
L’enfant des infidèles est baptisé licitement, même contre le gré des parents lorsque son état de santé est tel qu’on peut raisonnablement prévoir qu’il mourra avant d’avoir atteint son âge de raison. Droit canon 750
C’est une nouvelle affaire Dreyfus que vous m’apportez-là! Cardinal Gerlier
Si l’affaire Dreyfus avait posé la question de savoir si l’armée est au-dessus des lois, cette fois, c’est l’Eglise qui pose problème : le droit civil doit-il s’incliner devant le droit canon ? Catherine Poujol
Je suis venu à Rome pour vous demander votre soutien afin que tous ces enfants soient rendus à leur peuple. Isaac Herzog (grand rabbin de Palestine, lettre au pape Pie XII, le 12 mars 1946)
On nous expliquait que les juifs voulaient nous prendre, nous emmener en Israël casser des cailloux sur le bord des routes. Nous, on ne voulait pas. Les juifs avaient tué Jésus et nos parents étaient morts, nous le savions. Ce que nous ne savions pas, c’est que notre famille nous réclamait (…) C’était l’époque qui était comme ça. (…) Elle nous a sauvés la vie, nous a soutenus. Elle a commis une faute en nous baptisant, c’est sûr. Mais elle a fait ce qu’elle croyait bien. Robert Finaly
Deux ans bientôt après la Libération de la France, des enfants israélites sont encore dans des institutions religieuses non juives qui se refusent à les rendre aux œuvres juives. Nous venons d’apprendre par une lettre envoyée par le Révérend père Devaux à la Commission de reconstruction culturelle juive en Europe, à New York, que le service des enfants de Notre-Dame de Sion a encore sous sa garde trente enfants israélites. (Lettre du Consistoire central au Nonce apostolique à Paris Mgr Roncalli, futur pape jean XXIII, le 19 juillet 1946)
Au sujet des enfants juifs, qui pendant l’occupation allemande ont été confiés aux institutions et aux familles catholiques et qui sont réclamés par des institutions juives pour leur être remis (…) Les enfants qui ont été baptisés ne pourraient être confiés aux institutions qui ne seraient pas à même d’assurer leur éducation chrétienne. (…) Il est à noter que cette décision de la Sainte Congrégation du Saint Office12 a été approuvée par le Saint Père. (Note confidentielle de la nonciature de Paris du 23 octobre 1946)
Les parents étaient israélites, mais ce n’était pas une raison pour que les enfants le deviennent. La religion n’est pas comme la nationalité, elle est librement consentie et quand les enfants seront en âge de raisonner, c’est eux seuls qui choisiront. Mgr. Alexandre Caillot (lettre à l’évêque d’Auckland, juillet 1948)
Au lendemain d’un énième prétendu dialogue avec l’islam …
Et d’une nouvelle polémique sur l’éventuelle béatification du pape Pie XII …
Prélats, dizaines de religieux et religieuses arrêtés et emprisonnés, un archevêque, une Mère supérieure de couvent, résistants, théologiens, séparatistes basques, un pape (Pie XII), deux futurs papes dont le futur Paul VI (cardinal Montini, sous-secrétaire d’Etat au Vatican, 2e personnage du Vatican après le Pape) et le « bon pape Jean » (XXIII) futur initiateur du concile Vatican II mais aussi cheville ouvrière du sauvetage de nombre de criminels de guerre nazis (le nonce Roncalli), Franco lui-même avec lutte d’influence avec les nationalistes basques et tentative de marchandage avec les autorités françaises (pour l’extradition de républicains basques en exil contre le retour des deux petits « réfugiés religieux ») …
Enlèvement et séquestration d’enfants, cavale rocambolesque par et avec la complicité d’ecclésiastiques entre Grenoble, Milan, Lugano, Colmar, Le Mans, Marseille, Bayonne, l’Espagne …
Demande d’épuration d’évêques français accusés de collaborer avec Vichy, procès des responsables du massacre d’Oradour-sur-Glane, multiplication de procès pour récupérer des enfants juifs de familles chrétiennes de plus en plus réticentes dans toute l’Europe (30 en France depuis 1946, au moins 3 000 en Pologne) …
Recherche dans toute l’Europe, par les personnalités, institutions et agences juives, au lendemain de la quasi-annihilation de la communauté juive européenne et de la naissance de l’Etat juif, des enfants et orphelins juifs qui avaient survécu à l’extermination pour les envoyer en Israël …
France divisée, vives tensions avec la communauté juive, revendication de la propriété de l’âme d’enfants baptisés, dénonciation, par une certaine presse, de l’ingratitude juive et des ambitions sionistes (contre le risque de voir grossir les effectifs démographiques du nouvel État juif honni) …
France coupée en deux à la Dreyfus avec ténor du barreau et soutien de la presse de gauche et de l’opinion internationale, droite contre gauche, anticléricaux contre cléricaux, sionistes contre antisionistes, lois républicaines contre droit canon, franquistes contre anti-franquistes, déchainement des foules de France comme des Etats-Unis, d’Israël ou d’Espagne …
Redécouverte du temps des conversions et des baptêmes forcés ou subreptices (les Affaires Montel puis Mortara en 1840 et 1858 en Italie), du dogme de l’irréversibilité du baptême, refus de l’Eglise de se conformer au droit …
Retour, via la soirée spéciale de France 2 hier soir sur l’Affaire Finaly (téléfilm et documentaire sur les deux enfants juifs que leur nourrice catholique refusait, au lendemain de la guerre, de rendre à leur famille), sur un psychodrame politique et une époque (sur fond de guerre froide et d’anti-communisme: les Soviets, on s’en souvient, avaient soutenu la création d’Israël) qu’on a du mal, quelque cinquante ans après, à imaginer.
