
La droite mourut d’un crime majoritairement commis par la gauche (hormis les communistes, bien sûr, mais à partir de juin 1941). Eric Zemmour
Il n’y avait que très peu de Juifs à Linz. Au cours des siècles ils s’étaient européanisés extérieurement et ils ressemblaient aux autres hommes ; je les tenais même pour des Allemands. Je n’apercevais pas l’absurdité de cette illusion, parce que leur religion étrangère me semblait la seule différence qui existât entre eux et nous. Persuadé qu’ils avaient été persécutés pour leurs croyances, les propos défavorables tenus sur leur compte m’inspiraient une antipathie qui, parfois, allait presque jusqu’à l’horreur. Je ne soupçonnais pas encore qu’il pût y avoir des adversaires systématiques des Juifs. (…) Je ne voyais encore dans le Juif qu’un homme d’une confession différente et je continuais à réprouver, au nom de la tolérance et de l’humanité, toute hostilité issue de considérations religieuses. En particulier, le ton de la presse antisémite de Vienne me paraissait indigne des traditions d’un grand peuple civilisé. J’étais obsédé par le souvenir de certains événements remontant au moyen âge et que je n’aurais pas voulu voir se répéter. Les journaux dont je viens de parler n’étaient pas tenus pour des organes de premier ordre. Pourquoi ? Je ne le savais pas alors su juste moi-même. Aussi les considérais-je plutôt comme les fruits de la colère et de l’envie, que comme les résultats d’une position de principe arrêtée, fût-elle fausse.Cette idée fut renforcée en moi par la forme infiniment plus convenable, à mon avis, sous laquelle la véritable grande presse répondait à ces attaques, ou bien, ce qui me paraissait encore plus méritoire, se contentait de les tuer par le silence, n’en faisant pas la moindre mention. Je lus assidûment ce qu’on appelait la presse mondiale (la Neue Freie Presse, le Wiener Tagblatt, etc.) ; je fus stupéfait de voir avec quelle abondance elle renseignait ses lecteurs et avec quelle impartialité elle traitait toutes les questions. Il me fallut reconnaître qu’un des journaux antisémites, le Deutsches Volksblatt, avait beaucoup plus de tenue dans de pareilles occasions. (…) Je n’approuvais pas son antisémitisme agressif, mais j’y trouvais parfois des arguments qui me donnaient à réfléchir. (…) Mais si, de même, mon jugement sur l’antisémitisme se modifia avec le temps, ce fut bien là ma plus pénible conversion. Hitler (Mein Kampf)
Faut-il accorder foi à cette confession ? Hitler dicte ces lignes en 1925, à une époque où il est déjà antisémite. L’historiographie connait mal ses jeunes années, ce qui nous empêche d’établir avec certitude si cette évocation de son philosémisitme initial est sincère ou si elle n’est que rhétorique, destinée à accréditer la profession de foi antisémite qui lui fait suite … Simon Epstein
Le racisme allemand fait horreur à notre sensibilité latine. Paul Ferdonnet (correspondant de presse à Berlin, 1934)
Cette race maudite trouve dans l’horreur de la guerre la joie sauvage de détruire la civilisation chrétienne. Paul Ferdonnet (« La guerre juive », 1938)
J’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le général de Gaulle l’emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive, c’est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabées. Alain (Journal, 1940)
Les médecins français estiment qu’un très grand service a été rendu à la cause de la paix par la mise hors d’état de nuire de ce groupe de criminels, d’autant plus odieux qu’ils ont abusés de la confiance naturelle de leurs malades pour attenter à leur vie. Raymond Leibovici (chirurgien, ancien membre du mouvement de résistance communiste Front national)
La présence de personnalités du monde financier de premier plan a donné [à la cérémonie] un caractère différent de la ferveur religieuse que les vrais croyants qui y participaient tentaient d’y trouver …. Le spectacle donnait l’impression que, comme dans Faust, Satan menait le bal. Pas même le veau d’or ne manquait… contemplant ses machinations diaboliques. En fait, l’information indiquait que deux représentants de la tribu cosmopolite des banquiers, bien connus dans tous les pays du monde, participaient à ces saturnales: Alain et Edmond de Rothschild. Benoit Frachon (L’Humanité, 16 Juin 1967)
Si par exemple le pacifisme a fourni tant de recrues à la collaboration, c’est que les pacifistes, incapables d’enrayer la guerre, avaient tout à coup décidé de voir dans l’armée allemande la force qui réaliserait la paix. Leur méthode avait été jusque là la propagande et l’éducation. Elle s’était révélée inefficace. Alors ils se sont persuadés qu’ils changeaient seulement de moyens :ils se sont placés dans placés dans l’avenir pour pour juger de l’actualité et ils ont vu la victoire nazie apporter au monde une paix allemande comparable à la fameuse paix romaine ; (…) Ainsi est né un des paradoxes les plus curieux de ce temps : l’alliance des pacifistes les plus ardents avec les soldats d’une société guerrière. Sartre
Les organisations humanitaires et une partie de la gauche occidentale, l’extrême gauche surtout, souffrent d’un complexe post-colonial. Les anciens colonisés sont perçus comme des victimes absolues, pour les uns, comme la force motrice de l’histoire, pour les autres. Ils jouissent d’un droit intangible à la bienveillance morale et au soutien politique, quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent. Le fanatisme est permis, pourvu qu’il soit tiers-mondiste. La discrimination est justifiée, à condition qu’elle soit pratiquée dans un pays d’Afrique ou d’Asie. Le massacre est excusable, quand il est commis par des États non-européens. On a déjà assisté à cette même veulerie face aux haines, à cette même incapacité à voir le Mal, dans d’autres contextes historiques. Qu’on se souvienne de la complaisance des communistes européens, et notamment français, face à la terreur stalinienne et au goulag. Qu’on se souvienne aussi de l’indulgence de la gauche pacifiste française face à l’Allemagne nazie des années 1930. L’Allemagne était perçue comme victime du militarisme français et du traité de Versailles… Sous l’Occupation, de nombreux collaborateurs enthousiastes, et de très haut rang, proviendront de cette gauche pacifiste et humanitaire.
