Seconde Guerre mondiale sans voir qu’elle était en tous points semblable à celle des autres immigrants et de beaucoup de Français pauvres,
– la censure : on fait sciemment silence sur tous les faits qui pourraient contredire la thèse dominante ; ainsi attribue-t-on à la conquête la diminution de la population algérienne entre 1830 et 1870 sans parler de la crise frumentaire très grave qui a sévi en Algérie et au Maroc en 1865-1868.

Voir enfin:

The Spanish Inquisition
A Historical Revision
By Henry Kamen
Yale University Press

CHAPTER ONE

A SOCIETY OF BELIEVERS AND UNBELIEVERS
Asked if he believed in God, he said Yes, and asked what it meant to believe in God, he answered that it meant eating well, drinking well and getting up at ten o’clock in the morning.A textile worker of Reus (Catalonia), 1632
In the west: Portugal, a small but expanding society of under a million people, their energies directed to the sea and the first fruits of trade and colonisation in Asia. In the south, al-Andalus: a society of half a million farmers and silk-producers, Muslim in religion, proud remnants of a once dominant culture. To the centre and north: a Christian Spain of some six million souls, divided politically into the crown of Castile (with two-thirds of the territory of the peninsula and three-quarters of the population) and the crown of Aragon (made up of the realms of Valencia, Aragon and Catalonia). In the fifteenth century the Iberian peninsula remained on the fringe of Europe, a subcontinent that had been overrun by the Romans and the Arabs, offering to the curious visitor an exotic symbiosis of images: Romanesque churches and the splendid Gothic cathedral in Burgos, mediaeval synagogues in Toledo, the cool silence of the great mosque in Cordoba and the majesty of the Alhambra in Granada.

In mediaeval times it was a society of uneasy coexistence (convivencia), increasingly threatened by the advancing Christian reconquest of lands that had been Muslim since the Moorish invasions of the eighth century. For long periods, close contact between communities had led to a mutual tolerance among the three faiths of the peninsula: Christians, Muslims and Jews. Even when Christians went to war against the Moors, it was (a thirteenth-century writer argued) `neither because of the law [of Mohammed) nor because of the sect that they hold to’, but because of conflict over land. Christians lived under Muslim rule (as Mozarabes) and Muslims under Christian rule (as Mudejares). The different communities, occupying separate territories and therefore able to maintain distinct cultures, accepted the need to live together. Military alliances were made regardless of religion. St Ferdinand, king of Castile from 1230 to 1252, called himself `king of the three religions’, a singular claim in an increasingly intolerant age: it was the very period that saw the birth in Europe of the mediaeval papal Inquisition (c. 1232).

There had always been serious conflicts in mediaeval Spain, at both social and personal levels, between Mudejar and Christian villages, between Christian and Jewish neighbours. But the existence of a multi-cultural framework produced an extraordinary degree of mutual respect. This degree of coexistence was a unique feature of peninsular society, repeated perhaps only in the Hungarian territories of the Ottoman empire. Communities lived side by side and shared many aspects of language, culture, food and dress, consciously borrowing each other’s outlook and ideas. Where cultural groups were a minority they accepted fully that there was a persistent dark side to the picture. Their capacity to endure centuries of sporadic repression and to survive into early modern times under conditions of gross inequality, was based on a long apprenticeship.

The notion of a crusade was largely absent from the earlier periods of the Reconquest, and the communities of Spain survived in a relatively open society. At the height of the Reconquest it was possible for a Catalan philosopher, Ramon Llull (d. 1315), to compose a dialogue in Arabic in which the three characters were a Christian, a Muslim and a Jew. Political links between Christians and Muslims in the mediaeval epoch are exemplified by the most famous military hero of the time, the Cid (Arabic sayyid, lord). Celebrated in the Poem of the Cid written about 1140, his real name was Rodrigo Diaz de Vivar, a Castilian noble who in about 1081 transferred his services from the Christians to the Muslim ruler of Saragossa and, after several campaigns, ended his career as independent ruler of the Muslim city of Valencia, which he captured in 1094. Despite his identification with the Muslims, he came to be looked upon by Christians as their ideal warrior. In the later Reconquest, echoes of coexistence remained but the reality of conflict was more aggressive. The Christians cultivated the myth of the apostle St James (Santiago), whose body was alleged to have been discovered at Compostela; thereafter Santiago `Matamoros’ (the Moor-slayer) became a national patron saint. In al-Andalus, the invasion of militant Muslims from north Africa — the Almoravids in the late eleventh century; the Almohads in the late twelfth — embittered the struggle against Christians.

The tide, however, was turning against Islam. In 1212 a combined Christian force met the Almohads at Las Navas de Tolosa and shattered their power in the peninsula, By the mid-thirteenth century the Muslims retained only the kingdom of Granada. After its capture by the Christians (1085), Toledo immediately became the intellectual capital of Castile because of the transmission of Muslim and Jewish learning. The School of Translators of Toledo in the twelfth and thirteenth centuries rendered into Latin the great semitic treatises on philosophy, medicine, mathematics and alchemy. The works of Avicenna (Ibn Sina), al-Ghazali, Averroes (Ibn Rushd) and Maimonides filtered through to Christian scholars. Mudejar art spread into Castile. No attempt was made to convert minorities forcibly. But by the fourteenth century `it was no longer possible for Christians, Moors and Jews to live under the same roof, because the Christian now felt himself strong enough to break down the traditional custom of Spain whereby the Christian population made war and tilled the soil, the Moor built the houses, and the Jew presided over the enterprise as a fiscal agent and skilful technician’. This schematic picture is not far from the truth. Mudejares tended to be peasants or menial urban labourers; Jews for the most part kept to the big towns and to small trades; the Christian majority, while tolerating their religions, treated both minorities with disdain.

Mudejares were possibly the least affected by religious tension. They were numerically insignificant in Castile, and in the crown of Aragon lived separately in their own communities, so that friction was minimal. Jews, however, lived mostly in urban centres and were more vulnerable to outbreaks of violence. Civil war in both Castile and Aragon in the 1460s divided the country into numberless local areas of conflict and threatened to provoke anarchy. The accession of Ferdinand and Isabella to the throne in 1474 did not immediately bring peace, but gradually the powerful warlike nobles and prelates fell into line. Their belligerent spirit was redirected into wars of conquest in Granada and Naples. Of the two realms of Spain, Aragon had been the one with an imperial history, but Castile with its superior resources in men and money rapidly took over the leadership. The militant Reconquest spirit was reborn, after nearly two centuries of dormancy. It still retained much of its old chivalric spirit: in the Granada wars, the deeds of Rodrigo Ponce de Leon, Marquis of Cadiz, seemed to recall those of the Cid. But the age of chivalry was passing. The wars in Italy provoked bitter criticism of the barbarities of the Spanish soldiery, and in Granada the brutal enslavement of the entire population of Malaga after its capture in 1487 gave hint of a new savagery among the Christians.

Apparent continuity with the old Reconquest is therefore deceptive. Military idealism continued to be fed by chivalric novels, notably the Amadis de Gaula (1508), but beneath the superficial gloss of chivalry there burnt an ideological intolerance typified by the great conquests of Cardinal Cisneros in Africa (Mers-el-Kebir, 1505 and Oran, 1509), and Hernan Cortes in Tenochtitlan (1521). It is also significant that the new rulers of Spain were willing to pursue an intolerant policy regardless of its economic consequences. In regard to both the Jews and the Mudejares, Isabella was warned that pressure would produce economic disruption, but she was steeled in her resolve by Cisneros and the rigorists. Ferdinand, responding to protests by Barcelona, maintained that spiritual ideals were more important than material considerations about the economy. Though affirmation of religious motives cannot be accepted at face value, it appears that a `crusading’ spirit had replaced the possibility of convivencia, and exclusivism was beginning to triumph.

The communities of Christians, Jews and Muslims never lived together on equal terms; so-called convivencia was always a relationship between unequals. Within that inequality, the minorities played their roles while attempting to avoid conflicts. In fifteenth-century Murcia, the Muslims were an indispensable fund of labour in both town and country, and as such were protected by municipal laws. The Jews, for their part, made an essential contribution as artisans and small producers, in leather, jewellery and textiles. They were also important in tax administration and in medicine. In theory, both minorities were restricted to specified areas of the towns they lived in. In practice, the laws on separation were seldom enforced. In Valladolid at the same period, the Muslims increased in number and importance, chose their residence freely, owned houses, lands and vineyards. Though unequal in rights, the Valladolid Muslims were not marginalized. The tolerability of coexistence paved the way to mass conversion in 1502.

In community celebrations, all three faiths participated. In Murcia, Muslim musicians and jugglers were an integral part of Christian religious celebrations. In times of crisis the faiths necessarily collaborated. In 1470 in the town of Ucles, `a year of great drought, there were many processions of Christians as well as of Muslims and Jews, to pray for water …’ In such a community, there were some who saw no harm in participating with other faiths. `Hernan Sanchez Castro’, who was denounced for it twenty years later in Ucles, `set out from the church together with other Christians in the procession, and when they reached the square where the Jews were with the Torah he joined the procession of the Jews with their Torah and left the processions of the Christians’. Co-acceptance of the communities extended to acts of charity. Diego Gonzalez remembered that in Huete in the 1470s, when he was a poor orphan, as a Christian he received alms from `both Jews and Muslims, for we used to beg for alms from all of them, and received help from them as we did from the Christians’. The kindness he received from Jews, indeed, encouraged him to pick up a smattering of Hebrew from them. It also led him to assert that `the Jew can find salvation in his own faith just as the Christian can in his’ . There was, of course, always another side to the coexistence. It was in Ucles in 1491 that a number of Jewish citizens voluntarily gave testimony against Christians of Jewish origin. And Diego Gonzalez, twenty years later when he had become a priest, was arrested for his pro-Jewish tendencies and burnt as a heretic.

We can be certain of one thing. Spain was not, as often imagined, a society dominated exclusively by zealots. In the Mediterranean the confrontation of cultures was more constant than in northern Europe, but the certainty of faith was no stronger. Jews had the advantage of community solidarity, but under pressure from other cultures they also suffered the disadvantage of internal dissent over belief. The three faiths had coexisted long enough for many people to accept the validity of all three. `Who knows which is the better religion’, a Christian of Castile asked in 1501, `ours or those of the Muslims and the Jews?’

Though there were confusions of belief in the peninsula, there seems in late mediaeval times to have been no formal heresy, not even among Christians. But this did not imply that Spain was a society of convinced believers. In the mid-sixteenth century a friar lamented the ignorance and unbelief he had found throughout Castile, `not only in small hamlets and villages but even in cities and populous towns’. `Out of three hundred residents’, he affirmed, `you will find barely thirty who know what any ordinary Christian is obliged to know’. Religious practice among Christians was a free mixture of community traditions, superstitious folklore and imprecise dogmatic beliefs. Some writers went so far as to categorize popular religious practices as diabolic magic. It was a situation that Church leaders did very little to remedy. Everyday religion among Christians continued to embrace an immense range of cultural and devotional options. There are many parallels to the cases of the Catalan peasant who asserted in 1539 that `there is no heaven, purgatory or hell; at the end we all have to end up in the same place, the bad will go to the same place as the good and the good will go to the same place as the bad’; or of the other who stated in 1593 that `he does not believe in heaven or hell, and God feeds the Muslims and heretics just the same as he feeds the Christians’. When Christian warriors battled against Muslims, they shouted their convictions passionately. At home, or in the inn, or working in the fields, their opinions were often different. The bulk of surviving documentation gives us some key to this dual outlook, only, however, among Christians. In Soria in 1487, at a time when the final conquest of Granada was well under way, a resident commented that `the king is off to drive the Muslims out, when they haven’t done him any harm’. The Muslim can be saved in his faith just as the Christian can in his’, another is reported to have said. The inquisitors in 1490 in Cuenca were informed of a Christian who claimed chat `the good Jew and the good Muslim can, if they act correctly, go to heaven just like the good Christian’. There is little or nothing to tell us how Jews and Muslims thought, but every probability that they also accepted the need to make compromises with the other faiths of the peninsula.

Christians who wished to turn their backs on their own society often did so quite simply by embracing Islam. From the later Middle Ages to the eighteenth century, there were random cases of Spanish Christians who changed their faith in this way. The Moorish kingdom of Granada had a small community of renegade Christians. In Christian Spain it was not uncommon to find many of pro-Muslim sentiment. In 1486 the Inquisition of Saragossa tried a Christian `for saying that he was a Muslim, and for praying in the mosque like a Muslim’. Long after the epoch of convivencia had passed, many Spaniards retained at the back of their minds a feeling that their differences were not divisive. In the Granada countryside in the 1620s, a Christian woman of Muslim origin felt that `the Muslim can be saved in his faith as the Jew can in his’, a peasant felt that `everyone can find salvation in his own faith’, and another affirmed that `Jews who observe their law can be saved’. The attitude was frequent enough to be commonplace, and could be found in every corner of Spain.

The remarkable absence of formal `heresy’ in late mediaeval Spain may in part have been a consequence of its multiple cultures. The three faiths, even while respecting each other, attempted to maintain in some measure the purity of their own ideology. In times of crisis, as with the rabbis in 1492 or the Muslim alfaquis in 1609, they clung desperately to the uniqueness of their own truth. Christianity, for its part, remained so untarnished by formal heresy that the papal Inquisition, active in France, Germany and Italy, was never deemed necessary in mediaeval Castile and made only a token appearance in Aragon. In the penumbra of the three great faiths there were, it is true, a number of those who, whether through the indifferentism born of tolerance or the cynicism born of persecution, had no active belief in organized religion. But the virtual absence of organized heresy meant that though defections to other faiths were severely punished in Christian law, no systematic machinery was brought into existence to deal with non-believers or with those forced converts who had shaky belief. For decades, society continued to tolerate them, and the policy of burning practised elsewhere in Europe was little known in Spain.

All this was changed by the successful new Reconquest of Ferdinand and Isabella. It appears that the rulers, seeking to stabilize their power in both Castile and Aragon, where civil wars had created disorder in the 1470s, accepted an alliance with social forces that prepared the way for the elimination of a plural, open society. The crown accepted this policy because it seemed to ensure stability, but the new developments failed to bring about social unity, and the machinery of the Inquisition served only to intensify and deepen the shadow of conflict over Spain.

Voir par ailleurs:

Église et État : “Il ne faut pas caricaturer les Lumières !”
Interview Cyprien Mycinski

La Croix

07/11/2019

Dans un livre qui fera date, l’Église dans l’État, l’historienne de la France religieuse à l’époque janséniste change notre regard sur un siècle passionné de religion, mais où l’Église cède beaucoup de pouvoir.

D’un point de vue religieux, la France du XVIIIe siècle vit sous le régime du « gallicanisme ». Qu’est-ce que ce terme signifie ?

Il faut commencer par rappeler que, à l’époque, le mot n’existe pas : le néologisme a été forgé après la Révolution française. Au XVIIIe siècle, on parle des « libertés de l’Église gallicane ». Et cela renvoie à une formule de compromis : l’Église de France est reconnue comme pleinement catholique et soumise au pape sur le plan spirituel, tout en étant intégrée à l’État et soumise au roi sur le plan temporel. En ce sens, l’Église est dans l’État. Cela ne signifie pourtant pas que le roi est le chef de l’Église de France comme le roi d’Angleterre est à la tête de l’Église d’Angleterre. L’Église de France, elle, n’a jamais rompu avec le pape. C’est pour cette raison que le « gallicanisme » est très différent de l’anglicanisme. Ce compromis est néanmoins instable et très délicat à gérer. C’est tellement vrai que personne n’a essayé d’en donner une théorie. On s’en tient à quelques maximes qui vont donner lieu à des querelles d’interprétation récurrentes. L’idéal revendiqué par tous est celui d’un équilibre entre les deux souverainetés, chacune dans leur domaine. Mais dans les faits, c’est à des conflits répétés sur la délimitation de leurs territoires respectifs que l’on va assister tout au long du XVIIIe siècle.

L’Église de France, elle, n’a jamais rompu avec le pape. C’est pour cette raison que le « gallicanisme » est très différent de l’anglicanisme.

Pourquoi l’Église a-t-elle accepté cette absorption par l’État royal ?

Elle s’est faite très lentement. C’est sans doute ce qui explique que l’Église de France n’a pas vraiment mesuré ce qu’impliquait son absorption progressive par l’État. En 1561, très peu de temps avant que n’éclatent les guerres de Religion, une assemblée périodique du clergé français est constituée pour régler les rapports financiers entre l’Église et le roi. De fait, cette institution accepte de se soumettre au souverain. Mais, du côté de l’Église, elle est vue comme un moyen de peser sur le pouvoir royal, notamment dans la négociation de la contribution de l’Église au financement de l’État ou dans la lutte contre le protestantisme puis le jansénisme. En 1682, sous l’égide de Bossuet, l’Église gallicane accepte de se soumettre encore davantage. L’assemblée du clergé vote à cette date la déclaration des quatre articles par laquelle l’autorité du pape sur le clergé français est exclusivement réduite au domaine spirituel tandis que l’autorité du roi, elle, est posée comme « absolue ».

Faut-il alors considérer qu’au XVIIIe siècle l’Église est entièrement soumise au roi ?

En vérité, le roi « absolu » n’est pas si absolu que cela… Louis XV hésite beaucoup à imposer quoi que ce soit au clergé français. Il craint que celui-ci puisse devenir une force d’opposition. Il renonce par exemple à soumettre l’Église de France à une véritable imposition et accepte de maintenir le système du « don gratuit » par lequel l’Église définit elle-même ce qu’elle verse au budget de l’État. Finalement, le siècle entier se passe en controverses durant lesquelles on s’écharpe pour savoir jusqu’où doit s’exercer l’autorité de l’État sur l’Église ou, a contrario, quelles sont les « libertés » de l’Église de France dans l’État royal. Ces multiples controverses touchent à des problèmes précis qui peuvent nous paraître bizarres, comme la validité de la bulle Unigenitus concernant la répression des jansénistes ou le droit pour les clercs de refuser les sacrements à un individu. Parfois, elles portent sur des questions beaucoup plus lourdes, comme la propriété des biens du clergé ou encore le mariage des protestants… Mais, à chaque fois, l’enjeu est le même : s’affrontent ceux qui souhaitent que soit renforcée l’autorité de l’État sur l’Église et ceux qui veulent au contraire défendre une certaine autonomie de l’Église.

En vérité, les penseurs des Lumières ne sont pas aussi hostiles à la religion qu’on le dit.

Sur le plan religieux, on a l’habitude de voir le XVIIIe siècle comme un temps d’opposition entre les philosophes des Lumières et l’Église. À vous écouter, c’est donc un autre sujet qui aurait passionné et divisé les hommes de ce temps…

Il ne faut pas voir le siècle des Lumières de manière caricaturale ! On le présente trop facilement comme un siècle où s’affrontent de manière simpliste la raison des philosophes et le dogme de l’Église. En vérité, les penseurs des Lumières ne sont pas aussi hostiles à la religion qu’on le dit, et – surtout – le face-à-face de la raison et de la religion n’occupe pas les esprits autant que la question des relations qu’entretiennent les deux « souverainetés », c’est-à-dire l’autorité temporelle et l’autorité spirituelle. Lors de chaque controverse, des dizaines de plumitifs mais aussi les plus grands auteurs du temps prennent position. Montesquieu a été embarqué dans les discussions sur l’Unigenitus, Voltaire s’est exprimé sur la propriété des biens ecclésiastiques et Rousseau sur le mariage des protestants. La pensée des philosophes des Lumières s’est donc en partie forgée à l’occasion de ces disputes qui étaient pour eux loin d’être anodines.

Dans quelle mesure les idées des Lumières se sont-elles nourries de ces affrontements ?

L’histoire de ces controverses permet de lire à nouveaux frais l’héritage de la pensée du XVIIIe siècle. On a souvent tendance à considérer que les idées des Lumières sont nées dans les grands esprits des grands philosophes. En vérité, je me suis rendu compte que c’est à l’épreuve de questions très concrètes que ces idées ont commencé à se formuler. La tolérance, par exemple, se construit dans la polémique engagée à propos du mariage des protestants. Louis XIV avait décrété qu’il n’y avait plus de protestants en France et, dès lors, on ne pouvait officiellement enregistrer les mariages protestants. En conséquence, les enfants nés de ces couples étaient des bâtards, ce qui était un lourd handicap à cette époque. Tout au long du siècle, on se demanda donc comment traiter les protestants, s’il fallait les forcer à la conversion ou au contraire reconnaître les mariages clandestins qui les unissaient. C’est notamment dans ce contexte que l’idée de tolérance s’est construite. Elle n’est pas sortie tout armée d’un esprit brillant. Finalement, ce que ces controverses nous rappellent, c’est que l’intelligence est d’abord collective, qu’elle a besoin du débat.

Pour les hommes du XVIIIe siècle, que l’Église puisse être séparée de l’État est une idée qui n’est tout simplement pas pensable. 

Quelles conséquences ont eues ces controverses sur le regard porté sur l’Église ?

Tout au long du siècle, chaque fois que l’Église défend ses « libertés », on sent monter la peur de la voir se constituer en corps étranger à l’intérieur de l’État. Un certain anticléricalisme se renforce donc jusqu’à la Révolution. Ce qu’il est important de comprendre – et cela a été insuffisamment pointé par les historiens jusqu’à présent -, c’est que cet anticléricalisme des Lumières n’est donc pas seulement « philosophique » mais aussi « politique ». Bien sûr, certains philosophes s’attaquent aux « superstitions » que répand l’Église, mais on a aussi très peur qu’elle soit suffisamment puissante pour s’opposer à la politique de l’État royal et ainsi constituer un État dans l’État. On peut trouver là une des origines de la Constitution civile du clergé de 1790… Cette grande réforme révolutionnaire avait pour but de fusionner définitivement l’Église et l’État pour éviter que celle-là puisse avoir une quelconque autonomie vis-à-vis de celui-ci. Mais, cette fois, l’absorption de l’Église dans l’État alla trop loin et le pape – ainsi qu’une partie du clergé français – s’y opposa. En définitive, c’est sans doute l’échec de cette fusion organique qui conduira à penser la séparation de l’Église et de l’État que nous connaissons.

Les controverses que vous évoquez peuvent apparaître très lointaines, presque exotiques… Pourquoi vous y être intéressée ?

Commençons par une raison qui relève de mon travail d’historienne : j’ai écrit il y a 20 ans un livre sur le jansénisme À l’occasion de ce travail, un autre problème m’est apparu : celui, particulièrement embrouillé, du « gallicanisme ». J’ai donc essayé de le résoudre. Néanmoins, au-delà de cette explication personnelle, je crois aussi que l’histoire de ces controverses du XVIIIe siècle peut nous intéresser sur bien des points. D’abord, elle nous rappelle d’où nous venons. La séparation de l’Église et de l’État nous est une évidence, et nous avons même peine à imaginer qu’une société puisse s’organiser autrement. Pour les hommes du XVIIIe siècle, c’est l’inverse qui est vrai : que l’Église puisse être séparée de l’État est une idée qui n’est tout simplement pas pensable. L’histoire nous rappelle donc la relativité de nos conceptions de la politique, de la société… Mais ces controverses ont aussi une certaine actualité : le problème de savoir ce qui relève du spirituel et ce qui relève du temporel continue de nous occuper. Je remarque d’ailleurs que c’est toujours à propos de ce qui peut sembler des détails – comme le voile islamique – que nous nous affrontons sur cette question. En définitive, ces controverses du XVIIIe siècle ne sont peut-être pas si éloignées de nous que nous pourrions le croire…

Catherine Maire est historienne à l’EHESS, chargée de recherche au CNRS, grande spécialiste de l’histoire religieuse et intellectuelle de la France, en particulier du jansénisme. Elle vient de publier l’Église dans l’État. Politique et religion dans la France des Lumières (Gallimard).

Voir enfin:

Minorités religieuses

Histoire : “Les prisonniers étaient considérés comme des martyrs de la foi”

Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, plusieurs minorités religieuses interdites ont fait l’objet d’enfermement en France, en Angleterre ou en Espagne. Natalia Muchnik, directrice d’études à l’EHESS, a comparé leur sort. Un travail novateur.

Les minorités religieuses ont été enfermées dans plusieurs pays d’Europe. Pourtant, en vous lisant, on est surpris de constater que cet enfermement ne s’accompagnait pas forcément d’une interdiction de pratiquer.

Le but était avant tout d’écarter les personnes concernées du reste de la société. Les conditions d’incarcération étaient non seulement très hétérogènes selon les ressources financières des détenus, mais surtout très différentes de celles des prisons contemporaines. Ceux qui étaient enfermés pour cause de foi ont ainsi pu développer des pratiques religieuses parfois distinctes de celles du dehors, et ce notamment parce qu’ils se trouvaient rassemblés en un même lieu alors qu’ils étaient d’ordinaire plus dispersés. La religion a dès lors pu servir d’appui aux prisonniers, pour tenir et faire groupe face aux autres détenus. Un phénomène que l’on peut observer dans les prisons contemporaines, où l’intensification du religieux est fréquente.

Vous avez étudié quatre minorités : les protestants français aux XVIIe et XVIIIe siècles, les récusants et crypto-catholiques dans l’Angleterre protestante à partir du milieu du XVIe siècle, les morisques musulmans et les marranes juifs dans l’Espagne inquisitoriale. Pourquoi ces quatre minorités ?

Ces populations n’ont pas été les seules à connaître les prisons en raison de leur foi. Mais elles présentent l’intérêt, dans une perspective comparatiste, de vivre dans des monarchies socioculturellement et politiquement proches (la France, l’Angleterre et l’Espagne). Les quatre minorités ont aussi des fondements cultuels relativement analogues et, soumises à une forte répression, entretiennent un rapport similaire à la clandestinité et un lien fort avec leurs diasporas respectives. En outre, nous disposons à leur sujet d’abondantes sources.

Le statut de détenu ne définissait pas tant une présence effective dans les geôles, un enfermement, donc, qu’une condition, celle de ne pas être juridiquement libre.

Vous démontrez que les prisons étaient très connectées à l’environnement social. Comment comprendre cette porosité des geôles ?

Cette porosité était en effet dans l’ensemble bien plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui. À l’époque, le statut de détenu ne définissait pas tant une présence effective dans les geôles, un enfermement, donc, qu’une condition, celle de ne pas être juridiquement libre : on pouvait être prisonnier sans être concrètement enfermé, ou du moins pas tout le temps. Au Moyen Âge déjà, on différenciait la « prison close » et la « prison ouverte », qui incluait des assignations à résidence. Il faut à ce titre souligner qu’il n’y avait pas, sauf exceptions, de bâtiments construits pour être des prisons jusqu’au XVIIIe siècle : on réutilisait les édifices existants, voire on louait des maisons particulières. Il faut distinguer, d’un côté, une porosité « conjoncturelle », pour les détenus les plus aisés ou certaines figures – comme les prêtres en Angleterre -, qui pouvaient obtenir des autorisations ponctuelles pour sortir plusieurs jours avec ou sans gardien, d’ordinaire contre rémunération et au bon vouloir des geôliers, qui étaient les maîtres en leurs royaumes. D’autre part, une porosité structurelle est inhérente aux dispositifs de l’enfermement dans l’Europe moderne. Ainsi le cas des prisons inquisitoriales en Espagne : alors que, dans les « prisons secrètes », les accusés reclus durant leur procès sont en principe isolés, dans les « prisons de la pénitence », les condamnés sortent pour travailler ou mendier durant la journée et rentrent le soir. En Angleterre, au XVIIIe siècle surtout, les détenus pour dettes en particulier pouvaient vivre à proximité des geôles tout en étant inscrits dans les registres de la prison, souvent surpeuplée.

Les détenus correspondaient-ils à un groupe social particulier ?

Non, le spectre social était beaucoup plus large que celui des détenus d’aujourd’hui, incluant des riches comme des pauvres, des anonymes comme des écrivains célèbres. De même, les femmes étaient proportionnellement plus nombreuses qu’aujourd’hui. Cela est particulièrement vrai pour les minorités étudiées. Il y avait ainsi une plus grande familiarité avec le monde de la prison, d’autant que les geôles étaient souvent au coeur des villes.

Et les enfants ?

Il était rare qu’on enferme les enfants avant l’adolescence. Ils étaient généralement envoyés dans des structures éducatives spécialisées ou dans des monastères, pour y être instruits et conformés à la religion dominante.

Ce n’est pas l’Église, mais l’autorité civile qui exécute à mort les condamnés lors des autodafés inquisitoriaux en Espagne. 

L’Église catholique semble privilégier la prison comme peine. Pourquoi ?

Parce que l’Église ne peut en principe pas faire couler le sang. Contrairement à ce qu’on pense parfois, par exemple, ce n’est pas l’Église, mais l’autorité civile qui exécute à mort les condamnés lors des autodafés inquisitoriaux en Espagne. En Angleterre, c’était le pouvoir royal qui enfermait les catholiques, en particulier lorsqu’ils faisaient du prosélytisme et/ou ne reconnaissaient pas le souverain comme chef de l’Église, au profit de l’autorité pontificale.

Peut-on parler de formation de communautés religieuses dans les prisons ?

Cela dépend des effectifs, évidemment, et des conditions de détention. Mais le prosélytisme à l’intérieur des geôles est attesté dans les quatre cas. Dans certains établissements londoniens, ou dans le sud-est de la France, par exemple à la tour de Constance, où furent recluses des femmes protestantes, de petites communautés liturgiques se sont formées, même si elles ne disposaient pas nécessairement des instruments du culte. À Londres, des messes ont même été célébrées dans les geôles, accueillant aussi des fidèles de l’extérieur. On cite souvent le cas où l’on avait mis à la disposition d’un prêtre une cellule réservée à la messe.

Les détenus étaient perçus comme des modèles de ferveur, de dévouement pour la foi et le signe de l’élection divine du groupe dans son entier. 

Les prisonniers avaient donc une influence pour les coreligionnaires du dehors ?

Oui, ils pouvaient jouer non seulement un rôle cultuel, on vient de le voir, mais aussi symbolique pour les communautés du dehors et, plus largement, pour leurs diasporas respectives. En effet, les détenus étaient considérés comme des martyrs de la foi et nombre de leurs correspondances étaient alors imprimées. Chez les chrétiens, on les rapprochait des premiers chrétiens ou encore de saint Paul en captivité. Ils étaient perçus comme des modèles de ferveur, de dévouement pour la foi et le signe de l’élection divine du groupe dans son entier. Cette dimension martyrologique se retrouve même chez les marranes, en terre ibérique, et suscitait une circulation de reliques, comme celle des restes des prêtres exécutés en Angleterre, par exemple.

Quel rôle joue cet héritage aujourd’hui pour les communautés étudiées, selon vous ?

En ce qui concerne les catholiques anglais, certains des collèges créés par les exilés en Europe, où cette culture du martyre était mise en valeur, subsistent. D’ailleurs, des prêtres enfermés et exécutés ont rapidement été béatifiés. En Angleterre, il y a des éléments rituels qui ne sont pas propres au milieu de la prison, mais à la situation de clandestinité. Le rosaire, par exemple, a pris une grande importance au moment de la clandestinité. C’était effectivement plus facile à dissimuler. On pourrait également citer le cas des protestants de France, où la mémoire des persécutions, celle des camisards emprisonnés, de l’expérience du Désert dans les Cévennes, est encore particulièrement vive et innerve l’histoire et l’identité communautaires.

À lire
Les Prisons de la foi. L’enfermement des minorités (XVIe-XVIIIe siècle), de Natalia Muchnik, Puf.

Pope cites French epic poem to “prove” Christianity is as violent as Islam

Jihad watch

“Pope Francis trotted out a scene from the 11th-century French epic poem La Chanson de Roland this week to prove Christians have tried to convert Muslims by the sword, just as Muslims have done to Christians.”

The Pope’s moral equivalence is obscene at best. He also stated: “Beware of the fundamentalist groups: everyone has his own.”

True, but no religion but Islam has a history of aggression and an imperative — supported by religious texts — to conquer the world and subjugate unbelievers as inferiors, while murdering those who leave the faith.

Nowhere in Christian tenets is there a command to conquer by the sword; however, this is prescribed in Islamic texts and law, and has been steadily followed in varying degrees for 1,400 years.

Christians also defended themselves against expansionary Islamic marauders from the 7th century onward, as the latter rampaged through the Middle East and Africa, murdering far more Christians than Christians killed Muslims in all the Crusades combined.

And they’re still doing it. Christians are facing genocide at the hands of Muslims in the Middle East and Africa; most of the world ignores this, including the Pope, who instead insists that “it’s not fair to identify Islam with violence.”

The Pope has been a powerful promoter of Islam, going so far as advance theological reforms in Catholic schools to promote a “common mission of peace” with Islam. He largely ignores the gross human rights violations against Christians, women, minorities and apostates that are justified by normative Islam. He has not called on the leaders of Islamic states and mainstream Islamic leaders to condemn the Islamic texts that sanction such abuses. Instead, he has stated that “Christianity and Islam have more in common than people think…and the two religions defend common values that are necessary for the future of civilization.”

“Hours before Pope Francis called for the abolition of capital punishment” last Friday, he warmly embraced the Grand Sheikh of al-Azhar, Ahmed el-Tayeb — the revered Islamic scholar and cleric who has endorsed jihad suicide attacks against Jews and wants converts to Christianity to be killed. Pope Francis and el-Tayeb early this year published “A Document On Human Fraternity for World Peace and Living Together.”

Then last month, Pope Francis installed new cardinals who “share his vision for social justice, rights of immigrants and dialogue with Islam.”

Regarding La Chanson de Roland, “the French themselves to cry foul, reproaching the pontiff both for besmirching one of their most beloved pieces of epic literature and for using a fictional narrative to illustrate a point about how Christians supposedly behave.”

Voir enfin:

Sir Ridley Scott, the Oscar-nominated director, was savaged by senior British academics last night over his forthcoming film which they say « distorts » the history of the Crusades to portray Arabs in a favourable light.

The £75 million film, which stars Orlando Bloom, Jeremy Irons and Liam Neeson, is described by the makers as being « historically accurate » and designed to be « a fascinating history lesson ».

Academics, however – including Professor Jonathan Riley-Smith, Britain’s leading authority on the Crusades – attacked the plot of Kingdom of Heaven, describing it as « rubbish », « ridiculous », « complete fiction » and « dangerous to Arab relations ».

The film, which began shooting last week in Spain, is set in the time of King Baldwin IV (1161-1185), leading up to the Battle of Hattin in 1187 when Saladin conquered Jerusalem for the Muslims.

The script depicts Baldwin’s brother-in-law, Guy de Lusignan, who succeeds him as King of Jerusalem, as « the arch-villain ». A further group, « the Brotherhood of Muslims, Jews and Christians », is introduced, promoting an image of cross-faith kinship.

« They were working together, » the film’s spokesman said. « It was a strong bond until the Knights Templar cause friction between them. »

The Knights Templar, the warrior monks, are portrayed as « the baddies » while Saladin, the Muslim leader, is a « a hero of the piece », Sir Ridley’s spokesman said. « At the end of our picture, our heroes defend the Muslims, which was historically correct. »

Prof Riley-Smith, who is Dixie Professor of Ecclesiastical History at Cambridge University, said the plot was « complete and utter nonsense ». He said that it relied on the romanticised view of the Crusades propagated by Sir Walter Scott in his book The Talisman, published in 1825 and now discredited by academics.

« It sounds absolute balls. It’s rubbish. It’s not historically accurate at all. They refer to The Talisman, which depicts the Muslims as sophisticated and civilised, and the Crusaders are all brutes and barbarians. It has nothing to do with reality. »

Prof Riley-Smith added: « Guy of Lusignan lost the Battle of Hattin against Saladin, yes, but he wasn’t any badder or better than anyone else. There was never a confraternity of Muslims, Jews and Christians. That is utter nonsense. »

Dr Jonathan Philips, a lecturer in history at London University and author of The Fourth Crusade and the Sack of Constantinople, agreed that the film relied on an outdated portrayal of the Crusades and could not be described as « a history lesson ».

He said: « The Templars as ‘baddies’ is only sustainable from the Muslim perspective, and ‘baddies’ is the wrong way to show it anyway. They are the biggest threat to the Muslims and many end up being killed because their sworn vocation is to defend the Holy Land. »

Dr Philips said that by venerating Saladin, who was largely ignored by Arab history until he was reinvented by romantic historians in the 19th century, Sir Ridley was following both Saddam Hussein and Hafez Assad, the former Syrian dictator. Both leaders commissioned huge portraits and statues of Saladin, who was actually a Kurd, to bolster Arab Muslim pride.

Prof Riley-Smith added that Sir Ridley’s efforts were misguided and pandered to Islamic fundamentalism. « It’s Osama bin Laden’s version of history. It will fuel the Islamic fundamentalists. »

Amin Maalouf, the French historian and author of The Crusades Through Arab Eyes, said: « It does not do any good to distort history, even if you believe you are distorting it in a good way. Cruelty was not on one side but on all. »

Sir Ridley’s spokesman said that the film portrays the Arabs in a positive light. « It’s trying to be fair and we hope that the Muslim world sees the rectification of history. »

The production team is using Loarre Castle in northern Spain and have built a replica of Jerusalem in Ouarzazate, in the Moroccan desert. Sir Ridley, 65, who was knighted in July last year, grew up in South Shields and rose to fame as director of Alien, starring Sigourney Weaver.

He followed with classics such as Blade Runner, Thelma and Louise, which won him an Oscar nomination in 1992, and in 2002 Black Hawk Down, told the story of the US military’s disastrous raid on Mogadishu. In 2001 his film Gladiator won five Oscars, but Sir Ridley lost out to Steven Soderbergh for Best Director.


Noël/2018e: Attention à la marche ! (Like reading the Constitution today: Looking back at the 400-year intertestamental gap of Jewish writings and incredible religious change without which you can’t truly appreciate the break with the religion of the past that Jesus actually was)

25 décembre, 2018

La Cène, Léonard de Vinci, 1494 (Crédit : domaine public, via Wikipedia)

 
 
 