Et où, avant Vatican II dix ans après, les relations avec les religions non chrétiennes et notamment le peuple « déicide » ou la « Synagogue » étaient loin d’être apaisées.
Mais surtout formidable occasion, comme le rappelle l’historienne Catherine Poujol qui est à l’origine du téléfilm de France 2, de « mesurer l’énorme chemin parcouru depuis Vatican II dans les rapports judéo-chrétiens dans lesquels l’affaire Finaly aura joué le rôle d’un déclencheur salutaire » …
« L’ affaire Finaly », retour en images sur une controverse
Anne-Bénédicte Hoffner
La Croix
le 21-11-2008
Une soirée spéciale est consacrée à l’histoire de Robert et Gérald Finaly sur France 2 : un téléfilm et un documentaire s’accordent à déplorer l’attitude de l’Église catholique
Prêtres, religieux et religieuses arrêtés, France divisée, vives tensions avec la communauté juive : les effets de « l’affaire Finaly » ont été ravageurs pour l’Église catholique. Ils l’ont été plus encore pour les deux frères Finaly, Robert et Gérard, malheureux protagonistes de ce triste feuilleton judiciaire que France 2 a décidé de retracer au cours d’une soirée spéciale (lire Repères ci-contre). Pendant huit ans, ils ont été ballottés d’un pensionnat à l’autre, dans la hantise d’être un jour « récupérés par les juifs », leur famille…
L’affaire démarre dans les environs de Grenoble en 1945 : ayant appris la mort de leurs parents à Auschwitz, la tante de Robert et Gérald exprime le désir d’accueillir auprès d’elle ses neveux. Car, quelques jours avant d’être arrêtés, fin 1943, son frère et sa belle-sœur, Autrichiens, ont eu le temps de confier leurs deux garçons à une voisine. De fil en aiguille, les deux petits sont passés entre les mains de mère Antonine, supérieure du couvent Notre-Dame-de-Sion à Grenoble, avant d’atterrir finalement chez Antoinette Brun, directrice de la crèche municipale de Grenoble.
Pour quelles raisons, un peu plus d’un an plus tard, « maman Brun » refuse-t-elle de les rendre ? Ni le téléfilm, ni moins encore le documentaire n’éclaircissent tout à fait ce point. S’est-elle, comme elle l’assure, « attachée à eux », après leur avoir sauvé la vie ? Ou bien faut-il ne voir dans son long combat judiciaire – qui durera jusqu’en 1953 et se soldera par un échec – la preuve d’un « fanatisme religieux », comme le plaide l’avocat de la famille Finaly ? La suite des événements ferait – hélas – pencher pour la deuxième hypothèse : de fait, non contente de monter les deux petits contre leur famille qui les réclame, elle les fait baptiser en 1948.
L' »arme » du sacrement
Le sacrement devient sa meilleure « arme », affirme le documentaire : car, désormais, « Robert et Gérald doivent recevoir une éducation catholique ». Avec ce seul argument, Antoinette Brun parvient – ce qui paraît incroyable aujourd’hui – à convaincre des prêtres et des religieuses (dont la fameuse mère Antonine) de couvrir la cavale des deux frères à travers la France et jusqu’en Espagne franquiste. Pie XII lui-même, consulté sur la conduite à tenir, déplore ce baptême « contraire au code » de droit canonique (en 1948, les enfants n’étaient plus en danger de mort) mais juge que la campagne médiatique qui ne manquera pas d’atteindre l’Église n’est pas un motif suffisant pour empêcher les chrétiens de « remplir leur devoir »…
Sur un point tout de même, le téléfilm et le documentaire divergent : alors que le premier reproche très durement aux juges leur complaisance à l’égard d’Antoinette Brun, auréolée d’un passé de résistante, le second n’évoque rien de tel, se bornant à constater la lenteur de la justice… Mais tous deux s’accordent à dénoncer l’attitude de l’Église, mettant particulièrement à mal la figure du cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, qui a cependant permis le dénouement de l’affaire.
Au final, rares sont les figures catholiques à surnager dans cet ensemble. L’avocat renommé auquel fait appel la famille Finaly, maître Maurice Garçon, membre de l’Académie et « catholique convaincu » est peut-être le seul, lui qui dénonce cette Église « bravant les lois civiles » et donnant une « image fausse » de sa religion. Bizarrement, le P. Pierre Chaillet, jésuite lyonnais, résistant et que les historiens créditent de l’accord final signé par la famille et l’archevêque de Lyon, n’apparaît ni dans le documentaire ni dans le téléfilm… Pas plus que l’intense mobilisation du réseau judéo-chrétien pendant cette affaire, et après. Il aurait peut-être aussi fallu signaler les pas gigantesques réalisés depuis par l’Église catholique, en matière de dialogue avec le judaïsme…
Voir aussi:
La mémoire vive des frères Finaly
Nathaniel Herzberg
Le Monde
21.11.08
A quoi ressemble un personnage historique ? Quelles marques laissent sur un être humain les flashes des reporters et les honneurs des manuels ? « Aucune », jurent en choeur Robert et Gérald Finaly.
A 67 et 66 ans, crânes dégarnis et lunettes fumées, les deux frères mènent une existence tranquille. En Israël, où ils sont installés depuis cinquante-cinq ans, ils se bornent à témoigner de leur enfance mouvementée une fois par an dans une école. En France, où il leur arrive de se rendre, personne ne les importune. Pourtant, l’auditorium du Mémorial de la Shoah, à Paris, était bondé lorsqu’en octobre une journée de projections et de débats leur a été consacrée. Et mardi 25 novembre, France 2 leur accordera son créneau de première partie de soirée.
