Zemmour: La droite mourut d’un crime majoritairement commis par la gauche (Looking back at one of France’s best-kept dirty little secrets: How a pro-Dreyfus left turned anti-Semitic and collaborationist)

30 avril, 2010
Dreyfusards sous l'Occupation (Simon Epstein)Paradoxe français (Simon Epstein) La droite mourut d’un crime majoritairement commis par la gauche (hormis les communistes, bien sûr, mais à partir de juin 1941). Eric Zemmour
Il n’y avait que très peu de Juifs à Linz. Au cours des siècles ils s’étaient européanisés extérieurement et ils ressemblaient aux autres hommes ; je les tenais même pour des Allemands. Je n’apercevais pas l’absurdité de cette illusion, parce que leur religion étrangère me semblait la seule différence qui existât entre eux et nous. Persuadé qu’ils avaient été persécutés pour leurs croyances, les propos défavorables tenus sur leur compte m’inspiraient une antipathie qui, parfois, allait presque jusqu’à l’horreur. Je ne soupçonnais pas encore qu’il pût y avoir des adversaires systématiques des Juifs. (…) Je ne voyais encore dans le Juif qu’un homme d’une confession différente et je continuais à réprouver, au nom de la tolérance et de l’humanité, toute hostilité issue de considérations religieuses. En particulier, le ton de la presse antisémite de Vienne me paraissait indigne des traditions d’un grand peuple civilisé. J’étais obsédé par le souvenir de certains événements remontant au moyen âge et que je n’aurais pas voulu voir se répéter. Les journaux dont je viens de parler n’étaient pas tenus pour des organes de premier ordre. Pourquoi ? Je ne le savais pas alors su juste moi-même. Aussi les considérais-je plutôt comme les fruits de la colère et de l’envie, que comme les résultats d’une position de principe arrêtée, fût-elle fausse.Cette idée fut renforcée en moi par la forme infiniment plus convenable, à mon avis, sous laquelle la véritable grande presse répondait à ces attaques, ou bien, ce qui me paraissait encore plus méritoire, se contentait de les tuer par le silence, n’en faisant pas la moindre mention. Je lus assidûment ce qu’on appelait la presse mondiale (la Neue Freie Presse, le Wiener Tagblatt, etc.) ; je fus stupéfait de voir avec quelle abondance elle renseignait ses lecteurs et avec quelle impartialité elle traitait toutes les questions. Il me fallut reconnaître qu’un des journaux antisémites, le Deutsches Volksblatt, avait beaucoup plus de tenue dans de pareilles occasions. (…) Je n’approuvais pas son antisémitisme agressif, mais j’y trouvais parfois des arguments qui me donnaient à réfléchir. (…) Mais si, de même, mon jugement sur l’antisémitisme se modifia avec le temps, ce fut bien là ma plus pénible conversion. Hitler (Mein Kampf)
Faut-il accorder foi à cette confession ? Hitler dicte ces lignes en 1925, à une époque où il est déjà antisémite. L’historiographie connait mal ses jeunes années, ce qui nous empêche d’établir avec certitude si cette évocation de son philosémisitme initial est sincère ou si elle n’est que rhétorique, destinée à accréditer la profession de foi antisémite qui lui fait suite … Simon Epstein
Le racisme allemand fait horreur à notre sensibilité latine. Paul Ferdonnet (correspondant de presse à Berlin, 1934)
Cette race maudite trouve dans l’horreur de la guerre la joie sauvage de détruire la civilisation chrétienne. Paul Ferdonnet (« La guerre juive », 1938)
J’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le général de Gaulle l’emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive, c’est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabées. Alain (Journal, 1940)
Les médecins français estiment qu’un très grand service a été rendu à la cause de la paix par la mise hors d’état de nuire de ce groupe de criminels, d’autant plus odieux qu’ils ont abusés de la confiance naturelle de leurs malades pour attenter à leur vie. Raymond Leibovici (chirurgien, ancien membre du mouvement de résistance communiste Front national)
La présence de personnalités du monde financier de premier plan a donné [à la cérémonie] un caractère différent de la ferveur religieuse que les vrais croyants qui y participaient tentaient d’y trouver …. Le spectacle donnait l’impression que, comme dans Faust, Satan menait le bal. Pas même le veau d’or ne manquait… contemplant ses machinations diaboliques. En fait, l’information indiquait que deux représentants de la tribu cosmopolite des banquiers, bien connus dans tous les pays du monde, participaient à ces saturnales: Alain et Edmond de Rothschild. Benoit Frachon (L’Humanité, 16 Juin 1967)
Si par exemple le pacifisme a fourni tant de recrues à la collaboration, c’est que les pacifistes, incapables d’enrayer la guerre, avaient tout à coup décidé de voir dans l’armée allemande la force qui réaliserait la paix. Leur méthode avait été jusque là la propagande et l’éducation. Elle s’était révélée inefficace. Alors ils se sont persuadés qu’ils changeaient seulement de moyens :ils se sont placés dans l’avenir pour  juger de l’actualité et ils ont vu la victoire nazie apporter au monde une paix allemande comparable à la fameuse paix romaine ; (…) Ainsi est né un des paradoxes les plus curieux de ce temps : l’alliance des pacifistes les plus ardents avec les soldats d’une société guerrière. Sartre
Les organisations humanitaires et une partie de la gauche occidentale, l’extrême gauche surtout, souffrent d’un complexe post-colonial. Les anciens colonisés sont perçus comme des victimes absolues, pour les uns, comme la force motrice de l’histoire, pour les autres. Ils jouissent d’un droit intangible à la bienveillance morale et au soutien politique, quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent. Le fanatisme est permis, pourvu qu’il soit tiers-mondiste. La discrimination est justifiée, à condition qu’elle soit pratiquée dans un pays d’Afrique ou d’Asie. Le massacre est excusable, quand il est commis par des États non-européens. On a déjà assisté à cette même veulerie face aux haines, à cette même incapacité à voir le Mal, dans d’autres contextes historiques. Qu’on se souvienne de la complaisance des communistes européens, et notamment français, face à la terreur stalinienne et au goulag. Qu’on se souvienne aussi de l’indulgence de la gauche pacifiste française face à l’Allemagne nazie des années 1930. L’Allemagne était perçue comme victime du militarisme français et du traité de Versailles… Sous l’Occupation, de nombreux collaborateurs enthousiastes, et de très haut rang, proviendront de cette gauche pacifiste et humanitaire.
La politique d’apaisement vis-à-vis de l’Iran d’Ahmadinejad est fondée sur la même incompréhension que celle qui fut menée face à Hitler à la fin des années 1930, par l’Angleterre et la France. Ce prétendu réalisme, au nom duquel il faut faire des concessions et pratiquer l’ouverture, procède certes d’un réflexe très humain. Mais il témoigne d’une méconnaissance profonde de l’adversaire. On est en face, dans les deux cas, d’une machine de guerre très habile et très bien organisée, qui connaît et qui exploite fort bien les faiblesses de l’Occident démocratique. Il faut laisser Obama tendre la main à l’Iran, mais il comprendra vite – s’il est intelligent, et je crois qu’il l’est -, à qui il a affaire. Le fait que les États-Unis aient boycotté la conférence est un bon signe, qui confirme qu’ils ne sont pas prêts à accepter n’importe quoi. On peut en revanche regretter que la France n’ait pas saisi qu’il est des endroits où l’on ne va pas. Il est des carnavals de rage et d’absurdité auxquels un pays démocratique se doit de rester étranger. Simon Epstein
Henri Rollin. Voici un homme irréprochable, officier de marine, spécialiste du renseignement, qui se lance, dans les années 1930, dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Il publie notamment un gros livre dénonçant les Protocoles des Sages de Sion et démontrant qu’il s’agit d’un faux grossier et exécrable. Son Apocalypse de notre temps (1939) est citée, jusqu’à aujourd’hui, dans la très abondante littérature consacrée aux Protocoles. Et que devient Rollin pendant la guerre? Homme de confiance de l’amiral Darlan, il est promu directeur de la Sûreté nationale. En d’autres termes, le dénonciateur de l’antisémitisme des Protocoles sera, pour un temps assez long, chef des polices d’Etat du régime de Vichy
L’un des paragraphes les plus significatifs, et les moins retenus, de Mein Kampf, est celui où Hitler raconte, aux temps de sa jeunesse, son propre passage du philosémitisme à l’antisémitisme. Ce texte est important en soi, et il mérite d’être analysé avec toute la circonspection qui s’impose. Mais il est important aussi par son effet d’exemple et d’entraînement. J’ai ainsi trouvé trois Français, antiracistes dans les années 1930 – chacun à sa manière – et versant dans l’antisémitisme un peu plus tard, qui feront explicitement référence à cette mutation originelle d’Hitler pour illustrer ou pour justifier leur propre translation de l’antiracisme vers la haine antijuive.
Ces mutations, qui se sont produites dans tous les pays, et en premier lieu, bien sûr, en Allemagne, n’ont été que très peu étudiées, très peu discutées… Cette lacune historiographique n’est pas fortuite, loin de là. C’est que la notion de « mutation », en matière d’antisémitisme et de racisme, nuit à la clarté et à l’efficience du message didacto-protestataire. Elle introduit un élément trouble, qui déstabilise et qui inquiète. Elle bouleverse les données de base d’un récit qui pour être compris, et admis, doit être émouvant et linéaire à la fois. Elle brise les clivages entre « bons » et « méchants », puisqu’elle évoque des « bons » qui deviennent « méchants » et des « méchants » qui deviennent « bons ». Bref, ces mutations sont hautement « instructives », au plan scientifique. Mais elles ne sont pas du tout « éducatives », pour ce qui est de leur impact sur les jeunes générations et le grand public. D’où la tentation, quand la logique militante l’emporte sur la logique historienne, de n’en rien dire.
Que le pacifisme fut le vecteur principal de la collaboration, que les pacifistes furent nombreux à collaborer, et qu’ils fournirent de très nombreux collaborateurs, que la gauche fut dominante dans la collaboration parce qu’elle fut dominante dans le pacifisme – toutes ces vérités dérangeantes échapperont aux politiciens, aux polémistes et aux historiens soucieux d’inculper « toutes les droites » et de leur faire porter le chapeau exclusif des erreurs, des trahisons et des crimes qui ont endeuillé, à jamais, les années 1940-1944. Ils chargeront Maurras de forfaits commis par des gens qui, pour beaucoup, étaient des anti-maurrassiens endurcis. Ils s’acharneront sur La Rocque, qui, vraiment, n’y était pour rien. Ils débusqueront des « fascistes » un peu partout, y compris (et surtout là) où il n’y en avait pas et ils ignoreront les pacifistes intransigeants et candides à la fois, qui se fascinèrent pour l’Allemagne et Hitler autant qu’ils étaient pris d’empathie, quelques années auparavant, pour celle de Stresemann. Ils poursuivront de leur vindicte ceux qui disaient « mieux vaut Hitler que Blum » ou « mieux vaut Hitler que Staline » mais déborderont de prévenance pour ceux qui, au même moment, avec autant de souffle et autant de conviction, scandaient: « Mieux vaut la servitude que la guerre ». Simon Epstein

La gauche m’a tuer

Dreyfusards et antiracistes dans la Collaboration (Jacques Doriot, grande figure du PCF puis fondateur du pro-fasciste Parti Populaire Français et de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme; Marcel Déat, leader socialiste et sympathisant de la LICA; Paul Chack; Jean-Marie Balestre, président récemment décédé de la Fédération internationale du sport automobile, ancien de la LICA devenu Waffen SS; radicaux Bousquet et Papon; socialiste Marc Augier recyclé en chantre des SS; ancien dreyfusard Alphonse de Chateaubriant; journaliste antiraciste Paul Ferdonnet puis salarié de la radio allemande; pacifiste philosémite Pierre-Antoine Cousteau métamorphosé en figure de Je suis partout; antiracistes devenus ministres de Vichy comme Pierre-Etienne Flandin, René Belin, Lucien Romier, Marcel Peyroutou et Joseph Barthélemy) …

Antidreyfusards et antisémites plus ou moins repentis dans la Résistance (d’Astier de La Vigerie, maurrassien Du Jonchay, colonel Rémy, Pierre de Bénouville, Honoré d’Estienne d’Orves) …

Autre mérite et (re)découverte à l’heure où l’une de nos rares vraies voix libérales semble être tombée elle aussi dans le piège d’un prétendu Etat d’Israël binational, du dernier livre de notre Zemmour national …

Son rappel que la « sempiternelle mystique impériale du continent et de la ‘paix romaine’  » qui avaient conduit les communistes à « déplacer Rome jusqu’à Moscou » avaient aussi conduit nombre de socialistes jusqu’à Berlin!

S’appuyant sur les travaux de l’historien franco-israélien Simon Epstein (notamment « Un paradoxe français: antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance », 2008) sur la complexité de trajectoires militantes sous Vichy, il revient en effet sur l’un des tabous les plus jalousement gardés de la gauche française.

A savoir, derrière ces chassés-croisés militants si déroutants, comment à partir du moment où avec l’arrivée massive de réfugiés d’Europe centrale, les juifs leurs semblèrent potentiellement des causes – et parfois des militants – de la guerre avec Hitler, la collaboration fut pour beaucoup « la continuation de l’antiracisme et du dreyfusisme ».

Mais aussi inversement « la domination sans conteste, à Londres et dans les premiers maquis, de la gente d’extrême-droite ».

Et par conséquent qu’enfin « le vrai clivage politique qui éclaire l’histoire de la France du XXe siècle n’est pas entre la droite et la gauche, mais entre la guerre et la paix », autrement dit le rapport au pacifisme.

Ce qui, comme le rappelle également Epstein, aide à comprendre certaines positions de nos gauchistes actuels par rapport à Israël désigné par nos nouveaux munichois comme l’unique fauteur de guerre de la planète.

Et à tout sioniste accusé, pour voler au secours de ses coreligionnaires menacés en Israël, de vouloir entrainer aujourd’hui comme avant le monde dans « leur guerre » …

De l’art de retourner sa veste
Marc Riglet
L’Express
le 01/05/2008

La qualification du régime de Vichy est source d’infinies controverses. Longtemps, ce fut une façon matoise de ne pas l’accabler en soulignant que nombre de son personnel politique était originaire de la gauche et que c’était la «Chambre du Front populaire» qui avait consenti à son installation. Le même «paradoxe» était relevé pour la Collaboration parisienne, les droites et extrêmes droites d’après-guerre aimant à rappeler avec gourmandise les itinéraires fascistes de l’ex-communiste Doriot, du néosocialiste Déat et du radical Gaston Bergerie.

Simon Epstein apporte de nouvelles et précieuses lumières. Cela tient au léger décentrement qu’il imprime à son objet d’étude. Plutôt que de scruter les «dérives» de la gauche vers la droite, il considère le marqueur «antisémitisme» et il s’interroge sur son caractère décisif ou non dans le choix fait par les élites politiques soit de Vichy et de la Collaboration, soit de la Résistance. On est alors frappé par la foule de ceux qui, ayant milité dans les années 1930 à la LICA, l’ancêtre de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, s’abîmeront dans les pires engagements de la Collaboration. Un seul exemple, celui de Jean-Marie Balestre, le président de la puissante Fédération internationale du sport automobile, récemment décédé. Ancien Waffen SS, Jean-Marie Balestre était, en 1939 encore, membre du bureau des jeunes de la LICA. Or une telle volte-face n’est en rien une bizarrerie. En offrant près d’un millier de notices biographiques, toutes excellemment troussées, Simon Epstein brosse le tableau accablant de ces métamorphoses qui voient l’antiraciste d’avant-guerre verser, à partir de 1940, dans l’antisémitisme le plus abject. Les cas de figure inverses, l’antisémite entrant en résistance, renonçant à son préjugé comme d’Astier de La Vigerie, ou bien ne s’en départant pas comme le maurrassien Du Jonchay, sont finalement plus connus. Mais ce qui confère au livre de Simon Epstein sa portée essentielle tient à la mise en évidence de la variable principale qui détermine les choix de l’engagement. Plus que la gauche ou la droite, plus que l’antiracisme ou l’antisémitisme, c’est le pacifisme qui fait le tri. C’est bien parce que ce fléau idéologique leur fut épargné que «celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas» surent trouver, le moment venu, les chemins de l’honneur.

Voir aussi:

Tous n’étaient pas des anges
Éric Roussel
Le Figaro
14/05/2008
Simon Epstein enquête sur un constat paradoxal: des antiracistes choisissent la Collaboration et des antisémites la Résistance.

Pendant très longtemps tout parut clair et logique. Le régime de Vichy était présenté comme un système revanchard, peuplé de personnages pratiquement tous classés à l’extrême droite. Ce simplisme avait quelque chose de rassurant: il évitait de se poser trop de questions gênantes sur la fin de la IIIe République; il permettait surtout d’occulter beaucoup de trajectoires assez sinueuses.

Dans L’Étrange défaite, l’un de ces maîtres livres écrits à chaud pendant la Seconde Guerre mondiale, Marc Bloch avait bien vu que rien n’était aussi clair, le pacifisme des années 1920-1930, soulignait-il déjà, eut son rôle dans la défaite de 1940. Par la suite, de bons historiens, comme Jean-François Sirinelli, étudièrent plus spécifiquement ce phénomène. Il n’empêche que les vieux clichés avaient la vie dure. La mise en cause de René Bousquet et de Maurice Papon ouvrit sans doute définitivement les yeux : deux radicaux avaient bel et bien mis leurs compétences au service de Vichy.

Économiste et historien, Simon Epstein a lui aussi contribué à abattre quelques confortables idées reçues en publiant, il y a sept ans, un livre iconoclaste, consacré à plusieurs dreyfusards passés dans les rangs de la Collaboration. Dans ce nouvel ouvrage, il poursuit son enquête, affine sa démonstration et soulève un autre lièvre en partant à la recherche des antisémites présents au sein de la France libre.

Doriot contre l’antisémitisme

À dire vrai, les pages relatives à ces investigations ne sont pas les plus convaincantes. Autour du général de Gaulle, à Londres, il y eut sans doute quelques hommes peu philosémites, mais ils demeurèrent isolés. Il serait plus exact de reconnaître qu’à côté de figures venues de la gauche, comme Georges Boris, René Cassin et Pierre Brossolette, beaucoup de Français libres ou de grands résistants avaient été des lecteurs de L’Action française, sans nécessairement partager les sentiments de Maurras envers les Juifs. Quelques-uns étaient dans ce dernier cas, mais leur nombre n’est guère significatif.

Plus riches d’enseignement sont les passages dans lesquels Simon Epstein dévoile des dizaines d’itinéraires étonnants, insoupçonnés, de progressistes souvent très actifs après la Première Guerre mondiale au sein des organisations antiracistes et qui, à partir d’un certain moment, versèrent dans l’antisémitisme.

En 1931, Doriot était encore sympathisant de la Lica (Ligue internationale contre l’antisémitisme), Paul Chack, fusillé à la Libération, était présent le 10 mai 1933 à une grande réunion publique de protestation contre l’antisémitisme nazi au Trocadéro. Exécuté lui aussi en 1945, le journaliste Paul Ferdonnet, de sinistre mémoire, proclamait de son côté en 1934 son horreur du racisme allemand. Figure de Je suis partout, Pierre-Antoine Cousteau se révèle sous les traits d’un pacifiste convaincu, ami des Juifs. Membre du cabinet de Léo Lagrange en 1936, le socialiste Marc Augier deviendra quant à lui l’écrivain Saint-Loup, chantre des SS sous l’influence d’Alphonse de Chateaubriant lui-même ancien dreyfusard. A ce tableau éloquent, il faut enfin ajouter plusieurs ministres de Vichy au premier rang desquels Pierre-Etienne Flandin, René Belin, Lucien Romier, marcel Peyroutou et Joseph Barthélemy : tous dans les années 1920 ou 1930 s’étaient élevés contre les persécutions.

Pas d’explication

Simon Epstein ne propose pas une véritable explication du phénomène troublant qu’il constate et éclaire. De fait, il est difficile de trouver une grille d’interprétation unique. Tout au plus peut-on remarquer que pour beaucoup le tournant se situa au milieu des années 1930, quand arrivèrent en grand nombre des Juifs venus d’Europe centrale, porteurs de traditions et de cultures particulières. Le pacifisme est évidemment une autre clef importante : il est facile d’imaginer que pour des gens farouchement opposés à toute action armée, les Juifs, à partir d’un certain moment, devinrent des fauteurs de guerre, objets d’une haine inexpiable.

En sens inverse, un nationalisme sincère et conséquent prédisposait à la Résistance, comme l’attestent tant d’exemples, du colonel Rémy à Pierre de Bénouville en passant par Honoré d’Estienne d’Orves.

Un paradoxe français: antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance de Simon Epstein Albin Michel, 124 p., 28 €.

Voir enfin:

Mardi, 6 mai 2008 à partir de 21h00
Sur l’antisémitisme
Arte
De la recherche sur l’antisémitisme

Economiste et historien, Simon Epstein vit à Jérusalem depuis 1974. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages relatifs au racisme et à l’antisémitisme.

Prochain livre à paraître chez Albin Michel : Un paradoxe français. Antiracistes dans la collaboration, antisémites dans la résistance
La recherche sur l’antisémitisme se caractérise par son volume, qui est impressionnant, et par sa qualité, qui l’est nettement moins. Elle tend en effet à se précipiter vers certaines avenues à très fort taux de fréquentation, et elle laisse de côté de vastes territoires à peine défrichés, voire à peine entrevus. Elle néglige des questions passionnantes qu’elle n’aborde que très rarement.

Il y a à cela plusieurs raisons, dont certaines sont universelles : elles tiennent au mimétisme, au conformisme et aux redondances qui encombrent toute recherche universitaire, sur quelque sujet que ce soit… Une autre raison est spécifique au domaine de l’antisémitisme, et c’est celle-là qu’il convient d’évoquer, ici, très brièvement. L’antisémitisme est en effet une réalité qui continue à se manifester, en intensités plus ou moins fortes et sous des formes qui varient avec le temps et les lieux. L’antisémitisme fait encore parler de lui, et il ne va pas cesser de le faire. Or la recherche universitaire, consciemment ou non, considère qu’elle ne peut rester neutre face à ses développements présents et futurs. Quittant le domaine de l’observation et de l’étude, elle adopte une posture pédagogique qui met en échec, sous bien des aspects, les postulats fondamentaux censés présider à toute démarche scientifique. Elle tend à franchir, d’un mouvement certes naturel, et certes compréhensible, la barrière qui sépare la dénonciation (véhémente) d’un phénomène de l’analyse (objective) de ce même phénomène.

Je donnerai un premier exemple. L’antisémitisme est un phénomène essentiellement cyclique, qui fait alterner –pour l’ensemble du monde occidental – des périodes chaudes et des phases de régression. Les statistiques des violences antijuives, publiées dans de nombreux pays, le montrent bien. Or les instituts de recherche sur l’antisémitisme sont incapables de percevoir et d’accepter ce caractère cyclique et récurrent. Ils répugnent à l’idée qu’après avoir annoncé dramatiquement que « ça monte, ça monte », ils doivent maintenant, pendant quelques années, admettre que « ça baisse ». Ils répugnent à le faire et, dans bien des cas, ils ne le font pas, parce qu’ils redoutent une démobilisation des consciences, auparavant éveillées. Il s’agit d’une attitude aberrante qu’on retrouve souvent, et qui s’est manifestée massivement à la fin de la dernière vague anti-juive, celle des années 2000-2005. La crise fut une vraie crise, elle fut même la plus forte que connut le monde occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La décrue ne durera qu’un temps et de prochaines éruptions ne manqueront pas de se produire, mais il y a là un cas classique de « résistance à la baisse »…

Autre modèle de comportements qui sont légitimes pour des militants antiracistes ou pour des journalistes mobilisés, mais qui sont inadmissibles pour des chercheurs universitaires. Ainsi, écrire des articles ou publier des travaux savants, approfondis et péremptoires sur des pays dont on ne lit ni ne parle la langue, et dont on ignore tout, ou à peu près tout… Une étude sur la haine antijuive dans les pays arabes fut publiée il y a quelques années par un chercheur, professeur à l’Université de Jérusalem, ne parlant ou ne lisant pas un mot d’arabe. Toutes ses sources étaient des sources secondaires en anglais, et il n’a fait qu’ajouter, à ce socle documentaire établi par d’autres, ses propres interprétations indignées. La aussi, la volonté obsessive de dénoncer le danger, le souci impérieux d’apporter sa contribution au concert protestataire, conduit à bafouer l’une des règles élémentaires de toute recherche… celle qui veut qu’on soit capable de détecter et de comprendre, soi-même, les textes qu’on commente avec volubilité et conviction.
Plus généralement, cette préoccupation didactique conduit la recherche universitaire sur l’antisémitisme à se cantonner au simple et à l’évident et à fuir les questions plus complexes et plus difficiles. L’une de ces questions fondamentales est la question des mutations. Elles conduisent les philosémites et les antiracistes déclarés à changer d’attitude et à devenir antisémites, ou, réciproquement, elles amènent certains antisémites à faire amende honorable et à devenir amis des Juifs. Je viens de consacrer tout un livre à ces questions, et je peux témoigner de la richesse et de l’étendue du domaine qui reste encore à explorer en la matière [1].

Je prends la liberté de tirer de ce livre deux exemples directement liés aux deux films ici présentés.
a) Les Protocoles des Sages de Sion m’invitent à parler d’Henri Rollin. Voici un homme irréprochable, officier de marine, spécialiste du renseignement, qui se lance, dans les années 1930, dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Il publie notamment un gros livre dénonçant les Protocoles des Sages de Sion et démontrant qu’il s’agit d’un faux grossier et exécrable. Son Apocalypse de notre temps (1939) est citée, jusqu’à aujourd’hui, dans la très abondante littérature consacrée aux Protocoles. Et que devient Rollin pendant la guerre? Homme de confiance de l’amiral Darlan, il est promu directeur de la Sûreté nationale. En d’autres termes, le dénonciateur de l’antisémitisme des Protocoles sera, pour un temps assez long, chef des polices d’Etat du régime de Vichy [2] .
b) L’un des paragraphes les plus significatifs, et les moins retenus, de Mein Kampf, est celui où Hitler raconte, aux temps de sa jeunesse, son propre passage du philosémitisme à l’antisémitisme. Ce texte est important en soi, et il mérite d’être analysé avec toute la circonspection qui s’impose. Mais il est important aussi par son effet d’exemple et d’entraînement. J’ai ainsi trouvé trois Français, antiracistes dans les années 1930 – chacun à sa manière – et versant dans l’antisémitisme un peu plus tard, qui feront explicitement référence à cette mutation originelle d’Hitler pour illustrer ou pour justifier leur propre translation de l’antiracisme vers la haine antijuive [3].

Cette question des mutations est à vrai dire une question essentielle, qu’il s’agisse de militants ou d’intellectuels suivis individuellement, ou qu’il s’agisse de courants idéologiques ou de secteurs d’opinion qui basculent vers un racisme qu’auparavant ils récusaient. Elle explique beaucoup de choses, en particulier sur l’antisémitisme, en général sur l’histoire politique. Elle fait progresser nos connaissances, elle ouvre des horizons nouveaux, vers lesquels il faudrait se porter.

Or ces mutations, qui se sont produites dans tous les pays, et en premier lieu, bien sûr, en Allemagne, n’ont été que très peu étudiées, très peu discutées… Cette lacune historiographique n’est pas fortuite, loin de là. C’est que la notion de « mutation », en matière d’antisémitisme et de racisme, nuit à la clarté et à l’efficience du message didacto-protestataire. Elle introduit un élément trouble, qui déstabilise et qui inquiète. Elle bouleverse les données de base d’un récit qui pour être compris, et admis, doit être émouvant et linéaire à la fois. Elle brise les clivages entre « bons » et « méchants », puisqu’elle évoque des « bons » qui deviennent « méchants » et des « méchants » qui deviennent « bons ». Bref, ces mutations sont hautement « instructives », au plan scientifique. Mais elles ne sont pas du tout « éducatives », pour ce qui est de leur impact sur les jeunes générations et le grand public. D’où la tentation, quand la logique militante l’emporte sur la logique historienne, de n’en rien dire.

[1] Simon Epstein, Un paradoxe français. Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Albin Michel, 2008
[2] Ibid., pp. 68-73.
[3] Ibid., pp. 386-387.

Voir par ailleurs :

Fifty Years of French Intellectual Bias against Israel
An Interview with Simon Epstein
Jerusalem Center for Public Affairs
1 January 2003

In recent years France has stood out negatively, not only because of its many violent assaults on Jews and their institutions but also due to the often anti-Semitic intellectual and media attacks on Israel. Simon Epstein, researcher at the Vidal Sassoon International Center for the Study of anti-Semitism at the Hebrew University of Jerusalem, points out that the origins of French intellectual anti-Israelism date back almost to the creation of the Jewish state. To gain a perspective on present problems, one must have a better understanding of its historical development.

The Soviet Doctors’ Trial

Epstein elaborates on one early, particularly low point of moral abuse against Zionism: « In November 1947 the Soviet Union voted in the United Nations for the creation of the Jewish State; therefore, French communist intellectuals had a positive attitude toward Israel. When, after a few years, the Soviet Union started to adopt anti-Zionist and anti-Semitic positions, the views of many French communists also shifted.

« In January 1953 the newspaper Pravda broke the news of the indictment of nine doctors, six of whom were Jews. They were accused of having caused the death of leading Soviet figures by incorrect diagnoses and treatment, and of planning further assassinations. At the same time, the Soviet press intensified its campaign against ‘Cosmopolitanism and Zionism.’

« French communist intellectuals organized a major solidarity rally in Paris in support of the official Soviet position on the ‘doctors’ plot.’ The organizers saw to it that there were enough Jews among the many speakers on the podium. The key figure was Annie Kriegel, who later became a fervent anti-communist and pro-Zionist, and wrote for the right wing daily Le Figaro.

« The message of the speakers was frightening. Many of them explained that it was normal to suspect doctors of poisoning people: one only had to look at Mengele’s role in Auschwitz. If he was capable of what he did, why should other physicians not use poison? A Jewish physician was among those who publicly took such a stand. As a medical doctor, he bore witness that the charge was not absurd. He also based his position on the misconduct of German physicians during the Second World War, stating that it could not be definitely excluded that Jews or Zionists decided to poison Soviet personalities. (In later years he very much regretted his words.) »

Instrumentalizing Jewish Communities

« The moral aberration of these ‘witnesses’ was so great because France, unlike the Soviet Union, was a free country. The speakers spoke voluntarily. Communist organizations also arranged a large media campaign. Intellectuals wrote articles about the ‘criminal doctors,’ or signed petitions against them. Again, Communist Party organizers saw to it that many Jews were among the signatories.

« This party contained identified Jewish organizations, among them L’Union des Societes Juives de France and the MRAP movement against racism. Both were mobilized for agitation on the ‘doctors’ plot.’ Many anti-Semitic themes used at that time resurfaced in anti-Israeli campaigns following the Six Day War in 1967.

« The initial intensity of these campaigns was much lower than in the pre-war decade. The communists attacked Zionism, while always recognizing — like the Soviet Union — Israel’s right to exist. In the 1950s they dominated the French Left. Trotskyism was very small then, expanding only twenty years later after the events of May 1968, when communism began losing power.

« At about that time, the extreme right gained strength in France. By 1953 all collaborators condemned after the war had been freed. Many took part in the French democratic society, where everybody is entitled to assemble and express himself. The extreme right-wing press again published anti-Semitic articles. A rightist populist movement led by Pierre Poujade won about 50 seats in the Parliament at the time. It concentrated its attacks against Pierre Mendes France, a progressive Jew who had become Prime Minister in 1954. The anti-Zionist publicity was almost entirely fed by the Communists. »

The Characteristics of French Intellectualism

Epstein explains the multiple deviations of French intellectualism by referring to its general characteristics: « It is typified by a tendency toward extremism. The French intellectual’s position is by necessity one of representing absolute morality and imparting the feeling that his analysis is the only justified one. He must be confrontational and define enemies; nuances and intermediary positions are not permitted.

« Another characteristic concerns the way the intellectual expresses himself: language, which is very important, must always be complex and contain highly rhetorical aspects. Thought departs from reality and is embodied in theoretical constructions aspiring to an absolute world. The combination of these features stimulates major intellectual distortions. »

Epstein provides an unrelated example of the same phenomenon: « Since the 1970s, many French thinkers have been interested in the role of words and the multiplicity of concepts. They have generated schools of intellectuals whose words are incomprehensible. When standing before an audience they produce endless abstractions without using simple words. This leads to an absurd intellectualism, which exists also in the social sciences elsewhere, but has initially been developed in France. »

The Success of Marxism

« Marxist intellectualism was far more than a play of words. The fascination Marxism exerted on major parts of the French left led to a much larger percentage of intellectuals being attracted by it than elsewhere in the West, with the possible exception of Italy. It became extremely successful in post-war France among intellectuals, both in its orthodox communist and in various Trotskyite forms.

« There were multiple reasons for this. Marxism is a superb theoretical construction, opening a fascinating world, which attracted entire generations. Once one accepted it, one could find explanations for everything from short-term issues to long-term developments. It was a complete system, applicable to both politics and history.

« Other factors also played a role. After the Second World War, the Soviet Union enjoyed great esteem in view of its important contribution to the defeat of Nazism. This status added to Marxism’s prestige and to the fascination of its all-embodying theory. »

Another Complete System: Fascism

Epstein points out that in the 1930s, fascism was also a complete system with similar characteristics, and increasingly attracted intellectuals. Some anti-fascists changed their positions radically in 1933 or 1934. Among them Ramon Fernandez and Pierre Drieu la Rochelle. Under the Nazis, the latter would become editor of the leading literary magazine Nouvelle Revue Française (NRF). In their later works one finds an aesthetic fascination with fascism, which also has a reply to all questions.

« Fascism’s attraction to intellectuals who had formerly written against anti-Semitism was very widespread. Among the first to support it in 1933 were pacifists opposing war on Germany. They were not interested in what happened to German Jews. Others changed direction in 1936, and many more followed in 1938 at the time of the Munich agreement. They claimed that the Jews would be responsible for a possible war. Many intellectuals who had formerly written against anti-Semitism became either moderate or extreme anti-Semites. This shift from being pro-Jewish to anti-Semitism was an important phenomenon in the 1930s. »

Epstein has dealt with one aspect of this phenomenon in a book on the attitudes of former supporters of Dreyfus under the German occupation, for which he received a French Academy award. His main and surprising finding is the high probability that if one had been an active, ardent and well-known Dreyfusard during the « Affair, » chances were high that one would later become an anti-Semite.1

Epstein is now working on a new book, dealing with a much broader cross-section of French intellectuals and politicians who supported the Jews and protested against racism and anti-Semitism before World War II. Under the Vichy government and the German occupation, a majority of these favored collaboration in a variety of forms.2

« This major shift from philo-Semitism to anti-Semitism has a double meaning. It confirms the multiple left-wing roots of collaboration with Germany. It also shows the fragility of philo-Semitism and of all systems of Jewish defense against anti-Semitism.

« The search for the absolute manifests itself in different ways in French intellectualism. For instance, France took the intellectual lead in Holocaust denial after the war, as if it had a need to support the Germans after their defeat. This can hardly be explained. »

After the Six Day War

« After the Six Day War and the events of May 1968, intellectual anti-Zionism exploded for a second time. Its student leaders belonged to various factions. Some were Trotskyites and others extreme leftist intellectuals. Among them were many Jews, such as Alain Krivine, leader of a Trotskyite party. Some were communists, who wrote regularly against Israel in the communist daily L’Humanite.

« In June 1967 Benoit Frachon, a leader of the French Communist Party, described the Israeli victory ceremony in Jerusalem in the following terms: ‘The presence of leading personalities from the financial world gave [the ceremony] a different character than the religious fervor which the true believers who participated in it tried to find there….The spectacle gave the impression that, like in Faust, Satan directed the ball. Not even the golden calf was lacking…contemplating its diabolic machinations. In fact, the information indicated that two representatives of the cosmopolitic tribe of bankers, well known in all countries of the world, participated in these Saturnals: Alain and Edmond de Rothschild.’3

« Others attacking Israel were left-wing Gaullists, such as Jacques Debu-Bridel and Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Both had been in the Resistance and had belonged to the extreme right before the war. Yet others, no less vehemently anti-Israeli, like Georges Montaron, came from Catholic-Social backgrounds. In the left-wing Catholic intellectual journal Temoignage Chretien, he constructed an analogy between Christ and the Palestinians.

« In this atmosphere, De Gaulle’s declaration in November 1967 about the Jewish people being a people who were ‘sure of themselves, elitist and inclined to domination’ generated a huge public debate about the loyalty of the Jews to France. The Jewish political philosopher Raymond Aron intervened in the discussion, reproaching De Gaulle for having resurrected ancient anti-Semitic myths. »4

Supporting the PLO

« From 1967 till 1973, while verbal anti-Zionism was strong, classic anti-Semitism seemed insignificant. The extreme right was politically weak. There were few violent incidents against Jews during that period, and many Jews thought that anti-Semitism had finally ended. They were aware of the anti-Zionism, but considered that the old anti-Jewish prejudices had definitely vanished.

« When the PLO made its first public appearance, the intellectuals of the extreme left accepted all its arguments. They entirely supported the Palestinians and delegitimized Israel, expressing themselves in favor of its elimination and the creation of a democratic and secular Palestine in its place.

« The one dominant figure in the extreme left environment who distanced himself from the anti-Zionist campaign was the philosopher Jean-Paul Sartre. The Israeli historian Eli Ben Gal, who was particularly close to him at the time, was a witness to this.

Jewish Reactions

« Many Jewish intellectuals reacted against the attacks on Israel. Among the most important was Jacques Givet with his 1968 book The Left against Israel?5 in which he gave a systematic response to anti-Israeli propaganda. He used the expression ‘neo anti-Semitism’ for the anti-Semitism of those who said they were against anti-Semitism.

« Leon Poliakov published a short hard-hitting book on anti-Zionism in 1969, explaining that it was a form of anti-Semitism.6 Poliakov was well equipped to do so, as he was the first to write a coherent history of anti-Semitism for which he is mainly known — turning its study into a new field of scholarship. Before that, it appeared in Jewish history books in a fragmented way. Poliakov also devoted his attention to the concept of ‘new anti-Semitism.’

« Both authors distinguished between moderate and extreme anti-Zionists. The first category makes a false equivalence between terrorist attacks and Israeli retaliation, using distorted base data of the Israeli-Arab conflict. The second frequently criticizes the Rothschilds — symbols of Jewish wealth — as supporters of Israel. They also reproach pro-Israeli Jews for being more Israeli than French, and deny Israel’s right to exist as a normal state. They thus consider the Jews the only people on earth not entitled to a state of their own.

« Outside France this was seen very clearly by Daniel Elazar who wrote: ‘The passing of the post-war generation in the mid-1970s marked among other things the demise of the taboo against Jew hatred. Now in the early years of the second generation since the Holocaust, the Jewish people must come to understand that we face a new situation, one which will allow certain kinds of expressions of anti-Semitism with relative impunity.’7

« Most anti-Israeli and anti-Semitic motifs appearing in current campaigns were already present more than 30 years ago, albeit in a less intense form. In the early 1970s, the anti-Zionists started a deliberate strategy of presenting the Palestinians as victims and the Jews as perpetrators. The vocabulary of the Holocaust was applied to the Palestinian side of the conflict. This recurred in the war in Lebanon: the Palestinians were presented as confined in camps and in ghettos, the Israelis as barbarian and brutal. »

The War in Lebanon

« In 1982 — during and after the Lebanese war — there was a new outburst of anti-Zionism, often sliding into open anti-Semitism. Again, verbal violence of the leftist intellectuals went very far. There were calls for a boycott on Israel, and the Shoah vocabulary was used when discussing the siege of Beirut in August 1982. That war was much shorter than the present one, and the attacks did not develop in such great detail.

« The philosopher Alain Finkielkraut (1983) gave various examples of Nazi metaphors being applied against Israel. The French daily Liberation wrote that the survivors now resemble their persecutors. Temoignage Chretien called the Palestinians of West Beirut ‘the fighters of the Warsaw Ghetto.’8 The false equivalence with the Shoah focused on another major parallel: the French village Oradour, which was burnt with its inhabitants in 1944 by the Germans — a symbol that evokes strong associations.

« These distortions point to a false interpretation of the Israeli 1982 intervention: exaltation of Palestinian heroic resistance, demonization of Israeli premier Menahem Begin. This was accompanied by accusations of Israeli war crimes, especially after the Sabra and Shatilla tragedy. The second distortion was linked to the reemergence of basic anti-Zionist arguments, emphasizing the illegitimacy of the State of Israel and developing the concept of ‘the criminal State.’

« The attacks sometimes took ridiculous forms. One day a reporter of Le Monde saw Israeli reserve soldiers passing. He wrote that the neglect of their attire was insulting to the Lebanese population. A few days later he saw regular Israeli soldiers passing, and wrote that the correctness of their clothing was insulting to the Lebanese population. This is only a small example of media bias.

« The intellectuals manifested themselves anew against Israel at the beginning of the Intifada in 1988, with much less verbal violence than in 1982, although themes were similar. They called for a boycott on Israel. Nazi language was applied to Israel and magnified Israel’s actions, depicting them as major atrocities. Yet the verbal attacks remained substantially below current levels. »

Physical Violence

« The waves of anti-Israeli verbal violence of the leftist intellectuals should not be confused with those of the physical attacks in France. Physical and intellectual anti-Semitism do not follow the same cycles; they work according to different rhythms. Sometimes they may coincide, as in the past two years, when there has been major verbal violence against Israel and at the same time many physical assaults. »

A number of years ago, Epstein stated in an essay: « The first wave, which came to be dubbed the ‘swastika epidemic,’ was observed in Western Europe, the United States and Latin America. It started with the desecration of a synagogue in Cologne on December 25, 1959 by two young Germans, who were promptly apprehended and severely punished. Some 685 incidents were recorded in Germany, and over 600 in the United States. All told, nearly 2,500 incidents were recorded in 400 localities throughout the world. »9 However, after the 1962 Evian agreements many Algerian Jews arrived in France, and they were not confronted with substantial anti-Semitism.

« The second, much more intense wave of physical violence began in 1974/5, peaking in the early 1980s. Synagogues were burnt. The most dramatic event in France was the bomb outside the synagogue in Copernic Street in Paris in October 1980 that killed four passers-by.10

The 1980s

« In 1982, the intellectual anti-Israeli cycle coincided with the tail-end of the descending classical violent anti-Semitic cycle. Then, as today, a series of symposia on neo anti-Semitism were held. By the middle of the 1980s anti-Semitic violence declined significantly.

« By 1987 the number of incidents of physical violence was mounting once more, with this third wave reaching its peak in 1992. It is unclear what incited this cycle. It could not be the Palestinian Intifada, because that started well before. It seemed almost as if the violence had a natural rhythm.

« The physical attacks increased during the period 1990-1992. In 1990, the Jewish cemetery of Carpentras was desecrated. Initially, the extreme right was blamed. The entire left, including President Mitterrand and many intellectuals, participated in a big anti-fascist protest demonstration in May 1990. From 1992 physical violence declined again, and a number of quiet years followed. The new wave of assaults started just before 2000. »

The Present

« In the last two years, the campaign of physical violence clearly coincided with the intellectual one. Many more violent incidents occurred than ever before in a similar time-span. However, the difference from previous waves is that, according to estimates, about 80 percent of the perpetrators are youngsters from the Maghrebian (Arab) immigrant community. The remaining 20 percent are extreme rightist rowdies, as in the past.

« This leads to four important observations:

1. The number of attacks in France is relatively higher than in any other country. This is due to the fact that it is the main Western country in which the Muslim population is predominantly Arab.
2. Anti-Jewish violence is not exclusively linked to the Israeli-Palestinian conflict, even if triggered by it. There are many indicators that these assaults also have a social basis, as the Maghrebian youth identify the Jews with money and power.
3. A careful look at the statistics shows a rise in incidents before the start of the Intifada.
4. There is some relation to the rise of the extreme right in the last two years, that reached its peak in the presidential election in spring this year when National Front leader Jean-Marie Le Pen eliminated the socialist candidate Lionel Jospin’s access to the second round.

« The wave of intellectual and media hostility against Israel and the Jews expressed itself in the lack of reactions to the burning of synagogues and Jewish centers, especially by leftist circles that reacted very strongly in the past to anti-Semitic incidents perpetrated by the extreme right. Incidents were belittled, because they were perpetrated by young Arab immigrants.

« These developments occur against the background of the discovery by the political parties of the electoral strength of the Arab and Muslim population. For instance, Pascal Boniface, a Socialist strategist, wrote a study for his party stressing that there are ten times more Muslims in France than Jews, and suggesting that it should consequently shift to a more pro-Palestinian position. He also published an article in Le Monde on this subject, which created much polemic. »12

Deafening Silence Accompanies New Attacks

« The deafening silence about the violent anti-Semitic incidents is accompanied by a stream of verbal attacks against Israel which rehash arguments from earlier anti-Zionist campaigns. The moderates compare Sharon to Milosevic; the extremists compare him to Hitler.

« One extreme example of left-wing distortions was an article written by Sara Daniel in the leading intellectual weekly Le Nouvel Observateur, edited by her father Jean. The article dealt with the crimes of honor against women suspected of illegitimate sexual relations in Arab society. It also mentioned, by the way, that Israeli soldiers deliberately rape Palestinian women because they know that, now dishonored, they will be killed upon returning home. Israeli soldiers are thus presented as Machiavellian rapists. The passage had been copied, without mention by the author, from a Palestinian militant source with no credibility whatsoever. Daniel presented it as proven facts. Her father was asked to apologize, and did so half-heartedly.13

« At the same time, another shocking phenomenon has become known: teachers who mention the Holocaust in French classrooms are intimidated by pupils of Maghrebian (Arab) origin, who do not want the Shoah to be taught. A kind of Islamist censorship on teaching the Shoah has emerged — a widespread and well-documented phenomenon.14

« The current emphasis on ‘new anti-Semitism’ is thus futile. Several authors are publishing books on this subject, forgetting history and assuming everything starts today.15 France’s most acclaimed scholar of anti-Semitism, Pierre-Andre Taguieff, has been studying already since 1980 what he calls ‘the new Judeophobia.’16 When I hear people speaking about new anti-Semitism, I always wonder whether they are not simply ignorant of past history. »

Notes

1. Simon Epstein, Les Dreyfusards sous l’Occupation, Paris, Albin Michel, 2001. [French]
2. Simon Epstein, Les Antiracistes dans la Collaboration (provisory title). Publication planned. [French]
3. L’Humanite, June 16, 1967. [French]
4. Raymond Aron, De Gaulle, Israel et les Juifs, Paris, Plon, 1968. [French]
5. Jacques Givet, La Gauche contre Israel, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1968. [French]
6. Leon Poliakov, De l’antisionisme a l’antisemitisme, Paris, Calmann Levy, 1969. [French] See also on the same subject, but in a less scientific and more polemic style Paul Giniewski, L’antisionisme, Brussels, Librairie Encyclopedique, 1973. [French]
7. Patterns of Prejudice, Vol. 16, No. 4, Oct. 1982.
8. Alain Finkielkraut, La Reprobation d’Israel, Paris Denoel/Gonthier, 1983. pp. 122-123. See also on the same subject: Annie Kriegel, Israel est-il coupable?, Paris, Robert Laffont, 1982. [French]
9. Simon Epstein, « Cyclical Patterns in Antisemitism: The Dynamics of Anti-Jewish Violence in Western Countries since the 1950s, » Acta no. 2, Jerusalem, The Hebrew University of Jerusalem, 1993.
10. Simon Epstein, Cry of Cassandra: The resurgence of European anti-Semitism, Bethesda, National Press, 1985.
11. Quoted in L’Arche, March 1983.
12. Pascal Boniface, « Lettre a un ami israelien, » Le Monde, August 4, 2001. See also by the same author: « Est il interdit de critiquer Israel? » Le Monde, August 31, 2001. [French]
13. See Jean Daniel, « Pour cinq lignes que nous regrettons…une erreur et une cabale, » Le Nouvel Observateur, November 22, 2001.
14. See for instance: Eric Conan, « Islam, ce que l’on n’ose pas dire. » L’Express, September 12, 2002.
15. Gilles William Goldnadel, Le nouveau breviaire de la haine, Paris, Ramsay, 2001 and Raphael Draï, Sous le signe de Sion. L’antisemitisme nouveau est arrive, Paris, Michalon, 2001.
16. Pierre-Andre Taguieff, La Nouvelle Judeophobie, Paris, Mille et Une Nuits, 2002.
* * *

Simon Epstein came to Jerusalem in 1974. In France he had been inter alia the secretary general of the French Zionist Federation. He worked as an economist in the budget department of the Israeli Ministry of Finance. Since 1982 he has published books and articles on anti-Semitism and racism. He is a former director of the Vidal Sassoon International Center for the Study of anti-Semitism at the Hebrew University of Jerusalem, where he now carries out research. He also teaches at the Hebrew University.