Le salut vient des Juifs. Jésus (Jean 4:22)
On célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace. C’était l’hiver. Et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Jean (10: 22-23)
Jésus (…) enseignait dans les synagogues, et il était glorifié par tous. Il se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Luc 4: 14-16
Pendant ce temps, les disciples le pressaient de manger, disant: Rabbi, mange… Jean 4: 31
J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le coeur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen! Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël, et, pour être la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants; mais il est dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité, c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité. Paul (Romans 9: 2-8)
Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple, qu’il a connu d’avance. Ne savez-vous pas ce que l’Écriture rapporte d’Élie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y a un reste, selon l’élection de la grâce. Or, si c’est par grâce, ce n’est plus par les oeuvres; autrement la grâce n’est plus une grâce. Et si c’est par les oeuvres, ce n’est plus une grâce; autrement l’oeuvre n’est plus une oeuvre. Quoi donc? Ce qu’Israël cherche, il ne l’a pas obtenu, mais l’élection l’a obtenu, tandis que les autres ont été endurcis, selon qu’il est écrit: Dieu leur a donné un esprit d’assoupissement, Des yeux pour ne point voir, Et des oreilles pour ne point entendre, Jusqu’à ce jour. Paul (Romans 11: 1-8)
La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant: Va, fais le dénombrement d’Israël et de Juda. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé; et, de Dan à Beer Schéba, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple. Comme l’ange étendait la main sur Jérusalem pour la détruire, l’Éternel se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui faisait périr le peuple: Assez! Retire maintenant ta main. L’ange de l’Éternel était près de l’aire d’Aravna, le Jébusien. David, voyant l’ange qui frappait parmi le peuple, dit à l’Éternel: Voici, j’ai péché! C’est moi qui suis coupable; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père! 2 Samuel 24: 1-17
Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël.Cet ordre déplut à Dieu, qui frappa Israël. (…)  Et David dit à Dieu: J’ai commis un grand péché en faisant cela! Maintenant, daigne pardonner l’iniquité de ton serviteur, car j’ai complètement agi en insensé!L’Éternel adressa ainsi la parole à Gad, le voyant de David: Va dire à David: Ainsi parle l’Éternel: Je te propose trois fléaux; choisis-en un, et je t’en frapperai. (…) Accepte, ou trois années de famine, ou trois mois pendant lesquels tu seras détruit par tes adversaires et atteint par l’épée de tes ennemis, ou trois jours pendant lesquels l’épée de l’Éternel et la peste seront dans le pays et l’ange de l’Éternel portera la destruction dans tout le territoire d’Israël. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, et il tomba soixante-dix mille hommes d’Israël. Dieu envoya un ange à Jérusalem pour la détruire; et comme il la détruisait, l’Éternel regarda et se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui détruisait: Assez! Retire maintenant ta main.(…) David leva les yeux, et vit l’ange de l’Éternel se tenant entre la terre et le ciel et ayant à la main son épée nue tournée contre Jérusalem. Alors David et les anciens, couverts de sacs, tombèrent sur leur visage.Et David dit à Dieu: N’est-ce pas moi qui ai ordonné le dénombrement du peuple? C’est moi qui ai péché et qui ai fait le mal; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Éternel, mon Dieu, que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, et qu’elle ne fasse point une plaie parmi ton peuple! I Chroniques 21: 1-17
Si le judaïsme n’avait qu’à résoudre la  question juive, il aurait beaucoup à faire, mais il serait peu de chose. Lévinas
Quand un Juif devient chrétien, on a un Chrétien de plus mais pas un Juif de moins. Edouard Drumont
La principale opposition de frères ennemis dans l’Histoire, c’est bien les juifs et les chrétiens. Mais le premier christianisme est dominé par l’Epître aux Romains qui dit : la faute des juifs est très réelle, mais elle est votre salut. N’allez surtout pas vous vanter vous chrétiens. Vous avez été greffés grâce à la faute des juifs. On voit l’idée que les chrétiens pourraient se révéler tout aussi indignes de la Révélation chrétienne que les juifs se sont révélés indignes de leur révélation. (…)  Il faut reconnaître que le christianisme n’a pas à se vanter. Les chrétiens héritent de Saint Paul et des Evangiles de la même façon que les Juifs héritaient de la Genèse et du Lévitique et de toute la Loi. Mais ils n’ont pas compris cela puisqu’ils ont continué à se battre et à mépriser les Juifs. (…) ils ont recréé de l’ordre sacrificiel. Ce qui est historiquement fatal et je dirais même nécessaire. Un passage trop brusque aurait été impossible et impensable. Nous avons eu deux mille ans d’histoire et cela est fondamental. (…) la religion doit être historicisée : elle fait des hommes des êtres qui restent toujours violents mais qui deviennent plus subtils, moins spectaculaires, moins proches de la bête et des formes sacrificielles comme le sacrifice humain. Il se pourrait qu’il y ait un christianisme historique qui soit une nécessité historique. Après deux mille ans de christianisme historique, il semble que nous soyons aujourd’hui à une période charnière – soit qui ouvre sur l’Apocalypse directement, soit qui nous prépare une période de compréhension plus grande et de trahison plus subtile du christianisme. René Girard
Il y a deux grandes attitudes à mon avis dans l’histoire humaine, il y a celle de la mythologie qui s’efforce de dissimuler la violence (…) la plus répandue, la plus normale, la plus naturelle à l’homme et (…) l ’autre (…) beaucoup plus rare et (…) même unique au monde (…) réservée tout entière aux grands moments de l’inspiration biblique et chrétienne [qui]  consiste non pas à pudiquement dissimuler mais, au contraire, à révéler la violence dans toute son injustice et son mensonge, partout où il est possible de la repérer. C’est l’attitude du Livre de Job et c’est l’attitude des Evangiles. […]. C’est l’attitude qui nous a permis de découvrir l’innocence de la plupart des victimes que même les hommes les plus religieux, au cours de leur histoire, n’ont jamais cessé de massacrer et de persécuter. C’est là qu’est l’inspiration commune au judaïsme et au christianisme, et c’est la clef, il faut l’espérer, de leur réconciliation future. C’est la tendance héroïque à mettre la vérité au-dessus même de l’ordre social. René Girard
Mais pourquoi donc le christianisme est-il devenu une religion non-juive ?  Gilles Bernheim
Les Juifs témoignent de l’absolue transcendance sur laquelle est fondée toute morale: la loi. Les chrétiens témoignent de l’incarnation de la Parole. deux voix pour le même Dieu! Deux voix différentes, dont  l’harmonie a été promise au-delà du temps. Mark Fressler
L’Histoire juive a été arrachée de son cadre étroit de la Palestine; par l’intermédiaire du christianisme, le Juif a cessé d’être un provincial insignifiant se pavanant sur l’étroite scène de la Judée; il a pénétré dans l’importance de la scène mondiale et est devenu une bénédiction pour toute l’humanité. Sans le christianisme, le judaïsme et le Juif auraient pu rester aussi insignifiants que l’ont été les disciples de Zoroastre. Maurice S. Eisendrath
Est-ce vraiment la volonté de Dieu qu’il n’existe plus aucun judaïsme dans le monde? Serait-ce vraiment le triomphe de Dieu si les rouleaux n’étaient plus sortis de l’arche  et si la Torah n’était plus lue dans les synagogues, si nos anciennes prières hébraïques, que Jésus lui-même utilisa pour adorer Dieu, n’étaient plus récitées, si le Seder de la Pâque n’était plus célébré dans nos vies, si la loi de Moïse n’était plus observée dans nos foyers?  Serait-ce vraiment ad majorem Dei gloriam d’avoir un monde sans Juifs? Abraham Heschel
Au travers des siècles, la communauté juive a interprété la décision de l’Eglise d’adorer Dieu le dimanche comme un rejet du coeur même de l’expérience juive: le rejet de la loi. Ce transfert du jour d’adoration au dimanche a rendu excessivement difficile, sinon virtuellement impossible, pour le juif, d’accorder une considération sérieuse au message chrétien. R. Marvin Wilson
Au IVe siècle, on disait aux Juifs; « Vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous en tant que juifs ». A partir du Moyen-Age jusqu’au XIXe siècle, on disait aux Juifs; « Vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous. » A l’époque nazie, on disait aux Juifs: « Vous n’avez pas le droit de vivre. » Paul Hillburg
Il a fallu la « solution finale » des nazis allemands pour que les chrétiens commencent à prendre conscience que le prétendu problème juif est en réalité un problème chrétien et qu’il l’a toujours été. Alice L. Eckardt
Après Auschwitz, (…) demander aux juifs de devenir chrétiens est une manière spirituelle de les effacer de l’existence et ne fait donc que renforcer les conséquences de l’Holocauste. (…)  Après Auschwitz et la participation des nations à ce massacre, c’est le monde chrétien qui a besoin de conversion. Gregory Baum
Tant que l’Eglise chrétienne se considère comme le successeur d’Israël, comme le nouveau peuple de Dieu, aucun espace théologique n’est laissé aux autres confessions et surtout à la religion juive. Gregory Baum
Si la loi du sabbat appartient au cérémoniel et n’est plus obligatoire, pourquoi remplacer le sabbat par un autre jour? Jacques Doukhan
Si la grâce chrétienne a mis fin à la loi juive, si le dimanche chrétien a abrogé le sabbat juif, si la notion d’un Dieu invisible indéfiniment suspendu à une croix a remplacé la notion du Tout-puissant invisible, si le salut et son emphase sur le spirituel l’a emporté sur la création, sur la nature et sur le corps, si le Nouveau Testament a supprimé l’Ancien, si les païens ont remplacé Israël; alors les juifs ont eu théologiquement raison, et ont encore raison aujourd’hui, de rejeter la religion chrétienne. Jacques Doukhan
Le Messie a été représenté dans les écritures hébraïques et dans la tradition juive comme une étoile, une étoile isolée, la dernière étoile qui annonce la venue du jour: l’étoile de David, celle-là même qui est représentée sur le drapeau israélien.  Les chrétiens ont si souvent mis l’accent sur l’événement passé de la crucifixion qu’ils se sont souvent arrêtés à la croix. Ils n’attendent plus. Ils sont déjà sauvés. La croix a éclipsé l’étoile. Jacques Doukhan
Because of the painful and shameful history (…), the name of Jesus has been associated in the Jewish consciousness with the memory of massacre, discrimination, and rejection for 2,000 years, the systematic « teaching of contempt » all climaxing at Auschwitz. Many Christians still do not realize the nature of that connection; and, consciously or not, they keep nurturing their mentalities with the old poison teaching and preaching the curse against the Jews who are charged with the most horrible crime of humanity, deicide: the killing of God. Meanwhile, there is the supersession theology, which denies the Jews and Israel the right even to be Israel, since the « true Israel » is another people. (This theory has been denounced as « a spiritual holocaust. ») This goes along with all kinds of strange ideas that Christians still entertain about the Jews: the myth of the Jewish plot, the association of the Jew with deception and money, etc. I am here referring to the old beast called « anti-Semitism. » You asked me if there is hope of reconciliation after Auschwitz. As long as Christians, whoever they are and whatever community they belong to, do not understand and recognize their responsibility at Auschwitz; as long as they are still fueling the fire and pushing in the same direction; as long as they keep in their heart anti-Semitic ideas and feelings there is no hope of reconciliation. With Auschwitz, Jewish-Christian history has reached a point of no return. After Auschwitz, it is no more decent to think or act or feel in the ways that have produced Auschwitz. To hope for a reconciliation after Auschwitz amounts then to hope in a genuine « conversion » on the part of the Christians. As long as Christians will not take this sin of anti-Semitism seriously, as long as they are not ready to turn back, repent, and recognize the Jewish roots that bear them, there is no hope for reconciliation. As a result, we can even say that there is no hope for any other reconciliation, and I mean here especially the Christian reconciliation with the God of Israel Himself. (..) According to the Jewish law (Halakhah), a Jew always remains a Jew whatever he does, even if he identifies himself as a Christian. Ironically, the Nazis have demonstrated the truth of this observation. The anti-Semite Drumont used to say, « When a Jew becomes Christian, we have one more Christian, but we don’t have one less Jew. » (…) Today, after the Holocaust and centuries of Christian effort to eliminate the Jews from the scene of history, any open at tempt to « convert » Jewish people will trigger strong reactions. Christians who want to share with Jews « the hope of Jesus » should, therefore, first of all ask themselves a question about their real motives. Why do they want to « convert » Jews? Do they intend to transform them into their image and thus erase their Jewish identity? (…) In other words, the conversion of the Christian is a prerequisite for the conversion of the Jew. (…) But in saying that, he does not imply that we have to change our identity in order to be able to reach out to Jews. A man does not need to become a woman in order to be able to reach out to women, and vice versa. (…) Paradoxically after the Holocaust and the creation of the State of Israel, more and more Jews are able to disassociate Jesus from the offensive Christian testimony. It is interesting that much more has been written about Jesus in Hebrew in the last thirty years than in the eighteen previous centuries. Along with Christians who begin to reconsider their Jewish roots and learn to love the law of the God of Israel, many Jews begin to realize that Jesus belongs to their Jewish heritage and as such deserves their attention. Jacques B. Doukhan
The festivals are nothing but a pedagogical or evangelistic tool to be used, just as we sometimes do when we use the model of the sanctuary to witness through this object lesson to our unique message. It should be descriptive and instructive, not prescriptive. If we desire to mark the festival, it would therefore be advisable to do it during its season, not because we want or need to be faithful to agricultural, ritualistic, and legalistic norms, but rather as an opportune moment when other people think about it, just as we traditionally do for Christmas, Easter, or Thanksgiving (although these festivals contain some elements of pagan origin, such as Santa Claus, the Christmas tree, and the Easter bunny). Jacques B. Doukhan
Juifs et chrétiens vont devoir à l’avenir changer ce qu’ils racontent les uns sur les autres. D’un côté, les chrétiens ne seront plus en mesure de prétendre que les juifs en tant que groupe ont consciemment rejeté Jésus comme Dieu. De telles croyances sur les juifs ont conduit à une histoire profonde, sanglante et douloureuse d’antijudaïsme et d’antisémitisme. […] De l’autre côté, les juifs vont devoir arrêter de railler les idées chrétiennes sur Dieu comme une simple collection d’idées fantaisistes “non juives”, peut-être païennes, et en tous les cas bizarres. Daniel Boyarin
Nous définissons habituellement les membres d’une religion en utilisant une sorte de check-list. Par exemple, on pourrait dire que si une personne croit en la Trinité et en l’incarnation, elle est un membre de la religion appelée christianisme, et que, si elle n’y croit pas, elle n’est pas un véritable membre de cette religion. Réciproquement, on pourrait dire que si quelqu’un ne croit pas en la Trinité et l’incarnation, alors il appartient à la religion appelée judaïsme mais que, s’il y croit, il n’y appartient pas. Quelqu’un pourrait aussi dire que, si une personne respecte le shabbat le samedi, ne mange que de la nourriture casher et fait circoncire ses fils, elle est un membre de la religion juive, et que, si elle ne le fait pas, elle ne l’est pas. Ou réciproquement, que, si un certain groupe croit que chacun doit respecter le shabbat, manger casher et circoncire ses fils, cela signifie qu’il n’est pas chrétien mais que, s’il croit que ces pratiques ont été remplacées, alors c’est un groupe chrétien. Comme je l’ai dit, voilà notre façon habituelle de considérer ces questions. (…) Un autre grand problème que ces check-lists ne peuvent pas gérer concerne les personnes dont les croyances et comportements sont un mélange de caractéristiques tirées de deux listes. Dans le cas des Juifs et des chrétiens, c’est un problème qui n’a tout simplement pas voulu disparaître. Des siècles après la mort de Jésus, certains croyaient en la divinité de Jésus, Messie incarné, mais insistaient également sur le fait que, pour être sauvés, ils devaient ne manger que de la nourriture casher, respecter le shabbat comme les autres Juifs et faire circoncire leurs fils. C’était un milieu où bien des personnes ne voyaient pas de contradiction, semble-t-il, à être à la fois juif et chrétien. En outre, beaucoup des éléments qui en sont venus à faire partie de la check-list éventuelle pour déterminer si l’on est juif ou si l’on est chrétien, ne déterminaient absolument pas à l’époque une ligne de frontière. Que devons-nous faire de ces gens là ? Pendant un grand nombre de générations après la venue du Christ, différents disciples, et groupes de disciples, de Jésus ont tenu des positions théologiques variées et se sont engagés dans une grande diversité d’observances relativement à la Loi juive de leurs ancêtres. L’un des débats les plus importants a porté sur la relation entre les deux entités qui allaient finir par former les deux premières personnes de la Trinité. Beaucoup de chrétiens croyaient que le Fils ou le Verbe (Logos) était subordonné à Dieu le Père voire même créé par lui. Pour d’autres, bien que le Fils soit incréé et ait existé dès avant le début du temps, il était seulement d’une substance similaire au Père. Un troisième groupe croyait qu’il n’y avait pas de différence du tout entre le Père et le Fils quant à la substance. Il existait aussi des différences très prononcées d’observances entre chrétien et chrétien : certains chrétiens conservaient une bonne part de la Loi juive (ou même la totalité), d’autres en avaient conservé certaines pratiques mais en avaient abandonné d’autres (par exemple, la règle apostolique d’Actes 15 5 ), et d’autres encore croyaient que la Loi entière devait être abolie et écartée pour les chrétiens (même pour ceux qui étaient nés juifs). Enfin, certains chrétiens étaient d’avis que la Pâque chrétienne était une forme de la Pâque juive, convenablement interprétée, avec Jésus comme agneau de Dieu et sacrifice pascal, tandis que d’autres niaient vigoureusement une telle relation. Cela avait également une portée pratique dans la mesure où le premier groupe célébrait Pâques le même jour où les Juifs célébraient Pessah tandis que le second insistait tout aussi fermement que Pâques ne devait pas tomber le jour de Pessah. Il y avait bien d’autres pommes de discorde. Jusqu’au début du quatrième siècle, tous ces groupes s’appelaient eux -mêmes chrétiens et un bon nombre d’entre eux se définissaient tout autant juifs que chrétiens. Selon cette vue, tenue par beaucoup de penseurs et d’exégètes, chrétiens aussi bien que juifs, après l’humiliation, la souffrance et la mort du Messie Jésus, la théologie de la souffrance vicaire rédemptrice aurait été découverte, apparemment en Is 53. On prétend alors que ce dernier texte a été réinterprété pour renvoyer non au peuple d’Israël persécuté mais au Messie souffrant. “ Le Seigneur a voulu l’écraser par la souffrance. S ’il fait de sa vie un sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours ; par lui la volonté du Seigneur s’accomplira. A la suite de son épreuve, il verra la lumière ; il sera comblé par sa connaissance. Le juste, mon serviteur, justifiera des multitudes et il portera lui-même leurs fautes. C’est pourquoi je lui donnerai une part parmi les princes et il partagera le butin avec les puissants ; parce qu ’il s’est livré lui-même à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels ; alors qu’il portait pourtant le péché des multitudes et intercédait pour les criminels” (Is 5 3,10-12). Si ces versets se réfèrent effectivement au Messie, ils prédisent clairement ses souffrances et sa mort pour expier les péchés des humains. Cependant, on nous affirme que les Juifs auraient toujours interprété ces versets comme une évocation des souffrances du peuple d’Israël lui-même et non du Messie, qui serait quant à lui uniquement triomphant. Résumons ainsi cette opinion communément reçue : la théologie des souffrances du Messie est une réponse apologétique a posteriori pour expliquer les souffrances et l’humiliation subies par Jésus puisque les ‘chrétiens’ le tenaient pour le Messie. Selon cette vue, le christianisme a été inauguré au moment de la crucifixion, qui aurait mis en branle la nouvelle religion. En outre, beaucoup de ceux qui défendent ce point de vue sont aussi d’avis que le sens original d’Isaïe 53 a été déformé par les chrétiens pour expliquer et rendre compte du fait choquant de la crucifixion du Messie, alors qu’il se référait initialement aux souffrances du peuple d’Israël. Ce lieu commun doit être entièrement rejeté. La notion d’un Messie humilié et souffrant n’était pas du tout étrangère au judaïsme avant la venue de Jésus et elle est demeurée courante chez les Juifs postérieurement, et ce jusque dans la première période moderne. C’est un fait fascinant (et sans doute inconfortable pour certains) que cette tradition a été bien établie par les Juifs messianiques modernes soucieux de démontrer que leur foi en Jésus ne les ‘déjudaïse’ pas. Que l’on accepte ou non leur théologie, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils ont constitué un très fort dossier textuel à l’appui de l’idée que la conception d’un Messie souffrant est enracinée dans des écrits profondément juifs, tant anciens que plus récents. Les Juifs n’ont apparemment pas eu de difficulté à envisager un Messie qui offrirait sa souffrance pour racheter le monde. Redisons-le : ce qu’on aurait dit de Jésus soi-disant après coup est en fait un ensemble d’attentes et de spéculations messianiques bien établies qui étaient courantes avant même que Jésus ne vienne au monde. Des Juifs avaient appris par une lecture attentive de certains textes bibliques que le Messie souffrirait et serait humilié ; cette lecture assumait précisément la forme de l’interprétation rabbinique classique que nous connaissons sous le nom de midrash, une façon de faire se répondre des versets et des passages de l’Ecriture pour en tirer de nouveaux récits, de nouvelles images et idées théologiques. » Daniel Boyarin
Tout le monde sait bien que Jésus est juif, mais l’auteur affirme que le Christ l’est aussi. Les bases de la christologie chrétienne appartiennent à la pensée israélite du second Temple et les divergences invoquées pour justifier une rupture historique prétendument immédiate entre « judaïsme » et « christianisme » sont erronées. La notion d’un Messie humano-divin, la pensée qu’en Dieu réside une seconde figure divine, la conception d’un Messie qui porte les péchés et sauve par sa souffrance, entre autres, ne sont pas une réinterprétation chrétienne, rétrospective et abusive, du Fils de l’Homme de Daniel 7 et du Serviteur souffrant d’Isaïe 53, mais des interprétations largement attestées dans la littérature juive contemporaine (Hénoch, Esdras, etc.). La nouveauté chrétienne est de voir leur réalisation dans cet homme-là Jésus et tous les juifs ne vont pas l’accepter. Même la prétendue rupture de Jésus avec les observances de la Torah résulte d’une mauvaise lecture de Marc 7 Trinité, messie humano-divin, messie souffrant, lois alimentaires, sabbat, circoncision, Yavné et Nicée, Qumran et autres. Ces textes intertestamentaires sont des textes qui montrent la diversité de pensée qui était dans ce qu’on appelle le judaïsme des premiers siècles (avant Jésus). Sébastien Lapaque
In the Soviet Union, run as it was by the self-declared militant godless, Christmas was a secular holiday: It was called New Year’s. People had New Year’s trees, decorated with New Year’s ornaments, under which Father Frost would leave New Year’s gifts. These images are central, beloved memories of my childhood — waking up to a sparkling, decorated tree in my room, piled high with presents that, given that it was the Soviet Union, were often slightly defective. When we came to the United States, we brought ornaments, some of which have been in the family for generations. For the first few years in the States, we’d get a New Year’s tree on Dec. 26, decorate it, lay presents under it and celebrate the New Year as we had for as long as anyone could remember. But after a few years, we stopped. It was no longer a New Year’s tree in a Soviet house. It had become a Christian symbol in a Jewish house. Christmas was all around us, for nearly one-tenth of the year, every year. It began to feel deeply alien precisely because we were secular, but it was not. Despite the movies and the shopping, despite the Germanic decor, Christmas is still, at its core and by design, about the birth of Christ, a point that seems bizarre to argue. Just look at all those nativity scenes! And we don’t observe the holiday on just any day. Dec. 25 has Christian significance. Whenever I hear the name, I hear the “Christ” in it. To me, it’s strange that many of its celebrants do not. And despite its celebration of a Christian god, it is everywhere, for over a month, in a way no other holiday is — not even Easter. It is in every ad, in every window and doorway, and on everyone’s lips. If you’re not a part of the festivities, even its sparkling aesthetic can wear you down. When you are from a minority religion, you’re used to the fact that cabdrivers don’t wish you an easy fast on Yom Kippur. But it’s harder to get used to the oppressive ubiquity of a holiday like Christmas. “This is always the time of year I feel most excluded from society,” one Jewish friend told me. Another told me it made him feel “un-American.” To say it’s off-putting to be wished a merry holiday you don’t celebrate — like someone randomly wishing you a happy birthday when the actual date is months away — is not to say you hate Christmas. It is simply to say that, to me, Julia Ioffe, it is alienating and weird, even though I know that is not intended. I respond: “Thanks. You, too.” But that feels alienating and weird, too, because now I’m pretending to celebrate Christmas. It feels like I’ve verbally tripped, as when I reply “You, too!” to the airport employee wishing me a good flight. There’s nothing evil or mean-spirited about any of it; it’s just ill-fitting and uncomfortable. And that’s when it happens once. When it happens several times a day for a month, and is amplified by the audiovisual Christmas blanketing, it’s exhausting and isolating. It makes me feel like a stranger in my own land. Julia Ioffe
Christmas is basically a traditional Jewish way of life. We know Jesus Christ was Jewish, and that for centuries our people have been the targets of anti-Semitism because of it. However, this practicing Jew looks at Christmas and all the joy it brings as a sign of Jewish values and many, many successes. Look at the time spent on family gatherings. Waiting on crowded highways, sitting in airport lounges and spending hundreds of dollars to share a meal, an overnight stay, and to spend valuable time together. We observant Jews do it weekly. My non-Jewish friends often joke about wishing how they had the ability to turn off a phone, like we observant Jews all do every Shabbat. Some wonder how they will ever get everything together in time for a festive meal. My answer: You don’t have religious laws restricting your time, so just Go For It! I admit: I am a Christmas movie addict. What better way to spend quality family time than to watch the classics like “It’s a Wonderful Life” or the Hallmark Channels and their 24-hour features? Personally, I wish there were a Hanukkah story or two. Why not a movie called “Latkes Fried With Love” or “Dreidel Competition”? David Lehman, author of “A Fine Romance: Jewish Songwriters, American Songs”, from Nextbook Press, says that this Christmas phenomenon is just one example of his larger point: that the story of American popular music is massively a Jewish story. Tablet magazine asked Lehman to list his 10 favorite Christmas songs written by Jews. His only regret? “I really wish that ‘Have Yourself a Merry Little Christmas’ was by Jews,” he says. “That would definitely be in the top five.” As we light our next Shabbos candles, let’s appreciate the feelings of love, the extra holiday greetings we share on the street with strangers and the sweetness of a simple cup of hot cocoa or a bite from a basic sugar cookie. Cindy Grosz
First of all, I love Christmas music. The innocent, hopeful melodies, the joyous diddies, the corny jingles — all of them bring smiles to my face. And when they become too cheesy or too much, I change the station. The fact that many of the most famous songs have Jewish composers only underscores the amazing cross-cultural pollination that is America at its best. Next, I think the decorations are wonderful. The lights are festive. The inflatables are mildly ridiculous — in a fun way. The projections on the houses get more and more colorful each year. I’ve inoculated my children against Christmas envy with a steady diet of Christmas house viewing and helping our Christian friends celebrate at their homes. Boring office building lobbies are filled with green and red, people try to be a bit more cheerful and friendly. Outside many local stores the Salvation Army stands asking for charity amid the rampant consumerism — and people give! Christmas has also boosted the profile of our minor festival of Hanukkah. Every Jew knows the story of the miraculous light burning for eight days, they know of the brave Maccabees standing up for their religious freedom, they celebrate with friends and family and synagogue communities. As a rabbi, I sincerely wish that we got the same enthusiasm for Sukkot or Shavuot, two traditionally major festivals on the Jewish calendar that do not get enough attention in the liberal Jewish world. But I’ll happily go along with the enthusiasm for Hanukkah and use it to offer Jewish teachings about appreciation for miraculous things in our lives and our ability to stand up for our values. I do not bemoan the popularity of a minor festival; I embrace it. Finally, I’m grateful that this time of years allows many of my friends, neighbors and Christian colleagues to embrace the highest and best values of their faith. The Christmas message of hope and the values of generosity, kindness, and joy are ideals that we share with Christians. In a world so torn by strife, how wonderful to have a time when our friends and neighbors can celebrate such goodness. The Christmas decorations we see all around remind me of this more than anything else. Each year at this season I see a lot of articles and blogs by my co-religionists worried about how the profusion of Christmas in public spaces impacts them and their children. I have a few suggestions for people who feel this way. First, recognize that we are, indeed, only one religious group in America and that the Christians should, by all means, be able to celebrate their most important holiday in a way that is meaningful to them. Most decorations in public spaces tend toward tinsel and lights rather than public Nativity Scenes — in other words, festive, not religious. Ironically, the menorah that many stores and office buildings put out is a religious ritual object — not just a fanciful symbol. Schools public and private recognize Christmas in myriad ways. If your children are forced to accept Jesus as their Lord and Savior in school, that is a problem. If they sing Frosty the Snowman or Jingle Bells in the school chorus, offer to teach the chorus some Hanukkah songs or Passover diddies — just make sure that they are innocuous like Jingle Bell Rock rather than holy like O Come, All Ye Faithful. If the chorus is singing explicitly religious Christian songs, use it as an opportunity to teach your children about multi-culturalism and then, based on your feelings and beliefs, ensure that your child can opt out of those songs. It is worth noting that much of the great art of Western Civilization depicts Christian themes — the Christmas Chorus Concert may be a perfect chance to introduce your children to this fact and how to appreciate the art without accepting its theology. On a public policy level, I am grateful that my children’s public school is closed on Rosh Hashanah and Yom Kippur. I am also sure that closing for those two days is a major inconvenience for the Christian parents. In financial terms, it must have a greater impact on them than the school Christmas celebrations have on my family. I think that a coherent argument could be made against closing on Rosh Hashanah and Yom Kippur based the Establishment Clause of the First Amendment. I am eternally grateful that school does close and that my Christian friends and neighbors graciously enable me to celebrate my faith. I’m happy to offer the quid pro quo of gingerbread houses at the 2nd grade “Holiday” party. In the end, the best thing that any Jew can do to inoculate ourselves in this season (beside getting a flu shot — which you should get!), is to get involved in Jewish religious life. When we practice Judaism, embrace Jewish culture, and live out Jewish values in our day to day lives, it becomes much easier to celebrate the fact that our Christian neighbors are doing the same thing. Their celebration need not be a threat to our identity. Instead, their we can find joy and satisfaction in the meaning and spiritual uplift they experience during their most precious holiday. Rabbi Howard Goldsmith
Christmas fascinates me. I’m drawn to its history, its color, its atmosphere, its music. And, of course, I’m drawn to the fact that Jesus was a Jew. He was born a Jew, lived as a Jew and died a Jew. If for nothing else, I can appreciate Christmas as the celebration of one Jew’s epic birthday. . . . I am grateful to my Christian neighbors and friends. Through their religious holy day, I am better able to confront and clarify my own religious convictions and theological certitudes. Like a brightly lighted Christmas tree, Christianity dispels a lot of darkness, theological as well as moral. In its glow, it challenges Christians and non-Christians alike to consider that which is transcendent, eternal, and greater than us all. Rabbi Michael Gottlieb
As Jews I think we ought to recognize that today the greatest challenge to our faith is not another faith, but faithlessness. Our greatest fear should not be those who worship in a different way but those who mockingly reject the very idea of worship to a higher power. Our children today are threatened by the spirit of secularism more than by songs dedicated to proclaiming a holy night. Living among Christians who demonstrate commitment to their religious beliefs to my mind is a far better example to my coreligionists than a secular lifestyle determined solely by hedonistic choices. Surrounded by Christmas celebrations, I have never had difficulty explaining to my children and my students that although we share with Christians a belief in God we go our separate ways in observance. They are a religion of creed and we are a religion of deed. They believe God became man. We believe man must strive to become more and more like God. We differ in countless ways. Yet Christmas allows us to remember that we are not alone in our recognition of the Creator of the universe. We have faith in a higher power. Wondering why we don’t celebrate Christmas is the first step on the road to Jewish self-awareness. To be perfectly honest, Christmas season in America has been responsible for some very positive Jewish results. This is the time when many Jews, by dint of their neighbors’ concern with their religion, are motivated to ask themselves what they know of their own. To begin to wonder why we don’t celebrate Christmas is to take the first step on the road to Jewish self-awareness. My parents were « reminded » of being Jewish through the force of violence. Our reminders are much more subtle, yet present nonetheless. And when Jews take the trouble to look for the Jewish alternative to Christmas and perhaps for the first time discover the beautiful messages of Chanukah and of Judaism, their forced encounter with the holiday of another faith may end up granting them the holiness of a Jewish holiday of their own. So this Christmas, pick up a good Jewish book or attend a Jewish seminar. Or check out my online course, Deed and Creed at JewishPathways.com, which explores the key philosophical differences between Judaism and Christianity. Call me naïve, but nowadays I really love this season. Because together all people of goodwill are joined in the task to place the sacred above the profane. Rabbi Benjamin Bech
I’m an Orthodox Jew for whom Dec. 25 has zero theological significance. My family doesn’t put up a tree, my kids never wrote letters to Santa, and we don’t go to church for midnight Mass. But while I may not celebrate Christmas, I love seeing my Christian friends and neighbors celebrate it. I like living in a society that makes a big deal out of religious holidays. Far from feeling excluded or oppressed when the sights and sounds of Christmas return each December — OK, November — I find them reassuring. To my mind, they reaffirm the importance of the Judeo-Christian culture that has made America so exceptional — and such a safe and tolerant haven for a religious minority like mine. (…) As an observant Jew, I don’t celebrate Christmas and never have. Do the inescapable reminders at this time of year that hundreds of millions of my fellow Americans do celebrate it make me feel excluded or offended? Not in the least: They make me feel grateful — grateful to live in a land where freedom of religion shields the Chanukah menorah in my window no less than it shields the Christmas tree in my neighbor’s. That freedom is a reflection of America’s Judeo-Christian culture, and a central reason why, in this overwhelmingly Christian country, it isn’t only Christians for whom Christmas is a season of joy. And why it isn’t only Christians who should make a point of saying so. Jeff Jacoby
Comme tous les ans durant la période de Noël, des milliers de pèlerins et touristes du monde entier convergent vers la ville de Bethléem. Mais pour les chrétiens de Gaza, soumis à des restrictions de mouvements, cette possibilité semble désormais relever du privilège. L’accès au territoire palestinien est en effet rigoureusement contrôlé par les autorités militaires israéliennes qui délivrent des permis d’entrée et de sortie. Chaque année, un certain nombre d’entre eux est concédé aux chrétiens de Gaza souhaitant se rendre à Jérusalem ou en Cisjordanie pour les fêtes de Noël et de Pâques. Pour Noël 2018, 500 permis de sortie ont été promis par Israël, mais en pratique, seuls 220 ont été effectivement délivrés pour le moment à des personnes âgées entre 16 et 35 ans ou de plus de 55 ans, ce qui donne lieu à des situations problématiques au sein de plusieurs familles: le père obtenant un permis mais pas la mère et inversement, ou des permis accordés aux enfants mais pas aux parents et inversement. Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine avoue ne pas saisir la politique choisie par Israël dans ce domaine. «C’est une logique d’occupation que nous ne comprenons pas, ni ne justifions», assène-t-il. Pouvoir se rendre à Bethléem pour fêter Noël devrait être un droit naturel pour un chrétien gazaoui et non pas un privilège, déplore l’évêque italien. Mgr Marcuzzo se trouvait d’ailleurs à Gaza dimanche dernier, en compagnie de l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, pour célébrer Noël avec la petite communauté latine locale, selon une tradition désormais bien installée. Le vicaire patriarcal évoque une atmosphère générale empreinte de tristesse, même si la médiation égyptienne et qatarie entreprise ces derniers jours a fait baisser la tension dans le territoire palestinien, après des semaines de fièvre et d’affrontements liés aux «marches du retour». La présence chrétienne quant à elle s’amoindrit sensiblement. Face à des conditions de vie précaires et au manque évident de perspectives, l’émigration reste une tentation inexorable. On comptait il y a encore quelques années environ 3 000 chrétiens de toute confessions à Gaza; ils ne représentent aujourd’hui que 1 200 âmes, dont 120 catholiques latins. Vatican news
A Gaza également, l’ambiance est sombre (…) Une partie de la communauté chrétienne de la bande Gaza ne pourra pas se rendre dans la ville natale du Christ en raison des restrictions de circulation imposées par Israël qui comme chaque année n’a délivré des permis qu’au compte-gouttes. (…) Tous aimeraient être à Béthléem pour Noël, mais cette année seules 600 personnes ont reçu des permis, plus d’un tiers de la toute petite communauté chrétienne de l’enclave s’apprête donc à passer le réveillon sur place et sans grand enthousiasme.  (…) Un Noël maussade dans une bande de Gaza soumise à un sévère blocus israélien et ces restrictions de circulation concernent plus de deux millions de Palestiniens (…) Une situation qui a contribué à l’exode des chrétiens de Gaza. On en comptait 3.500 il y a 15 ans, selon les estimations, ils ne seraient plus qu’un millier aujourd’hui. France Inter
A la Maison de la Radio, les vieilles traditions de Noël ne se perdent pas. Dans les temps anciens, la fête de la nativité était l’occasion d’accabler les Juifs afin rappeler sa faute inexpiable au « peuple déicide ». Reprenant le flambeau, France Inter semble s’ingénier à diffuser tous les 24 décembre une petite perfidie anti-israélienne, afin de mieux stigmatiser ceux qui aux yeux de la station constituent les fauteurs de trouble dans la région. Cette année, dans la page consacrée aux préparatifs de Noël, nous avons ainsi eu droit à un reportage sur le triste sort des chrétiens de Gaza. Vivre dans l’enclave islamiste aux mains des terroristes du Hamas n’est certes pas une sinécure lorsque l’on n’est pas musulman. Mais à écouter le journal du matin, présenté par Agnès Soubiran, « l’ambiance sombre » qui affecte le petit territoire palestinien n’est due qu’à une cause : « Une partie de la communauté chrétienne de la bande Gaza ne pourra pas se rendre dans la ville natale du Christ en raison des restrictions de circulation imposées par Israël qui comme chaque année n’a délivré des permis qu’au compte-gouttes… » Suit le reportage à Gaza de la journaliste Marine Vlahovic. On y apprend que « seules 600 personnes ont reçu un permis » de la part des autorités israéliennes pour pouvoir quitter Gaza et se rendre à Bethléem. Les autres ont célébré la messe à Gaza. « On fait un petit dîner pour le réveillon et ensuite on assiste à la messe de minuit ici. A par ça, il n’y a rien à faire. Alors qu’ailleurs il y a plein de festivités. C’est vraiment très frustrant de rester ici. En fait c’est comme si ce n’était pas vraiment Noël », explique une jeune Gazaouite chrétienne au micro de France Inter. Les responsables de ce « Noël maussade » ? Les Israéliens bien sûr, en raison du « blocus sévère » qu’ils imposent à Gaza. Sur les conditions et les raisons de ce « blocus » (qui n’en est pas un puisque chaque jour des centaines de camions de marchandises pénètrent à Gaza et de très nombreux Gazaouites ont la possibilité de pénétrer en Israël ne serait-ce que pour aller se faire soigner dans les hôpitaux israéliens), on ne saura rien. Ni l’irrédentisme du Hamas, ni la violence qu’il dirige chaque jour contre Israël, ni les tirs de roquettes et de missiles sur les villes israéliennes ne sont évoqués dans ce reportage. Si les chrétiens souffrent à Gaza, c’est de la faute des Juifs, pas des milices islamistes qui ont imposé leur loi sur le territoire. Rien sur les discriminations, les menaces et les humiliations dont sont quotidiennement victimes les chrétiens (sans parler des conversions forcées). L’envoyée spéciale de France Inter à Gaza, Marine Vlahovic, n’a peut-être pas réussi à mettre la main sur le tract diffusé par les brigades al-Nasser al-Din, l’une des plus implacables milices islamiques à Gaza, intimant à la population de ne pas célébrer Noël ? Si la journaliste s’était donnée la peine de lire le Jerusalem Post, elle aurait pu apprendre que ce tract a été diffusé auprès des musulmans mais également des chrétiens auxquels on a bien fait comprendre qu’il leur est demandé d’adopter un profil bas en toutes circonstances. Le tract, qui a été distribué dans les jours précédant Noël, rappelle, versets du Coran à l’appui, la stricte interdiction de célébrer cette fête. « Dieu n’est pas pour le peuple du mal », peut-on y lire à gauche (juste au-dessus d’un sapin barré d’une croix rouge). (…) Dans son reportage radio, la journaliste de France Inter a aussi omis de préciser que les églises de Gaza étaient illuminées en vert, aux couleurs de l’islam ! La petite minorité chrétienne de l’enclave aux mains des islamistes a-t-elle manifesté son consentement pour ces illuminations de Noël d’un genre très particulier ? (…) Bien entendu, à aucun moment l’envoyée spéciale à Gaza n’a jugé utile de prendre contact avec les autorités israéliennes pour connaître leur position sur ce dossier. Le reportage en tout cas n’en parle pas. (…) Pareillement, le reportage rend les Israéliens responsables de l’exode des chrétiens dont une grande majorité a quitté Gaza ces dernières années. Pour la radio de service public, ce n’est certes pas l’instauration implacable de la charia – la loi islamique – qui a poussé ces chrétiens à fuir mais bien les « sionistes » qui auraient rendu l’atmosphère irrespirable. « Une situation qui a contribué à l’exode des chrétiens de Gaza. On en comptait 3.500 il y a 15 ans, selon les estimations, ils ne seraient plus qu’un millier aujourd’hui », conclut la journaliste. On sursaute un peu à la lecture de cette dernière information qui change un tantinet la donne (c’est à se demander si les journalistes et les présentateurs comprennent ce qu’ils disent à l’antenne). Les Israéliens ont donc distribué cette année 600 autorisations pour se rendre à la messe de minuit à Bethléem pour une population estimée à mille âmes ? Malgré le climat de violence que le Hamas fait régner depuis le printemps dernier à la frontière avec Israël, plus d’un chrétien sur deux s’est vu autorisé à la franchir ? Et c’est ce que la présentatrice appelle des autorisations délivrées « au compte-gouttes » ? (…) Cette enquête sur les tourments infligés par Israël aux chrétiens de Gaza est tellement bidon qu’aucun grand titre de la presse française ne l’a reprise. En cherchant bien, nous avons retrouvé l’info sur ce site turc francophone pro-Erdogan… accompagnée d’une photo de propagande qui relève plus de la mise en scène que de l’authentique reportage. InfoEquitable
Mind the gap. Annonce du métro londonien
La période intertestamentaire désigne, selon l’exégèse chrétienne, l’intervalle historique s’étendant entre la rédaction des textes canoniques de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament. On considère généralement qu’elle s’étend sur environ quatre siècles, entre la mort de Malachie, dernier prophète vétérotestamentaire, autour du Ve siècle av. J.-C., et la prédication de Jean le Baptiste, bien que cette division soit discutée. L’adjectif intertestamentaire s’applique en particulier à certains écrits religieux issus du judaïsme au cours de cette période, rédigés en grec ou en langue hébraïque. Une grande partie de ces textes sont jugés apocryphes ou pseudépigraphes. Plusieurs Livres deutérocanoniques considérés comme canoniques par l’Église catholique et l’Église orthodoxe ont toutefois été rédigés au cours de cette période. Cette appellation est critiquée par certains spécialistes, d’une part parce que cette littérature s’est maintenue pendant et dans une certaine mesure après la prédication du Christ, et d’autre part parce que selon eux plusieurs livres du Tanakh, dont Daniel, Esdras/Néhémie et Chroniques, furent écrits au cours cette période dite « intertestamentaire ». Bon nombre d’écrits intertestamentaires relèvent de la littérature apocalyptique et furent rédigés entre le début du IIe siècle av. J.-C. et la fin du Ier siècle av. J.-C.. Certains textes furent réunis en collection avec d’autres plus anciens, comme le Livre d’Hénoch. Ces écrits étaient généralement attribués à des figures bibliques anciennes, peut-être dans le but d’échapper à la répression des autorités. Parmi ceux-ci on peut citer l’Apocalypse d’Esdras, l’Apocalypse de Baruch, l’Apocalypse d’Élie, le Livre des Jubilés, les Testaments des douze patriarches et les Psaumes de Salomon, entre autres. La littérature rabbinique fut abondante au cours de cette période, bien qu’on ne le classe généralement pas dans la littérature intertestamentaire, s’agissant dans bien des cas de transcriptions de règles orales plus anciennes. Les manuscrits de la mer Morte constituent un important échantillon de littérature intertestamentaire. Wikipedia
Une synagogue (du grec Συναγωγή / Sunagôgê, « assemblée » adapté de l’hébreu בית כנסת (Beit Knesset), « maison de l’assemblée ») est un lieu de culte juif. L’origine de la synagogue, c’est-à-dire d’un lieu de rassemblement des fidèles dissociés de l’ancien rituel de l’autel du Temple, remonte peut-être aux prophètes et à leurs disciples ; originellement elle ne possède pas un caractère sacré, mais l’acquiert au fil du temps. La synagogue en tant qu’institution caractéristique du judaïsme naquit avec l’œuvre d’Esdras. Elle y a depuis pris une telle importance que « la Synagogue » en vient à désigner figurativement le système du judaïsme, par opposition à « l’Église » (…) Ni le terme, ni le concept d’une synagogue ne se retrouvent dans le Pentateuque (bien que la tradition rabbinique ainsi que Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe affirment que l’institution remonte à Moïse). L’idée d’une prière collective n’y est pas davantage mentionnée, et le seul lieu du culte décrit est le Tabernacle, un sanctuaire transportable abritant en son Saint des Saints l’Arche d’alliance. Celle-ci se retrouve dans le Temple de Salomon, construit pour l’abriter de façon permanente. La première évocation d’un rassemblement hors du Temple est trouvée dans Isaïe 8:16 : il s’agit d’un cercle de disciples réunis autour d’Isaïe, afin d’entendre de lui la parole de Dieu et la Torah. C’est également le cas dans Ézéchiel 8:11, où les anciens de Juda se réunissent dans la maison d’Ezéchiel. Le psaume 74:8 probablement daté du premier exil, mentionne « les centres consacrés à Dieu dans le pays ». Il semblerait que les synagogues se soient multipliées après la destruction du premier et du second Temples : selon une tradition rabbinique consignée dans la Mishnah (laquelle fut compilée vers 200 EC, plus d’un siècle après la destruction du second Temple), une grande ville compte obligatoirement dix batlanim, sinon c’est un village ; un batlan étant défini comme un individu renonçant à son travail pour aller prier, la Mishna enseigne qu’il existe une synagogue en tout endroit où un minyan de dix hommes est capable, à n’importe quel moment, de se réunir pour prier. Les Actes des Apôtres indiquent également que les synagogues que l’on trouvait dans chaque ville existaient depuis de nombreuses années (Actes 15:21), et en citent plusieurs, dont celle des Affranchis, celle des Cyrénéens et celle des Alexandrins. Le Talmud mentionne de nombreuses synagogues en Mésopotamie, dont celle de Néhardéa, et plus de 400 synagogues à Jérusalem avant la destruction du second Temple (Keritot 105a), tandis que les Évangiles évoquent celles de Nazareth et de Capharnaüm. Paul prêche dans les synagogues de Damas, de Salamine en Chypre, d’Antioche, etc. La chute du second Temple amplifie l’importance de la synagogue, car c’est là que seront perpétués les rites du Temple à l’exception capitale du sacrifice et c’est dans les synagogues que pourra se réunir le minyan composé de 10 hommes. Les synagogues vont donc se multiplier dans la diaspora. Celle d’Alexandrie décrite dans le Talmud était énorme puisque le chantre y indiquait aux fidèles à l’aide de drapeaux quand dire Amen. Wikipedia
Dans la Bible, la racine śāṭan apparaît à la fois sous forme de nom et verbe. Sous la forme de verbe, śāṭan apparaît 6 fois dans le texte massorétique de la Bible hébraïque, principalement dans le livre des Psaumes (Psaumes 38, 71 et 109). En dehors des Psaumes, le verbe n’est attesté que dans le livre de Zacharie (3.1)3. Le texte grec de la Septante rend le verbe par endieballon. Sous forme de nom, le terme śāṭān n’existe presque exclusivement qu’en tant que nom commun, désignant une fonction qui peut s’appliquer à des êtres humains, des créatures célestes ou une allégorie. Le roi David est par exemple qualifié de śāṭān par les Philistins, c’est-à-dire d’adversaire militaire. Lui-même qualifie Abishaï, un membre de sa cour, de śāṭān pour avoir proposé de condamner à mort un ancien opposant au roi. Dans sa lettre à Hiram de Tyr, on voit le roi Salomon utiliser le terme śāṭān pour signifier qu’il n’a plus d’ennemi qui menace son royaume. Plus tard, lorsque Hadad d’Édom et Rezin de Syrie s’attaquent à son royaume, ils sont qualifiés de śāṭān. Dans quatre passages de la Bible, le nom śāṭan est utilisé pour désigner des créatures célestes : livre des Nombres 22.22 et 22.32, Premier livre des Chroniques 21.1, livre de Zacharie 3.1 et livre de Job, chapitre 1 et 2. Dans les Nombres et les Chroniques, śāṭān apparaît à la forme indéfinie (« un satan »). Dans les Nombres, il désigne un ange de Yahweh placé sur le chemin du prophète Balaam pour empêcher son ânesse d’avancer. Il est l’envoyé de Yahweh et n’a rien en commun avec Satan tel qu’on le concevra plus tard. Dans les deux premiers chapitres du livre de Job, où le terme revient 14 fois, il apparaît toujours à la forme définie (haśśāṭān « le satan »). Il ne s’agit donc pas d’un nom propre. Le satan a une fonction judiciaire, celle d’accusateur. Il assiste Yahweh dans le jugement de Job mais il n’est pas autonome. Même s’il s’en prend à Job, il est soumis à Yahweh et n’agit qu’avec sa permission. Certains chercheurs ont proposé de voir dans cette fonction d’accusateur le reflet d’une pratique du système légal dans l’Israël antique ou à l’époque perse. Même dans ce cas, il ne s’agit pas nécessairement d’une fonction officielle pour un accusateur professionnel, il peut s’agir d’un statut légal donné temporairement dans des circonstances appropriées. La forme définie utilisée dans le livre de Job est généralement comprise comme un exemple de détermination imparfaite où l’article n’insiste pas sur l’identité précise d’un personnage mais sur ce qui le caractérise dans les circonstances particulières du récit. Le satan apparaît également comme une figure allégorique dans le troisième chapitre du livre de Zacharie. Dans la quatrième vision de Zacharie, le grand prêtre Josué se tient devant l’ange de Yahweh avec le satan pour l’accuser. L’ange réprimande le satan et donne de nouveaux vêtements au grand prêtre. Cette vision peut être comprise comme le symbole d’une communauté juive nouvellement restaurée au retour de l’exil à Babylone à la fin du VIe siècle av. J.-C. et à qui Yahweh a pardonné ses péchés. Elle peut aussi être comprise comme une allégorie politique qui symbolise la lutte entre Néhémie (l’ange) et Sanballat le Horonite (le satan) pour l’influence sur le sacerdoce du petit-fils de Josué, Eliashiv. La communauté juive est alors profondément divisée sur les questions cultuelles et sur la grande prêtrise. L’intervention du satan contre le grand prêtre peut symboliser les divisions internes de la communauté. Dans le premier livre des Chroniques, le mot śāṭān apparaît à la forme indéfinie et c’est le seul endroit dans la Bible hébraïque où cette forme désigne peut-être un nom propre (« Satan ») et pas un nom commun (« un satan »). Ce passage indique que c’est Satan qui a incité David à recenser le peuple. Dans le passage parallèle du second livre de Samuel, c’est pourtant Yahweh qui est à l’origine de ce recensement. Différentes explications ont été proposées pour expliquer ce transfert de responsabilité de Yahweh à Satan. Lorsque l’auteur des Chroniques retravaille le livre de Samuel, il a pu vouloir exonérer Yahweh d’un acte manifestement condamnable. Une autre explication y voit une réflexion sur l’origine du mal dans la littérature biblique tardive. La littérature ancienne, dont Samuel, ne connaît qu’une seule cause dans l’histoire humaine : Yahweh. Le Chroniste semble proposer un nouveau développement en introduisant une cause secondaire, Satan. Dans la littérature juive de l’époque hellénistique, d’autres points de vue sur le satan commencent à circuler dans le judaïsme. La démonologie devient plus développée, peut-être sous l’influence de la religion perse et du dualisme zoroastrien. Dans cette littérature post-biblique, Satan apparaît comme le nom d’un démon. Il figure dans le Livre des Jubilés (23.29) et dans l’Assomption de Moïse (en) (10.1). Le texte pseudépigraphique de l’Apocalypse de Moïse contient une légende sur la façon dont Satan a été transformé en ange de lumière et a travaillé avec le serpent pour tromper Ève. La littérature de cette période cite aussi d’autres démons par leur nom, Asmodée dans le livre de Tobie, Azazel dans le livre d’Hénoch (8.1-2). Même si Satan figure dans les Jubilés, c’est surtout Mastema qui est à la tête des esprits démoniaques et qui se voit transférer la responsabilité des actions problématiques de Yahweh. Dans les manuscrits de Qumrân, les forces des ténèbres sont représentées par Belial. Dans la Bible, belial est un terme qui caractérise une personne « sans valeur » alors qu’à Qumrân, belial devient un nom propre. La prolifération des démons dans la littérature post-biblique reflète une évolution de la perception du monde. Alors que dans la Bible, le monde est régi par la seule volonté de Yahweh, le judaïsme post-biblique voit l’émergence d’une mythologie qui reprend des thèmes déjà présents dans la Bible, quoique rejetés par les prophètes4. Dans le Nouveau Testament, on voit Jésus de Nazareth utiliser le vocable de Satan comme un nom propre « diabolique ». Satan est connu par l’expression latine : Vade retro Satana (« Arrière, Satan ! ») extraite de l’Évangile selon Matthieu (4,10) selon la Vulgate de Jérôme de Stridon, lors de la tentation de Jésus dans le désert. Il est également cité dans le passage correspondant de l’évangile selon Marc : « Aussitôt, l’Esprit poussa Jésus dans le désert, Où il passa quarante jours, tenté par Satan » (Marc 1,11 et Marc 1,12), ainsi que dans un autre passage, dans l’évangile selon Luc : « Jésus leur dit : Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ! » (Luc 10,18). Les Sages de la Mishna mentionnent rarement Satan. Il y apparaît comme une force du mal impersonnelle. Chez les Amoraïm, Satan occupe une place plus importante. Il développe une identité propre. Il est identifié au yetser hara qui désigne le mauvais penchant, la tentation. Il est responsable de tous les péchés décrits dans la Bible. Les sources rabbiniques identifient Satan au serpent du Jardin d’Éden (Sanhédrin 29a). Elles le tiennent pour responsable de la faute du Veau d’or (Shabbat 89a) et de celle de David avec Bethsabée (Sanhédrin 107a). Une des fonctions du shofar pendant la célébration du Roch Hachana est de couvrir les accusations portées par Satan contre les Enfants d’Israël (Roch Hachana 16b). Satan est d’ailleurs sans pouvoir contre eux le jour du Yom Kippour (Yoma 20a). Tel que l’enseigne la Torah d’Israël, l’autorité divine ne se partage pas et en ce sens le « diable » n’existe pas : il existe une instance appelée « le satan », avec l’article défini parce que ce n’est pas un nom propre mais une fonction, dont l’objet est d’éprouver toute réussite afin de l’authentifier comme dans le livre de Job où le satan participe à l’assemblée des anges. Après la destruction du Second Temple en 70, et la révolte de Bar-Kokhba en 132, le judaïsme rabbinique a rejoint le point de vue strictement monothéiste de la Bible hébraïque. Par exemple, Tryphon le juif critiquait les idées de Justin le Martyr concernant les Nephilim du Genèse ch.6 comme blasphématoire, mais, en fait, les croyances de Justin trouvent leur source dans les mythes juifs, comme le Livre d’Hénoch. Wikipedia
There are three explicit examples in the Hebrew Bible of people being resurrected from the dead: The prophet Elijah prays and God raises a young boy from death (1 Kings 17:17-24) Elisha raises the son of the Shunammite woman (2 Kings 4:32-37); this was the very same child whose birth he previously foretold (2 Kings 4:8-16) A dead man’s body that was thrown into the dead Elisha’s tomb is resurrected when the body touches Elisha’s bones (2 Kings 13:21) During the period of the Second Temple, there developed a diversity of beliefs concerning the resurrection. The concept of resurrection of the physical body is found in 2 Maccabees, according to which it will happen through recreation of the flesh. Resurrection of the dead also appears in detail in the extra-canonical books of Enoch, in Apocalypse of Baruch, and 2 Esdras. According to the British scholar in ancient Judaism Philip R. Davies, there is “little or no clear reference … either to immortality or to resurrection from the dead” in the Dead Sea scrolls texts. Both Josephus and the New Testament record that the Sadducees did not believe in an afterlife, but the sources vary on the beliefs of the Pharisees. The New Testament claims that the Pharisees believed in the resurrection, but does not specify whether this included the flesh or not. According to Josephus, who himself was a Pharisee, the Pharisees held that only the soul was immortal and the souls of good people will “pass into other bodies,” while “the souls of the wicked will suffer eternal punishment.” Paul, who also was a Pharisee, said that at the resurrection what is « sown as a natural body is raised a spiritual body. » Jubilees seems to refer to the resurrection of the soul only, or to a more general idea of an immortal soul. Wikipedia
Jésus a maintenant un contexte. Nous l’avons mis là où il doit être. Il n’est plus un personnage tout seul, il n’est plus ponctuel. Et une fois que nous comprenons Jésus comme faisant partie d’un monde juif plus large, je pense que nous rendons beaucoup plus justice au Nouveau Testament. (…) Ma thèse est que pendant cet intervalle, les juifs se sont sentis libres d’écrire de nouveaux textes, de penser de nouvelles choses, de développer de nouvelles formes d’expression littéraire. (…) À la fin de cette période, les Juifs se sont courageusement essayés à de nouvelles idées, et le christianisme émerge … Jésus arrive, l’héritier de ces idées. (…) Nous ouvrons le Nouveau Testament et nous trouvons un Jésus qui faisait partie du judaïsme de son époque. Il était Juif, né en Israël de parents juifs, élevé là, présenté au Temple, et qui est mort juif. (…) Dans le Nouveau Testament, Jésus se rend à la synagogue dans le chapitre 4 de l’évangile de saint Luc, ‘suivant sa coutume’, le jour du Shabbat. Il n’y a pas de synagogue dans l’Ancien Testament et la Bible hébraïque. Jésus est appelé ‘rabbi’ par ses disciples. Il n’y a pas de rabbins dans le Tanakh. Jésus passe beaucoup de temps à discuter de la Torah et des Pharisiens, comme tout chrétien le sait. Il n’y a pas de Pharisiens dans le Tanakh. On dit que la résurrection est la fin de la vie. Ce n’est pas le cas dans la Bible hébraïque, sauf le Livre de Daniel, le dernier livre dans la Bible. (…) Oui, tout cela vient de l’Ancien Testament. Mais ils ne sont pas vraiment évoqués dans l’Ancien Testament. Ils étaient plus tirés de la littérature très riche qui suivait l’Ancien Testament et qui précède le Nouveau Testament, où ces thèmes étaient plus systématiques. (…) lorsque les chrétiens lisent ceci et se tournent vers l’Ancien Testament, et qu’il n’y a pas de textes qui l’expliquent, ils supposent que Jésus rompait vraiment avec tout. … L’argument du livre est que oui, c’est extraordinaire, mais seulement si tout ce que vous lisez est l’Ancien Testament. Nous négligeons le fait que Jésus faisait partie d’un judaïsme dérivé qui s’est écarté de la Bible hébraïque. (…) Je lance quelques défis aux lecteurs chrétiens. Comment notre compréhension de Jésus et du Nouveau Testament change-t-elle si nous prenons au sérieux le fait que Jésus était un juif ? (…) Beaucoup de chrétiens croient que Jésus était exactement comme eux, qu’il avait la même théologie, il vous ressemblait, il était de la même confession et vivait dans l’Israël du premier siècle. (…) Mon espoir pour le livre est qu’il va trouver un large public et les gens vont commencer à repenser ce qu’ils croyaient connaître. Matthias Henze
Lorsque Matthias Henze, professeur de religion à Rice University, se rend dans des églises et des synagogues locales de Houston pour promouvoir la compréhension interconfessionnelle entre le christianisme et le judaïsme, il aborde une période particulière : le fossé de quatre à cinq siècles qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament. (…) Selon Henze, le « fossé de plusieurs siècles » entre le quatrième siècle avant notre ère et le premier siècle de notre ère est crucial pour comprendre que l’abîme entre les deux religions pourrait être beaucoup, beaucoup moins important qu’on ne le pense. Il soutient que les textes religieux hébraïques de cette période, y compris les manuscrits de la mer Morte, ont contribué à influencer Jésus, qu’il décrit comme un juif qui pratiquait le judaïsme de son époque. (…) Ces années d’intervalle ont commencé après que les derniers livres de l’Ancien Testament ont été écrits au quatrième siècle avant l’ère commune (la seule exception étant le Livre de Daniel, qui a été rédigé à partir du deuxième siècle avant l’ère commune) et prennent fin avec le Nouveau Testament, écrit dans la seconde moitié du premier siècle de l’ère commune. (…) C’était une époque où les royaumes d’Israël et de Judas étaient gouvernés, successivement, par les Perses, les Grecs, les Hasmonéens et les Romains. Seuls les Hasmonéens, de la dynastie des Maccabées, étaient une lignée locale. À la fin de cette période, déclare Henze, les juifs se sont courageusement essayés à de nouvelles idées, et « le christianisme émerge … Jésus arrive, l’héritier de ces idées. » Mais cette pensée nouvelle a été suivie par des actes punitifs — la crucifixion de Jésus et la destruction du Second Temple. La date généralement acceptée de la crucifixion de Jésus se situe entre 30 et 33 de l’ère commune. Le Second Temple est tombé en 70 de notre ère. Les manuscrits de la mer Morte, compilés par la communauté essénienne à Qumrân, font partie des textes religieux hébreux les plus connus de cette période de vide liturgique. Henze en cite d’autres également. La Septante, ou la traduction grecque du Tanakh, inclut les Apocryphes, que Henze a qualifiés de « liste bien définie de certains anciens livres juifs » non retrouvés dans la Bible hébraïque, tels que les livres de Tobith et Judith, et le livre 1 et 2 des Maccabées. D’autres textes juifs plus anciens datant de la même époque, ou d’un peu avant, ne faisaient pas partie d’une liste fixe et ont été désignés comme des pseudépigraphes, un terme grec signifiant « écrit sous un pseudonyme », déclare Henze. Dans ce cas, « ils ont été écrits sous le nom d’une ancienne figure biblique ». Il mentionne le livre d’Énoch, qui évoque « un personnage mentionné dans le 5e chapitre de la Genèse, une figure très importante pour les juifs aux troisième et deuxième siècles avant notre ère », ainsi que le Livre des Jubilés, « un livre juif du deuxième siècle avant notre ère qui racontait [les faits décrits dans] le Livre de la Genèse et de l’Exode. » Collectivement, explique Henze, ces œuvres éclairent sur le judaïsme de Jésus. (…) Mais le judaïsme de l’époque de Jésus diffère de celui de l’Ancien Testament. (…) Pour faire valoir son point de vue, Henze se concentre sur ce qu’il décrit comme les quatre grands thèmes du christianisme primitif : « le messianisme, les démons et esprits impurs — un monde vivant densément peuplé d’anges et de démons — la Torah, sa signification et son interprétation correcte, et la croyance en la résurrection ou la vie sur la mort, la vie avec les anges. (….) L’idée que Jésus était le Messie d’Israël est née de « l’attente d’un messie [qui viendrait] à la fin des temps, l’histoire telle que nous la connaissons, un agent de Dieu, moshiach [le Messie] », a-t-il expliqué. « C’est le genre de choses que l’on ne trouve pas dans le Tanakh en tant que tel. » Mais, nuance-t-il, « il existe un certain nombre de textes, principalement tirés des manuscrits de la mer Morte, sur les premières attentes messianiques juives comparables à la description de Jésus dans les Evangiles. Il est évident que l’écrivain évangélique essayait de prouver que Jésus était le messie qu’Israël attendait, en utilisant des termes que la population juive connaissait [à l’époque]. » Et, poursuit-il, bien que « la résurrection, était [un thème] si central au début du christianisme à l’époque, il n’y avait aucune croyance en la résurrection des morts dans le Tanakh », sauf dans le Livre de Daniel, qui date de la fin de la période du Second Temple. « Entre l’Ancien et le Nouveau Testament, un certain nombre de textes juifs parlent de la résurrection, de la vie en compagnie des anges. Nous devons l’étudier dans le contexte d’autres textes juifs », a déclaré Henze. (…) Les autres collègues de Henze trouvent ses arguments intrigants — mais mettent toutefois en garde. (…) Darrell L. Bock, professeur de recherche des études sur le Nouveau Testament au Dallas Theological Seminary, met en garde contre la surestimation de la signification de l’écart entre ces siècles. Par exemple, Bock disait que, ce n’est pas parce que les rabbins « n’émergent pas d’une manière significative jusqu’à ce que la centralité du Temple soit perdue, que la destruction du Temple signifie pour autant qu’il n’y avait pas de rabbins. » « Faites attention lorsque vous [qualifiez les rabbins] d’anachronisme », met-il en garde.  (…) Il a également noté que l’évolution pendant la période d’intervalle pourrait ne pas avoir été causée exclusivement par des facteurs religieux, mais aussi par des facteurs politiques et sociaux. L’Israël biblique « contrôlait la situation politique et sociale sur le territoire », explique Bock. « Ce n’était pas le cas du temps de Jésus. L’influence gréco-romaine était omnipotente, omniprésente. Ces différences sont importantes. Des concepts sont développés — le Messie, un espoir, un retour à la règle dynastique effective de l’Ancien Testament. (…) Bock précise pour le Times of Israël que Jésus finit par différer de tous les groupes de son époque : les Sadducéens, les Pharisiens, les Esséniens et les Zélotes. (…) Henze appelle les chrétiens à se familiariser avec le judaïsme — celui de leur voisin d’aujourd’hui, mais aussi avec la version vieille de 2 000 ans pratiquée par Jésus et d’autres juifs de son époque. Henze espère que tous les lecteurs, de toutes religions, « s’ouvriront à la possibilité d’un contexte historique et religieux » et « liront le Nouveau Testament d’une manière plus responsable et mieux informée. » The Times of Israël
Fortunately, there is a growing number of scholars and students who take the Jewish context of the New Testament seriously (even though I continue to be surprised how few New Testament scholars know the Jewish sources from the Second Temple period well and write about them in their work with authority). The book is intended primarily for the general public, but also as a first introduction for college students and seminarians to the Jewish world of the New Testament. To them, this is all new. The chapters of the book grew out of lectures I gave in various churches and synagogues. My experience has been that there is a significant divide: whereas an increasing number of scholars is well familiar with the Scrolls, the Apocrypha and Pseudepigrapha, and is able to explain why these texts are significant for our understanding of the early Jesus movement, the same is not true for the general audience. Time and again my audiences have told me that everything I told them in my talks was completely new to them. In general, Christians know little about Judaism, of any period, and they certainly do not know the Judaism of the late Second Temple period. (…) My interest in Mind the Gap is in the worldview and theological concepts in general that are taken for granted in the New Testament but that are never explained, such as the expectation of the Messiah as a divine agent of the end-time, or the belief in demons and evil spirits and all they represent, to name only two examples. There is a risk that we are grossly anachronistic and read into the New Testament texts who we think the Messiah is or what demons are. (…) my argument is that there was a variety of different understandings of the Messiah and of demons and of many other issues in Early Judaism. The authors of the New Testament were well aware of, participated in, and contributed to this vigorous Jewish debate of the first century. (…) my basic claim is that the New Testament needs to be read within the context of early Jewish writings in general, with which it has so much in common. (…) The point I always emphasize in my book talks is that there is a significant historical divide between the Old and the New Testament. By turning the page, the reader of the Protestant Bible moves effortlessly from the prophet Malachi to Matthew’s Gospel. Theologically, the transition from the Old to the New Testament makes good sense. After all, Matthew goes to great lengths to claim that Jesus emerged straight out of Israel’s prophetic tradition. But the reader may not be aware that there is a gap of no less than half a millennium between these two books. Recognizing that there is a chronological gap between the Testaments, a period of at least four centuries that is simply glossed over in the Protestant Bible, is a first step. Realizing that this was a time of incredible literary creativity during which Jewish intellectuals thought new thoughts and wrote new texts is the next step. And becoming familiar with at least some of the Jewish texts from the gap years and learning what they can and cannot tell us about the Judaism we find in the New Testament is the third and most important step. That’s what I do in Mind the Gap. (…) few readers of the New Testament are aware of the gap between the Testaments, let alone that the gap years were a time of significant change in the religion of ancient Israel. (…) wfor most readers of the New Testament, the New Testament does not have a context, it is in a category by itself. If you do not realize that the Judaism of Jesus is no longer the religion of the Old Testament and that it has developed significantly, and if you do not realize that the issues Jesus debates with the Pharisees have been debated for centuries, and continue to be debated at the time, then Jesus must seem totally radical, a break with the religion of the past. In my talks, I invite my audience to engage in a thought experiment. Suppose you welcome a visitor to the U.S. who has never been here before. She marvels at the high risers, at the ethnic diversity in our society, at iPhones and the internet. “What is all this?,” she wonders, to which you answer: “ Don’t worry. Just read the U.S. Constitution and everything will become clear.” Reading the Old Testament at the time of Jesus must have been a bit like reading the Constitution today: it continues to be the fundamental text, but it cannot explain the changes in society in recent centuries. Matthias Henze

Attention à la marche en descendant… de l’Ancien testament !

En ce 2018e jour-anniversaire de notre ère commune que l’on n’ose même plus nommer (judéo-)chrétienne

Et probable 2011e anniversaire de l’incarnation de son Fondateur

Qui après l’abandon du sabbat et sur fond de rengaines d’auteurs plus américains que les Américains devrait plus que tout autre jour rapprocher mais souvent – sauf rares heureuses exceptions – continue à séparer Juifs et Chrétiens …

Pendant que dans l’antisémitisme vulgaire comme dans l’anti-israélisme prétendument savant et bienpensant et faisant opportunément oublier la vraie menace islamiste et tout simplement musulmane, nos quenellistes de caniveau comme nos beaux esprits des médias ou des arts, voire du Vatican lui-même, profitent du chaos ambiant pour rallumer les inimitiés entre nos deux peuples …

Mais qu’après l’épuration ethnique des deux tiers de ses chrétiens (cherchez l’erreur !), les Irakiens viennent officiellement de reconnaitre

Comment ne pas se réjouir …

De la place toujours plus grande qu’accorde à la judaïté enfin retrouvée du Jésus de nos évangiles tout un courant, tant du côté chrétien que juif, des recherches historiques et théologiques récentes …

Et avec des livres comme celui du bibliste germano-américain de Rice University Matthias Henze, du fait que les résultats desdites recherches atteignent enfin le grand public …

Concernant notamment les quelque 400 ans d’écart (jusque ici négligés, d’où le titre de l’ouvrage) de la période inter-testamentaire

Comme si autrement dit on n’avait à sa disposition pour expliquer l’ensemble des innovations actuelles (gratte-ciels, diversité ethnique, Iphones, internet) que le seul texte de la Constitution américaine !

Mais aussi une période qui par l’intensité de sa production littéraire (apocryphes, pseudépigraphes, littérature apocalyptique, textes esséniens de Qumran) …

Et de ses innovations théologiques et religieuses totalement ou presque absentes de la Bible hébraïque (synagogues, rabbins, pharisiens, anges, démons, Satan, résurrection – à un ou deux livres tardifs près, Daniel, Job) …

Permet d’enfin apprécier à leur juste valeur nombre de débats dont sont truffés les Evangiles …

Et partant, la véritable nouveauté et radicalité de l’apport du Christ … ?

Jésus était plus juif que vous ne le pensez, affirme un expert de la Bible
L’origine de la foi du Messie chrétien se comprend mieux après une plongée dans l’ère du Second Temple, où judaïsme et christianisme se mêlaient
Rich Tenorio
The Times of Israel
25 décembre 2018

Lorsque Matthias Henze, professeur de religion à Rice University, se rend dans des églises et des synagogues locales de Houston pour promouvoir la compréhension interconfessionnelle entre le christianisme et le judaïsme, il aborde une période particulière : le fossé de quatre à cinq siècles qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

« Cela a été négligé pour un certain nombre de raisons », analyse Henze, érudit de la Bible hébraïque et du judaïsme, en mettant l’accent sur le Second Temple. « Les juifs et les chrétiens ne prêtent pas beaucoup attention à cette période. »

Selon Henze, le « fossé de plusieurs siècles » entre le quatrième siècle avant notre ère et le premier siècle de notre ère est crucial pour comprendre que l’abîme entre les deux religions pourrait être beaucoup, beaucoup moins important qu’on ne le pense. Il soutient que les textes religieux hébraïques de cette période, y compris les manuscrits de la mer Morte, ont contribué à influencer Jésus, qu’il décrit comme un juif qui pratiquait le judaïsme de son époque.

Cet argument est évoqué dans le sous-titre de son nouveau livre, « Attention à la différence : comment les écrits juifs entre l’Ancien et le Nouveau Testament nous aident à comprendre Jésus. »

Ayant connaissance des textes religieux hébraïques de ces années d’intervalle, « Jésus a maintenant un contexte », se félicite Henze. « Nous l’avons mis là où il doit être. Il n’est plus un personnage tout seul, il n’est plus ponctuel. »

Et, ajoute-t-il, « une fois que nous comprenons Jésus comme faisant partie d’un monde juif plus large, je pense que nous rendons beaucoup plus justice au Nouveau Testament. »

Le côté face de la pièce

Henze est un fervent partisan de la sensibilisation interconfessionnelle. Luthérien originaire de Hanovre, en Allemagne, il est le directeur du département des études juives de Rice University, qu’il a fondé en 2009.

« J’ai un profond intérêt pour le judaïsme et l’histoire de Jésus, et aussi pour l’hébreu », déclare Henze.

Des centres d’intérêt qui l’ont bien préparé pour ses séminaires sur le judaïsme et le christianisme dans les institutions religieuses locales.

« Je suis très à l’aise lorsque je fais des conférences dans les églises sur les questions juives et la construction de la communauté », s’est réjoui Henze. « Les gens veulent parler du christianisme, en particulier de Jésus. Ils ont un grand désir d’en apprendre plus sur les origines du christianisme, le mouvement du début de Jésus. »

Cela a été essentiel pour comprendre les années d’intervalle — en gros, « la dernière partie de la période du Second Temple », écrit Henze dans un courriel.

Ces années d’intervalle ont commencé après que les derniers livres de l’Ancien Testament ont été écrits au quatrième siècle avant l’ère commune (la seule exception étant le Livre de Daniel, qui a été rédigé à partir du deuxième siècle avant l’ère commune) et prennent fin avec le Nouveau Testament, écrit dans la seconde moitié du premier siècle de l’ère commune.

« Ma thèse est que pendant cet intervalle », analyse Henze, « les juifs se sont sentis libres d’écrire de nouveaux textes, de penser de nouvelles choses, de développer de nouvelles formes d’expression littéraire. »

C’était une époque où les royaumes d’Israël et de Judas étaient gouvernés, successivement, par les Perses, les Grecs, les Hasmonéens et les Romains. Seuls les Hasmonéens, de la dynastie des Maccabées, étaient une lignée locale.

À la fin de cette période, déclare Henze, les juifs se sont courageusement essayés à de nouvelles idées, et « le christianisme émerge … Jésus arrive, l’héritier de ces idées. »

Mais cette pensée nouvelle a été suivie par des actes punitifs — la crucifixion de Jésus et la destruction du Second Temple. La date généralement acceptée de la crucifixion de Jésus se situe entre 30 et 33 de l’ère commune. Le Second Temple est tombé en 70 de notre ère.

Les manuscrits de la mer Morte, compilés par la communauté essénienne à Qumrân, font partie des textes religieux hébreux les plus connus de cette période de vide liturgique. Henze en cite d’autres également.

La Septante, ou la traduction grecque du Tanakh, inclut les Apocryphes, que Henze a qualifiés de « liste bien définie de certains anciens livres juifs » non retrouvés dans la Bible hébraïque, tels que les livres de Tobith et Judith, et le livre 1 et 2 des Maccabées.

D’autres textes juifs plus anciens datant de la même époque, ou d’un peu avant, ne faisaient pas partie d’une liste fixe et ont été désignés comme des pseudépigraphes, un terme grec signifiant « écrit sous un pseudonyme », déclare Henze. Dans ce cas, « ils ont été écrits sous le nom d’une ancienne figure biblique ».

Il mentionne le livre d’Énoch, qui évoque « un personnage mentionné dans le 5e chapitre de la Genèse, une figure très importante pour les juifs aux troisième et deuxième siècles avant notre ère », ainsi que le Livre des Jubilés, « un livre juif du deuxième siècle avant notre ère qui racontait [les faits décrits dans] le Livre de la Genèse et de l’Exode. »

Un produit de son temps

Collectivement, explique Henze, ces œuvres éclairent sur le judaïsme de Jésus.

« Nous ouvrons le Nouveau Testament et nous trouvons un Jésus qui faisait partie du judaïsme de son époque », déclare Henze. « Il était Juif, né en Israël de parents juifs, élevé [là], présenté au Temple, et qui est mort juif. »

Mais le judaïsme de l’époque de Jésus diffère de celui de l’Ancien Testament.

« Dans le Nouveau Testament, Jésus se rend à la synagogue dans le chapitre 4 de l’évangile de saint Luc, ‘suivant sa coutume’, le jour du Shabbat. Il n’y a pas de synagogue dans l’Ancien Testament et la Bible hébraïque », déclare Henze.

« Jésus est appelé ‘rabbi’ par ses disciples. Il n’y a pas de rabbins dans le Tanakh. Jésus passe beaucoup de temps à discuter de la Torah et des Pharisiens, comme tout chrétien le sait. Il n’y a pas de Pharisiens dans le Tanakh. On dit que la résurrection est la fin de la vie. Ce n’est pas le cas dans la Bible hébraïque, sauf le Livre de Daniel, le dernier livre dans la Bible. »

Henze ajoute que « lorsque les chrétiens lisent ceci et se tournent vers l’Ancien Testament, et qu’il n’y a pas de textes qui l’expliquent, ils supposent que Jésus rompait vraiment avec tout. … L’argument du livre est que oui, c’est extraordinaire, mais seulement si tout ce que vous lisez est l’Ancien Testament. Nous négligeons le fait que Jésus faisait partie d’un judaïsme dérivé qui s’est écarté de la Bible hébraïque. »

Pour faire valoir son point de vue, Henze se concentre sur ce qu’il décrit comme les quatre grands thèmes du christianisme primitif : « le messianisme, les démons et esprits impurs — un monde vivant densément peuplé d’anges et de démons — la Torah, sa signification et son interprétation correcte, et la croyance en la résurrection ou la vie sur la mort, la vie avec les anges. »

« Oui, tout cela vient de l’Ancien Testament », opine-t-il. « Mais ils ne sont pas vraiment évoqués dans l’Ancien Testament. Ils étaient plus tirés de la littérature très riche qui suivait l’Ancien Testament et qui précède le Nouveau Testament, où ces thèmes étaient plus systématiques. »

L’idée que Jésus était le Messie d’Israël est née de « l’attente d’un messie [qui viendrait] à la fin des temps, l’histoire telle que nous la connaissons, un agent de Dieu, moshiach [le Messie] », a-t-il expliqué. « C’est le genre de choses que l’on ne trouve pas dans le Tanakh en tant que tel. »

Mais, nuance-t-il, « il existe un certain nombre de textes, principalement tirés des manuscrits de la mer Morte, sur les premières attentes messianiques juives comparables à la description de Jésus dans les Evangiles. Il est évident que l’écrivain évangélique essayait de prouver que Jésus était le messie qu’Israël attendait, en utilisant des termes que la population juive connaissait [à l’époque]. »

Et, poursuit-il, bien que « la résurrection, était [un thème] si central au début du christianisme à l’époque, il n’y avait aucune croyance en la résurrection des morts dans le Tanakh », sauf dans le Livre de Daniel, qui date de la fin de la période du Second Temple.

« Entre l’Ancien et le Nouveau Testament, un certain nombre de textes juifs parlent de la résurrection, de la vie en compagnie des anges. Nous devons l’étudier dans le contexte d’autres textes juifs », a déclaré Henze.

Une chronologie fascinante

Les autres collègues de Henze trouvent ses arguments intrigants — mais mettent toutefois en garde.

« Les sources de notre compréhension de Jésus sont complexes », déclare David Lincicum, professeur associé à l’université américaine Notre-Dame, qui s’intéresse aux études bibliques, au christianisme et au judaïsme dans l’Antiquité et qui collabore avec Henze sur un autre projet. « On ne sait pas quel genre d’éducation [Jésus] recevait. »

« Je pense qu’il est juste de dire que beaucoup de textes [hébraïques pendant cet intervalle] reflètent les discussions dans l’air au premier siècle. Les Apocryphes semblent avoir été répandus au début du judaïsme. Il y avait une connaissance en dehors des textes », déclare Lincicum.

Et « si la Bible hébraïque est relativement silencieuse sur le messie, [le sujet devient un thème familier plus tard], soudain tout le monde parle du messie. Il y a des fossés qui se creusent dans le judaïsme. Dans certaines branches, il y a une figure consacrée pour sauver Israël. Il se peut que Jésus ne connaisse pas de texte particulier, mais cela pourrait attester d’un courant dominant auquel il n’avait peut-être pas accès », estime-t-il.

Cependant, Darrell L. Bock, professeur de recherche des études sur le Nouveau Testament au Dallas Theological Seminary, met en garde contre la surestimation de la signification de l’écart entre ces siècles.

Par exemple, Bock disait que, ce n’est pas parce que les rabbins « n’émergent pas d’une manière significative jusqu’à ce que la centralité du Temple soit perdue, que la destruction du Temple signifie pour autant qu’il n’y avait pas de rabbins. »

« Faites attention lorsque vous [qualifiez les rabbins] d’anachronisme », met-il en garde. La connaissance de Bock sur Jésus est peut-être mieux résumée dans son best-seller de 2004 Briser le code Da Vinci: réponses aux questions que tout le monde se pose.

Il a également noté que l’évolution pendant la période d’intervalle pourrait ne pas avoir été causée exclusivement par des facteurs religieux, mais aussi par des facteurs politiques et sociaux.

L’Israël biblique « contrôlait la situation politique et sociale sur le territoire », explique Bock. « Ce n’était pas le cas du temps de Jésus. L’influence gréco-romaine était omnipotente, omniprésente. Ces différences sont importantes. Des concepts sont développés — le Messie, un espoir, un retour à la règle dynastique effective de l’Ancien Testament. »

« Dans le texte inter-testamentaire, on met l’accent sur le culte messianique, qui suscitera l’espoir et la justification. Jésus se présente comme le messie pas seulement pour Israël. Il se concentre également sur la façon dont les autres sont traités. C’est similaire d’un côté et distinct de l’autre », a déclaré Bock.

Bock précise pour le Times of Israël que Jésus finit par se différer de tous les groupes de son époque : les Sadducéens, les Pharisiens, les Esséniens et les Zélotes.

« Je pense que Jésus espérait qu’il se distinguerait quelque peu de la variété de ces approches », déclare Bock. « Il a développé une tradition qui réagissait dans une certaine mesure contre tous ces groupes. »

Bock convient que « Jésus n’a pas rempli un vide. Il ne l’a pas fait en tant que juif qui s’est éloigné de tout ce qui était juif. Clairement, Jésus pensait indépendamment les choses : la tradition juive, ce genre de chose. »

Qu’en penserait Jésus ?

Que l’on soit d’accord ou non avec Henze, l’auteur espère encourager la pensée indépendante avec son livre — y compris dans sa section finale.

« Je lance quelques défis aux lecteurs chrétiens », explique-t-il. « Comment notre compréhension de Jésus et du Nouveau Testament change-t-elle si nous prenons au sérieux le fait que Jésus était un juif ? ».

« Beaucoup de chrétiens croient que Jésus était exactement comme eux, qu’il avait la même théologie, il vous ressemblait, il était de la même confession et vivait dans l’Israël du premier siècle », a déclaré Henze.

Henze appelle les chrétiens à se familiariser avec le judaïsme — celui de leur voisin d’aujourd’hui, mais aussi avec la version vieille de 2 000 ans pratiquée par Jésus et d’autres juifs de son époque.

Henze espère que tous les lecteurs, de toutes religions, « s’ouvriront à la possibilité d’un contexte historique et religieux » et « liront le Nouveau Testament d’une manière plus responsable et mieux informée ».

« Mon espoir pour le livre est qu’il va trouver un large public et les gens vont commencer à repenser ce qu’ils croyaient connaître », a-t-il conclu.

Voir aussi:

Mind The Gap: An Interview with Matthias Henze
James F. McGrath
Patheos
December 12, 2017

I am ever so grateful to Matthias Henze for allowing me the opportunity to interview him about his new book, Mind the Gap. Here are the questions that I posed to him, followed by his answers:

JM: I saw an article in the Times of Israel about your book, the headline of which said that a Bible prof had said that Jesus is “more Jewish” than you think. How did you feel about that headline as a way of encapsulating the message of your book? Is it appropriate to talk about any particular Jew as “more Jewish” or “less Jewish”?

MH: The author of the Times article, Rich Tenorio, called me up out of nowhere and asked me whether I’d be willing to do an interview with him. When I spoke with him, it quickly became clear to me that he had not read the book, and that he knew very little about Early Judaism, the historical Jesus, or the early Jesus movement. The headline, “more Jewish than you think,” is certainly not taken from anything I write in the book. It is misleading to say that Jesus was “more Jewish” or “less Jewish.” I suspect the headline was intended to catch the attention of the Jewish readers and to suggest to them that they, too, should care about Jesus.

JM: When I shared that article (mentioned in my previous question) on social media, at least one scholar that I am connected with reshared it, adding the comment, “In other news, water is wet.” And in the book, you tell the story of a student who reacted similarly when you mentioned what you were writing on. How can the Jewish identity and heritage of Jesus be so widely accepted by scholars and students, and yet still insufficiently grasped by significant portions the general public?

This is an excellent question. Fortunately, there is a growing number of scholars and students who take the Jewish context of the New Testament seriously (even though I continue to be surprised how few New Testament scholars know the Jewish sources from the Second Temple period well and write about them in their work with authority). The book is intended primarily for the general public, but also as a first introduction for college students and seminarians to the Jewish world of the New Testament. To them, this is all new.

The chapters of the book grew out of lectures I gave in various churches and synagogues. My experience has been that there is a significant divide: whereas an increasing number of scholars is well familiar with the Scrolls, the Apocrypha and Pseudepigrapha, and is able to explain why these texts are significant for our understanding of the early Jesus movement, the same is not true for the general audience. Time and again my audiences have told me that everything I told them in my talks was completely new to them. In general, Christians know little about Judaism, of any period, and they certainly do not know the Judaism of the late Second Temple period.

JM: Just as the “Jewishness of Jesus” is insufficiently known or appreciated in many circles, the value of and creative energy evidenced in first-century Jewish literature and thought is also underappreciated. Do you find that that is a harder case to make to Christian and Jewish audiences in our time than your point about Jesus?

MH: I think these two aspects are interrelated and cannot be separated from each other. To say that Jesus was a Jew remains an empty phrase, unless we can be more specific about the kind of Judaism Jesus practiced. And in order to be able to do that, we need to turn to the texts that describe the Jewish world of first century Israel. Reading only the New Testament will not do. My experience has been that so-called lay people are much more open to a comparative reading of New Testament and early Jewish texts than many of our colleagues. The responses to Mind the Gap from both Jewish and Christian readers have been overwhelmingly positive; people are eager to learn.

JM: The question of Jesus’ literacy has been debated much. Is there any work from before Jesus’ time, apart from those that became part of a Jewish or Christian Bible such as is known today, the influence of which seems so apparent in his words and teaching, you feel confident that Jesus had read it (as opposed to simply sharing a cultural and conceptual world of ideas with the author)?

MH: No. We have absolutely no idea what Jesus read, or whether he read at all. I am not making the case for a direct literary connection between any early Jewish texts and the New Testament. John J. Collins has wondered whether Luke knew the Son of God text from Qumran, but I am not willing to go that far. My interest in Mind the Gap is in the worldview and theological concepts in general that are taken for granted in the New Testament but that are never explained, such as the expectation of the Messiah as a divine agent of the end-time, or the belief in demons and evil spirits and all they represent, to name only two examples. There is a risk that we are grossly anachronistic and read into the New Testament texts who we think the Messiah is or what demons are.

Rather than pointing to connections between specific texts, which in my view would be difficult to prove, my argument is that there was a variety of different understandings of the Messiah and of demons and of many other issues in Early Judaism. The authors of the New Testament were well aware of, participated in, and contributed to this vigorous Jewish debate of the first century. Instead of postulating that Jesus, or the authors of the anew Testament, knew specific ancient Jewish texts, my basic claim is that the New Testament needs to be read within the context of early Jewish writings in general, with which it has so much in common.

JM: If you had to choose, what one point that you emphasize in your book would you consider it most important that readers learn and remember?

MH: The point I always emphasize in my book talks is that there is a significant historical divide between the Old and the New Testament. By turning the page, the reader of the Protestant Bible moves effortlessly from the prophet Malachi to Matthew’s Gospel. Theologically, the transition from the Old to the New Testament makes good sense. After all, Matthew goes to great lengths to claim that Jesus emerged straight out of Israel’s prophetic tradition. But the reader may not be aware that there is a gap of no less than half a millennium between these two books.

Recognizing that there is a chronological gap between the Testaments, a period of at least four centuries that is simply glossed over in the Protestant Bible, is a first step. Realizing that this was a time of incredible literary creativity during which Jewish intellectuals thought new thoughts and wrote new texts is the next step. And becoming familiar with at least some of the Jewish texts from the gap years and learning what they can and cannot tell us about the Judaism we find in the New Testament is the third and most important step. That’s what I do in Mind the Gap. This is, of course, much more than simply claiming that Jesus was Jewish.