Après avoir donné matière à une dizaine de livres, de nombreux articles scientifiques et plusieurs documentaires, voilà les frères Finaly sujets d’un téléfilm, réalisé par Fabrice Genestal « Nous sommes un morceau de l’histoire juive… et de l’histoire française, admet Robert, l’aîné, ancien chirurgien pédiatrique à l’hôpital de Beer-Sheva. Les deux premiers enfants juifs rendus officiellement par l’Eglise après la guerre. Mais c’est tout. Il n’y a pas de drame, pas de conflit intérieur. C’est une histoire assez simple. »
Ce tableau semble pour le moins naïf. Il cache une réalité autrement complexe et tumultueuse. Celle d’une « affaire » qui empoisonna l’après-guerre, au point d’être comparée à l’affaire Dreyfus. Droite contre gauche, anticléricaux contre cléricaux, mais encore sionistes contre antisionistes et même franquistes contre anti-franquistes, l’affrontement autour du sort des deux garçons déchira la France et passionna les Etats-Unis, Israël ou encore l’Espagne. La presse se déchaîna. Les revues sortirent des numéros spéciaux. « Si l’affaire Dreyfus avait posé la question de savoir si l’armée est au-dessus des lois, cette fois, c’est l’Eglise qui pose problème : le droit civil doit-il s’incliner devant le droit canon ? », résume l’historienne Catherine Poujol, dans Les Enfants cachés – l’affaire Finaly (Berg international, 2006).
Au centre de ce psychodrame politique, deux enfants. Le 10 février 1944, Anni et Fritz Finaly, réfugiés autrichiens arrivés en France six ans auparavant, les ont confiés à des Soeurs, près de Grenoble. Triste prémonition. Quatre jours plus tard, les parents sont arrêtés par la Gestapo. Déportés à Auschwitz, ils ne reviendront pas. Agés de 2 et 3 ans, les deux garçons aboutissent à la crèche municipale de Grenoble. Sa directrice se nomme Antoinette Brun. A 50 ans, cette antinazie résolue, catholique fervente, cache déjà neuf enfants juifs dans un château à quelques kilomètres de là. Robert et Gérald y passeront les derniers mois de la guerre.
Fritz Finaly, leur père, avait trois soeurs. Dès la Libération, elles tentent de retrouver les enfants. Pas difficile, du reste. Antoinette Brun ne se cache pas. En 1945, Margarete Fischl-Finaly écrit de Nouvelle-Zélande, où elle a immigré, pour dire à la nourrice sa reconnaissance et manifester son désir de récupérer les enfants. Après plusieurs mois, Mlle Brun lui répond que ce retour lui paraît prématuré. Mais elle la rassure : « Vos neveux sont juifs, c’est-à-dire qu’ils sont restés dans leur religion. »
Pendant trois ans, la tante multiplie les démarches, saisit le maire de La Tronche (Isère), où résident les enfants, le Quai d’Orsay, l’évêque d’Auckland, qui interroge son collègue de Grenoble. Tous constatent le refus de Mlle Brun de rendre les enfants. En septembre 1948, une autre tante, installée en Israël, mandate Moïse Keller, un entrepreneur grenoblois ami de la famille, pour la représenter. Il contacte directement celle qui vient de se faire nommer tutrice provisoire. Elle réitère son refus, qu’elle accompagne d’une information : « Je les ai fait baptiser catholiques, si ce renseignement peut vous être agréable. »
Pendant la guerre, le baptême a protégé de nombreux enfants juifs de la déportation, mais plus aucune urgence ne peut justifier une telle décision. Rien, si ce n’est la volonté de placer les enfants sous la « protection » définitive de l’Eglise. La famille porte plainte. Débute alors une longue phase juridique qui aboutit, le 11 juin 1952, à un arrêt de la cour d’appel de Grenoble : Mlle Brun doit rendre les enfants. Elle se pourvoit en cassation. Mais en attendant la décision, la loi doit être appliquée. Or, quand Moïse Keller, l’ami de la famille, vient récupérer les enfants, ceux-ci ont disparu.
Le scandale éclate. La France se coupe en deux. La famille, défendue par un ténor du barreau, catholique et membre de l’Institut, Maurice Garçon, reçoit le soutien de la presse de gauche et de l’opinion internationale. En ligne de mire : le baptême tardif et le refus de l’Eglise de se conformer au droit. Antoinette Brun devient l’égérie des journaux catholique (La Croix) ou conservateur (Le Figaro) : on y célèbre la force du baptême, on y dénonce l’ingratitude juive et les ambitions sionistes. Lorsque, début 1953, la résistante est incarcérée, celle que la justice soupçonne de « rapt » devient une martyre.
L’Eglise fait bloc. Le très rigoureux Saint-Office recommande au cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, de mettre les enfants à l’abri. Les Soeurs de Notre-Dame-de-Sion, dont Mère Antonine, supérieure du couvent de Grenoble et résistante médaillée, cachent les garçons dans différentes institutions. Plusieurs religieuses seront emprisonnées. Grenoble, Milan, Lugano, Colmar, Le Mans, Marseille, Bayonne : de 1949 à 1953, Robert et Gérald ne cessent de se déplacer. « On nous expliquait que les juifs voulaient nous prendre, nous emmener en Israël casser des cailloux sur le bord des routes, se souvient Robert. Nous, on ne voulait pas. Les juifs avaient tué Jésus et nos parents étaient morts, nous le savions. Ce que nous ne savions pas, c’est que notre famille nous réclamait. »
Devant le retentissement de l’affaire, les enfants sont envoyés en Espagne, où Franco se dit prêt à protéger ces « réfugiés religieux ». Mais le Caudillo ne mettra jamais la main sur eux. Le monastère où ils sont dissimulés est contrôlé par des Basques antifranquistes. Au terme d’un accord secret entre le cardinal Gerlier et le grand rabbinat, d’un intense ballet diplomatique et d’une intervention directe du gouvernement basque en exil, les enfants rentrent en France le 25 juin 1953. La Cour de cassation a confirmé la décision des juges de Grenoble. La famille retire ses plaintes. Les auteurs de l’enlèvement sont libérés. Le 25 juillet, les enfants, âgés de 11 et 12 ans, s’envolent vers Israël.
