Pogrom du 7 octobre: A quand un Nuremberg pour l’islamisme ? (After German nazism and Japanese militarism, when will Islamism along with Russian and Chinese communism finally get their Nuremberg trials ?)

2 janvier, 2024

Mao's Great Famine by Frank Dikotter, Books & Stationery, Non-Fiction on CarousellCover final JiM.jpgMon Dieu! mon Dieu! Pourquoi m’as-tu abandonné, et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? (…) De nombreux taureaux sont autour de moi, des taureaux de Basan m’environnent. Ils ouvrent contre moi leur gueule, semblables au lion qui déchire et rugit. Psaumes 22: 2-13
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech (2005)
Nous ne savons pas si Hitler est sur le point de fonder un nouvel islam. Il est d’ores et déjà sur la voie; il ressemble à Mahomet. L’émotion en Allemagne est islamique, guerrière et islamique. Ils sont tous ivres d’un dieu farouche. Jung (1939)
Mein Kampf (…) Tel était le nouveau Coran de la foi et de la guerre: emphatique, fastidieux, sans forme, mais empli de son propre message. Churchill
Après tout, qui parle encore aujourd’hui de l’annihilation des Arméniens? Hitler (le 22 août 1939)
Nous imaginons, parce que la Guerre froide est finie en Europe, que toute la série de luttes qui ont commencé avec la Première guerre mondiale et qui sont passées par différents mouvements totalitaires — fasciste, nazi et communiste — était finalement terminée. (…) Hors de la Première guerre mondiale est venue une série de révoltes contre la civilisation libérale. Ces révoltes accusaient la civilisation libérale d’être non seulement hypocrite ou en faillite, mais d’être en fait la grande source du mal ou de la souffrance dans le monde. (…) [Avec] une fascination pathologique pour la mort de masse [qui] était elle-même le fait principal de la Première guerre mondiale, dans laquelle 9 ou 10 millions de personnes ont été tués sur une base industrielle. Et chacun des nouveaux mouvements s’est mis à reproduire cet événement au nom de leur opposition utopique aux complexités et aux incertitudes de la civilisation libérale. Les noms de ces mouvements ont changé comme les traits qu’ils ont manifestés – l’un s’est appelé bolchévisme, et un autre s’est appelé fascisme, un autre s’est appelé nazisme. (…) À un certain niveau très profond tous ces mouvements étaient les mêmes — ils partageaient tous certaines qualités mythologiques, une fascination pour la mort de masse et tous s’inspiraient du même type de paranoïa. (…) Mon argument est que l’islamisme et un certain genre de pan-arabisme dans les mondes arabe et musulman sont vraiment d’autres branches de la même impulsion. Mussolini a mis en scène sa marche sur Rome en 1922 afin de créer une société totalitaire parfaite qui allait être la résurrection de l’empire romain. En 1928, en Egypte, de l’autre côté de la Méditerranée, s’est créée la secte des Frères musulmans afin de ressusciter le Califat antique de l’empire arabe du 7ème siècle, de même avec l’idée de créer une société parfaite des temps modernes. Bien que ces deux mouvements aient été tout à fait différents, ils étaient d’une certaine manière semblables. (…) La doctrine islamiste est que l’Islam est la réponse aux problèmes du monde, mais que l’Islam a été la victime d’une conspiration cosmique géante pour la détruire, par les Croisés et les sionistes. (le sionisme dans la doctrine de Qutb n’est pas un mouvement politique moderne, c’est une doctrine cosmique se prolongeant tout au long des siècles.) L’Islam est la victime de cette conspiration, qui est également facilitée par les faux musulmans ou hypocrites, qui feignent d’être musulmans mais sont réellement les amis des ennemis de l’Islam. D’un point de vue islamiste, donc, la conspiration la plus honteuse est celle menée par les hypocrites musulmans pour annihiler l’Islam du dedans. Ces personnes sont surtout les libéraux musulmans qui veulent établir une société libérale, autrement dit la séparation de l’église et de l’état. (…) Les socialistes français des années 30 (…) ont voulu éviter un retour de la première guerre mondiale; ils ont refusé de croire que les millions de personnes en Allemagne avaient perdu la tête et avaient soutenu le mouvement nazi. Ils n’ont pas voulu croire qu’un mouvement pathologique de masse avait pris le pouvoir en Allemagne, ils ont voulu rester ouverts à ce que les Allemands disaient et aux revendications allemandes de la première guerre mondiale. Et les socialistes français, dans leur effort pour être ouverts et chaleureux afin d’éviter à tout prix le retour d’une guerre comme la première guerre mondiale, ont fait tout leur possible pour essayer de trouver ce qui était raisonnable et plausible dans les arguments d’Hitler. Ils ont vraiment fini par croire que le plus grand danger pour la paix du monde n’était pas posé par Hitler mais par les faucons de leur propre société, en France. Ces gens-là étaient les socialistes pacifistes de la France, c’était des gens biens. Pourtant, de fil en aiguille, ils se sont opposés à l’armée française contre Hitler, et bon nombre d’entre eux ont fini par soutenir le régime de Vichy et ils ont fini comme fascistes! Ils ont même dérapé vers l’anti-sémitisme pur, et personne ne peut douter qu’une partie de cela s’est reproduit récemment dans le mouvement pacifiste aux Etats-Unis et surtout en Europe. Paul Berman
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Nous avons offert des sacrifices humains à vos dieux du sport et de la télévision et ils ont répondu à nos prières. Terroriste palestinien (Jeux olympiques de Munich, 1972)
L’écart le plus frappant par rapport à la charte de 1988 est que la déclaration de principes et d’objectifs de 2017 affirme désormais que le Hamas n’est pas antijuif mais antisioniste et, par conséquent, considère les « sionistes » et non les « juifs » comme l’ennemi principal et la cible de son opprobre. Le document révisé modère donc la rhétorique ouvertement antisémite de son prédécesseur, mais dénonce une fois de plus le sionisme comme étant au cœur d’un sombre complot aux dimensions mondiales. Pendant des siècles, les Juifs ont été accusés d’être à l’origine de l’antisémitisme dont ils étaient victimes. La nouvelle charte du Hamas perpétue cette diffamation en affirmant que « ce sont les sionistes qui identifient constamment le judaïsme et les Juifs à leur propre projet colonial et à leur entité illégale » et qui sont donc responsables de l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme. Le projet sioniste, selon l’article 14, est un « projet raciste, agressif, colonial et expansionniste fondé sur l’accaparement des biens d’autrui ; il est hostile au peuple palestinien et à son aspiration à la liberté, à la libération, au retour et à l’autodétermination ». L’entité israélienne est le jouet du projet sioniste et sa base d’agression ». L’article 15 poursuit en affirmant que le sionisme est l’ennemi non seulement du peuple palestinien, mais aussi de tous les musulmans, et qu’il représente « un danger pour la sécurité et la paix internationales et pour l’humanité, ses intérêts et sa stabilité ». L’article suivant tente ensuite de faire le lien entre l’antisionisme et l’antisémitisme : « Le Hamas affirme que son conflit est avec le projet sioniste et non avec les Juifs en raison de leur religion. Bien que la nouvelle charte ne comporte pas les dénonciations fébriles des « initiatives, des soi-disant solutions pacifiques et des conférences internationales » de son prédécesseur, elle rend la position du Hamas sur l’existence d’Israël tout à fait claire. La création d’ »Israël » est totalement illégale et contrevient aux droits inaliénables du peuple palestinien », déclare l’article 18, « et va à l’encontre de sa volonté et de celle de l’Oumma ». Pour enfoncer le clou, le nouvel article 19 proclame : « Il n’y aura pas de reconnaissance de la légitimité de l’entité sioniste. Tout ce qui est arrivé à la terre de Palestine en termes d’occupation, de construction de colonies, de judaïsation, de modification de ses caractéristiques ou de falsification des faits est illégitime. Les droits ne s’éteignent jamais ». Quant à la promesse de paix entre Israël et la Palestine exprimée dans les accords d’Oslo de 1993, l’article 21 énonce explicitement le rejet par le Hamas de cet accord historique : « Le Hamas affirme que les accords d’Oslo et leurs addenda contreviennent aux règles du droit international en ce qu’ils génèrent des engagements qui violent les droits inaliénables du peuple palestinien. Par conséquent, le Mouvement rejette ces accords et tout ce qui en découle ». Le Hamas affirme au contraire son engagement à libérer la Palestine par la force. « Résister à l’occupation par tous les moyens et toutes les méthodes est un droit légitime garanti par les lois divines et par les normes et lois internationales », affirme le document. « Au cœur de ce droit se trouve la résistance armée, qui est considérée comme le choix stratégique pour protéger les principes et les droits du peuple palestinien. La déclaration la plus étonnante de l’ensemble du nouveau document – publié par un groupe terroriste qui interdit les élections à Gaza depuis 2007 – est peut-être l’affirmation fatale de l’article 29 selon laquelle « le Hamas croit et adhère à la gestion de ses relations palestiniennes sur la base du pluralisme, de la démocratie, du partenariat national, de l’acceptation de l’autre et de l’adoption d’un dialogue ». Dans son ouvrage magistral sur le Troisième Reich, l’historien britannique Richard J. Evans relate les réflexions d’une jeune Allemande qui avait lu Mein Kampf en 1933 : « Comme beaucoup de ses amis de la classe moyenne supérieure, elle considérait la violence et l’antisémitisme des nationaux-socialistes comme des excès passagers qui disparaîtraient bientôt. » Jusqu’au 7 octobre 2023, nombreux sont ceux qui, en Palestine, en Israël et ailleurs, ont pu, de la même manière, écarter ou ignorer l’acuité des buts et des ambitions du Hamas, ses véritables objectifs et son plan directeur encore inachevé, tels qu’ils sont énoncés dans les documents de 1988 et de 2017. Rares sont ceux qui sont aussi ignorants ou incompréhensifs aujourd’hui ». Bruce Hoffman (Université de Georgetown, 10 octobre 2023)
Le rapport étroit entre sexualité et violence, héritage commun de toutes les religions, s’appuie sur un ensemble de convergences assez impressionnant. La sexualité a fréquemment maille à partir avec la violence, et dans ses manifestations immédiates, rapt, viol, défloration, sadisme, etc., et dans ses conséquences plus lointaines. Elle cause diverses maladies, réelles ou imaginaires; elle aboutit aux douleurs sanglantes de l’accouchement, toujours susceptibles d’entraîner la mort de la mère, de son enfant ou même des deux en même temps. A l’intérieur même d’un cadre rituel, quand toutes les prescriptions matrimoniales et les autres interdits sont respectés, la sexualité s’accompagne de violence; dès qu’on échappe à ce cadre, dans les amours illégitimes, l’adultère, l’inceste, etc., cette violence et l’impureté qui en résulte deviennent extrêmes. La sexualité provoque d’innombrables querelles, jalousies, rancunes et batailles; elle est une occasion permanente de désordre, même dans les communautés les plus harmonieuses. En refusant d’admettre l’association pourtant si peu problématique que les hommes, depuis des millénaires ont toujours reconnue entre la sexualité et la violence, les modernes cherchent à prouver leur « largeur d’esprit»; c’est là une source de méconnaissance dont on ferait bien de tenir compte. Tout comme la violence, le désir sexuel tend à se rabattre sur des objets de rechange quand l’objet qui l’attire demeure inaccessible. Il accueille volontiers toutes sortes de substitutions. Tout comme la violence, le désir sexuel ressemble à une énergie qui s’accumule et qui finit par causer mille désordres si on la tient longtemps comprimée. Il faut noter, d’autre part, que le glissement de la violence à la sexualité, et de la sexualité à la violence s’effectue très aisément, dans un sens comme dans l’autre, même chez les gens les plus «normaux» et sans qu’il soit nécessaire d’invoquer la moindre « perversion ». La sexualité contrecarrée débouche sur la violence. Les querelles d’amoureux, inversement, se terminent dans l’étreinte. Les recherches scientifiques récentes confirment sur beaucoup de points la perspective primitive. L’excitation sexuelle et la violence s’annoncent un peu de la même façon. La majorité des réactions corporelles mesurables sont les mêmes dans les deux cas. Avant de recourir aux explications passe-partout devant un tabou comme celui du sang menstruel, avant d’en appeler, par exemple, à ces « phantasmes » qui jouent dans notre pensée le rôle de la « malice des enchanteurs» dans celle de Don Quichotte, il faudrait s’assurer, en règle absolue, qu’on a épuisé les possibilités de compréhension directe. Dans la pensée qui s’arrête au sang menstruel comme à la matérialisation de toute violence sexuelle, il n’y a rien, en définitive, qui soi incompréhensible : il v a lieu de se demander en outre si le processus de symbolisation ne répond pas à une « volonté » obscure de rejeter toute la violence sur la femme exclusivement. Par le biais du sang menstruel, un transfert de la violence s’effectue, un monopole de fait s’établit au détriment du sexe féminin. René Girard
Le tabou de la sexualité dans les sociétés musulmanes s’explique par le poids de la religion. En islam, les relations sexuelles en dehors du mariage sont proscrites comme c’est inscrit dans le verset 32 de la sourate 17 repris par les religieux et les juristes. La montée du conservatisme et du salafisme accentuent assurément le phénomène. La situation est certainement difficile pour les jeunes qui ont fui leur pays à la recherche de liberté et qui atterrissent dans ces quartiers où ils retrouvent les mêmes interdits, les mêmes tabous. Ils trouvent surtout un discours religieux qui leur raconte que l’Occident est un monde dépravé car il permet une sexualité sans limite et qu’en tant que musulmans ils doivent s’en préserver. Beaucoup sont davantage frustrés quand ils savent qu’ils vivent dans un pays comme la France qui leur permet d’être libres dans le domaine de la sexualité, mais que leur religion, leur culture et leur famille ne leur permettent pas. Si certains arrivent à échapper à cette atmosphère, d’autres développent de la haine contre cet Occident, contre ceux qui peuvent vivre librement, et pas eux. La haine est une cause de violence. (…) La sexualité est reconnue dans le Coran à condition qu’elle s’accomplisse dans les liens du mariage. Sinon, c’est la chasteté qui doit s’imposer. Le Coran parle de la femme chaste tout comme il parle de l’homme chaste et de la femme fornicatrice tout comme il parle de l’homme fornicateur. Il prévoit au fornicateur et à la fornicatrice de la même manière cent coups de fouet (sourate 24, verset 2). Cependant, quand il s’agit du Coran on ne peut pas donner une seule réponse. Car pour la même question, on peut y trouver des recommandations différentes voire contradictoires. Voilà pourquoi, il faut distinguer entre le Coran ou la charia coranique et le droit musulman que j’appelle la charia pratique. Au sujet de la sexualité, certains versets sont davantage sévères à l’égard des femmes, comme c’est le cas du verset 15 de la sourate 4, qui recommande aux hommes l’enfermement à la maison des femmes qui ont eu des relations sexuelles en dehors du mariage jusqu’à ce que la mort les rappelle ou que Dieu décrète un autre ordre à leur égard. D’autres privilégient les hommes tels le verset 223 de la sourate 2, La vache, qui s’adresse aux hommes en leur disant : « Vos femmes sont votre (harth) labour allez donc à vos (harth) champs comme vous l’entendez ». Il s’adresse à l’homme comme le sujet qui est concerné par la sexualité et la femme est présenté comme l’objet sexuel dont il jouit. Tout cela explique assurément en grande partie les violences sexuelles que subissent les femmes dans les sociétés musulmanes. (..) La violence peut avoir en effet plusieurs facteurs. Dans mon ouvrage (La nécessaire réconciliation, UPblisher, France) qui est une réflexion sur le phénomène de la violence, j’ explique que la cause de la violence réside en premier lieu dans le regard qu’on porte sur elle. La violence est hideuse et immorale et c’est ce caractère immoral qu’on lui attribue qui nous empêche d’y recourir. Quand la violence se moralise, autrement dit quand elle n’est plus vue comme quelque chose de mal et d’hideux, on cesse de la condamner et à ce moment-là rien de l’arrête. (…) Dans ce même ouvrage, j’ai fait un lien entre la violence chez les Maghrebins et le problème identitaire qui les mine. Je parle de problème identitaire car les Maghrébins sont des Berbères ou des Amazighs, en tous cas c’est la très grande majorité de la population, même si l’arabisation a fait en sorte que beaucoup parlent l’arabe aujourd’hui. Cependant, la très grande majorité non seulement préfère se dire arabe mais aussi déteste qu’on lui rappelle le fait qu’elle puisse être berbère et par conséquent rejette son histoire, ce qui m’a toujours interpellée. Pour moi, ne s’invente d’autres origines que celui qui a un problème avec les siennes. J’explique le lien avec la violence par le fait que celui qui n’a pas une bonne relation avec lui-même ne peut pas avoir une bonne relation, une relation paisible, avec l’autre. Celui qui porte un regard négatif sur lui-même souffre et la souffrance trouve très souvent dans la violence un moyen d’expression. Ce problème identitaire concerne les populations maghrébines au Maghreb et en dehors des frontières maghrébines. En France, on accentue le problème en appelant ces populations les Arabes. Razika Adnani
Je ne pense pas qu’agresser une femme soit un marqueur de masculinité mais l’agresser permet de soulager une frustration qui grandit au contact d’une societé où la femme est libre. Les populations qui migrent aujourd’hui, notamment afghanes ou nord-africaines, ont souvent déjà subi chez elles une forte influence du discours islamiste qui a entraîné une restriction de l’acces aux femmes aggravé par les difficultés économiques qui empêchent les jeunes hommes de réunir la dot nécessaire au mariage. C’est donc avec une grande frustration que ces migrants arrivent, surtout lorsqu’ils sont confrontés aux femmes occidentales. Face à cette confrontation des cultures, certains d’entre eux y voient une chance, là où d’autres rejettent cette liberté et la condamnent préférant préserver leur mode d’existence, hostile à l’émancipation féminine. Des études récentes ont démontré que le plus grand écart d’opinions entre le monde musulman et l’Occident concernait le rôle des femmes et les questions liées à la sexualité et non par exemple la défense d’un système démocratique. (…) L’un des grands chocs que vivent les immigrés venus de pays autoritaires et arrivant en France est la liberté de mœurs, mais aussi la liberté politique et la liberté de culte. Pour les personnes issues de cultures où l’individu ne conçoit pas la vie sur terre sans l’existence de Dieu, le fait d’afficher son athéisme est perçu comme un sacrilège. Cela est particulièrement vrai pour les migrants musulmans et surtout sa frange radicale qui n’accepte ni la liberté de culte ni celle de la femme. La violence est dès lors légitime, car elle est perçue comme nécessaire pour défendre sa culture et sa religion. La condamnation morale saute au profit d’une instauration par la force d’une société plus juste, plus pieuse, plus conforme à l’idéal religieux prôné. On ne comprend pas en Occident que l’absence de religion est un fait minoritaire dans le monde et qu’il bouleverse les populations migrantes. Laurence D’Hondt
Dans la vision islamique de l’histoire, la création de l’État d’Israël est scandaleuse et doit être annulée. En d’autres termes, le ressentiment de l’Islam à l’égard des Juifs est de type droitiste, une réaction à une injustice vécue non pas comme un déni d’égalité des droits mais comme un privilège accordé par Allah – d’où l’impossibilité manifeste pour Israël de satisfaire les demandes des Palestiniens, sauf à abandonner la totalité de la terre « du fleuve à la mer ». Dans le cadre politique occidental, cette assurance de l’élection divine présente des parallèles évidents avec la vision nazie de la « race maîtresse », d’où les sympathies nazies de Haj Amin al-Husseini, mufti de Jérusalem, qui a fait des émissions en arabe pendant la Seconde Guerre mondiale depuis Berlin, où il a vécu pendant toute la guerre avec des honneurs comparables à ceux dus à un chef d’État – bien qu’Hitler n’ait pas honoré sa demande de se distraire de la conduite de la guerre afin de chasser les Juifs de la Palestine. L’influence de Husseini est encore visible aujourd’hui, par exemple dans le langage de la résistance palestinienne lorsqu’elle insiste sur le danger supposé que la présence juive à Jérusalem représente pour la mosquée Al-Aqsa – d’où le nom de l’invasion du Hamas du 7 octobre, l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ». Comprendre le rôle d’Husseini permet d’expliquer ce qui peut sembler anormal dans l’alliance sans faille formée entre les antisionistes musulmans et gauchistes sur les campus universitaires et avec des mouvements tels que BLM. Le radicalisme islamique s’est adapté à la mentalité occidentale en présentant non pas l’islam lui-même, mais les Palestiniens comme des victimes des Juifs ; c’était déjà le cas avec la réaction d’Husseini aux premières colonies sionistes dans ce qui est aujourd’hui Israël. De cette manière, la primauté sacrée affirmée comme un principe qui fait de toute terre occupée par l’Islam sa possession permanente est assimilée à la critique du colonialisme occidental formulée par des personnes telles que Frantz Fanon. Il va sans dire que le fait que toutes les terres de l’Islam aient été conquises à l’origine n’a rien de commun avec le colonialisme occidental ; c’était la volonté d’Allah. D’autant plus que la Terre Sainte est occupée par des juifs « européens » qui n’ont aucun lien ancestral avec les Hébreux d’autrefois. L’islam peut ainsi s’allier aux classes victimes « intersectionnelles » de l’Occident et à leurs souffrances aux mains des Européens blancs (hétérosexuels, etc.) – ce que les Français appellent l’islamogauchisme. Les terroristes du Hamas qui assassinent et torturent sadiquement les Israéliens sont acclamés par l’extrême gauche, tant en France où, contrairement aux communistes, la LFI (La France Insoumise) de Mélenchon refuse de les condamner, que sur de nombreux campus universitaires américains où les étudiants pro-palestiniens ne se contentent pas d’excuser les actes les plus barbares du Hamas, mais les exaltent comme des réactions justifiées à l’oppression de l’Israël de l’apartheid. Il n’est pas nécessaire de croire en des forces surnaturelles pour considérer les Juifs de la société occidentale comme un peuple marqué de manière unique, à la fois sacré et maudit. En effet, les manifestations spontanées de sympathie du public occidental pour l’attaque du Hamas, bien plus importantes et plus ouvertement enthousiastes que celles du 11 septembre ou des incursions islamistes sur le sol français, sont révélatrices de la profondeur latente de l’antisémitisme dans la société occidentale, que l’ère post-holocauste avait recouverte depuis la Seconde Guerre mondiale pour permettre sa réémergence sous une forme nouvelle et affirmée. La souffrance de la Palestine est considérée comme une preuve manifeste de la malveillance juive, et les actes de ses défenseurs contre Israël sont considérés comme les premiers chapitres de la fin de la domination américaine et occidentale sur le monde. Cette version musulmane « anticoloniale » de l’antisémitisme présente de nombreux avantages par rapport à l’ancienne version raciale (qu’elle ne contredit pas pour autant). L’islam donne à l’antisémitisme une force qu’il n’a jamais eue en Occident, sans être entaché par l’obsession des nazis. Car l’islam ne partage aucun des traits apologétiques du monde chrétien ; il n’insiste pas sur le péché originel de l’humanité, mais seulement sur la nécessité de sa soumission. Et se soumettre, c’est accepter comme vrais, quand c’est nécessaire, les mensonges les plus scandaleux – ou plutôt les affirmer comme vrais, puisque l’idée de soumission exclut celle d’acceptation. (…) En somme, l’islam radical que nous appelons islamisme est respecté par la gauche occidentale pour sa propre forme de primauté : son refus de reconnaître l’antériorité spirituelle ou physique des Juifs, et de manière tout aussi significative, la volonté de ses croyants de sacrifier leur vie lorsque c’est nécessaire pour leurs croyances, même si elles sont rationnellement absurdes. Il ne fait aucun doute que les soldats ont toujours été appelés à faire le sacrifice suprême, mais la proportion de musulmans qui se sont engagés dans la violence suicidaire est certainement bien plus importante que dans n’importe quelle autre grande religion. D’où la volonté concomitante de ces guerriers de s’engager dans le type de massacre inhumain dont le Hamas vient de donner un exemple. Avant l’Holocauste, rappelons que le premier génocide moderne a été perpétré par les Turcs musulmans contre les Arméniens et d’autres chrétiens d’Orient pendant et après la Première Guerre mondiale – un autre crime contre l’humanité qui semble aujourd’hui sur le point de se renouveler. (…) avec les débuts du sionisme dans l’ère moderne, le mouvement musulman vers la modernisation a été de plus en plus remplacé par un nouveau fondamentalisme dont le pouvoir découle de la réactivation du ressentiment qui a conduit à la fondation de l’islam : le sentiment d’exclusion des Arabes du désert de ce qui était à l’époque les civilisations les plus avancées. Alors que l’Islam médiéval était considéré en Occident avec une admiration ambivalente, les théoriciens de l’Islam radical du 20ème siècle, de Sayyid Qutb à Edward Said, considéraient l' »orientalisme » occidental comme un exotisme humiliant. Cette vision a engendré un fondamentalisme « islamiste » qui n’a fait que croître avec les succès d’Israël et dont l’effet psychologique a été illustré par les récents massacres. Les racines profondes du ressentiment dans l’Islam ont donné naissance à un mouvement islamiste mondial. Si son centre de pouvoir se trouve aujourd’hui dans l’Iran chiite, il déborde assez facilement dans le monde sunnite, où le Hamas est soutenu sur un pied d’égalité avec le Hezbollah chiite. Ainsi, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la modernité contemporaine a ironiquement renouvelé la force de l’Islam en tant qu’anti-civilisation, Israël reprenant le rôle des tribus juives conquises pour la première fois par Mahomet. Alors que les nazis ont dû, pour ainsi dire, se « déciviliser » dans leur traitement des Juifs, pour les musulmans, cet État est pour ainsi dire leur racine historique, leur point de départ. Pourtant, cette tendance atavique, motivée par l’hostilité à la modernité occidentale et surtout à l' »usurpation » sioniste des territoires islamiques, n’est pas encore arrivée à son terme. Mais cette tendance atavique, mue par l’hostilité à la modernité occidentale et surtout à l' »usurpation » sioniste du territoire islamique, est loin de faire l’unanimité parmi les musulmans en général, comme l’ont montré les « Accords d’Abraham » récemment présentés comme un exemple pour l’Arabie Saoudite et le reste du monde islamique. Cette ouverture, retardée mais non abandonnée, ne fait que renforcer le fanatisme des djihadistes, d’où le pogrom de Simchat Torah, mené avec le soutien de l’Iran, qui désigne Israël, patrie de l’identité juive et occidentale, comme bouc émissaire du colonialisme occidental. Dans le contexte historique actuel, ce pogrom pourrait constituer un véritable tournant. Ses horreurs, loin d’être déguisées ou niées, ont été fièrement diffusées sur Internet. Bien que le nombre d’Occidentaux capables d’applaudir publiquement ces actes soit effroyable, il est encore loin d’être majoritaire ; l’expression personnelle d’horreur de M. Biden, partagée par presque tous les responsables publics des deux partis, a montré que même l’influence considérable de la gauche Woke sur les démocrates ne va pas aussi loin. Ainsi, au moins pour le moment, l’influence de l’attrait « postcolonialiste » d’Obama pour l’Iran, le commanditaire de la plupart des actes de terrorisme djihadiste dans le monde, a atteint sa limite. Aucun homme politique responsable ne peut se permettre de défendre ou même d’excuser de tels actes, et le nombre d’exceptions est heureusement limité. Et le fait que les Occidentaux réveillés, non pas dans les bureaux des entreprises mais sur les campus universitaires et dans les rues des villes, se soient montrés sans vergogne dans leur soutien aux actions du Hamas, fournit un excellent point où une ligne rouge peut être tracée ; comme je pense qu’ils en prendront bientôt conscience. Espérons qu’Israël tiendra ses promesses de débarrasser Gaza du Hamas, que les liens entre les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite seront renforcés et que les États-Unis cesseront enfin de dorloter la tyrannie iranienne pour se ranger du côté de la majorité de la population iranienne et l’aider à retrouver un gouvernement démocratique moderne. L’islamisme soutenu par l’Iran, comme l’Etat islamique avant lui, a franchi un pont trop loin. Eric Gans
S’il n’y avait qu’une seule phrase à retenir dans toute l’histoire du public rock, ça serait « A POOOOIL ». Confliktarts
Quelqu’un a crié ‘à poil’ et ça a dérapé. Syndicaliste (Air France)
Il s’agit avant tout d’une question de genre, d’hommes qui croient qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de femmes vulnérables. Mais vous ne pouvez pas non plus faire l’impasse sur le facteur racial. C’est l’éléphant au milieu de la pièce. Nazir Afzal
Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. Violeur pakistanais
En moyenne, seuls 10% des viols commis en France font l’objet d’une plainte. On estime en moyenne que, chaque année, 84000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes d’un viol ou d’une tentative. Portrait-robot du violeur (…) lorsque l’information était disponible, plus de la moitié d’entre eux (52%) sont de nationalité étrangère (sans précision sur le pays d’origine) et 44% sont sans emploi. Dans près de la moitié des cas (48%),ils étaient déjà connus des services de police dont 1/5 pour des infractions sexuelles. On dénombre 31% de victimes de nationalité étrangère, dont un tiers d’Européennes. La moitié de ces victimes (49%) a un emploi, avec une forte représentation de la catégorie cadres et professions intellectuelles supérieures. (…)  Les violeurs semblent profiter de la faiblesse de leurs proies puisque, sur les 513 victimes de viol pour lesquelles l’information était disponible, 255 étaient intoxiquées au moment des faits. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de consommation d’alcool. (…) Si l’on rapporte le nombre de faits déclarés à la population, on enregistre les taux les plus élevés dans les Ier, Xe et XIe arrondissement et les plus faibles dans les VIIe et XVe arrondissements. Au-delà de ces limites administratives, c’est dans le secteur Folie-Méricourt (XIe) et à proximité de la station de métro Belleville (Xe, XIXe, XXe) que l’on enregistre le plus grand nombre de viols commis. « Le quartier des Halles et l’axe boulevard de Sébastopol-quartier République présentent également une densité élevée de viols par rapport au reste du territoire parisien», ajoutent les auteurs qui citent également d’autres lieux: la gare du Nord, la gare Montparnasse, l’axe place de Clichy-place Pigalle et le boulevard Barbès. Sans surprise, on apprend que la plupart des viols sont commis la nuit (73%) et le week-end (40% de viols le samedi et le dimanche). L’étude indique que, dans la moitié des cas (49 %), les victimes entretenaient un lien (amical ou sentimental) avec l’agresseur. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il est en deçà des statistiques globales selon lesquelles la victime connaît son agresseur dans 90 % des cas. Une différence qui s’explique sans doute par le fait que l’étude de l’ONDRP repose sur les faits déclarés aux autorités. (…) On constate enfin que, dans près de trois quarts des cas (74 %), les viols commis à Paris en 2013 et 2014 l’ont été dans des espaces privés, à commencer par les lieux d’habitation (57 %). Seuls 12 % ont été commis sur la voie publique. « Même s’il frappe l’opinion publique, le viol crapuleux n’est pas la norme », rappelle Me Moscovici. Le Parisien
A l’exception d’un demandeur d’asile afghan, tous sont d’origine pakistanaise. Toutes les filles sont blanches. L’équation est aussi froide et simple qu’explosive, dans un Royaume-Uni en proie au doute sur son modèle multiculturel. (…) Dans les semaines suivant le procès, les médias égrènent les noms de villes où des gangs similaires à celui de Rochdale sont démantelés : Nelson, Oxford, Telford, High Wycombe… Et, fin octobre, c’est à nouveau à Rochdale qu’un groupe de neuf hommes est appréhendé. Chaque fois, les violeurs sont en grande majorité d’origine pakistanaise. Les micros se tendent vers les associations ou les chercheurs spécialisés dans la lutte contre les abus sexuels. Selon leurs conclusions, entre 46 % et 83 % des hommes impliqués dans ce type précis d’affaires – des viols commis en bande par des hommes qui amadouent leurs jeunes victimes en « milieu ouvert » – sont d’origine pakistanaise (les statistiques ethniques sont autorisées en Grande-Bretagne). Pour une population d’origine pakistanaise évaluée à 7 %. (…) En septembre, un rapport gouvernemental conclura à un raté sans précédent des services sociaux et de la police, qui renforce encore l’opinion dans l’idée qu’un « facteur racial » a joué dans l’affaire elle-même, mais aussi dans son traitement par les autorités : entre 2004 et 2010, 127 alertes ont été émises sur des cas d’abus sexuels sur mineurs, bon nombre concernant le groupe de Shabir Ahmed, sans qu’aucune mesure soit prise. A plusieurs reprises, les deux institutions ont estimé que des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans « faisaient leurs propres choix de vie ». Pour Ann Cryer, ancienne députée de Keighley, une circonscription voisine, aucun doute n’est permis : police et services sociaux étaient « pétrifiés à l’idée d’être accusés de racisme ». Le ministre de la famille de l’époque, Tim Loughton, reconnaît que « le politiquement correct et les susceptibilités raciales ont constitué un problème ». L’air est d’autant plus vicié que, à l’audience, Shabir Ahmed en rajoute dans la provocation. Il traite le juge de « salope raciste » et affirme : « Mon seul crime est d’être musulman. » Un autre accusé lance : « Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. » (…) un employé de la mairie s’interroge. Anonymement. « Où est la limite du racisme ? Les agresseurs voyaient ces filles comme du « déchet blanc », c’est indéniablement raciste. Mais les services sociaux, des gens bien blancs, ne les ont pas mieux considérées. » A quelques rues de là, dans sa permanence, Simon Danczuk, député travailliste de Rochdale qui a été l’un des premiers à parler publiquement d’un « facteur racial », juge tout aussi déterminant ce qu’il appelle le « facteur social » : « Les responsables des services sociaux ont pu imaginer que ces filles de même pas 15 ans se prostituaient, alors qu’ils en auraient été incapables à propos de leurs propres enfants. » (…) Mohammed Shafiq estime qu’ »une petite minorité d’hommes pakistanais voient les femmes comme des citoyens de seconde catégorie et les femmes blanches comme des citoyens de troisième catégorie ». Mais, pour lui, les jeunes filles agressées étaient surtout vulnérables. « Le fait qu’elles traînent dehors en pleine nuit, qu’elles soient habillées de façon légère, renforçait les agresseurs dans leur idée qu’elles ne valaient rien, qu’elles étaient inférieures. Mais cela faisait surtout d’elles des proies faciles, alors que les filles de la communauté pakistanaise sont mieux protégées par leur famille, et qu’un abus sexuel y est plus difficilement dissimulable. » Le Monde
Cologne résonne pourtant avec ce qui a pu être constaté en Egypte. On pense au film de Mohamed Diab Les Femmes du bus 678 (2011), et la façon dont des femmes subissent des attouchements. On pense à une enquête de l’écrivain et ancien journaliste du Monde Robert Solé qui décrivait les viols collectifs à répétition en Egypte (« Culture & idées » du 27 avril 2013). Des dizaines voire des centaines d’hommes se jettent sur une ou plusieurs femmes pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts. Cette folie collective porte le nom de « taharosh ». Elle a souvent lieu lors de fêtes religieuses. Cela ressemble à ce qui s’est passé lors du soulèvement place Tahrir, au Caire, en 2011. Et cela ressemble à Cologne. Le Monde
Je suis choquée qu’après Cologne le mouvement féministe allemand dominant ait pris très vite une position xénophobe et antiarabe. Les violences dont sont victimes les femmes lors des fêtes de la bière sont mille fois pires. Mais, ici, ce qui est en jeu, c’est le fantasme du viol de la femme allemande par l’étranger . (…) Je suis violemment pour qu’on puisse porter le voile. Le dogme de la laïcité à la française est le résultat historique de la lutte entre la République et l’Eglise. Cela n’a rien d’universel. Forcer les femmes à se découvrir est une attitude néocoloniale. Ce sont les colons français au Maghreb qui ont commencé.  Barbara Vinken
Contrairement à la France, qui estime ses valeurs universelles, l’Allemagne, depuis le nazisme, ne peut plus se permettre de vouloir imposer sa culture. Les Allemands n’osent même pas critiquer d’autres modes d’expression culturelle . Béatrice Angrand (secrétaire générale de l’Office franco-allemand pour la jeunesse)
Les jeunes féministes allemandes sont d’autant moins enclines à critiquer le voile qu’un certain nombre d’entre elles, musulmanes, le défendent. La rappeuse Reyhan Sahin, par exemple, une spécialiste de la « sémiotique de l’habillement », est détestée par de nombreux musulmans, mais son travail universitaire sur « la signification du voile musulman en Allemagne » a été très remarqué. « Pour elle, le voile est un signe d’émancipation », note Sonja Eismann. Certaines féministes, d’ailleurs, le portent. Le Monde
Si l’on vit assez longtemps, on voit que toute victoire se change un jour en défaite.  Simone de Beauvoir 
Alors que la société allemande s’indigne face au récit terrifiant de la nuit de Cologne, durant laquelle des agressions sexuelles de masse ont été commises sur des femmes par des bandes d’hommes dont la plupart seraient d’origine étrangère, plusieurs voix féministes se sont élevées pour rappeler que la culture du viol n’est pas un phénomène importé mais bel et bien ancré dans la culture allemande depuis des siècles. La Fête de la bière de Munich en est l’un des exemples les plus criants. (…) chaque année, plusieurs dizaines d’agressions sexuelles ont lieu durant l’Oktoberfest. Et ce malgré une présence policière renforcée –300 policiers déployés sur la trentaine d’hectares de la «Wiesn», comme les Bavarois appellent la grande «prairie» verte sur laquelle ont lieu les festivités– et la mise en place il y a quelques années d’une vingtaine de caméras de surveillance et de puissants projecteurs à l’extérieur des «tentes à bière», de manière à ne pas laisser de zones plongées dans l’ombre la nuit venue. (…) Pour les femmes qui se rendent dans ces tentes à bière à l’ambiance surchauffée, les paroles vulgaires, les mains baladeuses, les demandes insistantes font partie intégrante de l’Oktoberfest. «Le viol est seulement la partie émergée de l’iceberg», insiste Maike Bublitz, pédagogue au Frauennotruf München. Il existe même un numéro d’urgence destiné aux femmes victimes de violences. «Il y a bien plus de violations des limites, qui vont du fait de tripoter les femmes aux abus sexuels. Il y a une vaste palette d’agressions sexuelles.»(Le nombre d’agressions sexuelles et de viols est pourtant bien plus élevé que celui que laissent entrevoir les statistiques policières, estiment les représentantes des associations présentes sur les lieux, qui estiment que pour une plainte pour viol déposée, il y a en réalité dix à vingt viols. Beaucoup de femmes continuent à avoir honte de signaler une agression aux autorités ou sont découragées par la perspective d’une longue et douloureuse procédure judiciaire qui n’a de toute façon que très peu de chances de déboucher sur une condamnation. Moins d’1% des hommes coupables de viol sont, en effet, condamnés par la justice allemande, comme le rappelait il y a quelques années une campagne d’information lancée par une association féministe allemande qui réclame depuis des années une réforme du paragraphe 177 du code pénal allemand, qui jusqu’à présent ne reconnaît l’existence d’un viol que dans trois cas de figure –lorsque le rapport sexuel est obtenu par la violence, sous la menace ou lorsque la victime ne peut se défendre. Le fait que l’Oktoberfest attire un public international n’est aussi pas étranger à ce faible taux de plaintes déposées, indique Kristina Gottlöber: «Ces touristes ne savent pas comment fonctionne la procédure judiciaire en Allemagne. Une Américaine peut se demander si elle doit ou pas porter plainte quand elle sait qu’elle rentre le surlendemain aux États-Unis. Doit-elle rester sur place, prendre un avocat, quels sont les coûts? Elles veulent simplement rentrer chez elles et oublier l’agression.» (…) Ni la police, ni les associations qui travaillent sur le terrain estiment que les violences sexuelles dont l’Oktoberfest est le théâtre chaque année sont comparables avec l’ampleur extraordinaire des harcèlements de masse qui ont eu lieu à Cologne durant la nuit du Réveillon. Mais Maike Bublitz signale que ce type de violences commises en groupes ont déjà été rapportées durant l’Oktoberfest: «Il y a eu quelques cas où des femmes ont été encerclées par plusieurs hommes et harcelées, tripotées, touchées à l’entrejambe, comme ce qu’on a pu entendre au sujet de Cologne. Cela nous a été rapporté par des femmes au “security point”.» Les agressions ont lieu partout, de jour comme de nuit, rapportent la police et les associations. À l’intérieur des chapiteaux, dans les toilettes, aux abords des manèges, mais surtout sur la fameuse «Kotzhügel», cette «colline de la gerbe» située en bordure des chapiteaux où les visiteurs alcoolisés au dernier degré ont pour habitude de venir vider leurs estomacs et de piquer un somme, voire les deux en même temps, comme on peut le voir sur les fameuses photos prises sur place par les visiteurs chaque année dont nous vous parlions en 2013. Une pratique consistant à déshabiller et photographier sous leur jupe les femmes ivres endormies sur place est d’ailleurs apparue ces dernières années, rapportent les associations. «Nous savons qu’il y a des hommes qui viennent exprès à l’Oktoberfest parce qu’ils pensent qu’ils auront beau jeu», explique Maike Bublitz.(…) L’Oktoberfest n’est d’ailleurs pas la seule grande fête populaire allemande où des agressions sexuelles ont lieu de manière récurrente. Cologne, justement, accueille chaque année au début du mois de février un des plus grands défilés costumés au monde, qui attire chaque année 1,5 million de visiteur. La maire de la capitale rhénane, Henriette Reker, a d’ailleurs annoncé quelques jours après la fameuse nuit où des centaines de femmes ont été agressées qu’un important dispositif policier allait être déployé cette année pour assurer la sécurité des femmes durant le carnaval de Cologne. Les agressions sexuelles y sont pourtant légion depuis des années. En 2014, des féministes ont d’ailleurs lancé un tumblr baptisé «KonsensKarneval» listant et dénonçant les consignes diffusées à l’attention des femmes par les différentes municipalités et commissariats allemands à l’occasion du carnaval. Leur slogan:«Mon costume n’est pas une invitation. » Slate
Ce devait être un concours de strip-tease avec un voyage aux Etats-Unis à gagner pour la candidate la moins timide. Le jeu a sordidement viré à l’agression sexuelle et au viol collectif. (…) Ce soir-là, l’établissement organisait un concours appelé American Party en référence au film « American Pie ». Une cliente de 27 ans a remporté le prix en terminant sans soutien-gorge et en string. C’est à ce moment qu’une dizaine de spectateurs l’ont rejoint sur scène. Elle s’est retrouvée plaquée au sol puis violée. Le Parisien (La Réunion, mai 2015)
Une partie de striptease organisée dans la boîte de nuit Le Chapiteau à Montvert les Bas a dérapé. Un concours de striptease organisé dans le but de remporter un billet aller-retour pour les Etats-Unis a vu se succéder sur la scène des jeunes femmes du public. Dans l’esprit de cette « american party », le cadeau allait revenir à la jeune fille la plus entreprenante sur le podium. Malheureusement, l’organisation de la discothèque se serait laissée déborder par les agissements de certains de ses clients à tel point que le propriétaire du Chapiteau indique n’avoir rien constaté d’anormal sur le moment. Ce soir-là donc, après avoir enlevé tous ses vêtements, à l’exception de son string, une jeune femme a été entourée par un groupe d’une douzaine d’hommes. Dans l’attroupement et l’euphorie alcoolisée de cette american party, la cliente, une ancienne gogo danseuse de l’établissement, a été victime d’attouchements sexuels puis de pénétrations digitales. Il était vers 1h30 du matin dans la nuit du jeudi 30 avril au vendredi 1er mai. La victime a porté plainte contre X pour viol en réunion dès le 1er mai à la brigade territoriale de gendarmerie de Petite Ile mais les investigations ont été transférées aux enquêteurs de la police nationale, compétente pour le territoire sur lequel est intervenue cette affaire. Zinfos 974
Ne crie pas comme ça, on va finir par croire que je te viole. Adolescent congolais
Nos médias opposent généralement les réfugiés appartenant aux classes moyennes «civilisées» et les «barbares» des classes inférieures, qui volent, qui harcèlent les femmes et les violentent, qui défèquent en public, etc. Au lieu de dénigrer tout ce discours en le présentant comme une propagande raciste, nous devrions avoir le courage de discerner un élément de vérité en lui: la brutalité, qui va jusqu’à la cruauté absolue pour les faibles, pour les animaux, les femmes, etc., est un trait caractéristique traditionnel des «classes inférieures» ; l’une de leurs stratégies de résistance face aux détenteurs du pouvoir a toujours consisté à faire un terrifiant étalage de brutalité, destiné à perturber le sens de la décence des classes moyennes. Et il est tentant d’interpréter ainsi ce qui s’est passé à Cologne durant la nuit de la Saint-Sylvestre, il est tentant d’interpréter ces événements comme un obscène carnaval de classes inférieures (…) De façon assez prévisible, l’événement gagne en ampleur au fil des jours: ce sont désormais plus de 500 femmes qui ont porté plainte, des incidents similaires ayant été constatés dans d’autres villes allemandes (ainsi qu’en Suède) cette même nuit-là ; certains éléments laissent penser que ces agressions étaient préméditées et coordonnées ; par ailleurs, des «défenseurs de l’Occident civilisé», barbares d’extrême-droite anti-immigrés, contre-attaquent en agressant des immigrés, de sorte que la spirale de la violence menace de se déchaîner… Et, de façon là encore prévisible, la gauche libérale politiquement correcte a mobilisé ses troupes pour minimiser l’événement, de la même façon qu’elle l’avait fait dans le cas de Rotherham il y a un an. Mais il y a plus, bien plus. C’est qu’il nous faudrait intégrer le carnaval de Cologne à cette longue histoire qui débute sans doute dans le Paris des années 1730 et dont le dit «grand massacre des chats» décrit par Robert Darnton – au cours duquel des ouvriers d’imprimerie torturèrent et tuèrent rituellement tous les chats sur lesquels ils purent mettre la main, y compris l’animal chéri de la femme de leur maître – constitue un jalon essentiel. Ces apprentis-là étaient moins bien traités que des animaux, moins bien traités que les chats tant adorés par l’épouse de leur maître. Une nuit, les gars décidèrent de réparer cette injustice: ivres de joie, de chaos, hilares, ils déversèrent des sacs entiers de chats à demi-morts dans la cour de l’imprimerie avant de les pendre à un gibet improvisé. Pourquoi ce massacre était-il si amusant ? Durant le carnaval, les gens de peu suspendaient les règles normales régissant le comportement de chacun ; ils renversaient l’ordre social, cérémonieusement pour ainsi dire: ils le retournaient cul par dessus tête au cours de processions séditieuses. Le carnaval était cette parenthèse laissant libre cours à l’hilarité, à la sexualité, à l’émeute – et la foule incorporait souvent la thématique de la torture des chats dans ses chants et morceaux de musique. Tout en moquant un cocu, ou quelque autre victime, les séditieux faisaient un sort à un chat, ils lui arrachaient sa fourrure pour le faire hurler. Faire le chat, appelait-on cela en France. Les Allemands, eux, parlent de Katzenmusik – un terme dont l’origine remonte très probablement à ces pratiques, à ces hurlements de chats torturés. La torture des animaux, et particulièrement des chats, fut un divertissement populaire tout au long des débuts de la modernité européenne. C’est que les chats étaient associés à l’aspect le plus intime de la vie domestique: le sexe. Le chat, la chatte, le minet sont des termes de l’argot français qui signifient ce que signifie pussy en anglais, et ils ont été utilisés des siècles durant dans un registre obscène. Et si nous envisagions les événements de Cologne comme une version contemporaine du faire le chat ? Comme une rébellion carnavalesque des laissés-pour-compte ? Je ne crois pas qu’il s’agissait simplement pour ces hommes jeunes et affamés de sexe de satisfaire de toute urgence leurs pulsions: cela, ils auraient pu le faire de façon plus discrète, dissimulée. Le plus important pour eux, me semble-t-il, était de donner un spectacle public destiné à installer dans les esprits des sentiments de peur et d’humiliation: les pussies, les chattes des Allemandes des classes privilégiées devaient faire l’expérience d’une douloureuse vulnérabilité. Il ne faut naturellement pas chercher dans un tel carnaval le moindre élément synonyme de rédemption, d’émancipation ou de libération effective – mais c’est bien ainsi que se déroulent les carnavals. Voilà pourquoi les tentatives naïves visant à «éclairer» les immigrants (visant à leur expliquer que nos mœurs sexuelles sont différentes, qu’une femme marchant tout sourire dans la rue en mini-jupe n’invite pas ce faisant à un rapport sexuel, etc.) sont d’une impressionnante bêtise. Ils savent très bien tout cela, et c’est précisément pourquoi ils agissent ainsi. Ils savent parfaitement que ce qu’ils font est radicalement étranger à notre culture, et ils le font dans le but précis de blesser nos sensibilités. Voilà pourquoi nous devons contribuer à ce que change cette posture faite d’envie et d’agressivité vengeresse, et non pas leur enseigner ce qu’ils savent déjà parfaitement. Slavoj Žižek
Malgré la mort et la destruction, ma famille a maintenant une chance d’avoir un avenir meilleur. Tout peut être reconstruit. Ce sont les vies perdues qui ne peuvent être remplacées. Cette guerre a transformé Mossoul en cimetière. Daoud Salem Mahmoud (habitant de Mossoul)
Le prix que les habitants de Mossoul ont payé en sang pour voir leur ville libérée a été de 9 000 à 11 000 morts, un taux de pertes civiles près de 10 fois supérieur à ce qui a été précédemment rapporté. Le nombre de personnes tuées au cours des neuf mois de bataille pour libérer la ville des bandits du groupe État islamique n’a pas été reconnu par la coalition dirigée par les États-Unis, le gouvernement irakien ou le califat autoproclamé. Mais les fossoyeurs de Mossoul, les employés de la morgue et les bénévoles qui récupèrent les corps dans les décombres de la ville tiennent le compte. Les forces irakiennes ou de la coalition sont responsables d’au moins 3 200 décès de civils dus à des frappes aériennes, des tirs d’artillerie ou des obus de mortier entre octobre 2016 et la chute du groupe État islamique en juillet 2017, selon une enquête de l’Associated Press qui a recoupé des bases de données indépendantes d’organisations non gouvernementales. La plupart de ces victimes sont simplement décrites comme « écrasées » dans les rapports du ministère de la Santé. La coalition, qui dit manquer de ressources pour envoyer des enquêteurs à Mossoul, ne reconnaît sa responsabilité que pour 326 de ces décès.(…)Outre la base de données d’Airwars, l’AP a analysé des informations provenant d’Amnesty International, d’Iraq Body Count et d’un rapport des Nations Unies. L’AP a également obtenu de la morgue de Mossoul une liste de 9 606 personnes tuées au cours de l’opération. Des centaines de civils morts seraient encore enterrés dans les décombres. AP news (21 décembre 2017)
Ca a été tout compte fait le plus grand assaut contre une ville depuis deux générations. Et des milliers de personnes sont mortes. Il ne semble pas y avoir de désaccord à ce sujet, sauf de la part du gouvernement fédéral et de la coalition. Comprendre comment ces civils sont morts, et il est évident que l’Etat islamique a également joué un rôle important, pourrait permettre de sauver de nombreuses vies la prochaine fois qu’un événement de ce type se produira. Et le désintérêt pour toute forme d’enquête est très décourageant. Chris Woods (Airwars)
Des mois se sont écoulés depuis ce jour d’octobre que les Israéliens appellent le Sabbat noir, lorsque des militants [sic] du Hamas se sont déchaînés sur Israël depuis Gaza, une attaque qui, selon les autorités, a fait quelque 1 200 morts et a comporté des actes de torture, de mutilation et de violence sexuelle. Les enquêteurs israéliens utilisent actuellement quelque 200 000 photographies et vidéos et 2 000 témoignages pour reconstituer ce qui s’est passé, dans le but de constituer un dossier juridique à l’encontre des responsables qui répondrait aux normes internationales et fournirait un compte rendu historique définitif de l’attaque du 7 octobre. Des journalistes du Wall Street Journal ont examiné certaines de ces preuves, complétées par des interviews de premiers intervenants, de survivants, de familles de victimes et de médecins légistes, afin de documenter une attaque que le commissaire de police israélien Kobi Shabtai a qualifiée de « systématique et d’une cruauté sans précédent ». Les preuves médico-légales communiquées au Journal par les responsables israéliens montrent que certaines victimes ont été brûlées vives après que des militants [sic] ont utilisé des accélérateurs pour mettre le feu à leurs maisons. Les photos consultées par le Journal et prises par les premiers intervenants sur les lieux montrent que les corps ont été mutilés, y compris les organes sexuels des hommes et des femmes. Les corps des femmes et des jeunes filles présentaient divers signes d’agression sexuelle et, récemment, au moins trois survivantes se sont manifestées pour dire qu’elles avaient subi des violences sexuelles le 7 octobre. Les responsables du Hamas nient que leurs combattants aient tué des enfants et violé des femmes. L’enquête israélienne devrait déboucher sur un procès qui serait le plus important du pays depuis le début des années 1960, lorsqu’Israël avait capturé, jugé et pendu l’ancien dignitaire nazi Adolf Eichmann pour son rôle central dans l’Holocauste. (…) La police israélienne examine les témoignages des militants [?] capturés, les images des caméras obtenues sur eux, les médias sociaux, les tableaux de bord des véhicules et les caméras de sécurité dans tout le sud d’Israël, ainsi que le matériel saisi à Gaza. Selon les analystes juridiques, l’une des difficultés de l’enquête réside dans le fait que la collecte de preuves médico-légales a été limitée au lendemain du 7 octobre, alors que l’armée israélienne était engagée dans des combats dans la région pendant les jours qui ont suivi l’attaque. (…) L’enquête israélienne pourrait également avoir pour objectif de préserver l’histoire, tout comme le procès Eichmann a exposé au monde entier la solution finale de l’Allemagne nazie et a lancé un processus permettant aux témoins de se présenter en masse pour parler des horreurs qu’ils ont vécues. Israël a identifié environ 800 civils morts depuis le 7 octobre, dont 37 mineurs de moins de 17 ans, six d’entre eux ayant moins de 5 ans. Quelque 25 personnes âgées de plus de 80 ans ont été tuées, dont une femme de 94 ans, selon le bureau du premier ministre. (…)  Les scanners ont révélé des signes de torture et d’exécution, selon le Dr Chen Kugel, directeur du centre médico-légal. Dans certains cas, le centre a trouvé de la suie dans la trachée, ce qui indique que les personnes ont été brûlées vives en inhalant de la fumée avant que leurs corps ne soient carbonisés. D’autres ont été brûlés alors qu’ils étaient déjà morts. Un examen des restes noircis visionnés par le Journal a révélé deux colonnes vertébrales et deux cages thoraciques appartenant à un enfant et à un adulte qui ont été attachés ensemble avec du fil métallique et brûlés vifs, a indiqué M. Kugel. Il a ajouté que plus de 20 corps ont été retrouvés avec les mains liées par des attaches zippées ou des fils électriques, ce qui indique qu’ils ont été exécutés. Les militants [?] ont posté des vidéos de certains des meurtres et des enlèvements sur les pages de médias sociaux des victimes, où les amis et les familles les regardaient. Lorsque les militants [?] sont entrés de force dans la maison de Noam Elyakim, ils lui ont tiré dans la jambe, puis ont pris le téléphone de sa femme et ont diffusé en direct sur Facebook la prise d’otage de la famille. Dans un autre cas, Shay Shimoni a vu une vidéo postée par des militants montrant sa mère de 75 ans morte dans une mare de sang. Le Journal a visionné les deux vidéos, qui ne sont plus en ligne. De nouveaux détails sur les violences sexuelles apparaissent également. Les enquêteurs n’ont initialement trouvé aucune victime de viol, mais au moins trois femmes se sont depuis manifestées auprès du ministère de la protection sociale pour dire qu’elles avaient subi des violences sexuelles, a déclaré Ayelet Razin Bet Or, une ancienne fonctionnaire du gouvernement qui a participé à l’enquête. Un témoin a vu des militants violer collectivement une femme et lui couper un sein, selon un témoignage de la police consulté par le Journal. Les premiers intervenants ont déclaré avoir vu des signes de violence sexuelle, notamment des femmes trouvées nues ou dont les sous-vêtements étaient baissés ou les hauts enlevés. Le Journal a vu des images prises par un secouriste d’une femme nue avec un couteau et trois clous dans l’entrejambe, de femmes dont les vêtements étaient partiellement ou entièrement enlevés et de femmes dont l’entrejambe était ensanglanté. Sur une autre image fournie par le secouriste, le sein d’une femme a été presque entièrement tranché. Sa chemise a été arrachée et elle a reçu un coup de couteau dans le cou. Sur deux autres photos, un homme nu a été trouvé bâillonné et abattu, et une photo montre que le globe oculaire d’un homme a été arraché. Shari Mendes, 62 ans, réserviste dans l’armée israélienne, qui a aidé à identifier les corps après le 7 octobre, a déclaré que les gens avaient reçu tellement de balles dans la tête qu’ils étaient défigurés. (…) Le festival, qui était devenu au fil des années un geste de paix pour les habitants de Gaza, était organisé par Aviv Kutz, 53 ans, sa femme Livnat, 49 ans, et leurs trois enfants adolescents. Ils espéraient que les habitants de Gaza verraient les cerfs-volants et feraient voler les leurs en retour, selon le père d’Aviv, Benny Kutz. Wall Street Journal
L’État d’Israël n’a jamais été confronté à des crimes ni à une enquête criminelle d’une telle ampleur. Ce sera l’un des procès les plus importants jamais organisés en Israël. Roi Sheindorf (ancien adjoint du procureur général)
L’ampleur et l’urgence morale du tribunal suscitent déjà des comparaisons avec le processus historique engagé contre l’ancien marchand de mort nazi Adolf Eichmann, qui a été jugé et pendu pour le rôle central qu’il a joué dans l’Holocauste. L’un des aspects des attentats du « samedi noir » qui devrait occuper une place centrale dans le procès est le recours systématique des djihadistes à la violence sexuelle à l’encontre des femmes israéliennes. Certains de ces actes horribles ont été détaillés dans un rapport du New York Times publié jeudi, notamment des viols violents et répétés, des mutilations génitales et d’autres mutilations corporelles, de la pédophilie et de la nécrophilie. Un témoin cité dans le rapport a vu une Israélienne « déchiquetée en morceaux » alors qu’un terroriste la violait et qu’un autre sortait un cutter et lui tranchait le sein. « L’un continue de la violer et l’autre jette son sein à quelqu’un d’autre, qui joue avec, le jette et le fait tomber sur la route. Le Journal a vu des images prises par un secouriste d’une femme nue avec un couteau et trois clous dans la zone de l’entrejambe, de femmes dont les vêtements ont été partiellement ou entièrement enlevés et de femmes avec du sang dans la zone de l’entrejambe. Sur une autre image fournie par le secouriste, le sein d’une femme a été presque entièrement tranché. Sa chemise a été arrachée et elle a reçu un coup de couteau dans le cou. Sur deux autres photos, un homme nu a été trouvé bâillonné et abattu, et une photo montre que le globe oculaire d’un homme a été enlevé. i24NEWS

A quand un Nuremberg pour le totalitarisme islamiste?

A l’heure où bientôt trois mois après le pogrom du 7 octobre

En apparaissent toujours plus clairement la dimension génocidaire et l’acharnement particulier contre les femmes

Mais où entre le plus abject des dénis et le rebasculement dans l’antisémitisme le plus virulent …

Ce qui était présenté il y a tout juste six ans par nos propres soldats occidentaux comme une libération des villes irakiennes de la barbarie de l’Etat islamique …

Est présenté aujourd’hui pour les soldats israéliens à Gaza comme un « génocide » face à des bouchers du Hamas qualifiés de « militants » …

Mais dont la charte, qui remplace « juifs » par « sionistes » depuis six ans, appelle toujours à « l’abrogation » d’Israël…

Pendant qu’en Occident même se multiplient…

De la part notamment d’immigrés illégaux issus de pays largement musulmans…

Mais pas seulement

Le harcèlement, les égorgements ou les viols contre nos citoyens et tout particulièrement nos femmes…

Comment ne pas voir …

Les conséquences de la même et étrange impunité …

Dont continue à profiter …

Avec les communismes russe et chinois

Contrairement aux nazisme allemand et militarisme japonais…

L’islamisme arabe et turc ?

7 octobre : Israël se prépare à un procès d’une ampleur comparable à celui d’Eichmann
i24NEWS
31 décembre 2023

« L’État d’Israël n’a jamais été confronté à des crimes ni à une enquête criminelle d’une telle ampleur »

Le Wall Street Journal publie ce dimanche une enquête approfondie sur les efforts déployés en Israël pour recueillir les preuves des crimes commis le 7 octobre, en vue du procès des terroristes et de leurs commanditaires. Le journal américain souligne qu’il s’agit de la plus grande entreprise judiciaire en Israël depuis le procès Eichmann. Le nazi responsable de la mise en œuvre de la « Solution finale » avait été jugé puis condamné à mort à Jérusalem. Débuté en avril 1961, le procès avait duré huit mois et mobilisé des journalistes du monde entier.   « L’État d’Israël n’a jamais été confronté à des crimes ni à une enquête criminelle d’une telle ampleur. Ce sera l’un des procès les plus importants jamais organisés en Israël », a déclaré au quotidien Roy Sheindorf, ancien procureur général adjoint. Les enquêteurs se sont notamment lancés dans un travail minutieux afin de documenter les crimes sexuels perpétrés par les terroristes, alors que le Hamas continue de nier les faits. Une tâche particulièrement ardue pour trois raisons principales.

D’abord parce de nombreuses preuves des viols et agressions commis ont été perdus ou effacés dans les violents combats entre les hommes du Hamas et les soldats israéliens, le 7 octobre et les jours d’après. Ensuite, parce que les experts de l’institut médico-légal d’Abou Kabir se sont focalisés sur l’identification des corps et moins sur le détail de ce qu’ils avaient subi, et sont donc passés à côté de la collecte de preuves. Enfin, parce que de nombreuses victimes, traumatisées, ont mis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant de témoigner de ce qu’elles avaient subi ou vu ce jour là. Et les témoignage continuent d’arriver. Ces derniers jours, trois femmes ayant été violées ont contacté le ministère de la Protection sociale pour témoigner.

Au total, les enquêteurs ont recueilli 2 000 témoignages ainsi que 200 000 photos et vidéos qui alimenteront les futures mises en accusation, tout en formant un corpus indispensable de données historiques. L’enquête du Wall Street Journal intervient après celles du New York Times et du Telegraph sur les crimes sexuels du Hamas.