JM: Was there anything that you learned about Jesus and his historical religious context, or came to appreciate in a new way, as a result of writing this book?

MH: Prior to writing the book, I had never quite understood why people are so eager to set Jesus apart from his contemporary Judaism and think of him as the one who radically broke with, and in the end overcame Judaism. Now I understand their reasoning much better.

I think there are two things coming together here. One is that few readers of the New Testament are aware of the gap between the Testaments, let alone that the gap years were a time of significant change in the religion of ancient Israel. The other is that for most readers of the New Testament, the New Testament does not have a context, it is in a category by itself. If you do not realize that the Judaism of Jesus is no longer the religion of the Old Testament and that it has developed significantly, and if you do not realize that the issues Jesus debates with the Pharisees have been debated for centuries, and continue to be debated at the time, then Jesus must seem totally radical, a break with the religion of the past.

In my talks, I invite my audience to engage in a thought experiment. Suppose you welcome a visitor to the U.S. who has never been here before. She marvels at the high risers, at the ethnic diversity in our society, at iPhons and the internet. “What is all this?,” she wonders, to which you answer: “ Don’t worry. Just read the U.S. Constitution and everything will become clear.” Reading the Old Testament at the time of Jesus must have been a bit like reading the Constitution today: it continues to be the fundamental text, but it cannot explain the changes in society in recent centuries.

JM:  Thank you for taking the time to talk with me about Mind the Gap. I hope it makes a lasting impact, and continues to generate useful conversations about Jesus, ancient Judaism, and the connection between the two!

Voir encore:

Christmas in America is good for the Jews
Jeff Jacoby
The Boston Globe
December 24, 2018

Liberals snicker at the idea that Americans are engaged in a “War on Christmas ,” and considering how robustly and pervasively the holiday is celebrated, it’s often hard to deny that they have a point. But then, just as the skirmishing over whether to say “Merry Christmas” or “Happy Holidays” seems to be finally fading away, along comes someone like Julia Ioffe — a widely-published journalist (The Atlantic, The New Republic, GQ) — to fire up the hostilities anew.

Please don’t wish me ‘Merry Christmas,’” admonished a cranky Ioffe in a Washington Post op-ed column on Friday. “It’s wonderful if you celebrate it, but I don’t — and I don’t feel like explaining that to you. It’s lonely to be reminded a thousand times every winter that the dominant American cultural event occurs without me.”

And why does it occur without her? Because, she says, she’s “a Jewish person” and Christmas is a Christian holiday. Or at least it is here in America. Ioffe didn’t mind Christmas as it was observed in the militantly anti-religious Soviet Union where she grew up. There it was a secular New Year’s celebration, and “waking up to a sparkling, decorated tree in my room, piled high with presents” remains one of the “central, beloved memories” of her childhood.

But everything changed, and Christmas became intolerable, after her family moved to America:

It was no longer a New Year’s tree in a Soviet house. It had become a Christian symbol in a Jewish house. Christmas was all around us, for nearly one-tenth of the year, every year. It began to feel deeply alien precisely because we were secular, but it was not . Despite the movies and the shopping, despite the Germanic decor, Christmas is still, at its core and by design, about the birth of Christ, a point that seems bizarre to argue. Just look at all those nativity scenes! And we don’t observe the holiday on just any day. Dec. 25 has Christian significance. Whenever I hear the name, I hear the “Christ” in it. To me, it’s strange that many of its celebrants do not.

And despite its celebration of a Christian god, it is everywhere, for over a month, in a way no other holiday is — not even Easter. It is in every ad, in every window and doorway, and on everyone’s lips. If you’re not a part of the festivities, even its sparkling aesthetic can wear you down. When you are from a minority religion, you’re used to the fact that cabdrivers don’t wish you an easy fast on Yom Kippur. But it’s harder to get used to the oppressive ubiquity of a holiday like Christmas. “This is always the time of year I feel most excluded from society,” one Jewish friend told me. Another told me it made him feel “un-American.”

Seriously? It doesn’t make me feel that way.

I’m an Orthodox Jew for whom Dec. 25 has zero theological significance. My family doesn’t put up a tree, my kids never wrote letters to Santa, and we don’t go to church for midnight Mass. But while I may not celebrate Christmas, I love seeing my Christian friends and neighbors celebrate it. I like living in a society that makes a big deal out of religious holidays. Far from feeling excluded or oppressed when the sights and sounds of Christmas return each December — OK, November — I find them reassuring. To my mind, they reaffirm the importance of the Judeo-Christian culture that has made America so exceptional — and such a safe and tolerant haven for a religious minority like mine.

Ioffe writes that being told “Merry Christmas,” even once, is “ill-fitting and uncomfortable.” Hearing it for weeks on end is almost more than she can bear. “It’s exhausting and isolating,” she writes. “It makes me feel like a stranger in my own land.”

Is it really the Christmas cheer that makes her feel so alienated? That certainly isn’t the reaction Christmas evoked in other Jewish immigrants and their children. Not only were many of the greatest Christmas songs composed by Jewish songwriters , but several of those songwriters were themselves first-generation Americans. Irving Berlin (“White Christmas”) was born in Russia. So were the parents of Mel Torme (“The Christmas Song”). Edward Pola (“It’s the Most Wonderful Time of the Year”) was the son of immigrants from Hungary. And the parents of Sammy Cahn (“The Christmas Waltz”) came to America from Galicia.

Granted, Berlin, Torme, and the others weren’t known for their Jewish scholarship or observance. But it isn’t only highly secularized Jews who appreciate Christmas. Rabbis do, too.

“Christmas fascinates me,” wrote Rabbi Michael Gottlieb in a Wall Street Journal column a couple years ago.
I’m drawn to its history, its color, its atmosphere, its music. And, of course, I’m drawn to the fact that Jesus was a Jew. He was born a Jew, lived as a Jew and died a Jew. If for nothing else, I can appreciate Christmas as the celebration of one Jew’s epic birthday. . . .

I am grateful to my Christian neighbors and friends. Through their religious holy day, I am better able to confront and clarify my own religious convictions and theological certitudes.

Like a brightly lighted Christmas tree, Christianity dispels a lot of darkness, theological as well as moral. In its glow, it challenges Christians and non-Christians alike to consider that which is transcendent, eternal, and greater than us all.”

If that seems too abstract, consider a different rabbi’s more concrete take on why Christmas in America should be meaningful even for those who aren’t Christian.

In a 2013 essay titled “Is Christmas Good for the Jews?” Rabbi Benjamin Blech, a widely admired Orthodox Jewish scholar, describes how Christmas was a season of fear and danger for his parents, who grew up in Poland a century ago, when Poles were steeped in anti-Semitic bigotry actively fueled by the Catholic Church. For Polish Jews of his parents’ generation, Blech writes, the advent of Christmas was “far too often filled with pogroms, beatings, and violent anti-Semitic demonstrations.”

But for Jews and other religious minorities in America, Christianity has shown a far more gentle and brotherly face. Here, non-Christians are not subjected to forced conversions or beaten because they don’t celebrate Christian holidays. Unlike the beleaguered Jewish minority in the Poland of his parents’ generation, members of the comparatively tiny Jewish minority in America — less than 1.5% of the population — are free to believe and worship as they please.

Surrounded by Christmas celebrations, I have never had difficulty explaining to my children and my students that although we share with Christians a belief in God, we go our separate ways in observance. They are a religion of creed and we are a religion of deed. They believe God became man. We believe man must strive to become more and more like God.

We differ in countless ways. Yet Christmas allows us to remember that we are not alone in our recognition of the Creator of the universe. [Christians and Jews alike] have faith in a higher power.

Indeed, Blech points out, the Christmas season in America has often motivated Jews, who see their neighbors’ concern with their religion, to ask themselves what they know of their own. “To begin to wonder why we don’t celebrate Christmas,” he suggests, “is to take the first step on the road to Jewish self-awareness.”

Unlike the Eastern European Jews of his parents’ generation a century ago — and unlike Julia Ioffe today — Blech doesn’t dread the yearly showering of Christmas spirit. “Call me naïve, but nowadays I really love this season,” he writes. “Because together all people of goodwill are joined in the task to place the sacred above the profane.”

As an observant Jew, I don’t celebrate Christmas and never have. Do the inescapable reminders at this time of year that hundreds of millions of my fellow Americans do celebrate it make me feel excluded or offended? Not in the least: They make me feel grateful — grateful to live in a land where freedom of religion shields the Chanukah menorah in my window no less than it shields the Christmas tree in my neighbor’s. That freedom is a reflection of America’s Judeo-Christian culture, and a central reason why, in this overwhelmingly Christian country, it isn’t only Christians for whom Christmas is a season of joy. And why it isn’t only Christians who should make a point of saying so.

Voir par ailleurs:

Noël à Gaza: toujours moins de permis pour les chrétiens
Vatican news
19 décembre 2018

Comme tous les ans durant la période de Noël, des milliers de pèlerins et touristes du monde entier convergent vers la ville de Bethléem. Mais pour les chrétiens de Gaza, soumis à des restrictions de mouvements, cette possibilité semble désormais relever du privilège.

Entretien réalisé par Manuella Affejee- Cité du Vatican

L’accès au territoire palestinien est en effet rigoureusement contrôlé par les autorités militaires israéliennes qui délivrent des permis d’entrée et de sortie. Chaque année, un certain nombre d’entre eux est concédé aux chrétiens de Gaza souhaitant se rendre à Jérusalem ou en Cisjordanie pour les fêtes de Noël et de Pâques.

Pour Noël 2018, 500 permis de sortie ont été promis par Israël, mais en pratique, seuls 220 ont été effectivement délivrés pour le moment à des personnes âgées entre 16 et 35 ans ou de plus de 55 ans, ce qui donne lieu à des situations problématiques au sein de plusieurs familles: le père obtenant un permis mais pas la mère et inversement, ou des permis accordés aux enfants mais pas aux parents et inversement. Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine avoue ne pas saisir la politique choisie par Israël dans ce domaine. «C’est une logique d’occupation que nous ne comprenons pas, ni ne justifions», assène-t-il. Pouvoir se rendre à Bethléem pour fêter Noël devrait être un droit naturel pour un chrétien gazaoui et non pas un privilège, déplore l’évêque italien.

Mgr Marcuzzo se trouvait d’ailleurs à Gaza dimanche dernier, en compagnie de l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, pour célébrer Noël avec la petite communauté latine locale, selon une tradition désormais bien installée. Le vicaire patriarcal évoque une atmosphère générale empreinte de tristesse, même si la médiation égyptienne et qatarie entreprise ces derniers jours a fait baisser la tension dans le territoire palestinien, après des semaines de fièvre et d’affrontements liés aux «marches du retour».

La présence chrétienne quant à elle s’amoindrit sensiblement. Face à des conditions de vie précaires et au manque évident de perspectives, l’émigration reste une tentation inexorable. On comptait il y a encore quelques années environ 3 000 chrétiens de toute confessions à Gaza; ils ne représentent aujourd’hui que 1 200 âmes, dont 120 catholiques latins.

Voir enfin:

Désinformation anti-israélienne: pas de trêve de Noël sur France Inter!

Selon la radio de service public, Israël serait responsable des malheurs des chrétiens de Gaza. Le reportage passe sous silence l’action des islamistes du Hamas.
InfoEquitable
25 décembre 2018

A la Maison de la Radio, les vieilles traditions de Noël ne se perdent pas. Dans les temps anciens, la fête de la nativité était l’occasion d’accabler les Juifs afin rappeler sa faute inexpiable au « peuple déicide ».

Reprenant le flambeau, France Inter semble s’ingénier à diffuser tous les 24 décembre une petite perfidie anti-israélienne, afin de mieux stigmatiser ceux qui aux yeux de la station constituent les fauteurs de trouble dans la région.

Cette année, dans la page consacrée aux préparatifs de Noël, nous avons ainsi eu droit à un reportage sur le triste sort des chrétiens de Gaza.

 

 

Vivre dans l’enclave islamiste aux mains des terroristes du Hamas n’est certes pas une sinécure lorsque l’on n’est pas musulman.

Mais à écouter le journal du matin, présenté par Agnès Soubiran, « l’ambiance sombre » qui affecte le petit territoire palestinien n’est due qu’à une cause : « Une partie de la communauté chrétienne de la bande Gaza ne pourra pas se rendre dans la ville natale du Christ en raison des restrictions de circulation imposées par Israël qui comme chaque année n’a délivré des permis qu’au compte-gouttes… »

Suit le reportage à Gaza de la journaliste Marine Vlahovic.

On y apprend que « seules 600 personnes ont reçu un permis » de la part des autorités israéliennes pour pouvoir quitter Gaza et se rendre à Bethléem.

Les autres ont célébré la messe à Gaza.

 

 

« On fait un petit dîner pour le réveillon et ensuite on assiste à la messe de minuit ici. A par ça, il n’y a rien à faire. Alors qu’ailleurs il y a plein de festivités. C’est vraiment très frustrant de rester ici. En fait c’est comme si ce n’était pas vraiment Noël », explique une jeune Gazaouite chrétienne au micro de France Inter.

Les responsables de ce « Noël maussade » ? Les Israéliens bien sûr, en raison du « blocus sévère » qu’ils imposent à Gaza.

Sur les conditions et les raisons de ce « blocus » (qui n’en est pas un puisque chaque jour des centaines de camions de marchandises pénètrent à Gaza et de très nombreux Gazaouites ont la possibilité de pénétrer en Israël ne serait-ce que pour aller se faire soigner dans les hôpitaux israéliens), on ne saura rien.

Ni l’irrédentisme du Hamas, ni la violence qu’il dirige chaque jour contre Israël, ni les tirs de roquettes et de missiles sur les villes israéliennes ne sont évoqués dans ce reportage.

Si les chrétiens souffrent à Gaza, c’est de la faute des Juifs, pas des milices islamistes qui ont imposé leur loi sur le territoire.

Rien sur les discriminations, les menaces et les humiliations dont sont quotidiennement victimes les chrétiens (sans parler des conversions forcées).

A Gaza, les islamistes distribuent des tracts pour interdire la célébration de Noël

L’envoyée spéciale de France Inter à Gaza, Marine Vlahovic, n’a peut-être pas réussi à mettre la main sur le tract diffusé par les brigades al-Nasser al-Din, l’une des plus implacables milices islamiques à Gaza, intimant à la population de ne pas célébrer Noël ?

Si la journaliste s’était donnée la peine de lire le Jerusalem Postelle aurait pu apprendre que ce tract a été diffusé auprès des musulmans mais également des chrétiens auxquels on a bien fait comprendre qu’il leur est demandé d’adopter un profil bas en toutes circonstances.

 

 

Voici le tract qui a échappé à la grande reporter de terrain envoyée par France Inter à Gaza :

 

 

Le tract, qui a été distribué dans les jours précédant Noël, rappelle, versets du Coran à l’appui, la stricte interdiction de célébrer cette fête. « Dieu n’est pas pour le peuple du mal », peut-on y lire à gauche (juste au-dessus d’un sapin barré d’une croix rouge).

Mais à France Inter, on ne lit pas le Jerusalem Post et on se méfie de la presse israélienne.

On préfère mettre en garde les auditeurs : ce sont les Juifs qui persécutent les chrétiens de Gaza. Pas les musulmans. Pas les islamistes.

 

Les églises de Gaza illuminées… aux couleurs de l’islam

Dans son reportage radio, la journaliste de France Inter a aussi omis de préciser que les églises de Gaza étaient illuminées en vert, aux couleurs de l’islam !

 

 

La petite minorité chrétienne de l’enclave aux mains des islamistes a-t-elle manifesté son consentement pour ces illuminations de Noël d’un genre très particulier ?

Nous sommes prêts à parier que non.

L’effet saisissant de cette déco gazaouite donne en tout cas une idée de l’état de soumission et de dhimmitude dans lequel les chrétiens sont cantonnés.

 

Le point de vue israélien n’est pas donné

Bien entendu, à aucun moment l’envoyée spéciale à Gaza n’a jugé utile de prendre contact avec les autorités israéliennes pour connaître leur position sur ce dossier.

Le reportage en tout cas n’en parle pas.

Mettre en cause une partie sans lui donner la parole, c’est presque une habitude sur France Inter lorsqu’il s’agit d’Israël.

Cette année, plus d’un chrétien sur deux a pu se rendre à Bethléem

Pareillement, le reportage rend les Israéliens responsables de l’exode des chrétiens dont une grande majorité a quitté Gaza ces dernières années.

Pour la radio de service public, ce n’est certes pas l’instauration implacable de la charia – la loi islamique – qui a poussé ces chrétiens à fuir mais bien les « sionistes » qui auraient rendu l’atmosphère irrespirable.

« Une situation qui a contribué à l’exode des chrétiens de Gaza. On en comptait 3.500 il y a 15 ans, selon les estimations, ils ne seraient plus qu’un millier aujourd’hui », conclut la journaliste.

 

 

On sursaute un peu à la lecture de cette dernière information qui change un tantinet la donne (c’est à se demander si les journalistes et les présentateurs comprennent ce qu’ils disent à l’antenne).

Les Israéliens ont donc distribué cette année 600 autorisations pour se rendre à la messe de minuit à Bethléem pour une population estimée à mille âmes ?

Malgré le climat de violence que le Hamas fait régner depuis le printemps dernier à la frontière avec Israël, plus d’un chrétien sur deux s’est vu autorisé à la franchir ? Et c’est ce que la présentatrice appelle des autorisations délivrées « au compte-gouttes » ?

On demeure pantois devant une telle présentation des faits qui relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Cette enquête sur les tourments infligés par Israël aux chrétiens de Gaza est tellement bidon qu’aucun grand titre de la presse française ne l’a reprise.

En cherchant bien, nous avons retrouvé l’info sur ce site turc francophone pro-Erdogan…

 

 

 

… accompagnée d’une photo de propagande qui relève plus de la mise en scène que de l’authentique reportage.

Ce site Medyatürk ne bénéficie que d’une faible visibilité auprès de l’opinion publique française.

France Inter peut se féliciter d’avoir donné une plus grande audience à cette campagne de désinformation anti-israélienne.

Voir enfin:

Rice Jewish Studies head illuminates the world from which rabbinic Judaism emerged
Aaron Howard
JHV
Aug 17, 2017

2 Baruch is a Jewish text attributed to the biblical Baruch, Jeremiah’s scribe. Believed to have been written in the late first century C.E., in a style that is similar to the Book of Jeremiah, the text predicts the imminent destruction of Jerusalem and the coming messianic era, complete with resurrection of the dead.

Never heard of 2 Baruch? You’re not alone. The text was never recognized as Jewish scripture, although it was one of many Jewish religious texts written in the 500 years between the end of the writing of the books in the Tanach and the earliest rabbinic texts. That half-a-millennium time gap is the subject of Matthias Henze’s new book, “Mind The Gap” (Fortress Press).

Henze is professor of Hebrew Bible and Early Judaism and founding director of the Jewish Studies Program at Rice University.

The book is written for a general audience that is interested in ancient Judaism. For Jewish readers, the book argues that to understand the Jewish world from which rabbinic Judaism emerged, one needs to read ancient Jewish texts outside the Bible. For Christian readers, the book will inform them about the Jewish world of Jesus beyond what is read in the New Testament. The New Testament assumes that its readers are familiar with Jewish beliefs and practices of first century Israel. In fact, most Christians are not. But, if Jesus were a practicing Jew, and if one knows little about his Judaism, how can one understand Jesus, his life and message?

The gap, as Henze calls it, is the period between the canonized Hebrew Bible and the early writings that made up rabbinic Judaism.

“We’re talking about Second Temple period Jewish texts,” Henze told the JHV. “The books of the Tanach date as late as sixth to fifth centuries B.C.E.: Haggai, the end of Isaiah and Malachi. And, in the fourth century B.C.E.: First and Second Chronicles, Esther and Kohelet (Ecclesiastes). There is a consensus among biblical scholars that all the books of the Tanach were written with the exception of the Book Of Daniel, which comes from the second century B.C.E.

“The earliest rabbinic writing, which typically people say is the Mishnah, dates from the late second century C.E. If we can agree on those dates, then there’s a gap between the Tanakh and the rabbinic writings of about a of half a millennium.

“The rabbis claim that they stand in an unbroken chain going back to Moses. That is underscored in the chain of transmission of the Written and Oral Torahs that open the Pirkei Avot.

“Most of us are familiar with Tanach and with the Mishna. But, we will not be familiar with the literature written during those gap years. The reason for that is those books are not part of any corpus of texts that we usually study. They were simply forgotten for two millennia.”

They were forgotten because they never achieved the status of authority that the biblical and later Talmudic texts did. Or, to put it in other terms, these books were not canonized.


Mimétisme: Superman confirme Girard (Hagiography: Superhero imagery boosts our helping intentions and causes us to feel our lives have more meaning, but social media ‘like’ buttons can cause malicious envy, researchers confirm)

30 novembre, 2018
Watching superhero movies just might help you become a better person. A new study has found that exposure to superhero imagery, even in subtle forms, can inspire people to help others and engage in pro-social activities. A still from the 2016 Superman film is pictured Researchers found that subtle superhero imagery boosted participants' helping intentions, which in turn caused some to feel their lives had more meaning. Stock imageA team of researchers, for example, found that users in the United States often chose to like something for bonding purposes rather than simply liking the content. A study of Facebook users found the 'like' button is used to maintain relationships or to develop new ones
Regarde, et fais d’après le modèle qui t’est montré sur la montagne. Le Seigneur (Exode 25: 40)
En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne fait que ce qu’il voit faire au Père; et tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait pareillement. (…) Je ne puis rien faire de moi-même: selon que j’entends, je juge; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Jésus (Jean 5: 19-30)
Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. Jésus (Matthieu 5:48)
Je ne fais rien de moi-même, mais je parle selon ce que le Père m’a enseigné. Jésus (Jean 8: 28)
Je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait. Jésus (Jean 13: 15)
Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même. Jésus (Luc 10 : 35-37)
Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. Jésus (Matthieu 25: 40)
Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ. Saint Paul (I Corinthiens 11 : 1)
Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Lévitique 19: 18
Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. Jésus (Matthieu 7: 12)
Le roi d’Égypte parla aussi aux sages-femmes des Hébreux (…) Il leur dit: Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux (…), si c’est un garçon, faites-le mourir; si c’est une fille, laissez-la vivre. Un homme de la maison de Lévi avait pris pour femme une fille de Lévi. Cette femme devint enceinte et enfanta un fils. Elle vit qu’il était beau, et elle le cacha pendant trois mois. Ne pouvant plus le cacher, elle prit une caisse de jonc, qu’elle enduisit de bitume et de poix; elle y mit l’enfant, et le déposa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve. (…) La fille de Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, et ses compagnes se promenèrent le long du fleuve. Elle aperçut la caisse au milieu des roseaux, et elle envoya sa servante pour la prendre. Elle l’ouvrit, et vit l’enfant: c’était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié, et elle dit: C’est un enfant des Hébreux! (…) Quand il eut grandi, elle l’amena à la fille de Pharaon, et il fut pour elle comme un fils. Elle lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle, je l’ai retiré des eaux. Exode (1: 15 – 2: 1-10)
Jerry Siegel, un garçon intellectuellement et physiquement circoncis qui a ses sièges sociaux à New York, est l’inventeur d’une figure colorée dotée d’un physique impressionnant, d’un corps puissant et d’un maillot de bain rouge qui possède la capacité de voler à travers l’éther. L’inventif Israélite a baptisé ce type sympathique au corps surdéveloppé et à l’esprit sous-développé « Superman. » Il a clamé haut et fort le sens de la justice de ce Superman, parfait modèle pour la jeunesse américaine. Comme on peut le voir, il n’y a rien que les Sadducéens ne feront pour gagner de l’argent! (…) Une image finale triomphante montre Superman, le conquérant de la mort, s’invitant au siège des moulins à paroles de la Ligue des Nations à Genève. Bien que les règles de l’établissement interdisent probablement aux personnes vêtues de maillots de bain de participer à leurs discussions, Superman les ignore tout comme les autres lois de la physique, de la logique, et de la vie en général. Il apporte avec lui le méchant ennemi allemand ainsi que la Russie Soviétique. Certes, il vaudrait probablement mieux ignorer ces élucubrations de Jerry Israel Siegel, mais il y a une entourloupe. Les audacieux exploits de Superman sont ceux d’un doryphore. Il travaille dans l’obscurité, de manière incompréhensible. Il crie « Force ! Courage ! Justice! » aux désirs nobles des enfants américains. Au lieu de profiter de l’occasion pour encourager des vertus vraiment utiles, il sème la haine, le soupçon, le mal, la paresse, et la criminalité dans leurs jeunes coeurs (..) Jerry Siegellack pue. Malheur à la jeunesse américaine, qui doit vivre dans une atmosphère si empoisonnée et ne remarque même pas le poison qu’elle avale quotidiennement. Das Schwarze Korps (hebdomadaire des SS, le 25 avril, 1940)
C’est ainsi qu’une innocente souris peut cacher, dans son ombre, un grand fauve hitlérien. (…) L’esthétique de Brick Bradford est celle du music hall, femmes nues ou peu s’en faut, hommes non moins déshabillés, défilés de girls empanachées, baisers et étreintes partout, c’est le plus bas et le plus direct appel au sexe. Qu’on n’oublie pas que cette publication est lue par des enfants de huit à seize ans et qu’une telle littérature de style Folies-Bergères est de nature à compromettre leur formation et leur équilibre sexuel. Georges Sadoul (1938?)
Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. Exode 20: 17
Les envieux mourront, mais non jamais l’envie. Molière (Tartuffe, V, III)
Si le Décalogue consacre son commandement ultime à interdire le désir des biens du prochain, c’est parce qu’il reconnaît lucidement dans ce désir le responsable des violences interdites dans les quatre commandements qui le précèdent. Si on cessait de désirer les biens du prochain, on ne se rendrait jamais coupable ni de meurtre, ni d’adultère, ni de vol, ni de faux témoignage. Si le dixième commandement était respecté, il rendrait superflus les quatre commandements qui le précèdent. Au lieu de commencer par la cause et de poursuivre par les conséquences, comme ferait un exposé philosophique, le Décalogue suit l’ordre inverse. Il pare d’abord au plus pressé: pour écarter la violence, il interdit les actions violentes. Il se retourne ensuite vers la cause et découvre le désir inspiré par le prochain. René Girard
« Que celui qui se croit sans péché lui jette la première pierre ! » Pourquoi la première pierre ? Parce qu’elle est seule décisive. Celui qui la jette n’a personne à imiter. Rien de plus facile que d’imiter un exemple déjà donné. Donner soi-même l’exemple est tout autre chose. La foule est mimétiquement mobilisée, mais il lui reste un dernier seuil à franchir, celui de la violence réelle. Si quelqu’un jetait la première pierre, aussitôt les pierres pleuvraient. En attirant l’attention sur la première pierre, la parole de Jésus renforce cet obstacle ultime à la lapidation. Il donne aux meilleurs de cette foule le temps d’entendre sa parole et de s’examiner eux-mêmes. S’il est réel, cet examen ne peut manquer de découvrir le rapport circulaire de la victime et du bourreau. Le scandale qu’incarne cette femme à leurs yeux, ces hommes le portent déjà en eux-mêmes, et c’est pour s’en débarrasser qu’ils le projettent sur elle, d’autant plus aisément, bien sûr, qu’elle est vraiment coupable. Pour lapider une victime de bon coeur, il faut se croire différent d’elle, et la convergence mimétique, je le rappelle, s’accompagne d’une illusion de divergence. C’est la convergence réelle combinée avec l’illusion de divergence qui déclenche ce que Jésus cherche à prévenir, le mécanisme du bouc émissaire. La foule précède l’individu. Ne devient vraiment individu que celui qui, se détachant de la foule, échappe à l’unanimité violente. Tous ne sont pas capables d’autant d’initiative. Ceux qui en sont capables se détachent les premiers et, ce faisant, empêchent la lapidation. (…) A côté des temps individuels, donc, il y a toujours un temps social dans notre texte, mais il singe désormais les temps individuels, c’est le temps des modes et des engouements politiques, intellectuels, etc. Le temps reste ponctué par des mécanismes mimétiques. Sortir de la foule le premier, renoncer le premier à jeter des pierres, c’est prendre le risque d’en recevoir. La décision en sens inverse aurait été plus facile, car elle se situait dans le droit fil d’un emballement mimétique déjà amorcé. La première pierre est moins mimétique que les suivantes, mais elle n’en est pas moins portée par la vague de mimétisme qui a engendré la foule. Et les premiers à décider contre la lapidation ? Faut-il penser que chez eux au moins il n’y a aucune imitation ? Certainement pas. Même là il y en a, puisque c’est Jésus qui suggère à ces hommes d’agir comme ils le font. La décision contre la violence resterait impossible, nous dit le christianisme, sans cet Esprit divin qui s’appelle le Paraclet, c’est-à-dire, en grec ordinaire, « l’avocat de la défense » : c’est bien ici le rôle de Jésus lui-même. Il laisse d’ailleurs entendre qu’il est lui-même le premier Paraclet, le premier défenseur des victimes. Et il l’est surtout par la Passion qui est ici, bien sûr, sous-entendue. La théorie mimétique insiste sur le suivisme universel, sur l’impuissance des hommes à ne pas imiter les exemples les plus faciles, les plus suivis, parce que c’est cela qui prédomine dans toute société. Il ne faut pas en conclure qu’elle nie la liberté individuelle. En situant la décision véritable dans son contexte vrai, celui des contagions mimétiques partout présentes, cette théorie donne à ce qui n’est pas mécanique, et qui pourtant ne diffère pas du tout dans sa forme de ce qui l’est, un relief que la libre décision n’a pas chez les penseurs qui ont toujours la liberté à la bouche et de ce fait même, croyant l’exalter, la dévaluent complètement. Si on glorifie le décisif sans voir ce qui le rend très difficile, on ne sort jamais de la métaphysique la plus creuse. Même le renoncement au mimétisme violent ne peut pas se répandre sans se transformer en mécanisme social, en mimétisme aveugle. Il y a une lapidation à l’envers symétrique de la lapidation à l’endroit non dénuée de violence, elle aussi. C’est ce que montrent bien les parodies de notre temps. Tous ceux qui auraient jeté des pierres s’il s’était trouvé quelqu’un pour jeter la première sont mimétiquement amenés à n’en pas jeter. Pour la plupart d’entre eux, la vraie raison de la non-violence n’est pas la dure réflexion sur soi, le renoncement à la violence : c’est le mimétisme, comme d’habitude. Il y a toujours emballement mimétique dans une direction ou dans une autre. En s’engouffrant dans la direction déjà choisie par les premiers, les « mimic men » se félicitent de leur esprit de décision et de liberté. Il ne faut pas se leurrer. Dans une société qui ne lapide plus les femmes adultères, beaucoup d’hommes n’ont pas vraiment changé. La violence est moindre, mieux dissimulée, mais structurellement identique à ce qu’elle a toujours été. Il n’y a pas sortie authentique du mimétisme, mais soumission mimétique à une culture qui prône cette sortie. Dans toute aventure sociale, quelle qu’en soit la nature, la part d’individualisme authentique est forcément minime mais pas inexistante. Il ne faut pas oublier surtout que le mimétisme qui épargne les victimes est infiniment supérieur objectivement, moralement, à celui qui les tue à coups de pierres. Il faut laisser les fausses équivalences à Nietzsche et aux esthétismes décadents. Le récit de la femme adultère nous fait voir que des comportements sociaux identiques dans leur forme et même jusqu’à un certain point dans leur fond, puisqu’ils sont tous mimétiques, peuvent néanmoins différer les uns des autres à l’infini. La part de mécanisme et de liberté qu’ils comportent est infiniment variable. Mais cette inépuisable diversité ne prouve rien en faveur du nihilisme cognitif ; elle ne prouve pas que les comportements sont incomparables et inconnaissables. Tout ce que nous avons besoin de connaître pour résister aux automatismes sociaux, aux contagions mimétiques galopantes, est accessible à la connaissance. René Girard
Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour. (…) Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50) (…) Livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité. (…) Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants. (…) En même temps, le devoir du chrétien est de dénoncer le péché là où il se trouve. Le communisme a pu s’effondrer sans violence parce que le monde libre et le monde communiste avaient accepté de ne plus remettre en cause les frontières existantes ; à l’intérieur de ces frontières, des millions de chrétiens ont combattu sans violence pour la vérité, pour que la lumière soit faite sur le mensonge et la violence des régimes qui asservissaient leurs pays. Encore une fois, face au danger de mimétisme universel de la violence, vous n’avez qu’une réponse possible : le christianisme. René Girard
Des neurones qui stimulent en même temps, sont des neurones qui se lient ensemble. Règle de Hebb (1949)
Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui ! C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences ! (…) Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur. (…) et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. De toutes ces applications du désir mimétique, j’en suis venu à la théorie plus globale d’une « psychologie mimétique » – qui trouve également une vérification dans la découverte des neurones miroirs et leur rôle dans l’apprentissage. Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne aussi, ainsi, la formation du moi. En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement. Nous sommes des « moi du désir ». Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas ! Seulement voilà : le temps psychologique fonctionnant à l’inverse de celui de l’horloge, le moi s’imagine être possesseur de son désir, et s’étonne de voir le désir de l’autre se porter sur le même objet que lui. Il y a là deux points nodaux, qui rendent la psychologie mimétique scientifique, en étant aussi constants et universels que la gravitation l’est en physique : la revendication du moi de la propriété de son désir et celle de son antériorité sur celui de l’autre. Et comme la gravitation, qui permet aussi bien de construire des maisons que de faire voler des avions, toutes les figures de psychologie – normale ou pathologique – ne sont que des façons pour le sujet de faire aboutir ces deux revendications. On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre. (…) Boris Cyrulnik explique (…) que – souvent par défaut d’éducation et pour n’avoir pas été suffisamment regardé lui-même – l’être humain peut ne pas avoir d’empathie. Les neurones miroirs ne se développent pas, ou ils ne fonctionnent pas, et cela donne ce que Cyrulnik appelle un pervers. Je ne sais pas si c’est vrai, ça mérite une longue réflexion. (…) Ce rôle de la pression sociale est extraordinairement bien expliqué dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littel. Il montre qu’en fait, ce sont des modèles qui rivalisent : révolté dans un premier temps par le traitement réservé aux prisonniers, le personnage principal, officier SS, finit par renoncer devant l’impossibilité de changer les choses. Ses neurones miroirs sont tellement imprégnés du modèle SS qu’il perd sa sensibilité aux influences de ses propres perceptions, et notamment à la pitié. Il y a lutte entre deux influences, et les neurones miroirs du régime SS l’emportent. La cruauté envers les prisonniers devient finalement une habitude justifiée. Plutôt qu’une absence ou carence des neurones miroirs, cela indique peut-être simplement la force du mimétisme de groupe. Impossible de rester assis quand la « ola » emporte la foule autour de vous lors d’un match de football – même si vous n’aimez pas le foot ! Parce que tous vos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. De même, les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des auditeurs ou spectateurs. Et c’est encore la suggestion qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon. Il semblerait normal que les neurones miroirs soient dotés, comme les autres, d’une certaine plasticité. Ils agissent en tout cas tout au long de la vie. Et la pression du groupe n’a pas besoin d’être totalitaire : dans nos sociétés, c’est de façon « spontanée » que tout le monde fait la même chose. Jean-Michel Oughourlian
You might be a rock ‘n’ roll addict prancing on the stage You might have drugs at your command, women in a cage But you’re gonna have to serve somebody Well, it may be the devil or it may be the Lord But you’re gonna have to serve somebody … Bob Dylan
Among devoted conservatives, 97 percent believe that political correctness is a problem. Among traditional liberals, 61 percent do. Progressive activists are the only group that strongly backs political correctness: Only 30 percent see it as a problem. So what does this group look like? Compared with the rest of the (nationally representative) polling sample, progressive activists are much more likely to be rich, highly educated—and white. They are nearly twice as likely as the average to make more than $100,000 a year. They are nearly three times as likely to have a postgraduate degree. And while 12 percent of the overall sample in the study is African American, only 3 percent of progressive activists are. With the exception of the small tribe of devoted conservatives, progressive activists are the most racially homogeneous group in the country. Yascha Mounk
Contrary to western mythology, black resistance to American apartheid did not come purely through Ghandi and nonviolence .… Rather, slave revolts and self-defense and tactics otherwise divergent from Dr. King or Gandhi were equally important to preserving safety and attaining freedom. If we are to operate in true solidarity with the Palestinian people, we must allow Palestinian people the same range of opportunity and political possibility.If we are standing in solidarity with the Palestinian people, we must recognize the right of an occupied people to defend itself. We must prioritize peace, but we must not romanticize or fetishize it. We must advocate and promote nonviolence at every opportunity, but cannot endorse a narrow politics of respectability that shames Palestinians for resisting, for refusing to do nothing in the face of state violence and ethnic cleansing. We have an opportunity to not just offer solidarity in words but to commit to political action, grassroots action, local action, and international action that will give us what justice requires. And that is a free Palestine from the river to the sea. Marc Lamont Hill
Nous devons donner au peuple palestinien le même éventail d’opportunités et de possibilités politiques. Si nous sommes solidaires du peuple palestinien, nous devons reconnaître le droit d’un peuple occupé à se défendre. Nous devons défendre et promouvoir la non-violence chaque fois que l’occasion se présente, mais nous ne pouvons souscrire à une politique étroite de respectabilité qui fait honte aux Palestiniens qui résistent, qui refusent de faire quoi que ce soit face à la violence étatique et au nettoyage ethnique. (…) Nous avons l’occasion non seulement d’offrir notre solidarité en paroles, mais aussi de nous engager dans l’action politique, l’action à la base, l’action locale et l’action internationale qui nous donneront ce que la justice exige, à savoir une Palestine libre du fleuve à la mer. Marc Lamont Hill
Cette phrase n’était pas un appel à détruire quoi que ce soit ou qui que ce soit (…) Dans mon discours, j’ai parlé de la nécessité de revenir aux frontières d’avant 1967, de donner tous les droits aux citoyens palestiniens d’Israël et d’autoriser le droit au retour. Il ne s’agit en aucun cas d’un appel à la destruction d’Israël. C’est absurde en soi. Je soutiens la liberté de la Palestine. Je soutiens l’auto-détermination de la Palestine. Je suis profondément critique de la politique et des pratiques d’Israël.  Je ne soutiens pas l’antisémitisme, l’assassinat de personnes juives, ou toutes les autres choses attribuées à mon discours. J’ai passé ma vie à combattre ces choses. Marc Lamont Hill
While social networking sites are powerful tools for building relationships, research has shown that certain social media features can adversely affect users. For instance, a study found that impersonal gestures such as the one-click ‘like’ communication may not promote user well-being. A particularly harmful byproduct of the ‘like’ button is found in the way social networking sites foster negative social comparisons. A review of research on the topic has found that social media use correlates with measurable increases in envy and depression. These feelings of envy can take two different forms: malicious envy and benign envy. Malicious envy involves resentment and a desire to harm the other person. Benign envy involves admiration and a desire to obtain what the other person possesses. One of the studies in the review involved 194 college-aged Facebook users in Germany. In this study, researchers found that ‘the closer the relationship, the more a Facebook user will experience benign envy.’ These digital showrooms allow people to present the best version of themselves for everyone else to see. Often, people use the number of likes to judge others and themselves. That little heart-shaped button becomes a publicly quantifiable measure of social support. According to this research, the ‘like’ button works as a ‘mechanism to compare oneself with others.’ The number of ‘likes,’ make social support quantifiable. It can then be easily viewed for making social comparisons. Daily Mail
Given that superheroes are an increasingly large and accessible part of our cultures, even if merely symbolically, we were interested in exploring their role in inspiring virtuous and meaningful lives. These experiments highlight how even the subtle activation of heroic constructs through visual images of superheroes may influence intentions to help as well as actual helping behaviour. Heroes loom large as exemplars of morality. They often embody virtues that we wish to express in our lives. If subtle images of heroes trigger such positive behaviors, their inspirational role may well have the potential to extend beyond the prosocial behaviors explored in this study. Jeffrey Green (Virginia Commonwealth University)
Being generous really does make people happier, according to research from an international team of experts. Neurons in an area of the brain associated with generosity activate neurons in the ventral striatum, which are associated with happiness, the study found. In the future, the team says it would be useful to explore the effects of real-life heroic figures as well, instead of just fictional superheroes. Different types of media, including talking or writing about a hero, may also influence a person’s prosocial inclinations. Daily Mail
Si Jésus ne parle jamais en termes d’interdits et toujours en termes de modèles et d’imitation, c’est parce qu’il tire jusqu’au bout la leçon du dixième commandement. Ce n’est pas par narcissisme qu’il nous recommande de l’imiter lui-même, c’est pour nous détourner des rivalités mimétiques. Sur quoi exactement l’imitation de Jésus-Christ doit-elle porter ? Ce ne peut pas être sur ses façons d’être ou ses habitudes personnelles : il n’est jamais question de cela dans les Evangiles. Jésus ne propose pas non plus une règle de vie ascétique au sens de Thomas a Kempis et de sa célèbre Imitation de Jésus-Christ, si admirable que soit cet ouvrage. Ce que Jésus nous invite à imiter c’est son propre désir, c’est l’élan qui le dirige lui, Jésus, vers le but qu’il s’est fixé : ressembler le plus possible à Dieu le Père. L’invitation à imiter le désir de Jésus peut sembler paradoxale car Jésus ne prétend pas posséder de désir propre, de désir « bien à lui ». Contrairement à ce que nous prétendons nous-mêmes, il ne prétend pas « être lui-même », il ne se flatte pas de « n’obéir qu’à son propre désir ». Son but est de devenir l’image parfaite de Dieu. Il consacre donc toutes ses forces à imiter ce Père. En nous invitant à l’imiter lui, il nous invite à imiter sa propre imitation. Loin d’être paradoxale, cette invitation est plus raisonnable que celle de nos gourous modernes. Ceux-ci nous invitent tous à faire le contraire de ce qu’ils font eux-mêmes, ou tout au moins prétendent faire. Chacun d’eux demande à ses disciples d’imiter en lui le grand homme qui n’imite personne. Jésus, tout au contraire, nous invite à faire ce qu’il fait lui-même, à devenir tout comme lui un imitateur de Dieu le Père. Pourquoi Jésus regarde-t-il le Père et lui-même comme les meilleurs modèles pour tous les hommes ? Parce que ni le Père ni le Fils ne désirent avidement, égoïstement. Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Il donne aux hommes sans compter, sans marquer entre eux la moindre différence. Il laisse les mauvaises herbes pousser avec les bonnes jusqu’au temps de la moisson. Si nous imitons le désintéressement divin, jamais le piège des rivalités mimétiques ne se refermera sur nous. C’est pourquoi Jésus dit aussi : « Demandez et l’on vous donnera… » Lorsque Jésus déclare que, loin d’abolir la Loi, il l’accomplit, il formule une conséquence logique de son enseignement. Le but de la Loi, c’est la paix entre les hommes. Jésus ne méprise jamais la Loi, même lorsqu’elle prend la forme des interdits. A la différence des penseurs modernes, il sait très bien que, pour empêcher les conflits, il faut commencer par les interdits. L’inconvénient des interdits, toutefois, c’est qu’ils ne jouent pas leur rôle de façon satisfaisante. Leur caractère surtout négatif, saint Paul l’a bien vu, chatouille en nous, forcément, la tendance mimétique à la transgression. La meilleure façon de prévenir la violence consiste non pas à interdire des objets, ou même le désir rivalitaire, comme fait le dixième commandement, mais à fournir aux hommes le modèle qui, au lieu de les entraîner dans les rivalités mimétiques, les en protégera. (…) Loin de surgir dans un univers exempt d’imitation, le commandement d’imiter Jésus s’adresse à des êtres pénétrés de mimétisme. Les non-chrétiens s’imaginent que, pour se convertir, il leur faudrait renoncer à une autonomie que tous les hommes possèdent naturellement, une autonomie dont Jésus voudrait les priver. En réalité, dès que nous imitons Jésus, nous nous découvrons imitateurs depuis toujours. Notre aspiration à l’autonomie nous agenouillait devant des êtres qui, même s’ils ne sont pas pires que nous, n’en sont pas moins de mauvais modèles en ceci que nous ne pouvons pas les imiter sans tomber avec eux dans le piège des rivalités inextricables. (…) Même si le mimétisme du désir humain est le grand responsable des violences qui nous accablent, il ne faut pas en conclure que le désir mimétique est mauvais. Si nos désirs n’étaient pas mimétiques, ils seraient à jamais fixés sur des objets prédéterminés, ils seraient une forme particulière d’instinct. Les hommes ne pourraient pas plus changer de désir que les vaches dans un pré. Sans désir mimétique il n’y aurait ni liberté ni humanité. Le désir mimétique est intrinsèquement bon. L’homme est cette créature qui a perdu une partie de son instinct animal pour accéder à ce qu’on appelle le désir. Une fois leurs besoins naturels assouvis, les hommes désirent intensément, mais ils ne savent pas exactement quoi car aucun instinct ne les guide. Ils n’ont pas de désir propre. Le propre du désir est de ne pas être propre. Pour désirer vraiment, nous devons recourir aux hommes qui nous entourent, nous devons leur emprunter leurs désirs. Cet emprunt se fait souvent sans que ni le prêteur ni l’emprunteur s’en aperçoivent. Ce n’est pas seulement leur désir qu’on emprunte à ceux qu’on prend pour modèles c’est une foule de comportements, d’attitudes, de savoirs, de préjugés, de préférences, etc., au sein desquels l’emprunt le plus lourd de conséquences, le désir, passe souvent inaperçu. La seule culture vraiment nôtre n’est pas celle où nous sommes nés, c’est la culture dont nous imitons les modèles à l’âge où notre puissance d’assimilation mimétique est la plus grande. Si leur désir n’était pas mimétique, si les enfants ne choisissaient pas pour modèles, forcément, les êtres humains qui les entourent, l’humanité n’aurait ni langage ni culture. Si le désir n’était pas mimétique, nous ne serions ouverts ni à l’humain ni au divin. C’est dans ce dernier domaine, nécessairement, que notre incertitude est la plus grande et notre besoin de modèles le plus intense. René Girard (Je vois Satan tomber comme l’éclair)

Après Harry Potter, devinez qui confirme René Girard ?

A l’heure où les apprentis-sorciers qui nous gouvernent …

N’ont de cesse de casser, au nom de l’ouverture à l’autre, tout ce qui nous restait de protections et de frontières …

Et pouvait encore nous retenir ensemble ou nous empêcher du moins de nous entre-tuer …

Où un universitaire américain et intervenant à CNN pousse la solidarité avec le peuple palestinien jusqu’à appeler en pleine session des Nations unies à rien de moins que la Solution finale

Et au moment où la science confirme, comme accélérateurs d’envie, les effets potentiellement délétères de nos médias sociaux

Voilà que l’on redécouvre, entre Superman et Spiderman, les vertus de la contemplation de ces nouvelles images pieuses et de ces nouvelles vies de saints …

Mais aussi comme l’avait magistralement théorisé le regretté René Girard

Cette nécessité proprement humaine où nous sommes …

De nous trouver des modèles qui ne se transforment pas en rivaux …

Seeing images of superheroes makes people more likely to help others in real life

Participants were exposed to images containing superheroes or neutral objects
They found people who saw superhero images were more likely to be prosocial
The effects applied to both intentions and their likelihood to help in tedious task
Cheyenne Macdonald
The Daily Mail
26 November 2018

Watching superhero movies just might help you become a better person.

A new study has found that exposure to superhero imagery, even in subtle forms, can inspire people to help others and engage in pro-social activities.

While the imagery wasn’t enough to reshape participants’ perception of their own purpose, the researchers found it did boost their helping intentions, which in turn caused some to feel their lives had more meaning.

Watching superhero movies just might help you become a better person. A new study has found that exposure to superhero imagery, even in subtle forms, can inspire people to help others and engage in pro-social activities. A still from the 2016 Superman film is pictured

‘Given that superheroes are an increasingly large and accessible part of our cultures, even if merely symbolically, we were interested in exploring their role in inspiring virtuous and meaningful lives,’ says Dr Jeffrey Green of the Virginia Commonwealth University.

‘Heroes come in many shapes and forms. Some are fictional and others are real-life role models.

‘We decided to study the effect of well-known fictional heroes, such as Superman or Spiderman, as people may tend to be more motivated to emulate behaviors where there is a little realism.’

More than 200 participants in the study were exposed to common household images which either contained superheroes or neutral objects, such as a bicycle.

Those who were primed with the superhero imagery reported they were more likely to partake in prosocial behaviors.

In a second experiment, participants were invited to actually help with a tedious experiment, rather than simply report their intentions.

And, the team found those who had been primed with a Superman poster were much more likely to help than those exposed to neutral imagery.

‘These experiments highlight how even the subtle activation of heroic constructs through visual images of superheroes may influence intentions to help as well as actual helping behaviour,’ Green says.

In the future, the team says it would be useful to explore the effects of real-life heroic figures as well, instead of just fictional superheroes.

Different types of media, including talking or writing about a hero, may also influence a person’s prosocial inclinations.

‘Heroes loom large as exemplars of morality,’ Green says.

‘They often embody virtues that we wish to express in our lives. If subtle images of heroes trigger such positive behaviors, their inspirational role may well have the potential to extend beyond the prosocial behaviors explored in this study.’

DOES GENEROSITY BRING HAPPINESS?

Being generous really does make people happier, according to research from an international team of experts.

Neurons in an area of the brain associated with generosity activate neurons in the ventral striatum, which are associated with happiness, the study found.

A group of 50 volunteers in Switzerland took part in a spending experiment, with each given 25 Swiss Francs (£20/$25) per week for four weeks.

As part of the experiment, participants performed an independent decision-making task, in which they could behave more or less generously while brain activity was measured using functional magnetic resonance imaging (fMRI).

They were asked to choose to give between three and 25 francs of their money as a present to a recipient different from those previously chosen.

The researchers found that participants who had committed to spending their endowment on others behaved more generously in the decision-making task.

They also discovered greater self-reported increases in happiness as compared to the control group.

The full results were published in the journal Nature Communications.

Voir aussi:

Why the like button should be banned: Researchers warn they lead to malicious envy and call for an ‘ethical overhaul’ of social media sites

The ‘like’ buttons on Facebook and Twitter are likely to cause malicious envy

Social media users use the ‘like’ button as a gauge of social support and when a post receives little recognition, it’s likely to heightens feelings of depression

People behind the platforms should be cognizant of how their design decisions – such as the like button – have real ‘ripple effects’ on society over time
A. Trevor Sutton
The Daily mail
27 November 2018

Jack Dorsey, Twitter’s founder and CEO, was recently reported to have questioned how the site ‘incentivizes people to want (the number of likes on their posts) to go up.’

He also said that ‘he was not a fan of the heart-shaped (‘like’) button and that Twitter would be getting rid of it ‘soon.’

Twitter has since released a statement indicating that there are no immediate plans to remove the ‘like’ button.

Whatever the future of Twitter’s ‘like’ button may be, as a scholar of social media and religion I’d argue that the cute little heart-shaped button on Twitter and Facebook is far more impactful than it appears.

Twitter is considering killing off the ‘like’ button on its platform. CEO Jack Dorsey has spoken out at length about how it may contribute to negative behavior on the site

WHY IS THE LIKE BUTTON EVIL? 

Many studies have shown that the ‘like button’ on social media platforms has tangible effects on users’ mental health, leading to negative social comparisons.

In particular, the like button has been found to increase envy and depression.

The like button fuels two types of envy: benign envy and malicious envy.

Benign envy mostly concerns us comparing ourselves to other people and feeling jealous, while malicious envy results in not just jealousy, but also the desire to harm someone.

Researchers found that ‘the closer the relationship, the more a Facebook user will experience benign envy.’

The ‘like’ button is not there by accident.

Instead, this one-click feature exists as an intentional design decision.

Like most big tech companies, Twitter has an entire department dedicated to understanding users.

Every feature and font, based on their research, is there to maximize the overall user experience.

The design decisions furtively influence users’ feelings and behaviors.

Chris Nodder, a user experience researcher and the author of ‘Evil by Design,’ explains how designers must always ask the question: ‘How do we influence behavior through the medium of software?’

In other words, design decisions are made not only to improve a users’ experience but also influence their behaviors.

The ‘like’ button is one example.

While the heart-shaped button is seemingly only for expressing appreciation for the content of a social media post, researchers have determined that people use the button for many other reasons.

A team of researchers, for example, found that users in the United States often chose to like something for bonding purposes rather than simply liking the content.

Another study of Facebook users found that the ‘like’ button is used to maintain relationships with existing friends or to develop new relationships.

A team of researchers, for example, found that users in the United States often chose to like something for bonding purposes rather than simply liking the content. A study of Facebook users found the ‘like’ button is used to maintain relationships or to develop new ones

IS TWITTER KILLING OFF THE LIKE BUTTON?

Twitter could soon kill off the ‘Like’ button.

The social media giant said it’s in the ‘early stages’ of considering whether or not to remove the like button, which appears as a heart icon, as part of an overall redesign of the platform.

It comes after CEO Jack Dorsey reportedly said that he would get rid of the heart-shaped button ‘soon.’

Some have noted that Twitter may get rid of the like button and, in its place, emphasize the ‘Bookmark’ feature rolled out earlier this year.

Twitter has gradually introduced new features to its platform while phasing out others, as it works to improve the ‘health’ of its platform.

The firm continues to face big concerns around the proliferation of hate speech, harassment and other toxic user behavior on the site.

People may use the ‘like’ button as a way to publicly show closeness to another person, or even as an effort toward dating someone.

The point being that the ‘like’ button does far more than just express how much a person likes a particular picture or post.

Research has also shown that the ‘like’ button is not entirely harmless.

While social networking sites are powerful tools for building relationships, research has shown that certain social media features can adversely affect users.

For instance, a study found that impersonal gestures such as the one-click ‘like’ communication may not promote user well-being.

According to Facebook researcher Moira Burke and Robert Kraut, an emeritus professor at Carnegie Mellon University, ‘simply reading about friends, receiving text communication from weak ties, and receiving one-click communication did not affect well-being.’

On the other hand, more personal and direct communication such as a direct message or personalized comment can have an impact on user well-being.

A particularly harmful byproduct of the ‘like’ button is found in the way social networking sites foster negative social comparisons.

A review of research on the topic has found that social media use correlates with measurable increases in envy and depression.

These feelings of envy can take two different forms: malicious envy and benign envy.

Malicious envy involves resentment and a desire to harm the other person. Benign envy involves admiration and a desire to obtain what the other person possesses.

A byproduct of the ‘like’ button is found in the way social networking sites foster negative comparisons. Research has found social media is linked with increases in envy and depression

HOW CAN SOCIAL MEDIA HARM USERS’ HEALTH?

Twitter isn’t the first social media giant to look into how its platform affects users’ health.

Facebook admitted in December that the site could be damaging to people’s health if used the wrong way.

The company recommended that people use Facebook in an active, rather than passive, way, by communicating with friends, instead of just scrolling through their fee

Facebook said it consulted with social psychologists, social scientists and sociologists to determine that the site can be good for users’ well-being if used the right way

By interacting with people when you use Facebook, it can improve your well-being, according to the company.

The report came after a former Facebook executive Chamath Palihapitiya said Facebook ‘destroyed how society works’.

Facebook went on to say that while there were some downsides to social media, that by and large it has the potential for benefits if it’s used correctly.

In January, Facebook also acknowledged that social media can harm democracy.

One of the studies in the review involved 194 college-aged Facebook users in Germany.

In this study, researchers found that ‘the closer the relationship, the more a Facebook user will experience benign envy.’

These digital showrooms allow people to present the best version of themselves for everyone else to see.

Often, people use the number of likes to judge others and themselves.

That little heart-shaped button becomes a publicly quantifiable measure of social support.

According to this research, the ‘like’ button works as a ‘mechanism to compare oneself with others.’

The number of ‘likes,’ make social support quantifiable. It can then be easily viewed for making social comparisons.

Given the impact of social networking sites on the feelings and behaviors of billions of users, I believe there needs to be an ethical component to designing these technologies.

As Twitter is busy ‘rethinking everything,’ the company would do well to think about how the platform is shaping the feelings and behaviors of its users.

Michigan Tech humanities scholar Robert Johnson, in his book, ‘User-Centered Technology,’ writes how technologies have ‘ripple effects’ that ‘shape culture in defining ways.’

The same argument is true for social networking sites.

As such, every design feature – even that little heart-shaped button – must be carefully scrutinized.

Voir enfin:

Americans Strongly Dislike PC Culture
Youth isn’t a good proxy for support of political correctness, and race isn’t either.
The Atlantic
October 10, 2018
Yascha Mounk

On social media, the country seems to divide into two neat camps: Call them the woke and the resentful. Team Resentment is manned—pun very much intended—by people who are predominantly old and almost exclusively white. Team Woke is young, likely to be female, and predominantly black, brown, or Asian (though white “allies” do their dutiful part). These teams are roughly equal in number, and they disagree most vehemently, as well as most routinely, about the catchall known as political correctness.

Reality is nothing like this. As scholars Stephen Hawkins, Daniel Yudkin, Miriam Juan-Torres, and Tim Dixon argue in a report published Wednesday, “Hidden Tribes: A Study of America’s Polarized Landscape,” most Americans don’t fit into either of these camps. They also share more common ground than the daily fights on social media might suggest—including a general aversion to PC culture.

The study was written by More in Common, an organization founded in memory of Jo Cox, the British MP who was murdered in the run-up to the Brexit referendum. It is based on a nationally representative poll with 8,000 respondents, 30 one-hour interviews, and six focus groups conducted from December 2017 to September 2018.

If you look at what Americans have to say on issues such as immigration, the extent of white privilege, and the prevalence of sexual harassment, the authors argue, seven distinct clusters emerge: progressive activists, traditional liberals, passive liberals, the politically disengaged, moderates, traditional conservatives, and devoted conservatives.

According to the report, 25 percent of Americans are traditional or devoted conservatives, and their views are far outside the American mainstream. Some 8 percent of Americans are progressive activists, and their views are even less typical. By contrast, the two-thirds of Americans who don’t belong to either extreme constitute an “exhausted majority.” Their members “share a sense of fatigue with our polarized national conversation, a willingness to be flexible in their political viewpoints, and a lack of voice in the national conversation.”

Most members of the “exhausted majority,” and then some, dislike political correctness. Among the general population, a full 80 percent believe that “political correctness is a problem in our country.” Even young people are uncomfortable with it, including 74 percent ages 24 to 29, and 79 percent under age 24. On this particular issue, the woke are in a clear minority across all ages.

Youth isn’t a good proxy for support of political correctness—and it turns out race isn’t, either.

Whites are ever so slightly less likely than average to believe that political correctness is a problem in the country: 79 percent of them share this sentiment. Instead, it is Asians (82 percent), Hispanics (87 percent), and American Indians (88 percent) who are most likely to oppose political correctness. As one 40-year-old American Indian in Oklahoma said in his focus group, according to the report:

It seems like everyday you wake up something has changed … Do you say Jew? Or Jewish? Is it a black guy? African-American? … You are on your toes because you never know what to say. So political correctness in that sense is scary.

The one part of the standard narrative that the data partially affirm is that African Americans are most likely to support political correctness. But the difference between them and other groups is much smaller than generally supposed: Three quarters of African Americans oppose political correctness. This means that they are only four percentage points less likely than whites, and only five percentage points less likely than the average, to believe that political correctness is a problem.

If age and race do not predict support for political correctness, what does? Income and education.

While 83 percent of respondents who make less than $50,000 dislike political correctness, just 70 percent of those who make more than $100,000 are skeptical about it. And while 87 percent who have never attended college think that political correctness has grown to be a problem, only 66 percent of those with a postgraduate degree share that sentiment.


Biographie de René Girard: Nul n’est prophète en son pays (Written on the subway walls and tenement halls: Who will finally listen as the signs multiply from fashion fads to mass shootings of Girard’s masterful rediscovery of the Biblical truth of mimetic desire and conflict ?)