This interview, by Manfred Gerstenfeld, is based on Dr. Epstein’s lecture, entitled « New and Old Elements in French Anti-Semitism – Monitoring, Analysis and Struggle, » delivered in the JCPA’s first series of Herbert Berman memorial lectures, on April 24, 2002.

Dore Gold and Manfred Gerstenfeld, Co-Publishers. Zvi R. Marom, Editor. Joel Fishman and Chaya Herskovic, Associate Editors. Jerusalem Center for Public Affairs, 13 Tel-Hai St., Jerusalem, Israel; Tel. 972-2-561-9281, Fax. 972-2-561-9112, Email: jcpa@netvision.net.il. In U.S.A.: Center for Jewish Community Studies, 1616 Walnut St., Suite 1005, Philadelphia, PA 19103-5313; Tel. (215) 772-0564, Fax. (215) 772-0566. © Copyright. All rights reserved. ISSN: 1565-3676.

The opinions expressed herein do not necessarily reflect those of the Board of Fellows of the Jerusalem Center for Public Affairs.

Voir enfin:

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L’antisémitisme de la gauche pacifiste des années 1930 s’inscrit, sur le plan chronologique, dans la troisième grande vague antisémite en France depuis la Révolution française. Depuis celle-ci, plusieurs modèles d’antisémitisme se sont en effet succédé, d’abord à droite et à l’extrême-droite, mais ce fléau n’a pas non plus toujours épargné la gauche [1]

Tout a commencé avec un antisémitisme économique reposant sur le vieil anti-judaïsme religieux, si répandu dans la France catholique. L’image ancienne des Juifs, profiteurs et usuriers, a pris une vigueur nouvelle avec les débuts du capitalisme et ceux qui le condamnaient ont souvent assimilé les Juifs aux « gros », aux capitalistes. Une deuxième expression, apparue vers 1880, a coïncidé avec la naissance de l’antisémitisme moderne, incarné en France par Drumont. Favorisé par la crise économique qui touchait la France ainsi que d’autres pays européens, cet antisémitisme s’est nourri du racialisme – l’exaltation de la supériorité de la race blanche – qui imprégnait alors de nombreux intellectuels, y compris à gauche. Mais l’affaire Dreyfus a constitué un tournant fondamental pour la gauche française ; ceux qui, de plus en plus minoritaires, ont manifesté ensuite en son sein un certain antisémitisme se sont pourtant défendus de le faire. Ensuite, les années consécutives à l’Affaire, puis la période d’Union sacrée durant la Grande Guerre et la décennie 1920 ont marqué une relative accalmie sur le plan de l’antisémitisme.

Puis ce fléau connaît un nouvel essor. Durant la crise économique des années 1930, la vieille image du Juif profiteur et privilégié est en recul. On continue, à gauche, à stigmatiser « Rothschild » mais dans des proportions bien moindres qu’auparavant ; le racialisme est également en perte de vitesse. À droite, les antisémites dénoncent le « complot » mené par les Juifs contre l’économie nationale ; puis, à partir de 1933, ils expriment leur xénophobie à l’encontre des réfugiés juifs d’Allemagne et d’Europe de l’Est. Sous le Front populaire, la droite et l’extrême-droite se déchaînent également contre Léon Blum à travers de nombreuses publications antisémites. De façon plus générale, l’argumentation antisémite se modifie sous la conjonction de deux facteurs : d’une part le pacifisme, un des fondements de la gauche depuis la fin du XIXe siècle, de l’autre l’influence diffuse des Protocoles des sages de Sion, le « best-seller » de l’antisémitisme. L’influence, considérable bien que mal connue, de cet ouvrage dans la France des années 1930, propage dans l’opinion l’image des Juifs complotant pour dominer le monde.

De son côté, la gauche se laisse imprégner par cette image en raison de l’opposition grandissante qui s’exacerbe alors entre antifascistes et pacifistes. Ces derniers en viennent à tenir des propos antisémites. Voulant éviter à tout prix un nouveau conflit mondial, les pacifistes prônent la négociation avec Hitler. Or, dans cette décennie, il existe un « immense besoin de paix [2]» dans une France marquée par la Grande Guerre. Incapables de comprendre la nouveauté et la spécificité du nazisme, un nombre croissant de pacifistes en viennent à dénoncer de plus en plus ouvertement les Juifs, et d’abord Blum, comme des fauteurs de guerre irresponsables qui poussent au conflit contre Hitler parce qu’ils veulent se venger du mal que ce dernier fait à leurs coreligionnaires en Allemagne. En invoquant le pouvoir supposé des Juifs sur les affaires du monde, les pacifistes reprennent donc à leur compte, au moins de façon indirecte, l’argumentation des Protocoles. Par ailleurs, Blum, jamais attaqué jusqu’alors au sein de la SFIO en tant que Juif, en vient peu à peu à être considéré comme celui qui pousse à une guerre dont les pacifistes tendent toujours davantage à exonérer Hitler. Le temps passant, le pacifisme devient de moins en moins regardant sur un antisémitisme qui imprègne le Parti radical [3], la SFIO, les néos-socialistes qui l’ont quitté derrière Marcel Déat en 1933, le mouvement frontiste autour du journal La Flèche publié par Gaston Bergery, ainsi que certaines franges de l’extrême-gauche anarchiste et syndicaliste-révolutionnaire.

Toutefois, ces partis et ces organisations ne pèsent pas du même poids sur la scène politique. Le nombre d’adhérents et de sympathisants de la SFIO et de la gauche socialiste pacifiste est infiniment plus grand que celui des petits groupes anarchistes, syndicalistes minoritaires et pacifistes intégraux. Si des liens existent entre ces deux ensembles, leur influence interdit de les mettre sur le même plan.

Les « bruissements antisémites de la SFIO [4] »

La SFIO connaît une progression de l’antisémitisme, discrète à partir de 1933, de plus en plus nette en 1937 [5], à mesure de la progression du pacifisme dans ses rangs. La SFIO est pacifiste depuis ses origines mais le traumatisme de la Grande Guerre donne un nouvel élan à ce courant. Le souvenir du conflit amène à considérer le nazisme au prisme de l’Allemagne impériale de Guillaume II, à travers des analyses dépassées. Les pacifistes socialistes soulignent les responsabilités partagées de la France et de la Grande-Bretagne dans le déclenchement de la Grande Guerre et rejettent le Traité de Versailles qui a humilié inutilement et injustement l’Allemagne. La nécessité, selon eux, de trouver un terrain d’entente avec cette dernière va de pair avec une mise en cause de plus en plus directe des Juifs qui, parce que persécutés par le nazisme, pousseraient la France à lui faire la guerre. Dès lors, cette analyse associe à travers des glissements successifs les Juifs au « bellicisme » et Blum, qui prend peu à peu ses distances à l’égard du pacifisme, devient l’ennemi principal.

Les attaques antisémites contre Blum commencent dans les rangs socialistes lors de la scission néo-socialiste (juillet 1933) ; Marcel Déat critique son « subtil byzantinisme […] et [sa] passivité tout orientale [6]», tout en soutenant la LICA jusqu’en 1936 au moins. Sa trajectoire collaborationniste durant la guerre, comme celle de bien d’autres hommes de gauche, s’explique d’abord par son pacifisme [7] L’antisémitisme s’exprime aussi à la gauche de la SFIO : ainsi, l’animateur de la tendance Action socialiste, Maurice Maurin, suggère-t-il en 1934 de négocier avec Hitler, sans craindre de se voir accusé d’être à la solde de la propagande allemande « par tous les Blum, les Lévy, les Grumbach [8] ».

Début 1936, ce discours se fait plus rare mais avec la décision de Blum de prendre André Blumel et Jules Moch à deux postes clés du gouvernement, les rumeurs repartent de plus belle à la SFIO et se multiplient après Munich [9]. Secrétaire général du parti, et pacifiste, Paul Faure s’indigne contre Blum qui « nous aurait fait tuer pour les Juifs [10]», tout comme, fin 1938, le député Jean Le Bail [11][11]Deux autres députés socialistes se plaignent de voir « un peu trop de Juifs dans les ministères [12] » ainsi que « de la dictature juive sur le parti » ; ils refusent de « marcher pour la guerre juive [13][13]Ibid, p. 48. ». En pleine crise de Munich, Ludovic Zoretti écrit que « le peuple français n’a aucune envie de voir une civilisation anéantie et des millions d’êtres humains sacrifiés pour rendre la vie plus agréable aux cent mille Juifs de la région des Sudètes [14] ». Trois mois plus tard, il reconnaît le caractère « maladroit » de son article et réaffirme son soutien à la LICA [15]. Mais, devenu un des dirigeants du Rassemblement national populaire (RNP) durant la seconde guerre, Zoretti expliquera que la SFIO était aux mains de « la juiverie belliciste [16] ». En mai 1939, le député Théo Bretin s’indigne de ne voir autour de Blum « que des Juifs : les Blumel, les Grumbach, les Bloch, les Moch [17] » ; selon un autre député, Georges Barthelemy, ceux qui soutiennent Blum « sont les Juifs et les bolcheviks [18] ».

Le poids des pacifistes au sein la SFIO permet d’évaluer celui des antisémites. En 1939, ils regroupent entre le tiers et 40 % des membres du Parti socialiste et ils sont majoritaires chez ses parlementaires ; leur influence est certainement supérieure dans les sections. Futur père du révisionnisme dans les années 1960, Paul Rassinier, alors responsable de la Fédération socialiste du Territoire de Belfort, évoque en octobre 1939 dans une lettre à Faure « un sentiment [qui est] à peu près unanime, l’antisémitisme », et rend Blum seul « responsable de ce qui nous arrive » [19] Il est difficile de savoir ce que pensent les simples militants mais tout porte à croire que les propos antisémites tenus par les responsables nationaux reflètent ce qui se dit sans doute plus ouvertement à la base.

Le pacifisme diffus de la gauche non communiste

Ce pacifisme teinté d’antisémitisme existe aussi dans la gauche radicale et aux marges de la SFIO. Le maire de Bordeaux, le néo-socialiste Adrien Marquet, reproche à Blum « de pousser à la guerre pour l’URSS et pour la juiverie [20] ». Socialiste jusqu’en 1934, président du Conseil en 1935, Fernand Bouisson, estime que Georges Mandel veut la guerre « parce que, comme tous les Juifs, il poursuit Hitler de sa haine [21] ». En 1938, le radical Yvon Delbos, ministre des Affaires étrangères du Front populaire, explique que « les Juifs chassés de partout cherch[ent] leur salut dans une guerre mondiale [22] ». Député du Front populaire, Gaston Bergery admet, en 1938, « comprendre une vague d’antisémitisme, même lorsqu’on en désapprouve les moyens et les résultats », car les Juifs occupent « une place hors de proportion avec leur nombre » ; il fustige l’entourage de Blum « dont la grande majorité est israélite [23]». Se défendant néanmoins de tout antisémitisme, il critique le bellicisme des Juifs qui, durant la crise de Munich, ont poussé « à la mort des millions de Français et d’Européens pour venger quelques juifs morts et quelques centaines de milliers de Juifs malheureux [24]». Dans ses Mémoires, rédigés il est vrai en 1942-1943, Joseph Caillaux, figure de proue du Parti radical, après avoir affirmé que la Révolution russe a eu les Juifs pour « principaux acteurs », estime qu’ils portent en eux « le goût de la destruction [et] la soif de la domination ».

Le pacifisme a-t-il bénéficié d’une aide de l’Allemagne hitlérienne pour ses publications ? De 1923 à 1933, l’Allemagne a soutenu la revue pacifiste Évolution. La question se pose ensuite à travers la personnalité complexe du député socialiste René Brunet, avocat d’affaires internationales. En rapport professionnel avec Ribbentrop depuis 1930, Brunet, qui soutient la cause des Allemands des Sudètes à la SDN, suscite des critiques croissantes à la SFIO. Munichois, il appartient au Comité France-Allemagne où il rencontre Otto Abetz, qui, sous couvert de pacifisme, propage l’idéologie nazie en France dans les milieux intellectuels. En avril 1940, Brunet aurait été accusé, à la Commission administrative permanente du Parti socialiste, de verser des fonds allemands au Pays socialiste, d’orientation pacifiste, par l’intermédiaire de Georges Bonnet. Brunet votera les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, soutiendra Vichy et écrira dans la presse collaborationniste. Exclu de la SFIO à la Libération, il se défend en expliquant qu’il a aidé des Juifs durant la guerre. S’il y a eu soutien financier des pacifistes par l’Allemagne nazie, ce facteur n’a pu que favoriser l’idée selon laquelle les Juifs voulaient la guerre contre Hitler.

Les pacifistes l’admettent, le régime hitlérien est dictatorial mais il a été librement choisi par les Allemands : il faut donc composer avec lui. Les Juifs qui lui sont hostiles sont de dangereux irresponsables et cette accusation est répétée à satiété à la fin des années 1930. Le pacifisme favorise ainsi à gauche l’émergence de l’antisémitisme, certes moins virulent que celui émanant de l’extrême-droite [25] Il provoque également des crises dans la gauche non communiste. En 1939, pacifistes et antifascistes de la SFIO sont au bord de la rupture. Pionnier du Front populaire depuis 1934, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) voit en 1936 le départ des antifascistes, au bénéfice des pacifistes (Alain, Félicien Challaye). Or pour Alain, le capitalisme est incarné par la puissance juive mais le philosophe se départira de cet antisémitisme latent dans ses dernières années. Divisée à partir de 1935-1936 sur la question de l’antifascisme, la Ligue des droits de l’homme (LDH) enregistre en 1937 la démission de ses dirigeants pacifistes (Challaye). Peu après, la petite section française de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (LIFPL) connaît une division analogue. Au sein de la gauche non communiste, le débat est donc très vif entre pacifistes et antifascistes. Il ne l’est pas moins au sein des différentes minorités d’extrême gauche.

Les anarchistes et Céline

Le journal des anarchistes, Le Libertaire, ne s’en prend jamais aux Juifs mais utilise parfois certains arguments antisémites lorsqu’il traite de la question de la paix. Il n’attaque pas Blum en tant que Juif et il n’assimile pas les Juifs au Grand Capital. De plus en février 1938, on y juge L’École des cadavres de Céline comme « un mauvais livre et une mauvaise action [26]» ; à l’inverse, La Patrie humaine, pacifiste, a accueilli favorablement en décembre 1937 les Bagatelles pour un massacre, du même auteur [27] Jusqu’en 1936, Céline a pu apparaître comme un homme de gauche antimilitariste et anticolonialiste. Invité alors en URSS, il en est revenu dégoûté, ce qui n’est pas pour déplaire à l’extrême-gauche. En 1937-1938, il exprime, dans Bagatelles pour un massacre puis dans L’École des cadavres, un antisémitisme virulent qui s’explique fondamentalement par son pacifisme : « Éviter la guerre par dessus tout. La guerre pour nous…, c’est la bascule définitive au charnier juif. Le même entêtement à résister à la guerre que déploient les juifs à nous y précipiter [28] » Ces deux livres connaissent un gros succès.

À partir de 1938, le pacifisme du Libertaire l’amène à proposer « la restitution des colonies allemandes » en compensation des pertes infligées à ce pays par le Traité de Versailles ; le journal regrette que les organisations ouvrières n’aient pas formulé cette demande beaucoup plus tôt [29] Tout en comprenant la haine des Juifs pour Hitler, Le Libertaire ne peut croire que la paix puisse être « compromise par les campagnes haineuses des exilés » et rejette la « nouvelle Sainte Alliance des grandes démocraties pour sauver la paix » car il pense que le peuple allemand ne veut pas la guerre [30]. Durant la crise de Munich, le journal salue les déclarations d’un dirigeant nazi en faveur de la paix [31], tout en dénonçant les accords qui la suivent [32]. Peu après, Le Libertaire juge le racisme « scientifiquement faux », mais estime que les Juifs haïssent le nazisme en raison des « persécutions » dont ils sont victimes en Allemagne. Aussi sont- ils prêts à « une guerre générale » pour débarrasser le monde du fascisme et à accepter « la mort de millions d’êtres, qui n’y sont pour rien […] pour venger celle de quelques-uns d’entre eux […]. Les Juifs […] donnent prise au racisme, parce qu’ils en sont, en somme, les promoteurs, s’étant toujours refusés à se fondre avec les autres races » ; toutefois, ils doivent être défendus [33] Anarchiste et pacifiste, Pierre Besnard, animateur de la CGT-SR implantée chez les ouvriers du Bâtiment, tient souvent, lui aussi, des propos antisémites dans son journal, Le Combat syndicaliste.

Les pacifistes

À partir de 1931, le pacifisme intégral est défendu par Challaye. Traumatisé par la Grande Guerre, il pronostique dans un nouveau conflit « la destruction, sinon de l’humanité toute entière, du moins de ses groupes les plus civilisés [34] ». La guerre « étant le mal absolu, il faut un remède absolu, le pacifisme intégral, donc la paix sans aucune espèce de réserve [35] ». L’occupation étrangère est préférable à la guerre car « la défense de la nation serait la mort de la nation [36]». L’arrivée des nazis au pouvoir ne modifie rien à l’analyse de Challaye qui s’affirme dès lors en faveur de « la paix désarmée, même en face de Hitler [37] ».

Or le pacifisme intégral s’accompagne très vite de propos antisémites de plus en plus ouverts jusqu’en 1939. Secrétaire de la Ligue des objecteurs de conscience, Eugène Lagot attaque le socialiste Grumbach « qui sévit dans le Patriotisme sémite anti-germanique » et qui a oublié que « Hitler est tout de même un démocrate intégral, un produit légitime du suffrage universel et socialiste national, par surcroît [38] ». Toujours dans Le Semeur, un autre pacifiste note que « de Rothschild au dernier des mendiants se forme le front unique de la démocratie française contre l’hitlérisme ». Dans « cette coalition souhaitée du judaïsme et du marxisme, de la démocratie sociale et de la finance contre la nation allemande, […] le peuple allemand risque de sentir encore plus étroitement solidaire de ses oppresseurs nazis [39] ». Fin 1933, Le Semeur, estime que « Hitler a raison […] puisque l’immense majorité du peuple allemand soutient la politique de paix qu’il prétend poursuivre [40] ».

Jusqu’en 1939, les pacifistes associent de plus en plus ouvertement les Juifs à un bellicisme irresponsable. En 1934, une section de la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP) demande l’exclusion de Bernard Lecache car il « admet publiquement la guerre contre les hitlériens pour défendre les Juifs [41] ». Le Barrage, le journal de la LICP, critique la LICA qui nourrit le « chauvinisme », la « germanophobie » et voit partout « la main de Hitler » [42] En 1938, un responsable de la LICP se demande si on va se faire tuer « pour venger des Juifs, dignes de pitié, certes, et pour un résultat incertain » [43] Challaye comprend l’hostilité des réfugiés anti-nazis au régime hitlérien mais leur « rancune […] ne doit pas conduire à une guerre qui leur permettrait de rentrer en Allemagne, dans les fourgons de l’étranger » ; en 1935, il estime, qu’« aucun danger de guerre » ne peut venir de l’Allemagne.

Durant la crise de Munich, Challaye critique le « bellicisme des Juifs étrangers [44] », en ajoutant que « les Juifs, très puissants, faisaient [déjà] peser leur force » en Allemagne en 1924. En septembre 1938, Challaye participe à un voyage dans le Reich à l’invitation du Front allemand du travail. Il en revient impressionné par le « dynamisme » de ce pays, tout en faisant de timides réserves sur « la situation des Juifs » [45] Challaye dénoncera, dans la presse collaborationniste de gauche (L’Atelier, Germinal, etc.) jusqu’en août 1944, « le rôle des Juifs influents (Mandel, Grumbach, Blum) qui constituent un ferment belliciste particulièrement actif [46]. ».

En 1937, l’ancien dreyfusard Armand Charpentier adhère au Rassemblement international contre la guerre ; deux ans plus tard, il reproche aux Juifs d’être, par leur bellicisme, responsables « de la montée de l’antisémitisme [47] ». Constitué en mai 1938, le Centre syndical d’action contre la guerre (CSAG), est un lieu de rencontre entre intellectuels pacifistes, pacifistes intégraux, anarchistes et syndicalistes, notamment ceux qui publient la Révolution prolétarienne et Syndicats, l’organe de la tendance anti-communiste, réformiste et pacifiste de la CGT [48] Certains membres de ce Comité tiennent des propos antisémites dans La Flèche de Bergery, comme le fait Robert Louzon dans la Révolution prolétarienne : en 1933, elle a refusé de marcher « avec les Juifs et les nationalistes au nom de l’anti-hitlérisme [49]». Durant ces années, Louzon associe les Juifs au capitalisme : il voit en 1934, dans « l’Union nationale » une alliance entre les « deux clans de la finance », catholique et juive, qui dominent les partis politiques [50], et il s’en prend à « Jeroboam Rothschild, dit Mandel [51] ». Mais son antisémitisme imprègne également son pacifisme. De son côté, le Réveil syndicaliste[52], qui déplore la progression de l’antisémitisme et de la xénophobie dans le monde du travail, notamment chez les syndicalistes de la chapellerie, des cuirs et des peaux [53], est en désaccord avec La Flèche, pour qui « le bellicisme stalinien serait influencé par les Juifs » ; il juge toutefois que, durant la crise de Munich, « des organisations nationalistes juives », notamment la LICA, se sont d’abord mobilisées « par crainte de Hitler ».

La Révolution prolétarienne ne comprend rien à la politique extérieure de Hitler [54] À la veille de Munich, Louzon refuse de se battre « pour maintenir de force trois millions d’Allemands dans l’État tchécoslovaque » puis se déclare favorable au « rattachement des Allemands des Sudètes à l’Allemagne, même à l’Allemagne de Hitler [55] ». Un autre militant affirme que l’Alsace, qui n’a pu être assimilée par les Allemands, ne le sera pas davantage par les Français : les Alsaciens ne sont « pas devenus pro-hitlériens mais [sont] restés autonomistes [56]». Depuis 1936, les autonomistes alsaciens se situent à l’extrême droite de l’échiquier politique et se rapprochent de plus en plus du nazisme. Enfin, « deux camarades des PTT », partis à Pâques 1939 en Allemagne pour essayer de la comprendre, rendent compte de leur voyage dans la Révolution prolétarienne[57] La politique sociale y semble « très séduisante à première vue » ; ces deux militants notent, sans autres commentaires, que la propagande « extrêmement habile », où « la campagne antisémite » occupe une grande place, repose sur la paix. L’aveuglement de ces deux militants sur l’Allemagne hitlérienne est un signe du relâchement de la vigilance des pacifistes contre l’antisémitisme.

La confusion existe également dans d’autres petites publications d’extrême-gauche. Ainsi, à partir d’octobre 1938, des textes « complaisants [58]» vis-à-vis de l’Allemagne sont publiés dans la revue Les Humbles. En 1939, l’anarchiste Albert Paraz y affirme que l’on peut être anti-hitlérien et antisémite : « Laissez donc aux antisémites le droit de sublimer leurs complexes dans le cadre des partis ou des conceptions démocratiques et vous aurez ôté une arme au fascisme [59]; on retrouvera Paraz après la guerre aux côtés de Paul Rassinier. En 1938, l’éphémère revue Révision refuse « de châtrer une idée sous prétexte que son énonciation coïncide avec l’intérêt de Hitler [60] ». Ces propos montrent le désarroi intellectuel dans lequel se trouve alors l’extrême-gauche, lequel s’aggrave encore avec le Pacte germano-soviétique.

Pour les pacifistes socialistes, ce Pacte confirme leur dénonciation de la duplicité communiste. Avec l’accord de Faure, Zoretti demande au Parti socialiste suisse que les socialistes des pays neutres – Suisse, Belgique, Pays-Bas – incitent leurs gouvernements à proposer une paix immédiate aux pays belligérants. Ces mêmes pacifistes se réjouissent d’avoir pu empêcher la constitution d’un cabinet Blum-Herriot car cette combinaison politique aurait organisé « l’excitation au meurtre collectif ». Pour Faure, « Blum vice-président du Conseil, installant tout Israël avec lui, c’était la guerre sans fin [61]». Si Zoretti fait bientôt l’objet d’une procédure d’exclusion pour sa démarche pacifiste, Faure reste secrétaire général du Parti. Mais la SFIO explose lors du vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain (10 juillet 1940) qui met fin à la Troisième République. Le silence de Blum, le 10 juillet, explicable par « l’impuissance [62]» qu’il ressent alors, a pu être conforté par sa volonté de ne pas donner à ses adversaires du parti l’arme supplémentaire de l’antisémitisme.

Durant la décennie 1930, période de crise économique, l’antisémitisme connaît donc une résurgence à gauche. Le poids de la conjoncture internationale est alors très fort. À l’exception des brefs épisodes du Front populaire en Espagne et en France, favorables à la gauche – environ un an –, de nombreux pays d’Europe sont alors gagnés par les régimes autoritaires ou totalitaires, le plus important étant l’Allemagne en 1933. Les démocraties s’avèrent impuissantes devant cette progression. Dans l’Hexagone, le recul du Front populaire va de pair avec une division croissante de la gauche entre antifascistes et pacifistes. À partir de 1937, la fracture sur la question de la guerre et de la paix explique son relâchement à l’égard de l’antisémitisme. Représentant de larges secteurs de l’opinion, traumatisés par le souvenir de la Grande Guerre, incapables de comprendre les lignes de force de la politique internationale, les pacifistes privilégient l’apaisement avec Hitler et dénoncent les Juifs qui s’y opposeraient. Cette complaisance de la gauche à l’égard de l’antisémitisme se produit à l’heure où ce dernier renouvelle son argumentaire. Il délaisse sa dénonciation économique des Juifs et sous l’influence indirecte des Protocoles de Sion – dont toutefois aucun dirigeant de la gauche ne se réclame –, il privilégie désormais le rôle « occulte » et « néfaste » des Juifs sur les affaires du monde. Entrent également ici en jeu les difficultés de la gauche que masque le Front populaire : à l’exception de la période allant de la mi-1934 à mai 1937, celle-ci va de crise en crise, que ce soit à la SFIO ou dans le rapport de cette dernière avec le PC. La conjonction de l’ensemble de ces facteurs explique la progression de l’antisémitisme dans la gauche française et prépare les années 1940-1944, la période la plus noire de son histoire.

Notes

  • [1]
    Je me permets de renvoyer sur cette histoire générale à Michel Dreyfus, L’anti-sémitisme à gauche. Histoire d’un paradoxe (1830-2009), Paris, La Découverte, 2009.
  • [2]
    Pierre Laborie, L’Opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 2001, p. 100.
  • [3]
    Serge Berstein, « Le Parti radical-socialiste, arbitre du jeu politique français », in René Rémond et Janine Bourdin (dir.), La France et les Français, Paris, Presses de la FNSP, 1977, notamment p. 301.
  • [4]
    Pierre Birnbaum, Un mythe politique : la République « juive ». De Léon Blum à Mendès-France, Paris, Gallimard (Tel), 1995, p. 289.
  • [5]
    Marc Sadoun, « Les facteurs de conversion au socialisme collaborateur », Revue française de sciences politiques, vol. 28, n° 3, juin 1978, pp. 480-484.
  • [6]
    Le Populaire, 16-17 juillet 1933, cité par Pierre Birnbaum, op. cit., pp. 289-290.
  • [7]
    Simon Epstein, Un paradoxe français. Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Paris, Albin Michel, 2008, pp. 197-198.
  • [8]
    Cité par Michel Bilis, Socialistes et pacifistes, 1933-1939. L’intenable dilemme des socialistes français, Paris, Syros, 1979, p. 142.
  • [9]
    François Lafon, « André Blumel, un itinéraire sioniste à la croisée des chemins », Bulletin du Centre de recherche français, Jérusalem, 2009 (version électronique).
  • [10]
    Michel Bilis, op. cit. p. 82. Marc Sadoun, Les Socialistes sous l’Occupation, Paris, FNSP, 1982, pp. 49-50.
  • [11]
    Pascal Ory, Les Collaborateurs, 1940-1945, Paris, Seuil, 1976, p. 32.
  • [12]
    Marc Sadoun, Les Socialistes… op. cit., p. 289, note 49.
  • [13]
    Ibid, p. 48.
  • [14]
    La Lumière, 30 septembre 1938, citée par Marc Sadoun, op. cit., p. 49, et Ralph Schor, L’Antisémitisme en France entre les deux guerres, Bruxelles, Complexe, 2005, p. 180.
  • [15]
    Simon Epstein, op. cit., p. 216.
  • [16]
    Cité par Justinien Raymond, in Jean Maitron (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), Paris, Éd. Ouvrières, t. 43, (1993), p. 427.
  • [17]
    Marc Sadoun, Les Socialistes…, p. 49. Cf. également Christian Jelen, Hitler ou Staline. Le prix de la paix, Paris, Flammarion, 1988, pp. 214-217.
  • [18]
    Cité par Pascal Ory, op. cit., p. 32.
  • [19]
    Archives SFIO, Moscou, OURS, cité par François Lafon, Guy Mollet. Itinéraire d’un socialiste controversé, Paris, Fayard, 2006, pp. 267 et 870.
  • [20]
    Jacques Debû-Bridel, L’Agonie de la IIIe République, 1929-1939, Le Bateau ivre, 1948, p. 422, cité par Philippe Burrin, La Dérive fasciste, Doriot, Déat, Bergery (1933-1945), Paris, Seuil, 1986, pp. 240 et 480.
  • [21]
    Jean-Noël Jeannenney, Georges Mandel. L’homme qu’on attendait, Paris, Seuil, 1991, p. 91.
  • [22]
    Nadine Fresco, Fabrication d’un antisémite, Paris, Seuil, 1989, p. 627, note 13.
  • [23]
    La Flèche, 2 septembre 1938.
  • [24]
    La Flèche, 11 novembre 1938, cité par Simon Epstein, op. cit., p. 64.
  • [25]
    Comme le montre abondamment Ralph Schor, op. cit., ainsi que Valeria Galimi, L’antisemitismo in azione. Pratiche antiebraiche nella Francia degli anni Trenta, Milan, Ed. Unicopli, 2006.
  • [26]
    Le Libertaire, n° 634, 29 février 1938.
  • [27]
    Information fournie par Emmanuel Debono que je remercie ici.
  • [28]
    Céline, L’École des cadavres, cité par Frédéric Vitoux, La Vie de Céline, Paris, Gallimard/Folio, 2006, p. 539. Cet ouvrage traite de l’antisémitisme de l’écrivain, pp. 533-549.
  • [29]
    Le Libertaire, 10 mars 1938.
  • [30]
    Le Libertaire, n° 620, 22 septembre 1938.
  • [31]
    Cité par Jean Rabaut, Tout est possible ! Les « gauchistes » français 1929-1944, Paris Denoël-Gonthier, 1974, p. 308.
  • [32]
    Le Libertaire, 13 octobre 1938, cité par Jean Rabaut, ibid., p. 293.
  • [33]
    Le Libertaire, n° 628, 17 novembre 1938.
  • [34]
    Félicien Challaye, Pour la paix sans aucune réserve, livre publié à compte d’auteur, 1931.
  • [35]
    Le Semeur, n° 208, 23 juin 1932.
  • [36]
    Ibid., n° 209, 14 juillet 1932.
  • [37]
    C’est le titre d’une brochure qu’il a fait paraître en 1933.
  • [38]
    Le Semeur, n° 238, 21 octobre 1933.
  • [39]
    Ibid., n° 238, 21 octobre 1933.
  • [40]
    Ibid., n° 241, 9 décembre 1933.
  • [41]
    Nicolas Offenstadt, Histoire de la LICP, 1931-1939, maîtrise, Paris 1, 1991, p. 185.
  • [42]
    Le Barrage, n° 20, 27 septembre 1934, cité par Nicolas Offenstadt, ibid.
  • [43]
    Le Barrage, n° 139, 15 décembre 1938, 18 mai 1939, 5 décembre 1935, cité par N. Offenstadt, op. cit., p. 249.
  • [44]
    Philippe Burrin, op. cit., pp. 238-240.
  • [45]
    Félicien Challaye, « Huit jours en Allemagne », La Grande Revue, octobre 1938, pp. 203-230.
  • [46]
    L’Atelier, 18 mars 1944.
  • [47]
    Simon Epstein, Les Dreyfusards sous l’Occupation, Paris, A. Michel, 2001, p. 110.
  • [48]
    Jean Rabaut, op. cit., p. 290.
  • [49]
    Révolution prolétarienne (désormais RP), n° 149, 10 avril 1933.
  • [50]
    RP, n° 169, 25 février 1934.
  • [51]
    RP, n° 274, 10 juillet 1938.
  • [52]
    Le Réveil syndicaliste, n° 28, 13 février 1939.
  • [53]
    Florent Le Bot, La Fabrique réactionnaire. Antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir (1930-1950), Presses de la FNSP, 2007.
  • [54]
    Roger Hagnauer, Chronique de l’entre-deux guerres. Histoire de la revue la RP (1925-1939), notamment pp. 276-282. Une partie de ce travail a été publié dans la RP.
  • [55]
    RP, n° 281, 25 octobre 1938.
  • [56]
    RP, n° 295, 25 mai 1939.
  • [57]
    RP, n° 298, 10 juillet 1939.
  • [58]
    DBMOF, op. cit., t. 43, p. 393. Les articles sont signés de René van den Broek, en octobre 1938 et mai 1939.
  • [59]
    Cité par Jean Rabaut, op. cit., p. 309.
  • [60]
    Cité par Jean Rabaut, op. cit., p. 299.
  • [61]
    Cité par François Lafon, Guy Mollet…, op cit., p. 137.
  • [62]
    Serge Berstein, Léon Blum, Paris, Fayard, 2006, p. 639.

Boboland: Attention, une exclusion peut en cacher une autre! (Trouble in Bobo paradise)

29 avril, 2010
Bienvenue à BobolandSi on abandonne l’assimilation, il faut également consentir à faire son deuil de la mixité sociale à laquelle les autochtones se plient à condition qu’on ne les oblige pas à voisiner avec des personnes dont le mode de vie est trop différent des leurs. On ne peut pas à la fois désirer respecter les différents usages et empêcher les individus de choisir leur voisinage. Philippe d’Iribarne
On brode beaucoup sur la non intégration des jeunes de banlieue. En réalité, ils sont totalement intégrés culturellement. Leur culture, comme le rap, sert de référence à toute la jeunesse. Ils sont bien sûr confrontés à de nombreux problèmes mais sont dans une logique d’intégration culturelle à la société monde. Les jeunes ruraux, dont les loisirs se résument souvent à la bagnole, le foot et l’alcool, vivent dans une marginalité culturelle. En feignant de croire que l’immigration ne participe pas à la déstructuration des plus modestes (Français ou immigrés), la gauche accentue la fracture qui la sépare des catégories populaires. Fracture d’autant plus forte qu’une partie de la gauche continue d’associer cette France précarisée qui demande à être protégée de la mondialisation et de l’immigration à la « France raciste ». Dans le même temps, presque malgré elle, la gauche est de plus en plus plébiscitée par une « autre France », celle des grands centres urbains les plus actifs, les plus riches et les mieux intégrés à l’économie-monde ; sur ces territoires où se retrouvent les extrêmes de l’éventail social (du bobo à l’immigré), la mondialisation est une bénédiction. Christophe Guilluy
Dans les quartiers populaires, on se mélange, on se supporte. Les bobos, eux, ils nous prennent de haut. Ils viennent avec leurs soi-disant Lumières, mais leur arrivée annonce des choses. Leur but, en fait, c’est de nettoyer le quartier et de nous envoyer en banlieue. Si tu veux réussir aujourd’hui, il faut faire le bobo! Grand frère
Pour avoir la paix, il faut connaître tout le quartier, même ceux qui sont morts ou en prison». Makhlouf (patron d’un «café-tagine-concert»)
L’espace est devenu à la fois plus cher et plus restrictif. Auparavant, les logements étaient insalubres et la rue servait de salon. Maintenant, les nouveaux venus imposent leurs moeurs et leur argent. On ferme les passages, on pose des digicodes, on «protège» ses enfants en les envoyant à l’école privée. Les gamins ne cassent pas par hasard. Leur révolte n’est pas formulée. Mais ils sentent très bien qu’ils sont persona non grata et que la logique économique ne tardera pas à les chasser.» Entre ces deux mondes, les passerelles se sont peu à peu effondrées. Raul Velasco (ancien président des «artistes de Belleville»)
Ce sont deux mondes qui se superposent sur le même espace avec des règles parfaitement antagoniques. L’univers de la ville, où l’anonymat garantit la liberté de chacun, côtoie le monde de la cité, son omerta et son système d’entraides entre «frères», où tout le monde se connaît. Didier Lapeyronnie (sociologue)
Il ne faut pas sous-estimer le poids de l’islam. Ça ne veut pas dire qu’il y a un salafiste à chaque coin de rue, mais l’islam dans les cités parisiennes est culturellement très fort, en termes de référent, même quand les types ne sont pas du tout pratiquants. (…) «parler de relégation sociale n’a pas grand sens quand on est à dix minutes du métro et au coeur d’un marché de l’emploi gigantesque». Christophe Guilluy (géographe, voisin de la cité Piat)
Les premiers opposants à la construction de logements sociaux étaient des syndiqués, des universitaires de gauche, des militants des droits de l’homme. (…) Personne ne disait qu’il ne voulait pas d’Arabes sur la commune, mais on entendait tous les prétextes. Marie-Christine Jaillet (sociologue, enquête dans le Sud de la France)
Dans Bobo au contraire, il y a bourgeois […] Reste que le principe de générosité connaît ses limites. On peut soutenir les enfants de sans-papiers et contourner discrètement la carte scolaire. Par ailleurs, le bobo a beau se rattacher à la tradition ouvriériste du Paris faubourien, rien ne le déstabilise plus qu’un prolo blanc (…) Le pauvre du bobo, c’est l’étranger fraichement immigré qui vit à ses côtés dans les cités HLM du nord-est parisien. Contrairement au prolo, l’immigré est une personne éminemment sympathique, avec qui vous voudrez entretenir une relation placée sous le signe du rapport interculturel. Christophe Guilluy, auteur d’un « Atlas des nouvelles fractures sociales (Le Nouvel Observateur, 29 Mars 2007)
Belleville est un territoire à part dans la métropole parisienne. On y retrouve des populations situées aux deux extrêmes de la pyramide sociale. D’un côté donc, les fameux bourgeois-bohèmes, qui investissent les anciens immeubles ouvriers remis à neuf. De l’autre, des familles maghrébines ou noires-africaines, regroupées dans les grands ensembles HLM. D’un côté, la constellation des bars «tendance» et des lofts pour bienheureux. De l’autre, des isolats comme la cité Piat, où se concentrent tous les stigmates de la précarité sociale : 17% de chômage, 22% de familles bénéficiaires d’aides sociales et une petite délinquance suffisamment ancrée pour que le quotidien des habitants soit rythmé par les descentes musclées des flics.
De fait, si les bourgeois-bohèmes sont souvent les premiers à se réjouir de la mixité colorée du quartier, leur arrivée massive se solde paradoxalement par l’éviction des classes populaires. (…) Vivre à Belleville n’est pas une punition. Et tous les enfants de la cité, loin s’en faut, ne sont pas dans la conflictualité. Certains tirent même partie des évolutions en cours. De jeunes patrons de bars kabyles ont su ainsi métamorphoser les vieux tripots communautaires de leurs pères pour les adapter au goût des branchés. De l’autre côté, tous les bobos ne vivent pas nécessairement en parias. Raul Velasco s’est fait voler un Nikon et du numéraire il y a quelques mois par une bande extérieure au quartier. Le «caïd du coin» a été contacté, et le Nikon est revenu dans la journée. Le Nouvel Obs

Attention: une exclusion peut en cacher une autre!

Part des étrangers dans la population française (maintenue depuis des décennies, au gré des naturalisations massives, à 10%), fécondité des femmes d’origine étrangère (Turques : 3,2 ; Marocaines : 2,97 ; Africaines : 2,86 ; Algériennes : 2,57 contre 1,7, soit pas loin de la moyenne européenne, pour les « non-immigrantes », comme sont pudiquement appelées les Françaises de souche par nos démographes bien-pensants), ratés de l’assimilation (près des deux-tiers des Italiens et près de la moitié des Polonais lors des vagues précédentes, ne laissant sur place que les plus assimilables), taux d’exogamie (officiellement de 15% mais, entre les mariages forcés et l’instrumentalisation pour l’obtention de papiers, un tiers des mariages sont célébrés avec un étranger), communautarisation (notamment via la culture et la musique ostensiblement virile et machiste, la seule autorisée par le féminement correct) …

Autant de sujets tabous et de bidonnages que, dans son dernier brûlot antimondialiste, a le mérite de rappeler notre Zemmour national …

Comme en témoignent la manière dont nos chers bobos de Belleville gèrent au quotidien cette fameuse mixité sociale qu’ils voudraient imposer à tous.

Mais aussi cette nouvelle et souvent méconnue fracture sociale qui, face à la double ghettoïsation des centres-villes par le haut et l’immigration, voit toujours plus marginalisée et rejetée à la périphérie comme raciste une France plutôt populaire d’employés et d’ouvriers (tout de même près de 60% de la population active) …

Vouée, comme on l’a encore vu aux dernières régionales, à l’abstention ou aux votes extrêmes de gauche ou de droite ….

Les tempêtes de Belleville
Anne Fohr, Gurvan Le Guelec
Le Nouvel Obs
20/04/2006

Menaces, intrusions, jets de pierres… A Belleville, une exposition de caricatures antireligieuses a failli tourner au drame. Et révélé un malaise profond entre nouveaux arrivés et anciens habitants

Un air de jazz, un prof qui corrige ses copies, un papy à moustaches qui regarde le temps passer : c’est un beau café zen aux larges baies vitrées comme on en trouve de plus en plus dans l’est de Paris. On pourrait se croire à la Bastille, on est sur les hauteurs de Belleville. Le café, baptisé La Mer à Boire, est branché ; le quartier, pas encore. Ce coin du 20e arrondissement, c’est « Amélie Poulain » retouché par Kassovitz. Les intellos y roulent à vélo, les lascars foncent à Vespa. Paris s’étale tout en bas, sous le parc à tonnelles qui dévale la colline. Maisonnettes, petites épiceries, ateliers d’artistes, restaurant-musette qui figure dans les guides japonais, c’est encore le vieux Paris. Mais ici il y a aussi une cité en béton, une grande, une vraie de 650 logements, dénommée Piat-Faucheur-Envierges, enfermée derrière des grilles, dans le labyrinthe des rues tortueuses, à l’abri du regard.

Derrière leur comptoir, les trois associés de La Mer à Boire, Marika, Marianne et Zayed, font grise mine. La veille, il y a «encore eu des problèmes». Trois gamines aux yeux rougis se sont enfermées ensemble dans les toilettes. Marika les a délogées, elles ont frappé un client. Des filles maintenant ! Comme si les incursions à répétition des mecs du quartier ne suffisaient pas… Depuis trois semaines, on les a vus débarquer plus d’une fois, ces jeunes qu’on «connaît bien». Des 10-12 ans, armés de bâtons, sont venus casser des cadres de l’exposition en cours, « Ni Dieu, ni Dieu », accrochés au mur. Des plus grands se sont pointés pour s’excuser, puis menacer : ces dessins, c’était «pas bien», les Frères musulmans allaient leur «régler leur compte». Un soir, à la fermeture, une baie vitrée a même failli voler en éclats sous le coup d’un pavé.

L’objet de leur courroux ? Des caricatures au vitriol pondues par la bande de dessinateurs de « Charlie Hebdo ». Des bites à l’air, des barbus féroces ou idiots au langage débridé croqués par Willem, Siné, Charb et les autres. Visibles de la rue, elles ont vite mis le feu aux poudres dans tout le quartier. «Ils ont mis des choses qu’on peut pas mettre», lâche un lycéen énervé. «On n’a pas pensé qu’on pouvait avoir des ennuis, répond Marika, alias Marie-Caroline, compagne de Charb et ancienne gérante du magazine. L’expo est contre toutes les religions, le droit à la caricature est universel, et on a refusé de croire qu’on est dans un quartier d’abrutis! D’ailleurs, il y a des musulmans qui nous soutiennent.»

L’expo se termine cette semaine. En haut lieu, on respire : car les ennuis de La Mer à Boire ont fait craindre le pire. Sans la fièvre nationale autour du CPE, la petite polémique bellevilloise aurait peut-être dégénéré en version française de «l’affaire des caricatures danoises».«On l’a redouté. Voile, communautarisme, islamisme, extrême-gauche, on aurait eu droit à tout…», lâche un haut fonctionnaire. Probable que la police, muette sur l’affaire, a veillé à contenir la violence sur place. «Se faire de la pub, c’est juste ce qu’ils voulaient, ceux du café, balance Sébastien, un jeune du quartier. Si on avait voulu…»

Les caricatures de Belleville ont mis le quartier en ordre de bataille. Mardi 4 avril, deux camps se sont révélés au cours d’un débat musclé à La Mer à Boire. Chacun sur sa planète, avec sa bonne foi, ses dogmes et ses langues… D’un côté, une masse de républicains bon teint pour qui «la liberté d’expression n’est pas négociable, un point c’est tout». «On a besoin de blasphèmes! a lancé un dessinateur remonté. Balade-toi dans le monde et va dans les dictatures!» De l’autre, quelques jeunes, blacks ou beurs, qui se veulent les porte-parole d’une majorité silencieuse blessée. «Vous parlez de démocratie, on vous parle de rapports humains, a balancé l’un d’eux. N’obligez pas les gens à voir ce que vous voulez montrer!» Triste réunion, qui a révélé le méchant climat d’insécurité régnant dans le quartier et l’exaspération qu’il suscite chez les nouveaux installés, commerces et artistes branchés en tête. C’est dans leurs ateliers sur rue que les «petites frappes» se pointent le plus souvent. Insultes machistes, intimidations… «Chez moi, en deux ans, ils sont venus quatre fois, explique Estelle, une modeuse qui créée des chapeaux de rêve pour le music-hall. Leur leitmotiv : ton bizness, on va le fermer !»