La politique d’apaisement vis-à-vis de l’Iran d’Ahmadinejad est fondée sur la même incompréhension que celle qui fut menée face à Hitler à la fin des années 1930, par l’Angleterre et la France. Ce prétendu réalisme, au nom duquel il faut faire des concessions et pratiquer l’ouverture, procède certes d’un réflexe très humain. Mais il témoigne d’une méconnaissance profonde de l’adversaire. On est en face, dans les deux cas, d’une machine de guerre très habile et très bien organisée, qui connaît et qui exploite fort bien les faiblesses de l’Occident démocratique. Il faut laisser Obama tendre la main à l’Iran, mais il comprendra vite – s’il est intelligent, et je crois qu’il l’est -, à qui il a affaire. Le fait que les États-Unis aient boycotté la conférence est un bon signe, qui confirme qu’ils ne sont pas prêts à accepter n’importe quoi. On peut en revanche regretter que la France n’ait pas saisi qu’il est des endroits où l’on ne va pas. Il est des carnavals de rage et d’absurdité auxquels un pays démocratique se doit de rester étranger. Simon Epstein
Henri Rollin. Voici un homme irréprochable, officier de marine, spécialiste du renseignement, qui se lance, dans les années 1930, dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Il publie notamment un gros livre dénonçant les Protocoles des Sages de Sion et démontrant qu’il s’agit d’un faux grossier et exécrable. Son Apocalypse de notre temps (1939) est citée, jusqu’à aujourd’hui, dans la très abondante littérature consacrée aux Protocoles. Et que devient Rollin pendant la guerre? Homme de confiance de l’amiral Darlan, il est promu directeur de la Sûreté nationale. En d’autres termes, le dénonciateur de l’antisémitisme des Protocoles sera, pour un temps assez long, chef des polices d’Etat du régime de Vichy
L’un des paragraphes les plus significatifs, et les moins retenus, de Mein Kampf, est celui où Hitler raconte, aux temps de sa jeunesse, son propre passage du philosémitisme à l’antisémitisme. Ce texte est important en soi, et il mérite d’être analysé avec toute la circonspection qui s’impose. Mais il est important aussi par son effet d’exemple et d’entraînement. J’ai ainsi trouvé trois Français, antiracistes dans les années 1930 – chacun à sa manière – et versant dans l’antisémitisme un peu plus tard, qui feront explicitement référence à cette mutation originelle d’Hitler pour illustrer ou pour justifier leur propre translation de l’antiracisme vers la haine antijuive.
Ces mutations, qui se sont produites dans tous les pays, et en premier lieu, bien sûr, en Allemagne, n’ont été que très peu étudiées, très peu discutées… Cette lacune historiographique n’est pas fortuite, loin de là. C’est que la notion de « mutation », en matière d’antisémitisme et de racisme, nuit à la clarté et à l’efficience du message didacto-protestataire. Elle introduit un élément trouble, qui déstabilise et qui inquiète. Elle bouleverse les données de base d’un récit qui pour être compris, et admis, doit être émouvant et linéaire à la fois. Elle brise les clivages entre « bons » et « méchants », puisqu’elle évoque des « bons » qui deviennent « méchants » et des « méchants » qui deviennent « bons ». Bref, ces mutations sont hautement « instructives », au plan scientifique. Mais elles ne sont pas du tout « éducatives », pour ce qui est de leur impact sur les jeunes générations et le grand public. D’où la tentation, quand la logique militante l’emporte sur la logique historienne, de n’en rien dire.
Que le pacifisme fut le vecteur principal de la collaboration, que les pacifistes furent nombreux à collaborer, et qu’ils fournirent de très nombreux collaborateurs, que la gauche fut dominante dans la collaboration parce qu’elle fut dominante dans le pacifisme – toutes ces vérités dérangeantes échapperont aux politiciens, aux polémistes et aux historiens soucieux d’inculper « toutes les droites » et de leur faire porter le chapeau exclusif des erreurs, des trahisons et des crimes qui ont endeuillé, à jamais, les années 1940-1944. Ils chargeront Maurras de forfaits commis par des gens qui, pour beaucoup, étaient des anti-maurrassiens endurcis. Ils s’acharneront sur La Rocque, qui, vraiment, n’y était pour rien. Ils débusqueront des « fascistes » un peu partout, y compris (et surtout là) où il n’y en avait pas et ils ignoreront les pacifistes intransigeants et candides à la fois, qui se fascinèrent pour l’Allemagne et Hitler autant qu’ils étaient pris d’empathie, quelques années auparavant, pour celle de Stresemann. Ils poursuivront de leur vindicte ceux qui disaient « mieux vaut Hitler que Blum » ou « mieux vaut Hitler que Staline » mais déborderont de prévenance pour ceux qui, au même moment, avec autant de souffle et autant de conviction, scandaient: « Mieux vaut la servitude que la guerre ». Simon Epstein
La gauche m’a tuer
Dreyfusards et antiracistes dans la Collaboration (Jacques Doriot, grande figure du PCF puis fondateur du pro-fasciste Parti Populaire Français et de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme; Marcel Déat, leader socialiste et sympathisant de la LICA; Paul Chack; Jean-Marie Balestre, président récemment décédé de la Fédération internationale du sport automobile, ancien de la LICA devenu Waffen SS; radicaux Bousquet et Papon; socialiste Marc Augier recyclé en chantre des SS; ancien dreyfusard Alphonse de Chateaubriant; journaliste antiraciste Paul Ferdonnet puis salarié de la radio allemande; pacifiste philosémite Pierre-Antoine Cousteau métamorphosé en figure de Je suis partout; antiracistes devenus ministres de Vichy comme Pierre-Etienne Flandin, René Belin, Lucien Romier, Marcel Peyroutou et Joseph Barthélemy) …
Antidreyfusards et antisémites plus ou moins repentis dans la Résistance (d’Astier de La Vigerie, maurrassien Du Jonchay, colonel Rémy, Pierre de Bénouville, Honoré d’Estienne d’Orves) …
Autre mérite et (re)découverte à l’heure où l’une de nos rares vraies voix libérales semble être tombée elle aussi dans le piège d’un prétendu Etat d’Israël binational, du dernier livre de notre Zemmour national …
Son rappel que la « sempiternelle mystique impériale du continent et de la ‘paix romaine’ » qui avaient conduit les communistes à « déplacer Rome jusqu’à Moscou » avaient aussi conduit nombre de socialistes jusqu’à Berlin!
S’appuyant sur les travaux de l’historien franco-israélien Simon Epstein (notamment « Un paradoxe français: antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance », 2008) sur la complexité de trajectoires militantes sous Vichy, il revient en effet sur l’un des tabous les plus jalousement gardés de la gauche française.