Voir aussi:

Eric Gans
Antropoietics
October 14th, 2023
This Chronicle is dedicated to those who lost their lives to the unspeakable violence of the Hamas terrorists beginning on October 7, 2023. These acts can serve the cause of humanity only in making us aware of the depth of evil of which the human soul is capable.
As I am far from the first to point out, the “zi” in “Nazi” is short for sozialist in the official name of Hitler’s party as the Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei. Every once in a while someone points this out to Leftists who see themselves as the antithesis to the Nazis, ignoring the Hitler-Stalin pact as a mere misunderstanding. The “ultra-right” are conveniently viewed as the opposites of the extreme leftists, although their politics are mirror-images of each other. What differentiates the two are two different ways of conceiving one’s resentment.
The Left’s resentment is, or at least claims to be, a reaction to the violation of the fundamental principle of human morality, traceable to the originary event: the moral equivalence of all members of the human community. The epistemology of resentment is my term for the historical emergence at the time of the French Revolution of the conviction that this sense of offense is an unimpeachable source of moral truth. For the first time in modern history, the sans-culottes’ sense of injustice at the Third Estate’s unequal status with the privileged castes was recognized as a criterion of morality on a national and international scale.
As the reaction to an offense to morality per se, the Left’s resentment is originary, and thus “natural.” This explains the public tolerance for the monstrous figures who have dominated Communist regimes. Fidel Castro’s face still graces the facades of a couple of condos in Santa Monica; no one would think to post an image of Hitler. Mao and even Stalin do not arouse the same sense of horror as der Führer.
In contrast, the resentment of the Right claims to be offended not by the violation of this basic moral law, but by a failure to respect one’s status in a social caste system: I resent not being accorded the honors I am due. This was how the term was used in the pre-modern era, when the term ressentiment had acquired none of the “underground” connotations given it by Nietzsche.
For example, in the famous line from Corneille’s Horace: Rome, l’unique objet de mon ressentiment, spoken by Camille, the cause of whose “resentment” is the death of her beloved Curiace at the hand of her brother. Camille is not asking simply to be treated like everyone else; she is resenting the death of her beloved in equal combat not as a misfortune but as an injustice. This kind of resentment begins with, “How dare you!”
It is only after the post-Revolutionary rejection of caste society had fully taken effect that modern Right-wing resentment took on its particularly sinister quality. The moral basis of the action of the Bolsheviks and other Left-wing revolutionaries was still the sans-culotte sense of having being denied what the Declaration of Independence calls their “unalienable rights.” This denial provides in the minds of many a partial excuse for the worst mass murders in history: at least they were on the side of the common people… Whereas for the Nazis, socialists or not, non-Aryans had no “unalienable rights,” and Jews no rights of any kind. Today in the victimary era, the politics of the Right in resisting the “social-justice” transformations demanded by the Left are polemically assimilated to Nazism as effectively defending “systemic racism,” merely disguised by such subterfuges as “objective” examinations and non-discrimination clauses. (Readers should consult their local DEI office for details.)
At first glance, it can hardly be maintained that the Nazis’ attitude toward the Jews was one of resentment: the Jews were defined as subhuman, deserving of extermination like rats and cockroaches. But it is not hard to see that such demeaning expressions “protest too much” to demonstrate a real sense of superiority. On the contrary, no one waxes indignant about cockroaches. Antisemitism is an indignant reaction to the excess of power supposedly possessed by the wealthy and conspiratorial Jews, rendered all the more illegitimate by their racial inferiority.
This attitude gained adherents with the growth of the bourgeois economy throughout the 19th century. Marx claimed that the Jews’ object of worship is der Schacher, usually translated as “huckstering,” although haggling would be more correct; in other words, trying to make an extra buck. This is still everyday antisemitism; Marx could never have dreamed of what was in store for the Jews in 1941-45. The firstness of the Jews, although ever implicit in the conspiratorial fantasies that surrounded them, had no place in Marx’s world. In his class system, the Jews were petty hagglers or perhaps even wealthy bankers, but nothing in Marx suggests contact with the antisemitic fantasy-world of the Protocols.
Yet this fantasy-world, a latter-day avatar of Jewish chosenness, has always been at the root of antisemitism—which is to say, Jew-hatred, since the term anti-semitism, which dates only from 1879, was based on a vague notion of race theory. Wilhelm Marr, the first popularizer if not inventor of the term, had a strange love-hate relationship with the Jews that is of no interest here save to point out that the racialist aspect of anti-semitism was of no particular concern to him. (Indeed, Marr is said to have renounced antisemitism altogether in his final years.)
Racialism allowed its partisans to undermine Jewish firstness, rooted in the Judeo-Christian religious world, by situating the Jews as Semites at the low end of the scale of racial excellence. Their history in Europe in general and Germany in particular could then be described in terms of corruption of the “higher” races of which the Aryans were at the pinnacle. The Aryan’s indignation at what he saw as the domination of the “Semite” can be taken as the model of “extreme-right” resentment, one that retains its force today among fringe neo-Nazi groups. But the real center of gravity of contemporary antisemitism is elsewhere.
It is characteristic of Islamist culture that, untouched by the Enlightenment, it has no compunctions in rejecting historically established facts. Denying or minimizing the Holocaust is mere icing on the cake. And this allows Islamists to make a seamless connection between the Jewish usurpers in the Holy Land and the European colonists in North Africa and the Middle East. After all, the Jews received their guarantee of a homeland from the Balfour Declaration as a colonial land-transfer.
One no longer hears the lame pleasantry that expressed incredulity at the existence of Muslim antisemitism, given that the Muslim Arabs too are Semites—or aren’t they? For, ironically enough, in contemporary Islamist antisemitism, the Jews are denied their status as Semites with their roots in the Middle East. In contrast with the traditional Islamic sense of superiority to the Jews, which classified them along with Christians as “people of the book,” inferior to Muslims but permitted to live among them as dhimmis on payment of a tax or jizya, modern Islamic antisemitism views the Israelis as usurpers, “colonizers” from Europe of Slavic origin (“Khazars”). Thus from the beginning, Jewish settlements in Palestine were assimilated to Western colonies illegitimately implanted in the midst of Muslim land, a Waqf or unalienable trust that, once occupied by Islam, belongs to it in perpetuity and can never be relinquished.
Muslims view the Bible of the other Abrahamic religions as originally revealed by God, but marred by inaccuracies in copying over the centuries, whence the revelation of the Koran as Allah’s final word. Thus for Islam, although much of the Koran derives from Hebrew sources, the sense of Jewish originarity or firstness that remains at the foundation of Christianity is altogether absent. And more generally, Islam as a religion of conquest of the lands of the ancient civilizations by the peoples of the periphery has none of the paradoxical “lateness” that informs Christianity’s relationship with Judaism as its “elder brother.” Jews and Christians may be people of the book, but Allah is “greater” (akbar), his book is the ultimate truth, and he has promised his faithful that his kingdom will eventually include the entire world.
In the Islamic vision of history, the establishment of the state of Israel is scandalous and must be undone. Islam’s resentment of the Jews, in other words, is of the Right variety, a reaction to an injustice experienced not as a denial of equal rights but of Allah-given privilege—whence the demonstrated impossibility for Israel to satisfy Palestinian demands short of abandoning the entire land “from the river to the sea.”
In the Western political framework, this assurance of divine election has obvious parallels to the Nazi vision of the “master race,” whence the Nazi sympathies of Haj Amin al-Husseini, Mufti of Jerusalem, who made broadcasts in Arabic during WWII from Berlin, where he lived throughout the war with honors comparable to those due a head of state—although Hitler would not honor his request to distract himself from the conduct of the war in order to chase the Jews from Palestine. Husseini’s influence is still visible today, for example in the language of the Palestinian resistance when it insists on the supposed danger that the Jewish presence in Jerusalem poses to the Al-Aqsa mosque—whence the name of Hamas’ October 7 invasion, Operation Al-Aqsa Flood.
Understanding Husseini’s role is helpful in explaining what might seem anomalous in the seamless alliance formed between Muslim and Leftist anti-Zionists on university campuses and with such movements as BLM. Islamic radicalism has adopted to the Western mind-set by presenting not Islam itself but the Palestinians as victims of the Jews; this was already the case with Husseini’s reaction to the early Zionist settlements in what is now Israel. In this manner, the sacred firstness affirmed as a principle that makes any land occupied by Islam its permanent possession is assimilated to the critique of Western colonialism articulated by such as Frantz Fanon. Needless to say, that all the lands of Islam were themselves originally won by conquest has nothing in common with Western colonialism; it was the will of Allah. And this goes all the more for the Holy Land occupied by “European” Jews denied any ancestral connection to the Hebrews of the past.
In this manner, Islam can ally itself with the “intersectional” victim classes of the West and their sufferings at the hands of white (straight, etc.) Europeans—what the French call Islamogauchisme. The Hamas terrorists sadistically murdering and torturing Israelis are cheered on by the extreme Left, both in France, where, unlike even the Communists, Mélenchon’s LFI (La France Insoumise: France Untamed) refuses to condemn them, and on many American university campuses, where the pro-Palestinian students not merely excuse but extol the Hamas’ most barbaric acts as justified reactions to apartheid Israel’s oppression.
One need not believe in supernatural forces to view the Jews in Western society as a uniquely marked people, simultaneously sacred and cursed. Indeed, the spontaneous expressions in the West of public sympathy for Hamas’ attack, far greater and more openly enthusiastic than those for 9/11 or Islamist incursions on French soil, are revelatory of the latent profundity of antisemitism in Western society, which the post-Holocaust era had overlain since WWII only to allow its reemergence in a newly assertive mode. Palestine’s suffering is taken as manifest proof of Jewish malevolence, and the acts of its defenders against Israel are hopefully viewed as the opening chapters in the demise of American, and Western, world dominance.
This “anticolonial” Muslim version of antisemitism has many advantages over the old racial version (which it does not for all that contradict). Islam gives antisemitism a force that it never had in the West, unmarred by the Nazis’ heavy-handed obsessiveness. For Islam shares none of the apologetic traits of the Christian world; it does not emphasize humanity’s original sinfulness, merely the necessity of its submission. And to submit means to accept as true when necessary the most outrageous lies—or rather to affirm them as true, since the idea of submission excludes that of acceptance. MEMRI (https://www.memri.org/) has recorded innumerable examples of this.
In short, the radical Islam we call Islamism is respected by the Western Left for its own form of firstness: its refusal to recognize the Jews’ spiritual or physical anteriority, and equally significantly, the willingness of its believers to sacrifice their lives when necessary for their beliefs, however rationally absurd. No doubt soldiers have always been called upon to make the supreme sacrifice, but the proportion of Muslims who have engaged in suicidal violence is surely far greater than in any other major religion. Whence the concomitant readiness of these warriors to engage in the kind of inhuman massacre of which Hamas just provided a sample. Before the Holocaust, we should remember that the first modern genocide was carried out by the Muslim Turks against the Armenians and other Eastern Christians during and after WWI—another crime against humanity that seems today to be on the point of renewing itself.
Islam played in relation to Christianity throughout the Middle Ages the role of a symmetrical enemy, seeking to conquer the nations of Europe and being gradually driven out as the West’s more dynamic civilization moved into the early modern era. The victorious Christians treated the Jews as lowly relatives of the Muslims, as we see in the expulsion of both from Spain in 1492.
But with the beginnings of Zionism in the modern era, the Muslim move toward modernization has been increasingly replaced by a new fundamentalism whose power derives from its rekindling of the resentment that led to Islam’s founding in the first place: the desert Arabs’ sense of exclusion from what were then the most advanced civilizations. Whereas medieval Islam had been looked upon in the West with an ambivalent admiration, the 20th century theoreticians of radical Islam from Sayyid Qutb to Edward Said saw Western “Orientalism” as a humiliating exoticism. This in turn spawned an “Islamist” fundamentalism that only grew with the successes of Israel, and whose psychological effect we saw illustrated in the recent massacres. The deep roots of resentment in Islam have spawned a world-wide Islamist movement. If today its power center is in Shiite Iran, it easily enough spills over into the Sunni world, where Hamas is supported on an equal basis with Shiite Hezbollah.
In this way, contemporary modernity has since the end of WWII ironically renewed Islam’s strength as an anti-civilization, with Israel resuming the role of the Jewish tribes first conquered by Muhammad. Where the Nazis had so to speak to “decivilize” themselves in their treatment of the Jews, for Muslims this state was so to speak their historical root, their point of departure.
Yet that this atavistic trend, driven by hostility to Western modernity and above all to the Zionist “usurpation” of Islamic territory, is by no means unanimous among Muslims in general has been made clear by the “Abraham Accords” recently brought forth as an example for Saudi Arabia and the rest of the Islamic world. This opening, delayed but not abandoned, only augments the fanaticism of the jihadists, whence the Simchat Torah pogrom, carried out with the support of Iran, that singles out Israel, the homeland of Jewish, and Western, firstness, as the scapegoat for Western colonialism.
In today’s historical context, this pogrom has the potential of being a true watershed event. Its horrors, far from being disguised or denied, have been proudly spread all over the Internet. Although the number of Westerners capable of publicly applauding these acts is appalling, it is still far from a majority; Biden’s own personal expression of horror, shared by nearly all public officials in either party, showed that even the considerable influence of the Woke left on the Democrats does not go that deep.
Thus, at least for the moment, the influence of Obama’s “postcolonialist” attraction to Iran, the sponsor of most of the world’s jihadist terrorism, has reached its limit. No responsible politician can afford to defend or even excuse such acts, and the number of exceptions is thankfully limited. And the fact that the Woke throughout the West, not those in corporate offices but on college campuses and in city streets, have shown themselves shamelessly vocal in their support of Hamas’ actions provides an excellent point at which a red line can be drawn; as I think they will soon become aware.
Let us hope that Israel will follow through on its promises to rid Gaza of Hamas; that the US-Israel-Saudi connection will be reinforced; and that the US will finally turn away from its coddling of Iran’s tyranny to take the side of the majority of the Iranian population and help restore to them a modern democratic government. Iran-sponsored Islamism, like Isis before it, has crossed a bridge too far.

Voir également:

Israel’s ‘Black Sabbath’: Murder, Sexual Violence and Torture on Oct. 7
Investigators build legal case documenting ‘systematic and unprecedented cruelty’ with echoes of Adolf Eichmann trial
Anat Peled and Rory Jones
The WallStreet Journal
Dec. 31, 2023

NIR OZ, Israel—Eitan Cunio heard the militants enter his house and watched as gasoline seeped under the door of the safe room where he sheltered with his wife and two children.

His 1-year-old daughter was crying as the family’s home in Kibbutz Nir Oz was set alight and smoke began entering the room. Cunio put wet sheets at the bottom of the door and told his family they would stay inside rather than be killed or kidnapped. If we die, we die together at home, he said.

Before passing out, Cunio sent a tearful voice note to a friend in his community: “Brother, it’s horrible. We are going to die.”

Months have passed since the October day Israelis call Black Sabbath, when Hamas-led militants rampaged into Israel from Gaza, an attack that officials say killed some 1,200 people and included acts of torture, mutilation and sexual violence. Israeli investigators are now using some 200,000 photographs and videos and 2,000 witness testimonies to reconstruct what happened, with an eye toward building a legal case against those responsible that would meet international standards and provide a definitive historical accounting of the Oct. 7 attack.

Reporters from The Wall Street Journal examined some of that evidence, supplemented with interviews of first responders, survivors, families of victims and forensic scientists, to document an attack that Israeli Police Commissioner Kobi Shabtai described as “systematic and unprecedented in its cruelty.”

Forensic evidence shared with the Journal by Israeli officials shows some victims were burned alive after militants used accelerants to set fire to their homes. Photos viewed by the Journal taken by first responders on the scene show bodies were mutilated including the sex organs of both men and women. The bodies of women and girls showed various signs of sexual assault, and recently, at least three female survivors have come forward to say they experienced sexual violence on Oct. 7.

Hamas officials have denied their fighters killed children and raped women.

Israel’s investigation is expected to yield a trial that would be the country’s most significant since the early 1960s, when Israel captured, tried and hanged former Nazi official Adolf Eichmann for his central role in the Holocaust.

“The state of Israel has never before dealt with crimes and an investigation on this scale,” said Roi Sheindorf, former deputy to the attorney general. “This will be one of the most important trials to take place in Israel.”

The Israeli police are examining testimonies from captured militants, footage from cameras obtained from them, social media, and vehicle dashboards and security cameras throughout southern Israel, as well as materials seized in Gaza.

One challenge for the investigation, legal analysts say, is that the collection of forensic evidence was limited in the aftermath of Oct. 7, while the Israeli military was engaged in combat in the area for days after the attack.

More than 21,000 Palestinians have since died in airstrikes and fighting between the Israeli military and Hamas, most of them women and children, according to Palestinian health authorities. The number doesn’t distinguish between civilians and combatants.

An accompanying goal of Israel’s investigation could also be preserving history, much like the Eichmann trial laid out Nazi Germany’s Final Solution to the world and began a process for witnesses to come forward en masse to speak of the horrors they experienced.

Israel has identified about 800 dead civilians from Oct. 7, including 37 minors under the age of 17, six of whom were under 5. Some 25 people over the age of 80 were killed, including a 94-year-old woman, according to the prime minister’s office.

Hamas militants and others kidnapped roughly 250 people on Oct. 7, according to Israeli authorities.

Dead bodies were taken to an Israeli military base where they were processed and those that were unidentifiable sent to the National Center of Forensic Medicine, which took fingerprints, conducted X-rays and CT scans and removed tissue samples for DNA extraction.

Scans revealed signs of torture and execution, according to Dr. Chen Kugel, head of the forensics center. In some cases, the center found soot in the trachea, indicating people were burned alive as they inhaled smoke before bodies charred, he said. Others were burned after they were already dead.

One scan of blackened remains viewed by the Journal revealed two spines and two rib cages belonging to a child and an adult who were bound together with metal wire and burned alive, Kugel said. He added that more than 20 bodies were found with hands bound with zip ties or electric cords, indicating execution.

Militants posted videos of some of the killings and kidnappings on victims’ social media pages, where friends and family watched. When militants forced their way into Noam Elyakim’s home, they shot him in the leg, then took his wife’s phone and livestreamed the family being taken hostage on Facebook. In another instance, Shay Shimoni saw a video posted by militants of her 75-year-old mother dead in a pool of blood. The Journal viewed both videos, which are no longer online.

New details about sexual violence also are emerging. Investigators initially found no  rape survivors, but at least three women have since come forward to the Ministry of Welfare saying they experienced sexual violence, said Ayelet Razin Bet Or, a former government official helping with the investigation.

One witness saw militants gang rape a woman and then cut off her breast, according to police testimony viewed by the Journal. First responders said they saw signs of sexual violence, including women found naked or with their underwear pulled down or tops removed.

The Journal saw images taken by a first responder of a naked woman with a knife and three nails in the crotch area, women whose clothing was partially or entirely removed and women with blood from the crotch area. In another image provided by the first responder, a woman’s breast was almost entirely sliced off. Her shirt was ripped away and she had a knife wound in the neck. In two other photos a naked man was found gagged and shot and one photo showed a man’s eyeball had been removed.

Shari Mendes, 62, a reservist in the Israeli army who helped identify bodies after Oct. 7, said people were shot in the head so many times they were disfigured.

First victims
Three miles east from the Gaza border in Kfar Aza, a community of 950, militants on paragliders landed in a sports field where later that day residents planned an annual kite-flying festival.

The festival, which over the years became a peace gesture to Gazans, was organized by Aviv Kutz, 53, his wife Livnat, 49, and their three teenage children. They hoped that Gazans would see the kites and fly their own in return, according to Aviv’s father, Benny Kutz.

The family had eaten dinner together the night before, a rare luxury as the children lived away from home. Rotem, 18, was serving in the army and Yonatan, 16, and Yiftach, 14, were at boarding school.

The family was one of the first to die on Oct. 7. Before 6.30 a.m., militants entered their home and shot all five members of the family as Aviv hugged everyone, trying to shield them, according to a body-collection volunteer and Benny Kutz.

Around the same time in Netiv HaAsara, another Israeli community on the Gaza border, Sabine Taasa said she heard sirens announcing rocket fire and scrambled into her home’s safe room with one of her four sons, Zohar, 15.

She closed the windows, turned off the electricity and locked the door. Her youngest sons, Koren, 12, and Shay, 8, were staying with their father, Gil Taasa, around 100 yards away. Another son, 17-year-old Or, had gotten up early and gone to the beach for fishing and surfing about 10 minutes away, she said.

Sabine phoned Or, who told her he’d found a small shelter at the beach and was waiting inside with a group of young people. She tried calling her former partner, Gil Taasa, to whom she was still married, but received no answer.

Around 7 a.m., Gil Taasa and his two sons ran from his house to a bomb shelter yards from the front door, according to a video camera capturing their movements, which has since been added to a video compilation shown by Israel to world leaders and journalists.

Seconds later, a militant threw a grenade inside.

Taasa told his sons not to be scared and jumped on top of the grenade to shield them. He died, his limp body slumping out of the entrance to the shelter, according to the video.
Koren and Shay ran back into the house, where a militant entered the kitchen.

“Daddy!” said one of the boys in disbelief.

“Daddy’s dead, Shay,” Koren said, according to a video from inside the kitchen.

“I know I saw,” Shay said.

“I think we are going to die,” his brother appears to reply, according to video footage inside their father’s home which was included in the video that Israel created.

Shay was badly injured during the grenade explosion and couldn’t see out of one eye. Koren attempted to care for his brother’s wounds with a wet towel and used Google Translate to try to communicate with two militants.

He pleaded for them to kill him instead of his brother. The militants decided to leave, telling the boys to stay put, adding: “If you move, we will kill you.”

About 20 miles away, dozens of militants were descending on a music festival in an open field near the border of Gaza.

At 7:15 a.m., Romi Gonen, 23,  woke up her father in northern Israel with a panicked phone call. “They are shooting at me,” she said.

She’d gone to the party with her best friend. By the time Gonen called her father, he said the two girls were frantic, running between bushes trying to hide from fighters as they approached.

They were relieved to stumble upon armed police for protection, only to have to flee again when the officers were shot dead by militants, according to Eitan Gonen.

At 10:05, Romi Gonen called her father to say one of her friends had found her and he was evacuating her out of the festival area in a car.

“A weight was lifted from my chest,” said Eitan Gonen.

Romi Gonen was on the phone with her mother while hiding in a car from Hamas militants as they attacked a music festival she attended on Oct. 7. Gunfire and a man shouting commands can be heard in the background before the call goes dead. Photos: Gonen Family, Ronen Fadida
The elation was short-lived. Moments later, Romi Gonen was on the phone to her mother, Meirav Leshem Gonen, when the car was attacked. She was shot in the arm and her friends killed.

Leshem Gonen was still on the phone with her daughter when she heard voices and shouting in Arabic before the call went dead. She is being held hostage in Gaza, according to Israeli authorities.

Sexual assault
At the festival, Hamas militants began to sexually assault women, witnesses told the police. Fighters took women back to Gaza with them, and in one example, paraded the half-naked body of a female festival goer in the back of a pickup, according to a widely shared video on Telegram.

In a recording of a phone call that morning, militants driving in Israel cheered as one of them talked about raping a woman.

“I am going to f— her, I am going to f— her,” he told another person on the line, according to an unverified recording shared with the Journal by Israeli officials.

At Eitan Cunio’s community Nir Oz, the heat and smoke in his shelter had become so intense, he and his wife began to say goodbye to their two daughters, Ofri, 4 and Stav, a year and nine months. They all passed out.

At about 1 p.m., Eitan Cunio regained consciousness as a friend phoned to say he was coming to get them.

With the help of a neighbor, the friend broke into the Cunio’s safe room, and pulled the family out of the charred wreckage of their home. Eitan and one of his daughters began to throw up black vomit on the grass outside.

Eitan was relieved to be alive, but he was then confronted with the news that eight members of his family, including his twin brother David had been kidnapped and taken to Gaza. He later learned that his neighbor’s family was killed—the parents by gunfire and three small children by smoke inhalation.

Five members of Eitan Cunio’s family were released in last month’s exchange for Palestinian prisoners, but his twin brother and his younger brother and girlfriend are still being held, according to Israeli authorities.

‘Open up’

In Netiv HaAsara, Sabine Taasa heard a knock on her door: “Open up, it’s me, Koren.”

Standing at the door were her youngest sons covered in blood and shrapnel wounds. They had run from their father’s house and were on the verge of collapse, according to a video Sabine later took inside her shelter. Her youngest son’s eye was full of blood and he had a large wound on the back of his leg.

At least three members of the community’s emergency-response team of volunteers soon arrived. Before evacuating, she ran to Gil Taasa’s house where she found his body in a pool of blood. Flies rested on his face.

She cried and hugged him, before collapsing herself and being carried away.

Two days later, Sabine Taasa was told her eldest son, Or, was killed by militants in the bathroom on the beach.

Authorities couldn’t identify Or’s body for 15 days, and only did so after his mother provided the military with descriptions of features including his feet and a birthmark. She wasn’t permitted to see his body.

Sabine Taasa provided testimony to the police investigation and now wants justice. Four attackers were captured at Netiv HaAsara, and she is hopeful she will be able to confront Gil Taasa’s killers.

“I want to stand in front of them and identify them with my son,” she said. “That is Koren’s wish.”

Voir encore:

Mosul is a graveyard: Final IS battle kills 9,000 civilians
Susannah George, Qassim Abdul-Zahra, Maggie Michael and Lori
December 21, 2017

MOSUL, Iraq (AP) — The price Mosul’s residents paid in blood to see their city freed was 9,000 to 11,000 dead, a civilian casualty rate nearly 10 times higher than what has been previously reported. The number killed in the nine-month battle to liberate the city from the Islamic State group marauders has not been acknowledged by the U.S.-led coalition, the Iraqi government or the self-styled caliphate.

But Mosul’s gravediggers, its morgue workers and the volunteers who retrieve bodies from the city’s rubble are keeping count.

Iraqi or coalition forces are responsible for at least 3,200 civilian deaths from airstrikes, artillery fire or mortar rounds between October 2016 and the fall of the Islamic State group in July 2017, according to an Associated Press investigation that cross-referenced independent databases from non-governmental organizations.

Most of those victims are simply described as “crushed” in health ministry reports.

The coalition, which says it lacks the resources to send investigators into Mosul, acknowledges responsibility for only 326 of the deaths.

“It was the biggest assault on a city in a couple of generations, all told. And thousands died,” said Chris Woods, head of Airwars , an independent organization that documents air and artillery strikes in Iraq and Syria and shared its database with the AP.

“There doesn’t seem to be any disagreement about that, except from the federal government and the coalition. And understanding how those civilians died, and obviously ISIS played a big part in that as well, could help save a lot of lives the next time something like this has to happen. And the disinterest in any sort of investigation is very disheartening,” Woods said, using an alternative acronym for the Islamic State group.

In addition to the Airwars database, the AP analyzed information from Amnesty International , Iraq Body Count and a United Nations report. The AP also obtained a list of 9,606 people killed during the operation from Mosul’s morgue. Hundreds of dead civilians are believed to still be buried in the rubble.

Of the nearly 10,000 deaths the AP found, around a third of the casualties died in bombardments by the U.S.-led coalition or Iraqi forces, the AP analysis found. Another third of the dead were killed in the Islamic State group’s final frenzy of violence. And it could not be determined which side was responsible for the deaths of the remainder, who were cowering in neighborhoods battered by airstrikes, IS explosives and mortar rounds from all sides.

But the morgue total would be many times higher than official tolls. Iraqi Prime Minister Haidar al-Abadi told the AP that 1,260 civilians were killed in the fighting. The U.S.-led coalition has not offered an overall figure. The coalition relies on drone footage, video from cameras mounted on weapons systems and pilot observations. Its investigators have neither visited the morgue nor requested its data.

What is clear from the tallies is that as coalition and Iraqi government forces increased their pace, civilians were dying in ever higher numbers at the hands of their liberators: from 20 the week the operation began in mid-October 2016 to 303 in a single week at the end of June 2017, according to the AP tally.

Abdel-Hafiz Mohammed, who kept his job as undertaker throughout the militants’ rule, has carved approximately 2,000 headstones for the al-Jadidah graveyard since October 2016.

After the city fell to IS in 2014, undertakers like him handled the victims of beheadings and stonings; there were men accused of homosexuality who had been flung from rooftops. But once the operation to free the city started, the scope of Mohammed’s work changed yet again.

“Now I carve stones for entire families,” Mohammed said, gesturing to a stack of four headstones, all bearing the same name. “It’s a single family, all killed in an airstrike.”

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DYING AT HOME, ON THE FRONT
Mosul was home to more than a million civilians before the fight to retake it from IS. Fearing a massive humanitarian crisis, the Iraqi government dropped leaflets or had soldiers tell families to stay put as the final battle loomed in late 2016.

Thousands were trapped when the front line enveloped densely populated neighborhoods.

Blast injuries, gunshot and shrapnel killed thousands as the Mosul operation ground westward, according to morgue documents.

When Iraqi forces became bogged down in late December, the Pentagon adjusted the rules regarding the use of airpower, allowing airstrikes to be called in by more ground commanders with less chain-of-command oversight.

At the same time, Islamic State group fighters took thousands of civilians with them in their retreat west. They packed hundreds of families into schools and government buildings, sometimes shunting civilians through tunnels from one fighting position to another.

They expected the tactic would dissuade airstrikes and artillery. They were wrong.

As the fight punched into western Mosul, the morgue logs filled with civilians increasingly killed by being “blown to pieces.”

By early March, Iraqi officials and the U.S.-led coalition could see that civilian deaths were spiking, but held the course. The result, in Mosul and later in the group’s Syrian stronghold of Raqqa, was a city left in ruins by the battle to save it.

Most of the civilians killed in west Mosul died under the weight of collapsed buildings, hit by airstrikes, mortars, artillery shells or IS-laid explosives. The morgue provided lists of names of civilians and place of death. Names often included entire families.

The coalition has defended its operational choices, saying it was the Islamic State group that put civilians in danger as it clung to power.

“It is simply irresponsible to focus criticism on inadvertent casualties caused by the Coalition’s war to defeat ISIS,” Col. Thomas Veale, a coalition spokesman, told the AP in response to questions about civilian deaths.

“Without the Coalition’s air and ground campaign against ISIS, there would have inevitably been additional years, if not decades of suffering and needless death and mutilation in Syria and Iraq at the hands of terrorists who lack any ethical or moral standards,” he added.

Civilian deaths in the second half of the battle reflected the looser rules of engagement for airstrikes and the sheer numbers of trapped residents. From Oct. 17 to Feb. 19, the AP tally found at least 576 deaths by coalition or Iraqi munitions.

From Feb. 19 — when the fight crossed the Tigris River — to mid-July, there were nearly 2,400 civilian deaths. That total is in addition to the 326 confirmed by the coalition in the city. The U.S. and Australia are the only two coalition countries to acknowledge civilian deaths, though France had fighter jets and artillery and the UK also carried out airstrikes.

Of the nearly 10,000 names listed by the morgue, around 4,200 were confirmed as civilian dead in the battle. The AP discarded names that were obviously those of Islamic State group fighters and casualties brought in from outside Mosul. Among the remaining 6,000 are likely some number of Islamic State group extremists, but the morgue civilian toll tracks closely with numbers gathered during the battle itself by Airwars and others.

Neither toll includes thousands of people killed by the Islamic State group who are believed to be in mass graves in and around Mosul, including as many as 4,000 in the natural crevasse known as Khasfa.

Imad Ibrahim, a civil defense rescuer from west Mosul, survived the battle to retake the city and is now tasked with excavating the dead. He mostly works in the Old City, where on a recent day the streets still reeked of rotting flesh.

“Sometimes you can see the bodies. They’re visible under the rubble. Other times we dig for hours, and suddenly find 15 to 30 all in one place. That’s when you know they were sheltering, hiding from the airstrikes,” Ibrahim said.

Behind him an excavator dug through jagged cement blocks, searching for the body of a woman who was hiding in her home when it was hit by an airstrike.

Ibrahim said he spent years waiting for liberation, but the victory itself was hollow.

“Honestly, none of this was worth it.”

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DIGGING INTO DEATH
By dawn, dozens of Mosul families begin to line up outside the civil defense office each day. One by one they flatly describe their personal tragedies: “We buried my cousin’s body in the garden under the tree.” ’’My mother was hiding in the back of the house, near the kitchen when the airstrike hit her home.” ’’We buried my father in the street in front of our home after he was shot.”

Radwan Majid said he lost both his children to an airstrike in May.

“There were three Daesh in front of my house, so when the airstrike hit, it also killed my children,” he said, using an Arabic acronym for the group.

“We can see their bodies under the rubble, but we can’t reach them by ourselves,” he said. “All I want is to give them a proper burial.”

Reports of civilian deaths began to dominate military planning meetings in Baghdad in February and early March, according to a senior Western diplomat who was present but not authorized to speak on the record.

After a single coalition strike killed more than 100 civilians in Mosul’s al-Jadidah neighborhood on March 17, the entire fight was put on hold for three weeks. Under intense international pressure , the coalition sent a team into the city to investigate.

Iraq’s special forces units were instructed that they were no longer allowed to call in strikes on buildings. Instead, the forces were told to call in airstrikes on gardens and roads adjacent to IS group targets.

A WhatsApp group shared by coalition advisers and Iraqi forces coordinating airstrikes previously named “killing daesh 24/7″ was wryly renamed “scaring daesh 24/7.”

“It was clear that the whole strategy in western Mosul had to be reconfigured,” said the Western diplomat.

But on the ground, Iraqi special forces officers said after the operational pause, they returned to the fight just as before.

The WhatsApp group’s name was changed back to “killing daesh.”

The Pentagon investigation into the March strike concluded that a U.S. bomb resulted in the deaths of 105 civilians but ultimately blamed secondary explosions from IS-laid bombs.

The 500-pound (227-kilogram) bomb, the investigation concluded, “appropriately balanced the military necessity of neutralizing (two IS) snipers.” Witnesses and survivors told the AP that IS had not set any explosives in the house that was hit. The house was packed with families sheltering from the fighting.

At the time, just two American officers were fielding all allegations of civilian casualties in Iraq and Syria from a base in Kuwait. The team now has seven members, though none sets foot inside Mosul or routinely collects physical evidence.

The Americans say they do not have the resources to send a team into Mosul; an AP reporter visited the morgue six times in six weeks and spoke to morgue officials and staffers dozens of times in person and over the phone.

Because of what the coalition considers insufficient information, the majority of civilian casualty allegations are deemed “not credible” before an investigation ever begins .

Col. Joseph Scrocca, a coalition spokesman, defended the coalition figures in an interview in May, saying they may seem low because of a meticulous process designed to “get to the truth” and help protect civilians in the future.

“I do believe the victims of these strikes deserve to know what happened to their families, Scrocca said. “We owe them that.”

Daoud Salem Mahmoud survived the fight for the Old City by hiding with his family in a windowless room deep inside their home.

With the fight over, Mahmoud now returns to his neighborhood daily to retrieve the dead. He’s recovered hundreds of bodies of extended family members and neighbors.

A large, imposing figure, Mahmoud breaks down in tears when asked to describe specific events at the height of the violence. But without a moment of hesitation, he said he believes the fight to retake the city was worthwhile.

Despite the death and destruction, he said he now feels like his family has a chance at a future brighter than his own.

“Everything can be rebuilt. It’s the lives lost that cannot be replaced,” he said. Then, shaking his head, he added, “This war, it turned Mosul into a graveyard.”

Voir par ailleurs:

Affaire Gérard Depardieu : de « Complément d’enquête » aux tribunes, retour en quatre actes sur les récentes polémiques
Franceinfo
30/12/2023

Depuis la diffusion de « Complément d’enquête » sur France 2 dans lequel « le monstre sacré » du cinéma français tient des remarques sexistes et sexuelles, le monde du 7e art est en ébullition.

Pour certains, il est le symbole de la misogynie et des violences sexistes et sexuelles, lui qui est accusé par 16 femmes de tels faits, et qui est mis en examen pour viols et agressions sexuelles depuis trois ans. Pour d’autres, Gérard Depardieu reste « le dernier monstre sacré du cinéma français ». Depuis la diffusion, le 7 décembre sur France 2, d’un numéro de « Complément d’enquête » consacré à l’acteur, dans lequel il tient des propos obscènes, les polémiques s’enchaînent. En quatre actes, franceinfo vous résume les rebondissements de ces dernières semaines.

1 « Complément d’enquête » diffuse des images où il sexualise une enfant et insulte les femmes

Des images inédites de l’acteur français sont dévoilées dans « Complément d’enquête », jeudi 7 décembre sur France 2. Alors que Gérard Depardieu s’était rendu en 2018 Corée du Nord pour les 70 ans de la dictature, aux côtés de Yann Moix, l’écrivain et réalisateur en a tiré un documentaire, qui n’a jamais été vendu ni diffusé. L’émission de France Télévisions a pu se procurer près de 18 heures de vidéos filmées à l’époque et a choisi d’en diffuser plusieurs extraits.

Gérard Depardieu y multiplie les remarques déplacées et dégradantes à l’égard des femmes. En visite dans un haras, il déclare notamment : « Les femmes adorent faire du cheval, elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle (…) C’est des grosses salopes. » Une autre séquence choque particulièrement l’opinion. Au passage d’une cavalière âgée d’une dizaine d’années, il enchaîne : « Si [le cheval] galope, elle jouit. »

Depuis, l’acteur est dans la tourmente. S’il n’a pour l’instant répondu qu’à RTL dans un entretien téléphonique (qu’il n’a pas souhaité être enregistré) pour remercier ses soutiens, sa famille a dénoncé « une cabale » dans une tribune publiée, dimanche 17 décembre, par Le Journal du dimanche. Ses avocats montent aussi au créneau dans les médias, rappelant la présomption d’innocence, comme sur le plateau de « C à vous » sur France 5. Yann Moix, de son côté, affirme dans une interview à TV Magazine, publiée jeudi 21 décembre, être « sûr à 99% que Gérard a tenu ces propos sur une cavalière qui n’était pas la petite fille. Gérard est incapable de tenir des propos comme ça sur une enfant ».

2 Emmanuel Macron prend sa défense

Souhaitant prendre la parole au lendemain du vote controversé sur le projet de loi immigration, le président de la République aborde également l’affaire Depardieu dans « C à vous », le 20 décembre. « Il y a parfois des emballements sur des propos tenus, je me méfie du contexte, j’ai compris qu’il y avait des polémiques (…) sur les mots qui étaient en décalage avec les images », déclare-t-il. Quelques jours plus tard, un huissier de justice, commissaire de justice et audiencier au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, mandaté par France Télévisions, confirme, après visionnage des rushs, que les mots prononcés par l’acteur visaient bien la fillette à cheval.

D’autres propos tenus par Emmanuel Macron dans l’émission font polémique. Il désavoue sa ministre de la Culture au sujet d’un possible retrait de la Légion d’honneur de Gérard Depardieu. Selon lui, cette distinction « n’est pas là pour faire la morale », et Rima Abdul Malak s’est « un peu trop » avancée. Le chef de l’Etat dit par ailleurs être « un grand admirateur de Gérard Depardieu (…), un immense acteur » qui « rend fière la France ».

Emmanuel Macron rappelle aussi que « les violences faites aux femmes et l’égalité femmes hommes » sont « les deux grandes causes » de ses quinquennats. Pourtant, les associations féministes déplorent un manque d’empathie pour les plaignantes. « Il aurait pu dire que c’est insupportable de parler comme cela des femmes (…) Il aurait pu avoir un message pour les victimes de Gérard Depardieu et les femmes en général », a observé la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, auprès de l’AFP. Dans une tribune publiée par le Monde, sous forme d’une lettre adressée à Emmanuel Macron, des membres de l’association MeTooMedia estiment, le 27 décembre, que ce soutien à l’acteur témoigne « d’une totale ignorance du champ des violences sexistes et sexuelles ».

3 Des artistes dénoncent un « lynchage »

Une cinquantaine d’artistes prennent la défense de Gérard Depardieu dans une tribune publiée le 25 décembre par Le Figaro. Parmi eux figurent le réalisateur Bertrand Blier, les actrices et acteurs Nathalie Baye, Carole Bouquet Charlotte Rampling, Jacques Weber, Pierre Richard et Gérard Darmon, ainsi que les chanteuses et chanteurs Roberto Alagna, Carla Bruni, et Jacques Dutronc. « Nous ne pouvons plus rester muets face au lynchage qui s’abat sur lui, face au torrent de haine qui se déverse sur sa personne », est-il écrit. Pour ces personnalités du monde de la culture, il faut séparer l’homme de l’artiste : « Personne ne pourra jamais effacer la trace indélébile de son œuvre dont notre époque est à tout jamais marquée. Le reste, tout le reste, concerne la justice ».

L’initiative provoque un nouveau scandale et fait valser le cinéma français. En cause notamment, la genèse de ce texte et son auteur, Yannis Ezziadi. Proche de Julie Depardieu, éditorialiste au magazine d’extrême droite Causeur, il est aussi, selon Le Monde, familier de la sphère du parti d’Eric Zemmour, Reconquête.

Certains signataires prennent leurs distances quelques jours plus tard. « J’ai signé, affirme ainsi Carole Bouquet, vendredi sur Instagram. Cependant, je ne soutiens pas les idées et valeurs associées au journaliste porteur de cette tribune. Lui donner de la visibilité par l’entremise de Gérard me met, comme vous pouvez l’imaginer, profondément mal à l’aise!; ». Nadine Trintignant a, elle aussi, fait état de son malaise au magazine Le Point. « J’ignorais en signant cette tribune par qui elle était écrite », explique la réalisatrice, qui « demande aux personnes (…) choquées de ne pas [lui] en vouloir de [sa] grave erreur ».

4 D’autres veulent briser « la loi du silence » 

Une « contre-tribune » de 600 artistes, publiée sur le blog « cerveauxnondisponibles.net » et relayée dans Le Club de Mediapart, appelle samedi à « refuser la banalisation de propos et d’actes tels que ceux » de Gérard Depardieu. Les chanteuses Angèle, Louane, Suzane, et Pomme, la comédienne Corinne Masiero, ou encore l’humoriste Waly Dia font notamment partie des signataires.

Pour eux, « l’art n’a pas à être fait par des idoles hors de la réalité, l’art n’est pas du côté des caprices de star » et « la production de l’art n’est pas une abstraction située en dehors des dynamiques sociales ». Ils exhortent le monde du cinéma à briser « la loi du silence ».


Féminisme: Hamas m’a tuer (How, between a postcolonialism that justifies violence and a neofeminism that condones rape, October 7 killed wokism)