29 octobre, 2018

KKK graffiti and swastika on Pittsburgh building
Nul n’est prophète en son pays. Jésus
En ce moment, apparurent les doigts d’une main d’homme et ils écrivirent, en face du chandelier, sur la chaux de la muraille du palais royal (…) [Et] Daniel (…) [ayant] un esprit supérieur, de la science et de l’intelligence, la faculté d’interpréter les songes, d’expliquer les énigmes et de résoudre les questions difficiles (…) répondit en présence du roi: (…) Compté, compté, pesé et divisé. Daniel 5: 5-25
S’ils se taisent, les pierres crieront! Jésus (Luc 19 : 40)
Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Jésus (Matthieu 11: 25)
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres: gardez-vous d’être troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin. Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre. Tout cela ne sera que le commencement des douleurs. Alors on vous livrera aux tourments, et l’on vous fera mourir; et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom. Jésus (Matthieu 24: 6-9)
Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre gloire, sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue, car, s’ils l’eussent connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. Paul (1 Corinthiens 2, 6-8)
Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ. Paul (Galates 3: 28)
L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers au poing, à descendre dans la rue et à tirer, au hasard, tant qu’on peut dans la foule. André Breton
Il faut avoir le courage de vouloir le mal et pour cela il faut commencer par rompre avec le comportement grossièrement humanitaire qui fait partie de l’héritage chrétien. (..) Nous sommes avec ceux qui tuent. Breton
Bien avant qu’un intellectuel nazi ait annoncé ‘quand j’entends le mot culture je sors mon revolver’, les poètes avaient proclamé leur dégoût pour cette saleté de culture et politiquement invité Barbares, Scythes, Nègres, Indiens, ô vous tous, à la piétiner. Hannah Arendt (1949)
Pourquoi l’avant-garde a-t-elle été fascinée par le meurtre et a fait des criminels ses héros , de Sade aux sœurs Papin, et de l’horreur ses délices, du supplice des Cent morceaux en Chine à l’apologie du crime rituel chez Bataille, alors que dans l’Ancien Monde, ces choses là étaient tenues en horreur? (…) Il en résulte que la fascination des surréalistes ne s’est jamais éteinte dans le petit milieu de l’ intelligentsia parisienne de mai 1968 au maoïsme des années 1970. De l’admiration de Michel Foucault pour ‘l’ermite de Neauphle-le-Château’ et pour la ‘révolution’ iranienne à… Jean Baudrillard et à son trouble devant les talibans, trois générations d’intellectuels ont été élevées au lait surréaliste. De là notre silence et notre embarras. Jean Clair
Nous avons offert des sacrifices humains à vos dieux du sport et de la télévision et ils ont répondu à nos prières. Terroriste palestinien (Jeux olympiques de Munich, 1972)
Que des cerveaux puissent réaliser quelque chose en un seul acte, dont nous en musique ne puissions même pas rêver, que des gens répètent comme des fous pendant dix années, totalement fanatiquement pour un seul concert, et puis meurent. C’est le plus grand acte artistique de tous les temps. Imaginez ce qui s’est produit là. Il y a des gens qui sont ainsi concentrés sur une exécution, et alors 5 000 personnes sont chassées dans l’Au-delà, en un seul moment. Ca, je ne pourrais le faire. A côté, nous ne sommes rien, nous les compositeurs… Imaginez ceci, que je puisse créer une oeuvre d’art maintenant et que vous tous soyez non seulement étonnés, mais que vous tombiez morts immédiatement, vous seriez morts et vous seriez nés à nouveau, parce que c’est tout simplement trop fou. Certains artistes essayent aussi de franchir les limites du possible ou de l’imaginable, pour nous réveiller, pour nous ouvrir un autre monde. Karlheinz Stockhausen (19.09. 01)
More ink equals more blood,  newspaper coverage of terrorist incidents leads directly to more attacks. It’s a macabre example of win-win in what economists call a « common-interest game. Both the media and terrorists benefit from terrorist incidents. Terrorists get free publicity for themselves and their cause. The media, meanwhile, make money « as reports of terror attacks increase newspaper sales and the number of television viewers. Bruno S. Frey et Dominic Rohner
Come writers and critics who prophesize with your pen and keep your eyes wide the chance won’t come again and don’t speak too soon for the wheel’s still in spin and there’s no tellin’ who that it’s namin’. For the loser now will be later to win for the times they are a-changin’… Robert Zimmerman
And the people bowed and prayed To the neon god they made And the sign flashed out its warning In the words that it was forming and the sign said, « The words of the prophets are written on the subway walls and tenement halls » And whispered in the sounds of silence … Paul Simon
I tried very hard not to be influenced by him, and that was hard. ‘The Sound Of Silence’, which I wrote when I was 21, I never would have written it were it not for Bob Dylan. Never, he was the first guy to come along in a serious way that wasn’t a teen language song. I saw him as a major guy whose work I didn’t want to imitate in the least. Paul Simon
From the terrible opening line, in which darkness is addressed as “my old friend,” the lyrics of “The Sounds of Silence” sound like a vicious parody of a pompous and pretentious mid-’60s folk singer. But it’s no joke: While a rock band twangs aimlessly in the middle distance, Simon & Garfunkel thunder away in voices that suggest they’re scowling and wagging their fingers as they sing. The overall experience is like being lectured on the meaning of life by a jumped-up freshman.  Worst Moment “Hear my words that I might teach you”: Officially the most self-important line in rock history! Blender magazine
Si l’expulsion de 1306 a pu faire l’objet d’une très discrète mention au titre de commémoration nationale en 2006, la présence juive dans la France médiévale est presque absente des synthèses historiques sur le Moyen Age. Du « Petit Lavisse » aux manuels scolaires des années 1980, le judaïsme médiéval n’appartient pas au « roman national », comme l’a montré l’historienne Suzanne Citron. (…) Les découvertes récentes signalent donc, comme par effraction, que les « archives du sol » recèlent les traces d’une histoire ignorée. La connaissance de la présence juive y gagne en profondeur : chaque site exhumé témoigne d’une terre où, au Moyen Age, les juifs ont vécu, produit, reçu, pensé, échangé mais aussi été persécutés et chassés. Laurence Sigal-Klagsbald et Paul Salmona
I think it’s just about the design. People may be aware of the English but they don’t know the deeper meaning or that it’s meant to be political. The word ‘Jesse’ is just cute. It’s nothing more serious than that. Korean trends mostly start in the country’s underground markets, where everything is on sale for about $10 and the quality isn’t so bad. Even foreign fast-fashion brands like Zara can be too expensive for Koreans, so teenage girls and 20-somethings tends to buy these cheaper underground brands. Han Yoo Ra
This truth of globalization is easier to see in these absurd examples, when something incongruous takes off, such as an old campaign T-shirt from a failed primary run. In this particular example, the “Jesse Jackson ’88” part of the T-shirt may have its origin in the annals of American history, but the shirt caught on because of its exalted position within the Korean casual fashion system. Jesse Jackson, or even America, has little to do with why Jesse Jackson ’88 campaign T-shirts are popular. Instead, it’s South Korea’s incredible cultural power that makes things cool in Asia — even American political nostalgia. Vox
Could it be that in these frighteningly uncertain times, a classic brand such as Levi’s feels reassuring? Historically, Levi’s was workwear. It stands for old-school tradition, but it also has ties with rebellion and counterculture; like Oreos and Oprah, it brings together both sides of the American political spectrum. It is cool without being pretentious, and widely available: John Lewis, Debenhams, Topman, Asos and Amazon all stock the classic Levi’s tee, as well as Levi’s shops themselves. It might also be that it serves as a substitute for the pricier/trendier Supreme box logo shirt, but at a pocket-patting £20. Advertising has probably played a part in its recent popularity, even if it feels as if this trend started on the street. In August last year, the company released Circles, an ad showing people from different cultures dancing, from Bhangra to hora, dabke to dancehall, with the tagline: “Men, women, young, old, rich, poor, straight, gay: let’s live how we dance.” With 22m views, it was one of the top 10 most-watched ads on YouTube in 2017. The Guardian
Mais pourquoi un tel succès pour un vêtement qui n’a rien de nouveau? Levi’s vend après tout des tee-shirts depuis des décennies. Une des raisons du succès pourrait être la prolifération qui s’auto-entraîne. Plus on en voit, plus on a envie d’en acheter. Un style vintage années 90, un prix relativement accessible pour un produit de marque alors qu’il faut compter minimum 80 euros pour un jean, et un mimétisme générationnel… Voilà quelques ingrédients de la recette miracle qui fait essaimer le tee-shirt Levi’s. Mais ce n’est peut-être pas le seul. Il semblerait en effet que Levi’s ait savamment orchestré ce buzz autour de la marque. Tout serait parti de trois photos postées par Kylie Jenner sur son compte Instagram en janvier 2016. La starlette américaine, d’ordinaire portée sur les tenues légères, y porte non pas un tee-shirt mais un simple jean vintage à l’étiquette rouge Levi’s bien mise en valeur. Trois simples photos, mais likées des millions des fois. « C’est ce qui a allumé le pétard, estime Laurent Thoumine, spécialiste de la mode chez Massive Details. Vu son nombre de followers (115 millions d’abonnés, l’un des plus gros comptes de la plateforme), ça a créé le buzz. » Et si Levi’s ne semble pas avoir rémunéré la starlette pour ce post, la marque a rapidement décidé de surfer sur le buzz. « Elle a commencé à demander à des influenceurs de poser avec le tee-shirt, très vite après le post de Kylie », explique Laurent Thoumine. Effectivement, si on remonte les posts Instagram qui sont légendées avec le hashtag #Levisshirt, on remarque que certains portent la mention « post sponsorisé » (« Werbung », en allemand, ci-dessous). Autrement dit, Levi’s a payé des influenceurs pour qu’ils portent son tee-shirt. Et pas n’importe lesquels: des « micro-influenceurs ». Plutôt que de miser sur des comptes au plus grand nombre d’abonnés possible, Levi’s s’est associé à des Instagrameurs qui comptent quelques centaines à quelques milliers d’abonnés. Ainsi, « la marque a capitalisé sur des personnes qui ont une réelle proximité avec leurs followers, donc une réelle influence sur eux », explique David Dubois, professeur de marketing à l’Insead. D’autant plus efficace que, avec le même budget que pour un seul post sponsorisé d’une star du réseau, « Levi’s a pu s’offrir des dizaines de milliers de posts », ajoute le spécialiste des campagnes sur les réseaux sociaux. Dans la foulée, la marque a lancé une nouvelle vidéo publicitaire à l’été 2017. Un carton: la pub qui met en scène des danseurs de tous horizons qui se déhanchent sur la chanson Makeba de la française Jain, a été vue plus de 25 millions de fois sur YouTube. Le tee-shirt Levi’s y fait une brève apparition mais le succès de la vidéo suffit à donner un lustre « cool » à la marque auprès des millenials. Et à mesure que les ventes de tee-shirts explosent, les contrefaçons ont rapidement fait leur apparition. Rien de plus facile à copier. Un tee-shirt blanc, un logo Levi’s et vous pouvez inonder le marché. « Une large proportion de ces tee-shirts sont des faux », assurent des spécialistes d’Accenture. Et leurs acheteurs, loin d’être dupes, seraient même séduits à l’idée de porter du logo faux. « Ils font écho à une sous culture du tee-shirt de marché portés sous une veste de marque lancée par des trend-setters comme les rappeurs PNL ou The Blaze », précise le consultant. Si c’est un manque à gagner pour Levi’s, la marque apprécie aussi d’avoir enfin réussi à séduire cette nouvelle génération. Au sommet à la fin des années 90 avec 7,1 milliards de dollars de ventes en 1996, la marque a été boudée par les jeunes de la génération suivante, ceux du début des années 2000. Cette « génération perdue » qui lui a préféré les jeans moins chers du japonais Uniqlo ou ceux de H&M a fait plonger Levi’s. En 2009, le chiffre d’affaires de la marque américaine avait fondu de plus de 40% par rapport au pic des années 90 à 4,1 milliards de dollars. Et si les ventes s’étaient stabilisées depuis, elles ont enfin bondi à 4,9 milliards de dollars en 2017, la plus forte croissance du groupe depuis 10 ans. Et avec des ventes attendues en hausse de 20% en 2018, vous n’êtes sans doute pas prêts d’arrêter d’en voir, des tee-shirts Levi’s. BFMtv
Dans un groupe de n individus, la tendance observée par l’individu numéro i à l’instant t dépend du poids de l’influence de chacun des autres membres du groupe sur lui (ce sont les Jij), mais également du type de hipsters présents (ils peuvent être plus ou moins modérés, ce qu’expriment les vecteurs sj) et du temps mis par le hipster i avant de réaliser que chacun des hipsters qui l’entoure est en train de commencer à lui ressembler sur tel ou tel point. La principale conclusion de l’étude est la suivante: seul le hipster qui parviendra à lire dans les pensées des autres hipsters afin d’avoir toujours un coup d’avance parviendra réellement à se démarquer. Les autres sont condamnés à rester les moutons qu’ils rêvent de ne pas être, allant tous dans la même direction à force de vouloir être uniques. Ce modèle mathématique complexe, Jonathan Touboul propose de le transposer au monde de la finance, arguant qu’un bon trader est un trader qui anticipe à la vitesse de la lumière, tandis que ses congénères plus lents prennent tous la même décision géniale au même moment, ce qui a pour effet de désamorcer les résultats de leur démarche. Pour finir, il imagine également un univers composé de hipsters et de non hipsters à parts égales: d’après son modèle, dans ce petit monde, chaque individu irait tour à tour et aléatoirement vers chaque tendance. Autrement dit, chaque sujet basculerait alternativement du mainstream au non-mainstream comme une boule de flipper, condamnant le monde des hipsters à faire bientôt tilt. Slate
Many observers have expressed concern for the excessive attention given to mass shooters of today and the deadliest of yesteryear. CNN’s Anderson Cooper has campaigned against naming names of mass shooters, and 147 criminologists, sociologists, psychologists and other human-behavior experts recently signed on to an open letter urging the media not to identify mass shooters or display their photos. While I appreciate the concern for name and visual identification of mass shooters for fear of inspiring copycats as well as to avoid insult to the memory of those they slaughtered, names and faces are not the problem. It is the excessive detail — too much information — about the killers, their writings, and their backgrounds that unnecessarily humanizes them. We come to know more about them — their interests and their disappointments — than we do about our next door neighbors. Too often the line is crossed between news reporting and celebrity watch. At the same time, we focus far too much on records. We constantly are reminded that some shooting is the largest in a particular state over a given number of years, as if that really matters. Would the massacre be any less tragic if it didn’t exceed the death toll of some prior incident? Moreover, we are treated to published lists of the largest mass shootings in modern US history. For whatever purpose we maintain records, they are there to be broken and can challenge a bitter and suicidal assailant to outgun his violent role models. Although the spirited advocacy of students around the country regarding gun control is to be applauded, we need to keep some perspective about the risk. Slogans like, “I want to go to my graduation, not to my grave,” are powerful, yet hyperbolic. James Alan Fox (Northeastern University)
En 2014 à l’aube d’une crise économique les Nouveaux Pères Fondateurs prennent le pouvoir aux États-Unis. Le Dr May Updale propose alors une idée : une Purge. Durant une période de douze heures consécutives toute activité criminelle est permise. Au cours de cette nuit chacun peut ainsi évacuer ses émotions négatives en se vengeant ou plus simplement en s’adonnant à la violence gratuite. Pour le Dr Updale c’est le moyen idéal d’évacuer la violence et la haine et donc de résoudre le problème de la criminalité durant le reste de l’année. En 2017, les Nouveaux Pères Fondateurs décident de tester l’idée. Une Purge est lancée sur l’île de Staten Island à New York sur la base du volontariat. Les habitants de l’île qui accepteront de rester chez eux durant la nuit seront payés et ceux qui sortiront commettre des meurtres toucheront un bonus. Cependant l’expérience est un échec, alors que des petits groupes tuent, la plupart des participants font la fête et commettent de simples délits. Les Nouveaux Pères Fondateurs décident alors, afin de contrer cet échec, d’envoyer un commando sur place pour tuer et permettre à l’expérience d’être un succès. Peu à peu le projet échappe au Dr Updale et les véritables intentions des Nouveaux Pères Fondateurs se révèlent. Wikipedia
La menace a été prise au sérieux. Depuis plusieurs jours, un appel à « la purge » visant les policiers circule sur les réseaux sociaux. Ce week-end, cette incitation à s’attaquer aux forces de l’ordre a gagné l’Essonne. Sur la publication bourrée de fautes d’orthographe appelant à « la purge de Corbeil-Essonnes », les auteurs demandent « de s’habiller en noir, avec un masque si possible ». La suite du message est une description précise du mode opératoire : « toutes les armes sont autorisées, brûlez tout ce que vous voyez, les forces de l’ordre devront être attaquées au mortier, feux d’artifice, pétards, pierres ». (…) Ce message, décliné dans différents lieux, « dépasse largement l’Essonne, précise le directeur départemental de la sécurité publique de l’Essonne, Jean-François Papineau. Nous recevons une grande vigilance sur l’ensemble du territoire relevant de la compétence de la Police nationale. Le Parisien
Il ne faut pas dissimuler que les institutions démocratiques développent à un très haut niveau le sentiment de l’envie dans le coeur humain. Ce n’est point tant parce qu’elle offrent à chacun les moyens de s’égaler aux autres, mais parce que ces moyens défaillent sans cesse à ceux qui les emploient. Les institutions démocratiques réveillent et flattent la passion de l’égalité sans pouvoir jamais la satisfaire entièrement. Cette égalité complète s’échappe tous les jours des mains du peuples au moment où il croit la saisir, et fuit, comme dit Pascal, d’une fuite éternelle; le peuple s’échauffe à la recherche de ce bien d’autant plus précieux qu’il est assez proche pour être connu et assez loin pour ne pas être goûté. Tout ce qui le dépasse par quelque endroit lui paraît un obstacle à ses désirs, et il n’y a pas de supériorité si légitime dont la vue ne fatigue sas yeux. Tocqueville
Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté. Tocqueville
Les groupes n’aiment guère ceux qui vendent la mèche, surtout peut-être lorsque la transgression ou la trahison peut se réclamer de leurs valeurs les plus hautes. (…) L’apprenti sorcier qui prend le risque de s’intéresser à la sorcellerie indigène et à ses fétiches, au lieu d’aller chercher sous de lointains tropiques les charmes rassurants d’une magie exotique, doit s’attendre à voir se retourner contre lui la violence qu’il a déchaînée. Pierre Bourdieu
C’est une chose que Weber dit en passant dans son livre sur le judaïsme antique : on n’oublie toujours que le prophète sort du rang des prêtres ; le Grand Hérésiarque est un prophète qui va dire dans la rue ce qui se dit normalement dans l’univers des docteurs. Pierre Bourdieu
Des millions de Faisal Shahzad sont déstabilisés par un monde moderne qu’ils ne peuvent ni maîtriser ni rejeter. (…) Le jeune homme qui avait fait tous ses efforts pour acquérir la meilleure éducation que pouvait lui offrir l’Amérique avant de succomber à l’appel du jihad a fait place au plus atteint des schizophrènes. Les villes surpeuplées de l’Islam – de Karachi et Casablanca au Caire – et ces villes d’Europe et d’Amérique du Nord où la diaspora islamique est maintenant présente en force ont des multitudes incalculables d’hommes comme Faisal Shahzad. C’est une longue guerre crépusculaire, la lutte contre l’Islamisme radical. Nul vœu pieu, nulle stratégie de « gain des coeurs et des esprits », nulle grande campagne d’information n’en viendront facilement à bout. L’Amérique ne peut apaiser cette fureur accumulée. Ces hommes de nulle part – Shahzad Faisal, Malik Nidal Hasan, l’émir renégat né en Amérique Anwar Awlaki qui se terre actuellement au Yémen et ceux qui leur ressemblent – sont une race de combattants particulièrement dangereux dans ce nouveau genre de guerre. La modernité les attire et les ébranle à la fois. L’Amérique est tout en même temps l’objet de leurs rêves et le bouc émissaire sur lequel ils projettent leurs malignités les plus profondes. Fouad Ajami
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Dans les années 80, pour se détendre et s’enthousiasmer, beaucoup d’étudiants se plongent dans l’oeuvre très accessible de René Girard. Sa théorie du mimétisme et du bouc émissaire fonctionne en tout et pour tout. Elle repose du marxisme et du structuralisme, ces occidents compliqués. Son auteur vit aux Etats-Unis, enseigne à l’université John Hopkins, puis à Stanford. Il a un goût d’ailleurs, explique le monde simplement, à partir de la violence. (…) Girard est foudroyé par sa théorie. Il applique à tout ce Meccano contorsionniste: aux écrivains (Dostoïevski, Proust, Kafka, Shakespeare), aux sociétés primitives (La violence et le sacré, 1972), à la Bible (aujourd’hui), au monde. Il en parle même à propos de l’anorexie galopante aux Etats-Unis: «La consommation est si facile que l’anticonsommation devient très forte, manière mimétique de dissimuler le mimétisme.» Le mimétisme est partout, y compris dans son contraire, telle une lèpre dont il faut se débarrasser. Son penseur fait songer à Toinette qui, dans le Malade imaginaire, ne cesse de répéter à son patient à tout propos: «Le poumon, vous dis-je! Le poumon!» Le passe-partout fait merveille. Il ouvre les portes d’un monde injuste et compliqué en le simplifiant » et donne la solution: l’Evangile! Le Christ en croix, cet ultime bouc émissaire, met à nu par son innocence et ses paraboles le mécanisme mimétique dont il faut sortir » par l’amour. (…) depuis les Etats-Unis où il vit le plus souvent, où il s’est marié et dont il a la nationalité, Girard révèle bien la vérité, en prophète, dans un style clair et martial. Il est d’ailleurs catholique depuis 1959: sa théorie naissante a fait de lui son premier disciple, puis son apôtre. A 76 ans, il a gardé la stature ferme d’un bonhomme biblique et, apparemment, ses certitudes; mais ce vieux santon de Provence, très élégant et armé de formidables sourcils, fait preuve d’une grande humilité dans son discours. (…) Après la guerre, diplômé de l’Ecole des chartes, il part, un peu par hasard, enseigner pour les Etats-Unis. Il a 25 ans et n’a presque rien lu des grands auteurs qu’il doit enseigner dans le fin fond de l’Indiana: «Je n’avais que quelques heures d’avance sur mes étudiants.» Il est viré car il ne publie pas. Il rejoint une petite université dans un Sud encore faulknerien, d’avant le mouvement des droits civiques. Ses amis américains assurent que ce passage au pays de la Bible et du fusil a marqué sa théorie de la violence. A l’époque, il est sartrien, et achète des Pléiade à 8,5 dollars pièce. Il se fait sa culture tout seul, (…) Girard, exilé, lointain, longtemps ignoré par une France structuraliste en diable, aime bien rappeler son personnage d’égaré, de prophète extérieur. (…) Pendant vingt ans, comme un demi-inconnu. En 1972, il critique la pensée de Claude Lévi-Strauss. En retour, silence presque partout. Est-il, comme dans sa théorie, une sorte de bouc émissaire tué par le non-débat? C’est ce qu’on dit alors, et c’est en partie faux. Girard, en vérité, est une sorte d’ovni. Il n’a pas fait ses classes dans le sérail. Il est tombé en France comme un virus non programmé. On ne le rejette pas, mais on ne l’assimile pas. Les grands penseurs du temps ont flairé le chrétien. Ils sont moins hostiles qu’interdits (…) Le succès populaire ne vient, comme souvent en France, qu’avec la polémique. En 1982, grâce au savoir-faire de son éditeur, Des choses cachées depuis la fondation du monde fait enfin scandale dans la presse. On traite Girard de mégalomane, de naïf. C’est le succès. Est-il enfin bouc émissaire bruyant? Il s’en amuse encore. Il a vieilli. Il est grand-père, aujourd’hui. Il va et vient entre ces deux pays, de colloques en maisons. Il regarde le feuilleton Seinfeld, «très mauvaise valeur, mais de grand talent», commet quelques anglicismes. L’américanisation de la France le stupéfie, lui qui se sent «si français, pour avoir vécu à l’étranger». Il écrit très lentement, se dégoûte courtoisement de ses livres, qu’il n’arrive pas toujours à finir comme il l’aurait voulu. Il regrette un peu les voyages transatlantiques en paquebot, aime relire Du côté de chez Swann, parce que «le coeur est là, à Combray, biblique». Sa phrase préférée est d’ailleurs tirée de la Bible: «Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour tuer les prophètes!» C’est une phrase qui le fait rire et trembler, tant elle montre la vanité des hommes, «toujours persuadés de faire mieux que les générations précédentes». Or, toutes les bergeries de Girard regorgent de boucs émissaires; et, s’il prêche la fin de cet enfer par l’évangile, il pense aussi que sa théorie «confine au cynisme». C’est un désespéré plein d’espoir et d’orgueil: un chrétien, en somme, à l’ancienne manière. Le premier titre auquel il avait songé, pour son nouveau livre, était: «Mes paroles ne passeront pas.» Une parole de Dieu, encore: «Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.» Ni le diable ni Grasset n’en ont voulu. Vraiment trop penseur ex machina. Philippe Lançon
Je peux dire sans exagération que, pendant un demi-siècle, la seule institution française qui m’ait persuadé que je n’étais pas oublié en France, dans mon propre pays, en tant que chercheur et en tant que penseur, c’est l’Académie française. René Girard
Quand les riches s’habituent à leur richesse, la simple consommation ostentatoire perd de son attrait et les nouveaux riches se métamorphosent en anciens riches. Ils considèrent ce changement comme le summum du raffinement culturel et font de leur mieux pour le rendre aussi visible que la consommation qu’ils pratiquaient auparavant. C’est à ce moment-là qu’ils inventent la non-consommation ostentatoire, qui paraît, en surface, rompre avec l’attitude qu’elle supplante mais qui n’est, au fond, qu’une surenchère mimétique du même processus. Dans notre société la non-consommation ostentatoire est présente dans bien des domaines, dans l’habillement par exemple. Les jeans déchirés, le blouson trop large, le pantalon baggy, le refus de s’apprêter sont des formes de non-consommation ostentatoire. La lecture politiquement correcte de ce phénomène est que les jeunes gens riches se sentent coupables en raison de leur pouvoir d’achat supérieur ; ils désirent, si ce n’est être pauvres, du moins le paraitre. Cette interprétation est trop idéaliste. Le vrai but est une indifférence calculée à l’égard des vêtements, un rejet ostentatoire de l’ostentation. Le message est: « Je suis au-delà d’un certain type de consommation. Je cultive des plaisirs plus ésotériques que la foule. » S’abstenir volontairement de quelque chose, quoi que ce soit, est la démonstration ultime qu’on est supérieur à quelque chose et à ceux qui la convoitent. Plus nous sommes riches en fait, moins nous pouvons nous permettre de nous montrer grossièrement matérialistes car nous entrons dans une hiérarchie de jeux compétitifs qui deviennent toujours plus subtils à mesure que l’escalade progresse. A la fin, ce processus peut aboutir à un rejet total de la compétition, ce qui peut être, même si ce n’est pas toujours le cas, la plus intense des compétitions. (…) Ainsi, il existe des rivalités de renoncement plutôt que d’acquisition, de privation plutôt que de jouissance. (…) Dans toute société, la compétition peut assumer des formes paradoxales parce qu’elle peut contaminer les activités qui lui sont en principe les plus étrangères, en particulier le don. Dans le potlatch, comme dans notre société, la course au toujours moins peut se substituer à la course au toujours plus, et signifier en définitive la même chose. René Girard
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème ! René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
La soumission à l’Autre n’en est pas moins étroite lorsqu’elle prend des formes négatives. Le pantin n’est pas moins pantin lorsque les ficelles sont croisées. René Girard
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. Lorsque j’ai lu les premiers documents de Ben Laden, constaté ses allusions aux bombes américaines tombées sur le Japon, je me suis senti d’emblée à un niveau qui est au-delà de l’islam, celui de la planète entière. Sous l’étiquette de l’islam, on trouve une volonté de rallier et de mobiliser tout un tiers-monde de frustrés et de victimes dans leurs rapports de rivalité mimétique avec l’Occident. Mais les tours détruites occupaient autant d’étrangers que d’Américains. Et par leur efficacité, par la sophistication des moyens employés, par la connaissance qu’ils avaient des Etats-Unis, par leurs conditions d’entraînement, les auteurs des attentats n’étaient-ils pas un peu américains ? On est en plein mimétisme.Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme.  René Girard
By preaching against anorexia while keeping her own weight dangerously low, Isabelle Caro was telling her followers, « Take me as your guide, but don’t imitate me! » The paradox behind this type of mixed message was precisely diagnosed by Stanford’s René Girard, who names it the « mimetic double bind. » Since imitation is the sincerest form of flattery, anyone is happy to attract followers, but if they imitate too successfully, they soon become a threat to the very person they took as their model. No one likes to be beaten at their own game. Hence the contradictory message: « Do as I do… just don’t outdo me! » Imitation morphs imperceptibly into rivalry – this is Girard’s great insight, and he applies it brilliantly to competitive dieting. There’s no use searching for some mysterious, deep-seated psychological explanation, Girard writes: « The man in the street understands a truth that most specialists prefer not to confront. Our eating disorders are caused by our compulsive desire to lose weight. » We all want to lose weight because we know that’s what everyone else wants – and the more others succeed in shedding pounds, the more we feel the need to do so, too. Girard is not the first to highlight the imitative or mimetic dimension of eating disorders and their link to the fashion for being thin, but he emphasizes an aspect others miss: the built-in tendency to escalation that accompanies any fashion trend: « Everybody tries to outdo everybody else in the desired quality, here slenderness, and the weight regarded as most desirable in a young woman is bound to keep going down. » Mark Anspach
Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui ! (…) C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences ! (…) Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur. (…)  et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. (…) On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre. Pr Jean-Michel Oughourlian
“Evolution of Desire” is the portrait of a provocative and engaging figure who was not afraid of pursuing his own line of inquiry. His legacy is not so much a grand theory as it is a flexible interpretive framework with useful social, cultural and historical applications. At a time when religious fundamentalism, violent extremism and societal division dominates the headlines, Haven’s book is a call to revisit and reclaim one of the 20th century’s most important thinkers. Rhys Trante
René Girard, who died three years ago, was a French historian, literary critic, and philosopher of social science. His sprawling oeuvre might be called anthropological philosophy. His books make connections through theology, literary criticism, critical theory, anthropology, psychology, mythology, sociology, cultural studies, and philosophy. His core theory is that our human motivations are rooted in “mimetic desire”—a form of envy which is not simply desiring what another has, but also desiring to be like them. This competitive drive then sparks all other human conflict on both the micro- and macroscopic levels. He explained how mimetic desire leads us to blame others when our desire is frustrated, which then leads to blaming others and ultimately to the mechanism of scapegoating on the societal level, which forms the basis for ritual sacrifice. An accomplished academic, journalist, and author, Cynthia Haven was not only a colleague of Girard but also a close friend to him and his wife. Her biography is a warm, personal memoir while also providing an introduction to his thought and the historical context for the development of his ideas. (…)  Brought up in a conventional French Catholic home, by the time he was at university he had adopted the fashionable atheism of the day. Witnessing the treatment of the Jews and the scapegoating of French collaborators in the aftermath of the Second World War no doubt had an impact on the development of Girard’s thought. The academic vigor and enthusiasm in postwar United States provided the perfect setting for a philosopher and historian who was constantly thinking outside the boundaries of strict academic territories. He would come to interact with the avant-garde writers and philosophers of his day—Camus, Sartre, Foucault, Derrida—and yet rise above them and their frequent rivalries and needy egos. In a world of narrowing academia, in which professors knew more and more about less and less, Girard was one who transcended the blinkered biases, the bureaucratic boundaries, and artificially defined territories. As T.S. Eliot’s entire life’s work must be understood through the lens of his 1927 conversion to Christianity, so I believe Girard is also best understood through his profound reversion to his Catholic faith. (…) Girard’s own awakening began in the winter of 1958-59 as he was working on his book about the novel. (…) His intellectual awareness was combined later with a series of profound mystical experiences as he rode on the train from Baltimore to Bryn Mawr. (…) A bit later he had a health scare which pushed the intellectual and the subjective mystical experiences into a firm commitment to religion. (…) For those who like to spot little signs of a providential plan, it might be noted that René Girard (also called Noël) who was born on Christmas Day, dated his conversion to March 25—the feast of the Annunciation—traditionally the date for the beginning of God’s redemptive work in the world, and in medieval times the date for the celebration of the New Year. Girard’s conversion and subsequent practice of his Catholic faith was an act of great courage. His huge leonine profile with his contemplative gaze grants him a kind of heroic stature that reflects the heroism of his witness. As post-modern academia drifted further and further into Marxist ideologies, fashionable atheism, and nihilistic post-structuralism, Girard was able to put forward an intellectual explication for age-old Christian themes using a fresh vocabulary and perspective. (…) What Girard did was to provide a fresh synthesis and applications of old truths within non-religious disciplines. He also re-vivified the concept of sacrifice, explaining its underlying dynamic rather than simply writing it off as a barbaric superstition. In an age where atheism is all the rage and all religions (especially Catholicism) are suspect, Girard does a great service in refreshing the language of the tribe and giving the intellectual universe a way of seeing old truths in a new way and new truths through an old lens. As a result, his work has already been hugely influential in a range of disciplines, both academic and cultural. (…) Ms. Haven is not much of a name-dropper, but when she describes, for example, The Languages of Criticism and the Sciences of Man symposium held at John Hopkins in 1966, the pomposity of the whole affair is comedic. I sensed a touch of sarcasm as she reports the competing egos of famous French philosophers and the rivalry between intellectuals trying to see whose presentations can be the most incomprehensible, while they are also comparing notes on the luxury of their accommodations and the numbers of young women they are able to lure into philosophical discussions between the sheets. Dwight Longenecker
Girard’s mimetic theory— majestic in its simplicity, sweeping in its scope — has a way of gathering up stray anecdotes and incidents into its collective force, like a hurricane that swallows up every bit of moisture within range. Cynthia Haven’s Evolution of Desire offers the first of two long-awaited bibliographies of Girard (the other, which has the official sanction of the Girard family, is by Benoît Chantre). Rather than providing a biographer’s biography— full of footnotes, every stone overturned, weighty enough to ensure nobody else tries to write one — Haven has instead provided a portrait of sorts, bringing to life the Girard she came to know in the winter of his life. This is not to say that Evolution of Desire reads as a kind of “ last days and sayings ” of René Girard; Chantre has already provided that in Les derniers jours de René Girard (Grasset, 2016). Haven prefers the early Girard, providing remarkable insights into his childhood, and underscoring the importance of his birthplace, Avignon, for his intellectual development. Of his intellectual collaborators, Haven favors those from Girard’s first stint at Hopkins, rather than later figures. By doing so, she downplays the interactions between theological interlocutors like Raymund Schwager and James Alison, perhaps the most important current translator of mimetic theory into Christian theology. Schwager receives some attention, but Alison’s name does not grace the book. Even those familiar with the brazen and iconoclastic interdisciplinary style of Girard can forget what an autodidact he was. Girard’s training, both in France and in the United States, was in history. The École des Chartes formed students into librarians and archivists. From there Girard went to the United States, where his forgettable dissertation at the University of Indiana covered American opinions on France during the Second World War. When Girard came to literature in the 1950s and 60s, he did so as an outsider. And he continued this pattern of butting into adjacent fields, among them anthropology, ethnology, and eventually theology. Haven ’s recounting of Girard’s early years highlights the panache that would mark Girard. Whether as a prankster in school, or as the organizer of an exhibit that brought Picasso to Avignon in 1947 — this event initiated the world-renowned Avignon Festival — Girard displayed winning qualities before becoming an immortel in the Académie Française. For those who’ve tracked Girard for the past three decades, it is easy to start with Girard’s occupancy of the Hammond Chair at Stanford, beginning in 1981. Haven points out the importance of the earlier academic posts, especially his first stint at Johns Hopkins from 1957 – 68. There Girard made his reputation and also experienced a two-fold conversion, first with the help of great literature, and then through a cancer scare in 1959. During this period Girard published Deceit, Desire, and the Novel (1961) and rose to full professor, hardly an anticipated development given his failure to publish at Indiana. Girard enthusiasts know these details, mostly from his interview with James Williams at the end of The Girard Reader. Haven embellishes them through corroborating witnesses from these years. In perhaps the most enjoyable chapter, “The French Invasion,” she recalls Girard’s role in a monumental conference at Hopkins: “The Languages of Criticism and the Sciences of Man.” This event marked the American emergence of Derrida, and decisively shifted Johns Hopkins as well as many other departments toward post-structuralism, or postmodernism. Although Girard had helped organize the conference, it led indirectly to his departure for Buffalo, as he could not bring himself to accept what he understood to be the anti-realist impulse of postmodern theory, which would become all the rage in literature departments. In his first stint at Hopkins, Girard became Girard. He trained his first graduate students there, including Andrew McKenna and Eric Gans. Girard also found important companions in Baltimore, including Richard Macksey, described as “a legendary polymath” (84), and a rising Dante scholar, John Freccero. Girard’s former chair at Hopkins, Nathan Edelman, recalls, “I thought of him as fearless. He had a tremendous self- confidence, in the best sense […] He never felt threatened by people who had different ideas […] We were enthralled by him. We desperately wanted his approval” (85). These sentiments arose well before Girard became a pied piper to Christian intellectuals. The strongest personal accusation from these years was that Girard could overgeneralize and dismiss too easily. (…) During these years Girard also met Jean-Michel Oughourlian, the first of many collaborators who would help Girard develop his distinctive interview-book. (…) Things Hidden signaled Girard’s coming out as a Christian, nearly twenty years after re-conversion in 1959. North Americans have developed a domesticated portrait of Girard: an interesting and important intellectual in the thrall of certain theologians. Yet in France, where the intellectual appetite is greater, Girard made an impact difficult to fathom. Haven notes that Things Hidden sold 35,000 copies in the first six months, which put it #2 on French non-fiction lists at the time. Eventually it sold 100,000 copies. That type of volume puts its somewhere between Allan Bloom’s Closing of the American Mind in terms of immediate impact, and Charles Taylor’s A Secular Age or Alistair MacIntyre’s After Virtue, in terms of longevity. In France, if you had not read Things Hidden, you at least needed to fake it. Girard credited his publisher for the success, but Haven brings out Girard’s penchant for melding social critique with self-examination, which often produced the experience of realizing, while reading his books, that they were reading you. Haven describes Girard’s conversion and attends to his practice of Christianity, but does not make it the central thread of her biography. Although she relies on exchanges with friends of Girard, she pays less mind than some would to the encounter with Schwager, the Swiss Jesuit, despite the fact that their letters have recently been published and translated into English. Schwager first wrote Girard in 1974, and at that time saw what had only been a plan in Girard’s mind: the connection between the Bible and Girard’s theory of the sacred. When Schwager wrote Must There Be Scapegoats? , it actually appeared a few months prior to Things Hidden. As their letters make clear, despite a great debt to Girard, Schwager was an original thinker in his own right, and eventually helped Girard to change his mind about the relationship between sacrifice and Christianity. Haven credits Schwager with encouraging Girard’s desire to be theologically orthodox, although this had mixed results. By becoming a sort of defender of the Catholic faith, it “took him one large step farther away from fashionable intellectual circles and their feverish pursuit of novelty” (228). Haven also passes over The Scapegoat (1982), and I See Satan Fall Like Lightning (2001), which provide perhaps the richest sources for understanding Girard as a Christian thinker. This decision is somewhat remedied by Haven’s attention to Girard’s final major work, Battling to the End (2007). Haven was close to Girard at the time, and provides several first-hand anecdotes important for his readers. The pessimism and apocalyptic tone in the book really was Girard’s, and not Chantre’s. She also relays that Girard and Chantre had plans for an additional book on Paul. Although Battling to the End made a minor splash in the United States, it sold 20,000 copies in the first three months in France, was reviewed in all of the major newspapers, and was even cited by then-president Sarkozy. While Girard was in Paris, reporters waited outside his doorstep, whereas at Stanford, “Girard walked the campus virtually unnoticed and unrecognized” (254). Haven’s account focuses more on Girard than on the expansions of his influence. For many Girardians, the story of Girard’s intellectual journey should culminate in the Colloquium on Violence & Religion, founded in 1990 with Girard’s blessing, and faithfully attended by Girard until ill-health prevented him. The Colloquium continues to draw between one and two hundred attendees to its annual meeting. Although not all attendees are theologians or Christians, the attendees who work in literature tend to study figures like Tolkien, and many of the invited plenary speakers are major theologians or Christian intellectuals like Jean-Luc Marion or Charles Taylor. It will take some recalibration for these kinds of readers to understand that Girard’s interests cannot simply be distilled into a Christian apologetic, however subtly one might want to apply that term to Girard. Still, those invested in carrying on Girard’s legacy should welcome a book that traces Girard’s appeal so broadly. (…) The man claimed on more than one occasion that his theory sought to give Christianity and Christian theologians the anthropology that it deserved. Haven has provided a warm and magnanimous biography that Girard most certainly deserves. Grant Kaplan
On the occasion of the induction of the Franco-American intellectual René Girard (1923–2015) into the Académie Française in Paris in 2005, Girard articulated an abhorrence of what he called the modern descent into “the anti-Christian nihilism that has spread everywhere in our time.” One might well say that over a 60-year period, after his arrival from France as a graduate student at Indiana University in 1947, the literary critic and eventual anthropologist Girard found himself increasingly exposing, analyzing, and challenging this nihilism, and in fact progressively purging its residual effects in himself as a legatee of the histrionic, skeptical French literary-cultural tradition since the mid 18th century, deplored in the mid 19th century by Alexis de Tocqueville, one of whose chief facets Girard characterized as “decadent aestheticism.” Cynthia L. Haven’s outstanding new biographical and critical study, Evolution of Desire: A Life of René Girard, is a brilliant survey of his life and thought, but also a document of high importance for understanding what has happened to the conception and teaching of the humanities in the United States and elsewhere since the 1960s, and why Lionel Trilling was right to worry about “the uncertain future of humanistic education,” the title of a 1975 essay. (…) Girard in Mensonge romantique grants that competitive envy is the very social-psychological motor that drives “enlightened,” atheistic modern personal and social life. “At the heart of the book,” Cynthia Haven writes, “is our endless imitation of each other. Imitation is inescapable.” And she continues: “When it comes to metaphysical desire — which Girard describes as desires beyond simple needs and appetites — what we imitate is vital, and why.” We are inevitably afflicted with “mimetic desires,” first of parents and siblings, then of peers, rivals, and chosen role models, and these desires endlessly drive and agitate us, consciously and unconsciously, causing anxiety and “ontological sickness.” (…) Girard’s argument is that Rousseau’s ideal of completely autonomous personal authenticity, with its explosive social-political effects, is an initially alluring but ultimately and utterly false Narcissistic idol. Our free will is always (and always has been) constrained and conditioned, though not necessarily determined, by the very facts of human childhood, parenting, and linguistic, cognitive, conceptual, and cultural development (…) In 1958–59, before and while writing the “Romantic falsehood” volume, Girard went through internal, personal experiences corresponding to the implications of his own analysis of the “canker vice, envy,” and they amounted to an unexpected Christian conversion, about which Haven writes very well. Still nominally very much part of an atheistic, anti-foundational, French academic avant-garde in the United States, and now increasingly prominent in his position at Johns Hopkins, Girard was even one of the chief organizers of “The Languages of Criticism and the Sciences of Man,” the enormously influential conference, in Baltimore in October 1966, that brought to America from France skeptical celebrity intellectuals including Jacques Lacan, Lucien Goldmann, Roland Barthes, and, most consequentially, the most agile of Nietzschean nihilists, Jacques Derrida, still obscure in 1966 (and always bamboozlingly obscurantist) but propelled to fame by the conference and his subsequent literary productivity and travels in America: another glamorous, revolutionary “Citizen Genet,” like the original Jacobin visitor of 1793–94. After this standing-room-only conference, Derrida and “deconstructionism,” left-wing Nietzscheanism in the high French intellectual mode, took America by storm, which is perhaps the crucial story in the subsequent unintelligibility, decline, and fall of the humanities in American universities, in terms both of enrollments and of course content. The long-term effect can be illustrated in declining enrollments: at Stanford, for example, in 2014 alone “humanities majors plummeted from 20 percent to 7 percent,” according to Ms. Haven. The Anglo-American liberal-humanistic curricular and didactic tradition of Matthew Arnold (defending “the old but true Socratic thesis of the interdependence of knowledge and virtue”), Columbia’s Arnoldian John Erskine (“The Moral Obligation to Be Intelligent,” 1913), Chicago’s R. M. Hutchins and Mortimer Adler (the “Great Books”), and English figures such as Basil Willey (e.g., The English Moralists, 1964) and F. R. Leavis (e.g., The Living Principle: “English” as a Discipline of Thought, 1975) at Cambridge, and their successor there and at Boston University, Sir Christopher Ricks, was rapidly mocked, demoted, and defenestrated, with Stanford students eventually shouting, “Hey, hey, ho, ho! / Western civ has got to go!” The fundamental paradox of a relativistic but left-wing, Francophile Nietzscheanism married to a moralistic neo-Marxist analysis of cultural traditions and power structures — insane conjunction! — is now the very “gas we breathe” on university campuses throughout the West (…). Girard quietly repented his role in introducing what he later called “the French plague” to the United States, with Derrida, Foucault, and Paul DeMan exalting ludicrous irrationalism to spectacular new heights. His own efforts turned increasingly to anthropology and religious studies. Rousseau, Romantic primitivism, Nietzsche, and French aestheticism, diabolism (“flowers of evil”), and atheistic existentialism — Sade, Baudelaire, Gide, Sartre, Jean Genet, Foucault, Derrida, de Man, Bataille — had drowned the residually Christian, Platonist, Arnoldian liberal-humanistic tradition, which proved to be an unstable halfway house between religion and naturalism. Yet the repentant Girard resisted the deluge and critiqued it, initially from within (Stendhal, Flaubert, Proust), but increasingly relying on the longer and larger literary tradition, drawing particularly on Dante and Dostoyevsky as well as the Judaeo-Christian Scriptures. Like other close readers of Dostoyevsky, such as Berdyaev, Alexander Solzhenitsyn, other anti-Communist dissidents including Czesław Miłosz, Malcolm Muggeridge, and numerous Slavic scholars such as Joseph Frank, Girard came to see Dostoyevsky as the greatest social-psychological analyst of and antidote to the invidious “amour propre” and restless revolutionary resentments of modern life, themselves comprising and confirming an original sin of egotism and covetousness. Like Dostoyevsky, Girard became an increasingly orthodox Christian, seeing in the imitation of Christ the divinely appointed way out of the otherwise endless, invidious, simian hall-of-mirrors of “mimetic desires.” Girard argued that these competitive, comparative “mimetic desires” had geopolitical and not only personal and social effects, from the 18th century onward: siblings versus siblings, generations versus generations, nations versus nations (e.g., French versus Germans, 1789–1945, about which he wrote poignantly at the end of his life), cultures versus cultures (Islam versus the West today). (…) At Girard’s induction into the Académie Française in Paris in 2005, his fellow French Academician (and friend and Stanford colleague) Michel Serres also spoke and passionately deplored the violent and perverse world of contemporary audiovisual media, representing and exulting in human degradation “and multiplying it with a frenzy such that these repetitions return our culture to melancholic barbarism” and cause “huge” cultural “regression.” Rousseau’s idyllic Romantic dream has been transmogrified into Nietzsche’s exultant criminal vision of a world “beyond good and evil.” (…) Despite his enormous general audience and success in France, and the amazingly successful, disintegrative, Franco-Nietzschean “deconstructionist” invasion of American and British universities, publishing houses, and elite mentalities, he “marveled at the stability of the United States and its institutions,” Girard’s biographer tells. Let us hope Girard is right. Another Franco-American immigrant-intellectual of great integrity, intelligence, and influence, Jacques Barzun (1907–2012), wrote in his magisterial final work of cultural history, From Dawn to Decadence (2000), that modernism is “at once the mirror of disintegration and an incitement to extending it.” Cynthia Haven’s fine book on Girard is both brilliant cultural criticism and exquisite intellectual history, and an edifying biographical and ethical tale, providing a philosophical vision of a world beyond monkey-like mimicries and manias that demoralize, dispirit, and dehumanize the contemporary human person. It deserves wide notice and careful reading in a time of massive and pervasive attention-deficit disorder. M. D. Aeschliman
René Girard (1923- 2015) (…) is now the subject of a comprehensive biography by Cynthia Haven called “Evolution of Desire.” The title is apt. A key concept in Girard’s philosophy is what he called “mimetic desire.” All desire, he argued, is imitation of another person’s desire. Mimetic desire gives rise to rivalries and violence and eventually to the scapegoating of individuals and groups—a process that unites the community against an outsider and temporarily restores peace. Girard believes that the scapegoat mechanism has been intrinsic to civilization from its beginning to our own time. (…) Ms. Haven calls mimetic desire the linchpin of Girard’s work, equivalent to Freud’s fixation on sexuality and Marx’s focus on economics. In her discussion of Girard’s 1972 book “Violence and the Sacred,” she traces a trajectory from desire to conflict and ultimately to the scapegoating of entire groups. Think of the lynching of African-Americans, the systematic extinction of Jews in Nazi Germany, the murder of Christians in Muslim countries, and the current animus toward immigrants in Europe and America. Ms. Haven credits the French psychiatrist Jean-Michel Oughourlian with bringing Girard’s mimetic ideas into the social sciences. (…) When Mr. Oughourlian and Girard finally met in Paris, they experienced a mutual sympathy that led to collaboration on “Things Hidden Since the Foundation of the World,” first published in French in 1978. The title, taken from the Gospel of Matthew, reflected Girard’s increasing concern with Christianity, which he saw as a source for ending history’s perpetual cycles of violence. (…) Even as Girard negotiated the politics of American academe and international rivalries, he drew strength from his Catholic faith. Ms. Haven sympathetically recounts his conversion experiences in 1958 and 1959. At a time when atheism was practically de rigueur among French intellectuals, Girard came out not only as a believer but also as a spokesman for what he called the “truths of Christianity.” Among them, nonviolence headed the list, for he believed that Jesus, unlike earlier scapegoats and sacrificial victims, offered a path to lasting peace. Ms. Haven adds her own eloquent words: “The way to break the cycle of violent imitation is a process of imitatio Christi, imitating Christ’s renunciation of violence. Turn the other cheek, love one’s enemies and pray for those who persecute you, even unto death.” This message is as radical today as it was 2,000 years ago. Marilyn Yalom

Qules signes sur les murs de nos métros et de nos HLM ?

A l’heure où du plus dérisoire et du plus futile ….

Cette soudaine omniprésence savamment orchestrée de tee-shirts à la gloire de Levi’s sur nos plages et dans nos rues cet été …

Ou ce brusque hommage inconscient à la campagne de 1988 du pasteur américain Jessie Jackson dans les rues des métropoles coréennes et asiatiques …

Au plus grave et au plus inquiétant …

Cette véritable semaine en enfer de nouvelles lettres piégées aux domiciles des puissants …

Ou ces nouvelles fusillade ou tentative de fusillade dans les lieux de culte des plus faibles dans les communautés noire ou juive …

Pendant que du côté de Hollywood après nos anciennes avant-gardes et avant peut-être la réalité elle-même, on joue à « purger » par la violence son propre quartier …

Et que pour réussir son suicide, le premier dépressif venu peut entrainer avec lui une centaine d’nconnus …

Sans compter, entre une « fake news » et une commande de nouvelles appelant à l’assassinat de leur propre président, nos pompiers-pyromanes des médias

Les signes, des murs de nos métros et HLM ou des vêtements ou comptes instagram de nos ados, sont littéralement partout …

Comme pouvait déjà nous le rappeler dès les années 60 le premier apprenti-prophète venu

Ou aujourd’hui encore les modélisations et formules mathématiques de nos savants …

Tant de l’incroyable capacité d’imitation et de mimétisme de notre espèce humaine …

Que, montée aux extrêmes et mondialisation obligent, des conséquences potentiellement dévastatrices que celle-ci peut aussi avoir …

Comment ne pas s’étonner …

Qu’il ait fallu trois ans pour que sorte – et aux Etats-Unis seuls – la première biographie …

De ce nouveau Tocqueville qui sa vie durant en avait si magistralement démonté les mécanismes

Et qui – péché capital des péchés capitaux – avait osé révéler les sources proprement bibliques de ses (re)découvertes ?

Mais comment surtout ne pas s’inquiéter …

Devant la colère qui gronde et qui monte des peuples irrémédiablement privés de leurs racines et de leurs identités …

De l’étrange cécité et surdité de nos dirigeants actuels

Enfermés dans leur proprement suicidaire fuite en avant mondialisatrice ?

‘Evolution of Desire’ Review: Who Was René Girard?

A comprehensive new biography on the life of a French intellectual of international prominence who crossed the boundaries of literature, history, psychology, sociology, anthropology and religion.

René Girard (1923- 2015) was inducted into the French Academy in 2005. Many of us felt this honor was long overdue, given his international prominence as a French intellectual whose works had crossed the boundaries of literature, history, psychology, sociology, anthropology and religion. Today his theories continue to be debated among “Girardians” on both sides of the Atlantic. He is now the subject of a comprehensive biography by Cynthia Haven called “Evolution of Desire.”

The title is apt. A key concept in Girard’s philosophy is what he called “mimetic desire.” All desire, he argued, is imitation of another person’s desire. Mimetic desire gives rise to rivalries and violence and eventually to the scapegoating of individuals and groups—a process that unites the community against an outsider and temporarily restores peace. Girard believes that the scapegoat mechanism has been intrinsic to civilization from its beginning to our own time.

My personal acquaintance with René Girard began in 1957, when I entered Johns Hopkins as a graduate student in comparative literature at the same time that he arrived as a professor in the department of Romance languages. With his thick dark hair and leonine head, he was an imposing figure whose brilliance intimidated us all. Yet he proved to be generous and tolerant, even when I announced that I was to have another child—my third in five years of marriage.

Whatever his private feelings about maternal obligations—he and his wife, Martha, had children roughly the same age as ours—he always showed respect for my perseverance in the dual role of mother and scholar. Under his direction, I managed to finish my doctorate in 1963 and commenced a career as a professor of French.

Evolution of Desire

By Cynthia L. Haven

Michigan State, 317 pages, $29.95

Fast forward to 1981, when Girard came to Stanford University. I had been a member of the Stanford community for two decades, first through my husband, then on my own as a director of the Center for Research on Women. On campus, Girard quickly became a hallowed presence, a status he maintained long after his official retirement.

Among the people drawn into his life at Stanford was Ms. Haven, who formed a close friendship with Girard that eventually inspired her to write “Evolution of Desire.” Having already written books on the Nobel Prize-winning poets Czeslaw Milosz and Joseph Brodsky, Ms. Haven is no stranger to the challenges of presenting a great man’s life and ideas to the public. Her carefully researched biography is a fitting tribute to her late friend and one that will enlighten both specialists and non-specialists alike.

Ms. Haven rightly advises readers unfamiliar with Girard’s work to begin by reading his 1961 opus “Deceit, Desire, and the Novel.” This book demonstrates how the “romantic lie” underlying the belief in an autonomous self is punctured by the “fictional truth” found in such writers as Cervantes, Stendhal, Flaubert, Dostoevsky and Proust. In their novels, the protagonist comes to realize that his dominating passion is what Girard alternately calls “mimetic,” “mediated” or “metaphysical.” The fictive hero’s mimetic desire leads to social conflict and personal despair until he renounces the romantic lie and seeks some form of self-transcendence. Readers of Proust may remember Swann’s ultimate reflection: “To think that I ruined years of my life . . . for a woman who wasn’t even my type.”

Ms. Haven calls mimetic desire the linchpin of Girard’s work, equivalent to Freud’s fixation on sexuality and Marx’s focus on economics. In her discussion of Girard’s 1972 book “Violence and the Sacred,” she traces a trajectory from desire to conflict and ultimately to the scapegoating of entire groups. Think of the lynching of African-Americans, the systematic extinction of Jews in Nazi Germany, the murder of Christians in Muslim countries, and the current animus toward immigrants in Europe and America.

Ms. Haven credits the French psychiatrist Jean-Michel Oughourlian with bringing Girard’s mimetic ideas into the social sciences. She relates the amusing story of how Mr. Oughourlian crossed the Atlantic impulsively in 1973 so as to find the author of “Violence and the Sacred” in New York. He was dismayed to discover that Girard was not in New York City but in far-away Buffalo at the State University of New York, where the former Hopkins professor of French had accepted a position in the English Department. When Mr. Oughourlian and Girard finally met in Paris, they experienced a mutual sympathy that led to collaboration on “Things Hidden Since the Foundation of the World,” first published in French in 1978. The title, taken from the Gospel of Matthew, reflected Girard’s increasing concern with Christianity, which he saw as a source for ending history’s perpetual cycles of violence.

Ms. Haven’s ability to interweave Girard’s life with his publications keeps her narrative flowing at a lively pace. For a man who woke every day at 3:30 a.m. and wrote until his professorial duties took over, it would be enough for any biographer to focus on his intellectual life, without linking his thoughts to a person ambulating in the world. Fortunately, Ms. Haven portrays Girard as he interacted with colleagues, students, friends and family.

The list of his close associates throughout his long career at Hopkins, Buffalo and Stanford is impressive. It includes such distinguished scholars and critics as John Freccero, Richard Macksey, Eugenio Donato, Jean-Pierre Dupuy, Michel Serres, Hans Gumbrecht and Robert Harrison. A complete list would run close to 40 or 50 men.

Yes, all men. I can’t refrain from noting the exclusively male nature of Girard’s intellectual network, as well as the predominance of men in competing movements, like structuralism and deconstructionism. The chapter Ms. Haven devotes to a major conference organized by Girard and his Hopkins associates in 1966 reads like an uproarious movie script featuring the oversize egos of the all-male cast, most notably the French psychoanalyst Jacques Lacan.

Even as Girard negotiated the politics of American academe and international rivalries, he drew strength from his Catholic faith. Ms. Haven sympathetically recounts his conversion experiences in 1958 and 1959. At a time when atheism was practically de rigueur among French intellectuals, Girard came out not only as a believer but also as a spokesman for what he called the “truths of Christianity.” Among them, nonviolence headed the list, for he believed that Jesus, unlike earlier scapegoats and sacrificial victims, offered a path to lasting peace. Ms. Haven adds her own eloquent words: “The way to break the cycle of violent imitation is a process of imitatio Christi, imitating Christ’s renunciation of violence. Turn the other cheek, love one’s enemies and pray for those who persecute you, even unto death.” This message is as radical today as it was 2,000 years ago.

Voir aussi:

Mimicry, Mania, and Memory: René Girard Remembered

In a new biography of the anthropologist and literary critic, we glimpse the personal experiences that corresponded to his analysis of competitive envy. Evolution of Desire: A Life of René Girard, by Cynthia L. Haven (Michigan State University Press, 346 pages, $29.95)

On the occasion of the induction of the Franco-American intellectual René Girard (1923–2015) into the Académie Française in Paris in 2005, Girard articulated an abhorrence of what he called the modern descent into “the anti-Christian nihilism that has spread everywhere in our time.” One might well say that over a 60-year period, after his arrival from France as a graduate student at Indiana University in 1947, the literary critic and eventual anthropologist Girard found himself increasingly exposing, analyzing, and challenging this nihilism, and in fact progressively purging its residual effects in himself as a legatee of the histrionic, skeptical French literary-cultural tradition since the mid 18th century, deplored in the mid 19th century by Alexis de Tocqueville, one of whose chief facets Girard characterized as “decadent aestheticism.”

Cynthia L. Haven’s outstanding new biographical and critical study, Evolution of Desire: A Life of René Girard, is a brilliant survey of his life and thought, but also a document of high importance for understanding what has happened to the conception and teaching of the humanities in the United States and elsewhere since the 1960s, and why Lionel Trilling was right to worry about “the uncertain future of humanistic education,” the title of a 1975 essay. Starting out as a literary critic writing mainly about the 19th-century novel, Girard developed into a wide-ranging cultural critic and anthropologist at Johns Hopkins (1957–68, 1976–80) and then at Stanford (1981–2015). His thinking has had a vast effect throughout the Western world on literary studies, anthropology, sociology, religious studies, theology, and even the writing of history, influencing numerous scholars in these fields, as well as novelists (Milan Kundera, J. M. Coetzee), and leading to associations and journals for the study and application of his thought. Evolution of Desire is itself a distinguished, judicious work of interdisciplinary cultural analysis and synthesis in the current of Girard.

Most of Girard’s books were published first in French in France, some of them best-sellers, leading ultimately to his election to the Académie Française. The first, Mensonge romantique et vérité romanesque (1961; with a pun on “roman,” which also means the novel) was translated into English and published as Deceit, Desire, and the Novel: Self and Other in Literary Structure (1965), and it introduced the theme, which he called “mimetic desire,” that would make Girard famous and influential in the world of the humanities.

The “romantic falsehood” of Girard’s title derives ultimately from Jean-Jacques Rousseau’s conception of personal authenticity, portrayed in his fiction, his autobiographical Confessions (1781), and especially in his tendentious, tiresome, heartlessly long and repetitive educational novel Emile (1762), perhaps the single most influential book on education published in the last 250 years. Rousseau argued that in the aboriginal state of nature (or in childhood itself) the human person had a necessary and good kind of self-love (amour de soi-même) but that in the formation of human societies (and adulthood itself) men fell into endless, anxious, comparative, competitive, invidious self-love (amour propre). Rousseau said that his main principle was that “nature makes man happy and good, but that society depraves him and renders him miserable.” Life in existing society is fallen, alienated, insincere, inevitably inauthentic; so too is modern adulthood. The revolutionary implications of this conception found their first political heroes in Robespierre and the Jacobins, and the first of their many explosive modern political outbursts came in the sanguinary French Revolution. Burke saw and said that Rousseau’s alluring concepts and words came first: The catastrophic French Revolution was their sequel.

Girard in Mensonge romantique grants that competitive envy is the very social-psychological motor that drives “enlightened,” atheistic modern personal and social life. “At the heart of the book,” Cynthia Haven writes, “is our endless imitation of each other. Imitation is inescapable.” And she continues: “When it comes to metaphysical desire — which Girard describes as desires beyond simple needs and appetites — what we imitate is vital, and why.” We are inevitably afflicted with “mimetic desires,” first of parents and siblings, then of peers, rivals, and chosen role models, and these desires endlessly drive and agitate us, consciously and unconsciously, causing anxiety and “ontological sickness.”

An example is given in a recent essay by Ross Douthat about Ivy League American education: “The eliter-than-elite kids . . . help create a provisional inside-the-Ivy hierarchy that lets all the other privileged kids, the ones who are merely upper-upper middle class, feel the spur of resentment and ambition that keeps us running, keeps us competing, keeps us sharp and awful in all the ways that meritocracy requires.” Tom Wolfe’s satirical college-campus novel I Am Charlotte Simmons (2004) illustrates these dismal, malignant dynamics in ways that must depress and even nauseate those of us who are professional educators, shocked by the accuracy of its representation of campus degradation, where facilities improve and character deteriorates.

Girard’s argument is that Rousseau’s ideal of completely autonomous personal authenticity, with its explosive social-political effects, is an initially alluring but ultimately and utterly false Narcissistic idol. Our free will is always (and always has been) constrained and conditioned, though not necessarily determined, by the very facts of human childhood, parenting, and linguistic, cognitive, conceptual, and cultural development (see my “Mother, Child, and Language” at NRO). There have always been powerful critics of Rousseau: from H. S. Gerdil (The Anti-Emile, 1763; English translation, 2011), Samuel Johnson, Burke, and Hamilton in Rousseau’s own time, to Irving Babbitt (Rousseau and Romanticism, 1919), Jacques Maritain, T. S. Eliot, and Lionel Trilling in the mid 20th century, and, more recently, E. D. Hirsch (see chapter 4 of The Schools We Need and Why We Don’t Have Them, 1996). They have argued persuasively against Rousseau’s anarchic, antinomian, seductive Romantic vision, and Cynthia Haven’s account of Girard’s thought and psychological-emotional development effectively and movingly extends and amplifies their critique.

In 1958–59, before and while writing the “Romantic falsehood” volume, Girard went through internal, personal experiences corresponding to the implications of his own analysis of the “canker vice, envy,” and they amounted to an unexpected Christian conversion, about which Haven writes very well. Still nominally very much part of an atheistic, anti-foundational, French academic avant-garde in the United States, and now increasingly prominent in his position at Johns Hopkins, Girard was even one of the chief organizers of “The Languages of Criticism and the Sciences of Man,” the enormously influential conference, in Baltimore in October 1966, that brought to America from France skeptical celebrity intellectuals including Jacques Lacan, Lucien Goldmann, Roland Barthes, and, most consequentially, the most agile of Nietzschean nihilists, Jacques Derrida, still obscure in 1966 (and always bamboozlingly obscurantist) but propelled to fame by the conference and his subsequent literary productivity and travels in America: another glamorous, revolutionary “Citizen Genet,” like the original Jacobin visitor of 1793–94.

After this standing-room-only conference, Derrida and “deconstructionism,” left-wing Nietzscheanism in the high French intellectual mode, took America by storm, which is perhaps the crucial story in the subsequent unintelligibility, decline, and fall of the humanities in American universities, in terms both of enrollments and of course content. The long-term effect can be illustrated in declining enrollments: at Stanford, for example, in 2014 alone “humanities majors plummeted from 20 percent to 7 percent,” according to Ms. Haven. The Anglo-American liberal-humanistic curricular and didactic tradition of Matthew Arnold (defending “the old but true Socratic thesis of the interdependence of knowledge and virtue”), Columbia’s Arnoldian John Erskine (“The Moral Obligation to Be Intelligent,” 1913), Chicago’s R. M. Hutchins and Mortimer Adler (the “Great Books”), and English figures such as Basil Willey (e.g., The English Moralists, 1964) and F. R. Leavis (e.g., The Living Principle: “English” as a Discipline of Thought, 1975) at Cambridge, and their successor there and at Boston University, Sir Christopher Ricks, was rapidly mocked, demoted, and defenestrated, with Stanford students eventually shouting, “Hey, hey, ho, ho! / Western civ has got to go!”

The fundamental paradox of a relativistic but left-wing, Francophile Nietzscheanism married to a moralistic neo-Marxist analysis of cultural traditions and power structures — insane conjunction! — is now the very “gas we breathe” on university campuses throughout the West (see my “Lincoln and Leo XIII against the Nietzscheans” at NRO).

Girard quietly repented his role in introducing what he later called “the French plague” to the United States, with Derrida, Foucault, and Paul DeMan exalting ludicrous irrationalism to spectacular new heights. His own efforts turned increasingly to anthropology and religious studies. Rousseau, Romantic primitivism, Nietzsche, and French aestheticism, diabolism (“flowers of evil”), and atheistic existentialism — Sade, Baudelaire, Gide, Sartre, Jean Genet, Foucault, Derrida, de Man, Bataille — had drowned the residually Christian, Platonist, Arnoldian liberal-humanistic tradition, which proved to be an unstable halfway house between religion and naturalism. Yet the repentant Girard resisted the deluge and critiqued it, initially from within (Stendhal, Flaubert, Proust), but increasingly relying on the longer and larger literary tradition, drawing particularly on Dante and Dostoyevsky as well as the Judaeo-Christian Scriptures. Like other close readers of Dostoyevsky, such as Berdyaev, Alexander Solzhenitsyn, other anti-Communist dissidents including Czesław Miłosz, Malcolm Muggeridge, and numerous Slavic scholars such as Joseph Frank, Girard came to see Dostoyevsky as the greatest social-psychological analyst of and antidote to the invidious “amour propre” and restless revolutionary resentments of modern life, themselves comprising and confirming an original sin of egotism and covetousness. Like Dostoyevsky, Girard became an increasingly orthodox Christian, seeing in the imitation of Christ the divinely appointed way out of the otherwise endless, invidious, simian hall-of-mirrors of “mimetic desires.”

Girard argued that these competitive, comparative “mimetic desires” had geopolitical and not only personal and social effects, from the 18th century onward: siblings versus siblings, generations versus generations, nations versus nations (e.g., French versus Germans, 1789–1945, about which he wrote poignantly at the end of his life), cultures versus cultures (Islam versus the West today). Girard’s later work, and that of his allies and disciples, has ranged widely over these issues and themes of rivalry, imitation, envy, and scapegoating, as Cynthia Haven shows.