A savoir, derrière ces chassés-croisés militants si déroutants, comment à partir du moment où avec l’arrivée massive de réfugiés d’Europe centrale, les juifs leurs semblèrent potentiellement des causes – et parfois des militants – de la guerre avec Hitler, la collaboration fut pour beaucoup « la continuation de l’antiracisme et du dreyfusisme ».
Mais aussi inversement « la domination sans conteste, à Londres et dans les premiers maquis, de la gente d’extrême-droite ».
Et par conséquent qu’enfin « le vrai clivage politique qui éclaire l’histoire de la France du XXe siècle n’est pas entre la droite et la gauche, mais entre la guerre et la paix », autrement dit le rapport au pacifisme.
Ce qui, comme le rappelle également Epstein, aide à comprendre certaines positions de nos gauchistes actuels par rapport à Israël désigné par nos nouveaux munichois comme l’unique fauteur de guerre de la planète.
Et à tout sioniste accusé, pour voler au secours de ses coreligionnaires menacés en Israël, de vouloir entrainer aujourd’hui comme avant le monde dans « leur guerre » …
De l’art de retourner sa veste
Marc Riglet
L’Express
le 01/05/2008
La qualification du régime de Vichy est source d’infinies controverses. Longtemps, ce fut une façon matoise de ne pas l’accabler en soulignant que nombre de son personnel politique était originaire de la gauche et que c’était la «Chambre du Front populaire» qui avait consenti à son installation. Le même «paradoxe» était relevé pour la Collaboration parisienne, les droites et extrêmes droites d’après-guerre aimant à rappeler avec gourmandise les itinéraires fascistes de l’ex-communiste Doriot, du néosocialiste Déat et du radical Gaston Bergerie.
Simon Epstein apporte de nouvelles et précieuses lumières. Cela tient au léger décentrement qu’il imprime à son objet d’étude. Plutôt que de scruter les «dérives» de la gauche vers la droite, il considère le marqueur «antisémitisme» et il s’interroge sur son caractère décisif ou non dans le choix fait par les élites politiques soit de Vichy et de la Collaboration, soit de la Résistance. On est alors frappé par la foule de ceux qui, ayant milité dans les années 1930 à la LICA, l’ancêtre de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, s’abîmeront dans les pires engagements de la Collaboration. Un seul exemple, celui de Jean-Marie Balestre, le président de la puissante Fédération internationale du sport automobile, récemment décédé. Ancien Waffen SS, Jean-Marie Balestre était, en 1939 encore, membre du bureau des jeunes de la LICA. Or une telle volte-face n’est en rien une bizarrerie. En offrant près d’un millier de notices biographiques, toutes excellemment troussées, Simon Epstein brosse le tableau accablant de ces métamorphoses qui voient l’antiraciste d’avant-guerre verser, à partir de 1940, dans l’antisémitisme le plus abject. Les cas de figure inverses, l’antisémite entrant en résistance, renonçant à son préjugé comme d’Astier de La Vigerie, ou bien ne s’en départant pas comme le maurrassien Du Jonchay, sont finalement plus connus. Mais ce qui confère au livre de Simon Epstein sa portée essentielle tient à la mise en évidence de la variable principale qui détermine les choix de l’engagement. Plus que la gauche ou la droite, plus que l’antiracisme ou l’antisémitisme, c’est le pacifisme qui fait le tri. C’est bien parce que ce fléau idéologique leur fut épargné que «celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas» surent trouver, le moment venu, les chemins de l’honneur.
Voir aussi:
Tous n’étaient pas des anges
Éric Roussel
Le Figaro
14/05/2008
Simon Epstein enquête sur un constat paradoxal: des antiracistes choisissent la Collaboration et des antisémites la Résistance.
Pendant très longtemps tout parut clair et logique. Le régime de Vichy était présenté comme un système revanchard, peuplé de personnages pratiquement tous classés à l’extrême droite. Ce simplisme avait quelque chose de rassurant: il évitait de se poser trop de questions gênantes sur la fin de la IIIe République; il permettait surtout d’occulter beaucoup de trajectoires assez sinueuses.
Dans L’Étrange défaite, l’un de ces maîtres livres écrits à chaud pendant la Seconde Guerre mondiale, Marc Bloch avait bien vu que rien n’était aussi clair, le pacifisme des années 1920-1930, soulignait-il déjà, eut son rôle dans la défaite de 1940. Par la suite, de bons historiens, comme Jean-François Sirinelli, étudièrent plus spécifiquement ce phénomène. Il n’empêche que les vieux clichés avaient la vie dure. La mise en cause de René Bousquet et de Maurice Papon ouvrit sans doute définitivement les yeux : deux radicaux avaient bel et bien mis leurs compétences au service de Vichy.
Économiste et historien, Simon Epstein a lui aussi contribué à abattre quelques confortables idées reçues en publiant, il y a sept ans, un livre iconoclaste, consacré à plusieurs dreyfusards passés dans les rangs de la Collaboration. Dans ce nouvel ouvrage, il poursuit son enquête, affine sa démonstration et soulève un autre lièvre en partant à la recherche des antisémites présents au sein de la France libre.
Doriot contre l’antisémitisme
À dire vrai, les pages relatives à ces investigations ne sont pas les plus convaincantes. Autour du général de Gaulle, à Londres, il y eut sans doute quelques hommes peu philosémites, mais ils demeurèrent isolés. Il serait plus exact de reconnaître qu’à côté de figures venues de la gauche, comme Georges Boris, René Cassin et Pierre Brossolette, beaucoup de Français libres ou de grands résistants avaient été des lecteurs de L’Action française, sans nécessairement partager les sentiments de Maurras envers les Juifs. Quelques-uns étaient dans ce dernier cas, mais leur nombre n’est guère significatif.
Plus riches d’enseignement sont les passages dans lesquels Simon Epstein dévoile des dizaines d’itinéraires étonnants, insoupçonnés, de progressistes souvent très actifs après la Première Guerre mondiale au sein des organisations antiracistes et qui, à partir d’un certain moment, versèrent dans l’antisémitisme.