24 décembre, 2023

Oui, il est extrêmement important de considérer le Hamas et le Hezbollah comme des mouvements sociaux progressistes, qui se situent à gauche et font partie d’une gauche mondiale. Judith Butler (Berkeley, 2006)
En fait, je condamne sans réserve les violences commises par le Hamas. Il s’agit d’un massacre terrifiant et révoltant. C’est ma première réaction, et elle perdure. Mais il y a aussi d’autres réactions. (…) Soyons clairs, la violence israélienne contre les Palestiniens est écrasante : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges dans leurs maisons et dans les rues, tortures dans les prisons, techniques d’affamement à Gaza et dépossession des maisons. Et cette violence, sous ses multiples formes, est exercée contre un peuple soumis aux règles de l’apartheid, à la domination coloniale et à l’apatridie. Cependant, lorsque le comité de solidarité avec la Palestine de Harvard publie une déclaration affirmant que « le régime d’apartheid est le seul à blâmer » pour les attaques meurtrières du Hamas contre des cibles israéliennes, il commet une erreur. Il est erroné de répartir les responsabilités de cette manière, et rien ne devrait exonérer le Hamas de la responsabilité des massacres hideux qu’il a perpétrés. Dans le même temps, ce groupe et ses membres ne méritent pas d’être mis à l’index ou menacés. Ils ont certainement raison de rappeler l’histoire de la violence dans la région : « Des saisies systématiques de terres aux frappes aériennes de routine, des détentions arbitraires aux points de contrôle militaires, et des séparations familiales forcées aux assassinats ciblés, les Palestiniens ont été contraints de vivre dans un état de mort, à la fois lente et soudaine. (…) Les actes de violence dont nous sommes témoins dans les médias sont horribles. Et en ce moment d’attention médiatique accrue, la violence que nous voyons est la seule violence que nous connaissons. Je le répète : nous avons raison de déplorer cette violence et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre. Toutes les personnes que je connais vivent dans la peur de ce que la machine militaire israélienne va faire ensuite, de savoir si la rhétorique génocidaire de Netanyahou va se matérialiser par le massacre de Palestiniens. Je me demande si nous pouvons pleurer, sans réserve, les vies perdues en Israël et celles perdues à Gaza sans nous enliser dans des débats sur le relativisme et l’équivalence. Peut-être que la portée plus large du deuil sert un idéal d’égalité plus substantiel, qui reconnaît l’égalité de la douleur des vies, et donne lieu à l’indignation que ces vies n’auraient pas dû être perdues, que les morts méritaient plus de vie et une reconnaissance égale de leur vie. Comment pouvons-nous imaginer une égalité future entre les vivants sans savoir, comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies l’a documenté, que les forces israéliennes et les colons ont tué près de 3 800 civils palestiniens depuis 2008 en Cisjordanie et à Gaza, avant même que les actions actuelles ne commencent. Où est le deuil du monde pour eux ? Des centaines d’enfants palestiniens sont morts depuis qu’Israël a commencé ses actions militaires de « vengeance » contre le Hamas, et beaucoup d’autres mourront dans les jours et les semaines à venir. (…) Personnellement, je défends une politique de non-violence, tout en sachant qu’elle ne peut pas fonctionner comme un principe absolu à appliquer en toutes circonstances. (…) Sans l’égalité et la justice, sans la fin de la violence d’État menée par un État, Israël, lui-même fondé dans la violence, aucun avenir ne peut être imaginé, aucun avenir de paix véritable – et non pas la « paix » comme euphémisme pour la normalisation, ce qui signifie le maintien des structures d’inégalité, de non-droit et de racisme. Mais un tel avenir ne peut voir le jour si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toute la violence, y compris la violence de l’État israélien sous toutes ses formes, et de le faire sans craindre la censure, la criminalisation ou d’être dans la plus grande mauvaise foi accusés d’antisémitisme. Le monde que je souhaite est un monde qui s’opposerait à la normalisation de la domination coloniale et soutiendrait l’autodétermination et la liberté des Palestiniens, un monde qui réaliserait, en fait, les désirs les plus profonds de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, l’égalité et la justice.  Judith Butler (13 octobre 2023)
Le spectacle qu’offre le monde académique américain depuis l’attaque terroriste lancée par le Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, fait en effet couler beaucoup d’encre outre-Atlantique et suscite une inquiétude croissante, alors que les manifestations d’antisémitisme se multiplient à travers les campus. Mais Julia Steinberg, 21 ans, qui a elle aussi été auditionnée devant le Congrès récemment, n’est pas surprise. Car, nous dit cette étudiante juive de l’université de Stanford d’un ton grave, « notre génération est en passe d’être totalement formatée par l’idéologie identitariste et décolonialiste » qui a pris le pouvoir dans les têtes des jeunes, dans les salles de cours et dans les administrations universitaires. « Les jeunes sont prêts à tout accepter au nom de la “justice sociale” », avertit-elle. Même la violence la plus extrême. Même la décapitation d’enfants puisque la cause est supposée « juste ». (…) Dès le premier jour, alors que les Israéliens découvrent les charniers des kibboutz attaqués, on voit fleurir à travers les campus des slogans de « soutien à l’Intifada » du Hamas et des manifestants exprimant bruyamment « leur joie ». Loin de dénoncer les massacres, les étudiants américains, galvanisés par les bombardements israéliens à Gaza laissent entendre que la libération de la Palestine vaut bien un pogrom, et qu’Israël, « puissance oppressive coloniale », a mérité ce châtiment. Cela rappelle étrangement les staliniens et les maoïstes qui adorèrent le communisme et justifièrent ses bains de sang. « De la rivière à la mer, la décolonisation n’est pas une métaphore », hurlent les jeunes « khmers » décolonialistes, légitimant l’idée d’anéantir l’État d’Israël. De Stanford à Cornell en passant par Berkeley, Harvard ou Tulane, les affiches des otages du Hamas sont déchirées avec un acharnement glaçant par des étudiants propalestiniens appartenant notamment à l’organisation Students for the defense of Palestine. Les manifestations voient défiler côte à côte les enfants de la bourgeoisie blanche wokisée et des minorités de couleur proches de Black Lives Matter et des combats « intersectionnels ». La présence dans cette internationale de soutien à « la cause antisioniste » des LGBTQIA+, qui n’auraient pourtant pas droit de cité à Gaza, en dit long sur la déconnexion du mouvement de la réalité du terrain. Leur antisionisme viscéral laisse rapidement court à un flot d’insultes et d’incidents antisémites. À Stanford, un chargé de cours a forcé des étudiants juifs de première année à se regrouper à part dans un coin de la salle de cours, « pour qu’ils éprouvent l’apartheid qu’endurent les Palestiniens ». Et depuis, des pétitions visant à le réinstituer après la suspension dont il avait fait l’objet, se multiplient… À Cooper Union, des étudiants juifs poursuivis jusqu’à la bibliothèque, où ils ont dû se barricader pour échapper à la fureur des manifestants. À Cornell, des graffitis antisémites ont été barbouillés dans les allées et des messages en ligne appelant à couper « la gorge des étudiants juifs » et à « violer les filles » juives ont émergé sur les réseaux du campus. « Le régime génocidaire sioniste fasciste sera détruit », disait l’un d’eux, tandis qu’un autre affirmait : « La Maison juive de Cornell (qui accueille notamment, sur le campus, un réfectoire kasher, NDLR) est une forme littérale et symbolique d’apartheid et de génocide sur le campus. Elle est installée sur une terre qui a été volée de force aux peuples premiers qui ont vu leur identité effacée… Elle devrait être détruite et les colons illégaux relogés ailleurs. » Dans le corps professoral de Cornell, il s’est aussi trouvé un professeur pour qualifier l’attaque du Hamas « d’exaltante et énergisante ». L’individu a été mis en congé, mais il reste à voir combien de temps cette sanction sera maintenue. Horrifiée, la gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, a rencontré les étudiants juifs de Cornell, et ordonné le renforcement des patrouilles de police. Comme la majorité des universités d’élite de l’Ivy League, Harvard s’est également « illustrée » par ses manifestations pro-Hamas bruyantes et ses intimidations contre les étudiants juifs, mais aussi par la réaction timorée et ambivalente de la présidente de l’université, Claudine Gay. Elle avait initialement omis de condamner l’attaque, préférant renvoyer dos à dos les deux camps, avant de publier deux nouvelles déclarations pour faire taire les critiques. Et de finalement présenter ses excuses vendredi. « Je n’ai jamais ressenti une telle honte envers mon alma mater », a tonné l’ancien secrétaire au Trésor, Larry Summers, jadis pilier de cette institution. Julia Steinberg, qui entamait cet automne sa troisième année d’études à Stanford raconte « n’avoir pas pu sortir de sa chambre pendant plusieurs jours » après l’attaque. Mais ce qui a révulsé doublement cette descendante de survivants de l’Holocauste a été de découvrir les réactions en ligne de ses camarades. « Je peux comprendre une amie palestinienne qui rêve de voir naître un État palestinien. Mais voir une fille originaire du Midwest écrire que “chaque meurtre et chaque moment contre l’occupation” ont été “chers à son cœur”, a été traumatisant ». Julia Steinberg explique que comme beaucoup d’élèves de sa génération, elle a été la cible d’un processus d’endoctrinement idéologique obligatoire « dès le lycée ». (…) Elle ajoute que le bourrage de crâne subi dans le secondaire sur la question du genre l’a aussi « fait grandir dans l’idée que tous les hommes sont mauvais » et qu’il a fallu « ses amis garçons sur le campus pour qu’elle découvre à quel point c’était faux ». Julia affirme que « l’idéologie identitariste imprègne désormais presque tous les cours », même « s’il y a encore beaucoup de bons professeurs qui invitent à une approche critique ». Elle a été néanmoins rassérénée par la veillée organisée par l’université le mercredi qui a suivi l’attaque.(…) Récemment, des croix gammées ont été dessinées sur certaines portes du dortoir où elle habite. Elle note que les étudiants juifs ne portent plus leurs kippas et leurs étoiles juives. « Moi qui n’ai jamais rien porté, cela me donne envie d’afficher ma judaïté », lance la jeune fille, qui s’initie à l’autodéfense. A l’Université libre de Bruxelles, où la même idéologie décoloniale gagne du terrain, les étudiants juifs ont confié à la chaîne i24News connaître exactement les mêmes dilemmes. Professeur de science politique au Sarah Lawrence College dans l’État de New York, Sam Abrams partage le point de vue de Julia Steinberg sur l’endoctrinement idéologique qui s’est répandu comme un feu de forêt. « Nos universités ne sont plus le refuge des penseurs mais des activistes », note cet intellectuel francophile. (…) Le professeur de philosophie Jacob Howland, spécialiste de Platon, qui a récemment pris la direction du premier cycle d’humanités de la toute nouvelle université privée d’Austin au Texas (UATX), pour y créer un programme d’études libéré de l’idéologie woke, explique ce prurit néototalitaire par « l’influence très forte sur les campus américains du marxisme et de sa mystique révolutionnaire depuis les années 1930 ». Cette influence n’a selon lui jamais complètement disparu du paysage, « car il n’y eut jamais de décommunisation ». « Des gens comme Herbert Marcuse ont adapté l’idéologie marxiste à la libération sexuelle et d’autres formes d’oppression. Dans les années 1960, il était très chic d’adopter l’idée que les gens opprimés devaient être libérés », dit Howland. Le professeur texan précise que les campus ont commencé à virer sur la question israélienne après la guerre de Yom Kippour de 1973 et de l’occupation du Golan, très critiquée, sous l’influence notamment de l’intellectuel Frantz Fanon, héraut de la lutte décolonialiste. Les milieux académiques « ont peu à peu perdu le sens de la réalité en jouant avec les termes de décolonisation et de révolution tandis que l’exclusion progressive des conservateurs, représentés aujourd’hui dans un rapport de 1 à 12, a aggravé la tendance. Le débat a cédé le pas au militantisme, aujourd’hui les étudiants gagnent des points pour leur curriculum quand ils vont en meeting ! », s’indigne-t-il. Au nom de la lutte contre le racisme, les minorités surreprésentées académiquement comme les Juifs et les Asiatiques (en raison de leurs mérites) ont peu à peu été réduites. Les fameux départements censés promouvoir l’équité et l’inclusion (DEI), qui sont peuplés d’administrateurs idéologisés, ont acquis une importance démesurée. « Cette révolution s’est accompagnée d’une destruction délibérée du canon de la pensée occidentale », ajoute Howland, notant qu’à l’université à Tulsa, les grands textes de la pensée philosophique classique ont été écartés pour « leur idéologie patriarcale et suprémaciste » au profit des études de genre ou de la théorie critique. Pour le professeur Mitchell, la révolution identitariste en cours se distingue du marxisme qui visait à l’égalité alors qu’elle établit, elle, une forme « d’eugénisme spirituel » au profit des catégories opprimées, qui tend à justifier la violence. Heureusement, « cet angle mort moral » est en train de réveiller de nombreux libéraux, note-t-il. À travers les États-Unis, malgré la molle et peureuse réponse des présidents d’université surtout préoccupés de donner des gages à leurs étudiants, des contre-feux s’allument peu à peu. La riposte vient d’abord des alumni, notamment juifs, qui se sont indignés de la passivité des administrations universitaires face à la vague antisémite. Certains cabinets d’avocats ou fonds d’investissement ont même annoncé que les étudiants ayant signé des pétitions favorables au Hamas, seraient d’emblée exclus des recrutements. « C’est un sujet difficile car tout le monde a droit à l’erreur, mais il est important que ces étudiants comprennent que défendre l’assassinat de civils innocents est inacceptable moralement. Et si vous appelez à la violence contre vos camarades de classe, vous passez la ligne rouge. La notion de “libre parole” vous donne le droit d’avoir un discours de haine mais cela ne veut pas dire que vous ne devez pas porter la responsabilité de vos actes face aux règles de la société », note Abrams. Beaucoup de donateurs, comme Bill Heckner, patron d’un fonds d’investissement connu pour ses dons généreux à Harvard, ou la Fondation Wexner, « écœurée par l’absence de position claire contre le Hamas », ont annoncé retirer leurs financements. « Dans le cas de Harvard, assise sur un trésor de 50 milliards de dollars, le fait de perdre 1 milliard de dollars (ce qui semble correspondre au total des désinvestissements) n’aura pas une si grande incidence. Mais ailleurs, cela va peser lourd », espère Howland. Vu la manière dont l’idéologie woke a submergé le système éducatif, il appelle toutefois à créer de nouvelles institutions comme l’université d’Austin Texas (UATX), en revenant à une éducation classique d’excellence dotée de vrais repères moraux. Mais Howland note qu’il faut se hâter. « D’ici à quelques années, il n’y aura plus personne pour transmettre l’héritage intellectuel classique », avertit-il. Déjà dans les grands musées, sont nommés de nouveaux administrateurs qui affirment avec arrogance « qu’étudier les grands peintres est nocif car ils reflètent le colonialisme », note-t-il, scandalisé. Le même militantisme se profile dans les journaux, les entreprises… « Presque tous les enseignants qui ont moins de 40 ans, pensent comme leurs étudiants ! Je suis une exception », confirme Sam Abrams. Un avis partagé par le géographe et sociologue Joel Kotkin, qui voit « arriver à l’université Chapman, où il enseigne, des générations de plus en plus endoctrinées et totalement ignorantes ». « Leur but est de changer le monde mais quand je leur explique qu’il faut commencer par le comprendre, ces étudiants s’indignent. Leur approche bolchevique est terrifiante », note-t-il. Kotkin constate la faiblesse de la réponse politique de l’Administration Biden, qui cherche à composer avec une jeunesse radicalisée dont les voix lui seront indispensables lors de la présidentielle de 2024. L’intellectuel californien pense que cette confusion va conduire les Juifs à s’organiser et compter leurs amis. « On voit déjà des milices de vétérans de l’armée américaine patrouiller dans les quartiers juifs de Los Angeles », confie-t-il. Laure Mandeville
Une pilule vous fait grossir et une pilule vous fait rapetisser. Et celles que ta mère te donne ne font rien du tout. Va demander à Alice quand elle mesurera trois mètres de haut. Jefferson Airplane
Tu prends la pilule bleue, l’histoire s’arrête là. Tu te réveilles dans ton lit, et tu crois ce que tu veux. Tu prends la pilule rouge, tu restes au Pays des Merveilles et je te montre jusqu’où va le terrier. Morpheus (Matrix, 1999)
La pilule rouge fait référence à la vérité sur la réalité, en particulier une vérité qui est difficile à accepter ou qui expose à des désillusions. En ligne, l’expression « pilule rouge » est particulièrement utilisée par les groupes antiféministes et suprémacistes blancs pour désigner le fait de « se réveiller » et d’admettre que les femmes et les politiques libérales oppriment les hommes et les Blancs. L’expression « pilule rouge » est tirée du film d’action de science-fiction populaire et influent de 1999, Matrix. Dans une scène du film, le personnage principal, Neo, se voit offrir deux pilules : une pilule rouge et une pilule bleue. La pilule rouge représente un réveil, mais un réveil qui pourrait être difficile et douloureux. Le monde de Neo sera modifié de manière inconfortable s’il prend la pilule rouge, mais il prendra conscience de la vérité du monde. La pilule bleue représente le confort et la sécurité. S’il prend la pilule bleue, il continuera à vivre dans une ignorance béate. Le concept a un précédent dans le film de science-fiction Total Recall (1990). Dans ce film, un personnage offre à un autre une pilule rouge, censée symboliser son « désir de revenir à la réalité ». En revanche, aucune pilule bleue n’est présentée. Pilule rouge et pilule bleue sont devenues des expressions argotiques désignant respectivement le fait d’accepter la vérité même si elle est difficile, ou de la rejeter pour s’accrocher à un mensonge confortable. Une utilisation plus spécifique et controversée du terme est le fait de groupes antiféministes et d’extrême droite en ligne, dont beaucoup sont extrémistes et misogynes. En 2012, la communauté Reddit The Red Pill a été fondée autour du principe que ce sont les hommes, et non les femmes, qui sont opprimés par une société. Prendre la pilule rouge, ici, c’est voir cette « vérité » antiféministe. Prenant de l’importance lors de l’élection présidentielle de Donald Trump en 2016, l’alt-right – qui recoupe parfois les groupes de défense des droits des hommes – a également adopté la pilule rouge. Dans ce contexte, prendre la pilule rouge, c’est reconnaître que le nationalisme blanc est menacé par des éléments tels que le socialisme, le féminisme, l’immigration, la justice sociale et d’autres aspects associés à la politique libérale. En mai 2020, l’entrepreneur technologique Elon Musk a tweeté sur la prise de la pilule rouge ; la fille et conseillère de Donald Trump, Ivanka Trump, a répondu positivement. En raison de l’association étroite de la pilule rouge avec l’antiféminisme et la suprématie blanche, ces tweets ont notamment suscité la confusion et la controverse. L’expression « pilule rouge » n’est pas exclusivement utilisée par les militants des droits de l’homme ou tout autre groupe. Les références à Matrix peuvent être faites par n’importe qui le long du spectre politique et sont antérieures à la montée de l’alt-right et des mouvements de défense des droits de l’homme. Cependant, elle leur est le plus souvent associée grâce à une vague de couverture médiatique, en particulier après l’élection de Donald Trump, qui avait les faveurs d’une grande partie de l’alt-right. La couverture de l’élection a permis de mieux faire connaître cette utilisation de la pilule rouge. Pilule rouge peut être utilisé comme nom, verbe ou adjectif. En tant que verbe ou adjectif, il s’écrit souvent « redpill ». On peut parler d’un homme à la pilule rouge ou d’un ami ou d’un parent à la pilule rouge. La terminologie est utilisée à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des communautés politiques auxquelles elle se réfère. Ceux qui ne sont pas d’accord avec l’idéologie l’utilisent souvent par dérision, et ceux qui sont d’accord ont tendance à l’utiliser comme un marqueur d’appartenance. Pilule rouge est également utilisé par le mouvement alt-right, un groupe suprémaciste blanc vaguement organisé qui est unifié par la conviction que le politiquement correct et la justice sociale sont des outils pour attaquer l’identité blanche et la civilisation occidentale. Dans ce cas, cet ensemble d’idées est la pilule rouge que les membres sont censés avoir prise. Au sein de ces groupes, appeler les gens « pilule bleue » est une insulte et implique qu’ils choisissent d’être désillusionnés quant à leur oppression par les femmes ou la politique libérale. La pilule rouge et la pilule bleue ont donné naissance à un certain nombre de variantes, comme la pilule noire, associée aux incels, qui reprochent aux femmes leur manque d’activité sexuelle. Urban dictionary
Quand on prend la pilule noire, on se rend compte que rien ne va s’améliorer. Il ne vous reste plus qu’à vous allonger et à pourrir dans la solitude. Dictionnaire urbain
Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. Ahmed (violeur pakistanais)
Le tabou de la sexualité dans les sociétés musulmanes s’explique par le poids de la religion. En islam, les relations sexuelles en dehors du mariage sont proscrites comme c’est inscrit dans le verset 32 de la sourate 17 repris par les religieux et les juristes. La montée du conservatisme et du salafisme accentuent assurément le phénomène. La situation est certainement difficile pour les jeunes qui ont fui leur pays à la recherche de liberté et qui atterrissent dans ces quartiers où ils retrouvent les mêmes interdits, les mêmes tabous. Ils trouvent surtout un discours religieux qui leur raconte que l’Occident est un monde dépravé car il permet une sexualité sans limite et qu’en tant que musulmans ils doivent s’en préserver. Beaucoup sont davantage frustrés quand ils savent qu’ils vivent dans un pays comme la France qui leur permet d’être libres dans le domaine de la sexualité, mais que leur religion, leur culture et leur famille ne leur permettent pas. Si certains arrivent à échapper à cette atmosphère, d’autres développent de la haine contre cet Occident, contre ceux qui peuvent vivre librement, et pas eux. La haine est une cause de violence. (…) La sexualité est reconnue dans le Coran à condition qu’elle s’accomplisse dans les liens du mariage. Sinon, c’est la chasteté qui doit s’imposer. Le Coran parle de la femme chaste tout comme il parle de l’homme chaste et de la femme fornicatrice tout comme il parle de l’homme fornicateur. Il prévoit au fornicateur et à la fornicatrice de la même manière cent coups de fouet (sourate 24, verset 2). Cependant, quand il s’agit du Coran on ne peut pas donner une seule réponse. Car pour la même question, on peut y trouver des recommandations différentes voire contradictoires. Voilà pourquoi, il faut distinguer entre le Coran ou la charia coranique et le droit musulman que j’appelle la charia pratique. Au sujet de la sexualité, certains versets sont davantage sévères à l’égard des femmes, comme c’est le cas du verset 15 de la sourate 4, qui recommande aux hommes l’enfermement à la maison des femmes qui ont eu des relations sexuelles en dehors du mariage jusqu’à ce que la mort les rappelle ou que Dieu décrète un autre ordre à leur égard. D’autres privilégient les hommes tels le verset 223 de la sourate 2, La vache, qui s’adresse aux hommes en leur disant : « Vos femmes sont votre (harth) labour allez donc à vos (harth) champs comme vous l’entendez ». Il s’adresse à l’homme comme le sujet qui est concerné par la sexualité et la femme est présenté comme l’objet sexuel dont il jouit. Tout cela explique assurément en grande partie les violences sexuelles que subissent les femmes dans les sociétés musulmanes. (..) La violence peut avoir en effet plusieurs facteurs. Dans mon ouvrage (La nécessaire réconciliation, UPblisher, France) qui est une réflexion sur le phénomène de la violence, j’ explique que la cause de la violence réside en premier lieu dans le regard qu’on porte sur elle. La violence est hideuse et immorale et c’est ce caractère immoral qu’on lui attribue qui nous empêche d’y recourir. Quand la violence se moralise, autrement dit quand elle n’est plus vue comme quelque chose de mal et d’hideux, on cesse de la condamner et à ce moment-là rien de l’arrête. (…) Dans ce même ouvrage, j’ai fait un lien entre la violence chez les Maghrebins et le problème identitaire qui les mine. Je parle de problème identitaire car les Maghrébins sont des Berbères ou des Amazighs, en tous cas c’est la très grande majorité de la population, même si l’arabisation a fait en sorte que beaucoup parlent l’arabe aujourd’hui. Cependant, la très grande majorité non seulement préfère se dire arabe mais aussi déteste qu’on lui rappelle le fait qu’elle puisse être berbère et par conséquent rejette son histoire, ce qui m’a toujours interpellée. Pour moi, ne s’invente d’autres origines que celui qui a un problème avec les siennes. J’explique le lien avec la violence par le fait que celui qui n’a pas une bonne relation avec lui-même ne peut pas avoir une bonne relation, une relation paisible, avec l’autre. Celui qui porte un regard négatif sur lui-même souffre et la souffrance trouve très souvent dans la violence un moyen d’expression. Ce problème identitaire concerne les populations maghrébines au Maghreb et en dehors des frontières maghrébines. En France, on accentue le problème en appelant ces populations les Arabes. Razika Adnani
Je ne pense pas qu’agresser une femme soit un marqueur de masculinité mais l’agresser permet de soulager une frustration qui grandit au contact d’une societé où la femme est libre. Les populations qui migrent aujourd’hui, notamment afghanes ou nord-africaines, ont souvent déjà subi chez elles une forte influence du discours islamiste qui a entraîné une restriction de l’acces aux femmes aggravé par les difficultés économiques qui empêchent les jeunes hommes de réunir la dot nécessaire au mariage. C’est donc avec une grande frustration que ces migrants arrivent, surtout lorsqu’ils sont confrontés aux femmes occidentales. Face à cette confrontation des cultures, certains d’entre eux y voient une chance, là où d’autres rejettent cette liberté et la condamnent préférant préserver leur mode d’existence, hostile à l’émancipation féminine. Des études récentes ont démontré que le plus grand écart d’opinions entre le monde musulman et l’Occident concernait le rôle des femmes et les questions liées à la sexualité et non par exemple la défense d’un système démocratique. (…) L’un des grands chocs que vivent les immigrés venus de pays autoritaires et arrivant en France est la liberté de mœurs, mais aussi la liberté politique et la liberté de culte. Pour les personnes issues de cultures où l’individu ne conçoit pas la vie sur terre sans l’existence de Dieu, le fait d’afficher son athéisme est perçu comme un sacrilège. Cela est particulièrement vrai pour les migrants musulmans et surtout sa frange radicale qui n’accepte ni la liberté de culte ni celle de la femme. La violence est dès lors légitime, car elle est perçue comme nécessaire pour défendre sa culture et sa religion. La condamnation morale saute au profit d’une instauration par la force d’une société plus juste, plus pieuse, plus conforme à l’idéal religieux prôné. On ne comprend pas en Occident que l’absence de religion est un fait minoritaire dans le monde et qu’il bouleverse les populations migrantes. Laurence D’Hondt
Les féministes m’ont toujours gâché la vie. Depuis sept ans, la vie ne m’apporte aucune joie et, totalement blasé, j’ai décidé d’en finir avec ces viragos. Marc Lépine (Montréal, 1989)
J’ai l’air bien. Je m’habille bien, je suis rasé de près, je me baigne, je mets un peu d’eau de Cologne – et pourtant 30 millions de femmes m’ont rejeté – sur une période de 18 ou 25 ans. C’est ainsi que je vois les choses. Trente millions, c’est mon estimation approximative du nombre de femmes célibataires désirables. Les femmes ne m’aiment tout simplement pas. George Sodini (Pittsburgh, 2009)
Il y a des putes non seulement dans chaque ville, mais aussi dans chaque village, qui trahissent leur sang. Scott Beierle (Tallahassee, 2018)
Pour moi, il y a eu deux tragédies ce jour-là, raconte-t-elle. La première, c’est l’assassinat de ces quatorze jeunes filles, tuées parce qu’elles occupaient leur place de femmes. La deuxième tragédie, c’est ce qu’on a vécu après, le déni. Je me souviens de notre état de vulnérabilité. Certaines d’entre nous venaient de payer le prix d’être une femme, mais personne ne voulait le reconnaître. Si un homme blanc n’avait tué que des Noirs, n’aurions-nous pas tous hurlé à l’attaque raciste ? Là, on nous intimait le silence, il était inconcevable d’aggraver la déchirure qui venait de se produire entre les hommes et les femmes. J’ai compris ce jour-là combien nous avions été naïves. Il y avait bien quelques vieux schnocks qui grinchaient dans leur coin, mais on ne les écoutait pas. Francine Pelletier (2019)
Le lendemain, certains journaux titraient : “Des jeunes gens tués dans la fleur de l’âge”. Jamais on n’écrit des “jeunes femmes” ! À l’Assemblée nationale, un ministre rend hommage “aux étudiants sauvagement assassinés”, un lapsus pour effacer notre sexe. L’effet a été brutal. Nous avons vécu un ressac du combat pour l’égalité. Quand vous êtes attaquées de toutes parts, rendues responsables d’un massacre, vous rentrez dans vos terres, vous pansez vos plaies, et c’est ce que nous avons toutes fait. Monique Simard
Nous étions supposés être une société ouverte, progressiste, “correcte”. C’était trop douloureux collectivement de comprendre que c’était un mirage. Nous avions grandi dans l’idée que tout était possible. Notre mère avait crevé le plafond de verre en 1974, en devenant la première femme élue au conseil municipal de Montréal. Alors, nous avons cru avec une certaine naïveté que nous n’avions plus besoin de brûler nos soutiens-gorge ! Toutes ces années m’ont permis de comprendre que, pour les femmes, rien n’était jamais acquis. Les combats passés ne suffisent pas, il nous faut être vigilantes toute notre vie. Catherine Bergeron
Rendez-vous compte de l’épouvante du massacre, le premier en milieu scolaire, dix ans avant Columbine, aux États-Unis…  Je reconnais que la police n’a jamais réussi à dire publiquement que seules les femmes étaient visées, tout simplement parce que nous ne parvenions pas à nommer l’innommable. Comment survivre au fait d’être vivant quand on a connu cette blessure-là ? Jacques Duchesneau (ex-policier)
Les féministes radicales aiment présenter Gamil Gharbi comme un homme canadien typique, mais c’est loin d’être le cas. Gamil Gharbi était le fils d’un Algérien qui battait sa femme. Son père méprisait les femmes et a abandonné sa famille alors que Gamil Gharbi n’avait que sept ans. Gharbi souffrait de graves problèmes mentaux et rendait les femmes responsables de ses propres échecs. Justice pour les propriétaires d’armes à feu (2017)
Je sais que je m’engage sur un terrain glissant, mais je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi l’auteur du massacre de l’École Polytechnique en 1989 est toujours identifié dans la presse comme étant Marc Lépine. Lépine est en fait le nom de jeune fille de la mère du tireur, une ancienne religieuse. En réalité, il s’appelle Gamil Gharbi et il est né d’un immigrant musulman d’Algérie qui aurait subi des violences. (…) Je ne suis pas raciste, mais je me demande quel rôle des différences culturelles et/ou religieuses aussi évidentes ont pu jouer dans ces fusillades de masse. En quoi la vie familiale de Gharbi, Gill ou Fabrikant différait-elle de celle du propriétaire d’arme à feu canadien moyen respectueux de la loi ? Pierre G (2018)
Je ne suis pas surpris, et vous ne devriez pas l’être non plus, que le 6 décembre soit consacré à la haine des hommes alors que le récit officiel du massacre de Montréal affirme que tous les hommes sont responsables des actes de Gamil Gharbi. Christopher di Armani (2014)
Pendant 20 ans, les féministes ont soutenu qu’il s’agissait d’un acte de violence patriarcale extrême mais « emblématique », pour reprendre l’expression de Rosenberg. Mais les mémoires poignantes de Monique Lépine soulèvent une autre question, qui pourrait ajouter une nouvelle couche de complexité à cette histoire. Dans le film, Lépine n’est pas nommée. Mais Gamil Gharbi, le nom de naissance de Lépine, hérité de son père immigré algérien musulman, Rachid Liass Gharbi, ne l’est pas non plus. Selon Monique Lépine, Rachid était un homme violent et destructeur qui a « survécu » à la guerre d’Algérie. Je pense que cela vaut la peine d’y réfléchir. La plupart des gens qui veulent parler de Gamil Gharbi vivent dans la blogosphère de droite. Les hommes canadiens de droite semblent désireux de nommer Lépine comme Gharbi, car pour eux cela signifie qu’il était un produit de la culture nord-africaine, et non nord-américaine. Cela prouve le caractère étranger de la misogynie de Lépine/Gharbi et nous dit tout ce que nous devons savoir sur les Algériens, les musulmans et le bien-fondé de la guerre contre le terrorisme. « Les hommes canadiens en général ressemblent à M. Lépine, écrit un de ces blogueurs, à peu près autant que nous ressemblons aux terroristes du 11 septembre. Cette logique est absurde, mais il y a, je crois, une raison de considérer l’histoire de Gamil Gharbi. Monique Lépine a offert à Marc un changement de nom légal pour son quatorzième anniversaire. Il voulait certainement prendre ses distances avec son père violent, qui a abandonné la famille quand Lépine était jeune. Mais, selon sa mère, il a également souffert des stigmates de l' »extranéité » dans le Montréal des années 1970. « Il en avait assez de se faire traiter d’Arabe par certains enfants de l’école », écrit-elle. L’histoire de Rachid Gharbi est encore plus complexe. Selon Mme Lépine, son ex-mari a été torturé par électrochocs pendant la guerre d’Algérie. Les étudiants en décolonisation se souviendront que ce conflit a inspiré au psychiatre Frantz Fanon son classique Les malheureux de la terre, qui montre comment la brutalité de la torture déshumanise à la fois le tortionnaire et le torturé. Je ne sais pas ce qui est arrivé à Rachid Gharbi, en Algérie ou au Canada. Mais lorsque Fanon, après avoir écouté les témoignages des tortionnaires et des torturés, affirme que les guerres de libération nationale peuvent devenir un « terrain propice aux troubles mentaux », et lorsque les féministes contemporaines affirment que le militarisme favorise des hypermasculinités étroites et agressives, je pense que ce sont des hommes comme Rachid Gharbi qu’elles ont à l’esprit. Soyons clairs : je ne suggère pas que la guerre civile algérienne ou le racisme au Québec soient à l’origine du massacre de Montréal. Mais il s’agit peut-être d’une histoire plus vaste et plus globale que nous ne l’avons imaginée. Peut-être a-t-elle commencé dans l’histoire complexe de la colonisation, de la guerre anticoloniale et de la torture et a-t-elle été portée, aussi sûrement que la couleur de la peau, le « drôle de nom » et l’accent, par un immigrant dans un pays – le Canada – avec son histoire d’intolérance raciste et qui a contribué, et contribue encore, à un monde violent. Le fait que cet homme ait infligé ses démons à sa famille, qui à son tour les a infligés à elle-même et à beaucoup d’autres, est une vieille histoire. Ce qui reste à explorer, ce sont les liens entre la violence généralisée de la guerre, la violence au sein de la famille de Lépine et ses propres actes spécifiquement misogynes. En essayant d’imaginer la piste qui mène des corps d’Algériens torturés dans les années 1950 aux jeunes femmes assassinées à Montréal trois décennies plus tard, nous pouvons utiliser l’analyse de Fanon sur la colonisation et le racisme. Mais nous avons également besoin, et c’est essentiel, de l’analyse que les féministes ont faite de la guerre et du genre. Comme l’a écrit Cynthia Enloe, les guerres ne sont jamais simplement « là-bas ». Karen Dubinsky (Queen’s University, 2009)
[Pourquoi Marc Lépine a-t-il posé son geste ?] Je ne sais pas. Trouble d’attachement, famille dysfonctionnelle, ruptures successives, maladie mentale non diagnostiquée, abus dans l’enfance, intimidation, colère refoulée, amertume dans le cœur. Tout cela est vrai, mais rien n’est dit pour autant. Marc était-il autiste? Lui ai-je transmis mon insécurité affective? Et quelle génétique lui a légué son père absent?(…) [Ce que je me reproche,c’est] De n’avoir pas accordé suffisamment de présence et d’attention à mes enfants, Marc et Nadia, à cause des circonstances. J’ai quitté la maison parce que mon mari était violent envers moi et les enfants. Un jour, il a frappé mon fils si fort qu’il a dû être opéré pour une mastoïdectomie. Aujourd’hui, c’est clair, ce serait un cas de signalement à la DPJ. Mon mari nous menaçait de nous mettre à la rue et c’est ce qui est arrivé. Je me suis retrouvée seule, en 1972, avec un diplôme d’infirmière et deux enfants à charge. À l’époque, tout ce qu’on m’offrait, c’était la crèche, l’adoption. Il n’y avait pas de garderie ou d’aide sociale en ce temps-là. (…) Pour ses 14 ans, mon fils m’a demandé, comme cadeau d’anniversaire, que je lui donne mon nom de famille. J’ai accepté. C’est aussi à cet âge qu’il s’est fait appeler Marc, prénom d’un homme de notre entourage qu’il aimait beaucoup. En 1978, Gamil Gharbi est devenu celui que vous connaissez comme Marc Lépine. Dès qu’il a changé son prénom et son nom de famille, tout a changé. Il s’est forgé une autre personnalité. Je connaissais mon fils, mais Marc Lépine, je ne le connais pas. Marc Lépine n’était pas mon fils. Mon fils s’appelait Gamil Gharbi. Pour Marc, son père n’était que méchant, violent, frappeur. En reniant le nom du père, peut-être voulait-il conjurer le sort. Je ne savais pas que c’était pour épouser un autre type de violence. Il en avait marre aussi de se faire traiter d’Arabe par d’autres ados.(…) Marc refusait soudain toute marque d’affection, il ne voulait plus que je l’embrasse. Il a mis une distance, physiquement. Je trouvais ça difficile, mais je l’ai respecté. À l’adolescence et à l’âge adulte, il n’a jamais voulu que je le serre dans mes bras. C’est si important pourtant le contact physique, toucher avec présence, toucher avec douceur, un peu comme on peut le faire en accompagnant un mourant. Marc avait un «Grand Frère», car je voulais qu’il ait une image d’homme positive. Cet homme s’est avéré par la suite être un abuseur. Tout un enchaînement de faits s’est ainsi mis en place contre Marc, une suite d’attachements et de détachements. Les hommes le trompaient, et dans ces années-là, il perdait ses amis. Il avait beaucoup de difficultés à créer des liens, il a refoulé sa colère. Mais tout cela n’explique pas son geste.(…) Je ne crois pas qu’il reniait tous les hommes, parce qu’il avait 4-5 amis qui lui sont restés fidèles. Sa personnalité a changé après le changement de nom, ça, je l’ai constaté. C’est comme s’il s’était créé une autre identité. Marc a toujours été un garçon sensible, attentionné, souriant, avec de très belles notes. Or, après le changement de nom, surtout au cégep Saint-Laurent, il a changé d’identité et de personnalité. Il abandonnait ses cours ou ne remettait pas ses travaux et avait des zéros dans ses bulletins. Ce jeune homme s’isolait dans sa chambre avec ses jeux vidéos auxquels je ne comprenais rien. Non vraiment, Marc Lépine n’était pas mon fils. Mon fils s’appelait Gamil Gharbi. Quant aux autres hommes qu’il avait rencontrés dans sa courte vie – dont le père dans la famille d’accueil, ses amis (nous déménagions souvent), le Grand Frère –, je crois qu’il a été grandement blessé. Ses perceptions devaient être: «rejeté», «abandonné», «non aimé», «non désiré», «trahi». Mais il ne parlait pas de ses blessures émotionnelles et ne voulait pas d’aide. Était-il schizophrène sans le savoir? On a mentionné qu’il était psychopathe, mais je pense plutôt qu’il était psychotique. Aucun diagnostic n’a jamais été posé à son sujet. (…) Je ne sais pas où il a pris cette idée que les femmes prenaient la place des hommes. Et d’abord, qu’est-ce qu’une féministe à ses yeux? Sans doute une femme autonome, qui se responsabilise financièrement. Mais alors, je répondais à ce profil. Incapable de m’attaquer directement, a-t-il choisi de détourner sa haine sur d’autres femmes? Je ne le saurai jamais. Je ne saurai jamais s’il m’en voulait à moi, sa mère. Il a écrit les mots «je hais». La haine, c’est l’amertume qui peut dégénérer en meurtre. L’antidote de la haine, c’est le pardon. Mais sans doute ne se pardonnait-il pas à ses propres yeux. Alors, en faisant le mal, ce 6 décembre 1989, a-t-il voulu anesthésier le sien? Tout cela, je ne le saurai jamais.(…) je devais être perçue comme une féministe à ses yeux. Il en voulait aux femmes de prendre les jobs des hommes. Mais qui lui a mis ça dans la tête? C’est alors que j’ai compris que les parents ne sont pas la seule influence. Il y a celle des professeurs, des amis, de la télévision. Mais au-delà de tout, il y a une intuition féminine, rejetée par la police, mais que je garde toujours en tête: Est-ce que mon fils était amoureux de l’une de ces filles et qu’elle l’aurait rejeté? Qui le saura jamais! Je sais seulement que Marc était très exigeant envers lui-même. Mon fils n’acceptait pas de faire des erreurs. Il était calé dans les ordis, les maths, l’électronique, c’était plutôt nouveau à l’époque. Dirait-on aujourd’hui qu’il était autiste? Quand du jour au lendemain le père s’en va, que tu te retrouves seule et pauvre, ça peut affecter l’enfant, avec les abus, les pressions. J’aimerais tant comprendre…(…)[Le père] Nous ne l’avons pas revu depuis ma séparation, en 1972. Pas un mot de sympathie de sa part et il n’est pas venu à l’enterrement de Marc. Il n’a jamais pris soin de ses enfants, n’a jamais payé sa pension alimentaire. On n’en a pas de nouvelles. Je ne sais pas aujourd’hui s’il est vivant ou mort. Il s’en est lavé les mains.(…) Je serais la 15e victime, selon ce que m’en a dit Louis Courville, le directeur de l’École Polytechnique du temps. En fait non, plutôt la 16e, avec Marc, et même la 17e, avec ma fille Nadia. Je connaissais par cœur le vocabulaire de la santé, mais il m’a fallu apprendre celui de la justice. Or, je n’avais jamais utilisé ce mot de victime jusqu’en 2006, où j’ai appris que j’étais une «victime collatérale». Une «victime indirecte» de la tuerie de Polytechnique (parent et conjoints des victimes directes, amis, témoins du drame) pouvait recevoir de l’aide et des services. Pas une victime collatérale. (…)[Mais] Non. Une victime est centrée sur ses blessures, incapable d’envisager l’avenir ou ne cherchant qu’à blâmer l’autre ou à justifier ses souffrances. Moi, j’ai compris que si je voulais m’en sortir, il me fallait aller vers les autres. Quand je suis retournée travailler après le drame, je prenais le risque énorme d’être pointée du doigt. Alors, il fallait que je me protège. Je suis combative et, non, je ne suis plus une victime, mais je ne sais toujours pas pourquoi Marc a fait ce qu’il a fait. J’ai dépassé le stade de la victime parce que je suis capable désormais d’envisager l’avenir. Au lieu d’aller vers le passé comme le font les psychologues, je suis plutôt allée de l’avant. Un travailleur social, Gilles Leblanc, m’y a aidé. Il m’a demandé un jour ce que j’avais comme rêves. Je suis retournée à mes rêves d’ado, ceux d’avant le mariage, ceux d’avant les enfants, ceux d’avant Polytechnique. (…)[J’aidécouvert] Que j’avais encore bien des ressources en moi. Mes enfants n’étaient plus là, certes, mais j’étais encore en vie. Je me suis centrée sur ce qu’il me restait en me disant: «Oui, tu es amputée, mais tu peux fonctionner. Alors, que vas-tu faire aujourd’hui pour avancer?» J’ai arrêté de focaliser sur mes blessures. Ça m’a pris 17 ans pour y parvenir, 17 ans pour me restaurer. Je me suis bâti un réseau social, avec des gestes aussi simples que de m’inscrire à un club de Scrabble.(…) [Grâce] Surtout à ma foi en Dieu. La tragédie du 6 décembre 1989 est un acte totalement irrationnel, incompréhensible. Une telle tragédie est surhumaine; aucun être humain n’était en mesure de me comprendre. Je craignais à tout moment de perdre contact avec la réalité, de sombrer dans la folie ou de me laisser mourir. J’étais déjà croyante, alors j’ai continué de faire confiance à Dieu. Ma foi m’a sauvée, ça, ce n’est pas du rationnel. Restaurée avec Dieu par la transcendance, je pouvais, à partir de là, aller vers les autres. Lors d’un colloque où je donnais mon témoignage, un psychiatre avait du mal à comprendre comment j’avais pu «être restaurée». Il comprenait d’autant moins que j’y étais parvenue avec un minimum de pilules, prises au bon moment et pendant un court laps de temps. Je n’ai pris des médicaments que très ponctuellement. Il faut simplement comprendre que le rationnel, sur lequel repose la médecine moderne, est une chose; mais que le relationnel est bien plus puissant encore pour cheminer vers la guérison.(…) au nettoyeur, au supermarché ou à la station-essence. «Est-ce bien vous qui…?» Aujourd’hui, je saisis cette question qu’on m’adresse comme une porte ouverte: «Oui, c’est bien moi. Je suis la mère de Marc Lépine». Mon fils, cet enfant que j’ai désiré profondément, je ne l’ai jamais renié. Je le vois comme un être souffrant, avec des blessures insondables. J’assume le fait d’être sa mère.(…) Contre toute attente, le négatif semble vouloir se transformer en positif, c’est le côté émouvant et inattendu de cette tragédie. Par un curieux retour des choses par exemple, moi qui ai perdu mes deux enfants en lien direct (Marc) et indirect (Nadia) avec ce drame, voilà que bien des personnes m’appellent aujourd’hui leur «maman spirituelle». En effet, des femmes m’écrivent, des femmes qui ont des enfants en prison ou qui ont vécu des suicides familiaux. Elles savent que j’ai traversé l’enfer et que j’en suis sortie vivante, alors, elles me font confiance. La tragédie de Polytechnique a donné un certain sens à ma vie d’après le 6 décembre 1989. Je ne suis plus la même qu’avant le drame. Après tant de violence, après la monoparentalité, les années à travailler comme une déchaînée, le suicide de mes deux enfants, voilà que je me découvre résiliente. La relation m’apparaît plus importante que la performance et Dieu sait, comme femme et comme mère, combien on doit donner la double dose au chapitre de la performance! Alors, aujourd’hui, ne me parlez plus de performance, je veux simplement des relations. (…) Que je sois sortie vivante de l’horreur tient du miracle. Je crois que chaque personne, même dans les pires contextes et en dépit de toutes les forces adverses, peut faire des choix, dans une certaine mesure. Par exemple, celui d’accorder davantage d’attention à ses enfants, à ses proches, à ses amis. J’ai longtemps ruminé le fait que mon père ne m’a jamais dit «je t’aime». Lui-même ne se l’étant jamais fait dire, comment aurait-il pu apprendre à le dire? Je crois vraiment qu’on ne prend pas assez soin des autres. Un jeune qui ne reçoit pas d’attention à la maison sera agité à l’école. Je pense souvent aux jeunes de la rue. Quelqu’un leur a-t-il déjà dit «je t’aime»? Nous avons une responsabilité sociale, surtout en tant que professionnels de la santé, de mettre plus de relationnel dans nos vies et dans notre travail. Comme médecin ou infirmière, notre intérêt pour le malade ne doit pas se limiter à ce qu’il a, mais à ce qu’il est. Nous sommes des êtres humains, pas des «faire humains»… Monique Lepine
Le tsunami d’antisémitisme déclenché en Amérique par les atrocités terroristes du Hamas du 7 octobre n’a pas diminué. Au contraire, il se renforce. Le week-end dernier, des menaces à la bombe ont été envoyées par courrier électronique à des centaines de synagogues et d’institutions juives dans tout le pays. Selon le Secure Community Network, qui coordonne les mesures de sécurité pour les organisations juives, 199 alertes à la bombe ont été signalées en l’espace de 24 heures. De nombreuses menaces ont été lancées à un moment où les synagogues devaient être évacuées pendant les offices du shabbat. D’autres synagogues ont fait l’objet d’attaques plus directes. Dimanche, un assaillant criant « Gazez les Juifs ! » a pulvérisé un liquide nauséabond sur les personnes sortant de la congrégation Kesher Israel à Washington, D.C. À Albany, N.Y., quelques jours plus tôt, un homme criant « Libérez la Palestine » a tiré des coups de feu sur le Temple Israel alors que des dizaines d’enfants fréquentaient l’école maternelle à l’intérieur. Au cours de la récente fête de Hanoukka, de grandes menorahs publiques ont été vandalisées ou détruites dans de nombreuses villes. (…) Le directeur du FBI, Christopher Wray, qui a déclaré le 31 octobre que les États-Unis connaissaient des niveaux « historiques » d’antisémitisme, a indiqué ce mois-ci à la commission judiciaire du Sénat que la crise s’aggravait. M. Wray a déclaré que son agence avait ouvert 60 % d’enquêtes supplémentaires sur des crimes de haine depuis le 7 octobre. »La plus grande partie de ces menaces, a-t-il confirmé, sont des menaces à l’encontre de la communauté juive. Mais aucun développement n’a été plus alarmant que l’évidence d’une hostilité débordante envers les Juifs et l’État juif parmi les jeunes Américains. L’antisémitisme monte en flèche sur les campus universitaires, où l’on signale sans relâche des étudiants juifs victimes de railleries, de menaces, d’insultes et d’agressions. L’Anti-Defamation League (ADL) a rapporté le 29 novembre que 73 % des étudiants juifs interrogés ont déclaré avoir été victimes ou témoins d’incidents antisémites depuis le début de l’année scolaire. L’enquête de l’ADL, qui a interrogé près de 3 100 étudiants, a révélé que la proportion d’étudiants juifs qui se sentent à l’aise à l’idée que leur identité juive soit connue publiquement a chuté depuis octobre, passant de 64 % avant le début de la guerre entre le Hamas et Israël à seulement 39 % aujourd’hui. Dans le dernier sondage Harris, une enquête détaillée menée conjointement avec le Centre d’études politiques américaines de Harvard auprès de plus de 2 000 électeurs inscrits, deux tiers des Américains de la génération Z, c’est-à-dire ceux âgés de 18 à 24 ans, ont déclaré que « les Juifs en tant que classe sont des oppresseurs et devraient être traités comme des oppresseurs ». Parmi l’ensemble des personnes interrogées, en revanche, cette croyance a été rejetée comme « une fausse idéologie » par 73 % d’entre elles. Dans la même enquête, 60 % des personnes interrogées âgées de 18 à 24 ans pensent que le Hamas « a tué 1 200 civils israéliens et enlevé 250 autres civils, ce qui peut être justifié par les griefs des Palestiniens ».Seuls 40 % ont répondu par la négative. Dans toutes les cohortes plus âgées, une majorité de répondants a déclaré que les atrocités commises par le Hamas ne pouvaient être justifiées. Alors que le sondage Harvard/Harris a révélé que, dans l’ensemble, 81 % des électeurs américains interrogés soutiennent Israël dans sa confrontation avec le Hamas, parmi les électeurs de moins de 25 ans, le soutien était également partagé entre les deux. De même, une légère majorité des répondants de la génération Z, soit 51 %, ont déclaré que la « réponse à long terme » au conflit israélo-palestinien consistait à « mettre fin à Israël et à le confier au Hamas et aux Palestiniens ». Dans toutes les tranches d’âge plus élevées, ce point de vue est résolument rejeté. (…) Ces résultats sont choquants. Ils révèlent que les plus jeunes adultes du pays – ceux qui viennent de quitter le lycée et ceux qui sont en âge d’aller à l’université – ont un sens moral gravement déformé. Qualifier les « Juifs en tant que classe » d’oppresseurs et demander que le seul pays juif au monde soit « achevé » et livré à son ennemi n’est rien de moins que de l’antisémitisme. Et comme c’est souvent le cas avec les croyances nocives, elles ont proliféré si facilement parmi les jeunes précisément parce qu’ils ont été endoctrinés pour penser de cette manière. Ces dernières années, les enseignants et les administrateurs de nombreuses communautés ont activement inculqué un discours de gauche opposant l’oppresseur à l’opprimé et se sont donné pour mission de « décoloniser » leur enseignement. Certains districts scolaires et certaines classes d’université dénoncent Israël et promeuvent des leçons empoisonnées sur « la dépossession palestinienne de ses terres, de son identité et de sa culture par le colonialisme sioniste ». Il y a quelques jours, l’association des enseignants du Massachusetts a adopté une résolution exigeant la fin du soutien des États-Unis à Israël et excoriant ce qu’elle appelle « la guerre génocidaire du gouvernement Netanyahou contre le peuple palestinien ». Il n’est guère surprenant que les élèves exposés à des attitudes aussi virulentes au cours de leurs années de formation soient beaucoup plus susceptibles d’avoir des opinions antisémites en tant que jeunes adultes. Jeff Jacoby
Les discours de haine n’ont pas leur place à Harvard. Nous affirmons le droit de chacun, quel que soit son sexe, de se sentir en sécurité pour exprimer sa haine profonde et son désir de tuer le peuple juif. C’est pourquoi Harvard est plus qu’une école, c’est une famille. Claudine Gay (présidente de Harvard, site parodique Babel Bee)
Nous continuerons à nous rassembler jusqu’à ce que le peuple juif disparaisse et qu’une Palestine libre soit établie du fleuve à la mer. La respiration juive est une microagression évidente et si vous n’êtes pas d’accord avec le fait de tuer des Juifs, cela fait de vous un nazi. Comme nous le savons tous, seuls les nazis soutiennent Israël ! Luke Dillon (Babel Bee)
Je considérais que l’expression d’“islamo-gauchiste” n’était qu’une exagération partisane. Après les réactions aux événements de Gaza, je commence à douter. Gérard Araud
Les manifestations qui ont suivi les attaques du Hamas dans les écoles les plus prestigieuses du monde occidental, où on a vu des étudiants appeler à l’intifada, arborer des deltaplanes sur leurs t-shirts pour glorifier les terroristes, ou des professeurs affirmer que « les colons ne sont pas des civils », ont fait éclater au grand jour la radicalité insensée du postcolonialisme, qui justifiait l’horreur du terrorisme au nom d’un supposé « droit à la résistance ». Mais aussi les contradictions internes du wokisme. Ainsi, on a vu des responsables d’université (Harvard, Penn et MIT) justifier par le « contexte » l’appel aux meurtres de Juifs sur leurs campus. Campus où des professeurs et des étudiants avaient, au fil des années précédentes, été censurés pour des propos anodins sur la binarité des sexes. The Babylon Bee, le Gorafi américain, a parfaitement résumé l’affaire en un titre satirique : « Des étudiants quittent une conférence sur les micro-agressions pour rejoindre la manifestation « À mort les Juifs ». » Deuxième insoutenable contradiction : le grand silence des néoféministes sur les viols commis par le Hamas le 7 octobre, qui a achevé de décrédibiliser un mouvement incapable de nommer les violences patriarcales lorsqu’elles sont le fait des « racisés ». Un postcolonialisme qui justifie la violence et un néoféminisme qui excuse des viols : les paradoxes de l’intersectionnalité ont sauté aux yeux. Cette incohérence en a dessillé certains en France également, et a conduit à la marginalisation de nos wokes à nous, à savoir La France insoumise. Comme l’a reconnu le diplomate Gérard Araud, le 7 octobre : « Je considérais que l’expression d’“islamo-gauchiste” n’était qu’une exagération partisane. Après les réactions aux événements de Gaza, je commence à douter. » Mais le 7 octobre n’a fait qu’achever un processus de décomposition qui était en route depuis plusieurs mois. D’autres signes avant-coureurs laissaient apercevoir la déroute du wokisme. Un exemple criant était celui du naufrage du Centre de recherche antiraciste ouvert à Boston par Ibrahim X Kendi, l’auteur du best-seller Comment être un antiraciste. Ce centre, financé notamment par un don de plusieurs millions de Jack Dorsey, cofondateur de Twitter, a fini trois ans plus tard par licencier la quasi-totalité de son personnel suite à des malversations financières. Sur le plan judiciaire, le coup fatal porté à la discrimination positive en juillet dernier par un arrêt de la Cour suprême américaine est un tournant historique qui va à l’encontre du régime diversitaire. Dans le champ économique, l’effet Bud Light, du nom de la bière américaine ayant perdu un tiers de son chiffre d’affaires après avoir choisi une influenceuse transgenre dans une de ses publicités, a sonné le glas de l’alliance entre les grandes multinationales et l’idéologie du genre ou de la race. Go woke, go broke : le wokisme ne paie plus. C’est l’aveu du nouveau directeur de Disney qui a affirmé, après plusieurs échecs retentissants de dessins animés woke, qu’il ne fallait plus faire des films « à message » mais se contenter de divertir les gens. Pour la même raison (naufrage commercial), la célèbre marque de lingerie Victoria Secret a annoncé en octobre dernier renoncer à sa ligne « inclusive » qui comportait notamment des mannequins obèses. Le wokisme n’effraie plus. En février dernier Hogwarts Legacy, le jeu sur Harry Potter a été attaqué par une poignée d’activistes trans vouant une haine irrémédiable à l’auteur d’Harry Potter, JK Rowling. Résultat : le jeu s’est vendu 256 % de plus que prévu. Pour le sociologue de Columbia Musa al-Gharbi « le grand réveil » (« the great awakening ») aura duré dix ans de 2011 à 2021, commençant par le mouvement Occupy Wall Street, se renforçant par les mouvements anti-Trump sous la présidence de ce dernier et culminant avec les manifestations ayant suivi le meurtre de George Floyd. Le printemps 2020, après la sortie du confinement planétaire qui a sans doute eu des effets psychiques très lourds sur la jeunesse occidentale a correspondu à l’acmé hystérique du wokisme. Depuis, c’est le grand reflux. Alors bien sûr tout phénomène de récession se traduit par un risque de radicalisation. À mesure que l’extrême gauche se retranche sur le champ universitaire, elle se radicalise et hystérise ses positions. Dans les universités américaines les organisations Diversity, Equity and Inclusion (DEI), dont le nombre a explosé après l’élection de Trump, restent le nerf de la guerre d’un wokisme structurel. Depuis le 7 octobre, de nombreuses personnalités conservatrices, mais aussi libérales demandent désormais publiquement la suppression des DEI. Plusieurs États conservateurs l’abolissent progressivement. Mais le vrai problème est peut-être ailleurs. Suite aux manifestations woke sur les campus après le 7 octobre, le Pr Ron Hassner a posé à des étudiants qui étaient à 80 % d’accord avec le slogan anti-Israël « From river to the sea » (« du fleuve à la mer ») la question suivante : « From Which River to Which Sea ? » (« de quel fleuve à quelle mer ? »). Moins de la moitié d’entre eux savaient nommer le fleuve et la mer en question ; et quand on leur mettait sous les yeux une carte montrant qu’Israël disparaîtrait complètement si leur slogan devenait réalité, ils étaient 75 % à changer d’avis. Le wokisme a grandi et prospéré sur le terreau fertile de l’inculture. Comme l’a magistralement montré Allan Bloom dans L’Âme désarmée dès 1987, l’enseignement du relativisme culturel dans les lieux mêmes de la recherche de la vérité ne pouvait que mal finir. En France, nous avons en général dix ans de retard sur l’Amérique. Nous avons désormais le choix entre passer par la phase désastreuse d’une destruction de l’université par l’« académo-militantisme » (Nathalie Heinich) et de la méritocratie par la discrimination positive, ou gagner une décennie en conservant notre modèle. Eugénie Bastié
Regarde ce qu’ils ont fait à mon féminisme, ma !
Quelle pilule bleue des féministes…
Quand celles-là mêmes qui avaient si justement et souvent si violemment dénoncé les féminicides chez nous ou plus précisément de la part d’hommes occidentaux…
Deviennent si muettes …
Sans compter l’origine algérienne de l’auteur du premier féminicide de masse à Montréal il y a 34 ans …
Qui à l’âge de 14 ans avait changé son nom de Gamil Gharbi à Marc Lépine …
Devant le harcèlement sexuel, les viols, les égorgements ou incinérations régulières que doivent subir les femmes…
Comme pendant des décennies et dans la plus grande indifférence …
Pour ne pas être accuséd’intolérance et de racisme dans le nord de l’Angleterre
De la part de migrants souvent illégaux et sexuellement frustrés
Voire cautionnent carrément, ne serait-ce que par leur long silence, quand il s’agit du seul Israël…

Comment le 7 octobre a tué le wokisme
Eugénie Bastié
Le Figaro
22 décembre 2023

ANALYSE – Le soutien aux tueries du Hamas dans les grandes universités occidentales a montré au grand jour les contradictions d’un mouvement déjà en perte de vitesse.

« Le pic du wokisme est-il derrière nous ou devant nous ? », se demandait l’éditorialiste conservateur du New York Times Ross Douthat en septembre dernier, quelques jours avant les attaques du Hamas. En France, le jeune essayiste Pierre Valentin dans son livre Comprendre la révolution woke (Gallimard) paru au même moment se demandait : « Il ne s’agit pas de savoir si l’idéologie woke s’autodétruira, mais bien quand. » Il semble que ce temps soit venu.
Le 7 octobre et la répercussion qu’il a eu dans les milieux universitaires a été sans aucun doute un tournant. En effet, on a assisté à un déchaînement paroxystique qui, par ses outrances mêmes, a sonné le glas d’un mouvement condamné à la marginalisation par sa radicalité et à l’implosion par son incohérence.
Les manifestations qui ont suivi les attaques du Hamas dans les écoles les plus prestigieuses du monde occidental, où on a vu des étudiants appeler à l’intifada, arborer des deltaplanes sur leurs t-shirts pour glorifier les terroristes, ou des professeurs affirmer que « les colons ne sont pas des civils », ont fait éclater au grand jour la radicalité insensée du postcolonialisme, qui justifiait l’horreur du terrorisme au nom d’un supposé « droit à la résistance ». Mais aussi les contradictions internes du wokisme. Ainsi, on a vu des responsables d’université (Harvard, Penn et MIT) justifier par le « contexte » l’appel aux meurtres de Juifs sur leurs campus. Campus où des professeurs et des étudiants avaient, au fil des années précédentes, été censurés pour des propos anodins sur la binarité des sexes. The Babylon Bee, le Gorafi américain, a parfaitement résumé l’affaire en un titre satirique : « Des étudiants quittent une conférence sur les micro-agressions pour rejoindre la manifestation « À mort les Juifs ». »
Deuxième insoutenable contradiction : le grand silence des néoféministes sur les viols commis par le Hamas le 7 octobre, qui a achevé de décrédibiliser un mouvement incapable de nommer les violences patriarcales lorsqu’elles sont le fait des « racisés ».
Un postcolonialisme qui justifie la violence et un néoféminisme qui excuse des viols : les paradoxes de l’intersectionnalité ont sauté aux yeux. Cette incohérence en a dessillé certains en France également, et a conduit à la marginalisation de nos wokes à nous, à savoir La France insoumise. Comme l’a reconnu le diplomate Gérard Araud, le 7 octobre : « Je considérais que l’expression d’“islamo-gauchiste” n’était qu’une exagération partisane. Après les réactions aux événements de Gaza, je commence à douter. »
Le 7 octobre n’a fait qu’achever un processus de décomposition qui était en route depuis plusieurs mois. D’autres signes avant-coureurs laissaient apercevoir la déroute du wokisme.
Mais le 7 octobre n’a fait qu’achever un processus de décomposition qui était en route depuis plusieurs mois. D’autres signes avant-coureurs laissaient apercevoir la déroute du wokisme. Un exemple criant était celui du naufrage du Centre de recherche antiraciste ouvert à Boston par Ibrahim X Kendi, l’auteur du best-seller Comment être un antiraciste. Ce centre, financé notamment par un don de plusieurs millions de Jack Dorsey, cofondateur de Twitter, a fini trois ans plus tard par licencier la quasi-totalité de son personnel suite à des malversations financières.
Sur le plan judiciaire, le coup fatal porté à la discrimination positive en juillet dernier par un arrêt de la Cour suprême américaine est un tournant historique qui va à l’encontre du régime diversitaire.
Dans le champ économique, l’effet Bud Light, du nom de la bière américaine ayant perdu un tiers de son chiffre d’affaires après avoir choisi une influenceuse transgenre dans une de ses publicités, a sonné le glas de l’alliance entre les grandes multinationales et l’idéologie du genre ou de la race. Go woke, go broke : le wokisme ne paie plus. C’est l’aveu du nouveau directeur de Disney qui a affirmé, après plusieurs échecs retentissants de dessins animés woke, qu’il ne fallait plus faire des films « à message » mais se contenter de divertir les gens. Pour la même raison (naufrage commercial), la célèbre marque de lingerie Victoria Secret a annoncé en octobre dernier renoncer à sa ligne « inclusive » qui comportait notamment des mannequins obèses.
Le wokisme n’effraie plus. En février dernier Hogwarts Legacy, le jeu sur Harry Potter a été attaqué par une poignée d’activistes trans vouant une haine irrémédiable à l’auteur d’Harry Potter, JK Rowling. Résultat : le jeu s’est vendu 256 % de plus que prévu.
Pour le sociologue de Columbia Musa al-Gharbi « le grand réveil » (« the great awakening ») aura duré dix ans de 2011 à 2021, commençant par le mouvement Occupy Wall Street, se renforçant par les mouvements anti-Trump sous la présidence de ce dernier et culminant avec les manifestations ayant suivi le meurtre de George Floyd. Le printemps 2020, après la sortie du confinement planétaire qui a sans doute eu des effets psychiques très lourds sur la jeunesse occidentale a correspondu à l’acmé hystérique du wokisme. Depuis, c’est le grand reflux.
Alors bien sûr tout phénomène de récession se traduit par un risque de radicalisation. À mesure que l’extrême gauche se retranche sur le champ universitaire, elle se radicalise et hystérise ses positions. Dans les universités américaines les organisations Diversity, Equity and Inclusion (DEI) , dont le nombre a explosé après l’élection de Trump, restent le nerf de la guerre d’un wokisme structurel. Depuis le 7 octobre, de nombreuses personnalités conservatrices, mais aussi libérales demandent désormais publiquement la suppression des DEI. Plusieurs États conservateurs l’abolissent progressivement.
Le wokisme a grandi et prospéré sur le terreau fertile de l’inculture. Comme l’a magistralement montré Allan Bloom dans L’âme désarmée dès 1987, l’enseignement du relativisme culturel dans les lieux mêmes de la recherche de la vérité ne pouvait que mal finir.
Mais le vrai problème est peut-être ailleurs. Suite aux manifestations woke sur les campus après le 7 octobre, le Pr Ron Hassner a posé à des étudiants qui étaient à 80 % d’accord avec le slogan anti-Israël « From river to the sea » (« de la rivière à la mer ») la question suivante : « From Which River to Which Sea ? » (« de quelle rivière à quelle mer ? »). Moins de la moitié d’entre eux savaient nommer la rivière et la mer en question ; et quand on leur mettait sous les yeux une carte montrant qu’Israël disparaîtrait complètement si leur slogan devenait réalité, ils étaient 75 % à changer d’avis.
Le wokisme a grandi et prospéré sur le terreau fertile de l’inculture. Comme l’a magistralement montré Allan Bloom dans L’Âme désarmée dès 1987, l’enseignement du relativisme culturel dans les lieux mêmes de la recherche de la vérité ne pouvait que mal finir.
En France, nous avons en général dix ans de retard sur l’Amérique. Nous avons désormais le choix entre passer par la phase désastreuse d’une destruction de l’université par l’« académo-militantisme » (Nathalie Heinich) et de la méritocratie par la discrimination positive, ou gagner une décennie en conservant notre modèle.
Voir aussi:

Il y a trente ans à Montréal, le premier féminicide de masse
Hélène Jouan
Le Monde
15 novembre 2019

Récit Le 6 décembre 1989, quatorze jeunes femmes sont assassinées à l’Ecole polytechnique de Montréal. Leur tueur a laissé un message expliquant son geste par la haine des féministes. Il faudra attendre de nombreuses années pour que le crime soit nommé comme tel : le premier féminicide de masse revendiqué.
« Les filles à gauche, les garçons à droite. » L’homme tire une première fois au plafond. Nathalie Provost n’a pas encore peur. « J’avais en tête tous les mythes “les femmes et les enfants d’abord”, je pensais plutôt à un guet-apens pour les gars. » Il est 17 h 10, ce 6 décembre 1989. La nuit tombe, la neige s’accroche sur les interminables marches qui grimpent jusqu’à l’Ecole polytechnique de Montréal, perchée sur le mont Royal. Derniers cours de l’année avant les examens, puis ce sera les vacances de Noël. Bientôt, les étudiants chercheront leur premier job d’ingénieur pour construire routes, barrages et centrales du pays. On ne se bat pas encore pour dire « ingénieure », les filles sont si peu nombreuses dans l’école.

Au deuxième étage du bâtiment, dans la salle C-230.4, un homme vient d’entrer. Les deux mains agrippées à un fusil. Personne ne saisit qui est ce jeune homme au look de chasseur, casquette militaire sur la tête. Est-ce une mise en scène de fin d’année ? Une arme de pacotille ? Flottement. Le professeur lui demande de sortir. L’homme s’énerve : « Les filles, au fond de la classe ! Les gars, sortez ! » Nouveaux tirs de sommation. Un à un, les garçons et leurs deux professeurs quittent la pièce, lancent un regard à celles qu’ils laissent derrière eux. Certains ne se remettront jamais de cet abandon forcé.

Il reste neuf filles dans un coin de la salle. Neuf filles sur cinquante étudiants. « Savez-vous pourquoi vous êtes-là ? », leur demande l’homme. « Non », ose l’une d’elles. « Vous êtes toutes des féministes et je hais les féministes », réplique-t-il. « On n’est pas des féministes », rétorque Nathalie Provost. Qu’a-t-elle encore le temps de lui dire ? « Mon cerveau a bloqué les sons, les images, les odeurs. Je n’ai retrouvé la mémoire de ce moment de terreur qu’un an plus tard, par un rêve… Alors, aujourd’hui, je ne sais plus très bien… »

Qu’importe, l’homme ne la laisse pas finir. Il tire. Rafales de bas en haut, puis de gauche à droite. Neuf corps qui virevoltent et tombent. Des femmes au peloton d’exécution. Six d’entre elles meurent sur le coup, quelques-unes leurs mains entrelacées. Nathalie Provost est encore capable de mimer la danse macabre qui agite son corps, son visage qui pivote vers le mur, « le temps de voir le regard d’une camarade qui meurt », son buste qui fait un tour complet sur lui-même, « c’est curieux comme le temps est court et long à la fois », ses jambes qui ploient. Trente ans plus tard, elle effleure pensivement les cicatrices laissées par les quatre balles qui l’ont atteinte.

Massacre de femmes

Il est 17 h 10 et quelques mortes. L’homme quitte la salle de cours. Il emprunte l’Escalator, parcourt les étages. La jeune Geneviève Bergeron, 21 ans, le voit recharger son fusil automatique, elle s’enfuit vers la cafétéria, se cache derrière de hautes caisses au fond de la salle. L’homme repère la jeune femme blonde, s’approche, tire à bout portant. Corridors, salles de cours. Debout sur les tables, il cible les jeunes filles qui tentent de s’abriter sous les chaises, abat à travers une porte vitrée une femme barricadée dans son bureau.

« J’ai décidé d’envoyer ad patres les féministes qui m’ont toujours gâché la vie (…), de mettre les bâtons dans les roues à ces viragos. »

Il entend une étudiante blessée appeler à l’aide, revient sur ses pas, sort un couteau et la poignarde de trois coups en plein cœur. Le porte-parole de la police, Pierre Leclair, appelé sur les lieux de la tuerie pour répondre aux questions des journalistes, découvrira le corps de sa propre fille de 23 ans, Maryse, dans une mare de sang. Le tueur essuie son couteau, pose les munitions restantes, s’assied. S’exclame : « Oh, shit ! » Il place le fusil entre ses jambes, canon calé sous le menton, et appuie sur la détente. Marc Lépine, 25 ans, est mort, il a tué quatorze femmes, a blessé quatorze autres étudiants, dont dix étudiantes. Il est « 17 h 28 ou 29 », note le rapport du coroner de Montréal.

L’histoire aurait pu retenir que le tueur n’a mis que dix-huit à dix-neuf minutes pour commettre le premier féminicide de masse revendiqué. Malgré de nombreuses fautes, la lettre trouvée sur sa dépouille par les policiers entrés dans l’école ne souffre d’aucune équivoque : « Veillez noter que si je me suicide aujourd’hui (…) c’est bien pour des raisons politiques. Car j’ai décidé d’envoyer ad patres les féministes qui m’ont toujours gâché la vie (…) J’ai décidé de mettre les bâtons dans les roues à ces viragos. Même si l’épithète “tireur fou” va m’être attribué dans les médias, je me considère comme un érudit rationnel (…) Les féministes ont toujours eux le dont de me faire rager. Elles veulent conserver les avantages des femmes (…) tout en s’accaparant de ceux des hommes. »

Mais à 17 h 28 ou 29, ce 6 décembre, commence à s’écrire un curieux scénario qui va subrepticement conduire à taire, à nier puis à dénaturer, pendant des années, le crime commis. Les guerres déclenchées autour de cette tuerie que l’on refuse de nommer pour ce qu’elle est ont blessé le Québec jusqu’à aujourd’hui.

Taire d’abord.

La police refuse de publier la lettre de revendication de Marc Lépine, « pour ne pas créer de psychose supplémentaire », se défend aujourd’hui Jacques Duchesneau, responsable à l’époque de l’intervention policière à Polytechnique. Mais elle diffuse dès le lendemain une « annexe » jointe à cette lettre, une liste de dix-neuf noms de femmes. Des journalistes, une vedette de la télé, une syndicaliste, des femmes politiques, des policières… Avec cette annotation : « Ont toutes failli disparaître aujourd’hui. Le manque de temps (car je m’y suis mis trop tard) à permis que ces féministes radicals survives ».

Francine Pelletier apprend en regardant la télé qu’elle est « l’une de ces femmes à abattre ». Chroniqueuse dans un grand quotidien national, cette journaliste a commencé sa carrière dans les années 1980 en fondant La Vie en rose, un magazine d’actualité féministe. Animée du sentiment coupable « qu’on a tué des femmes à [s]a place », elle va se battre pendant des mois contre la police, puis la justice, pour avoir accès à la lettre de revendication du meurtrier. En vain. Jusqu’à ce qu’elle en reçoive une copie, par courrier anonyme, à quelques jours du premier anniversaire de la tuerie. Elle s’empressera de la faire publier à la « une » de son quotidien, La Presse.

Nier la signature du crime. « Pour moi, il y a eu deux tragédies ce jour-là, raconte-t-elle. La première, c’est l’assassinat de ces quatorze jeunes filles, tuées parce qu’elles occupaient leur place de femmes. La deuxième tragédie, c’est ce qu’on a vécu après, le déni. » Trente ans plus tard, l’ex-syndicaliste Monique Simard, connue pour son engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes dans le monde du travail, et sans doute à ce titre sur la liste de Lépine, s’insurge avec la même véhémence qu’hier contre tous les effacements subreptices du mobile du crime. « Le lendemain, certains journaux titraient : “Des jeunes gens tués dans la fleur de l’âge”. Jamais on n’écrit des “jeunes femmes” ! À l’Assemblée nationale, un ministre rend hommage “aux étudiants sauvagement assassinés”, un lapsus pour effacer notre sexe. »

Les femmes vivent comme une morsure particulière chaque masculin employé qui les ignore. Au lendemain du drame, l’éditorial du journal de Québec Le Soleil s’intitule « Une tuerie inexpliquée ». « “Je hais les féministes”, a lancé le tueur fou avant de tuer et de blesser les femmes. Cela ne prouve rien », affirme le journaliste.

Même la ministre déléguée à la condition féminine, Monique Gagnon-Tremblay, parle d’« un geste complètement isolé » et préfère rassurer « les Québécoises, [qui] n’ont pas à s’inquiéter ». Pour détourner la lumière du projecteur de la revendication du tueur, tous les moyens sont bons. Beaucoup s’en tiennent à la psychiatrie la plus élémentaire. « Le tueur est un fou » : fermez le ban, rien à ajouter. D’autres convoquent la psychanalyse : Marc Lépine, de son vrai nom Gamil Gharbi, est un sujet traumatisé par les figures d’un père algérien, violent puis absent, et d’une mère québécoise qui a dû se battre pour assurer la survie de ses enfants. Il a choisi le nom de celle-ci lors du divorce de ses parents, mais cette mère combative a marqué son rapport aux femmes. D’autres, enfin, invoquent « la culture de la violence nord-américaine » pour expliquer le geste. « Une violence qui est le fruit du libéralisme sauvage », accusent-ils.

Un peu de Freud, un peu de Marx, beaucoup d’indécence. Le jour des funérailles nationales, organisées à Montréal dans la basilique Notre-Dame, le directeur du Cegep (un établissement scolaire postbac) de la vieille ville dans lequel Marc Lépine a suivi une partie de sa scolarité, appelle ses élèves à réfléchir « au geste de désespoir qui vient d’être commis. Puissions-nous sensibiliser à l’importance de combattre l’isolement des personnes dans notre société ». Quatorze femmes viennent d’être assassinées, mais c’est le tueur la victime…

Dénaturer, nous y sommes. Des années plus tard, Francine Pelletier continue de vivre cette inversion des rôles comme une blessure faite aux femmes. « Je me souviens de notre état de vulnérabilité. Certaines d’entre nous venaient de payer le prix d’être une femme, mais personne ne voulait le reconnaître. Si un homme blanc n’avait tué que des Noirs, n’aurions-nous pas tous hurlé à l’attaque raciste ? Là, on nous intimait le silence, il était inconcevable d’aggraver la déchirure qui venait de se produire entre les hommes et les femmes. J’ai compris ce jour-là combien nous avions été naïves. »

Ce qui éclate aux visages des Québécois ce 6 décembre, c’est que leur société n’est pas le modèle harmonieux qu’ils croyaient avoir construit. « Nous étions supposés être une société ouverte, progressiste, “correcte”, témoigne, avec un brin de tristesse, Catherine Bergeron, qui a perdu sa sœur Geneviève, 21 ans, à Polytechnique. C’était trop douloureux collectivement de comprendre que c’était un mirage. » Ce dont les Québécoises prennent conscience, c’est que le geste de Marc Lépine a révélé une guerre des sexes qu’elles avaient cru éviter.

Regrets et larmes

Nous sommes à l’aube des années 1990. C’était hier. Comment expliquer que le Québec ait préféré fermer les yeux ? La question provoque encore regrets et larmes. Jacques Duchesneau, désormais à la retraite, plaide l’état de choc face à la violence qui foudroie. « Rendez-vous compte de l’épouvante du massacre, le premier en milieu scolaire, dix ans avant Columbine, aux États-Unis… » Silence. Les défenses tombent, ses yeux s’embuent. « Je reconnais que la police n’a jamais réussi à dire publiquement que seules les femmes étaient visées, tout simplement parce que nous ne parvenions pas à nommer l’innommable. »

Cet attentat antiféministe est une offense à la douce euphorie née de la « révolution tranquille » que le Québec vient de connaître. En une vingtaine d’années seulement, c’est toute une société qui s’est mise à bouillonner pour effacer la mainmise de l’Église et bousculer tous les conservatismes. Une révolution sociale, culturelle et politique qui a fait entrer le pays dans la modernité et permis ce miracle : combler en un temps record le retard économique, poser les bases d’un État-providence, revendiquer une nouvelle identité, dont certains espèrent qu’elle mènera un jour à l’indépendance.

Au début des années 1970, un groupe de féministes lance le slogan « Pas de libération des femmes sans libération du Québec, pas de libération du Québec sans libération des femmes ». La tentation souverainiste a fait long feu, mais les Québécoises ont avancé souvent plus rapidement qu’ailleurs. Maîtrise de la natalité, éducation des filles, droit à l’avortement (décriminalisé dès 1976)… « Mais, comme le Québec ne se définit pas par la violence de ses rapports sociaux ou humains, on ne s’est jamais “cognées” avec les hommes, témoigne Monique Simard. Rien à voir avec les actions du MLF chez vous ! On a vraiment cru qu’on était une société “tricotée serrée”. » « Il y avait bien quelques vieux schnocks qui grinchaient dans leur coin, renchérit Francine Pelletier, mais on ne les écoutait pas. »

Dénégation collective

Au soir du 6 décembre, en regardant, groggy, les premières images à la télé de l’effroyable massacre, elle comprend que la révolution qu’elle croyait de velours a créé des tensions et des ressentiments, dont l’acte odieux de Marc Lépine n’est que l’acmé. Ce terrible passage à l’acte va libérer une parole enfouie ou ignorée de rage masculine contre les femmes.

Dès le lendemain, les émissions d’interactivité à la radio regorgent d’appels d’hommes qui expriment leur sympathie pour le tueur. L’un d’eux appelle d’ailleurs directement Francine Pelletier pour lui dire : « Si vous voulez interviewer Marc Lépine après sa mort, rencontrez-moi. » Coup de fil et rencontre surréalistes. « Ce quidam me raconte que son ex-petite amie était une féministe qui décidait de tout, qui voulait un compte en banque séparé… Son récit était “niaiseux”, comme on dit chez nous, mais finalement terriblement banal : il se vivait comme émasculé. Il était de tous ces hommes perdus par ce mouvement qui voyait les femmes occuper enfin leur espace, tous ces hommes qu’on n’avait pas voulu voir. »

« Nous avions grandi dans l’idée que tout était possible, que nous n’avions plus besoin de brûler nos soutiens-gorge ! » Catherine Bergeron, sœur d’une victime
Toutes celles qui osent user de l’argument de la violence délibérément faite aux femmes sont désormais accusées de « récupération indécente ». Pire, certains avancent que ce sont elles qui ont armé le bras du tueur en allant trop loin dans leur bataille en faveur de l’égalité. Curieusement, la génération des survivantes de Lépine va, dans un premier temps, participer à cette dénégation collective. Le « On n’est pas des féministes » lancé par Nathalie Provost sert d’alibi. « C’était mon instinct de survie qui parlait à l’époque, se défend-elle, mais ce n’était pas un désaveu du féminisme ! »

Aujourd’hui encore, elle raconte avec une pointe de douleur le procès qui lui a été fait. « Je savais ce que je devais à la génération de ma mère, mais je le considérais comme un acquis. Pour moi, ça a toujours été une évidence que le geste de Lépine était politique, il me l’a dit en face avant de vouloir nous tuer… mais on m’a prêté des intentions que je n’avais pas », regrette-t-elle. Ces jeunes femmes qui ont choisi de s’engager dans des études longtemps réservées aux garçons refusent de croire que c’est leur sexe, leur genre, dirait-on aujourd’hui, la cible ; elles considèrent tout simplement que le combat du féminisme n’est plus le leur, d’ailleurs le mot même de « féminisme » leur apparaît ringard et trop connoté « antihomme ». Leurs aînées s’offusquent de cette « inconséquence collective », et les accusent, parfois avec violence, d’ingratitude.

« Nous avions grandi dans l’idée que tout était possible, tente d’expliquer aujourd’hui Catherine Bergeron, la sœur de Geneviève. Notre mère avait crevé le plafond de verre en 1974, en devenant la première femme élue au conseil municipal de Montréal. Alors, nous avons cru avec une certaine naïveté que nous n’avions plus besoin de brûler nos soutiens-gorge ! » Abîme d’incompréhension entre générations. « L’effet a été brutal, se souvient Monique Simard, nous avons vécu un ressac du combat pour l’égalité. Quand vous êtes attaquées de toutes parts, rendues responsables d’un massacre, vous rentrez dans vos terres, vous pansez vos plaies, et c’est ce que nous avons toutes fait. »

Mouvement de balancier, des hommes croient tenir leur revanche. Les premières revendications masculinistes fleurissent. Un an après le drame, le journaliste Roch Côté publie Manifeste d’un salaud, un pamphlet violemment antiféministe dans lequel il reproche aux « idéologues du féminisme d’avoir récupéré la tuerie de Polytechnique en relançant la croisade contre le Grand Satan, l’affreux mâle ordinaire et batteur de femmes. Opération qui relève de l’exorcisme ». Aucune femme ne voulait rien exorciser. Juste que le crime soit nommé.

La guerre est-elle finie ? Dans quelques jours, la ville de Montréal va desceller, place du 6-Décembre-1989, la plaque apposée en 1999 en mémoire des victimes, pour la remplacer par une nouvelle. L’ancienne se contentait d’évoquer « la tragédie survenue à l’Ecole polytechnique », il sera désormais gravé que « quatorze femmes ont été assassinées lors d’un attentat antiféministe ». Trente ans pour dire, enfin. Il y a eu, au fil des années, des petits cailloux blancs semés sur le chemin de l’acceptation du drame pour ce qu’il est. Un an après « Poly », la publication de la lettre du tueur commence à dessiller les yeux des plus sceptiques : Lépine a signé sa haine misogyne, il suffit de lire ses mots.

En 1991, le Canada acte la reconnaissance formelle du crime sexiste en instituant le 6 décembre, jour anniversaire de la tuerie, Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. En 2009, le film Polytechnique, de Denis Villeneuve, qui n’élude rien des motivations du tueur, va concourir à ce que « les murs de brique construits entre nous s’effritent », raconte Catherine Bergeron. « Le temps du deuil pour une société est le même que pour une personne », ajoute-t-elle joliment, comme pour excuser son pays d’avoir mis si longtemps à nommer l’horreur.

Le temps de la catharsis

Après la sidération, le déni et les chicanes, le temps de la catharsis. « Toutes ces années m’ont permis de comprendre que, pour les femmes, rien n’était jamais acquis. Les combats passés ne suffisent pas, il nous faut être vigilantes toute notre vie », explique Catherine Bergeron, qui a pris la tête du Comité Mémoire né après les événements de Polytechnique pour 0porter ce message. L’ex-policier Jacques Duchesneau ne cache pas que, comme de nombreux Québécois, il est toujours à la recherche d’une forme de rédemption. « Comment survivre au fait d’être vivant quand on a connu cette blessure-là ? », s’interroge-t-il encore.

« C’est une bénédiction que la jeunesse ait repris le flambeau. » Francine Pelletier
Certaines victimes se sont engouffrées dans le combat contre les armes à feu afin de donner un sens à leur douleur, jusqu’à obtenir un temps un registre national des armes. Son rétablissement fut un des enjeux de la dernière campagne fédérale. À son tour, Nathalie Provost a vécu une forme de réparation : elle a été invitée, en 2018, par des amies de sa fille à prendre la parole au sein d’une assemblée féministe. « C’était la première fois que des féministes québécoises me reconnaissaient comme une des leurs. Il a fallu une génération entière pour nous réconcilier », regrette celle qui ne cache pourtant pas avoir cheminé elle aussi, et qui revendique désormais haut et fort son identité féministe.