At Girard’s induction into the Académie Française in Paris in 2005, his fellow French Academician (and friend and Stanford colleague) Michel Serres also spoke and passionately deplored the violent and perverse world of contemporary audiovisual media, representing and exulting in human degradation “and multiplying it with a frenzy such that these repetitions return our culture to melancholic barbarism” and cause “huge” cultural “regression.” Rousseau’s idyllic Romantic dream has been transmogrified into Nietzsche’s exultant criminal vision of a world “beyond good and evil.”

Girard’s long odyssey began with an idyllic childhood and youth (1923–42) in Avignon, in the beautiful lower Rhône valley of France, Christianized in the second century, location of the Palace of the Popes, where his anti-clerical father worked as an archivist. His mother was an unusually highly educated woman for that time and a devout Catholic who read her children Manzoni’s great providential novel The Betrothed. Wartime study in Paris during the German occupation, 1942–44, and then after the Liberation, 1944–47, preceded Girard’s emigration to the United States in 1947, and his happy and enduring marriage to the American Martha McCullough in 1951. His subsequent professional trajectory took him from Indiana to Duke (where segregation left him with a lasting impression of scapegoating evil), then to Bryn Mawr and Johns Hopkins, Buffalo, Johns Hopkins again, and then to Stanford and well-merited world eminence. Despite his enormous general audience and success in France, and the amazingly successful, disintegrative, Franco-Nietzschean “deconstructionist” invasion of American and British universities, publishing houses, and elite mentalities, he “marveled at the stability of the United States and its institutions,” Girard’s biographer tells. Let us hope Girard is right.

Another Franco-American immigrant-intellectual of great integrity, intelligence, and influence, Jacques Barzun (1907–2012), wrote in his magisterial final work of cultural history, From Dawn to Decadence (2000), that modernism is “at once the mirror of disintegration and an incitement to extending it.”

Cynthia Haven’s fine book on Girard is both brilliant cultural criticism and exquisite intellectual history, and an edifying biographical and ethical tale, providing a philosophical vision of a world beyond monkey-like mimicries and manias that demoralize, dispirit, and dehumanize the contemporary human person. It deserves wide notice and careful reading in a time of massive and pervasive attention-deficit disorder.

M. D. Aeschliman — M. D. Aeschliman is professor of Anglophone culture at the University of Italian Switzerland (Lugano), professor emeritus of education at Boston University, and the author of The Restitution of Man: C. S. Lewis and the Case against Scientism, forthcoming in French translation (Paris: Pierre Tèqui).Voir également:

‘Evolution of Desire,’ by Cynthia L. Haven

Cynthia L. Haven’s “Evolution of Desire: A Life of René Girard” is the first full-length biography of the acclaimed French thinker. Girard’s “mimetic theory” saw imitation at the heart of individual desire and motivation, accounting for the competition and violence that galvanize cultures and societies. “Girard claimed that mimetic desire is not only the way we love, it’s the reason we fight. Two hands that reach towards the same object will ultimately clench into fists.”Often a controversial figure, Girard trespassed into many different fields — he was, by turns, a literary critic, an anthropologist, a sociologist, a psychologist, a theologian and much else besides. Haven’s biography is the first book to contextualize Girard’s work within its proper historical, cultural and philosophical context. The book presumes no prior knowledge, and includes several useful primers of the texts that established his reputation: “Deceit, Desire, and the Novel” (1961), “Violence and the Sacred” (1972), “Things Hidden Since the Foundation of the World” (1978), and his study of Shakespeare, “A Theater of Envy” (1991). But it is the author’s closeness to the man once described as the new Darwin of the human sciences” that brings this fascinating biography to life. Haven was a friend of Girard’s until his death in 2015, and met with family members, friends and colleagues closest to him to prepare for the book. She recalls a calm and patient man who was generous with his time. “I came to his work through his kindness, generosity, and his personal friendship, not the other way around.”He lived with his wife, Martha, on the Stanford University campus, and followed a strict working routine: “Certainly his schedule would have made him at home in one of the more austere orders of monks. His working hours were systematic and adamantly maintained.” He began his day at his desk at roughly 3:30 in the morning, broke for a walk and relaxation sometime around noon, and spent his afternoons either continuing what he had begun that day or meeting his responsibilities to students.

One of the abiding questions that drives the book is how a man who appeared to lead such a quiet and ordered life was animated by some of the most troubling themes in human history.

Adopting the lively and accessible style of an investigative reporter, Haven looks to Girard’s formative experiences for an answer. The reader is along for the ride as she drives a rented Citroën through southern France, or pores over archival images and family photographs. Her research is rich in important and surprising details, and there are entertaining tidbits of juicy academic gossip along the way.

Evolution of Desire

A Life of René Girard

By Cynthia L. Haven

(Michigan State University Press; 317 pages; $29.95)

The biographer uncovers Girard’s early life as a talented but mischievous student in Avignon, his years in Nazi-occupied France (including a brush with near-death at the hands of the Gestapo), and his troubling experiences in the racially segregated American South. These careful excavations present Girard as a witness to some of the darkest chapters of the 20th century, and help to explain his interest in the figure of the scapegoat or forced sacrifice, where wider society becomes complicit in communal acts of violence.

In an academic world that favored detached skepticism, Girard’s private convictions and idiosyncratic approach contributed to his outsider image. Haven catalogs Girard’s unique intellectual engagement with a host of writers and philosophers, from Dostoevsky, Stendhal and Proust to Sartre, Camus and Derrida.

Yet there are also mystical and ambiguous influences at play. One of the highlights of the book is its treatment of Girard’s religious conversion on the Pennsylvania Railroad. These later directions in Girard’s life left their mark on his work: reading the Hebrew Bible and the New Testament, Girard observed within the texts a strong identification with the victims of the scapegoating mechanism, rather than with its perpetrators. For Girard, these representations of the scapegoat as innocent victim offer the potential to break the cycle of violence.

Girard received the honor of being inducted into the Académie Française in 2005, and his influence echoes through the work of writers and thinkers that include Milan Kundera, Roberto Calasso, Karen Armstrong, Simon Schama and Elif Batuman. Haven also identifies deep affinities between Girard’s key ideas and the work of Nobel laureate J.M. Coetzee, whose novels “Dusklands” and “Disgrace” bear strong marks of influence.

But while Girard continues to enjoy a strong and ardent following, Haven charts how his devotion to grand narratives stood against the prevailing fads and fashions of the 1960s and beyond: “Clearly, Girard is tenaciously loyal to a heritage that has been abandoned in the last century and a half: the grand récit — that is, a meta-narrative that offers a sweeping, teleological worldview.”

“Evolution of Desire” is the portrait of a provocative and engaging figure who was not afraid of pursuing his own line of inquiry. His legacy is not so much a grand theory as it is a flexible interpretive framework with useful social, cultural and historical applications. At a time when religious fundamentalism, violent extremism and societal division dominates the headlines, Haven’s book is a call to revisit and reclaim one of the 20th century’s most important thinkers.

Rhys Tranter is the author of “Beckett’s Late Stage: Trauma, Language, and Subjectivity.” His writing has appeared in the Times Literary Supplement.

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Evolution of Desire: A Life of René Girard

The Imaginative conservative

René Girard gave the intellectual universe a way of seeing old truths in a new way and new truths through an old lens. As a result, his work has already been hugely influential in a range of disciplines, both academic and cultural…

Evolution of Desire: A Life of René Girard by Cynthia L. Haven (346 pages, Michigan State University Press, 2018)

Around twenty years ago I was an oblate at Downside Abbey in England, and while there on retreat, the theologian Dom Sebastian Moore would knock on my door after Compline with a bottle of contraband whisky. It was supposed to be the great silence, but he was eager to talk theology and wanted especially to discuss a French thinker I had never heard of: René Girard.

Moore was one of the first theologians to interact with Girard’s thought, and only later did I move on with Dom Sebastian’s encouragement to read Girard’s work myself. The interface among literature, theology, and psychology was my cup of tea, and therefore it was with some anticipation that I asked for a review copy of Cynthia Haven’s new biography of Girard.

For those who are unfamiliar with René Girard and his work, a brief overview will set the stage: René Girard, who died three years ago, was a French historian, literary critic, and philosopher of social science. His sprawling oeuvre might be called anthropological philosophy. His books make connections through theology, literary criticism, critical theory, anthropology, psychology, mythology, sociology, cultural studies, and philosophy.

His core theory is that our human motivations are rooted in “mimetic desire”—a form of envy which is not simply desiring what another has, but also desiring to be like them. This competitive drive then sparks all other human conflict on both the micro- and macroscopic levels. He explained how mimetic desire leads us to blame others when our desire is frustrated, which then leads to blaming others and ultimately to the mechanism of scapegoating on the societal level, which forms the basis for ritual sacrifice.

An accomplished academic, journalist, and author, Cynthia Haven was not only a colleague of Girard but also a close friend to him and his wife. Her biography is a warm, personal memoir while also providing an introduction to his thought and the historical context for the development of his ideas.

René Girard’s second name “Noël” signals his birth on Christmas Day in 1923 in Avignon, France. His father was an archivist in the local museum, and his mother from a more upper- class family proud of having a martyr-saint in their ancestry.

In 1947, with a degree in medieval history, he went on a one-year fellowship to study at Indiana University. Although his subject was history, he took a post teaching French literature. He married and settled in the United States, holding posts at Duke, Bryn Mawr, John Hopkins, and New York State at Buffalo before concluding his academic career at Stanford. Girard’s academic breakthrough was with the book Deceit, Desire and the Novel, but his most influential works are Violence and the Sacred and Things Hidden Since the Foundation of the World.

Ms. Haven’s biography paints a portrait of a man who, from boyhood, was introspective, intellectual, and somewhat of a mystic. Brought up in a conventional French Catholic home, by the time he was at university he had adopted the fashionable atheism of the day. Witnessing the treatment of the Jews and the scapegoating of French collaborators in the aftermath of the Second World War no doubt had an impact on the development of Girard’s thought.

The academic vigor and enthusiasm in postwar United States provided the perfect setting for a philosopher and historian who was constantly thinking outside the boundaries of strict academic territories. He would come to interact with the avant-garde writers and philosophers of his day—Camus, Sartre, Foucault, Derrida—and yet rise above them and their frequent rivalries and needy egos. In a world of narrowing academia, in which professors knew more and more about less and less, Girard was one who transcended the blinkered biases, the bureaucratic boundaries, and artificially defined territories.

As T.S. Eliot’s entire life’s work must be understood through the lens of his 1927 conversion to Christianity, so I believe Girard is also best understood through his profound reversion to his Catholic faith. In commenting on the interaction between religious awakening and the work of literature, Girard wrote, “So the career of the great novelist is dependent upon a conversion, and even if it is not made completely explicit, there are symbolic allusions to it at the end of the novel. These allusions are at least implicitly religious.”

Girard’s own awakening began in the winter of 1958-59 as he was working on his book about the novel. He recounted later, “I was thinking about the analogies between religious experience and the experience of a novelist who discovers that he’s been consistently lying, lying for the benefit of his Ego, which in fact is made up of nothing but a thousand lies that have accumulated over a long period, sometimes built up over an entire lifetime.”

His intellectual awareness was combined later with a series of profound mystical experiences as he rode on the train from Baltimore to Bryn Mawr. “I remember quasi-mystical experiences on the train as I read, contemplated the scenery… The sights were little more than scrap iron and the vacant lots in an old industrial region, but my mental state transfigured everything, and on the way back, the slightest ray from the setting sun produced veritable ecstasies within me.” A bit later he had a health scare which pushed the intellectual and the subjective mystical experiences into a firm commitment to religion.

Ms. Haven recounts, “It was Lent. He was thirty-five years old. He had never been a practicing Catholic. ‘I will never forget that day. It was Holy Wednesday, the Wednesday before Easter.’ March 25, 1959. Everything was fine, completely benign, no return of the cancer… I felt that God liberated me just in time for me to have a real Easter experience, a death and resurrection experience.’”

For those who like to spot little signs of a providential plan, it might be noted that René Girard (also called Noël) who was born on Christmas Day, dated his conversion to March 25—the feast of the Annunciation—traditionally the date for the beginning of God’s redemptive work in the world, and in medieval times the date for the celebration of the New Year.

Girard’s conversion and subsequent practice of his Catholic faith was an act of great courage. His huge leonine profile with his contemplative gaze grants him a kind of heroic stature that reflects the heroism of his witness. As post-modern academia drifted further and further into Marxist ideologies, fashionable atheism, and nihilistic post-structuralism, Girard was able to put forward an intellectual explication for age-old Christian themes using a fresh vocabulary and perspective.

Ms. Haven’s biography is beautifully and sensitively written. It carries plenty of intellectual heft without being overly weighty and inaccessible. Her enthusiasm for Girard’s thought does leave some areas untouched, however. While his work is hailed in intellectual circles as being revolutionary, for theologians it is more a case of looking at old truths from a new angle.

The critic might point out that the concept of “mimetic desire” is simply good old-fashioned envy, and that theologians have explored the complications of that original sin already in many ways. Likewise, the relationship between sacrifice and the scapegoat is as old as Leviticus. What Girard did was to provide a fresh synthesis and applications of old truths within non-religious disciplines. He also re-vivified the concept of sacrifice, explaining its underlying dynamic rather than simply writing it off as a barbaric superstition.

In an age where atheism is all the rage and all religions (especially Catholicism) are suspect, Girard does a great service in refreshing the language of the tribe and giving the intellectual universe a way of seeing old truths in a new way and new truths through an old lens. As a result, his work has already been hugely influential in a range of disciplines, both academic and cultural.

A reviewer must grumble a little, and my only niggle was the somewhat humid atmosphere of the hoity-toity and the haute academe. Of course, Girard was a thinker—and a French one at that, but at times the lofty airs and intense and dense overthinking become a bit wearing.

Ms. Haven is not much of a name-dropper, but when she describes, for example, The Languages of Criticism and the Sciences of Man symposium held at John Hopkins in 1966, the pomposity of the whole affair is comedic. I sensed a touch of sarcasm as she reports the competing egos of famous French philosophers and the rivalry between intellectuals trying to see whose presentations can be the most incomprehensible, while they are also comparing notes on the luxury of their accommodations and the numbers of young women they are able to lure into philosophical discussions between the sheets.

For those who chuckle at the snooty name-dropping of what Flannery O’Conner called “them innerleckshuls,” here is a passage in which Ms. Haven quotes one of Girard’s colleagues, the Scotsman Lionel Gossman on a visit to John Hopkins:

I remember in particular Sir Nicholas Pevsner’s delight when I showed him the elegant industrial design of the Baltimore and Ohio Railroad’s round house and the silence that came over the poet Yves Bonnefoy as we stood before the modest grave of Edgar Allen Poe on which the famous verses of Mallarmé are inscribed.

To be fair, these famous names and “high-falutin’” footnotes provide a nice counterpoint to Girard’s seriousness and modesty. The rest of them may have been egotistical, competitive, and status-hungry, but Ms. Haven portrays Girard as a man whose gravity and intimidating demeanor was undergirded by a genuine modesty that was always ready with a warm welcome, a listening ear, and an engaged and interested mind. While those around him may have been climbing the academic ladder, seeking fame and fortune, Girard comes across as a sincere seeker and a master of wisdom.

Critics will say that his theory is incomplete, that he has not connected all the dots and that there are inconsistencies between his theory and orthodox Catholic theology. Ms. Haven points out that Girard never suggested that his work was “an answer to everything,” but that he was only planting seeds so that others might continue the work and bring more understandings of Truth to the harvest.

Voir de plus:

Review of Cynthia Haven’s Evolution of Desire: A Life of René Girard
Grant Kaplan

As a graduate student I remember asking one of my most respected mentors, Michael Buckley, about a rift between two larger-than-life professors at the University of Chicago: Leo Strauss and Richard McKeon —“Was the root of the dispute intellectual or personal?” My mentor responded, “In these matt ers it’s always personal.” Perhaps due to its sweeping nature, the statement stuck with me. Buckley was no Girardian, but neither was Shakespeare or Proust. Yet Girard’s mimetic theory— majestic in its simplicity, sweeping in its scope — has a way of gathering up stray anecdotes and incidents into its collective force, like a hurricane that swallows up every bit of moisture within range.

Cynthia Haven’s Evolution of Desire offers the first of two long-awaited bibliographies of Girard (the other, which has the official sanction of the Girard family, is by Benoît Chantre). Rather than providing a biographer’s biography— full of footnotes, every stone overturned, weighty enough to ensure nobody else tries to write one — Haven has instead provided a portrait of sorts, bringing to life the Girard she came to know in the winter of his life. This is not to say that Evolution of Desire reads as a kind of “ last days and sayings ” of René Girard; Chantre has already provided that in Les derniers jours de René Girard (Grasset, 2016). Haven prefers the early Girard, providing remarkable insights into his childhood, and underscoring the importance of his birthplace, Avignon, for his intellectual development. Of his intellectual collaborators, Haven favors those from Girard’s first stint at Hopkins, rather than later figures. By doing so, she downplays the interactions between theological interlocutors like Raymund Schwager and James Alison, perhaps the most important current translator of mimetic theory into Christian theology. Schwager receives some attention, but Alison’s name does not grace the book.

Even those familiar with the brazen and iconoclastic interdisciplinary style of Girard can forget what an autodidact he was. Girard’s training, both in France and in the United States, was in history. The École des Chartes formed students into librarians and archivists. From there Girard went to
the United States, where his forgettable dissertation at the University of Indiana covered American opinions on France during the Second World War. When Girard came to literature in the 1950s and 60s, he did so as an outsider. And he continued this pattern of butting into adjacent fields, among them anthropology, ethnology, and eventually theology. Haven ’s recounting of Girard’s early years highlights the panache that would mark Girard. Whether as a prankster in school, or as the organizer of an exhibit that brought Picasso to Avignon in 1947 — this event initiated the world-renowned Avignon Festival — Girard displayed winning qualities before becoming an immortel in the Académie Française.

For those who’ve tracked Girard for the past three decades, it is easy t o start with Girard’s occupancy of the Hammond Chair at Stanford, beginning in 1981. Haven points out the importance of the earlier academic posts, especially his first stint at Johns Hopkins from 1957 – 68. There Girard made his reputation and also experienced a two-fold conversion, first with the help of great literature, and then through a cancer scare in 1959. During this period Girard published Deceit, Desire, and the Novel (1961) and rose to full professor, hardly an anticipated development given his failure to publish at Indiana. Girard enthusiasts know these details, mostly from his interview with James Williams at the end of The Girard Reader. Haven embellishes them through corroborating witnesses from these years. In perhaps the most enjoyable chapter, “The French Invasion,” she recalls Girard’s role in a monumental conference at Hopkins: “The Languages of Criticism and the Sciences of Man.” This event marked the American emergence of Derrida, and decisively shifted Johns Hopkins as well as many other departments toward post-structuralism, or postmodernism. Although Girard had helped organize the conference, it led indirectly to his departure for Buffalo, as he could not bring himself to accept what he understood to be the anti-realist impulse of postmodern theory, which would become all the rage in literature departments
In his first stint at Hopkins, Girard became Girard. He trained his first graduate students there, including Andrew McKenna and Eric Gans. Girard also found important companions in Baltimore, including Richard Macksey, described as “a legendary polymath” (84), and a rising Dante scholar, John Freccero. Girard’s former chair at Hopkins, Nathan Edelman, recalls, “I thought of him as fearless. He had a tremendous self- confidence, in the best sense […] He never felt threatened by people who had different ideas […] We were enthralled by him. We desperately wanted his approval” (85). These sentiments arose well before Girard before he became a pied piper to Christian intellectuals. The strongest personal accusation from these years was that Girard could overgeneralize and dismiss too easily.

Most would consider a move from Hopkins to the State University of Buffalo, especially for a man from southern France, as a kind of exile. But Girard loved Buffalo, and it is where he wrote Violence and the Sacred and also where he laid the groundwork for Things Hidden Since the Foundation of the World . One colleague called Buffalo “the most interesting English department in the country” (149). During these years Girard also met Jean-Michel Oughourlian, the first of many collaborators who would help Girard develop his distinctive interview-book. After an initial false start, in which Oughourlian flew to New York on a whim and had no idea how to find Buffalo, the two eventually met in Paris. Oughourlian became perhaps Girard’s closest friend, and their collaboration continued when Girard returned to Hopkins in 1976. Oughourlian describes an idyllic exchange; not only did they work every day, from morning to evening, but, in his words, “I have never laughed so much during the preparation of Things Hidden , nor have I ever learned so much” (177). In this work Girard completed what he considered the unfinished account in Violence and the Sacred by bringing Biblical interpretation into conversation with his theory of archaic religion and sacrifice. Published eight years after the former book, Things Hidden signaled Girard’s coming out as a Christian, nearly twenty years after re-conversion in 1959.

North Americans have developed a domesticated portrait of Girard: an interesting and important intellectual in the thrall of certain theologians. Yet in France, where the intellectual appetite is greater, Girard made an impact difficult to fathom. Haven notes that Things Hidden sold 35,000 copies in the first six months, which put it #2 on French non-fiction lists at the time. Eventually it sold 100,000 copies. That type of volume puts its somewhere between Allan Bloom’s Closing of the American Mind in terms of immediate impact, and Charles Taylor’s A Secular Age or Alistair MacIntyre’s After Virtue, in terms of longevity. In France, if you had not read Things Hidden, you at least needed to fake it. Girard credited his publisher for the success, but Haven brings out Girard’s penchant for melding social critique with self-examination, which often produced the experience of realizing, while reading his books, that they were reading you.

Haven describes Girard’s conversion and attends to his practice of Christianity, but does not make it the central thread of her biography. Although she relies on exchanges with friends of Girard, she pays less mind than some would to the encounter with Schwager, the Swiss Jesuit, despite the fact that their letters have recently been published and translated into English. Schwager first wrote Girard in 1974, and at that time saw what had only been a plan in Girard’s mind: the connection between the Bible and Girard’s theory of the sacred. When Schwager wrote Must There Be Scapegoats? , it actually appeared a few months prior to Things Hidden. As their letters make clear, despite a great debt to Girard, Schwager was an original thinker in his own right, and eventually helped Girard to change his mind about the relationship between sacrifice and Christianity. Haven credits Schwager with encouraging Girard’s desire to be theologically orthodox, although this had mixed results. By becoming a sort of defender of the Catholic faith, it “took him one large step farther away from fashionable intellectual circles and their feverish pursuit of novelty” (228). Haven also passes over The Scapegoat (1982), and I See Satan Fall Like Lightning (2001), which provide perhaps the richest sources for understanding Girard as a Christian thinker.

This decision is somewhat remedied by Haven’s attention to Girard’s final major work, Battling to the End (2007). Haven was close to Girard at the time, and provides several first-hand anecdotes important for his readers. The pessimism and apocalyptic tone in the book really was Girard’s, and not Chantre’s. She also relays that Girard and Chantre had plans for an additional book on Paul. Although Battling to the End made a minor splash in the United States, it sold 20,000 copies in the first three months in France, was reviewed in all of the major newspapers, and was even cited by then-president Sarkosy. While Girard was in Paris, reporters waited outside his doorstep, whereas at St anford, “Girard walked the campus virtually unnoticed and unrecognized” (254).

Haven’s account focuses more on Girard than on the expansions of his influence. For many Girardians, the story of Girard’s intellectual journey should culminate in the Colloquium on Violence & Religion, founded in 1990 with Girard’s blessing, and faithfully attended by Girard until ill-health prevented him. The Colloquium continues to draw between one and two hundred attendees to its annual meeting. Although not all attendees are theologians or Christians, the attendees who work in literature tend to study figures like Tolkien, and many of the invited plenary speakers are major theologians or Christian intellectuals like Jean-Luc Marion or Charles Taylor. It will take some recalibration for these kinds of readers to understand that Girard’s interests cannot simply be distilled into a Christian apologetic, however subtly one might want to apply that term to Girard. Still, those invested in carrying on Girard’s lega cy should welcome a book that traces Girard’s appeal so broadly.

It would be hard to exaggerate the accessibility of Evolution of Desire. Anyone who writes or talks about Girard has to do the three-step dance: first, explaining how mimetic desire works for good and for ill; second, positing the invention of the scapegoat mechanism as the foundation for society; third, the emergence of biblical religion as the unveiling of the mythic cover up. Haven does this dance with remarkable deftness. In addition, her brief accounts of post-structuralism and other intellectual movements display almost Platonic distillation. It is also a personal book.

Haven talks about herself, at times frankly, and it sometimes reads as “ Girard As I Knew Him. ” These features do not detract in any way. As Haven portrays him, Girard was a man of decency and humility, who loved his wife and displayed almost none of the unattractive qualities that mark so many academics.

Anybody interested in Girard will want to read this work. The book is so readable , meant in the most complimentary sense, that one might even hope that it renews interest in Girard. The man claimed on more than one occasion that his theory sought to give Christianity and Christian theologians the anthropology that it deserved. Haven has provided a warm and magnanimous biography that Girard most certainly deserves.

Voir par encore:

René Girard, Church Father

Bishop Robert Barron
Word on fire
November 10, 2015

René Girard, one of the most influential Catholic philosophers in the world, died last week at the age of 91. Born in Avignon and a member of the illustrious Academie Francaise, Girard nevertheless made his academic reputation in the United States, as a professor at Indiana University, Johns Hopkins University, and Stanford University.

There are some thinkers that offer intriguing ideas and proposals, and there is a tiny handful of thinkers that manage to shake your world. Girard was in this second camp. In a series of books and articles, written across several decades, he proposed a social theory of extraordinary explanatory power. Drawing inspiration from some of the greatest literary masters of the West—Dostoevsky, Shakespeare, Proust among others—Girard opined that desire is both mimetic and triangular. He meant that we rarely desire objects straightforwardly; rather, we desire them because others desire them: as we imitate (mimesis) another’s desire, we establish a triangulation between self, other, and object. If this sounds too rarefied, think of the manner in which practically all of advertising works: I come to want those gym shoes, not because of their intrinsic value, but because the hottest NBA star wants them. Now what mimetic desire leads to, almost inevitably, is conflict. If you want to see this dynamic in the concrete, watch what happens when toddler A imitates the desire of toddler B for the same toy, or when dictator A mimics the desire of dictator B for the same route of access to the sea.

The tension that arises from mimetic desire is dealt with through what Girard called the scapegoating mechanism. A society, large or small, that finds itself in conflict comes together through a common act of blaming an individual or group purportedly responsible for the conflict. So for instance, a group of people in a coffee klatch will speak in an anodyne way for a time, but in relatively short order, they will commence to gossip, and they will find, customarily, a real fellow feeling in the process. What they are accomplishing, on Girard’s reading, is a discharging of the tension of their mimetic rivalry onto a third party. The same dynamic obtains among intellectuals. When I was doing my post-graduate study, I heard the decidedly Girardian remark: “the only thing that two academics can agree upon is how poor the work of a third academic is!” Hitler was one of the shrewdest manipulators of the scapegoating mechanism. He brought the deeply divided German nation of the 1930’s together precisely by assigning the Jews as a scapegoat for the country’s economic, political, and cultural woes. Watch a video of one of the Nuremberg rallies of the mid-thirties to see the Girardian theory on vivid display.

Now precisely because this mechanism produces a kind of peace, however ersatz and unstable, it has been revered by the great mythologies and religions of the world and interpreted as something that God or the gods smile upon. Perhaps the most ingenious aspect of Girard’s theorizing is his identification of this tendency. In the founding myths of most societies, we find some act of primal violence that actually establishes the order of the community, and in the rituals of those societies, we discover a repeated acting out of the original scapegoating. For a literary presentation of this ritualization of society-creating violence, look no further than Shirley Jackson’s masterpiece “The Lottery.”

The main features of this theory were in place when Girard turned for the first time in a serious way to the Christian Scriptures. What he found astonished him and changed his life. He discovered that the Bible knew all about mimetic desire and scapegoating violence but it also contained something altogether new, namely, the de-sacralizing of the process that is revered in all of the myths and religions of the world. The crucifixion of Jesus is a classic instance of the old pattern. It is utterly consistent with the Girardian theory that Caiaphas, the leading religious figure of the time, could say to his colleagues, “Is it not better for you that one man should die for the people than for the whole nation to perish?” In any other religious context, this sort of rationalization would be valorized. But in the resurrection of Jesus from the dead, this stunning truth is revealed: God is not on the side of the scapegoaters but rather on the side of the scapegoated victim. The true God in fact does not sanction a community created through violence; rather, he sanctions what Jesus called the Kingdom of God, a society grounded in forgiveness, love, and identification with the victim. Once Girard saw this pattern, he found it everywhere in the Gospels and in Christian literature. For a particularly clear example of the unveiling process, take a hard look at the story of the woman caught in adultery.

In the second half of the twentieth century, academics tended to characterize Christianity—if they took it seriously at all—as one more iteration of the mythic story that can be found in practically every culture. From the Epic of Gilgamesh to Star Wars, the “mono-myth,” to use Joseph Campbell’s formula, is told over and again. What Girard saw was that this tired theorizing has it precisely wrong. In point of fact, Christianity is the revelation (the unveiling) of what the myths want to veil; it is the deconstruction of the mono-myth, not a reiteration of it—which is exactly why so many within academe want to domesticate and de-fang it.

The recovery of Christianity as revelation, as an unmasking of what all the other religions are saying, is René Girard’s permanent and unsettling contribution.

Voir par ailleurs:

America’s week from hell: Three pipe bombs sent to two former Presidents, a racist shoots two African-Americans after trying to enter a Kentucky black church and a gunman kills eight at a Pittsburgh synagogue

  • A white gunman opened fire on the Tree of Life Congregation Synagogue in Pittsburgh on Saturday morning 
  • The synagogue was packed for a Sabbath service and had no security
  • Earlier this week a man was arrested in Florida for mailing 14 pipe bombs to high-profile liberals including President Clinton and Obama
  • In another incident a man in Louisville attempted to break into a black church but upon finding it was locked he shot dead two people at a supermarket

The past week has been one of extraordinary violence in the United States.

It has been one in which an alleged white supremacist sent 14 pipe bombs to prominent democratic supporters including two former Presidents; a man who killed two people at a Kroger grocery store in Kentucky tried to enter a black church minutes before the fatal shooting; and on Saturday, a gunman appears to have killed at least eight people at a Pittsburgh synagogue.

Some commentators have suggested such news had ‘an air of inevitability’- the result of the culmination of what has is a violent time in political culture.

With a nation divided, violence seems to permeates political dialogue and sometimes erupts at political events.

The synagogue in a leafy suburb of Pittsburgh was packed for a Sabbath service and had no security

President Trump repeatedly invites his supporters to beat up protesters at his rallies, and then implies that the protesters bring such violence on themselves by disrupting him.

New York philanthropist and major Democratic donor George Soros, Hillary Clinton, Barack Obama and CNN all received letter bombs in the mail.

New York mayor Bill De Blasio called the pipe bombs an ‘act of terror’.

With FBI investigations just starting, it’s impossible to say whether the perpetrator or perpetrators were rightwing nationalists, but their intended victims suggest the possibility of such markings.

On Wednesday two African-Americans were shot dead in the parking lot of a grocery store in the Louisville suburb of Jeffersontown.

The suspect, believed to be Gregory A. Bush, 51, had tried to enter the First Baptist Church in just 15 minutes earlier but could not get inside.

When Bush was unable to enter the church, he went to the store and opened fire, killing two.

One of 14 pipe bombs that were sent in the mail this week to prominent democrats and vocal opponents of Donald Trump. This one was addressed to former CIA head John Brennan at CNN

It may come as no more of a surprisethat Jewish people were the target of Saturday’s shooting at the Tree of Life Synagogue in the leafy, middle-class neighborhood of Squirrel Hill in Pittsburgh.

The areas is where most of the city’s Jewish residents live making up 40% of the demographics and the shooter will have known that Saturday morning Sabbath services would have commanded a larger presence than during the week.

At the time of the shooting, three different congregations were holding services at the Tree of Life facility.

Situated five miles away from downtown Pittsburgh the community would have felt safe and secure in their enclave with the possibility of a shooting or acts of violence far from anyone’s mind.

Although the community are often on ‘alert’ during Jewish holidays such as Yom Kippur or Rosh Hashanah, many synagogues across the U.S. reduce their levels of security throughout the rest of the year.

Gregory Bush, left, was arraigned on two counts of murder after fatally shooting two African-American customers at a grocery store Wednesday, meanwhile Cesar Sayoc, right, was arrested on allegations that he was the person that mailed pipe bomb devices to Trump critics

Yet violence has now spread to leafy, tree-lined suburbia.

Squirrel Hill North is home to the charming, leafy campuses of Carnegie Mellon University and Chatham University.

The surrounding streets feature a cluster of indie clothing boutiques, chic decor shops and bookstores.

There are also an eclectic mix of Thai and Indian eateries, pizza joints and delis along Forbes Avenue which runs through the neighborhood.

The synagogue was founded more than 150 years ago when two Pittsburgh congregations merged to form the Tree of Life.

The congregation describes itself as a conservative Jewish congregation which remains true to traditional teachings, yet is also ‘progressive and relevant to the way  modern day life.’

‘From our warm, inviting and intellectually stimulating atmosphere to our fun adult, children and family programs, it’s the perfect environment to grow a strong faith rooted in tradition,’ the synagogue promote on their website.

Voir aussi:


Histoire: Pourquoi il faut lire le Jésus de Jean-Christian Petitfils (When the Son of man cometh, shall he find faith on the earth?)