En 1931, Doriot était encore sympathisant de la Lica (Ligue internationale contre l’antisémitisme), Paul Chack, fusillé à la Libération, était présent le 10 mai 1933 à une grande réunion publique de protestation contre l’antisémitisme nazi au Trocadéro. Exécuté lui aussi en 1945, le journaliste Paul Ferdonnet, de sinistre mémoire, proclamait de son côté en 1934 son horreur du racisme allemand. Figure de Je suis partout, Pierre-Antoine Cousteau se révèle sous les traits d’un pacifiste convaincu, ami des Juifs. Membre du cabinet de Léo Lagrange en 1936, le socialiste Marc Augier deviendra quant à lui l’écrivain Saint-Loup, chantre des SS sous l’influence d’Alphonse de Chateaubriant lui-même ancien dreyfusard. A ce tableau éloquent, il faut enfin ajouter plusieurs ministres de Vichy au premier rang desquels Pierre-Etienne Flandin, René Belin, Lucien Romier, marcel Peyroutou et Joseph Barthélemy : tous dans les années 1920 ou 1930 s’étaient élevés contre les persécutions.
Pas d’explication
Simon Epstein ne propose pas une véritable explication du phénomène troublant qu’il constate et éclaire. De fait, il est difficile de trouver une grille d’interprétation unique. Tout au plus peut-on remarquer que pour beaucoup le tournant se situa au milieu des années 1930, quand arrivèrent en grand nombre des Juifs venus d’Europe centrale, porteurs de traditions et de cultures particulières. Le pacifisme est évidemment une autre clef importante : il est facile d’imaginer que pour des gens farouchement opposés à toute action armée, les Juifs, à partir d’un certain moment, devinrent des fauteurs de guerre, objets d’une haine inexpiable.
En sens inverse, un nationalisme sincère et conséquent prédisposait à la Résistance, comme l’attestent tant d’exemples, du colonel Rémy à Pierre de Bénouville en passant par Honoré d’Estienne d’Orves.
Un paradoxe français: antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance de Simon Epstein Albin Michel, 124 p., 28 €.
Voir enfin:
Mardi, 6 mai 2008 à partir de 21h00
Sur l’antisémitisme
Arte
De la recherche sur l’antisémitisme
Economiste et historien, Simon Epstein vit à Jérusalem depuis 1974. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages relatifs au racisme et à l’antisémitisme.
Prochain livre à paraître chez Albin Michel : Un paradoxe français. Antiracistes dans la collaboration, antisémites dans la résistance
La recherche sur l’antisémitisme se caractérise par son volume, qui est impressionnant, et par sa qualité, qui l’est nettement moins. Elle tend en effet à se précipiter vers certaines avenues à très fort taux de fréquentation, et elle laisse de côté de vastes territoires à peine défrichés, voire à peine entrevus. Elle néglige des questions passionnantes qu’elle n’aborde que très rarement.
Il y a à cela plusieurs raisons, dont certaines sont universelles : elles tiennent au mimétisme, au conformisme et aux redondances qui encombrent toute recherche universitaire, sur quelque sujet que ce soit… Une autre raison est spécifique au domaine de l’antisémitisme, et c’est celle-là qu’il convient d’évoquer, ici, très brièvement. L’antisémitisme est en effet une réalité qui continue à se manifester, en intensités plus ou moins fortes et sous des formes qui varient avec le temps et les lieux. L’antisémitisme fait encore parler de lui, et il ne va pas cesser de le faire. Or la recherche universitaire, consciemment ou non, considère qu’elle ne peut rester neutre face à ses développements présents et futurs. Quittant le domaine de l’observation et de l’étude, elle adopte une posture pédagogique qui met en échec, sous bien des aspects, les postulats fondamentaux censés présider à toute démarche scientifique. Elle tend à franchir, d’un mouvement certes naturel, et certes compréhensible, la barrière qui sépare la dénonciation (véhémente) d’un phénomène de l’analyse (objective) de ce même phénomène.
Je donnerai un premier exemple. L’antisémitisme est un phénomène essentiellement cyclique, qui fait alterner –pour l’ensemble du monde occidental – des périodes chaudes et des phases de régression. Les statistiques des violences antijuives, publiées dans de nombreux pays, le montrent bien. Or les instituts de recherche sur l’antisémitisme sont incapables de percevoir et d’accepter ce caractère cyclique et récurrent. Ils répugnent à l’idée qu’après avoir annoncé dramatiquement que « ça monte, ça monte », ils doivent maintenant, pendant quelques années, admettre que « ça baisse ». Ils répugnent à le faire et, dans bien des cas, ils ne le font pas, parce qu’ils redoutent une démobilisation des consciences, auparavant éveillées. Il s’agit d’une attitude aberrante qu’on retrouve souvent, et qui s’est manifestée massivement à la fin de la dernière vague anti-juive, celle des années 2000-2005. La crise fut une vraie crise, elle fut même la plus forte que connut le monde occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La décrue ne durera qu’un temps et de prochaines éruptions ne manqueront pas de se produire, mais il y a là un cas classique de « résistance à la baisse »…
Autre modèle de comportements qui sont légitimes pour des militants antiracistes ou pour des journalistes mobilisés, mais qui sont inadmissibles pour des chercheurs universitaires. Ainsi, écrire des articles ou publier des travaux savants, approfondis et péremptoires sur des pays dont on ne lit ni ne parle la langue, et dont on ignore tout, ou à peu près tout… Une étude sur la haine antijuive dans les pays arabes fut publiée il y a quelques années par un chercheur, professeur à l’Université de Jérusalem, ne parlant ou ne lisant pas un mot d’arabe. Toutes ses sources étaient des sources secondaires en anglais, et il n’a fait qu’ajouter, à ce socle documentaire établi par d’autres, ses propres interprétations indignées. La aussi, la volonté obsessive de dénoncer le danger, le souci impérieux d’apporter sa contribution au concert protestataire, conduit à bafouer l’une des règles élémentaires de toute recherche… celle qui veut qu’on soit capable de détecter et de comprendre, soi-même, les textes qu’on commente avec volubilité et conviction.
Plus généralement, cette préoccupation didactique conduit la recherche universitaire sur l’antisémitisme à se cantonner au simple et à l’évident et à fuir les questions plus complexes et plus difficiles. L’une de ces questions fondamentales est la question des mutations. Elles conduisent les philosémites et les antiracistes déclarés à changer d’attitude et à devenir antisémites, ou, réciproquement, elles amènent certains antisémites à faire amende honorable et à devenir amis des Juifs. Je viens de consacrer tout un livre à ces questions, et je peux témoigner de la richesse et de l’étendue du domaine qui reste encore à explorer en la matière [1].