Chez les vieux grognards du coin, installés là depuis des années, les positions sont moins tranchées. Les « conneries » des délinquants, personne ne les cautionne. Mais le ramdam médiatique provoqué par Marika et ses amis est loin de faire l’unanimité. Au conseil de quartier, beaucoup regrettent que La Mer à Boire n’ait pas fait un «petit effort» pour s’adapter aux «réalités» du cru. S’adapter ou ne pas s’adapter, c’est la question qui tue. Qu’on le déplore ou non, les jeunes du haut Belleville n’ont pas le même décodeur mental que les lecteurs de « Charlie Hebdo ». Pour Leeroy, Sélassié et Loïc, trois grands frères en veine de paroles, La Mer à Boire n’est pas qu’un bar à BD, c’est un océan de fantasmes dont la principale chimère s’appelle le « bourgeois-bohème » ! Le fameux bobo, ils le voient partout, ils en parlent tout le temps, et ils ne l’aiment guère. «Dans les quartiers populaires, on se mélange, on se supporte. Les bobos, eux, ils nous prennent de haut. Ils viennent avec leurs soi-disant Lumières, mais leur arrivée annonce des choses. Leur but, en fait, c’est de nettoyer le quartier et de nous envoyer en banlieue. Si tu veux réussir aujourd’hui, il faut faire le bobo!»

Cette haine un peu confuse du bourgeois étonne. Mais elle s’appuie sur une sourde réalité. Belleville est un territoire à part dans la métropole parisienne. On y retrouve des populations situées aux deux extrêmes de la pyramide sociale. D’un côté donc, les fameux bourgeois-bohèmes, qui investissent les anciens immeubles ouvriers remis à neuf. De l’autre, des familles maghrébines ou noires-africaines, regroupées dans les grands ensembles HLM. D’un côté, la constellation des bars «tendance» et des lofts pour bienheureux. De l’autre, des isolats comme la cité Piat, où se concentrent tous les stigmates de la précarité sociale : 17% de chômage, 22% de familles bénéficiaires d’aides sociales et une petite délinquance suffisamment ancrée pour que le quotidien des habitants soit rythmé par les descentes musclées des flics.

Entre ces deux mondes, les passerelles se sont peu à peu effondrées. Dans son petit atelier de gravure à flanc de colline de la rue des Cascades, Raul Velasco, ancien président des «artistes de Belleville», voit son quartier se «refermer» année après année. «L’espace est devenu à la fois plus cher et plus restrictif. Auparavant, les logements étaient insalubres et la rue servait de salon. Maintenant, les nouveaux venus imposent leurs moeurs et leur argent. On ferme les passages, on pose des digicodes, on «protège» ses enfants en les envoyant à l’école privée. Les gamins ne cassent pas par hasard. Leur révolte n’est pas formulée. Mais ils sentent très bien qu’ils sont persona non grata et que la logique économique ne tardera pas à les chasser.» De fait, si les bourgeois-bohèmes sont souvent les premiers à se réjouir de la mixité colorée du quartier, leur arrivée massive se solde paradoxalement par l’éviction des classes populaires. La pression foncière dont parlent Leeroy et Sélassié est une réalité qui s’impose avec brutalité. Rue des Envierges, la «mauvaise réputation» n’empêche pas les prix d’atteindre 5 000 euros le mètre carré ! Résultat : un titi du quartier ne peut pas se loger sur place, sauf à jouer les Tanguy à perpétuité dans le HLM familial.

Reste que le conflit de classes n’explique pas tout. Lorsqu’en été des bandes de gamins hauts comme trois pommes caillassent les promeneurs du parc de Belleville, la rancoeur sociale cède la place à une hostilité beaucoup plus primaire. Entre Marika et ses tourmenteurs, c’est bien plus qu’une confrontation bobos-prolos qui se joue. «Ce sont deux mondes qui se superposent sur le même espace avec des règles parfaitement antagoniques», explique le sociologue Didier Lapeyronnie. L’univers de la ville, où l’anonymat garantit la liberté de chacun, côtoie le monde de la cité, son omerta et son système d’entraides entre «frères», où tout le monde se connaît. «Pour avoir la paix, il faut connaître tout le quartier, même ceux qui sont morts ou en prison», sourit Makhlouf, le patron des Trois Chapeaux, un «café-tagine-concert», installé rue des Cascades. Makhlouf connaît tout le monde, et cela se sait… Gare en revanche aux nouveaux venus, surtout quand ils se confrontent frontalement aux valeurs du quartier. «Les gars de La Mer à Boire, ils sont arrivés la fleur au fusil! Ils ne savent vraiment pas où ils sont, les patrons…»

Dans ce petit monde construit en réaction aux séductions de Paris-Paname, le sexe, les filles, la religion des pères sont encore des sujets tabous, autant de valeurs auxquelles on ne touche pas. «Il ne faut pas sous-estimer le poids de l’islam, note le géographe Christophe Guilluy (1), voisin de la cité Piat. Ça ne veut pas dire qu’il y a un salafiste à chaque coin de rue, mais l’islam dans les cités parisiennes est culturellement très fort, en termes de référent, même quand les types ne sont pas du tout pratiquants.»

Alors, rupture ? Pas forcément. Des passerelles et des échappatoires existent. Comme le souligne encore Christophe Guilluy, «parler de relégation sociale n’a pas grand sens quand on est à dix minutes du métro et au coeur d’un marché de l’emploi gigantesque». Vivre à Belleville n’est pas une punition. Et tous les enfants de la cité, loin s’en faut, ne sont pas dans la conflictualité. Certains tirent même partie des évolutions en cours. De jeunes patrons de bars kabyles ont su ainsi métamorphoser les vieux tripots communautaires de leurs pères pour les adapter au goût des branchés. De l’autre côté, tous les bobos ne vivent pas nécessairement en parias. Raul Velasco s’est fait voler un Nikon et du numéraire il y a quelques mois par une bande extérieure au quartier. Le «caïd du coin» a été contacté, et le Nikon est revenu dans la journée.

(1) Il a publié « Atlas des nouvelles fractures sociales en France », Editions Autrement.

Voir aussi:

La « ghettoïsation par le haut »
Le Nouvel Obs
18/11/04
Jacqueline de Linares

La première conséquence de cette flambée immobilière, c’est la « boboïsation » spectaculaire des centres-villes qui chasse les classes populaires dans les périphéries. Dans leur remarquable «Atlas des nouvelles fractures sociales en France» (1), les géographes Christophe Guilluy et Christophe Noyé lancent un véritable cri d’alarme sur les conséquences de la «gentrification» des centres-villes où ne cohabitent plus que deux types de population: d’un côté les cadres supérieurs, profs, journalistes, artistes qui ont réussi, de l’autre les immigrés. Exemple: à Lyon dans le 1er arrondissement, ancien fief des canuts, la part des cadres moyens et supérieurs est passée de moins de 20% en 1975 à 65% en 1999. Lille connaît aussi la boboïsation de ses quartiers populaires, comme celui de Wazemmes. A Marseille, le Panier est en voie de gentrification accélérée.

Mais alors, où vont les employés, les ouvriers qui représentent tout de même près de 60% de la population active? D’abord en banlieue, et puis de plus en plus loin à la périphérie, surtout quand ils veulent fuir les cités. On préfère un pavillon bas de gamme très loin de la ville qu’une cité.

Résultat: une «ghettoïsation par le haut» de la société française. D’un côté, ce qu’ils appellent les «centres prescripteurs». Ceux-ci regroupent les catégories les plus impliquées dans la sphère publique (partis, syndicats, associations) qui veillent aux aspirations économiques et sociales des couches supérieures. La ville est pensée en fonction d’eux. De l’autre, les couches populaires, «reléguées spatialement» dans les périphéries sous-équipées, ignorées des politiques, des populations en «panne d’intégration sociale», mais aussi victimes de «relégation culturelle»: ouvrier en milieu rural, petit paysan employé d’un lotissement pavillonnaire bas de gamme, chômeur de banlieue. Autrefois, les classes populaires étaient au moins structurées politiquement – notamment autour du Parti communiste. Aujourd’hui, elles ne constituent plus qu’une France aphone qui s’abstient ou vote aux extrêmes («Lutte ouvrière parfois, Front national souvent»).

Attention, disent en substance nos deux géographes, cette mixité sociale, dont on nous rebat les oreilles, est un leurre absolu. Les ségrégations de demain s’organisent aujourd’hui. Sous nos yeux.

(1) «Atlas des nouvelles fractures sociales. Les classes moyennes oubliées et précarisées», par Christophe Guilluy et Christophe Noyé, Autrement.

On parle très peu de la jeunesse rurale ou périurbaine. L’époque où les enfants des ménages modestes allaient à la ville pour étudier est révolue. Du fait des logiques foncières, l’accès à la ville pour les enfants des catégories populaires est devenu quasi impossible. Sciences-po s’est ouvert aux jeunes des zones urbaines sensibles mais n’a pas pensé aux jeunes ruraux. Culturellement, cette jeunesse est « out ». On brode beaucoup sur la non intégration des jeunes de banlieue. En réalité, ils sont totalement intégrés culturellement. Leur culture, comme le rap, sert de référence à toute la jeunesse. Ils sont bien sûr confrontés à de nombreux problèmes mais sont dans une logique d’intégration culturelle à la société monde. Les jeunes ruraux, dont les loisirs se résument souvent à la bagnole, le foot et l’alcool, vivent dans une marginalité culturelle.

En feignant de croire que l’immigration ne participe pas à la déstructuration des plus modestes (Français ou immigrés), la gauche accentue la fracture qui la sépare des catégories populaires. Fracture d’autant plus forte qu’une partie de la gauche continue d’associer cette France précarisée qui demande à être protégée de la mondialisation et de l’immigration à la « France raciste ». Dans le même temps, presque malgré elle, la gauche est de plus en plus plébiscitée par une « autre France », celle des grands centres urbains les plus actifs, les plus riches et les mieux intégrés à l’économie-monde ; sur ces territoires où se retrouvent les extrêmes de l’éventail social (du bobo à l’immigré), la mondialisation est une bénédiction. La contradiction est bien là.

Voir également:

Elections présidentielles
Comment Sarkozy a conquis les classes populaires
Ivan du Roy
Témoignage chrétien
25 avril 2007

La bataille du second tour ne se jouera pas seulement au centre. Une part importante des classes populaires ont voté en faveur de la droite dure, de Sarkozy à Le Pen. La fracture politique et culturelle apparue après le 21 avril 2002 n’a fait que s’agrandir. Dangereusement. L’analyse du géographe Christophe Guilluy, qui étudie les nouvelles fractures sociales.

Tout est redevenu normal, se rassurent les grands médias. Pourtant, derrière le traditionnel affrontement gauche-droite de ce second tour, se cache une énorme fracture. La gauche, malgré le 21 avril et le référendum, semble l’avoir oublié. Une grande partie des employés, ouvriers et classes moyennes déclassées, reléguées loin des grands centres urbains, de leur dynamisme économique et culturel, ont permis à Sarkozy de passer la barre des 30% au 1er tour. Paradoxe : si le candidat néo-libéral est élu président, ce sera grâce aux classes populaires. Explications avec le géographe Christophe Guilluy*, co-auteur de l’Atlas des nouvelles fractures sociales (Autrement). Une analyse qui bouscule les discours convenus, du PS à l’extrême gauche.

Quelle est la géographie des fractures sociales ?

Les grandes métropoles concentrent les emplois les plus qualifiés et attirent de plus en plus cadres et classes moyennes supérieures. C’est la ville duale : d’un côté des catégories qui profitent à fond de la mondialisation, de l’autre des poches de logements sociaux qui accueillent les familles les plus modestes, notamment immigrées. La création d’une économie urbaine intégrée à l’économie monde provoque des dommages collatéraux : la déconnexion entre emplois urbains très qualifiés et flux migratoires, d’où un taux de chômage hallucinant dans certaines cités ; l’éviction des classes populaires – et maintenant des classes moyennes les moins aisées – de ces « villes centres » vers l’espace péri-urbain voire rural, à cause de l’augmentation des prix immobiliers. Ce processus se retrouve aussi bien à Paris, Nantes, Marseille ou Lyon.

Les catégories populaires ont aussi suivi le redéploiement industriel loin des grands centres urbains. Il n’existe pas de concentration de logements sociaux dans ces espaces. Dispersés, les ménages en difficulté deviennent presque invisibles. Les services sociaux ont du mal à les repérer. Il n’y a pas de maillage social comme dans les banlieues proches des centres. D’où un sentiment relatif d’abandon. D’autant que la majorité des ménages qui s’installent dans ces espaces sont précaires. Les fractures culturelles s’accentuent de plus en plus.

En quoi la relégation des classes populaires vers les périphéries des grandes villes influence-t-elle les élections ?

La géographie du non au référendum est exactement celle des zones périurbaines, alors que les grandes villes ont voté oui. Les gens qui bénéficient de la mondialisation, qui sont dans une dynamique économique et culturelle plus favorables, sont davantage tournés vers l’extérieur et plus ouverts à l’autre. Ce sont dans les centres que les immigrés sont susceptibles d’être le mieux accueillis. Les catégories supérieures prônent la mixité alors que les catégories populaires y sont plus réticentes. Dans les zones périurbaines et les petites villes, on est davantage dans une logique de repli, notamment identitaire. Le vote FN en 2002, comparé aux moyennes régionales, apparaît fortement dans ces endroits.

Et au premier tour ?

C’est une France plutôt populaire et périphérique qui a permis à Sarkozy de passer les 30%. La carte du vote Sarkozy ressemble à celle du non au référendum. Il a capté une partie de l’électorat populaire du FN, même si le vote Le Pen résiste dans les régions ouvrières. Immigration, insécurité, peur de la mondialisation : Sarkozy semble faire la synthèse entre ces thématiques. On pourrait croire qu’en votant pour lui les électeurs lepénistes reviennent dans une logique républicaine. C’est oublier les thèmes qui ont été mis en avant par le candidat de l’UMP. Cette situation peut être comparée à la carte du vote Bush au Etats-Unis. La révolution néo-conservatrice vient des zones péri-urbaines et rurales. Ici, les classes populaires blanches en dehors des villes votent Sarkozy ou Le Pen. Le vote Royal et Bayrou est sur-représenté à Paris et dans les grandes villes. La rupture culturelle entre ces deux mondes est énorme. Quelle réconciliation est possible dans ces conditions ?

La notion de « France périphérique » a-t-elle été totalement absente du débat ?

Quasiment. Tout le monde a à l’esprit ce chiffre : 80% des français sont urbains. En fait, un quart seulement de la populations vit dans les villes centres, un tiers si on y ajoute les banlieues proches. La majorité des gens vivent donc dans des endroits qui, vu des centre villes, paraissent marginaux. Les zones périurbaines pèsent démographiquement plus que la ville centre alors que les discours abordent peu leurs problèmes. Les salariés du privé à petits revenus sont surreprésentés dans ces zones alors que les cadres et les salariés du public y sont plus rares. Y vivent donc des gens au salaire bloqué, recevant de plein fouet la dégradation des conditions de travail, la hausse de l’essence – la voiture y est le principal moyen de transport – et sont davantage susceptibles de connaître le chômage et la précarité. Regardez la géographie des plans sociaux. Ces territoires sont les plus touchés par les fermetures d’usines alors qu’il y est très difficile de retrouver un emploi. Les Moulinex n’ont jamais retrouvé de boulot.

Les délocalisations ne représentent cependant que 10% des suppressions d’emplois…

Quand un plan social touche une petite ville, il n’y a pas de création d’emploi au même endroit pour compenser la perte. Et la mobilité tend à régresser du fait de la crise du logement. Les ménages ont tendance à rester là où ils ont pu accéder à la propriété, là où ils bénéficient de loyers plus bas. Être mobile à 4000 euros par mois, d’accord, mais au Smic et à plus de 50 ans pour un boulot instable, non. Quand on dresse la carte des jeunes diplômés au chômage, on retombe encore sur les zones périurbaines et rurales, même s’il y a de graves problèmes de discriminations en banlieues. C’est le signe d’un système qui se casse la gueule. Le comble est que ces thématiques – pouvoir d’achat, place des catégories populaires dans la société post-industrielle – sont portées par l’extrême gauche. Je ne suis pas certain que Sarkozy, une fois au pouvoir, en fera sa priorité. Qui alors va exprimer les aspirations des classes populaires ?

Quelles sont les perspectives des jeunes de ces périphéries lointaines ?

On parle très peu de la jeunesse rurale ou périurbaine. L’époque où les enfants des ménages modestes allaient à la ville pour étudier est révolue. Du fait des logiques foncières, l’accès à la ville pour les enfants des catégories populaires est devenu quasi impossible. Sciences-po s’est ouvert aux jeunes des zones urbaines sensibles mais n’a pas pensé aux jeunes ruraux. Culturellement, cette jeunesse est « out ». On brode beaucoup sur la non intégration des jeunes de banlieue. En réalité, ils sont totalement intégrés culturellement. Leur culture, comme le rap, sert de référence à toute la jeunesse. Ils sont bien sûr confrontés à de nombreux problèmes mais sont dans une logique d’intégration culturelle à la société monde. Les jeunes ruraux, dont les loisirs se résument souvent à la bagnole, le foot et l’alcool, vivent dans une marginalité culturelle.

Comment se manifeste cet antagonisme entre périphérie « invisible » et centre où résident « les élites » en dehors des élections ?

Par l’intercommunalité. Les communes périurbaines sont plus petites et peu friquées. Résultat : la ville centre lui impose ses diktats. La question des transports publics est posée à partir des centres dont les préoccupations sont les transports en commun et la réduction de la voiture, alors que celle-ci est incontournable en zone semi rurale. C’est le débat entre mobilité et précarité. Les chômeurs et RMIstes des zones périurbaines rencontrent des problèmes de déplacements pour chercher un emploi. Leurs faibles revenus ne leur permettent pas d’avoir de voitures. En Champagne-Ardenne, une expérience de taxis collectifs a été mise en place par des associations. Mais cela reste des initiatives locales, qui ne sont pas reprises et coordonnées par des politiques publiques. Il y a aussi la question de la fermeture des services publics en milieu rural alors que le taux de fécondité y est plus élevé que dans les centres. Le rural se repeuple mais, pour des raisons comptables, on décide d’y fermer les services publics. C’est anachronique.

La définition de classe moyenne a fait débat pendant la campagne. Que recouvre-t-elle ?

C’est un débat byzantin et inutile. La classe moyenne est un concept culturel. On se moque de savoir si elle démarre à 1000 ou 1500 euros par mois et si elle s’arrête à 3000 ou 4000 euros. Ce qui est important, c’est le sentiment d’y appartenir. Beaucoup de gens, y compris les ouvriers pendant les trente glorieuses, ont le sentiment d’en faire partie, parfois malgré de petits salaires et une certaine précarité. Décrocher de la classe moyenne signifie décrocher culturellement. Le jour où on a l’impression de ne plus en faire partie, on se sent déclassé. C’est la porte ouverte au vote FN. La petite bourgeoisie des villes centres aura plus de mal à voter pour l’extrême droite qu’un déclassé. Le sentiment de déclassement ou de relégation, réel ou supposé, est de plus en plus fort. Cela n’a pas été abordé dans la campagne, ni la question du logement d’ailleurs. Pendant des années on soulève ces questions sociales et, au moment d’en débattre, on parle d’identité nationale.

Recueilli par Ivan du Roy

*Christophe Guilluy, 42 ans, est géographe. « Socio-géographe » devrait-on dire car il est l’auteur avec Christophe Noyé de l’Atlas des nouvelles fractures sociales, édité l’année dernière par Autrement. L’atlas s’est vendu à plus de 13 000 exemplaires selon l’éditeur. Le chercheur et consultant travaille sur la politique de la ville pour l’Etat ou des collectivités locales : évolution démographique des quartiers, bilan des politiques de démolition et de reconstruction… Tel est son quotidien. Un nouvel atlas sera probablement édité dans un an. Les fractures se seront-elle encore aggravées ?

Voir enfin:

La fracture populaire
Christophe Guilluy *
Le Nouvel Obs
21/06/07

Au premier tour de la présidentielle, la gauche et l’extrême-gauche n’ont attiré qu’un tiers de l’électorat populaire. Quand elles votent, ce qui est d’ailleurs de moins en moins le cas, les couches populaires ne choisissent plus le camp du progrès social. Ce constat aurait dû provoquer un aggiornamento de la gauche, au moins un débat sur les thématiques qui ont permis à la droite et à l’extrême-droite de capter le peuple : travail, immigration et insécurité. Il n’en a rien été, au contraire. En faisant exploser les vieilles oppositions héritées de la révolution industrielle, la nouvelle géographie sociale a rendu la France populaire invisible pour la gauche. La France des ouvriers, des petits salariés du secteur privé, des revenus modestes, des précaires est aujourd’hui une « France périphérique », dispersée, périurbaine et rurale. Ce ne sont plus les anciennes banlieues ouvrières qui structurent les nouvelles fractures sociales. Cette « France périphérique », qui est aussi celle des plans sociaux, vit à la marge des métropoles les plus actives, mondialisées et cosmopolites. Inexistante culturellement, elle n’en est pas moins majoritaire et enregistre une forte poussée démographique. Peuplée des salariés les moins protégés des effets de la mondialisation, elle hurle depuis vingt ans sa demande de protection. C’est ce qu’ont très bien entendu Sarkozy et, plus tôt encore, Le Pen. Car ici l’image de la mondialisation, ce n’est pas seulement les délocalisations, c’est aussi l’immigration. En feignant de croire que l’immigration ne participe pas à la déstructuration des plus modestes ( Français ou immigrés ), la gauche accentue la fracture qui la sépare des catégories populaires. Fracture d’autant plus forte qu’une partie de la gauche continue d’associer cette France précarisée qui demande à être protégée de la mondialisation et de l’immigration à la « France raciste ». Dans le même temps, presque malgré elle, la gauche est de plus en plus plébiscitée par une « autre France », celle des grands centres urbains les plus actifs, les plus riches et les mieux intégrés à l’économie-monde ; sur ces territoires où se retrouvent les extrêmes de l’éventail social ( du bobo à l’immigré ), la mondialisation est une bénédiction. La contradiction est bien là.

(*) Géographe


Livres: Zemmour, Bové, Besancenot même combat! (Bill O’Reilly of French letters: France’s best and brightest un-PC journalist all too predictably lashes out at Anglo-American-led globalization)

28 avril, 2010
Melancolie francaise (Eric Zemmour, 2010)French empireUne bonne partie de ce que nous observons dans les relations entre la France et les Etats-Unis est le produit d’une structure de relations que l’on doit penser comme la confrontation entre deux impérialismes de l’universel. (…) La France est une sorte d’idéologie réalisée : être français, c’est se sentir en droit d’universaliser son intérêt particulier, cet intérêt particulier qui a pour particularité d’être universel. (…) C’est dire que nombre des choses qui s’écrivent ou se disent, à propos de la France ou des USA ou de leurs rapports, sont le produit de l’affrontement entre deux impérialismes, entre un impérialisme en ascension et un impérialisme en déclin, et doivent sans doute beaucoup à des sentiments de revanche ou de ressentiment, sans qu’il soit exclu qu’une partie des réactions que l’on serait porté à classer dans l’antiaméricanisme du ressentiment puissent et doivent être comprises comme des stratégies de résistance légitime à des formes nouvelles d’impérialisme… Pierre Bourdieu (1992)
Aucun pays européen n’est obsédé par les Etats-Unis comme la France, c’est fascinant. Et si l’antiaméricanisme y est plus irrationnel qu’ailleurs, c’est qu’au fond l’Amérique représente un peu, pour les Français, le frère jumeau qui a mal tourné : les deux pays parlent le même langage, c’est-à-dire celui de l’universel, tous deux agissent au nom d’abstractions moralisantes comme les droits de l’homme ou la démocratie, tous deux surtout ont la prétention de décrire le monde comme un projet universel. Jean Birnbaum
Élites mondialisées parlant, pensant en anglais, et Lumpenprolétariat islamisé forgeant un créole banlieusard : une double récession linguistique mine silencieusement notre pays qui avait pris l’habitude séculaire d’associer unité politique et linguistique, et qui fit même pendant longtemps rimer le progrès de la francisation avec ceux des Lumières. Eric Zemmour (Mélancolie française, p. 246)
Mr. Zemmour, roughly speaking, (…) the Bill O’Reilly of French letters (…) is a notorious rabble-rouser. In his view France, because of immigration and other outside influences, has lost touch with its heroic ancient Roman roots, its national “gloire,” its historic culture, at the heart of which is the French language. (…) The issue is somewhat akin to Americans complaining about the rise of Spanish in classrooms and elsewhere, but more acute here because of France’s special, proprietary, albeit no longer entirely realistic relationship to French. French is now spoken mostly by people who aren’t French. More than 50 percent of them are African. French speakers are more likely to be Haitians and Canadians, Algerians and Senegalese, immigrants from Africa and Southeast Asia and the Caribbean who have settled in France, bringing their native cultures with them. Which raises the question: So what does French culture signify these days when there are some 200 million French speakers in the world but only 65 million are actually French? Culture in general — and not just French culture — has become increasingly unfixed, unstable, fragmentary and elective. Globalization has hastened the desire of more people, both groups and individuals, to differentiate themselves from one another to claim a distinct place in the world, and language has long been an obvious means to do so. In Canada the Quebecers tried outlawing signs and other public expressions in anything but French. Basque separatists have been murdering Spaniards in the name of political, linguistic and cultural independence, just as Franco imprisoned anyone who spoke Basque or Catalan. In Belgium the split between French and Dutch speakers has divided the country for ages. And in France some years ago Jacques Toubon, a former culture minister, proposed curbing the use of English words like “weekend,” although nobody paid much attention. The fact is, French isn’t declining. It’s thriving as never before if you ask Abdou Diouf, former president of Senegal, who is the secretary general of the francophone organization. Mr. Diouf’s organization has evolved since 1970 from a postcolonial conglomerate of mostly African states preserving the linguistic vestiges of French imperialism into a global entity whose shibboleth is cultural diversity. With dozens of member states and affiliates, the group reflects a polyglot reality in which French is today concentrated outside France, and to a large extent, flourishes despite it.(…) This may sound perfectly obvious to Americans, but it’s not necessarily so to France’s growing tea party contingent. The populist National Front party won some 20 percent of the vote in the south last month (less nationwide), despite Mr. Sarkozy’s monthslong campaign to seduce right-wing voters by stressing the preservation of French national identity. Part of that campaign has been affirming a policy of cultural exceptionalism. A phrase born years ago, “l’exception culturelle,” refers to the legal exclusion of French cultural products, like movies, from international free trade agreements, so they won’t be treated as equivalent to Coca-Cola or the Gap. But if you ask French people, the term also implies something more philosophical. In a country where pop radio stations broadcast a percentage of songs in French, and a socialist mayor in the northern, largely Muslim town of Roubaix lately won kudos for protesting that outlets of the fast-food chain Quick turned halal, cultural exceptionalism reflects fears of the multicultural sort that Mr. Zemmour’s book touches on. It happens that Mr. Zemmour traces his own roots to Sephardic Jews from Spain who became French citizens while living in Algeria in the 19th century, then moved to France before the Algerian war. He belongs to the melting pot, in other words, which for centuries, he said, absorbed immigrants into its republican culture. “In America or Britain it is O.K. that people live in separate communities, black with black, white with white,” he said, reflecting a certain antique perspective. “But this is not French. France used to be about assimilation. But since the 1970s the French intelligentsia has called this neocolonialism. In fact it is globalization, and globalization in this respect really means Americanization.” But of course colorblind French Jacobin republicanism has always been a fiction if you were black or Muslim, and what’s really happened lately, it seems, is that different racial and ethnic groups have begun to argue more loudly for their rights and assert their culture. The election of Barack Obama hastened the process, by pointing out how few blacks and Arabs here have gained political authority. The French language is a small but emblematic indicator of this change. So to a contemporary writer like the Soviet-born Andreï Makine, who found political asylum here in 1987, French promises assimilation and a link to the great literary tradition of Zola and Proust. He recounted the story of how, 20-odd years ago, his first manuscripts, which he wrote in French, were rejected by French publishers because it was presumed that he couldn’t write French well enough as a foreigner. Then he invented the name of a translator, resubmitted the same works as if they were translations from Russian, and they won awards. He added that when his novel “Dreams of My Russian Summers” became a runaway best seller and received the Prix Goncourt, publishing houses in Germany and Serbia wanted to translate the book from its “original” Russian manuscript, so Mr. Makine spent two “sleepless weeks,” he said, belatedly producing one.(…) Nancy Huston, a Canadian-born novelist here, put it another way: “The world has changed.” She moved to Paris during the 1970s. “The French literary establishment, which still thinks of itself as more important than it is, complains about the decline of its prestige but treats francophone literature as second class,” she said, while “laying claim to the likes of Kundera, Beckett and Ionesco, who were all born outside France. That is because, like Makine, they made the necessary declaration of love for France. But if the French bothered actually to read what came out of Martinique or North Africa, they would see that their language is in fact not suffering. “After the war French writers rejected the idea of narrative because Hitler and Stalin were storytellers, and it seemed naïve to believe in stories. So instead they turned more and more to theory, to the absurd. The French declined even to tell stories about their own history, including the war in Algeria, which like all history can’t really be digested until it is turned into great literature. Francophone literature doesn’t come out of that background. It still tells stories.” Which may partly account for the popularity of francophone writers like Yasmina Khadra, the best-selling Algerian novelist, whose real name is Mohammed Moulessehoul. We sipped tea one gray day in the offices of the Algerian Cultural Center. A 55-year-old former Algerian Army officer who now lives in Paris heading the center, Mr. Moulessehoul writes novels critical of the Algerian government under his wife’s name, which he first borrowed while in Algeria because the military there had banned his literary work.(…) “at 15, after I read Camus in French, I decided to become a novelist in French partly because I wanted to respond to Camus, who had written about an Algeria in which there were no Arabs. I wanted to write in his language to say, I am here, I exist, and also because I love French, although I remain Arab. Linguistically it is as if I have married a French woman, but my mother is still Arabic.” He quoted Kateb Yacine, the Algerian writer, who chose to write in French “to tell the French that I am not French.” Yacine called French the treasure left behind in the ruins of colonialism. “Paris is still fearful of a French writer who becomes known around the world without its blessing,” Mr. Moulessehoul said. “And at the same time in certain Arab-speaking circles I am considered a traitor because I write in French. I am caught between two cultures, two worlds. “Culture is always about politics in the end. I am a French writer and an Algerian writer. But the larger truth is that I am both.” NYT
Zemmour est un agitateur notoire. Selon lui, la France, à cause de l’immigration et d’autres influences extérieures, a perdu le contact avec ses racines latines héroïques, sa “gloire”* nationale, sa culture historique, au cœur de laquelle se trouve la langue française. (…) Un peu comme lorsque les Américains se plaignent de l’influence grandissante de l’espagnol dans les écoles et ailleurs. Mais, ici, le problème est encore aggravé par la relation particulière, possessive qu’entretient la France avec sa langue. Une relation en partie déconnectée de la réalité. Le français est aujourd’hui majoritairement parlé par des gens qui ne sont pas français. Plus de la moitié d’entre eux sont Africains. D’où la question : quel sens a donc la culture française aujourd’hui, quand, sur 200 millions de locuteurs du français sur la planète, 65 millions seulement sont bel et bien français ? En fait, le français n’est pas en déclin. Il prospère plus que jamais, à en croire Abdou Diouf, ancien président du Sénégal, aujourd’hui secrétaire général de la Francophonie. L’organisation a évolué depuis 1970, passant du statut de conglomérat postcolonial d’Etats, africains pour la plupart, qui s’efforçaient de préserver les vestiges linguistiques de l’impérialisme français à celui d’entité planétaire ayant pour mantra la diversité culturelle. (…) Ce qui est probablement une évidence pour les Américains, mais pas en France. Dans un pays où les radios diffusent un pourcentage de chansons en français et où le maire socialiste de Roubaix, ville du Nord abritant une forte population musulmane, a été salué pour avoir protesté contre l’ouverture de restaurants halal par la chaîne Quick, l’exception culturelle est le reflet des angoisses multiculturelles qu’évoque Zemmour dans son livre. “En Amérique ou en Grande-Bretagne, c’est OK si les gens vivent en communautés distinctes, les Noirs avec les Noirs, les Blancs avec les Blancs”, constate-t-il en utilisant à propos des Etats-Unis et du Royaume-Uni un poncif assez démodé. “Mais ce n’est pas français. La France, c’était l’assimilation. Mais, depuis les années 1970, l’intelligentsia y voit du néocolonialisme. En fait, c’est de la mondialisation et, dans ce cas, mondialisation veut dire américanisation.” Bien sûr, l’indifférence jacobine à la couleur de la peau n’a jamais été qu’une fiction quand on était noir ou musulman. Ce qui s’est vraiment passé ces derniers temps, semble-t-il, c’est que différents groupes raciaux et ethniques ont commencé à revendiquer plus ouvertement des droits et à défendre leur culture. L’élection de Barack Obama, en soulignant que fort peu de Noirs et d’Arabes appartiennent au sérail politique, n’a fait que hâter le processus. La langue française est un indicateur modeste mais emblématique de ce changement.(…) Nancy Huston, romancière d’origine canadienne, l’exprime autrement : “Le monde a changé.” Elle est arrivée à Paris dans les an­nées 1970. “L’establishment littéraire français, qui continue de se croire plus important qu’il n’est, se plaint du déclin de son prestige, mais traite la littérature francophone comme une littérature de seconde classe, tout en revendiquant des gens comme Kundera, Beckett et Ionesco, tous nés hors de France. C’est parce qu’ils ont sacrifié au rite de la déclaration d’amour envers la France. Mais, si les Français se donnaient la peine de lire effectivement ce qui se fait en Martinique ou en Afrique du Nord, ils verraient qu’en fait leur langue n’est pas menacée.” NYT
Lors d’une réunion, ce dernier [Michel Rocard] a récemment qualifié l’état de l’enseignement de l’économie de “catastrophe ambulante” et le rend “responsable du blocage du dialogue social dans notre pays”. Le Figaro (07/01/2008)
On a fait de l’économie politique une science pleine de subtilités et de mystères. Rien ne s’y passe naturellement. On la dédaigne, on la persifle aussitôt qu’elle s’avise de donner à un phénomène simple une explication simple.
— Le Portugal est pauvre, dit-on; d’où cela vient-il?
— De ce que les Portugais sont inertes, paresseux, imprévoyants, mal administrés, répond-elle.
— Non, réplique-t-on, c’est l’échange qui fait tout le mal; — c’est le traité de Méthuen, l’invasion des draps anglais à bon marché, l’épuisement du numéraire, etc. Frédéric Bastiat (1848)
A force de juger nos gueules, les gens le savent, qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards, chaque fois que ça pète on dit qu’c’est nous, j’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Éric Zemmour.Youssoupha (rappeur français d’origine congolaise)
Je ne parlerai pas plus des femmes avec Zemmour que des juifs avec Dieudonné. Isabelle Alonso (ex-présidente des Chiennes de garde)
Zemmour n’est pas seulement un clown, comme Ruquier tente de le faire croire dans son émission, il est aussi un pur idéologue réactionnaire que des patrons de médias français cautionnent pour des motifs cyniques (son impact sur l’audience) et sinistres (son impact sur le débat d’idées). Les Inrocks (hebdomadaire culturel très à gauche
S’il n’y a pas de race, il n’y a pas de métissage. (…) À la sacralisation des races, de la période nazie et précédente, a succédé la négation des races. Et c’est d’après moi, aussi ridicule l’une que l’autre.
Le progressisme antiraciste n’était que le successeur du communisme, avec les mêmes méthodes totalitaires mises au point par le Komintern dans les années 1930.
Leurs souffrances de régentes d’une société sans roi sont trop grandes ; la féminisation des hommes provoque un immense désarroi, une frustration insupportable pour elles, un malheur intolérable pour leurs enfants.
[Avant], les Français aimaient un abbé qui avait fait voeu de pauvreté, ils adulent désormais des gens riches, très riches, immensément riches. L’abbé Pierre était un Français de chez Français, chrétien depuis 1 500 ans, comme la France,quoi. Aujourd’hui, ils plébiscitent des gens qui sont des membres sans complexe de ce que certains appellent les élites mondialisées, des nomades qui vivent assez loin du terroir. Regardez les trois premiers : Noah vit entre les États-Unis, le Cameroun, la France. Il a le même rapport avec les patries qu’avec les femmes : il faut qu’il les collectionne. Il prétend toujours qu’il vit mieux à New York qu’à Paris. Dany Boon ? Depuis le succès des Ch’tis, il ne s’est pas installé à Tourcoing,il s’est installé à Los Angeles : il paraît qu’il fait un peu moins froid. Et puis regardez Zidane : depuis des années, il s’est installé en Espagne, le pays de sa femme.[…] Alors on s’interroge : les personnalités préférées des Français aiment-elles les Français ?
Depuis Mai 68, la gauche a décidé que l’école n’était plus un sanctuaire du savoir, mais que la vie devait y entrer, en tout cas, sa conception de la vie.[…] La pression idéologique sur les enfants est souvent insupportable. On hurle au totalitarisme à propos des pays communistes de jadis, où les profs incitaient les élèves à dénoncer leurs parents qui ne pensaient pas selon la ligne du Parti. En sommes nous si loin ? Pas tant que ça, c’est une très vieille habitude à gauche. Il faut se souvenir que la République de Jules Ferry a fondé l’école publique et obligatoire pour éduquer les enfants, évidemment, pour les instruire, mais aussi et surtout pour arracher les consciences à l’Église. Les républicains enseignèrent alors une vision de l’Histoire, disons partiale. Enfin, au moins, ils faisaient apprendre l’histoire de France aux enfants de notre pays. Pour les moeurs, ils se cantonnaient à une reprise des lois de l’Église sans le dogme chrétien. Depuis 68, la gauche pense que la révolution politique passe par la subversion de la morale traditionnelle, d’où son offensive sur les plus jeunes, les esprits malléables, afin de les conditionner. Et vous constaterez que son service de propagande est redoutablement efficace.
C’est le bon côté du marché, sa contradiction interne. Le marché, ce sont les gens qui achètent… ou pas. Donc, la télé ne peut pas “tenir” avec un discours idéologique verrouillé si les gens ne l’achètent plus. En tout cas, s’ils émettent le désir massif d’acheter un autre discours.
Nous avons toujours eu la nostalgie de l’Empire romain. Les “quarante rois qui ont fait la France” avaient pour ambition de forger une nouvelle Rome dans les limites de la Gaule romaine : la France telle qu’on la connaît, plus la rive gauche du Rhin, la Belgique et le nord de l’Italie (la Gaule cisalpine). « La mer et le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ; ce sont nos sept collines », disait Michelet. Et, quoi qu’en pense la droite maurrassienne, Napoléon Ier a tenté de poursuivre ce projet. Le schéma millénaire français, c’est ça : reconstituer la Gaule romaine et les marches qui la protègent. Eric Zemmour
C’est sur un rappel « aux valeurs de la gauche » que la première secrétaire a fondé son retour en grâce. Dans un entretien au site Internet Mediapart diffusé, vendredi 2 avril, elle brosse la perspective d’une« société du « Care » »(« soin mutuel »), où, explique Mme Aubry, « la société prend soin de vous, mais vous devez aussi prendre soin des autres et de la société. » Le Monde

A l’heure où, dans une société en plein « malaise social« , Maman Aubry nous propose un peu plus de « Care » …

Zemmour finira-t-il par voter Villepin en 2012?

Collège unique, école « éternel lieu de propagande pour la gauche »,
avortement, immigration, regroupement familial, ANPE, débat sur l’identité nationale, “diversité”, féminisme …

L’insigne bonheur avec le réjouissant trublion de service multicartes du PAF, c’est qu’en ces temps de dictature du politiquement correct, il n’évite aucun des tabous ou aucune des idées reçues qui y ont actuellement cours.

Pourtant, et c’est probablement la recette de sa remarquable popularité (du Figaro Mag à RTL et France 2) mais aussi des réelles menaces dont il est l’objet, ce « pur produit de la méritocratie républicaine » (diplomé de Sciences Po et double recalé de l’ENA) reste terriblement français.

D’où la fougue et le réel talent avec lesquels, dans son dernier ouvrage et relecture de l’histoire de France (« Mélancolie française »), ce « gaullo-bonapartiste » déclaré (comme un certain… Villepin?) pourfend, des perfides Actes de navigation et Traité Methuen aux scélérats Consensus de Washington et autres « traités européens« , l’impérialisme et la mondialisation libérale des « puissances thalassocratiques » « angloaméricaines »

Au nom de l’impérialisme (on suppose pacifique ou apaisé?),… du projet napoléonien et de son « dessein millénaire de la Gaule romaine »!

Petit florilège:

Qu’est-ce qu’un palais bolivien pour celui qui a rêvé de l’Amérique ? Sa patrie est amère à celui qui a rêvé à l’empire. Que nous est une patrie si elle n’est pas une promesse d’empire ? Drieu la Rochelle

Non seulement le « doux commerce » n’a pas favorisé la paix, mais c’est la guerre qui a imposé la domination commerciale et financière du Royaume Uni. Près de deux siècles plus tard, rien n’a changé : McDonald’s ne peut propérer sans McDonnel Douglas qui construit les F16. (Thomas Friedman, The Lexus and the olive tree)

Incroyable combat – entre la terre et la mer, disait Napoléon – entre deux modèles qui nous rappelle bien sûr l’opposition si moderne entre le capitalisme anglosaxon – et ses dépéndances atlantiques, irlandaises ou espagnoles -, qui repose sur l’endettement massif, la spéculation immobilière, l’inventitvité financière, et le capitalisme continental , tosca, rhénan, et français, qui continue vaille que vaille, d’Airbus à Mercedes, d’Areva à la machine-outil allemande ou aux voitures Fiat, de privilégier le savoir-faire industriel, mais qui, ces vingt dernières années, dut s’incliner, comme Napoléon en 1815, devant la puissance de feu des Anglo-Américains, avant que le système pestilentiel des emprunts, comme disait l’mpereurn ne finit par engloutir, lors de la crise de 2008, la City et Wall street, comme une malédiction biblique.

Le libre-échange, démentant les théoriciens ricardiens, ne s’avérait nullement un outil d’échange réciproque, mais une arme de destruction massivve des rivaux économiques de l’industrie anglaise. (…) Cettte première moindialisation, sous hégémonie britannique, fit – déjà – germer des idées de gouvernement mondial. (…) Idée reprise intacte cent ans plus tard, pendant la seconde mondialisation, après la chute du mur de Berlin en 1989, mais l’Amérique a remplacé l’Amérique, avec l’accord consentant et même enthousiaste de l’ancienne maitresse du monde.

Le libre-échange, c’est la guerre. Un combat. Une mission sacrée. Un sacerdoce. Une croisade. Une religion.

Une fois encore, Napoléon avait cent ans d’avance. Que seront les guerres de l’Allemagne contre la France, puis de l’Amérique contre l’Allemagne et le japon, sinon des guerres de destruction absolue ?

La mondialistion représente la sortie par le haut du capitalisme pour retrouver une meilleure rentabilité financière et permettre à une nouvelle classe dominant de s’arracher à une promiscuité d’avec une classe moyenne enrichie. Trente ans plus tard, l’opération est doublement réussie : la financiarisation de l’économie a permis l’émergence d’une superclasse mondiale de nouveaux riches : aux Etats-Unis, le degré d’inégalité est redevenu celui de 11912. Tout la politique redistributive depuis le New Deal a été effacée.

Notre dynamisme démographique est branché sur le moteur à explosion maghrébin et africain; les dissimulations imprécatoires de Lyssenko de l’INED n’y changeront rien.

Si on abandonne l’assimilation, il faut également consentir à faire son deuil de la mixité sociale. (…) On ne peut pas à la fois désirer respecter les différents usages et empêcher les individus de choisir leur voisinage. Philippe d’Iribarne

L’identité de la France en question
Eric Zemmour : « La droite a perdu ses repères »
Fabrice Madouas
Valeurs actuelles
25/03/2010

Dans son livre “Mélancolie française”, Éric Zemmour retrace l’histoire de la France et prévient qu’en renonçant à l’“assimilation” notre pays court un grand risque.

De cette Mélancolie française on cite souvent, pour nourrir la polémique, le tout dernier chapitre, « La Chute de Rome ». Non sans raison, car Éric Zemmour, journaliste, écrivain, y défend l’idée – références historiques à l’appui – que la France d’aujourd’hui pourrait connaître le destin funeste de cette antique civilisation, incapable sur la fin d’“assimiler” des populations étrangères attachées à leurs coutumes. Il y montre aussi comment la cécité des élites romaines a précipité le déclin de cet empire qui domina le monde, comme la France le fit autrefois. « L’histoire se répète toujours deux fois, disait Marx : la première fois comme une tragédie, la seconde comme une farce. » Nos élites sauront-elles éviter à la France le sort que Zemmour lui promet, à regret ? La droite saura-t-elle renouer, après les élections régionales, avec le discours sur l’identité nationale qui fit le succès de Nicolas Sarkozy en 2007 ? Et, surtout, le mettra-t-elle en pratique ?

On aurait tort, cependant, de ne retenir de ce livre que la conclusion, en oubliant tout ce qui l’annonce. C’est ce que font ceux que Zemmour agace – ils sont nombreux – par ses formules lapidaires et son ironie mordante, qu’il exerce volontiers contre ceux que Philippe Muray nommait « les mutins (ou les matons) de Panurge » : de faux rebelles prompts à dénoncer les résurgences d’un “ordre moral” depuis longtemps aboli.

Certains lui reprochent aujourd’hui de tenir des propos incorrects sur l’immigration sans prendre le temps de l’entendre, ni de discuter ses analyses. Ce temps, que la télévision n’offre pas, nous l’avons pris. D’où l’entretien qui suit, sur l’actualité et sur son livre, complété par un article sur les travaux récents de deux experts : la démographe Michèle Tribalat et Jean-Paul Gourévitch.

Éric Zemmour, quelles leçons tirez-vous des élections régionales ? Le fait majeur, c’est l’abstention.Les gens se disent de nouveau : « Les politiques ne servent à rien…» La droite a tort de ne pas voir que c’est son électorat qui n’est pas allé voter. Elle a tort aussi d’ignorer la remontée du Front national.

Ses dirigeants ont beaucoup joué la carte “écolo”…

C’est une erreur, car l’électeur préfère toujours l’original à la copie. Le vote écologiste est en voie de structuration. Trois formations se disputaient auparavant cet électorat urbain et “bobo” : le parti socialiste, les Verts et le MoDem. François Bayrou en avait une grosse part en 2007. Il ne reste que le PS et les Verts.

Et le vote FN ?

C’est assez simple : en 2007, Nicolas Sarkozy avait capté entre le tiers et la moitié des voix du Front national en mettant l’accent sur la sécurité et sur l’identité nationale. Il plaidait alors pour un retour à l’assimilation. Or la sécurité laisse à désirer, et il zigzague aujourd’hui entre assimilation et discrimination positive. Mais on ne peut pas avoir l’une et l’autre. La droite a pourtant tenu les deux discours.

Par opportunisme ?

Non. Je crois plutôt qu’il s’agit d’une perte totale de repères.