L’accueil est triomphal. Les héros sont salués par la presse. « Mais nous ne nous en sommes pas aperçus, assurent-ils. Nous avons tout de suite eu une vie normale. Des petits Israéliens comme les autres. L’épisode catholique n’a été qu’une parenthèse. » Une affirmation un peu rapide. Gérald, le cadet, s’est immédiatement adapté à sa nouvelle vie, et à son nouveau prénom, Gad. Mais « pour Robert, ce fut plus long, dit-il. Il envisageait d’être prêtre… » Lors d’une promenade familiale, il obtiendra d’ailleurs l’autorisation d’entrer dans une église. Dernier retour de flamme.
Quelques mois plus tard, Robert accomplit sa bar-mitsva, cérémonie religieuse qui marque l’entrée dans l’âge adulte. Il reçoit un télégramme du père de la nation, David Ben Gourion, un livre du premier ministre Moshe Sharet, et une Bible du président du Parlement, Yossef Spintzak. « Pas tout à fait ordinaire, je l’admets, sourit-il. Mais ensuite ça s’est calmé. En Israël, la mode n’était pas au culte du passé. Il fallait construire l’avenir. »
Les frères Finaly ont donc « enfermé leur histoire dans un sarcophage », selon l’historienne Catherine Poujol. « Je n’en ai pratiquement pas parlé à mes enfants, souligne Gérald, retraité de l’armée et des télécoms. Il a fallu que mon petit-fils m’interroge pour que j’évoque tout ça. » Même sentiment de verrouillage chez Philippe Bernard, le scénariste du téléfilm. « Ils sont retranchés dans la personnalité qu’ils se sont construite pour survivre. Quand j’ai demandé à Robert si son choix de la chirurgie pédiatrique était lié à sa propre enfance éclatée, il m’a dit : rien à voir. »
Pas question de passer pour des victimes. Ni de faire état de quelconques souffrances. Les deux frères ont bien recommandé le retrait d’une scène du film où Mlle Brun les embrassait. « C’était l’époque qui était comme ça », insiste Robert.
Ménager « Maman Brun », corriger le portrait qui voudrait faire de cette femme, morte en 1988, un monstre : cette volonté n’a jamais quitté les frères Finaly. En juillet 1953, avant de monter dans l’avion, Robert confiait à un accompagnateur les quelques francs qu’il avait en poche : « C’est pour Maman Brun, elle en aura plus besoin que moi. » Cinquante-cinq ans plus tard et malgré tous les détails appris depuis, il la défend toujours : « Elle nous a sauvés la vie, nous a soutenus. Elle a commis une faute en nous baptisant, c’est sûr. Mais elle a fait ce qu’elle croyait bien. »
Pourtant, lors de la journée au Mémorial de la Shoah, le 19 octobre, Robert et Gérald ont reproché à Charlotte de Turckheim, qui interprète le rôle dans le téléfilm, d’avoir trop humanisé la nourrice. Ils n’ont accepté de poser avec elle pour les photographes qu’à la condition d’être séparés par le « Mur des noms » qui recense tous les déportés. Un mur sur lequel figure, pour l’année 1944 et à la lettre F, le nom de leurs parents. La comédienne confie n’avoir « toujours pas compris ». « C’est peut-être leur manière d’exprimer enfin leur colère… »
Voir également:
Lectures
Jean-Pierre Allali
CRIF
Les Enfants cachés. L’affaire Finaly
Par Catherine Poujol avec Chantal Thoinet (*)
26/05/06
L’affaire Finaly est encore dans toutes les mémoires. La destinée hors du commun des deux enfants juifs a fait en son temps la une des journaux et enfiévré le pays. Et bien que nombre d’ouvrages et articles aient été consacrés au sujet, Catherine Poujoul, estimant qu’à ce jour aucune étude scientifique n’a traité la question, s’est replongée dans une enquête minutieuse qui lui permet de mettre à jour quelques pistes nouvelles.
Rappelons les faits : en 1938, un jeune médecin juif autrichien, Fritz Finaly, qui vient d’épouser Annie Schwarz, juive, elle aussi, réalisant qu’après l’Anschluss, son avenir à Vienne est compromis, décide de quitter le pays. Après bien des détours, il se retrouve à La Tronche, près de Grenoble. Anni mettra au monde Robert Michaël Ruben le 14 avril 1941 puis Gérald Pierre Guédalia le 3 juillet 1942. Parce qu’ils sont profondément attachés à la foi de leurs pères, les Finaly décident, malgré les risques encourus, de faire pratiquer la circoncision sur leurs enfants. En février 1944, la Gestapo arrête les parents Finaly qui sont déportés et assassinés dans les camps de la mort. Les enfants, qu’ils avaient pris soin peu avant de placer discrètement dans une crèche sont finalement confiés à Antoinette Brun.