Je prends la liberté de tirer de ce livre deux exemples directement liés aux deux films ici présentés.
a) Les Protocoles des Sages de Sion m’invitent à parler d’Henri Rollin. Voici un homme irréprochable, officier de marine, spécialiste du renseignement, qui se lance, dans les années 1930, dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Il publie notamment un gros livre dénonçant les Protocoles des Sages de Sion et démontrant qu’il s’agit d’un faux grossier et exécrable. Son Apocalypse de notre temps (1939) est citée, jusqu’à aujourd’hui, dans la très abondante littérature consacrée aux Protocoles. Et que devient Rollin pendant la guerre? Homme de confiance de l’amiral Darlan, il est promu directeur de la Sûreté nationale. En d’autres termes, le dénonciateur de l’antisémitisme des Protocoles sera, pour un temps assez long, chef des polices d’Etat du régime de Vichy [2] .
b) L’un des paragraphes les plus significatifs, et les moins retenus, de Mein Kampf, est celui où Hitler raconte, aux temps de sa jeunesse, son propre passage du philosémitisme à l’antisémitisme. Ce texte est important en soi, et il mérite d’être analysé avec toute la circonspection qui s’impose. Mais il est important aussi par son effet d’exemple et d’entraînement. J’ai ainsi trouvé trois Français, antiracistes dans les années 1930 – chacun à sa manière – et versant dans l’antisémitisme un peu plus tard, qui feront explicitement référence à cette mutation originelle d’Hitler pour illustrer ou pour justifier leur propre translation de l’antiracisme vers la haine antijuive [3].
Cette question des mutations est à vrai dire une question essentielle, qu’il s’agisse de militants ou d’intellectuels suivis individuellement, ou qu’il s’agisse de courants idéologiques ou de secteurs d’opinion qui basculent vers un racisme qu’auparavant ils récusaient. Elle explique beaucoup de choses, en particulier sur l’antisémitisme, en général sur l’histoire politique. Elle fait progresser nos connaissances, elle ouvre des horizons nouveaux, vers lesquels il faudrait se porter.
Or ces mutations, qui se sont produites dans tous les pays, et en premier lieu, bien sûr, en Allemagne, n’ont été que très peu étudiées, très peu discutées… Cette lacune historiographique n’est pas fortuite, loin de là. C’est que la notion de « mutation », en matière d’antisémitisme et de racisme, nuit à la clarté et à l’efficience du message didacto-protestataire. Elle introduit un élément trouble, qui déstabilise et qui inquiète. Elle bouleverse les données de base d’un récit qui pour être compris, et admis, doit être émouvant et linéaire à la fois. Elle brise les clivages entre « bons » et « méchants », puisqu’elle évoque des « bons » qui deviennent « méchants » et des « méchants » qui deviennent « bons ». Bref, ces mutations sont hautement « instructives », au plan scientifique. Mais elles ne sont pas du tout « éducatives », pour ce qui est de leur impact sur les jeunes générations et le grand public. D’où la tentation, quand la logique militante l’emporte sur la logique historienne, de n’en rien dire.
[1] Simon Epstein, Un paradoxe français. Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Albin Michel, 2008
[2] Ibid., pp. 68-73.
[3] Ibid., pp. 386-387.
Voir par ailleurs :
Fifty Years of French Intellectual Bias against Israel
An Interview with Simon Epstein
Jerusalem Center for Public Affairs
1 January 2003
In recent years France has stood out negatively, not only because of its many violent assaults on Jews and their institutions but also due to the often anti-Semitic intellectual and media attacks on Israel. Simon Epstein, researcher at the Vidal Sassoon International Center for the Study of anti-Semitism at the Hebrew University of Jerusalem, points out that the origins of French intellectual anti-Israelism date back almost to the creation of the Jewish state. To gain a perspective on present problems, one must have a better understanding of its historical development.
The Soviet Doctors’ Trial
Epstein elaborates on one early, particularly low point of moral abuse against Zionism: « In November 1947 the Soviet Union voted in the United Nations for the creation of the Jewish State; therefore, French communist intellectuals had a positive attitude toward Israel. When, after a few years, the Soviet Union started to adopt anti-Zionist and anti-Semitic positions, the views of many French communists also shifted.
« In January 1953 the newspaper Pravda broke the news of the indictment of nine doctors, six of whom were Jews. They were accused of having caused the death of leading Soviet figures by incorrect diagnoses and treatment, and of planning further assassinations. At the same time, the Soviet press intensified its campaign against ‘Cosmopolitanism and Zionism.’
« French communist intellectuals organized a major solidarity rally in Paris in support of the official Soviet position on the ‘doctors’ plot.’ The organizers saw to it that there were enough Jews among the many speakers on the podium. The key figure was Annie Kriegel, who later became a fervent anti-communist and pro-Zionist, and wrote for the right wing daily Le Figaro.
« The message of the speakers was frightening. Many of them explained that it was normal to suspect doctors of poisoning people: one only had to look at Mengele’s role in Auschwitz. If he was capable of what he did, why should other physicians not use poison? A Jewish physician was among those who publicly took such a stand. As a medical doctor, he bore witness that the charge was not absurd. He also based his position on the misconduct of German physicians during the Second World War, stating that it could not be definitely excluded that Jews or Zionists decided to poison Soviet personalities. (In later years he very much regretted his words.) »
Instrumentalizing Jewish Communities
« The moral aberration of these ‘witnesses’ was so great because France, unlike the Soviet Union, was a free country. The speakers spoke voluntarily. Communist organizations also arranged a large media campaign. Intellectuals wrote articles about the ‘criminal doctors,’ or signed petitions against them. Again, Communist Party organizers saw to it that many Jews were among the signatories.
« This party contained identified Jewish organizations, among them L’Union des Societes Juives de France and the MRAP movement against racism. Both were mobilized for agitation on the ‘doctors’ plot.’ Many anti-Semitic themes used at that time resurfaced in anti-Israeli campaigns following the Six Day War in 1967.
« The initial intensity of these campaigns was much lower than in the pre-war decade. The communists attacked Zionism, while always recognizing — like the Soviet Union — Israel’s right to exist. In the 1950s they dominated the French Left. Trotskyism was very small then, expanding only twenty years later after the events of May 1968, when communism began losing power.