Il y a quand même eu le débat sur l’identité nationale…

Qui n’a débouché sur rien. La gauche vous dira que la droite a fait remonter le FN en relançant ce débat. Moi, je crois que c’est l’inverse : c’est parce que la droite n’a pas osé aller au bout de ce débat que Le Pen remonte. C’est l’inconstance idéologique de la droite qui favorise le Front national. Nicolas Sarkozy n’a pas encore choisi sa ligne. Quand il évoque dans un livre, avant la présidentielle, la nécessaire discrétion des religions dans l’espace public, il a raison : c’est l’essence même de la laïcité ! C’est le modèle français. En revanche, quand il parle de discrimination positive et de quotas dans les grandes écoles, il se réfère à un autre modèle, le modèle américain, qui a sa cohérence mais qui précipite la désagrégation de la société française. Les thuriféraires du modèle anglosaxon ne disent jamais qu’aux États- Unis il n’y a presque pas de mariages mixtes. Ils nous disent : « L’Amérique, c’est magnifique ! Il y a des Noirs dans les séries télévisées. » Mais Blancs et Noirs ne vivent pas dans les mêmes quartiers et ne partagent pas le même lit ! En 1917, les soldats américains noirs étaient fascinés par la France : c’était le premier pays où on les traitait en êtres humains !

Quel est le modèle français ?

Je le décris dans mon livre. Nous avons toujours eu la nostalgie de l’Empire romain. Les “quarante rois qui ont fait la France” avaient pour ambition de forger une nouvelle Rome dans les limites de la Gaule romaine : la France telle qu’on la connaît, plus la rive gauche du Rhin, la Belgique et le nord de l’Italie (la Gaule cisalpine). « La mer et le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ; ce sont nos sept collines », disait Michelet. Et, quoi qu’en pense la droite maurrassienne, Napoléon Ier a tenté de poursuivre ce projet. Le schéma millénaire français, c’est ça : reconstituer la Gaule romaine et les marches qui la protègent.

Il est quand même allé jusqu’en Russie !

C’est vrai. Napoléon s’est perdu, et la France avec, quand il s’est égaré ailleurs : en Russie, en Espagne aussi. Deux peuples, situés aux deux extrémités de l’Europe et qui sont liés par un destin commun, disait Soljenitsyne : sauver la civilisation chrétienne dans une lutte millénaire, l’un face aux Mongols, l’autre face à l’islam. Mais c’est surtout contre la volonté britannique que s’est finalement brisé ce destin impérial. L’Angleterre, puissance thalassocratique, ne pouvait pas admettre l’affirmation d’une puissance continentale qui contrôlait de surcroît les ports de la mer du Nord. C’est Carthage contre Rome, mais Carthage détruisant Rome. 1815 est la pire de nos défaites. L’affaiblissement de la France permet la naissance de l’Allemagne, qui reprend le flambeau de l’unification européenne des mains désormais débiles de la France vaincue à Waterloo. 1815 conduit à 1914, puis à 1940…

Cette référence impériale est inattendue.

On a l’habitude d’opposer l’unité de la nation française à la diversité des empires, conglomérats de peuples aux coutumes diverses – d’où leur fragilité. D’abord, on voit aujourd’hui qu’il est possible de concilier les deux. La Chine et l’Inde, par exemple, sont des empires nationaux. Napoléon l’avait compris il y a deux siècles : il a désespérément tenté de hisser la France au niveau des nations-continents qui dominent désormais le monde.

Ensuite, Rome pratiquait l’assimilation des populations étrangères qu’elle incluait dans son empire. Les Gaulois ont adopté les moeurs et les coutumes de leurs vainqueurs. Nous avons assimilé les codes culturels de Rome. La France, à l’image de son modèle, a longtemps pratiqué une politique exigeante d’assimilation des étrangers installés sur son sol, parfois si rigoureuse que beaucoup ne l’ont pas acceptée et sont repartis dans leur pays : on l’oublie souvent, mais 60% des Italiens venus travailler en France sont retournés en Italie ! L’État était impérieux, à défaut d’être impérial.

Enfin, la France a toujours refusé que se constitue “un État dans l’État” (d’où, entre autres, la guerre menée par Richelieu contre les protestants désireux de s’ériger en puissance au sein du royaume), comme Rome a toujours refusé l’imperium in imperio.

Vous dites que la France a renoncé à ce projet assimilateur…

Oui. Depuis les années 1970, on a “déconstruit” le modèle français. La nation et le peuple ont été délégitimés. On a dévoyé l’analyse de Claude Lévi-Strauss, l’anthropologue, qui disait qu’il fallait sauvegarder toutes les cultures. C’est vrai, mais Lévi-Strauss n’a jamais dit qu’il fallait les sauvegarder toutes sur un même sol… À la fin de sa vie, il était d’ailleurs consterné qu’on ait ainsi détourné son oeuvre. Ce rejet de l’assimilation coïncide avec des flux migratoires très importants.

Qui s’expliquaient par une démographie défaillante…

En partie seulement. La France a longtemps été “la Chine de l’Europe” : le pays le plus peuplé du continent. Mais la démographie s’effondre après 1815, sans que nous renoncions à notre suprématie dans ce domaine. D’où la colonisation puis le recours à l’immigration, qui explique notre dynamisme démographique.

Parallèlement, le capitalisme, soucieux de retrouver des marges érodées par la social-démocratie, favorise une immigration continue pour faire pression à la baisse sur les salaires.

Je pense, enfin, que nos élites méprisent le peuple et la nation pour deux raisons : d’abord, parce que le peuple ne veut plus faire la révolution (d’où le remplacement, à gauche, du prolétaire par l’immigré) ; ensuite, parce que les Français ne peuvent plus faire l’empire. Je crois sincèrement que nos élites n’ont pas renoncé à leur rêve impérial. D’où leur projet européen. Seulement, elles sacrifient la France à ce rêve impérial. Rappelez-vous ce que disait Drieu la Rochelle :« Que nous est une patrie si elle ne nous est pas une promesse d’empire ? »…

Comment voyez-vous la suite ?

Gibbon, le grand historien, nous a appris que la décadence de Rome s’est inscrite dans son impuissance croissante à assimiler les populations barbares. Rome, ayant renoncé à l’assimilation, a dû se résoudre à la dissolution de son empire. Des territoires ont fait sécession. Au IVe siècle, les violences, les pillages se sont multipliés.

Vous croyez que l’histoire se répète ? N’êtes-vous pas trop pessimiste ? Après tout, la France a déjà traversé bien des crises dont elle s’est relevée.

Des crises, et des guerres civiles. Il est vrai que le système de protection sociale dont bénéficient les habitants de ce pays permet de retarder l’échéance.

Mais la participation des Français au débat sur l’identité nationale prouve qu’ils restent attachés à l’idée de nation. Je crois en effet qu’il y a, dans le peuple, beaucoup de gens qui défendent cette idée. Mais ils ne sont pas audibles. La chape de plomb médiatique les étouffe.

Dans votre livre, vous citez Jean-Claude Michéa qui parle d’“ateliers sémantiques chargés d’imposer au grand public, à travers le contrôle des médias, l’usage des mots les plus conformes aux besoins des classes dirigeantes”. Vous croyez vraiment à l’existence de ces “ateliers” ?

Je n’y ai pas cru pendant longtemps. Et puis on a découvert que des intellectuels travaillaient à la conception de slogans, en Mai 68, autour de Sartre et de Beauvoir… Mais ces ateliers, ce sont aussi les agences de communication qui diffusent des mots tels que “diversité”, “ métissage”, “accommodements raisonnables”… Ce sont les mots d’une guerre idéologique. Le métissage en soi, c’est très beau ! Ce sont des peaux qui s’attirent, des désirs qui se mêlent. Mais ces mots, auparavant innocents, ont désormais une charge idéologique si contraignante qu’ils virent à l’injonction.

D’autres mots sont utilisés pour vous disqualifier. Le débat public est devenu une machine à traquer le “dérapage”. La France était naguère le pays de Voltaire : « Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer. » C’est désormais celui de Torquemada, avec les curés du “politiquement correct” qui crient “Sacrilège ! Sacrilège !” dès qu’on sort des clous qu’ils ont posés. On est passé d’un débat rationnel et argumenté à un débat émotionnel et moraliste : «Vous n’avez pas tort, mais vous dites le mal. » Qui n’est pas d’accord avec les canons du “politiquement correct” est menacé d’interdit professionnel. C’est du maccarthysme.

Propos recueillis par Fabrice Madouas

Voir aussi:

Portrait. Journaliste, romancier. Et, par-dessus tout, polémiste…
Eric Zemmour, politiquement incorrect
Fabrice Madouas
Valeurs actuelles
21/01/2010

Il est partout : sur France 2, sur iTélé, et maintenant sur RTL. Et, chaque fois, pour y pourfendre le conformisme ambiant. Portrait d’un trublion qui feraille sur l’actualité mais n’aime rien autant que Balzac.

Z comme Zemmour. C’est le nom de la chronique d’humeur qu’il tient en direct sur RTL, à 7 h 20, depuis le 4 janvier. « Le titre, qui a un côté Zorro, n’est pas de moi. Ce ne sera pas de l’estocade », avait-il promis avant la première. Mais on n’est pas obligé de le croire : il y a trop de malice chez Zemmour pour qu’on lui donne le bon Dieu sans confession, et l’on peut gager que Richard Descoings, qu’il a pris récemment pour cible, en garde un souvenir cuisant : le directeur de Sciences Po,qui critique dans le Monde et dans les salons parisiens l’élitisme social des grandes écoles, « est à la confluence historique et idéologique d’une extrême gauche post-soixantehuitarde, qui avait pour projet de liquider la culture bourgeoise, et d’une droite libérale qui veut livrer au marché des générations de consommateurs malléables parce qu’incultes.

Il est à la fois le fossoyeur de l’élitisme républicain et l’idiot utile du capitalisme ». D’accord ou pas avec cette analyse iconoclaste qui résume à peu près le credo zemmourien, de droite mais antilibéral, une chose est sûre : Z comme Zemmour, ça vous dégourdit les neurones au saut du lit.

Mais c’est à l’heure du déjeuner – pour lui, 14 h 30 – qu’il donne rendez-vous dans un restaurant auvergnat, près de Montparnasse. « C’est tranquille », les bancs sont en bois massif et la cuisine est copieuse : tripoux, aligot, truffade et confit de canard. Mais Éric Zemmour n’a pas plus de temps ce jour-là que le lapin d’Alice au pays des merveilles : « Désolé, je n’ai plus une minute à moi. » L’omelette et le café seront donc avalés en une demi-heure chrono, avant qu’il reparte pour une autre aventure. « RTL chaque jour, plus le Figaro Magazine, plus iTélé, plus l’émission de Ruquier sur France 2 », sans oublier sa chronique mensuelle dans le Spectacle du monde : « Ça n’arrête pas ! » Zemmour est donc un peu fatigué, mais toujours en verve. Quand on aime, comme lui, Dumas et d’Artagnan – sans ignorer Aramis, « le plus voyou des quatre », qui finira général des jésuites –, on ne se lasse pas de ferrailler : « Le Vicomte de Bragelonne est l’un des plus grands romans français ! », juge-t-il, comme la Princesse de Clèves, qu’on n’a jamais autant lue.

On est loin de Richard Descoings… Mais non, « vous vous trompez », car tout est lié ! Si Zemmour est aujourd’hui ce qu’il est, journaliste, essayiste et romancier, s’il porte sur la classe politique un regard aiguisé par la fréquentation assidue de nos plus grands écrivains (Chateaubriand, Stendhal, Balzac dont le héros Lucien de Rubempré reste pour lui « le plus beau personnage de la littérature française »), s’il nourrit ses analyses d’une culture historique que ses plus farouches adversaires ne lui contestent pas, c’est qu’il est, dit-il, « le pur produit de la méritocratie républicaine » qu’il accuse Richard Descoings et bien d’autres de vouloir détruire en obligeant les grandes écoles à pratiquer des quotas en faveur des jeunes issus de l’immigration ou plutôt de la “diversité”. « Si je combats ce projet, c’est qu’il me choque profondément ! », dit Éric Zemmour, à plus d’un titre puisqu’il est lui-même issu d’un milieu modeste.

Né à Montreuil (Seine- Saint-Denis) en 1958, dans une famille de juifs pieds-noirs arrivés en métropole pendant la guerre d’Algérie, fils d’un ambulancier et d’une mère au foyer, qu’ il admire comme Albert Camus la sienne, il a grandi à Drancy puis dans un quartier populaire du XVIIIe arrondissement de Paris. Son histoire familiale l’autorise à dénoncer « la destruction du savoir et de l’enseignement traditionnel » sous les coups combinés de la gauche et du marché, qui aurait chipé à Cohn- Bendit son « bélier soixante-huitard pour détruire les institutions traditionnelles : la famille patriarcale, l’école républicaine, l’Église ».

Éric Zemmour se dit gaulliste, voire bonapartiste.Bien qu’il ait fait Sciences Po et passé deux fois le concours de l’Ena par goût de la politique, on ne l’imagine pas en grand commis de l’État. « Tout le monde me dit ça, mais on a beaucoup caricaturé les énarques, il y en a de nombreuses variétés ! De toute façon, ils ont perdu la partie… »

« La classe politique, maintenant, mute puisque l’État ne peut plus faire grand-chose dans la mondialisation libérale », déclarait- il déjà en 2004, dans un entretien au site Internet Sur le ring. « On a besoin de deux types de gens : les communicants pour vendre des réformes imposées par la nouvelle donne européenne et mondiale. Et l’on voit émerger une nouvelle race d’hommes politiques. Ce sont surtout des avocats d’affaires. Si on voulait être méchant, on dirait qu’elle se définit par télé et argent. Si on voulait être gentil, on parlerait d’une meilleure connaissance du concret : un peu moins d’idées générales et un peu plus de concret. » Dit autrement, à Valeurs actuelles : « Les gaullistes ont gardé les places, mais les orléanistes ont gagné la bataille. » Il tient Jacques Chirac pour « l’un des personnages politiques les plus importants des trente dernières années. C’est quand même lui qui a fait le collège unique, l’avortement, le regroupement familial, l’ANPE. Certains diront que c’est une catastrophe, d’autres que c’est formidable ».Devinez dans quel camp Zemmour se situe.

On comprend qu’en vingt ans de carrière (commencée au Quotidien de Paris grâce à Philippe Tesson en 1986), notre chroniqueur politique ne se soit pas fait que des amis. Par exemple, Isabelle Alonso, ex-présidente des Chiennes de garde : « Je ne parlerai pas plus des femmes avec Zemmour que des juifs avec Dieudonné », dit-elle. Pourquoi ? Parce que Zemmour a commis en 2006 un essai, le Premier Sexe, dans lequel il affirme qu’après des décennies de féminisme forcené, l’homme (l’Européen) s’est métamorphosé en femme. On l’a convaincu de la supériorité des valeurs féminines : « la douceur sur la force, le dialogue sur l’autorité, la paix sur la guerre, l’écoute sur l’ordre, la tolérance sur la violence, la précaution sur le risque ». Moins il gouverne, plus il materne. Un jeu de dupes dont les femmes et leurs enfants (puisqu’elles peuvent maîtriser leur fécondité) finissent par payer le prix : « Leurs souffrances de régentes d’une société sans roi sont trop grandes ; la féminisation des hommes provoque un immense désarroi, une frustration insupportable pour elles, un malheur intolérable pour leurs enfants. » Un discours que les dernières féministes ne veulent pas entendre. Zemmour ? Un “macho”, disent-elles pour le discréditer.

Un “facho” aussi, si l’on en croit tous les rappeurs qui lui reprochent de critiquer le rap (comme Youssoupha qui dit, dans l’un de ses titres, vouloir « mettre un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Éric Zemmour ») ou les militants de l’antiracisme qui ne lui pardonnent pas son roman, Petit frère (2008). Zemmour y dénonce, sans excès de précautions, le communautarisme qui délite la nation, en se fondant sur un fait divers, l’assassinat d’un jeune juif par l’un de ses amis beurs. « C’est la brésilianisation qui nous menace : ségrégation raciale, milliardaires à foison et appauvrissement de la classe moyenne. Misère du monde aux portes des antiques cités. La Défense sera notre Brasilia. Et la Seine-Saint-Denis nos favelas. »

Le débat sur l’identité nationale ? « C’est le sujet le plus indispensable dans ce pays depuis vingt ans, estime-t-il. Il faut que la France se réapproprie sa propre histoire et réapprenne à s’aimer. Mais dès que le gouvernement lance un vrai sujet, les curés de l’antiracisme relayés par les médias lui demandent de se taire. Et le gouvernement a cédé. »

Alors, macho, facho, Zemmour ? Ces procès l’agacent : « La guerre est sémantique, vous le savez bien ! Depuis les années trente, la gauche réduit au fascisme tous ses adversaires : c’est la stratégie de la IIIe Internationale. Macho, facho : je récuse ces mots. Je suis réactionnaire, oui, au vieux fond de sauce soixante-huitard. » « Ma fille de 3 ans chante la Marseillaise. C’est mon fils aîné qui lui a appris, s’amusait-il dans Télé Star en décembre 2007. Je leur transmets mon amour de la France. »

Des prises de position politiquement incorrectes qu’il est l’un des seuls à défendre dans les médias audiovisuels, lors de débats l’opposant à ses confrères sur iTélé (Ça se dispute, tous les samedis face à Nicolas Domenach, de Marianne) ou lors du talk-show présenté par Laurent Ruquier le samedi soir sur France 2, On n’est pas couché (1,6 million de téléspectateurs en moyenne). Il y forme avec l’éditeur Éric Naulleau, son complice, un duo de critiques à la dent dure, redouté des invités venus faire leur promotion. Certains, comme Bernard Tapie et Jacques Attali, ont préféré quitter le plateau groggy, à court d’arguments. Sur Internet, les vidéos de ces accrochages tournent en boucle sur les sites de ses aficionados.

Éric Zemmour en fait-il trop ? « La perception qu’il peut donner de lui-même pourrait le réduire à sa propre caricature, prévient Nicolas Domenach. La télé finit par vous réduire au travestissement de votre propre pensée. » Zemmour se défend de jouer un rôle : « Je ne suis pas un provocateur. » Il veut seulement se battre « contre le conformisme, contre le politiquement correct. C’est la télévision qui est devenue gnangnan ».

Mais c’est aussi la télé qui l’a réclamé ! « C’est le bon côté du marché, concède-t-il, sa contradiction interne. Le marché, ce sont les gens qui achètent… ou pas. Donc, la télé ne peut pas “tenir” avec un discours idéologique verrouillé si les gens ne l’achètent plus. En tout cas, s’ils émettent le désir massif d’acheter un autre discours. » Un autre discours dont il fera bientôt un nouveau livre : Mélancolie française.

Verbatim. “Z comme Zemmour”. Extraits de deux chroniques prononcées sur RTL, les 4 et 7 janvier.

Et si les personnalités préférées des Français n’aimaient pas les Français ? “[Avant], les Français aimaient un abbé qui avait fait voeu de pauvreté, ils adulent désormais des gens riches, très riches, immensément riches. L’abbé Pierre était un Français de chez Français, chrétien depuis 1 500 ans, comme la France,quoi.Aujourd’hui, ils plébiscitent des gens qui sont des membres sans complexe de ce que certains appellent les élites mondialisées, des nomades qui vivent assez loin du terroir.Regardez les trois premiers :Noah vit entre les États-Unis, le Cameroun, la France. Il a le même rapport avec les patries qu’avec les femmes : il faut qu’il les collectionne. Il prétend toujours qu’il vit mieux à New York qu’à Paris. Dany Boon ? Depuis le succès des Ch’tis, il ne s’est pas installé à Tourcoing,il s’est installé à Los Angeles : il paraît qu’il fait un peu moins froid. Et puis regardez Zidane : depuis des années, il s’est installé en Espagne, le pays de sa femme.[…]Alors on s’interroge : les personnalités préférées des Français aiment-elles les Français ?”

L’école, éternel lieu de propagande pour la gauche. “Depuis Mai 68, la gauche a décidé que l’école n’était plus un sanctuaire du savoir, mais que la vie devait y entrer,en tout cas,sa conception de la vie.[…]La pression idéologique sur les enfants est souvent insupportable. On hurle au totalitarisme à propos des pays communistes de jadis,où les profs incitaient les élèves à dénoncer leurs parents qui ne pensaient pas selon la ligne du Parti. En sommesnous si loin ? Pas tant que ça,c’est une très vieille habitude à gauche. Il faut se souvenir que la République de Jules Ferry a fondé l’école publique et obligatoire pour éduquer les enfants,évidemment, pour les instruire, mais aussi et surtout pour arracher les consciences à l’Église.Les républicains enseignèrent alors une vision de l’Histoire, disons partiale. Enfin, au moins, ils faisaient apprendre l’histoire de France aux enfants de notre pays.Pour les moeurs, ils se cantonnaient à une reprise des lois de l’Église sans le dogme chrétien. Depuis 68, la gauche pense que la révolution politique passe par la subversion de la morale traditionnelle,d’où son offensive sur les plus jeunes, les esprits malléables, afin de les conditionner. Et vous constaterez que son service de propagande est redoutablement efficace ».

Voir enfin:

Pardon My French
Michael Kimmelman
The New York Times
April 21, 2010

Paris

ÉRIC ZEMMOUR, slight, dark, a live wire, fell over his own words, they were tumbling out so fast. He was fidgeting at the back of a half-empty cafe one recent evening near the offices of Le Figaro, the newspaper where he works, notwithstanding that detractors have lately tried to get him fired for his most recent inflammatory remarks about French blacks and Arabs on a television show. Mr. Zemmour, roughly speaking, is the Bill O’Reilly of French letters. He was describing his latest book, “French Melancholy,” which has shot up the best-seller list here.

“The end of French political power has brought the end of French,” Mr. Zemmour said. “Now even the French elite have given up. They don’t care anymore. They all speak English. And the working class, I’m not talking just about immigrants, they don’t care about preserving the integrity of the language either.”

Mr. Zemmour is a notorious rabble-rouser. In his view France, because of immigration and other outside influences, has lost touch with its heroic ancient Roman roots, its national “gloire,” its historic culture, at the heart of which is the French language. Plenty of people think he’s an extremist, but he’s not alone. The other day Nicolas Sarkozy, the French president, sounded a bit like Mr. Zemmour, complaining about the “snobisme” of French diplomats who “are happy to speak English,” rather than French, which is “under siege.”

“Defending our language, defending the values it represents — that is a battle for cultural diversity in the world,” Mr. Sarkozy argued. The occasion for his speech was the 40th anniversary of the International Organization of the Francophonie, which celebrates French around the world. Mr. Sarkozy said the problem is not English itself but “ready-to-wear culture, uniformity, monolingualism,” by which of course he meant English. The larger argument about a decline of traditional values has struck a chord with conservative French voters perennially worried about the loss of French mojo.

The issue is somewhat akin to Americans complaining about the rise of Spanish in classrooms and elsewhere, but more acute here because of France’s special, proprietary, albeit no longer entirely realistic relationship to French. French is now spoken mostly by people who aren’t French. More than 50 percent of them are African. French speakers are more likely to be Haitians and Canadians, Algerians and Senegalese, immigrants from Africa and Southeast Asia and the Caribbean who have settled in France, bringing their native cultures with them.

Which raises the question: So what does French culture signify these days when there are some 200 million French speakers in the world but only 65 million are actually French? Culture in general — and not just French culture — has become increasingly unfixed, unstable, fragmentary and elective. Globalization has hastened the desire of more people, both groups and individuals, to differentiate themselves from one another to claim a distinct place in the world, and language has long been an obvious means to do so. In Canada the Quebecers tried outlawing signs and other public expressions in anything but French. Basque separatists have been murdering Spaniards in the name of political, linguistic and cultural independence, just as Franco imprisoned anyone who spoke Basque or Catalan. In Belgium the split between French and Dutch speakers has divided the country for ages.

And in France some years ago Jacques Toubon, a former culture minister, proposed curbing the use of English words like “weekend,” although nobody paid much attention. The fact is, French isn’t declining. It’s thriving as never before if you ask Abdou Diouf, former president of Senegal, who is the secretary general of the francophone organization. Mr. Diouf’s organization has evolved since 1970 from a postcolonial conglomerate of mostly African states preserving the linguistic vestiges of French imperialism into a global entity whose shibboleth is cultural diversity. With dozens of member states and affiliates, the group reflects a polyglot reality in which French is today concentrated outside France, and to a large extent, flourishes despite it.

“The truth,” Mr. Diouf said the other morning, “is that the future of the French language is now in Africa.” There and elsewhere, from Belgium to Benin, Lebanon to St. Lucia, the Seychelles to Switzerland, Togo to Tunisia, French is just one among several languages, sometimes, as in Cameroon, one among hundreds of them. This means that for writers from these places French is a choice, not necessarily signifying fealty, political, cultural or otherwise, to France. Or as Mr. Diouf put it: “The more we have financial, military and economic globalization, the more we find common cultural references and common values, which include diversity. And diversity, not uniformity, is the real result of globalization.”

Didier Billion is a political scientist with an interest in francophone culture. He agreed. “A multipolar world has emerged,” he said when we met in his office recently. “It’s the major trend of our time, which for the first time is allowing every person on the planet to become, in a cultural sense, an actor on the world stage.

“I was in Iran two months ago. Young Iranians are very proud of their own culture, which is rich and profound. But at the same time they want a window onto the world through the Internet, to have some identity outside Iran, and the important point is that for them there is no contradiction between these two positions. I am very proud of being French, but 40 years ago the French language was a way to maintain influence in the former colonies, and now French people are going to have to learn to think about francophone culture differently, because having a common language doesn’t assure you a common political or cultural point of view.”

This may sound perfectly obvious to Americans, but it’s not necessarily so to France’s growing tea party contingent. The populist National Front party won some 20 percent of the vote in the south last month (less nationwide), despite Mr. Sarkozy’s monthslong campaign to seduce right-wing voters by stressing the preservation of French national identity. Part of that campaign has been affirming a policy of cultural exceptionalism.

A phrase born years ago, “l’exception culturelle,” refers to the legal exclusion of French cultural products, like movies, from international free trade agreements, so they won’t be treated as equivalent to Coca-Cola or the Gap. But if you ask French people, the term also implies something more philosophical. In a country where pop radio stations broadcast a percentage of songs in French, and a socialist mayor in the northern, largely Muslim town of Roubaix lately won kudos for protesting that outlets of the fast-food chain Quick turned halal, cultural exceptionalism reflects fears of the multicultural sort that Mr. Zemmour’s book touches on.

It happens that Mr. Zemmour traces his own roots to Sephardic Jews from Spain who became French citizens while living in Algeria in the 19th century, then moved to France before the Algerian war. He belongs to the melting pot, in other words, which for centuries, he said, absorbed immigrants into its republican culture.

“In America or Britain it is O.K. that people live in separate communities, black with black, white with white,” he said, reflecting a certain antique perspective. “But this is not French. France used to be about assimilation. But since the 1970s the French intelligentsia has called this neocolonialism. In fact it is globalization, and globalization in this respect really means Americanization.”

But of course colorblind French Jacobin republicanism has always been a fiction if you were black or Muslim, and what’s really happened lately, it seems, is that different racial and ethnic groups have begun to argue more loudly for their rights and assert their culture. The election of Barack Obama hastened the process, by pointing out how few blacks and Arabs here have gained political authority.

The French language is a small but emblematic indicator of this change. So to a contemporary writer like the Soviet-born Andreï Makine, who found political asylum here in 1987, French promises assimilation and a link to the great literary tradition of Zola and Proust. He recounted the story of how, 20-odd years ago, his first manuscripts, which he wrote in French, were rejected by French publishers because it was presumed that he couldn’t write French well enough as a foreigner.

Then he invented the name of a translator, resubmitted the same works as if they were translations from Russian, and they won awards. He added that when his novel “Dreams of My Russian Summers” became a runaway best seller and received the Prix Goncourt, publishing houses in Germany and Serbia wanted to translate the book from its “original” Russian manuscript, so Mr. Makine spent two “sleepless weeks,” he said, belatedly producing one.

“Why do I write in French?” he repeated the question I had posed. “It is the possibility to belong to a culture that is not mine, not my mother tongue.”

Nancy Huston, a Canadian-born novelist here, put it another way: “The world has changed.” She moved to Paris during the 1970s. “The French literary establishment, which still thinks of itself as more important than it is, complains about the decline of its prestige but treats francophone literature as second class,” she said, while “laying claim to the likes of Kundera, Beckett and Ionesco, who were all born outside France. That is because, like Makine, they made the necessary declaration of love for France. But if the French bothered actually to read what came out of Martinique or North Africa, they would see that their language is in fact not suffering.

“After the war French writers rejected the idea of narrative because Hitler and Stalin were storytellers, and it seemed naïve to believe in stories. So instead they turned more and more to theory, to the absurd. The French declined even to tell stories about their own history, including the war in Algeria, which like all history can’t really be digested until it is turned into great literature. Francophone literature doesn’t come out of that background. It still tells stories.”

Which may partly account for the popularity of francophone writers like Yasmina Khadra, the best-selling Algerian novelist, whose real name is Mohammed Moulessehoul. We sipped tea one gray day in the offices of the Algerian Cultural Center. A 55-year-old former Algerian Army officer who now lives in Paris heading the center, Mr. Moulessehoul writes novels critical of the Algerian government under his wife’s name, which he first borrowed while in Algeria because the military there had banned his literary work.

“I was born into a poet tribe in the Sahara desert, which ruled for 800 years,” he said, sitting erect and alert, still a soldier at heart. “I read poetry in Arabic. I read kids’ books in Arabic. But at 15, after I read Camus in French, I decided to become a novelist in French partly because I wanted to respond to Camus, who had written about an Algeria in which there were no Arabs. I wanted to write in his language to say, I am here, I exist, and also because I love French, although I remain Arab. Linguistically it is as if I have married a French woman, but my mother is still Arabic.”

He quoted Kateb Yacine, the Algerian writer, who chose to write in French “to tell the French that I am not French.” Yacine called French the treasure left behind in the ruins of colonialism.

“Paris is still fearful of a French writer who becomes known around the world without its blessing,” Mr. Moulessehoul said. “And at the same time in certain Arab-speaking circles I am considered a traitor because I write in French. I am caught between two cultures, two worlds.

“Culture is always about politics in the end. I am a French writer and an Algerian writer. But the larger truth is that I am both.”


Conspirationnisme: Si les Juifs n’existaient pas, il faudrait les inventer (What will the world do if Ahmadinejad gets his wish?)

21 avril, 2010
Country-specific UN resolutionsCountry-specific UN resolutions (2006)A chaque divorce, moi je vous le dis, il y a un sioniste derrière. A chaque chose qui divise une nature humaine, il y a derrière un sionisme. C’est ce que nous croyons. Et c’est ce que nous allons démontrer. Yahia Gouasmi (liste antioniste, le 24 avril 2009)
Cher monsieur, la France est occupée par le sionisme. C’est ce sionisme que De Gaulle a pointé du doigt, et cet atlantisme. Nous sommes là pour libérer la France. (…) Nous allons le combattre ici en France. Si nous réussissons ici en France, alors je vous assure, la Palestine sera libérée. La France sera libérée. L’Europe sera libérée. L’Amérique sera libérée. Le monde sera libéré.
Le sionisme a gangrené notre société. Il occupe une place majeure qui ne lui est pas destinée. Il gère les médias. Il gère l’éducation de nos enfants. Il gère notre gouvernement… et tout cela pour l’intérêt de l’étranger. L’intérêt de l’entité sioniste israélienne. Nous sommes là pour leur dire que la chevalerie est arrivée pour stopper ce sionisme qui gangrène notre pays. (…) Une fois qu’ils [les juifs] se sont stabilisés, une partie d’entre eux se sont développés dans le sionisme (…). Ils ont pris le pouvoir en France, le pouvoir des médias, les trusts, la politique. Croyez-moi : gauche comme droite n’est que du sionisme. Il n’y a rien d’autre. Tout ça c’est une magouille, à grande échelle. Et nous sommes là pour la dénoncer. Et dénoncer tous les hommes politiques qui font l’apologie et le soutien du sionisme, quels qu’ils soient et dire qui sont les vrais Français et qui défend les intérêts de la nation.
Le sionisme décide qui doit rester assis dans une conférence internationale et qui doit se lever, au moindre signe. Yahia Gouasmi
Si le but de Clothilde Reiss est de servir le sionisme, alors sa place est en prison. Dieudonné
L’élément d’instabilité et d’insécurité à travers le monde, c’est les Etats-Unis et le régime sioniste que l’on appelle Israël.
L’idéologie sioniste contrôle par ses lobbys le gouvernement américain.
Ce qui a changé aux Etats-Unis c’est la coloration du président. Entre un sioniste républicain et un sioniste démocrate, ils se passent le pouvoir.Le président des Etats-Unis est un polichinelle, il est là pour faire ce que les lobbys lui disent de faire.
D’après nos services, les membres de l’OTAN eux mêmes acheminent l’opium avec leurs avions dans différents pays. Ce sont des informations avec toutes les photos.
le sionisme c’est une idéologie basée sur le ségrégationnisme, l’occupation des terres qui appartiennent aux autres, le désir de génocide. C’est cela que nous voulons combattre. Seyed Mehdi Miraboutalebi (ambassadeur iranien en France, 13.04.10)

Quelque 90 résolutions onusiennes de condamnation dont une l’assimilant au racisme (1975, annulée en 1991), 76% des résolutions générales, 100% des résolutions des Droits de l’homme, 100% des résolutions sur le statut des femmes, 6 des 10 sessions extraordinaires d’urgence, 79% d’avis défavorables dans le dernier sondage mondial (après certes l’Iran et le Pakistan)

Qu’est-ce que le monde va faire si Ahmadinejad est exaucé?

Quelle nation (deux fois et demi, quand même, la taille de la Corse !) peut se vanter, d’Aminedjade à Obama et au célèbre général Petraeus et de Le Pen à Dieudonné ou du divorce à la paix dans le monde, de faire une telle unanimité contre elle?

A l’heure où l’on apprend que la Syrie aurait livré des scuds au Hezbbollah (1 tonne de charge pouvant atteindre n’importe quelle ville israélienne et recevoir une charge chimique ou bactériologique) …

Et que dans 5 ans l’Iran pourrait développer des missiles intercontinentaux capables d’atteindre les Etats-Unis …

Enième illustration du formidable pouvoir de cohésion que semble conserver, envers et contre tout, l’antisémitisme (pardon : l’antisionisme) …

Cette petite sauterie, la semaine dernière dans un bar à vin de la Rive gauche, réunissant autour de l’ambassadeur iranien et de Dieudonné, la fine fleur, des pétainistes aux hooligans du PSG et aux ultranationalistes serbes, de l’extrême droite française …

L’ambassadeur d’Iran à la rencontre de l’extrême droite radicale
Droites extrêmes
14 avril 2010

Seyed Mehdi Miraboutalebi, l’ambassadeur de la République islamique d’Iran à Paris ne fait pas les choses à moitié. Mardi 13 avril, “pour approfondir les relations entre les deux peuples” et “parce que les médias injectent des idées préconçues dans les opinions publiques”, il s’est prêté à un jeu de questions-réponses dans un bar à vin parisien du 5e arrondissement (qui, pour l’occasion, ne servait pas d’alcool) tenu par un ex-militant du Renouveau Français (groupe pétainiste et antisémite), ex-colistier de la liste antisioniste de Dieudonné, très proche des hooligans du PSG et des ultranationalistes serbes. Bref.

Cette “causerie” était organisée par le journal Flash, le bimensuel d’une extrême droite qui se veut “altermondialiste” et dans lequel écrivent, entre autres, Christian Bouchet, Philippe Randa, Alain Soral et Alain de Benoist. Ce dernier était d’ailleurs aux côtés de l’ambassadeur. Dans la salle, se trouvaient des têtes bien connues du milieu. Marc George, ex-secrétaire général d’Egalité et Réconciliation, Jacques Bordes, nationaliste-révolutionnaire, proche de feu François Duprat et très introduit dans certains cercles du Proche-Orient, Thomas Werlet du Parti solidaire français, groupuscule “nationaliste-socialiste“, Pierre Panet, ami de Dieudonné et auteur d’un texte intitulé “Faurisson, un humaniste”.

“L’élément d’instabilité et d’insécurité à travers le monde, c’est les Etats-Unis et le régime sioniste que l’on appelle Israël” a expliqué M. Miraboutalebi à une assistance acquise d’avance et spontanément très focalisée sur Israël. L’ambassadeur, lui, a beaucoup attaqué les Etats-Unis qualifié de “crocodile gigantesque avec un petit cerveau”.”L’idéologie sioniste contrôle par ses lobbys le gouvernement américain” a-t-il indiqué.

“Ce qui a changé aux Etats-Unis c’est la coloration du président. Entre un sioniste républicain et un sioniste démocrate, ils se passent le pouvoir.Le président des Etats-Unis est un polichinelle, il est là pour faire ce que les lobbys lui disent de faire”. M. Miraboutalebi a dénoncé “un projet d’iranophobie créé pour que les opinions regardent le monstre iranien”.Le Royaume-Uni en a pris aussi pour son grade. “Ils ont mis en place le colonialisme. C’est le pays le plus famé. Ils ont poignardé à chaque fois dans le dos les pays de la région”.

L’ambassadeur avait aussi plusieurs révélations à faire. A propos de l’Afghanistan d’abord.“D’après nos services, les membres de l’OTAN eux mêmes acheminent l’opium avec leurs avions dans différents pays. Ce sont des informations avec toutes les photos”. Au sujet de la presse ensuite. “D’après nos études, 63% des articles rédigés sur l’Iran le sont par des personnes qui n’y ont jamais mis les pieds ou qui ne savent pas le situer sur une carte”. Ou: “Les Américains contrôlent 80% des médias à travers le monde”.

Pour M. Miraboutalebi, “il y a en France beaucoup de propagande. Quand, en Iran, on parle de régime sioniste, on nous accuse d’être antisémite. L’Iran n’a jamais été et ne sera jamais antisémite”. Avant de poursuivre: “le sionisme c’est une idéologie basée sur le ségrégationnisme, l’occupation des terres qui appartiennent aux autres, le désir de génocide. C’est cela que nous voulons combattre”. Et l’ambassadeur d’Iran d’expliquer à un public attentif .“Si le prétexte de la création d’Israël c’était que pendant la deuxième guerre mondiale des juifs ont été massacrés, pendant les deux guerres mondiales, des millions de personnes ont été massacrées, est ce que cela a été un prétexte suffisant pour leur donner à tous un pays?”

A Alain de Benoist qui lui demandait, de manière maligne, les raisons pour lesquelles l’Iran ne souhaitait pas se doter de l’arme nucléaire, l’ambassadeur a répondu que “d’un point de vue religieux les armes de destruction massive étaient illicites”.

Il a interpellé les responsables politiques français: “Soyez raisonnables. Les Etats-Unis veulent vous empêcher de coopérer avec l’Iran.Vous avez 140 milliards de déficit et des dizaines de milliers de chômeurs de plus par mois. Nous avons en Iran pour 500 milliards de projets industriels qui sont prêts”.

L’assistance était ravie.

Voir aussi:

Les amis très particuliers du centre Zahra

Boris Thiolay
L’Express
le 26/02/2009

C’est un ancien corps de ferme entièrement rénové, dans la banlieue de Dunkerque. Les bâtiments de brique rouge, donnant sur une cour intérieure, abritent le siège du centre Zahra France, une association musulmane chiite fondée en 2005. Son objet? Faire « connaître le message de l’islam ». Ses membres, parmi lesquels de nombreux convertis, viennent ici célébrer la prière, profiter « d’une structure d’accueil à caractère social, familial et religieux ». Ils assistent aussi à « des colloques, des journées d’étude » ou peuvent animer le site Web de l’organisation.

La consultation de ce site révèle rapidement une autre activité récurrente du centre: la diffusion d’images et de déclarations « antisionistes » très virulentes. A la date du 20 février, on pouvait ainsi visionner, sous la rubrique Galerie photos, des images terrifiantes, comparant le sort réservé aux juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale à celui des Palestiniens face à l’armée israélienne actuelle. Le tout sous ce titre: « Le nazisme d’hier et le sionisme d’aujourd’hui ». Un amalgame souvent utilisé pour propager la haine contre les juifs, et qui va bien au-delà de la seule critique du sionisme, parfaitement recevable.

« Redonner le pouvoir à la France et aux Français »

Ce site permet aussi d’avoir un aperçu d’une conférence organisée au centre Zahra en juillet 2008. Lors de ces journées consacrées à un improbable « appel à l’initiation d’une alliance stratégique amicale entre judaïsme et islam contre le sionisme », on a pu voir défiler des personnages coutumiers de déclarations incendiaires. L’inévitable Dieudonné était présent. Certes, à l’époque, l’humoriste ne s’était pas encore affiché avec le négationniste Robert Faurisson, mais il avait déjà été condamné pour diffamation publique à caractère racial, notamment pour avoir qualifié le souvenir de la Shoah de « pornographie mémorielle ».

Autre participant à la conférence de juillet 2008: Mohamed Latrèche. Interviewé à cette occasion, le président du Parti des musulmans de France (PMF) -qui regroupe quelques centaines d’adhérents – y allait de son couplet sur la « nébuleuse sioniste en France ». Antisémite, Mohamed Latrèche? Il s’en défend vigoureusement, même si, en 2004, il s’était déclaré « fier et content de connaître Serge Thion », un chercheur révoqué du CNRS pour négationnisme.

Le centre Zahra a également accueilli, en août 2008, Kémi Séba, un extrémiste noir dont le premier mouvement -la Tribu Ka- avait été dissous en 2006 pour « incitation à la haine raciale » et « antisémitisme ». Kémi Séba, qui s’est converti depuis à l’islam, dirige aujourd’hui le Mouvement des damnés de l’impérialisme (MDI). Il multiplie les provocations et les déclarations de sympathie pour le Hezbollah, parti chiite libanais qui ne reconnaît pas l’existence de l’Etat d’Israël.

L’Express a demandé au président du centre Zahra des précisions sur ses visiteurs et ses différentes activités. « En voyage à l’étranger et injoignable par téléphone », Yahia Gouasmi, 59 ans, de nationalité française, a répondu par mail. Dans le même temps, son argumentation, assortie de quelques formules d’intimidation, a été mise en ligne sur le site Web du centre chiite. Curieusement, alors qu’aucune question adressée ne comportait le mot « antisémitisme », Yahia Gouasmi recommande de « ne pas faire d’amalgame entre nos activités et une quelconque activité antisémite ».
« Eradiquer toutes les formes de sionisme dans la nation »

Le leader du centre Zahra, par ailleurs président de la Fédération chiite de France, détaille ensuite les objectifs de son Parti Anti Sioniste (PAS). Créé en janvier, pendant l’offensive israélienne sur Gaza, ce groupuscule entend notamment « éradiquer toutes les formes de sionisme dans la nation », « libérer l’Etat, le gouvernement et les médias de la mainmise sioniste » et « redonner le pouvoir à la France et aux Français ». Un programme inquiétant qu’il cherche à diffuser sur la voie publique. Les 17 et 24 janvier, une quarantaine de militants du centre Zahra et du PAS s’agrégeaient au cortège des deux grandes manifestations propalestiniennes, à Paris. Sur fond de slogans appelant au djihad, ils défilaient accompagnés de drapeaux du Hezbollah et de drapeaux israéliens marqués de croix gammées. Parmi les orateurs qui dénonçaient alors la « bête immonde du sionisme parisien et israélien » se trouvait un « théologien » du centre Zahra, un homme qui sait adapter son message en fonction de son auditoire.

En décembre 2008, il était invité à représenter le culte musulman lors d’une journée consacrée au dialogue entre les religions, organisée par un collège catholique de la région dunkerquoise. Ce jour-là, assis aux côtés d’un prêtre et d’un représentant de la communauté juive, il délivrait un discours apaisé devant des élèves de quatrième. Pour obtenir un brevet de respectabilité? Son intervention était filmée par le centre Zahra, afin d’être ensuite diffusée sur son site Internet. Le principal de ce collège réalise aujourd’hui qu’il a été piégé: « Ce double discours n’a rien à voir avec les valeurs de tolérance et de fraternité que nous inculquons à nos élèves. »

L’ultradroite en quête d’alliés

La mise en scène, nocturne, martiale, rappelle de sombres périodes. Le 6 février dernier, vers 20 heures, 150 militants d’extrême droite se sont rassemblés, à la lumière des flambeaux, aux abords de l’Assemblée nationale, à Paris. Une manifestation autorisée, mais placée sous forte surveillance policière. Les principaux courants de la droite ultra étaient présents: vieux nostalgiques du IIIe Reich, skinheads, jeunes garçons et filles se réclamant du « nationalisme social », venus honorer la mémoire des morts des émeutes antirépublicaines du 6 février 1934. Si le mot « juif » n’a jamais été prononcé dans les allocutions, tous les poncifs antisémites des années 1930 ont été passés en revue: « forces occultes qui dominent la nation », »financiers apatrides », « purs produits de la Compagnie financière de Rothschild »…

Peu nombreux -ils seraient environ 3 500 en France- les tenants de l’ultradroite ont vu dans les récents appels à la haine antijuive une occasion de souffler sur les braises. L’instrumentalisation de la cause palestinienne à des fins antisémites n’est pas un procédé nouveau. Mais cette tentation a suscité, ces derniers temps, des alliances de circonstance pour le moins inattendues… Ainsi, un groupuscule « nationaliste-socialiste », le Parti solidaire français (PSF), a noué des contacts avec Kémi Séba, gourou du Mouvement des damnés de l’impérialisme, qui rêve de rallier jeunes musulmans et Noirs pour « éradiquer le sionisme ». Des groupes aux idéologies a priori totalement opposées. « Ils se retrouvent sur un terrain: combiner la haine du système et l’antisémitisme en vitupérant indistinctement Israël, le sionisme et les juifs », analyse le politologue Jean-Yves Camus. « L’ultradroite a compris qu’elle pouvait surfer sur la radicalité de certains manifestants propalestiniens », poursuit-il. Lors du défilé du 24 janvier en faveur de Gaza, on pouvait voir, notamment, des membres du PSF s’inviter dans la frange extrême du cortège, au côté de groupuscules scandant des slogans favorables au Hezbollah et appelant à la « disparition d’Israël ».

utre les trois leaders que sont Dieudonné, Yahia Gouasmi, président du Parti antisioniste, et Alain Soral – polémiste, ancien du PCF et ex-membre du comité central du Front national -, un attelage plus qu’improbable compose cette liste, dont le seul ciment est la lutte contre la « sionisation » de la société et des institutions françaises.

Ainsi doivent cohabiter des membres d’Egalité et Réconciliation, l’association d’extrême droite d’Alai

Voir également:

Dieudonné présente un assemblage hétéroclite aux élections européennes

Abel Mestre et Caroline Monnot
Le Monde
10.05.09

La liste, déposée en Ile-de-France, dit vouloir lutter contre la « sionisation » de la France
ieudonné et ses amis ne déposeront bien qu’une seule « liste antisioniste », en Ile-de-France, en vue du scrutin du 7 juin pour les élections européennes ( Le Monde du 5 mai). Le dépôt officiel devrait avoir lieu mercredi 13 mai et intervient alors que le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a indiqué, dimanche 3 mai sur Radio J, que « les pouvoirs publics » étudiaient la possibilité de la faire interdire tout en reconnaissant que ce serait compliqué en droit.

Définissant sa démarche comme « glisser une petite quenelle dans le fond du fion du sionisme », Dieudonné a présenté, lors d’une conférence de presse, vendredi 8 mai, au Théâtre de la Main d’or, à Paris, vingt candidats sur les vingt-six obligatoires en Ile-de-France.

Outre les trois leaders que sont Dieudonné, Yahia Gouasmi, président du Parti antisioniste, et Alain Soral – polémiste, ancien du PCF et ex-membre du comité central du Front national -, un attelage plus qu’improbable compose cette liste, dont le seul ciment est la lutte contre la « sionisation » de la société et des institutions françaises.