Le mouvement #moiaussi (metoo), né il y a deux ans, est venu rasséréner Francine Pelletier et toutes ces féministes « historiques » qui se sont vues montrées du doigt. « C’est une bénédiction que la jeunesse ait repris le flambeau », se réjouit-elle. Après avoir passé tant de temps à ressasser cette tuerie, la journaliste voit d’ailleurs dans la question du corps des femmes la grande explication des féminicides de masse. Celui de Marc Lépine comme ceux perpétrés depuis par des hommes se réclamant des incels (célibataires involontaires) en Californie ou à Toronto : « “Quoi que vous deveniez, je veux garder le grappin sur vos fesses”, voilà le ressort de leur haine. Ils ne peuvent accepter que l’accès au corps des femmes ne soit plus un droit. » Plutôt anéantir les femmes que renoncer à dominer leur corps.

Voir également:

« Incels »: quand la haine des femmes pousse au meurtre
Un Américain a tué deux femmes dans un club de yoga. Que faire contre l’idéologie violente des « célibataires involontaires »?
L’Express
2019

Il détestait les femmes. Vendredi, Scott Beierle a tué deux femmes et blessé quatre autres en ouvrant le feu dans un club de yoga en Floride, avant de se donner la mort. Dans des vidéos et chansons publiées en ligne, l’homme de 40 ans déversait sa haine envers les « putes » à qui il reprochait de ne pas sortir avec lui. Son acte meurtrier remet sur le devant de la scène la communauté des « incels », pour « célibataires involontaires », des hommes unis par une misogynie tenace matinée de racisme qui peut pousser au meurtre.

Sur internet, les « incels » se lamentent de ne pas avoir de relations amoureuses ou sexuelles avec les femmes, qu’ils voient comme des êtres manipulateurs responsables de leur mal-être. Le rejet dont ils disent faire preuve est selon eux une injustice qui justifie la violence envers les femmes, qu’elles aient décliné leurs avances ou qu’elles aient simplement le tort d’avoir une vie sentimentale.

Le web, un « terreau » pour la haine

Les deux personnes tuées par Scott Beierle sont deux femmes de 21 et 61 ans. Quatre autres femmes ont été blessées, ainsi qu’un homme. Un porte-parole de la police de la ville de Tallahassee, où a été commise la fusillade, a indiqué à BuzzFeed News que l’enquête prenait en compte l’activité en ligne du tireur. C’est la deuxième fois cette année qu’un homme proche de l’idéologie des « incels » commet un meurtre de masse en Amérique du Nord. Fin avril, Alek Minassian, 25 ans, avait foncé sur des piétons au volant d’une camionnette à Toronto, au Canada, tuant 10 personnes dont huit femmes.

Que faire contre cette idéologie violente ? Il y a un an, le forum américain Reddit a banni la communauté « incel ». 40 000 personnes participaient à ce salon de discussion où les femmes étaient décrites comme « l’incarnation du mal » et où le viol était justifié. Une telle décision n’est pas anodine, car le web a « longtemps été un terreau fertile pour les hommes qui haïssent ouvertement les femmes », écrivait après l’attaque de Toronto la journaliste féministe Laura Hudson sur le site spécialisé The Verge. Et les plateformes comme Reddit ont été critiquées à de nombreuses reprises pour avoir laissé fleurir ces communautés misogynes et racistes.

« Terrorisme intérieur »

Le nombre d’attaques mortelles perpétrées au nom d’une même idéologie misogyne pose également la question de la réponse des autorités. Faut-il surveiller les forums où discutent les « incels » comme on surveillerait les sites proches de l’islamisme radical ? Selon BuzzFeed News, le FBI n’a pas l’oeil sur les éléments les plus violents de ces communautés.

Interrogé par le même site, J.M. Berger, analyste spécialisé dans l’extrémisme en ligne, juge que les attaques comme celle perpétrée dans le club de yoga doivent être approchées comme du « terrorisme » intérieur, même si la définition classique du terrorisme, qui suppose la responsabilité d’un groupe organisé, pose problème. « Les sources des gens radicalisés en ligne sont souvent des mouvements informes qu’il est difficile de poursuivre dans l’état actuel de nos lois », note l’analyste. Il ne fait pourtant pas de doute qu’en tuant des femmes, les « incels » cherchent à les terroriser au nom d’une idéologie haineuse.

Voir de même:

Nearly 10 Years Apart, Attacks On Women Have Eerie Similarities
After posting online misogynistic rants, George Sodini walked into an LA Fitness class, turned off the lights and opened fire on women. Today, he is celebrated by the incel community.
Talal Ansari and Ariane Lange
BuzzFeed
November 6, 2018

Nearly 10 years ago, George Sodini walked into an LA Fitness in Scott Township, a suburb just southwest of Pittsburgh. With a duffle bag in hand, he made his way to where an exercise class was being held. After waiting a minute, the 48-year-old turned off the lights and fired on the women in the room with two 9 mm weapons. He killed three and injured nine others before killing himself.

“I actually look good. I dress good, am clean-shaven, bathe, touch of cologne – yet 30 million women rejected me – over an 18 or 25-year period. That is how I see it. Thirty million is my rough guesstimate of how many desirable single women there are,” Sodini wrote in his online blog eight months before the shooting, ABC News reported. “Women just don’t like me.”

The circumstances were similar to those involving Scott Beierle, 40, who shot and killed two women at a yoga studio in Tallahassee, Florida, on Friday before killing himself.

Sodini and Beierle were both in their forties. Both complained extensively in online rants about women, appearing to harbor deep and deadly resentment around their rejections.

Police investigators work the scene of a shooting at the Yoga studio in Tallahassee.

Beierle was a self-proclaimed misogynist who railed against black people and immigrants, but especially women.

“There are whores in — not only every city, not only every town, but every village,” Beierle said about women who are in interracial relationships. Those women, he said, had betrayed “their blood.”

Sodini also mentioned race in his posts, writing, “Black dudes have their choice of best white girl.”

Beirerle lamented “the collective treachery” of girls in his high school and called women “sluts” and “whores.”

In the de facto online incel community — a loosely organized group whose members consider themselves “involuntarily celibate ” and blame women for their celibacy — Sodini’s name lived on, but not in infamy. In online message boards like Reddit and 4chan where incels would commiserate, the act of an incel killing women had a phrase. It was called « Going Sodini. »

But their reverence for incel murderers goes back even further, to 1989, when Marc Lepine opened fire at a university in Montreal, killing 14 women, and then himself. In his suicide note, he said feminists, “who have always ruined [his] life,” drove him to commit mass murder. “For seven years life has brought me no joy and being totally blasé, I have decided to put an end to those viragos, » he wrote, using a term to describe domineering and bad-tempered women.

In his suicide note, he said feminists, “who have always ruined [his] life,” drove him to commit mass murder.

According to a report from the Violence Policy Center based on US crime data from the FBI, more than 1,800 women were murdered by men in 2016. Unlike many of the incel victims, the vast majority of those women were murdered by someone they knew.

These incel murders are related to violence against women in the US broadly, said Katie Ray-Jones, the CEO of the National Domestic Violence Hotline. More than half of mass shooters have histories of violence against women, she said. After 17 people were killed in the February 2018 shooting in Parkland, Florida, reports emerged that the shooter had become enraged when his ex-girlfriend began dating another boy. The hotline got a surge in calls from women who believed they might be in a relationship with a potential mass shooter. “People are seeing threads of their own story in the media,” Ray-Jones said.

Jane Caputi, the feminist scholar who helped popularize the term “femicide,” told BuzzFeed News it’s gotten easier to convince people that these crimes are “sexually, politically-driven crimes and a form of terrorism against women.” Shortly before the Montreal murders in 1989, “to simply say the phrase misogyny-driven murder would have required a major explanation,” she said. But since the 1980s, the concept has become more mainstream.

Toni Van Pelt, president of the National Organization for Women, recalled her frustration with past media coverage of mass shootings of women, including an article about a 1998 school shooting that said one of the killers had been “jilted by a girl” and then quoted police saying there was no explanation for the killings. “Nobody in the media was lifting it up, that in these killings, almost [all the people] that were dead were women and girls.” Media coverage at the time, she said, suggested, “‘Oh, he must have been mentally ill and we don’t know what the connection is.’”

Sodini had detailed his life in his blog, including meticulous notes on how he had not had sex since 1990, a girlfriend since 1984, and how he had “chickened out” on an earlier attempt to attack the class.

After the aborted plan, Sodini wrote, he took a more meticulous approach, making practice runs to the LA Fitness.

“I took off today, Monday, and tomorrow to practice my routine and make sure it is well polished. I need to work out every detail, there is only one shot. Also I need to be completely immersed into something before I can be successful. I haven’t had a drink since Friday about 2:30. Total effort needed. Tomorrow is the big day, » he wrote.

In a statement, family members of Heidi Overmier — one of the three women killed by Sodini — said they were “disheartened by the news of yet another mass shooting in America, particularly one so shockingly similar to the one that took our beloved Heidi’s life.”

“Our hearts are breaking” for Dr. Nancy Van Vessem and Maura Binkley, the two victims of Friday’s yoga shooting in Tallahassee, the statement said.

“We sadly know quite well what they are going through and that no words, regardless of how sincere, can truly bring comfort,” the statement read. “We will not give up hope that our nation can find a solution to this issue and we plead with our local and national leaders to humanize, not politicize, the ongoing epidemic of gun violence.”

After the LA Fitness shooting, the superintendent of the Allegheny County Police Department told the New York Times that Sodini hadn’t known anyone in the class and had targeted it because of the women who attended.

It’s unclear if Beirle knew anyone in the hot yoga class he attacked. “Everything that he has a connection to we’re investigating right now,” Officer Damon Miller of the Tallahassee Police Department told BuzzFeed News.

In one video Beierle posted online, called “Plight of the Adolescent Male,” he mentioned Elliot Rodger, who killed six and injured 14 in a shooting in a 2014 California shooting and stabbing spree.

Rodger, who wrote a “manifesto” blaming women for not having sex with him, is seen by some as an incel hero.

Beierle’s is the second deadly attack this year in which Rodger has been mentioned by the suspected assailant. A man who police say killed 10 people in April when he drove his van into a crowd in Toronto referenced Rodger in anti-women rants on Facebook.

“The Incel Rebellion has already begun! We will overthrow all the Chads and Stacys! All hail the Supreme Gentleman Elliot Rodger!” a Facebook post by the alleged Toronto driver, Alek Minassian, read, according to USA Today.

Before Sodini entered the room, Mary Primis had just told her “Latin Impact” aerobics dance class that she and her husband were expecting a child, their first. Moments later, Sodini began firing with two guns, hitting Primis twice. She made a full recovery and gave birth to a healthy baby boy.

“I have gone through something very similar,” Primis told BuzzFeed News of the Tallahassee shooting victims. “I know what they are feeling, I have been there. I know a little bit about the journey they have ahead of them in their recovery. I share in their grief and I have a lot of sadness for them.”

Primis said after the shooting, she didn’t pay much attention to Sodini’s motivations. “I choose not to really give him much thought. It was better for me to not give him the attention that he was seeking,” she said.

Voir de plus:

The share of Jewish students saying they are comfortable with their religious identity being publicly known has plummeted since Oct. 7 to just 39 percent.
Jeff Jacoby
The Boston Globe
December 20, 2023

THE TSUNAMI of antisemitism unleashed in America by the Oct. 7 Hamas terrorist atrocities has not abated. If anything, it is gaining strength.

This past weekend, bomb threats were emailed to hundreds of synagogues and Jewish institutions nationwide. According to the Secure Community Network, which coordinates security arrangements for Jewish organizations, 199 bomb threats were reported in a 24-hour span. Many of the threats were timed to force synagogues to evacuate during Sabbath services. Attacks on other synagogues have been more direct. On Sunday, an assailant yelling « Gas the Jews! » sprayed foul-smelling liquid on people exiting the Kesher Israel Congregation in Washington, D.C. In Albany, N.Y., a few days earlier, a man shouting « Free Palestine » fired gunshots at Temple Israel while dozens of children were attending preschool inside.

During the recent Hanukkah festival, large public menorahs in numerous cities were vandalized or destroyed. In Oakland, Calif., an 11-foot-tall menorah was smashed and thrown into a lake; « Free Palestine » was spray-painted in Arabic where the menorah had stood. In Juno Beach, Fla., it is an annual tradition to publicly light a sand-sculpted menorah; this year the menorah was knocked down and a large black swastika placed atop the wreckage. During an anti-Israel demonstration in New Haven, Conn., a man wearing a keffiyeh climbed the 30-foot-tall menorah installed near the Yale campus and draped it with a Palestinian flag.
FBI Director Christopher Wray, who testified on Oct. 31 that the United States was experiencing « historic » levels of antisemitism, told the Senate Judiciary Committee this month that the crisis is worsening. Wray said his agency has opened 60 percent more hate crimes investigations since Oct. 7 than before then. « The biggest chunk of those, » he confirmed, « are threats against the Jewish community. »
But no development has been more alarming than the evidence of overflowing hostility to Jews and the Jewish state among young Americans.
Antisemitism is surging on college campuses, where reports of Jewish students being taunted, threatened, cursed, and assaulted continue without letup. The Anti-Defamation League reported on Nov. 29 that 73 percent of Jewish college students surveyed said they experienced or witnessed antisemitic incidents since the start of the school year. The ADL survey, which polled nearly 3,100 students, found that the share of Jewish students saying they feel comfortable with their Jewish identity being publicly known has plummeted since October, from 64 percent before the Hamas-Israel war began to just 39 percent now.
In the latest Harris poll, a detailed survey of more than 2,000 registered voters conducted jointly with the Center for American Political Studies at Harvard, two-thirds of Gen Z Americans, those between 18 and 24, said that « Jews as a class are oppressors and should be treated as oppressors. » Among all respondents, by contrast, that belief was rejected as « a false ideology » by 73 percent. In the same survey, 60 percent of 18-to-24-year-old respondents believed that Hamas’s « killing of 1,200 Israeli civilians and the kidnapping of another 250 civilians can be justified by the grievances of Palestinians. » Just 40 percent said no. Among every older cohort, a majority of respondents said the Hamas atrocities could not be justified.
While the Harvard/Harris poll found that in the aggregate, 81 percent of American voters surveyed support Israel in its confrontation with Hamas, among voters younger than 25, support was evenly split between the two. Similarly, a slight majority of the Gen Z respondents, 51 percent, said that the « long-term answer » to the Israeli-Palestinian conflict is for Israel to be « ended and given to Hamas and the Palestinians. » In all the older age groups, that view is decisively repudiated.
To be fair, this is just one poll. It likely has a higher-than-normal margin of error, and some of these findings are at variance with the answers given by Gen Z respondents to other questions.
Nevertheless, these are shocking results. They bespeak a badly warped moral compass among the nation’s youngest adults — those just leaving high school and of college age. Smearing « Jews as a class » as oppressors and calling for the world’s lone Jewish country to « be ended » and delivered to its enemy is nothing less than antisemitism. And as has so often been the case with noxious beliefs, it has proliferated so readily among young people precisely because they have been indoctrinated to think that way.
In recent years, teachers and administrators in many communities have actively inculcated a left-wing narrative of « oppressor vs. oppressed » and embraced a mission to « decolonize » their teaching. Some school districts and college classrooms single out Israel for denunciation and promote poisonous lessons on « Palestinian dispossession of lands/identity/culture through Zionist settler colonialism. » A few days ago, the Massachusetts Teachers Association adopted a resolution demanding an end to US support for Israel and excoriating what it called « the Netanyahu government’s genocidal war on the Palestinian people. » It is hardly surprising that students exposed to such virulent attitudes in their formative years are far more likely to hold antisemitic views as young adults.

(Jeff Jacoby is a columnist for The Boston Globe)

Voir de plus:

On ne présente plus Judith Butler, professeur à Berkeley :  réputée créatrice de la « théorie du genre » (bien qu’elle nie que ce soit une théorie, ce qu’on lui accorde bien volontiers, elle est aussi une référence appréciée dans les études postcoloniales 1.

Or, voici qu’une semaine après l’attaque du Hamas en Israël, elle devait prononcer une conférence à l’invitation du Centre Pompidou en coordination avec l’École normale supérieure.  Ses éloges passés du Hamas mettant le Centre Pompidou en position délicate, elle publia quelques jours avant dans la revue AOC un article intitulé Non à la violence, ce qui lui assura la tranquillité. Et de fait Cécile Daumas, dans Libération du 14 octobre, sous le titre, « Judith Butler, du genre humains » (sic), pouvait écrire : « La philosophe américaine admirée par les LGBT+ refuse d’être une icône et continue à penser le présent, de la non-violence à la vulnérabilité des vies » en précisant : « Plus de 800 personnes, gays, lesbiennes, trans, hétéros, non binaires, sont venues écouter Judith Butler tel un quasi-oracle ».

1/ Prenons quelque recul. Judith Butler expliquait en 2006 qu’« il est extrêmement important de considérer le Hamas et le Hezbollah comme des mouvements sociaux progressistes, qui se situent à gauche et font partie d’une gauche mondiale 2». Ils feraient même partie de la cause révolutionnaire internationale, comme l’assuraient dès 2000 Hardt et Negri : « La postmodernité du fondamentalisme se reconnaît à son refus de la modernité comme arme de l’hégémonie euro-américaine – à cet égard, le fondamentalisme islamique représente bien un exemple paradigmatique 3». On aura compris que ces postmodernes pro-iraniens et ces djihadistes affiliés aux Frères Musulmans étaient des déconstructeurs et non des destructeurs, des progressistes de gauche et non des tueurs fanatiques.

2/ En 2014, Butler ajoutait une contribution supplémentaire à la déconstruction dans sa contribution à l’ouvrage Deconstructing Zionism 4. Le co-directeur de ce collectif, Gianni Vattimo, figure internationale de la déconstruction, pédagogiquement intitulée « How to Become an Anti-Zionist 5», après avoir évoqué Ahmadinejad (alors encore Premier ministre), insinuait ceci : « Quant à l’idée de faire “disparaître” l’État d’Israël de la carte – un des thèmes ordinaires de la “menace” iranienne –, elle semble n’être pas complètement déraisonnable. 6» Il concluait, sur le même mode de concession euphémique : « Parler d’Israël comme d’un “péché impardonnable” n’est donc pas si excessif. » Avec cette catégorie de théologie politique, nous retrouvons ici le thème des juifs damnés, voire sataniques. Toutefois, si les juifs sont dans le péché 7, un État ne peut l’être : cet antisionisme déconstruit n’est donc qu’un cache de l’antisémitisme le plus traditionnel.

Pour retourner la tradition judaïque contre les juifs, c’est alors un antisémitisme « culturel » qui s’élabore. Par exemple, Vattimo conclut ainsi un persiflage insane : « La précieuse richesse et la profondeur de la tradition juive est tellement putride, un air suffocant dont il faut se libérer pour éviter de verser du sang pour la tombe de Rachel. […] 8» Il reverse ainsi à la tradition judaïque un attribut immémorial de la propagande antisémite, la puanteur qui décèle la connivence des juifs avec le monde infernal. On comprend mieux aussi pourquoi Žižek, autre contributeur du même collectif, trouve que « Hitler n’est pas allé assez loin 9». La déconstruction, telle que l’entendent avec lui les auteurs du collectif Deconstructing Zionism, doit aussi éradiquer le judaïsme, bref parachever l’« auto-anéantissement » qu’appelle Heidegger à propos de l’extermination des juifs 10.

3/ Au moment des attentats islamistes de masse en novembre 2015, Judith Butler se distingua aussi par des propos qui jetaient bizarrement le doute : parus en anglais dans Verso, ils furent traduits le 19 novembre 2015 dans Libération, sous le titre « Une liberté attaquée par l’ennemi et restreinte par l’État ». Après avoir trouvé l’attentat « choquant » (shocking), Butler jette doublement le doute sur la revendication par Daech. D’une part, écrit-elle, « les experts étaient certains de savoir qui était l’ennemi avant même que l’EIIL [Daech] ne revendique les attentats » : cela accréditerait comme au 11 Septembre la thèse d’un complot. Le thème complotiste est récurrent dans cette mouvance, et par exemple la charte du Hamas se réfère posément au Protocole des Sages de Sion, ce faux de la police tsariste qui fait à ses yeux autorité 11.

D’autre part, le communiqué de Daech parle de « perversité », ce qui selon Butler serait étranger au langage islamique : « Qu’ils aient choisi pour cible un concert de rock – un endroit idéal pour un massacre, en fait – a été expliqué : ce lieu accueillait l’“idolâtrie” et “une fête de perversité”. Je me demande comment ils connaissent le terme “perversité”. On dirait qu’ils ont des lectures étrangères à leur domaine de spécialité (field). » La professeure Butler aura sans doute par inadvertance négligé les sourates 3, 5, 6, 9 (notamment versets 49-54), 32 et 59 du Coran, où la perversité est sainement condamnée, comme il se doit dans les religions qui se respectent.

Si les véritables auteurs du massacre restent ainsi dans l’ombre, Butler dénonce clairement l’État français : il est dirigé par un bouffon (buffoon), il proclame l’état d’urgence et porte atteinte aux libertés12, et il mène une « guerre nationaliste contre les migrants 13». Enfin, Butler dépasse le cadre français pour mettre les victimes en concurrence : « Le deuil semble strictement limité au cadre national. Les près de cinquante morts de la veille à Beyrouth sont à peine évoqués, et l’on passe sous silence les cent onze tués en Palestine au cours des dernières semaines, ou les victimes à Ankara. 14»  La mise en accusation de l’Occident et des États occidentaux, la mise en doute des commanditaires des attentats, tout cela exerce une pression sur l’opinion et peut même influencer la qualification des crimes.

4/ Nous sommes à présent mieux en mesure d’apprécier l’article de AOC à propos de l’attaque du Hamas. Le titre Condamner la violence donne le ton. Les auteurs, les intentions, les modalités, les conséquences sont-ils véritablement précisés ? « Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes ».

Certes, Butler écrit « Je condamne les violences du Hamas », sans préciser leur finalité (la destruction de l’État d’Israël), ni leur intention génocidaire qu’illustre l’assassinat d’enfants en bas âge, mais pour passer tout de suite à autre chose : « Soyons clairs. Les violences commises par Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un régime colonial et à l’apartheid, et qui, privé d’État, est apatride ». Bref, elle reprend à son compte « les Palestiniens sont forcés de vivre dans un état de mort, à la fois lente et subite ».

Après avoir rappelé « l’égale pleurabilité de toutes les vies 15», elle entend semer l’épouvante en demandant « si le discours génocidaire de Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ».

Dans les textes de Butler et de son courant de pensée, les mots absents signifient d’autant plus que les mots présents, comme violence, s’accumulent en répétitions. Parmi ces absents, notons : Iran, Qatar, Frères musulmans, islam, islamisme, terrorisme.  En revanche, le mot colonial et son dérivé colonialisme reviennent dix fois, comme dans « la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du colonialisme ou de l’apartheid racial », ou quand il s’agit « de renverser le système colonial 16».

La conclusion mérite une attention particulière : « Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien (…). Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser » (je souligne).

Quelles sont ces mystérieuses « structures » ? Ne serait-ce pas l’État d’Israël ? Le pathos sur les rêveurs légitime l’irrationnel, celui sur les poètes détourne l’attention, procédé favori d’auteurs comme Heidegger et Derrida : mais « tous ceux qui savent » ont compris. Qui sont ces fous indomptés ? Ne seraient-ils pas les “fous de Dieu” ? Le vœu de détruire Israël reste au fondement de la théologie politique du Hamas.

Conformément au principe que la fin ne justifie pas les moyens, Butler condamne des moyens, mais non l’objectif, et demande simplement « quels peuvent être les autres moyens de renverser le système colonial ». Sous couleur de condamner la violence, Butler réitère donc son soutien de principe au Hamas sans d’ailleurs revenir sur l’étiquette « de gauche » qu’elle lui avait naguère attribué.

On pourrait s’étonner qu’une « idole » des communautés LGBT soutienne un mouvement islamiste, alors que les quinze pays à criminaliser encore l’homosexualité sont tous des pays islamiques, ou des mouvements  islamistes comme Daech et le Hamas17. D’ailleurs, on n’a pas entendu les postféministes s’indigner qu’en Arabie saoudite on décapite encore des « sorcières » au sabre.

Peu importe, l’idéologie intersectionnelle joue déjà un rôle géopolitique.  Les dictatures post-socialistes étaient en lutte contre l’islamisme, comme en témoignent les guerres russes en Afghanistan, puis en Tchéchénie, et dernièrement l’état de siège et la répression chinoise au Sinkiang. À présent, une union que l’on n’ose dire sacrée se profile cependant par divers rapprochements. D’une part, le rapprochement entre islamismes chiite et sunnite, dont témoigne par exemple le soutien politique et militaire de l’Iran au Hamas ; d’autre part, le rapprochement des pays islamiques avec les dictatures post-socialistes : par exemple les BRICS, dominés par la Russie et la Chine, vont accueillir en janvier 2024 l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Un bloc mondial des tyrannies se profile, pour attaquer l’état de droit, la démocratie, les droits de l’homme, au nom de la lutte contre un Occident essentialisé et d’autant plus paradoxal qu’il comprend la Corée, le Japon et Taïwan.

Enfin, le bloc des tyrannies trouve de précieux relais dans les milieux universitaires et culturels pour affaiblir de l’intérieur les valeurs démocratiques, comme l’attestent les intellectuels décoloniaux et intersectionnels, dont Butler reste une figure éminente.

***

ANNEXE : Pour contextualiser la position de Judith Butler, voici un florilège récent qui témoigne du soutien au Hamas des postféministes et des LGBT :

« Organisations et militantEs féministes et LGBTQI+, nous réaffirmons aujourd’hui notre soutien au peuple palestinien et reprenons à notre compte l’appel formulé en mai 2021 par le Palestinian Feminist Collective : « la Palestine est une question féministe. Nous affirmons la vie et implorons les féministes du monde entier de s’exprimer, de s’organiser et de se joindre à la lutte pour la libération de la Palestine ».

« Des figures du féminisme anti-raciste se sont prononcées en soutien à la lutte du peuple palestinien, à l’instar de Françoise Vergès qui a décrit « d’un côté une occupation coloniale avec sa violence systémique, son racisme structurel, son illusion de démocratie, le vol des terres, la torture, de l’autre un combat légitime pour la libération. Rien d’autre. »

« La militante antiraciste et écologiste Fatima Ouassak [personnalité soutenue par les Frères musulmans, NDLR] a elle aussi pris position : « dans la guerre qui oppose colons et colonisés, il faut soutenir (sans trembler) le camp des colonisés ».

La journaliste féministe Mona Chollet s’est quant à elle dite choquée par la violence du processus de déshumanisation qui s’est déclenché contre les palestiniens : « Il est clair désormais qu’ils ont été (du moins en Occident) expulsés définitivement de l’humanité. Ce n’est jamais, et ce ne sera sans doute jamais, le moment pour leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Leur souffrance n’aura jamais droit de cité. J’avoue que cette réalisation m’a fait un immense choc ».

« Le collectif Les Inverti-es a publié un communiqué affirmant : « Les trans, pédés, gouines soutiennent la Palestine ! La libération des LGBT+ passe par la libération du peuple palestinien. ».

Enfin, il faudrait dénoncer le pinkwashing d’Israël, qui voudrait attirer le tourisme LGBT pour satisfaire un atavique goût du lucre, bref  « dénoncer haut et fort les tentatives d’Israël de se faire passer pour l’allié des femmes et des LGBTI. La chercheuse queer Jasbir Puar et Sarah Schulman, ancienne militante d’Act Up New York, ont en effet documenté les tentatives d’Israël depuis au moins 2005 de refaire son image à l’internationale (sic) en instrumentalisant les droits des femmes et des LGBT ».

« Pour mettre fin au régime d’apartheid, il est urgent de défendre la perspective d’une lutte massive de l’ensemble du peuple palestinien, aux côtés des travailleurs, des jeunes et des femmes de l’ensemble des pays de la région qui se soulèvent comme on l’a vu récemment en Iran suite au meurtre de Mahsa Amini ».

Alors que le régime iranien aide politiquement et militairement le Hamas, l’instrumentalisation de la mort de Mahsa Amini, un de ses crimes majeurs, en dit long sur le cynisme des « féministes » islamistes.

François Rastier est directeur de recherche honoraire au CNRS. Dernier ouvrage : Petite mystique du genre, Paris, Intervalles, 2023.

Voir encore:

Condamner la violence

Philosophe

« Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement ».

Les questions qui ont le plus besoin d’un débat public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les tueries et les bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « relativisme » ou de « contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une condamnation morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander

Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un régime colonial et à l’apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des détentions arbitraires aux checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un état de mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous occupation, et qui se caractérise par une surveillance constante, la menace d’une détention sans procès, ou une intensification du siège de Gaza pour priver ses habitants d’eau, de nourriture et de médicaments. Mais ces références à l’histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de culpabilité morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le système colonial, mettre fin aux arrestations arbitraires et à la torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du colonialisme ou de l’apartheid racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce désespoir est précisément qu’ils regardent les médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’indignation morale absolue. Il faut du temps pour une autre morale politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au droit à l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de relativisme moral.

Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des injustices radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un traumatisme transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une réparation radicale est certainement plus que nécessaire.

Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de racisme colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le discours génocidaire de Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les fausses équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la violence coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un savoir critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’opposition morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

Personnellement, je défends une politique de non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les luttes de libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de liberté politique.

Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de paix véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

traduit de l’anglais par Christophe Jaquet

Voir par ailleurs:

 

Harvard Student Leaves Lecture On Microaggressions To Attend ‘Kill The Jews’ Rally BabylonBeeOct 11, 2023CAMBRIDGE, MA — A Harvard University student later identified as Luke Dillon left a lecture on microaggressions a little early so he could make it to the « Kill the Jews » rally on time.The University happily hosted the rally for mass murder and rape after being assured that no one would be misgendered. « Hate speech has no place here at Harvard, » assured President Claudine Gay. « We affirm everyone’s right, regardless of gender, to feel safe to express their deep hatred and longing to kill Jewish people. That’s why Harvard is more than a school – it’s a family. »A group effort, the « Kill the Jews » rally was lovingly organized by the Palestine Solidarity Committee with help from the Nationalsozialistischer Deutscher Studentenbund. The rally’s aim is to spread awareness of the plight of the Palestinian people who currently have to live in a world where Jewish people are alive and breathing.« We will continue to band together until the Jewish people are rendered extinct and a free Palestine is established from the river to the sea, » said Mr. Dillon. « Jewish breathing is a clear microaggression and if you disagree with killing Jews, that just makes you a Nazi. As we all know, only Nazis support Israel! Boo, Nazi Israel! »At publishing time, Harvard had proudly announced that its Diversity, Equity and Inclusion Department would be hosting a « Yay, Holocaust » night next week.As the country slowly increases in racism and right-wing bigotry, it’s important to ensure you don’t get caught up in their evil MAGA ways.
Voir enfin:

Entrevue avec « la 15e victime » de Polytechnique, Monique Lépine
« Mon fils, cet enfant que j’ai désiré profondément, je ne l’ai jamais renié. Je le vois comme un être souffrant, avec des blessures insondables. J’assume le fait d’être sa mère. »
Michel Dongois
L’Actualité
6 décembre 2013

Pour Monique Lépine, une année compte 364 jours. La journée du 6 décembre a été biffée de son calendrier. C’est ce jour-là que son fils, Marc Lépine, 25 ans, après avoir séparé les filles des garçons, fusilla 14 jeunes femmes de son âge à l’École Polytechnique de Montréal. C’était le 6 décembre 1989, en fin d’après-midi. Il blessa 14 autres personnes et s’enleva la vie. Nous avons rencontré cette femme, aujourd’hui infirmière à la retraite.

Que s’est-il passé pour vous après le 6 décembre 1989 ?

Dans les tout premiers temps qui ont suivi le drame, personne n’avait accès à moi. Je ne voulais pas recevoir d’aide, mais tout le monde me protégeait. Je me suis réfugiée chez un ami, je n’étais bien qu’avec les gens que je connaissais. Je ne pouvais revenir chez moi, car les journalistes assiégeaient mon appartement et j’ai refusé l’hôtel que me proposait la police.

Après le 6 décembre 1989, ma vie n’était plus qu’un supplice. Je ne parlais plus, je sanglotais constamment et je priais. Je ne voyais plus que mes erreurs. À la seule évocation des mots «Marc» ou «Polytechnique», je pleurais.

J’étais mère monoparentale et après trois mois d’absence, l’assurance m’a fait comprendre que je devais retourner au travail. Heureusement, comme infirmière aussi, j’avais mon réseau personnel. Je consultais une psychologue depuis mars 1989. Alors dans la jeune cinquantaine, je voulais réapprendre à vivre seule, car je ne me suis jamais appartenue!

Puis ce fut un silence de 17 ans…

Je me suis tue, parce que je n’étais pas guérie. Ça m’a pris 17 ans pour retrouver un équilibre émotionnel. J’étais fonctionnelle comme infirmière au travail, mais secrète sur le plan émotionnel. Pendant la première année, tout et tous ceux qui me connaissaient me ramenaient au 6 décembre 1989. Alors, j’ai fermé journaux et télé pendant des années. J’ai tout porté seule, avec ma fille, Nadia. Je me cachais quand revenait la date fatidique.

Les événements de Polytechnique sont tellement lourds qu’ils m’ont écrasée pendant 17 ans. J’ai éprouvé toutes les émotions négatives: douleur, honte, colère, culpabilité immense, tristesse et peur. Oui, peur que mon fils ne vienne m’achever dans les méandres de mon âme. Et puis, le déshonneur.

À partir de quand avez-vous entamé votre remontée ?

Un jour de 2001, à l’église, je me suis sentie réellement mourir de chagrin, la vie semblait quitter lentement mon corps épuisé. J’étais prête à mourir. Mon cœur battait très fort, de façon inhabituelle, comme s’il voulait s’échapper de ma cage thoracique. Étais-je victime d’une crise cardiaque? Je suis convaincue alors que le Seigneur m’a parlé. «Qui fait battre ton cœur?» a-t-il demandé. «C’est toi, Seigneur», ai-je répondu dans ma tête. À partir de ce moment précis, j’ai su que je devais choisir de vivre ou de mourir. J’ai accepté de vivre.

Et que s’est-il passé alors ?

Pour la première fois depuis la mort de mes enfants*, je me suis sentie apaisée. J’étais légère comme une plume et une chaleur intense réchauffait tout mon cœur.

En 2002, j’ai commencé à me libérer en parlant, d’abord dans des milieux protégés, entre chrétiens. Puis, en septembre 2006, la fusillade du Collège Dawson est survenue. Toutes mes angoisses ont refait surface d’un seul coup et j’ai pensé à la jeune victime et à la mère du tueur. Quand il y a une fusillade d’ailleurs, tout le monde m’appelle. Là, je me suis sentie prête à parler en public.

Qu’avez-vous dit alors, à la télévision ?

D’abord et entre autres, ces paroles que j’avais répétées mille fois dans ma tête: «Je demande pardon aux familles des victimes. Mon fils a commis un geste horrible!»

Pourquoi Marc Lépine a-t-il posé son geste ?

Je ne sais pas. Trouble d’attachement, famille dysfonctionnelle, ruptures successives, maladie mentale non diagnostiquée, abus dans l’enfance, intimidation, colère refoulée, amertume dans le cœur. Tout cela est vrai, mais rien n’est dit pour autant. Marc était-il autiste? Lui ai-je transmis mon insécurité affective? Et quelle génétique lui a légué son père absent?

Les journalistes ont travaillé avec l’information qu’ils avaient alors sous la main, soit mon jugement de divorce datant de 1976. Pour divorcer à l’époque, il fallait noircir l’autre et l’autre vous noircissait. Il faut donc en prendre et en laisser par rapport à tout ce qui s’est dit sur moi.

Que vous reprochiez-vous à vous-même ?
De n’avoir pas accordé suffisamment de présence et d’attention à mes enfants, Marc et Nadia2, à cause des circonstances. J’ai quitté la maison parce que mon mari était violent envers moi et les enfants. Un jour, il a frappé mon fils si fort qu’il a dû être opéré pour une mastoïdectomie. Aujourd’hui, c’est clair, ce serait un cas de signalement à la DPJ.

Mon mari nous menaçait de nous mettre à la rue et c’est ce qui est arrivé. Je me suis retrouvée seule, en 1972, avec un diplôme d’infirmière et deux enfants à charge. À l’époque, tout ce qu’on m’offrait, c’était la crèche, l’adoption. Il n’y avait pas de garderie ou d’aide sociale en ce temps-là.

Tout a changé, selon vous, lorsque votre fils, Gamil Gharbi, est devenu Marc Lépine…

Oui, c’est un tournant. Pour ses 14 ans, mon fils m’a demandé, comme cadeau d’anniversaire, que je lui donne mon nom de famille. J’ai accepté. C’est aussi à cet âge qu’il s’est fait appeler Marc, prénom d’un homme de notre entourage qu’il aimait beaucoup. En 1978, Gamil Gharbi est devenu celui que vous connaissez comme Marc Lépine.

Dès qu’il a changé son prénom et son nom de famille, tout a changé. Il s’est forgé une autre personnalité. Je connaissais mon fils, mais Marc Lépine, je ne le connais pas. Marc Lépine n’était pas mon fils. Mon fils s’appelait Gamil Gharbi.

Pour Marc, son père n’était que méchant, violent, frappeur. En reniant le nom du père, peut-être voulait-il conjurer le sort. Je ne savais pas que c’était pour épouser un autre type de violence. Il en avait marre aussi de se faire traiter d’Arabe par d’autres ados.

Qu’est-ce qui avait changé, concrètement, avec ce nouveau nom ?

Marc refusait soudain toute marque d’affection, il ne voulait plus que je l’embrasse. Il a mis une distance, physiquement. Je trouvais ça difficile, mais je l’ai respecté. À l’adolescence et à l’âge adulte, il n’a jamais voulu que je le serre dans mes bras. C’est si important pourtant le contact physique, toucher avec présence, toucher avec douceur, un peu comme on peut le faire en accompagnant un mourant.

Marc avait un «Grand Frère», car je voulais qu’il ait une image d’homme positive. Cet homme s’est avéré par la suite être un abuseur. Tout un enchaînement de faits s’est ainsi mis en place contre Marc, une suite d’attachements et de détachements. Les hommes le trompaient, et dans ces années-là, il perdait ses amis. Il avait beaucoup de difficultés à créer des liens, il a refoulé sa colère. Mais tout cela n’explique pas son geste.

En délaissant le nom paternel, voulait-il renier les hommes, selon vous ?

Je ne crois pas qu’il reniait tous les hommes, parce qu’il avait 4-5 amis qui lui sont restés fidèles. Sa personnalité a changé après le changement de nom, ça, je l’ai constaté. C’est comme s’il s’était créé une autre identité.

Marc a toujours été un garçon sensible, attentionné, souriant, avec de très belles notes. Or, après le changement de nom, surtout au cégep Saint-Laurent, il a changé d’identité et de personnalité. Il abandonnait ses cours ou ne remettait pas ses travaux et avait des zéros dans ses bulletins. Ce jeune homme s’isolait dans sa chambre avec ses jeux vidéos auxquels je ne comprenais rien. Non vraiment, Marc Lépine n’était pas mon fils. Mon fils s’appelait Gamil Gharbi.

Quant aux autres hommes qu’il avait rencontrés dans sa courte vie – dont le père dans la famille d’accueil, ses amis (nous déménagions souvent), le Grand Frère –, je crois qu’il a été grandement blessé. Ses perceptions devaient être: «rejeté», «abandonné», «non aimé», «non désiré», «trahi». Mais il ne parlait pas de ses blessures émotionnelles et ne voulait pas d’aide. Était-il schizophrène sans le savoir? On a mentionné qu’il était psychopathe, mais je pense plutôt qu’il était psychotique. Aucun diagnostic n’a jamais été posé à son sujet.

Dans l’une des lettres qu’il a laissées, il a écrit: «Je hais les féministes.» Comment avez-vous réagi en la lisant ?

Par de l’incompréhension. Je ne sais pas où il a pris cette idée que les femmes prenaient la place des hommes. Et d’abord, qu’est-ce qu’une féministe à ses yeux? Sans doute une femme autonome, qui se responsabilise financièrement. Mais alors, je répondais à ce profil. Incapable de m’attaquer directement, a-t-il choisi de détourner sa haine sur d’autres femmes? Je ne le saurai jamais.

Je ne saurai jamais s’il m’en voulait à moi, sa mère. Il a écrit les mots «je hais». La haine, c’est l’amertume qui peut dégénérer en meurtre. L’antidote de la haine, c’est le pardon. Mais sans doute ne se pardonnait-il pas à ses propres yeux. Alors, en faisant le mal, ce 6 décembre 1989, a-t-il voulu anesthésier le sien? Tout cela, je ne le saurai jamais.

Continuez-vous encore aujourd’hui à vous demander si sa violence était dirigée contre vous ?

Oui, car je devais être perçue comme une féministe à ses yeux. Il en voulait aux femmes de prendre les jobs des hommes. Mais qui lui a mis ça dans la tête? C’est alors que j’ai compris que les parents ne sont pas la seule influence. Il y a celle des professeurs, des amis, de la télévision.

Mais au-delà de tout, il y a une intuition féminine, rejetée par la police, mais que je garde toujours en tête: Est-ce que mon fils était amoureux de l’une de ces filles et qu’elle l’aurait rejeté? Qui le saura jamais!

Je sais seulement que Marc était très exigeant envers lui-même. Mon fils n’acceptait pas de faire des erreurs. Il était calé dans les ordis, les maths, l’électronique, c’était plutôt nouveau à l’époque. Dirait-on aujourd’hui qu’il était autiste? Quand du jour au lendemain le père s’en va, que tu te retrouves seule et pauvre, ça peut affecter l’enfant, avec les abus, les pressions. J’aimerais tant comprendre…

Et le père ?

Nous ne l’avons pas revu depuis ma séparation, en 1972. Pas un mot de sympathie de sa part et il n’est pas venu à l’enterrement de Marc. Il n’a jamais pris soin de ses enfants, n’a jamais payé sa pension alimentaire. On n’en a pas de nouvelles. Je ne sais pas aujourd’hui s’il est vivant ou mort. Il s’en est lavé les mains.

Vous considérez-vous comme une victime ?

Je serais la 15e victime, selon ce que m’en a dit Louis Courville, le directeur de l’École Polytechnique du temps. En fait non, plutôt la 16e, avec Marc, et même la 17e, avec ma fille Nadia.

Je connaissais par cœur le vocabulaire de la santé, mais il m’a fallu apprendre celui de la justice. Or, je n’avais jamais utilisé ce mot de victime jusqu’en 2006, où j’ai appris que j’étais une «victime collatérale».

Une «victime indirecte» de la tuerie de Polytechnique (parent et conjoints des victimes directes, amis, témoins du drame) pouvait recevoir de l’aide et des services. Pas une victime collatérale.

Au-delà du volet légal, en tant que personne, vous considérez-vous comme une victime ?

Non. Une victime est centrée sur ses blessures, incapable d’envisager l’avenir ou ne cherchant qu’à blâmer l’autre ou à justifier ses souffrances.

Moi, j’ai compris que si je voulais m’en sortir, il me fallait aller vers les autres.

Quand je suis retournée travailler après le drame, je prenais le risque énorme d’être pointée du doigt. Alors, il fallait que je me protège. Je suis combative et, non, je ne suis plus une victime, mais je ne sais toujours pas pourquoi Marc a fait ce qu’il a fait.

J’ai dépassé le stade de la victime parce que je suis capable désormais d’envisager l’avenir. Au lieu d’aller vers le passé comme le font les psychologues, je suis plutôt allée de l’avant. Un travailleur social, Gilles Leblanc, m’y a aidé. Il m’a demandé un jour ce que j’avais comme rêves. Je suis retournée à mes rêves d’ado, ceux d’avant le mariage, ceux d’avant les enfants, ceux d’avant Polytechnique.

Et qu’avez-vous découvert ?

Que j’avais encore bien des ressources en moi. Mes enfants n’étaient plus là, certes, mais j’étais encore en vie. Je me suis centrée sur ce qu’il me restait en me disant: «Oui, tu es amputée, mais tu peux fonctionner. Alors, que vas-tu faire aujourd’hui pour avancer?» J’ai arrêté de focaliser sur mes blessures. Ça m’a pris 17 ans pour y parvenir, 17 ans pour me restaurer. Je me suis bâti un réseau social, avec des gestes aussi simples que de m’inscrire à un club de Scrabble.

À quoi attribuez-vous votre «restauration» ?

Surtout à ma foi en Dieu. La tragédie du 6 décembre 1989 est un acte totalement irrationnel, incompréhensible. Une telle tragédie est surhumaine; aucun être humain n’était en mesure de me comprendre. Je craignais à tout moment de perdre contact avec la réalité, de sombrer dans la folie ou de me laisser mourir. J’étais déjà croyante, alors j’ai continué de faire confiance à Dieu. Ma foi m’a sauvée, ça, ce n’est pas du rationnel. Restaurée avec Dieu par la transcendance, je pouvais, à partir de là, aller vers les autres.

Lors d’un colloque où je donnais mon témoignage, un psychiatre avait du mal à comprendre comment j’avais pu «être restaurée». Il comprenait d’autant moins que j’y étais parvenue avec un minimum de pilules, prises au bon moment et pendant un court laps de temps. Je n’ai pris des médicaments que très ponctuellement. Il faut simplement comprendre que le rationnel, sur lequel repose la médecine moderne, est une chose; mais que le relationnel est bien plus puissant encore pour cheminer vers la guérison.

Y a-t-il des gens qui vous reconnaissent dans la rue et comment réagissez-vous ?

Oui, au nettoyeur, au supermarché ou à la station-essence. «Est-ce bien vous qui…?» Aujourd’hui, je saisis cette question qu’on m’adresse comme une porte ouverte: «Oui, c’est bien moi. Je suis la mère de Marc Lépine». Mon fils, cet enfant que j’ai désiré profondément, je ne l’ai jamais renié. Je le vois comme un être souffrant, avec des blessures insondables. J’assume le fait d’être sa mère.

En quoi le 6 décembre 1989 vous a-t-il transformée ?

Contre toute attente, le négatif semble vouloir se transformer en positif, c’est le côté émouvant et inattendu de cette tragédie. Par un curieux retour des choses par exemple, moi qui ai perdu mes deux enfants en lien direct (Marc) et indirect (Nadia) avec ce drame, voilà que bien des personnes m’appellent aujourd’hui leur «maman spirituelle». En effet, des femmes m’écrivent, des femmes qui ont des enfants en prison ou qui ont vécu des suicides familiaux. Elles savent que j’ai traversé l’enfer et que j’en suis sortie vivante, alors, elles me font confiance.

La tragédie de Polytechnique a donné un certain sens à ma vie d’après le 6 décembre 1989. Je ne suis plus la même qu’avant le drame. Après tant de violence, après la monoparentalité, les années à travailler comme une déchaînée, le suicide de mes deux enfants, voilà que je me découvre résiliente. La relation m’apparaît plus importante que la performance et Dieu sait, comme femme et comme mère, combien on doit donner la double dose au chapitre de la performance! Alors, aujourd’hui, ne me parlez plus de performance, je veux simplement des relations.

Votre bilan personnel, 24 ans après Polytechnique ?

Que je sois sortie vivante de l’horreur tient du miracle. Je crois que chaque personne, même dans les pires contextes et en dépit de toutes les forces adverses, peut faire des choix, dans une certaine mesure. Par exemple, celui d’accorder davantage d’attention à ses enfants, à ses proches, à ses amis. J’ai longtemps ruminé le fait que mon père ne m’a jamais dit «je t’aime». Lui-même ne se l’étant jamais fait dire, comment aurait-il pu apprendre à le dire?

Je crois vraiment qu’on ne prend pas assez soin des autres. Un jeune qui ne reçoit pas d’attention à la maison sera agité à l’école. Je pense souvent aux jeunes de la rue. Quelqu’un leur a-t-il déjà dit «je t’aime»? Nous avons une responsabilité sociale, surtout en tant que professionnels de la santé, de mettre plus de relationnel dans nos vies et dans notre travail. Comme médecin ou infirmière, notre intérêt pour le malade ne doit pas se limiter à ce qu’il a, mais à ce qu’il est. Nous sommes des êtres humains, pas des «faire humains»…

Et aujourd’hui ?

Je vis une retraite sereine, même si je ne serai jamais une grand-maman s’amusant dans un parc avec ses petits-enfants, une mère comblée ou une épouse heureuse.

* * *

*Nadia Gharbi, décédée d’une overdose en 1996, à l’âge de 29 ans. Sa mère a pris la décision de la débrancher, à l’hôpital Notre-Dame. «J’ai au moins la consolation d’avoir été avec elle dans ses derniers instants. Je crois aussi, entre autres raisons bien sûr, qu’elle ne s’est jamais remise de tout ce qu’elle a entendu dire sur son frère».

Voir encore:

Polytechnique: what we remember, what we invent, what we forget
Karen Dubinsky
Academic matters
May 2009

Some say Denis Villeneuve’s film, Polytechnique, about the Montreal Massacre of 1989, opens old wounds. But for many of us the wounds have never fully healed. We carry this event with us in different ways, especially, but not only, on the sixth day of December. This is true for many people, but it is particularly true for women. And it is even truer for women who had even a passing acquaintance with, or connection to, the education system in the late 1980s. Ask an educated Canadian woman over the age of 40 what she was doing December 6, 1989. We remember these events as vividly as others recall the Kennedy assassination or September 11.

Scholar Sharon Rosenberg has written thoughtfully about what she terms the “ambivalent public memory” of the Montreal Massacre, so perhaps it’s no surprise that two new interventions in the long conversation about this day have also raised controversial questions. Villeneuve’s film was preceded by Marc Lépine’s mother’s memoir Aftermath, and both tell the story we thought we knew in new ways.

How does one represent the horrific? This question consumes artists, academics, and film makers the world over. Villeneuve and his collaborators, including the actor-producer Karine Vanasse, have opted to combine a documentary sensibility with something more akin to TV-drama-of-the week clichés to fill in the characters.

To me, it feels like those Hollywood movies about the civil rights movement, or apartheid-era South Africa, in which the murder of black people becomes a prop for the emotions of white people.

Aside from Lépine, who barely speaks, there are two main characters in Polytechnique. Vanasse herself plays a composite, everywoman engineering student. At first, she promises a bit of complexity. She needs help transforming herself from jeans-wearing student to skirt-and-heels-wearing female for a job interview, and at the interview she endures the casual sexism of a middle-aged professional man who questions her commitment to femaleness and its sacred signifier, motherhood. Yet at the end, she dissolves into one of the most banal clichés of our day: the woman who “has it all.” She survives a massacre but is redeemed by her engineering job, snappy haircut, husband, and baby-to-be. She declares her intention to teach strength to her daughter and love to her son. I’m not one to spurn the happy ending, but can mass murder really be resolved by such a trite redemption story?

Polytechnique also introduces a new character, the male engineering student consumed by guilt and remorse. This character is based on one we’ve heard less about, a Polytechnique engineering student named Sarto Blais, who killed himself after the shootings. At Villeneuve’s hands, this young man becomes another cliché: the good German, the guilty survivor. When ordered out of the classroom by Lépine, he casts a long, brooding look at his female classmates. We witness the results of the rampage through his pained eyes: he dashes to the emergency first-aid cabinet for band-aids (band-aids!), he grabs the hand of a female friend on a stretcher and murmurs, “I’m sorry.” Later, after a strangely cleansing scene in his mother’s kitchen (eating pie), he kills himself. At the end of the film, the credits pay tribute to the 14 women killed that day, and the name Sarto Blais is included on the list.

I don’t believe women own this grief. Sarto Blais belongs on a casualty list, but does he belong on the same list as the 14 women? Of course Lépine’s actions extended beyond the deaths of 14: his own sister died of a drug overdose some years later, and Sarto Blais’s parents killed themselves after the death of their son. But my concern isn’t just practical; that is, where do we end the list of the victims. It’s also political. This is the first major depiction of this story in Canadian popular culture. What are the implications of narrating the emotional impact of the day through the eyes of a guilty male survivor? To me, it feels like those Hollywood movies about the civil rights movement, or apartheid-era South Africa, in which the murder of black people becomes a prop for the emotions of white people.

Ironically, Villeneuve’s depiction of Lépine’s rampage undermines his own argument about the equivalence of horror. The strength of this film, and the reason I could imagine using it in the classroom (under the right conditions, i.e., small classes) is that Villeneuve has a documentary-like, razor-sharp eye for detail. It’s filmed in black and white. It looks like a university in 1989: people smoke indoors, familiar ‘80s music sounds occasionally, students line up to pop dimes in photocopy machines. When Lépine starts shooting, we see on the screen what has been in our collective imagination for 20 years. I didn’t realize how powerful this was until a few days after I’d seen the film, when I was meeting a student in a Queen’s café housed in an engineering building. As I walked through the building and saw students milling in common areas and heading towards classrooms, images from the film, and with them a jolt of fear, came back. I don’t think this would have resurfaced in, say, a humanities building, but even more so, this is a deeply gendered fear. Villeneuve shows that Lépine went hunting for women. His rifle eschewed some people, men, in favour of others, women. When women ducked, or ran, he chased them. He didn’t chose people wearing red sweaters or carrying blue backpacks and he didn’t choose everybody. He chose women, and he left a note to tell us why.

For 20 years feminists have argued that this was an extreme but “emblematic,” to use Rosenberg’s phrase, act of patriarchal violence. But Monique Lépine’s harrowing memoir raises another issue, which potentially adds another layer of complexity to this story. In the film Lépine is not named. But neither is Gamil Gharbi, Lépine’s birth name, inherited from his Algerian Muslim immigrant father, Rachid Liass Gharbi. According to Monique Lépine, Rachid was a violent, destructive man who “survived” the Algerian War. I think it’s worth considering this.

Most people who want to talk about Gamil Gharbi live in the right-wing blogosphere. Right-wing Canadian males seem eager to name Lépine as Gharbi, because to them this means he was a product of North African, not North American culture. This proves the foreignness of Lépine/Gharbi’s misogyny and tells us everything we need to know about Algerians, Muslims, and the rightness of the War on Terror. ”Canadian males in general resemble Mr. Lépine,” writes one such blogger, “about as closely as we do the September 11 terrorists.”

This logic is absurd, but there is, I believe, a reason to consider Gamil Gharbi’s history. Monique Lépine gave Marc a legal name change as a fourteenth birthday present. Certainly he wanted to put distance from his abusive father, who abandoned the family when Lépine was young. But, according to his mother, he also suffered the stigma of “foreignness” in 1970s Montreal. “He was,” she writes, “fed up with being called an Arab by some of the kids at school.” The story is further complicated by Rachid Gharbi’s history. According to Mme. Lépine, her ex-husband had been the victim of electric shock torture during the Algerian War. Students of decolonization will recall that this conflict provided psychiatrist Frantz Fanon with the inspiration for his classic The Wretched of the Earth, which outlines how the brutality of torture dehumanizes both the torturer and the tortured. I don’t know what happened to Rachid Gharbi, in Algeria or in Canada. But when Fanon, after listening to testimony from torturers and the tortured, argued that wars of national liberation can become a “breeding ground for mental disorders,” and when contemporary feminists argue that militarism promotes narrow, aggressive hypermasculinities, I think men like Rachid Gharbi are who they have in mind.

Let me be clear: I’m not suggesting that the Algerian Civil War, or racism in Quebec, caused the Montreal Massacre. But perhaps this is a bigger, more global story than we’ve imagined. Perhaps it began in the complex history of colonization, anti-colonial war, and torture and was carried, as surely as skin tone, “funny name’’ and accent, by an immigrant to a country – Canada – with its history of racist intolerance and which was, and remains, a contributor to a violent world. That this man visited his demons upon his family, who in turn visited them upon themselves and many others, is an old story. What remains to be explored are the connections between the generalized violence of war, the violence within Lépine’s family, and his own specifically misogynist acts. In trying to imagine the trail from the bodies of tortured Algerians in the 1950s to murdered young women in Montreal three decades later, we can use Fanon’s analysis of colonization and racism. But we also need, crucially, the analysis feminists have provided about war and gender. Wars are, as Cynthia Enloe has written, never just “over there.” AM

Karen Dubinsky is professor of history at Queen’s University.

Voir enfin:
La sexualité dans les quartiers est un sujet peu abordé alors qu’il explique bien des maux.
Razika Adnani et Laurence D’Hondt
Atlantico
29 novembre 2023
Atlantico : La sexualité dans les quartiers est un sujet peu abordé alors qu’il explique bien des maux. Est-ce un tabou parce que la population présente en banlieue est majoritairement musulmane ? L’influence salafiste entre-t-elle en jeu ?
Razika Adnani : La frustration sexuelle explique assurément bien des maux comme vous le dites. La violence est l’un de ces maux. Le tabou de la sexualité dans les sociétés musulmanes s’explique par le poids de la religion. En islam, les relations sexuelles en dehors du mariage sont proscrites comme c’est inscrit dans le verset 32 de la sourate 17 repris par les religieux et les juristes. La montée du conservatisme et du salafisme accentuent assurément le phénomène. La situation est certainement difficile pour les jeunes qui ont fui leur pays à la recherche de liberté et qui atterrissent dans ces quartiers où ils retrouvent les mêmes interdits, les mêmes tabous. Ils trouvent surtout un discours religieux qui leur raconte que l’Occident est un monde dépravé car il permet une sexualité sans limite et qu’en tant que musulmans ils doivent s’en préserver. Beaucoup sont davantage frustrés quand ils savent qu’ils vivent dans un pays comme la France qui leur permet d’être libres dans le domaine de la sexualité, mais que leur religion, leur culture et leur famille ne leur permettent pas. Si certains arrivent à échapper à cette atmosphère, d’autres développent de la haine contre cet Occident, contre ceux qui peuvent vivre librement, et pas eux. La haine est une cause de violence.
Laurence D’Hondt : Les populations immigrées amènent avec elles des cultures très différentes dans lesquelles la sexualité est abordée de façon parfois radicalement opposée. Les immigrés d’origine sub-saharienne ont en général une sexualité plus libre que l’immigration nord-africaine ou subsaharienne musulmane. Mais les banlieues et ses habitants qu’ils soient maghrébins ou subsahariens sont soumis aujourd’hui à une influence de l’islam radical qui fait de la sexualité une question centrale et très contrôlée. Le corps de la femme est l’objet d’une pression sociale d’autant plus forte qu’il sert à marquer la différence culturelle et religieuse avec le pays d’acceuil.
La liberté de la femme française et occidentale est perçue comme une menace à l’ordre patriarcal et comme une perte d’autorité pour l’homme. Le discours islamiste représente l’émancipation féminine comme source de chaos, synonyme au fond de la fin d’un ordre social organisé par les hommes. Ce discours assure également que la conquête de la liberté et des droits de la femme sont une illusion trompeuse dans laquelle la femme occidentale est piégée, parce qu’elle se retrouve seule, sans protection, sans mari, sans pudeur…Ce regard est essentiellement propagé par les mouvements islamistes radicaux qui réduisent l’Occident à un grand lupanar où la différenciation des sexes est désormais en phase terminale.
En 1996, au lendemain de l’instauration du régime Taliban sur tout le territoire afghan, j’ai eu l’occasion de visiter un hôpital dans la petite ville de Ghazni : sur les 10 règlements émis par les nouvelles autorités, 9 concernaient les femmes ! Guérir dans ce lieu ne pouvait se faire qu’à condition que les femmes n’entrent pas en contact avec des hommes extérieurs à leur famille. J’ai compris alors qu’il était nettement préférable selon ce règlement hospitalier qu’une femme meure plutôt qu’elle ne soit soignée par un homme inconnu. Cela ne pouvait exprimer mieux l’importance extrême, quasi obsessionnelle, qui y était accordée à la surveillance de la sexualité féminine comme si elle était à l’origine de l’ordre du monde.
Les salafistes considèrent la femme comme Satan qui porte atteinte à la piété du croyant. Que dit le Coran sur l’amour, les rapports sexuels et la femme ? ‏
Razika Adnani : La sexualité est reconnue dans le Coran à condition qu’elle s’accomplisse dans les liens du mariage. Sinon, c’est la chasteté qui doit s’imposer. Le Coran parle de la femme chaste tout comme il parle de l’homme chaste et de la femme fornicatrice tout comme il parle de l’homme fornicateur. Il prévoit au fornicateur et à la fornicatrice de la même manière cent coups de fouet (sourate 24, verset 2).
Cependant, quand il s’agit du Coran on ne peut pas donner une seule réponse. Car pour la même question, on peut y trouver des recommandations différentes voire contradictoires. Voilà pourquoi, il faut distinguer entre le Coran ou la charia coranique et le droit musulman que j’appelle la charia pratique. Au sujet de la sexualité, certains versets sont davantage sévères à l’égard des femmes, comme c’est le cas du verset 15 de la sourate 4, qui recommande aux hommes l’enfermement à la maison des femmes qui ont eu des relations sexuelles en dehors du mariage jusqu’à ce que la mort les rappelle ou que Dieu décrète un autre ordre à leur égard. D’autres privilégient les hommes tels le verset 223 de la sourate 2, La vache, qui s’adresse aux hommes en leur disant : « Vos femmes sont votre (harth) labour allez donc à vos (harth) champs comme vous l’entendez ». Il s’adresse à l’homme comme le sujet qui est concerné par la sexualité et la femme est présenté comme l’objet sexuel dont il jouit. Tout cela explique assurément en grande partie les violences sexuelles que subissent les femmes dans les sociétés musulmanes.
Aujourd’hui, en banlieue, est-ce en agressant une femme qu’on devient un homme ?
Razika Adnani : C’est ce que pensent beaucoup d’hommes en effet mais ce n’est pas spécifique aux sociétés musulmanes. C’est lié à l’éducation et au degré de civilisation. Plus dans une société les droits humains sont reconnus et respecté plus ce phénomène disparaît.
La justification du voile telle qu’elle est présentée par le discours religieux est responsable en grande partie de cette violence que l’homme exerce à l’égard de la femme. Le discours religieux répète à l’homme dès son jeune âge qu’en tant qu’homme il a un désir sexuel qu’il ne peut pas maitriser et que s’il est suscité il ne peut rien faire d’autre que de chercher à l’assouvir. De ce fait, la seule manière pour la femme de se protéger contre ses agressions sexuelles est de dissimuler son corps sous un voile.
Ce discours a fait que beaucoup d’hommes pensent qu’en agressant les femmes ils prouvent à eux-mêmes et à la femme qu’ils sont des hommes, c’est-à-dire qu’ils ont un instinct sexuel qu’ils ne savent pas contrôler.
Laurence D’Hondt : Je ne pense pas qu’agresser une femme soit un marqueur de masculinité mais l’agresser permet de soulager une frustration qui grandit au contact d’une societé où la femme est libre. Les populations qui migrent aujourd’hui, notamment afghanes ou nord-africaines, ont souvent déjà subi chez elles une forte influence du discours islamiste qui a entraîné une restriction de l’acces aux femmes aggravé par les difficultés économiques qui empêchent les jeunes hommes de réunir la dot nécessaire au mariage. C’est donc avec une grande frustration que ces migrants arrivent, surtout lorsqu’ils sont confrontés aux femmes occidentales. Face à cette confrontation des cultures, certains d’entre eux y voient une chance, là où d’autres rejettent cette liberté et la condamnent préférant préserver leur mode d’existence, hostile à l’émancipation féminine. Des études récentes ont démontré que le plus grand écart d’opinions entre le monde musulman et l’Occident concernait le rôle des femmes et les questions liées à la sexualité et non par exemple la défense d’un système démocratique.
En 2000, les « tournantes », viols collectifs commis dans les cités, sortaient progressivement de la confidentialité. Aujourd’hui c’est la prostitution des mineurs qui explose, dopée par l’immigration. Cette frustration sexuelle est-elle au coeur de bien des violences dans les quartiers ?
Razika Adnani : La déshumanisation de l’homme qu’on réduit à un corps est l’une des causes de la violence dans les sociétés ou communautés musulmanes. Être maître de ses instincts est une condition nécessaire pour toute sociabilité des hommes et des femmes en sachant que l’instinct ne se limite pas au désir sexuel. Manger, posséder, désirer le pouvoir relèvent également de l’instinct. Raconter à un homme que devant l’insistance de son instinct il ne peut que s’y soumettre, c’est l’autoriser implicitement à voler pour assouvir son instinct de propriété, à tuer pour détruire ceux qui le menacent et à écraser ses adversaires pour arriver au pouvoir. Que restera-il alors de sa sociabilité ? Il est en effet difficile d’imaginer une quelconque vie sociale si l’être humain est incapable de maîtriser ses instincts. Le discours religieux qui déshumanise l’homme et le déresponsabilise a des conséquences désastreuses sur lui en tant qu’être humain et être social, car il ne lui apprend pas à mûrir humainement et moralement.
Parlons de l’immigration justement et notamment des populations qui arrivent de pays où règnent des régimes autoritaires. Passer d’un environnement tout interdit à une société permissive, cela crée-t-il un bouleversement ? Le problème de la violence n’est pas que de l’ordre de la morale, il est aussi de l’ordre social ?
Razika Adnani : La violence peut avoir en effet plusieurs facteurs. Dans mon ouvrage (La nécessaire réconciliation, UPblisher, France) qui est une réflexion sur le phénomène de la violence, j’ explique que la cause de la violence réside en premier lieu dans le regard qu’on porte sur elle. La violence est hideuse et immorale et c’est ce caractère immoral qu’on lui attribue qui nous empêche d’y recourir. Quand la violence se moralise, autrement dit quand elle n’est plus vue comme quelque chose de mal et d’hideux, on cesse de la condamner et à ce moment-là rien de l’arrête.
Dans ce même ouvrage, j’ai fait un lien entre la violence chez les Maghrebins et le problème identitaire qui les mine. Je parle de problème identitaire car les Maghrébins sont des Berbères ou des Amazighs, en tous cas c’est la très grande majorité de la population, même si l’arabisation a fait en sorte que beaucoup parlent l’arabe aujourd’hui. Cependant, la très grande majorité non seulement préfère se dire arabe mais aussi déteste qu’on lui rappelle le fait qu’elle puisse être berbère et par conséquent rejette son histoire, ce qui m’a toujours interpellée. Pour moi, ne s’invente d’autres origines que celui qui a un problème avec les siennes. J’explique le lien avec la violence par le fait que celui qui n’a pas une bonne relation avec lui-même ne peut pas avoir une bonne relation, une relation paisible, avec l’autre. Celui qui porte un regard négatif sur lui-même souffre et la souffrance trouve très souvent dans la violence un moyen d’expression. Ce problème identitaire concerne les populations maghrébines au Maghreb et en dehors des frontières maghrébines. En France, on accentue le problème en appelant ces populations les Arabes.
Laurence D’Hondt : Oui. L’un des grands chocs que vivent les immigrés venus de pays autoritaires et arrivant en France est la liberté de mœurs, mais aussi la liberté politique et la liberté de culte. Pour les personnes issues de cultures où l’individu ne conçoit pas la vie sur terre sans l’existence de Dieu, le fait d’afficher son athéisme est perçu comme un sacrilège. Cela est particulièrement vrai pour les migrants musulmans et surtout sa frange radicale qui n’accepte ni la liberté de culte ni celle de la femme. La violence est dès lors légitime, car elle est perçue comme nécessaire pour défendre sa culture et sa religion. La condamnation morale saute au profit d’une instauration par la force d’une société plus juste, plus pieuse, plus conforme à l’idéal religieux prôné. On ne comprend pas en Occident que l’absence de religion est un fait minoritaire dans le monde et qu’il bouleverse les populations migrantes.