« At about that time, the extreme right gained strength in France. By 1953 all collaborators condemned after the war had been freed. Many took part in the French democratic society, where everybody is entitled to assemble and express himself. The extreme right-wing press again published anti-Semitic articles. A rightist populist movement led by Pierre Poujade won about 50 seats in the Parliament at the time. It concentrated its attacks against Pierre Mendes France, a progressive Jew who had become Prime Minister in 1954. The anti-Zionist publicity was almost entirely fed by the Communists. »
The Characteristics of French Intellectualism
Epstein explains the multiple deviations of French intellectualism by referring to its general characteristics: « It is typified by a tendency toward extremism. The French intellectual’s position is by necessity one of representing absolute morality and imparting the feeling that his analysis is the only justified one. He must be confrontational and define enemies; nuances and intermediary positions are not permitted.
« Another characteristic concerns the way the intellectual expresses himself: language, which is very important, must always be complex and contain highly rhetorical aspects. Thought departs from reality and is embodied in theoretical constructions aspiring to an absolute world. The combination of these features stimulates major intellectual distortions. »
Epstein provides an unrelated example of the same phenomenon: « Since the 1970s, many French thinkers have been interested in the role of words and the multiplicity of concepts. They have generated schools of intellectuals whose words are incomprehensible. When standing before an audience they produce endless abstractions without using simple words. This leads to an absurd intellectualism, which exists also in the social sciences elsewhere, but has initially been developed in France. »
The Success of Marxism
« Marxist intellectualism was far more than a play of words. The fascination Marxism exerted on major parts of the French left led to a much larger percentage of intellectuals being attracted by it than elsewhere in the West, with the possible exception of Italy. It became extremely successful in post-war France among intellectuals, both in its orthodox communist and in various Trotskyite forms.
« There were multiple reasons for this. Marxism is a superb theoretical construction, opening a fascinating world, which attracted entire generations. Once one accepted it, one could find explanations for everything from short-term issues to long-term developments. It was a complete system, applicable to both politics and history.
« Other factors also played a role. After the Second World War, the Soviet Union enjoyed great esteem in view of its important contribution to the defeat of Nazism. This status added to Marxism’s prestige and to the fascination of its all-embodying theory. »
Another Complete System: Fascism
Epstein points out that in the 1930s, fascism was also a complete system with similar characteristics, and increasingly attracted intellectuals. Some anti-fascists changed their positions radically in 1933 or 1934. Among them Ramon Fernandez and Pierre Drieu la Rochelle. Under the Nazis, the latter would become editor of the leading literary magazine Nouvelle Revue Française (NRF). In their later works one finds an aesthetic fascination with fascism, which also has a reply to all questions.
« Fascism’s attraction to intellectuals who had formerly written against anti-Semitism was very widespread. Among the first to support it in 1933 were pacifists opposing war on Germany. They were not interested in what happened to German Jews. Others changed direction in 1936, and many more followed in 1938 at the time of the Munich agreement. They claimed that the Jews would be responsible for a possible war. Many intellectuals who had formerly written against anti-Semitism became either moderate or extreme anti-Semites. This shift from being pro-Jewish to anti-Semitism was an important phenomenon in the 1930s. »
Epstein has dealt with one aspect of this phenomenon in a book on the attitudes of former supporters of Dreyfus under the German occupation, for which he received a French Academy award. His main and surprising finding is the high probability that if one had been an active, ardent and well-known Dreyfusard during the « Affair, » chances were high that one would later become an anti-Semite.1
Epstein is now working on a new book, dealing with a much broader cross-section of French intellectuals and politicians who supported the Jews and protested against racism and anti-Semitism before World War II. Under the Vichy government and the German occupation, a majority of these favored collaboration in a variety of forms.2
« This major shift from philo-Semitism to anti-Semitism has a double meaning. It confirms the multiple left-wing roots of collaboration with Germany. It also shows the fragility of philo-Semitism and of all systems of Jewish defense against anti-Semitism.
« The search for the absolute manifests itself in different ways in French intellectualism. For instance, France took the intellectual lead in Holocaust denial after the war, as if it had a need to support the Germans after their defeat. This can hardly be explained. »
After the Six Day War
« After the Six Day War and the events of May 1968, intellectual anti-Zionism exploded for a second time. Its student leaders belonged to various factions. Some were Trotskyites and others extreme leftist intellectuals. Among them were many Jews, such as Alain Krivine, leader of a Trotskyite party. Some were communists, who wrote regularly against Israel in the communist daily L’Humanite.
« In June 1967 Benoit Frachon, a leader of the French Communist Party, described the Israeli victory ceremony in Jerusalem in the following terms: ‘The presence of leading personalities from the financial world gave [the ceremony] a different character than the religious fervor which the true believers who participated in it tried to find there….The spectacle gave the impression that, like in Faust, Satan directed the ball. Not even the golden calf was lacking…contemplating its diabolic machinations. In fact, the information indicated that two representatives of the cosmopolitic tribe of bankers, well known in all countries of the world, participated in these Saturnals: Alain and Edmond de Rothschild.’3
« Others attacking Israel were left-wing Gaullists, such as Jacques Debu-Bridel and Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Both had been in the Resistance and had belonged to the extreme right before the war. Yet others, no less vehemently anti-Israeli, like Georges Montaron, came from Catholic-Social backgrounds. In the left-wing Catholic intellectual journal Temoignage Chretien, he constructed an analogy between Christ and the Palestinians.
« In this atmosphere, De Gaulle’s declaration in November 1967 about the Jewish people being a people who were ‘sure of themselves, elitist and inclined to domination’ generated a huge public debate about the loyalty of the Jews to France. The Jewish political philosopher Raymond Aron intervened in the discussion, reproaching De Gaulle for having resurrected ancient anti-Semitic myths. »4
Supporting the PLO
« From 1967 till 1973, while verbal anti-Zionism was strong, classic anti-Semitism seemed insignificant. The extreme right was politically weak. There were few violent incidents against Jews during that period, and many Jews thought that anti-Semitism had finally ended. They were aware of the anti-Zionism, but considered that the old anti-Jewish prejudices had definitely vanished.
« When the PLO made its first public appearance, the intellectuals of the extreme left accepted all its arguments. They entirely supported the Palestinians and delegitimized Israel, expressing themselves in favor of its elimination and the creation of a democratic and secular Palestine in its place.
« The one dominant figure in the extreme left environment who distanced himself from the anti-Zionist campaign was the philosopher Jean-Paul Sartre. The Israeli historian Eli Ben Gal, who was particularly close to him at the time, was a witness to this.