Après la Guerre, la famille des enfants Finaly, bien que vivant aux antipodes de l’Hexagone, se manifeste. Elle veut, très légitimement récupérer les petits. Antoinette Brun ne le voit pas de cet œil-là. L’affaire commence. De conseils de familles à répétition, de jugements des tribunaux en atermoiements et en manœuvres dilatoires, tout est fait pour contrer la famille naturelle. Jusqu’au jour où Mademoiselle Brun avoue avoir fait convertir les enfants au catholicisme. Pour la communauté juive, religieux et laïcs, rabbins et dirigeants communautaires, journalistes et écrivains, c’est le tollé. Le Rubicon de l’intolérance a été franchi. La gauche laïque et la presse anticléricale sont à ses côtés. Une véritable course d’obstacles commence. Avec la complicité d’ecclésiastiques, les enfants Finaly seront séquestrés en Espagne. Et, finalement, en 1953, ils rejoindront leur famille naturelle en Israël. Ruben deviendra médecin et Guédalia militaire de carrière, puis industriel.
Dans son volumineux travail de recherche effectué avec le concours de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, du Centre National du Livre et du Centre de Recherche Français de Jérusalem, l’auteur tient immédiatement à préciser qu’il convient de jeter un regard sur l’affaire en se plaçant dans les conditions et dans l’esprit de l’époque. Notamment en milieu chrétien. Car il fut un temps où le caractère irréversible du baptême était considéré comme un dogme. Plus tard, avec Vatican II, une tout autre vision du monde et des rapports entre les religions se dessinera.
Il n’est pas inintéressant de rappeler, comme le fait Catherine Poujol, qu’à l’époque, deux procès faisaient les manchettes de la presse : le procès des responsables du massacre d’Oradour-sur-Glane et l’affaire Finaly. Des commentateurs n’hésitaient pas à évoquer l’Affaire Dreyfus ou encore celle du jeune juif Edgardo Mortara converti subrepticement en Italie et qui deviendra curé.
L’auteur explore avec minutie la presse nationale : La Croix, Le Figaro, Le Populaire, Franc-Tireur, L’Observateur, Le Monde, la presse chrétienne, Témoignage Chrétien, Esprit, Réforme, la presse extrême, Rivarol, Aspects de la France et, bien entendu, la presse juive, La Terre Retrouvée, Le Journal des Communautés, Les Cahiers de l ‘Alliance, La Vie Juive….
Elle examine le rôle dans le déroulement de l’affaire des institutions et des congrégations chrétiennes comme celui des organisations juives : CRIF, Consistoire, Alliance Israélite Universelle, C.J.M., Joint, OSE, et donne des portraits très détaillés des principaux protagonistes : Jacob Kaplan, Wladimir Rabi, Moïse Keller, Antoinette Brun, le père Chaillet, Monseigneur Gerlier, Mère Antonine et bien d’autres.
Parmi les axes de réflexion auxquels nous conduit Catherine Poujol, on peut relever : le fait que bien d’autres affaires similaires, qu’il est difficile de quantifier, se sont nécessairement déroulées sur le territoire français, la dimension antisioniste qui a conduit bien des tenants de la non-restitution à arguer du fait qu’il y avait un risque de voir grossir les effectifs démographiques du nouvel État juif honni, pour refuser de rendre les enfants à leur famille, une certaine tendance à mettre en accusation toute l’Église catholique et, surtout, la dimension basque de ce rapt dans lequel il faut voir, ce qui n’était peut-être pas évident jusqu’ici, une lutte d’influence entre le caudillo espagnol Franco et les nationalistes basques.
S’il est incontestable, et Catherine Pujol le reconnaît, qu’il serait malvenu, d’initier un procès en béatification du pape de l’époque, Pie XII, comme cela a été envisagé, il convient aussi de mesurer l’énorme chemin parcouru depuis Vatican II dans les rapports judéo-chrétiens dans lesquels l’affaire Finaly aura joué le rôle d’un déclencheur salutaire.
Avec calme mais aussi avec honnêteté, il faudra, au fur et à mesure que les archives, notamment chrétiennes, sont mises à la disposition des historiens, déterminer avec de plus en plus de précision, les contours de toutes les questions qui ont opposé, par le passé, Chrétiens et Juifs.
(*) Éditions Berg International. Avril 2006. 320 pages. 24 €
Voir de même:
Croire
Avant d’être pape, Roncalli, nonce à Paris, fut porteur de « curieuses » instructions de Pie XII sur les enfants juifs…
Histoire. Roncalli contre Jean XXIII par Jérôme Anciberro
C’est une simple lettre de quelques lignes, au ton neutre et posé, datée du 23 octobre 1946. Mais elle a déclenché une véritable polémique en Italie depuis sa publication dans le « Corriere della Sera » du 28 décembre. Le nonce apostolique alors en place à Paris, un certain Angelo Giuseppe Roncalli, qui, en 1958, deviendra sous le nom de Jean XXIII le 259e pape, y instruit le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, primat des Gaules, d’une décision du Saint-Office, l’ancêtre de l’actuelle Congrégation pour la doctrine de la foi. Cette décision concerne les enfants juifs confiés pendant la guerre à des institutions catholiques pour échapper aux persécutions, dont les parents ou des institutions juives demandent qu’ils leur soient rendus. Après avoir précisé qu’il faut éviter de répondre par écrit aux demandes, le nonce explique que, si ces enfants ont été entre-temps baptisés, ils « ne pourront être confiés à des institutions qui ne sauraient en assurer l’éducation chrétienne ». Autant dire qu’on ne peut les remettre… à des juifs. Cette instruction reste valable même si la demande émane des parents en personne. La lettre se conclut par cette formule : « Notez que cette décision de la congrégation du Saint-Office a été approuvée par le Saint-père. »
« On a un peu de mal à reconnaître ici le futur Jean XXIII dans cette lettre du nonce Roncalli », estime l’historien Etienne Fouilloux (1). De fait, l’histoire retient surtout l’action de Jean XXIII comme initiateur du concile Vatican II, dont la déclaration Nostra Ætate sur les religions non chrétiennes a complètement redéfini la position de l’Eglise vis-à-vis des juifs, jusqu’alors considérés comme peuple « déicide ». Les biographes de Roncalli mentionnent aussi son action en Grèce et Turquie durant la Seconde Guerre mondiale où il aurait contribué à sauver de nombreux juifs en délivrant des visas de transit de la délégation apostolique. Ses bons contacts avec les juifs de France sont également attestés, notamment par une lettre du 19 juillet 1946 envoyée au nonce par deux responsables juifs. Ceux-ci évoquent l’autorisation qu’aurait donnée Roncalli au grand rabbin de Palestine, Isaac Herzog, en visite en France, pour se prévaloir de son autorité afin de régler avec les institutions catholiques la question des enfants juifs qui avaient été confiés à ces dernières. « Le nonce applique la politique du Vatican, il est là pour ça, explique l’historienne Annie Lacroix-Riz. Roncalli a fait son boulot. Il a aussi contribué à remettre sur pied l’Eglise de France, particulièrement compromise par son soutien au régime de Vichy. C’est d’ailleurs aussi durant sa nonciature qu’a été organisé le sauvetage d’un certain nombre de criminels de guerre par l’institution. Et on ne peut pas imaginer qu’il n’ait pas été au courant ». En d’autres termes : Angelo Giuseppe Roncalli, simple diplomate, avait encore bien du chemin à parcourir pour devenir « le bon pape Jean ».