Ainsi doivent cohabiter des membres d’Egalité et Réconciliation, l’association d’extrême droite d’Alain Soral, des tenants du nationalisme catholique « contre-révolutionnaire », issus du Renouveau français – groupuscule qui se réclame, entre autres, de Charles Maurras, de Pétain et des Phalanges espagnoles – et des femmes voilées, militantes religieuses chiites du Parti antisioniste. Tous invoquant un engagement « anticommunautariste ».

On compte encore sur la liste Michael Guérin, ancien responsable du Front national de la jeunesse (FNJ) Rhône-Alpes, assis à côté de Francesco Condemi, passé jadis par l’extrême gauche, « à la LCR et dans la mouvance libertaire ». Il y a encore Ginette Skandrani, cofondatrice des Verts, exclue de ce parti pour ses collaborations au site Internet négationniste Aaargh, ou l’universitaire Maria Poumier, également proche de ces milieux et qui se réclame d’Hugo Chavez, en l’honneur duquel elle arborait une casquette aux couleurs du Vénézuela.

« ISLAMO-BAMBOULA »

Sans oublier un dénommé Christian Cotten, responsable du site Politique de vie qui se dit « militant de la paix, de l’amour et de la liberté » en sus d’être « psychosociologue et psychothérapeute », visiblement convaincu qu’il y a manipulation derrière « la fausse épidémie de grippe » actuelle.

En présence notamment de la télévision iranienne, M. Soral a défini l’objectif de cette liste comme la « lutte contre la puissance et l’omniprésence du lobby sioniste français ». M. Gouasmi a, quant a lui, affirmé que « le sionisme aime diviser, c’est son sport favori, pour pouvoir contrôler la France ». Et d’ajouter : « Les chrétiens sont étrangers chez eux. Ce sont les Palestiniens de la France. Chrétiens, réveillez-vous ! »

« Le lobby sioniste veut créer un nouvel antisémitisme : l’islamo-bamboula », a lancé Ahmed Moualek, proche de Dieudonné et animateur du site La banlieue s’exprime. L’affaire Fofana, c’est une escroquerie », a-t-il ajouté.

M. Soral s’est par ailleurs montré très agressif envers des journalistes qui assistaient à la conférence de presse. Il les a qualifiés de « petits collabos retournés » et mis en cause à plusieurs reprises.

Voir de plus:

Les élections européennes
Chez Dieudonné, on peste contre le « lobby juif sioniste »
Abel Mestre et Caroline Monnot
Le Monde
03.06.09

C’est dans une ambiance délétère que les animateurs de la liste antisioniste ont tenu un meeting à Paris, lundi 1er juin. Dans un Théâtre de la Main d’Or bondé, environ 250 personnes ont déboursé 8 euros pour assister à cette réunion à moins d’une semaine du scrutin européen pour lequel Dieudonné Mbala Mbala mène campagne en Ile-de-France. Outre les principaux animateurs de la liste – M. Mbala Mbala, le polémiste Alain Soral et Yahia Gouasmi, président du Parti antisioniste (chiite radical) -, sept autres colistiers étaient présents. Chacun a pris la parole pour exposer ses motivations. L’occasion d’entendre des positions aux nets relents antisémites.

Ahmed Moualek, responsable du site La banlieue s’exprime, a ainsi fustigé « ce petit lobby juif sioniste qu'[il] qualifie de juifiste » dont il affirme « qu’il lui a pourri la vie depuis vingt-cinq ans ». Maria Poumier, universitaire proche des milieux négationnistes, a rendu un hommage ambigu au président vénézuélien Chavez. C’est le premier « en Amérique latine qui a pris conscience de la présence sioniste ». Et d’ajouter : « Les agents sionistes n’apparaissent pas comme des agents étrangers mais comme des Latino-Américains. Ils ont la double nationalité et obéissent aux intérêts d’un pays étranger. » Avant de prendre à témoin une assistance surchauffée : « Si vous pensez que M. Sarkozy correspond à ce profil… »

Michael Guérin, ancien responsable du Front national de la Jeunesse Rhône-Alpes, s’est défini comme « nationaliste révolutionnaire », courant de l’extrême droite radicale. Se référant à François Duprat, figure fasciste des années 1970 et premier éditeur de textes négationnistes en France, M. Guérin a déclaré vouloir « se libérer des forces d’oppression qui sont toutes antinationales ».

Ce meeting a aussi réservé une « surprise » : l’intervention en direct par téléphone, depuis sa prison de Poissy (Yvelines), d’un homme présenté comme le terroriste Carlos. Saluant sa « camarade » Ginette Skandrani, cofondatrice des Verts, exclue de ce parti pour ses collaborations au site Internet négationniste Aaargh, il s’est indigné : « Toi qui vis avec un Arabe, on te traite de raciste » avant de s’en prendre à « cette bande de gitans et de juifs qui te taxent d’antisémitisme. Ces gens (…) sont protégés par l’anti-France, excusez-moi d’employer une expression vichyste, c’est l’anti-France ». La salle s’est levée pour l’acclamer.

M. Gouasmi était en verve. D’un air satisfait, il a annoncé que les « responsables du Hamas » et ceux « du Hezbollah » soutenaient la liste « antisioniste ». Dans une séance de questions-réponses, une intervention dérange : un homme s’interroge sur le caractère « dictatorial » du régime iranien. « Vous êtes en train de perturber la salle avec vos idées. Ce que vous dîtes n’est ni plus ni moins que de la désinformation sioniste », lance, menaçant, M. Gouasmi. Prenant à témoin la salle tout en plissant du nez d’un air dégoûté : « Je ne veux pas ouvrir le débat avec ce monsieur. Je sens déjà sa couleur… »

Voir aussi:

Dieudonné : la voix du régime iranien en France
Monsieur Jo
28/02/2010

Influences étrangères, réseaux de pensées : la politique a souvent été une histoire d’alliances idéologiques contre nature. Le Parti Anti Sioniste de Dieudonné ne fait pas exception à la règle. Petite leçon de politique.

Dans la politique, tout est question de stratégies, d’alliances et de convergences. Qu’elles soient aux vues et aux sues de tout le monde ou bien cachées, ces trois éléments représentent l’alchimie parfaite, garantissant la bonne tambouille classique du politique. Ainsi, on a longtemps reproché au Parti Communiste Français de recevoir ses directives du Kremlin durant la guerre froide, et que Force Ouvrière ait été financées durant une période par la CIA (afin de « contrecarrer » la progression des organisations communistes en France). Et de nos jours, certaines entités politiques françaises prêtent toujours ouvertement allégeance à des pays étrangers.

Il en existe une en particulier, qui s’est fait de son principal chef de bataille « la libération de la France de l’axe américano sioniste ». Selon le PAS (« Parti Anti Sioniste ») de Dieudonné, cet axe dicterait la ligne économique, politique, sociale et culturelle de notre République, par le biais d’organisations qui contrôleraient les médias et les pouvoirs publics.

Mais la stratégie du PAS n’est pas seulement de s’aligner sur le discours d’entités étrangères, mais aussi de s’afficher publiquement avec elles.
Dieudonné : « Si le but de Clothilde Reiss est de servir le sionisme, alors sa place est en prison »

Ainsi le 28 novembre dernier, les deux principaux leaders du PAS que sont Dieudonné et Yahia Gouasmi, sont allés faire leur tambouille en Iran. Le temps d’une photo-chic en compagnie Président iranien Ahmadinejad, et d’une déclaration-choc à propos de Clotide Reiss (selon Dieudonné « si le but Clothilde Reiss est de servir le sionisme, alors elle a sa place est en prison » ; les familles apprécieront …), et les caisses étaient pleines. Du PAS ? Pas forcément, puisque l’homme politique-comique qu’est Dieudonné aura enfin réussi à faire financer son film « Le Code Noir », projet en attente depuis 2000, après que le CNC ait refusé son aide au financement de celui-ci[1]. Merci aux généraux donateurs, les contribuables iraniens et surtout à Mahmoud Ahmadinejad.

Ce revirement idéologique de Dieudonné, qui fut pendant des années tout simplement le héros de la gauche, notamment dans son combat contre le Front National (à Dreux en 1997), est principalement dû à Yahia Gouasmi. Cet idéologue pro iranien porte le col « Mahmoud », là où Jack Lang portait souvent le col « Mao », qui n’est ici pas seulement une fantaisie vestimentaire. En effet, Gouasmi n’a jamais caché son appartenance au Shi’isme (tout à fait respectable en soit), ainsi que son admiration envers la révolution islamique iranienne. Dans une vidéo, tel un évangéliste américain plein d’admiration pour un Pat Robertson « touché par la Grâce », Gouasmi fait l’éloge de son « Tonton » à lui. En France, c’était Mitterrand ; en Iran, Khomeiny. L’exaltation de leur arrivée au pouvoir fut la même. La résultante un peu moins quand même…

Non satisfait de la rencontre bien fructueuse avec Ahmadinejad, M. Gouasmi a continué sa tournée des « Peoples » du Moyen-Orient, et de rencontrer le 14 janvier 2010 le patron du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah, grande chantre de la démocratie et du dialogue dans la région, afin d’y apporter la bonne parole des Mollahs au peuple français.

M. Gouasmi, qui s’est autoproclamé défenseur des opprimés de l’impérialisme « américano sioniste », s’est toujours gardé de critiquer son protecteur Ahmadinejad, en particulier lors des manifestations des démocrates iraniens, après la réélection d’Ahmadinejad en 2009. D’ailleurs, lors d’une conférence Alain Soral[2] (candidat aux dernières élections européennes de 2009 sur la Liste Anti Sioniste) affirmera devant une audience hilare que les Iraniens qui manifestaient à Téhéran (et pour beaucoup d’entres eux ont été emprisonnés, torturés et assassinés), n’étaient que des « sodomites de la classe moyenne irano-marocaine ».

Autre petites perles : Omar El Beshir, le Président – bourreau soudanais (dont on estime à environ 300.000 darfouris assassinés par ses troupes) serait innocent selon M. Gouasmi. Car c’est bien connu, le Tribunal Pénal International est à la solde des « sionistes ». Et même derrière chaque divorce, « il y a un sioniste derrière… »
Moscou pour le PC, Téhéran pour le PAS

Pour cette officine française pro Mollahs, les méandres démocratiques paraissent bien tristes ; en maquillant un discours plein de références à De Gaulle et aux résistants français durant la 2nde Guerre mondiale, les partisans de Dieudonné et de Yahia Gouasmi se sont présentés aux élections européennes de 2009, reprenant en cœur une idéologie venue tout droit du régime iranien. Une liste où se mêlaient pro voiles, pro sectes, anciens du FNJ, et d’autres qui ont comme modèle le Maréchal Pétain, d’autres qui expriment leur admiration pour le négationniste Williamson. Même Rael devait y participer. De Gaulle doit se retourner dans sa tombe. Ou peut être Pétain. Les deux ? Enfin bref, c’est le bordel tout ca.

Les guerres, la crise financière, la pauvreté dans le monde ou les aspirations démocratiques du peuple iranien, tout ne serait que sionisme. On pourrait presque envier les partisans du Parti Anti Sioniste. Car à l’instar des croyants, en guise de réponse à tout problème, là où ces derniers s’abandonneraient à ce fatalisme propre aux déistes, Dieudonné crie « sionisme». Le confort dans la pensée simpliste a ses vertus, il faut bien croire…

[1] Les aléas de l’époque ont voulus de Steven Spielberg sorte auparavant le film « Amistad », qui traite de l’esclavage. Pour le comique, cela ne fait aucun doute : c’est un complot sioniste, car le film ne parle pas du Code Noir. Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire, le Code Noir régissait le statut et la « vie » des esclaves dans les iles françaises. Amistad parle d’esclave déporté du Sierra Leone dans un navire espagnol… Vu le programme du parti de Dieudonné et son entourage, on imagine déjà un scénario accusant le « complot sioniste » d’avoir déporté et réduit à l’esclavage des millions de noirs durant plusieurs siècles.
[2] Se définissant comme « intellectuel dissident », Alain Bonnet de Soral (de son vrai nom), s’est fait connaître pour ses écrits anti-féministes (qu’il qualifiait de posture bourgeoise) dans les années 90. Ex- Militant du PCF en 93, il devient en en 2007 conseiller de Jean marie Le Pen sur les affaires sociales et le « problèmes » des banlieues. Il fonde l’association Égalité & Réconciliation (mouvement « nationaliste de gauche »). Il sera numéro 5 de la Liste Anti Sioniste aux élections européennes de 2009.

Voir par ailleurs:

Le conflit israélo-arabe en chiffres
Dennis Prager
15 octobre 2008

Pour les nombreux lecteurs qui ont réclamé un bref résumé des arguments moraux dans le conflit israélo-arabe, je vous propose la liste suivante de données chiffrées.

– Le nombre de mentions de Jérusalem dans la Bible hébraïque : plus de 700 fois.
– Le nombre de mentions de Jérusalem dans le Coran : 0
– Le nombre de dirigeants arabes ayant visité Jérusalem sous domination arabe (1948 à 1967) : 1
– Le nombre de réfugiés arabes ayant fui le territoire qui est devenu Israël : approximativement 600 000[selon certaines sources, 720 000]
– Le nombre de réfugiés juifs ayant fui les pays arabes : approximativement 600 000.
– Le nombre d’agences de l’ONU ne s’occupant que des réfugiés palestiniens : 1
– Le nombre d’agences de l’ONU s’occupant des réfugiés venant du reste du monde : 1
– Le nombre d’états juifs ayant existé sur le territoire que l’on appelle la Palestine : 3
– Le nombre d’états arabes ou musulmans ayant existé sur le territoire que l’on appelle la Palestine : 0
– Le nombre d’attaques terroristes par les Israéliens ou les Juifs depuis 1967 : 1
– Le nombre d’attaques terroristes par les Arabes ou les musulmans depuis 1967 : des milliers
– Le pourcentage de Juifs ayant approuvé le terroriste juif : 1 %
– Le pourcentage de Palestiniens ayant approuvé les terroristes islamiques : environ 90 %
– Le nombre de pays juifs : 1-
– Le nombre de démocraties juives : 1
– Le nombre de pays arabes : 22
– Le nombre de démocraties arabes : 0
– Le nombre de femmes arabes tuées chaque année par leurs frères et leurs pères dans les « meurtres d’honneur » : des milliers
– Le nombre de femmes juives tuées chaque année par leurs frères et leurs pères dans les « meurtres d’honneur » : aucunes
– Le nombre de cultes religieux chrétiens ou juifs autorisés en Arabie Saoudite : 0
-Le nombre de cultes religieux musulmans autorisés en Israël : sans limite
– Le nombre d’arabes israéliens autorisés à vivre dans des implantations arabes en Israël : 1 250 000.
– Le nombre de Juifs autorisés par l’Autorité Palestinienne a vivre dans des implantations juives dans [les territoires contrôlés par] l’Autorité Palestinienne : 0
– Le pourcentage de résolutions de la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme condamnant un pays arabe pour violations des droits de l’homme : 0
– Le pourcentage de résolutions de la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme condamnant Israël pour violations des droits de l’homme : 26
– Le nombre de résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant le Moyen-Orient entre 1948 et 1991 : 175 dont 97 contre Israël et 4 contre un pays arabe.
– Le nombre de pays arabes membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies : 16
– Le nombre de fois qu’Israël a été membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies : 0
– Le nombre de résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies condamnant Israël : 322
– Le nombre de résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies condamnant un pays arabe : 0
– Le pourcentage de votes des pays arabes en accord avec la position des Etats-Unis à l’ONU : 16.6 %
– Le pourcentage de votes d’Israël en accord avec la position des Etats-Unis à l’ONU : 92.6 %
– Le pourcentage des professeurs d’études moyen-orientales [aux Etats-Unis] défendant le sionisme et Israël : approximativement 1 %
– Le pourcentage des professeurs d’études moyen-orientales [aux Etats-Unis] soutenant le multiculturalisme sur les campus universitaires : 100 %
– Le pourcentage de personnes soutenant que l’état juif n’a aucun droit d’exister qui croient également qu’un autre pays n’a pas le droit d’exister : 0 %
– Le pourcentage de personnes soutenant que, de tous les pays du monde, seul l’état juif n’a pas le droit d’exister mais qui nient être antisémites : approximativement 100 %
– Le nombre de Musulmans dans le monde : plus d’un milliard
– Le nombre de manifestations musulmanes contre la terreur islamique : approximativement 2

(JewishWorldReview texte anglais original)


Voir enfin:


Plotting the Next Mideast War

Syria’s alleged transfer of Scuds to Hezbollah could spark an uncontrollable chain reaction.
Bret Stephens
The Wall Street Journal
April 20, 2010

In the matter of Syria’s alleged shipments of Scud missiles to Hezbollah, it bears noting how often the fate of the Middle East has turned on seemingly trivial or nearly imperceptible events. There’s a simple explanation for this: That which cannot be seen or understood at first can rarely be contained in time.

It was not the Israeli government’s intention to leak intelligence that Syria had transferred the missiles, which can hit every city in Israel with a one-ton payload. The Israeli defense establishment was particularly keen to keep the matter quiet to protect its sources and methods. But in the way these things often happen in Israel, President Shimon Peres decided for reasons of his own that the issue belonged in the public domain. There it is now, raising a number of interesting questions.

The first question is: Is it true? The Israelis say it is, the Syrians hotly deny it, Hezbollah remains coyly noncommittal, and the U.S. says it cannot confirm the report. But it is highly unlikely that Mr. Peres would have made the allegation without solid evidence to support it. Particularly given Mr. Peres’s cautious style, not to mention the parlous state of U.S.-Israel relations, the last thing Israel needs is to be seen trafficking in bogus or alarmist claims.

Next comes the question: Why would Syria risk war with Israel by transferring the sorts of weapons it doubtlessly knows could provoke a sharp Israeli reprisal?

It is no secret that since Israel’s summer 2006 war with Hezbollah, Syria has helped to rearm its Lebanese ally with as many as 50,000 rockets and missiles, many of them hidden—at the unwitting recommendation of last year’s Goldstone Report—in homes, hospitals and schools. But the transfer of Scuds, which can be tipped with chemical or biological weapons, poses a threat to Israel of a different order of magnitude.

The prosaic answer is that Syrian President Bashar Assad has a reckless streak. He was reckless in allowing Syria to become a way station for Iraq-bound jihadists, reckless in (almost certainly) ordering the assassination of former Lebanese Prime Minister Rafiq Hariri, reckless in attempting to build a covert nuclear facility, and reckless in pursuing a no-wriggle-room alliance with Hezbollah and Iran.

Then again, Mr. Assad has never had to pay the ultimate political price for those gambles. Now the Syrian may reckon that he can find a way to restore Damascus’s suzerainty over Beirut by goading Israel into a fresh round of fighting with Hezbollah. Another destructive war over Lebanon might just be sufficient to topple Beirut’s fragile pro-Western governing coalition, enhance Hezbollah’s prestige, and perhaps give Damascus the cover it needs to re-enter Lebanon militarily by posing, as it so often has in the past, as a force for « stability. »

Which raises the third question: Will Israel be goaded into such a conflict?

There is, I am very reliably told, « no appetite » in Israel for another war in Lebanon— »none whatsoever. » The prospect of a war offers Israel the unenviable choice of a militarily decisive blow against Hezbollah that would likely also be a diplomatic debacle, or else a diplomatically acceptable surgical option that would offer little by way of long-term military advantage. But Israel also runs serious risks to its deterrence if it allows relatively smaller provocations to go unanswered.

What happens, for instance, if Hezbollah blows up an Israeli diplomatic or cultural facility—as it twice did in Buenos Aires in the 1990s and nearly did last year in Azerbaijan? In that event, Israel would be as hard-pressed to resist retaliating as it would be to limit the consequences of its retaliation.

One of the more easily imaginable consequences is that a war in Lebanon could very quickly involve Syrian and Iranian participation. So the next question is: How might that play out?

Here Israel could conceivably reap certain advantages, which in turn calls into question whether Israel might not want a wider war over Lebanon after all. Today, Jerusalem’s two supreme strategic objectives—preventing Tehran’s nuclear bids from reaching fruition while also preventing any further deterioration in the relationship with Washington—are very far from being in synch. But in a scenario in which Israeli cities are hit by Hezbollah’s Scuds, Israel would have ample justification and cover to strike back at the ultimate source of those missiles—not just Damascus, but Tehran. As Rahm Emanuel likes to say, a crisis can be a terrible thing to waste.

And that raises a final question: What does the Obama administration do? So far, it hasn’t helped matters by giving the impression of a clear wedge between Israel and the U.S. Nor has the administration’s assiduous courtship of Damascus done anything other than embolden Mr. Assad’s taste for adventure. Is the president capable of learning from his Mideast failures so far? That one’s worth $64,000.

In 1967, a series of seemingly minor events, tactical misjudgments, and particularly an Arab perception that the West would not honor its international commitments or come to Israel’s defense triggered a war the consequences of which have defined the Middle East ever since. We are adrift in those same waters today.


Présidence Obama: Après le retrait irakien virtuel et la fermeture de Guantanamo virtuelle, voici le désarmement virtuel! (More posturing from the Posturer in chief)

19 avril, 2010
Cowboy ObamaCe qui a changé aux Etats-Unis c’est la coloration du président. Entre un sioniste républicain et un sioniste démocrate, ils se passent le pouvoir. Le président des Etats-Unis est un polichinelle, il est là pour faire ce que les lobbies lui disent de faire. Seyed Mehdi Miraboutalebi (ambassadeur iranien à Paris)
L’Irak (…) pourrait être l’un des grands succès de cette administration. Joe Biden (10.02.10)
Je n’abandonnerai pas cette arme nucléaire, garante de la sécurité de mon pays, de facon unilatérale dans un monde aussi dangereux qu’il l’est aujourd’hui. Nicolas Sarkozy
L’adhésion universelle au TNP -y compris par l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du Nord- reste un objectif fondamental des Etats-Unis”, Rose Gottemoeller négociatrice du département d’Etat Rose Gottemoeller à l’ONU (le 5 mai 2009 devant la conférence des Etats parties au TNP)
Au final, il s’agit donc d’un recul, puisque ces règles de décompte sont encore plus artificielles que celles des traités précédents. Bruno Tertrais
C’est comme si on disait que si un terroriste utilise délibérément sa voiture pour faucher cent personnes à un arrêt de bus, la décision de savoir s’il obtient (a) la peine de mort ou (b) 100 heures de travail d’intérêt général dépend entièrement du fait de savoir si son véhicule avait passé ou non avant le contrôle technique. (…) Il n’y a pas d’incitation plus grande à l’hyper-prolifération que le retrait du parapluie nucléaire américain. Charles Krauthammer
Nous avons rebaptisé la guerre avec des euphémismes politiquement-corrects comme des « désastres d’origine humaine » visant des « opérations extérieures d’urgence » (…) Nous avons virtuellement arrêté Guatanamo – et brusquement la gauche et les moralistes européens se sont tus. Nous avons virtuellement jugé le cerveau du 11/9 dans une cour civile à New York et la question a elle aussi disparu de la une des journaux. Nous avons virtuellement traqué d’anciens interrogateurs de la CIA et avocats de la Maison Blanche et à cette seule pensée, en dépit de la futilité de telles recherches aussi bruyamment annoncées, leurs critiques en ont été tout émoustillés. Victor Davis Hanson

Ce qui est bien avec Obama, comme le rappelle VDH, c’est qu’outre la couleur, on a la même politique extérieure que Bush, mais sans le stetson!

La politique antiterroriste?

Facile, on critique tout sur le papier mais on garde tout en pratique: l’externalisation des interrogatoires, les tribunaux d’exception, les assassinats ciblés, les écoutes, le Patriot Act

Le retrait d’Irak?

Pas de problème, profitant de la victoire chèrement acquise du va-t-en guerre Bush (qu’au passage, après l’avoir si longtemps critiquée, on peut même revendiquer pour son équipe!), on reprend ses projets de redéploiement (facile puisqu’on a gardé le même secrétaire à la Défense et le même Etat-major) et on rebaptise « non-combattantes » les troupes prévues pour rester et le tour est joué !

Guantanamo?

Rebelote! On reprend, tout en gardant Bagram, les plans de fermeture de Bush mais cette fois on en fait une annonce fracassante avec date-limite que l’on sait ne pas pouvoir respecter et tout le tremblement et, une fois le délai passé, on compte sur la claque médiatique pour enterrer l’affaire sous d’autres annonces aussi fracassantes.

Le désarmement nucléaire?

Encore plus facile ! On se concocte, après le coup de force de la réforme de la santé et la chute libre dans les sondages, un ou deux succès internationaux garantis.

Première étape: fort d’une écrasante supériorité sur le plan des moyens militaires classiques (notamment en précision) acquise sous les mandats du cowboy Bush, on organise à grands renforts de publicité un sommet à Prague avec une Russie contrainte, pour moderniser ses forces conventionnelles bien en retard et maintenir la fiction d’une parité de plus en plus voyante avec les Etats-Unis, de se débarrasser d’une bonne partie d’un arsenal nucléaire vieillissant et cher à entretenir.

Puis, évitant consciencieusement tous les sujets qui fâchent comme la défense antimissile, on ne s’attaque comme précédemment qu’aux « armes stratégiques opérationnelles », laissant dans l’ombre 70% des arsenaux avec les armes en réserve, les armes en attente de démantèlement, et les armes « non-stratégiques » (sur un total de 9 000 armes du côté américain et quelque 12 000 armes du côté russe).

Et enfin, en modifiant la comptabilité des têtes nucléaires (un bombardier ne compte que comme une seule arme, même s’il est doté de 20 bombes et missiles!), on se paie le luxe d’un traité qui tout en respectant le refus russe de voir leurs bases aériennes inspectées, permet de conserver davantage d’armes stratégiques déployées que précédemment.

Résultat des courses, comme est obligé de le reconnaitre du bout des lèvres l’expert stratégique français Bruno Tertrais, il s’agit d’un net « recul, puisque ces règles de décompte sont encore plus artificielles que celles des traités précédents« .

Le tout, avant de renouveler l’opération avec le sommet sur la sécurité nucléaire quelques jours plus tard à Washington, sans jamais, ultime cerise sur le gâteau, rien dire sur le volume exact de ses stocks, soit, exactement la posture reprochée par tous à… Israël!

Naturellement, il y aura toujours quelques esprits chagrins comme un Krathammer pour pointer que si en pratique, rien n’a vraiment changé, la dissuasion est surtout une question d’impression et de conviction.

Et que, puisqu’à ce niveau-là on est en plein flou avec les ennemis courtisés et les alliés tout aussi systématiquement rabroués, il n’y a « pas d’incitation plus grande à l’hyper-prolifération que le retrait du parapluie nucléaire américain »

Bruno Tertrais : « le traité de Prague, un désarmement en trompe l’oeil »
Secret défense
07/04/2010

Le traité de désarmement nucléaire, qui sera signé ce jeudi à Prague par les Etats-Unis et la Russie, est un accord en « trompe l’oeil » affirme Bruno Tertrais, maitre de recherches à la Fondation de la recherche stratégique (FRS). Il nous livre son analyse. (Version corrigée)

Pourquoi parlez-vous d’un désarmement en « trompe l’oeil » ?

Le traité de Prague est moins un accord de désarmement que de maîtrise des armements. Pour trois raisons :

1) Comme celui de Moscou en 2002 (SORT), signé par Bush et Poutine, il ne concerne que les « armes stratégiques opérationnelles », soit environ 30% des arsenaux des deux pays. C’est la partie émergée de l’iceberg. Ne sont pas prises en compte les armes en réserve, les armes en attente de démantèlement, et les armes « non-stratégiques ». Or, les Etats-Unis comme la Russie ne disent toujours rien sur le volume exact de leurs stocks. Les chiffres que l’on voit circuler ne reposent sur aucune déclaration officielle. La transparence est très relative…

2) Ce nouveau traité fixe pour ces armes « stratégiques opérationnelles », une limite (1550) à respecter en 2017. Cela ne représente pas un saut qualitatif fondamental au regard de la fourchette du traité de Moscou (entre 1700-2200), qui devait être appliqué en 2012.

3) Il permet théoriquement de conserver davantage d’armes stratégiques déployées que ne l’autorisait le plafond du traité de Moscou (2200), en raison de la règle de décompte des forces aériennes: un bombardier ne compte que comme une seule arme, même s’il est doté de 20 bombes et missiles! On le voit, le diable se cache dans les détails des méthodes de calcul. Deux raisons expliquent ce point précis : d’une part, les armes ne sont pas en permanence à bord des avions, contrairement à ce qui est le cas pour les missiles. Elles sont donc stockées. D’autre part, les Russes ne souhaitaient pas que les Américains puissent venir inspecter leurs bases aériennes.
Au final, il s’agit donc d’un recul, puisque ces règles de décompte sont encore plus artificielles que celles des traités précédents (SALT/START).

Ce traité de Prague remplace le traité Start (Strategic Arms Reduction Treaty), entré en vigueur en 1994 et qui avait expiré le 5 décembre dernier. Alors qu’un accord de principe était acquis depuis juillet 2009, comment expliquer ce retard de quatre mois ?

Ce traité a été beaucoup plus difficile à négocier qu’Obama ne le pensait, même si au final le président américain s’en sort bien. Pour lui, il était important de remporter un succès international. Pour la Russie, l’important était de maintenir la fiction d’une parité avec les Etats-Unis, sur le thème « nous sommes encore leurs égaux » au moins sur ce point. Moscou avait besoin de conclure.

Des questions restent ouvertes. Par exemple, la défense antimissile, dont on sait qu’elle est un sujet de désaccord entre les deux pays. Il devrait y avoir un échange de lettres entre Moscou et Washington sur ce thème – chacun donnant son avis sur le lien entre forces offensives et défensives. Mais surtout la ratification par le Congrès des Etats-Unis. Il faut une majorité des 2/3 au Sénat. Ce ne sera pas simple, surtout après les élections de novembre.

Voyez-vous d’autres évolutions sur les questions stratégiques dans les prochains mois ?

Avec la publication de la Nuclear Posture Review hier et le sommet sur la sécurité nucléaire la semaine prochaine aux Etats-Unis, ce traité devrait sans doute clore la « séquence » nucléaire de l’administration Obama. Il pourra dire qu’il a rempli ses promesses de campagne. Il avait fait une priorité de la sécurisation des armes et des matières fissiles. Le Nuclear Security Summit, lundi et mardi à Washington, sera justement consacré à ces questions.

Qu’en est-il de Nuclear Posture Review, c’est-à-dire de la révision de la posture nucléaire américaine , qui a été présentée hier ? Est-ce un tournant ?

Non, il s’agit d’une réduction modeste du rôle des armes nucléaires dans la doctrine américaine. Les Etats-Unis s’interdisent désormais de riposer de manière nucléaire à l’agression d’un Etat non-nucléaire qui respecte les obligations du Traité de non-prolifération. Iran et Corée du nord sont donc exclus. Les Etats-Unis se réservent néanmoins le droit de revoir leur doctrine en cas d’attaque biologique de grande ampleur.

Concrètement cela veut dire par exemple que si un jour un pays lançait des missiles stratégiques armés de têtes chimiques contre une grande ville américaine, les Etats-Unis disent aujourd’hui qu’il ne subirait pas une attaque nucléaire en retour. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y aurait pas de riposte militaire !

La France maintient, elle, plus d’incertitude dans l’emploi de ses armes. Notre pays ne parle que d’une atteinte à ses « intérêts vitaux », sans les définir. Je trouve cela parfaitement justifié. A noter, quand même, que dans l’élaboration de cette Nuclear Posture Review, la coopération franco-américaine a été excellente. Les Américains ont écouté leurs alliés comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant.

Voir aussi:

The War on Terror — Bush Without the Stetson
Victor Davis Hanson
NRO’s The Corner
April 13, 2010

There is much to criticize about President Obama on foreign policy, but increasingly, despite all the “reset button” rhetoric and the obligatory nods to the Left, his anti-terrorism policies are becoming near identical extensions (if in cynical fashion) of George Bush’s.

I can’t think of a present-day anti-terrorism methodology that Team Obama (a) did not at one time blast as anti-constitutional and (b) does not now accept in its near entirety. Apparently, Obama has figured (perhaps rightly) that intercepts, the Patriot Act, Predator air attacks, renditions, tribunals, wiretaps, etc., are necessary, and that their earlier damnation by Obama et al. was simply political demagoguery of the sort necessary to galvanize the left-wing base that, now, forgivingly, accepts these measures as needed.

The wars in Iraq and Afghanistan are essentially extensions of the 2006–8 Bush-Petraeus counter-insurgency strategies so savagely ridiculed during congressional testimony by Joe Biden, Hillary Clinton, and Barack Obama. Once again, the Left, fortunately for the country, sees the current flip-flopping — remember Obama’s promise to be out of Iraq by March 2008, or the Biden folly of trisecting Iraq, or Hillary’s “suspension of disbelief”? — as necessary expediency. Indeed, soon, Iraq is promised to be Obama’s “greatest achievement.”

Then there is the mandatory sop to those on the left who by this time are getting restless, which might best be called a virtual war against the war against terror. Yes, we have renamed the war with politically-correct euphemisms like “overseas contingency operations” aimed at “man-made disasters” — but nobody uses those terms privately. I am sure in both the White House and the Pentagon those who count still talk of terrorists and a war against them. So in this case, I use the adjective “virtual” literally.

We virtually shut down Guatanamo Bay — and suddenly both the Left and the European moralists went silent. We virtually tried KSM in a civilian court in New York, and that issue disappeared as well. We virtually hounded former CIA interrogators and White House lawyers, and, despite the futility of such loudly announced inquisitions, the very thought of them tantalized their critics.

So here we are back at the beginning — the Nobel Laureate is a continuance of George Bush on the war against terror; he has sized up both his domestic and foreign supporters and understood that their former outrage was not principled but largely emotional, driven by short-term political considerations, and thus centered on the caricature of a white, male, Christian, Texan cowboy, conjuring up all the easy tropes of anti-Americanism. Obama, to his credit, figured out that the Western world wanted to be kept safe, and that Bush had figured out how to do that, and that his own messianic presence could square that circle by being the un-Bush Bush. And so far such dissimulation has worked — even on the Right, which is in a quandary over whether to thank Obama for continuing a successful policy or be furious at him both for the prior damage his opportunistic and insincere jeremiads did to Bush and for his present inability to give any credit to his predecessor for protocols that he inherited and embraced. All that is weighed against the far more important fact we are safer because, despite the PC rhetoric, Obama became Bush in matters of anti-terrorism.

So here we are at full circle. Biden and Hillary have evolved from their 2006 fiery anti-Iraq rhetoric into regents of a magnificent “accomplishment” in Iraq. Obama, who once curtly drowned out General Petraeus in open hearing, is now his greatest supporter. We have Ivy League sanction now for blowing up men, women, and anything that breathes in the general vicinity of suspected terrorists targeted by Predator drones — even as we can still offer soapbox sermons on the waterboarding of three mass murderers and beheaders. Quite simply, intercepting, renditioning wiretapping, and tribunalizing Nobel Laureates with the name Barrack Obama don’t like doing that sort of stuff, so it really, sort of, does not happen. And if it keeps us safe, let the charade continue by all means — at least as long as anything can when it is based on a contradiction.

Voir également:

Nuclear Posturing, Obama-Style
Charles Krauthammer
The WP
April 09, 2010

WASHINGTON — Nuclear doctrine consists of thinking the unthinkable. It involves making threats and promising retaliation that is cruel and destructive beyond imagining. But it has its purpose: to prevent war in the first place.

During the Cold War, we let the Russians know that if they dared use their huge conventional military advantage and invaded Western Europe, they risked massive U.S. nuclear retaliation. Goodbye Moscow.

Was this credible? Would we have done it? Who knows? No one’s ever been there. A nuclear posture is just that — a declaratory policy designed to make the other guy think twice.

Our policies did. The result was called deterrence. For half a century, it held. The Soviets never invaded. We never used nukes. That’s why nuclear doctrine is important.

The Obama administration has just issued a new one that « includes significant changes to the U.S. nuclear posture, » said Defense Secretary Bob Gates. First among these involves the U.S. response to being attacked with biological or chemical weapons.

Under the old doctrine, supported by every president of both parties for decades, any aggressor ran the risk of a cataclysmic U.S. nuclear response that would leave the attacking nation a cinder and a memory.

Again: Credible? Doable? No one knows. But the threat was very effective.

Under President Obama’s new policy, however, if the state that has just attacked us with biological or chemical weapons is « in compliance with the Non-Proliferation Treaty (NPT), » explained Gates, then « the U.S. pledges not to use or threaten to use nuclear weapons against it. »

Imagine the scenario: Hundreds of thousands are lying dead in the streets of Boston after a massive anthrax or nerve gas attack. The president immediately calls in the lawyers to determine whether the attacking state is in compliance with the NPT. If it turns out that the attacker is up-to-date with its latest IAEA inspections, well, it gets immunity from nuclear retaliation. (Our response is then restricted to bullets, bombs and other conventional munitions.)

However, if the lawyers tell the president that the attacking state is NPT noncompliant, we are free to blow the bastards to nuclear kingdom come.

This is quite insane. It’s like saying that if a terrorist deliberately uses his car to mow down a hundred people waiting at a bus stop, the decision as to whether he gets (a) hanged or (b) 100 hours of community service hinges entirely on whether his car had passed emissions inspections.

Apart from being morally bizarre, the Obama policy is strategically loopy. Does anyone believe that North Korea or Iran will be more persuaded to abjure nuclear weapons because they could then carry out a biological or chemical attack on the U.S. without fear of nuclear retaliation?

The naivete is stunning. Similarly the Obama pledge to forswear development of any new nuclear warheads, indeed, to permit no replacement of aging nuclear components without the authorization of the president himself. This under the theory that our moral example will move other countries to eschew nukes.

On the contrary. The last quarter-century — the time of greatest superpower nuclear arms reduction — is precisely when Iran and North Korea went hellbent into the development of nuclear weapons.

It gets worse. The administration’s Nuclear Posture Review declares U.S. determination to « continue to reduce the role of nuclear weapons in deterring non-nuclear attacks. » The ultimate aim is to get to a blanket doctrine of no first use.

This is deeply worrying to many small nations who for half a century relied on the extended U.S. nuclear umbrella to keep them from being attacked or overrun by far more powerful neighbors. When smaller allies see the United States determined to move inexorably away from that posture — and for them it’s not posture, but existential protection — what are they to think?

Fend for yourself. Get yourself your own WMDs. Go nuclear if you have to. Do you imagine they are not thinking that in the Persian Gulf?

This administration seems to believe that by restricting retaliatory threats and by downplaying our reliance on nuclear weapons, it is discouraging proliferation.

But the opposite is true. Since World War II, smaller countries have agreed to forgo the acquisition of deterrent forces — nuclear, biological and chemical — precisely because they placed their trust in the firmness, power and reliability of the American deterrent.

Seeing America retreat, they will rethink. And some will arm. There is no greater spur to hyper-proliferation than the furling of the American nuclear umbrella.

Voir enfin:

Is There a Rhyme or Reason to U.S. Foreign Policy?
Victor Davis Hanson
NRO’s The Corner
April 11, 2010

During the 2008 campaign, the Obama group argued that Bush & Co. were insensitive to allies and had acted in clumsy, unilateral fashion, permanently damaging our stature in the world. Given the first 15 months of foreign policy in the new administration, we can see now that Obama’s critique largely meant that we had damaged relations with supposed belligerents like Cuba, Iran, Russia, Syria, and Venezuela — inasmuch as right now, British, Colombian, Czech, German, Honduran, Indian, Israeli, Japanese, Polish, and South Korean leaders might privately prefer the good « bad » old days of the supposed cowboy Bush. All of which raises the question: Why Obama’s shift in foreign policy? I offer four alternatives, uncertain of the answer myself.

a) Obama in 2007 and 2008 created a campaign narrative of Bush the cowboy, and then found himself trapped by his own « reset button » rhetoric, which meant he could hardly credit his maligned predecessor by building on the multilateral work that Secretary of State Condoleezza Rice had established from 2006 onward (cf. the similar quandary of libeling Bush as a war-mongering anti-constitutionalist and then using new, kinder, gentler anti-terrorism euphemisms to mask the adoption of Predators, tribunals, renditions, wiretaps, intercepts, and continuance in Iraq and Afghanistan);

b) Obama sincerely believes that states that were pro-American under Bush are now somewhat dubious, while other states’ anti-American rhetoric during 2001–08 was understandable and so rightfully now earns them empathy and attention as a reward;

c) Obama genuinely believes that those abroad who are more statist and voice rhetoric that dovetails with his own equality-of-result efforts at home are sympathetic, inasmuch as they too define « freedom » in holistic terms of state entitlements rather than individual liberty, free markets, and free expression — so to the degree a leader casts himself as a « revolutionary, » he finds resonance with an equally progressive Obama; or

d) Obama has no idea of what he is doing, and wings his way from one embarrassment to another, from snubbing Gordon Brown to gratuitously insulting Benjamin Netanyahu to abruptly changing the terms of commitments with the Czechs and Poles to constructing nonexistent Islamic historical achievements to browbeating Karzai to courting Putin to bowing to the Saudis, etc., all as he sees fit at any given moment — with an inexperienced but impulsive Hillary Clinton and gaffe-prone Joe Biden as catalysts rather than arresters of Obama’s own haphazardness.

Whatever the reasons, I think the seeds have been sown and the harvests will soon be upon us. Any initial delight that the world’s masses found in a post-national, post-racial, charismatic young American president will begin to be eclipsed by their leaders’ realpolitik calculations, both old friends and enemies — namely, that the U.S. will probably not assist (other than in soaring rhetorical cadences of empathy) any past ally in its hour of need, and will probably not oppose (other than in meaningless deadlines and melodramatic contextualization) any past enemy in its newfound efforts to readjust regional realities. (If only Obama treated Iran or Syria as he does Bush, Sarah Palin, and the top 10 percent of American taxpayers.)

So as the U.S. completes its metamorphosis into a much larger version of the E.U., we should expect to see something of the following:

Karzai or Allawi will look more to Iran, which will soon become the regional and nuclear hegemon of the Middle East.

Eastern Europe and the former Soviet republics had better mend fences with Russia.

The E.U. should finally start on that much-ballyhooed all-European response force.

Taiwan, the Philippines, and South Korea should strengthen ties with China.

Buffer states in South America had better make amends with a dictatorial, armed, and aggressive Chavez.

Israel should accept that the U.S. no longer will provide support for it at the U.N., chide the Arab states to cool their anti-Israeli proclamations, remind the Europeans not to overdo their popular anti-Israeli rhetoric, or warn radical Palestinians not to start another intifada. (In other words, it’s open season to say or do anything one wishes with Israel.)

As for bankrupt, wannabe national defaulters, don’t worry — we are rapidly catching up, and have neither the credibility nor the desire to lecture you about artificial constructs like “debt,” “bonds,” “trust,” and other archaic financial euphemisms manipulated to protect the international capital of an overseer class.

Sowing a new crop takes a while, but the sprouting has begun and the bitter, 1979-like harvests will soon be upon us.


Antiaméricanisme: Ca reste quand même très hollywoodien (The timeless sound of mucus every family should share)

18 avril, 2010
The Sound of music (1965)Nous nous sentons transformés en imbéciles émotionnels et esthétiques quand nous nous entendons fredonner les chansons mielleuses et cul-cul. Pauline Kael
Le cinéma américain tend à nous abêtir, à détruire par ses enfantillages et ses fadaises admirablement présentées notre jugement, notre bon sens, notre esprit critique et à paralyser notre esprit tout court. Le cinéma américain est la propriété d’une certaine finance israélite qui a mené l’Amérique entière à la situation dramatique dans laquelle elle se débat actuellement et qui affirme la faillite de ses méthodes économiques et gouvernementales. Yvan Noë (cinéaste français, 1933)
La mythologie est souvent considérée comme étant la religion “des autres” alors que la religion peut être définie comme étant de la mythologie mal interprétée. Joseph Campbell
Toutes les histoires se composent de quelques éléments structuraux communs que l’on trouve universellement dans les mythes, les contes de fées, les rêves et les films. Christopher Vogler
Un film qui touche est une oeuvre d’art. (…) Les Lumières en FRANCE ont tué l’imagination. C’est la raison pour laquelle les œuvres d’Hermann Melville et de James Joyce ne sont pas françaises ; la raison pour laquelle Freud et Jung n’auraient pu naître sous le drapeau tricolore ; la raison pour laquelle le Surréalisme nous a été offert par des immigrants. Nous savons que le tableau Guernica dépeint un évènement historique précis mais nous nous trouvons désarmés lorsqu’il s’agit d’expliquer son pouvoir évocateur sur des esprits qui ignorent tout (et qui se contrefichent) de la guerre civile espagnole. Nous savons très bien ce qu’est une Fable mais il semble que nous ayons oublié ce qu’est un Mythe. Bien avant d’être un film hollywoodien, Avatar est un film anglo-saxon. Son auteur, James Cameron, s’est vu coller toutes les étiquettes « du moment » par la critique française. On a dit de lui qu’il était reaganien à l’époque de Terminator, qu’il mettait en scène une « revanche fantasmée sur le Vietnam » à l’époque d’Aliens, qu’il était le grand promoteur de la Perestroïka à l’époque d’Abyss, qu’il offrait à l’ère Clinton une vision apaisée de la lutte des classes avec Titanic… et aujourd’hui, sous l’ère Obama, le voici écolo en quête de rédemption post-coloniale. Dans tous les cas, cet homme n’est jamais un artiste disposant de sa propre voix; il n’est que l’agence marketing des administrations successives, bref le valet du Capital et de la Maison Blanche. Mais il est rare, beaucoup plus rare, de voir des français souligner le lien entre le Terminator et le Golem ; détailler la plastique des Aliens et leur environnement pour y débusquer les évocations sexuelles et infernales héritées de la Peinture ; considérer les fonds marins d’Abyss à la lumière de la citation de Nietzsche qui débute pourtant le film ; ou encore accepter de voir en Titanic un film apocalyptique. James Cameron évolue dans le Mythe depuis presque trente ans, mais nous, en France, ne savons plus ce qu’est un Mythe. Rafik Djoumi
Pour obtenir un succès, il faut qu’une portion du « public régulier » aille voir votre film. Pour obtenir un grand succès, il faut qu’une quasi-majorité du « public régulier » aille voir votre film. Pour obtenir un méga succès, il vous faut dépasser la majorité du « public régulier » PLUS une portion qui retourne voir le film une deuxième fois. Pour obtenir un succès dément, il vous faut tout ce qui vient d’être cité PLUS la présence en salle de ces gens qui ne vont jamais au cinéma. Les films qui nous intéressent aujourd’hui réunissent toutes les conditions précitées et (c’est là qu’on atteint l’anomalie) même les gens qui ne vont jamais au cinéma y retournent une deuxième fois ! Vous connaissez peut-être un vague oncle, une vague marraine, qui ne vont jamais au cinéma. Et vous vous êtes peut-être demandé pourquoi ils étaient allés voir Titanic deux fois en salle. Voilà où se situe à mon sens tout le mystère qui entoure ces films : quelle force d’évocation particulière possèdent ces films pour que des gens qui se contrefichent royalement du cinéma, pour qui ce medium ne représente aucun intérêt, fassent l’effort d’aller voir un film en salle deux fois ? Il faut se faire à l’idée que ces films évoquent tout simplement l’idée même de Cinéma au plus grand nombre. Et qu’importe ici l’avis microcosmique des critiques, des cinéphiles, des spécialistes en tous genre. Lorsque l’on prononce le mot « Cinéma », il faut croire que la grande majorité de l’humanité voit d’abord défiler des images de Star Wars, d’Autant en emporte le vent, de Titanic ou de La Mélodie du bonheur. (…) Voilà pourquoi je pense que ces films précis, ces « élus du peuple » sont à prendre avec des pincettes. Car dans leur cas, ce ne sont pas seulement des films que l’on manipule et sur lesquels on disserte. Ces films dépassent, et de très loin, le cadre de l’industrie filmique. Ils dépassent le cadre du « phénomène de société » puisqu’ils échappent à la fois aux circonstances et aux sociétés qui les ont fait naître. Leur capacité, maintes fois prouvée, à dépasser les frontières du temps, des nations et des classes sociales les fait carrément participer d’un Mystère cinématographique qui nous annonce quelque chose de l’humanité. Rafik Djoumi

Qui se souvient qu’au tout début des années 10, la machine de guerre trop puissante d’Hollywood est en partie née d’un acte de résistance à l’invasion culturelle française?