Jewish Reactions
« Many Jewish intellectuals reacted against the attacks on Israel. Among the most important was Jacques Givet with his 1968 book The Left against Israel?5 in which he gave a systematic response to anti-Israeli propaganda. He used the expression ‘neo anti-Semitism’ for the anti-Semitism of those who said they were against anti-Semitism.
« Leon Poliakov published a short hard-hitting book on anti-Zionism in 1969, explaining that it was a form of anti-Semitism.6 Poliakov was well equipped to do so, as he was the first to write a coherent history of anti-Semitism for which he is mainly known — turning its study into a new field of scholarship. Before that, it appeared in Jewish history books in a fragmented way. Poliakov also devoted his attention to the concept of ‘new anti-Semitism.’
« Both authors distinguished between moderate and extreme anti-Zionists. The first category makes a false equivalence between terrorist attacks and Israeli retaliation, using distorted base data of the Israeli-Arab conflict. The second frequently criticizes the Rothschilds — symbols of Jewish wealth — as supporters of Israel. They also reproach pro-Israeli Jews for being more Israeli than French, and deny Israel’s right to exist as a normal state. They thus consider the Jews the only people on earth not entitled to a state of their own.
« Outside France this was seen very clearly by Daniel Elazar who wrote: ‘The passing of the post-war generation in the mid-1970s marked among other things the demise of the taboo against Jew hatred. Now in the early years of the second generation since the Holocaust, the Jewish people must come to understand that we face a new situation, one which will allow certain kinds of expressions of anti-Semitism with relative impunity.’7
« Most anti-Israeli and anti-Semitic motifs appearing in current campaigns were already present more than 30 years ago, albeit in a less intense form. In the early 1970s, the anti-Zionists started a deliberate strategy of presenting the Palestinians as victims and the Jews as perpetrators. The vocabulary of the Holocaust was applied to the Palestinian side of the conflict. This recurred in the war in Lebanon: the Palestinians were presented as confined in camps and in ghettos, the Israelis as barbarian and brutal. »
The War in Lebanon
« In 1982 — during and after the Lebanese war — there was a new outburst of anti-Zionism, often sliding into open anti-Semitism. Again, verbal violence of the leftist intellectuals went very far. There were calls for a boycott on Israel, and the Shoah vocabulary was used when discussing the siege of Beirut in August 1982. That war was much shorter than the present one, and the attacks did not develop in such great detail.
« The philosopher Alain Finkielkraut (1983) gave various examples of Nazi metaphors being applied against Israel. The French daily Liberation wrote that the survivors now resemble their persecutors. Temoignage Chretien called the Palestinians of West Beirut ‘the fighters of the Warsaw Ghetto.’8 The false equivalence with the Shoah focused on another major parallel: the French village Oradour, which was burnt with its inhabitants in 1944 by the Germans — a symbol that evokes strong associations.
« These distortions point to a false interpretation of the Israeli 1982 intervention: exaltation of Palestinian heroic resistance, demonization of Israeli premier Menahem Begin. This was accompanied by accusations of Israeli war crimes, especially after the Sabra and Shatilla tragedy. The second distortion was linked to the reemergence of basic anti-Zionist arguments, emphasizing the illegitimacy of the State of Israel and developing the concept of ‘the criminal State.’
« The attacks sometimes took ridiculous forms. One day a reporter of Le Monde saw Israeli reserve soldiers passing. He wrote that the neglect of their attire was insulting to the Lebanese population. A few days later he saw regular Israeli soldiers passing, and wrote that the correctness of their clothing was insulting to the Lebanese population. This is only a small example of media bias.
« The intellectuals manifested themselves anew against Israel at the beginning of the Intifada in 1988, with much less verbal violence than in 1982, although themes were similar. They called for a boycott on Israel. Nazi language was applied to Israel and magnified Israel’s actions, depicting them as major atrocities. Yet the verbal attacks remained substantially below current levels. »
Physical Violence
« The waves of anti-Israeli verbal violence of the leftist intellectuals should not be confused with those of the physical attacks in France. Physical and intellectual anti-Semitism do not follow the same cycles; they work according to different rhythms. Sometimes they may coincide, as in the past two years, when there has been major verbal violence against Israel and at the same time many physical assaults. »
A number of years ago, Epstein stated in an essay: « The first wave, which came to be dubbed the ‘swastika epidemic,’ was observed in Western Europe, the United States and Latin America. It started with the desecration of a synagogue in Cologne on December 25, 1959 by two young Germans, who were promptly apprehended and severely punished. Some 685 incidents were recorded in Germany, and over 600 in the United States. All told, nearly 2,500 incidents were recorded in 400 localities throughout the world. »9 However, after the 1962 Evian agreements many Algerian Jews arrived in France, and they were not confronted with substantial anti-Semitism.
« The second, much more intense wave of physical violence began in 1974/5, peaking in the early 1980s. Synagogues were burnt. The most dramatic event in France was the bomb outside the synagogue in Copernic Street in Paris in October 1980 that killed four passers-by.10
The 1980s
« In 1982, the intellectual anti-Israeli cycle coincided with the tail-end of the descending classical violent anti-Semitic cycle. Then, as today, a series of symposia on neo anti-Semitism were held. By the middle of the 1980s anti-Semitic violence declined significantly.
« By 1987 the number of incidents of physical violence was mounting once more, with this third wave reaching its peak in 1992. It is unclear what incited this cycle. It could not be the Palestinian Intifada, because that started well before. It seemed almost as if the violence had a natural rhythm.
« The physical attacks increased during the period 1990-1992. In 1990, the Jewish cemetery of Carpentras was desecrated. Initially, the extreme right was blamed. The entire left, including President Mitterrand and many intellectuals, participated in a big anti-fascist protest demonstration in May 1990. From 1992 physical violence declined again, and a number of quiet years followed. The new wave of assaults started just before 2000. »
The Present
« In the last two years, the campaign of physical violence clearly coincided with the intellectual one. Many more violent incidents occurred than ever before in a similar time-span. However, the difference from previous waves is that, according to estimates, about 80 percent of the perpetrators are youngsters from the Maghrebian (Arab) immigrant community. The remaining 20 percent are extreme rightist rowdies, as in the past.
« This leads to four important observations:
1. The number of attacks in France is relatively higher than in any other country. This is due to the fact that it is the main Western country in which the Muslim population is predominantly Arab.