Mais la découverte de cette lettre repose surtout la question de l’attitude générale du Vatican et de celui qui le dirigeait alors : Pie XII, déjà vivement critiqué par de nombreux historiens pour sa conduite durant la Seconde Guerre mondiale. Amos Luzzato, président de l’Union des communautés juives d’Italie, a d’ailleurs immédiatement évoqué les tensions que ne manquerait pas de produire une éventuelle béatification de Pie XII. Le père jésuite allemand Peter Gumpel, chargé au Vatican de la cause de Pie XII, explique, quant à lui, que le Saint-Office ne faisait que rappeler en 1946 la doctrine qui prévalait à l’époque, selon laquelle le baptême soumettait à l’Eglise celui qui le recevait, et que celle-ci était tenue de se soucier de l’éducation chrétienne de ses ouailles. Une mise en perspective sans doute utile, mais qui semble ici bien dérisoire.
1. Il vient d’éditer le premier tome des agendas du nonce lorsqu’il était en poste à Paris, Anni di Francia, Agende del nunzio Roncalli, 1945-1948, Institut des sciences religieuses de Bologne (Italie).
L’affaire des frères Finaly
La découverte de cette lettre du nonce porte un nouvel éclairage sur l’une des affaires qui a fait le plus couler d’encre dans l’après-guerre : l’affaire Finaly. En avril 1944, le docteur Finaly et sa femme confient leurs deux fils à une crèche municipale de Grenoble dirigée par une certaine Mlle Brun, catholique fervente. Les époux Finaly meurent en déportation. En 1945, une tante des deux enfants les réclame à Mlle Brun, qui refuse de les rendre. En 1948, elle explique les avoir fait baptiser. En 1952, quand une décision de justice est rendue, les enfants ont disparu. On les retrouve finalement en Espagne où ils ont été cachés avec l’aide d’institutions catholiques. Germaine Ribière, proche de Pierre Chaillet, fondateur de TC, sera chargée de ramener les enfants.
Entre-temps, le fait divers sera devenu une véritable affaire d’Etat qui divisera l’opinion publique, opposera juifs et catholiques, compromettra l’Eglise de France et remontera jusqu’au Vatican.
Voir enfin:
L’affaire Finaly
Véronique Chemla
Guysen International News
25 novembre 2008
France 2 consacre sa soirée du mardi 25 novembre 2008 à l’affaire Finaly en diffusant le téféfilm de Fabrice Génestal avec Charlotte de Turckheim et Pierre Cassignard Une enfance volée : l’affaire Finaly, puis le documentaire L’affaire Finaly de David Korn-Brzoza. L’histoire de Robert et Gérald Finaly, deux enfants juifs cachés sous l’Occupation par un réseau catholique dont est membre Mlle Antoinette Brun. A la Libération, et pendant des années, Mme Brun refusa de rendre à la famille Finaly ces enfants devenus orphelins et qu’elle fit baptiser. Une histoire médiatisée qui suscita une vive polémique notamment en France et se dénoua en 1953 par la remise des deux frères à leur famille vivant en Israël. Histoire.
« L’enfer est pavé de bon sentiments », résumait l’actrice Charlotte de Turckeim lors du déjeuner de presse organisé le 3 novembre au siège de France 2. Méconnaissable, elle campe une Mlle Brun manipulatrice qui, sanglée dans ses convictions, refusa continûment de respecter le droit et la famille des enfants orphelins. Et ainsi, elle provoqua une affaire qui divisa « la France entre cléricaux et anticléricaux, sionistes et antisionistes, tenants du respect des lois républicaines contre partisans du droit canon ».
Chronologie(1)
1938, 30 août : le Dr Fritz Finaly, chef de clinique à Vienne, épouse Anni Schwarz à Vienne (Autriche). Un de ses oncles est le fondateur de la banque de Paris et des Pays-Bas.
1939, avril : le couple, ayant fui l’Autriche après l’Anschluss, s’installe à Paris.
1941, 14 avril : naissance de Robert Finaly, déclaré comme Français et qui sera circoncis.
1942, 3 juillet : naissance de Gérald Finaly, Autrichien comme ses parents, et qui sera circoncis.
1944, 10 février : craignant d’être arrêtés par la Gestapo, les parents Finaly confient leurs deux fils, et leurs affaires (bijoux, reçu de la Creditanstalt à Zurich, appareil Leica) à la pouponnière Saint-Vincent à Grenoble.