16 avril, 2018
Dictionnaire amoureux de Jésus
piss Christ (Andreas Serrano, 1987)La "femme imam" danoise Sherin Khankan à l'Elysée, avec Emmanuel Macron le 26 mars 2018
Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? Jésus (Luc 18: 8)
Le christianisme est une religion d’historiens. D’autres systèmes religieux ont pu fonder leurs croyances et leurs rites sur une mythologie à peu près extérieure au temps humain; pour livres sacrés, les chrétiens ont des livres d’histoire, et leurs liturgies commémorent, avec les épisodes de la vie terrestre d’un Dieu, les fastes de l’Eglise et des saints. Marc Bloch
« Dionysos contre le « crucifié » : la voici bien l’opposition. Ce n’est pas une différence quant au martyr – mais celui-ci a un sens différent. La vie même, son éternelle fécondité, son éternel retour, détermine le tourment, la destruction, la volonté d’anéantir pour Dionysos. Dans l’autre cas, la souffrance, le « crucifié » en tant qu’il est « innocent », sert d’argument contre cette vie, de formulation de sa condamnation.  (…) L’individu a été si bien pris au sérieux, si bien posé comme un absolu par le christianisme, qu’on ne pouvait plus le sacrifier : mais l’espèce ne survit que grâce aux sacrifices humains… La véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l’espèce – elle est dure, elle oblige à se dominer soi-même, parce qu’elle a besoin du sacrifice humain. Et cette pseudo-humanité qui s’institue christianisme, veut précisément imposer que personne ne soit sacrifié. Nietzsche
Il faut avoir le courage de vouloir le mal et pour cela il faut commencer par rompre avec le comportement grossièrement humanitaire qui fait partie de l’héritage chrétien. (..) Nous sommes avec ceux qui tuent. Breton
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste , en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. (…) Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui réassume et « radicalise » le souci des victimes pour le paganiser. (…) Comme les Eglises chrétiennes ont pris conscience tardivement de leurs manquements à la charité, de leur connivence avec l’ordre établi, dans le monde d’hier et d’aujourd’hui, elles sont particulièrement vulnérables au chantage permanent auquel le néopaganisme contemporain les soumet. René Girard
Ils disent: nous avons mis à mort le Messie, Jésus fils de Marie, l’apôtre de dieu. Non ils ne l’ont point tué, ils ne l’ont point crucifié, un autre individu qui lui ressemblait lui fut substitué, et ceux qui disputaient à son sujet ont été eux-mêmes dans le doute, ils n’ont que des opinions, ils ne l’ont pas vraiment tué. Mais Dieu l’a haussé à lui, Dieu est le puissant, Dieu est le sage. Le Coran (Sourate IV, verset 157-158)
C’était une cité fortement convoitée par les ennemis de la foi et c’est pourquoi, par une sorte de syndrome mimétique, elle devint chère également au cœur des Musulmans. Emmanuel Sivan
La condition préalable à tout dialogue est que chacun soit honnête avec sa tradition. (…) les chrétiens ont repris tel quel le corpus de la Bible hébraïque. Saint Paul parle de ” greffe” du christianisme sur le judaïsme, ce qui est une façon de ne pas nier celui-ci . (…) Dans l’islam, le corpus biblique est, au contraire, totalement remanié pour lui faire dire tout autre chose que son sens initial (…) La récupération sous forme de torsion ne respecte pas le texte originel sur lequel, malgré tout, le Coran s’appuie. René Girard
Dans la foi musulmane, il y a un aspect simple, brut, pratique qui a facilité sa diffusion et transformé la vie d’un grand nombre de peuples à l’état tribal en les ouvrant au monothéisme juif modifié par le christianisme. Mais il lui manque l’essentiel du christianisme : la croix. Comme le christianisme, l’islam réhabilite la victime innocente, mais il le fait de manière guerrière. La croix, c’est le contraire, c’est la fin des mythes violents et archaïques. René Girard
La vraie intégration, c’est quand des catholiques appelleront leur enfant Mohamed. Martin Hirsch
Since the 1970s, many westerners have found real treasures in the Gnostic gospels, different and surprising sidelights on Christianity. But those texts are only part of a vastly wider literature that has its own nuggets, and often, its own creative solutions, to what different eras saw as gaps in the Christian message. Anyone interested in those rediscovered ancient gospels should be told the wonderful news—that a millennium of other writings awaits them, no less rich or provocative in their contents. Philip Jenkins
Although Jenkins is not an apologist for any particular Christian tradition, he is a refreshing dissident from the knee-jerk religious liberalism professed by most academics and journalists covering Christianity nowadays. (…) In Hidden Gospels, Jenkins took issue with the theory, regnant among ideologically progressive New Testament scholars these days, that recently discovered Gnostic and other texts (such as the Dead Sea scrolls) have succeeded in undermining traditional notions of Christian orthodoxy. These scholars argue that early Christianity was never « orthodox » as we understand the word, but was actually a doctrinally chaotic phenomenon from its first-century beginnings, with little connection to the historical Jesus and what he might have taught. Every early Christian community had its own competing gospel or gospels, the theory goes, and the four « canonical » Gospels—Matthew, Mark, Luke, and John—became canonical only because their interpretations of Jesus were embraced by the victors in a centuries-long political power struggle for control of the early church. Typically, the chief villain here is the Roman emperor Constantine, who elevated Christianity to quasi-official status during the early fourth century and then sought to impose a uniform belief system upon Christians by way of the Council of Nicea in a.d. 325 that ultimately produced the Nicene Creed. The « orthodox » winners of the fourth-century theological battles supposedly not only rewrote earlier Christian history but actively suppressed Gnostic and other texts that, their proponents argue, offered equally valid interpretations of Jesus and his message. These alternative texts were in some instances just as antique and, thus, just as authoritative as the first-century « Big Four » (Jenkins’s term). Hence the huge amount of excitement, both among scholars and in the press, over the discovery of a treasure trove of long-buried fourth-century Gnostic manuscripts near the village of Nag Hammadi in Egypt in 1945, and also over the more recent surfacing of the supposed Gospel of Judas in 2006 and the (probably forged) Gospel of Jesus’ Wife in 2012. Every time one of these « lost » documents of early Christianity pops up, there is rampant speculation about whether Christian belief as we know it is about to be blown to smithereens. Dan Brown’s bestselling novel The Da Vinci Code (2003) asserted that Jesus and his female disciple Mary Magdalene got married and spawned a secret lineage—events that, according to Brown, the orthodox church worked tirelessly and murderously to cover up for centuries. His conspiratorial interpretation of Christian history was, in some ways, a pop version of some of the feminist leitmotifs in Gnostic interpretations of Jesus and Mary Magdalene that Elaine Pagels claimed to find in the Nag Hammadi texts she surveyed in her bestselling The Gnostic Gospels (1979). Lending credence to the theory of a cover-up was the fact that the Nag Hammadi manuscripts had been buried in desert caves, possibly to protect them from a book-burning purge by the orthodox. Jenkins pointed out in Hidden Gospels that, to the contrary, many of the seminal Gnostic and related texts that have inspired all the modern excitement never really got lost and thus aren’t recent—or revolutionary—finds at all. One leading « lost » Gnostic theological work, Pistis Sophia, likely composed during the fourth century and outlining a complex Gnostic cosmology, was discovered in an obscure Coptic manuscript as early as 1773. So it has been a solid two centuries that skeptical Western intellectuals and artistes (among them Voltaire, Edward Gibbon, Gustav Holst, C.G. Jung, Robert Graves, and D.H. Lawrence) have been claiming to find in Gnosticism a more refined, sophisticated, spiritually pristine, and female-friendly version of Christianity than that of the orthodox church with its rigid rules and all-male hierarchy. (…) Literally dozens of gospels, revelations, Acts, and other scriptures remained in use, and that situation remained true for some 1,200 years. .  .  . [F]ar from being hermetically sealed, European Christendom was always part of a much wider world with many different structures and attitudes toward faith and scripture. .  .  . Medieval Christianity was complex and polychromatic, generating many different forms of faith. The Holy Spirit did not take a 1,200-year vacation after the Council of Nicea. The idea that many Christians neither desired nor accomplished the quashing of a huge range of alternative scriptures produced during Christianity’s earliest centuries is a bold and appealing thesis. (…) One of Jenkins’s points is that while the orthodox churches—those aligned with Byzantine imperial power in the East and with the power of the bishop of Rome in the West—adopted a relatively limited biblical canon that resembled today’s, churches that were outside the purview of the historical Roman Empire, most of which broke early with the orthodox in theological disputes over the nature of Jesus, recognized a much larger range of texts they regarded as canonical. One Ethiopian church, for example, recognized a canonical Bible of some 81 books, in contrast to the standard North American Protestant canon of 66 books. The Ethiopian church has since largely resolved its doctrinal differences with the Eastern Orthodox; but its Bibles, like those of other Christian fringe groups, have preserved some authentically ancient « faces of Christ » that would cause surprise among modern Western Christians. In one startling Ethiopian New Testament text called the Book of the Covenant, Jesus describes himself as essentially his own father, adopting the appearance of the angel Gabriel in order to enter the Virgin Mary and beget himself. The upshot was that breakaway churches and heretical sects in Ethiopia, Mesopotamia, Armenia, and other lands just outside the borders of the old empire preserved alternative scriptural texts dealing with both Old and New Testament figures that Westerners either deemed permanently lost or didn’t realize existed until the modern era. Jenkins argues that some of those scriptures were even known to the Jews and Muslims of late antiquity, who incorporated bits of their narratives into their own religious texts. Furthermore, a large number of ancient alternative gospels and other texts were never deemed heretical by the orthodox church. In fact, they insinuated themselves so thoroughly into Christian culture and Christian liturgy that the vast majority of Christians came to regard the events those texts described as just as historical as the events of Jesus’ life contained in the canonical Gospels. They used those texts, as Jenkins points out, to fill in the narrative gaps they perceived in the canonical Gospels and to embellish what they saw as the canonical Bible’s theological meaning. The most influential of those « apocryphal » gospels was the so-called Protoevangelium, or Infancy Gospel of James, a second-century Eastern Christian text that found its way into the West by way of a seventh-century Latin adaptation that today’s scholars dub the Gospel of Pseudo-Matthew. To this day, both Roman Catholics and the Eastern Orthodox celebrate the feast of the « presentation » of the Virgin Mary as a young child by her parents at the Temple in Jerusalem—an episode in James/Pseudo-Matthew that is nowhere to be found in any canonical Gospel. We also owe the ox and ass of the Christmas crèche to mentions of those animals in James/Pseudo-Matthew. The Cherry Tree Carol, the medieval ballad in which the unborn Jesus causes a cherry tree to bow down to his pregnant mother as proof of her offspring’s divine origin, is based on an incident recorded in Pseudo-Matthew involving Mary and a palm tree, an incident that also appears (in somewhat different form) in the Koran. Similarly, the traditional Catholic and Orthodox belief that the Virgin was taken bodily into Heaven at the end of her life derives in part from fourth- and fifth-century apocryphal texts. The Harrowing of Hell, Jesus’ descent into the underworld after his death to rescue Adam, Eve, and the patriarchs and prophets from the flames—an event celebrated for centuries in Christian iconography and medieval mystery plays—probably originated in an ancient compilation variously known as the Acts of Pilate and the Gospel of Nicodemus. From time to time, patristic and medieval theologians condemned this widespread use of noncanonical material, but it remained a mainstay of mainstream Christian art and devotional literature until the Reformation. At that point, at least in the West, both Protestants and (to a somewhat lesser extent) Counter-Reformation Catholics retreated to a strict adherence to the canonical Bible. (…) In his most adventurous chapter, entitled « Out of the Past, » he seeks to forge a thousand-year chain linking the Gnostics, the Manicheans of the third through seventh centuries, the Bogomils (anti-nomian heretics who flourished in the Balkans from the 10th through the 13th centuries), and the medieval Cathars of southern France, who disdained the priests and sacraments of the Roman Catholic church. Members of all four of those groups were arguably theological dualists who believed that the material world was corrupt and evil, the creation of an imperfect lesser divinity. Many present-day medieval historians have concluded that the Cathars, at any rate, were actually more like evangelical Protestants than like Gnostics or Manicheans, although the Catholic inquisitors who interrogated them certainly accused them of dualism. But for Jenkins, tying the Cathars to more ancient heretics gives him a chance to speculate that « subterranean traditions » of dualism might have preserved in the West esoteric alternative scriptures—and indeed, esoteric alternative forms of Christianity itself—right under the noses of vigilant medieval heresy-hunters. Maybe so. But as Jenkins himself admits, there is very little evidence, textual or otherwise, to support this ambitious hypothesis. Charlotte Allen
L’Évangile de la femme de Jésus est un texte en copte écrit sur un fragment de papyrus qui inclut les mots : « Jésus leur dit : « ma femme… ». Ce texte a été présenté comme une traduction copte du IVe siècle d’« un évangile probablement écrit en grec dans la seconde moitié du deuxième siècle »1. Selon les experts, ce document est une forgerie. Le 18 septembre 2012, le professeur Karen Leigh King, invitée au congrès international d’études de la langue copte qui se tient à Rome, annonce l’existence d’un fragment de papyrus de 3,8 sur 7,6 cm qui contient l’expression : « Jésus leur dit : « ma femme… »3. King et sa collègue Anne-Marie Luijendijk appellent le fragment Évangile de l’épouse de Jésus à des fins de référence, mais reconnaissent que le nom est controversé. King insiste sur le fait que le fragment, « ne doit pas être considéré comme une preuve que Jésus, le personnage historique, a effectivement été marié ». Le journal du Vatican L’Osservatore Romano déclare que l’Évangile est un « faux très moderne ». Un certain nombre de chercheurs indépendants confirment ce jugement. Cependant, le professeur Alberto Camplani, de l’université de Rome « La Sapienza », qui a été chargé d’effectuer l’analyse sur laquelle le journal du Vatican a fondé son article, a affirmé en 2012 dans un documentaire télévisé : « Ma première impression était que c’était un faux, mais j’ai vu le fragment dans un journal dans une mauvaise photo. Aujourd’hui, je suis plus enclin à croire qu’il s’agit d’un papyrus antique et pas d’un faux moderne »6. Selon Luijendijk et le papyrologue Roger Bagnall, le papyrus serait authentique car il aurait été impossible à falsifier. Plusieurs spécialistes de la Bible comme Francis Watson et Mark Goodacre (en) pointent les erreurs de grammaire du texte et la similarité des phrases avec l’Évangile de Thomas. Le 1er avril 2014, une analyse publiée par des chercheurs américains de l’université Columbia, l’université Harvard et le Massachusetts Institute of Technology détermine que le papyrus est ancien et date d’une époque comprise entre le VIe et le IXe siècle. En juin 2016, un article d’Ariel Sabar dans The Atlantic relate que le propriétaire de cet Évangile est Walter Fritz, un ancien étudiant en égyptologie à l’université libre de Berlin. Personne à la crédibilité douteuse, Fritz est même devenu l’opérateur de plusieurs sites de porno amateur après s’être installé aux États-Unis9 et sa femme a écrit un livre de visions et de « vérités universelles » qui lui auraient été dictées par « les anges ». Karen L. King a répondu que les recherches de Sabar à propos des motivations de Fritz et de ses connaissances en égyptologie faisaient pencher la balance vers l’idée qu’il s’agit d’une contrefaçon. Wikipedia
It’s been fairly clear for weeks that the papyrus fragment known as the « gospel of Jesus’s wife » was a modern fake, assembled from phrases found in real gnostic gospels and in particular the Gospel of Thomas, a 4th-century copy of a 2nd-century manuscript. But some astonishing and delightful news has now emerged to show that it was a fake dependent on the most modern technology. Andrew Bernhard, an American academic, discovered that the Jesus’s wife manuscript copies a typo in one of the most widely distributed electronic copies of the gospel of Thomas. Previously, Francis Watson at Durham University had discovered that an unlikely word break in the gospel had been carried over into the Jesus’s wife fragment. Bernhard accepts that the fragment is a cut-and-paste job made from sections of the authentic gospel of Thomas. What he seems to have shown is the exact copy from which the text was taken. This is the interlinear translation made by Michael Grondin, which is freely available online. The text is available either as a downloadable PDF file, or as a straight web page, and the PDF version is missing one letter in one of the words reproduced in the Jesus’s wife fragment. The web version does not have this mistake. But the Jesus’s wife fragment does, which shows pretty clearly that it could not have been composed before the PDF was available, no matter how old the papyrus turns out to be on which it was written. In fact a little poking around in the world of gnostic scholarship shows that there has never been a better time to make your own gospels. Fantastic software tools are freely available: grammars and dictionaries of Coptic and ancient Greek; keyboard layouts to enable them to be easily written on a modern computer; word-by-word translations of the ancient texts so that you can copy (or paste) their styles. Perhaps it is a universal rule that the easier you make it to study authenticity the easier it becomes to fake it. This will surely not be the last fake gospel fragment to be published, though it may well be the last endorsed by a Harvard professor. The Guardian
Particulièrement depuis les années 1970 et jusqu’à récemment en France, les instructions officielles, les manuels scolaires, les formations d’enseignants ont mis le récit à distance. (…) En dehors de la classe, en revanche, les élèves ont accès à un grand nombre de récits historiques de formes et de contenus variés, transmis dans le milieu familial, par la télévision, le cinéma, la littérature, des jeux vidéo, Internet, etc. Par ailleurs, le récit est redevenu central pour les historiens et pour ceux qui se préoccupent de l’apprentissage. Ricœur a, en 1983, a souligné la dimension narrative des textes historiques et la place structurante de l’intrigue qui l’organise. La narratologie contemporaine a, de son côté, montré comment le récit est une stratégie de communication. Tandis que pour Jérôme Bruner, le récit est le moyen de donner forme à l’expérience, de comprendre le monde, de se l’approprier, de s’y projeter entre passé et devenir, à partir du monde présent. Il en conclut que le récit a à voir avec la culture car l’imitation dont il témoigne inscrit l’homme dans une culture. (…) Après avoir constitué une équipe de recherche internationale pluridisciplinaire (histoire, sociologie, narratologie, didactique), le recueil de récits de l’histoire nationale a été fait en 2011-2012 (…) Pour la France, le traitement quantitatif et qualitatif des 5823 récits recueillis a fait ressortir plusieurs thèmes. (…) Les thèmes finalement retenus ont été les personnages, le politique, les guerres, la religion, le territoire ainsi que l’origine, déclarée par les élèves, de leurs connaissances. (…) les jeunes, scolarisés en France, interrogés ont exprimé leur fierté de l’histoire nationale et une vision à la fois humaniste et optimiste de l’histoire de leur pays dans laquelle les guerres jouent un rôle décisif et le politique structure le sens de l’histoire tandis que le panthéon, marqué par certaines permanences, connaît aussi des évolutions et une mobilisation des personnages historiques de façon plus iconique que comme des acteurs aux actes bien identifiés. Par exemple, les élèves évoquant l’origine de l’histoire de France (tous ne le font pas), l’associent majoritairement aux Gaulois et à la Gaule (plus de 1700 récits) (…) Mais nombreux sont aussi ceux qui lui attribuent une autre origine (la Révolution française, la Première Guerre mondiale, par exemple) (…) La religion a par ailleurs une place limitée dans des récits très sécularisés montrant une méfiance à l’égard de la dimension temporelle du religieux. Enfin, contrairement à une de nos hypothèses, le territoire joue un rôle minime face à un récit très nationalisé. L’école, ses dispositifs et objets restent leur première source de savoir, d’après les élèves, mais la famille et certaines pratiques sociales jouent également un rôle. En revanche, Internet est peu identifié comme source de savoir historique. Françoise Lantheaume
On verra que, globalement, les élèves considèrent la religion comme un phénomène négatif. L’islam et le judaïsme sont beaucoup moins présents que le christianisme. Sébastien Urbanski
Every word ever written about the historical Jesus (…) was written by people who did not know Jesus while he was alive. Reza Aslan
There is no evidence that Jesus promoted violence in any of the histories that we have. But we need to rid ourselves of this notion that he was a pacifist. Jesus wasn’t a fool, if you are talking about the end of Caesar’s rule and inauguration of reign of God, you can’t be so daft as to think that will happen in a peaceful way. (…) This is who Jesus was, the historical Jesus: he was an illiterate, day laborer, peasant from the country side of Galilee who hung around with the most dispossessed, poor, weak, outcasts of his society — people whom the temple rejected. And who, in their name, launched an insurrection against the Roman and priestly authorities. That’s Jesus. So, if you claim to walk in Jesus’ footsteps, that’s what it means. It means rejecting power, in all its forms -– religious and political — it means denying yourself in the name of the poor and the marginalized regardless of their religious or their sexual orientation or anything else. If you do not do those things, you are not a follower of Jesus. ‘Cause that’s who Jesus was. (…) The land that Jesus called his own, there is still a poor marginalized people who are being occupied directly by a military presence and so I would be curious how Christians couldn’t see the parallels between what’s happening in the occupied territories today and what was happening in the time of Jesus. Reza Aslan
Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques: haine de la raison et de l’intelligence, haine de la liberté, haine de tous les livres au nom d’un seul, haine de la vie… Michel Onfray
Hitler, disciple de saint Jean ! Michel Onfray
Gott mit uns procède des Écritures, notamment du Deutéronome, l’un des livres de la Torah. Michel Onfray
Trois millénaires témoignent, des premiers textes de l’Ancien Testament à aujourd’hui : l’affirmation d’un Dieu unique, violent, jaloux, querelleur, intolérant, belliqueux, a généré plus de haine, de sang, de morts, de brutalité que de paix. Michel Onfray
Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l’intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d’un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l’obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l’au-delà, l’ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l’épouse et la mère, l’âme et l’esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré. (…) Les monothéismes n’aiment pas l’intelligence, les livres, le savoir, la science. À cela, ils ajoutent une forte détestation pour la matière et le réel, donc toute forme d’immanence. Michel Onfray
Des millions de morts, des millions de morts sur tous les continents, pendant des siècles, au nom de Dieu, la bible dans une main, le glaive dans l’autre : l’Inquisition, la torture, la question; les croisades, les massacres, les pillages, les viols, les pendaisons, les exterminations, les bûchers; la traite des noirs, l’humiliation, l’exploitation, le servage, le commerce des hommes, des femmes et des enfants; les génocides , les ethnocides des conquistadores très chrétiens, certes, mais aussi, récemment, du clergé rwandais aux côtés des exterminateurs hutus; le compagnonnage de route avec tous les fascismes du XXième siècle, Mussolini, Pétain, Hitler, Pinochet, Salazar, les colonels de la Grèce, les dictateurs d’Amérique du Sud; etc… Des millions de morts pour l’amour du prochain. Michel Onfray
A l’heure où se profile un ultime combat – déjà perdu… – pour défendre les valeurs des Lumières contre les propositions magiques, il faut promouvoir une laïcité post-chrétienne, à savoir athée, militante et radicalement opposée à tout choix de société entre le judéo-christianisme occidental et l’islam qui le combat. Ni la Bible, ni le Coran. Aux rabbins, aux prêtres, aux imams, ayatollahs et autres mollahs, je persiste à préférer le philosophe. A toutes ces théologies abracadabrantesques, je préfère en appeler aux pensées alternatives à l’historiographie philosophique dominante : les rieurs, les matérialistes, les radicaux, les cyniques, les hédonistes, les athées, les sensualistes, les voluptueux. Ceux-là savent qu’il n’existe qu’un monde et que toute promotion d’un arrière- monde nous fait perdre l’usage et le bénéfice du seul qui soit. Péché réellement mortel. Michel Onfray
On connaît les rapports entretenus par le Vatican avec le national-socialisme […] On connaît moins bien la défense faite par Adolf Hitler de Jésus, du Christ, du christianisme, de l’Église… La lecture de Mon combat suffit pour constater de visu la fascination du Führer pour le Jésus chassant les marchands du Temple et pour l’Église capable d’avoir construit une civilisation européenne, voire planétaire. Michel Onfray
La civilisation judéo-chrétienne se construit sur une fiction: celle d’un Jésus n’ayant jamais eu d’autre existence qu’allégorique, métaphorique, symbolique, mythologique. Il n’existe de ce personnage aucune preuve tangible en son temps. Michel Onfray
Il fallut, pour cette transmutation du concept de Jésus en or religieux, l’action d’un homme qui eut un corps véritable, lui, mais un corps défaillant. J’ai nommé Paul de Tarse. Paul fit de Jésus le doux un Christ à l’épée. Et le tranchant de cette épée ruisselle de sang pendant plus de mille ans. Michel Onfray
(Vatican II) est un camouflet pour Pie XII, certes, mais aussi, et surtout, pour plus d’un millénaire d’Eglise catholique, apostolique et romaine. Car, depuis l’empereur Constantin, elle a justifié: l’usage du glaive contre l’adversaire; le recours aux autodafés des livres non chrétiens; les pogroms antisémites (…). Ce concile était une bombe. Michel Onfray
Michel Onfray se rend-il compte que presque tout ce qu’il dit ne provient d’aucune source, d’aucune archive, mais de mémoires ou d’écrits apocryphes pour la plupart publiés au XIXe siècle par l’historiographie catholique et royaliste ? (…) La récupération de ce patrimoine et des arguments de l’extrême droite est malhonnête car, comme auteur, Onfray exerce une certaine responsabilité : en l’absence de notes de bas de page et d’une bibliographie sérieuse, il ne donne jamais à ses lecteurs les moyens de vérifier ses affirmations. (…) Lorsqu’elles sont commises par un des auteurs les plus médiatiques et les plus aimés du grand public et qu’elles passent inaperçues dans la critique, ces révisions de l’Histoire et ces dérives idéologiques participent d’un lent travail de sape contre les valeurs démocratiques. Sans conduire à dénigrer l’ensemble des initiatives d’Onfray, elles doivent donc être dénoncées avec la plus grande fermeté. On ne peut être spécialiste de tout. Michel Onfray ferait bien d’en tirer quelques enseignements. Guillaume Mazeau
La méthodologie s’appuie sur le principe de la préfiguration : tout est déjà dans tout avant même la survenue d’un événement. Cela lui a permis d’affirmer des choses extravagantes : qu’Emmanuel Kant était le précurseur d’Adolf Eichmann – parce que celui-ci se disait kantien (…) -, que les trois monothéismes (judaïsme, christianisme et islam) étaient des entreprises génocidaires, que l’évangéliste Jean préfigurait Hitler et Jésus Hiroshima, et enfin que les musulmans étaient des fascistes (…). Fondateurs d’un monothéisme axé sur la pulsion de mort, les juifs seraient donc les premiers responsables de tous les malheurs de l’Occident. A cette entreprise mortifère, M. Onfray oppose une religion hédoniste, solaire et païenne, habitée par la pulsion de vie. (…) il retourne l’accusation de « science juive » prononcée par les nazis contre la psychanalyse pour faire de celle-ci une science raciste : puisque les nazis ont mené à son terme l’accomplissement de la pulsion de mort théorisée par Freud, affirme-t-il, cela signifie que celui-ci serait un admirateur de tous les dictateurs fascistes et racistes. Mais Freud aurait fait pire encore : en publiant, en 1939, L’Homme Moïse et la religion monothéiste, c’est-à-dire en faisant de Moïse un Egyptien et du meurtre du père un moment originel des sociétés humaines, il aurait assassiné le grand prophète de la Loi et serait donc, par anticipation, le complice de l’extermination de son peuple. (…) Bien qu’il se réclame de la tradition freudo-marxiste, Michel Onfray se livre en réalité à une réhabilitation des thèses paganistes de l’extrême droite française. (…) On est loin ici d’un simple débat opposant les partisans et les adeptes de la psychanalyse, et l’on est en droit de se demander si les motivations marchandes ne sont pas désormais d’un tel poids éditorial qu’elles finissent par abolir tout jugement critique. Elisabeth Roudinesco
« Jésus, reviens ! » Étonnant trait d’ironie au cœur de Décadence. L’apostrophe tranche radicalement avec la ligne générale de Michel Onfray : d’abord parce que, selon lui, Jésus n’a pas existé. La naissance même du Christ est une fiction complète, le délire d’une secte qui haïssait tellement la sexualité qu’elle s’est imaginé pour Dieu un enfant né sans union. Cette affirmation catégorique, que l’auteur n’accepte de suspendre de façon hypothétique qu’une seule fois dans la suite du livre, est le point de départ qui ouvre sa démonstration : 600 pages d’une histoire dense, énergique, serrée… Le Point
La Torah contient une malédiction portée contre les pendus (Dt 21, 23 …); or la crucifixion était alors assimilée à une pendaison. Il est donc impensable que des Juifs aient pu forger le mythe d’un Messie « pendu » au bois de la croix, quand l’attente était celle d’un Messie royal ou sacerdotal. C’eut été pousser le défi un peu loin. Bernard Pouderon
Michel Onfray conteste l’existence historique de Jésus, une thèse qui a fait parler d’elle au XIXe siècle et au début du XXe, mais qui n’est plus soutenue par aucun historien. Le Jésus de Michel Onfray est tellement fantasmé – vu à travers des écrits apocryphes, des œuvres d’art très postérieures à l’époque de sa prédication… – qu’on a l’impression que tout a été retenu sauf, précisément, ce qui permet d’avoir des informations exploitables du point de vue de l’historien. C’est très curieux : cela consiste à prendre les sources les moins fiables ou ce qui n’a même pas le statut de source pour dire : « Voilà, il y a toute cette élaboration fictive autour de Jésus, donc Jésus n’existe pas. » Or des sources fiables existent bien, même si elles doivent être interprétées selon des méthodes scientifiques éprouvées. Par ailleurs, on peut très bien faire de l’élaboration fictive à partir d’un personnage qui a existé, c’est le cas de bien des figures historiques. Regardez Alexandre le Grand, Charlemagne… (…) Selon Onfray, le langage antisémite qui a servi aux nazis trouverait ses origines chez saint Paul. Historiquement, c’est totalement infondé. L’antijudaïsme chrétien a pu hélas ! contribuer chez certaines personnes à faire accepter l’antisémitisme nazi, mais la continuité massive que Michel Onfray affirme n’est appuyée sur aucune source. Ce n’est pas non plus de la philosophie de l’Histoire, puisqu’il n’y a aucun raisonnement digne de ce nom. On est dans le domaine de l’amalgame au service d’une propagande. Je ne me prononce pas sur la philosophie de l’Histoire d’Onfray en général, je dis simplement que sur cette affirmation précise, notamment lorsqu’il évoque Hitler comme un exemple de catholique, on passe dans le domaine de l’absurde. Le texte de Mein Kampf qu’il cite n’a strictement rien de chrétien : il témoigne d’une totale incompréhension du personnage de Jésus. Et puis, Onfray passe sous silence l’antichristianisme des nazis et l’engagement de nombreux chrétiens contre le nazisme. (…) Ces propos sont intégrés à une grande fresque épique. Décadence est le second volume de ce que Michel Onfray présente comme une « Brève encyclopédie du monde ». Le premier volume était Cosmos, le troisième devrait s’intituler Sagesse. ­Décadence est le volume dédié à la philosophie de l’Histoire. Ce livre a donc des dimensions et une construction qui peuvent donner l’impression qu’il s’agit d’un ouvrage d’érudition et de réflexion. Or, en ce qui concerne le christianisme antique – et je ne me prononce que sur ce domaine qui m’est familier, en ayant lu ce livre de très près, ligne à ligne, en mettant en fiches tout ce que j’y ai trouvé sur les premiers siècles chrétiens –, on est de toute évidence dans une démarche qui ne tient absolument pas compte des faits dans leur ensemble, des nuances, des sources, de l’état actuel des connaissances… L’ouvrage est volumineux, il est porté par un certain souffle rédactionnel, avec une très grande sûreté de ton, qui frise un peu le dogmatisme. Mais en ce qui me concerne, pour ma spécialité, on en est à un taux d’erreurs et d’affirmations insoutenables que, sans exagération, j’estime à environ 80%. Dans un livre, il y a toujours des erreurs. Mais ici, le nombre d’affirmations factuellement fausses ou abusivement générales, de rapprochements incongrus atteint des proportions inédites. Même lorsque certains faits évoqués par Onfray sont avérés, la manière de les présenter est tendancieuse. Prenez le meurtre ­d’Hypatie, cette philosophe d’Alexandrie assassinée en 415 par des chrétiens déchaînés. Cet épisode est honteux. Mais le problème, c’est qu’Onfray ne dit pas : « Des chrétiens ont tué Hypatie. » Il prétend que ce sont les chrétiens qui ont commis ce meurtre atroce. À chaque fois que certains chrétiens commettent des violences, il écrit « les chrétiens »?. (…)  ce que je reproche à Michel Onfray, ce n’est pas la critique du christianisme. Ce qui me gêne, c’est que ce qui se présente chez lui comme une critique n’en est pas une, car il fait abstraction de toutes les précautions méthodologiques qui s’imposent. Chez lui, dès que les chrétiens entrent en scène, tout est négatif. Ce qui est frappant dans Décadence, c’est qu’il n’y a pas la moindre nuance, aucune circonstance atténuante, pas de bénéfice du doute. Rien. Les chrétiens ont toujours tort. Lorsqu’il y a deux hypothèses historiques sur un sujet, Onfray prend toujours celle qui est défavorable aux chrétiens sans mentionner l’existence de l’autre. En travaillant sur son texte, je me suis dit : si j’étais totalement ignorant du christianisme, en lisant ce livre, je penserais que, vraiment, les chrétiens sont des salauds et ne valent pas mieux que les nazis. Je détesterais les chrétiens. [sur] les Pères de l’Église (…) Il dresse une sorte de catalogue de noms, de questions discutées par eux, de problèmes théo­logiques, pour conclure que, au fond, les Pères de l’Église, c’est nul. Il dit « trop de noms, trop de titres ». C’est le fameux « Too many notes ! » que l’empereur Léopold lance à Mozart dans le film de Miloš Forman. Michel Onfray se permet de juger les Pères en bloc, sans, de toute évidence, les avoir étudiés sérieusement. Ce qu’il prouve en faisant cela, c’est donc d’abord son ignorance. Il parle des Pères comme d’un trou noir dans l’histoire intellectuelle de l’Occident. « Tant d’intelligence au service de tant de bêtises », écrit-il. Pour lui, les questions théologiques ne sont que des bêtises. Méthodologiquement, c’est fâcheux. Je ne considère pas, moi, en lisant Onfray, que son antichristianisme rendrait son livre inutile. Je le lis d’abord scrupuleusement, avant de porter un jugement précis et argumenté. (…) Michel Onfray, en allant chercher des auteurs peu connus, en mettant en avant des anecdotes inattendues, semble exhumer des pans de connaissance cachés ou oubliés. Le grand public peut se laisser impressionner. Les spécialistes, eux, ne sont pas dupes. Jean-Marie Salamito
Cette génération est plus pragmatique et moins idéologue que les précédentes. Pour eux, la prière et les rassemblements ont aussi une dimension esthétique. Des non-croyants vont aimer aller à la messe pour vivre une expérience culturelle un peu étrange, le silence par exemple. (…) Ils ne comprennent pas comment on peut avoir ce genre de débats aujourd’hui. Pour eux, ces polémiques sur la laïcité sont d’un autre âge. Ils n’associent pas l’Église au prosélytisme. (…) « Même s’il y a moins de préjugés qu’avant, le fait de n’avoir aucun contact avec les religions peut entretenir une peur, confirme Mgr Bordeyne. Ma génération a grandi avec des professeurs très laïques pour lesquels les religions étaient clivantes. Cette enquête, au contraire, montre que la religion ouvre davantage aux autres que l’absence de foi. C’est cela aussi qui fait que les jeunes s’y intéressent : ils voient bien que l’absence de religion ne favorise pas spécialement le dialogue. Mgr Philippe Bordeyne (Institut catholique de Paris)
Le Nord-Pas-de-Calais, certaines banlieues parisiennes, et les quartiers Nord de Marseille sont les lieux où nous avons mesuré la plus grande radicalité. Dans certains établissements, la proportion «d’absolutistes» monte à plus de 40 %. On note aussi un effet «ségrégation» : quand le taux d’élèves musulmans est très important dans un lycée, ceux-ci sont plus radicaux qu’ailleurs. Mais partout, les élèves musulmans sont plus radicaux religieusement que les autres. (…) L’«effet islam» explique bien mieux la radicalité que des facteurs socio-économiques. C’est un résultat important. Le niveau social de la famille, l’optimisme ou le pessimisme du lycéen face à l’emploi ou à ses résultats scolaires n’ont aucun effet sur le degré d’adhésion à des idées religieuses radicales. (…) le sentiment de discrimination (…) a tendance à augmenter, chez les jeunes musulmans, le niveau de radicalité religieuse et la tolérance à la violence religieuse. Nous avons aussi tenté d’explorer la piste de ce que certains chercheurs nomment «le malaise identitaire» : un groupe minoritaire peut se sentir l’objet de l’hostilité du groupe majoritaire, sans pour autant subir de discrimination. Nous avons ainsi demandé aux jeunes s’ils se sentaient français, s’ils étaient solidaires avec le peuple palestinien, quel était leur regard sur les tensions interreligieuses… Ces variables jouent, preuve qu’il y a donc bien un effet identitaire. Mais celui-ci n’efface pas la question religieuse. In fine, l’effet islam reste très marqué. Il faudrait maintenant mener des recherches complémentaires auprès des jeunes musulmans pour explorer de manière plus approfondie la façon dont ils investissent la religion.(…) Un effet religion existe bien puisque 8 % des chrétiens répondent qu’il est acceptable de combattre les armes à la main pour sa religion, ce n’est pas négligeable. On monte à 20 % des musulmans. Mais le facteur qui détermine le plus fortement le soutien à la violence religieuse est la tolérance à la violence et aux déviances en général : voler un scooter, tricher lors d’un examen, participer à une action violente pour défendre ses idées, affronter la police… C’est un résultat important, qui conduit à constater un indéniable «effet ZUS» [zone urbaine sensible, ndlr]. Dans certaines zones du territoire, on devine qu’une socialisation à la déviance et à la violence explique sans doute la perméabilité à la violence religieuse. On y observe une «culture déviante». (…) en France, les manifestations de radicalité religieuse concernent essentiellement le monde musulman, les autres sont très circonscrites.(…) je pense qu’une partie de la sociologie est aveugle, sous prétexte de ne pas stigmatiser. La discrimination existe, c’est prouvé scientifiquement. Mais il ne faut pas non plus envisager ces jeunes-là uniquement d’un point de vue victimaire. Sinon, on ne peut pas les considérer comme les acteurs sociaux qu’ils sont. Cette sociologie-là est trop idéologique, elle s’est appuyée trop exclusivement sur l’analyse des discriminations. La neutralité axiologique est importante, elle est trop souvent oubliée aujourd’hui. Olivier Galland
Il faut un président bien sage pour défendre le féminisme islamique et considérer la religion comme une partie de la solution et non du problème.  Le président français Emmanuel Macron envoie un signal politique important montrant que la société laïque peut coexister avec la religion. Sherin Khankan
Le chef de l’Etat s’est dit intéressé par l’idée et a promis de donner suite. Le Maroc serait parfaitement indiqué pour une telle conférence dans la mesure où ce pays forme déjà, depuis quelques années, une nouvelle génération de professeures de religion : les mushidad. (…) Rien, dans le Coran, n’interdit aux femmes de conduire la prière ni de gérer un mosquée. Sherin Khankan
Le président de la République veut présenter avant la fin du premier semestre 2018 un « plan » pour « l’islam de France » : ses instances représentatives, son financement et la formation de ses imams. Il continue pour cela ses consultations, comme lundi 26 mars avec une Danoise « féministe musulmane » Sherin Khankan et la rabbin libérale Delphine Horvilleur. (…) Lundi 26 mars, cette Danoise d’origine syrienne, fondatrice en 2001 d’un Forum des musulmans critiques, puis d’un centre formation soufi « Sortir du cercle », auteur de La femme est l’avenir de l’islam (Stock, 2017), a été reçue à l’Élysée, en même temps que la rabbin libérale Delphine Horvilleur. « Le président de la République, qui lit beaucoup, est tombé sur la conversation entre les deux femmes organisée par l’Institut français de Copenhague », raconte un proche du dossier. La vidéo de l’entretien, daté du 26 mars 2016, est visible sur YouTube. « Sans doute cet échange entre deux femmes ministres du culte l’intéressait-il dans le cadre de ses consultations tous azimuts. Il rencontre des tas de gens pour nourrir sa réflexion ». Cette fois, c’est la place des femmes dans la religion qui a éveillé sa curiosité. Dans de nombreux pays musulmans, des femmes plaident pour une relecture du Coran et de la tradition musulmane sortis de leur « gangue » patriarcale. Dans quelques villes européennes – Berlin ou Londres notamment –, des femmes ont même ouvert des lieux de prière pour un public féminin. À Copenhague, la salle de prière installée par Sherin Khankan dans un appartement, dont elle a abattu les cloisons, est ouverte à tous en semaine, et réservée aux femmes le vendredi pour qu’elle puisse guider leur prière. Plus qu’une « imam », cette jeune mère de famille fait en réalité office de mourchidat, une fonction de prédicatrice pour un public féminin courante y compris dans les pays majoritairement musulmans. À Copenhague pas plus qu’ailleurs, les hommes n’ont accepté une femme comme imam. « La majorité pense qu’une femme ne dirige pas la prière devant des hommes, mais il existe des avis minoritaires : certains considèrent que si une femme connait mieux le Coran que son mari, elle peut diriger la prière », note Hicham Abdel Gawad, doctorant en sciences des religions à Louvain-la-Neuve. « Dans tous les cas, la règle de base est que celui qui dirige la prière doit être agréé par les personnes qui prient derrière lui. » « Dans un paysage musulman complètement éclaté, on peut se demander pourquoi aucune mosquée alternative n’a émergé jusqu’à aujourd’hui, à l’exception d’un lieu de culte dédié aux fidèles homosexuels », remarque ce bon connaisseur de l’islam de France. « Y aurait-il une sorte de fatalité à n’avoir le choix qu’à l’intérieur de l’éventail qui va de Dalil Boubakeur (NDLR : recteur de la Grande mosquée de Paris, proche de l’Algérie) à Nader Abou Anas (NDLR : imam du Bourget, proche de la mouvance salafiste) ? » Interrogé sur cette invitation à l’Élysée d’une représentante du courant « féministe musulman », le Conseil français du culte musulman n’a pas souhaité réagir. La Croix
L’imame danoise Sherin Khankan et Emmanuel Macron ont discuté, ce lundi 26 mars, de la situation de l’islam en Occident lors d’un entretien d’une heure à l’Elysée auquel participait également la femme rabbin française Delphine Horvilleur. Le chef de l’Etat français avait sollicité les deux femmes pour recueillir leurs réflexions sur meilleure manière, selon elles, d’améliorer le dialogue des civilisations. Connue pour avoir ouvert, à Copenhague, en 2017, la première mosquée 100% féminine d’Europe et soucieuse de modifier la perception de sa religion à travers la promotion d’un islam moderne, ouvert, progressiste et modéré, l’imame féministe Sherin Khankan a suggéré au président l’idée d’une grande conférence réunissant des femmes imam venues du monde entier, des femmes rabbin, des pasteures protestantes, des prêtres catholiques ainsi que des intellectuels des toutes les religions, notamment des musulmans, sans discrimination de sexe. (…) Par hasard du calendrier, le rendez-vous avec Emmanuel Macron, programmé depuis plus d’un mois, est tombé trois jours après l’attaque terroriste de Trèbes et Caracassonne. Ce sujet n’a pas été évoqué lors de l’entretien avec Sherin Khankan et Delphine Horvilleur. En octobre, Sherin Khankan a publié La femme est l’avenir de l’islam chez Stock. Elle y raconte sa trajectoire et son parcours intellectuel forgé à Copenhague dans une famille métisse. Née d’un père musulman syrien opposant à Hafez el-Assad et d’une mère protestante finlandaise, la quadragénaire Sherin Khankan s’est orientée vers l’islam dans l’entrée à l’âge adulte tout en militant pour un « féminisme islamique » qui vise à mettre fin à la culture du patriarcat au sein de la religion de Mahomet. « Rien, dans le Coran, n’interdit aux femmes de conduire la prière ni de gérer un mosquée », affirme cette imame qui célèbre des mariages interreligieux et milite inlassablement pour l’égalité homme-femme au sein de l’islam. Inspirée notamment, par les féministes musulmanes Amina Wadud, qui est américaine, et la Marocaine Fatima Mernissi (décédée en 2015) Sherin Khankan a inauguré, l’année dernière à Copenhague, la première mosquée d’Europe réservée aux femmes. L’Express
Jeanne est dans cette France déchirée, coupée en deux, agitée par une guerre sans fin qui l’oppose au royaume d’Angleterre. Elle a su rassembler la France pour la défendre, dans un mouvement que rien n’imposait. Tant d’autres s’étaient habitués à cette guerre qu’ils avaient toujours connue. Elle a rassemblé des soldats de toutes origines. Et alors même que la France n’y croyait pas, se divisait contre elle-même, elle a eu l’intuition de son unité, de son rassemblement. Voilà pourquoi, les Français ont besoin de Jeanne d’Arc, car elle nous dit que le destin n’est pas écrit. Emmanuel Macron
Le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable. Emmanuel Macron
Je vous remercie vivement, Monseigneur, et je remercie la Conférence des Evêques de France de cette invitation à m’exprimer ici ce soir, en ce lieu si particulier et si beau du Collège des Bernardins, dont je veux aussi remercier les responsables et les équipes. Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. (…) Je suis convaincu que les liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme se sont forgés dans ces moments où est vérifiée la valeur réelle des hommes et des femmes. Il n’est pas besoin de remonter aux bâtisseurs de cathédrales et à Jeanne d’Arc : l’histoire récente nous offre mille exemples, depuis l’Union Sacrée de 1914 jusqu’aux résistants de 40, des Justes aux refondateurs de la République, des Pères de l’Europe aux inventeurs du syndicalisme moderne, de la gravité éminemment digne qui suivit l’assassinat du Père HAMEL à la mort du colonel BELTRAME, oui, la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques. Je sais que l’on a débattu comme du sexe des anges des racines chrétiennes de l’Europe. Et que cette dénomination a été écartée par les parlementaires européens. Mais après tout, l’évidence historique se passe parfois de tels symboles. Et surtout, ce ne sont pas les racines qui nous importent, car elles peuvent aussi bien être mortes. Ce qui importe, c’est la sève. Et je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation. C’est pour tenter de cerner cela que je suis ici ce soir. Pour vous dire que la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté. (…) Nous ne pouvons plus, dans le monde tel qu’il va, nous satisfaire d’un progrès économique ou scientifique qui ne s’interroge pas sur son impact sur l’humanité et sur le monde. (…) Au cœur de cette interrogation sur le sens de la vie, sur la place que nous réservons à la personne, sur la façon dont nous lui conférons sa dignité, vous avez, Monseigneur, placé deux sujets de notre temps : la bioéthique et le sujet des migrants. (…) C’est la conciliation du droit et de l’humanité que nous tentons. Le Pape a donné un nom à cet équilibre, il l’a appelé « prudence », faisant de cette vertu aristotélicienne celle du gouvernant, confronté bien sûr à la nécessité humaine d’accueillir mais également à celle politique et juridique d’héberger et d’intégrer. C’est le cap de cet humanisme réaliste que j’ai fixé. (…) Sur la bioéthique, on nous soupçonne parfois de jouer un agenda caché, de connaître d’avance les résultats d’un débat qui ouvrira de nouvelles possibilités dans la procréation assistée, ouvrant la porte à des pratiques qui irrésistiblement s’imposeront ensuite, comme la Gestation Pour Autrui. Et certains se disent que l’introduction dans ces débats de représentants de l’Eglise catholique comme de l’ensemble des représentants des cultes comme je m’y suis engagé dès le début de mon mandat est un leurre, destiné à diluer la parole de l’Eglise ou à la prendre en otage. (…) tous les jours les mêmes associations catholiques et les prêtres accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l’avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA , des familles confrontées à l’état végétatif d’un des leurs, des familles où l’un croit et l’autre non, apportant dans la famille la déchirure des choix spirituels et moraux, et cela je le sais, c’est votre quotidien aussi. (…) Cet horizon du salut a certes totalement disparu de l’ordinaire des sociétés contemporaines, mais c’est un tort et l’on voit à bien à des signes qu’il demeure enfoui. Chacun a sa manière de le nommer, de le transformer, de le porter mais c’est tout à la fois la question du sens et de l’absolu dans nos sociétés, que l’incertitude du salut apporte à toutes les vies même les plus résolument matérielles comme un tremblé au sens pictural du terme, est une évidence. Emmanuel Macron
Les juifs avaient le dîner du Crif et le Nouvel An du Consistoire, les musulmans le dîner de la rupture du jeûne du ramadan, et les protestants, la cérémonie des vœux de la Fédération protestante de France. Il manquait donc à l’Église catholique « un moment pour s’adresser à la société française d’une manière plus large », explique Mgr Ribadeau-Dumas, porte-parole de la CEF. En pleins États généraux de la bioéthique, l’occasion d’interpeller le gouvernement sur plusieurs sujets sensibles, comme la PMA ou la fin de vie. Mais pas seulement. Le sort des migrants, des sans-abris, et la laïcité devraient aussi nourrir les discussions. (…) Si François Hollande, après l’assassinat du père Hamel, avait fini par adopter « un discours très favorable aux Églises » le début de son mandat a été ponctué davantage par « des discours de méfiance, comme celui du Bourget », analyse Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études et directeur du Groupe sociétés, religions, laïcité. Quant à Nicolas Sarkozy, s’il était favorable au dialogue, il défendait « une conception identitaire de la nation, allant à l’encontre de la volonté d’accueil (de l’étranger, ndlr) de l’Église catholique ». En outre, beaucoup d’évêques auraient regretté que « Nicolas Sarkoy ait tendance à instrumentaliser les Églises au service de sa propre stratégie de pouvoir », ajoute le sociologue. Les évêques seraient plus à l’aise avec Emmanuel Macron, dont les discours inviteraient davantage au « dialogue avec les institutions religieuses », sans conception identitaire de la nation. (…) « Du fait de la pluralisation du champ religieux, et de l’agnosticisme d’une grande partie de la population, l’Église est contrainte de montrer son existence par des événements significatifs », constate pour sa part Philippe Portier. Dans ce nouveau contexte, l’Église adopterait donc une nouvelle logique de médiatisation pour exister. (…) Mais en se calquant sur les initiatives « événementielles » des autres communautés religieuses, l’Église ne risque-t-elle pas d’être perçue comme une minorité parmi d’autres ? Face à sa perte d’influence dans la société, serait-elle, progressivement, en train de se constituer en « lobby » ? (…) Les propos de Mgr Wintzer, interrogé par La Vie, illustrent bien ce dilemme : « L’Église prend conscience qu’elle est aussi une communauté, comme le sont d’autres communautés. On parle de la communauté musulmane, de la communauté juive, et maintenant on parle aussi de la communauté chrétienne, catholique. Faire cette invitation, c’est un peu accepter cela, d’être une religion avec d’autres. » « Et pourtant, ajoute-t-il, l’Église n’est pas un groupe à parité avec d’autres groupes. C’est-à-dire que l’Évangile n’est pas enfermé dans une communauté qui s’appelle l’Église catholique ». « Je me méfie de tout ce qui pourrait apparaître comme du communautarisme, abonde Mgr Ribadeau-Dumas. Les catholiques, par l’Évangile même, sont invités, dans la dimension universelle intrinsèque au catholicisme, à vivre dans cette société plurielle ». (…) Enfin, l’événement des Bernardins n’est pas tout à fait comparable aux événements organisés par les autres communautés religieuses. Les invités de marque, insiste Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, en seront surtout des personnes handicapées, en situation de précarité, et des migrants : « Ce seront sans doute eux qui ouvriront la soirée, pour montrer que le trésor de l’Église, c’est bien celui-là. Nous nous adressons à toute la société ». Rien n’a encore été décidé, en outre, sur la possibilité de faire de cette soirée un rendez-vous annuel (…° Enfin, si la CEF assume cette nécessité d’avoir une parole plus audible, elle refuse d’être assimilée à un lobby. « Nous, nous n’avons pas de produit à vendre. Nous avons une bonne nouvelle à annoncer, martèle le porte-parole de la CEF. (…) Mgr Ribadeau-Dumas souligne aussi l’étendue du réseau, historique, de l’Église catholique sur l’ensemble du territoire français : « À part le réseau de l’école, c’est l’Église qui a le plus grand maillage territorial. Si les évêques de France choisissent qu’un texte soit lu dans toutes les églises de France, il le sera. La Vie
Emmanuel Macron présente l’Etat et l’Eglise comme devant être en situation d’alliance. C’est un discours traditionnel dans le langage catholique. Deux éléments de son propos renvoient à un langage d’Eglise où s’affirme la spécificité du catholicisme dans la société française. Le premier, c’est qu’il parle de l’Eglise comme étant, à côté de l’Etat, dépositaire d’un ordre qui a sa propre juridiction. L’Eglise et l’Etat sont deux sociétés autonomes relevant chacune d’un ordre de juridiction spécifique. Il n’a pas utilisé ce langage avec les juifs, les musulmans ou les protestants. Cela renvoie à l’auto-compréhension de l’Eglise, qui ne s’analyse pas comme une communauté de croyance comme les autres, mais comme la dépositaire de la parole du Christ et ayant, vis-à-vis de l’Etat, un ordre de juridiction spécifique. Le président de la République a repris là les catégories de la théologie politique. Le second élément, que l’on ne retrouve pas dans les discours aux autres communautés de foi, c’est l’association constante entre nation et religion catholique. Il a parlé des racines chrétiennes de la France comme d’une sorte d’évidence historique. Ce discours marque bien la centralité du catholicisme dans la constitution de la nation française. (…)  Pour Emmanuel Macron, toutes les religions participent au concert national. Mais il ne cesse de mettre en évidence le fait que le catholicisme est d’une nature théologique et historique particulière. Et qu’il a su, en dépit de son intransigeance originelle, se couler dans la République et accepter les principes de la démocratie constitutionnelle. C’est la grande différence avec l’islam auquel il demande, dans plusieurs de ses discours, de faire un effort d’acclimatation et d’institutionnalisation, comme l’ont fait les autres cultes. En cela il est très français, et aussi catholique : il pense le religieux dans une dialectique entre le sujet et l’institution. Dans sa façon de s’adresser au catholicisme, la présence du nonce [le représentant du Saint-Siège en France] fait référence à l’Eglise comme institution internationale. Il y a dans sa présence une logique concordataire qui s’exprime. (…) Il y a eu, dans les présidences précédentes, des pratiques de dialogue, de mobilisation du religieux au service du bien commun. Mais avec Emmanuel Macron, cela devient beaucoup plus formalisé et fait l’objet d’un discours explicite. Dès les années 1960-1970, à mesure que l’Etat s’estimait moins à même de régler seul les problèmes sociaux, s’est mise en place, à l’égard des cultes, une politique de reconnaissance. Il y a l’idée que l’Etat ne peut pas tout et qu’il a besoin de s’appuyer sur des forces extérieures à lui-même. C’est un discours que tenait déjà François Mitterrand en 1983, lorsqu’il inaugurait le Comité national d’éthique, et qu’il disait que nous avions besoin des sagesses des forces religieuses et convictionnelles. On trouve la même chose chez Emmanuel Macron. La différence, c’est que ce qui apparaissait au détour d’un discours chez tel ou tel président, chez lui, cela prend vraiment l’allure d’une doctrine très formelle. (…) Il vient couronner et expliciter une évolution à l’œuvre dès les années 1960-1970. A mesure que l’Etat se trouvait bousculé dans sa capacité d’action sur le réel par des forces qu’il ne maîtrisait pas – l’individualisation de la société, la globalisation –, il a essayé de faire front avec les forces de la société civile. Une politique de reconnaissance s’est progressivement mise en place : on a associé davantage les cultes à la réflexion, on les a financés davantage, on leur a délégué davantage de compétences… En 1993-1994, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, Charles Pasqua disait déjà que, dans les banlieues, nous avions besoin de l’engagement des chrétiens. Emmanuel Macron a repris cette idée que le welfare state n’arrive pas à tout faire. Ce qui ne faisait qu’affleurer dans les discours passés des gouvernants se retrouve chez Emmanuel Macron dans un langage très particulier. (…) Deux tendances coexistent chez lui. La première est très « catholique d’ouverture ». Elle renvoie à l’idée que c’est à partir des engagements de la base que le catholicisme peut s’épanouir et irriguer la société de ses valeurs. Lundi, il a beaucoup insisté sur l’engagement social des catholiques. Pendant sa campagne présidentielle, il a visité le Secours catholique. C’est un catholicisme marqué par Emmanuel Mounier. En même temps, et c’est son côté plus traditionnel, il fait toujours référence à l’institution, ce que l’on aurait du mal à retrouver chez les catholiques libéraux. Il y a une sorte de compréhension dialectique du catholicisme comme un engagement des chrétiens porté par une institution elle-même inscrite dans l’histoire. Dans la campagne présidentielle, après avoir visité le Secours catholique, il s’est rendu à la basilique de Saint-Denis. Je ne crois pas que ces propos soient seulement stratégiques, destinés, pour les uns, aux catholiques de gauche, pour les autres aux catholiques d’affirmation. Il existe entre eux une coopération dialectique. (…) Il y a une ambiguïté. Fait-il allusion à l’histoire, à une laïcité de combat qui aurait laissé peu de place à l’Eglise ? Dans ce cas, il s’agirait de revenir sur une philosophie de séparation stricte pour essayer de lui substituer une laïcité de reconnaissance. De faire succéder une laïcité de confiance à une laïcité de défiance. Ou alors, deuxième hypothèse, il s’agit de prendre acte que, depuis les années 1990-2000, les catholiques sont de plus en plus méfiants à l’égard de la République et des gouvernants, qu’ils s’isolent dans une posture communautaire, identitaire, qui les éloigne de la communauté nationale. Il faudrait alors en finir avec cette évolution et leur permettre de réintégrer le concert public. Philippe Portier
Avant que tout discours ait été prononcé, le seul fait que le président Macron ait accepté, après des rencontres avec d’autres dignitaires des cultes, l’invitation de la Conférence des évêques de France à s’exprimer devant elle avait suscité des anticipations contrastées : celles de ceux qui dénonçaient par avance un manquement à la laïcité, et celles de ceux qui, en sens inverse, en espéraient des gages communautaires. Il est certain que le contenu de l’allocution d’un président de la République osant les mots de « transcendance » ou de « salut » a peu de chances d’apaiser les passions. Le propos, de fait, est hors norme. De quoi s’agit-il ? Son trait le plus frappant est la conviction forte qui s’y exprime de ce que la foi catholique n’est pas une simple « opinion », et de ce que l’Eglise n’est pas réductible a une « famille de pensée » invitée à vivre dans une bulle étanche au monde qui l’environne. Le discours du président intègre l’idée selon laquelle toute foi religieuse participe, pour celui qui s’en réclame, de la construction de son rapport au monde. Il atteste en même temps que le catholicisme – comme toute religion, selon Max Weber – est un « mode d’agir en communauté ». Dire cela, c’est avancer aussi que l’idée d’une pure « privatisation » de la croyance est une vue de l’esprit. Car la croyance n’est elle-même qu’une composante de ce rapport singulier au monde à laquelle la foi introduit le fidèle. Est-ce manquer à la laïcité que de le reconnaître ? La laïcité n’a pas été mise en place pour réduire sans reste cette singularité du religieux : elle a été construite pour empêcher que le mode propre d’agir en communauté que celle-ci définit puisse prévaloir, de quelque manière que ce soit, sur les règles que la communauté des citoyens se donne à elle-même. Ceci vaut pour le catholicisme romain autant que pour toutes les autres confessions présentes dans la société religieusement plurielle qu’est la France. Mais, dans un pays traumatisé par la guerre inexpugnable qui opposa pendant un siècle et demi au moins une France enfermée dans le rêve de la reconquête catholique à la France porteuse de l’ordre nouveau issu de la Révolution française, il faut une certaine audace pour affirmer que la singularité catholique, inscrite dans l’histoire longue, a légitimement vocation à s’exprimer, à sa place et sans privilège, dans une société définitivement sortie de la régie normative de l’Eglise et même du christianisme. Emmanuel Macron a affirmé la légitimité de cette expression de deux façons. Il l’a fait d’abord en prenant acte, indépendamment de toute prise de position idéologique sur la mention formelle des « racines chrétiennes », du rôle – non exclusif à beaucoup près – qui a été celui du catholicisme et de l’Eglise dans la fabrication de l’identité culturelle de la nation : nier l’importance de cette matrice catholique enfouie, et quoi qu’il en soit de son délitement présent, c’est s’exposer à méconnaître une source de bien des traits de notre esprit commun. Mais le président ne s’est pas arrêté seulement à cette invocation lointaine. Il a aussi fait état de l’engagement présent des catholiques dans le tissu de ces associations qui font prendre corps, sur des terrains multiples, au souci de ceux qu’il est convenu d’appeler « les plus fragiles » : ceux, en tout cas, que le cours du monde laisse sur le bord du chemin. Nul n’ignore, et certainement pas le président, que cet engagement n’est pas celui d’une armée en ordre de bataille sous la conduite des évêques : il est aussi le lieu où se creusent la pluralité et même la contradiction des voies selon lesquelles le catholicisme se vit concrètement comme manière d’habiter le monde. C’est au regard de cette pluralité des catholicismes qu’il faut ressaisir l’appel du président aux catholiques pour qu’ils fassent entendre leur voix dans le débat public, s’agissant en particulier des questions touchant aux migrations, à la bioéthique ou à la filiation. (…) En valorisant leur contribution à la production du sens de notre vie en commun, il ne se contente pas de mettre du baume sur les plaies d’une population perturbée par la découverte de sa condition minoritaire dans une société où elle fut, pendant des siècles, une majorité qui comptait. Il invite à rompre la logique d’enfermement qui pousse des courants de cette population à se constituer comme une contre-culture en résistance au sein d’un monde dont ils ont perdu les codes. Le discours des Bernardins restera, à cet égard, comme le moment assez étonnant où, dans la longue et difficile trajectoire de la reconfiguration du catholicisme français en minorité religieuse dans une société plurielle, l’invitation à échapper au risque sectaire sera venue, contre toute attente, de la plus haute autorité de la République. Danièle Hervieu-Léger
Inciter les membres d’une religion à s’engager politiquement, dans un contexte d’entrisme politique de l’islam radical, est à la fois irresponsable et dangereux : le Président ne pouvait ignorer la résonance particulière de ces mots dans un contexte où l’église catholique est en plein recul sur fond de crise des vocations, quand le prosélytisme islamique, lui, ne cesse de s’étendre. Ce ne sont pas les luthériens ni les bouddhistes qui vont soudain vouloir s’emparer de cet appel à l’engagement politique des religieux, et l’équité entre les cultes que commande justement le principe de laïcité obligera le Président à prononcer les mêmes paroles et accorder les mêmes objectifs aux membres de toutes les religions. Le problème … réside dans la volonté de certains d’imposer leur vision de la spiritualité dans l’espace public : vêtements, comportements, intolérances, interdictions, évictions des femmes de certains espaces, violences contre les membres d’autres religions, mais aussi interventions dans le champ bio-éthique etc. La spiritualité ne dispense jamais mieux ses effets positifs sur la société que lorsqu’elle s’exerce dans le cadre privé. Paradoxalement, après un siècle de relations en effet très douloureuses entre les Eglises et l’Etat, c’est désormais la laïcité qui est le meilleur rempart protecteur pour les chrétiens, tout comme elle l’est également pour les juifs de France mais aussi pour les musulmans modérés : ne pas comprendre cette inversion historique du paradigme laïque engendré par l’entrisme islamiste c’est au mieux faire un contresens majeur sur la situation actuelle, et au pire donner les clés de la maison à la religion qui sera la plus véhémente dans son action politique. Anne-Marie Chazaud
The new film Mary Magdalene, directed by Garth Davis (…) tells the story of Mary Magdalene (Rooney Mara), detailing her fraught existence in Magdala as a single woman determined not to marry, before she meets Jesus (Joaquin Phoenix) and follows him to Galilee and then Jerusalem, where he’s crucified. Yet, in stripping away the myths, this film portrayal of Mary Magdalene underlines what some scholars see as the real — and unexpected — reason why she’s so controversial. At the heart of the controversy is the idea that Mary Magdalene’s connection to Jesus was spiritual rather than romantic. For example, in the film’s version of the Last Supper, Mary Magdalene is seated on Jesus’ right-hand side. Though the tableau echoes a key scene in the 2006 film version of The Da Vinci Code, in which the characters examine Leonardo Da Vinci’s mural The Last Supper and debate whether the effeminate figure to Jesus’ right was in fact Mary Magdalene, the new movie doesn’t place her there as his wife. The significance of her seat lies instead in Mary Magdalene taking the prized position above any of the twelve male apostles, as Peter (Chiwetel Ejiofor) looks on in jealousy. This version of the story is the real reason why Mary Magdalene is dangerous to the Church, according to Professor Joan Taylor of King’s College, London, who worked as historical advisor for Mary Magdalene. Mary’s central role in the Gospels has historically been used by some as evidence that the Church should introduce female priests — and since 1969, when the Catholic Church admitted that it had mistakenly identified Mary Magdalene as a sex worker, the calls for women in church leadership positions have only grown louder. “Within the Church she does have tremendous power, and there are lots of women who look… to Mary Magdalene as a foundation for women’s leadership within the Church,” says Taylor. The film draws partially from the Gospel of Mary, a “very mysterious document” discovered in the 19th century, Taylor says. It has no known author, and although it’s popularly known as a “gospel,” it’s not technically classed as one, as gospels generally recount the events during Jesus’ life, rather than beginning after his death. It’s thought the text was written some time in the 2nd century, but some scholars claim it overlaps Jesus’ lifetime. In the Gospel of Mary, which isn’t officially recognized by the Church, Mary Magdalene is framed as the only disciple who truly understands Jesus’ spiritual message, which puts her in direct conflict with the apostle Peter. Mary describes to the other apostles a vision she has had of Jesus following his death. Peter grows hostile, asking why Jesus would especially grant Mary — a woman — a vision. Mary Magdalene’s special understanding of Jesus’ message, and Peter’s hostility towards her, as portrayed in Mary Magdalene, will likely split opinion, according to Taylor and her colleague, Professor Helen Bond of The University of Edinburgh, Scotland, with whom Taylor is presenting a U.K. television series on women disciples this Easter, titled Jesus’ Female Disciples: the New Evidence. “[In the film] she’s really close to Jesus, not because of some kind of love affair, but just because she…gets Jesus in a way that the other disciples don’t,” Bond says. The idea that the twelve disciples didn’t quite “get” Jesus in the same way Mary Magdalene did is addressed throughout Davis’ film. The disciples are waiting for Jesus to overthrow the Romans and create a new kingdom, one without death or suffering. But by the end of the film, following Jesus’ death, Mary Magdalene has come to the conclusion that “the kingdom is here and now.” For Michael Haag, author of The Quest For Mary Magdalene, the Church has historically sidelined Mary not just because of her gender, but also because of her message. He argues that the Church specifically promulgated the idea that she was a sex worker in order to “devalue” her message. Haag believes that Mary Magdalene’s alternative ideas proved too dangerous for the Church to allow them to spread. The Gospel of Mary Magdalene, in his view, undermines “Church bureaucracy and favors personal understanding.”  (..;) But both Bond and Taylor point to the Bible itself for further evidence of Mary Magdalene’s intimate understanding of Jesus. She remains at the cross during the crucifixion while the other disciples hide, and she’s the first to see Jesus following the Resurrection. “[There’s] the very strong implication that Christianity is derived from her testimony and her witness,” Bond says. Strip away the labels of “prostitute” or “wife,” and Mary Magdalene still remains a controversial figure. Her story challenges ideas about spirituality, and the role of women in religion. Time
Depuis le début du XXe siècle, pas moins de 80 films dans lesquels il est question de Jésus ont été tournés, dont 15 depuis l’an 2000 (…) Cela nous fait une moyenne d’un film tous les 18 mois environ ! En réalité, la question de l’historicité de Jésus, de son existence, est récurrente depuis au moins le XVIIe siècle, lorsqu’apparaît le déisme qui, en Angleterre notamment, se caractérise par une critique virulente des miracles et du surnaturel. Au XVIIIe siècle, ce courant philosophique quasiment athée s’infléchit en panthéisme puis en théisme, et sera la religion de beaucoup de philosophes des Lumières. On se rapproche alors d’une religion naturelle qui n’est pas dépourvue d’une certaine forme de culte, « fut-il réduit à la prière d’adoration de l’infini face au soleil levant », comme l’a écrit Jacqueline Lagrée. Mais c’est avec la quête rationaliste, le courant mythologique et l’école de Tübingen au début du XIXe siècle, que la réalité historique de Jésus s’évanouit pour devenir une figure mythologique, fruit d’un imaginaire presque mystique des premières communautés chrétiennes. (…) Le Jésus de l’Histoire et le Christ de la foi peuvent être liés, mais en aucun cas la foi ne peut naître de la recherche historique. Depuis le milieu des années 1950, la quête du Jésus historique a été relancée sous l’impulsion de Ernst Käsemann et Günther Bornkamm, et on peut remarquer qu’aujourd’hui elle se recentre sur sa judaïté. Sa dimension historique est pleinement assurée autant par les sources textuelles – aussi pauvres et fragiles soient-elles – que par la critique interne des récits évangéliques mis en perspective avec le contexte général de la Palestine au tournant de notre ère. Vous comprenez ainsi que la figure historique de Jésus est un sujet débattu depuis au moins trois siècles, et qu’on n’a pas fini de s’interroger sur lui. (…) Le film de Jon Gunn est, en définitive, dans la continuité logique de cette interrogation, il est l’illustration parfaite de cette interrogation qui taraude les esprits depuis si longtemps. Si je pouvais, humblement, donner un conseil à M. Onfray, ce serait d’aller voir ce film qui raconte la quête d’un journaliste d’investigation athée américain, Lee Strobel, qui, dans les années 1970, suite à la conversion de son épouse, mena une véritable enquête policière sur le personnage de Jésus. Lee Strobel a publié plusieurs livres relatant sa longue quête : The Case for Christ (1998), The Case for Faith (2000), The Case for a Creator (2004), The Case for the Real Jesus (2007), et bien d’autres encore. Il a cherché à comprendre comment aux XXe et XXIe siècles, des gens pouvaient encore croire en Jésus, vrai Dieu et vrai Homme, alors que le dogme rationaliste contemporain posait (mais sans aucun fondement scientifique) l’impossibilité d’une telle assertion. Son enquête l’a mené à interroger des dizaines de spécialistes de tous bords, et l’a conduit finalement à se convertir. Voilà une belle leçon de vie et d’honnêteté intellectuelle. (…) La méthode exégétique (étude et interprétation des textes) repose au départ sur le doute scientifique. Elle remet en question la tradition multiséculaire de l’Église concernant notamment l’authenticité des évangiles. Afin d’éviter toute discussion stérile sur l’authenticité des récits évangéliques au nom d’une hypercritique inutile, il me semble plus judicieux d’aborder le sujet sous l’angle de la vraisemblance, car cela laisse la porte ouverte à toutes les objections, à la condition bien entendu qu’elles soient fondées. (…) On se trouve ici dans le registre de la foi. La question que je me pose est de savoir si, oui ou non, cette foi peut reposer sur des faits ou seulement sur une appréciation personnelle. Je considère que la foi est beaucoup plus qu’un sentiment, qu’un élan du cœur qui nous pousse à croire sans vraiment chercher à comprendre. Pour moi, la foi est aussi le résultat d’un travail rationnel : c’est l’adéquation de la raison ou de l’intelligence à une vérité révélée. Mais on sort ici du champ de l’histoire. Pour en revenir à la résurrection, je dirais que l’historien n’a pas à expliquer ce phénomène. Par contre, il doit prendre en compte l’information qui le rapporte. Tout écrit est une information, tout texte donne des renseignements dont il faut analyser le degré de pertinence, de crédibilité, de vraisemblance. (…) Lorsque les évangiles racontent la résurrection de Jésus, l’historien n’a pas à expliquer ce phénomène ni à se demander s’il est possible ou non (même la science actuelle est incapable de répondre à cette question pour les raisons que je donne dans mon livre), mais de vérifier la vraisemblance de cette information : qui sont ceux qui rapportent cette information ? Qui sont les témoins ? Pourquoi rapportent-ils ce phénomène ? Qu’ont-ils fait exactement après l’avoir rapporté ? Comment ont réagi leurs adversaires ? Quelles sont les autres explications possibles à cet épisode singulier ? S’agit-il d’un mensonge, d’une manipulation ? Quels en sont les raisons ou les buts ? En définitive, lorsqu’on sait comment les témoins de cette annonce extraordinaire ont fini leur vie, on peut se poser la question : on peut mourir pour quelque chose que l’on croit être vrai, mais est-on prêt à donner sa vie pour quelque chose que l’on sait être faux ? Ici, on n’est plus dans le domaine de l’histoire ni de la foi ; c’est juste une question de bon sens ! Bruno Bioul
Il faudrait désormais un colloque scientifique pour évaluer si Jean-Christian Petitfils a bien servi la vérité christique. On doit cependant admettre que les 600 pages de son déjà best-seller se lisent comme un roman. Et que ce travail colossal de synthèse des sources, loin de toute polémique tapageuse, tient ses promesses pour un grand public avide de repères. Petitfils recompose la vie de Jésus à partir de Jean, affirmant que l’Évangile le plus mystique est aussi le plus historique, et s’appuie sur l’historicité du saint suaire. Deux principes qu’il n’est pas le seul à défendre. Ce livre nous change des exégètes parfois si raffinés qu’ils nous perdent dans la brume du doute. À lire en gardant à l’esprit que l’historien se limite à des hypothèses, sans prétendre mettre la main sur la vérité du Christ. Jean Mercier
Tout a été dit, mais tout et son contraire. La synthèse des plus récentes découvertes en histoire, en philologie, en exégèse, en archéologie était devenue nécessaire pour reconstituer la vie aussi bien que le caractère de Jésus. Les données de l’archéologie biblique sont en constant renouvellement : on vient de découvrir, en novembre 2011, que le mur des Lamentations ne datait pas d’Hérode le Grand. On a découvert, en 2009, une maison au centre du village de Nazareth, alors que beaucoup d’historiens prétendaient jusqu’alors que Nazareth n’existait pas au Ier siècle. Il y a près de trente ans, j’ai entamé une démarche personnelle : je suis croyant, membre d’une religion incarnée, et j’ai voulu, en tant qu’historien, avoir davantage de précisions. Marc Bloch écrivait : « Le christianisme est une religion d’historiens. » J’ai voulu retrouver le Jésus de l’histoire. Mon livre s’adresse aux croyants comme aux incroyants et s’arrête devant le mystère. L’historien n’a pas à prendre parti quant à la réalité des exorcismes, des miracles et, a fortiori, de la résurrection. Renan, dont on va fêter le 150e anniversaire de sa Vie de Jésus, disait : « Si les miracles ont quelque réalité, mon livre n’est qu’un tissu d’erreurs. » C’est un présupposé scientiste et positiviste que de rejeter et de nier le mystère. (…) Ce n’est pas impossible qu’il y ait une interpolation chrétienne du texte de Flavius Josèphe, puisqu’on a retrouvé un texte d’Agapios de Manbij, évêque melchite du Xe siècle, qui nous donne une version plus condensée du Testimonium flavianum, dans laquelle ne figurent pas les éléments contestés. Au-delà, nous disposons d’écrits romains de Tacite, de Suétone ou encore d’une lettre datée de l’an 111 de Pline le Jeune disant que « les chrétiens chantent un hymne à “Chrestos” comme à un dieu ». Indépendamment de ce que nous racontent les évangiles et les lettres pauliniennes, on voit que, dès le début du IIe siècle, les chrétiens étaient réputés croire à la divinité de Jésus. Même Celse, philosophe grec du IIe siècle et adversaire très virulent du christianisme, ne remet pas en cause l’existence historique de Jésus. La contestation de cette historicité est, en réalité, une affaire très tardive et très chargée d’idéologie. (…) Paul ne nous dit pratiquement rien, en dehors de la 1re Lettre aux Corinthiens, sur le Jésus de l’histoire. Il formule le kérygme, l’énoncé de la foi des premiers chrétiens. Il nous renseigne sur les débats avec les judéo-chrétiens et avec l’Eglise de Jérusalem. Prieur et Mordillat veulent un Jésus sans Eglise. Comme beaucoup aujourd’hui, ils se fabriquent leur propre Jésus. Or, pour l’historien, l’essentiel est ailleurs : les récits évangéliques, qui sont des récits de foi, contiennent-ils une vérité historique et quelle est cette vérité ? J’ai accordé la priorité historique à Jean alors que, d’habitude les historiens partent des évangiles synoptiques (Marc, Luc, Matthieu) et mettent Jean de côté : c’est un texte très symbolique et mystique, dont on ne devrait pas, nous disent-ils, tenir compte. Ce raisonnement me paraît faux. Le récit de Jean est celui d’un témoin oculaire, qu’il nous faut réévaluer par rapport aux trois autres qui, eux, n’ont jamais vu Jésus – même si à l’origine de notre Matthieu actuel se trouve un Matthieu araméen, probablement écrit par l’un des Douze, Lévi dit Matthieu, chef du bureau de péages de Capharnaüm. Les évangiles synoptiques présentent un certain voile par rapport à l’évangile de Jean. D’un point de vue strictement historique, ils me semblent moins fiables : ils résument, dans une optique catéchétique, la vie de Jésus en une seule année. Or, lorsqu’on lit l’évangile de Jean le ministère de Jésus s’étire sur trois ou quatre années. Ainsi nous montre-t-il plusieurs allées et venues, plusieurs discussions avec les autorités juives de Jérusalem ou les pharisiens. Ce sont autant de discussions que les synoptiques rassemblent dans le « procès juif » de Jésus. C’est, à mes yeux, un procès fictif. Jésus n’a pas comparu devant le Sanhédrin en séance plénière. D’ailleurs, tous les historiens du judaïsme l’écrivent depuis longtemps : jamais, au Ier siècle, le Sanhédrin ne se serait réuni au temps de Pessah… (…) Ce qu’on appelle le « procès juif » de Jésus n’est qu’une présentation schématique des discussions qu’il a eues tout au long de son ministère et qui s’étendent, chez Jean, sur plusieurs chapitres. Les auteurs des synoptiques mettent en scène et rassemblent ces nombreux échanges en un seul récit. Du point de vue historique, ce récit a la même valeur que celui des Tentations : c’est, en quelque sorte, un midrash. (…) Il a un mode de fonctionnement bien précis : il passe constamment de la réalité historique au mystère. Il assiste, par exemple, aux noces villageoises de Cana. Mais il les transforme en noces eschatologiques, ne nous renseignant ni sur le nom des mariés ni sur leur degré de parenté avec Jésus. Il fait des six jarres de vin le symbole de l’imperfection d’Israël (7 étant le nombre parfait). La tâche de l’historien est de retrouver le soubassement du texte, c’est-à-dire la part de réalité que contient le récit. (…) c’est le cas de Gethsémani, où il reste très elliptique. Quant à la Passion, il ne se prend pas pour Mel Gibson et atténue volontairement les souffrances que Jésus endure lors de la flagellation et de la crucifixion : c’est que son intention n’est pas de sombrer dans le gore, mais de montrer la Croix glorieuse, c’est-à-dire le Christ sur son trône de majesté qui va juger le monde. (…) C’est justement l’intérêt de mobiliser les dernières données mises à notre disposition par la recherche. L’abbé Pierre Courouble, grand spécialiste du grec ancien, a ainsi découvert, il y a quelques années, des latinismes dans deux phrases prononcées par Pilate et rapportées par Jean : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » et « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit ». La présence de latinismes dans ces deux phrases nous démontre que Jean était, sinon un témoin direct lorsque ces phrases ont été prononcées, du moins un rapporteur de première main. De même, Jean connaît le nom de la moindre servante des grands prêtres et le moindre arcane du Temple : cela accrédite l’idée qu’il appartiendrait à une famille sacerdotale de Jérusalem. Il est très certainement, comme nous l’indique Polycrate d’Ephèse au IIe siècle, membre de la haute aristocratie hiérosolymite. Il porte le petalum, la lame d’or des grands prêtres de cette époque. Il n’a vraisemblablement rien à voir avec Jean, fils de Zébédée et pécheur de son état… (…) Souvent, on réduit Jésus à son entourage immédiat des Douze, alors qu’il y avait une multitude de disciples allant et venant, au gré du temps et de leur occupation respective… [Jacques Duquesne] dans son Marie, mère de Jésus, il confond frères et cousins. Il ignore notamment les travaux réalisés aux Etats-Unis aussi bien qu’en Europe et qui nous montrent que Jésus est « nazôréen » : c’est un groupe sémite issu de Mésopotamie qui est venu se réinstaller en Galilée et au-delà du Jourdain dans deux villages, dont Nazareth. Ils prétendent être descendants de David et porter, en leur sein, le messie qu’attend Israël… (…) il ne veut surtout pas qu’on le confonde avec un messie temporel ! Il vit en un temps où il y a déjà eu beaucoup de messies temporels qui se sont révoltés contre l’occupation romaine. C’est le cas de Judas le Galiléen, qui avait fomenté une insurrection, en l’an 6. En représailles, les Romains avaient alors incendié et détruit la ville de Sephoris, située juste à côté de Nazareth. Âgé de douze ou treize ans, Jésus a très certainement aperçu la fumée s’élever au loin et les deux mille croix érigées le long des chemins. Il ne veut pas ça. Et il essaie de rompre avec cette origine qui lui pèse. (…) tout indique qu’il soit né en l’an -7. (…) C’est une période d’attente, d’impatience, d’aspiration messianique. Mais c’est une période de relative accalmie : elle succède aux temps troublés qui ont suivi la mort d’Hérode et la déposition de son fils aîné Archélaos. « Sub Tibero quies » (sous Tibère tout était calme), dit laconiquement Tacite. Mais tout était calme, avant l’explosion. Du temps de Jésus, il n’y avait pas de zélotes ni de sicaires. Et quand on parle de Simon le Zélote, l’un des Douze, il s’agit d’un zèle dans la foi : ce n’était pas un révolutionnaire… (…) Non seulement, il n’y a pas de message politique chez Jésus, mais en plus il refusait la politique et le social. Pour la foi chrétienne, le Christ n’est pas le premier des indignés, mais le premier des ressuscités – ce qui est, convenez-en, un peu différent. Certes, il y a bien eu des tentatives de récupération politique du message de Jésus : ce fut le cas avec la théologie de la libération. Or, il ne fait, par exemple, aucune sorte d’allusion à l’esclavage. Jésus n’est pas Spartacus ! [Piss Christ ou Golgota picnic] sont des oeuvres qui probablement ne resteront pas dans l’histoire : ce sont des épiphénomènes. Paradoxalement, elles montrent, au-delà même du dénigrement ou du sacrilège, que la personne de Jésus ne laisse pas indifférents nos contemporains et continue de fasciner. Moi ce qui m’apparaît important, en tant qu’historien, c’est de découvrir la vérité exacte : qui était Jésus vraiment ? Se ressentait-il être le messie d’Israël ? Pensait-il être lui-même le « Fils de Dieu » ou est-ce un sentiment qu’on lui a attribué ultérieurement ? Pourquoi a-t-il été crucifié ? Quels sont les responsables de cette crucifixion ? Voilà des points d’interrogation auxquels j’ai voulu répondre, en faisant abstraction de toutes les œuvres d’art postérieures, critiques ou non, et même des enseignements dogmatiques. (…) Jésus est un provocateur, notamment lorsqu’il guérit un jour de sabbat. C’était un simple artisan de Nazareth et un nazoréen, toujours suspect puisque se prétendant descendre de David. Il n’avait pas suivi l’enseignement des grands rabbins comme Hillel ou Gamliel. Pourtant, il va jusqu’à mettre en cause l’enseignement de Moïse ! « Moïse vous a dit de faire cela, moi je vous dis de faire ceci. » Au nom de quoi, peut-il prétendre cela ? Quand il appelle Dieu « abba » (en araméen, papa), ce n’est pas simplement l’emploi très déférent du mot « père » que font les juifs. Jésus prétend avoir une relation filiale et unique avec Dieu. C’est là où, en tant qu’historien, je dois m’arrêter : je ne peux pas aller au-delà. (…) il y a une violence prophétique chez Jésus. Elle se manifeste également à l’encontre de villages entiers contre lesquels il jette l’anathème : c’est le cas de Capharnaüm. Le souffle prophétique d’Israël continue à s’exprimer en lui. (…) Je suis parti d’hypothèses. Si l’on en pose d’autres, on pourra arriver à des résultats différents. La recherche et nos connaissances évoluent. En France, le dernier livre qui poursuivait l’objectif de synthétiser l’état le plus récent des connaissances sur Jésus remonte à celui de Daniel Rops, dont la première édition a paru en 1947, c’est-à-dire avant les découvertes de Qumran et des manuscrits de la mer Morte. Le livre que j’ai voulu faire correspond à une étape, un état des lieux de ce que la science met aujourd’hui à notre disposition pour appréhender le Jésus de l’histoire. Il y en aura très certainement d’autres. Jean-Christophe Petitfils
To my dear son André on his 16th birthday …

Pourquoi il faut lire le Jésus de Jean-Christian Petitfils (et son Dictionnaire amoureux aussi !)

En ces temps étranges …

D’églises (blanches) vides et de JAJ, mosquées ou temples (noirs) pleins …

D’athéisme revendiqué et d’idées chrétiennes devenues folles

Comme d’art déchristianisé mais, entre Piss Christ et Golgota picnic, obsédé par la victimologie  …

De Fille ainée de l’Eglise réduite comme la première minorité venue à lancer sa version catholique du dîner du Crif

Et de président du mariage et de l’adoption pour tous l’appelant, au risque d’ouvrir la voie à un islam toujours plus militant (« féministes islamiques » comprises), à une plus grande mobilisation politique …

De retour du religieux mais avec une sur-radicalité du côté musulman, dans la jeunesse française …

Et d’une actualité qui,  entre captation d’héritage et génocide silencieux des chrétiens, vérifie quasiment quotidiennement et scientifiquement les paroles du Christ …

Mais aussi, entre faussaires universitaires à la  « femme de Jésus » et faussaires littéraires à la autres Da Vinci code, de premiers charlatans venus remettant en cause des siècles de consensus scientifique sur son existence …

Ou, politiquement correct cinématographique oblige et entre africanisation de nos Pierre ou de nos Samson,  de déshabillage de Jean pour habiller Marie …

Le mystère Jésus

Historien, spécialiste du Grand Siècle et auteur de la biographie de référence de Louis XIV, Jean-Christian Petitfils publie, chez Fayard, une biographie du Christ, sobrement intitulée : Jésus.

François Miclo. Les historiens n’ont-ils pas tout dit sur Jésus ? Pourquoi lui consacrer près de 600 nouvelles pages ?
Jean-Christian Petitfils. Tout a été dit, mais tout et son contraire. La synthèse des plus récentes découvertes en histoire, en philologie, en exégèse, en archéologie était devenue nécessaire pour reconstituer la vie aussi bien que le caractère de Jésus. Les données de l’archéologie biblique sont en constant renouvellement : on vient de découvrir, en novembre 2011, que le mur des Lamentations ne datait pas d’Hérode le Grand. On a découvert, en 2009, une maison au centre du village de Nazareth, alors que beaucoup d’historiens prétendaient jusqu’alors que Nazareth n’existait pas au Ier siècle. Il y a près de trente ans, j’ai entamé une démarche personnelle : je suis croyant, membre d’une religion incarnée, et j’ai voulu, en tant qu’historien, avoir davantage de précisions. Marc Bloch écrivait : « Le christianisme est une religion d’historiens. » J’ai voulu retrouver le Jésus de l’histoire. Mon livre s’adresse aux croyants comme aux incroyants et s’arrête devant le mystère. L’historien n’a pas à prendre parti quant à la réalité des exorcismes, des miracles et, a fortiori, de la résurrection. Renan, dont on va fêter le 150e anniversaire de sa Vie de Jésus, disait : « Si les miracles ont quelque réalité, mon livre n’est qu’un tissu d’erreurs. » C’est un présupposé scientiste et positiviste que de rejeter et de nier le mystère.

« Tout a été dit, mais tout et son contraire. » Comment expliquer un désaccord aussi persistant sur l’historicité de Jésus ? Les sources, en dehors des quatre évangiles, sont minces. Et quand Flavius Josèphe mentionne un certain Jésus, il est légitime de se demander si ce n’est pas un copiste chrétien qui l’aurait tardivement rajouté…
Ce n’est pas impossible qu’il y ait une interpolation chrétienne du texte de Flavius Josèphe, puisqu’on a retrouvé un texte d’Agapios de Manbij, évêque melchite du Xe siècle, qui nous donne une version plus condensée du Testimonium flavianum, dans laquelle ne figurent pas les éléments contestés. Au-delà, nous disposons d’écrits romains de Tacite, de Suétone ou encore d’une lettre datée de l’an 111 de Pline le Jeune disant que « les chrétiens chantent un hymne à “Chrestos” comme à un dieu ». Indépendamment de ce que nous racontent les évangiles et les lettres pauliniennes, on voit que, dès le début du IIe siècle, les chrétiens étaient réputés croire à la divinité de Jésus. Même Celse, philosophe grec du IIe siècle et adversaire très virulent du christianisme, ne remet pas en cause l’existence historique de Jésus. La contestation de cette historicité est, en réalité, une affaire très tardive et très chargée d’idéologie.

Pourquoi procéder à l’inverse de Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, les auteurs de Corpus Christi, en mettant de côté Paul de Tarse et en vous concentrant sur l’évangile de Jean ?
Paul ne nous dit pratiquement rien, en dehors de la 1re Lettre aux Corinthiens, sur le Jésus de l’histoire. Il formule le kérygme, l’énoncé de la foi des premiers chrétiens. Il nous renseigne sur les débats avec les judéo-chrétiens et avec l’Eglise de Jérusalem. Prieur et Mordillat veulent un Jésus sans Eglise. Comme beaucoup aujourd’hui, ils se fabriquent leur propre Jésus. Or, pour l’historien, l’essentiel est ailleurs : les récits évangéliques, qui sont des récits de foi, contiennent-ils une vérité historique et quelle est cette vérité ? J’ai accordé la priorité historique à Jean alors que, d’habitude les historiens partent des évangiles synoptiques (Marc, Luc, Matthieu) et mettent Jean de côté : c’est un texte très symbolique et mystique, dont on ne devrait pas, nous disent-ils, tenir compte. Ce raisonnement me paraît faux. Le récit de Jean est celui d’un témoin oculaire, qu’il nous faut réévaluer par rapport aux trois autres qui, eux, n’ont jamais vu Jésus – même si à l’origine de notre Matthieu actuel se trouve un Matthieu araméen, probablement écrit par l’un des Douze, Lévi dit Matthieu, chef du bureau de péages de Capharnaüm. Les évangiles synoptiques présentent un certain voile par rapport à l’évangile de Jean. D’un point de vue strictement historique, ils me semblent moins fiables : ils résument, dans une optique catéchétique, la vie de Jésus en une seule année. Or, lorsqu’on lit l’évangile de Jean le ministère de Jésus s’étire sur trois ou quatre années. Ainsi nous montre-t-il plusieurs allées et venues, plusieurs discussions avec les autorités juives de Jérusalem ou les pharisiens. Ce sont autant de discussions que les synoptiques rassemblent dans le « procès juif » de Jésus. C’est, à mes yeux, un procès fictif. Jésus n’a pas comparu devant le Sanhédrin en séance plénière. D’ailleurs, tous les historiens du judaïsme l’écrivent depuis longtemps : jamais, au Ier siècle, le Sanhédrin ne se serait réuni au temps de Pessah…

Ouh, le blasphémateur que voilà ! Vous remettez en cause une vérité de la foi !
Non, ce n’est pas une vérité dogmatique. Ce qu’on appelle le « procès juif » de Jésus n’est qu’une présentation schématique des discussions qu’il a eues tout au long de son ministère et qui s’étendent, chez Jean, sur plusieurs chapitres. Les auteurs des synoptiques mettent en scène et rassemblent ces nombreux échanges en un seul récit. Du point de vue historique, ce récit a la même valeur que celui des Tentations : c’est, en quelque sorte, un midrash.

A midrash, midrash et demi : votre Jean me paraît demeurer bien symbolique…
Il a un mode de fonctionnement bien précis : il passe constamment de la réalité historique au mystère. Il assiste, par exemple, aux noces villageoises de Cana. Mais il les transforme en noces eschatologiques, ne nous renseignant ni sur le nom des mariés ni sur leur degré de parenté avec Jésus. Il fait des six jarres de vin le symbole de l’imperfection d’Israël (7 étant le nombre parfait). La tâche de l’historien est de retrouver le soubassement du texte, c’est-à-dire la part de réalité que contient le récit.

Pour autant, Jean se tait sur certains épisodes que les synoptiques développent…
Oui, c’est le cas de Gethsémani, où il reste très elliptique. Quant à la Passion, il ne se prend pas pour Mel Gibson et atténue volontairement les souffrances que Jésus endure lors de la flagellation et de la crucifixion : c’est que son intention n’est pas de sombrer dans le gore, mais de montrer la Croix glorieuse, c’est-à-dire le Christ sur son trône de majesté qui va juger le monde.

Comment séparer ici le bon grain de l’ivraie, la réalité historique de la portée symbolique du texte ?
C’est justement l’intérêt de mobiliser les dernières données mises à notre disposition par la recherche. L’abbé Pierre Courouble, grand spécialiste du grec ancien, a ainsi découvert, il y a quelques années, des latinismes dans deux phrases prononcées par Pilate et rapportées par Jean : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » et « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit ». La présence de latinismes dans ces deux phrases nous démontre que Jean était, sinon un témoin direct lorsque ces phrases ont été prononcées, du moins un rapporteur de première main. De même, Jean connaît le nom de la moindre servante des grands prêtres et le moindre arcane du Temple : cela accrédite l’idée qu’il appartiendrait à une famille sacerdotale de Jérusalem. Il est très certainement, comme nous l’indique Polycrate d’Ephèse au IIe siècle, membre de la haute aristocratie hiérosolymite. Il porte le petalum, la lame d’or des grands prêtres de cette époque. Il n’a vraisemblablement rien à voir avec Jean, fils de Zébédée et pécheur de son état…

Ouh là, là, moins vite : j’ai toujours eu du mal avec le nom des disciples…
Souvent, on réduit Jésus à son entourage immédiat des Douze, alors qu’il y avait une multitude de disciples allant et venant, au gré du temps et de leur occupation respective…

Sans compter ses frères et sœurs !
Jésus n’en a jamais eu !