Ethologie comparée: Nous combattons des animaux (Looking back at our closest animal relatives, who seem to have pre-religious rituals, but who can also be aggressively territorial, perform acts of extreme brutality like infanticide or cannibalism and even wage primitive wars)

17 novembre, 2023

 

https://www.breizh-info.com/wp-content/uploads/2016/03/philippeville1.jpgUne victime d'El Halia mutilée.
 


J’ai ordonné un siège complet de la Bande de Gaza. Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé. Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence.
Yoav Gallant (ministre de la défense israélien)
Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua. Genèse 4: 8
Prenez le mythe de la fondation de Rome : Romulus a un frère, Remus. Il le tue. Et en tuant Remus, il accomplit le geste militaire par excellence : il défend la cité ; il accomplit le geste législateur, puisqu’il définit les frontières ; et sacrificateur : il tue son frère. Il n’est donc pas question pour la ville de Rome de blâmer Romulus, ou de dénoncer Romulus, ou de voir autre chose en lui que le fondateur de la Cité. Maintenant prenez Caïn et Abel. Dans Caïn et Abel, c’est exactement la même histoire : vous avez deux frères, et vous en avez un qui tue l’autre. À partir du moment où Abel est tué, Dieu s’adresse à Caïn, et Caïn lui dit « Puisque j’ai tué mon frère, tout le monde va me tuer ». Et Dieu donne la Loi, qui crée la culture caïnite, et la marque au front, qui est un système de différenciation quasi lévi-straussien. Mais, à la différence du mythe de Rome, la Bible nous dit que Caïn est un assassin (« du sol le sang de ton frère crie vengeance vers moi »), et la Bible nous dit que la violence caïnite va finir par revenir et détruire cette culture – puisque le mythe de Caïn débouche sur celui du déluge, qui, à mon sens, est une métaphore à nouveau de la violence collective. Comme on le voit, l’Ancien Testament est un immense effort pour révéler la victime, littéralement pour déterrer la victime. René Girard
L’histoire de Caïn et Abel, rapportée dans le chapitre IV du livre de la Genèse (…) soulève la question de savoir si l’auto-domestication sacrificielle est une tâche dont les hommes peuvent venir à bout ou un travail sans cesse à reprendre pour ne pas retomber dans la barbarie. Des deux fils d’Adam et Ève, nous savons seulement que l’un et l’autre font des offrandes à Dieu. Abel, qui est éleveur, sacrifie les premiers-nés de son troupeau, Caïn, qui est agriculteur, fait des offrandes végétales. Or, Dieu accepte les offrandes d’Abel, mais refuse celles de Caïn, sans qu’on sache pourquoi. (…) Dieu n’agit pas de façon arbitraire, car il y a bien une différence cruciale entre les sacrifices offerts par les deux frères. Il accepte le sacrifice d’Abel, parce qu’il est sanglant, il refuse celui de Caïn, parce qu’il n’est pas sanglant. Dire qu’il accepte le premier est une manière théologique de dire que celui-ci est approprié et efficace, dire que le second est refusé, de laisser entendre qu’il est inapproprié et inefficace. La suite de l’histoire montre aussitôt en quoi consiste l’efficacité du sacrifice. Abel met à mort les premiers-nés de son troupeau et, pour cette raison, ne devient pas meurtrier, alors que Caïn, ne faisant pas de sacrifice animal, devient homicide. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une loi naturelle, qui s’impose à Dieu lui-même, et qui explique la protection accordée à Caïn. Au fond, tout se passe comme si, faute de victime animale, la mise à mort d’Abel était ou valait un sacrifice, et donc comme si Caïn était une sorte de sacrificateur (…) Pour saisir toute la porté de ce passage de la Genèse, il faut le rapprocher de l’épisode non moins célèbre du sacrifice, ou de la «ligature », comme dit la tradition juive, d’Isaac. Cet épisode, ainsi que le thème récurrent du rachat des premiers-nés, montrent que chez les Hébreux, comme ailleurs, la victime sacrificielle idéale est un être humain, mais aussi qu’il est possible de détourner la violence rituelle et, avec elle, toute la violence humaine, sur une victime animale. En revanche, l’histoire de Caïn et Abel laisse entendre qu’il serait dangereux, ou du moins prématuré, de vouloir se soustraire totalement de l’ordre sacrificiel et s’affranchir de toute violence. Qui veut faire l’ange fait la bête. On peut sacrifier un animal à la place d’un homme, mais en voulant remplacer le sacrifice animal par des offrandes végétales, on prend le risque de retomber dans la violence même que l’on voulait éviter. Bref, le sacrifice est un moyen violent de tromper la violence, de lui céder localement du terrain pour mieux la dominer globalement et la contenir dans les limites les plus étroites possibles. Mais, sans que cette violence rituelle, on peut le craindre, puisse être réduite à zéro. Telle est la conjecture qui ressort de nos exemples. Jusqu’à preuve du contraire, elle semble corroborée par l’histoire, pleine de bruit et de fureur, des sociétés humaines. (…) si la théologie chrétienne traditionnelle a pu permettre à ses adversaires de lui imputer une réhabilitation du sacrifice humain et d’assimiler la communion à une nouvelle forme de cannibalisme, il est patent que le rituel chrétien, qui ici comme ailleurs constitue le noyau dur d’une religion, est, depuis toujours, et à l’instar, pourrait-on dire, du sacrifice de Caïn, aux antipodes du sacrifice humain. Ou plutôt, à l’instar de celui de Melchisédech, auquel il se réfère expressément, et qui est à peine un sacrifice, puisqu’il consiste en une simple offrande de pain et de vin. Le protestantisme a d’ailleurs rejeté, de longue date, toute interprétation sacrificielle du culte, et, cinq siècles plus tard, on s’aperçoit que, sans vraiment se l’avouer, le rituel catholique lui emboîte le pas. La «célébration eucharistique » tend à remplacer le «sacrifice de la messe », mettant l’accent sur le partage du pain et du vin, «fruit de la terre et du travail des hommes », entre les membres de la communauté, plutôt que sur le sacrifice du dieu ou au dieu. Mais, si cette sortie du sacrifice est indéniable, il est plus difficile de savoir s’il s’agit bien d’un progrès, comme le croient spontanément nos contemporains, chrétiens, irréligieux ou agnostiques, d’accord en cela avec Girard. (…) là aussi, l’acte central est un sacrifice, indéfiniment répété dans le repas de communion, pour la rémission des péchés, c’est-à-dire pour atténuer le mal sans pouvoir jamais s’y soustraire définitivement. Lucien Scubla
Les massacres sont souvent “expliqués” par les médias comme étant le produit de haines ancestrales, de la religion ou de l’ethnicité. (…) Certes, il n’est pas douteux que les facteurs religieux ou ethniques puissent jouer un rôle. Mais il s’agit plus d’une instrumentalisation de ces facteurs, par des leaders et des organisations, que d’une “explication” du massacre par le religieux ou l’ethnique. (…) Mais… l’approche rationnelle du massacre ne prend pas en compte les effets d’un autre phénomène: celui de la dynamique même du conflit induite par ces tueries. (…) La pratique répétée du massacre tend à “dérégler” les hommes qui les commettent, ce qui donne à leur conduite la dimension non seulement de la barbarie mais de la folie. (…) Pourquoi ces rituels étranges effectués sur les cadavres? (…) L’accusation d’impureté est une “accusation universelle” contre ceux que l’on va massacrer. Le meurtre initial, en créant subitement une forte crise d’anxiété dans la population, va susciter en retour une vague vengeresse destinée à purifier la société des éléments hostiles, qui en sont désignés comme responsables. Éliminer physiquement tous ceux qui sont perçus comme les vecteurs de cette menace devient le plus sûr moyen de hâter ce processus de purification réparatrice et pacificatrice. Tout en étant organisés centralement par l’État, les massacres seraient ainsi “portés” par une réaction sociale de nature cathartique. Jacques Sémelin
La Révolution aujourd’hui est, avant tout, islamique. Illich Ramirez Sanchez (dit Carlos)
Nous en avions tous rêvé… Le Hamas l’a fait. Denis Leroy (dit Guezmer, dessin dans journal basque Ekaitza, septembre 2001)
Que nous ayons rêvé de cet événement, que tout le monde sans exception en ait rêvé, parce que nul ne peut ne pas rêver de la destruction de n’importe quelle puissance devenue à ce point hégémonique, cela est inacceptable pour la conscience morale occidentale, mais c’est pourtant un fait, et qui se mesure justement à la violence pathétique de tous les discours qui veulent l’effacer. A la limite, c’est eux qui l’ont fait, mais c’est nous qui l’avons voulu. Jean Baudrillard (septembre 2001)
Que des cerveaux puissent réaliser quelque chose en un seul acte, dont nous en musique ne puissions même pas rêver, que des gens répètent comme des fous pendant dix années, totalement fanatiquement pour un seul concert, et puis meurent. C’est la plus grande oeuvre d’art possible dans tout le cosmos. Imaginez ce qui s’est produit là. Il y a des gens qui sont ainsi concentrés sur une exécution, et alors 5 000 personnes sont chassées dans l’Au-delà, en un seul moment. Ca, je ne pourrais le faire. A côté, nous ne sommes rien, nous les compositeurs… Imaginez ceci, que je puisse créer une oeuvre d’art maintenant et que vous tous soyez non seulement étonnés, mais que vous tombiez morts immédiatement, vous seriez mort et vous seriez né à nouveau, parce que c’est tout simplement trop fou. Certains artistes essayent aussi de franchir les limites du possible ou de l’imaginable, pour nous réveiller, pour nous ouvrir un autre monde. Karl Stockhausen (septembre 2001)
La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Dominique de Villepin (Paris, 2001)
Le point de départ, c’est ce tabou absolu qu’est la fin possible d’Israël. Je pense que, ne serait-ce que pour l’exorciser, il faut en parler. Que se passera-t-il le jour où Israël sera lâché par les Etats-Unis, son seul véritable allié ? J’ai voulu travailler sur ce scénario pour montrer à quel point les dirigeants israéliens actuels menaient une politique suicidaire. Les romans servent aussi à cela. (…) Après tout, c’était un roman, je n’étais pas obligée de coller à la stricte vérité, je pouvais – je devais même – donner libre cours à mon imagination ! Ce qui a été le plus dur, ou le plus excitant, c’est que la réalité ne cessait de me rattraper. J’ai inventé le personnage de Sokolov avant que Liebermann n’accède au pouvoir, j’ai inventé cette épidémie de peste qui affole la planète avant qu’H1N1 ne panique la terre entière, j’ai inventé le coup de gueule de la secrétaire d’Etat américaine avant que le vice -président américain Joe Biden ne se mette en colère contre Israël pour la poursuite de sa politique de colonisation ! A un moment, j’ai eu peur de ne plus surprendre. (…) c’est après avoir imaginé dans mon roman que les juifs seraient accusés d’avoir empoisonné l’eau de la Mecque, que j’ai découvert qu’il s’était produit exactement le même phénomène au Moyen-Âge. Immense émotion. (…) Je pense qu’à trop tirer sur la corde, les dirigeants israéliens pourraient un jour la faire rompre. On a vu au printemps dernier que les Etats-Unis étaient capables de s’emporter contre ce pays qu’ils soutiennent à bout de bras. Moi, je crois qu’il faudrait un Obama à Israël, et aux Palestiniens aussi. Encore une fois, pas forcément pour régler les problèmes d’un coup de baguette magique, c’est malheureusement impossible, mais au moins pour changer la perception que le monde a de cette région. La chance pour qu’il émerge trois Obama en un minimum de temps est malheureusement très faible. Il faut y croire. (…) cela n’a pas toujours été facile. Les autorités israéliennes étaient à cran à l’époque où j’étais là-bas. Les journalistes français étaient considérés par beaucoup au sein du gouvernement comme pro-palestiniens et donc anti-israéliens, voire pire, tout simplement parce qu’ils allaient faire leur boulot en allant raconter, outre les soubresauts de la société israélienne, ce qui se passait dans les territoires palestiniens, qui n’était pas souvent très beau à voir car ces territoires étaient bouclés à double tour par les Israéliens. J’ai eu droit à ces critiques, comme certains autres. Mais je m’en suis remise. Alexandra Schwartzbrod (2010)
Je suis extrêmement troublée car il y a là presque toute la trame de ce roman sur lequel je travaille depuis trois ans : Israël montré du doigt par le monde entier à cause d’une opération qui a dérapé, la brouille entre la Turquie et Israël, les Arabes israéliens accusés de manquer de loyauté envers l’Etat hébreu, le secrétaire-général de l’ONU qui monte au créneau, l’administration américaine qui sent qu’elle doit bouger… Je suis troublée mais pas surprise. Je n’ai pas bâti cette trame au hasard. Ce roman est extrêmement réfléchi. J’ai voulu raconter ce qu’il risquait de se passer si les dirigeants israéliens continuaient à se comporter comme ils le font depuis un certain temps : en gouvernant main dans la main avec l’extrême droite et avec un sentiment total d’impunité. Je ne pensais simplement pas que la réalité rejoindrait aussi vite la fiction. Alexandra Schwartzbrod (2010)
Et si Israël disparaissait ? (…) Tout débute par l’explosion d’une usine bactériologique en Russie qui libère le fléau de la peste. Des pèlerins contaminent La Mecque en plein hadj. Alors que les morts se comptent par centaines de milliers, la rumeur d’un complot juif enfle. Les bruits atteignent l’Etat hébreu, qui se retrouve au bord de la guerre civile. Le Point
« Adieu Jérusalem », dit le titre en forme d’épitaphe : et c’est bien d’un adieu qu’il s’agit, lancé à une certaine idée fraternelle et ouverte de l’humanité, sacrifiée sur l’autel des intégrismes de tous poils, barbes ici, papillotes là. (…) Tout commence en Russie, dans une usine chimique à la Tchernobyl dont l’explosion engendre une contamination qui ramène sur le devant de la scène ce vieux mal qui répand la terreur : la peste noire, laquelle éclate, par pèlerins qui en véhiculent le germe, lors du grand rassemblement du hadj à La Mecque. Et comme toujours, quand le mal rôde, il faut un bouc émissaire. L’Histoire montre assez que les Juifs ont en la matière une bonne longueur d’avance : rien d’étonnant à ce que la colère arabe s’enflamme contre eux, et rien d’étonnant à ce que le conflit déjà exacerbé largue toutes les amarres pacifiques pour devenir affrontement irrationnel et suicidaire. Le Dauphiné
Les romans sont parfois de magnifiques ouvrages géopolitiques si l’auteur allie le talent d’écriture à de solides connaissances. C’est le cas d’Alexandra Schwartzbrod, journaliste à Libération, qui fut en poste à Israël de 2000 à 2003. Pascal Boniface
Alexandra Schwartzbrod a pris ses fonctions de correspondante de Libération à Jérusalem juste avant la seconde Intifada. Elle a dû apprendre vite – « et bien », précise Enderlin. Pourtant, elle va regagner Paris ce mois-ci. Gênés, ses collègues font état de « problèmes politiques et professionnels ». Coïncidence ? La Mena l’accusait systématiquement depuis janvier 2002 d’« incitation à la haine ethnique » et de « propagande anti-israélienne », jusqu’à ce que, le 14 juillet, une dépêche claironne : « Alexandra Schwartzbrod s’en va ! Ce sont nos amis à Libération qui nous ont confirmé la rumeur avec une satisfaction certaine. » Et de raconter par le menu les discussions internes qui aboutirent au rappel de la correspondante et à son remplacement… Le Monde diplomatique (dec. 2002)
Il faudra des jours avant que le monde puisse se faire une idée exacte de toutes les atrocités commises par les Arabes lors du pogrom sur le quartier juif. La seule comparaison qui me vient à l’esprit est celle des émeutes de 1929 en Palestine. J’ai trouvé des jeunes filles juives aux seins coupés, des Juifs à la barbe grise poignardés à mort, des petits enfants juifs morts de nombreux coups de couteau et des familles entières enfermées dans leurs maisons et brûlées à mort par les émeutiers. Comme en Palestine en 1929, les listes de morts et de blessés se comptent par centaines, sans qu’aucune estimation officielle ne soit disponible. Les hôpitaux sont remplis de victimes juives et les portes des hôpitaux sont assiégées par des épouses et des mères à moitié folles qui cherchent à savoir si leurs proches sont parmi les morts ou les blessés, ou s’ils ont réussi à échapper aux bandes de pogroms. Agence télégraphique juive (8 août 1934)
Qu’a fait le Hamas ? Le Hamas a modifié l’équilibre du pouvoir. Le Hamas a brisé l’illusion de l’invincibilité. Voilà ce qu’il a fait. Il n’est pas nécessaire d’être un partisan du Hamas pour le reconnaître. Le Hamas a changé les termes du débat. Les responsables israéliens ont raison : rien ne sera plus comme avant. Le Hamas a remis en cause le monopole de la violence. Et au cours de ces premières heures, alors même que des actes horribles étaient perpétrés, dont beaucoup ne nous seraient révélés que plus tard, de nombreux Gazaouis de bonne volonté, de nombreux Palestiniens de conscience, qui abhorrent la violence, comme vous, comme moi, qui abhorrent le fait de prendre des civils pour cible, comme vous, comme moi, ont pu respirer, ils ont pu respirer pour la première fois depuis des années. C’était exaltant. C’était énergisant. Et s’ils n’étaient pas exaltés par cette remise en cause du monopole de la violence, par ce changement de l’équilibre des pouvoirs, ils ne seraient pas humains. J’étais exalté. Russell Rickford (Cornell university, octobre 2023)
Ce à quoi je faisais référence, c’est qu’au cours de ces premières heures, lorsqu’ils ont franchi le mur de l’apartheid, cela semblait être un symbole de résistance, et même une nouvelle phase de résistance dans la lutte palestinienne. Nous sommes parfaitement conscients de la dévastation, de la destruction et de la dégradation quotidiennes causées par les politiques israéliennes, par l’apartheid israélien et par l’occupation. Dans ce contexte, cet acte de défi consistant à franchir le mur à pied est un symbole important. Il indiquait réellement que la volonté de résistance des Palestiniens n’avait pas été brisée. Je tiens à préciser que le Hamas est une organisation fondamentaliste. Il est important de noter qu’à certains égards, le fondamentalisme du Hamas reflète celui des dirigeants israéliens. J’abhorre le meurtre de civils, mais aussi l’énorme disproportion, l’énorme inégalité, l’injustice et l’hypocrisie du soutien occidental à la célébration des crimes de guerre israéliens, et l’assimilation de toute forme de résistance palestinienne à du terrorisme. Russell Rickford (Cornell university)
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. Lorsque j’ai lu les premiers documents de Ben Laden, constaté ses allusions aux bombes américaines tombées sur le Japon, je me suis senti d’emblée à un niveau qui est au-delà de l’islam, celui de la planète entière. Sous l’étiquette de l’islam, on trouve une volonté de rallier et de mobiliser tout un tiers-monde de frustrés et de victimes dans leurs rapports de rivalité mimétique avec l’Occident. Mais les tours détruites occupaient autant d’étrangers que d’Américains. Et par leur efficacité, par la sophistication des moyens employés, par la connaissance qu’ils avaient des Etats-Unis, par leurs conditions d’entraînement, les auteurs des attentats n’étaient-ils pas un peu américains ? On est en plein mimétisme. Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme. René Girard
Il est malheureux que le Moyen-Orient ait rencontré pour la première fois la modernité occidentale à travers les échos de la Révolution française. Progressistes, égalitaristes et opposés à l’Eglise, Robespierre et les jacobins étaient des héros à même d’inspirer les radicaux arabes. Les modèles ultérieurs — Italie mussolinienne, Allemagne nazie, Union soviétique — furent encore plus désastreux …Ce qui rend l’entreprise terroriste des islamistes aussi dangereuse, ce n’est pas tant la haine religieuse qu’ils puisent dans des textes anciens — souvent au prix de distorsions grossières —, mais la synthèse qu’ils font entre fanatisme religieux et idéologie moderne. Ian Buruma et Avishai Margalit
Nous imaginons, parce que la Guerre froide est finie en Europe, que toute la série de luttes qui ont commencé avec la Première guerre mondiale et qui sont passées par différents mouvements totalitaires — fasciste, nazi et communiste — était finalement terminée. (…) Hors de la Première guerre mondiale est venue une série de révoltes contre la civilisation libérale. Ces révoltes accusaient la civilisation libérale d’être non seulement hypocrite ou en faillite, mais d’être en fait la grande source du mal ou de la souffrance dans le monde. (…) [Avec] une fascination pathologique pour la mort de masse [qui] était elle-même le fait principal de la Première guerre mondiale, dans laquelle 9 ou 10 millions de personnes ont été tués sur une base industrielle. Et chacun des nouveaux mouvements s’est mis à reproduire cet événement au nom de leur opposition utopique aux complexités et aux incertitudes de la civilisation libérale. Les noms de ces mouvements ont changé comme les traits qu’ils ont manifestés – l’un s’est appelé bolchévisme, et un autre s’est appelé fascisme, un autre s’est appelé nazisme. (…) À un certain niveau très profond tous ces mouvements étaient les mêmes — ils partageaient tous certaines qualités mythologiques, une fascination pour la mort de masse et tous s’inspiraient du même type de paranoïa. (…) Mon argument est que l’islamisme et un certain genre de pan-arabisme dans les mondes arabe et musulman sont vraiment d’autres branches de la même impulsion. Mussolini a mis en scène sa marche sur Rome en 1922 afin de créer une société totalitaire parfaite qui allait être la résurrection de l’empire romain. En 1928, en Egypte, de l’autre côté de la Méditerranée, s’est créée la secte des Frères musulmans afin de ressusciter le Califat antique de l’empire arabe du 7ème siècle, de même avec l’idée de créer une société parfaite des temps modernes. Bien que ces deux mouvements aient été tout à fait différents, ils étaient d’une certaine manière semblables. (…) La doctrine islamiste est que l’Islam est la réponse aux problèmes du monde, mais que l’Islam a été la victime d’une conspiration cosmique géante pour la détruire, par les Croisés et les sionistes. (le sionisme dans la doctrine de Qutb n’est pas un mouvement politique moderne, c’est une doctrine cosmique se prolongeant tout au long des siècles.) L’Islam est la victime de cette conspiration, qui est également facilitée par les faux musulmans ou hypocrites, qui feignent d’être musulmans mais sont réellement les amis des ennemis de l’Islam. D’un point de vue islamiste, donc, la conspiration la plus honteuse est celle menée par les hypocrites musulmans pour annihiler l’Islam du dedans. Ces personnes sont surtout les libéraux musulmans qui veulent établir une société libérale, autrement dit la séparation de l’église et de l’état. (…) Les socialistes français des années 30 (…) ont voulu éviter un retour de la première guerre mondiale; ils ont refusé de croire que les millions de personnes en Allemagne avaient perdu la tête et avaient soutenu le mouvement nazi. Ils n’ont pas voulu croire qu’un mouvement pathologique de masse avait pris le pouvoir en Allemagne, ils ont voulu rester ouverts à ce que les Allemands disaient et aux revendications allemandes de la première guerre mondiale. Et les socialistes français, dans leur effort pour être ouverts et chaleureux afin d’éviter à tout prix le retour d’une guerre comme la première guerre mondiale, ont fait tout leur possible pour essayer de trouver ce qui était raisonnable et plausible dans les arguments d’Hitler. Ils ont vraiment fini par croire que le plus grand danger pour la paix du monde n’était pas posé par Hitler mais par les faucons de leur propre société, en France. Ces gens-là étaient les socialistes pacifistes de la France, c’était des gens biens. Pourtant, de fil en aiguille, ils se sont opposés à l’armée française contre Hitler, et bon nombre d’entre eux ont fini par soutenir le régime de Vichy et ils ont fini comme fascistes! Ils ont même dérapé vers l’anti-sémitisme pur, et personne ne peut douter qu’une partie de cela s’est reproduit récemment dans le mouvement pacifiste aux Etats-Unis et surtout en Europe. Paul Berman
Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent, et je ne vois pas d’autre moyen que la mort. On peut toujours sortir d’une maison. Les révolutionnaires de 1793 n’ont probablement pas assez tué.  Sartre (Actuel, 28 février 1973)
Cette violence irrépressible il le montre parfaitement, n’est pas une absurde tempête ni la résurrection d’instincts sauvages ni même un effet du ressentiment : c’est l’homme lui-même se recomposant. Cette vérité, nous l’avons sue, je crois, et nous l’avons oubliée : les marques de la violence, nulle douceur ne les effacera : c’est la violence qui peut seule les détruire. Et le colonisé se guérit de la névrose coloniale en chassant le colon par les armes. Quand sa rage éclate, il retrouve sa transparence perdue, il se connaît dans la mesure même où il se fait ; de loin nous tenons sa guerre comme le triomphe de la barbarie ; mais elle procède par elle-même à l’émancipation progressive du combattant, elle liquide en lui et hors de lui, progressivement, les ténèbres coloniales. Dès qu’elle commence, elle est sans merci. Il faut rester terrifié ou devenir terrible ; cela veut dire : s’abandonner aux dissociations d’une vie truquée ou conquérir l’unité natale. Quand les paysans touchent des fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits sont un à un renversés : l’arme d’un combattant, c’est son humanité. Car, en ce premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses pieds. Jean-Paul Sartre (préface aux Damnés de la Terre, 1961)
L’apparition du colon a signifié syncrétiquement mort de la société autochtone, léthargie culturelle, pétrification des individus. Pour le colonisé, la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon. Telle est donc cette correspondance terme à terme des deux raisonnements. Mais il se trouve que pour le peuple colonisé cette violence, parce qu’elle constitue son seul travail, revêt des caractères positifs, formateurs. Cette praxis violente est totalisante, puisque chacun se fait maillon violent de la grande chaîne, du grand organisme violent surgi comme réaction à la violence première du colonialiste. Les groupes se reconnaissent entre eux et la nation future est déjà indivise. La lutte armée mobilise le peuple, c’est-à-dire qu’elle le jette dans une seule direction, à sens unique. La mobilisation des masses, quand elle se réalise à l’occasion de la guerre de libération, introduit dans chaque conscience la notion de cause commune, de destin national, d’histoire collective. Aussi la deuxième phase, celle de la construction de la nation, se trouve-t-elle facilitée par l’existence de ce mortier travaillé dans le sang et la colère. On comprend mieux alors l’originalité du vocabulaire utilisé dans les pays sous-développés. Pendant la période coloniale, on conviait le peuple à lutter contre l’oppression. Après la libération nationale, on le convie à lutter contre la misère, l’analphabétisme, le sous-développement. La lutte, affirme-t-on, continue. Le peuple vérifie que la vie est un combat interminable. La violence du colonisé, avons-nous dit, unifie le peuple. De par sa structure en effet, le colonialisme est séparatiste et régionaliste. Le colonialisme ne se contente pas de constater l’existence de tribus, il les renforce, les différencie. Le système colonial alimente les chefferies et réactive les vieilles confréries maraboutiques. La violence dans sa pratique est totalisante, nationale. De ce fait, elle comporte dans son intimité la liquidation du régionalisme et du tribalisme. Aussi les partis nationalistes se montrent-ils particulièrement impitoyables avec les caïds et les chefs coutumiers. La liquidation des caïds et des chefs est un préalable à l’unification du peuple. Au niveau des individus, la violence désintoxique. Elle débarrasse le colonisé de son complexe d’infériorité, de ses attitudes contemplatives ou désespérées. Elle le rend intrépide, le réhabilite à ses propres yeux. Même si la lutte armée a été symbolique et même s’il est démobilisé par une décolonisation rapide, le peuple a le temps de se convaincre que la libération a été l’affaire de tous et de chacun, que le leader n’a pas de mérite spécial. La violence hisse le peuple à la hauteur du leader. D’où cette espèce de réticence agressive à l’égard de la machine protocolaire que de jeunes gouvernements se dépêchent de mettre en place. Quand elles ont participé, dans la violence, à la libération nationale, les masses ne permettent à personne de se présenter en « libérateur ». Elles se montrent jalouses du résultat de leur action et se gardent de remettre à un dieu vivant leur avenir, leur destin, le sort de la patrie. Totalement irresponsables hier, elles entendent aujourd’hui tout comprendre et décider de tout. Illuminée par la violence, la conscience du peuple se rebelle contre toute pacification. Les démagogues, les opportunités, les magiciens ont désormais la tâche difficile. La praxis qui les a jetées dans un corps à corps désespéré confère aux masses un goût vorace du concret. L’entreprise de mystification devient, à long terme, pratiquement impossible. (…) Pour l’Europe, pour l’humanité et pour nous-mêmes, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf. Frantz Fanon (Les Damnés de la Terre, 1961)
Ce livre de Fanon: un livre terrible, terriblement révélateur, terriblement annonciateur des justiciers barbares. Les disciples de ces thèses seront des assassins tranquilles, des bourreaux justifiés, des terroristes sans autre cause que celle de s’affirmer par la mort des autres. S’il faut la mort du Blanc pour que le Noir vive, alors on retourne au sacrifice du bouc émissaire. (…) Et voici que Camus nous manque déjà. Il ne se doutait pas de ce qui lui survivrait. Jean Daniel
Les terroristes avaient massacré les femmes, les enfants, les chiens, les chats, les poules, les vaches d’élevage… tout ce qui pouvait respirer ou faire du bruit, alerter. Puis tout fut brûlé des quelque dix hameaux dans ces hauteurs tribales et anciennes de l’Ouest algérien. On kidnappa à la fin quelques jeunes femmes pour le harem des grottes et des forêts. Elles seraient violées, engrossées puis tuées. Le massacre fit en une nuit plus de 1 000 morts (peut-être plus car beaucoup n’étaient pas inscrits à l’état civil). Et lorsque je donnai ce chiffre de retour à Oran, on grimaça et on ne sut quoi en faire. (…) À l’époque, les élites algériennes, qu’on nomme « de gauche », vivaient cruellement la terreur islamiste. Elles avaient une lucidité précoce quant aux mœurs du monstre islamiste, à ses méthodes et à son but ultime. On savait, avant tous les autres, le coût du califat. La mort enseignait la grande leçon, précise et éclairée. C’était notre avance sur l’Occident, cette lucidité. C’est pourquoi quand advint l’horreur du 7 octobre en Israël, je fus doublement choqué. Doublement piégé. Doublement scandalisé. Doublement muet. Et doublement en colère, jusqu’à perdre les mots. (…) Etre palestinien vous dispensait de tout, de travailler, d’habiter le monde, de rejoindre l’humanité, de penser ses échecs, de libérer son propre pays. Ce cri de routine était le cri de ralliement d’une haine que je découvrais peu à peu avec le temps: la judéophobie. Haïr le Juif nous dispensait de tout. Le Juif incarnait cette altérité refusée, menaçante pour l’univers utérin « arabe ». Cette culture de la paranoïa et du complot universel du monde dit « arabe »; cette haine qui trouve dans une « cause » l’occasion de blanchir son essence obscure. Pire encore, « libérer la Palestine » autorisait un jeu de rôle tortueux et inconnu pour l’Occident: rejouer la décolonisation par projection, son épopée sublimée et aussi ses avantages pour l’égo. Ainsi, dans ce monde dit arabe, tout pouvait attendre tant qu’on n’avait pas libéré la Palestine. (…) A propos de l’intifada palestinienne, Mahmoud Darwich, l’immense poète palestinien, disait même ceci: « A la fin, l’intifada a nui au peuple palestinien. Elle est devenue un métier. » Et le sentiment propalestinien a nui à la Palestine, il est devenu un autre métier. (…) Et le 8, le 9, le 10 ? Je découvris cette ampleur incroyable de la judéophobie chez les miens. Cette irrationalité haineuse, cette conscience criminelle ou ignorante, prétextait du droit de s’indigner de la mort horrible du Palestinien à Gaza. Elle n’en fabriquait qu’une monstrueuse compassion grimée en solidarité. Je découvris cette judéophobie d’ambiance, de culture, de ralliement et de parade. En vérité, chez les miens, souvent, le propalestinien habillait l’antijuif et le néant en soi après les décolonisations. Mais il restait pire à vivre et à réfléchir. Car dès les premières semaines, une idée fixa mon esprit sur son impasse: pourquoi, dans les pays « arabes » touchés par l’horreur des islamistes en armes, des élites laïques, de gauche, modernistes, instruites, prenaient la défense du « monstre » islamiste en Palestine au nom du décolonial ? Comment des survivants de la guerre civile algérienne pouvaient aujourd’hui « comprendre » le monstre et l’excuser, et le défendre au nom d’un idéal de décolonisation hystérisé et sublimé jusqu’à l’absurde ? Comment se fait-il que ceux-là mêmes qui en savent le plus sur le « monstre du califat » en viennent à jouer les plus ignorants et à s’en faire les avocats ? (…) Pour pérenniser le récit de la décolonisation imaginaire, pour continuer à faire la guerre à l’Occident imaginaire, pour se prendre pour des héros et se chéguévariser, les élites chez nous recouraient à la plus détestable des ruses : habiller le monstre islamiste du Hamas avec l’habit prestigieux et démodé du décolonial, sur le dos du Palestinien qui mourait entre l’armée israélienne et les katibas du Hamas. Ainsi, même si l’on sait ce qu’est un monstre, il deviendra par cette grâce un monstre de « chez nous », donc l’un des nôtres, donc notre représentant, donc notre bras armé. La haine du Juif va si loin qu’elle peut s’accommoder de l’alliance avec le pire du « bien » recalculé. Ceux-là même qui d’Alger couraient vers les capitales occidentales et les aéroports pour fuir le « monstre » de l’islamiste algérien dans les années 1990, les voilà à applaudir un carnage au nom du « remake » et de l’illusion du décolonial. Kamel Daoud
Il semblerait que je sois le dernier scientifique et théologien à n’avoir pas été entendu sur ce sujet important, à savoir si le monde a été fait pour l’homme ou non. Je sens qu’il est temps pour moi de parler. (…) L’homme est un Animal Religieux. Il est le seul animal religieux. Il est le seul animal à détenir la vraie religion, même plusieurs. Il est le seul animal qui aime son prochain comme lui même et qui lui tranche la gorge si sa théologie n’est pas correcte. Il a transformé le globe en cimetière en essayant de son mieux d’aplanir le chemin de son frère vers le bonheur et le paradis. Il faisait cela à l’époque des Césars, il le faisait à l’époque de Mahomet, il le faisait à l’époque de l’inquisition, il l’a fait en France pendant deux siècles, il l’a fait en Angleterre à l’époque de la Reine Marie, il l’a fait depuis qu’il a vu la lumière, il le fait aujourd’hui en Crète, il le fera ailleurs demain. (…) De tous les animaux, l’homme est le seul à être cruel. Il est le seul qui inflige de la douleur par plaisir. C’est un trait qu’on ne retrouve pas chez les Animaux Supérieurs. Le chat joue avec la souris apeurée; mais il a l’excuse de ne pas savoir que la souris souffre. Le chat est modérément inhumain : il fait seulement peur à la souris, il ne lui fait pas de mal; il ne lui arrache pas les yeux, ne lui met pas d’échardes sous les ongles – à la manière des hommes; quand il a fini de jouer avec, il en fait tout de suite son repas ce qui met fin aux souffrances. L’homme est un animal cruel. Il est le seul à mériter cette distinction. Les Animaux Supérieurs s’engagent dans des combats individuels, mais jamais en groupes organisés. L’homme est le seul à commettre cette atrocité parmi les atrocités, la guerre. Il est le seul à rassembler ses frères autour de lui et à avancer avec sang froid et le pouls calme pour exterminer son prochain. C’est le seul animal qui s’engagera pour une paie sordide, ou comme l’a fait le jeune prince Napoléon pendant la guerre des Zoulous, pour aider à massacrer des étrangers de sa propre espèce qui ne lui ont fait aucun mal et avec lesquels il n’y a pas de contentieux. (…) Les animaux supérieurs n’ont pas de religion. Et on nous dit qu’ils seront laissés pour compte dans l’au-delà. Je me demande bien pourquoi. Cela semble d’un goût douteux.  (…) Cela semble donc suggérer que l’anaconda ne descend pas du comte. Cela semble aussi suggérer que le comte descend de l’anaconda et qu’il a pas mal perdu au passage. (…) Ainsi, j’en conclus que nous sommes descendus et avons dégénéré depuis quelque ancêtre lointain – un atome microscopique errant à sa guise entre les puissants horizons d’une goutte d’eau peut-être -, insecte par insecte, animal par animal, reptile par reptile, tout le long de la grand-route de la pure innocence, jusqu’à atteindre le fin fond de l’évolution, que l’on nommera l’être humain. Plus bas que nous, rien. Rien, si ce n’est le Français. Il n’y a qu’un seul degré possible en dessous du sens moral, c’est le sens immoral. Le Français l’a. L’homme est juste en dessous des anges. Cela le situe clairement. Il est entre les anges et le Français. Mark Twain (La place de l’homme dans le monde animal » alias « L’animal le plus bas », 1896)
C’est la plus grande affaire criminelle de l’histoire d’Israël. Nous avons affaire à des milliers de meurtres et d’autres crimes. David Katz (police israélienne)
J’ai compris qu’ils la violaient. Ils la passaient d’un à l’autre. Elle était vivante et se tenait debout. Elle saignait du dos. L’un des terroristes a tranché le sein de la femme et a commencé à jouer avec. Un autre a tiré une balle dans la tête de la femme alors qu’il était encore en train de la pénétrer. Il n’a même pas relevé son pantalon et lui a tiré une balle dans la tête. J’ai vu un autre terroriste porter une femme nue et morte sur son épaule et s’en aller avec elle. Un autre a coupé la tête de quelqu’un et se promenait avec comme un trophée. Témoin oculaire
Il ne s’agit pas d’un événement isolé dans l’histoire où les crimes contre les femmes peuvent être ignorés. Ce que nous avons vu en Israël, ce sont des viols et des crimes sexistes commis sous des ordres clairs et sous un contrôle total. Il s’agissait de viols jusqu’à la mort, de viols sous forme de massacres, de viols et de crimes visant à tuer et à torturer les femmes, en les utilisant, elles et leur corps, comme un instrument pour forcer l’exil de ces communautés en Israël. C’était un viol pour être vu et entendu par d’autres, les corps des femmes et des filles étant utilisés comme des spectacles de victoire, des trophées de guerre. Dr. Cochav Elkayam-Levy (experte juridique, Université hébraïque)
En outre, la police a diffusé des photographies et des séquences vidéo du festival montrant des femmes carbonisées et ensanglantées, dont les sous-vêtements sont visiblement déchirés et les jambes écartées. Les interrogatoires filmés de certains des terroristes capturés les montrent en train d’avouer qu’ils avaient reçu l’ordre d’assassiner, de violer et d’enlever des civils israéliens. Un suspect a déclaré aux interrogateurs israéliens que lui et ses hommes avaient reçu l’autorisation religieuse de tuer des enfants « parce qu’ils deviendront des soldats » et de les décapiter « pour semer la peur parmi les Israéliens ». (…) En outre, la police a diffusé des photographies et des séquences vidéo du festival montrant des femmes carbonisées et ensanglantées, leurs sous-vêtements visiblement déchirés et leurs jambes écartées. Les interrogatoires filmés de certains des terroristes capturés les montrent avouant qu’ils avaient reçu l’ordre d’assassiner, de violer et d’enlever des civils israéliens. Un suspect a déclaré aux interrogateurs israéliens que lui et ses hommes avaient reçu l’autorisation religieuse de tuer des enfants « parce qu’ils deviendront des soldats » et de les décapiter « pour semer la peur parmi les Israéliens ». Les premiers intervenants de l’armée israélienne et des services civils du pays ont décrit en détail les brutalités et les atrocités commises par les quelque 3 000 terroristes du Hamas et autres terroristes palestiniens qui sont entrés en Israël le 7 octobre. Un commandant de l’unité nationale de sauvetage de l’armée israélienne a déclaré aux journalistes, dans les premiers jours qui ont suivi l’attaque, qu’il avait trouvé de nombreux cadavres de femmes qui avaient été déshabillées. Dans un cas, au kibboutz Be’eri, le colonel (réserviste) Golan Vach a déclaré avoir trouvé deux femmes attachées l’une à l’autre sur le même lit, sans aucun vêtement.  « Je ne sais pas ce qui leur est arrivé avant qu’elles ne soient tuées », a-t-il déclaré. « Mais je sais que la plupart des femmes ordinaires vont au lit en pyjama. Dans un autre cas, un soldat de l’unité des forces spéciales de l’armée envoyé à la recherche de survivants dans un kibboutz a déclaré à un média qu’il avait trouvé les cadavres de deux jeunes filles dans une même pièce.   « Il y avait une adolescente de 14 ou 15 ans. Elle était allongée sur le sol, sur le ventre, son pantalon était baissé et elle était à moitié nue. Ses jambes étaient écartées, grandes ouvertes, et il y avait des restes de sperme sur son dos », a-t-il déclaré. « Quelqu’un l’a exécutée juste après l’avoir brutalement violée. « C’était comme une gifle », a déclaré le soldat. « C’est la première fois que j’ai réalisé que nous n’agissons pas contre des terroristes, mais contre des sauvages. À la morgue également, les personnes chargées d’identifier les morts et de préparer les corps pour l’enterrement ont parlé de brutalités correspondant à des viols et à des agressions sexuelles.  « Nous avons vu des preuves de viol », a déclaré Shari, qui travaille avec une équipe de femmes bénévoles chargées de nettoyer les corps des femmes assassinées, à Fox News Digital lors d’une précédente interview. « Des pelvis ont été brisés, et il faut probablement beaucoup de choses pour briser un pelvis. … Et cela concernait aussi les grands-mères jusqu’aux petits enfants. Ce sont des choses que nous avons vues de nos propres yeux ». Fox news
Il est évident que l’attaque du Hamas contre Israël n’est pas identique à l’Holocauste nazi. Les événements historiques sont rarement identiques. Pourtant, les points de similitude sont indéniables. Prenons l’exemple de la mentalité des assassins. Sur les 6 millions de Juifs assassinés par les nazis et leurs collaborateurs, plus d’un million ont été massacrés par des tirs à bout portant. Il en va de même pour les Juifs abattus parce qu’ils étaient juifs dans les kibboutzim du sud d’Israël. Les chercheurs soulignent le rôle de l’idéologie antisémite « éliminationniste », le type de pensée génocidaire qui prévalait dans les médias et les écoles de l’Allemagne nazie – et dans les médias et les écoles dirigées par le Hamas et l’Autorité palestinienne à notre époque. La propagande nazie déshumanisante dépeignait les Juifs comme des rats, des araignées ou des poux. La seule solution à ce « problème juif », selon les nazis, était la « solution finale » : la mort. Le Fatah, faction dirigeante de l’Autorité palestinienne, a célébré le pogrom du 7 octobre en publiant une vidéo montrant une botte aux couleurs du drapeau palestinien écrasant un rat sur un drapeau israélien. La représentation des Juifs comme des rongeurs, des insectes et d’autres créatures prédatrices à éradiquer est un élément essentiel de la culture populaire arabe palestinienne. Les tueurs du Hamas ont fait écho aux nazis d’une autre manière significative : En photographiant leurs atrocités.Les troupes d’assaut nazies s’amusaient à poser pour des photos alors qu’elles taillaient la barbe de leurs captifs juifs ou les forçaient à ramper. Les commandants des camps de la mort prenaient plaisir à assembler des albums de photos montrant des hommes, des femmes et des enfants juifs sélectionnés pour les chambres à gaz. L’album du commandant de Treblinka, Kurt Franz, portait le titre « Le bon vieux temps ». La technologie d’aujourd’hui est nouvelle, mais l’état d’esprit ne l’est pas. Les pogromistes du Hamas ont utilisé les réseaux sociaux pour se montrer en train d’enlever, de torturer et d’agresser sexuellement leurs victimes israéliennes. Certains ont téléchargé leurs horribles « vidéos trophées » sur les médias sociaux afin de tourmenter leurs familles désemparées. Ces contenus ont même été diffusés en direct sur Facebook. L’utilisation de la violence sexuelle comme arme le 7 octobre a des antécédents dans les pogroms arabes antérieurs et pendant l’Holocauste. Selon les récits des survivants, les viols et les mutilations ont fait partie des atrocités notoires commises par les Arabes palestiniens à l’encontre des Juifs à Hébron en 1929. Les soldats arabes et les forces terroristes arabes palestiniennes ont décapité et mutilé sexuellement des Juifs pendant la guerre arabe de 1948 contre le nouvel État d’Israël, selon de nombreux historiens classiques. De même, lors de la Nuit de Cristal en Allemagne en 1938 – et tout au long des années de l’Holocauste qui ont suivi – il y a eu de nombreux cas de viols de femmes juives par des nazis.Les archives d’histoire orale de la Fondation de la Shoah contiennent plus de 1 700 témoignages de survivants de violences sexuelles.  À d’autres égards également, on peut déceler des similitudes entre hier et aujourd’hui. Là encore, elles ne sont pas identiques, mais elles méritent d’être soulignées.  Prenons l’exemple des attitudes qui prévalent dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur américains. Dans les années 1930, des universités comme Harvard et Columbia ont noué des relations amicales avec l’Allemagne nazie, invité des représentants nazis sur leurs campus et organisé des échanges d’étudiants avec des écoles allemandes contrôlées par les nazis. Aujourd’hui, de nombreuses universités détournent le regard alors que les partisans du Hamas intimident les étudiants juifs ; des écoles américaines telles que Bard College, George Washington University et William Paterson University ont même participé à des programmes conjoints avec des universités arabes palestiniennes où les branches étudiantes du Hamas opèrent librement.    Prenons aussi le phénomène de la négation de l’Holocauste. La reine Rania de Jordanie a récemment déclaré à CNN qu' »il n’a pas été vérifié de manière indépendante […] que des enfants israéliens ont été retrouvés massacrés dans un kibboutz israélien ». Des représentants du Conseil des relations américano-islamiques, un important groupe de défense des musulmans, ont affirmé que les rapports sur les décapitations n’étaient pas vérifiés et qu’il s’agissait d’une « propagande de guerre ». Heureusement, le peuple juif d’aujourd’hui ne se trouve pas dans la même situation d’impuissance et de vulnérabilité que les Juifs européens dans les années 1940. Il existe aujourd’hui un État juif souverain et une puissante armée juive. Mais lorsqu’il s’agit du comportement des ennemis des Juifs, les mentalités et les tactiques ont-elles beaucoup changé ? La découverte d’un exemplaire en langue arabe de « Mein Kampf » d’Adolf Hitler dans un appartement de Gaza la semaine dernière permet de répondre à cette question. La chambre des enfants, où le livre a été trouvé, avait été occupée par le Hamas comme base de ses opérations. Les marges de l’exemplaire contenaient des notes écrites par le terroriste qui l’avait étudié. Près d’un siècle après sa publication, le manifeste d’antisémitisme et de violence d’Hitler est toujours utilisé pour tuer des Juifs avec la même efficacité. Rafael Medoff
Les grands singes (chimpanzés, bonobos, gorilles et orangs-outans) ont un cerveau plus proche du nôtre que celui de toute autre créature vivante. Ils sont capables de performances intellectuelles que l’on croyait autrefois propres à nous, notamment la reconnaissance de soi, l’abstraction et la généralisation, ainsi que le transfert d’informations multimodal. Ils ont le sens de l’humour. Ils peuvent éprouver des souffrances mentales aussi bien que physiques. Ils utilisent plus d’objets comme outils pour une plus grande variété d’objectifs que n’importe quelle autre créature, à l’exception de nous-mêmes. Et ils modifient des objets à des fins spécifiques, montrant ainsi le début de la fabrication d’outils, une capacité dont on pensait autrefois qu’elle différenciait les humains du reste du règne animal. De plus, dans toute l’Afrique, les communautés de chimpanzés présentent différents comportements d’utilisation d’outils qui, transmis d’une génération à l’autre par l’observation et l’imitation, peuvent être définis comme des cultures primitives. Les chimpanzés tissent des liens affectueux, solidaires et durables entre les individus, en particulier entre les membres d’une même famille, liens qui peuvent persister tout au long de la vie – ils peuvent vivre plus de soixante ans. Ils sont capables d’un véritable altruisme. Malheureusement, comme nous, ils ont un côté sombre. Ils sont agressivement territoriaux et peuvent accomplir des actes d’une extrême brutalité et même mener une sorte de guerre primitive. Il est donc clair qu’il n’existe pas de ligne de démarcation nette entre les humains et le reste du règne animal. La frontière est très floue et les différences sont plutôt de l’ordre du degré que de la nature.Cela conduit à un nouveau respect pour les autres animaux extraordinaires avec lesquels nous partageons la planète Terre. Nous sommes uniques, mais nous ne sommes pas aussi différents que nous le pensions. La principale différence est peut-être notre intellect extraordinairement complexe et notre capacité à communiquer des idées au moyen d’un langage parlé sophistiqué, par l’utilisation de mots. Il convient toutefois de noter que l’on peut apprendre aux singes en captivité à comprendre et à utiliser plus de 300 signes de la langue des signes américaine, telle qu’elle est utilisée par les sourds. Ils peuvent communiquer avec ces signes non seulement avec leurs dresseurs, mais aussi entre eux. Ils peuvent également apprendre à communiquer à l’aide de divers lexigrammes et symboles informatiques. Une fois acquises, ces compétences linguistiques peuvent être utilisées dans de nombreux contextes. De nombreux théologiens et philosophes affirment que seuls les humains ont une « âme ». Mes années passées dans la forêt avec les chimpanzés m’ont amené à remettre en question cette hypothèse. Jour après jour, j’étais seul dans la nature, avec pour compagnons les animaux, les arbres, les ruisseaux qui gargouillaient, les montagnes, les terribles orages électriques et les cieux étoilés. Je ne faisais plus qu’un avec un monde dans lequel, hormis le passage du jour à la nuit, de la saison humide à la saison sèche, le temps n’avait plus d’importance. Et il y a eu des moments de perception qui semblaient presque mystiques, de sorte que je suis devenu de plus en plus à l’écoute de la grande puissance spirituelle que je sentais autour de moi – la puissance qui est vénérée comme Dieu, Allah, Tao, Brahma, le Grand Esprit, le Créateur, et ainsi de suite.J’en suis venu à croire que tous les êtres vivants possèdent une étincelle de cette puissance spirituelle. Nous, les humains, avec notre esprit particulièrement sophistiqué et notre langage parlé qui nous permet de partager et de discuter des idées, appelons cette étincelle, en nous-mêmes, une « âme ». N’en est-il pas de même pour un chimpanzé ? Ou de tout autre être sensible et sapient ? Il est cependant très peu probable que d’autres animaux que nous se préoccupent – ou soient capables de se préoccuper – de savoir s’ils possèdent ou non une âme immortelle ! On me demande souvent si les chimpanzés montrent des signes de comportement religieux. Je pense que leurs manifestations « élémentaires » sont peut-être les précurseurs d’un rituel religieux. Au cœur de la forêt se trouvent des chutes d’eau spectaculaires. Parfois, lorsqu’un chimpanzé – le plus souvent un mâle adulte – s’approche de l’une de ces chutes, ses poils se hérissent légèrement, signe d’une excitation accrue. Au fur et à mesure qu’il se rapproche et que le bruit de l’eau qui tombe s’intensifie, son rythme s’accélère, ses poils se redressent et, une fois arrivé au bord du cours d’eau, il peut se livrer à un magnifique spectacle près du pied de la chute. Debout, il se balance rythmiquement d’un pied sur l’autre, trépignant dans l’eau peu profonde, ramassant et lançant de gros rochers. Parfois, il grimpe sur les fines lianes qui pendent des arbres en hauteur et se balance dans les embruns de l’eau qui tombe. Cette « danse de la cascade » peut durer dix ou quinze minutes.Les chutes d’eau ne sont pas les seules à déclencher de telles manifestations. Les chimpanzés « dansent » au début d’une très forte pluie, en tendant les bras pour faire osciller les jeunes arbres ou les branches basses en rythme d’avant en arrière, puis en avançant au ralenti en frappant bruyamment le sol avec leurs mains, en tapant du pied et en lançant pierre après pierre. À deux reprises, je les ai vus agir ainsi lors des premières rafales de vent violentes, annonciatrices d’une tempête. Il arrive aussi qu’un chimpanzé se déplace lentement le long d’un cours d’eau, ramassant et lançant des pierres au fur et à mesure. N’est-il pas possible que ces spectacles soient stimulés par des sentiments proches de l’émerveillement et de la crainte ? Après un spectacle de cascade, l’artiste peut s’asseoir sur un rocher, ses yeux suivant la chute de l’eau. Qu’est-ce que c’est que cette eau ? Elle est toujours en train d’arriver, de partir, mais elle est toujours là. Quelle force invisible produit soudain les grands coups de tonnerre, les pluies torrentielles, les rafales de vent sauvages qui font plier et osciller les chimpanzés accrochés à leur nid la nuit ? Si les chimpanzés avaient un langage parlé, s’ils pouvaient discuter entre eux de ces sentiments, ne pourraient-ils pas conduire à un culte animiste et païen des éléments ? (…) Dans le texte original hébreu de la Genèse, chapitre 1, verset 26, Dieu a donné à l’homme « v’yirdu » sur sa création, ce qui a été traduit par « domination ». Mais de nombreux spécialistes de l’hébreu pensent que le le vrai sens du mot est « gouverner », comme un roi sage gouverne ses sujets, « avec soin et respect ». Cela implique un sens des responsabilités et une gestion éclairée. Saint François l’avait compris. Mais dans le monde judéo-chrétien d’aujourd’hui, les animaux sont généralement considérés comme de simples choses, dont on peut faire ce que l’on veut tant que cela sert, ou pourrait servir, le bien de l’homme. (…) En ce début de XXIe siècle, la théologie et la science semblent entrer dans une nouvelle relation. Certaines des réflexions les plus récentes en physique, en mécanique quantique et en cosmologie se rejoignent dans une nouvelle croyance selon laquelle l’intelligence est impliquée dans la formation de l’univers, qu’il y a un esprit et un but qui sous-tendent notre existence. Pour ma part, plus la science a découvert les mystères de la vie sur Terre, plus j’ai été émerveillée par la merveille de la création et plus j’en suis venue à croire en l’existence de Dieu. Jane Goodall
Nous avons une cascade extraordinaire à Gombe (…) Et les chimpanzés font parfois ces étonnantes démonstrations de 20 minutes. J’appelle cela la danse de la cascade. (…) Il est plus scientifique d’appeler cela un spectacle, mais ils sont debout et se balancent d’un pied sur l’autre. Ils ramassent de grosses pierres dans le ruisseau et les lancent, et parfois ils… Ils avaient l’habitude de grimper sur les lianes qui poussaient vers le bas et de se jeter dans les embruns. (…) Quoi qu’il en soit, le moment dont je me souviens le plus est celui où j’ai pu voir les yeux de ce mâle. Il avait terminé sa démonstration, sa danse, et il était assis sur un rocher, et je regardais ses yeux, et il regardait l’eau tomber, et il regardait l’eau s’écouler, et je me suis dit que cela mettait le doigt sur la plus grande différence entre eux et nous : nous, « Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que cette chose qui va et vient sans cesse et qui est toujours là ? Cela ne pourrait-il pas déboucher sur une religion primitive, un culte des éléments ? Vous savez, la curiosité des premiers hommes à l’égard de ces choses et de leur signification. Mais comme nous pouvons en discuter, nous pourrions en faire une religion primitive. Le chimpanzé a peut-être les mêmes sentiments, mais nous ne le savons pas. Jane Goodall
Si vous aviez réalisé une étude entre 1997 et 2007, ce qui est une longue étude, vous penseriez qu’il n’y a pas eu d’infanticide ici. Mais nous savons, d’après les données antérieures et postérieures à cette période, que ce comportement n’est pas rare. Aujourd’hui, nous avons une forte densité de groupes et peu de perturbations humaines, et l’infanticide est en hausse en raison de l’augmentation des interactions entre les groupes. Il est fascinant de voir comment les gorilles réagissent. Tara Stoinski (Fonds Fossey)
Lorsqu’une population de rats de laboratoire est laissée libre de s’accroître sans limites dans un espace délimité, les rats développent des comportements extrêmement anormaux pouvant mener à l’extinction de la population. (…) De nombreuses rates furent incapables de mener leur grossesse à terme ou de survivre à leur mise bas. Un nombre encore plus grand, après avoir donné naissance avec succès, échouèrent à remplir leurs fonctions maternelles. Chez les mâles, les troubles du comportement allaient de la déviation sexuelle jusqu’au cannibalisme, et de l’hyperactivité frénétique jusqu’au retrait pathologique, dont les individus émergeaient seulement pour manger, boire et se déplacer, et ce uniquement lorsque les autres membres de la communauté dormaient. L’organisation sociale était tout autant perturbée. (…) La source commune de telles perturbations fut mise en évidence avec les populations de la première série de trois expériences, au cours desquelles nous avons observé le développement de ce que nous avons dénommé un « évier comportemental ». Les animaux s’entassaient ensemble en grand nombre dans un seul des quatre enclos interconnectés où résidait la colonie. Jusqu’à 60 des 80 rats de chaque population expérimentale se rassemblaient dans un enclos pendant les périodes d’alimentation. Les rats seuls mangeaient rarement, sauf en compagnie d’autres rats. En conséquence, une surpopulation s’est développée dans l’enclos dédié à l’alimentation, laissant des populations clairsemées dans les autres enclos. (… Dans les expériences dans lesquelles le cloaque comportemental s’est développé, la mortalité infantile a atteint 96 % parmi les groupes les plus désorientés de la population. John B. Calhoun
En 1958, l’éthologue John B. Calhoun mena des expériences de surpopulation chez les rats. (…) Lorsque les interactions forcées dépassent un certain seuil, les normes sociales cèdent. Ainsi la densité sociale apparaît-elle plus déterminante que la densité spatiale géométrique. Les effets notables de ce phénomène comportemental comprennent l’hyper-agressivité, la carence d’élevage des jeunes, le cannibalisme infantile, l’augmentation de la mortalité à tous les âges et les déviances sexuelles. Souvent, la population culmine puis s’effondre. Les troubles physiques, mentaux, psychosomatiques et alimentaires s’accroissent. Au-delà d’une certaine densité de population, ils cessent de se comporter comme des rats et le changement est permanent. Wikipedia
 Près de cinq ans dans un camp de prisonniers m’ont appris que les sociétés humaines surpeuplées reflètent dans le moindre détail les symptômes des communautés de loups, chats, chèvres, souris, rats, lapins et que toutes les différences sont liées aux particularités des espèces ; les aspects fondamentaux de l’interaction et de l’organisation sociale sont en principe identiques et il y a une véritable homologie entre l’Homme et l’Animal à travers toute l’espèce de vertébrés. Paul Leyhausen
Ce que je trouve important, dans le livre de Konrad Lorenz, L’agression, c’est la description du comportement des oies. Quand deux oies s’approchent l’une de l’autre avec des signes d’hostilité, la plupart du temps leur agression est déviée sur un troisième objet. Il y a là une ébauche du mécanisme émissaire. Ce détournement de l’agressivité a été fixé par l’évolution en un schéma instinctuel qui peut créer un lien, principalement entre un mâle et une femelle (mais il existe aussi des cas d’homosexualité engendrés par ce même mécanisme). Dans le cas des oies, le couple est permanent ou semi-permanent, et il se forme grâce à cette amorce du mécanisme du bouc émissaire (l’expression « victime émissaire », « bouc émissaire » n’est pas tout à fait exacte, certes, puisque le troisième terme est le plus souvent un objet) : la violence est déviée sur un tiers. Cette observation, si elle est correcte, rend manifeste l’émergence d’un lien entre des individus qui ont déchargé leur violence sur une même victime. Le détournement de l’agressivité au sein d’un groupe spécifique et contre un élément externe (ou un élément interne qu’on expulse) crée une cohésion forte au sein de ce groupe ou de ce couple. Cela doit être la raison pour laquelle les sociétés primitives avaient recours au meurtre rituel : pour renforcer les liens de la communauté. L’invention du sacrifice rituel repose sur une observation préalable qui porte sur l’efficacité de la violence partagée, et certainement aussi du « saisissement » qui en résulte. (…) Dans un passage de La sociobiologie, Wilson relie l’agression à la surpopulation : « Leyhausen a décrit de façon graphique ce qu’il advient du comportement des chats quand ils se trouvent dans des situations de surpopulation anormales : “Plus il y a d’individus dans la cage, moins la hiérarchie est relative.” En définitive, il émerge un despote et des parias, contraints à un comportement frénétique et névrotique par les attaques continues et impitoyables des autres : la communauté se transforme alors en une foule sans pitié. […] Calhoun observa des effets encore plus bizarres dans ses populations de laboratoire de rats de Norvège. Outre le comportement hypertendu observé chez les chats de Leyhaus. René Girard
Si les animaux peuvent rivaliser et combattre sans aller jusqu’à la mort, c’est à cause d’inhibitions instinctuelles qui assurent le contrôle des armes naturelles, les griffes et les dents. On ne peut pas croire que ce type de contrôle s’étend automatiquement aux pierres et aux autres armes artificielles le jour où les hominiens commencent à les utiliser. Les violences que les filtres de l’inhibition n’arrêteront pas parce qu’elles sont sans danger entre des adversaires désarmés vont devenir fatales à partir du moment où les adversaires sont armés de cailloux. Si, au lieu de se jeter des branchages comme ils le font parfois, les chimpanzés apprenaient à se jeter des pierres, leur vie sociale serait bouleversée. Ou bien l’espèce disparaitrait, ou bien comme l’humanité il lui faudrait se donner des interdits. Mais comment fait-on pour se donner des interdits? René Girard (Dec choses cachées depuis la fondation du monde, 1978)
Lorsque j’ai écrit Des choses cachées, on ne disposait pas de tout le savoir actuel sur le comportement animal, ou alors ce savoir est maintenant interprété de façon différente. Par exemple, on pense de nos jours que les chimpanzés se livrent à des chasses collectives et mangent leurs victimes, qui sont surtout des singes d’une espèce différente. Il existe dans ces groupes des formes de violence collective. Certaines formes de chasse présentent également des aspects rituels. Des signes clairs rendent plausible le fait que le mécanisme du bouc émissaire soit apparu dans ces groupes. Ceci est une autre étape du long processus de l’évolution qui mène au mécanisme dans sa forme achevée. Le cerveau des singes n’est sans doute pas suffisamment développé pour leur permettre d’atteindre le plan de la symbolicité. Pour atteindre ce niveau, nous l’avons dit, il ne suffit pas d’avoir un cerveau d’une taille adéquate. Il faut aussi un centre de signification, et la victime désignée comme bouc émissaire fournit ce centre. L’émergence d’une sphère symbolique doit s’expliquer, dans un cadre éthologique. C’est le fruit d’une combinaison d’instincts, dans laquelle on peut inclure la proto-conscience du meurtre d’un membre de la même espèce. Nous avons déjà mentionné ça. Il faut également tenir compte de la baisse soudaine d’intensité de la violence, que renforce le lien instinctif de ceux qui ont choisi le bouc émissaire, diminution perçue comme liée à la victime et dépendant d’elle. D’où la tendance à diviniser cette victime (…) La victime est le point focal de l’événement du bouc émissaire dans son ensemble, puisque les hominidés sont plus ou moins « conscients » d’avoir fait quelque chose de « mal », et sont en même temps stupéfaits de la paix revenue et du lien merveilleux qu’ils perçoivent comme résultant du meurtre de la victime. Ce système complexe de sentiments entrecroisés a produit une espèce de « court-circuit » de leur perception, qui devait être d’ores et déjà d’un niveau élevé. Tout d’abord, et même si le mécanisme est totalement endogène, il est perçu comme quelque chose d’extérieur (dans le récit de Kubrick, il est représenté par le monolithe noir). Ensuite, le point focal du mécanisme, encore et toujours la victime – source naturelle de ce « quelque chose » que l’on doit chérir –, devient sacré. Ce « don » de la paix retrouvée et du lien merveilleux amène aussi l’esprit primitif à répéter de façon mimétique l’événement, celui-ci étant alors perçu comme le moyen le plus efficace d’obtenir la paix et la solidarité au sein du groupe, dans les moments de crise. Dans la répétition « superstitieuse » de l’événement, une sorte de « mise en scène » doit s’organiser, sous la forme du meurtre d’une victime de substitution. Cette victime n’est plus considérée comme responsable de la crise, mais elle est à la fois une nouvelle victime réelle, effectivement tuée, et un symbole du proto-événement ; il s’agit là du premier signe symbolique jamais inventé par ces hominidés. C’est le premier instant où quelque chose est là à la place d’une autre chose. C’est le symbole originaire. Et afin d’être en mesure de gérer la complexité cognitive qu’implique le maniement de la sphère symbolique émergeante, il fallait un cerveau plus vaste : le mécanisme du bouc émissaire a donc agi comme une forme de pression évolutionniste, comme un élément de la sélection naturelle. (…) mais le processus implique l’existence d’un groupe d’éléments appartenant à un ensemble donné, systémiquement clos. Le langage, en ce sens, est un système clos. Il existe un certain nombre de phonèmes et de signes diacritiques, et on ne peut pas ajouter de nouveaux éléments. C’est avec ces éléments donnés qu’il nous faut jouer. Bien sûr, le nombre de combinaisons possibles est virtuellement infini. Les composantes du jeu n’en sont pas moins clairement définies. Dans ce système, on trouve des signes qui se réfèrent au monde extérieur et des signes qui se réfèrent les uns aux autres, et c’est justement ce mouvement de l’un à l’autre que les primates ne maîtrisent jamais. C’est là qu’on atteint le niveau symbolique. Ce plan d’autoréférence peut-il se déployer sans un centre d’où émerge le sens ? J’ai l’intuition très nette que seule l’existence de ce centre permet aux divers éléments de la totalité de communiquer les uns avec les autres. Même s’il arrivait que le centre disparaisse, une fois la communication établie, ils continueraient à communiquer les uns avec les autres. Le centre, en fait, doit disparaître pour que la communication se développe à des niveaux de plus en plus complexes. Un système symbolique fonctionne ainsi. Il peut toujours se décentrer, mais à l’origine il est toujours centré. Je ne suis pas d’accord avec Jacques Derrida quand il dit que les structures sont toujours déjà décentrées. Le centre apprend aux gens à communiquer, à tenir leur rôle dans cette communication. Après cela, il peut y avoir effacement du centre, dans le sens de l’oubli des rituels et de l’émergence des institutions. Le centre n’en est pas moins essentiel à la naissance de ces institutions, car ou bien on opte pour la vision des Lumières, dans laquelle la religion n’est rien, ou bien l’on comprend que la religion, étant toujours déjà partout, elle doit être l’origine de tout. Il faut choisir entre ces deux attitudes. Si vous rejetez en bloc la religion, comment pouvez-vous expliquer que les seuls points communs à toutes les cultures soient le langage, le rituel et Dieu ? La religion est mère de tout : elle est au cœur de tout et, à partir de cette idée, l’émergence du rituel, du langage et de la symbolicité deviennent pensables. Enfin, la religion est elle-même produite par le mécanisme du bouc émissaire. (…) les outils peuvent devenir des armes, tout comme les pierres. L’australopithèque, par exemple, n’utilisait des outils que d’une manière relativement simple, tandis que l’Homo habilis témoigne de l’apparition d’une forme de culture, il y a environ deux millions d’années. Je ne m’avancerais pas à en tirer des conclusions, mais je suppose qu’au niveau de l’Homo habilis, il a dû exister une sorte de peur religieuse, des tabous. On peut avoir des indices de cela. La capacité du cerveau, entre autres, était suffisante pour que ces êtres possèdent le langage, et la fabrication d’outils était devenue assez complexe. Pensez à un phénomène comme celui de la position du forgeron dans la société archaïque. Il était craint, car les outils qu’il fabriquait pouvaient aussi être utilisés comme des armes. Le forgeron est une espèce de bouc émissaire permanent, il vit en dehors de la communauté. Il est simultanément redouté et respecté. Des phénomènes de ce genre sont probablement apparus très tôt ; et cette peur qu’inspirait le membre de la communauté qui fabriquait des outils meurtriers est sans doute très proche de celle par laquelle les primates ont acquis l’interdit. René Girard (Les Origines de la culture, 2000)
Partageant environ 98 % de notre ADN et dotés d’un cerveau presque identique au nôtre, il n’est pas surprenant que les chimpanzés et les humains agissent d’une manière qui peut étrangement ressembler à la nôtre. Ici, nous voyons le mâle dominant, le chimpanzé PDG, chef de la meute et seigneur de guerre, établir sa place au sommet de la hiérarchie du groupe en faisant étalage de ses prouesses physiques pour intimider davantage les prétendants au trône. (…) Les chimpanzés soumis montrent leur allégeance et leur soumission à leur Être suprême en s’agenouillant devant lui, ce qui est un signe universel, animal et humain, de soumission, tout comme nous le faisons à l’égard de notre Être suprême. Les fidèles du mâle dominant se tournent vers lui pour obtenir sa protection, leurs angoisses étant apaisées par le fait qu’ils savent que c’est lui, leur Être Suprême, qui commande. Comme Browning l’a dit pour nous, il en va de même pour les chimpanzés : lorsque Dieu est au paradis, tout va bien dans le monde. Notre 23e psaume le décrit parfaitement : le mâle dominant est mon berger, je ne manquerai de rien, même si la jungle est pleine de menaces, je ne craindrai aucun mal. Doutez-vous encore que ce comportement soit réellement le précurseur de nos religions humaines ? Observez alors ce qui se passe lorsqu’un orage éclate. Les chimpanzés soumis se recroquevillent, mais leur chef réagit aux bruits menaçants du tonnerre et de la foudre en affichant sa propre menace : il revient sur ses pas en frappant les branches des arbres et en jetant des pierres, vous ne pouvez pas m’intimider, dit-il, c’est moi qui commande, prenez ça. Qui étaient les dieux de nos premiers ancêtres humains, sinon Zeus et Thor, dieux du tonnerre et de la foudre ? De nos dieux chimpanzés à nos dieux humains, il n’y a qu’un pas, mais un pas de géant dans la compréhension de la véritable nature de notre besoin impérieux de placer notre foi et notre confiance dans un chef tout-puissant. Lorsqu’un leader charismatique dit suivez-moi vers la terre promise, je soulagerai vos angoisses, nous le suivons, depuis Dieu et Moïse jusqu’aux Hitler et Ben Laden. Oui, le mâle dominant est l’Être suprême des chimpanzés, ils s’agenouillent devant lui et le vénèrent tout comme nous le faisons pour notre propre Être suprême. (…) Cette idée permet d’expliquer le reste de nos actes religieux, même le terrorisme religieux suicidaire. Jay D. Glass
Nous avons offert des sacrifices humains à vos dieux du sport et de la télévision et ils ont répondu à nos prières. Terroriste palestinien (Jeux olympiques de Munich, 1972)
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Avec l’agression barbare du 7 octobre, le Hamas a rejoint le paradigme inauguré par Al-Qaida, affermi et consolidé par l’EI. Nous avons tous été submergés par des vidéos postées soit directement par des miliciens du Hamas, soit par des témoins de leurs exactions parmi la population de Gaza : femmes brutalisées, femmes dénudées et mortes, otages apeurés, rapts d’enfants, vidéos d’attaques… Le message du Hamas est aussi clair que l’étaient ceux d’Al-Qaida et de l’EI : ces images actent une rupture sans retour de toute communication humaine. Ce sont des messages sans discours, ou qui donnent une place infime aux mots : ils rendent forclose et caduque toute éventuelle réponse, qui d’ailleurs ne saurait être qu’une sidération hébétée. L’ennemi est rendu coi. On ne pourrait trouver mieux pour caractériser la nature de ce système d’action que le terme de « sadien ». Si, en effet, les guerres sont l’occasion pour les hommes d’agir sadiquement, leurs actes sadiques sont des actions sans suite, vouées au néant, et s’effaçant dans la jouissance répandue par le guerrier. En revanche, de sadique, l’action malfaisante devient sadienne dès lors que son agent ne se contente pas de mutiler, de violer, ou de tuer, mais quand il désire donner et parvient à donner à ses actes la forme d’un message suffisamment bien formé pour qu’il puisse être diffusé, et qu’il soit sans réplique possible. Quel est le sens de ce passage de l’acte sadique ordinaire à l’acte sadien ? Tout simplement la possibilité de pérenniser l’acte malfaisant, de lui fournir un code pour qu’il se survive à lui-même, et s’ouvre aux conditions de possibilité de sa perpétuation. La destruction des juifs ne repose plus sur une philosophie, une théorie politique ou théologico-politique, mais sur la performativité de l’image, de sa diffusion, de sa transmission, et de la contagion mimétique qui s’ensuit. On mesure évidemment alors, en termes de propagande, ce qu’une telle innovation apporte d’efficacité. C’est pourquoi les qualificatifs de « crimes de guerre » avancés pour caractériser les agissements du Hamas depuis le 7 octobre sont non seulement insuffisants, mais falsificateurs, car ils posent une commune mesure entre ces agissements et ceux de n’importe quelle armée ; toujours susceptible, quels que soient ses principes déontologiques, d’en commettre. Le djihadisme, depuis Al-Qaida, a mis au jour une nouvelle forme de pratique guerrière dont l’obscénité évidente doit être perçue jusque dans ce qui nous fait vaciller au moment même où nous la recevons. Ces corps égorgés, violés, sanglants, mutilés, humiliés, c’est nous-mêmes, ce sont nos corps qui nous sont ainsi renvoyés comme dans un miroir. On se souvient du soin que prit Mohammed Merah, grâce à une caméra fixée sur son corps, à filmer le meurtre des trois enfants juifs le 19 mars 2012 dans la cour de l’école Ozar-Hatorah, et à en faire le montage pour la chaîne qatarie Al-Jazira. Le djihadisme est ainsi devenu un langage qui est la destruction de tout langage, de tout langage humain, retrouvant alors, sous la forme la plus moderne qui soit, le langage muet de l’extermination, en tant qu’il peut être désormais partagé, perpétué, universalisé, et rendu hermétique à une réponse quelconque. C’est le constat qui doit aujourd’hui nous servir de boussole, et répondre à ce défi réclame sans doute une froideur et une dureté inédites. Mais dans les images atroces que le djihadiste transmet, diffuse, exhibe, et par lesquelles il semble triompher, il y a autre chose que ces corps meurtris, écrasés, avilis ; il y a une zone infranchissable et inatteignable pour le bourreau, un espace de dialogue avec la victime à qui on a tenté de dénier toute humanité. Ces messages ratent leur but en ce qu’ils n’anéantissent pas la possibilité d’être avec les victimes, de dialoguer avec elles ; ils ne nous emprisonnent pas, ne nous assujettissent pas au silence dans lequel le djihadiste veut nous maintenir. Malgré l’horreur, reste ainsi l’espoir d’un dialogue entre êtres humains. Eric Marty
“The idea that this is proto-religious and the trees are somehow sacred sites is simply silly. Ritualized behavior is common in the animal world, and chimpanzees throw stones in many contexts. The idea that this is proto-religious and the trees are somehow sacred sites is simply silly. Craig Stanford
A team of 80 scientists led by Hjalmar S. Kuhl and Ammie K. Kalan from the Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology in Leipzig published a paper in Scientific Reports raising the possibility that chimpanzees at four field sites in West Africa may perform a ritual when they repeatedly throw stones at trees in the forest. The apes take aim at the trees with stones they have accumulated (or cached). This behavior, with its striking patterns of re-use of the same stones and trees, has never been observed at Gombe or the other best-known chimpanzee study sites. Perhaps stone-throwing, the researchers say, originated as a male display. Males who do it vocalize and appear quite aroused, though an adult female and a juvenile also were observed to throw the stones, so the behavior appears to have caught on more widely. Alternatively, might the stone caches amount to symbolic marking of trees they consider to be sacred, in a way analogous to the cairn-building carried out by people living in the region? Or couldn’t the apes, I have wondered, simply enjoy the sensations associated with forceful or aimed throwing, just the way we may delight in skipping stones across a lake? The key thing to notice, in any case, is that the researchers never used the word “spirituality” in the Scientific Reports paper, noting only that the chimpanzees’ stone accumulations are “superficially similar” to the human examples at “sacred” trees. Weeks later, in a post  from The Conversation reprinted online in Slate and Scientific American, Laura Kehoe, one of the 80 Scientific Reports paper co-authors, took an extra speculative step: “Maybe we found the first evidence of chimpanzees creating a kind of shrine that could indicate sacred trees.” Within days, the media soared into hyper-drive. Earth and Sky  asked “Mysterious chimp behavior evidence of sacred rituals?” New Scientist’s headline “What do chimp ‘temples’ tell us about the evolution of religion?” is less skeptical, though the article itself adopts a more cautious tone. Caution was not a feature of tabloid newspapers’ accounts: The Mirror and the Daily Mail both featured headlines asking if proof is now here that chimpanzees believe in God. “The idea that this is proto-religious and the trees are somehow sacred sites is simply silly.” Biological anthropologist and long-time chimpanzee field researcher Craig Stanford of USC dismisses all this hoopla flat out. “Ritualized behavior is common in the animal world,” he told me, “and chimpanzees throw stones in many contexts. The idea that this is proto-religious and the trees are somehow sacred sites is simply silly.” The chasm between apes’ repeated throwing of stones taken from a cache at a tree, and apes’ creating the sacred through repeated action, is immense, and for Stanford, not navigable by science. Apes, as I have noted in my book Evolving God, do engage in certain acts of the imagination, including pulling an imaginary toy on an imaginary string (in captivity), and caring for a log apparently envisioned as a companion (in the wild). I’ve used instances like this, in addition to evidence for things like ape empathy and rule-following, to argue that the very deepest roots of human religiosity can be found in our primate cousins. But that’s a far cry from anointing them with a spiritual sensibility. Feeling awe and wonder at nature is one thing—I’m really not about to disagree with Jane Goodall on this particular point—but linking those feelings necessarily with spirituality is another. (When I have watched baboons in Kenya, bison in Yellowstone National Park, and assorted wild visitors in my Virginia backyard, I have felt wonder. I haven’t felt spiritual.) I was ready to move on from this entire question when I came across a book published last year. In Religious Affects: Animality, Evolution, and Power, Donovan Schaefer of Oxford University argues against our “lingering sense that religion makes us human by severing our animality.” Donovan rejects the Euro-American tendency to equate religion with belief, text, and language. Religion is something we feel in and express with our whole bodies, Schaefer insists, and once we realize this, we are free to see religion in other animals in certain instances of their embodied and emotional practices. For Schaefer, animals who may not imagine God or spirits may connect with “things of power in the world” in religious ways. “Animal religion,” he emphasizes in the book, “is more than just a turn of phrase. Animal religion means animals have religion.” “Their religions will be built out of their fascinations, just as our religions are built out of ours.” The “prelinguistic dance” of wild chimpanzees at a waterfall, then, is religion for Schaefer, who goes further than Goodall in interpreting the meaning of apes’ rhythmic bodily movements in certain natural contexts. When I contacted Schaefer, he underscored in an email message to me the embodied nature of all religious practice: “The really thick, powerful elements of religion seem to come about in a sensory relationship with the world (whether that’s the natural world or the cultural world of stories and communities) that evokes awe and reverence. As Frans de Waal explains in his most forthcoming book,  Are We Smart Enough to Know How Smart Animals Are? the history of primate behavior as a discipline conveys a firm message: We must keep an open mind about what our closest living relatives can and cannot do, because often they will surprise us.  In Schaefer’s work, the necessary questioning of human uniqueness with respect to complex communication, tool-using, competitive status-striving and compassionate empathy is expanded in a fresh way: to embrace religion Compared to us, other animals, Schaefer told me, “have different life-worlds, different fascinations, different interests emerging out of their complex evolutionary histories. That could be waterfalls, wildfires, storms, or features of the landscapes where they live, work, and play that somehow stick out for them. Their religions will be built out of their fascinations, just as our religions are built out of ours.” Chimpanzees’ excited response to heavy rains and winds has been cited by Goodall as another window into animal spirituality. Schaefer, once again, goes further than Goodall: Bowerbirds who dance in stylized ways during courtship feature in his framework just as much as do our closest primate cousins. In both cases, it’s not just the motion itself that counts: It’s the act of creativity as these animals “draw from the matrix of thick material forces flowing through them.” Because bowerbirds collect and artfully arrange objects as part of courtship, Schaefer calls them “shrine makers.” Given his broad view of religiosity, I asked Schaefer if he sees the West African chimpanzees’ stone-caching and –throwing behaviors as religious. He replied this way: “People will always debate what is and isn’t sacred, what counts and what doesn’t count as religious. But if we encountered a group of humans who returned to the same trees over and over and performed the same inexplicable action near them and didn’t seem to have any practical reason to do so, there would be lots of people who would interpret it through the prism of religion.” Schaefer’s book is fascinating, mind-expanding, and entirely worth a read. It makes me want to keep thinking about a question I was ready to leave behind. For now though, I’m still a firm skeptic when it comes to invoking spirituality or religion in these close kin  of ours. I’m uneasy with making 1:1 comparisons between the meaning of human behaviors performed at trees in the forest and similar chimpanzee behaviors performed there. After all, even if we unbind religion from language, texts, and beliefs—as I think we should—isn’t it incredibly anthropocentric of us to expect other species to think and feel the way we do? Barbara J. King
Vous avez dit animaux ?
Alors qu’un mois après avoir orchestré sous nos yeux sidérés le premier pogrom ou la première shoah par balles de l’histoire en direct et en ligne …
Dont via les images montrées par Israël à nos journalistes et représentants politiques nous commençions à peine à mesurer toute l’horreur …
C’est l’orchestration à nouveau en direct de leur propre victimisation que dans toute leur perversité les bouchers du Hamas nous assènent …
Alors que l’armée israélienne est bien évidemment contrainte de se défendre face à un régime qui, sans compter les centaines d’otages qu’ils ont kidnappés, se cache derrière sa propre population transformée en boucliers humains …
Le tout relayé par une foule vengeresse voire jubilante de manifestants, militants, journalistes, universitaires et experts de tous poils …
Jour après jour et minute après minute dans les unes de nos journaux et sur nos plateaux de télévision mais aussi dans nos rues et jusque dans nos universités…
Reprenant en quelque sorte à leur compte, à l’instar de ce professeur de l’université Cornell comme avant lui pour les attentats du 11 septembre nos Leroy, Baudrillard ou Stockhausen
Toute l’horreur de viols, décapitations, éventrements et incinérations vives de familles entières …
Comment ne pas se poser la question de la qualification de tels actes ..
Que certains n’ont pu s’empêcher de qualifier de bestiales et d’animales
Dans la double impression où nous sommes de scènes à la fois vieilles comme le monde …
Comme dans cette première scène, désormais mythique, du film de Kubrick
Où sur fond de musique triomphale on assiste comme en direct la découverte par des hominidés bipèdes ayant touché un mystérieux monolithe noir …
De l’usage, dans la plus grande frénésie et jubilation, de l’outil transformé en arme …
Mais aussi terriblement modernes, répliques ressorties de nos livres d’histoire des massacres, tueries de masse et génocides qui ont fait notre 20e siècle …
Accompagnées et théorisées elles aussi, à la Fanon ou à la Sartre, par nombre de nos intellectuels …
Tout en sachant qu’au delà de certaines ressemblances …
Repérées, entre Lorentz, Fossey et Jane Goodall, par nos éthologues …
Infanticide, cannibalisme ou même guerre …
Ne sont que rarement et que dans certaines conditions observées dans le règne animal…
Mais aussi comment ne pas non plus s’interroger …
Devant tous ces Allahu akbar qui ont ponctué et rythmé à la fois les tueries et les manifestations qui les ont suivi de par le monde …
Des liens de ces actes avec la religion …
Censée, via ses interdits et ses rituels…
Comme l’avait bien montré l’anthropologue René Girard …
En juguler ou du moins en canaliser la violence …
Et ce peut-être même comme le suggèrent certaines observations…
Comme ces oies, chats ou rats notamment en  situation de surpopulation, embarqués dans des emballements quasi-sacrificiels …
D’où l’hypothèse girardienne à la fois audacieuse et pour tant de nos contemporains scandaleuse …
Seraient en fait des tentatives largement inconscientes …
De retrouver les vertus cathartiques des sacrifices humains qui avaient longtemps servi à l’humanité à canaliser sa propre violence …
Aux moments où semble faire défaut le processus de civilisation enclenché par le judéo-christianisme et l’invention de nos système juridiques … ?
Ard: Did you ever see chimpanzees doing some kind of, maybe, religious-type behaviour or dances or…?
JG: Let’s say pre-religious.
Ard: Pre-religious, okay.
JG: We have this amazing waterfall at Gombe, and sometimes when, usually the males… You can hear it roaring. It falls down 80 feet and through hundreds and hundreds of years it’s worn itself a groove in the solid rock. So when you go near, there’s always breeze as the air is displaced by the falling water, and there’s a thundering noise as this rather narrow stream lands in the rocks below. And the chimpanzees sometimes do these amazing 20-minute displays. I call it a waterfall dance.
Ard: Wow.
JG: More scientific to call it a display, but they are upright and they are swaying from foot to foot. They pick up big rocks in the stream and hurl them, and sometimes they… They used to climb up the vines growing down and push off into the spray.
The vines aren’t there anymore. Anyway, the time I remember vividly was when I actually was able to see the eyes of this male, and he’d finished his display, his dance, and he was sitting on a rock and I was watching his eyes, and he was watching the water falling, and he was watching the water flowing away, and I thought to myself, this pinpoints the biggest difference them and us: that we, ‘What is this? What is this stuff that’s always coming and always going and it’s always here?’ Might that not lead to some primitive, early religion, worship of the elements? You know, early man’s curiosity as to what these things are and what they meant. But we can discuss it, therefore we could turn it into that early primitive religion. The chimpanzee has the same, perhaps, feelings, although we don’t know.
David: Not quite able?
JG: But that he can’t discuss.
Ard: That’s fascinating.
JG: So although their brain, cognitively, is capable of learning: they can learn sign language – they can learn up to 600 signs or more; they can use a computer; they can paint; they can tell you what they’ve painted; they have a sense of humour – but, as far as we know, they can’t discuss something.
David: It’s almost as if they’re on the cusp of that. They might have intimations of something, but it’s just out of reach for them.
JG: Yes. And these guys, like Bertje, they become different, because they’re with us. Because they’re in a different type of society where we do use language all the time, and they can understand what we’re saying.
Ard: Some scientists say that one day we’ll explain everything in terms of, kind of, mechanical properties of the atoms and molecules in your head, and that seems to take away any sense of purpose or spirituality or the soul. What’s your response to that kind of approach?
JG: I sincerely hope it’s not true, because, for me, it’s the unknown out there. It’s the fact that we’re always being surprised; that we’ll never know it all. I don’t believe it’s possible for us ever to mechanise the whole of the life force, and that’s just my belief. I feel a very strong sense of spirituality out in the forest where everything is interconnected. It’s as though there’s this life force that is so powerful, and there’s little specks of this life force in everything and in us, we call it a soul.
Ard: Yes.
JG: At least, unless we believe that we only have a mechanised body. I don’t believe it. I certainly don’t want to believe it.
Ard: Do you believe in God?
JG: I believe in a great spiritual power. What it is, I don’t know. We call it God, other people call it Brahman or Allah or Jehovah, whatever it is. But it’s so universal: it’s just everywhere, every people. And, of course, it’s especially strong in people living closest to the land, like the Pygmies and the Native Americans and the Australian Aboriginals. They have this sense of connectedness.
Ard: Do you think we’ve lost that sense?
JG: I think it’s still there, but we’re rapidly making it very difficult, in the Western world, for our children to ever feel it. We’re denying them the opportunity to grow up in nature like you did, like I did. I don’t know, did you also?
David: No, no, I didn’t.
Ard: Maybe this explains why you don’t believe in God and I do.
David: Because I didn’t spend enough time in nature.
Ard: Maybe, yeah.
David: Possible.
JG: See, I don’t know if I call it God, but that’s the name we have. But there’s certainly something. There’s something out there. There’s something, even a guiding force. I mean, I used to spend hours as a child, I think many children do, thinking what was before space? What was before time? How could there be no time? How could there be no space?’ There couldn’t.
David: Does there have to be a God for you to justify the spiritual feeling or those feelings that there’s something outside of us? Because I think I share some of those feelings, but for me, I don’t feel that there’s a God. So, for me, they’re not… One doesn’t need the other.
Ard: They’re just feelings?
David: Well, it’s trite to say it, but I’ve always felt that the spiritual was far too important to leave to God.
JG: I think you have a different concept of this spiritual power from mine.
David: Very probably. But for you two, does it depend on there being a God or not?
JG: Well, as I say, I don’t think of it as a God. It’s just the spiritual power – and I don’t know what it is – but embedded in nature.
Ard: I think it has to be something that is somehow different from nature, and that’s what these things are pointing to – something transcendent. Just like when you ask yourself, ‘Why is there something rather than nothing?’ You’re asking yourself, ‘What was it that made time and space in the first place?’ And there has to be something outside of time and space.
David: Are you saying something supernatural, though?
Ard: Yeah, if you want to use that word.
David: Really?
Ard: Something supernatural. I think that’s…
David: That’s weird for a scientist, a physicist as well.
Ard: For a physicist, a theoretical physicist to say? No, I don’t think it’s weird at all. I think the great power of science is its ability to ask very specific questions about constrained things. But the minute you think about it for a little while, there are many really important questions that science can’t answer and no conceivable advance of science could answer. Like, what’s the value of a human being? And if you think that science answers all questions, then you’ve evacuated hugely important parts of life.
JG: I agree completely. You know, science should be a tool, and for many, it’s become a god.
Ard: Exactly, that’s right.
Voir aussi:
On 14 July 1960 I arrived, for the first time, on the shores of Gombe national park (it was a game reserve then) to learn about the behavior of wild chimpanzees. Little did I think as I snuggled into my tiny camp-bed on the first night, that I was launching what is today the longest uninterrupted study of any group of animals, anywhere.Or that the chimpanzees would provide me with information that would help us to redefine our relationship with the rest of the animal kingdom and to redefine what it means to be human.The great apes (chimpanzees, bonobos, gorillas and orang-utans) have brains more like ours than those of any other living creatures. They are capable of intellectual performances that were once thought unique to us, including recognition of the self, abstraction and generalization, and cross-modal transfer of information. They have a sense of humor. They can experience mental as well as physical suffering. They use more objects as tools for a wider variety of purposes than any other creature except ourselves. And they modify objects for specific purposes, thus showing the beginning of tool-making – an ability once thought to differentiate humans from the rest of the animal kingdom. Moreover, across their range in Africa, chimpanzee communities show different tool-using behaviors which, as they are passed from one generation to the next through observation and imitation, can be defined as primitive cultures. Chimpanzees form affectionate, supportive and enduring bonds between individuals, especially family members, which may persist through life – they can live more than sixty years. They are capable of true altruism. Sadly, also like us, they have a dark side. They are aggressively territorial, and may perform acts of extreme brutality and even wage a kind of primitive war.Clearly, then, there is no sharp line dividing humans from the rest of the animal kingdom. It is a very blurred line, and differences are of degree rather than kind. This leads to a new respect for the other amazing animal beings with whom we share Planet Earth. We are unique, but we are not as different as we used to think. The main difference is, perhaps, our extraordinarily complex intellect, and our ability to communicate ideas by means of a sophisticated spoken language, by the use of words. It should, however, be noted that apes in captivity can be taught to understand and use more than 300 signs of the American Sign Language as used by the deaf. They can communicate with these signs not only with their trainers but with each other. They can also learn to communicate using a variety of lexigrams and computer symbols. They can use these language skills in many contexts once they have been acquired.Many theologians and philosophers argue that only humans have “souls.” My years in the forest with the chimpanzees have led me to question this assumption. Day after day I was alone in the wilderness, my companions the animals and the trees and the gurgling streams, the mountains and the awesome electrical storms and the star-studded night skies. I became one with a world in which, apart from the change from day to night, from wet season to dry, time was no longer important. And there were moments of perception that seemed almost mystical so that I became ever more attuned to the great Spiritual Power that I felt around me – the Power that is worshipped as God, Allah, Tao, Brahma, the Great Spirit, the Creator, and so on. I came to believe that all living things possess a spark of that Spiritual Power. We humans, with our uniquely sophisticated minds and our spoken language that enables us to share and discuss ideas, call that spark, in ourselves, a “soul.” Is not the same true for a chimpanzee? Or any other sentient, sapient being? It is most unlikely, however, that any animals other than ourselves care – or are capable of caring – as to whether or not they possess immortal souls!Often I am asked if the chimpanzees show any signs of religious behavior. I think perhaps their “elemental” displays are precursors of religious ritual. Deep in the forest are some spectacular waterfalls. Sometimes as a chimpanzee – most often an adult male – approaches one of these falls his hair bristles slightly, a sign of heightened arousal.
As he gets closer, and the roar of falling water gets louder, his pace quickens, his hair becomes fully erect, and upon reaching the stream he may perform a magnificent display close to the foot of the falls. Standing upright, he sways
rhythmically from foot to foot, stamping in the shallow, rushing water, picking up and hurling great rocks. Sometimes he climbs up the slender vines that hang down from the trees high above and swings out into the spray of the falling water. This “waterfall dance” may last for ten or fifteen minutes.It is not only waterfalls that can trigger displays of this sort. Chimpanzees “dance” at the onset of a very heavy rain, reaching up to sway saplings or low branches rhythmically back and forth, back and forth, then moving forward in slow motion loudly slapping the ground with their hands, stamping with their feet, and hurling rock after rock. Twice I have seen them perform thus during the first violent gusts of wind, presaging a storm. And sometimes a chimpanzee charges slowly along a stream-bed, picking up and throwing rocks as he goes.Is it not possible that these performances are stimulated by feelings akin to wonder and awe? After a waterfall display the performer may sit on a rock, his eyes following the falling water. What is it, this water? It is always coming, always going – yet always there. What unseen strength suddenly produces the great claps of thunder, the torrential downpour, the savage gusts of wind that bend and sway the chimpanzees clinging to their nests at night?
If the chimpanzees had a spoken language, if they could discuss these feelings among themselves, might not they lead to an animistic, pagan worship of the elements?
When I arrived at Gombe I had no scientific training beyond A-level biology. Louis Leakey, who had proposed the study, wanted someone whose mind was “unbiased by the reductionist thinking of most ethnologists” of the early
1960s. Thus it was not until I was admitted to a Ph.D program at Cambridge University that I learned that one could only attribute personalities, minds and emotions to human animals. It was acceptable to study similarities in the biology of humans and other animals, but comparisons should stop there. How fortunate that I had been taught otherwise, throughout my childhood, by my dog, Rusty!
The challenge was to express my findings in ways that would, eventually, change the view of human uniqueness that was held not only by scientists, but also by Western philosophers, theologians – and a vast percentage of the general public.It has been a hard battle, and it has by no means been won. There are still pockets of resistance – resentment even, mostly from those who exploit animals. Because once we accept that we are not the only beings with personalities, feelings, and minds that can know suffering – that there are other sentient, sapient beings out there – all manner of ethical concerns clamor for our attention. If animals have feelings and can suffer, what about those subjected to intensive farming, trapped for fur, hunted for “sport,” experimented on for medical research and the pharmaceutical industry, used in the circus, advertising, and other forms of “entertainment,” the pet industry, and so on? That we also inflict massive suffering on other human beings does not lessen the suffering of the animals, nor does it lessen the cruelty of our behavior toward them.
Instead it brutalizes us. How did the world come to be this way? One explanation for cruel behavior is ignorance. So often people simply do not realize the suffering endured by millions of animals. Other people are brainwashed into accepting cruel practices because, they are told, that is the way it has to be. They become numbed, “all pity choked by custom of fell deed.” Others try to deny what they suspect is going on because they cannot bear the suffering but they lack the will to try to do anything about it, or feel helpless. Or they are inhibited by social pressure, or they do not want to be classified along with “crazy” animal activists.There is a deeper and more disturbing reason underlying the prevailing view of animals as “things” rather than as individual beings whose lives have value in and of themselves, beyond their potential value to humans. In the original Hebrew text of Genesis chapter 1 verse 26 God gave man “v’yirdu” over his creation, and this has been translated as “dominion.” But many Hebrew scholars believe that the true meaning of the word is to “rule over,” as a wise king rules his subjects, “with care and respect.”
A sense of responsibility and enlightened stewardship is implied. St. Francis understood. But throughout the Judeo-Christian world today animals are typically regarded as mere things, to do with as we will so long as it is for, or might be for, human good.