Découvert sur le site d’Arrêts sur images de l’équipe de Daniel Schneidermann …

L’exception rare au Pays autoproclamé des Lumières, de l’esprit cartésien et de la déconstruction radicale de la culture du Coca Cola-Big mac-Disneyland …

Un critique de cinéma qui, contre « la clé de lecture quasi-automatique » d’une certaine critique « réduisant TOUT grand succès cinématographique à la bêtise de son discours, ses élans réactionnaires et sa qualité de ‘produit’ adapté à notre consumérisme effréné du moment », s’intéresse sincèrement à « ces récits ‘simplistes’ qui ont l’étrange faculté de séduire tant de gens à travers le monde » qui nous viennent souvent de l’autre côté de l’Atlantique …

Pour qui, un film qui touche des centaines de millions de personnes a peut-être quelque chose à nous apprendre sur l’Humanité (…) à condition de l’approcher non plus comme un simple appendice de notre actualité et de notre vision géopolitique du moment, mais plutôt comme un objet (…) d’Art, c’est-à-dire un objet susceptible de défier notre intelligence et capable de nous ouvrir à des états de conscience que notre quotidien ignore …

Et qui, pointant la difficulté particulière d’une certaine critique française ayant oublié ce qu’est un Mythe ou notre censément commun « legs de légendes et de contes » et passant son temps à dénoncer ces grands succès consommables en tous lieux de la planète, à la façon d’un Big mac ou d’une bouteille de Coca Cola, a le mérite de rappeler quelques faits oubliés sur le ventre fertile de la Bête hollywoodienne, ses marchands du Temple comme ses simples valets du Capital et de la Maison Blanche …

Comme le fait qu’à la manière de nos impressionnistes attirés par la lumière, les abondants paysages naturels et la possibilité de la peinture de plein air de la Côte d’azur californienne, les futurs nababs hollywoodiens fuyaient aussi l’hégémonie de sociétés françaises qui, avant d’être réquisitionnées et englouties par l’effort de guerre, distribuaient un temps comme Pathé jusqu’à 50% des films visibles aux Etats-Unis.

Ou qu’après le suicide européen de la Grande guerre qui réquisitionnera puis engloutira nos Pathé et Gaumont, c’est en absorbant une bonne partie des talents européens mais aussi plus tard les artistes juifs austro-hongrois chassés par le nazisme, que la « propriété d’une certaine finance israélite » arrachera la reconquête de son propre marché puis du monde.

Que la soi-disant boîte à com’ de la Maison Blanche est en fait, depuis quasiment ses débuts une ville à la solde des « cocos » avec, les chasseurs de sorcières de McCarthy ne l’ont pas inventé, leur compagnons de route du Komintern et leurs films à la gloire des kolkhozes ou des révolutionnaires cubains et aujourd’hui, par nos Spielberg, Oliver Stone et Michael Douglas, le financement explicite du Parti démocrate.

Que, bâti en bonne part, comme pour la BD et la musique, par des juifs le plus souvent de descendance russe, hongroise ou polonaise en mal d’intégration, le prétendu promoteur des valeurs les plus rigides du peuple américain n’est et n’a jamais été pleinement reconnu par l’Amérique traditionaliste et ses WASP’s (white anglo-saxon protestants).

Que, mis à part les exceptions des grands péplums et les « thrillers, survival ou slashers peuplés de fanatiques dégénérés aux dents pourries », la « Mecque du péché » ne s’aventure guère sur les terres de la Bible Belt (ceinture d’Etats très religieux), Mel Gibson ayant, « malgré ses millions de dollars au box-office, quasiment dû financer par ses propres moyens La Passion du Christ » et l »es médias hollywoodiens lui ayant fait payer très très cher le carton cosmique de son film ».

Enfin que, contre le prétendu rapport de soumission entre Hollywood et la Maison Blanche très fréquemment pointé du doigt par les intellectuels européens et à l’inverse de pratiquement tous les pays européens, il n’y a pas de Commission de Censure gouvernementale aux Etats-Unis, ce qui serait en contradiction directe avec le Premier Amendement de sa Constitution, le Code Hayes ou la MPAA (organisme qui décide des classements et tranches d’âge) étant des émanations des studios eux-mêmes …

Le Truc Qui Tache: L’empire Hollywoodien
Rafik Djoumi
7 octobre 2009

Lorsque le qualificatif « hollywoodien » apparaît dans une phrase, au détour d’un article ou d’une conversation, il y a environ 70% de chances pour qu’un pêché quelconque soit subrepticement induit. De l’affirmation « Ha la la ; qu’est-ce que c’est hollywoodien ! » au plus mesuré « C’était bien mais ça reste quand même très hollywoodien », tout un réseau de contre-valeurs est généralement suggéré par ce simple terme, sans que personne ne puisse pourtant en donner une définition satisfaisante.

Comment en est-on arrivé à ce que « hollywoodien » désigne, grosso modo, quelque chose de « pas bien » ? Et comment se fait-il qu’Hollywood, qui est censée tuer le Cinéma depuis près d’un siècle, n’ait toujours pas réussi à le faire ?

Voici le début d’une liste qui tentera de décortiquer, point par point, les différentes connotations qui se cachent derrière le terme « hollywoodien ».

Hollywood, la Mecque du péché

Si l’on devait froidement déterminer ce qui fait la particularité d’Hollywood, sur un plan historique, alors on pourrait la désigner comme étant « la plus grande concentration d’artistes connue jusqu’alors » (car ils étaient à coup sûr beaucoup moins nombreux dans la Florence de la Renaissance, par exemple). Qu’une telle concentration d’artistes puisse hérisser le poil des culs-bénits, cela n’aura rien d’étonnant. Et de fait, ce sont bien les milieux religieux qui furent les premiers à condamner explicitement cette ville du pêché, et ce dès la fin des années 10, en rebondissant sur le moindre scandale sexuel. Ainsi, le très populaire comique Fatty Arbuckle vit sa carrière brisée en quelques jours, sous des accusations de viol et de meurtre dont il était pourtant innocent. Et c’est dans l’espoir de calmer ces intégristes de tous bords que fut rédigé, dès 1922, ce qui allait devenir le tristement fameux Code Hayes, un traité ultra-puritain sur ce qu’on avait le droit de montrer ou non à l’écran (par exemple : interdiction absolue de montrer des nombrils !).

Mais la ville du pêché fut également très vite la cible de divers amateurs d’Art et intellectuels. A leurs yeux, le pêché d’Hollywood était celui de la cupidité. Dans cette ville tenue par des hommes d’affaires, la prédominance de l’argent ne pouvait en aucun cas se marier à l’Art (oublions au passage que l’esprit artistique de la Renaissance fut principalement invoqué par une dynastie de banquiers, à savoir les Medicis…). En 1933, le cinéaste Yvan Noë publie chez nous une charge virulente sur cette ville dégénérée et déclare : « Le cinéma américain tend à nous abêtir, à détruire par ses enfantillages et ses fadaises admirablement présentées notre jugement, notre bon sens, notre esprit critique et à paralyser notre esprit tout court ». Voici une phrase que l’on pourrait retrouver mot à mot dans n’importe quelle revue culturelle actuelle mais qui se serait pourtant débarrassée de celle qui lui fait suite, à savoir : « Le cinéma américain est la propriété d’une certaine finance israélite qui a mené l’Amérique entière à la situation dramatique dans laquelle elle se débat actuellement et qui affirme la faillite de ses méthodes économiques et gouvernementales ». Cet antisémitisme déclaré, qui prend pour cible un cinéma supposé juif, va largement se durcir durant la décennie des années 30, sous la plume de divers critiques de films français dont le plus tristement célèbre est Robert Brasillach, grand supporter des futures méthodes « d’épuration » des nazis. Dans le camp adverse, du côté des gauchistes, la critique d’Hollywood est plus mesurée mais néanmoins présente. Bien que Louis Delluc, fondateur du célèbre Ciné-club, soit un ardent supporter des meilleurs artisans américains, son successeur communiste, Léon Moussinac, voit dans la mission du Ciné-club une résistance « contre la publicité commerciale, contre le protectionnisme français, contre la colonisation américaine ». Les années d’après-guerre vont mener les tenants du Ciné-club à s’opposer plus fermement à Hollywood, accusée de produire du « cinéma opium ». Et ces cinéphiles de militer en faveur de « l’éducation des masses, par le cinéma et pour le cinéma ». L’Union soviétique, où les films ne sont pas produits à des fins commerciales, devient logiquement leur modèle à suivre.

Ainsi, produites à tour de rôle par l’intégrisme religieux, par l’antisémitisme et par la tentation totalitaire, les accusations multiples envers Hollywood (crétinisation des masses, décadence, argent roi etc.) vont largement perdurer dans l’inconscient collectif jusqu’à nos jours, à travers des discours qui oublient trop souvent la nature de leur source.

Hollywood, la machine de guerre trop puissante

Au tout début des années 10, un vent de protestation court dans certains milieux intellectuels américains afin de condamner une certaine hégémonie du Cinéma français. La côte Est du pays semble en effet sous la coupe de sociétés françaises (sur certaines années, près de 50% des films visibles aux Etats-Unis sont distribués par Pathé) et les sociétés américaines MPCC, Vitagraph ou Biograph ne peuvent concurrencer les productions prestigieuses des frenchies. C’est en partie pour fuir ce conflit que certains hommes de spectacles, propriétaires de circuits de salles, iront s’installer sur la Côte Ouest du pays, là où la vive lumière du jour permet d’édifier des plateaux à ciel ouvert et où les paysages naturels abondent. Indirectement, la naissance d’Hollywood est donc en partie un acte de résistance à l’invasion culturelle française (ironique, isn’t it ?). Et la Première Guerre Mondiale va définitivement inverser le rapport de force, lorsque les activités de Pathé et Gaumont seront réquisitionnées par l’effort de guerre.

En 1918, au sortir de la destruction de l’Europe, Charles Pathé réalise qu’Hollywood domine maintenant le territoire américain, et il y revend ses filiales. La progressive conquête du marché mondial, par les Américains, va se faire durant les années 20 et 30 en absorbant une partie des talents européens (Murnau, Maurice Tourneur, Greta Garbo, Maurice Stiller, Michael Curtiz etc.) et en misant sur la formule de film à prestige initiée par Irving Thalberg (des films qui ne cherchent pas la rentabilité immédiate mais qui assurent une confiance progressive du public dans la qualité des « produits » de la ville). L’instauration de dictatures européennes va accélérer ce processus, lorsque la plupart des artistes austro-hongrois fuiront la montée du nazisme pour aller grossir les rangs de la future « machine de guerre » hollywoodienne. Durant les années 40, alors que les Européens sont occupés à se massacrer jusqu’au dernier, Hollywood produira une avalanche de chefs-d’œuvre, scellant sa légende. Ainsi, les fameux « gros moyens », la fameuse « puissance de feu » d’Hollywood, tout ce qui fait dire à ses adversaires que le combat est inégal, toutes ces armes ne lui sont pas tombées du ciel. La future capitale du Cinéma est née d’un combat ; elle a dû acquérir son public année après année et, surtout, elle a énormément bénéficié du double suicide du continent européen. Aussi l’Europe, qui se plaint continuellement de l’hégémonie hollywoodienne, fait parfois songer à un boxeur ivre mort d’une cuite prise la veille, et qui prétendrait que le match est truqué.

Hollywood, c’est l’Amérique

Parfois, le terme « hollywoodien » suffit seul à désigner un réseau d’idéologies conservatrices pour celui qui le prononce. Car Hollywood serait en quelque sorte le promoteur des valeurs les plus rigides du peuple américain et la boîte à comm’ de la Maison Blanche (« téma, y’a un drapeau américain dans Spider-man ; à tous les coups c’est la famille Bush qui produit »). Cette manière de suggérer le conservatisme hollywoodien fait peu de cas de l’écrasante majorité de libéraux qui habitent la ville. Tout d’abord, la culture majoritairement reconnue comme américaine est celle des WASP (white anglo-saxon protestants) ; Hollywood a majoritairement été bâtie par des juifs (donc pas vraiment protestants) qui étaient le plus souvent de descendance russe, hongroise, polonaise (donc pas vraiment anglo-saxonne). C’est entre autres par complexe, parce qu’ils se considéraient un peu moins « Américains » que les « vrais » Américains, que les grands patrons de studio ont souvent recherché, maladroitement, l’aval de journalistes influents, de lobbyistes religieux ou de représentants du gouvernement. Mais aujourd’hui comme hier, l’Amérique traditionaliste ne se reconnaît pas dans Hollywood, et le sentiment est d’ailleurs réciproque. Ronald Reagan racontait que, durant l’âge d’or des studios, il y avait UNE table à la cantine réservée aux 2-3 républicains des lieux. Aujourd’hui, un film ultra-républicain tel que la comédie An American Carol de David Zucker apparaît, aux yeux de ses initiateurs, comme un acte de résistance au « gauchisme dictatorial » de la ville. Et l’on constatera aisément que ce sont plutôt Robert Redford ou George Clooney qui empochent les Oscars, et non pas Arnold Schwarzenegger ou Adam Sandler.

Au-delà d’un clivage qui penche donc nettement du côté des démocrates, la capitale hollywoodienne a été durant son Histoire ballottée par des soubresauts idéologiques qui couvrent pratiquement tout le spectre, de droite à gauche. Beaucoup seraient surpris de découvrir que les grands studios des années 40 avaient produit quelques films à la gloire des kolkhozes ou des révolutionnaires cubains. Et si le pétage de câble de la chasse aux sorcières a pu avoir lieu en cette époque, c’est bien parce qu’Hollywood se traînait, déjà, une réputation de ville à la solde des « cocos ». Pourtant, malgré une infinité de faits probants, beaucoup d’Européens ont préféré garder en mémoire les poses réactionnaires de Cecil B. De Mille, de John Wayne ou de Walt Disney, qui suffiraient à désigner « l’état d’esprit » du tout Hollywood. Et à côté de considérer les modérés plus ou moins à gauche (en gros, tous les autres) comme étant des exceptions ! La croyance en un Hollywood de droite est d’ailleurs à ce point prégnante que plusieurs artistes qui financent ouvertement le Parti Démocrate (Spielberg, Oliver Stone, Michael Douglas etc.) ont souvent été accusés chez nous de collusions avec les néo-conservateurs.

Il en va de même pour la question religieuse. Hollywood ne s’intéresse généralement à celle-ci que s’il y a du péplum et du spectaculaire à la clé ; mais on aurait du mal à dresser une liste prestigieuse de « films pieux » (proportionnellement, l’Europe en produit beaucoup plus). Malgré ses millions de dollars au box-office, Mel Gibson a quasiment dû financer par ses propres moyens La Passion du Christ, et les médias hollywoodiens lui ont fait payer très très cher le carton cosmique de son film. Et lorsque Hollywood s’aventure sur les terres de la Bible Belt (ceinture d’Etats très religieux) c’est assez fréquemment pour le compte de thrillers, survival ou slashers peuplés de fanatiques dégénérés aux dents pourries. Les quelques films qui tentent de présenter cette Amérique profonde sous son jour le plus favorable sont rarement de grands succès (voir le récent exemple de Cars, le moins rentable des Pixar).

Enfin, le rapport de soumission entre Hollywood et la Maison Blanche est très fréquemment pointé du doigt par les intellectuels européens. Osons le dire, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité ! On ne le répètera jamais assez : il n’y a pas de Commission de Censure gouvernementale aux Etats-Unis, ce qui serait en contradiction directe avec le Premier Amendement de sa Constitution. A l’inverse, dans pratiquement tous les pays européens, la fiction sous toutes ses formes est surveillée de près par des organismes financés par l’Etat ; et cet Etat n’a pas hésité, comme par exemple en France, à user régulièrement de sa prérogative pour faire interdire des œuvres. Aux Etats-Unis, les phénomènes tels que le Code Hayes ou la MPAA (organisme qui décide des classements et tranches d’âge) sont des émanations des studios eux-mêmes. Ce sont les grands studios qui financent ces initiatives dans un souci déclaré d’autorégulation et, surtout, pour faire bonne figure auprès du peuple américain et de ses représentants. Ainsi, lorsque le gouvernement américain cherche à faire pression sur Hollywood, il doit user de leviers infiniment plus complexes et plus subtils que ceux auxquels nous avons recours en Europe. Dire qu’Hollywood est à la solde du gouvernement est donc une généralisation hâtive et plutôt fausse. Prétendre qu’Hollywood incarne à fond l’idéologie du peuple américain revient à mal connaître ce peuple.

A suivre…

Dans notre prochain épisode :
-Hollywood versus Le monde
-Hollywood versus le cinéma d’auteur
-Hollywood versus le Cinéma indépendant
-Hollywood, c’est du produit formaté

Voir aussi:

Les Intouchables
Rafik Djoumi
04 janvier 2008

Il y a quelques années déjà, en lisant un numéro du magazine DVDvision, je découvrais la critique courte mais féroce que mon collègue Gaël Golhen avait réservé au film La Mélodie du bonheur. Comme pas mal de monde, et notamment chez les cinéphiles, Gaël ne voyait dans le film de Robert Wise que schématisation infantile, niaiserie des chansons et sucrerie hollywoodienne. Sachant que le collègue était tout à fait ouvert à la critique, j’empoignais mon téléphone pour lui exprimer mon désaccord de fond (ça c’est mon côté vieux ronchon du Muppet Show ; encore heureux que je ne regarde pas la télé sinon on me trouverait chaque semaine dans le courrier des râleurs de Télé7Jours.) bref un désaccord, disais-je, qui ne portait pas tant sur le film lui-même que sur la façon de traiter une toute petite poignée de films particuliers à laquelle appartient La Mélodie du bonheur.

Je m’explique : Le film de Robert Wise fait partie des « all-time blockbusters ». Il est, en terme de spectateurs, le troisième film le plus vu de tous les temps. Devant lui sont positionnés les indétrônables Autant en emporte le vent et Star Wars. Et il se voit talonné de près par E.T., Les Dix commandements, Titanic et Les Dents de la mer.

Avant d’aller plus loin dans la démonstration, il nous faut d’emblée oublier ces notions de succès, ces annonces comparatives régulièrement faites par les médias (et largement guidées par les studios), et qui nous dispensent chaque mois des « records de fréquentation » et des « plus gros succès de tous les temps ». Ces annonces sont pour la plupart mensongères, et jouent avec l’inflation et la hausse de prix du billet pour brouiller les repères. En réalité, aucun film de cette dernière décennie n’a atteint ne serait-ce que la trentième place de cette liste des records si on s’en tient strictement au nombre de spectateurs.

Et j’insiste sur le fait que nous parlons là de spectateurs, et pas d’argent ! Il est important de mettre de côté le « business » et de se concentrer sur « les gens » si l’on veut saisir la particularité culturelle de ces films.

La Mélodie du bonheur, Autant en emporte le vent, Star Wars et compagnie ne sont pas des succès ; ce ne sont pas des grands succès ; ce ne sont pas des méga-succès de la mort qui tue.

Non. Ces films sont des anomalies, des courts-circuits, des évènements improbables, et planétaires, dont l’ampleur a surpris (et souvent effrayé) leurs concepteurs.

Le public régulier des salles de cinéma ne représente pas la population d’un pays ; il n’en est qu’une portion. Si l’on nous indique que, dans un pays donné, un spectateur va en moyenne cinq fois par an au cinéma, il faut bien prendre en compte l’idée qu’il s’agit là d’une moyenne. Autrement dit, dans ce pays donné, pour tout spectateur qui va en salle dix fois par an, il faut en compter autant (en fait plus) qui vont au cinéma Zéro fois par an. Et pour peu que vos origines se situent dans la classe ouvrière, vous avez probablement autour de vous des exemples de personnes qui, pour des tas de raisons, ne vont jamais au cinéma.

Schématisons : pour obtenir un succès, il faut qu’une portion du « public régulier » aille voir votre film. Pour obtenir un grand succès, il faut qu’une quasi-majorité du « public régulier » aille voir votre film. Pour obtenir un méga succès, il vous faut dépasser la majorité du « public régulier » PLUS une portion qui retourne voir le film une deuxième fois. Pour obtenir un succès dément, il vous faut tout ce qui vient d’être cité PLUS la présence en salle de ces gens qui ne vont jamais au cinéma. Les films qui nous intéressent aujourd’hui réunissent toutes les conditions précitées et (c’est là qu’on atteint l’anomalie) même les gens qui ne vont jamais au cinéma y retournent une deuxième fois !

Vous connaissez peut-être un vague oncle, une vague marraine, qui ne vont jamais au cinéma. Et vous vous êtes peut-être demandé pourquoi ils étaient allés voir Titanic deux fois en salle. Voilà où se situe à mon sens tout le mystère qui entoure ces films : quelle force d’évocation particulière possèdent ces films pour que des gens qui se contrefichent royalement du cinéma, pour qui ce medium ne représente aucun intérêt, fassent l’effort d’aller voir un film en salle deux fois ?

Il faut se faire à l’idée que ces films évoquent tout simplement l’idée même de Cinéma au plus grand nombre. Et qu’importe ici l’avis microcosmique des critiques, des cinéphiles, des spécialistes en tous genre. Lorsque l’on prononce le mot « Cinéma », il faut croire que la grande majorité de l’humanité voit d’abord défiler des images de Star Wars, d’Autant en emporte le vent, de Titanic ou de La Mélodie du bonheur. L’impact de leur iconographie sur l’inconscient collectif est dramatique. A titre d’exemple, un pays comme l’Inde produit chaque année des milliers de comédies musicales. Dans pratiquement chacune d’entre elles, la rencontre amoureuse se déroule dans un décor de montagnes suisses, au mépris de toute logique géographique. Pourquoi ? Parce que La Mélodie du bonheur a imposé là-bas l’idée que le bonheur avait précisément cette iconographie là, et pas une autre. Ca nous fait tout de même un bon milliard de personnes chez qui le film de Robert Wise est l’incarnation définitive d’un concept donné, un film qui est parvenu à imposer son imagerie dans une région pourtant riche d’une iconographie et d’un symbolisme trois fois millénaire.

A titre personnel, je n’ai jamais été particulièrement touché par ce film de Wise. Mais j’ai pu constater de mes yeux l’impact inexplicable qu’il provoquait chez d’autres personnes. J’ai vu fondre de joie devant ce film des individus qu’on imaginerait totalement imperméables à cette imagerie bucolique : des amateurs des délires hardcore de Tsukamoto, des fans des digressions philo de Chris Marker, des fondus du mysticisme de Tarkovski ou des expérimentations gothic-indus les plus violentes, je les ai vu taper des mains, sautiller comme des gosses, se transformer en barbe à papa et décider de revoir La Mélodie du bonheur trois fois en une semaine avec des larmes sur les joues. Force m’est de constater, donc, l’impact délirant de ce film déjà quadragénaire. Et face à un phénomène d’une telle ampleur et d’une telle longévité, on ne peut tout simplement pas se réfugier derrière les notions de kitsch, de vieillot, de sucré, de lourdaud et balayer ça d’un revers de main… pas quand on écrit sur le Cinéma en tous cas.

Voilà pourquoi je pense que ces films précis, ces « élus du peuple » sont à prendre avec des pincettes. Car dans leur cas, ce ne sont pas seulement des films que l’on manipule et sur lesquels on disserte. Ces films dépassent, et de très loin, le cadre de l’industrie filmique. Ils dépassent le cadre du « phénomène de société » puisqu’ils échappent à la fois aux circonstances et aux sociétés qui les ont fait naître. Leur capacité, maintes fois prouvée, à dépasser les frontières du temps, des nations et des classes sociales les fait carrément participer d’un Mystère cinématographique qui nous annonce quelque chose de l’humanité.

Oui, d’accord. Et alors ? Que nous dit-il ce « Mystère » ?

Je ne voudrais pas risquer de m’enfermer dans un schéma de pensée à sens unique, mais j’ai pourtant la conviction que seule la Mythologie, avec une majuscule, est susceptible de transpercer ainsi les couches de l’individualité et l’écorce des particularismes culturelles, pour directement aller frapper le tronc commun de l’Humanité. Je crois que, d’une façon ou d’une autre, avec ou sans la volonté de leurs créateurs, ces films ont précisément réussi cela.

Autant en emporte le vent nous raconte l’histoire d’une femme aux multiples visages contradictoires, à la fois jeune fille, maîtresse, épouse, garce, reine, intrigante, infirmière, combattante ; une femme aimée, respectée, détestée, protégée, surprise, malmenée, admirée, dominée puis victorieuse ; une femme qui oscille telle un pendule entre deux figures masculines complémentaires (qui semblent n’exister que par sa propre émanation). Nous la voyons perdre ses biens, traverser des flammes gigantesques, renaître dans la boue puis dans la sécheresse, nous la voyons aider à donner la vie puis perdre la vie de son propre enfant ; et surtout nous la voyons réaliser le lien imprescriptible qui la lie à la Terre (Tara : la résidence royale de la mythologie irlandaise, déjà suggérée par le nom de famille de l’héroïne) dans un final glorieux, face au Soleil et, littéralement, sous l’arbre du Monde. Je crois que le véritable nom de Scarlett O’Hara est à la fois Inanna, Ereshkigal, Aphrodite, Persephone, Demeter, Ishtar, Isis, Marie/Marie-Madeleine etc. et qu’elle a beaucoup à voir avec la Lune.

A l’heure d’aujourd’hui, n’importe quel fan de Star Wars est censé savoir que l’écriture du script de George Lucas se fit sous la haute influence des écrits de Joseph Campbell, et notamment sa théorie du Monomythe, théorie selon laquelle le parcours de tout héros fonctionnait selon une mécanique précise, faîte d’étapes récurrentes et plus ou moins ordonnées : L’appel de l’aventure, Le refus de l’appel, L’aide surnaturelle, Le passage du premier seuil, Le ventre de la baleine, Le chemin des épreuves, La rencontre avec la déesse, La femme tentatrice, La réunion au père, L’Apothéose, Le don suprême, Le refus du retour, La fuite magique, La délivrance venue de l’extérieur, Le passage du seuil au retour, et enfin Maître des deux mondes et libre devant la Vie. Non seulement le film de Lucas a respecté ces étapes (au même titre que Le Seigneur des Anneaux ou Matrix plus près de nous), mais il est parvenu à en transfigurer l’essence mystérieuse dans un visuel et une narration qui s’avérait particulièrement adaptée à son époque.

J’imagine que cela pourrait en faire pouffer de rire certains, mais je ne suis pas loin de penser que La Mélodie du bonheur s’appelle en réalité La Montagne au Centre du Monde ; d’autres l’appelleraient la Montagne sacrée, le Mont Sinaï, l’Olympe, et si vous placez une croix en son sommet (ou mieux encore, une femme les bras en croix) elle devient paraît-il l’Axis Mundi, le Golgotha etc. Il ne me semble pas hasardeux que les enfants Von Trapp soient au nombre de 7, ni que Maria, la nonne plus spirituelle que toutes les nonnes, leur livre les secrets des sept notes qui mènent à la huitième qui n’est que la première. Je crois que la mystique pythagoricienne n’est pas loin, et que le destin des Von Trapp s’apparente à une Chute, lorsqu’ils finissent par quitter la montagne et « descendre » dans le monde des humains, un monde où en l’occurence sévissent les nazis, autrement dit un monde de la souffrance, indissociable de l’incarnation.

Cela a déjà été plusieurs fois remarqué; le film de Steven Spielberg E.T. est une relecture du Nouveau Testament :

l’histoire d’un être venu des cieux, capable de lire dans les cœurs et de guérir les blessures, dont les plus innocents deviennent les apôtres et font tout pour le protèger du regard de ceux qui jugent parce qu’ils ont peur ; un être de lumière, donc, qui sera d’une certaine façon « trahi » par l’apôtre dont il était le plus proche (en partageant avec lui sa déchéance physique et sa souffrance qui est le lot des hommes sur terre).

Bref il meurt ; il ressuscite ; il apparaît aux incrédules dans un nuage de fumée, une cape posée sur les épaules, les bras en croix et le cœur lumineux ; et enfin il remonte au ciel. Spielberg mêle discrètement à cela une symbolique plus volontiers hindouiste (le dernier geste d’E.T. envers Eliott) et va jusqu’à commanditer une affiche en référence ouverte au plafond de la chapelle Sixtine.

En théorie, je ne devrais pas trop me fouler pour vous prouver la teneur mythologique des Dix commandements, à moins que vous vous imaginiez que l’Ancien Testament est un extrait de journal du Vème siècle avant J.C.

Comme toutes les oeuvres de James Cameron (à l’exception de True Lies) le film Titanic plonge ses racines dans les prophéties, et plus particulièrement les prophéties apocalyptiques. C’est un monde complet qui nous y est présenté, entre son sommet de Montagne où s’effectue la rencontre et où l’on crie sa liberté les bras en croix (la proue avant du navire) et la fournaise de ses Enfers (la salle des machines), un monde où la société est composée de strates, de classes, de limites, bref de division (« diyábolos ») mais un monde qui malgré son apparence éternelle et indestructible finira par voler en éclat et s’écrouler sur lui-même. Les seuls survivants possibles d’un tel naufrage, d’un tel Apocalypse, sont ceux qui auront accompli l’intégralité du voyage spirituel (du ciel à l’enfer, de la proue avant du navire à la salle des machines) pour en sortir transformés, c’est-à-dire animés d’un Amour véritablement inconditionnel : deux êtres devenus Un, aussi immortels dans la mort que ne le furent avant eux Tristan et Yseult. L’homme du commun (Jack = Jean) s’unit au divin (la Rose) pour devenir symbole d’éternité (un diamant, le Cœur de l’Ocean). Ceux qui n’ont pas eu l’opportunité d’accéder à cet accomplissement iront au fond de la mer où une nouvelle chance leur sera donnée (voir la position « angélique » d’un corps de femme noyée sur lequel s’attarde James Cameron). Mais ceux qui se sont tenus volontairement à l’écart de l’Amour dériveront pour l’éternité sur leurs petites embarcations. On les appelle les Damnés.

Voir enfin:

Et si Avatar était un objet d’Art?
Rafik Djoumi
@sinaute
le 19/07/2009

Après la chronique de Judith Bernard consacrée à Avatar, nous avons reçu de notre @sinaute Rafik Djoumi, par ailleurs critique de cinéma, le texte suivant, auquel nous souhaitons donner un large écho.

Aïaïaïe ! En entendant les propos flatteurs de Régis Debray au sujet d’Avatar, j’avais bien noté le visage surpris de Judith. « Quoi ? Comment ? L’ancien compagnon de route du Che faisant l’éloge de l’impérialisme culturel yankee ? ». Aussi, j’attendais bien une réaction mais je redoutais qu’elle prenne la forme d’une tentative de décryptage du film. Soit…

Dans votre émission, Judith, vous constatiez la disparition d’une critique cinématographique digne de ce nom et pourtant, à travers cette chronique, vous venez de résumer pour nous les trente années de dérive qui ont fait de la critique française ce qu’elle est aujourd’hui ; à savoir une entreprise de réductionnisme visant à faire du Cinéma la bête caricature de notre actualité et à plaquer sur l’ensemble de la production cinématographique cette grille de lecture unique qu’on nomme « reflet du réel ». Un exercice loin d’être gratuit puisqu’il permet d’écarter environ 97% des films produits, aussitôt discrédités et jetés dans le sac du divertissement de masse, pour ne retenir que les 3% de films effectivement préoccupés par leur rapport au « réel », dont on pourra ensuite déployer le discours prédicateur en de longues colonnes moralisatrices et assurer ainsi la perpétuation d’un discours dominant (celui qui, par exemple, décrète que Ken Loach nous aide à penser le monde tandis que les frères Wachowski nous « divertissent » à coups d’effets spéciaux).

Juste avant d’aborder Avatar, Régis Debray vous parlait pourtant de notre « legs de légendes et de contes », en citant explicitement Charles Perrault et l’Ancien Testament. Mais aussitôt, vous leur substituez Voltaire ! Quand Debray vous invite sur les terres de la Mythologie d’Homère, vous lui répondez « Si l’on s’en tient à la fable… ».

premier et dernier plan : des yeux s’ouvrent

Vous avez donc choisi comme point de départ pour votre texte la Fable écologique et la Parabole sur la colonisation. Et effectivement on peut, si on le souhaite, aborder Avatar sous cet angle exclusif. De la même façon, rien ne nous interdit de voir en Moby Dick un roman sur les joies de la pêche en haute mer ou de considérer Finnegans Wake comme une mise en garde sur les ravages de l’alcoolisme dublinois. Le choix de l’angle exclusif permet justement d’exclure tous les éléments parasitaires qui risqueraient d’invalider la démonstration, lorsqu’on tente de ramener une œuvre de fiction à un sens unique.
D’autres spectateurs auraient peut-être choisi comme point de départ les images du film, constatant que le tout premier plan sur le héros (un œil qui s’ouvre) résonnait et raisonnait avec le tout dernier plan de l’œuvre (une paire d’yeux qui s’ouvre) ; ce qui les aurait amené à considérer la phrase récurrente que s’échangent les protagonistes durant tout le film (« I see you ») comme un élément fondamental et éclairant. Pour eux, forcément, Avatar serait une Parabole sur le regard. Enfin, d’autres spectateurs, plus sensibles aux dialogues, se seraient arrêtés sur les premiers mots prononcés par ce héros (« When I was lying in the V.A. hospital with a big hole blown through the middle of my life, I started having these dreams of flying. I was free. But sooner or later though, you always have to wake up. You don’t dream in Cryo. » – « Quand j’étais allongé à l’Hopital des vétérans, avec un grand trou béant au milieu de ma vie, j’ai commencé à avoir ces rêves où je pouvais voler. J’étais libre. Mais tôt ou tard, il faut se réveiller. On ne rêve pas en Cryo. »). Ces derniers auraient alors constaté que les protagonistes du film passaient justement leur temps à s’endormir ou à se réveiller. Et pour eux, Avatar serait assurément une Fable sur le rêve.

Or, le point de départ que l’on s’est choisi va immanquablement conditionner le reste de la démonstration, en ramenant chaque élément du récit dans le territoire analytique que l’on a circonscrit. Ainsi, pour le partisan (occidental) de la Parabole sur la colonisation, il est évident, voire « transparent », que les Na’vis représentent quelque population indigène dominée par l’homme blanc. Dès lors, chacun de leurs attributs physiques (leur queue, leur couleur bleue) renverrait forcément à leur exotisme ou leur état sauvage et il ne peut en être autrement. Pourtant, le paysan indien, celui-là même qui subit toutes les formes de colonialisme, vous répondra que meuh non pas du tout ; les Na’vis sont bleus tout simplement parce que le dieu Vishnou l’était, et que c’est bien la raison pour laquelle ce film s’appelle « Avatar ». L’amateur de science-fiction vous dira que les Na’vis ont cette couleur, cette longue queue et cette haute taille simplement parce que c’est ainsi qu’Edgar Rice Burroughs imaginait les « hommes aux plantes » dans sa série des John Carter of Mars (source d’inspiration revendiquée par James Cameron). L’internaute coréen, caché derrière son avatar, vous invitera à vous connecter à ce monde où différents « sites » sont reliés par un « vaste réseau » qui a la capacité de garder en mémoire les voix du passé, et où des millions de joueurs de MMORPG se plaisent à incarner les grands elfs bleus de la forêt. Et l’on pourrait continuer ainsi sur des pages et des pages…

Hollywood : tous dans le même sac !

Est-ce à dire que le film Avatar serait un vaste fourre-tout d’éléments culturels épars, vaguement recousus sous la forme d’un self-service new age, consommable en tous lieux de la planète, à la façon d’un Big mac ou d’une bouteille de Coca Cola ? C’est ce que la critique française disait autrefois de La Guerre des étoiles, de Matrix ou de tous ces énormes succès cinématographiques sur lesquels elle ne désire pas perdre de temps (alors que le Temps les rappelle constamment à elle). En partant du présupposé que l’Humanité est un ramassis d’imbéciles amnésiques, cette école critique assène au fond depuis trois décennies l’idée que TOUT grand succès cinématographique s’explique automatiquement par la bêtise de son discours, ses élans réactionnaires et sa qualité de « produit » adapté à notre consumérisme effréné du moment. Voilà comment, aux yeux de la critique contemporaine, un arbre géant qui s’écroule devient soudain une « analogie au 11 septembre 2001 » ou qu’une armée hi-tech fait soudain référence à « l’invasion américaine de l’Afghanistan », le tout sur la base d’un scénario écrit en 1995 ! N’oublions pas que c’est toujours le film à succès qui est coincé dans l’air du temps, jamais le chroniqueur paresseux. Bien évidemment, ces grands succès sortent tous du ventre fertile de la Bête hollywoodienne, ce qui facilite l’usage d’une clé de lecture quasi-automatique. Car Avatar est un film hollywoodien. Et comme nous le savons tous, chaque film hollywoodien est l’expression d’Hollywood et de ses marchands du Temple ; jamais l’expression de son auteur (réalisateur/scénariste/producteur dans le cas présent). Il est bien loin le temps où la critique française savait reconnaître la valeur intrinsèque des films sortis de l’usine hollywoodienne afin de déterminer sa célèbre « politique des auteurs » et mettre en lumière le génie d’une centaine d’artistes, jusque là considérés comme de simples valets du Capital et de la Maison Blanche. Mais je m’égare…

Un film qui touche est une oeuvre d’art

En choisissant un autre point de départ, selon lequel tous les angles et tous les points de vue exprimés sur Avatar ne s’excluent pas mutuellement ; en considérant l’idée (sulfureuse et scandaleuse) selon laquelle un film qui touche des centaines de millions de personne a peut-être quelque chose à nous apprendre sur l’Humanité ; en considérant enfin que le point commun à cette Humanité n’est pas la bêtise ; alors il nous faudrait approcher Avatar, non plus comme un simple appendice de notre actualité et de notre vision géopolitique du moment, mais plutôt comme un objet… oserais-je le dire… d’Art, c’est-à-dire un objet susceptible de défier notre intelligence et capable de nous ouvrir à des états de conscience que notre quotidien ignore. Après tout, j’ai beaucoup plus souvent entendu les mots « expérience » et « enchantement » à la sortie des salles diffusant Avatar, et beaucoup plus rarement les mots « colonisation » et « écologie ».
Mais approcher les films comme des objets d’Art et non plus comme des tracts d’actualité nécessite un tout nouveau champ lexical, où le mot « cliché » disparaît au profit d’ « archétype », où l’expression « carcan narratif » cède le pas à la « mécanique du récit ». Et surtout, il devient impératif de ne plus lire les éléments de façon détachée (à la seule lumière d’une conclusion qu’on est pressé d’atteindre) mais de procéder comme le film procède, c’est-à-dire en liant étroitement ces éléments en un tout signifiant et si possible harmonieux. On ne peut évoquer la chaise roulante du héros sans évoquer la combinaison prothétique du Colonel qui lui fait face, car le dialogue entre les deux hommes est entièrement conditionné par les correspondances qui s’établissent à l’image et au son (comme par exemple ce geste brutal et menaçant du bras mécanique lorsque le Colonel promet d’aider le héros). Evoquer ce handicap du personnage principal en mettant de côté ses multiples mises en scène (qui chacune nous disent quelque chose de différent à son sujet) revient à isoler la partition du violoncelliste au sein d’un grand orchestre symphonique et lui attribuer à elle seule le sens complet de l’Opéra.

Les Lumières en FRANCE ont tué l’imagination

Or il est intéressant de constater, chère Judith, qu’en évoquant Voltaire vous rappelez précisément la nature du handicap qui empêche la critique française (et pas seulement cinématographique) d’aborder avec intelligence les œuvres qui font à ce point appel à l’imaginaire. Car si l’esprit des Lumières a su offrir au monde des perspectives nouvelles et un horizon civilisateur, il a également laissé dans notre pays les blessures encore vives d’une guerre féroce contre l’imagination, celle que Malebranche appelait la « folle du logis » ; cette puissance occulte accusée de drainer du fond de notre esprit son lot de mysticisme et de superstitions. En parlant, chère Judith, de cette « grande fable qui nous met du rêve plein la vue et nous détourne des causes bien réelles pour lesquelles elle fait métaphore », vous rappelez l’étymologie de ce mot français si particulier qu’est le « divertissement », à savoir ce qui fait diversion, ce spectacle imaginaire qui nous détourne forcément de l’essentiel. La culture anglo-saxonne, elle, préfèrera nous parler « d’entertainment » (to entertain = s’occuper de ses invités) puisqu’à ses yeux l’imaginaire est une nourriture, une corne d’abondance, et non pas l’ennemi historique de notre rationalisme. Lumieres

C’est la raison pour laquelle les œuvres d’Hermann Melville et de James Joyce ne sont pas françaises ; la raison pour laquelle Freud et Jung n’auraient pu naître sous le drapeau tricolore ; la raison pour laquelle le Surréalisme nous a été offert par des immigrants. Nous savons que le tableau Guernica dépeint un évènement historique précis mais nous nous trouvons désarmés lorsqu’il s’agit d’expliquer son pouvoir évocateur sur des esprits qui ignorent tout (et qui se contrefichent) de la guerre civile espagnole.

Nous savons très bien ce qu’est une Fable mais il semble que nous ayons oublié ce qu’est un Mythe.

Les Anglo-Saxons (dont Cameron) ont gardé la tradition du mythe

Bien avant d’être un film hollywoodien, Avatar est un film anglo-saxon. Son auteur, James Cameron, s’est vu coller toutes les étiquettes « du moment » par la critique française. On a dit de lui qu’il était reaganien à l’époque de Terminator, qu’il mettait en scène une « revanche fantasmée sur le Vietnam » à l’époque d’Aliens, qu’il était le grand promoteur de la Perestroïka à l’époque d’Abyss, qu’il offrait à l’ère Clinton une vision apaisée de la lutte des classes avec Titanic… et aujourd’hui, sous l’ère Obama, le voici écolo en quête de rédemption post-coloniale. Dans tous les cas, cet homme n’est jamais un artiste disposant de sa propre voix; il n’est que l’agence marketing des administrations successives, bref le valet du Capital et de la Maison Blanche. Mais il est rare, beaucoup plus rare, de voir des français souligner le lien entre le Terminator et le Golem ; détailler la plastique des Aliens et leur environnement pour y débusquer les évocations sexuelles et infernales héritées de la Peinture ; considérer les fonds marins d’Abyss à la lumière de la citation de Nietzsche qui débute pourtant le film ; ou encore accepter de voir en Titanic un film apocalyptique.
James Cameron évolue dans le Mythe depuis presque trente ans, mais nous, en France, ne savons plus ce qu’est un Mythe.

***

Aussi, chère Judith, pour nourrir votre passion du Livre, je me permets de vous conseiller quelques ouvrages qui, j’en suis sûr, vous offriront plusieurs plateformes dans l’approche de ce type de films.