Jacques Duquesne a le droit d’aimer les familles nombreuses, non ?
Oui, mais, dans son Marie, mère de Jésus, il confond frères et cousins. Il ignore notamment les travaux réalisés aux Etats-Unis aussi bien qu’en Europe et qui nous montrent que Jésus est « nazôréen » : c’est un groupe sémite issu de Mésopotamie qui est venu se réinstaller en Galilée et au-delà du Jourdain dans deux villages, dont Nazareth. Ils prétendent être descendants de David et porter, en leur sein, le messie qu’attend Israël…

Tout au long de sa prédication, Jésus semble tenir cette origine comme une vraie croix ! On l’interpelle dans la rue : « Eh toi, fils de David… » Il n’aime pas trop ça…
C’est qu’il ne veut surtout pas qu’on le confonde avec un messie temporel ! Il vit en un temps où il y a déjà eu beaucoup de messies temporels qui se sont révoltés contre l’occupation romaine. C’est le cas de Judas le Galiléen, qui avait fomenté une insurrection, en l’an 6. En représailles, les Romains avaient alors incendié et détruit la ville de Sephoris, située juste à côté de Nazareth. Âgé de douze ou treize ans, Jésus a très certainement aperçu la fumée s’élever au loin et les deux mille croix érigées le long des chemins. Il ne veut pas ça. Et il essaie de rompre avec cette origine qui lui pèse.

Mais comment ! Jésus avait douze ou treize ans en l’an 6 après Lui-même ?
Oui, tout indique qu’il soit né en l’an -7.

Destruction de villes, incendies, crucifixions : c’est une période violente ?
C’est une période d’attente, d’impatience, d’aspiration messianique. Mais c’est une période de relative accalmie : elle succède aux temps troublés qui ont suivi la mort d’Hérode et la déposition de son fils aîné Archélaos. « Sub Tibero quies » (sous Tibère tout était calme), dit laconiquement Tacite. Mais tout était calme, avant l’explosion. Du temps de Jésus, il n’y avait pas de zélotes ni de sicaires. Et quand on parle de Simon le Zélote, l’un des Douze, il s’agit d’un zèle dans la foi : ce n’était pas un révolutionnaire…

Ah mince ! Moi qui croyais que Jésus préfigurait la venue sur la Terre de Stéphane Hessel ! Il n’était donc pas un indigné ?
Non seulement, il n’y a pas de message politique chez Jésus, mais en plus il refusait la politique et le social. Pour la foi chrétienne, le Christ n’est pas le premier des indignés, mais le premier des ressuscités – ce qui est, convenez-en, un peu différent. Certes, il y a bien eu des tentatives de récupération politique du message de Jésus : ce fut le cas avec la théologie de la libération. Or, il ne fait, par exemple, aucune sorte d’allusion à l’esclavage. Jésus n’est pas Spartacus !

Jésus n’était pas Spartacus, mais vous nous apprenez qu’il aurait pu jouer dans un péplum… Ce n’était pas le gringalet aux épaules tombantes du film de Rossellini, mais un beau et solide gaillard !
Mon point de vue se fonde sur les reliques de la Passion. Là se pose le problème de leur authenticité. Longtemps, elle a été sujette à caution. Que ce soit le linceul de Turin, le suaire d’Oviedo ou la tunique d’Argenteuil, les plus récentes découvertes scientifiques invalident ce que nous tenions pour acquis. Ainsi les analyses au carbone 14 menées sur la relique de Turin en 1988 sont aujourd’hui remises en cause. Les incendies qui ont affecté la relique au long des siècles ont causé notamment une forte pollution au carbone. D’autres éléments, comme la détection des pollens, les inscriptions sur le linceul et sur le suaire ou encore la méthode de tissage employée plaident en faveur d’une datation de ces trois reliques au Ier siècle et les situent au Proche Orient. Rajoutez à cela que les tâches de sang et d’humeurs présentes sur les trois reliques se superposent parfaitement et qu’elles correspondent au même groupe sanguin : elles ne sont plus simplement des objets de piété pour le croyant, mais des documents d’étude pour l’historien. Jusqu’à preuve du contraire, elles le renseignent sur l’aspect physique de Jésus et, à travers les épanchements dont elles portent la trace, sur ce que fut sa crucifixion, sa descente de la croix mais également sa mise au tombeau.

Vous publiez ce livre à un moment où la figure de Jésus fait irruption dans le débat public à travers des œuvres comme Piss Christ ou Golgota picnic. Comment expliquer cette focalisation particulière dans une société pourtant largement déchristianisée ?
Ce sont des oeuvres qui probablement ne resteront pas dans l’histoire : ce sont des épiphénomènes. Paradoxalement, elles montrent, au-delà même du dénigrement ou du sacrilège, que la personne de Jésus ne laisse pas indifférents nos contemporains et continue de fasciner. Moi ce qui m’apparaît important, en tant qu’historien, c’est de découvrir la vérité exacte : qui était Jésus vraiment ? Se ressentait-il être le messie d’Israël ? Pensait-il être lui-même le « Fils de Dieu » ou est-ce un sentiment qu’on lui a attribué ultérieurement ? Pourquoi a-t-il été crucifié ? Quels sont les responsables de cette crucifixion ? Voilà des points d’interrogation auxquels j’ai voulu répondre, en faisant abstraction de toutes les œuvres d’art postérieures, critiques ou non, et même des enseignements dogmatiques.

Mais Jésus ne fut-il pas, aux yeux du milieu juif dans lequel il évoluait et notamment des pharisiens, le plus grand blasphémateur de l’histoire ?
Jésus est un provocateur, notamment lorsqu’il guérit un jour de sabbat. C’était un simple artisan de Nazareth et un nazoréen, toujours suspect puisque se prétendant descendre de David. Il n’avait pas suivi l’enseignement des grands rabbins comme Hillel ou Gamliel. Pourtant, il va jusqu’à mettre en cause l’enseignement de Moïse ! « Moïse vous a dit de faire cela, moi je vous dis de faire ceci. » Au nom de quoi, peut-il prétendre cela ? Quand il appelle Dieu « abba » (en araméen, papa), ce n’est pas simplement l’emploi très déférent du mot « père » que font les juifs. Jésus prétend avoir une relation filiale et unique avec Dieu. C’est là où, en tant qu’historien, je dois m’arrêter : je ne peux pas aller au-delà.

C’est plus que de la provoc’. Quand il dit, par exemple, à sa mère, aux noces de Canna ce que l’on pourrait traduire par : « T’es qui toi ? », cela révèle une violence inouïe dans une société où l’on doit, comme l’exige le Décalogue, « honorer son père et sa mère ».
Oui, il y a une violence prophétique chez Jésus. Elle se manifeste également à l’encontre de villages entiers contre lesquels il jette l’anathème : c’est le cas de Capharnaüm. Le souffle prophétique d’Israël continue à s’exprimer en lui.

Y a-t-il du nouveau à découvrir sur Jésus ?
Oui. Je suis parti d’hypothèses. Si l’on en pose d’autres, on pourra arriver à des résultats différents. La recherche et nos connaissances évoluent. En France, le dernier livre qui poursuivait l’objectif de synthétiser l’état le plus récent des connaissances sur Jésus remonte à celui de Daniel Rops, dont la première édition a paru en 1947, c’est-à-dire avant les découvertes de Qumran et des manuscrits de la mer Morte. Le livre que j’ai voulu faire correspond à une étape, un état des lieux de ce que la science met aujourd’hui à notre disposition pour appréhender le Jésus de l’histoire. Il y en aura très certainement d’autres.

Voir aussi:

Il faut lire le Jésus de Petitfils

C’est certainement la surprise du moment en matière d’édition : un historien, spécialiste du XVIIe et XVIIIe siècles, quitte le confort d’une période bien connue pour aborder un autre champ historique. Et en la matière, Jean-Christian Petitfils n’a pas lésiné. Il ne s’est pas seulement attaché à un autre sujet, il s’est attaqué « au » sujet par excellence : Jésus-Christ de Nazareth. L’ambition est énorme. Le travail était d’avance semé d’embûches. D’autres et non des moindres – que l’on pense à Renan – s’y sont déjà cassés les dents. Après la lecture du Jésus de Jean-Christian Petitfils, on peut le dire en toute quiétude : l’auteur n’a rien à craindre pour sa dentition…

En historien scrupuleux, Jean-Christian Petitfils aborde, en effet, le Jésus de l’Histoire et, de ce fait, il ne s’agit pas d’un livre de plus à destination du monde catholique ou, plus largement, à destination du monde chrétien. Tous peuvent le lire dès lors qu’ils se posent la question de savoir si Jésus a bien existé et qui il était exactement.

Disons-le tout de suite : la science historique confirme ce que les croyants savent, sans conclure évidemment ce que la foi seule peut conclure. Mais prenons un exemple avec la question de la divinité du Christ. Jean-Christian Petitfils n’affirme pas que le Christ était Dieu. En revanche, il montre que Jésus s’est bien présenté comme le Fils de Dieu. Il ne s’agit donc pas d’une reconstruction postérieure, due à saint Paul et entretenue par l’Église. De la même manière, il aborde, par exemple, la question des miracles dans une perspective historique. Il montre que les plus anciennes sources indiquent que Jésus a été perçu comme étant doté de pouvoirs extraordinaires.

Il faudrait beaucoup de place pour évoquer en détail ce livre de 690 pages (Fayard, 25€), véritable synthèse des travaux les plus sérieux sur le sujet et qui nous restent malheureusement souvent inconnus. À sa manière, tranquille et non belliqueuse, Jean-Christian Petitfils est véritablement l’anti-Renan, évitant de tomber dans un pur mysticisme, qui serait en l’occurrence la négation de la méthode historique, et évitant de céder aux sirènes d’un rationalisme étriqué qui évacue la complexité de l’histoire. La crise moderniste est née notamment de cet échec de la rencontre des textes évangéliques et des sciences historiques qui se cherchaient encore. Sur ce plan, la question semble désormais régler, même pour le grand public. Sur un autre plan, on peut aussi se réjouir : les Lenoir, Duquesne et consorts sont définitivement enfoncés. Avec un ouvrage écrit dans une langue claire, élégante et agréable. Ce qui, là aussi, nous change de la littérature habituelle en la matière.

Voir également:

Dictionnaire amoureux de Jésus

LIVRE | 14/12/2015 | De Jean-Christian Petitfils

Auteur : Jean-Christian Petitfils
Editeur : Plon
Nombre de pages : 912

Être « amoureux » de Jésus pourrait sembler un phénomène d’un autre âge. Mais ce décalage – culturel et chronologique – n’impressionne pas un historien du calibre de Jean-Christian Petitfils. N’est-il pas l’auteur à succès des biographies de Louis XIII , Louis XIV , Louis XV et Louis XVI ?

Sans hésiter, il a donc prêté son nom et sa plume à la célèbre collection des « Dictionnaires amoureux ». Il est vrai, Jésus de Nazareth n’est pas un roi comme les autres ; sa royauté semble à des années-lumière des ors de Versailles… Déclarer sa flamme pour Jésus constitue un risque quand on est un savant reconnu. La grandeur de Jean-Christian Petitfils consiste à exposer en plein jour les raisons de son inclinaison spirituelle. L’auteur du Dictionnaire amoureux de Jésus assume : « Être amoureux de Jésus n’est assurément pas être amoureux d’une contrée, si fascinante soit-elle – l’Espagne, la Grèce, l’Italie ou la Bretagne –, d’un personnage historique – Napoléon ou Charles de Gaulle –, d’une grande figure littéraire – Stendhal ou Marcel Proust –, ou encore des chats, des trains, des étoiles, du rugby ! »

Être amoureux de Jésus engage. Jean-Christian Petitfils se présente comme un homme de foi. « Pour le chrétien que je suis, Jésus est une personne vivante, le Dieu fait chair venu apporter le salut au monde. Croire, c’est être relié, au cœur même de son être, à une mystérieuse source d’eau vive. »

La foi d’un historien

L’historien avait déjà publié en 2011 chez Fayard un Jésus remarquable . Il récidive aujourd’hui en ajoutant les lumières de la foi à son talent d’investigation historique. À vrai dire, pour ce spécialiste du Grand Siècle, la figure de Jésus engage autant le cœur que la raison. Pascal n’était-il pas à la fois physicien et mystique ?

« L’Histoire tiendra une place essentielle dans ce dictionnaire, précise l’auteur. À la lecture amoureuse de la parole de Jésus, à la découverte de sa personne, se mêlera constamment l’enquête rationnelle de l’historien. » Il invoque une belle formule de Marc Bloch : « Le christianisme est une religion d’historiens. »

Cette Histoire de Jésus est une histoire vraie. Chaque siècle fait rayonner cette lumière avec sa grâce propre. Il est indéniable que Jean-Christian Petitfils a un air de famille avec cette École française de spiritualité qui a redonné tant de couleurs et de profondeur au catholicisme du XVIIe siècle. En couverture de son ouvrage, l’illustration du peintre Philippe de Champaigne (Le Christ aux outrages) donne le ton de ce classicisme plein de tendresse. À cette époque, la dévotion à l’humanité du Christ est en plein essor. Sous l’impulsion d’un cardinal de Bérulle se répand le « christocentrisme », une manière de s’approprier la religion catholique par la méditation des mystères de la vie de Jésus.

On peut se perdre dans les entrées de ce dictionnaire, car on y retrouve toujours Jésus. Il y a la crèche et la croix, l’étoile de Bethléem et l’Évangile de Judas, ou encore les larrons et Lazare. À chaque fois, l’auteur dépoussière les connaissances actuelles sans jamais abîmer la foi. Bien au contraire. Il revendique la méthode audacieuse d’un Richard Simon qui, au temps de Bossuet, a posé les premiers jalons de l’exégèse moderne saluée ensuite par Joseph Ratzinger : « Son génie est d’avoir compris que la critique historique d’un texte saint n’oblitère en rien son caractère transcendant, sacré et inspiré. » Foi et raison font naître  un amour profond.

Voir de même:

Contre-info
27 juin 2012
Etant donné que ce livre et son auteur jouissent encore d’une certaine publicité (vente chez Chiré, dédicace à la fête du livre de Radio Courtoisie dimanche dernier), nous remettons à l’honneur l’article ci-dessous, paru il y a quelques mois.] En ce dimanche, évoquons un livre qui fait pas mal parler de lui : Jésus (honteusement sous-titré le Jésus de l’Histoire) de l’historien (de droite) Jean-Christian Petitfils. L’abbé Puga (de saint Nicolas du Chardonnet) en fait une intéressante critique : « Spécialiste de l’histoire française des XVIIe et XVIIIe siècles, auteur de nombreux ouvrages appréciés à juste titre sur cette période, il tente dans son nouveau travail une aventure d’historien à la recherche des données historiques sur la vie du Christ. Avant lecture on aurait pu s’attendre à une étude fouillée (le livre comporte plus de 650 pages !) de l’historicité des documents évangéliques, de leur crédibilité et à partir de là découvrir l’élaboration d’une vie de Jésus fondée sur des faits indubitables en montrant par exemple leur corrélation et leur conformité avec les données de l’histoire de l’Antiquité. Un postulat regrettable Mais tout en proclamant vouloir ne faire qu’œuvre d’historien, l’auteur s’engage dans une toute autre voie non scientifique. Cherchant son inspiration auprès de quelques exégètes modernes du XXe siècle comme Xavier Léon Dufour, le P. Benoit, le P. Grelot et surtout en se mettant aveuglément à la remorque des thèses de l’Ecole Biblique de Jérusalem, Jean-Christian Petitfils part d’un a priori : le genre littéraire des évangiles, et tout spécialement des évangiles que l’on nomme synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), serait un genre tout à fait à part. En effet l’intention des auteurs ne serait pas de nous rapporter les événements tels qu’ils se sont déroulés en réalité mais tels que les auteurs les ont perçus et entendent les transmettre aux fidèles. Bien entendu, en aucun endroit de son ouvrage Jean-Christian Petitfils ne nous explique, et encore moins ne nous démontre, pourquoi il en aurait été ainsi et pourquoi, surtout, il a choisi, lui historien, de suivre cette thèse qui a toujours été rejetée dans l’Eglise catholique jusqu’au milieu du XXe siècle. Mais, comme le déclare notre auteur sans nostalgie aucune, c’était une « époque pas si lointaine où l’on tenait les écrits évangéliques pour vérité historique irréfragable » (p. 469). Saint Pie X stigmatisait déjà il y a un siècle les exégètes modernistes : « Il semblerait vraiment que nul homme avant eux n’a feuilleté les livres saints, qu’il n’y a pas eu à les fouiller en tous sens une multitude de docteurs infiniment supérieurs à eux en génie, en érudition » (encyclique Pascendi). Les vingt pages de bibliographie à la fin de cet ouvrage sur Jésus sont éloquentes : 98 % des études citées sont postérieures aux années soixante. En un mot avant le concile Vatican II, il semblerait que la véritable exégèse n’ait pas existé. Des grands noms qui ont illustré, tant dans les universités romaines que dans les instituts catholiques, la défense de l’historicité des évangiles, pas un seul n’est cité, comme par exemple les pères Tromp, de Grandmaison, Renié, l’abbé Fillion etc… Influencé par les études de Xavier Léon-Dufour, Jean-Christian Petitfils manifeste une préférence indéniable pour l’Evangile de Jean (qui, pour notre auteur, n’est pas de saint Jean l’apôtre…) au point d’entreprendre de nous libérer en matière historique de la « Tyrannie du Jésus des Synoptiques » (p. 544). C’est pourquoi, tout au long de son ouvrage, il n’a de cesse de mettre en doute la réalité des événements que les évangiles de Matthieu, Marc et Luc nous rapportent. Un épisode rapporté par ceux-ci viendrait à être absent de l’évangile de Jean, aussitôt la suspicion apparaît quant à sa vérité. Cela n’empêche pas l’auteur de prétendre que Jean lui-même n’est pas forcément toujours fidèle à l’histoire réelle, la part de symbolique ayant son rôle ! Une vision partiale et fausse Quelles vont être les conséquences de l’application par l’auteur d’un tel filtre d’a priori sur l’historicité de nos évangiles ? Donnons quelques exemples tirés de l’ouvrage lui-même. Il ne sera pas alors difficile au lecteur de comprendre que, pour Jean-Christian Petitfils, il y a un fossé entre le Christ de la Foi et le Christ de l’Histoire. Le récit de la tentation du Christ au désert est un « récit fictif illustrant une idée théologique ». (p. 96). Le voir autrement serait faire preuve d’une « lecture fondamentaliste.» (Idem). La prière et l’agonie de Jésus à Gethsemani : « Le récit des synoptiques est une construction élaborée à partir de diverses traditions et phrases hors de leur contexte » (p. 290). « Historiquement il n’est pas simple de dire ce qu’il s’est passé » et l’auteur de renvoyer l’épisode au dimanche de l’entrée triomphale dans Jérusalem en l’assimilant à un tout autre épisode rapporté par l’évangile de Jean. Le baiser de Judas ? « Peut-être une figure littéraire et symbolique soulignant la perfidie extême » (p. 309). La comparution de Jésus devant le Sanhédrin dans la nuit du jeudi au vendredi durant laquelle le Christ se déclarant Fils de Dieu ce qui lui vaut d’être déclaré digne de mort ? Lisez bien : « Jésus n’a jamais comparu devant le Sanhédrin ». « Les évangélistes ont agrégé dans un procès fictif l’ensemble des éléments qui l’opposaient aux autorités juives ». (p. 320). Le procès devant Ponce-Pilate ? Sur le plan historique affirme l’auteur, « il n ‘y a aucune certitude que les événements se sont passés comme Matthieu les rapporte » ; (p. 350). Et bien sûr Jean-Christian Petitfils, pour ne pas aller à l’encontre de la pensée dominante contemporaine, n’hésite pas à déclarer que les paroles des Juifs réclamant sur eux la responsabilité du sang qui va être versé (paroles qui selon lui n’ont probablement pas été prononcées !) « vont nourrir chez les chrétiens un antijudaïsme, une haine des Juifs comme peuple déicide, que rien, absolument rien ne justifie. Elles vont servir de prétexte à des siècles de meurtres, de pogroms et d’incompréhension » (p. 350). Trois fois l’auteur réaffirme cela dans son ouvrage. « Mon Père pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Que penser de cette parole de Jésus sur la Croix ? « Ce cri de détresse a-t-il réellement jailli de la bouche de Jésus » se demande l’auteur ? « Certains en ont douté. » Mais on peut « supposer un arrière fond historique ». D’où la question qu’il se pose, sans y répondre : « A partir de quel élément réel les synoptiques ont-ils élaboré leur version ? » Il avance cependant une hypothèse « Jésus aurait simplement soupiré : Mon Dieu, c’est toi » ! (p. 393). Comme on le voit en quelques lignes il ne reste quasiment rien de l’historicité de l’une des paroles les plus sublimes et bouleversantes du Christ méditée par les générations de chrétiens depuis les origines de l’Eglise. Pour les récits de la Résurrection du Christ, il en est de même : « On n’est pas obligé de croire littéralement Matthieu lorsqu’il nous dit que l’Ange s’adresse aux femmes pour leur dire que le Christ est ressuscité » p. 434. Et l’auteur de conclure : « C’est ici au tombeau vide que s’arrête l’Histoire et que commence la Foi. L’historien sans s’engager sur la résurrection de Jésus ne peut à partir de ce moment qu’enregistrer les témoignages, les confronter » (p. 432). Mais permettons-nous d’objecter gravement à l’auteur : si l’historien ne peut me dire si les témoignages sur la résurrection de Jésus sont crédibles, qui pourra m’en donner la certitude pour me permettre de poser mon acte de Foi ? Les récits de l’enfance Jean-Christian Petitfils n’examine les récits évangéliques de l’enfance de Jésus qu’à partir de la page p. 451 dans son épilogue. Cela en dit déjà long sur l’estime que l’historien qu’il se veut d’être leur porte ! Que dit-il ? « Ces récits n’entretiennent pas le même rapport avec l’Histoire que les récits de la vie publique de Jésus. » (Et nous avons vu auparavant que l’historicité de ces derniers avait déjà beaucoup de lacunes !) « Ils sont le fruit d’une activité rédactionnelle élaborée… dans le dessein spécifique d’exalter l’origine divine de Jésus dans sa conception (p. 454)… Leur théologie prend volontairement la forme du merveilleux. Leur écriture colorée, enjolivée d’anecdotes, fait la joie de la piété populaire. » (p. 455). Et l’auteur de citer le cardinal Ratzinger : « Ces récits débordent radicalement le cadre de la vraisemblance historique ordinaire et nous confrontent avec l’action immédiate de Dieu ». Tout est là, pour Jean-Christian Petitfils et ses inspirateurs : sans la foi, il est impossible de dire ce que fut historiquement l’enfance de Jésus. Concluons. Tout l’ouvrage est sous-tendu par une vision moderniste de l’inspiration des écritures, que le pape saint Pie X a parfaitement stigmatisée et condamnée dans son encyclique Pascendi : « Ils distinguent, dit le Pape, soigneusement l’Histoire de la foi et l’histoire réelle ; à l’histoire de la foi, ils opposent l’histoire réelle, précisément en tant que réelle ; d’où il suit que des deux Christ l’un est réel ; celui de la foi n’a jamais existé dans la réalité ; l’un est venu en un point du temps et de l’espace, l’autre n’a jamais vécu ailleurs que dans les pieuses méditations du croyant ». Jean-Christian Petitfils, en écrivant son « Jésus » ne s’est sans doute pas rendu compte qu’en se mettant à l’école d’exégètes modernistes plutôt que d’agir en véritable historien, il perd toute vision objective de la véritable histoire de Jésus. Pour le non chrétien, cet ouvrage ne pourra l’amener qu’à la conclusion que l’on ne possède guère de sources crédibles sur l’histoire du Christ. La foi du lecteur chrétien, quant à elle, sera ébranlée au point qu’il finira par se demander si le Christ auquel il croit est bien le même que celui qui a vécu parmi nous. Echappé de sa période historique habituelle où il excelle, Jean-Christian Petitfils a fait une téméraire incursion dans l’Antiquité Chrétienne. Ce fut un désastre. Vite, qu’il retourne à son époque de prédilection ; c’est là que nous l’apprécions. Jésus, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011, 670 pages. Abbé Denis PUGA » Article extrait du Chardonnet n° 275 de février 2012 Via La Porte Latine

Alors que le film Jésus l’enquête sort cette semaine au cinéma, rencontre avec l’historien et archéologue Bruno Bioul, qui publie Les Évangiles à l’épreuve de l’Histoire (Artège), une enquête passionnante sur l’authenticité et la transmission des évangiles.

Ces derniers mois, plusieurs films à thématique religieuse ont fait l’actualité. Le dernier en date – Jésus l’enquête, de Jon Gunn – sort cette semaine en France. Comment expliquez-vous ce questionnement récent autour du « Jésus historique » ?

Le questionnement que vous évoquez n’est pas si récent que cela. Savez-vous que depuis le début du XXe siècle, pas moins de 80 films dans lesquels il est question de Jésus ont été tournés, dont 15 depuis l’an 2000 ? Cela nous fait une moyenne d’un film tous les 18 mois environ ! En réalité, la question de l’historicité de Jésus, de son existence, est récurrente depuis au moins le XVIIe siècle, lorsqu’apparaît le déisme qui, en Angleterre notamment, se caractérise par une critique virulente des miracles et du surnaturel.

Au XVIIIe siècle, ce courant philosophique quasiment athée s’infléchit en panthéisme puis en théisme, et sera la religion de beaucoup de philosophes des Lumières. On se rapproche alors d’une religion naturelle qui n’est pas dépourvue d’une certaine forme de culte, « fut-il réduit à la prière d’adoration de l’infini face au soleil levant », comme l’a écrit Jacqueline Lagrée. Mais c’est avec la quête rationaliste, le courant mythologique et l’école de Tübingen au début du XIXe siècle, que la réalité historique de Jésus s’évanouit pour devenir une figure mythologique, fruit d’un imaginaire presque mystique des premières communautés chrétiennes.

La recherche historique à propos de Jésus peut-elle « renforcer » la foi ?

Le Jésus de l’Histoire et le Christ de la foi peuvent être liés, mais en aucun cas la foi ne peut naître de la recherche historique. Depuis le milieu des années 1950, la quête du Jésus historique a été relancée sous l’impulsion de Ernst Käsemann et Günther Bornkamm, et on peut remarquer qu’aujourd’hui elle se recentre sur sa judaïté. Sa dimension historique est pleinement assurée autant par les sources textuelles – aussi pauvres et fragiles soient-elles – que par la critique interne des récits évangéliques mis en perspective avec le contexte général de la Palestine au tournant de notre ère. Vous comprenez ainsi que la figure historique de Jésus est un sujet débattu depuis au moins trois siècles, et qu’on n’a pas fini de s’interroger sur lui.

La figure historique de Jésus est un sujet débattu depuis au moins trois siècles. On n’a pas fini de s’interroger sur lui.

Michel Onfray a défrayé la chronique l’an passé en remettant en cause l’existence de Jésus. Ces films s’inscrivent donc dans un questionnement plus ancien qu’on ne le pense ?

Le film de Jon Gunn est, en définitive, dans la continuité logique de cette interrogation, il est l’illustration parfaite de cette interrogation qui taraude les esprits depuis si longtemps. Si je pouvais, humblement, donner un conseil à M. Onfray, ce serait d’aller voir ce film qui raconte la quête d’un journaliste d’investigation athée américain, Lee Strobel, qui, dans les années 1970, suite à la conversion de son épouse, mena une véritable enquête policière sur le personnage de Jésus. Lee Strobel a publié plusieurs livres relatant sa longue quête : The Case for Christ (1998), The Case for Faith (2000), The Case for a Creator (2004), The Case for the Real Jesus (2007), et bien d’autres encore. Il a cherché à comprendre comment aux XXe et XXIe siècles, des gens pouvaient encore croire en Jésus, vrai Dieu et vrai Homme, alors que le dogme rationaliste contemporain posait (mais sans aucun fondement scientifique) l’impossibilité d’une telle assertion. Son enquête l’a mené à interroger des dizaines de spécialistes de tous bords, et l’a conduit finalement à se convertir. Voilà une belle leçon de vie et d’honnêteté intellectuelle.

Au vu des avancées historiques et archéologiques que vous présentez dans votre livre, il est pourtant toujours impossible de conclure à la vérité des évangiles d’un point de vue scientifique ?

La méthode exégétique (étude et interprétation des textes) repose au départ sur le doute scientifique. Elle remet en question la tradition multiséculaire de l’Église concernant notamment l’authenticité des évangiles. Afin d’éviter toute discussion stérile sur l’authenticité des récits évangéliques au nom d’une hypercritique inutile, il me semble plus judicieux d’aborder le sujet sous l’angle de la vraisemblance, car cela laisse la porte ouverte à toutes les objections, à la condition bien entendu qu’elles soient fondées.

Pour moi, la foi est aussi le résultat d’un travail rationnel : c’est l’adéquation de la raison ou de l’intelligence à une vérité révélée. 

Il existe donc bien, comme l’écrit Jean-Christian Petitfils dans sa biographie, un « Jésus historique » et un « Jésus de la foi » ? La Résurrection demeurera donc toujours un mystère ?

Je n’ai pas, en tant qu’historien, qualité pour juger de la pertinence de cette différenciation, ni pour lui attribuer un quelconque jugement de valeur. On se trouve ici dans le registre de la foi. La question que je me pose est de savoir si, oui ou non, cette foi peut reposer sur des faits ou seulement sur une appréciation personnelle. Je considère que la foi est beaucoup plus qu’un sentiment, qu’un élan du cœur qui nous pousse à croire sans vraiment chercher à comprendre. Pour moi, la foi est aussi le résultat d’un travail rationnel : c’est l’adéquation de la raison ou de l’intelligence à une vérité révélée. Mais on sort ici du champ de l’histoire. Pour en revenir à la résurrection, je dirais que l’historien n’a pas à expliquer ce phénomène. Par contre, il doit prendre en compte l’information qui le rapporte. Tout écrit est une information, tout texte donne des renseignements dont il faut analyser le degré de pertinence, de crédibilité, de vraisemblance.

L’historien et le croyant ne peuvent au final que se fier à ces seuls témoignages rédigés il y a deux millénaires ?

Lorsque les évangiles racontent la résurrection de Jésus, l’historien n’a pas à expliquer ce phénomène ni à se demander s’il est possible ou non (même la science actuelle est incapable de répondre à cette question pour les raisons que je donne dans mon livre), mais de vérifier la vraisemblance de cette information : qui sont ceux qui rapportent cette information ? Qui sont les témoins ? Pourquoi rapportent-ils ce phénomène ? Qu’ont-ils fait exactement après l’avoir rapporté ? Comment ont réagi leurs adversaires ? Quelles sont les autres explications possibles à cet épisode singulier ? S’agit-il d’un mensonge, d’une manipulation ? Quels en sont les raisons ou les buts ? En définitive, lorsqu’on sait comment les témoins de cette annonce extraordinaire ont fini leur vie, on peut se poser la question : on peut mourir pour quelque chose que l’on croit être vrai, mais est-on prêt à donner sa vie pour quelque chose que l’on sait être faux ? Ici, on n’est plus dans le domaine de l’histoire ni de la foi ; c’est juste une question de bon sens !

Voir  encore:

Flora Carr
Time
March 30, 2018

Sex worker, saint, sinner, witness, wife. In the 2,000 years since Mary Magdalene is said to have watched Jesus Christ die on the cross, she’s been labeled many things.

The label “prostitute” has stuck fast for centuries, ever since Pope Gregory I first pronounced her a “sinful woman” in the year 591, defying evidence to the contrary in the canonical Gospels. On the other hand, Dan Brown’s novel The Da Vinci Code resurrected an old and popular theory that Mary Magdalene was in fact Jesus’ wife. Myths surround the figure of Mary Magdalene to this day.

But neither theory — penitent prostitute or devoted spouse — actually matches what can be said about Mary Magdalene from what’s written in the Bible: She was a woman from Magdala, a small Galilean town known for its fishing, who became a female disciple and was first witness to Jesus’ resurrection, the cornerstone of Christianity.

But the team behind the new film Mary Magdalene, directed by Garth Davis, is hoping to get back to basics. The movie, which came out in the U.K. on March 16, tells the story of Mary Magdalene (Rooney Mara), detailing her fraught existence in Magdala as a single woman determined not to marry, before she meets Jesus (Joaquin Phoenix) and follows him to Galilee and then Jerusalem, where he’s crucified. Yet, in stripping away the myths, this film portrayal of Mary Magdalene underlines what some scholars see as the real — and unexpected — reason why she’s so controversial.

At the heart of the controversy is the idea that Mary Magdalene’s connection to Jesus was spiritual rather than romantic. For example, in the film’s version of the Last Supper, Mary Magdalene is seated on Jesus’ right-hand side. Though the tableau echoes a key scene in the 2006 film version of The Da Vinci Code, in which the characters examine Leonardo Da Vinci’s mural The Last Supper and debate whether the effeminate figure to Jesus’ right was in fact Mary Magdalene, the new movie doesn’t place her there as his wife. The significance of her seat lies instead in Mary Magdalene taking the prized position above any of the twelve male apostles, as Peter (Chiwetel Ejiofor) looks on in jealousy.

This version of the story is the real reason why Mary Magdalene is dangerous to the Church, according to Professor Joan Taylor of King’s College, London, who worked as historical advisor for Mary Magdalene.

Mary’s central role in the Gospels has historically been used by some as evidence that the Church should introduce female priests — and since 1969, when the Catholic Church admitted that it had mistakenly identified Mary Magdalene as a sex worker, the calls for women in church leadership positions have only grown louder.

“Within the Church she does have tremendous power, and there are lots of women who look… to Mary Magdalene as a foundation for women’s leadership within the Church,” says Taylor.

The film draws partially from the Gospel of Mary, a “very mysterious document” discovered in the 19th century, Taylor says. It has no known author, and although it’s popularly known as a “gospel,” it’s not technically classed as one, as gospels generally recount the events during Jesus’ life, rather than beginning after his death. It’s thought the text was written some time in the 2nd century, but some scholars claim it overlaps Jesus’ lifetime.

In the Gospel of Mary, which isn’t officially recognized by the Church, Mary Magdalene is framed as the only disciple who truly understands Jesus’ spiritual message, which puts her in direct conflict with the apostle Peter. Mary describes to the other apostles a vision she has had of Jesus following his death. Peter grows hostile, asking why Jesus would especially grant Mary — a woman — a vision.

Mary Magdalene’s special understanding of Jesus’ message, and Peter’s hostility towards her, as portrayed in Mary Magdalene, will likely split opinion, according to Taylor and her colleague, Professor Helen Bond of The University of Edinburgh, Scotland, with whom Taylor is presenting a U.K. television series on women disciples this Easter, titled Jesus’ Female Disciples: the New Evidence.

“[In the film] she’s really close to Jesus, not because of some kind of love affair, but just because she…gets Jesus in a way that the other disciples don’t,” Bond says.

The idea that the twelve disciples didn’t quite “get” Jesus in the same way Mary Magdalene did is addressed throughout Davis’ film. The disciples are waiting for Jesus to overthrow the Romans and create a new kingdom, one without death or suffering. But by the end of the film, following Jesus’ death, Mary Magdalene has come to the conclusion that “the kingdom is here and now.”

For Michael Haag, author of The Quest For Mary Magdalene, the Church has historically sidelined Mary not just because of her gender, but also because of her message. He argues that the Church specifically promulgated the idea that she was a sex worker in order to “devalue” her message. Haag believes that Mary Magdalene’s alternative ideas proved too dangerous for the Church to allow them to spread. The Gospel of Mary Magdalene, in his view, undermines “Church bureaucracy and favors personal understanding.”

 Mary Magdalene’s release date in the U.S. has been pushed back; its initial distributor had been the Weinstein Company, which recently filed for bankruptcy after its co-founder Harvey Weinstein was accused of sexual assault. However, members of the Christian community have already expressed doubts about the film.

Taylor Berglund, an editor for Charisma Media, a Florida-based magazine aimed at charismatic and Pentecostal Christians, believes that there’s potential for Christian audiences to boycott the film, as they did for Noah, starring Russell Crowe, in 2014. “To say only Mary Magdalene understood Jesus Christ and everyone since has been mistaken would be heresy,” Berglund says.

The fact that Mary Magdalene draws from a “gospel” that isn’t officially recognized by the Church may also provoke criticism. Jerry A. Johnson, the president and CEO of National Religious Broadcasters (NRB), says that films that “rely upon extra-biblical accounts” can’t be “accurate.”

“Evangelical audiences do not look kindly on efforts to twist the story of Jesus to fit a political narrative in service of today’s agenda of feminism,” Johnson says.

But both Bond and Taylor point to the Bible itself for further evidence of Mary Magdalene’s intimate understanding of Jesus. She remains at the cross during the crucifixion while the other disciples hide, and she’s the first to see Jesus following the Resurrection. “[There’s] the very strong implication that Christianity is derived from her testimony and her witness,” Bond says.

Strip away the labels of “prostitute” or “wife,” and Mary Magdalene still remains a controversial figure. Her story challenges ideas about spirituality, and the role of women in religion.

“[She’s] a feminine voice from the past,” Taylor says. “There’s something about her. Something about Mary.”

Voir par ailleurs:

Macron aux Bernardins : l’Église catholique s’organise-t-elle en lobby ?

C’est un événement inédit : pour la première fois, la Conférence des évêques de France (CEF) recevra Emmanuel Macron et plusieurs centaines d’invités lors d’une soirée le 9 avril au Collège des Bernardins, à Paris. Ministres, parlementaires, personnalités du monde de l’entreprise, des médias, de la culture, mais aussi mouvements et associations de fidèles, associations caritatives catholiques et représentants des autres religions figurent parmi les centaines d’invités.

Les juifs avaient le dîner du Crif et le Nouvel An du Consistoire, les musulmans le dîner de la rupture du jeûne du ramadan, et les protestants, la cérémonie des vœux de la Fédération protestante de France. Il manquait donc à l’Église catholique « un moment pour s’adresser à la société française d’une manière plus large », explique Mgr Ribadeau-Dumas, porte-parole de la CEF. En pleins États généraux de la bioéthique, l’occasion d’interpeller le gouvernement sur plusieurs sujets sensibles, comme la PMA ou la fin de vie. Mais pas seulement. Le sort des migrants, des sans-abris, et la laïcité devraient aussi nourrir les discussions.

Entretenir son réseau avec les députés

Pourquoi l’Église a-t-elle attendu ce moment-là pour organiser son propre « rendez-vous » national avec l’État et la société civile ? « Après une année d’élection présidentielle, dans le cadre de la discussion autour de la révision des lois de la bioéthique, le conseil permanent des évêques a pensé qu’il serait opportun d’avoir ce type de manifestation », détaille Mgr Ribadeau-Dumas.

Le contexte politique a donc favorisé l’organisation de cette soirée. Membre du conseil permanent de la CEF, Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, confie : « Il y a un fort renouvellement du personnel politique depuis la dernière présidentielle et les législatives. Dans nos diocèses, nous avions des relations habituelles avec les précédents députés, car certains étaient là depuis un certain temps ». « Le renouvellement et le rajeunissement » des députés contraindrait ainsi l’Église à organiser cette soirée de « réseau », pour « renouer » avec la nouvelle classe politique.

Macron : un moment propice au dialogue

Cet événement entend « réaffirmer la place de l’Église dans la société, dans le contexte d’une laïcité apaisée », a affirmé à La Croix Vincent Neymon, porte-parole de la CEF. La laïcité est-elle plus particulièrement apaisée depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron ? « Il y a de la part, aujourd’hui, de la présidence de la République – avec la présence des responsables religieux récemment au dîner sur la question de la fin de vie – une volonté de dialogue », admet prudemment Mgr Ribadeau-Dumas. « C’est ce qu’on a ressenti depuis l’élection du président Macron, reconnaît quant à lui François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France. Les religions semblent perçues comme des contributrices de la société et non plus comme des lobbys menaçants ». « C’est différent avec Macron, j’ai l’impression qu’il y a une vraie écoute, une forme de main tendue, de bienveillance, mais le dis avec beaucoup de prudence », observe de son côté le député LR Philippe Gosselin.

Si François Hollande, après l’assassinat du père Hamel, avait fini par adopter « un discours très favorable aux Églises » le début de son mandat a été ponctué davantage par « des discours de méfiance, comme celui du Bourget », analyse Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études et directeur du Groupe sociétés, religions, laïcité. Quant à Nicolas Sarkozy, s’il était favorable au dialogue, il défendait « une conception identitaire de la nation, allant à l’encontre de la volonté d’accueil (de l’étranger, ndlr) de l’Église catholique ». En outre, beaucoup d’évêques auraient regretté que « Nicolas Sarkoy ait tendance à instrumentaliser les Églises au service de sa propre stratégie de pouvoir », ajoute le sociologue. Les évêques seraient plus à l’aise avec Emmanuel Macron, dont les discours inviteraient davantage au « dialogue avec les institutions religieuses », sans conception identitaire de la nation.

Une Église moins audible

Si le contexte politique a changé, ce n’est pas la seule raison qui conduit aujourd’hui les évêques de France a organiser un tel événement. Consciente d’être « moins entendue qu’auparavant », l’Église catholique est « obligée de sortir de ses murs pour que son message soit reçu », estime François Clavairoly. « Le christianisme, dans sa version catholique en tous cas, est confronté à la post-modernité, à l’effacement du référent religieux et peut être aussi à un questionnement interne qui le fragilise », poursuit le pasteur.

« Du fait de la pluralisation du champ religieux, et de l’agnosticisme d’une grande partie de la population, l’Église est contrainte de montrer son existence par des événements significatifs », constate pour sa part Philippe Portier. Dans ce nouveau contexte, l’Église adopterait donc une nouvelle logique de médiatisation pour exister. « Comme toutes les autres religions, l’Église a vocation à échanger avec la société, et il faut trouver les canaux contemporains, commente le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia. L’Église est présente sur Internet, dans les médias. C’est une très bonne chose qu’il y ait ce temps d’échange avec la République ».

Une minorité religieuse parmi d’autres ?

Mais en se calquant sur les initiatives « événementielles » des autres communautés religieuses, l’Église ne risque-t-elle pas d’être perçue comme une minorité parmi d’autres ? Face à sa perte d’influence dans la société, serait-elle, progressivement, en train de se constituer en « lobby » ?

Philippe Portier pointe plusieurs limites à cette analyse. L’Église, tout d’abord, ne se perçoit pas comme une association comme les autres. « Il y a dans le tréfonds de la conscience ecclésiale l’idée que l’Église s’inscrit dans la succession du Christ. » Elle est donc « tiraillée entre cette image qu’elle a d’elle même, et ce que lui impose la société ». Les propos de Mgr Wintzer, interrogé par La Vie, illustrent bien ce dilemme : « L’Église prend conscience qu’elle est aussi une communauté, comme le sont d’autres communautés. On parle de la communauté musulmane, de la communauté juive, et maintenant on parle aussi de la communauté chrétienne, catholique. Faire cette invitation, c’est un peu accepter cela, d’être une religion avec d’autres. » « Et pourtant, ajoute-t-il, l’Église n’est pas un groupe à parité avec d’autres groupes. C’est-à-dire que l’Évangile n’est pas enfermé dans une communauté qui s’appelle l’Église catholique ». « Je me méfie de tout ce qui pourrait apparaître comme du communautarisme, abonde Mgr Ribadeau-Dumas. Les catholiques, par l’Évangile même, sont invités, dans la dimension universelle intrinsèque au catholicisme, à vivre dans cette société plurielle ».

Nous, nous n’avons pas de produit à vendre. Nous avons une bonne nouvelle à annoncer. –  Mgr Ribadeau-Dumas, porte-parole de la CEF

Ensuite, l’Église bénéficie déjà d’une relation privilégiée avec l’État, notamment à travers une instance de dialogue créée en 2002. Et au niveau local, de nombreux échanges ont lieu entre les évêques et les maires. Enfin, l’événement des Bernardins n’est pas tout à fait comparable aux événements organisés par les autres communautés religieuses. Les invités de marque, insiste Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, en seront surtout des personnes handicapées, en situation de précarité, et des migrants : « Ce seront sans doute eux qui ouvriront la soirée, pour montrer que le trésor de l’Église, c’est bien celui-là. Nous nous adressons à toute la société ». Rien n’a encore été décidé, en outre, sur la possibilité de faire de cette soirée un rendez-vous annuel : « Rien n’est défini pour l’instant. Ce n’est pas dit que cela se renouvellera de cette manière là », souligne Mgr Ribadeau-Dumas.

Pas de « produit à vendre »

Enfin, si la CEF assume cette nécessité d’avoir une parole plus audible, elle refuse d’être assimilée à un lobby. « Nous, nous n’avons pas de produit à vendre. Nous avons une bonne nouvelle à annoncer, martèle le porte-parole de la CEF. Cette bonne nouvelle, nous l’annonçons contre vents et marées, mais avec une grande liberté : nous ne sommes pas comptables de résultats. Ce que nous annonçons, nous avons conscience que cela ne portera peut-être du fruit que dans 20, 25 ou 30 ans ».

Mgr Ribadeau-Dumas souligne aussi l’étendue du réseau, historique, de l’Église catholique sur l’ensemble du territoire français : « À part le réseau de l’école, c’est l’Église qui a le plus grand maillage territorial. Si les évêques de France choisissent qu’un texte soit lu dans toutes les églises de France, il le sera. Les lobbyistes ne réunissent pas ce genre de parterre pour faire passer un message. Donc c’est autre chose. Une volonté de dialogue ». Une volonté de dialogue qui n’empêche pas l’opération de communication d’être bien organisée.

Voir de même:

Revue de presse française

A la Une: l’appel de Macron aux catholiques

Frédéric Couteau

C’était lundi devant la Conférence des évêques de France, le président de la République a prononcé un vibrant discours en direction des catholiques : « ‘Oui, la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques’. Après une heure d’un discours truffé de déclarations comme celle-ci, les catholiques avaient de quoi se sentir honorés, s’exclame La Croix. Lundi soir au Collège des Bernardins, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de rendre hommage à l’Église et aux catholiques : soulignant leur rôle dans l’histoire de France, louant leur engagement en direction des plus pauvres, multipliant les références à de grands auteurs chrétiens. Non sans habileté, poursuit La Croix, le président de la République a su parler le langage de son public. Le simple fait qu’il ait répondu positivement à l’invitation de la Conférence des évêques de France était déjà, en soi, un motif de satisfaction pour des catholiques qui ne s’étaient pas vus manifester une telle marque d’estime depuis longtemps. »

Toutefois, il y a comme un « problème de lignes », ironise Le Canard Enchaîné : Emmanuel Macron a donc affirmé « regretter » que « le lien entre l’Eglise et l’Etat » se soit « abîmé » et a souhaité qu’il soit « réparé ». « Parler ainsi d’un lien, qui depuis la loi de 1905 sur la laïcité, n’est plus censé exister, c’est bien sûr, faire aussi bouger la ligne de démarcation qui sépare l’Etat de la religion, estime Le Canard. Ce qui a mis Christine Boutin en pâmoison et vaut à Macron de se faire traiter de ‘sous-curé’ par Mélenchon. »

Frère Emmanuel…

En effet, les réactions à gauche sont violentes…

Au premier rang desquelles Jean-Luc Mélenchon, donc, rapporte Le Monde, qui, dans un tweet rageur, dénonce « un ‘Macron en plein délire métaphysique. Insupportable. On attend un président, on entend un sous-curé’. (…) Le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s’interroge, relate encore Le Monde. ‘Mais de quoi nous parle-t-on ? L’Eglise catholique n’a jamais été bannie du débat public. Quel lien restaurer avec l’Etat ? En République laïque aucune foi ne saurait s’imposer à la loi. Toute la loi de 1905. Rien que la loi’, estime le député de Seine-et-Marne. Et de poursuivre : ‘La laïcité est notre joyau. Voilà ce qu’un président de la République devrait défendre’. »

Libération emboîte le pas, avec ce grand titre, éloquent : « frère Emmanuel », avec la photo du chef de l’Etat, comme baigné d’une lumière divine…

« Emmanuel Macron ne franchit pas la ligne jaune, mais il s’en rapproche, estime Libération dans son éditorial. Il veut rompre avec une laïcité qui cantonnerait les cultes à la vie privée. Mais il donne par contrecoup à l’Eglise une place essentielle dans la promotion des valeurs humanistes, alors que la République, dans la tradition française, tient ce rôle au premier chef ; il met pratiquement sur le même plan l’enseignement moral des religions et celui de l’école laïque, un peu comme Sarkozy avait confondu l’instituteur et le curé. » Et Libération de s’interroger : « Faut-il nécessairement une béquille religieuse à la quête de l’absolu chère aux hommes et aux femmes ? Emmanuel Macron semble le penser. Quant aux réparations que l’Etat devrait à l’Eglise, comment ne pas y voir une référence à la loi sur le mariage pour tous ? Il faudrait donc, s’interroge encore Libération, que l’Etat expie cette avancée démocratique ? »

Un « lien » qui fait débat

Autre question posée par Le Midi Libre : « Emmanuel Macron est-il encore de gauche ?

Les marqueurs qui symbolisent la droite écrasent de leur pointe rouge l’ADN de la gauche : sécurité, emploi, ISF… et maintenant la laïcité. Le président de la République ne souhaite sans doute pas une intrusion du fait religieux dans les affaires de l’État, mais le mot employé – le lien – peut prêter à confusion. Sa sortie calculée sur un rapprochement éventuel entre le politique et le religieux donne corps à une idée, relève encore Le Midi Libre : contrer la religion musulmane déjà très présente dans notre quotidien par une montée plus visible du catholicisme. »

Pour Le Journal de la Haute-Marne, le terme « lien » a aussi du mal à passer… « Le ‘lien’ établit un rapport organique, ce qui est incompatible avec l’idée de séparation entre l’Eglise et l’Etat, estime le quotidien champenois. Le terme ‘relations’ eût été plus judicieux et moins piégeux, sachant qu’elles existent de toute façon entre les deux institutions, ne serait-ce que pour des questions pratiques. Comme en politique rien n’est innocent, on peut se demander aussi si derrière ce qui apparaît pour la gauche comme une vulgaire provocation ne se niche pas un malin plaisir de mettre le bazar à droite. La main tendue à la communauté catholique plaira au courant démocrate-chrétien. A un an des européennes, ça ne mange pas de pain. »

Réconcilier les deux France !

Enfin, Le Figaro estime qu’il s’agit là « d’un discours refondateur, historique et exprimé par le 8e président de la Ve République. Une république où Emmanuel Macron entend, au seuil du XXIe siècle, réconcilier les deux France, celle qui croit et celle qui ne croit pas. Une position provocatrice totalement assumée, du reste, par le chef de l’État. Dans le choix très gradué des projets de discours, il a choisi l’option haute, la plus ouverte aux catholiques. »

Alors, poursuit Le Figaro, « le public catholique se réveille heureusement surpris, prêt à jouer le jeu pour certains, mais extrêmement méfiant. Il n’acceptera pas des évolutions bioéthiques qui manipuleraient l’homme. Et pas davantage de se laisser enfermer dans une case ‘religieuse’ prédéfinie par une vision communautariste de la société. »

« Le discours de Macron marque bien la centralité du catholicisme dans la constitution de la nation française »

Pour le sociologue Philippe Portier, le chef de l’Etat tient un discours explicite sur la laïcité.|

Propos recueillis par Cécile Chambraud

Le Monde

Directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études et directeur du Groupe sociétés, religions, laïcités, le sociologue Philippe Portier analyse la nouveauté du discours d’Emmanuel Macron sur le catholicisme et la laïcité que le président de la République a prononcé devant les évêques, lundi 9 avril.

Emmanuel Macron attribue-t-il une place particulière au catholicisme par rapport aux autres religions ?

Emmanuel Macron présente l’Etat et l’Eglise comme devant être en situation d’alliance. C’est un discours traditionnel dans le langage catholique. Deux éléments de son propos renvoient à un langage d’Eglise où s’affirme la spécificité du catholicisme dans la société française. Le premier, c’est qu’il parle de l’Eglise comme étant, à côté de l’Etat, dépositaire d’un ordre qui a sa propre juridiction.

L’Eglise et l’Etat sont deux sociétés autonomes relevant chacune d’un ordre de juridiction spécifique. Il n’a pas utilisé ce langage avec les juifs, les musulmans ou les protestants. Cela renvoie à l’auto-compréhension de l’Eglise, qui ne s’analyse pas comme une communauté de croyance comme les autres, mais comme la dépositaire de la parole du Christ et ayant, vis-à-vis de l’Etat, un ordre de juridiction spécifique. Le président de la République a repris là les catégories de la théologie politique.

Le second élément, que l’on ne retrouve pas dans les discours aux autres communautés de foi, c’est l’association constante entre nation et religion catholique. Il a parlé des racines chrétiennes de la France comme d’une sorte d’évidence historique. Ce discours marque bien la centralité du catholicisme dans la constitution de la nation française.

Cette particularité accordée au catholicisme a-t-elle des répercussions pour les autres cultes ?

Sûrement. Pour Emmanuel Macron, toutes les religions participent au concert national. Mais il ne cesse de mettre en évidence le fait que le catholicisme est d’une nature théologique et historique particulière. Et qu’il a su, en dépit de son intransigeance originelle, se couler dans la République et accepter les principes de la démocratie constitutionnelle. C’est la grande différence avec l’islam auquel il demande, dans plusieurs de ses discours, de faire un effort d’acclimatation et d’institutionnalisation, comme l’ont fait les autres cultes.

En cela il est très français, et aussi catholique : il pense le religieux dans une dialectique entre le sujet et l’institution. Dans sa façon de s’adresser au catholicisme, la présence du nonce [le représentant du Saint-Siège en France] fait référence à l’Eglise comme institution internationale. Il y a dans sa présence une logique concordataire qui s’exprime.

Le discours de M. Macron marque-t-il une rupture dans la conception de notre laïcité ?

Oui et non. Il y a eu, dans les présidences précédentes, des pratiques de dialogue, de mobilisation du religieux au service du bien commun. Mais avec Emmanuel Macron, cela devient beaucoup plus formalisé et fait l’objet d’un discours explicite. Dès les années 1960-1970, à mesure que l’Etat s’estimait moins à même de régler seul les problèmes sociaux, s’est mise en place, à l’égard des cultes, une politique de reconnaissance. Il y a l’idée que l’Etat ne peut pas tout et qu’il a besoin de s’appuyer sur des forces extérieures à lui-même.

C’est un discours que tenait déjà François Mitterrand en 1983, lorsqu’il inaugurait le Comité national d’éthique, et qu’il disait que nous avions besoin des sagesses des forces religieuses et convictionnelles. On trouve la même chose chez Emmanuel Macron. La différence, c’est que ce qui apparaissait au détour d’un discours chez tel ou tel président, chez lui, cela prend vraiment l’allure d’une doctrine très formelle.

En quelque sorte, il viendrait couronner une évolution ?

Il vient couronner et expliciter une évolution à l’œuvre dès les années 1960-1970. A mesure que l’Etat se trouvait bousculé dans sa capacité d’action sur le réel par des forces qu’il ne maîtrisait pas – l’individualisation de la société, la globalisation –, il a essayé de faire front avec les forces de la société civile. Une politique de reconnaissance s’est progressivement mise en place : on a associé davantage les cultes à la réflexion, on les a financés davantage, on leur a délégué davantage de compétences…

En 1993-1994, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, Charles Pasqua disait déjà que, dans les banlieues, nous avions besoin de l’engagement des chrétiens. Emmanuel Macron a repris cette idée que le welfare state n’arrive pas à tout faire. Ce qui ne faisait qu’affleurer dans les discours passés des gouvernants se retrouve chez Emmanuel Macron dans un langage très particulier.

N’entretient-il pas une certaine ambiguïté entre d’une part les rapports de l’Eglise et de l’Etat, et d’autre part les rapports des catholiques avec la République ?

Deux tendances coexistent chez lui. La première est très « catholique d’ouverture ». Elle renvoie à l’idée que c’est à partir des engagements de la base que le catholicisme peut s’épanouir et irriguer la société de ses valeurs. Lundi, il a beaucoup insisté sur l’engagement social des catholiques. Pendant sa campagne présidentielle, il a visité le Secours catholique. C’est un catholicisme marqué par Emmanuel Mounier.

En même temps, et c’est son côté plus traditionnel, il fait toujours référence à l’institution, ce que l’on aurait du mal à retrouver chez les catholiques libéraux. Il y a une sorte de compréhension dialectique du catholicisme comme un engagement des chrétiens porté par une institution elle-même inscrite dans l’histoire. Dans la campagne présidentielle, après avoir visité le Secours catholique, il s’est rendu à la basilique de Saint-Denis. Je ne crois pas que ces propos soient seulement stratégiques, destinés, pour les uns, aux catholiques de gauche, pour les autres aux catholiques d’affirmation. Il existe entre eux une coopération dialectique.

Comment interprétez-vous sa phrase sur le « lien » abîmé entre l’Eglise et l’Etat ? Parle-t-il de ces institutions ou bien des catholiques et de la communauté politique ?

Il y a une ambiguïté. Fait-il allusion à l’histoire, à une laïcité de combat qui aurait laissé peu de place à l’Eglise ? Dans ce cas, il s’agirait de revenir sur une philosophie de séparation stricte pour essayer de lui substituer une laïcité de reconnaissance. De faire succéder une laïcité de confiance à une laïcité de défiance.

Ou alors, deuxième hypothèse, il s’agit de prendre acte que, depuis les années 1990-2000, les catholiques sont de plus en plus méfiants à l’égard de la République et des gouvernants, qu’ils s’isolent dans une posture communautaire, identitaire, qui les éloigne de la communauté nationale. Il faudrait alors en finir avec cette évolution et leur permettre de réintégrer le concert public.

Voir aussi:

Emmanuel Macron aux évêques : « Un discours hors norme »

Le président invite les catholiques à rompre avec la « logique d’enfermement » et à investir le débat public, analyse la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger dans une tribune au « Monde ».

Danièle Hervieu-Léger (Sociologue des religions, directrice d’études à l’EHESS)

Le Monde

Tribune. Avant que tout discours ait été prononcé, le seul fait que le président Macron ait accepté, après des rencontres avec d’autres dignitaires des cultes, l’invitation de la Conférence des évêques de France à s’exprimer devant elle avait suscité des anticipations contrastées : celles de ceux qui dénonçaient par avance un manquement à la laïcité, et celles de ceux qui, en sens inverse, en espéraient des gages communautaires.

Il est certain que le contenu de l’allocution d’un président de la République osant les mots de « transcendance » ou de « salut » a peu de chances d’apaiser les passions. Le propos, de fait, est hors norme. De quoi s’agit-il ? Son trait le plus frappant est la conviction forte qui s’y exprime de ce que la foi catholique n’est pas une simple « opinion », et de ce que l’Eglise n’est pas réductible a une « famille de pensée » invitée à vivre dans une bulle étanche au monde qui l’environne.

Le discours du président intègre l’idée selon laquelle toute foi religieuse participe, pour celui qui s’en réclame, de la construction de son rapport au monde. Il atteste en même temps que le catholicisme – comme toute religion, selon Max Weber – est un « mode d’agir en communauté ». Dire cela, c’est avancer aussi que l’idée d’une pure « privatisation » de la croyance est une vue de l’esprit. Car la croyance n’est elle-même qu’une composante de ce rapport singulier au monde à laquelle la foi introduit le fidèle.

Est-ce manquer à la laïcité que de le reconnaître ? La laïcité n’a pas été mise en place pour réduire sans reste cette singularité du religieux : elle a été construite pour empêcher que le mode propre d’agir en communauté que celle-ci définit puisse prévaloir, de quelque manière que ce soit, sur les règles que la communauté des citoyens se donne à elle-même. Ceci vaut pour le catholicisme romain autant que pour toutes les autres confessions présentes dans la société religieusement plurielle qu’est la France.

Audace

Mais, dans un pays traumatisé par la guerre inexpugnable qui opposa pendant un siècle et demi au moins une France enfermée dans le rêve de la reconquête catholique à la France porteuse de l’ordre nouveau issu de la Révolution française, il faut une certaine audace pour affirmer que la singularité catholique, inscrite dans l’histoire longue, a légitimement vocation à s’exprimer, à sa place et sans privilège, dans une société définitivement sortie de la régie normative de l’Eglise et même du christianisme.

Emmanuel Macron a affirmé la légitimité de cette expression de deux façons. Il l’a fait d’abord en prenant acte, indépendamment de toute prise de position idéologique sur la mention formelle des « racines chrétiennes », du rôle – non exclusif à beaucoup près – qui a été celui du catholicisme et de l’Eglise dans la fabrication de l’identité culturelle de la nation : nier l’importance de cette matrice catholique enfouie, et quoi qu’il en soit de son délitement présent, c’est s’exposer à méconnaître une source de bien des traits de notre esprit commun.

Mais le président ne s’est pas arrêté seulement à cette invocation lointaine. Il a aussi fait état de l’engagement présent des catholiques dans le tissu de ces associations qui font prendre corps, sur des terrains multiples, au souci de ceux qu’il est convenu d’appeler « les plus fragiles » : ceux, en tout cas, que le cours du monde laisse sur le bord du chemin. Nul n’ignore, et certainement pas le président, que cet engagement n’est pas celui d’une armée en ordre de bataille sous la conduite des évêques : il est aussi le lieu où se creusent la pluralité et même la contradiction des voies selon lesquelles le catholicisme se vit concrètement comme manière d’habiter le monde.

Deux limites

C’est au regard de cette pluralité des catholicismes qu’il faut ressaisir l’appel du président aux catholiques pour qu’ils fassent entendre leur voix dans le débat public, s’agissant en particulier des questions touchant aux migrations, à la bioéthique ou à la filiation. D’aucuns ont immédiatement entendu cet appel comme une invitation – bien ou mal venue, selon le point de vue – à « entrer en politique ». Sans doute est-ce bien de cela qu’il s’agit : la rénovation de la politique elle-même appelle aujourd’hui un renouveau de la confrontation publique des convictions.

La voix des catholiques, pas plus que toute expression d’une éthique de conviction dans le débat public, n’a vocation à être « injonctive »

Mais cette « entrée en politique » rencontre immédiatement, du côté des catholiques, deux limites indépassables.

La première a été posée par le président lui-même de la manière la plus claire : la voix des catholiques, pas plus que toute expression d’une éthique de conviction dans le débat public, n’a vocation à être « injonctive », c’est-à-dire à s’imposer à la société tout entière.

La seconde est implicitement contenue dans l’évocation de la diversité des engagements catholiques : il n’existe pas aujourd’hui de possibilité qu’une voix catholique – fut-elle celle de l’institution – puisse prétendre être la seule voix autorisée du catholicisme dans le registre politique. La Conférence des évêques de France n’a-t-elle pas elle-même démontré, lors de la dernière élection présidentielle, qu’elle avait pris acte du pluralisme interne d’un monde catholique où règne définitivement, comme l’avait démontré Jean-Marie Donegani il y a plusieurs années, la « liberté de choisir ».

Quelle est alors la portée de la reconnaissance appuyée accordée par le président aux catholiques en tant qu’acteurs de la scène politique ? En valorisant leur contribution à la production du sens de notre vie en commun, il ne se contente pas de mettre du baume sur les plaies d’une population perturbée par la découverte de sa condition minoritaire dans une société où elle fut, pendant des siècles, une majorité qui comptait. Il invite à rompre la logique d’enfermement qui pousse des courants de cette population à se constituer comme une contre-culture en résistance au sein d’un monde dont ils ont perdu les codes.

Le discours des Bernardins restera, à cet égard, comme le moment assez étonnant où, dans la longue et difficile trajectoire de la reconfiguration du catholicisme français en minorité religieuse dans une société plurielle, l’invitation à échapper au risque sectaire sera venue, contre toute attente, de la plus haute autorité de la République.

Directrice d’études à l’EHESS, qu’elle a présidée de 2004 à 2009, Danièle Hervieu-Léger est sociologue des religions. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages traitant de la place du religieux, et spécialement du christianisme, dans les sociétés occidentales contemporaines, comme Le Temps des moines. Clôture et hospitalité (PUF, 2017).

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/04/11/emmanuel-macron-aux-eveques-un-discours-hors-norme_5283783_3232.html#wAzygiBmBijWE4DM.99

Le président de la République veut présenter avant la fin du premier semestre 2018 un « plan » pour « l’islam de France » : ses instances représentatives, son financement et la formation de ses imams.

Il continue pour cela ses consultations, comme lundi 26 mars avec une Danoise « féministe musulmane » Sherin Khankan et la rabbin libérale Delphine Horvilleur.