This attitude is so often fostered in our children. I was lucky, for my early fascination with animals, common to most children, was nurtured by a very perceptive mother.

When I was 18 months old she found me in bed with a handful of earthworms. Instead of scolding me she just said quietly, “Jane, if you keep them here they’ll die. They need the earth.” I gathered up the worms and toddled with them into the garden. Thus her gentle wisdom guided my early exploration of the animal world. And I was taught that most important lesson – respect for all forms of life.
Children quickly learn from those around them, especially from those they love, and those they admire.
From an early age children are attracted to animals and easily learn to be kind to them. But they can also learn to treat animals with indifference or cruelty. In most Western households children discover that the animals chosen to
share their homes are to be loved but that it is acceptable to kill “pests” – such as insects, rats, and mice. They learn that it’s okay to kill animals for food or for their skins.

Many learn that it is “manly” to shoot them for sport. And children are often told that animals don’t have feelings like ours, that they don’t feel pain in the same way. This is how teachers persuade sensitive students to kill and dissect an animal. Thus our children typically come to accept the status quo. Only a few have the perspicacity or the courage to protest the system.

Nowhere is our lack of stewardship seen so clearly as in the way in which we are systematically destroying the natural world. The Western materialistic lifestyle is
spreading throughout the planet as a result of globalization. In the wealthier sections of society there is terrible over-consumption, which has led to unprecedented, unsustainable demands on decreasing natural resources.

More and more forests are cut down and soil erosion and desertification follow. More and more pollutants are released into the environment – synthetic chemicals, fossil-fuel and methane emissions. The protective ozone layer is under attack. Global climate is changing. The ice is melting at the poles. Animal and plant species that took millions of years to evolve are becoming extinct. Floods
and draughts, hurricanes and tornadoes, are getting worse.
We are tinkering with the genetic make-up of our foods. The threats of nuclear, biological and chemical warfare are horribly real. And environmental destruction and exploitation by the wealthy has led the economically poor people of the developing world into a vicious cycle of overpopulation, poverty, hunger, and disease. Ancient cultures, which allowed people to live in harmony with
their environment, are being swept away.In this frightening world we are losing our old connections with Mother Earth, connections so important for our psychological development and spiritual well-being. When we destroy or pollute areas of wilderness we are harming not only the ecosystem, but also the individual animal beings who live there. From their perspective we are committing acts of terrorism.I went past a beautiful wooded area just last week and saw a sign board announcing that it had been sold. The trees would soon be gone, replaced by houses and tarmac and lawns spread with pesticides, adding to the urban sprawl. Into my head came the words: This land has been bought by the Developers.
The small creatures go on with their lives, Not knowing. As our numbers increase, and as our technology enables us to destroy and pollute with ever-greater speed, we face losing nature itself. God help us then, for in this world everything is interconnected. We are but one part of a complex web of life, each piece of importance in the scheme of things. And, to our own peril, we are destroying piece after piece. In this changing world, thousands have become spiritually sick, stranded with no sense of meaning or self-worth. They have lost their religion; they have lost God; they have lost hope.We have indeed come dangerously close to the point of no return. Yet there is still hope. It is only recently that people around the world have admitted and faced up to the terrible environmental and social problems. The human brain has created amazing technology – 100 years ago the idea of people on the moon, for example, would have been considered science fiction. So now, faced with the destruction of life on Earth as we know it, human brains are struggling to find ways in which we can live in greater harmony with the natural world. More and more of us are trying to leave lighter footprints as we move through life – we are beginning to realize the difference it will make if each one of us “walks the talk.” And nature is amazingly forgiving: places devastated by us can once more become beautiful if we give them a chance, and animal and plant species on the brink of extinction can, with protection and captive breeding, get another chance. Young people, when they understand the problems and are empowered to help, have enormous energy and enthusiasm as they try to make their world a better place.There is growing determination to do something to improve the lives of those living in poverty, to rectify the horribly unequal distribution of wealth around the world.
More and more young people are questioning the value-system of materialism as they search for meaning in their lives. We have begun to realize that human health, both physical and psychological, is dependent on the health of the planet, that only when we reestablish our connection with the natural world and with the great Spiritual Power, can body and mind, heart and soul, once again function as
a whole.It is good news that the indigenous people are coming into their own. They have endured decades of bitter persecution – they were killed by the hundreds of thousands and their traditions brutally suppressed. Yet against all odds, in spite of the risk of punishment and even death many of the elders, the spiritual leaders and shamans, the medicine men and women, secretly held onto their cultures and their beliefs. And now they are joining forces around the globe reaffirming the connectedness of all life and the spiritual power of the Creator. They are reminding us that, as St. Francis said, the winged ones and the finned
ones and the four-footed ones are indeed our brothers and sisters, that their lives matter too.As we enter this twenty-first century, theology and science seem to be entering into a new relationship. Some of the latest thinking in physics, quantum mechanics and cosmology are coming together in a new belief that Intelligence is involved in the formation of the universe, that there is a Mind and Purpose underlying our existence.
For my own part, the more science has discovered about the mysteries of life on Earth, the more in awe I have felt at the wonder of creation, and the more I have come to believe in the existence of God.
Voir de même:

Seeing Spirituality in Chimpanzees
Some animals have been observed performing the same rituals over and over, leading scientists to speculate that they might have a sense of the sacred.
The Atlantic
Barbara J. King
March 29, 2016

As the water tumbles and foams, the world’s most famous chimpanzees sway rhythmically in a state of high arousal. First hurling rocks into the spray, the apes then quiet themselves and sit calmly, gazing at the waterfall before them. Jane Goodall, who knows these apes from 55 years of observation at Gombe, Tanzania, interprets these compelling images of our closest living relatives in a spiritual framework. The chimpanzees’ behavior, she says, are “perhaps triggered by feelings of awe, wonder” for magnificent natural features or events. Chimpanzees are so similar to us, she asks, “Why wouldn’t they also have feelings of some kind of spirituality?”

That question—rooted in Goodall’s definition of spirituality as the experience of appreciating magnificent, unknowable powers at work in the world beyond ourselves—has taken on a new urgency. Last month, a team of 80 scientists led by Hjalmar S. Kuhl and Ammie K. Kalan from the Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology in Leipzig published a paper in Scientific Reports raising the possibility that chimpanzees at four field sites in West Africa may perform a ritual when they repeatedly throw stones at trees in the forest. The apes take aim at the trees with stones they have accumulated (or cached). This behavior, with its striking patterns of re-use of the same stones and trees, has never been observed at Gombe or the other best-known chimpanzee study sites.

Perhaps stone-throwing, the researchers say, originated as a male display. Males who do it vocalize and appear quite aroused, though an adult female and a juvenile also were observed to throw the stones, so the behavior appears to have caught on more widely. Alternatively, might the stone caches amount to symbolic marking of trees they consider to be sacred, in a way analogous to the cairn-building carried out by people living in the region?

Or couldn’t the apes, I have wondered, simply enjoy the sensations associated with forceful or aimed throwing, just the way we may delight in skipping stones across a lake? The key thing to notice, in any case, is that the researchers never used the word “spirituality” in the Scientific Reports paper, noting only that the chimpanzees’ stone accumulations are “superficially similar” to the human examples at “sacred” trees.

Weeks later, in a post  from The Conversation reprinted online in Slate and Scientific American, Laura Kehoe, one of the 80 Scientific Reports paper co-authors, took an extra speculative step: “Maybe we found the first evidence of chimpanzees creating a kind of shrine that could indicate sacred trees.” Within days, the media soared into hyper-drive. Earth and Sky  asked “Mysterious chimp behavior evidence of sacred rituals?” New Scientist’s headline “What do chimp ‘temples’ tell us about the evolution of religion?” is less skeptical, though the article itself adopts a more cautious tone. Caution was not a feature of tabloid newspapers’ accounts: The Mirror and the Daily Mail both featured headlines asking if proof is now here that chimpanzees believe in God.

“The idea that this is proto-religious and the trees are somehow sacred sites is simply silly.”

Biological anthropologist and long-time chimpanzee field researcher Craig Stanford of USC dismisses all this hoopla flat out. “Ritualized behavior is common in the animal world,” he told me, “and chimpanzees throw stones in many contexts. The idea that this is proto-religious and the trees are somehow sacred sites is simply silly.”

The chasm between apes’ repeated throwing of stones taken from a cache at a tree, and apes’ creating the sacred through repeated action, is immense, and for Stanford, not navigable by science. Apes, as I have noted in my book Evolving God, do engage in certain acts of the imagination, including pulling an imaginary toy on an imaginary string (in captivity), and caring for a log apparently envisioned as a companion (in the wild). I’ve used instances like this, in addition to evidence for things like ape empathy and rule-following, to argue that the very deepest roots of human religiosity can be found in our primate cousins. But that’s a far cry from anointing them with a spiritual sensibility.

Feeling awe and wonder at nature is one thing—I’m really not about to disagree with Jane Goodall on this particular point—but linking those feelings necessarily with spirituality is another. (When I have watched baboons in Kenya, bison in Yellowstone National Park, and assorted wild visitors in my Virginia backyard, I have felt wonder. I haven’t felt spiritual.)

I was ready to move on from this entire question when I came across a book published last year. In Religious Affects: Animality, Evolution, and Power, Donovan Schaefer of Oxford University argues against our “lingering sense that religion makes us human by severing our animality.” Donovan rejects the Euro-American tendency to equate religion with belief, text, and language. Religion is something we feel in and express with our whole bodies, Schaefer insists, and once we realize this, we are free to see religion in other animals in certain instances of their embodied and emotional practices.

For Schaefer, animals who may not imagine God or spirits may connect with “things of power in the world” in religious ways. “Animal religion,” he emphasizes in the book, “is more than just a turn of phrase. Animal religion means animals have religion.”

“Their religions will be built out of their fascinations, just as our religions are built out of ours.”

The “prelinguistic dance” of wild chimpanzees at a waterfall, then, is religion for Schaefer, who goes further than Goodall in interpreting the meaning of apes’ rhythmic bodily movements in certain natural contexts. When I contacted Schaefer, he underscored in an email message to me the embodied nature of all religious practice: “The really thick, powerful elements of religion seem to come about in a sensory relationship with the world (whether that’s the natural world or the cultural world of stories and communities) that evokes awe and reverence.”

As Frans de Waal explains in his most forthcoming book,  Are We Smart Enough to Know How Smart Animals Are? the history of primate behavior as a discipline conveys a firm message: We must keep an open mind about what our closest living relatives can and cannot do, because often they will surprise us.  In Schaefer’s work, the necessary questioning of human uniqueness with respect to complex communication, tool-using, competitive status-striving and compassionate empathy is expanded in a fresh way: to embrace religion.

Compared to us, other animals, Schaefer told me, “have different life-worlds, different fascinations, different interests emerging out of their complex evolutionary histories. That could be waterfalls, wildfires, storms, or features of the landscapes where they live, work, and play that somehow stick out for them. Their religions will be built out of their fascinations, just as our religions are built out of ours.”

Chimpanzees’ excited response to heavy rains and winds has been cited by Goodall as another window into animal spirituality. Schaefer, once again, goes further than Goodall: Bowerbirds who dance in stylized ways during courtship feature in his framework just as much as do our closest primate cousins. In both cases, it’s not just the motion itself that counts: It’s the act of creativity as these animals “draw from the matrix of thick material forces flowing through them.” Because bowerbirds collect and artfully arrange objects as part of courtship, Schaefer calls them “shrine makers.”

Given his broad view of religiosity, I asked Schaefer if he sees the West African chimpanzees’ stone-caching and –throwing behaviors as religious. He replied this way: “People will always debate what is and isn’t sacred, what counts and what doesn’t count as religious. But if we encountered a group of humans who returned to the same trees over and over and performed the same inexplicable action near them and didn’t seem to have any practical reason to do so, there would be lots of people who would interpret it through the prism of religion.”

Schaefer’s book is fascinating, mind-expanding, and entirely worth a read. It makes me want to keep thinking about a question I was ready to leave behind. For now though, I’m still a firm skeptic when it comes to invoking spirituality or religion in these close kin  of ours. I’m uneasy with making 1:1 comparisons between the meaning of human behaviors performed at trees in the forest and similar chimpanzee behaviors performed there. After all, even if we unbind religion from language, texts, and beliefs—as I think we should—isn’t it incredibly anthropocentric of us to expect other species to think and feel the way we do?

Voir de plus:

Cette maudite race humaine 
Lettres de la Terre
Mark Twain
(1909)

« J’ai étudié les caractéristiques et les tempéraments des animaux soi-disant « inférieurs » et je les ai comparés aux caractéristiques et tempéraments humains. Je trouve le résultat humiliant pour moi. Parce que cela m’oblige à renoncer à mon allégeance à la théorie de Darwin sur l’ascension de l’homme à partir des animaux inférieurs; depuis qu’il me parait clair que la théorie devrait être éliminée au profit d’une nouvelle théorie plus véridique, celle-ci devrait s’appeler La Descente de l’Homme à partir des Animaux Supérieurs.

En cheminant vers cette conclusion déplaisante je n’ai pas deviné ou spéculé ni fait de conjectures, mais j’ai utilisé ce qui est communément admis sous le nom de méthode scientifique. C’est-à-dire que j’ai soumis chaque postulat qui s’est présenté au test impitoyable de l’expérience elle-même, et je l’ai adopté ou rejeté en fonction du résultat. J’ai ainsi vérifié et établi au fur et à mesure chaque étape de mon parcours avant de passer à la suivante. Ces expériences ont été faites avec une grande rigueur dans les Jardins Zoologiques de Londres, et ont nécessité de nombreux mois d’un travail minutieux et fatigant.

(…) J’avais conscience que beaucoup d’hommes qui avaient accumulés plus de millions qu’ils ne pourront jamais en utiliser ont montré une faim enragée pour en avoir plus, et n’ont eu aucun scrupule à gruger des ignorants et des personnes sans défense vis à vis de leurs maigres biens, pour apaiser en partie cet appétit. J’ai fourni à une centaine d’animaux sauvages et domestiques divers l’opportunité d’accumuler de grandes quantités de nourriture mais aucun d’eux n’a voulu le faire. Les écureuils et les abeilles et certains oiseaux ont fait des stocks, mais se sont arrêtés après avoir fait du stock pour l’hiver, et on n’a pu les convaincre de l’augmenter, aussi bien par une technique honnête que par ruse. Afin de redorer sa mauvaise réputation, la fourmi a fait semblant de stocker de la nourriture, mais elle ne m’a pas trompé. Je connais la fourmi.

Ces expériences m’ont convaincu qu’il y a une différence entre l’homme et les Animaux Supérieurs : l’homme est avare et pingre, pas eux.

Au cours de mes expériences, j’ai acquis la conviction que de tous les animaux, l’homme est le seul qui a recours aux insultes et méchancetés, les rumine, attend qu’une occasion se présente, et se venge. La passion pour la vengeance est inconnue chez les Animaux Supérieurs.

(…) De tous les animaux, l’homme est le seul à être cruel. Il est le seul qui inflige de la douleur par plaisir. C’est un trait qu’on ne retrouve pas chez les Animaux Supérieurs. Le chat joue avec la souris apeurée; mais il a l’excuse de ne pas savoir que la souris souffre. Le chat est modérément inhumain : il fait seulement peur à la souris, il ne lui fait pas de mal; il ne lui arrache pas les yeux, ne lui met pas d’échardes sous les ongles – à la manière des hommes; quand il a fini de jouer avec, il en fait tout de suite son repas ce qui met fin aux souffrances. L’homme est un animal cruel. Il est le seul à mériter cette distinction.

Les Animaux Supérieurs s’engagent dans des combats individuels, mais jamais en groupes organisés. L’homme est le seul à commettre cette atrocité parmi les atrocités, la guerre. Il est le seul à rassembler ses frères autour de lui et à avancer avec sang froid et le pouls calme pour exterminer son prochain. C’est le seul animal qui s’engagera pour une paie sordide, ou comme l’a fait le jeune prince Napoléon pendant la guerre des Zoulous, pour aider à massacrer des étrangers de sa propre espèce qui ne lui ont fait aucun mal et avec lesquels il n’y a pas de contentieux.

L’homme est le seul animal à voler son pays à un gars sans défense – à en prendre possession, l’en chasser ou le détruire. L’homme fait cela depuis l’aube des temps. Il n’y a pas un hectare de terre sur le globe qui appartienne à son légitime propriétaire, ou qui n’a pas était enlevé à ses propriétaires successifs, cycle après cycle, par force et effusion de sang.

L’homme est le seul à être esclave. Et il est le seul animal à asservir les autres. Il a toujours été esclave d’une manière ou d’une autre, et a toujours mis d’autres esclaves en état de servitude d’une manière ou d’une autre. De nos jours, il est toujours l’esclave d’un homme pour son salaire et il fait le travail de cet homme; et cet esclave a d’autres esclaves sous lui pour des salaires plus petits et ils font son travail. Les Animaux Supérieurs sont les seuls qui font exclusivement leur travail personnel pour se procurer de quoi subsister.

L’homme est le seul à être patriote. Il se met à part dans son propre pays, sous son propre drapeau, et se moque des autres nations, et garde sous la main une multitude d’assassins en uniforme au prix de lourdes dépenses pour chiper à d’autres des bouts de pays, et les empêcher de mettre la main sur des bouts du sien. Et entre deux campagnes, il nettoie ses mains et travaille du clapet pour  »la fraternité universelle de l’homme ».

L’homme est un animal religieux. Il est le seul animal religieux. Il est le seul animal qui a la vraie religion – il en a même plusieurs. Il est le seul animal qui aime son voisin comme lui-même, mais lui coupe la gorge si sa théologie n’est pas correcte. Il a transformé le globe en cimetière en essayant de son mieux d’aplanir le chemin de son frère vers le bonheur et le paradis. Il faisait cela à l’époque des Césars, il le faisait à l’époque de Mahomet, il le faisait à l’époque de l’inquisition, il l’a fait en France pendant deux siècles, il l’a fait en Angleterre à l’époque de la Reine Marie, il l’a fait depuis qu’il a vu la lumière, il le fait aujourd’hui en Crète, il le fera ailleurs demain. (…)

L’homme est un animal qui raisonne. Telle est sa prétention. Je pense que c’est discutable. En vérité, mes expériences m’ont prouvé qu’il est un animal sans logique. Notez son histoire, comme décrite plus haut. Quel qu’il soit, il me parait clair que ce n’est pas un animal qui raisonne. Ce qu’il laisse, ce sont de fantastiques archives de fou. Je pense que le plus gros désavantage de son intelligence est le fait qu’avec un tel passé, il s’annonce avec mièvrerie comme l’animal au-dessus du lot : alors que d’après ses propres normes il est tout en bas.

En vérité, l’homme est incurablement stupide. Il est incapable d’apprendre des choses simples qu’apprennent sans effort d’autres animaux. Dans mes expériences il y a eu cela : en une heure j’ai appris à un chat à être ami avec un chien. Je les ai mis dans une cage. Une heure après je leur ai appris à être amis avec un lapin. En deux jours, j’ai pu ajouter un renard, une oie, un écureuil et des tourterelles. Et à la fin un singe. Ils vivaient ensemble en paix; même avec affection.

Ensuite dans une autre cage, j’ai enfermé un prêtre irlandais de Tipperary, et très rapidement quand il a semblé s’apprivoiser, j’ai ajouté un presbytérien écossais d’Aberdeen. Ensuite, un turc de Constantinople, un grec chrétien de Crète; un arménien, un méthodiste des terres sauvages de l’Arkansas; un bouddhiste de Chine; un brahmane de Bénarès. Et enfin un colonel de l’Armée du Salut de Wapping. Je me suis tenu à l’écart pendant deux jours entiers. En revenant pour noter les résultats, tout allait bien dans la cage des Animaux Supérieurs, mais dans l’autre ce n’était qu’un bric-à-brac de turbans et de fezs, de tartan et d’os et de chair – plus un seul spécimen en vie. Ces animaux raisonnant n’étaient pas d’accord sur un détail de théologie et voulaient poursuivre l’affaire au tribunal.

(…) Et donc je pense que nous avons chuté et dégénéré depuis nos lointains ancêtres – atome microscopique qui se baladait peut-être selon son bon plaisir au milieu des puissants horizons d’une goutte d’eau – insecte après insecte, animal après animal, reptile après reptile, le long de la longue route de l’innocence jusqu’à atteindre le fond du développement – j’ai nommé l’Être Humain. En dessous de nous – rien. »

Voir par ailleurs:

« Avec l’agression barbare du 7 octobre, le Hamas a rejoint le paradigme inauguré par Al-Qaida, affermi et consolidé par l’Etat islamique »

En mettant en scène l’horreur de ses actes, l’organisation palestinienne utilise désormais la même grammaire visuelle que celle issue du 11-Septembre, explique l’écrivain et universitaire Eric Marty, dans une tribune au « Monde ». Il estime que les termes de « crimes de guerre » sont « insuffisants » pour caractériser l’attaque contre Israël.

Le Monde

17 octobre 2023

Depuis le 11 septembre 2001, quelque chose retient l’attention dans ce qu’on pourrait appeler la praxis djihadiste, et qui, de ce fait, est devenu une constante : il s’agit du souci d’exhiber par des images les actes de destruction, mortification, humiliation, torture de manière à en faire un spectacle. Cela fut mis en évidence avec l’effondrement des Twin Towers en mondiovision sur fond de ciel hollywoodien, c’est-à-dire l’effondrement de ce qui pouvait, à juste titre, symboliser la puissance du mécréant et sa soudaine impuissance. C’était, si l’on peut dire, le paradigme inaugural, signé Al-Qaida, de ce qui allait devenir une pratique politique extrêmement singulière : la réponse dialectique de l’islam politique à la société du spectacle occidentale. Nous n’avons pas fini d’en mesurer la puissance d’ironie, encore accentuée par le fait que ce spectacle était une pure image, très peu verbalisée, se passant aisément des discours traditionnels de justification ou d’explicitation.

Depuis le 11-Septembre, ce paradigme a été décliné avec un esprit de système tout à fait flagrant. Il y a bien sûr eu l’organisation Etat islamique [EI] et son sens particulièrement pervers de la mise en images de ses exactions : vidéos de décapitations, de l’assassinat par le feu d’ennemis vivants dans une cage de fer ou du lynchage sanglant de prisonniers. Peu à peu, une grammaire visuelle de la mise à mort s’est ainsi construite.

Le Hamas, jusque-là, en était resté à une action politique encore en partie modelée sur celle des mouvements de libération nationaux : une pratique dans laquelle le discours, l’argumentation, la rationalisation doctrinale des actes dominent pleinement la politique du mouvement, manifestant le souci ordinaire d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre. Mais avec l’agression barbare du 7 octobre, le Hamas a rejoint le paradigme inauguré par Al-Qaida, affermi et consolidé par l’EI. Nous avons tous été submergés par des vidéos postées soit directement par des miliciens du Hamas, soit par des témoins de leurs exactions parmi la population de Gaza : femmes brutalisées, femmes dénudées et mortes, otages apeurés, rapts d’enfants, vidéos d’attaques…

Le message du Hamas est aussi clair que l’étaient ceux d’Al-Qaida et de l’EI : ces images actent une rupture sans retour de toute communication humaine. Ce sont des messages sans discours, ou qui donnent une place infime aux mots : ils rendent forclose et caduque toute éventuelle réponse, qui d’ailleurs ne saurait être qu’une sidération hébétée. L’ennemi est rendu coi.

Pérenniser l’acte malfaisant

On ne pourrait trouver mieux pour caractériser la nature de ce système d’action que le terme de « sadien ». Si, en effet, les guerres sont l’occasion pour les hommes d’agir sadiquement, leurs actes sadiques sont des actions sans suite, vouées au néant, et s’effaçant dans la jouissance répandue par le guerrier. En revanche, de sadique, l’action malfaisante devient sadienne dès lors que son agent ne se contente pas de mutiler, de violer, ou de tuer, mais quand il désire donner et parvient à donner à ses actes la forme d’un message suffisamment bien formé pour qu’il puisse être diffusé, et qu’il soit sans réplique possible.

Quel est le sens de ce passage de l’acte sadique ordinaire à l’acte sadien ? Tout simplement la possibilité de pérenniser l’acte malfaisant, de lui fournir un code pour qu’il se survive à lui-même, et s’ouvre aux conditions de possibilité de sa perpétuation. La destruction des juifs ne repose plus sur une philosophie, une théorie politique ou théologico-politique, mais sur la performativité de l’image, de sa diffusion, de sa transmission, et de la contagion mimétique qui s’ensuit. On mesure évidemment alors, en termes de propagande, ce qu’une telle innovation apporte d’efficacité. C’est pourquoi les qualificatifs de « crimes de guerre » avancés pour caractériser les agissements du Hamas depuis le 7 octobre sont non seulement insuffisants, mais falsificateurs, car ils posent une commune mesure entre ces agissements et ceux de n’importe quelle armée ; toujours susceptible, quels que soient ses principes déontologiques, d’en commettre.

La destruction de tout langage

Le djihadisme, depuis Al-Qaida, a mis au jour une nouvelle forme de pratique guerrière dont l’obscénité évidente doit être perçue jusque dans ce qui nous fait vaciller au moment même où nous la recevons. Ces corps égorgés, violés, sanglants, mutilés, humiliés, c’est nous-mêmes, ce sont nos corps qui nous sont ainsi renvoyés comme dans un miroir. On se souvient du soin que prit Mohammed Merah, grâce à une caméra fixée sur son corps, à filmer le meurtre des trois enfants juifs le 19 mars 2012 dans la cour de l’école Ozar-Hatorah, et à en faire le montage pour la chaîne qatarie Al-Jazira.

Le djihadisme est ainsi devenu un langage qui est la destruction de tout langage, de tout langage humain, retrouvant alors, sous la forme la plus moderne qui soit, le langage muet de l’extermination, en tant qu’il peut être désormais partagé, perpétué, universalisé, et rendu hermétique à une réponse quelconque. C’est le constat qui doit aujourd’hui nous servir de boussole, et répondre à ce défi réclame sans doute une froideur et une dureté inédites.

Mais dans les images atroces que le djihadiste transmet, diffuse, exhibe, et par lesquelles il semble triompher, il y a autre chose que ces corps meurtris, écrasés, avilis ; il y a une zone infranchissable et inatteignable pour le bourreau, un espace de dialogue avec la victime à qui on a tenté de dénier toute humanité. Ces messages ratent leur but en ce qu’ils n’anéantissent pas la possibilité d’être avec les victimes, de dialoguer avec elles ; ils ne nous emprisonnent pas, ne nous assujettissent pas au silence dans lequel le djihadiste veut nous maintenir. Malgré l’horreur, reste ainsi l’espoir d’un dialogue entre êtres humains.

Eric Marty est écrivain et universitaire, professeur émérite à l’université Paris Cité.

Russell Rickford a déclaré avoir partagé «l’exaltation» des Palestiniens lorsque le Hamas a attaqué Israël le 7 octobre.

Jacques Pezet

Libération
8 octobre 2023

Question posée le 17 octobre.

Vous nous avez interrogés à propos d’une courte vidéo, partagée sur le réseau social X, et présentée comme montrant Russell Rickford, un professeur d’histoire noire de la prestigieuse université de Cornell, aux Etats-Unis, en train d’évoquer l’attaque du Hamas contre Israël dans ces termes : «C’était exaltant. C’était énergisant. Et s’ils n’étaient pas exaltés par cette remise en cause du monopole de la violence, par cette modification de l’équilibre des pouvoirs, ils ne seraient pas humains. J’étais exalté.» Dans un coin de l’image, on voit apparaître une pancarte en faveur de la Palestine où est noté «Supportez la Palestine. Cessez l’occupation maintenant.» La vidéo a été vue plus de 12 millions de fois.

Si cette courte vidéo ne permet pas de connaître le contexte de cette déclaration, le professeur Russell Rickford a reconnu dans une interview au Cornell Daily Sun avoir tenu ces propos. Le quotidien local a d’ailleurs filmé une version plus longue de son intervention dimanche 15 octobre dans la ville d’Ithaca, située dans l’Etat de New York.