Sur la question de ces récits « simplistes » qui ont l’étrange faculté de séduire tant de gens à travers le monde :
Joseph Campbell – Le héros aux mille et un visages (nouvelle traduction française à paraître sous peu chez Oxus)

Sur la question du héros d’Avatar et du non usage de ses jambes :
Annick de Souzenelle – Nous sommes coupés en deux (éditions du Relié)

Sur la question du « Carcan narratif de l’industrie hollywoodienne » :
Robert McKee – Story (Dixit – actuellement épuisé)
Christopher Vogler – The Writer’s Journey: Mythic Structure For Writers

Pour votre question « Bon, d’accord. Mais qui réussit à nous parler de quoi? », j’aurais aimé vous répondre « … de ce que les mots ne peuvent atteindre », mais plutôt que de heurter votre amour des Lettres, je m’autorise à vous renvoyer vers un texte de ma composition (écrit bien avant la sortie d’Avatar) qui propose l’esquisse de l’amorce d’un début de réponse : Les Intouchables

Et enfin, sur la question « hollywoodienne », un texte en deux parties :
L’Empire hollywoodien
L’Empire hollywoodien – partie 2

En vous remerciant, chère Judith, pour vos chroniques et votre émission de qualité,
Rafik Djoumi


Désinformation: L’antisionisme sauvera-t-il le marketing vert? (Israel-bashing goes green)

18 avril, 2010
Ils ont tilté sur la signification secondaire d’une entité organique, pleine de jus et de douceur et d’odeur agréable transformée en automate. Anthony Burgess
Devenons-nous, comme le suggère le titre, une orange mécanique ? Une interprétation très intéressante en a été faite par Aaron Stern, président de la Motion Picture Association qui est aussi psychiatre. Selon lui, Alex, au début du film représente l’homme dans son état naturel. Lorsqu’on le « soigne » cela correspond psychologiquement au processus de la civilisation. La maladie qui s’ensuit est la névrose même de la civilisation qui est imposée à l’individu. Enfin la libération que ressent le public à la fin correspond à sa propre rupture avec la civilisation. Stanley Kubrick (entretien avec Michel Ciment, 1982)
During a recent visit to several university campuses in the U.S., I discovered that there is more sympathy for Hamas there than there is in Ramallah. Listening to some students and professors on these campuses, for a moment I thought I was sitting opposite a Hamas spokesman or a would-be-suicide bomber. I was told, for instance, that Israel has no right to exist, that Israel’s “apartheid system” is worse than the one that existed in South Africa and that Operation Cast Lead was launched only because Hamas was beginning to show signs that it was interested in making peace and not because of the rockets that the Islamic movement was launching at Israeli communities. I was also told that top Fatah operative Marwan Barghouti, who is serving five life terms in prison for masterminding terror attacks against Israeli civilians, was thrown behind bars simply because he was trying to promote peace between Israelis and Palestinians. Furthermore, I was told that all the talk about financial corruption in the Palestinian Authority was “Zionist propaganda” and that Yasser Arafat had done wonderful things for his people, including the establishment of schools, hospitals and universities. The good news is that these remarks were made only by a minority of people on the campuses who describe themselves as “pro-Palestinian,” although the overwhelming majority of them are not Palestinians or even Arabs or Muslims. The bad news is that these groups of hard-line activists/thugs are trying to intimidate anyone who dares to say something that they don’t like to hear (…) What struck me more than anything else was the fact that many of the people I met on the campuses supported Hamas and believed that it had the right to “resist the occupation” even if that meant blowing up children and women on a bus in downtown Jerusalem. (…) The so-called pro-Palestinian “junta” on the campuses has nothing to offer other than hatred and de-legitimization of Israel. If these folks really cared about the Palestinians, they would be campaigning for good government and for the promotion of values of democracy and freedom in the West Bank and Gaza Strip. Their hatred for Israel and what it stands for has blinded them to a point where they no longer care about the real interests of the Palestinians, namely the need to end the anarchy and lawlessness, and to dismantle all the armed gangs that are responsible for the death of hundreds of innocent Palestinians over the past few years. (…) What is happening on the U.S. campuses is not about supporting the Palestinians as much as it is about promoting hatred for the Jewish state. It is not really about ending the “occupation” as much as it is about ending the existence of Israel. (…) Over the past 15 years, much has been written and said about the fact that Palestinian school textbooks don’t promote peace and coexistence and that the Palestinian media often publishes anti-Israel material. While this may be true, there is no ignoring the fact that the anti-Israel campaign on U.S. campuses is not less dangerous. What is happening on these campuses is not in the frame of freedom of speech. Instead, it is the freedom to disseminate hatred and violence. As such, we should not be surprised if the next generation of jihadists comes not from the Gaza Strip or the mountains and mosques of Pakistan and Afghanistan, but from university campuses across the U.S. Khaled Abu Toameh
Qui sont les perdants de Copenhague ? L’immense bureaucratie qui s’est greffée sur l’idéologie réchauffiste verra ses crédits réduits : dommage pour elle qui rêvait d’une ONU de l’environnement, pourvoyeuse de prébendes. Autre victime : le camp des idéologues et activistes anticapitalistes qui s’étaient recyclés dans l’écologisme profond. Ces anciens Rouges masqués en Verts ont manqué leur coup d’Etat. Une occasion manquée aussi pour les chefs d’Etat kleptocrates qui réclamaient des compensations financières au nom de la Justice climatique : le Tiers mondisme a tenté, à Copenhague, de se recycler en réchauffisme de la même manière que les anticapitalistes s’étaient recyclés en amis de la Nature. Double échec pour une double imposture. Guy Sorman
Au printemps, le keffieh se portera en étendard : en version classique noir et blanc, en bleu indigo ou de toutes les couleurs… Magazine féminin
Cette alliance brun-vert-rouge donne le frisson. Elle guette les faux pas des démocrates. (…) L’antisionisme est le nouvel habit de l’antisémitisme. Demain, les universitaires qui boycottent Israël demanderont qu’on brûle les livres des Israéliens, puis les livres des sionistes, puis ceux des juifs. Roger Cukierman (président du CRIF, janvier 2003)
On s’est d’abord approprié l’image et après la terre. Historienne israélienne
L’Israël des oranges, c’est un Israël sans Arabes. Historien
Avec la peinture aussi, les colons se veulent dans la continuation de l’orientalisme. Ils se travestissent en celui qu’ils viennent remplacer. Le discours de la « terre arabe mal exploitée et peu fertile » se met en place. La propagande sioniste a recours à une iconographie très organisée et contrôle totalement les images produites pour échafauder le mythe d’une terre à l’abandon où ils viennent introduire la modernité. « Le cliché selon lequel la colonisation apporte le progrès ! », souligne Elias Sanbar. Et qui va se décliner dans des images de la bonne santé dans le travail, les chants, les danses, les femmes radieuses, émancipées et en short… C’est le réalisme socialiste à l’israélienne, le rêve colonial qui produit les oranges que l’Orient envoie à l’Occident. Marina Da Silva
Vous avez plié le genou devant l’insolence du mensonge, de la diffamation, de la haine obsessionnelle d’Israël. Vous avez plié le genou devant ceux qui méprisent des assassinats de chrétiens au Niger, au Soudan, les assassinats inter-palestiniens et autres désastres humanitaires pour focaliser leur misérable animosité sur la création de logements à Jérusalem. Vous avez cédé à la pression de la haine nauséabonde de ceux qui dans les manifestations crient « Mort aux Juifs ».Vous avez aussi baissé pavillon devant ceux qui s’opposent par la violence à la parole, à son expression et qui tente de museler la vérité. Vous avez commis une faute grave contre la liberté d’expression, la liberté de réunion, contre les valeurs de la démocratie. Vous avez aussi, en encourageant l’extrémisme fascisant, donné un soutien à ceux qui veulent l’anéantissement d’Israël, seule véritable démocratie du Proche-Orient. Charles Meyer (vice-président France-Israël, lettre ouverte au député-maire de Nantes et chef du groupe PS à l’Assemblée JM Ayraut, 01.04.10)

Appel aux boycott des livres, films et produits israéliens en général, protestations contre l’installation à Sète d’une société d’importation de produits agricoles israéliens, documenteur retraçant (avec affiche et titre rappelant comme il se doit le tristement célèbre hymne à l’ultraviolence de Stanley Kubrick) la prétendue spoliation des oranges de Jaffa, annulation d’une conférence d’une association franco-israélienne …

L’antisionisme serait-il l’avenir d’un marketing vert de plus en plus contesté?

A l’heure où, après la révélation des bidonnages de nos réchauffistes et l’un des hivers les plus froids, l’Europe entière se voit clouée au sol par une simple éruption volcanique en Islande (l’équivalent des blocages, généralement rattrapés en quelques jours, que connaissent chaque année les Etats-Unis lors des tempêtes de neige) et une énième prise d’otages de nos cheminots …

En ces temps étranges où une publicité japonaise se voit réduite à « vanter les mérites écologiques d’un véhicule utilitaire sport uniquement parce qu’il a été ‘conçu et développé dans le pays des accords de Kyoto’ « …

Et où, alors que la nouvelle Administration américaine a ouvert les vannes de la diabolisation du premier ministre israélien, le dernier chic dans les milieux branchés de la mode ou du cinéma est de s’habiller keffyeh ou boycotter les produits made in Israël …

Retour, avec nos amis de resiliencetv, sur cette forme particulière d’écoblanchiment (ou « greenwashing », procédé de marketing à travers lequel une organisation, entreprise ou gouvernement se donne à bon compte une fausse image écologique responsable) qui n’est en fait qu’une forme déguisée ou modernisée de stigmatisation anti-israélienne (« Israel-bashing ») avec pour objectif concret le boycott systématique des produits de la seule véritable démocratie du Moyen-Orient et sa réduction à un statut de pestiféré « pire que la Corée du nord »

Oranges, virgules, anti-sarkozisme, et PC…
Posted by Hélène Keller-Lind
Resiliencetv
3/3/2010

On sait désormais que resiliencetv.fr avait raison de combattre l’idée d’un réchauffement climatique qui aurait été dû aux seules activités humaines. Les pontes qui menaient ce combat se sont trompés d’une virgule…dans leurs chiffres accusateurs apprend-t-on…. Quant au sort souvent peu enviable des minorités religieuses, voire athées ou des femmes en terre d’Islam, peu nombreux sont ceux qui en parlent comme il se doit et comme le fait resiliencetv.fr

Et bravo aujourd’hui à Sabine Aussenac, auteur de ce récent article contre le « No Sarkozy Day »…mouvement « courageux mais pas téméraire » qui prend les Français pour des imbéciles en prétendant qu’il serait né spontanément de l’ire de citoyens ordinaires non affiliés

…http://lecrc.canalblog.com/archives/2010/01/10/16468295.html

Or, quand on cherche qui soutient ce mouvement « spontané » et pourtant si bien organisé, on trouve…le « Conseil National de la Résistance, » rien que ça….et contre quoi résistent-ils en ce début mars ? Contre Agrexco…Agrexco ?

Agrexco est l’organisme qui exporte les produits agricoles israéliens….

http://www.agrexco.co.il/en/home.asp

Qu’est-ce que cela a à voir avec le Président de la République et la France ? La réponse est Sète et Georges Frèche…président du conseil régional du Languedoc-Roussillon, appartenant au PS quand il a pris la décision d’autoriser Agrexco de s’installer dans le port de Sète. Trouvez l’erreur…

Voyons donc de quoi il retourne en fait : les élus PC militent fermement contre la venue à Sète d’Agrexco qui importerait des produits agricoles en France grâce à ce port…http://www.montpellier-journal.fr/2009/06/les-elus-pc-contre-agrexco.html Et le PC n’est pas seul : ils fait partie d’une coalition de 85 organisations vertueuses s’opposant à cette présence d’Agrexco pour cause de « colonisation » israélienne….

http://www.rue89.com/2009/08/22/agrexco-a-sete-une-caution-a-la-colonisation-israelienne

Parmi ces vertueux, Europe Ecologie et A Gauche Maintenant…

http://www.coalitioncontreagrexco.com/spip.php?article83

Quelle surprise….

Alors, non affiliés ?

Et on se souvient que « tout sauf Sarkory » lancé par les jeunes du P.S. au lendemain des élections présidentielles, avait déjà comme premier signataire…une organisation palestinienne implantée en France…

Le 9 mars il y aura donc en France des manifestations contre Agrexco, puis des manifestations « spontanées » contre Nicolas Sarkozy…

Et, comme par hasard ( sic), le dernier film d’Eyal Sivan, « Jaffa, la mécanique de l’orange, » entreprise de démolition du Sionisme, bourrée, entre autres, de contrevérités historiques et de contresens et anachronismes artistiques, assaisonné de sarcasmes haineux et de haine de soi nauséabonde, qui, entre autres, manipule et utilise sans vergogne Haïm Gouri, et prône à sa façon un boycott anti-israélien, avec notamment des oranges qui auraient goût de sang – celui des « martyrs » palestiniens, bien sûr -…arrive sur les écrans….parrainé, entre autres par France 5.

http://www.lunabluefilm.net/documentaires/jaffa.htmlhttp://www.lunabluefilm.net/documentaires/jaffa.html

Eyal Sivan rejoint donc activement avec ce film la campagne du BDS « Boycott, désinvestissement et sanctions » – organisme anti-israélien très actif et très bien implanté, organisé et donc financé – qui rejoint celle de PC, Europe Ecologie, A gauche Maintenant & co. ou du « Conseil National de la Résistance »…..et les anti-sarkozistes de tout poil.

http://209.85.129.132/search?q=cache:D3EKo7Vs75cJ:jalboun-bages.over-blog.com/pages/Infos_cccippp_34-1774979.html+Comit%C3%A9+BDS+S%C3%A8te&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-a

Voir aussi:

« Jaffa, la mécanique de l’orange », un film d’Eyal Sivan
Jaffa, histoire d’un symbole
Marina Da Silva
15 mars 2010

Jaffa, l’une des plus anciennes villes du monde, était aussi l’une des villes les plus prospères et les plus peuplées de Palestine. Avec ses orangeraies déployées à perte de vue, elle fournissait du travail, depuis la cueillette du fruit jusqu’à sa préparation pour l’exportation, non seulement aux Palestiniens mais à des ouvriers venus d’Egypte, de Syrie, du Liban.

En 1948, plus de 4 000 bombes tombent sur Jaffa. Sur les 85 000 Arabes qui y vivaient, il ne va plus en rester que 3 000. Le gouvernement israélien confisque les orangeraies et s’approprie l’orange de Jaffa, qui est devenue le symbole des produits de la colonisation.

Pour nous raconter cette « mécanique de l’orange » et le recouvrement de Jaffa, Eyal Sivan met à l’écran une foule d’images et de représentations et donne la parole à de nombreux interlocuteurs palestiniens et israéliens, historiens, écrivains, chercheurs, ouvriers… Un travail remarquable autour d’un fonds d’archives, photographies, peintures, vidéo, et de témoignages percutants.

On y voit d’abord, dans les années 1920, Arabes et Juifs travailler ensemble dans une relation qui a été extirpée des deux mémoires. Les Juifs ne possédaient alors que 7 ou 8 % des terres et les paysans palestiniens, qui transmettaient leur savoir-faire, étaient loin d’imaginer que dans le sillage de leurs élèves viendraient leurs colonisateurs.

La rupture est intervenue avec l’arrivée des kibboutzim : « Pour eux, nous étions des traîtres », indique un agriculteur israélien qui se souvient : « Ils voulaient imposer le travail juif. Mais l’idéal était une chose, la réalité une autre : Ils pelaient au soleil. » Leur peau claire et leur incapacité à travailler la terre ne les empêcheront pas de persister. La colonisation sera méthodique et rigoureuse, donnée à voir avec documents et images d’avant 1948 en abondance.

Le début de la photographie remonte à 1839 et Khalil Khaed est le premier photographe palestinien à avoir immortalisé les Palestiniens dans les champs d’agrumes et leur relation charnelle à la terre. Puis les Israéliens vont effacer la présence arabe et imposer leurs propres représentations. « On s’est d’abord approprié l’image et après la terre », précise une historienne israélienne : « Les Juifs veulent donner une vision européenne de la Palestine : l’Orient vu de l’Occident. » Avec la peinture aussi, les colons se veulent dans la continuation de l’orientalisme. Ils se travestissent en celui qu’ils viennent remplacer. Le discours de la « terre arabe mal exploitée et peu fertile » se met en place. La propagande sioniste a recours à une iconographie très organisée et contrôle totalement les images produites pour échafauder le mythe d’une terre à l’abandon où ils viennent introduire la modernité. « Le cliché selon lequel la colonisation apporte le progrès ! », souligne Elias Sanbar. Et qui va se décliner dans des images de la bonne santé dans le travail, les chants, les danses, les femmes radieuses, émancipées et en short… C’est le réalisme socialiste à l’israélienne, le rêve colonial qui produit les oranges que l’Orient envoie à l’Occident.

L’orange va devenir un symbole de l’idéologie sioniste. « L’Israël des oranges, c’est un Israël sans Arabes », résume un historien. Dès 1948, les Israéliens déposeront la marque Jaffa. Près de 5 millions de caisses par an seront produites jusqu’en 1970. Les investissements en budgets publicitaires sont considérables : « Jaffa est aux fruits ce que Coca-Cola est à la boisson. » En devenant une marque, la « Jaffa » a effacé la ville de Jaffa, absorbée aujourd’hui par Tel-Aviv.

Jaffa, la mécanique de l’orange, un film d’Eyal Sivan, durée : 90 minutes.

Eyal Sivan, opposant à la politique israélienne, a refusé que le film soit projeté au Forum des images dans le cadre de la campagne internationale de célébration du centenaire de Tel-Aviv (qui bénéficiait du soutien du gouvernement israélien). Le film sera visible en salles en avril 2010 dans les cinémas Utopia (Toulouse, Avignon, Montpellier, Saint-Ouen-l’Aumône) et aux 3 Luxembourg (Paris).

Projections en présence du réalisateur, jeudi 1er avril à 20 h 20 au cinéma Utopia de Tournefeuille ; vendredi 2 avril à Montpellier ; samedi 3 à Avignon et mardi 6 à Saint-Ouen-l’Aumône. A Paris : au cinéma Les 3 Luxembourg, jeudi 29 avril et jeudi 6 mai à 21 heures. A Nyon (Visions du réel), en Suisse : samedi 18 avril.

Une version de 52 minutes sera également diffusée le 28 mars à 21 h 30 et le 2 avril à 23 h 50 sur France 5.

Voir encore:

Dimanche 28 mars 2010 à 21.30 (Inédit)
Vendredi 2 avril 2010 à 23.50
Jaffa, la mécanique de l’orange
Documentaire
France5

Images d’archives et témoignages à l’appui, le réalisateur et écrivain Eyal Sivan se propose de revenir, dans ce documentaire, sur l’histoire des oranges de Jaffa, un symbole fort et commun aux peuples juif et palestinien.

Mondialement connues, les oranges de Jaffa ont longtemps évoqué les champs ensoleillés de l’Orient et les orangeraies à perte de vue de la Méditerranée. Mais ce que l’on sait moins, c’est que l’ancienne ville arabe de Jaffa, devenue aujourd’hui un quartier de Tel-Aviv, était l’un des plus grands ports exportateurs d’oranges. A la fin du XIXe siècle, plusieurs vagues d’immigration juive en provenance d’Europe arrivent en Palestine, terre majoritairement arabe. La culture des agrumes va passer successivement de la propriété des Palestiniens à celle, collective, des cultivateurs arabes et juifs, pour aboutir en 1948 au seul monopole israélien.

Une histoire commune

Des Palestiniens et des Israéliens (issus du milieu agricole, mais aussi historiens, poètes, écrivains ou encore artistes) ont accepté d’évoquer ce passé devant la caméra d’Eyal Sivan. Comment expliquer la détérioration de la relation judéo-arabe, au départ modelée par une communauté d’intérêts et poussée par la conquête du marché européen, au moment où la colonisation britannique s’est imposée dans le pays ? Comment, dans les années 1920, les institutions sionistes ont-elles utilisé l’image des oranges de Jaffa pour véhiculer des valeurs telles que le travail, l’effort collectif, la fierté nationale ou la réussite ? Quels sont les événements qui ont conduit à ce qu’il n’y ait plus d’orangeraies aujourd’hui ? Comme un devoir de mémoire, Eyal Sivan répond à ces questions en donnant la parole à des hommes et des femmes marqués encore par cette période charnière de leur histoire commune.

Ariane Dadier

Documentaire
Durée 52′
Réalisation Eyal Sivan
Production France Télévisions / Trabelsi Productions / Alma Films / The Factory / Luna Blue Film / WDR / RTBF
Année 2009

Voir enfin:

On Campus: The Pro-Palestinians’ Real Agenda
Khaled Abu Toameh
Gatestone Institute
March 24, 2009

During a recent visit to several university campuses in the U.S., I discovered that there is more sympathy for Hamas there than there is in Ramallah. Listening to some students and professors on these campuses, for a moment I thought I was sitting opposite a Hamas spokesman or a would-be-suicide bomber.

I was told, for instance, that Israel has no right to exist, that Israel’s “apartheid system” is worse than the one that existed in South Africa and that Operation Cast Lead was launched only because Hamas was beginning to show signs that it was interested in making peace and not because of the rockets that the Islamic movement was launching at Israeli communities.

I was also told that top Fatah operative Marwan Barghouti, who is serving five life terms in prison for masterminding terror attacks against Israeli civilians, was thrown behind bars simply because he was trying to promote peace between Israelis and Palestinians.

Furthermore, I was told that all the talk about financial corruption in the Palestinian Authority was “Zionist propaganda” and that Yasser Arafat had done wonderful things for his people, including the establishment of schools, hospitals and universities.

The good news is that these remarks were made only by a minority of people on the campuses who describe themselves as “pro-Palestinian,” although the overwhelming majority of them are not Palestinians or even Arabs or Muslims.

The bad news is that these groups of hard-line activists/thugs are trying to intimidate anyone who dares to say something that they don’t like to hear.

When the self-designated “pro-Palestinian” lobbyists are unable to challenge the facts presented by a speaker, they resort to verbal abuse.

On one campus, for example, I was condemned as an “idiot” because I said that a majority of Palestinians voted for Hamas in the January 2006 election because they were fed up with financial corruption in the Palestinian Authority.

On another campus, I was dubbed as a “mouthpiece for the Zionists” because I said that Israel has a free media. There was another campus where someone told me that I was a ‘liar” because I said that Barghouti was sentenced to five life terms because of his role in terrorism.

And then there was the campus (in Chicago) where I was “greeted” with swastikas that were painted over posters promoting my talk. The perpetrators, of course, never showed up at my event because they would not be able to challenge someone who has been working in the field for nearly 30 years.

What struck me more than anything else was the fact that many of the people I met on the campuses supported Hamas and believed that it had the right to “resist the occupation” even if that meant blowing up children and women on a bus in downtown Jerusalem.

I never imagined that I would need police protection while speaking at a university in the U.S. I have been on many Palestinian campuses in the West Bank and Gaza Strip and I cannot recall one case where I felt intimidated or where someone shouted abuse at me.

Ironically, many of the Arabs and Muslims I met on the campuses were much more understanding and even welcomed my “even-handed analysis” of the Israeli-Arab conflict. After all, the views I voiced were not much different than those made by the leaderships both in Israel and the Palestinian Authority. These views include support for the two-state solution and the idea of coexistence between Jews and Arabs in this part of the world.

The so-called pro-Palestinian “junta” on the campuses has nothing to offer other than hatred and de-legitimization of Israel. If these folks really cared about the Palestinians, they would be campaigning for good government and for the promotion of values of democracy and freedom in the West Bank and Gaza Strip.

Their hatred for Israel and what it stands for has blinded them to a point where they no longer care about the real interests of the Palestinians, namely the need to end the anarchy and lawlessness, and to dismantle all the armed gangs that are responsible for the death of hundreds of innocent Palestinians over the past few years.

The majority of these activists openly admit that they have never visited Israel or the Palestinian territories. They don’t know -and don’t want to know – that Jews and Arabs here are still doing business together and studying together and meeting with each other on a daily basis because they are destined to live together in this part of the world. They don’t want to hear that despite all the problems life continues and that ordinary Arab and Jewish parents who wake up in the morning just want to send their children to school and go to work before returning home safely and happily.

What is happening on the U.S. campuses is not about supporting the Palestinians as much as it is about promoting hatred for the Jewish state. It is not really about ending the “occupation” as much as it is about ending the existence of Israel.

Many of the Palestinian Authority and Hamas officials I talk to in the context of my work as a journalist sound much more pragmatic than most of the anti-Israel, “pro-Palestinian” folks on the campuses.

Over the past 15 years, much has been written and said about the fact that Palestinian school textbooks don’t promote peace and coexistence and that the Palestinian media often publishes anti-Israel material.

While this may be true, there is no ignoring the fact that the anti-Israel campaign on U.S. campuses is not less dangerous. What is happening on these campuses is not in the frame of freedom of speech. Instead, it is the freedom to disseminate hatred and violence. As such, we should not be surprised if the next generation of jihadists comes not from the Gaza Strip or the mountains and mosques of Pakistan and Afghanistan, but from university campuses across the U.S.


Katyn/70e: Attention, un brouillard peut en cacher un autre (The fog over Katyn Forest)

14 avril, 2010
Katyn crash
Nous n’entendons pas les protestations qu’on pourrait attendre. Le monde poursuit sa vie comme si de rien n’était alors que l’Iran intensifie ses efforts pour se doter d’armes nucléaires et menace de rayer Israël de la carte. Benjamin Netanyahou
Katyn est le premier film qui porte sur le massacre et l’agression soviétique contre la Pologne, commise en accord avec Hitler. Ce fut un sujet tabou pour la gauche française. Pendant de longues années, elle garda le silence autour de l’invasion de la Pologne par l’Armée rouge, des crimes des Soviétiques, de même que sur Katyn. Jusqu’à aujourd’hui, ce tragique événement historique est un cadavre dans le placard de la gauche française, si longtemps indulgente à l’égard du « Grand Linguiste » (Staline). Adam Michnik
Quelle satisfaction aurait-on de voir que la carrière semi-clandestine d’un film sur le massacre soviétique perpétré à Katyn ne serait que le fruit d’une manœuvre réussie de diversion, de sorte que le grand public ne prenne pas connaissance d’un des plus atroces crimes du communisme. Pour peu que l’on ne veuille pas le corriger à l’aide d’excursions pédagogiques de spectateurs révoltés, il faut se rendre à l’évidence que les distributeurs timorés prévoyaient consciemment pire que la censure : les pires aspects du communisme, même confiés à un grand metteur en scène, n’émeuvent guère le grand public, ne suscitent aucune indignation sincère, n’enflamment pas la passion ou l’imagination d’un large public (…) C’est une conclusion amère et triste, mais réelle. (…) 20 ans après la chute du Mur de Berlin, le communisme et ses massacres n’intéressent pratiquement personne, à l’exception de ceux pour qui l’anticommunisme est devenu une obsession. (…) Concernant le communisme – aucune indignation. Dans le monde de la culture, dans le débat public, aux caisses des cinémas, l’anticommunisme a subi une défaite mélancolique. Pierluigi Battista (Pourquoi « Katyn » n’intéresse personne?, Corriere della Sera)
Il fallait qu’un journaliste ose le mot. C’était trop tentant. On a guetté tout le week-end. Ils tournaient autour, parlaient de « malheur », de « tragédie », mais se retenaient. Et c’est finalement Nicolas Demorand, lundi matin, sur France Inter, qui a décroché la timbale en haut du crucifix en évoquant la « malédiction » de Katyn. Malédiction ! Aussi impressionnant que soit l’accident aérien qui a coûté la vie au président polonais, et à une centaine de membres du personnel politique et de hauts fonctionnaires, sur les lieux même du massacre des officiers polonais en 1940, aussi « inimaginable » que soit cette « tragédie », pour reprendre les mots mesurés de Lech Walesa, faut-il pour autant tomber à genoux, Jesus Marie, en parlant de « malédiction » ? (…) dans les premiers récits du crash polonais, discrétion de violette sur la chaîne des responsabilités de « l’erreur humaine ». Et pourtant ! Imagine-t-on une seconde qu’un pilote transportant le tout-Etat, ayant tenté trois fois un atterrissage dans le brouillard, tente seul un quatrième atterrissage, sans en référer à ses prestigieux passagers ? Cherchez bien, dans vos médias, qui pose cette simple question, et venez nous le raconter. Soyons juste : avec une loupe, on peut en trouver trace. Il faut par exemple arriver aux toutes dernières lignes de l’article de Libération, pour lire ceci : « le pilote aurait été sous pression de l’équipe présidentielle. Elle aurait mis en avant le fait que quelque 400 personnes venues de Varsovie en train étaient sur place, qu’une messe était prévue, et que la retransmission télévisée ne pouvait pas attendre ». Pour la suite de l’enquête, on attendra la fin du délai de décence. Daniel Schneidermann
C’était, naturellement, un genre très ordinaire de brouillard qui (avec le pilotage apparemment imprudent) a abattu l’avion transportant le Président polonais Lech Kaczynski, son épouse et son entourage de notables politiques alors qu’ils tentaient d’atterrir pour la commémoration du 70e anniversaire du massacre de Katyn. Pourtant, on peut être pardonné pour se demander si les mondes physique et métaphysique ne s’étaient pas ligués contre eux dans ce dernier épisode de la tragédie polonaise. Le brouillard jette un voile sur le monde connu; le déchirer a toujours été l’objet de la longue quête de la Pologne pour la liberté. (…) L’histoire est peut-être irréversible, mais elle existe sous un constant état de siège de ceux qu’elle gêne. La défendre est le fardeau permanent de tous les peuples libres, la tâche essentielle pour laquelle les Polonais ont encore payé le prix le plus terrible. Bret Stephens
Au lieu de reconnaître les faits sur les origines de la deuxième guerre mondiale, le Kremlin est engagé dans une fraude massive, cherchant à convaincre le monde que la Russie était la clef de la victoire en Europe. Il ne précise pas que sous Josef Staline, l’Union Soviétique était également la clef de la défaite pour beaucoup d’Européens. L’Union Soviétique permit à Hitler de lancer la guerre éclair contre la Pologne ; assura à Berlin des approvisionnements vitaux en crédits, énergie et armes, permettant à Hitler de lancer sa conquête de l’Europe occidentale ; et contribua aux conditions de l’holocauste nazi tout en conduisant ses propres déportations et crimes de masse contre les nations soumises. (…) Sans de telles mesures courageuses, le dégel entre Varsovie et Moscou ne sera jamais plus qu’une poignée de terre meuble jetée sur le permafrost. Janusz Bugajski

Attention: un brouillard peut en cacher un autre.

Au lendemain de la catastrophe aérienne qui a coûté la vie au président et à une centaine de hauts responsables politiques et militaires polonais sur les lieux même du massacre de 1940 …

Et de la 65e commémoration de la journée de la Shoah en Israël alors que, devant le refus du Pénitant en chef d’appeler les choses par leurs noms, l’Iran multiplie tant les déclarations que les préparatifs pour une nouvelle Solution finale …

Comme à la veille, le mois prochain, des cérémonies grandioses qu’un Moscou plus révisionniste et revanchard que jamais va nul doute encore nous concocter pour le 65e anniversaire de sa victoire sur le nazisme …

Comment éviter le mot qui indigne tant le chroniqueur des médias Daniel Schneidermann, à savoir celui de malédiction, employé lundi matin sur France inter par Nicolas Demorand ?

Comment en effet ne pas comprendre, au-delà de la trop facile explication par le syndrome du passager VIP présentée par des journalistes particulièrement hargneux au moment où le contenu des boites noires va être rendu public, l’intense pression qui a apparemment poussé si désastreusement les victimes elles-mêmes à faire coûte que coûte après la troisième tentative ce fatidique atterrissage dans le brouillard de Katyn?

Comment ne pas imaginer, au-delà des centaines de personnes venues de Varsovie, de la messe et de la retransmission télévisée, l’attente de tout un peuple depuis 70 longues années pour cette reconnaissance, devant le reste du monde et contre la tentative de récupération de Moscou trois jours plus tôt, d’un des pires crimes de guerre de l’Union soviétique sur quelque 22 000 membres de leurs élites?

Et, un an après l’incroyable indifférence qui a accueilli la sortie en Occident du film de Wajda, comment ne pas voir, avec le chroniqueur du WSJ Bret Stephens, cet autre brouillard, bien humain celui-là, que tant les actuelles autorités russes avec leur censure sur les archives et leur volonté révisionniste que certains de nos propres historiens semblent vouloir maintenir sur l’ignoble massacre et ses tout aussi dévastatrices répercussions?

The Fog Over Katyn Forest
Poland’s struggle of memory against forgetting.
BRET STEPHENS
The Wall Street Journal
April 13, 2010

‘The struggle of people against power, » Milan Kundera famously observed, « is the struggle of memory against forgetting. » Is there any place that better captures that truth than the Katyn Forest, or any metaphor more apt for Katyn’s place in our historical memory than fog?

It was, of course, a very mundane kind of fog that (along with some apparently reckless piloting) brought down the plane carrying Polish President Lech Kaczynski, his wife and an entourage of political notables as they attempted to land for Saturday’s commemoration of the Katyn Forest massacre’s 70th anniversary. Still, one can be forgiven for wondering whether the physical and metaphysical worlds didn’t conspire in this latest cycle of Polish tragedy. Fog makes the known world unseen; cutting through it is what Poland’s long quest for freedom—itself so often dashed to pieces—has always been about.

Today, the facts about Katyn are not in doubt. In the spring of 1940, 22,000 Polish prisoners of war—most of them army officers, but also thousands of leading members of the Polish intelligentsia—were systematically murdered by the Soviet secret police on direct orders from Joseph Stalin. Comrade Stalin, who was then carving up central Europe as an ally of Adolf Hitler, worried that some future Polish state might someday oppose him. « Under those circumstances, » observes historian Gerhard Weinberg, « depriving [Poland] of a large proportion of its military and technical elite would make it weaker. »

In one of history’s richer ironies, the massacre was first discovered and publicized by the Nazis in 1943. That made it that much easier for the Soviets to dismiss the revelation as German propaganda to cover up a German crime, a line the U.S. and Britain were only too happy to adopt to propitiate their wartime ally. The behavior of the Roosevelt administration was particularly disgraceful: As Rutgers Professor Adam Scrupski has noted, the U.S. Office of War Information « implicitly threatened to remove licensure from the Polish language radio stations in Detroit and Buffalo if they did not cease broadcasting the details of executions. »

Thus was the cause of a free Poland—the very reason the West had gone to war against Germany in the first place—sold out on the altar of realpolitik. It would not be the only sellout.

In 1968, Gabriel Kolko, now a professor emeritus at Toronto’s York University, published « The Politics of War: The World and United States Foreign Policy, 1943-1945. » The book—a landmark work of Cold War revisionism—affects to be agnostic on the question of culpability for the massacre. But Prof. Kolko did something else: He trivialized the massacre. Even assuming the Soviets bore responsibility, Katyn was « the exception » to Soviet conduct. « Its relative importance, » he said, « must be downgraded very considerably. » There is in that remark something very much like the view of France’s neo-fascist Jean-Marie Le Pen that the Holocaust was « just a detail in the history of World War II. »

Then again, Mr. Kolko’s book at least acknowledges Katyn, which is more than can be said for Eric Hobsbawm’s 1994 bestselling history of the 20th century, « The Age of Extremes, » which the New York Times called « a bracing and magisterial work. » In his 627-page catalogue of « extremes, » the celebrated British historian and lifelong communist—who at 92 also remains the president of the University of London’s Birkbeck College—devotes exactly one paragraph to Stalin’s several million victims. Katyn itself rates no mention, even though the book was published four years after the Soviets finally acknowledged their responsibility.

Katyn denialism doesn’t end there. In Russia in recent years, there has been a renewed effort to raise a fresh round of doubts about Soviet guilt. To his credit, Russian Prime Minister Vladimir Putin has disavowed that line, and last week gave a conciliatory speech linking Russians and Poles as two peoples that « paid an exorbitantly high price . . . for the inhumanity of totalitarianism. »

Still, Russia continues to seal its archives related to Katyn. And it is under Mr. Putin that the Russian government has been systematically scrubbing its history textbooks so as to present Soviet history in a better light. It brings to mind the old joke that, under socialism, « the past can never be predicted. »

It goes without saying that Katyn is hardly the only piece of history lying under a fog. The Iranian government has made it its business to deny the Holocaust, partly out of true belief, and partly because Holocaust denial plays well throughout the Muslim world. And the governor of Virginia had a recent mental lapse in the matter of the peculiar institution the Confederacy was created to uphold. History may be irreversible, and yet it exists under a permanent state of siege from those whom it inconveniences. Defending it is the permanent burden of all free people, the essential task for which the Poles have again paid the terrible price.

Voir aussi:

The curse of Katyn
Janusz Bugajski
The Washington Times
April 14, 2010

The tragic death of Polish President Lech Kaczynski, together with dozens of military commanders, politicians and top advisers, has fixed the spotlight on the Katyn massacre of 70 years ago and the context in which it occurred. This will have a sobering effect on Polish-Russian reconciliation unless all the facts about World War II are finally acknowledged by leaders of the Russian Federation – the legal inheritor of the Soviet Union.

While Russian leaders celebrate the 65th anniversary of World War II Victory Day in Moscow on May 9, awkward questions will be asked about the infamous Soviet-Nazi alliance that made World War II possible. In recent years, the Kremlin, in claiming Russia’s « great power » continuity, has sought to downplay or disguise the origins of the war. Indeed, official statements and history books continue to depict the Soviet Union as a victim and victor rather than as a co-conspirator with Hitler when it invaded Poland in September 1939, murdered tens of thousands of Polish citizens and deported more than a million into Siberian exile.

The air crash near Katyn will refocus Polish-Russian relations and give new urgency to recent moves by both capitals toward reconciliation. Indeed, Russian Prime Minister Vladimir Putin had been lauded for inviting Polish Prime Minister Donald Tusk to a commemoration ceremony in Katyn before the fatal air crash, thereby acknowledging its importance for the Polish nation.

However, Mr. Putin’s objective may not have been so clear-cut. Plainly, the Kremlin can no longer brazenly deny that the Katyn murders were perpetrated by the Soviet security services. Instead, it is seeking to contextualize them and thereby minimize their significance. Russia has avoided issuing a formal state apology to Poland; it depicts Katyn as one of several atrocities by the faceless « totalitarian regime » and refuses to call the Katyn massacres a war crime.

The reasoning is logical. If Katyn were defined as a war crime, one would need to ascertain who was at war with whom. Why did more than 20,000 Polish officers and more than a million Polish citizens find themselves in the Soviet Union in September 1939, prevented from defending Poland from the Nazi invasion? Russia’s current leaders want to avoid discussion about the Soviet invasion of Poland, the Hitler-Stalin pact and the close collaboration between the two dictators before and during World War II aimed at carving up Poland and the rest of Eastern Europe. The Soviets only became anti-Nazi when Hitler decided he no longer needed Moscow as an ally.

Instead of acknowledging facts about the origins of World War II, the Kremlin is engaged in a massive deception, seeking to convince the world that Russia was the key to victory in Europe. It fails to point out that under Josef Stalin, the Soviet Union also was the key to defeat for many Europeans. The Soviet Union enabled Hitler to launch the blitzkrieg against Poland; provided vital economic, energy and military supplies to Berlin, enabling Hitler to launch the conquest of Western Europe; and assisted in creating the conditions for the Nazi Holocaust while conducting its own mass murders and deportations from subject nations.

It is not surprising that Mr. Putin wanted to push Katyn to the sidelines before the May 9 anniversary and calculated that Polish leaders would reciprocate for his minimal acknowledgement of Katyn by attending the celebrations and thus giving credence to Moscow’s skewered version of history. The Katyn air crash may undermine this strategy, as the mass murders of 70 years ago have become a live subject for public debate amidst calls for closer scholarly scrutiny.

Ironically, the second Katyn tragedy provides an opportunity to initiate a genuine Russian-Polish reconciliation if Russia’s leaders undertake several crucial steps. First, they will need to acknowledge publicly that the Katyn murders were a war crime perpetrated against Poland and an attempt to decapitate the leadership of a country that the Stalin regime wanted to occupy and annex, which it did after the war.

Second, all the archives sealed in Russia pertaining to the atrocity will need to be opened to historians in order to gain all pertinent facts on the precise identity of the perpetrators and how the crime was covered up for more than 50 years.

Third, the Russian authorities must begin to tell the full truth about Stalin and the Soviet role during World War II as a co-conspirator with Hitler as well as one of Hitler’s eventual victims. Without such courageous measures, the Warsaw-Moscow thaw will simply remain a layer of loose earth over the permafrost.

Janusz Bugajski is the holder of the Lavrentis Lavrentiadis Chair at the Center for Strategic and International Studies.

Voir enfin:

‘VIP passenger syndrome’ may have contributed to Polish plane crash
The role of the Polish president in the air crash in which he and 95 others died has been called into question amid suggestions he many have put pressure on the pilot to land despite bad weather warnings.
Andrew Osborn in Moscow and Matthew Day in Warsaw
The Telegraph
12 Apr 2010

Russian aviation experts claimed that « VIP passenger syndrome » could have played a part in causing of the tragedy, as it was disclosed that Lech Kaczynski had previously tried to sack a pilot who refused to land a plane for him in dangerous circumstances.

Black box recordings have confirmed that the pilot, Arkadiusz Protasiuk, an experience airman serving with the Polish air force, had ignored warnings to divert to another airport because of heavy fog.

However, it has been suggested that Mr Kaczynski did not want to miss a ceremony for the 22,000 Poles massacred by Soviet forces in the Second World War and may have urged the air crew to continue trying to land the plane.

Viktor Timoshkin, an aviation expert, said: « It was quite obviously ‘VIP passenger syndrome’. Controllers suggested that the aircraft’s crew divert the plane to an alternate route. I am sure that the commander of the crew reported this to the president. But in response, for whatever reasons, he had a clear order to land. »

In August 2008, Mr Kaczynski « shouted furiously » at a pilot who had disobeyed his order to land his plane in then war-torn Georgia for safety reasons. He later tried to have Captain Grzegorz Pietuczak removed from his post with the Polish air force for insubordination, however, Donald Tusk, the Prime Minister intervened. Captain Pietuczak was later awarded a medal for carrying out his duties conscientiously for his refusal to land having judged the risks.

A Russian aviation expert said yesterday: « If he tried to land three times and fell on the fourth then he probably had the 2008 incident in mind and that was why he felt he had to land at any price. In effect, he did not take the decision but the main passenger on board did – even if the main passenger did not utter a word to the pilot. »

Andrzej Seremet, Poland’s chief prosecutor, said that there was no information from the investigation so far to suggest that Mr Kaczynski had put undue pressure on the pilot.

A senior air traffic controller at the Russian airport where the Polish plane was trying to land stirred controversy by suggesting that the Polish pilots’ poor knowledge of the Russian language was to blame.

« They were supposed to give us a report about their altitude on the approach to landing, » he said. « They did not give it. » When asked why, he said: « Because they have a bad command of the Russian language. There were Russian speakers among them but for them numbers were quite complex. »

It came as tensions between Russia and Poland over the air crash were escalated when a Polish MP claimed the Kremlin was partly to blame for the tragedy.

The two countries have set aside centuries of mutual distrust to present a united and recrimination-free front but yesterday Artur Gorski, a member of the Law and Justice party founded by Mr Kaczynski, said that Russia may have tried to deliberately prevent Mr Kaczynski’s plane from landing and thereby indirectly caused his death.

Mr Gorski said: « One version of events says that the plane approached the airport four times, because every time the Russians refused it permission to land; they wanted to send the plane with the president to an airport in Moscow or Minsk,

« They came up with some dubious reasons: that there was fog over the airport, that the navigation system didn’t work as it was under repair, and that the airport had a short landing strip. »

Mr Gorski suggested that the real reason Moscow did not want President Kaczynski to land was because he was due to attend a ceremony marking the 70th anniversary of an infamous Soviet massacre of Polish officers.

The Russians, he claimed, did not want Mr Kaczynski to upstage a similar event hosted by Vladimir Putin, the Russian prime minister, a few days earlier.

The Kremlin may also have feared that the Polish president, a noted hawk when it came to Russia, may have planned to criticise Moscow for not issuing a proper apology for the 1940 massacre, he added.

Mr Putin, who has taken charge of the investigation into the air crash, which is being carried out by both Russian and Polish teams, yesterday promised an « objective and thorough » investigation.

Bronislaw Komorowski, Poland’s acting head of state, has announced an immediate review of regulations, or the lack of them, governing just which political and military leaders can fly together. The air crash was carrying nine senior military leaders, as well as the governor of Poland’s central bank.


Russie: Après la Géorgie, le Kirghizistan? (How far will the West let the Russian bully go?)

12 avril, 2010
Julia Davis on Twitter: "Who's next? #Russia #RussiaLies #Syria #Ukraine # Georgia #Moldova http://t.co/8zQqMlqdkL" / TwitterLa destruction de l’URSS fut la plus grande catastrophe géopolitique du siècle. Poutine (25.04. 05)
Quel autre pays au monde peut en effet se permettre de raser des villes, de spolier les étrangers, d’assassiner les opposants hors de ses frontières, de harceler les diplomates étrangers, de menacer ses voisins, sans provoquer autre chose que de faibles protestations? Françoise Thom
Les Russes ont monté de toutes pièces des « séparatistes » ossètes, et abkhazes, pour casser la Géorgie, coupable de lèse-Russie. Moscou préparait depuis des mois l’assaut qui vient de se produire. La 58ème armée, qui s’est ruée sur la Géorgie, avait été préparée de longue main. (…) Poutine a préparé l’action (…) dès le mois d’avril, nous dit le spécialiste russe des affaires militaires Pavel Felgenhauer. On ne lance pas à l’improviste une opération combinée des commandos, des unités de blindés, de la marine et de l’armée de l’air, sans oublier une vaste cyber-attaque commencée une ou deux semaine avant l’assaut. Vu l’état général des forces russes, où les officiers vendent les pneus, les munitions, les carburants et les équipements, il a fallu préparer spécialement l’invasion pendant des mois. Laurent Murawiec
La politique de « redémarrage » des relations russo-américaines proposée par le président Obama a été interprétée à Moscou comme l’indice de la prise de conscience par les Américains de leur faiblesse, et par conséquent comme une invitation à Moscou de pousser ses pions (…) Le contrat d’achat des Mistrals présente un triple avantage: d’abord, la Russie acquiert des armements de haute technologie sans avoir à faire l’effort de les développer elle-même ; deuxièmement, elle réduit à néant la solidarité atlantique et la solidarité européenne ; troisièmement, elle accélère la vassalisation du deuxième grand pays européen après l’Allemagne. Un expert russe a récemment comparé cette politique à celle de la Chine face aux Etats-Unis : selon lui, à Washington le lobby pro-chinois intéressé aux affaires avec la Chine est devenu si puissant que les Etats-Unis sont désormais incapables de s’opposer à Pékin; la même chose est déjà vraie pour l’Allemagne face à la Russie et elle le sera pour la France après la signature du contrat sur les Mistrals. Françoise Thom
La Russie a proposé à la Chine de vendre conjointement leurs bons Fannie Mae et Freddie Mac en 2008 pour forcer le gouvernement américain à renflouer ces deux géants de l’hypothèque-finance, a déclaré l’ancien secrétaire au Trésor américain Hank Paulson. Le Financial Times
Jeudi, un membre du gouvernement provisoire avait laissé entendre que la Russie avait joué un rôle dans l’éviction du président. Selon des analystes, le président déchu s’était attiré la colère de Moscou en maintenant une base militaire américaine dans son pays. Lors d’une visite à Moscou, l’année dernière, Bakiev s’était assuré une aide au développement de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) et avait annoncé que les troupes américaines devraient quitter Manas avant fin 2009. Mais, après avoir négocié davantage d’argent, il avait changé d’avis. La Russie s’inquiète de cette présence américaine dans une région longtemps considérée comme sa zone d’influence naturelle. Moscou dispose d’ailleurs aussi d’une base aérienne non loin de Bichkek, à quelques kilomètres seulement de l’aéroport, où sont stationnés les militaires américains. Par ailleurs, le numéro deux du gouvernement provisoire du Kirghizistan, Almazbek Atambaïev, s’est envolé, vendredi 9 avril, pour Moscou « pour des pourparlers avec le gouvernement russe sur une aide économique ». Un représentant du premier ministre russe, Vladimir Poutine, avait indiqué jeudi que la Russie était prête à fournir une assistance humanitaire au pays. Moscou y a dépêché des troupes pour protéger ses ressortissants. Cent-cinquante hommes sont déjà arrivés sur place, selon Nikolaï Makarov, chef d’état-major de l’armée. Le Monde
Les violentes menaces et actes hostiles à l’encontre de nations européennes donnent sens à cette brutale affirmation. Embargos énergétiques à répétition, tentatives de déstabilisation et passage à l’action armée contre la Géorgie empoisonnent les relations russo-européennes. Dans les crises extérieures qui mettent au défi l’Occident, en Iran ou dans d’autres théâtres géopolitiques, la Russie exploite, en vue de ses seuls intérêts, les opportunités stratégiques qu’elle rencontre. Jean-Sylvestre Mongrenier

Après la Géorgie, le Kirghizistan?

« Autoritarisme néo-patrimonial » accaparant les biens de l’Etat, contrôle du régime par des anciens membres des agences de sécurité KGB/FSB, obsession de la volonté de puissance et de la « grande Russie », « volonté de reconstitution d’une sphère de contrôle exclusif dans l’espace post-soviétique », déstabilisation de ses voisins, de l’Europe ou des EU via des « embargos énergétiques à répétitio »n, tentatives de déstabilisation de ses anciens satellites avec passage à l’acte (Géorgie ou tout récemment au Kirghizistan avec l’objectif avoué de reprise aux Américains de la base de Manas), « pressions politico-énergétiques, incitations monétaires, manipulation des réseaux de connivence hérités de l’ère soviétique, ‘barbouzeries’ diverses », voire le recours à la cyberguerre (Estonie), positionnement clairement anti-occidental sur les dossiers nord-coréen et iranien …

A l’heure où nombre d’observateurs se posent la question de l’implication russe dans la toute récente chute du régime Kirghise

Et après l’annonce par notre Sarko national il y a quelques mois de la vente de matériel militaire sophistiqué au régime autoritaire et revanchard de Poutine

Comme, encore plus récemment après le retrait du bouclier antimissile en Pologne, la signature par Obama d’un plan de réduction du nombre d’ogives nucléaires et l’annonce de son refus d’utiliser l’arme nucléaire contre un pays ayant signé le pacte de non-prolifération …

Retour sur un entretien du chercheur français Jean-Sylvestre Mongrenier qui, à la suite de son dernier ouvrage (« La Russie menace-t-elle l’Occident? ») a le mérite de poser clairement la question de la menace russe pour l’Occident.

Pointant, contre les naïvetés de l’actuel président américain et malgré les limites des moyens (militaires, économique, démographique population, notamment en regard de l’immensité du territoire à défendre et de l’épuisement à terme de ses ressources énergétiques) de ce qui est encore le 2e producteur de pétrole mondial derrière l’Arabie saoudite et le 1er pour le gaz, la néanmoins forte capacité de nuisance que celle-ci conserve …

La Russie et la question de la puissance
Jeudi 21 Janvier 2010

Texte complémentaire de l’interview-TV de Jean-Sylvestre Mongrenier pour « Fenêtre sur l’Europe » réalisée le 18 janvier 2010). Entretien avec Jean-Michel Floc’hlay.