 Sur Facebook, Sherin Khankan a posté une photo d’elle, assise devant la table de travail du président de la République qui se tient debout derrière elle. « Il faut un président bien sage pour défendre le féminisme islamique et considérer la religion comme une partie de la solution et non du problème », écrit – en guise de légende – celle que les médias du monde entier surnomment « l’imamette de Copenhague ». « Le président français Emmanuel Macron envoie un signal politique important montrant que la société laïque peut coexister avec la religion. »

Lundi 26 mars, cette Danoise d’origine syrienne, fondatrice en 2001 d’un Forum des musulmans critiques, puis d’un centre formation soufi « Sortir du cercle », auteur de La femme est l’avenir de l’islam (Stock, 2017), a été reçue à l’Élysée, en même temps que la rabbin libérale Delphine Horvilleur. « Le président de la République, qui lit beaucoup, est tombé sur la conversation entre les deux femmes organisée par l’Institut français de Copenhague », raconte un proche du dossier. La vidéo de l’entretien, daté du 26 mars 2016, est visible sur YouTube. « Sans doute cet échange entre deux femmes ministres du culte l’intéressait-il dans le cadre de ses consultations tous azimuts. Il rencontre des tas de gens pour nourrir sa réflexion ».

Avec l’aide du ministère de l’intérieur et des cultes, l’Élysée prépare en effet « un plan d’ensemble » pour structurer « l’islam de France », avec la volonté d’avancer sur les principaux chantiers : les instances représentatives, le financement du culte et la formation des imams. L’idée est d’aboutir avant la fin du premier semestre 2018. En attendant, les consultations se poursuivent donc. Mi-février, le JDD avait indiqué qu’outre le banquier d’affaires et consultant Hakim el Karoui, le président de la République avait également rencontré l’islamologue Gilles Kepel ou le philosophe tunisien Youssef Seddik.

Cette fois, c’est la place des femmes dans la religion qui a éveillé sa curiosité. Dans de nombreux pays musulmans, des femmes plaident pour une relecture du Coran et de la tradition musulmane sortis de leur « gangue » patriarcale. Dans quelques villes européennes – Berlin ou Londres notamment –, des femmes ont même ouvert des lieux de prière pour un public féminin. À Copenhague, la salle de prière installée par Sherin Khankan dans un appartement, dont elle a abattu les cloisons, est ouverte à tous en semaine, et réservée aux femmes le vendredi pour qu’elle puisse guider leur prière. Plus qu’une « imam », cette jeune mère de famille fait en réalité office de mourchidat, une fonction de prédicatrice pour un public féminin courante y compris dans les pays majoritairement musulmans.

À Copenhague pas plus qu’ailleurs, les hommes n’ont accepté une femme comme imam. « La majorité pense qu’une femme ne dirige pas la prière devant des hommes, mais il existe des avis minoritaires : certains considèrent que si une femme connait mieux le Coran que son mari, elle peut diriger la prière », note Hicham Abdel Gawad, doctorant en sciences des religions à Louvain-la-Neuve. « Dans tous les cas, la règle de base est que celui qui dirige la prière doit être agréé par les personnes qui prient derrière lui. » « Dans un paysage musulman complètement éclaté, on peut se demander pourquoi aucune mosquée alternative n’a émergé jusqu’à aujourd’hui, à l’exception d’un lieu de culte dédié aux fidèles homosexuels », remarque ce bon connaisseur de l’islam de France. « Y aurait-il une sorte de fatalité à n’avoir le choix qu’à l’intérieur de l’éventail qui va de Dalil Boubakeur (NDLR : recteur de la Grande mosquée de Paris, proche de l’Algérie) à Nader Abou Anas (NDLR : imam du Bourget, proche de la mouvance salafiste) ? »

Interrogé sur cette invitation à l’Élysée d’une représentante du courant « féministe musulman », le Conseil français du culte musulman n’a pas souhaité réagir.

Macron reçoit l’imame danoise Sherin Khankan à L’Elysée

[INFO L’EXPRESS] Le président français et la femme imam scandinave ont évoqué la place et l’avenir de l’islam en Europe.

Axel Gyldén

L’Express

L’imame danoise Sherin Khankan et Emmanuel Macron ont discuté, ce lundi 26 mars, de la situation de l’islam en Occident lors d’un entretien d’une heure à l’Elysée auquel participait également la femme rabbin française Delphine Horvilleur. Le chef de l’Etat français avait sollicité les deux femmes pour recueillir leurs réflexions sur meilleure manière, selon elles, d’améliorer le dialogue des civilisations.

Connue pour avoir ouvert, à Copenhague, en 2017, la première mosquée 100% féminine d’Europe et soucieuse de modifier la perception de sa religion à travers la promotion d’un islam moderne, ouvert, progressiste et modéré, l’imame féministe Sherin Khankan a suggéré au président l’idée d’une grande conférence réunissant des femmes imam venues du monde entier, des femmes rabbin, des pasteures protestantes, des prêtres catholiques ainsi que des intellectuels des toutes les religions, notamment des musulmans, sans discrimination de sexe.

« Le chef de l’Etat s’est dit intéressé par l’idée et a promis de donner suite », confie la Danoise. Cette adepte du soufisme poursuit: « Le Maroc serait parfaitement indiqué pour une telle conférence dans la mesure où ce pays forme déjà, depuis quelques années, une nouvelle génération de professeures de religion : les mushidad. » Il s’agit de femmes chargées de prêcher la bonne parole jusque dans les villages reculés, avec la mission de promouvoir un islam raisonnable, tolérant et « authentiquement conforme à sa vocation pacifique. »

Pas de mention des attaques terroristes de l’Aude

Par hasard du calendrier, le rendez-vous avec Emmanuel Macron, programmé depuis plus d’un mois, est tombé trois jours après l’attaque terroriste de Trèbes et Caracassonne. Ce sujet n’a pas été évoqué lors de l’entretien avec Sherin Khankan et Delphine Horvilleur.

En octobre, Sherin Khankan a publié La femme est l’avenir de l’islam chez Stock. Elle y raconte sa trajectoire et son parcours intellectuel forgé à Copenhague dans une famille métisse. Née d’un père musulman syrien opposant à Hafez el-Assad et d’une mère protestante finlandaise, la quadragénaire Sherin Khankan s’est orientée vers l’islam dans l’entrée à l’âge adulte tout en militant pour un « féminisme islamique » qui vise à mettre fin à la culture du patriarcat au sein de la religion de Mahomet.

« Rien, dans le Coran, n’interdit aux femmes de conduire la prière ni de gérer un mosquée », affirme cette imame qui célèbre des mariages interreligieux et milite inlassablement pour l’égalité homme-femme au sein de l’islam. Inspirée notamment, par les féministes musulmanes Amina Wadud, qui est américaine, et la Marocaine Fatima Mernissi (décédée en 2015) Sherin Khankan a inauguré, l’année dernière à Copenhague, la première mosquée d’Europe réservée aux femmes.

Voir enfin:

Collège des Bernardins – Lundi 9 avril 2018

Monsieur le Ministre d’Etat,

Mesdames les ministres,

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Monsieur le Nonce,

Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et messieurs les responsables des cultes,

Monseigneur,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie vivement, Monseigneur, et je remercie la Conférence des Evêques de France de cette invitation à m’exprimer ici ce soir, en ce lieu si particulier et si beau du Collège des Bernardins, dont je veux aussi remercier les responsables et les équipes.

Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer.

Pour cela, il n’est pas d’autre moyen qu’un dialogue en vérité.

Ce dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue, je dirais qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir.

L’exemple du colonel BELTRAME par lequel, Monseigneur, vous venez d’achever votre propos, illustre ce point de vue d’une manière que je crois éclairante.

Beaucoup, lors de la journée tragique du 23 mars, ont cherché à nommer les ressorts secrets de son geste héroïque : les uns y ont vu l’acceptation du sacrifice ancrée dans sa vocation militaire ; les autres y ont vu la manifestation d’une fidélité républicaine nourrie par son parcours maçonnique ; d’autres enfin, et notamment son épouse, ont interprété son acte comme la traduction de sa foi catholique ardente, prête à l’épreuve suprême de la mort.

Ces dimensions en réalité sont tellement entrelacées qu’il est impossible de les démêler, et c’est même inutile, car cette conduite héroïque c’est la vérité d’un homme dans toute sa complexité qui s’est livrée.

Mais dans ce pays de France qui ne ménage pas sa méfiance à l’égard des religions, je n’ai pas entendu une seule voix se lever pour contester cette évidence, gravée au cœur de notre imaginaire collectif et qui est celle-ci : lorsque vient l’heure de la plus grande intensité, lorsque l’épreuve commande de rassembler toutes les ressources qu’on a en soi au service de la France, la part du citoyen et la part du catholique brûlent, chez le croyant véritable, d’une même flamme.

Je suis convaincu que les liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme se sont forgés dans ces moments où est vérifiée la valeur réelle des hommes et des femmes. Il n’est pas besoin de remonter aux bâtisseurs de cathédrales et à Jeanne d’Arc : l’histoire récente nous offre mille exemples, depuis l’Union Sacrée de 1914 jusqu’aux résistants de 40, des Justes aux refondateurs de la République, des Pères de l’Europe aux inventeurs du syndicalisme moderne, de la gravité éminemment digne qui suivit l’assassinat du Père HAMEL à la mort du colonel BELTRAME, oui, la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques.

Disant cela, je ne m’y trompe pas. Si les catholiques ont voulu servir et grandir la France, s’ils ont accepté de mourir, ce n’est pas seulement au nom d’idéaux humanistes. Ce n’est pas au nom seulement d’une morale judéo-chrétienne sécularisée. C’est aussi parce qu’ils étaient portés par leur foi en Dieu et par leur pratique religieuse.

Certains pourront considérer que de tels propos sont en infraction avec la laïcité. Mais après tout, nous comptons aussi des martyrs et des héros de toute confession et notre histoire récente nous l’a encore montré, et y compris des athées, qui ont trouvé au fond de leur morale les sources d’un sacrifice complet. Reconnaître les uns n’est pas diminuer les autres, et je considère que la laïcité n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens.

Je suis, comme chef de l’Etat, garant de la liberté de croire et de ne pas croire, mais je ne suis ni l’inventeur ni le promoteur d’une religion d’Etat substituant à la transcendance divine un credo républicain.

M’aveugler volontairement sur la dimension spirituelle que les catholiques investissent dans leur vie morale, intellectuelle, familiale, professionnelle, sociale, ce serait me condamner à n’avoir de la France qu’une vue partielle ; ce serait méconnaître le pays, son histoire, ses citoyens ; et affectant l’indifférence, je dérogerais à ma mission. Et cette même indifférence, je ne l’ai pas davantage à l’égard de toutes les confessions qui aujourd’hui habitent notre pays.

Et c’est bien parce que je ne suis pas indifférent, que je perçois combien le chemin que l’Etat et l’Eglise partagent depuis si longtemps, est aujourd’hui semé de malentendus et de défiance réciproques.

Ce n’est certes pas la première fois dans notre histoire. Il est de la nature de l’Eglise d’interroger constamment son rapport au politique, dans cette hésitation parfaitement décrite par MARROU dans sa Théologie de l’histoire, et l’histoire de France a vu se succéder des moments où l’Eglise s’installait au cœur de la cité, et des moments où elle campait hors-les-murs.

Mais aujourd’hui, dans ce moment de grande fragilité sociale, quand l’étoffe même de la nation risque de se déchirer, je considère de ma responsabilité de ne pas laisser s’éroder la confiance des catholiques à l’égard de la politique et des politiques. Je ne puis me résoudre à cette déprise. Et je ne saurais laisser s’aggraver cette déception.

C’est d’autant plus vrai que la situation actuelle est moins le fruit d’une décision de l’Eglise que le résultat de plusieurs années pendant lesquelles les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France.

Ainsi, d’un côté, une partie de la classe politique a sans doute surjoué l’attachement aux catholiques, pour des raisons qui n’étaient souvent que trop évidemment électoralistes. Ce faisant, on a réduit les catholiques à cet animal étrange qu’on appelle l’« électorat catholique » et qui est en réalité une sociologie. Et l’on a ainsi fait le lit d’une vision communautariste contredisant la diversité et la vitalité de l’Eglise de France, mais aussi l’aspiration du catholicisme à l’universel – comme son nom l’indique – au profit d’une réduction catégorielle assez médiocre.

Et de l’autre côté, on a trouvé toutes les raisons de ne pas écouter les catholiques, les reléguant par méfiance acquise et par calcul au rang de minorité militante contrariant l’unanimité républicaine.

Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser, soit à les ignorer, alors que c’est d’un dialogue et d’une coopération d’une toute autre tenue, d’une contribution d’un tout autre poids à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens.

C’est ce que votre belle allocution a bien montré, Monseigneur. Les préoccupations que vous soulevez – et je tâcherai pour quelques-unes d’y répondre ou d’y apporter un éclairage provisoire – ces préoccupations ne sont pas les fantasmes de quelques-uns. Les questions qui sont les vôtres ne se bornent pas aux intérêts d’une communauté restreinte. Ce sont des questions pour nous tous, pour toute la nation, pour notre humanité toute entière.

Ce questionnement intéresse toute la France non parce qu’il est spécifiquement catholique, mais parce qu’il repose sur une idée de l’homme, de son destin, de sa vocation, qui sont au cœur de notre devenir immédiat. Parce qu’il entend offrir un sens et des repères à ceux qui trop souvent en manquent.

C’est parce que j’entends faire droit à ces interrogations que je suis ici ce soir. Et pour vous demander solennellement de ne pas vous sentir aux marches de la République, mais de retrouver le goût et le sel du rôle que vous y avez toujours joué.

Je sais que l’on a débattu comme du sexe des anges des racines chrétiennes de l’Europe. Et que cette dénomination a été écartée par les parlementaires européens. Mais après tout, l’évidence historique se passe parfois de tels symboles. Et surtout, ce ne sont pas les racines qui nous importent, car elles peuvent aussi bien être mortes. Ce qui importe, c’est la sève. Et je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation.

C’est pour tenter de cerner cela que je suis ici ce soir. Pour vous dire que la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté.

L’urgence de notre politique contemporaine, c’est de retrouver son enracinement dans la question de l’homme ou, pour parler avec MOUNIER, de la personne. Nous ne pouvons plus, dans le monde tel qu’il va, nous satisfaire d’un progrès économique ou scientifique qui ne s’interroge pas sur son impact sur l’humanité et sur le monde. C’est ce que j’ai essayé d’exprimer à la tribune des Nations unies à New York, mais aussi à Davos ou encore au Collège de France lorsque j’y ai parlé d’intelligence artificielle : nous avons besoin de donner un cap à notre action, et ce cap, c’est l’homme.

Or il n’est pas possible d’avancer sur cette voie sans croiser le chemin du catholicisme, qui depuis des siècles creuse patiemment ce questionnement. Il le creuse dans son questionnement propre dans un dialogue avec les autres religions.

Questionnement qui lui donne la forme d’une architecture, d’une peinture, d’une philosophie, d’une littérature, qui toutes tentent, de mille manières, d’exprimer la nature humaine et le sens de la vie. « Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme », dit PASCAL de la religion chrétienne. Et certes, d’autres religions, d’autres philosophies ont creusé le mystère de l’homme. Mais la sécularisation ne saurait éliminer la longue tradition chrétienne.

Au cœur de cette interrogation sur le sens de la vie, sur la place que nous réservons à la personne, sur la façon dont nous lui conférons sa dignité, vous avez, Monseigneur, placé deux sujets de notre temps : la bioéthique et le sujet des migrants.

Vous avez ainsi établi un lien intime entre des sujets que la politique et la morale ordinaires auraient volontiers traités à part. Vous considérez que notre devoir est de protéger la vie, en particulier lorsque cette vie est sans défense. Entre la vie de l’enfant à naître, celle de l’être parvenu au seuil de la mort, ou celle du réfugié qui a tout perdu, vous voyez ce trait commun du dénuement, de la nudité et de la vulnérabilité absolue. Ces êtres sont exposés. Ils attendent tout de l’autre, de la main qui se tend, de la bienveillance qui prendra soin d’eux. Ces deux sujets mobilisent notre part la plus humaine et la conception même que nous nous faisons de l’humain et cette cohérence s’impose à tous.

Alors, j’ai entendu, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, les inquiétudes montant du monde catholique et je veux ici tenter d’y répondre ou en tout cas de donner notre part de vérité et de conviction.

Sur les migrants, on nous reproche parfois de ne pas accueillir avec assez de générosité ni de douceur, de laisser s’installer des cas préoccupants dans les centres de rétention ou de refouler les mineurs isolés. On nous accuse même de laisser prospérer des violences policières.

Mais à dire vrai, que sommes-nous en train de faire ? Nous tentons dans l’urgence de mettre un terme à des situations dont nous avons hérité et qui se développent à cause de l’absence de règles, de leur mauvaise application, ou de leur mauvaise qualité – et je pense ici aux délais de traitement administratif mais aussi aux conditions d’octroi des titres de réfugiés.

Notre travail, celai que conduit chaque jour le ministre d’Etat, est de sortir du flou juridique des gens qui s’y égarent et qui espèrent en vain, qui tentent de reconstruire quelque chose ici, puis sont expulsés, cependant que d’autres, qui pourraient faire leur vie chez nous, souffrent de conditions d’accueil dégradées dans des centres débordés.

C’est la conciliation du droit et de l’humanité que nous tentons. Le Pape a donné un nom à cet équilibre, il l’a appelé « prudence », faisant de cette vertu aristotélicienne celle du gouvernant, confronté bien sûr à la nécessité humaine d’accueillir mais également à celle politique et juridique d’héberger et d’intégrer. C’est le cap de cet humanisme réaliste que j’ai fixé. Il y aura toujours des situations difficiles. Il y aura parfois des situations inacceptables et il nous faudra à chaque fois ensemble tout faire pour les résoudre.

Mais je n’oublie pas non plus que nous portons aussi la responsabilité de territoires souvent difficiles où ces réfugiés arrivent. Nous savons que les afflux de populations nouvelles plongent la population locale dans l’incertitude, la poussent vers des options politiques extrêmes, déclenchent souvent un repli qui tient du réflexe de protection. Une forme d’angoisse quotidienne se fait jour qui crée comme une concurrence des misères.

Notre exigence est justement dans une tension éthique permanente de tenir ces principes, celui d’un humanisme qui est le nôtre et de ne rien renoncer en particulier pour protéger les réfugiés, c’est notre devoir moral et c’est inscrit dans notre Constitution ; nous engager clairement pour que l’ordre républicain soit maintenu et que cette protection des plus faibles ne signifie pas pour autant l’anomie et l’absence de discernement car il y a aussi des règles qu’il faudra faire valoir et pour que des places soient trouvées, comme c’était dit tout à l’heure, dans les centres d’hébergement, ou dans les situations les plus difficiles, il faut aussi accepter que prenant notre part de cette misère, nous ne pouvons pas la prendre tout entière sans distinction des situations et il nous faut aussi tenir la cohésion nationale du pays où parfois d’aucuns ne parlent plus de cette générosité que nous évoquons ce soir mais ne veulent voir que la part effrayante de l’autre, et nourrissent ce geste pour porter plus loin leur projet.

C’est bien parce que nous avons à tenir ces principes, parfois contradictoires, dans une tension constante, que j’ai voulu que nous portions cet humanisme réaliste et que je l’assume pleinement devant vous.

Là où nous avons besoin de votre sagesse c’est pour partout tenir ce discours d’humanisme réaliste c’est pour conduire à l’engagement de celles et ceux qui pourront nous aider et c’est d’éviter les discours du pire, la montée des peurs qui continueront de se nourrir de cette part de nous car les flux massifs dont vous avez parlé que j’évoquais à l’instant ne se tariront pas d’ici demain, ils sont le fruit de grands déséquilibres du monde.

Et qu’il s’agisse des conflits politiques, qu’il s’agisse de la misère économique et sociale ou des défis climatiques, ils continueront à alimenter dans les années et les décennies qui viennent des grandes migrations auxquelles nous serons confrontés et il nous faudra continuer à tenir inlassablement ce cap, à constamment tenter de tenir nos principes au réel et je ne cèderai en la matière ni aux facilités des uns ni aux facilités des autres. Car ce serait manquer à ma mission.

Sur la bioéthique, on nous soupçonne parfois de jouer un agenda caché, de connaître d’avance les résultats d’un débat qui ouvrira de nouvelles possibilités dans la procréation assistée, ouvrant la porte à des pratiques qui irrésistiblement s’imposeront ensuite, comme la Gestation Pour Autrui. Et certains se disent que l’introduction dans ces débats de représentants de l’Eglise catholique comme de l’ensemble des représentants des cultes comme je m’y suis engagé dès le début de mon mandat est un leurre, destiné à diluer la parole de l’Eglise ou à la prendre en otage.

Vous le savez, j’ai décidé que l’avis du Conseil consultatif national d’Ethique, Monsieur le président, n’était pas suffisant et qu’il fallait l’enrichir d’avis de responsables religieux. Et j’ai souhaité aussi que ce travail sur les lois bioéthiques que notre droit nous impose de revoir puisse être nourri d’un débat organisé par le CCNE mais où toutes les familles philosophiques religieuses, politiques, où notre société aura à s’exprimer de manière pleine et entière.

C’est parce que je suis convaincu que nous ne sommes pas là face à un problème simple qui pourrait se trancher par une loi seule mais nous sommes parfois face à des débats moraux, éthiques, profonds qui touchent au plus intime de chacun d’entre nous. J’entends l’Eglise lorsqu’elle se montre rigoureuse sur les fondations humaines de toute évolution technique ; j’entends votre voix lorsqu’elle nous invite à ne rien réduire à cet agir technique dont vous avez parfaitement montré les limites ; j’entends la place essentielle que vous donnez dans notre société, à la famille – aux familles, oserais-je dire -, j’entends aussi ce souci de savoir conjuguer la filiation avec les projets que des parents peuvent avoir pour leurs enfants.

Nous sommes aussi confrontés à une société où les formes de la famille évoluent radicalement, où le statut de l’enfant parfois se brouille et où nos concitoyens rêvent de fonder des cellules familiales de modèle traditionnel à partir de schémas familiaux qui le sont moins.

J’entends les recommandations que formulent les instances catholiques, les associations catholiques, mais là encore, certains principes énoncés par l’Eglise sont confrontés à des réalités contradictoires et complexes qui traversent les catholiques eux-mêmes ; tous les jours, tous les jours les mêmes associations catholiques et les prêtres accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l’avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA , des familles confrontées à l’état végétatif d’un des leurs, des familles où l’un croit et l’autre non, apportant dans la famille la déchirure des choix spirituels et moraux, et cela je le sais, c’est votre quotidien aussi.

L’Eglise accompagne inlassablement ces situations délicates et tente de concilier ces principes et le réel. C’est pourquoi je ne suis pas en train de dire que l’expérience du réel défait ou invalide les positions adoptées par l’église ; je dis simplement que là aussi il faut trouver la limite car la société est ouverte à tous les possibles, mais la manipulation et la fabrication du vivant ne peuvent s’étendre à l’infini sans remettre en cause l’idée même de l’homme et de la vie.

Ainsi le politique et l’Eglise partagent cette mission de mettre les mains dans la glaise du réel, de se

confronter tous les jours à ce que le temporel a, si j’ose dire, de plus temporel.

Et c’est souvent dur, compliqué, et exigeant et imparfait. Et les solutions ne viennent pas d’elles-mêmes. Elles naissent de l’articulation entre ce réel et une pensée, un système de valeur, une conception du monde. Elles sont bien souvent le choix du moindre mal, toujours précaire et cela aussi est exigeant et difficile.

C’est pourquoi en écoutant l’Eglise sur ces sujets, nous ne haussons pas les épaules. Nous écoutons une voix qui tire sa force du réel et sa clarté d’une pensée où la raison dialogue avec une conception transcendante de l’homme. Nous l’écoutons avec intérêt, avec respect et même nous pouvons faire nôtres nombre de ses points. Mais cette voix de l’Eglise, nous savons au fond vous et moi qu’elle ne peut être injonctive. Parce qu’elle est faite de l’humilité de ceux qui pétrissent le temporel. Elle ne peut dès lors être que questionnante. Et sur tous ces sujets et en particulier sur ces deux sujets que je viens d’évoquer, parce qu’ils se construisent en profondeur dans ces tensions éthiques entre nos principes, parfois nos idéaux et le réel, nous sommes ramenés à l’humilité profonde de notre condition.

L’Etat et l’Eglise appartiennent à deux ordres institutionnels différents, qui n’exercent pas leur mandat sur le même plan. Mais tous deux exercent une autorité et même une juridiction. Ainsi, nous avons chacun forgé nos certitudes et nous avons le devoir de les formuler clairement, pour établir des règles, car c’est notre devoir d’état. Aussi le chemin que nous partageons pourrait se réduire à n’être que le commerce de nos certitudes.

Mais nous savons aussi, vous comme nous, que notre tâche va au-delà. Nous savons qu’elle est de faire vivre le souffle de ce que nous servons, d’en faire grandir la flamme, même si c’est difficile et surtout si c’est difficile.

Nous devons constamment nous soustraire à la tentation d’agir en simples gestionnaires de ce qui nous a été confié. Et c’est pourquoi notre échange doit se fonder non sur la solidité de certaines certitudes, mais sur la fragilité de ce qui nous interroge, et parfois nous désempare. Nous devons oser fonder notre relation sur le partage de ces incertitudes, c’est-à-dire sur le partage des questions, et singulièrement des questions de l’homme.

C’est là que notre échange a toujours été le plus fécond : dans la crise, face à l’inconnu, face au risque, dans la conscience partagée du pas à franchir, du pari à tenter. Et c’est là que la nation s’est le plus souvent grandie de la sagesse de l’Eglise, car voilà des siècles et des millénaires que l’Eglise tente ses paris, et ose son risque. C’est par là qu’elle a enrichi la nation.

C’est cela, si vous m’y autorisez, la part catholique de la France. C’est cette part qui dans l’horizon séculier instille tout de même la question intranquille du salut, que chacun, qu’il croie ou ne croie pas, interprétera à sa manière, mais dont chacun pressent qu’elle met en jeu sa vie entière, le sens de cette vie, la portée qu’on lui donne et la trace qu’elle laissera.

Cet horizon du salut a certes totalement disparu de l’ordinaire des sociétés contemporaines, mais c’est un tort et l’on voit à bien à des signes qu’il demeure enfoui. Chacun a sa manière de le nommer, de le transformer, de le porter mais c’est tout à la fois la question du sens et de l’absolu dans nos sociétés, que l’incertitude du salut apporte à toutes les vies même les plus résolument matérielles comme un tremblé au sens pictural du terme, est une évidence.

Paul RICŒUR, si vous m’autorisez à le citer ce soir, a trouvé les mots justes dans une conférence prononcée à Amiens en 1967 : « maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le un idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux».

Ce soir-là, face à un public où certains avaient la foi, d’autres non, Paul RICŒUR invita son auditoire à dépasser ce qu’il appela « la prospective sans perspective » avec cette formule qui, je n’en doute pas, nous réunira tous ici ce soir : « Viser plus, demander plus. C’est cela l’espoir ; il attend toujours plus que de l’effectuable. »

Ainsi, l’Eglise n’est pas à mes yeux cette instance que trop souvent on caricature en gardienne des bonnes mœurs. Elle est cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas.

C’est pour cela que le premier don que je vous demande est celui de l’humilité du questionnement, le don de cette sagesse qui trouve son enracinement de la question de l’homme et donc dans les questions que l’homme se pose.

Car c’est cela l’Eglise à son meilleur ; c’est celle qui dit : frappez et l’on vous ouvrira, qui se pose en recours et en voix amie dans un monde où le doute, l’incertain, le changeant sont de règle ; où le sens toujours échappe et toujours se reconquiert ; c’est une église dont je n’attends pas des leçons mais plutôt cette sagesse d’humilité face en particulier à ces deux sujets que vous avez souhaité évoquer et que je viens d’esquisser en réponse parce que nous ne pouvons avoir qu’un horizon commun et en cherchant chaque jour à faire du mieux, à accepter au fond la part « d’intranquillité » irréductible qui va avec notre action.

Questionner, ce n’est pas pour autant refuser d’agir ; c’est au contraire tenter de rendre l’action conforme à des principes qui la précèdent et la fondent et c’est cette cohérence entre pensée et action qui fait la force de cet engagement que la France attend de vous. Ce deuxième don dont je souhaitais vous parler.

Ce qui grève notre pays – j’ai déjà eu l’occasion de le dire – ce n’est pas seulement la crise économique, c’est le relativisme ; c’est même le nihilisme ; c’est tout ce qui laisse à penser que cela n’en vaut pas la peine. Pas la peine d’apprendre, pas la peine de travailler et surtout pas la peine de tendre la main et de s’engager au service de plus grands que soit. Le système, progressivement, a enfermé nos concitoyens dans « l’à quoi bon » en ne rémunérant plus vraiment le travail ou plus tout à fait, en décourageant l’initiative, en protégeant mal les plus fragiles, en assignant à résidence les plus défavorisés et en considérant que l’ère postmoderne dans laquelle nous étions collectivement arrivés, était l’ère du grand doute qui permettait de renoncer à toute absolu.

C’est dans ce contexte de décrue des solidarités et de l’espoir que les catholiques se sont massivement tournés vers l’action associative, vers l’engagement. Vous êtes aujourd’hui une composante majeure de cette partie de la Nation qui a décidé de s’occuper de l’autre partie – nous en avons vu des témoignages très émouvants tout à l’heure – celle des malades, des isolés, des déclassés, des vulnérables, des abandonnés, des handicapés, des prisonniers, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse. BATAILLE appelait ça « la part maudite » dans un terme qui a parfois été dénaturé mais qui est la part essentielle d’une société parce que c’est à cela qu’une société, qu’une famille, qu’une vie se juge… à sa capacité à reconnaître celle ou celui qui a eu un parcours différent, un destin différent et à s’engager pour lui. Les Français ne mesurent pas toujours cette mutation de l’engagement catholique ; vous êtes passés des activités de travailleurs sociaux à celles de militants associatifs se tenant auprès de la part fragile de notre pays, que les associations où les catholiques s’engagent soient explicitement catholiques ou pas, comme les Restos du Cœur.

Je crains que les politiques ne se soient trop longtemps conduits comme si cet engagement était un acquis, comme si c’était normal, comme si le pansement ainsi posé par les catholiques et par tant d’autres sur la souffrance sociale, dédouanait d’une certaine impuissance publique.

Je voudrais saluer avec infiniment de respect toutes celles et tous ceux qui ont fait ce choix sans compter leur temps ni leur énergie et permettez-moi aussi de saluer tous ces prêtres et ces religieux qui de cet engagement ont fait leur vie et qui chaque jour dans les paroisses françaises accueillent, échangent, œuvrent au plus près de la détresse ou des malheurs ou partagent la joie des familles lors des événements heureux. Parmi eux se trouvent aussi des aumôniers aux armées ou dans nos prisons et je salue ici leurs représentants ; eux aussi sont des engagés. Et permettez-moi d’associer se faisant également tous les engagés des autres religions dont les représentants sont ici présents et qui partagent cette communauté d’engagement avec vous.

Cet engagement est vital pour la France et par-delà les appels, les injonctions, les interpellations que vous nous adressez pour nous dire de faire plus, de faire mieux, je sais, nous savons tous, que le travail que vous accomplissez, n’est pas un pis-aller mais une part du ciment même de notre cohésion nationale. Ce don de l’engagement n’est pas seulement vital, il est exemplaire. Mais je suis venu vous appeler à faire davantage encore car ce n’est pas un mystère, l’énergie consacrée à cet engagement associatif a été aussi largement soustrait à l’engagement politique.

Or je crois que la politique, si décevante qu’elle ait pu être aux yeux de certains, si desséchante parfois aux yeux d’autres, a besoin de l’énergie des engagés, de votre énergie. Elle a besoin de l’énergie de ceux qui donnent du sens à l’action et qui placent en son cœur une forme d’espérance. Plus que jamais, l’action politique a besoin de ce que la philosophe Simone WEIL appelait l’effectivité, c’est-à-dire cette capacité à faire exister dans le réel les principes fondamentaux qui structurent la vie morale, intellectuelle et dans le cas des croyances spirituelles.

C’est ce qu’ont apporté à la politique française les grandes figures que sont le Général de GAULLE, Georges BIDAULT, Robert SCHUMAN, Jacques DELORS ou encore les grandes consciences françaises qui ont éclairé l’action politique comme CLAVEL, MAURIAC, LUBAC ou MARROU et ce n’est pas une pratique théocratique ni une conception religieuse du pouvoir qui s’est fait jour mais une exigence chrétienne importée dans le champ laïc de la politique. Cette place aujourd’hui est à prendre non parce qu’il faudrait à la politique française son quota de catholiques, de protestants, de juifs ou de musulmans, non, ni parce que les responsables politiques de qualité ne se recruteraient que dans les rangs des gens de foi, mais parce que cette flamme commune dont je parlais tout à l’heure à propos d’Arnaud BELTRAME, fait partie de notre histoire et de ce qui toujours a guidé notre pays. Le retrait ou la mise sous le boisseau de cette lumière n’est pas une bonne nouvelle.

C’est pourquoi, depuis le point de vue qui est le mien, un point de vue de chef d’Etat, un point de vue laïc, je dois me soucier que ceux qui travaillent au cœur de la société française, ceux qui s’engagent pour soigner ses blessures et consoler ses malades, aient aussi une voix sur la scène politique, sur la scène politique nationale comme sur la scène politique européenne. Ce à quoi je veux vous appeler ce soir, c’est à vous engager politiquement dans notre débat national et dans notre débat européen car votre foi est une part d’engagement dont ce débat a besoin et parce que, historiquement, vous l’avez toujours nourri car l’effectivité implique de ne pas déconnecter l’action individuelle de l’action politique et publique.

A ce propos, il me faut rappeler la clarté parfaite du texte proposé par la Conférence des évêques en novembre 2016 en vue de l’élection présidentielle, intitulé « Retrouver le sens du politique ». J’avais fondé En Marche quelques mois plus tôt et sans vouloir engager, Monseigneur, une querelle de droits d’auteur, j’y ai lu cette phrase dont la consonance avec ce qui a guidé mon engagement, m’a alors frappé ; il y était ainsi écrit – je cite – « Nous ne pouvons pas laisser notre pays voir ce qui le fonde, risquer de s’abîmer gravement, avec toutes les conséquences qu’une société divisée peut connaître ; c’est à un travail de refondation auquel il nous faut ensemble nous atteler ».

Recherche du sens, de nouvelles solidarités mais aussi espoir dans l’Europe ; ce document énumère tout ce qui peut porter un citoyen à s’engager et s’adresse aux catholiques en liant avec simplicité la foi à l’engagement politique par cette formule que je cite : « Le danger serait d’oublier ce qui nous a construits ou à l’inverse, de rêver du retour à un âge d’or imaginaire ou d’aspirer à une église de purs et à une contre-culture située en dehors du monde, en position de surplomb et de juges ».

Depuis trop longtemps, le champ politique était devenu un théâtre d’ombres et aujourd’hui encore, le récit politique emprunte trop souvent aux schémas les plus éculés et les plus réducteurs, semblant ignorer le souffle de l’histoire et ce que le retour du tragique dans notre monde contemporain exige de nous.

Je pense pour ma part que nous pouvons construire une politique effective, une politique qui échappe au cynisme ordinaire pour graver dans le réel ce qui doit être le premier devoir du politique, je veux dire la dignité de l’homme.

Je crois en un engagement politique qui serve cette dignité, qui la reconstruise où elle a été bafouée, qui la préserve où elle est menacée, qui en fasse le trésor véritable de chaque citoyen. Je crois dans cet engagement politique qui permet de restaurer la première des dignités, celle de pouvoir vivre de son travail. Je crois dans cet engagement politique qui permet de redresser la dignité la plus fondamentale, la dignité des plus fragiles ; celle qui justement ne se résout à aucune fatalité sociale – et vous en avez été des exemples magnifiques tous les six à l’instant – et qui considère que faire œuvre politique et d’engagement politique, c’est aussi changer les pratiques là où on est de la société et son regard.

Les six voix que nous avons entendues au début de cette soirée, ce sont six voix d’un engagement qui a en lui une forme d’engagement politique, qui suppose qu’il n’est qu’à poursuivre ce chemin pour trouver aussi d’autres débouchés, mais où à chaque fois j’ai voulu lire ce refus d’une fatalité, cette volonté de s’occuper de l’autre et surtout cette volonté, par la considération apportée, d’une conversion des regards ; c’est cela l’engagement dans une société ; c’est donner de son temps, de son énergie, c’est considérer que la société n’est pas un corps mort qui ne serait modifiable que par des politiques publiques ou des textes, ou qui ne serait soumise qu’à la fatalité des temps ; c’est que tout peut être changé si on décide de s’engager, de faire et par son action de changer son regard ; par son action, de donner une chance à l’autre mais aussi de nous révéler à nous-mêmes, que cet autre transforme.

On parle beaucoup aujourd’hui d’inclusivité ; ce n’est pas un très joli mot et je ne suis pas sûr qu’il soit toujours compris par toutes et tous. Mais il veut dire cela ; ce que nous tentons de faire sur l’autisme, sur le handicap, ce que je veux que nous poursuivions pour restaurer la dignité de nos prisonniers, ce que je veux que nous poursuivions pour la dignité des plus fragiles dans notre société, c’est de simplement considérer qu’il y a toujours un autre à un moment donné de sa vie, pour des raisons auxquelles il peut quelque chose ou auxquelles il ne peut rien, qui a avant tout quelque chose à apporter à la société. Allez voir une classe ou une crèche où nous étions il y a quelques jours, où l’on place des jeunes enfants ayant des troubles autistiques et vous verrez ce qu’ils apportent aux autres enfants ; et je vous le dis Monsieur, ne pensez pas simplement qu’on vous aide… nous avons vu tout à l’heure dans l’émotion de votre frère tout ce que vous lui avez apporté et qu’aucun autre n’aurait pu apporter. Cette conversion du regard, seul l’engagement la rend possible et au cœur de cet engagement, une indignation profonde, humaniste, éthique et notre société politique en a besoin. Et cet engagement que vous portez, j’en ai besoin pour notre pays comme j’en ai besoin pour notre Europe parce que notre principal risque aujourd’hui, c’est l’anomie, c’est l’atonie, c’est l’assoupissement.

Nous avons trop de nos concitoyens qui pensent que ce qui est acquis, est devenu naturel ; qui oublient les grands basculement auxquels notre société et notre continent sont aujourd’hui soumis ; qui veulent penser que cela n’a jamais été autrement, oubliant que notre Europe ne vit qu’au début d’une parenthèse dorée qui n’a qu’un peu plus de 70 ans de paix, elle qui toujours avait été bousculée par les guerres ; où trop de nos concitoyens pensent que la fraternité dont on parle, c’est une question d’argent public et de politique publique et qu’ils n’y auraient pas leur part indispensable.

Tous ces combats qui sont au cœur de l’engagement politique contemporain, les parlementaires ici présents les portent dans leur part de vérité, qu’il s’agisse de lutter contre le réchauffement climatique, de lutter pour une Europe qui protège et qui revisite ses ambitions, pour une société plus juste. Mais ils ne seront pas possibles si à tous les niveaux de la société, ils ne sont accompagnés d’un engagement politique profond ; un engagement politique auquel j’appelle les catholiques pour notre pays et pour notre Europe.

Le don de l’engagement que je vous demande, c’est celui-ci : ne restez pas au seuil, ne renoncez pas à la République que vous avez si fortement contribué à forger ; ne renoncez pas à cette Europe dont vous avez nourri le sens ; ne laissez pas en friche les terres que vous avez semées ; ne retirez pas à la République la rectitude précieuse que tant de fidèles anonymes apportent à leur vie de citoyens. Il y a au cœur de cet engagement dans notre pays a besoin la part d’indignation et de confiance dans l’avenir que vous pouvez apporter.

Cependant, pour vous rassurer, ce n’est pas un enrôlement que je suis venu vous proposer et je suis même venu vous demander un troisième don que vous pouvez faire à la Nation, c’est précisément celui de votre liberté.

Partager le chemin, ce n’est pas toujours marcher du même pas ; je me souviens de ce joli texte où Emmanuel MOUNIER explique que l’Eglise en politique a toujours été à la fois en avance et en retard, jamais tout à fait contemporaine, jamais tout à fait de son temps ; cela fait grincer quelques dents mais il faut accepter ce contretemps ; il faut accepter que tout dans notre monde n’obéisse pas au même rythme et la première liberté dont l’Eglise peut faire don, c’est d’être intempestive.

Certains la trouveront réactionnaire ; d’autres sur d’autres sujets bien trop audacieuse. Je crois simplement qu’elle doit être un de ces points fixes dont notre humanité a besoin au creux de ce monde devenu oscillant, un de ces repères qui ne cèdent pas à l’humeur des temps. C’est pourquoi Monseigneur, Mesdames et Messieurs, il nous faudra vivre cahin-caha avec votre côté intempestif et la nécessité que j’aurai d’être dans le temps du pays. Et c’est ce déséquilibre constant que nous ferons ensemble cheminer.

« La vie active, disait GREGOIRE, est service ; la vie contemplative est une liberté ». Je voudrais ce soir en rappelant l’importance de cette part intempestive et de ce point fixe que vous pouvez représenter, je voudrais ce soir avoir une pensée pour toutes celles et tous ceux qui se sont engagés dans une vie recluse ou une vie communautaire, une vie de prière et de travail. Même si elle semble pour certains à contretemps, ce type de vie est aussi l’exercice d’une liberté ; elle démontre que le temps de l’église n’est pas celui du monde et certainement pas celui de la politique telle qu’elle va – et c’est très bien ainsi.

Ce que j’attends que l’Eglise nous offre, c’est aussi sa liberté de parole.

Nous avons parlé des alertes lancées par les associations et par l’épiscopat ; je songe aussi aux monitions du pape qui trouve dans une adhésion constante au réel de quoi rappeler les exigences de la condition humaine ; cette liberté de parole dans une époque où les droits font florès, présente souvent la particularité de rappeler les devoirs de l’homme envers soi-même, son prochain ou envers notre planète. La simple mention des devoirs qui s’imposent à nous est parfois irritante ; cette voix qui sait dire ce qui fâche, nos concitoyens l’entendent même s’ils sont éloignés de l’Eglise. C’est une voix qui n’est pas dénuée de cette « ironie parfois tendre, parfois glacée » dont parlait Jean GROSJEAN dans son commentaire de Paul, une foi qui sait comme peu d’autres subvertir les certitudes jusque dans ses rangs. Cette voix qui se fait tantôt révolutionnaire, tantôt conservatrice, souvent les deux à la fois, comme le disait LUBAC dans ses « Paradoxes », est importante pour notre société.

Il faut être très libre pour oser être paradoxal et il faut être paradoxal pour être vraiment libre. C’est ce que nous rappellent les meilleurs écrivains catholiques, de Maurice CLAVEL à Alexis JENNI, de Georges BERNANOS à Sylvie GERMAIN, de Paul CLAUDEL à François SUREAU ; de François MAURIAC à Florence DELAY, de Julien GREEN à Christiane RANCE. Dans cette liberté de parole, de regard qui est la leur, nous trouvons une part de ce qui peut éclairer notre société.

Et dans cette liberté de parole, je range la volonté de l’Eglise d’initier, d’entretenir et de renforcer le libre dialogue avec l’islam dans le monde a tant besoin et que vous avez évoqué.

Car il n’est pas de compréhension de l’islam qui ne passe par des clercs comme il n’est pas de dialogue interreligieux sans les religions. Ces lieux en sont le témoin ; le pluralisme religieux est une donnée fondamentale de notre temps. Monseigneur LUSTIGER en avait eu l’intuition forte lorsqu’il a voulu faire revivre le Collège des Bernardins pour accueillir tous les dialogues. L’Histoire lui a donné raison. Il n’y a pas plus urgent aujourd’hui qu’accroître la connaissance mutuelle des peuples, des cultures, des religions ; il n’y a d’autres moyens pour cela que la rencontre par la voix mais aussi par les livres, par le travail partagé ; toutes choses dont Benoît XVI avait raconté l’enracinement dans la pensée cistercienne lors de son passage ici en 2008.

Ce partage s’exerce en pleine liberté, chacun dans ses termes et ses références ; il est le socle indispensable du travail que l’Etat de son côté doit mener pour penser toujours à nouveaux frais, la place des religions dans la société et la relation entre religion, société et puissance publique. Et pour cela, je compte beaucoup sur vous, sur vous tous, pour nourrir ce dialogue et l’enraciner dans notre histoire commune qui a ses particularités mais dont la particularité est d’avoir justement toujours attaché à la Nation française cette capacité à penser les universels.

Ce partage, ce travail nous le menons résolument après tant d’années d’hésitations ou de renoncements et les mois à venir seront décisifs à cet égard.

Ce partage que vous entretenez est d’autant plus important que les chrétiens payent de leur vie leur attachement au pluralisme religieux. Je pense aux chrétiens d’Orient.

Le politique partage avec l’Eglise la responsabilité de ces persécutés car non seulement nous avons hérité historiquement du devoir de les protéger mais nous savons que partout où ils sont, ils sont l’emblème de la tolérance religieuse. Je tiens ici à saluer le travail admirable accompli par des mouvements comme l’Œuvre d’Orient, Caritas France et la communauté Sant’Egidio pour permettre l’accueil sur le territoire national des familles réfugiées, pour venir en aide sur place, avec le soutien de l’Etat.

Comme je l’ai dit lors de l’inauguration de l’exposition « Chrétiens d’Orient » à l’Institut du Monde arabe le 25 septembre dernier, l’avenir de cette partie du monde ne se fera pas sans la participation de toutes les minorités, de toutes les religions et en particulier les chrétiens d’Orient. Les sacrifier, comme le voudraient certains, les oublier, c’est être sûr qu’aucune stabilité, aucun projet, ne se construira dans la durée dans cette région.

Il est enfin une dernière liberté dont l’Eglise doit nous faire don, c’est de la liberté spirituelle

Car nous ne sommes pas faits pour un monde qui ne serait traversé que de buts matérialistes. Nos contemporains ont besoin, qu’ils croient ou ne croient pas, d’entendre parler d’une autre perspective sur l’homme que la perspective matérielle.

Ils ont besoin d’étancher une autre soif, qui est une soif d’absolu. Il ne s’agit pas ici de conversion mais d’une voix qui, avec d’autres, ose encore parler de l’homme comme d’un vivant doté d’esprit. Qui ose parler d’autre chose que du temporel, mais sans abdiquer la raison ni le réel. Qui ose aller dans l’intensité d’une espérance, et qui, parfois, nous fait toucher du doigt ce mystère de l’humanité qu’on appelle la sainteté, dont le Pape François dit dans l’exhortation parue ce jour qu’elle est « le plus beau visage de l’Eglise ».

Cette liberté, c’est celle d’être vous-mêmes sans chercher à complaire ni à séduire. Mais en accomplissant votre œuvre dans la plénitude de son sens, dans la règle qui lui est propre et qui depuis toujours nous vaut des pensées fortes, une théologie humaine, une Eglise qui sait guider les plus fervents comme les non-baptisés, les établis comme les exclus.

Je ne demanderai à aucun de nos concitoyens de ne pas croire ou de croire modérément. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Je souhaite que chacun de nos concitoyens puisse croire à une religion, une philosophie qui sera la sienne, une forme de transcendance ou pas, qu’il puisse le faire librement mais que chacune de ces religions, de ces philosophies puisse lui apporter ce besoin au plus profond de lui-même d’absolu.

Mon rôle est de m’assurer qu’il ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C’est cela la laïcité ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d’évoquer.

« Une Eglise triomphant parmi les hommes ne devrait-elle pas s’inquiéter d’avoir déjà tout compromis de son élection en ayant passé un compromis avec le monde ? »

Cette interrogation n’est pas mienne, ce sont mots de Jean-Luc MARION qui devraient servir de baume à l’Eglise et aux catholiques aux heures de doute sur la place des catholiques en France, sur l’audience de l’Eglise, sur la considération qui leur est accordée.

L’Eglise n’est pas tout à fait du monde et n’a pas à l’être. Nous qui sommes aux prises avec le temporel le savons et ne devons pas essayer de l’y entraîner intégralement, pas plus que nous ne devons le faire avec aucune religion. Ce n’est ni notre rôle ni leur place.

Mais cela n’exclut pas la confiance et cela n’exclut pas le dialogue. Surtout, cela n’exclut pas la reconnaissance mutuelle de nos forces et de nos faiblesses, de nos imperfections institutionnelles et humaines.

Car nous vivons une époque où l’alliance des bonnes volontés est trop précieuse pour tolérer qu’elles perdent leur temps à se juger entre elles. Nous devons, une bonne fois pour toutes, admettre l’inconfort d’un dialogue qui repose sur la disparité de nos natures, mais aussi admettre la nécessité de ce dialogue car nous visons chacun dans notre ordre à des fins communes, qui sont la dignité et le sens.

Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Eglise elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie. Et dans cet entre-deux où nous sommes, où nous avons reçu la charge de l’héritage de l’homme et du monde, oui, si nous savons juger les choses avec exactitude, nous pourrons accomplir de grandes choses ensemble.

C’est peut-être assigner là à l’Eglise de France une responsabilité exorbitante, mais elle est à la mesure de notre histoire, et notre rencontre ce soir atteste, je crois, que vous y êtes prêts.

Monseigneur, Mesdames et Messieurs, sachez en tout cas que j’y suis prêt aussi.

Voir d’autre part:

Gospel Truths
Charlotte Allen
The Washington Examiner
February 26, 2016

The Welsh-born Philip Jenkins holds the title of distinguished professor of history at Baylor, and he is also an emeritus professor of humanities at Penn State, where he holds an endowed chair. His specialty over more than 35 years of scholarship has been the study of Christianity in both its historical and current demographic manifestations. On top of that, Jenkins is a hugely prolific writer, author of at least 25 books, most of them aimed not at scholarly specialists but at educated and intellectually curious laypeople who demand copious endnotes but also readability, which Jenkins has offered in spades.

I must confess here that, although I have met Jenkins personally just once and briefly, at an academic lecture about a decade ago, he has been a go-to phone source for several articles I have written on Christian topics. Although Jenkins is not an apologist for any particular Christian tradition, he is a refreshing dissident from the knee-jerk religious liberalism professed by most academics and journalists covering Christianity nowadays.

Jenkins’s two most notable books are The Next Christendom: The Coming of Global Christianity, which argues that while Christianity may be dying in the culturally enfeebled West, it is flourishing in the pullulating global South, and Hidden Gospels: How the Search for Jesus Lost Its Way, a work more germane to his new book, The Many Faces of Christ. In Hidden Gospels, Jenkins took issue with the theory, regnant among ideologically progressive New Testament scholars these days, that recently discovered Gnostic and other texts (such as the Dead Sea scrolls) have succeeded in undermining traditional notions of Christian orthodoxy. These scholars argue that early Christianity was never « orthodox » as we understand the word, but was actually a doctrinally chaotic phenomenon from its first-century beginnings, with little connection to the historical Jesus and what he might have taught.

Every early Christian community had its own competing gospel or gospels, the theory goes, and the four « canonical » Gospels—Matthew, Mark, Luke, and John—became canonical only because their interpretations of Jesus were embraced by the victors in a centuries-long political power struggle for control of the early church. Typically, the chief villain here is the Roman emperor Constantine, who elevated Christianity to quasi-official status during the early fourth century and then sought to impose a uniform belief system upon Christians by way of the Council of Nicea in a.d. 325 that ultimately produced the Nicene Creed.

The « orthodox » winners of the fourth-century theological battles supposedly not only rewrote earlier Christian history but actively suppressed Gnostic and other texts that, their proponents argue, offered equally valid interpretations of Jesus and his message. These alternative texts were in some instances just as antique and, thus, just as authoritative as the first-century « Big Four » (Jenkins’s term). Hence the huge amount of excitement, both among scholars and in the press, over the discovery of a treasure trove of long-buried fourth-century Gnostic manuscripts near the village of Nag Hammadi in Egypt in 1945, and also over the more recent surfacing of the supposed Gospel of Judas in 2006 and the (probably forged) Gospel of Jesus’ Wife in 2012. Every time one of these « lost » documents of early Christianity pops up, there is rampant speculation about whether Christian belief as we know it is about to be blown to smithereens.

Dan Brown’s bestselling novel The Da Vinci Code (2003) asserted that Jesus and his female disciple Mary Magdalene got married and spawned a secret lineage—events that, according to Brown, the orthodox church worked tirelessly and murderously to cover up for centuries. His conspiratorial interpretation of Christian history was, in some ways, a pop version of some of the feminist leitmotifs in Gnostic interpretations of Jesus and Mary Magdalene that Elaine Pagels claimed to find in the Nag Hammadi texts she surveyed in her bestselling The Gnostic Gospels (1979). Lending credence to the theory of a cover-up was the fact that the Nag Hammadi manuscripts had been buried in desert caves, possibly to protect them from a book-burning purge by the orthodox.

Jenkins pointed out in Hidden Gospels that, to the contrary, many of the seminal Gnostic and related texts that have inspired all the modern excitement never really got lost and thus aren’t recent—or revolutionary—finds at all. One leading « lost » Gnostic theological work, Pistis Sophia, likely composed during the fourth century and outlining a complex Gnostic cosmology, was discovered in an obscure Coptic manuscript as early as 1773. So it has been a solid two centuries that skeptical Western intellectuals and artistes (among them Voltaire, Edward Gibbon, Gustav Holst, C.G. Jung, Robert Graves, and D.H. Lawrence) have been claiming to find in Gnosticism a more refined, sophisticated, spiritually pristine, and female-friendly version of Christianity than that of the orthodox church with its rigid rules and all-male hierarchy.

The Many Faces of Christ is, in many ways, an extension of some of the themes that Jenkins explored in Hidden Gospels. As he argued in Hidden Gospels—and again, contrary to current theories about official suppression—Jenkins writes here that, in fact, « the lost Christian gospels were never really lost. Rather, older scriptures were lost only in the sense that they dropped out of mainstream use for some churches, at some times, in certain parts of the world. »

Literally dozens of gospels, revelations, Acts, and other scriptures remained in use, and that situation remained true for some 1,200 years. .  .  . [F]ar from being hermetically sealed, European Christendom was always part of a much wider world with many different structures and attitudes toward faith and scripture. .  .  . Medieval Christianity was complex and polychromatic, generating many different forms of faith. The Holy Spirit did not take a 1,200-year vacation after the Council of Nicea.

The idea that many Christians neither desired nor accomplished the quashing of a huge range of alternative scriptures produced during Christianity’s earliest centuries is a bold and appealing thesis. Unfortunately, Jenkins never quite figures out how to make it cohesive. Many Faces‘ 10 chapters read more like 10 freestanding essays composed at different times for different purposes and, thus, containing a certain amount of chronologically and thematically overlapping material. And because Jenkins feels compelled to do justice to all of those « dozens » of obscure scriptures in just a few hundred pages, he tends to survey them at a fast, even breakneck, clip. Readers not already familiar with the world of early Christian literature may find The Many Faces of Christ a daunting and confusing read.

The topics of its individual chapters, however, are certainly fascinating. One of Jenkins’s points is that while the orthodox churches—those aligned with Byzantine imperial power in the East and with the power of the bishop of Rome in the West—adopted a relatively limited biblical canon that resembled today’s, churches that were outside the purview of the historical Roman Empire, most of which broke early with the orthodox in theological disputes over the nature of Jesus, recognized a much larger range of texts they regarded as canonical.

One Ethiopian church, for example, recognized a canonical Bible of some 81 books, in contrast to the standard North American Protestant canon of 66 books. The Ethiopian church has since largely resolved its doctrinal differences with the Eastern Orthodox; but its Bibles, like those of other Christian fringe groups, have preserved some authentically ancient « faces of Christ » that would cause surprise among modern Western Christians. In one startling Ethiopian New Testament text called the Book of the Covenant, Jesus describes himself as essentially his own father, adopting the appearance of the angel Gabriel in order to enter the Virgin Mary and beget himself.

The upshot was that breakaway churches and heretical sects in Ethiopia, Mesopotamia, Armenia, and other lands just outside the borders of the old empire preserved alternative scriptural texts dealing with both Old and New Testament figures that Westerners either deemed permanently lost or didn’t realize existed until the modern era. Jenkins argues that some of those scriptures were even known to the Jews and Muslims of late antiquity, who incorporated bits of their narratives into their own religious texts.

Furthermore, a large number of ancient alternative gospels and other texts were never deemed heretical by the orthodox church. In fact, they insinuated themselves so thoroughly into Christian culture and Christian liturgy that the vast majority of Christians came to regard the events those texts described as just as historical as the events of Jesus’ life contained in the canonical Gospels. They used those texts, as Jenkins points out, to fill in the narrative gaps they perceived in the canonical Gospels and to embellish what they saw as the canonical Bible’s theological meaning.

The most influential of those « apocryphal » gospels was the so-called Protoevangelium, or Infancy Gospel of James, a second-century Eastern Christian text that found its way into the West by way of a seventh-century Latin adaptation that today’s scholars dub the Gospel of Pseudo-Matthew. To this day, both Roman Catholics and the Eastern Orthodox celebrate the feast of the « presentation » of the Virgin Mary as a young child by her parents at the Temple in Jerusalem—an episode in James/Pseudo-Matthew that is nowhere to be found in any canonical Gospel. We also owe the ox and ass of the Christmas crèche to mentions of those animals in James/Pseudo-Matthew. The Cherry Tree Carol, the medieval ballad in which the unborn Jesus causes a cherry tree to bow down to his pregnant mother as proof of her offspring’s divine origin, is based on an incident recorded in Pseudo-Matthew involving Mary and a palm tree, an incident that also appears (in somewhat different form) in the Koran.

Similarly, the traditional Catholic and Orthodox belief that the Virgin was taken bodily into Heaven at the end of her life derives in part from fourth- and fifth-century apocryphal texts. The Harrowing of Hell, Jesus’ descent into the underworld after his death to rescue Adam, Eve, and the patriarchs and prophets from the flames—an event celebrated for centuries in Christian iconography and medieval mystery plays—probably originated in an ancient compilation variously known as the Acts of Pilate and the Gospel of Nicodemus. From time to time, patristic and medieval theologians condemned this widespread use of noncanonical material, but it remained a mainstay of mainstream Christian art and devotional literature until the Reformation. At that point, at least in the West, both Protestants and (to a somewhat lesser extent) Counter-Reformation Catholics retreated to a strict adherence to the canonical Bible.

Occasionally, Jenkins seems to bite off more than he can chew. In his most adventurous chapter, entitled « Out of the Past, » he seeks to forge a thousand-year chain linking the Gnostics, the Manicheans of the third through seventh centuries, the Bogomils (anti-nomian heretics who flourished in the Balkans from the 10th through the 13th centuries), and the medieval Cathars of southern France, who disdained the priests and sacraments of the Roman Catholic church. Members of all four of those groups were arguably theological dualists who believed that the material world was corrupt and evil, the creation of an imperfect lesser divinity.

Many present-day medieval historians have concluded that the Cathars, at any rate, were actually more like evangelical Protestants than like Gnostics or Manicheans, although the Catholic inquisitors who interrogated them certainly accused them of dualism. But for Jenkins, tying the Cathars to more ancient heretics gives him a chance to speculate that « subterranean traditions » of dualism might have preserved in the West esoteric alternative scriptures—and indeed, esoteric alternative forms of Christianity itself—right under the noses of vigilant medieval heresy-hunters. Maybe so. But as Jenkins himself admits, there is very little evidence, textual or otherwise, to support this ambitious hypothesis.

Readers who manage to plow through the plethora of material that Jenkins has thrown at them here will find rich rewards and intriguing topics for further conjecture. Their task would be less overwhelming if The Many Faces of Christ were more carefully organized and contained more than a handful of tables and one lone map. Still, as Jenkins writes:

Since the 1970s, many westerners have found real treasures in the Gnostic gospels, different and surprising sidelights on Christianity. But those texts are only part of a vastly wider literature that has its own nuggets, and often, its own creative solutions, to what different eras saw as gaps in the Christian message. Anyone interested in those rediscovered ancient gospels should be told the wonderful news—that a millennium of other writings awaits them, no less rich or provocative in their contents.
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How the ‘Jesus’ Wife’ Hoax Fell Apart
The media loved the 2012 tale from Harvard Divinity School
Jerry Pattengale
WSJ
May 1, 2014

In September 2012, Harvard Divinity School professor Karen King announced the discovery of a Coptic (ancient Egyptian) gospel text on a papyrus fragment that contained the phrase « Jesus said to them, ‘My wife . . .’  » The world took notice. The possibility that Jesus was married would prompt a radical reconsideration of the New Testament and biblical scholarship.

Yet now it appears almost certain that the Jesus-was-married story line was divorced from reality. On April 24, Christian Askeland—a Coptic specialist at Indiana Wesleyan University and my colleague at the Green Scholars Initiative—revealed that the « Gospel of Jesus’ Wife, » as the fragment is known, was a match for a papyrus fragment that is clearly a forgery.

Almost from the moment Ms. King made her announcement two years ago, critics attacked the Gospel of Jesus’ Wife as a forgery. One line of criticism said that the fragment had been sloppily reworked from a 2002 online PDF of the Coptic Gospel of Thomas and even repeated a typographical error.

But Ms. King had defenders. The Harvard Theological Review recently published a group of articles that attest to the papyrus’s authenticity. Although the scholars involved signed nondisclosure agreements preventing them from sharing the data with the wider scholarly community, the New York Times NYT +1.08% was given access to the studies ahead of publication. The newspaper summarized the findings last month, saying « the ink and papyrus are very likely ancient, and not a modern forgery. » The article prompted a tide of similar pieces, appearing shortly before Easter, asserting that the Gospel of Jesus’ Wife was genuine.

Then last week the story began to crumble faster than an ancient papyrus exposed in the windy Sudan. Mr. Askeland found, among the online links that Harvard used as part of its publicity push, images of another fragment, of the Gospel of John, that turned out to share many similarities—including the handwriting, ink and writing instrument used—with the « wife » fragment. The Gospel of John text, he discovered, had been directly copied from a 1924 publication.

« Two factors immediately indicated that this was a forgery, » Mr. Askeland tells me. « First, the fragment shared the same line breaks as the 1924 publication. Second, the fragment contained a peculiar dialect of Coptic called Lycopolitan, which fell out of use during or before the sixth century. » Ms. King had done two radiometric tests, he noted, and « concluded that the papyrus plants used for this fragment had been harvested in the seventh to ninth centuries. » In other words, the fragment that came from the same material as the « Jesus’ wife » fragment was written in a dialect that didn’t exist when the papyrus it appears on was made.

Mark Goodacre, a New Testament professor and Coptic expert at Duke University, wrote on his NT Blog on April 25 about the Gospel of John discovery: « It is beyond reasonable doubt that this is a fake, and this conclusion means that the Jesus’ Wife Fragment is a fake too. » Alin Suciu, a research associate at the University of Hamburg and a Coptic manuscript specialist, wrote online on April 26: « Given that the evidence of the forgery is now overwhelming, I consider the polemic surrounding the Gospel of Jesus’ Wife papyrus over. »

Having evaluated the evidence, many specialists in ancient manuscripts and Christian origins think Karen King and the Harvard Divinity School were the victims of an elaborate ruse. Scholars had assumed that radiometric tests would return an early date (at least in antiquity), because the Gospel of Jesus’ Wife fragment had been cut from a genuinely ancient piece of material. Likewise, those familiar with papyri had identified the ink used as soot-based—preferred by forgers because the Raman spectroscopy tests used to test for age would be inconclusive.

It is perhaps understandable that Ms. King would have been taken in when an anonymous owner presented her with some papyrus fragments for research. What is harder to understand was the rush by the media and others to embrace the idea that Jesus had a wife and that Christian beliefs have been mistaken for centuries. No evidence for Jesus having been married exists in any of the thousands of orthodox biblical writings dating to antiquity. You would have thought Thomas Aquinas might have mentioned it. But this episode is not totally without merit. It will provide a valuable case study for research classes long after we’re gone and the biblical texts remain.

Dr. Pattengale is executive director of the Green Scholars Initiative, with appointments at Indiana Wesleyan University and other institutions.

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