Voilà ce que déclare le professeur : «Qu’a fait le Hamas ? Le Hamas a modifié l’équilibre du pouvoir. Le Hamas a brisé l’illusion de l’invincibilité. Voilà ce qu’il a fait. Il n’est pas nécessaire d’être un partisan du Hamas pour le reconnaître. Le Hamas a changé les termes du débat. Les responsables israéliens ont raison : rien ne sera plus comme avant. Le Hamas a remis en cause le monopole de la violence. Et au cours de ces premières heures, alors même que des actes horribles étaient perpétrés, dont beaucoup ne nous seraient révélés que plus tard, de nombreux Gazaouis de bonne volonté, de nombreux Palestiniens de conscience, qui abhorrent la violence, comme vous, comme moi, qui abhorrent le fait de prendre des civils pour cible, comme vous, comme moi, ont pu respirer, ils ont pu respirer pour la première fois depuis des années. C’était exaltant. C’était énergisant. Et s’ils n’étaient pas exaltés par cette remise en cause du monopole de la violence, par ce changement de l’équilibre des pouvoirs, ils ne seraient pas humains. J’étais exalté.»

«Injustice et l’hypocrisie»

Interrogé par le Cornell Daily Sun sur ces propos, qui lui ont valu l’indignation de nombreux internautes et les articles de certains médias soulignant une forme de fascination pour le Hamas, reconnu comme un groupe terroriste aux Etats-Unis, et coupable du massacre de centaines de civils lors de l’attaque du 7 octobre, Russell Rickford assume sa prise de parole. «Ce à quoi je faisais référence, c’est qu’au cours de ces premières heures, lorsqu’ils ont franchi le mur de l’apartheid, cela semblait être un symbole de résistance, et même une nouvelle phase de résistance dans la lutte palestinienne», a détaillé le professeur d’histoire, soulignant que «nous sommes parfaitement conscients de la dévastation, de la destruction et de la dégradation quotidiennes causées par les politiques israéliennes, par l’apartheid israélien et par l’occupation. Dans ce contexte, cet acte de défi consistant à franchir le mur à pied est un symbole important. Il indiquait réellement que la volonté de résistance des Palestiniens n’avait pas été brisée».

A propos du caractère terroriste du Hamas, Russell Rickford a déclaré : «Je tiens à préciser que le Hamas est une organisation fondamentaliste. Il est important de noter qu’à certains égards, le fondamentalisme du Hamas reflète celui des dirigeants israéliens». Assurant qu’il «abhorre le meurtre de civils», le professeur d’histoire a continué de critiquer «l’énorme disproportion, l’énorme inégalité, l’injustice et l’hypocrisie du soutien occidental à la célébration des crimes de guerre israéliens, et l’assimilation de toute forme de résistance palestinienne à du terrorisme».

Des précédents

Dans un communiqué paru lundi 16 octobre, la présidente de l’université de Cornell s’est dite «écœurée par les déclarations qui glorifient la méchanceté du terrorisme du Hamas». «Les membres de notre communauté qui ont fait de telles déclarations ne parlent pas au nom de Cornell ; en fait, ils s’opposent directement à tout ce que nous représentons à Cornell. Il n’y a aucune justification ou équivalent moral à ces actes violents et odieux. J’en suis indignée et, avec les hauts responsables du conseil d’administration de Cornell, je les condamne à nouveau dans les termes les plus forts» a écrit Martha E. Pollack, qui dirige cette université considérée comme l’une des plus prestigieuses du pays.

Le professeur d’histoire noire américaine avait déjà suscité la polémique en 2019, en chantant un slogan pro-palestinien lors d’un rassemblement destiné à la solidarité avec les athlètes et les étudiants noirs de Cornell.

Depuis dix jours et l’attaque du Hamas, plusieurs grandes universités américaines ont vu une partie de leurs étudiants prendre parti pour le Hamas. A Harvard, un communiqué publié dès le 8 octobre par trente-trois associations étudiantes de l’université a provoqué une vive polémique, dénonçant dès ses premières lignes «le régime d’apartheid» israélien, rendu «entièrement responsable» des violences perpétrées par le Hamas. La déclaration avait été dénoncée par certains professeurs, ainsi que par l’ancien président de Harvard, Larry Summers, qui s’était dit «écœuré».

Voir encore:

Prof. Russell Rickford spoke at a rally in support of Palestine on Oct 15, where he stated he was « exhilarated » by Hamas’s attack on Israel.

Update, Oct. 17, 4:28 p.m.: This story has been updated to include a University statement released Tuesday afternoon.Update, Oct. 18, 6:28 p.m.: Prof. Russell Rickford released a statement to The Sun apologizing for his choice of words on Wednesday, Oct. 18. The statement can be found here.Prof. Russell Rickford, history, is no stranger to controversial remarks. In 2017, during a “kneel-in” event in support of students and professional athletes fighting against racism in America, he led a “Free Palestine” chant, which some students regarded as inappropriate as the Israeli-Palestinian conflict was not the topic of the demonstration.Now, some students are expressing outrage over Rickford’s statement at a pro-Palestinian rally on Sunday, Oct. 15 at the Ithaca Commons. Rickford stated that he was initially “exhilarated” by Hamas’s attack on Israel, in which 1,400 Israelis were killed. The United States and the European Union classify Hamas as a terrorist organization.“Hamas has challenged the monopoly of violence. And in those first few hours, even as horrific acts were being carried out, many of which we would not learn about until later, there are many Gazans of good will, many Palestinians of conscience, who abhor violence, as do you, as do I. Who abhor the targeting of civilians, as do you, as do I,” Rickford said during the rally. “Who were able to breathe, they were able to breathe for the first time in years. It was exhilarating. It was energizing. And if they weren’t exhilarated by this challenge to the monopoly of violence, by this shifting of the balance of power, then they would not be human. I was exhilarated.”He added: “What has Hamas done? Hamas has shifted the balance of power. Hamas has punctured the illusion of invincibility. That’s what they have done. You don’t have to be a Hamas supporter to recognize that,” Rickford said. “Hamas has changed the terms of the debate. Israeli officials are right — nothing will be the same again.”In an interview with The Sun, Rickford clarified his remarks, but did not backpedal his choice of words.“What I was referring to is in those first few hours, when they broke through the apartheid wall, that it seemed to be a symbol of resistance, and indeed a new phase of resistance in the Palestinian struggle,” Rickford said. “We are acutely aware of the devastation, the daily destruction and degradation caused by Israeli policies, caused by Israeli apartheid, caused by the occupation. So in that context, this act of defiance of boring across the wall was a significant symbol. It really signaled that the Palestinian will to resist had not been broken. In subsequent days, we learned of some of the horrifying realities. I want to make it clear that Hamas is a fundamentalist organization. It’s important to note that in some ways, the fundamentalism of Hamas mirrors that of Israeli leadership.”Rickford referred to Gaza as an “open-air prison,” citing the lack of abundant food, clean water and healthcare in the region. According to B’Tselem, an Israeli human rights group, most Palestinians are prohibited from entering or leaving the area except in rare cases.

“As I said in that clip, I abhor the killing of civilians. If in fact we believe in the West in the rhetoric that we spout about equality, about human rights, then we must recognize the tremendous disproportionality, the tremendous unevenness, the injustice and the hypocrisy of Western support in celebration of Israeli war crimes, and the equation of any form of Palestinian resistance with terrorism,” Rickford told The Sun.

But several students told The Sun they felt the remarks were words of hate against Israeli citizens and Jewish people more broadly. Netanel Shapira ’25 was at the rally and identifies as Israeli, as most of his family was born in the country. He spent a gap year in Israel before starting at Cornell and currently has friends in the Israel Defense Forces whose safety he fears for.

“You can’t have a situation where you have a professor on this campus… make comments like it should feel exhilarating to massacre civilians and murder babies. And that he felt exhilarated by it,” Shapira said. “That’s the first step to the incitement of violence towards a group.”

Shapira ultimately ended up filming a portion of Rickford’s speech, which spread among the Jewish community at Cornell and resulted in national attention.

Ethan Glezer ’24, whose parents are both Israeli, also attended the rally. He said he attended the rally for Palestine in order to understand those with different viewpoints on the conflict, with the goal of creating open dialogue and discussion. But he felt Rickford’s comments were not productive and were instead inciting violence.

“His words were directly in support of violence. It was the next level to where things started to feel uncomfortable being there,” Glezer said. “There was no point before that… I never felt like my personal safety was at risk until we started hearing that the actions of Hamas exhilarate another person, because those actions are completely and entirely focused on one objective, which is causing as much suffering, as much terror and as much horror to Jewish civilians, Jewish people as possible.”

Hasham Khan ’26 attended the rally as part of Students for Justice in Palestine. He told The Sun that while he does not completely support Rickford’s statement, he understands the context behind his statement.

“The exhilaration that people feel is tied to Hamas. Hamas had essentially done what Palestinians wanted to be done in almost ideology. They wanted their shackles to be taken away,” Khan said. “Can your shackles be taken away by killing civilians? No. Can your shackles be taken away by engaging in terrorism? No. But the exhilaration and the liberation that is felt when you attack the oppressor is just a common theme in revolution.”

In a University statement sent around 4:30 p.m. on Monday, President Martha Pollack referred broadly to faculty who have spoken positively about Hamas, stating that she was “sickened by statements glorifying the evilness of Hamas terrorism.”

“Any members of our community who have made such statements do not speak for Cornell; in fact, they speak in direct opposition to all we stand for at Cornell,” Pollack said. “There is no justification for or moral equivalent to these violent and abhorrent acts.”

In a joint statement released Tuesday afternoon, Pollack and Board of Trustees Chair Kraig Kayser called out Rickford by name and reiterated that his stance does not reflect Cornell’s values.

“This is a reprehensible comment that demonstrates no regard whatsoever for humanity,” the statement read. “The University is taking this incident seriously and is currently reviewing it consistent with our procedures.”

COMPLEMENT:

Why Hamas can rightly be compared to Nazis: The similarities are undeniable
Rafael Medoff
NY Post
Nov. 18, 2023For years, I’ve denounced  the proliferation of Nazi analogies in our public discourse.From right to left, reckless politicians and overheated pundits have invoked Hitler, the Nazis or the Holocaust in order to score rhetorical points — and historians like me have condemned them for doing so.Congresswoman Alexandria Ocasio-Cortez was wrong to call US border facilities “concentration camps,” and Congresswoman Marjorie Taylor Greene was equally off base when she labeled advocates of Covid vaccines “medical brown shirts,” which references Nazi storm-trooper uniforms. Abortion is not another Holocaust.The reason such comparisons are wrong is that they severely distort the facts, both by implicitly minimizing Nazi atrocities and wildly exaggerating the actions of whomever the current name-callers happen to be targeting.But when a comparison is valid — when a contemporary villain does something which indeed reaches the levels of Nazi barbarism  — then it needs to be acknowledged.And that’s why this time, it’s different.

The Oct. 7 Hamas pogrom in southern Israel has changed everything — including aspects of our public discourse.

Obviously, the Hamas attack on Israel was not identical to the Nazi Holocaust.

Historical events are rarely the same.

Yet the points of similarity are undeniable.

Consider the mentality of the killers.

Of the 6 million Jews murdered by the Nazis and their collaborators, more than 1 million were slaughtered by gunfire at close range.

And so too were Jews shot dead for being Jews on kibbutzim across southern Israel.

Scholars emphasize the role of “eliminationist” antisemitic ideology, the kind of genocidal thinking prevalent in the media and schools of Nazi Germany — and in the media and schools run by Hamas and the Palestinian Authority in our own time.

Dehumanizing Nazi propaganda depicted Jews as rats, spiders or lice.

The only solution to this “Jewish problem,” according to the Nazis, was the “final solution”: death. The Palestinian Authority’s ruling faction, Fatah, celebrated the Oct. 7 pogrom by posting a video showing a boot with the colors of the Palestinian flag squashing a rat on an Israeli flag.

Portrayals of Jews as rodents, insects, and various predatory creatures in need of eradication are staples of Palestinian Arab popular culture.

The Hamas killers echoed the Nazis in another significant way: By photographing their atrocities.

Nazi storm troopers amused themselves by posing for photos as they slashed the beards of their Jewish captives or forced them to grovel.

Death camp commandants delighted in assembling photo albums that included scenes of Jewish men, women and children being selected for the gas chambers.

The album belonging to Treblinka commandant Kurt Franz bore the title “The Good Old Days.”

Today’s technology is new, but the mindset isn’t.

Hamas pogromists used social media platforms to broadcast themselves kidnapping, torturing, and sexually assaulting their Israeli victims.

Some uploaded their gruesome “trophy videos” to social media in order to torment their distraught families. Such content was even livestreamed on Facebook.

The use of sexual violence as a weapon on Oct. 7 had its antecedents both in earlier Arab pogroms and during the Holocaust.

Rape and mutilation were a notorious part of Palestinian Arab atrocities against Jews in Hebron in 1929, according to survivors’ accounts.

Arab soldiers and Palestinian Arab terrorist forces decapitated and sexually mutilated Jews during the 1948 Arab war against the newborn state of Israel, according to numerous mainstream historians.

Likewise in the Kristallnacht rampage in Germany in 1938 —  and throughout the Holocaust years that followed— there were numerous instances of Nazis raping Jewish women.

The Shoah Foundation’s oral history archive contains more than 1,700 testimonies by survivors detailing sexual violence.

In other ways, too, one can detect similarities between then and now.

Again, not identical—but worth noting.

Consider the prevailing attitudes at many American colleges.

In the 1930s, universities such as Harvard and Columbia built friendly relationships with Nazi Germany, invited Nazi representatives to their campuses, and organized student exchanges with Nazi-controlled German schools.

Today, many universities are looking the other way as Hamas supporters intimidate Jewish students; US schools such as Bard College, George Washington University, and William Paterson University have even participated in joint programs with Palestinian Arab universities where student branches of Hamas operate freely.

Or consider the phenomenon of Holocaust-denial.

Queen Rania of Jordan recently told CNN that “It hasn’t been independently verified . . . that Israeli children [were] found butchered in an Israeli kibbutz.” Officials of the Council on American-Islamic Relations, a leading Muslim advocacy group, have claimed that the reports of beheadings are “unverified” and “war propaganda.”

Fortunately, the Jewish people today are not in the same position of powerlessness and vulnerability as European Jews in the 1940s.

Today there is a sovereign Jewish state and a powerful Jewish army.

But when it comes to the behavior of the enemies of the Jews, have either the mindset or the tactics changed very much?

The children’s room, where the book was found,had been taken over by Hamas as a base for their operations.

The copy’s margins held notes written by the terrorist who had been studying it.

Nearly a century after its release, Hitler’s manifesto of  antisemitism and violence, is still being used to kill Jews as effectively as ever.


Massacre du 7 octobre: Hamas m’a tuer (Could Hamas’ monstrous massacre be the final nail in the coffin of the long-dead Palestinian cause ?)

14 octobre, 2023

Jordanian-Palestinian Businessman: We Welcome Death | MEMRI

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Quand les phénomènes
s’exaspèrent, c’est qu’ils vont mourir. René Girard
Vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas.  Caïphe (Jean 11: 50)
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Jésus (Jean 15: 13)
Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elles s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s’est égarée? Et, s’il la trouve, je vous le dis en vérité, elle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. Jésus (Matthieu 18: 12-13)
Je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance. Jésus (Luc 15: 7)
‘Dionysos contre le crucifié’ : la voici bien l’opposition. Ce n’est pas une différence quant au martyr – mais celui-ci a un sens différent. La vie même, son éternelle fécondité, son éternel retour, détermine le tourment, la destruction, la volonté d’anéantir pour Dionysos. Dans l’autre cas, la souffrance, le « crucifié » en tant qu’il est « innocent », sert d’argument contre cette vie, de formulation de sa condamnation.  (…) L’individu a été si bien pris au sérieux, si bien posé comme un absolu par le christianisme, qu’on ne pouvait plus le sacrifier : mais l’espèce ne survit que grâce aux sacrifices humains… La véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l’espèce – elle est dure, elle oblige à se dominer soi-même, parce qu’elle a besoin du sacrifice humain. Et cette pseudo-humanité qui s’institue christianisme, veut précisément imposer que personne ne soit sacrifié. Nietzsche
Les paraboles de la brebis égarée (Mt 18, 12) et du fils prodigue (Lc 15, 11) soulignent encore plus directement l’inversion de la logique victimaire – sacrificielle: au « tous contre un » Jésus oppose le « tous pour un », l’amour préférentiel pour l’égaré, même lorsqu’il semble responsable de son errance.  Bernard Perret
Israël refuse de sacrifier qui que ce soit. Il n’y a pas d’objectif pour lequel il sacrifierait une seule personne. Ils ont peur de la mort. Pour eux, la mort est étrange et répugnante. Nous, en revanche, nous aimons la mort. Un Palestinien porte son fils sur ses épaules, avec un bandeau sur le front de l’enfant, sur lequel son père a inscrit : « Martyr Seeker » (Chercheur de martyrs) : « Chercheur de martyrs ». C’est un homme qui dit : « Je veux que mon fils meure ». Une mère dit : « J’ai mis au monde six enfants pour que trois d’entre eux meurent dans la révolution. J’ai donné naissance à des enfants pour qu’ils soient martyrisés. Cela n’existe pas dans la mentalité sioniste. (…) On ne peut pas vaincre quelqu’un qui veut mourir. Les gens qui fuient la mort ne peuvent pas vaincre les gens qui cherchent la mort. Que s’est-il passé en Allemagne pendant la guerre mondiale ? Des villes entières ont été détruites. Mais l’Allemagne n’est-elle pas devenue plus tard l’un des cinq pays les plus riches du monde ? Laissons-les détruire [Gaza]. Ce qui est détruit peut être reconstruit. Je pense que l’objectif des lions de l’humanité [du Hamas] était de provoquer la démolition de ces bâtiments afin qu’ils puissent être reconstruits correctement, selon des normes d’ingénierie plus esthétiques et plus récentes. (…) Combien de victimes ? Combien de victimes ? (…) Combien ? Deux mille ? Les victimes s’accumulent toujours, malheureusement… Bien. Combien de personnes la Russie a-t-elle sacrifiées dans sa guerre contre les nazis ? 27 millions. Pas seulement un millier… Nous n’en sommes pas encore aux milliers. La Russie a sciemment sacrifié ces personnes. Ce n’était pas une coïncidence. Ce n’est pas que la Russie ne savait pas que ces personnes allaient mourir. Elle voulait que 27 millions de personnes meurent pour que la Russie survive. Nous, les Palestiniens, sommes pareils. Il y a deux millions de personnes [à Gaza]. Si l’un d’entre eux meurt… j’espère que je serai l’un d’entre eux. Ce serait un honneur de mourir en martyr. Mais il y a deux millions de personnes à Gaza. Est-ce qu’Israël va tuer deux millions de personnes ? Comment ? La moitié d’entre elles sont cachées sous terre, dans des tunnels. Nous sommes confrontés à un problème dont la solution est facile. Les [Israéliens] ne deviendront pas des réfugiés, car ils ont leur propre pays. Ils ont des passeports [étrangers]. Tous les ennemis ont la double nationalité. Nous pouvons donc résoudre le problème des [Palestiniens] qui attendent de retourner dans leur pays, et les Israéliens retourneront dans leur pays. Après tout, soit ils ont été forcés de venir en Palestine, soit ils ont été égarés. Les Juifs n’ont pas d’idéologie. Tout ce qui les intéresse, c’est l’argent et les intérêts. J’avais un ami qui était membre du cabinet allemand. Je lui ai demandé un jour : « Quand Hitler, que Dieu lui pardonne, a perpétré l’Holocauste, pourquoi n’a-t-il pas terminé le travail en tuant tous les Juifs ? Il m’a répondu : « C’est l’inverse, mais ne dites à personne que j’ai dit cela. Il a laissé un groupe d’entre eux exprès, pour que les gens sachent pourquoi nous avons perpétré l’Holocauste. Comme ça, quand vous seriez tourmentés par eux, vous en connaîtriez la raison ». Talal Abu Ghazaleh (homme d’affaires et homme politique jordano-palestinien, 12 octobre 2023)
Le sang des femmes, des enfants et des personnes âgées (…) c’est nous qui avons besoin de ce sang, pour qu’il éveille en nous l’esprit révolutionnaire, pour qu’il éveille avec nous, la détermination. Ismail Haniyeh
Nous sommes fiers de sacrifier des martyrs. Ghazi Hamad (Hamas)
L’Iran doit décider s’il veut être une nation ou une cause. Henry Kissinger (2006)
Un Iran moderne, fort et pacifique pourrait devenir un pilier de la stabilité et du progrès dans la région. Cela ne sera possible que si les dirigeants iraniens décident s’ils représentent une cause ou une nation, si leur motivation première est la croisade ou la coopération internationale. L’objectif de la diplomatie des Six devrait être d’obliger l’Iran à faire ce choix. Henry Kissinger (2006)
Israël existe et continuera à exister jusqu’à ce que l’islam l’abroge comme il a abrogé ce qui l’a précédé. Hasan al-Bannâ (préambule de la charte du Hamas, 1988)
Le Mouvement de la Résistance Islamique est un mouvement palestinien spécifique qui fait allégeance à Allah et à sa voie, l’islam. Il lutte pour hisser la bannière de l’islam sur chaque pouce de la Palestine. Charte du Hamas (Article six)
Toute idée fausse finit dans le sang, mais il s’agit toujours du sang des autres. C’est ce qui explique que certains de nos philosophes se sentent à l’aise pour dire n’importe quoi. Camus
L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés  dans le même combat doit être  précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme  antiraciste est le  seul chemin qui puisse  mener à l’abolition  des  différences de race. Jean-Paul Sartre (1948)
Attention, l’Amérique a la rage ! Jean-Paul Sartre (1953)
Cette violence irrépressible il le montre parfaitement, n’est pas une absurde tempête ni la résurrection d’instincts sauvages ni même un effet du ressentiment : c’est l’homme lui-même se recomposant. Cette vérité, nous l’avons sue, je crois, et nous l’avons oubliée : les marques de la violence, nulle douceur ne les effacera : c’est la violence qui peut seule les détruire. Et le colonisé se guérit de la névrose coloniale en chassant le colon par les armes. Quand sa rage éclate, il retrouve sa transparence perdue, il se connaît dans la mesure même où il se fait ; de loin nous tenons sa guerre comme le triomphe de la barbarie ; mais elle procède par elle-même à l’émancipation progressive du combattant, elle liquide en lui et hors de lui, progressivement, les ténèbres coloniales. Dès qu’elle commence, elle est sans merci. Il faut rester terrifié ou devenir terrible ; cela veut dire : s’abandonner aux dissociations d’une vie truquée ou conquérir l’unité natale. Quand les paysans touchent des fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits sont un à un renversés : l’arme d’un combattant, c’est son humanité. Car, en ce premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses pieds. Sartre (préface aux « Damnés de la terre », 1961)
J’espère que l’anti-américanisme, c’est terminé. Moi, je ne l’ai jamais été. De même que je n’ai jamais été antirusse. Je me suis toujours opposé à la politique du capitalisme américain comme au socialisme russe. Quand on demande à quelqu’un s’il est anti-américain ou antirusse, ça veut dire qu’on lui demande s’il est contre une nation. Pour moi, les nations sont divisées entre ceux qui commandent et ceux qui souffrent. Je suis aux côtés des Américains et des Russes exploités, et contre la politique américaine au Vietnam ou soviétique en Pologne ou en Tchécoslovaquie. J’aurais été bien plus content si, le 11 septembre, le Pentagone avait été mis à terre et s’ils n’avaient pas manqué la Maison Blanche – au lieu de voir s’effondrer les Twin Towers remplies de milliers de travailleurs américains, parmi lesquels, paraît-il, se trouvaient presqu’un millier de clandestins. Mes adversaires sont les « impériaux » (qu’on appelait autrefois les capitalistes), quelle que soit leur nationalité. Toni Negri
La théorie de Burnham n’est qu’une variante […] du culte de la puissance qui exerce une telle emprise sur les intellectuels. Le communisme en est une variante plus courante, du moins en Angleterre. Si l’on étudie le cas des personnes qui, tout en ayant une idée de la véritable nature du régime soviétique, sont fermement russophiles, on constate que, dans l’ensemble, elles appartiennent à cette classe des « organisateurs » à laquelle Burnham consacre ses écrits. En fait, ce ne sont pas des « organisateurs » au sens étroit, mais des scientifiques, des techniciens, des enseignants, des bureaucrates, des politiciens de métier : de manière générale, des représentants des couches moyennes qui se sentent brimés par un système qui est encore partiellement aristocratique, et qui ont soif de pouvoir et de prestige. Ils se tournent vers l’URSS et y voient – ou croient y voir – un système qui élimine la classe supérieure, maintient la classe ouvrière à sa place et confère un pouvoir illimité à des gens qui leur sont très semblables. C’est seulement après que le régime soviétique est devenu manifestement totalitaire que les intellectuels anglais ont commencé à s’y intéresser en grand nombre. L’intelligentsia britannique russophile désavouerait Burnham, et pourtant il formule en réalité son vœu secret : la destruction de la vieille version égalitaire du socialisme et l’avènement d’une société hiérarchisée où l’intellectuel puisse enfin s’emparer du fouet. George Orwell
Nous imaginons, parce que la Guerre froide est finie en Europe, que toute la série de luttes qui ont commencé avec la Première guerre mondiale et qui sont passées par différents mouvements totalitaires — fasciste, nazi et communiste — était finalement terminée. (…) Hors de la Première guerre mondiale est venue une série de révoltes contre la civilisation libérale. Ces révoltes accusaient la civilisation libérale d’être non seulement hypocrite ou en faillite, mais d’être en fait la grande source du mal ou de la souffrance dans le monde. (…) [Avec] une fascination pathologique pour la mort de masse [qui] était elle-même le fait principal de la Première guerre mondiale, dans laquelle 9 ou 10 millions de personnes ont été tués sur une base industrielle. Et chacun des nouveaux mouvements s’est mis à reproduire cet événement au nom de leur opposition utopique aux complexités et aux incertitudes de la civilisation libérale. Les noms de ces mouvements ont changé comme les traits qu’ils ont manifestés – l’un s’est appelé bolchévisme, et un autre s’est appelé fascisme, un autre s’est appelé nazisme. (…) À un certain niveau très profond tous ces mouvements étaient les mêmes — ils partageaient tous certaines qualités mythologiques, une fascination pour la mort de masse et tous s’inspiraient du même type de paranoïa. (…) Mon argument est que l’islamisme et un certain genre de pan-arabisme dans les mondes arabe et musulman sont vraiment d’autres branches de la même impulsion. Mussolini a mis en scène sa marche sur Rome en 1922 afin de créer une société totalitaire parfaite qui allait être la résurrection de l’empire romain. En 1928, en Egypte, de l’autre côté de la Méditerranée, s’est créée la secte des Frères musulmans afin de ressusciter le Califat antique de l’empire arabe du 7ème siècle, de même avec l’idée de créer une société parfaite des temps modernes. Bien que ces deux mouvements aient été tout à fait différents, ils étaient d’une certaine manière semblables. (…) La doctrine islamiste est que l’Islam est la réponse aux problèmes du monde, mais que l’Islam a été la victime d’une conspiration cosmique géante pour la détruire, par les Croisés et les sionistes. (le sionisme dans la doctrine de Qutb n’est pas un mouvement politique moderne, c’est une doctrine cosmique se prolongeant tout au long des siècles.) L’Islam est la victime de cette conspiration, qui est également facilitée par les faux musulmans ou hypocrites, qui feignent d’être musulmans mais sont réellement les amis des ennemis de l’Islam. D’un point de vue islamiste, donc, la conspiration la plus honteuse est celle menée par les hypocrites musulmans pour annihiler l’Islam du dedans. Ces personnes sont surtout les libéraux musulmans qui veulent établir une société libérale, autrement dit la séparation de l’église et de l’état. (…) Les socialistes français des années 30 (…) ont voulu éviter un retour de la première guerre mondiale; ils ont refusé de croire que les millions de personnes en Allemagne avaient perdu la tête et avaient soutenu le mouvement nazi. Ils n’ont pas voulu croire qu’un mouvement pathologique de masse avait pris le pouvoir en Allemagne, ils ont voulu rester ouverts à ce que les Allemands disaient et aux revendications allemandes de la première guerre mondiale. Et les socialistes français, dans leur effort pour être ouverts et chaleureux afin d’éviter à tout prix le retour d’une guerre comme la première guerre mondiale, ont fait tout leur possible pour essayer de trouver ce qui était raisonnable et plausible dans les arguments d’Hitler. Ils ont vraiment fini par croire que le plus grand danger pour la paix du monde n’était pas posé par Hitler mais par les faucons de leur propre société, en France. Ces gens-là étaient les socialistes pacifistes de la France, c’était des gens biens. Pourtant, de fil en aiguille, ils se sont opposés à l’armée française contre Hitler, et bon nombre d’entre eux ont fini par soutenir le régime de Vichy et elles ont fini comme fascistes! Ils ont même dérapé vers l’anti-sémitisme pur, et personne ne peut douter qu’une partie de cela s’est reproduit récemment dans le mouvement pacifiste aux Etats-Unis et surtout en Europe. Paul Berman
Il y a peu de temps, Vaillant lança une bombe dans la Chambre des Députés, pour protester contre l’actuel système de la société. Il n’a tué personne, seulement blessé quelques personnes ; mais la justice bourgeoise l’a condamné à mort. Et non satisfaite de la condamnation de l’homme coupable, elle a poursuivi les Anarchistes, et arrêta, non seulement ceux qui connaissaient Vaillant, mais même ceux qui ont été présent à une lecture Anarchiste. (…) Eh bien, si les gouvernements emploient contre nous les fusils, les chaînes, les prisons, est-ce que nous devons, nous les anarchistes, qui défendons notre vie, rester enfermés chez nous ? Non. Au contraire, nous répondons aux gouvernements avec la dynamite, la bombe, le stylet, le poignard. En un mot, nous devons faire notre possible pour détruire la bourgeoisie et les gouvernements. Vous qui êtes les représentants de la société bourgeoise, si vous voulez ma tête, prenez-la. Sante Caserio
Je suis et demeure un combattant révolutionnaire. Et la Révolution aujourd’hui est, avant tout, islamique. Illich Ramirez Sanchez (dit Carlos)
La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Dominique de Villepin (2001)
Que nous ayons rêvé de cet événement, que tout le monde sans exception en ait rêvé, parce que nul ne peut ne pas rêver de la destruction de n’importe quelle puissance devenue à ce point hégémonique, cela est inacceptable pour la conscience morale occidentale, mais c’est pourtant un fait, et qui se mesure justement à la violence pathétique de tous les discours qui veulent l’effacer. A la limite, c’est eux qui l’ont fait, mais c’est nous qui l’avons voulu. Jean Baudrillard (2001)
Je conteste, même si on ne me croit pas quand je dis cela, mais je conteste que le Qatar puisse aujourd’hui participer à quelque financement que ce soit du terrorisme. (…) Il y a eu naguère une sympathie pour les Frères Musulmans, c’est autre chose. Mais je pense que notre devoir, à vous les journalistes, à nous les responsables publics, c’est de dire les choses comme elles sont dans toute leur vérité. Jack Lang (27 novembre 2015)
Il est malheureux que le Moyen-Orient ait rencontré pour la première fois la modernité occidentale à travers les échos de la Révolution française. Progressistes, égalitaristes et opposés à l’Eglise, Robespierre et les jacobins étaient des héros à même d’inspirer les radicaux arabes. Les modèles ultérieurs — Italie mussolinienne, Allemagne nazie, Union soviétique — furent encore plus désastreux …Ce qui rend l’entreprise terroriste des islamistes aussi dangereuse, ce n’est pas tant la haine religieuse qu’ils puisent dans des textes anciens — souvent au prix de distorsions grossières —, mais la synthèse qu’ils font entre fanatisme religieux et idéologie moderne. Ian Buruma et Avishai Margalit
Malgré eux, les islamistes sont des Occidentaux. Même en rejetant l’Occident, ils l’acceptent. Aussi réactionnaires que soient ses intentions, l’islamisme intègre non seulement les idées de l’Occident mais aussi ses institutions. Le rêve islamiste d’effacer le mode de vie occidental de la vie musulmane est, dans ces conditions, incapable de réussir. Le système hybride qui en résulte est plus solide qu’il n’y paraît. Les adversaires de l’islam militant souvent le rejettent en le qualifiant d’effort de repli pour éviter la vie moderne et ils se consolent avec la prédiction selon laquelle il est dès lors condamné à se trouver à la traîne des avancées de la modernisation qui a eu lieu. Mais cette attente est erronée. Car l’islamisme attire précisément les musulmans qui, aux prises avec les défis de la modernité, sont confrontés à des difficultés, et sa puissance et le nombre de ses adeptes ne cessent de croître. Les tendances actuelles donnent à penser que l’islam radical restera une force pendant un certain temps encore. Daniel Pipes
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. (…) Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. (…) Sous l’étiquette de l’islam, on trouve une volonté de rallier et de mobiliser tout un tiers-monde de frustrés et de victimes dans leurs rapports de rivalité mimétique avec l’Occident. (…) On est en plein mimétisme. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme. René Girard
Les Européens ont été des vrais trous du cul avec Israël: peut-être qu’avec les attentats de Bruxelles, les Européens éprouveront un peu plus de sympathie envers l’Etat hébreu. Les Nations Unies et son Conseil des Droits de l’Homme ont, en 2015, adressé plus de condamnations officielles à Israël qu’à toutes les autres nations combinées. Je me demande si maintenant qu’elle a subi une quatrième attaque en un peu plus d’un an, et qu’elle est en proie à plus de 400 combattants de l’Etat Islamique sur le retour, l’Europe comprend aujourd’hui ce que traverse le peuple hébreu au quotidien. Bill Maher
Je vois beaucoup de crèches quand je sors, comme toujours avant Noël. Et je ne peux m’empêcher de penser à l’endroit où se trouve réellement cette crèche. Elle se trouve en Cisjordanie, sur des terres palestiniennes contrôlées par l’Autorité palestinienne. En 1950, la petite ville de Bethléem était chrétienne à 86 %, alors qu’elle est aujourd’hui majoritairement musulmane.  Et c’est ce que je veux dire ce soir, les choses changent. Pour 2,3 milliards de chrétiens, il ne peut y avoir de site plus sacré que celui où est né leur Sauveur, mais ils ne l’ont plus. Et pourtant, aucune armée de croisés ne s’est préparée à le reprendre. Les choses changent. Les pays, les frontières, les empires. La Palestine a été sous l’empire ottoman pendant 400 ans, mais aujourd’hui, un ottoman est quelque chose que l’on met sous ses pieds. La ville de Byzance est devenue la ville de Constantinople, puis Istanbul. Cela n’a pas plu à tout le monde, mais on ne peut pas discuter indéfiniment. Les Irlandais avaient toute l’île pour eux, mais les Britanniques commençaient à créer un empire, et les Irlandais ont perdu leur bout. Ils se sont déchirés à ce sujet pendant 30 ans, mais tout le monde a fini par trouver un arrangement. Sauf les Palestiniens. Était-il injuste qu’une seule famille arabe soit obligée de déménager lors de la création de l’État juif ? Oui. Mais ce n’est pas rare non plus. Cela s’est produit tout au long de l’histoire, partout dans le monde, et la plupart du temps dans les pays de l’Europe de l’Est. Après la Seconde Guerre mondiale, 12 millions d’Allemands de souche ont été chassés de Russie, de Pologne et de Tchécoslovaquie parce que le fait d’être allemand était devenu impopulaire. Un million de Grecs ont été chassés de Turquie en 1923, un million de Ghanéens du Nigeria en 1983. Près d’un million de Français ont quitté l’Algérie en 1962. Près d’un million de réfugiés syriens se sont installés en Allemagne il y a huit ans. S’agissait-il d’un ajustement parfait ? Et personne ne sait mieux que les Juifs ce qu’est l’expulsion d’une terre que les Juifs. Ils ont notamment été presque entièrement expulsés de tous les pays arabes où ils vivaient. Oui, fans de TikTok. Le nettoyage ethnique s’est produit dans les deux sens. (…) Personne n’a été un plus grand colonisateur que l’armée musulmane qui a déferlé du désert d’Arabie et s’est emparée d’une grande partie du monde en un seul siècle. Et ils ne l’ont pas fait en demandant. Ce n’est pas pour rien que le drapeau de l’Arabie saoudite est une épée. Le Kosovo était le berceau de la Serbie chrétienne, puis il est devenu musulman. Ils se sont fait la guerre à ce sujet dans les années 90, mais ils se sont arrêtés. Ils n’ont pas continué pendant 75 ans. Il y a eu des accords sur la table pour partager la terre appelée Palestine. En 1947, en 1993, en 1995, en 1998, en 2000 et en 2008. Jérusalem-Est aurait pu être la capitale d’un État palestinien qui, aujourd’hui, ressemblerait davantage à Dubaï qu’à Gaza. Arafat s’est vu offrir 95 % de la Cisjordanie et a refusé. Le peuple palestinien devrait savoir que ses dirigeants et les idiots utiles des campus universitaires qui sont leurs alliés ne lui rendent pas service en entretenant le mythe de « la rivière à la mer ». Où pensez-vous qu’Israël va aller ? Nulle part. C’est l’un des pays les plus puissants du monde, avec une économie de 500 milliards de dollars, le deuxième secteur technologique au monde après la Silicon Valley, et des armes nucléaires. Ils sont là, ils aiment leur bagel avec du shmear, il faut s’y habituer. Ce qui arrive aux Palestiniens aujourd’hui est horrible, et pas seulement à Gaza, en Cisjordanie aussi. Mais les guerres se terminent par des négociations et ce que les médias passent sous silence, c’est qu’il est difficile de négocier lorsque la position de l’autre partie est que vous mourez et vous disparaissez. Je veux dire, le slogan « Du fleuve à la mer » ? Oui, regardons la carte. Voici le fleuve, voici la mer. Oh, je vois, ça veut dire que vous avez tout. Pas seulement la Cisjordanie, qui était en fait l’accord de partage initial de l’ONU que vous avez rejeté parce que vous vouliez tout et que vous l’avez toujours voulu. Même s’il s’agit incontestablement de la patrie ancestrale des Juifs. Vous avez donc attaqué et perdu. Vous avez attaqué à nouveau et vous avez perdu. Vous avez attaqué à nouveau et vous avez perdu. (…) Si je vous accorde le bénéfice du doute et que je dis que votre plan pour une Palestine sans juifs n’est pas que tous les juifs doivent mourir – quelle est la seule autre option ? Ils déménagent. Vous déménagez tous les Juifs. D’accord, je dois vous avertir, ça va râler. Vous déplacez tous les Juifs et on fait ça avec quoi ? Une flotte de camions appelée Jew-haul ? Et où on déménage ce pays entier ? Au Texas ? Bien sûr, il y a de la place et je suppose que nous pourrions réinstaller le Mur des lamentations à la frontière et faire d’une pierre deux coups. Ou nous pourrions simplement devenir sérieux. Bill Maher
Le terrorisme est un mot chargé, que les gens utilisent pour désigner un groupe qu’ils désapprouvent moralement. Ce n’est pas le rôle de la BBC de dire aux gens qui soutenir et qui condamner – qui sont les bons et qui sont les méchants. Nous soulignons régulièrement le fait que le gouvernement britannique et d’autres ont condamné le Hamas comme une organisation terroriste, mais c’est leur affaire. Nous organisons également des entretiens avec des invités et citons des contributeurs qui qualifient le Hamas de terroriste. John Simpson (BBC)
C’est à la limite du honteux. La BBC doit retrouver sa boussole morale. Le Hamas a massacré des personnes innocentes, des bébés, des festivaliers, des retraités, (…) ce ne sont pas des combattants de la liberté, ce ne sont pas des militants, ce sont de purs terroristes, et c’est quand même incroyable d’aller sur le site de la BBC et de les voir qualifiés de militants ou d’hommes en armes. Grant Shapps (ministre de la défense britannique)
Le Hamas a toujours joué cartes sur table. Sa charte est explicite : « La Palestine qui s’étend de la Jordanie à l’est jusqu’à la Méditerranée à l’ouest est une terre islamique arabe. C’est une terre sacrée et bénie qui a une place spéciale dans le cœur de chaque Arabe et de chaque musulman ». Au principe « la paix contre les territoires » le Hamas oppose la reconquête par la guerre sainte de tous les territoires occupés par les sionistes. Il n’a jamais dévié de cette ligne. Après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, une campagne d’attentats suicides a conduit à l’élection de Benyamin Netanyahou. Après le retrait de Gaza, le Hamas a renversé l’Autorité palestinienne et, au lieu d’offrir une vie décente aux habitants de l’enclave, s’est lancé dans une guerre à outrance contre Israël. Il a sacrifié le bien-être des Gazaouis à la poursuite du djihad. Le camp de la paix ne s’en est pas relevé. (…) On ne peut pas manquer de faire le lien entre « la double razzia bénie » sur New York et Washington, la tuerie du Bataclan et les attaques perpétrées par le Hamas sur le sol d’Israël. Cette violence n’est pas une réponse aux crimes de l’armée israélienne ou à la colonisation rampante de la Cisjordanie. C’est l’occupation de Tel-Aviv, de Haïfa, de Beersheba qui constitue un crime aux yeux du Hamas. Pour comprendre ce qui se joue, il faut reconnaître l’importance du facteur religieux dans le monde musulman. Depuis la révolution islamique en Iran et la défaite soviétique en Afghanistan l’islam est redevenu un sujet politique à part entière. La fierté renaît avec le sentiment de faire à nouveau l’histoire. Ce n’est pas le désespoir qui conduit de jeunes Palestiniens à la radicalité, comme l’affirment encore, impavides, certains éditorialistes, c’est la force intrinsèque de l’islamisme. Il s’agit aussi pour le Hamas et pour l’Iran d’empêcher le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël, de torpiller les accords d’Abraham, et plus généralement, de mettre les dirigeants musulmans qui sont tentés de choisir la voie de la modération en porte-à-faux avec leurs peuples. (…) Les attaques du Hamas ont révélé le lien entre le David palestinien et le Goliath arabo-islamique. Sans l’appui militaire et logistique de l’Iran, une telle opération n’aurait pas été possible. Même avec une armée puissante et des services de renseignements performants, Israël est vulnérable. (…) Des manifestations en Iran, au Yémen, en Turquie, au Liban, en Cisjordanie, ont salué l’exploit du Hamas. Malgré les images atroces ou plutôt à cause d’elles, on a héroïsé les pogromistes, on a mis les lyncheurs au pinacle. Ces réjouissances obscènes portent un coup mortel à la paix. Le parti Force juive d’Itamar Ben-Gvir est né en réaction au retrait de la bande de Gaza ordonné par Ariel Sharon et confronté au tout ou rien du Hamas, il a beau jeu de dire qu’il n’y a pas de partenaire pour un compromis territorial. Comment après ce massacre – plus de 1000 morts, 2600 blessés, une centaine d’otages qui vont servir de boucliers humains – les Israéliens pourraient-ils se retirer de la Cisjordanie et accepter la création d’un État palestinien qui mettrait le pays tout entier à portée de missiles et de pogroms ? Le statu quo est funeste pour la société israélienne comme pour les Palestiniens mais la seule chance qu’une solution pérenne voie le jour, c’est la défaite de l’islam radical et sa mise hors d’état de nuire. (…) En 2004, le doyen de l’équipe d’inspecteurs chargé de faire un rapport sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les écoles a interrogé un groupe d’enseignants qui évoquaient le départ de leurs élèves juifs. « Pourquoi sont-ils partis ? » leur a-t-il demandé. « C’est simple, lui fut-il répondu, ils n’étaient pas assez nombreux pour se défendre. » Dans les quartiers qu’on appelle populaires depuis que l’ancien peuple et les anciens immigrés en ont été chassés, certains se réjouissent à n’en pas douter de « la razzia bénie » sur Israël. Israël a été créé pour assurer la sécurité des Juifs et maintenant les Juifs de la diaspora sont en danger du fait d’Israël. Cette situation ne les éloigne pas de l’État juif, elle le leur rend d’autant plus précieux, d’autant plus cher. On nous tympanise avec l’antifascisme et le retour des vieux démons au moment même où un antisémitisme qui n’a plus rien à voir avec Hitler se répand parmi nous. Mais les lendemains seront difficiles. Quand la riposte de Tsahal prendra toute son ampleur, on peut craindre que l’esprit et la pratique du pogrom ne gagnent la France et d’autres pays européens. (…) LFI a osé qualifier le carnage auquel nous venons d’assister d’« offensive armée des forces palestiniennes menée par le Hamas ». Le pogrom à grande échelle devient donc une guerre en forme et même une guerre juste qui répond avec les moyens du bord à la politique coloniale d’Israël. Voilà où conduisent l’antisionisme et l’opportunisme électoral de l’extrême gauche. Tout est bon, même la judéophobie, pour conquérir et conserver les voix du nouveau peuple. La France insoumise n’est plus rien d’autre que la France soumise à l’islam radical. Alexis Corbière et François Ruffin qui ne se reconnaissent pas dans cette dérive doivent impérativement partir ou reprendre la main et, sous peine de se déshonorer, le reste de la gauche doit prononcer sans tarder l’acte de décès de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale. On nous tympanise avec l’antifascisme et le retour des vieux démons au moment même où un antisémitisme qui n’a plus rien à voir avec Hitler s’installe sur le continent européen. Alain Finkielkraut (10/10/2023)
Si on se réfère aux définitions courantes ou explicitement légales du terrorisme, qu’y trouve-t-on ? La référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois (nationales ou internationales) y impliquant à la fois la distinction entre civil et militaire (les victimes du terrorisme sont supposées être civiles) et une finalité politique (influencer ou changer la politique d’un pays en terrorisant sa population)(…) Sans remonter trop loin en arrière, sans même rappeler, comme on le fait souvent, et à juste titre, ces temps-ci, que des terroristes peuvent être loués comme des combattants de la liberté dans un contexte (par exemple dans la lutte contre l’occupant soviétique en Afghanistan) et dénoncés comme des terroristes dans un autre (souvent les mêmes combattants, avec les mêmes armes, aujourd’hui), n’oublions pas la difficulté que nous aurions à décider entre le « national » et l’« international » dans le cas des terrorismes qui ont marqué l’histoire de l’Algérie, de l’Irlande du Nord, de la Corse, d’Israël ou de la Palestine Personne ne peut nier qu’il y a eu terrorisme d’Etat dans la répression française en Algérie, entre 1954 et 1962. Puis le terrorisme pratiqué par la rébellion algérienne fut longtemps considéré comme un phénomène domestique tant que l’Algérie était censée faire partie intégrante du territoire national français, tout comme le terrorisme français d’alors (exercé par l’Etat) se présentait comme une opération de police et de sécurité intérieure. C’est seulement des décennies plus tard, dans les années 1990, que le Parlement français a conféré rétrospectivement le statut de « guerre » (donc d’affrontement international) à ce conflit, afin de pouvoir assurer des pensions aux « anciens combattants » qui les réclamaient. Que révélait donc cette loi ? Eh bien, il fallait et on pouvait changer tous les noms utilisés jusqu’alors pour qualifier ce qu’auparavant on avait pudiquement surnommé, en Algérie, les « événements », justement (faute encore une fois, pour l’opinion publique populaire, de pouvoir nommer la « chose » adéquatement). La répression armée, comme opération de police intérieure et terrorisme d’Etat, redevenait soudain une « guerre ». De l’autre côté, les terroristes étaient et sont désormais considérés dans une grande partie du monde comme des combattants de la liberté et des héros de l’indépendance nationale. Quant au terrorisme des groupes armés qui ont imposé la fondation et la reconnaissance de l’Etat d’Israël, était-il national ou international ? Et celui des divers groupes de terroristes palestiniens aujourd’hui ? Et les Irlandais ? Et les Afghans qui se battaient contre l’Union soviétique ? Et les Tchétchènes ? A partir de quel moment un terrorisme cesse-t-il d’être dénoncé comme tel pour être salué comme la seule ressource d’un combat légitime ? Ou inversement ? Où faire passer la limite entre le national et l’international, la police et l’armée, l’intervention de « maintien de la paix » et la guerre, le terrorisme et la guerre, le civil et le militaire sur un territoire et dans les structures qui assurent le potentiel défensif ou offensif d’une « société » ? Je dis vaguement « société » parce qu’il y a des cas où telle entité politique, plus ou moins organique et organisée, n’est ni un Etat ni totalement an-étatique, mais virtuellement étatique : voyez ce qu’on appelle aujourd’hui la Palestine ou l’Autorité palestinienne. Jacques Derrida
Dans une certaine mesure, le terrorisme des Palestiniens reste un peu un terrorisme à l’ancienne. Ici, il s’agit de tuer, d’assassiner ; le but est d’annihiler de manière aveugle des ennemis, femmes et enfants compris. C’est la vie contre la vie. Il est différent à cet égard du terrorisme pratiqué sous la forme paramilitaire de la guérilla, qui a déterminé le visage de nombreux mouvements de libération dans la seconde partie du XXe siècle, et qui marque encore aujourd’hui, par exemple, la lutte d’indépendance des Tchétchènes. Face à cela, le terrorisme global, qui a culminé dans l’attentat du 11 septembre 2001, porte les traits anarchistes d’une révolte impuissante en ce qu’il est dirigé contre un ennemi qui, dans les termes pragmatiques d’une action obéissant à une finalité, ne peut absolument pas être vaincu. Le seul effet possible est d’instaurer dans la population et auprès des gouvernements un sentiment de choc et d’inquiétude. D’un point de vue technique, la grande sensibilité de nos sociétés complexes à la destructivité offre des occasions idéales à une rupture ponctuelle des activités courantes, capable d’entraîner à moindres frais des dégâts considérables. Le terrorisme global pousse à l’extrême deux aspects : l’absence de buts réalistes et la capacité à tirer son profit de la vulnérabilité des systèmes complexes. (…) Du point de vue moral, un acte terroriste, quels que soient ses mobiles et quelle que soit la situation dans laquelle il est perpétré, ne peut être excusé en aucune façon. Rien n’autorise qu’on « tienne compte » des finalités que quelqu’un s’est données pour lui-même pour ensuite justifier la mort et la souffrance d’autrui. Toute mort provoquée est une mort de trop. Mais, d’un point de vue historique, le terrorisme entre dans des contextes bien différents de ceux dont relèvent les crimes auxquels a affaire le juge pénal. (…) La différence entre le terrorisme politique et le crime habituel est particulièrement évidente lors de certains changements de régime qui portent au pouvoir les terroristes d’hier et en font des représentants respectés de leur pays. Il reste qu’une telle transformation politique ne peut être escomptée que pour des terroristes qui, d’une manière générale, poursuivent avec réalisme des buts politiques compréhensibles et qui, eu égard à leurs actes criminels, peuvent tirer de la nécessité dans laquelle ils étaient de sortir d’une situation d’injustice manifeste, une certaine légitimation. Or, je ne peux aujourd’hui imaginer aucun contexte qui permettrait de faire un jour du crime monstrueux du 11 septembre un acte politique aussi peu compréhensible que ce soit, et qui puisse être, à un titre ou à un autre, revendiqué. (…)  Depuis le 11 septembre, je ne cesse de me demander si, au regard d’événements d’une telle violence, toute ma conception de l’activité orientée vers l’entente – celle que je développe depuis la Théorie de l’agir communicationnel – n’est pas en train de sombrer dans le ridicule.  Jürgen Habermas
Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur les infractions suivantes : les atteintes à la vie (…), les vols, les destructions, les dégradations et détériorations ainsi que les infractions en matière informatique (…), la fabrication ou la détention de machines ; le fait d’introduire dans l’atmosphère une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ; le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme. Code pénal français (art. 421-1)
Le terrorisme est l’emploi de la terreur à des fins idéologiques, politiques ou religieuses3. Les multiples définitions du terrorismenote 1 varient sur : l’usage de la violencenote 24, les techniques utilisées, la nature du sujet (mettant à part le terrorisme d’État), l’usage de la peur, le niveau d’organisation, l’idéologie, etc. Dans nombre de définitions intervient le critère de la victime du terrorisme (civile, désarmée, innocente, attaque contre une démocratie qui aurait permis au terroriste de s’exprimer légalement). Un grand nombre d’organisations politiques ou criminelles ont cependant recouru au terrorisme pour faire avancer leur cause ou en retirer des profits. Des partis de gauche comme de droite, des groupes nationalistes, religieux ou révolutionnaires, voire des États, ont commis des actes de terrorisme. Une constante du terrorisme est l’usage indiscriminé de la violence meurtrière à l’égard de civils dans le but de promouvoir un groupe, une cause ou un individu, ou encore de pratiquer l’extorsion à large échelle (mafias, cartels de la drogue, etc.) (…) Le mot « terrorisme » est attesté pour la première fois en novembre 1794, il désigne alors la « doctrine des partisans de la Terreur » de ceux qui, quelque temps auparavant, avaient exercé le pouvoir en menant une lutte intense et violente contre les contre-révolutionnaires. Il s’agit alors d’un mode d’exercice du pouvoir, non d’un moyen d’action contre lui. Le mot a évolué au cours du XIXe siècle pour désigner non plus une action de l’État mais une action contre lui. Son emploi est attesté dans un sens antigouvernemental en 1866 pour l’Irlande, en 1883 pour la Russie (mouvement nihiliste), en Inde britannique (Jugantar), dans les Balkans et l’Empire ottoman (l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, ORIM, qui pratique des prises d’otages d’Européens, et les comitadjilik bulgares). (…) Ce terme désigne aujourd’hui les actions violentes destinées à répandre la terreur et ainsi faire pression sur un État ou sur une population (exemples : Daesh et Boko Haram). Ces actions violentes visent souvent les populations civiles, afin de détruire, tuer et mutiler, ou soumettre. Elles ont pour but de promouvoir des messages à caractère idéologique, politique ou religieux par la peur et la publicité médiatique. Wikipedia 
L’avenir est noir. Nous sommes devenus une force brutale d’occupation. Comparable à l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale, du moins pour ce qu’elle fit aux populations polonaise, belge, hollandaise ou tchèque.  Avraham Shalom
Le documentaire de Dror Moreh, The Gatekeepers, aurait pu être un film profond. Au lieu de cela, Moreh utilise ses entretiens avec six anciens directeurs des principaux services de sécurité israéliens pour envoyer un message politique simpliste et profondément partisan : si Israël se retire de la Cisjordanie, le terrorisme s’apaisera et la paix reviendra. Pour promouvoir ce message, le documentaire ne recule pas devant la malhonnêteté intellectuelle et omet tout contexte critique. Alors que la plupart des Israéliens connaissent le contexte plus large, le spectateur moyen l’ignore probablement et est donc vulnérable à la version biaisée des faits du cinéaste. Bien que le film essaie de dépeindre la politique antiterroriste d’Israël comme contre-productive et cruelle, les interviews laissent apercevoir à l’occasion une histoire différente. (…) le film ignore à plusieurs reprises l’histoire et le contexte. Il attribue à Israël l’hostilité et la violence palestiniennes survenues après 1967, lorsqu’Israël a commencé à administrer la Cisjordanie. Il passe ainsi sous silence que le terrorisme anti-juifs et anti-Israéliens n’est pas le résultat de l’administration israélienne, mais qu’il remontait en fait à l’époque pré-étatique. Les Arabes palestiniens ont assassiné plus de 1 000 Juifs entre 1920 et 1967, et ils ont nettoyé ethniquement toutes les communautés juives des zones qu’ils ont capturées pendant la guerre de 1948, y compris la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Le terrorisme s’est simplement poursuivi après la victoire d’Israël dans sa guerre défensive de 1967. Yasser Arafat a organisé 61 opérations militaires du Fatah depuis la Cisjordanie dans les quelques mois qui ont suivi la guerre, et 162 Israéliens ont été tués par des terroristes entre 1968 et 1970. Visuellement et verbalement, le film dépeint Israël comme un occupant sans cœur. Rien ne nous est dit sur la dureté de la vie des Palestiniens sous domination égyptienne et jordanienne entre 1948 et 1967, les maladies infantiles endémiques, la stagnation économique et les droits civils et politiques restreints. De plus, le documentaire néglige complètement la vue d’ensemble des relations israélo-palestiniennes positives après 1967. Même si Israël cherchait à arrêter les terroristes, il a également institué l’autonomie et l’administration municipales palestiniennes, introduit la liberté d’expression et d’association, et considérablement modernisé l’économie palestinienne ainsi que la santé, le bien-être et l’éducation, faisant de la Cisjordanie et de Gaza la quatrième croissance économique du monde des années 1970 et 1980. Conformément à ses arrières-pensées politiques, Moreh essaie de dépeindre tous les Israéliens religieux, les « colons » et les partis de centre-droit comme extrémistes et intransigeants. Le film insinue qu’à l’instar de nombreux Palestiniens, de nombreux Juifs sont aussi des terroristes et incitent à la haine. Pour preuve, Moreh amplifie certains incidents, en particulier le cas des « colons » juifs d’Hébron qui ont formé le « Jewish Underground » en 1980. Le film ferait croire au public que le Jewish Underground, qui a blessé deux maires palestiniens, assassiné trois Palestiniens et comploté pour faire sauter jusqu’à quatre bus palestiniens et le Dôme du Rocher, est représentatif de la plupart des colons. (…) Le Shin Bet en a arrêté les dirigeants en 1984, et le gouvernement israélien et la grande majorité des Israéliens, y compris d’autres « colons » ont dénoncé le groupe, bien que certains dirigeants israéliens de l’époque aient continué à exprimer leurs inquiétudes concernant le manque de protection du gouvernement pour les Juifs d’Hébron. De même, parce que les peines infligées aux dirigeants de l’Underground juif ont été commuées, le film implique que le gouvernement israélien a été « gentil» envers les extrémistes juifs et fait du deux poids deux mesures, traitant les terroristes juifs avec beaucoup plus de clémence que les terroristes palestiniens. Mais ces membres n’ont été libérés qu’après avoir purgé près de sept ans de prison, non pas parce qu’Israël était « indulgent » envers les terroristes juifs, mais parce qu’Israël avait libéré les prisonniers palestiniens mêmes qui avaient perpétré les attentats qui ont poussé le Jewish Underground à s’organiser. (…) Moreh rend les actions du Shin Bet immorales ou contre-productives en minimisant le contexte du terrorisme. Moreh passe sous silence l’impact de la deuxième Intifada (2000-2005), mais les horreurs de son terrorisme et la haine fanatique qui ont motivé les kamikazes ont décimé le camp de la paix d’Israël, un fait critique que le film néglige tout simplement. Le public n’apprend pas que près de 1 100 Israéliens ont été assassinés et des milliers d’autres mutilés par des terroristes pendant la deuxième Intifada. Plus décevant encore, le film ne fait jamais allusion au défi de taille auquel ces directeurs du Shin Bet ont été confrontés. Israël combat les terroristes qui se cachent régulièrement parmi les civils palestiniens précisément pour se protéger des attaques de Tsahal, car ils savent que Tsahal essaie d’éviter de blesser des passants innocents. (…) Le film ne décrit pas non plus la nature de l’ennemi auquel Israël fait face. L’idéologie génocidaire du Hamas n’apparaît jamais dans les interviews. Pourtant, les objectifs du Hamas, clairement exprimés dans sa charte et les déclarations de ses dirigeants, appellent au meurtre des Juifs et à « l’annihilation » d’Israël, et sont empreints d’antisémitisme. Le film ignore l’incitation incessante à haïr et à tuer les Juifs qui imprègne officiellement et officieusement la société palestinienne. (…) Plus inquiétant encore, le spectateur n’apprend jamais qu’Israël a essayé à plusieurs reprises de faire précisément ce que préconise Moreh. Le film ne mentionne jamais les offres d’Israël d’échanger des terres contre la paix en 1967, 1979, 2000 et 2008, ni que les dirigeants palestiniens ont systématiquement rejeté ces offres. Moreh veut que le public partage son vœu pieux, qu’Israël peut mettre fin au conflit simplement en se retirant de la Cisjordanie. Mais l’histoire récente, omise du film, contredit cette attente. Israël s’est retiré de sa zone de sécurité au Liban en 2000 et s’est retiré de toutes ses implantations dont plus de 8 000 Israéliens de Gaza en 2005. Les résultats ont été une escalade des menaces et du terrorisme de la part du Hezbollah iranien au Liban et des supplétifs iraniens du Hamas à Gaza, qui a tiré plus de 13 000 roquettes et des mortiers sur les communautés du sud d’Israël entre 2005 et 2012. (…) L’effort de Moreh pour rendre responsables Israël et les actions du Shin Bet pour l’hostilité continue envers l’État juif revient à accuser la victime qui se défend au lieu de ses persécuteurs. Les documents présentés par les Gatekeepers aurait pu produire un film profond s’ils n’avaient été sacrifiés à un message politique et si le film avait été plus honnête intellectuellement et inclu le modèle historique de l’idéologie génocidaire, la violence en cours et les défis stratégiques existentiels auxquels Israël est confronté tous les jours. Roz Rothstein and Roberta Seid
La controverse se poursuit concernant le documentaire percutant nominé aux Oscars The Gatekeepers, car il est plus trompeur qu’éclairant. En interviewant les six derniers chefs du renseignement du Shin Bet (Agence de sécurité israélienne), le film montre la vitalité démocratique d’Israël tout en cherchant à la saper. Un Israël démocratique devrait débattre de la question palestinienne complexe et répondre au défi du film selon lequel l’approche d’Israël reste tactique et non stratégique. Mais il est également démocratiquement légitime de critiquer les distorsions du film, tout en défiant les six barbouzes pour avoir parlé si franchement devant la caméra. Malgré la culture voyeuriste de Facebook d’aujourd’hui, qui pousse à faire sortir chacune de nos pensées, le silence dans certains cas reste toujours d’or. Tout comme les prêtres doivent résister à l’envie de diffuser leurs confessions les plus sordides, les barbouzes ne doivent pas parler, qu’ils soient actifs ou retraités. Cette restriction devrait être auto-imposée et non dictée par le gouvernement; il s’agit d’un impératif moral et non juridique. Si la démocratie garantit aux citoyens le droit de s’exprimer librement, elle confie également à certains citoyens des responsabilités particulières. Les agents de renseignement deviennent des moines politiques, faisant vœu exceptionnel de service et de silence. À qui le peuple et ses dirigeants ont confié des secrets d’État et un point de vue unique, ils devraient être des patriotes timides devant les caméras, averses aux micros et allergiques à la rédaction de mémoires – malgré les avances sonnantes et trébuchantes ou les dividendes politiques. L’ancien directeur de la CIA George H.W. Bush était libre de se présenter à la présidence et les anciens directeurs du Shin Bet, Ami Ayalon et Yaakov Peri, sont entrés légitimement en politique. Bush a rarement mentionné sa carrière à la CIA, bien qu’il ait manifestement bénéficié de cette ligne de son CV. (…) En revanche, dans le film, Ayalon et compagnie expriment leur point de vue alors que l’intelligence se dirige vers la prédication et la politique. Ayalon, qui domine la fin du film, en un tour de passe-passe cinématographique qui fait que ses opinions de gauche semblent être la position consensuelle des six, a été flagrant quant à son programme. (…) Ce brouillage de leurs opinions «professionnelles» et «politiques» ressemble à une tentative de coup d’État de la part des chefs à la retraite du Shin Bet. Envelopper leurs conclusions politiques – et celles du réalisateur Dror Moreh – dans le manteau de la crédibilité qu’ils ont acquise en servant la nation dans cette position sensible contourne le processus politique. Sans surprise, le film a été adopté par les militants anti-israéliens du monde entier, dont la plupart ignorent la complexité morale et l’hostilité palestinienne que ces « gardiens » reconnaissent. Ces six ex-espions ne sont pas stupides ; ils ne peuvent pas prétendre être surpris que leur exposé cinématographique encourage les délégitimateurs d’Israël. En termes américains, imaginez l’indignation des libéraux si les six derniers directeurs de la CIA racontaient des histoires à l’intérieur décrivant le président Barack Obama comme un faible apaisant les terroristes, ou la fureur des conservateurs si les six derniers directeurs de la CIA se réunissaient avant 2008 pour raconter des histoires en dehors de l’école. dépeignant George W. Bush comme un fasciste piétinant les libertés civiles. (…) Un fossé d’indignation continue de distordre le discours au Moyen-Orient. Le Hamas peut endoctriner les adolescents de Gaza pour qu’ils respectent sa charte prévoyant la destruction d’Israël, l’Autorité palestinienne peut renverser la démocratie en maintenant son président en fonction longtemps après l’expiration de son mandat, mais Israël reste considéré comme le danger. Une récente réaction du public à la Cinémathèque de Jérusalem a montré comment le film renforçait cette boussole morale dévoyée. (…) le public a réagi viscéralement aux descriptions de la mort de deux terroristes palestiniens battus lors de l’horrible scandale du Bus 300, mais a semblé blasé à propos des photos de la boucherie des attentats-suicides. (…) Les extraits soigneusement choisis des espions parlants présentent une histoire simpliste, en noir et blanc et à sens unique, accusant Israël et privant les Palestiniens de leur responsabilité, culpabilité et dignité. Pour souligner la culpabilité d’Israël, The Gatekeepers exagère l’impact de l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995. L’assassin de Rabin n’a pas « assassiné l’espoir » – c’est le Hamas et le Jihad islamique qui l’ont fait. Dans « Israel : A History », l’historienne Anita Shapira observe à juste titre qu’« après le meurtre de Rabin, le public israélien penchait vers la gauche, et la victoire de Peres semblait assurée » aux élections de 1996, jusqu’à ce que le terrorisme palestinien entre en scène. Et même après cela, les deux premiers ministres suivants, issus de deux partis opposés, Binyamin Netanyahu et Ehud Barak, ont poursuivi le processus de paix. Oslo est mort lorsque Yasser Arafat a même refusé de proposer une contre-proposition à Camp David II en juillet 2000, puis a soutenu le retour des Palestiniens au terrorisme. (…) Je ne connais aucun film palestinien s’angoissant sur des dilemmes similaires. (…) Quand suffisamment de dirigeants palestiniens seront également angoissés, également prêts à passer du meurtre à la conversation, alors la paix à laquelle tant d’entre nous aspirent sera réalisable. Jusque-là, je veux que mes agents de renseignement soient discrets, volontaires et implacables. Gil Troy
Les espions devraient plus souvent regarder les séries télévisées. C’était il y a quelques mois. Al-Quds, la chaîne de télévision de Gaza, diffusait alors le premier épisode d’une série baptisée Le Poing des hommes libres. Un programme tout à la gloire du Hamas, destiné à faire contrepoids au feuilleton israélien Fauda, mettant en scène un commando israélien dont la mission consiste à infiltrer l’organisation terroriste et les groupes djihadistes palestiniens de Gaza. Pour contrebalancer le succès de la série israélienne, diffusée dans le monde entier (que les 2 millions d’habitants de la bande de Gaza regardaient aussi sur Netflix ou des sites de streaming illégaux), les scénaristes, financés par le Hamas, ont largement plagié ceux de Fauda. Mais en prenant un angle évidemment tout à fait différent et très flatteur pour les combattants de l’organisation terroriste palestinienne, en ridiculisant Tsahal, le Mossad mais aussi l’Autorité palestinienne et les cadres du Fatah. Plus inattendu, cette série télé démontrait surtout l’ambition militaire sans limite des dirigeants de l’organisation terroriste. Dans l’un des épisodes, il est en effet question d’une vaste opération sur le sol de l’État hébreu provoquant la mort de centaines d’Israéliens. Plusieurs milliers de combattants infiltraient les villages frontaliers, des drones équipés de bombes détruisaient les villages et les casernes de l’État hébreu, des prises d’otages massives permettaient aux combattants du Hamas de constituer des boucliers humains… Depuis le 7 octobre, il ne s’agit plus du modeste scénario d’un programme audiovisuel de propagande. Le Hamas a déclenché l’opération imaginée par les scénaristes du Poing des hommes libres. Sa puissance de feu démontre que l’opération était préparée de longue date. Elle prouve aussi que les quatre offensives d’Israël depuis 2007 contre Gaza, destinées à ruiner son potentiel militaire (en 2021, le Hamas avait lancé 4 000 roquettes vers l’État hébreu) n’ont servi à rien. Le Hamas est désormais capable de produire ses roquettes en nombre illimité. Depuis sa base de Gaza, il est militairement plus fort que jamais. Quant à son agenda politique – la destruction de l’État d’Israël –, il est intact. Romain Gubert
En matière de renseignement électronique, le silence, la modification des comportements sont aussi des signes qu’il faut savoir analyser. Normalement, un changement de pratique déclenche une alerte. Responsable du renseignement
La masse d’entraînement, de logistique, de communication, de personnels et d’armes nécessaires ont laissé une empreinte énorme. Cela suggère une implication iranienne, étant donné la complexité de l’attaque, tout en soulignant le colossal échec du renseignement.  (…) Il faut voir une vraie nouveauté dans ce dégrafage des outils numériques les plus modernes, associé à une appropriation de moyens très low-tech qui laissent les services de renseignements adverses de côté et les rend aveugles. Si en plus, ils ont déserté le terrain et entretiennent des rapports compliqués avec le pouvoir politique, ça devient vraiment compliqué. Sans oublier que l’ennemi a appris à se coordonner, à utiliser des moyens multi-milieux et une communication en temps réel pour démultiplier les effets hallucinants de la terreur. Marc Polymeropoulos (ancien de la CIA)
Le cyberrenseignement peut conduire à se sentir surprotégé derrière des murs, derrière la modernité des drones. Déserter le terrain, se déshumaniser derrière des écrans conduit à ne plus comprendre ce qui se passe, à ne plus orienter correctement la recherche. C’est le virage qui s’est produit. On peut leur taper dessus, mais la réalité que nous enseigne l’Histoire, c’est qu’il arrive qu’on ne voie pas les choses. Alexandre Papaemmanuel (Sciences Po Paris)
La poursuite du projet de loi créera un fossé irréparable dans la société israélienne et portera gravement atteinte à la résilience nationale et au dispositif de sécurité israélien. Lettre des vétérans du Shin Beth
Le président égyptien Abdel Fattah Al Sisi n’est pas tendre avec le Hamas, allié aux Frères musulmans qui ont tenté d’imposer un régime islamiste dans son pays il n’y a pas si longtemps. Il craint que les terroristes du Hamas ne franchissent la frontière égyptienne avec une marée de civils. Un moyen de réduire cette possibilité serait de loger les réfugiés dans des camps pendant que l’on vérifie qu’ils n’ont pas de liens avec le Hamas. Le reste du monde devrait soutenir l’effort des Nations unies en ce sens. Mais assumer ce fardeau pratique et financier est un risque que M. Sisi ne voudra peut-être pas prendre deux mois avant que l’Égypte n’organise ce qui passe pour des élections. Le moment est mal choisi par M. Sisi, mais s’il ne cède pas, l’Égypte sera en partie responsable de ce qui pourrait devenir une terrible crise humanitaire – et ce, si Israël parvient à éradiquer le Hamas.  Si la stratégie du Hamas réussit et qu’Israël est contraint par la pression internationale de réduire ses opérations défensives, l’Égypte devra vivre avec un Hamas enraciné et enhardi de l’autre côté du point de passage de Rafah. C’est également une bonne raison pour les partenaires internationaux de l’Égypte d’encourager M. Sisi à ouvrir le point de passage. Les États-Unis fournissent des milliards de dollars d’aide au Caire chaque année. Il est raisonnable que Washington s’attende à ce qu’un bénéficiaire d’aide aussi important contribue à briser l’emprise du Hamas sur les civils de Gaza lorsque cela est dans l’intérêt de l’Égypte, d’Israël et de l’Amérique. En ce qui concerne la situation à Gaza, les dirigeants des États-Unis, d’Europe et d’ailleurs doivent à leurs concitoyens d’être honnêtes sur ce qui se passera dans les jours à venir, et notamment sur la responsabilité des victimes civiles. (…) Aucun gouvernement ne peut se permettre d’encourager la stratégie du Hamas, intentionnellement ou non, et cela inclut l’Égypte. WSJ
Il vous suffit de continuer à prétendre que vous allez rompre avec le terrorisme et que vous allez reconnaître Israël – encore et encore et encore. Ceausescu (à Arafat, 1978)
Cessez de parler de l’anéantissement d’Israël et transformez votre guerre terroriste en une lutte pour les droits de l’homme. Alors, le peuple américain vous mangera dans la main.  Général Vo Nguyen Giap
Les Palestiniens viennent toujours ici et me disent : « Vous avez expulsé les Français et les Américains. Comment expulser les Juifs ? Je leur dis que les Français sont retournés en France et les Américains en Amérique. Mais les Juifs n’ont nulle part où aller. Vous ne les expulserez pas. Général Vo Nguyen Giap
Le peuple palestinien n’existe pas. La création d’un État palestinien n’est qu’un moyen de poursuivre notre lutte contre l’État d’Israël pour notre unité arabe… Ce n’est que pour des raisons politiques et tactiques que nous parlons aujourd’hui de l’existence d’un peuple palestinien, car les intérêts nationaux arabes exigent que nous posions l’existence d’un « peuple palestinien » distinct pour s’opposer au sionisme. Oui, l’existence d’une identité palestinienne distincte n’existe que pour des raisons tactiques.  Zuheir Mohsen (haut dirigeant de l’OLP, 1977)
Arafat était un important agent secret du KGB (…) Juste après la guerre israélo-arabe des six jours de 1967, Moscou l’a nommé président de l’OLP. C’est le dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser, une marionnette soviétique, qui a proposé cette nomination. En 1969, le KGB a demandé à Arafat de déclarer la guerre au « sionisme impérial » américain lors du premier sommet de l’Internationale du terrorisme noir, une organisation néo-fasciste pro-palestinienne financée par le KGB et le Libyen Mouammar Kadhafi. Le cri de guerre impérialo-sioniste a tellement plu à Arafat qu’il a prétendu plus tard l’avoir inventé. Mais en fait, le « sionisme impérial » est une invention de Moscou, une adaptation moderne des « Protocoles des Sages de Sion », et depuis longtemps l’outil favori des services secrets russes pour fomenter la haine ethnique. Le KGB a toujours considéré l’antisémitisme et l’anti-impérialisme comme une source abondante d’anti-américanisme. Ion Mihai Pacepa (ancien chef des services de renseignement roumains)
Nous devions instiller une haine de type nazi pour les Juifs dans l’ensemble du monde islamique et transformer cette arme des émotions en un bain de sang terroriste contre Israël et son principal soutien, les États-Unis. (…) L’Islam était obsédé par la prévention de l’occupation de son territoire par les infidèles, et il serait très réceptif à notre caractérisation du Congrès américain comme un organe sioniste rapace visant à transformer le monde en un fief juif. Youri Andropov
Le mouvement palestinien est le seul mouvement national pour l’autodétermination politique dans le monde entier, et dans toute l’histoire du monde, à avoir pour seule raison d’être la destruction d’un État souverain et le génocide d’un peuple. David Meir-Levi
Le mensonge de l' »apartheid israélien » a été imaginé à Moscou pendant la guerre froide et a fait l’objet d’une campagne de propagande soviétique incessante jusqu’à ce qu’il s’impose aux Nations unies et dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Occident. Les médias soviétiques et des ouvrages tels que Zionism and Apartheid, publication officielle de l’Ukraine, qui faisait alors partie de l’Union soviétique, ont notamment comparé à plusieurs reprises Israël à l’Afrique du Sud. Lorsqu’Israël a été rétabli en 1948, à la suite de la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, le nouvel État a d’abord poursuivi une politique de non-alignement. Entouré d’ennemis, il avait besoin du soutien économique et des armes des États-Unis, de l’URSS ou de leurs alliés. Compte tenu des influences politiques socialistes en Israël, les dirigeants soviétiques s’attendaient à ce que le pays se tourne vers le communisme et s’aligne sur l’URSS, renforçant ainsi la puissance soviétique au Moyen-Orient et sa concurrence plus large avec l’Occident. L’une des principales raisons pour lesquelles Staline a rapidement reconnu Israël en 1948 était l’intention de l’utiliser pour saper la domination britannique au Moyen-Orient. Malgré les efforts considérables déployés par les Soviétiques, ouvertement et secrètement, pour attirer Israël dans leur giron, il se peut que cet espoir ait été vain dès le départ. Quoi qu’il en soit, les pressions de la guerre froide dans les années 1950, ainsi que les considérations de politique intérieure et les préoccupations liées à l’antisémitisme au sein de l’Union soviétique, ont conduit le Premier ministre israélien David Ben Gourion à aligner son pays sur l’Occident, en commençant par soutenir l’intervention de l’ONU en Corée sous l’égide des États-Unis, contre la volonté de l’Union soviétique. La participation d’Israël à la campagne de Suez en 1956, aux côtés du Royaume-Uni et de la France, a encore aliéné le gouvernement soviétique, qui a écrit une lettre à Jérusalem (ainsi qu’à Paris et à Londres) pour menacer d’attaques à la roquette et promettre un soutien militaire direct à l’armée égyptienne. La rupture des relations israélo-soviétiques a été aggravée par les victoires défensives d’Israël contre les Arabes en 1967, puis en 1973. Au cours de cette période, l’espoir de voir Israël devenir un client soviétique s’est progressivement évanoui. Les armées arabes parrainées, entraînées et équipées par l’URSS avaient été humiliées par les Israéliens armés par les Américains, tout comme Moscou. Les Soviétiques ont donc progressivement développé une politique de sape à l’égard d’Israël. Leur objectif premier était d’utiliser le pays comme une arme dans leur lutte contre les États-Unis et l’Occident dans le cadre de la guerre froide. Le Kremlin a compris que les attaques conventionnelles contre Israël ne pouvaient pas réussir et s’est donc concentré sur l’utilisation des Arabes comme mandataires terroristes, en dirigeant, entraînant, finançant et armant des groupes tels que le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), le FPLP-Commandement général (FPLP-CG), le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) et le Fatah pour mener des attaques contre des cibles israéliennes et juives, y compris une vague après l’autre de détournements d’avions. Le général Ion Pacepa, chef du service de renseignement extérieur de la Roumanie, a joué un rôle important dans les opérations du bloc soviétique dirigées contre Israël et les États-Unis. En 1978, il est devenu l’officier de renseignement le plus haut placé à quitter la sphère soviétique et, parmi de nombreuses révélations secrètes, il a fourni des détails sur les opérations du KGB contre Israël. Pacepa raconte que le président du KGB, Youri Andropov (qui succédera à Leonid Brejnev au poste de secrétaire général du parti communiste soviétique), lui a dit : « Nous devions instiller une haine de type nazi pour les Juifs dans tout le monde islamique et transformer cette arme des émotions en un bain de sang terroriste contre Israël et son principal soutien, les États-Unis ». (…) Pour atteindre ses objectifs, le Kremlin a conçu l’opération SIG, une campagne de désinformation destinée à « retourner l’ensemble du monde islamique contre Israël et les États-Unis. Selon Pacepa, le KGB a créé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) au début des années 1960, tout comme il avait orchestré des armées dites de libération nationale dans plusieurs autres parties du monde. Selon lui, la Charte nationale palestinienne de 1964 a été rédigée à Moscou. Ce document a joué un rôle fondamental dans l’invention et l’établissement d’une nation palestinienne artificielle. La charte initiale ne revendiquait pas la Cisjordanie ou la bande de Gaza pour la « Palestine ». En fait, elle répudie explicitement tout droit sur ces terres, les reconnaissant faussement comme des territoires souverains jordaniens et égyptiens. L’OLP revendiquait plutôt le reste d’Israël. Ces dispositions ont été modifiées après la guerre de 1967, lorsqu’Israël a chassé les occupants illégaux jordaniens et égyptiens, et que la Cisjordanie et la bande de Gaza ont été pour la première fois rebaptisées « territoire palestinien ». La première mention d’un « peuple palestinien » pour désigner les Arabes de Palestine figure dans la charte de 1964. Auparavant, et en particulier pendant le mandat de la Société des Nations et des Nations unies pour la Palestine (1919-1948), le terme « Palestiniens » était couramment utilisé pour désigner les Juifs vivant sur le territoire. Zuheir Mohsen, l’un des principaux dirigeants de l’OLP, a admis en 1977 : « Le peuple palestinien n’existe pas. La création d’un État palestinien n’est qu’un moyen de poursuivre notre lutte contre l’État d’Israël pour notre unité arabe… Ce n’est que pour des raisons politiques et tactiques que nous parlons aujourd’hui de l’existence d’un peuple palestinien, puisque les intérêts nationaux arabes exigent que nous posions l’existence d’un « peuple palestinien » distinct pour s’opposer au sionisme. Oui, l’existence d’une identité palestinienne distincte n’existe que pour des raisons tactiques. « Cette réalité a été publiquement soutenue, parfois par inadvertance, dans les déclarations de plusieurs autres dirigeants palestiniens. Cité par Alan Hart dans son livre de 1984, Arafat : A Political Biography, le chef de l’OLP, Yasser Arafat, a lui-même déclaré : « Le peuple palestinien n’a pas d’identité nationale : « Le peuple palestinien n’a pas d’identité nationale. Moi, Yasir Arafat, homme de destin, je lui donnerai cette identité par le biais d’un conflit avec Israël ». C’est en 1965 que Moscou a pour la première fois porté devant les Nations unies sa campagne visant à qualifier les Juifs israéliens d’oppresseurs du « peuple palestinien » qu’ils avaient inventé. Ses tentatives pour qualifier le sionisme de racisme ont échoué à l’époque, mais ont abouti presque dix ans plus tard à la tristement célèbre résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies. Sa détermination que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale » a été révoquée sous la pression des États-Unis en 1991, mais elle avait alors gagné beaucoup de terrain et est fréquemment citée aujourd’hui par les militants anti-israéliens. Les documents Mitrokhin [notes de l’archiviste du KGB, puis du transfuge Vasili Mitrokhin] montrent que Yasser Arafat et son successeur à la tête de l’OLP, Mahmoud Abbas, aujourd’hui président de l’Autorité palestinienne, étaient tous deux des agents du KGB. Tous deux ont joué un rôle déterminant dans les opérations de désinformation du KGB ainsi que dans ses campagnes terroristes. Moscou, par l’intermédiaire de l’Égypte, avait installé Arafat à la tête de l’OLP en 1969 et l’avait maintenu à ce poste malgré les dissensions internes qui avaient suivi l’expulsion de l’OLP de Jordanie en 1970.  (…) Moscou avait confié à la Roumanie la tâche de soutenir l’OLP, et Pacepa était l’homme de main d’Arafat pendant sa carrière au KGB. Il a fourni à Arafat 200 000 dollars d’argent blanchi chaque mois tout au long des années 1970. Pacepa a également facilité les relations d’Arafat avec le président roumain Nicolae Ceaușescu, un maître de la propagande qui avait été chargé de lui apprendre à tromper l’Occident. (…) Entre autres tâches, Abbas a été utilisé par le KGB pour diffuser une propagande accusant « l’impérialisme occidental et le sionisme » de coopérer avec les nazis. Au début des années 80, il a fréquenté une université moscovite contrôlée par le KGB, où, sous la supervision de son professeur, devenu par la suite un haut responsable politique communiste, Abbas a rédigé une thèse de doctorat niant l’Holocauste et accusant les sionistes d’avoir aidé Hitler. (…) La campagne de désinformation du KGB a transformé l’image d’Israël, qui est passé du statut d’outsider régional entouré d’ennemis puissants à celui d’oppresseur colonialiste largement détesté et d’occupant du peuple palestinien opprimé, un récit qui reste aussi fort que jamais aujourd’hui. En attendant, le mouvement palestinien créé par Moscou est, selon l’historien américain David Meir-Levi, « le seul mouvement national pour l’autodétermination politique dans le monde entier, et dans toute l’histoire du monde, à avoir pour seule raison d’être la destruction d’un État souverain et le génocide d’un peuple ». Cela reste explicite dans la charte du Hamas, alors que les déclarations de l’Autorité palestinienne d’Abbas, influencées par l’Union soviétique, sont un peu plus opaques, surtout lorsqu’elles sont dirigées contre l’Occident. (…) Entre-temps, le vote de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre et la détermination du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à qualifier Israël d’État raciste et d’apartheid prouvent que le discours soviétique de la guerre froide est toujours d’actualité. La plupart des nations occidentales suivent encore servilement le programme soviétique. L’érosion croissante du soutien populaire à Israël aux États-Unis, provoquée par les médias, et les divisions qui en résultent, sont la preuve du succès des fantômes soviétiques contre leur cible principale : l’Amérique : l’Amérique. Les principales victimes ont toutefois été les Arabes palestiniens, dont la vie s’est dégradée, et les Juifs de la diaspora, qui ont souffert d’un antisémitisme incommensurable fondé sur la propagande initiée par les Soviétiques. Le premier n’était peut-être pas intentionnel, mais Moscou ne s’en serait pas soucié ; le second faisait partie intégrante du plan. Col. Richard Kemp (ancien commandant de l’armée britannique)
What is Palestine? From time immemorial, Jews occupied the spot history knows as “Judaea.” What happened to that? (…) Hadrian, who ruled from AD 117 to 138 (…) brutally put down the Bar Kokhba revolt of AD 132-136 and, in an effort to stamp out any remnants of Jewish nationalism killed, or exiled the entire population and renamed “Judaea” “Syrian Palestine.” The “Palestinians” that we know and love today were an invention of the KGB and their puppet Yasser Arafat, an educated, middle-class Arab of Egyptian origin who devoted his life to murderous anti-American mischief. (Among other things, he arranged for the murder of Cleo Noel, the US ambassador to Sudan.) Ion Mihai Pacepa, the former chief of Romanian intelligence, defected to the US and wrote about the links between Arafat and the KGB: “Arafat was an important undercover operative for the KGB,” Pacepa wrote in the Wall Street Journal (…) Somehow, those details are omitted by the “pro-Palestinian” lobby in their pursuit of ecstatic antisemitism, as is the inconvenient fact that “prior to the PLO Charter being released in 1964, no one referred to Palestinians with the same intent as used today. There is a reason no mention exists prior to that moment. The KGB had not created the fictitious people until that time.” Don’t believe it? How about this statement from Zuheir Mohsen, a senior PLO leader, in 1977: The Palestinian people do not exist. The creation of a Palestinian state is only a means for continuing our struggle against the state of Israel for our Arab unity… Only for political and tactical reasons do we speak today about the existence of a Palestinian people, since Arab national interests demand that we posit the existence of a distinct “Palestinian people” to oppose Zionism. Yes, the existence of a separate Palestinian identity exists only for tactical reasons. » The history of the Levant makes for a complicated story, not least its recent history. I will not try to tell it all here. But the idea that the Jews are illegitimately occupying territory that really belongs to “the Palestinians” is a politically-motivated historical falsehood that only an unhappy terrorist or a half-educated Western leftie, could believe. Roger Kimball
C’est la cause de toutes les causes, la cause de tous les Arabes. Il est important que le peuple reste ferme et présent sur sa terre. Abdel Fattah al-Sisi (président égyptien)
J’ai vu des bébés assassinés. J’ai vu des enfants assassinés. J’ai vu des mères et des enfants assassinés ensemble. Yossi Landau (ZAKA, organisation israélienne de secouristes)
Les documents ont été trouvés sur les corps des terroristes du Hamas par des secouristes israéliens et communiqués à NBC News. Ils contiennent des plans détaillés et montrent que le Hamas avait l’intention de tuer ou de prendre en otage des civils et des écoliers. Une page intitulée « Top Secret » décrit un plan d’attaque pour Kfar Sa’ad, indiquant que « l’unité de combat 1 » est chargée de « contenir la nouvelle école Da’at », tandis que « l’unité de combat 2 » doit « collecter des otages », « fouiller le centre de jeunesse Bnei Akiva » et « fouiller l’ancienne école Da’at ». Une autre page intitulée « Manœuvre top secrète » décrit un plan pour qu’une unité du Hamas sécurise le côté est de Kfar Sa’ad tandis qu’une deuxième unité contrôle l’ouest. Il est écrit « tuer autant de gens que possible » et « capturer des otages ». D’autres ordres prévoient d’encercler un réfectoire et d’y détenir des otages. Le plan détaillé de l’attaque de Kfar Sa’ad fait partie d’un ensemble de documents que les responsables israéliens sont en train d’analyser, selon une source de l’armée israélienne et une source du gouvernement. La vidéo de surveillance de terroristes du Hamas entrant dans un kibboutz le 7 octobre montre des tactiques similaires à celles décrites dans les documents obtenus par NBC News. Les responsables israéliens ont déclaré que l’ensemble des documents montre que le Hamas a systématiquement recueilli des renseignements sur chaque kibboutz bordant la bande de Gaza et a élaboré des plans d’attaque spécifiques pour chaque village, en ciblant intentionnellement les femmes et les enfants. (…) Le plan d’attaques coordonnées va à l’encontre des récentes affirmations du Hamas selon lesquelles il n’a pas tué d’enfants. Une vidéo publiée par le Hamas vendredi montre des terroristes armés tenant et nourrissant des enfants israéliens pris en otage, y compris des bébés. NBC news
Les meilleurs cerveaux palestiniens, les professionnels les plus expérimentés ne veulent plus entendre parler depuis bien longtemps de processus de paix. Ziyad Clot (2010)
La cause palestinienne ? C’est une histoire collective d’héroïsme arabe où, à la fin, seuls les Palestiniens et les Juifs sont tués. Que reste-t-il d’ailleurs aujourd’hui de la « cause palestinienne » qui berça les jeunesses du monde dit arabe depuis presque un siècle ? Les islamistes du Hamas, les armées imaginaires de libérateurs médiatiques de la Palestine souvent bien installés dans un pays arabe, de préférence une monarchie du Golfe, la judéophobie enseignée dès l’enfance et l’inhumanité proclamée comme réponse sacrée et, enfin, les régiments d’intellectuels « arabes » pour qui « libérer la Palestine », c’est faire le procès de l’Occident et attendre de lui ce qu’ils n’exigent pas d’eux-mêmes. Voilà le bilan d’une longue guerre qui aujourd’hui perd son humanité, c’est-à-dire se racialise, se confessionnalise. Pour toutes ces raisons, les images des raids des brigades du Hamas en Israël n’offrent pas une victoire, comme hurlé partout dans le monde « arabe », mais une retentissante défaite. Ces vidéos qui montrent des civils ligotés, des femmes kidnappées, des enfants emprisonnés, des vieilles personnes baladées comme des trophées de guerre, sont désormais saluées, dans la « rue arabe », non comme un épisode de décolonisation, mais pour la confirmation d’un messianisme antijuif né il y a plus de mille ans. Depuis presque une semaine, un violent frisson traverse les « influenceurs » de l’islamisme en armes ou en opinion, les fidèles que l’exaltation sauve de l’ennui dans leurs pays, les salles de café où l’on repasse en boucle ces butins médiatiques. Si le discours se veut – si faiblement – décolonial, on se croit surtout arrivé à la fin, tant recherchée, du monde : celle où le Juif sera vaincu, et l’Occident avec lui, pour que règne le « royaume de Dieu » version minaret. Des régimes « arabes » – qui trouvent là l’occasion de crier victoire par la fable et de faire oublier les échecs locaux retentissants – aux citoyens ou aux intellectuels désœuvrés depuis les indépendances – et qui pensent revivre l’épopée sur le dos courbé du Palestinien –, tous ont crié au triomphe. Et, pourtant, c’est la plus terrible des défaites que nous vivons avec ces images du Hamas. Voilà en effet la « cause palestinienne » définitivement islamisée, confessionnalisée, devenue un espoir dément de fin de monde plutôt qu’un désir d’avoir un pays viable à côté du pays de l’autre. La voilà, cette « cause », transformée, ailleurs, en cache-misère des échecs autochtones dans les pays dits arabes. La voilà parée de sauvagerie légitime au nom de la loi du talion, la voilà déshumanisée par l’excuse de la vengeance. Car c’est une défaite par l’inhumanité. Quelle inhumanité donc ? Celle qu’on s’autorise au nom de la « cause », au nom de la « fin ». Et la « cause » perd du coup en images, en sympathie internationale, en sens, en bien-fondé, lorsqu’elle se présente sous cette forme de barbarie médiatique qui préfère le rapt d’une femme à la victoire sur une armée adverse. Une cause inhumaine parce qu’elle dope aujourd’hui une loi des opinions islamisées : on n’est sensible, accessible, qu’au musulman. Voici une croyance devenue le talon de la seule humanité tolérée, la seule espèce dotée d’une âme aux yeux de ses adeptes. Les autres, qu’ils soient juifs, occidentaux, chinois ou peuls, sont des « impies » qu’il est légitime de tuer, de violer et de capturer. La cause palestinienne vient d’être talibanisée. Elle était sacrée, elle dérape dans le mauvais sens de l’Histoire. (…) Aujourd’hui, « la Palestine » sous le Hamas et ses propagandes ne gagne rien. Elle perd les raisons humaines de sa résistance. Elle se talibanise, se mue en une guerre sacrée où l’on se soucie moins de vivre que de mourir en martyr. Elle se consacre comme une barbarie qui prétexte de la barbarie des autres en face. (…) En ce moment, dans l’immédiat, ce sont surtout les radicalités qui gagnent, les morts qui se comptent et se compteront de part et d’autre et ces images terribles d’Israéliens lynchés qui sont la défaite réelle de la « cause palestinienne ». Kamel Daoud
Les terroristes avaient massacré les femmes, les enfants, les chiens, les chats, les poules, les vaches d’élevage… tout ce qui pouvait respirer ou faire du bruit, alerter. Puis tout fut brûlé des quelque dix hameaux dans ces hauteurs tribales et anciennes de l’Ouest algérien. On kidnappa à la fin quelques jeunes femmes pour le harem des grottes et des forêts. Elles seraient violées, engrossées puis tuées. Le massacre fit en une nuit plus de 1 000 morts (peut-être plus car beaucoup n’étaient pas inscrits à l’état civil). Et lorsque je donnai ce chiffre de retour à Oran, on grimaça et on ne sut quoi en faire. (…) À l’époque, les élites algériennes, qu’on nomme « de gauche », vivaient cruellement la terreur islamiste. Elles avaient une lucidité précoce quant aux mœurs du monstre islamiste, à ses méthodes et à son but ultime. On savait, avant tous les autres, le coût du califat. La mort enseignait la grande leçon, précise et éclairée. C’était notre avance sur l’Occident, cette lucidité. C’est pourquoi quand advint l’horreur du 7 octobre en Israël, je fus doublement choqué. Doublement piégé. Doublement scandalisé. Doublement muet. Et doublement en colère, jusqu’à perdre les mots. (…) Etre palestinien vous dispensait de tout, de travailler, d’habiter le monde, de rejoindre l’humanité, de penser ses échecs, de libérer son propre pays. Ce cri de routine était le cri de ralliement d’une haine que je découvrais peu à peu avec le temps: la judéophobie. Haïr le Juif nous dispensait de tout. Le Juif incarnait cette altérité refusée, menaçante pour l’univers utérin « arabe ». Cette culture de la paranoïa et du complot universel du monde dit « arabe »; cette haine qui trouve dans une « cause » l’occasion de blanchir son essence obscure. Pire encore, « libérer la Palestine » autorisait un jeu de rôle tortueux et inconnu pour l’Occident: rejouer la décolonisation par projection, son épopée sublimée et aussi ses avantages pour l’égo. Ainsi, dans ce monde dit arabe, tout pouvait attendre tant qu’on n’avait pas libéré la Palestine. (…) A propos de l’intifada palestinienne, Mahmoud Darwich, l’immense poète palestinien, disait même ceci: « A la fin, l’intifada a nui au peuple palestinien. Elle est devenue un métier. » Et le sentiment propalestinien a nui à la Palestine, il est devenu un autre métier. (…) Et le 8, le 9, le 10 ? Je découvris cette ampleur incroyable de la judéophobie chez les miens. Cette irrationalité haineuse, cette conscience criminelle ou ignorante, prétextait du droit de s’indigner de la mort horrible du Palestinien à Gaza. Elle n’en fabriquait qu’une monstrueuse compassion grimée en solidarité. Je découvris cette judéophobie d’ambiance, de culture, de ralliement et de parade. En vérité, chez les miens, souvent, le propalestinien habillait l’antijuif et le néant en soi après les décolonisations. Mais il restait pire à vivre et à réfléchir. Car dès les premières semaines, une idée fixa mon esprit sur son impasse: pourquoi, dans les pays « arabes » touchés par l’horreur des islamistes en armes, des élites laïques, de gauche, modernistes, instruites, prenaient la défense du « monstre » islamiste en Palestine au nom du décolonial ? Comment des survivants de la guerre civile algérienne pouvaient aujourd’hui « comprendre » le monstre et l’excuser, et le défendre au nom d’un idéal de décolonisation hystérisé et sublimé jusqu’à l’absurde ? Comment se fait-il que ceux-là mêmes qui en savent le plus sur le « monstre du califat » en viennent à jouer les plus ignorants et à s’en faire les avocats ? (…) Pour pérenniser le récit de la décolonisation imaginaire, pour continuer à faire la guerre à l’Occident imaginaire, pour se prendre pour des héros et se chéguévariser, les élites chez nous recouraient à la plus détestable des ruses : habiller le monstre islamiste du Hamas avec l’habit prestigieux et démodé du décolonial, sur le dos du Palestinien qui mourait entre l’armée israélienne et les katibas du Hamas. Ainsi, même si l’on sait ce qu’est un monstre, il devindra par cette grâce un monstre de « chez nous », donc l’un des nôtres, donc notre représentant, donc notre bras armé. La haine du Juif va si loin qu’elle peut s’accommoder de l’alliance avec le pire du « bien » recalculé. Ceux-là même qui d’Alger couraient vers les capitales occidentales et les aéroports pour fuir le « monstre » de l’islamiste algérien dans les années 1990, les voilà à applaudir un carnage au nom du « remake » et de l’illusion du décolonial. Kamel Daoud
La cause palestinienne est morte le 7 octobre 2023, assassinée par des éléments fanatisés, englués dans une idéologie islamiste de la pire espèce. Le Hamas est l’ennemi, pas seulement du peuple israélien, mais aussi du peuple palestinien. Un ennemi cruel et sans aucun sens politique, manipulé par un pays où l’on pend de jeunes opposants pour une histoire de voile sur la tête. La prise d’otages et le chantage à leur exécution ne font qu’exacerber notre colère à tous. Cette brutalité vient de loin. Certes de l’occupation et des humiliations subies par une jeunesse sans avenir, vite prise en main par un mouvement islamiste dépendant du bon vouloir de l’Iran. (…) Ne pas confondre le Hamas avec la population (2,5 millions de personnes), qui vit sous occupation et embargo. Tahar Ben Jelloun
Look what they’ve done to my cause, ma !
Zélotes, sicaires,  « assassins », machine infernale, carbonari, anarchistes, nihilistes russes (Narodnaïa Volia, Kaliaïev), Auguste Vaillant, Caserio, Émile Henry, Gavrilo Princip, IRA, Igourn, FLN, OAS, KKK, Black Panthers, Brigades rouges, Fraction Armée Rouge (« bande à Baader »), Action directe, F.A.R.C, Sentier lumineux, Tigres tamouls, Révolution islamique iranienne, Khomeyni, FPLP, Hezbollah, Hamas, G.I.A, , PKK, tchéchènes, Talibans, Al-Quaïda (et ses versions régionales), Ben Laden, Etat islamique, Boko haram …