2. Anti-Jewish violence is not exclusively linked to the Israeli-Palestinian conflict, even if triggered by it. There are many indicators that these assaults also have a social basis, as the Maghrebian youth identify the Jews with money and power.
3. A careful look at the statistics shows a rise in incidents before the start of the Intifada.
4. There is some relation to the rise of the extreme right in the last two years, that reached its peak in the presidential election in spring this year when National Front leader Jean-Marie Le Pen eliminated the socialist candidate Lionel Jospin’s access to the second round.
« The wave of intellectual and media hostility against Israel and the Jews expressed itself in the lack of reactions to the burning of synagogues and Jewish centers, especially by leftist circles that reacted very strongly in the past to anti-Semitic incidents perpetrated by the extreme right. Incidents were belittled, because they were perpetrated by young Arab immigrants.
« These developments occur against the background of the discovery by the political parties of the electoral strength of the Arab and Muslim population. For instance, Pascal Boniface, a Socialist strategist, wrote a study for his party stressing that there are ten times more Muslims in France than Jews, and suggesting that it should consequently shift to a more pro-Palestinian position. He also published an article in Le Monde on this subject, which created much polemic. »12
Deafening Silence Accompanies New Attacks
« The deafening silence about the violent anti-Semitic incidents is accompanied by a stream of verbal attacks against Israel which rehash arguments from earlier anti-Zionist campaigns. The moderates compare Sharon to Milosevic; the extremists compare him to Hitler.
« One extreme example of left-wing distortions was an article written by Sara Daniel in the leading intellectual weekly Le Nouvel Observateur, edited by her father Jean. The article dealt with the crimes of honor against women suspected of illegitimate sexual relations in Arab society. It also mentioned, by the way, that Israeli soldiers deliberately rape Palestinian women because they know that, now dishonored, they will be killed upon returning home. Israeli soldiers are thus presented as Machiavellian rapists. The passage had been copied, without mention by the author, from a Palestinian militant source with no credibility whatsoever. Daniel presented it as proven facts. Her father was asked to apologize, and did so half-heartedly.13
« At the same time, another shocking phenomenon has become known: teachers who mention the Holocaust in French classrooms are intimidated by pupils of Maghrebian (Arab) origin, who do not want the Shoah to be taught. A kind of Islamist censorship on teaching the Shoah has emerged — a widespread and well-documented phenomenon.14
« The current emphasis on ‘new anti-Semitism’ is thus futile. Several authors are publishing books on this subject, forgetting history and assuming everything starts today.15 France’s most acclaimed scholar of anti-Semitism, Pierre-Andre Taguieff, has been studying already since 1980 what he calls ‘the new Judeophobia.’16 When I hear people speaking about new anti-Semitism, I always wonder whether they are not simply ignorant of past history. »
Notes
1. Simon Epstein, Les Dreyfusards sous l’Occupation, Paris, Albin Michel, 2001. [French]
2. Simon Epstein, Les Antiracistes dans la Collaboration (provisory title). Publication planned. [French]
3. L’Humanite, June 16, 1967. [French]
4. Raymond Aron, De Gaulle, Israel et les Juifs, Paris, Plon, 1968. [French]
5. Jacques Givet, La Gauche contre Israel, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1968. [French]
6. Leon Poliakov, De l’antisionisme a l’antisemitisme, Paris, Calmann Levy, 1969. [French] See also on the same subject, but in a less scientific and more polemic style Paul Giniewski, L’antisionisme, Brussels, Librairie Encyclopedique, 1973. [French]
7. Patterns of Prejudice, Vol. 16, No. 4, Oct. 1982.
8. Alain Finkielkraut, La Reprobation d’Israel, Paris Denoel/Gonthier, 1983. pp. 122-123. See also on the same subject: Annie Kriegel, Israel est-il coupable?, Paris, Robert Laffont, 1982. [French]
9. Simon Epstein, « Cyclical Patterns in Antisemitism: The Dynamics of Anti-Jewish Violence in Western Countries since the 1950s, » Acta no. 2, Jerusalem, The Hebrew University of Jerusalem, 1993.
10. Simon Epstein, Cry of Cassandra: The resurgence of European anti-Semitism, Bethesda, National Press, 1985.
11. Quoted in L’Arche, March 1983.
12. Pascal Boniface, « Lettre a un ami israelien, » Le Monde, August 4, 2001. See also by the same author: « Est il interdit de critiquer Israel? » Le Monde, August 31, 2001. [French]
13. See Jean Daniel, « Pour cinq lignes que nous regrettons…une erreur et une cabale, » Le Nouvel Observateur, November 22, 2001.
14. See for instance: Eric Conan, « Islam, ce que l’on n’ose pas dire. » L’Express, September 12, 2002.
15. Gilles William Goldnadel, Le nouveau breviaire de la haine, Paris, Ramsay, 2001 and Raphael Draï, Sous le signe de Sion. L’antisemitisme nouveau est arrive, Paris, Michalon, 2001.
16. Pierre-Andre Taguieff, La Nouvelle Judeophobie, Paris, Mille et Une Nuits, 2002.
* * *
Simon Epstein came to Jerusalem in 1974. In France he had been inter alia the secretary general of the French Zionist Federation. He worked as an economist in the budget department of the Israeli Ministry of Finance. Since 1982 he has published books and articles on anti-Semitism and racism. He is a former director of the Vidal Sassoon International Center for the Study of anti-Semitism at the Hebrew University of Jerusalem, where he now carries out research. He also teaches at the Hebrew University.
This interview, by Manfred Gerstenfeld, is based on Dr. Epstein’s lecture, entitled « New and Old Elements in French Anti-Semitism – Monitoring, Analysis and Struggle, » delivered in the JCPA’s first series of Herbert Berman memorial lectures, on April 24, 2002.
Dore Gold and Manfred Gerstenfeld, Co-Publishers. Zvi R. Marom, Editor. Joel Fishman and Chaya Herskovic, Associate Editors. Jerusalem Center for Public Affairs, 13 Tel-Hai St., Jerusalem, Israel; Tel. 972-2-561-9281, Fax. 972-2-561-9112, Email: jcpa@netvision.net.il. In U.S.A.: Center for Jewish Community Studies, 1616 Walnut St., Suite 1005, Philadelphia, PA 19103-5313; Tel. (215) 772-0564, Fax. (215) 772-0566. © Copyright. All rights reserved. ISSN: 1565-3676.
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