14 février : Fritz et Anni Finaly sont arrêtés, déportés le 7 mars de Drancy à Auschwitz dans le convoi n° 69.
Leurs enfants sont cachés quelques jours au couvent Notre-Dame-de-Sion(2) , puis recueillis par Mlle Antoinette Brun, résistante et directrice de la crèche municipale de Grenoble, au château de Vif où ils restent jusqu’en 1952.
1945, 2 février : Mme Fischl, leur tante de Nouvelle-Zélande, tente d’obtenir leur retour dans leur famille. Elle se heurte au refus de Mlle Brun.
12 novembre: Mlle Brun se fait nommer tutrice provisoire lors du 1er conseil de famille.
1948 : En Israël, Edwige Rosner, une tante de Robert et Gérald Finaly, reprend l’action initiée par Mme Fischl. Elle sollicite l’aide de Moïse Keller, chef d’entreprise grenoblois et ancien résistant.
1948, 28 mars : Mlle Brun fait baptiser les deux enfants alors que nul danger ne les menace. Ce qui contrevient notamment à la volonté des parents et au code de droit canonique.
1949, janvier : la famille des enfants Finaly demande à Moïse Keller de la représenter en justice afin de les récupérer.
1952, 11 juin : une ordonnance du tribunal ordonne à Mlle Brun de rendre les enfants à leur famille. Mlle Brun interjette appel, et perd son procès. Elle se pourvoit en cassation le 15 juillet.
décembre : Moïse Keller sollicite l’aide de Wladimir Rabinovitch, dit « Rabi », juge et journaliste.
1952-1953 : Mlle Brun sollicite l’aide de la mère supérieure de Notre-Dame-de-Sion, Mère Antonine, qui contacte le cardinal Pierre-Marie Gerlier, Primat des Gaules, à l’archevêché de Lyon. Pendant ce temps, les enfants sont cachés dans plusieurs lieux en France et enlevés en février pour être emmenés dans le Pays basque espagnol. La campagne de presse et les actions des organisations juives s’intensifient.
1953, janvier : Me Maurice Garçon, avocat de Moïse Keller, stigmatise le « fanatisme religieux » de Mlle Brun.
8 janvier : Mgr Gerlier évoque l’affaire lors de son entrevue avec le pape Pie XII. Celui-ci déclare : « On n’aurait pas du baptiser ainsi ces enfants ! C’est contre les prescriptions du Code… Il peut se faire que, dans le cas présent, l’affaire se présente de façon spéciale qui permettrait une autre attitude ».
5 février : Mère Antonine est arrêtée, accusée de complicité d’enlèvement sur les deux enfants Finaly.
Le grand rabbin de France Jacob Kaplan(3) rencontre à Lyon Mgr Gerlier.
6 mars : Induit par l’accord secret entre le grand rabbin Kaplan et Mgr Gerlier, l’accord entre la famille des enfants Finaly et le père Chaillet, un jésuite représentant Mgr Gerlier et qui dirigeait sous l’Occupation un réseau L’amitié chrétienne protégé alors par le cardinal, est signé. Il contient quatre points, notamment la restitution des enfants Finaly à leur famille en Israël et le retrait des plaintes contre tous les religieux. Le père Chaillet dirigeait après guerre le COSOR qui accueillait 35 000 orphelins, dont la moitié était juifs.
Fin mars : ne parvenant pas à localiser les enfants Finaly, Mgr Gerlier demande à Germaine Ribière, résistante de l’Amitié chrétienne(4), de les retrouver au Pays basque.
Le Vatican décide de résoudre directement cette affaire en la confiant au cardinal Montini, sous-secrétaire d’Etat au Vatican (2e personnage du Vatican après le Pape) et futur pape Paul VI.
Juin : le général Francisco Franco, chef de l’Etat espagnol, propose à la France de rendre les enfants Finaly, dont il ignore la cache, contre l’extradition de quatre républicains basques en exil à Tarbes. Georges Bidault, ancien résistant et ministre français des Affaires étrangères, ne cède pas au coup de bluff du caudillo.
11 juin : à Lyon, Germaine Ribière informe Mgr Gerlier que les enfants Finaly sont détenus par des Basques, en particulier par des prêtres.
20 juin : l’abbé Emile Laxague écrit à Germaine Ribière que « le retour des enfants Finaly est la seule solution actuellement justifiable ».
23 juin : la Cour de cassation a rejeté le pourvoir de Mlle Brun et confirmé que les enfants Finaly doivent être confiés à leur tante et tutrice, Edwige Rosner.
25 juin : Robert et Gérald Finaly sont conduits au consulat de France à San Sebastian. De là, Germaine Ribière les ramène en France, dans la propriété d’André Weil, dans l’Oise, où ils rencontrent leur tante paternelle. André Weil était trésorier du COSOR.
Mlle Brun écrit à Vincent Auriol.
18 juillet : Mme Rosner retire sa plainte.
25 juillet : accompagnés de leur tante paternelle, les enfants Finaly prennent l’avion pour Israël(5).
1955, 7 juin : non-lieu général dans l’affaire Finaly.
Des passions non apaisées
Servi par une interprétation remarquable et une reconstitution scrupuleuse(6), le film télévisuel ainsi que le documentaire sont inspirés des travaux de l’historienne Catherine Poujol qui a eu accès à des documents inédits.
Dans le téléfilm de Fabrice Génestal, par souci de simplification narrative, des personnages ont disparu, tel Guy Brun, enfant juif recueilli et adopté par Mlle Brun, des faits ont été passés sous silence ou minorés. Un souci partagé par les auteurs de la bande dessinée sur l’affaire Finaly. Une BD au graphisme en noir et blanc et au réalisme saisissant.
Ces œuvres mettent en relief le mystère et l’ambigüité de Mlle Brun.