1-Avec l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, en 1999-2000, est-il possible d’évoquer un renouveau du culte de la « Russie-puissance » ?

De fait, le culte de la « Derjava », c’est-à-dire de la puissance étatique et militaire russe, est un classique de l’histoire russe lorsqu’on l’appréhende sur la longue durée. Il suffit pour cela de se référer au fameux « testament » de Pierre le Grand et de le confronter aux discours en vogue à Moscou. Il est ainsi possible de mettre en évidence un « trend » séculaire (une tendance lourde) depuis les XVe-XVIe siècles, lorsque les grands-princes de Moscou se libèrent de la domination asiatique (les hordes mongoles) et se lancent dans une longue entreprise d’expansion territoriale. Cette période initiale correspond aux règnes d’Ivan III (1462-1505) et d’Ivan IV, dit Le Terrible (1533-1584).

Cet expansionnisme qui mue la principauté de Moscou en un Etat-continent est perpétué par les Tsars puis il est repris par Staline qui porte la « Russie-Soviétie » à son apogée territoriale. Ces temps longs de l’histoire sont entrecoupés de périodes d’affaiblissement et de décadence comme le Temps des troubles (1584-1613) ou les années qui suivent la défaite dans la guerre de Crimée (1853-1856) ; le parallèle avec la dislocation de la « Russie-Soviétie » et la décennie 1990 s’impose de lui-même. Les politiques de libéralisation de l’ère Eltsine sont ensuite dénoncées et le paradigme de la transition ne rend plus compte de la Russie, placée sous l’incertain duumvirat Medvedev-Poutine.

Les cycles de puissance s’ordonnent de la manière suivante : la quête de puissance étatique et guerrière mène à une grave défaite et à un effondrement national ; un mouvement de réformes s’ensuit jusqu’à ce que l’obsession de la puissance reprenne le dessus. C’est ce que l’on peut observer durant les deux mandats présidentiels de Vladimir Poutine (2000-2004 ; 2004-2008), suite aux années Eltsine, avec la réémergence d’une forme d’autoritarisme patrimonial et un mouvement de reconstitution de la puissance russe. Cela dit, il y a un écart entre les rhétoriques de puissance d’une part, les réalités de la Russie contemporaine d’autre part.

2-Toutefois, cette puissance russe n’est-elle pas dépourvue d’armée solidement constituée et compétitive ?

Nonobstant la démonstration de force que la Russie a voulu administrer en Géorgie, en août 2008, la puissance militaire de cet Etat est largement amputée. L’armée russe a étalé ses points faibles et dysfonctionnements parmi lesquels nous mentionnerons la vétusté du matériel et les lacunes des systèmes de communication, la faiblesse des moyens satellitaires et la relative inefficacité de l’aviation (6 ou 7 appareils russes ont été abattus). A cet égard, il faut souligner le retard pris par l’aviation russe dans le domaine de la stratégie aérienne moderne et de l’« hyper-guerre » aérosatellitaire. Les avions russes sont de bons appareils mais un avion de combat n’est aujourd’hui que l’une des composantes d’une vaste « bulle » technologique et informationnelle et ce sont ces capacités qui font défaut à l’armée russe. Plus généralement, les budgets militaires (à peu près équivalent aux dépenses militaires françaises, en ordre de grandeur) ne sont pas à la mesure des immensités géographiques et des milliers de kilomètres de frontières ; en la matière, l’espace est un réducteur de puissance.

Cela dit, l’armée russe a prouvé sa capacité à mener une opération de force au-delà de ses frontières, sur le territoire géorgien. Au regard des ambitions russes dans l’ « étranger proche », c’est cela qui compte. La Russie n’a certes pas la capacité de « jeter » des milliers de blindés dans la trouée de Fulda, comme aux grandes heures de la Guerre froide, mais ce n’est pas ainsi que la question de la puissance militaire russe doit être abordée. L’enjeu, du point de vue du Kremlin, est de pouvoir appuyer au plan militaire une stratégie multidimensionnelle dans son « étranger proche » (un « mix » de pressions politico-énergétiques, d’incitations monétaires, de manipulation des réseaux de connivence hérités de l’ère soviétique, de « barbouzeries » diverses, voire le recours à la cyberwar ainsi que cela a pu être constaté en Estonie).

3- Quels sont les territoires sur lesquels s’exerce cette puissance russe ?

Appréhendée en termes globaux, l’ambition géopolitique du Kremlin consiste en une réaffirmation de la puissance russe dans l’ « étranger proche », on l’a dit, ce qui correspond peu ou prou à l’aire post-soviétique ; l’expression en usage est plutôt celle de « sphère de responsabilités privilégiées ». Ces espaces correspondent à la Biélorussie, à l’Ukraine et à la Moldavie sur les frontières occidentales de la Russie, au Sud-Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan) et l’espace Caspienne-Asie centrale (l’ancien Turkestan occidental). L’ensemble de ces territoires correspond à ce que les eurasistes considèrent comme relevant de l’aire de pertinence des géopolitiques-pratiques russes. A l’exception de la Géorgie suite à la « guerre des cinq jours » d’août 2008, les Etats considérés appartiennent à la CEI (Communauté des Etats indépendants) qui fonctionne comme un ensemble à géométrie variable, sans grande cohérence (voir le tropisme occidental de l’Ukraine ou de la Moldavie, sans parler de la Géorgie). Certains de ces pays sont aussi membres de l’OTSC (Organisation du traité de Sécurité collective) que Moscou voudrait transformer en une « OTAN » eurasiatique et russo-centrée.

Là encore, il faut insister sur les limites des discours et des ambitions affichées, la politique russe ayant une forte dimension déclaratoire ; Moscou éprouve bien des difficultés à « tenir » ces espaces. Nombre des pays membres de la CEI sont attirés par l’ensemble UE-OTAN encore que, du fait des urgences de l’heure, les dirigeants occidentaux ne soient pas toujours à la hauteur des attentes et des appels lancés depuis l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie ou l’Azerbaïdjan (la politique de la Biélorussie et des régimes centre-asiatiques tient plus d’un simple marchandage et d’une « carte » dans leurs relations avec Moscou). Par ailleurs, la percée diplomatique, énergétique et commerciale de la Chine populaire en Asie centrale ne devrait pas être négligée par les dirigeants russes. Moscou s’emploie à limiter l’accès direct des Occidentaux au bassin de la Caspienne (voir la féroce opposition au gazoduc « Nabucco ») mais le président chinois et ses homologues centre-asiatiques ont, le 14 décembre 2009, inauguré un pipeline qui acheminera le gaz turkmène et kazakh jusqu’à Shanghaï (soit un trajet d’environ 7000 km). Et ce n’est qu’un début. Les républiques d’Asie centrale échappent d’ores et déjà à l’emprise russe et, au sein même de l’OTSC, certaines d’entre elles (le Kirghizistan, l’Ouzbékistan) joignent leurs efforts à ceux de la Biélorussie pour empêcher une plus forte intégration politico-militaire de cette alliance.

Enfin, il faudrait se demander si l’hostilité russe au déploiement de systèmes antimissiles en Europe centrale et orientale, en dépit du fait que ces engins ne seraient pas en mesure d’intercepter une salve de missiles balistiques russes (d’autant plus que ce système devrait être moins puissant que prévu), n’est pas l’expression d’une revendication implicite de la Russie sur les territoires des pays de la zone, autrefois membres de l’URSS (les Pays baltes) ou du Pacte de Varsovie. Moscou ne s’oppose pas réellement à la Missile Defense, dans son aspect global, et il a même été suggéré que la composante européenne de ce système global soit déployée en Grande-Bretagne, en Italie ou en Turquie. C’est la fonction de « marqueur » géopolitique des sites pré-identifiés par les Etats-Unis et leurs alliés, sur le territoire de pays autrefois dominés par la « Russie-Soviétie », qui semble poser problème. Soyons donc attentifs à cet aspect de la question des antimissiles.

4- Le rôle des ressources énergétiques dans la mise en œuvre de la puissance russe semble pour le moins décisif …

La puissance est un tout, irréductible à sa dimension militaire, et c’est dans le compartiment « énergie» que la Russie dispose de réelles options pour peser sur les équilibres géopolitiques et contraindre les pays récalcitrants à céder devant ses ambitions. Rappelons que la Russie est le second producteur mondial de pétrole, derrière l’Arabie Saoudite (avec des réserves amoindries et une marge de manœuvre beaucoup plus réduite, toutefois) et surtout elle détient les premières réserves mondiales de gaz naturel ; elle exporte une très large partie de son « or gris » vers les marchés européens (le gaz russe représente 40% des importations européennes de gaz naturel, avec d’importantes variations d’un pays à l’autre). Si la dimension « business » de ces exportations d’hydrocarbures est indéniable, la répétition des embargos énergétiques à l’encontre des pays clients et/ou des pays de transit (l’Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie mais aussi les Pays baltes ou encore la Pologne), avec des effets dans l’ensemble de la zone UE, a mis en évidence le fait que Moscou utilise ces exportations comme un outil de puissance et joue sur la dépendance énergétique des pays européens. D’où le refus de ratifier le traité sur la Charte de l’Energie (traité signé en 1994), texte dont l’application remettrait en cause les monopoles russes (voir Gazprom) et conduirait au respect de règles de juste conduite entre pays partenaires (de facto, il n’y a pas de partenariat UE-Russie).

Le jeu russe consiste à renforcer la dépendance des pays européens au moyen de liaisons énergétiques renforcées d’une part (voir le North Stream en mer Baltique et le South Stream en mer Noire) et à interdire aux Occidentaux le libre accès aux ressources énergétiques de la Caspienne (opposition au Nabucco et à la construction de pipelines sous la Caspienne). De surcroît, le contournement des pays de transit (Biélorussie et Ukraine) permettrait d’abaisser la valeur géopolitique de ces territoires au regard des intérêts énergétiques ouest-européens, contribuant ainsi à les affaiblir plus encore. Toutefois, le manque d’investissements dans les gisements russes, alors que les ressources en hydrocarbures de la Sibérie occidentale s’épuisent, pourrait affaiblir cette « grande stratégie énergétique ». Le Kremlin et Gazprom comptent sur les ressources de la Caspienne pour compenser l’épuisement de certains des gisements nationaux et remplir les engagements contractés tous azimuts mais la poussée chinoise, précédemment évoquée, pourrait contrarier ces plans (surtout en cas de forte reprise économique).

5-En conclusion, la puissance russe ne devrait donc pas être sous-estimée ?

En fin de compte, c’est une question d’échelle de temps ou encore de rythmes historiques. Si l’on en croit Vladimir Poutine et sa mise en avant, à la fin de son second mandat, du concept de « BRIC », la Russie serait une puissance émergente mais tel n’est pas le cas. En fait, la Russie est en proie à un krach démographique et sanitaire de grande ampleur et son économie de rente présente tous les symptômes du « malaise hollandais ». Le fait a d’ailleurs été souligné par Dmitri Medvedev lui-même. Si l’on porte le regard sur le long terme, il semble difficile à la Russie de se poser en puissance tierce dans un improbable « mundus tripartitus » (un monde tripartite). Entre l’ensemble occidental (OTAN-UE) et ses solidarités politico-stratégiques (et une « économie atlantique » qui représente 57% de la richesse mondiale) d’une part, un ensemble sino-asiatique qui renforce son influence jusque dans l’ancien Turkestan occidental d’autre part, on peut s’interroger sur le devenir de la Russie et la capacité du pouvoir central à maintenir la cohésion du territoire russe. Bref, l’Etat russe n’est certainement pas au bout de ses épreuves (voir l’instabilité du Nord-Caucase).

Si ces faits et tendances devraient inviter les dirigeants russes à la circonspection, voire à privilégier une orientation occidentale, rien n’est assuré. Rappelons que l’histoire politique, diplomatique et militaire est faite d’erreurs de calcul, de mésinterprétations dans l’évaluation des rapports de puissance et d’emballements inattendus. On ne peut que souligner les déclarations hostiles de la part de nombreux dirigeants russes (jusqu’au sommet) à l’encontre de pays européens, les menaces et le passage à l’acte en Géorgie. Relevant de ce que l’on pourrait nommer l’ « Europe byzantine », ce pays-clef de l’aire géopolitique mer Noire-Caucase-Caspienne n’est pas un lointain théâtre géopolitique, plus ou moins exotique. Par ailleurs, la nature du régime et de ses modes de fonctionnement, les rémanences historiques et la diffusion de référents néo-eurasistes dans certains segments de l’opinion publique russe (peu importe la caractère sommaire des discours néo-eurasistes), sans parler du retour de la contre-figure de Staline, ne peuvent être ignorés. Tout cela est susceptible d’avoir d’autres prolongements au plan extérieur, ce qui nous concerne au premier chef.

Je dirais donc que cet ensemble de faits exclut toute politique de complaisance de la part des Occidentaux, d’autant plus que la « diplomatie de la main tendue » pratiquée par l’administration Obama n’a guère produit de résultats tangibles, dans quelque domaine que ce soit (négociations nucléaires stratégiques, crise nucléaire iranienne, transit aérien vers l’Afghanistan, résolution du conflit russo-géorgien sur la base du respect du droit international et des frontières post-soviétiques). A fortiori, ce n’est certainement pas en vendant des armes à la Russie, sous couvert d’un engagement constructif et au prétexte de ne pas lui faire insulte ( !), que l’on arraisonnera cet Etat-continent. Si l’on va au fond des choses, il appert que la cohésion des instances euro-atlantiques – essentielle à la défense et à la sécurité de l’Europe – prime sur l’hypothétique organisation d’un cercle extérieur de sécurité avec les périphéries eurasiatiques du « premier monde ». Le plus grand service que l’on puisse rendre à la Russie est d’inciter ses dirigeants à la modération afin qu’ils se concentrent sur leurs problèmes intérieurs et l’ordonnance de relations de réciprocité avec leur voisinage. C’est là le préalable à l’organisation d’un vaste espace économique et sécuritaire de Vancouver à Vladivostok.

Docteur en géographie-géopolitique, Jean-Sylvestre Mongrenier est chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Paris VIII) et chercheur associé à l’institut Thomas More.

Jean-Sylvestre Mongrenier est l’auteur de « La Russie menace-t-elle l’Occident ? », Editions Choiseul, 2009)

Voir aussi:

Kirghizistan: interrogations sur le rôle de Moscou
Le Monde avec Reuters et AFP
09.04.10

Après avoir fui la capitale kirghize, le président, Kourmanbek Bakiev, démis par l’opposition à la suite de violentes émeutes, réaffirme vendredi 9 avril qu’il ne démissionnera pas de son poste. Il dit en outre voir une implication étrangère dans le soulèvement qui l’a évincé ; mais, espère-t-il, pas celle de Moscou.

« Je ne peux pas dire que la Russie est derrière cela. Je ne veux pas dire cela, je ne veux tout simplement pas le croire », a déclaré Bakiev lors d’une interview téléphonique à l’agence Reuters. Disant se trouver dans le sud du Kirghizistan, il s’est néanmoins déclaré convaincu d’une implication étrangère, appuyant son propos en citant le comportement « très professionnel » de la foule qui assiégeait mercredi le siège du gouvernement. « Un leadership et une gestion très compétente étaient manifestes. Des forces extérieures étaient à l’évidence impliquées », a-t-il avancé.

Jeudi, un membre du gouvernement provisoire avait laissé entendre que la Russie avait joué un rôle dans l’éviction du président. Selon des analystes, le président déchu s’était attiré la colère de Moscou en maintenant une base militaire américaine dans son pays. Lors d’une visite à Moscou, l’année dernière, Bakiev s’était assuré une aide au développement de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) et avait annoncé que les troupes américaines devraient quitter Manas avant fin 2009. Mais, après avoir négocié davantage d’argent, il avait changé d’avis. La Russie s’inquiète de cette présence américaine dans une région longtemps considérée comme sa zone d’influence naturelle. Moscou dispose d’ailleurs aussi d’une base aérienne non loin de Bichkek, à quelques kilomètres seulement de l’aéroport, où sont stationnés les militaires américains.

Par ailleurs, le numéro deux du gouvernement provisoire du Kirghizistan, Almazbek Atambaïev, s’est envolé, vendredi 9 avril, pour Moscou « pour des pourparlers avec le gouvernement russe sur une aide économique ». Un représentant du premier ministre russe, Vladimir Poutine, avait indiqué jeudi que la Russie était prête à fournir une assistance humanitaire au pays. Moscou y a dépêché des troupes pour protéger ses ressortissants. Cent-cinquante hommes sont déjà arrivés sur place, selon Nikolaï Makarov, chef d’état-major de l’armée.


Présidence Obama: Même leurs problèmes, désormais, sont européens (Welcome to the European club of high unemployment, huge deficits, high taxes and foreign paralysis!)

11 avril, 2010
We're all socialists nowIls appelaient l’Europe de leurs voeux et ils sont exaucés: même leurs problèmes, désormais, sont européens. D’après René Girard
Bienvenue dans le club des Etats qui ne laissent pas tomber les gens malades. Nicolas Sarkozy

Alors que, sous prétexte de nouvelle stratégie nucléaire et après avoir multiplié les menaces de sanctions qui n’arrivent jamais, l’Administration Obama joue maintenant à relancer la menace d’une frappe militaire de l’Iran …

Que le président Karzai se permet à présent de menacer ses protecteurs américains et otaniens …

Et que, sur le plan intérieur, le pays du premier président américain postmoderne voit, pour la première fois dans son histoire récente, son taux de chômage longue durée passer en un an de 24.6%.à 44% et son chômage des moins de 25 ans dépasser la Grande Bretagne (20%. contre 19%) ou se rapprocher des niveaux européens (22.6 en Belgique, 25.2 en France ou 26.2 en Italie) …

Pendant qu’en France, le Monde se décide à mener l’enquête et découvre que ce n’est pas de quatre mais de six actes de délinquance en 10 ans dont la tête de liste d’origine malienne du PS dans le Val d’Oise Ali Soumaré est l’auteur (violence, vols, destruction de biens publics, défaut de permis de conduire, violences à agent de la force publique) …

De plus en plus d’Américains se demandent si les scénarios catastrophes envisagés un temps par la seule extrême-droite ne seraient pas en train de se réaliser?

Joblessness: The Kids Are Not Alright
Will the U.S. accept youth unemployment levels like Europe’s?
Daniel Henninger
The WSJ
April 8, 2010

Unemployment today doesn’t look like any unemployment in the recent American experience. We have the astonishing and dispiriting new reality that the « long-term jobless »—people out of work more than six months (27 weeks)—was about 44% of all people unemployed in February. A year ago that number was 24.6%.

This is not normal joblessness. As The Wall Street Journal reported in January, even when the recovery comes, some jobs will never return.

But the aspect of this mess I find more disturbing is the numbers around what economists call « youth unemployment. » The U.S. unemployment rate for workers under 25 years old is about 20%.

« Youth unemployment » isn’t just a descriptor used by the Bureau of Labor Statistics. It’s virtually an entire field of study in the economics profession. That’s because in Europe, « youth unemployment » has become part of the permanent landscape, something that somehow never goes away.

Is the U.S. there yet?

No public figure has ever taken more flak for a comment than former Defense Secretary Donald Rumsfeld for « old Europe. » These are the Western European nations that spent the postwar period free of Soviet domination. With that freedom they designed what came to be called the « social-market economy, » a kind of Utopia where a job exists to be protected and the private sector exists mainly to pay for the state’s welfare plans.

Daniel Henninger asks whether the U.S. will accept youth unemployment levels like Europe’s.

Alas for Utopia it came to pass that the marginal cost of adding employees increased so much around Europe that private-sector hiring of new workers slowed and « youth unemployment » rose. And stayed.

Eight years ago, a bittersweet movie about this tragedy of fallen expectations for Europe’s young, « L’Auberge Espagnole, » ends with a bright young Frenchman getting a « job » at a public ministry, where on the first day his co-workers explain the path to retirement. He runs from the building.

In the final month of 2009, these were European unemployment rates for people under 25: Belgium, 22.6; Spain, 44.5; France, 25.2; Italy, 26.2; the U.K., 19; Sweden, 26.9; Finland, 23.5. Germany, at 10% uses an « apprentice » system to bring young people into the work force, though that system has come under stress for a most relevant reason: a shortage in Germany of private-sector jobs.

In the U.S., we’ve always assumed that we’re not them, that America has this terrific, unstoppable job-creation machine. And that during a « cyclical downturn, » all the U.S. Congress or the states have to do is keep unemployment benefits flowing and retraining programs running until the American jobs machine kicks in and sops up the unemployed.

But what if this time the new-jobs machine doesn’t start?

In the U.S., we’ve thought of youth unemployment as mainly about minority status linked to poor education. Not in Europe. German TV recently broadcast a sad piece on Finland, which has the continent’s most admired school system. It showed an alert, vivacious young woman—she looked like someone out of an upper-middle-class U.S. high school—roaming Helsinki’s streets begging waitress jobs, without success.

It was during the Reagan presidency’s years of strong new-job growth, with an expansion that lasted 92 months between 1983 and 1990, that Europeans began to envy the employment prospects for American graduates. The envy continued through the dot.com boom of the Clinton years. Some of Europe’s most ambitious young workers emigrated to the U.S.

Which brings us to the current American presidency. Last March, its admirers proclaimed that the Obama budget drove « a nail in the coffin of Reaganomics. » And replaced it with what?

Mr. Obama spent his first year saving the public economy (the stimulus’s money mainly protected public-sector jobs) and designing a U.S. health-care system led, if not run, by the public sector. The year’s most significant U.S. fiscal policies created an array of new taxes to finance the congressionally designed health system, and raised federal spending to 25% of GDP. Another broad tax increase begins Jan. 1.

The only new-jobs idea the philosopher kings around Mr. Obama have had is the « green economy. » No doubt it will create some jobs. But an idea so dependent on subsidy economics is not going to deliver strong-form employment for the best, brightest or willing and able in the next American generation. The path we’re on is toward a flatter, gentler U.S. economy.

This is not the way forward to the next version of an American economy that once created Microsoft, Intel, MCI, Oracle, Google or even Twitter. The United States needs tremendous economic forces to lift its huge work force. Since 1990, roughly 80 million Americans have been born. They can’t all be organic farmers or write scripts for « 30 Rock. »

Many upscale American parents somehow think jobs like their own are part of the nation’s natural order. They are not. In Europe, they have already discovered that, and many there have accepted the new small-growth, small-jobs reality. Will we?

Voir aussi:

Our American Catharsis
Will Obama-time be a transitory experience or an enduring tragedy?
Victor Davis Hanson
National Review Online
April 10, 2010

For years conservatives have railed about the creeping welfare state. They have tried to tag liberals with being soft on national security, both for courting those who faulted America and for faulting others who courted it. The parameters of all these fights were well known, as talk radio, the blogs, and cable news hourly took up hammer and tongs against the creeping “liberal agenda.”

But for all the furor, there were few unabashed leftist gladiators in the arena who openly fought under the banner of radically transforming the country into something that it had never been. Bill Clinton was a centrist pragmatist who put Bill Clinton’s political interests well above any ideology. His brief flirtation with Hillary’s hard leftism was rendered inoperative after the Republicans took Congress in 1994. Indeed, Hillary herself eventually ended up running as a blue-collar, Annie Oakley centrist alternative to Barack Obama.

One-termer Jimmy Carter remained a Democratic embarrassment. He was elected on the fumes of Watergate — and through his own efforts at convincing voters for a few crucial weeks in the autumn of 1976 that his folksy Southern Christian Democrat persona was no veneer, but the natural expression of a true conservative.

By 2000 even Democrats talked more fondly in retrospect of the Reagan years than of the era of appeasement and stagflation of 1977–80. The old progressive dream of electing a genuine leftist president was rendered quixotic by the disastrous campaigns of Northern liberals like George McGovern, Walter Mondale, Michael Dukakis, and John Kerry.

All this is not to say that statism did not make advances. By 2008, almost 40 percent of the population was either entirely, or in large part, dependent on some sort of government handout, entitlement, or redistributive check. The size of government, the annual deficit, and the aggregate debt continued — no matter who was president — to reach unprecedented highs.

Nonetheless, until now we had not in the postwar era seen a true man of the Left who was committed to changing America into a truly liberal state. Indeed, had Barack Obama run on the agenda he actually implemented during his first year in office — “Elect me and I shall appoint worthies like Craig Becker, Anita Dunn, and Van Jones; stimulate the economy through a $1.7-trillion annual deficit; take over healthcare, the auto industry, student loans, and insurance; push for amnesty for illegal aliens and cap-and-trade; and reach out to Iran, Russia, Syria, and Venezuela” — he would have been laughed out of Iowa.

It was not his agenda but his carefully crafted pseudo-centrism that got Obama elected — that, and a dismal McCain campaign, weariness over the Iraq War, a rare orphaned election without any incumbent candidate, the September 2008 meltdown, and the novelty of the nation’s first serious African-American presidential candidacy.

Now, however, for the first time in my memory, the United States has an authentic leftist as president — one who unabashedly believes that the role of the U.S. government at home is to redistribute income in order to ensure equality of results through high taxes on a few and increased entitlements for many, while redefining America abroad as a sort of revolutionary state that sees nothing much exceptional in either its past role or its present alliances — other than something that should be “reset” to the norms embraced by the United Nations.

In sum, for years the loud Right warned Americans about what could happen should they vote for a genuine leftist. We mostly did not believe their canned horror stories. But now the country has got what it unwittingly voted for — and at last we have evolved beyond the rhetoric and entered into the real liberal world of the way things must be.

In just a year, the manner in which Americans look at things has changed radically. Something as mundane as buying a Ford or a GM car now takes on ideological connotations: The former company, in politically recalcitrant fashion, resists government takeover; the latter has been transmogrified from Michael Moore’s Roger & Me bogeyman into a sanctioned, government-subsidized brand. Toyota went from the good green maker of Priuses to a foreign corporate outlaw whose handful of faulty accelerators symbolizes the non-union threat to fair-play American production.

The whole notion of capital and debt has changed — mostly on the issue of culpability. Buying too much house at too high interest is the bank’s fault. Not being able to pay a debt is certainly negotiable and most certainly nothing to feel bad about. Maxing out credit cards and getting caught with high interest is proof of corporate malfeasance. Cash in the bank earns little, if any, interest. Owing lots of money costs little, and it does not necessarily have to be paid back, if one is able to stake a persuasive claim against “them.”

The reaction to a hated and greedy Wall Street is now to be an omnipotent, all-wise, and all-caring state technocracy. Today there is nothing so simplistic as the actual “unemployment rate”; “jobs saved” by government borrowing is the better barometer of who is actually working and who is not. A $200-billion shortfall is a “deficit”; a trillion-dollar one is “stimulus.”

Not purchasing a cheap catastrophic-healthcare plan is quite understandable. The Department of Motor Vehicles, Amtrak, and the Postal Service are models of what good government can do. Social Security and Medicare are not unsustainable or insolvent; those loaded adjectives are simply constructs of a wealthy class unwilling to pay the taxes needed to fund them.

Worrying about the deficit or national debt is a neurotic tic. Why fret, when millions in the oppressing class have enough money to eliminate these problems whenever we acquire the backbone to make them pay what they owe us? We are in a them/us, winners/losers zero-sum age, one in which a forever static pie must have its finite slices radically reapportioned.

Colin Powell and Condoleezza Rice were not paradigms of racial equality, as we once assumed. The new correct protocol of unity and togetherness is not to ignore race but to accentuate difference whenever possible. Thus we have a uniter and his flock talking of a “typical white person,” of white country folk who “cling” to their fears and superstitions, of “cowards” who refuse to discuss racial matters, of a “wise Latina,” of police who “stereotype” and act “stupidly,” and of polluters and high-school mass-murderers identified as typically “white.” In place of real civil-rights marches, we have psychodramas where congressmen wade into a crowd of protestors in search of a televised slur. To this president, the tea-partiers are sexually slurred “tea-baggers,” in his Manichean worldview of opponents to whom we are “to get in their faces” and “bring a gun” to their knife fight — all as we praise “unity,” “bipartisanship,” and “working across the aisle.”

Fourteen months ago, the number $250,000 meant little. Now the arbitrary figure is an economic them/us Mason-Dixon line seared into our collective thoughts. Those who cross it are the proven greedy who profit inordinately and must have their payroll, income, and healthcare taxes commensurately increased. But those who earn below it are still kind and decent folk deserving of credits and entitlements.

I used to think that old-stand nations like Britain, Canada, the Czech Republic, France, Germany, Israel, Norway, and Poland were our natural friends by virtue of a shared Western heritage and values, commitment to constitutional government, and acknowledgment of a distinguished intellectual history. Today their leaders are to be snubbed, ignored, or lectured; we are unsure only whether their sin is post-imperialism, post-colonialism — or pro-Americanism.

In contrast, more revolutionary states that bore America ill will, and certainly despised George W. Bush, must ipsis factis have been onto something — and therefore can be courted. Iran, the Palestinians, Russia, Syria, and Venezuela are, at worst, misunderstood. At best, their strong leaders are somewhat sympathetic for their prior opposition to much of what America has done and stood for.

In 2008 I had no idea of what an “overseas contingency operation” or “man-made disaster” was. And even Michael Savage could not scare me into thinking that the U.S. government would attempt to try the beheader and architect of 9/11, the self-avowed jihadist Khalid Sheikh Mohammed, in a civilian courtroom, replete with Miranda rights, lengthy appeals, and government-appointed lawyers — all that a couple of thousand yards from the scene of his own mass murdering.

The watchdog media have become a house kitten that purrs rather than barks at such radical change. Mass assemblies — so common in protests against wars during the last decades — are now racist and subversive. Grassroots political expression like talk radio and cable TV is in need of government-enforced fairness. Hollywood no longer produces movies like the anti-war, anti-administration Redacted and Rendition; Knopf no longer publishes novels like Checkpoint; and there are, we may be thankful, no longer docudramas about shooting presidents — the latter would be both unpatriotic and clearly defined as hate speech. Filibusters are not traditional ways of checking Senate excess; the “nuclear option” is now a slur for legitimate majority legislative rule; and recess appointments don’t thwart the legislature’s will but resist its tyranny.

In other words, the last 14 months have been a catharsis of sorts. At last the world of Rush Limbaugh’s fears and Sean Hannity’s nightmares is upon us, and we can determine whether these megaphones were always just alarmists — or whether they legitimately warned of what logically would follow should faculty-lounge utopian rhetoric ever be taken seriously. Europe screamed for a multilateral, multipolar, non-exceptional America. Now in place of the old Johnny-on-the-spot NATO colossus, they are quickly getting what they wished for — America, the new hypopower. Perhaps the European Rapid Reaction Force will take on the Milosevices and Osamas to come.

Keynesians have sermonized for decades about a truly appropriate mega-debt. Now we’re quickly on the way to achieving that vision, to testing just how much debt a country can incur and still survive. If Reagan and Co. talked about “starving the beast” — cutting needless government spending by first reducing tax revenue — this is the age of “gorging the beast”: borrowing and spending as much as possible to ensure later vast increases in taxes, and with them proper redistributive change.

Politics is high-stakes poker with real losers and winners, not a mere parlor game. The country voted for the party of Pelosi, Reid, and Obama, and for once such statists are governing in the manner of their rhetoric. Time will soon tell whether this strange American experience is transitory and so becomes a needed catharsis, or whether it will be institutionalized and thus result in an enduring tragedy — this rare moment when the dreams of a zealous few are at last becoming the nightmares of a complacent many.

Voir de plus:

A Postmodern Presidency
by Victor Davis Hanson
Pajamas Media
April 8, 2010

A Pretentious Word for a World Without Rules

Given thirty years of postmodern relativism in our universities, we were bound to get a postmodern president at some point.

Postmodernism is a fancy word — in terms of culture, nihilist; in terms of politics, an equality of result and the ends justifying the means — that a lot of people throw around to describe the present world of presumed wisdom that evolved in the last part of the 20th century.

“After modernism” or “beyond modernism” can mean almost anything — nihilistic art that goes well beyond modern art (think a crucifix in urine rather than the splashes of modernist Jackson Pollock). Or think of the current English Department doggerel that is declared “poetry” (no transcendent references, echoes of classicism, no cadence, rhyme, meter, particular poetic language, theme, structure, etc.) versus Eliot’s or Pound’s non-traditional modern poetry of the 1920s and 1930s. In politics, there is something of the absurd. The modern age saw life and death civil rights marches and the commemoration of resistance to venomous racial oppression; the postmodern civil right marches are staged events at the D.C. Tea-party rally, as elites troll in search of a slur, or Prof. Gates’s offer to donate his “cuffs” to the Smithsonian as proof of his racial “ordeal.”

Genres, rules, and protocols in art, music, or in much of anything, vanish as the unnecessary obstructions they are deemed to be — constructed by those with privilege to perpetuate their own entrenched received authority and power. The courage, sacrifice, and suffering of past American generations that account for our present bounty are simply constructs, significant only to the degree that we deconstruct the race, class, and gender power machinations that pervade American exploitive society.

Relativism Everywhere

But the chief characteristic of postmodern thinking is the notion of relativism and the primacy of language over reality. What we signify and brand as “real,” in essence, is no more valid than another’s “truth,” even if we retreat to specious claims of “evidence” — especially if our aim is to perpetuate the nation state, or the primacy of the white male capitalist Westerner who long ago manufactured norms in his own interests.

“Alternate” realities instead reflect those without power speaking a “truth,” one just as valid as the so-called empirical tradition that hinged on inherited privilege.

The New National Creed

OK, so how does this affect Obama?

He was schooled in the postmodern university and operates on hand-me-down principles from postmodernism. One does not need to read Foucault or Derrida, or to be acquainted with Heidegger, to see how relativism enhances contemporary multiculturalism. Keep that in mind and everything else makes sense.

Try healthcare. By traditional standards, Obama prevaricates on most of the main issues revolving healthcare reform — from the fundamental about its costs and effects, to the more superficial such as airing the entire process on C-Span, or promising not to push through a major bill like this on narrow majoritism. And recall the blatant bribes for votes to politicians from Nebraska to Louisiana. Look also at the enormous borrowing and cuts from Medicare that will be involved.

Well, those were not misstatements or misdeeds at all. You, children of privilege, only think they are, since you use antiquated norms like “abstract” truth to adjudicate the discomforting efforts of a progressive President.

He, on the other hand, is trying to force the privileged at last to account for their past oppressions (insurance companies that gouge, surgeons that lop off legs or tear out tonsils for profit, investors who private jet to the Super Bowl, or the lesser, but equally selfish Joe the Plumber types who do not wish to “spread the wealth”) by extending care to the underprivileged. Your “Truth” about his past statements is something reactionaries evoke to thwart such progressive change; in fact, the constructed truth of Obama’s is that a child will now have regular check-ups. All the other “gottacha” games about abstract truth and falsehood are just semantics.

Mean Speech for Thee, But Not for Me

Look at supposed hate speech. An empiricist would ignore Obama’s recent warnings about the new wave of rightwing tough talk from Limbaugh and Beck, and determine instead whether the President remembers the novel Checkpoint, or the award winning film about killing George Bush, or the venom of a Michael Moore or Keith Olbermann.

That is, a traditional inquirer would weigh the furor of the Right against Left, in ascertaining whether hate speech is at all partisan, or simply politics of all stripes. And he would remind the President that it was Barack Obama himself who asked of his supporters to “get in their face”, and bragged “if they bring a knife to the fight, we bring a gun”, and who used graphic examples in damning his opponents (cf. the taunt to Hannity (“he’ll tear him up”).

But you see, all this is not so. The postmodernist constructs a different reality. A person of color who is striving to level the playing field against oppressive interests speaks the “truth” to power. Of course, from time to time he draws on emotive language to drive home his points — quite unlike the cool, detached and deliberate attacks of those seeking to protect corporate or entrenched interests.

When Obama attacks Beck, or Hannity, or calls for someone to bring a gun to a fight, or has Rahm Emanuel curse a fence-sitting representative, these protocols seem extreme only to those whose economic interests are threatened. Poor children in Detroit or in the barrios of El Paso don’t get the opportunity for tit-for-tat score-keeping, as if millionaires “think” they are entitled to the same “fair” treatment as their victims. When Limbaugh rails, it is to protect his Gulfstream V; when Obama distorts, it is the expediency needed to wring from the wealthy salvation for the voiceless.

Racialism — No Such Thing!

Race is the same. A person of color can hardly, given the history of oppression accorded to non-whites, himself be guilty of dividing people by race.

So if Obama says “typical white person”, or entitles his book from the sloganeering of a racist preacher he courted for 20 years, or stereotypes rural Pennsylvanians, or dubs police as acting “stupidly” in matters of supposed racial confrontation, or has an Attorney General who damns the country as “cowards” on race, or appoints a Supreme Court Judge who thinks a “wise Latina” by virtue of race and gender has superior wisdom, or recruits a Van Jones who characterizes everyone from polluters to mass murderers by race (I could go on), well, all this is not at all racial stereotyping with an intent to deprecate.

Why? Because constructs of language, expression, and reality hinge on status and class. Obama is seeking to dethrone traditional nexuses of power. So when he, from time to time, muses on real racial inequality, reactionaries retreat to “objective” “standards” of reciprocity to thwart his proposed changes.

Take-overs — What Take-overs?

And those “take-overs”? Take-over from what to what?

An outraged managerial and capital laden class feigns outrage when working folks at last have a say in how the nation’s profits are derived and enjoyed, originating from their own labor in banking, insurance, auto production, and student loans. All these retreats to “private” income, “my property,” “liberty,” “The Founders,” and the “Constitution,” simply can be deconstructed to “don’t dismantle a system that is weighted in my favor!”

No wonder “they” construct all sort of scary “narratives” about the Postal Service, Amtrak, Social Security, Medicare, and other shared collective enterprises that are branded “insolvent” and “unsustainable” despite serving the people — the economic gobbledygook talk from those who really mean they are not willing to transfer their own unfairly obtained capital to more deserving working folks through legitimate “redistributive change.”

The Voices of the Oppressed

Finally, examine foreign policy. Now many of us are upset that we court enemies and shun friends, and seem to be reaching out to the most authoritarian regimes imaginable, whether Putin’s Russia or Iran, or Venezuela. Well, once again, that is only because you construct reality on the norms predicated upon your own comfortable globalized privilege — that, in fact, as Obama thankfully grasps, is a result of thousands of daily oppressions, both here and abroad, of which you are not even aware.

Consider the trumped-up crisis with Iran. We hold Ahmadinejad to our artificially constructed standards of “civil” discourse and “fair” play — forgetting (but not Obama) the 1953 Western-inspired coup, the profit-mongering of the global oil companies, and the neo-imperialist role of the United States in the Gulf. We hide all that with constructs like “the mullahs”, the “theocrats”, “Islamofascism” and other demonization rooted in class, gender, race, and religion.

If Iran had been behind a past U.S. coup, if Iranian warships were off the coast of California, if an Iranian coal company were buying and selling our national energy production, then we too might sound somewhat unhinged as we sought to employ language to offset our oppressor’s ill-gotten material advantages.

In an American constructed world order, we artificially adjudicate Iran a rogue would-be nuclear menace for wishing five or six small nuclear weapons to protect its vulnerable borders (American troops now abut them); we have thousands of such devices, and have used them, and yet are deemed “responsible” and “peaceful,” we of all people, who, as the President once reminded us, have alone used them on real people.

So what Obama has done is “contextualized” the world, and “located,” as it were, the seemingly hostile anti-American rhetoric of “enemies” into a proper race/class/gender landscape.

And what he has found is that nationalism and the construct of the state have fooled us into thinking that there are “allies” and “enemies”, when, in fact, these are mere labels used by the privileged to “exaggerate” “difference” that only enhances Western entrenched economic, racial, cultural and political hegemonies.

Once, thanks to Obama, we “unpack” that “reality,” then we can see that most Americans have much in common with Venezuelans, Russians, Iranians, Syrians and others who likewise struggle against the same enemies that brought us the 2008 Wall Street meltdown and now oppose healthcare reform, cap and trade, amnesty, and the takeover of the automobile, banking, and insurance industries.

So a postmodernist looks at the Falklands and does not rely on archaic notions of “sovereignty” or a “history” of a prior war. Instead, one sees a postcolonial power once more claiming “ownership” of a far distant island, proximate to a Latin American people, with long experience with European and American economic and political exploitation. Presto — we are now “neutral,” which means we don’t see anything intrinsically convincing in Britain’s claims to the Falklands.

Note Israel. What are we to make of the Netanyahu humiliating smack down, the seeming indifference over the Iranian nuclear program, the nominations and appointments on the Middle East front of a Freeman or Power, the reach out to Syria and Iran, the interviews with Al Arabiya and the Cairo speech, the bow to a Saudi royal, the ritual trashing of George Bush juxtaposed to the praise of a Saudi king, the strange past outbursts of Obama advisor Zbigniew Brzezinski, the ranting about Jews from the former spiritual advisor Wright, etc.

In short, Israel is a construct of Western privilege — its democratic, capitalist, and Western customs hinge on the oppression of a vast “other” that is far more egalitarian, socialist, and antithetical to Western consumer-capitalism with all of its pathologies of race, class, and gender exploitation.

In that context, in archaic fashion, we struggle to damn any effort to end such hegemony and empower the voices of the oppressed. We are not, in fact, “allied” to Israel, but properly speaking instead to the underprivileged in the Gaza slums, to those without healthcare on the West Bank, and, yes, to the progressive Israelis of noble spirit who are trying to battle the reactionary Likudniks and instead do something about the tentacles of their own discriminatory state, whose capital is derived from exploited labor and resources of a silenced other.

I could go on but you get the picture of our first postmodern presidency.

Voir enfin:

Afghanistan and the Decline of American Power
President Karzai’s anti-American shift is a statement about the standing of the Obama administration in the region.
Fouad Ajami
The WSJ
April 9, 2010

President Obama’s « war of necessity » in Afghanistan increasingly has to it the mark of a military campaign disconnected from a bigger political strategy.

Yes, it is true, he « inherited » this war. But in his fashion he embraced it and held it up as a rebuke to the Iraq war. The spectacle of Afghan President Hamid Karzai going rogue on the American and NATO allies who prop up his regime is of a piece with other runaway clients in far-off lands learning that great, distant powers can be defied and manipulated with impunity. After all, Mr. Karzai has been told again and again that his country, the safe harbor from which al Qaeda planned and carried out 9/11, is essential to winning the war on terror.

Some months ago, our envoy to Kabul, Ambassador Karl Eikenberry, saw into the heart of the matter in a memo to his superiors. Mr. Eikenberry was without illusions about President Karzai. He dismissed him as a leader who continues to shun « responsibility for any sovereign burden, whether defense, governance or development. He and his circle don’t want the U.S. to leave and are only too happy to see us invest further. They assume we covet their territory for a never-ending war on terror and for military bases to use against surrounding powers. »

The Eikenberry memorandum lays to rest once and for all the legend of Afghanistan as a « graveyard of empires. » Rather than seeking an end to the foreign military presence, the Afghans and their leader seek to perpetuate it. It spares them the hard choice of building a nation-state, knitting together feuding ethnicities and provinces, and it brings them enormous foreign treasure.

Mr. Karzai may be unusually brazen and vainglorious in his self-regard. He may have been acting out of a need to conciliate the Pashtun community from which he hails and which continues to see him as the front man for a regime that gives the Tajiks disproportionate power and influence. But his conduct is at one with the ways of Afghan warlords and chieftains.

Still, this recent dust-up with Mr. Karzai—his outburst against the West, his melodramatic statement that he, too, could yet join the Taliban in a campaign of « national resistance, » his indecent warning that those American and NATO forces soldiering to give his country a chance are on the verge of becoming foreign occupiers—is a statement about the authority of the Obama administration and its standing in Afghanistan and the region.

Forgive Mr. Karzai as he tilts with the wind and courts the Iranian theocrats next door. We can’t chastise him for seeking an accommodation with Iranian power when Washington itself gives every indication that it would like nothing more than a grand bargain with Iran’s rulers.

In Afghanistan, and throughout the Middle East, populations long in the path, and in the shadow, of great foreign powers have a good feel for the will and staying power of those who venture into their world. If Iran’s bid for nuclear weapons and a larger role in the region goes unchecked, and if Iran is now a power of the Mediterranean (through Hamas in Gaza and Hezbollah in Beirut), the leaders in Kabul, whoever they are, are sure to do their best to secure for themselves an Iranian insurance policy.

From the very beginning of Mr. Obama’s stewardship of the Afghan war, there was an odd, unsettling disjunction between the centrality given this war and the reluctance to own it in full, to stay and fight until victory (a word this administration shuns) is ours.

Consider the very announcement of the Obama war strategy last November in Mr. Obama’s West Point address. The speech was at once the declaration of a « surge » and the announcement of an exit strategy. Additional troops would be sent, but their withdrawal would begin in the summer of 2011.

The Afghans, and their interested neighbors, were invited to do their own calculations. Some could arrive at a judgment that the war and its frustrations would mock such plans, that military campaigns such as the one in Afghanistan are far easier to launch than to bring to a decent conclusion, that American pride and credibility are destined to leave America entangled in Afghan troubles for many years to come. (By all indications, Mr. Karzai seems to subscribe to this view.)

Others could bet on our war weariness, for Americans have never shown an appetite for the tribal and ethnic wars of South Asia and the Middle East. The shadow of our power lies across that big region, it is true. But we blow in and out of these engagements, generally not staying long enough to assure our friends and frighten our enemies.

Zia ul-Haq, the military dictator who recast Pakistani politics away from that country’s secular beginnings and plunged into the jihad and its exertions, once memorably observed that being an ally of the United States was like sitting on the bank of a great river where the ground is lush and fertile, but that every four to eight years the river changes course and the unsuspecting friend of American power finds himself in a barren desert. Mr. Obama has not given the protagonists in the Afghan war the certainty that he is in it for the long haul.

In word and deed, Mr. Obama has given a sense of his priorities. The passion with which he pursued health-care reform could be seen at home and abroad as the drive of a man determined to remake the American social contract. He aims to tilt the balance away from liberty toward equality. The very ambition of his domestic agenda in health care and state intervention in the economy conveys the causes that stir him.

Granted, Mullah Omar and his men in the Quetta Shura may not be seasoned observers of Washington’s ways. But they (and Mr. Karzai) can discern if America is marking time, giving it one last try before casting Afghanistan adrift. It is an inescapable fact that Mr. Obama hasn’t succeeded in selling this Afghan venture—or even the bigger war on terror itself—to his supporters on the left. He fights the war with Republican support, but his constituency remains isolationist at heart.

The president has in his command a great fighting force and gifted commanders. He clearly hopes they will succeed. But there is always the hint that this Afghan campaign became the good, worthwhile war by default, a cause with which to bludgeon his predecessor’s foray into Iraq.

All this plays out under the gaze of an Islamic world that is coming to a consensus that a discernible American retreat in the region is in the works. America’s enemies are increasingly brazen, its friends unnerved. Witness the hapless Lebanese, once wards of U.S. power, now making pilgrimages, one leader at a time, to Damascus. They, too, can read the wind: If Washington is out to « engage » that terrible lot in Syria, they better scurry there to secure reasonable terms of surrender.

The shadow of American power is receding; the rogues are emboldened. The world has a way of calling the bluff of leaders and nations summoned to difficult endeavors. Would that our biggest source of worry in that arc of trouble was the intemperate outburst of our ally in Kabul.

Mr. Ajami, a professor at Johns Hopkins School of Advanced International Studies and a senior fellow at Stanford University’s Hoover Institution, is the author of « The Foreigner’s Gift » (Free Press, 2007).