Certes, Mlle Brun a pris des risques sous l’Occupation pour sauver des enfants juifs.
Engoncée dans sa vision du catholicisme, persuadée d’agir pour le bien des enfants Finaly – baptême, éloignement de leur famille et d’Israël -, elle s’obstine dans sa voie, au mépris de préceptes de sa religion et du droit, des mobilisations d’organisations juives et de personnalités dans le monde.
Rouée, non exempte de préjugés antisémites et peut-être dotée d’une certaine perversité, elle instrumentalise des dignitaires catholiques, attire l’église catholique qui se fourvoie dans son combat. Elle apitoie même un juge qui déroge au principe de neutralité indissociable de sa fonction !
Consciente du pouvoir des médias, elle mobilise l’opinion publique en posant en mère attentive de deux garçons qu’elle rencontre à quelques reprises annuelles.
Elle se révèle indifférente aux souffrances qu’elle inflige, par son comportement obtus, aux enfants Finaly, à Moïse Keller et à leur famille. Le 19 octobre 2008, lors des projections de films au Mémorial de la Shoah (Paris), Guy Brun et les enfants de Moïse Keller ont exprimé leurs souffrances. Guy Brun a évoqué, selon des témoins, une Mlle Brun non désintéressée. Quant à la famille de Moïse Keller, elle a subi les contrecoups de cette affaire – le courroux et la haine connotant les passions – dans laquelle leur père a assumé longtemps et seul un dur combat contre des institutions publiques et privées, laïques et catholiques, et a vu son entreprise péricliter. Moïse Keller et sa famille ont fait leur aliyah, puis sont retournés en France.
Si l’affaire a cristallisé autant de passions, c’est qu’elle conjuguait des facteurs sensibles et majeurs : la priorité particulière accordée par les juifs aux enfants et à la transmission de l’identité juive ; les difficultés de certaines familles juives à récupérer leurs enfants cachés chez des chrétiens; la prégnance de préjugés antisémites dans la France de l’après-guerre. Et les motivations du sauvetage des enfants juifs par des catholiques; la sincérité et les aléas du dialogue entre juifs et catholiques(7); la reconnaissance nécessaire par les catholiques de l’altérité juive, source d’interrogations essentielles. Last, not least, la faiblesse d’une communauté juive blessée dans son attachement à la France, persécutée sous le régime de Vichy et décimée, notamment ses plus jeunes membres(8), par la Shoah ; le sort des enfants cachés(9) et le destin des enfants juifs, que nul n’est venu rechercher – enfants orphelins, parentèles assassinées dans les camps nazis – et qui ont grandi dans l’ignorance de leur origine juive.
Une enfance volée : l’affaire Finaly, réalisé par Fabrice Génestal. Scénario, adaptation et dialogues de Philippe Bernard, en collaboration avec l’historienne Catherine Poujol. Produit par Elizabeth Arnac pour Lizland Films.
Catherine Poujol, avec la participation de Chantal Thoinet, Les enfants cachés, l’affaire Finaly (1945-1953). Berg International Editeurs, 2006. 319 pages. ISBN : 978-2911289866.
Fabien Lacaf, Catherine Poujol, Les enfants cachés, l’affaire Finaly. Berg International Editeurs, coll. IceBerg, 2007. 48 pages. ISBN : 978-2911289934.
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(1) http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/34/78/64/Documents-textes/affaire-Finaly-Chronologie.pdf
(2) Madeleine Comte :
Sauvetages et baptêmes, Les religieuses de Notre-Dame de Sion face à la persécution des Juifs en France
>(1940-1944). Préface d’Etienne Fouilloux. L’Harmattan, 2001. 224 pages. ISBN : 2-7475-1190-1
Texte de la conférence pour l’Amitié judéo-chrétienne de Lyon :
http://ajcf.lyon.over-blog.com/article-24813141-6.html -,
25 septembre 2008, à Lyon : http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/34/78/64/Documents-textes/affaire-Finaly-Chronologie.pdf
(3) Jacob Kaplan, L’affaire Finaly. Préface par Maurice-Ruben Hayoun. Ed. du Cerf, 1993. ISBN : 2-204-04707 Haïm Korsia, Etre Juif et Français – Jacob Kaplan, le Rabbin de la République. 2006. ISBN : 9782350760230
(4) Germaine Ribière, L’affaire Finaly, « ce que j’ai vécu ». CDJC, 1998. 60 pages. ASIN : B000WSOH8Q Le titre de Juste parmi les Justes a été décerné à Mgr Gerlier et Germaine Ribière.
(5) Robert a été chirurgien pour enfants à l’hôpital de Beer-Sheva. Gérald est devenu officier de l’armée israélienne, puis entrepreneur.
(6) A noter que les institutions catholiques de la région lyonnaise n’ont pas répondu aux demandes de la société de production Lizland de tourner dans certains de leurs immeubles.
(7) Véronique Chemla, Un dialogue judéo-catholique en France remarquable, 25 décembre 2007,
http://www.guysen.com/articles.php?sid=6533
(8) Serge Klarsfeld, La Shoah en France, tome 3 : le mémorial des enfants juifs déportés de France. Fayard, 2001. ISBN-13 : 978-2213610528
http://www.akadem.org/sommaire/themes/histoire/1/2/module_2622.php
(9) Paroles d’étoiles, mémoires d’enfants cachés, 1939-1945. D’après les ouvrages originaux de Jean-Pierre Guéno, scénario et adaptation de Serge Le Tendre, un album conçu et coordonné par Jean Wacquet.
Soleil Productions, 2008. 96 pages. ISBN : 9782302003569.
Michèle Rotman, Carnets de mémoire. Ramsay, 2005. ISBN : 9782841147328
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