Longue est la tradition et multiples les groupes et les noms qui ont fait la triste et tragique histoire du terrorisme …

A savoir contre le monopole étatique de la violence à qui l’on doit la pacification récente et relative de nos sociétés  …

Le passage, avec l’invention de l’explosif chimique et des médias de masse, ainsi que le réveil religieux de l’islam …

De l’assassinat politique à la violence totale de l’indiscrimination des victimes …

Mais à l’heure où après le massacre du siècle (l’équivalent peut-être proportionnellement de cinq 11 septembre ou de 150 Bataclan pour le petit Etat hébreu) …

Un étrange fiasco des cracks des cracks des Renseignements israéliens …

Mais qui entre Fauda et The Gatekepers n’avaient pas cessé ces dernières années d’abreuver leurs ennemis de films ou d’émissions sur leurs méthodes …

Les poussant d’ailleurs à produire leur propre série anti-Fauda !

Tout en se déchirant politiquement en se prenant pour le Lichtenstein …

L’Occident et le monde, au moins partiellement, semble enfin reconnaitre …

Comme en témoignent la Tour Eiffel et les autres monuments du monde en bleu et blanc…

Mais aussi un nouvel attentat islamique et plusieurs tentatives sur le sol français …

La menace sous laquelle vit Israël depuis au moins 70 ans …

Mais aussi le vrai visage, longtemps dissimulé y compris par ses idiots utiles occidentaux

D’un terrorisme palestinien qui pourrait bien, dans cette ultime orgie de violence sacrificielle, avoir signé son acte de décès …

Retour avec la tribune de l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun

Ou celle du franco-algérien Kamel Daoud

Pleurant la mort de leur cause prétendument « sacrée »

Création de toute pièces, on le sait, de Moscou via les services secrets roumains …

Comme machine de guerre de la Guerre froide contre les Etats-Unis …

Sur cette étrange incapacité des voix arabes les plus lucides …

Comme de leurs idiots utiles chez nous en Occident …

A sortir de l’ornière de l’excuse et du prétexte d’Israël pour expliquer leurs faillites et leur sous-développement …

Oubliant à chaque fois de rappeler que  la fameuse « occupation » dont on nous rebat les oreilles …
N’est en fait que le pendant d’un refus, essentiellement arabe, de la coexistence et du partage officiel de l’ONU de 48 …
Et que l’ « embargo » ou le « blocus » qui sont d’abord uniquement militaires …
N’ont d’autre raison d’être, y compris du côté égyptien
Que le refus palestinien d’abandonner l’arme du terrorisme ?
Tahar Ben Jelloun : « Le 7 octobre, la cause palestinienne est morte, assassinée »
Horrifié par les attaques du Hamas contre Israël, l’écrivain franco-marocain déplore « une blessure faite à toute l’humanité »
Tahar Ben Jelloun
Le Point
13/10/2023
Moi, arabe et musulman de naissance, de culture et d’éducation traditionnelle, marocaine, ne trouve pas les mots pour dire combien je suis horrifié par ce que les militants du Hamas ont fait aux juifs. La brutalité, quand elle s’attaque aux femmes et aux enfants, devient barbarie et n’a aucune excuse ni justification.Je suis horrifié parce que les images que j’ai vues m’ont touché au plus profond de mon humanité.Je considère qu’on peut résister contre une occupation, lutter contre la colonisation, mais pas avec ces actes de grande sauvagerie.La cause palestinienne est morte le 7 octobre 2023, assassinée par des éléments fanatisés, englués dans une idéologie islamiste de la pire espèce.Le Hamas est l’ennemi du peuple palestinienLe Hamas est l’ennemi, pas seulement du peuple israélien, mais aussi du peuple palestinien. Un ennemi cruel et sans aucun sens politique, manipulé par un pays où l’on pend de jeunes opposants pour une histoire de voile sur la tête.La prise d’otages et le chantage à leur exécution ne font qu’exacerber notre colère à tous.Cette brutalité vient de loin. Certes de l’occupation [?] et des humiliations subies [?] par une jeunesse sans avenir, vite prise en main par un mouvement islamiste dépendant du bon vouloir de l’Iran.Après le massacre, quel que soit le nombre de morts de part et d’autre, la barbarie a imprégné notre imaginaire et il est difficile aujourd’hui de croire que ces hommes ont fait ça pour « libérer » un territoire. Non, la guerre se fait de soldats à soldats. Pas en tuant des civils innocents.Une blessure faite à toute l’humanitéNon, il n’existe aucune raison à trouver à ce qu’ils ont fait dans les maisons, dans les camps, partout où ils ont pu s’emparer de jeunes en train de faire la fête.L’horreur est humaine, je veux dire que les animaux n’auraient jamais fait ce que le Hamas a fait. Un ministre du gouvernement de Netanyahou [le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant] a traité les habitants de Gaza « d’animaux ». Non, il y a des hommes sans conscience, sans morale, sans humanité qui ont perpétré les massacres, puis il y a une population qui souffre, qui n’est ni armée ni barbare.Ne pas confondre le Hamas avec la population (2,5 millions de personnes), qui vit sous occupation [?] et embargo [?].Moi, dans ma solitude, dans ma tristesse et ma honte en tant qu’être humain, mon dégoût de cette humanité à laquelle je refuse d’appartenir, je dis, non, c’est un combat qui n’honore pas leur cause. Non, à ces applaudissements dans certaines capitales arabes. Non, à ce triomphe plein de sang des innocents. Non, à l’aveuglement de ceux qui tirent les ficelles d’une tragédie où, tôt ou tard, ce sera la population palestinienne qui payera cette lourde facture.Cette tragédie, nous la porterons dans notre mémoire comme une blessure faite à toute l’humanité. Une blessure, jamais fermée, jamais oubliée.
Voir aussi:
Kamel Daoud – Une défaite pour la « cause palestinienne »

CHRONIQUE. L’offensive sanglante du Hamas est la confirmation d’un messianisme antijuif. Désormais talibanisée, la « cause » alimente une judéophobie strictement haineuse.

Kamel Daoud

Hier comme aujourd’hui : le Palestinien sert aux Iraniens, au Hezbollah, aux Égyptiens, aux Algériens, aujourd’hui auHamasislamiste, et rarement à lui-même dans tous les cas. D’ailleurs, dans le monde dit arabe, peu s’interrogent sur le timing et sur l’identité du mécène bénéficiaire des attaques du Hamas contreIsraël. Ce qui importe, c’est de croire et de faire croire à une victoire. La cause palestinienne ? C’est une histoire collective d’héroïsme arabe où, à la fin, seuls les Palestiniens et les Juifs sont tués.
Que reste-t-il d’ailleurs aujourd’hui de la « cause palestinienne » qui berça les jeunesses du monde dit arabe depuis presque un siècle ? Les islamistes du Hamas, les armées imaginaires de libérateurs médiatiques de la Palestine souvent bien installés dans un pays arabe, de préférence une monarchie du Golfe, la judéophobie enseignée dès l’enfance et l’inhumanité proclamée comme réponse sacrée et, enfin, les régiments d’intellectuels « arabes » pour qui « libérer la Palestine » c’est faire le procès de l’Occident et attendre de lui ce qu’ils n’exigent pas d’eux-mêmes. Voilà le bilan d’une longue guerre qui aujourd’hui perd son humanité, c’est-à-dire se racialise, se confessionnalise.
Butins médiatiques. Pour toutes ces raisons, les images des raids des brigades du Hamas en Israël n’offrent pas une victoire, comme hurlé partout dans le monde « arabe », mais une retentissante défaite. Ces vidéos qui montrent des civils ligotés, des femmes kidnappées, des enfants emprisonnés, des vieilles personnes baladées comme des trophées de guerre, sont désormais saluées, dans la « rue arabe », non comme un épisode de décolonisation, mais pour la confirmation d’un messianisme antijuif né il y a plus de mille ans. Depuis presque une semaine, un violent frisson traverse les « influenceurs » de l’islamisme en armes ou en opinion, les fidèles que l’exaltation sauve de l’ennui dans leurs pays, les salles de café où l’on repasse en boucle ces butins médiatiques. Si le discours se veut – si faiblement – décolonial, on se croit surtout arrivé à la fin, tant recherchée, du monde : celle où le Juif sera vaincu, et l’Occident avec lui, pour que règne le « royaume de Dieu » version minaret. Des régimes « arabes » – qui trouvent là l’occasion de crier victoire par la fable et de faire oublier les échecs locaux retentissants – aux citoyens ou aux intellectuels désœuvrés depuis les indépendances – et qui pensent revivre l’épopée sur le dos courbé du Palestinien –, tous ont crié au triomphe. Et, pourtant, c’est la plus terrible des défaites que nous vivons avec ces images du Hamas. Voilà en effet la « cause palestinienne » définitivement islamisée, confessionnalisée, devenue un espoir dément de fin de monde plutôt qu’un désir d’avoir un pays viable à côté du pays de l’autre.
La voilà, cette « cause », transformée, ailleurs, en cache-misère des échecs autochtones dans les pays dits arabes. La voilà parée de sauvagerie légitime au nom de la loi du talion, la voilà déshumanisée par l’excuse de la vengeance. Car c’est une défaite par l’inhumanité. Quelle inhumanité donc ? Celle qu’on s’autorise au nom de la « cause », au nom de la « fin ». Et la « cause » perd du coup en images, en sympathie internationale, en sens, en bien-fondé, lorsqu’elle se présente sous cette forme de barbarie médiatique qui préfère le rapt d’une femme à la victoire sur une armée adverse. Une cause inhumaine parce qu’elle dope aujourd’hui une loi des opinions islamisées : on n’est sensible, accessible, qu’au musulman. Voici une croyance devenue le talon de la seule humanité tolérée, la seule espèce dotée d’une âme aux yeux de ses adeptes. Les autres, qu’ils soient juifs, occidentaux, chinois ou peuls, sont des « impies » qu’il est légitime de tuer, de violer et de capturer. La cause palestinienne vient d’être talibanisée. Elle était sacrée, elle dérape dans le mauvais sens de l’Histoire.
Inhumanité. Bien sûr, on hurlera au scandale après la lecture de ces lignes. Et cela se comprend. Dans les pays dits arabes, libérer la Palestine c’est souvent rester chez soi et attaquer et lapider et excommunier celui qui fait un pas de côté face aux orthodoxies de l’affect et la doxa du « je suis avec la Palestine, dans son tort et dans ses raisons ». Libérer la Palestine, pour un Algérien, un Tunisien, un Marocain, un Égyptien, c’est attaquer ses pairs qui se réclament de la liberté d’opinion sur un sujet source de terreur éditoriale. C’est toujours plus facile d’être intolérant pour soutenir la vérité. Quant aux arguments des bien-pensants autochtones dans ce « monde à part » de l’arabité, ils sont toujours les mêmes (surtout quand on ne vit pas à Jénine ou à Ramallah, sous les bombardements) : c’est la loi du talion, c’est Israël qui a commencé, le monde est injuste avec les musulmans, l’Occident est partial, etc. Rien de plus facile, pour se dispenser de construire, de libérer son propre pays, d’humaniser sa croyance religieuse, que de se mobiliser en mode imaginaire pour « libérer la Palestine ». D’ailleurs, l’armée des libérateurs imaginaires y est cent fois plus nombreuse que les Palestiniens eux-mêmes.
Mais aujourd’hui ? La « cause » se perd, est perdue, du moins du point de vue de l’humanité. Ce qui avait représenté un dossier de décolonisation apparaît actuellement comme une affaire de messianisme religieux, de fabrication de fin de monde pour se soulager du devoir de vivre, d’exclusion de l’humanité (est humain celui qui est palestinien, musulman, pas les autres, ni les autres cas de décolonisation en litige), de judéophobie grossière et haineuse. Cela va du sommet des États aux opinions dans les salles de café. L’école, la misère culturelle, l’enfermement sur soi, l’islamisme qui a le monopole de la liberté d’expression dans les pays dits arabes : les défaites ont fabriqué une opinion monolithique ravageuse, stérile, qui ne permettra jamais la paix, la libération, la victoire, mais exclusivement la fuite en avant et le délire et la vengeance et la théorie du complot.
Barbarie. Aujourd’hui, « la Palestine » sous le Hamas et ses propagandes ne gagne rien. Elle perd les raisons humaines de sa résistance. Elle se talibanise, se mue en une guerre sacrée où l’on se soucie moins de vivre que de mourir en martyr. Elle se consacre comme une barbarie qui prétexte de la barbarie des autres en face.
Tout ce que je sais de ce qui se passe en Palestine et en Israël, ce sont les libérateurs imaginaires de la Palestine imaginaire, dans mon pays d’origine, qui me l’ont dit et répété et inculqué. C’est-à-dire leur opinion, leur rancune, leur désespoir, leurs espoirs et leur fuite en avant. Et tout ce que je constate, aujourd’hui, dans ces pays dits arabes, c’est cette misère, cette impuissance, déguisée en ferveur pour « la Palestine » et qui m’incommode par sa naïveté ou son calcul, me fait honte, me gêne depuis mon enfance et m’a toujours dicté une méfiance profonde envers l’enthousiasme et les causes sacrées.
Palestine, Israël. Deux cercueils ou deux États. On le croit, il le faut, mais là n’est pas le propos. En ce moment, dans l’immédiat, ce sont surtout les radicalités qui gagnent, les morts qui se comptent et se compteront de part et d’autre et ces images terribles d’Israéliens lynchés qui sont la défaite réelle de la « cause palestinienne »
Voir également:

« Il n’y aura pas d’Etat palestinien », de Ziyad Clot : négociateur par accident
Contrairement à de nombreux ouvrages, le journal passionnant publié par Ziyad Clot n’a rien de l’exercice de style d’un responsable nourrissant encore quelques espoirs pour sa carrière.
Gilles Paris
Le Monde
29 septembre 2010

Le conflit israélo-palestinien est devenu au fil des années un bruit de fond, perdant souvent en intelligibilité ce qu’il conserve en familiarité. Violences à Gaza et intermèdes diplomatiques à Washington ou à Charm El-Cheikh se succèdent sans que l’on puisse mesurer les chances de parvenir un jour à un règlement, ni les risques d’un basculement dans une nouvelle guerre.

Depuis 1993 et une longue chaîne de négociations de paix stériles, des acteurs de premier plan, principalement Américains et Israéliens, ont déjà disséqué dans des livres leurs échecs. C’est aujourd’hui le tour d’un Palestinien à propos du processus d’Annapolis, voulu par George Bush dans les derniers mois de son second mandat, auquel l’offensive israélienne sur Gaza (décembre 2008-janvier 2009) porta un coup fatal.

Contrairement à de nombreux ouvrages, le journal passionnant publié par Ziyad Clot n’a rien de l’exercice de style d’un responsable nourrissant encore quelques espoirs pour sa carrière. Bien au contraire. On peut même raisonnablement présumer qu’après la publication de ce récit non autorisé, au ton souvent très personnel, cet avocat franco-palestinien, entré un peu par hasard dans l’équipe d’experts chargés de conseiller l’OLP sur les dossiers en souffrance depuis plus de soixante ans, ne sera pas le bienvenu, et pour longtemps, à Ramallah, le siège d’une bien fragile Autorité palestinienne, décrite sans aucun fard.

C’est, comme il l’assure lui-même, parce que « les meilleurs cerveaux palestiniens, les professionnels les plus expérimentés ne veulent plus entendre parler depuis bien longtemps de processus de paix » que le jeune homme se retrouve brutalement lesté de la question des réfugiés, l’une des plus sensibles du contentieux, avec celles de Jérusalem et des frontières. Un sujet sensible pour le mouvement national palestinien né dans les camps de réfugiés, même si l’actuelle direction, rivée en Cisjordanie, n’entretient plus que des relations distendues avec sa base d’origine.

Au fil des discussions, une position palestinienne a pris corps : revendiquer « un droit au retour » des réfugiés de 1948 (et de 1967) et de leurs descendants éparpillés dans les pays alentour sans exiger autre chose qu’une application symbolique à l’intérieur des frontières d’Israël.

Les Israéliens, eux, campent sur un triple refus : refus d’un retour des réfugiés qui mettrait en péril la nature juive de leur Etat, refus de la reconnaissance d’une quelconque responsabilité dans leur sort, et refus de la prise en charge de toute forme d’indemnisation.

Entre ces deux positions difficilement compatibles, comme en font foi les annexes inédites publiées par ce franc-tireur, le jeune juriste, lui-même fils de réfugiés d’Haïfa, se débat plusieurs mois, livré à lui-même, sans « feuille de route » claire des limites acceptables, et surtout sans soutien affirmé de responsables palestiniens obsédés par la préservation à tout prix de bonnes relations avec le puissant parrain américain.

De cette expérience ponctuée par les rappels obsédants de la réalité de l’occupation israélienne, Ziyad Clot retire une conviction : celle que l’inégalité des forces en présence condamne fatalement à mort tout processus de paix, le plus faible ne pouvant consentir aux exigences du plus fort.

Négociateur par accident, il plaide finalement pour cet Etat unique mêlant Israéliens et Palestiniens mais qui fait encore l’unanimité contre lui.


IL N’Y AURA PAS D’ETAT PALESTINIEN

de Ziyad Clot. Max Milo, 256 p., 18,90 euros.

Voir de même:

Egypt Can Save Gaza’s Civilians
But Cairo won’t let Palestinians enter from its Rafah crossing.
The WSJ
Oct. 13, 2023

Israel’s defensive operation in Gaza will be difficult and bloody, as the military tries to weed Hamas terrorists out of a densely populated urban environment. Lest American or European politicians or commentators suffer any confusion about who is ultimately responsible for what comes next, here are a few facts:Israel’s military on Friday warned roughly 1.1 million civilians to evacuate the northern part of the Gaza strip. The hope is to minimize civilian casualties as much as possible. This is the opposite of Hamas’s strategy in its invasion last weekend, when terrorists staged a surprise assault with an explicit goal of killing or abducting as many Israeli civilians as possible, including women and children.

If Hamas cared about Palestinian civilians, it would encourage them to leave Gaza. But instead it is demanding that they remain. The terror group intends to use its own people and the hostages it abducted from Israel as human shields. Their hope is that either Israeli concern about causing collateral damage or global opprobrium will force Israel to scale back its counter-invasion.

Egypt is the only place to which Gaza’s civilians can flee for now. Yet Cairo insists on maintaining its strict quota for entries from Gaza via the Rafah crossing—with only 800 able to leave on Monday, and the crossing reportedly closed in recent days.

Egyptian President Abdel Fattah Al Sisi bears no warm feelings toward Hamas, which is allied with the Muslim Brotherhood that tried to impose an Islamist regime in his country not too long ago. He’s concerned that Hamas terrorists might slip across the border into Egypt with a tide of civilians.

One way to reduce that possibility would be to house refugees in camps while they’re vetted for Hamas ties. The rest of the world should support a United Nations effort to help. But taking on this practical and financial burden is a risk Mr. Sisi may not want to take two months before Egypt holds what pass for elections there.

The timing is bad for Mr. Sisi, but unless he budges Egypt will become partly responsible for what could become a terrible humanitarian crisis—and that’s if Israel succeeds in rooting out Hamas. If Hamas’s strategy succeeds and Israel is forced by international pressure to scale back its defensive operations, Egypt will have to live with an entrenched and emboldened Hamas on the other side of the Rafah crossing.

That also is a good reason for Egypt’s international partners to encourage Mr. Sisi to open the crossing. The U.S. supplies billions of dollars in aid to Cairo each year. It’s reasonable for Washington to expect such a large aid recipient to help break Hamas’s stranglehold over Gaza’s civilians when doing so is in Egypt’s, Israel’s and America’s interests.

As for the situation in Gaza, leaders in the U.S., Europe and elsewhere owe their public honesty about whatever happens in the coming days—including who bears responsibility for civilian casualties.

German Foreign Minister Annalena Baerbock on Friday offered a template for her peers: “Hamas brings nothing but suffering and death to the people—in Israel and in Gaza. It is Hamas’s perfidious strategy to use the civilian population as a human shield. Terrorism’s cynical plan must not be allowed to take hold. Civilians need safe spaces where they can find protection and have their essential needs met.”

No government can afford to abet Hamas’s strategy, intentionally or not, and that includes Egypt.

Voir de plus:

‘Top secret’ Hamas documents show that terrorists intentionally targeted elementary schools and a youth center

Maps and documents recovered from the bodies of Hamas attackers reveal a coordinated plan to target children and take hostages inside an Israeli village near Gaza
NBC news

Documents exclusively obtained by NBC News show that Hamas created detailed plans to target elementary schools and a youth center in the Israeli kibbutz of Kfar Sa’ad, to « kill as many people as possible, » seize hostages and quickly move them into the Gaza Strip.

The attack plans, which are labeled « top secret » in Arabic, appear to be orders for two highly trained Hamas units to surround and infiltrate villages and target places where civilians, including children, gather. Israeli authorities are still determining the death toll in Kfar Sa’ad.

The documents were found on the bodies of Hamas terrorists by Israeli first responders and shared with NBC News. They include detailed maps and show that Hamas intended to kill or take hostage civilians and school children.

Hamas maps of Kibbutz Kfar Aza, Nahal Oz, and Alumim recovered from the bodies of Hamas by Israeli first responders.
Hamas maps of Kibbutz Kfar Aza, Nahal Oz, and Alumim recovered from the bodies of Hamas by Israeli first responders.Obtained by NBC News

One page labeled “Top Secret” outlines a plan of attack for Kfar Sa’ad, saying “Combat unit 1” is directed to “contain the new Da’at school,” while “Combat unit 2” is to “collect hostages,” “search the Bnei Akiva youth center” and “search the old Da’at school.”

Another page labeled “Top Secret Maneuver” describes a plan for a Hamas unit to secure the east side of Kfar Sa’ad while a second unit controls the west. It says “kills as many as possible” and “capture hostages.” Other orders include surrounding a dining hall and holding hostages in it.

The detailed plan to attack Kfar Sa’ad is part of a trove of documents that Israeli officials are analyzing, according to one source in the Israeli army and one in the government. Surveillance video of Hamas terrorists entering a kibbutz on Oct. 7 shows tactics similar to those laid out in the documents obtained by NBC News.

The Israeli officials said that the wider group of documents show that Hamas had been systematically gathering intelligence on each kibbutz bordering Gaza and creating specific plans of attack for each village that included the intentional targeting of women and children.

A detailed Hamas plan of attack on Kibbutz Kfar Sa’ad recovered from the bodies of Hamas by Israeli first responders.
A detailed Hamas plan of attack on Kibbutz Kfar Sa’ad recovered from the bodies of Hamas militants by Israeli first responders.Obtained by NBC News

« The dental office, the supermarket, the dining hall, » an Israel Defense Forces source said. « The level of specificity would cause anyone in the intelligence field’s jaw to drop. »

The plan of coordinated attacks flies in the face of recent claims by Hamas that it did not kill children. A video released by Hamas on Friday showed armed terrorists holding and feeding Israeli children taken hostage, including babies.

The Hamas documents, footage of the aftermath of the massacre and interviews with eyewitnesses and first responders tell a harrowing story.

« I saw murdered babies. I saw murdered children. I saw mothers and children murdered together, » said Yossi Landau, a commander of ZAKA, an Israeli first responder organization.

Kibbutz Kfar Aza was one of the worst hit locations in the unprecedented terror attack on the morning of Saturday, Oct. 7. The Hamas maps obtained by NBC News show blue circles around Kfar Sa’ad and three other villages that also border Gaza: Kfar Aza, Nahal Oz and Alumim.

Hamas maps of Kibbutz Kfar Aza, Nahal Oz, and Alumim recovered from the bodies of Hamas by Israeli first responders.
Hamas map of Kibbutzes Kfar Aza, Nahal Oz, and Alumim recovered from the body of a Hamas militant by Israeli first responders.Obtained by NBC News

Two Hamas units were to approach Kfar Sa’ad separately from two different assembly points, according to the documents. The also described the numbers and types of vehicles to be used by each group.

« Group 1 assembly point: HAMZA transportation: one jeep and four motorbikes…

« Group 2 assembly point: ABDEL RAHMAN transportation: one jeep and four motorbikes. »

Exactly how the vehicles should drive to the target villages was also laid out:

« Length of platoon train: approximately 125 meters…

« Shape and length of each group on the motorbikes: 50 meters for each group. »

One IDF official, who declined to be named while the investigation is ongoing, said he was astounded by the degree of planning that went into ensuring maximum civilian casualties. He said, « I’ve never seen this kind of detailed planning » for a mass terrorist attack.

Voir encore:

Attaque du Hamas : pourquoi le Renseignement israélien est passé totalement à côté
Les réputés services de renseignements d’Israël ont subi un raté catastrophique, permettant aux terroristes de commettre leurs exactions. Plusieurs éléments peuvent l’expliquer.
Jean Guisnel

Le Point

10/10/2023

Les services de renseignements israéliens ne seront plus jamais ce qu’ils ont été. Leur catastrophique incapacité à anticiper l’attaque du Hamas contre leur pays, le 7 octobre à l’aube, est de celles dont on ne se relève pas.

On ne sait pas encore précisément ce qui s’est passé. Mais quand le temps sera venu en Israël des enquêtes et des recherches de responsabilités, il faudra en tirer les leçons. Cela ne tardera pas. Pour l’heure, tenons-nous-en à ce qui est déjà établi.

Une surveillance pourtant permanente

En matière de renseignement, la défense active d’Israël s’appuie sur une quantité de services, dont les plus importants sont le Shin Beth (renseignement intérieur et antiterrorisme), Aman (renseignement militaire) et le Mossad (renseignement extérieur). Les Israéliens disposent d’un service technique très puissant, considéré jusqu’au week-end dernier comme l’un des plus efficaces au monde, l’Unité 8200 (Yehida Shmone-Matayim en hébreu, ou Israeli Sigint National Unit en anglais).

Elle compte à elle seule entre 7 000 et 8 000 personnels militaires, c’est-à-dire nettement plus que la DGSE française. Cette brigade spécialisée dans le renseignement électronique (Sigint, pour Signal Intelligence) est intégrée au renseignement militaire. Elle opère également sur le front cybernétique, infiltre les réseaux informatiques ennemis, et mène des opérations de renseignement et de sabotage. Elle se trouve en première ligne de défense contre les militants palestiniens, qui sont surveillés du matin au soir, sept jours sur sept.

L’efficacité des drones ennemis

Un officier de renseignement, connaissant bien cette unité, relève que la bande de Gaza est entourée de tours d’interception des communications électroniques de sa population. Le Hamas les connaît si bien que, sans coup férir, des dizaines de drones armés de simples grenades ont attaqué ces tours chargées d’antennes au début de l’assaut, des images diffusées par les attaquants montrant des coups au but, synonymes de paralysie immédiate.

Mais avant ? Notre interlocuteur relève que si les Israéliens n’ont pas abandonné le renseignement humain, ils ont très largement privilégié le Sigint et l’imagerie (imagery intelligence – Imint), cette dernière étant produite par de multiples moyens. L’arsenal satellitaire compte six satellites optiques (1 Eros, 5 Ofeq), trois satellites radars (TechSAR), les drones – dont Israël est le précurseur et le champion mondial – et les avions ISR (Intelligence, Surveillance & Reconnaissance), dont le plus moderne, le Gulfstream G550 Oron, se trouve en principe sur le point d’entrer en service. Quiconque visite Israël voit des avions se diriger vers la bande de Gaza et en revenir plusieurs fois par jour.

Un silence numérique qui aurait dû alerter

Dans ces conditions, comment est-il possible que cet appareil de renseignement tentaculaire n’ait rien vu venir durant les mois qui ont précédé l’attaque ? Capables à la fois de repérer les émissions, de les géolocaliser et de cartographier au centimètre près les déplacements de tous les moyens mobiles de communication électronique, de scanner en permanence les liaisons entre ordinateurs, de faire surgir les « signaux faibles » grâce aux outils d’analyse, comment ont-ils pu échouer à cet exercice ?

La réponse réside sans doute dans un total silence numérique du Hamas durant la période de préparation. La vigilance électronique des services aurait alors été endormie, mais un de nos interlocuteurs n’y voit pas une excuse : « En matière de renseignement électronique, le silence, la modification des comportements sont aussi des signes qu’il faut savoir analyser. Normalement, un changement de pratique déclenche une alerte. »

L’information et son absence sont autant de signes qu’il faut savoir comprendre. L’analyste américain et ancien de la CIA Marc Polymeropoulos indique au Washington Post que « la masse d’entraînement, de logistique, de communication, de personnels et d’armes nécessaires ont laissé une empreinte énorme. Cela suggère une implication iranienne, étant donné la complexité de l’attaque, tout en soulignant le colossal échec du renseignement. »
« Il arrive qu’on ne voie pas les choses »

Une politique d’espionnage cohérente se nourrit à deux sources : le renseignement technique et le renseignement humain. En Israël, ce dernier fut durant des décennies une marque de fabrique et d’excellence. Mais la révolution numérique a tout changé. Chargé du cours Révolution numérique et cybersécurité à Sciences Po Paris, Alexandre Papaemmanuel porte un regard sans complaisance sur le sujet, en estimant que le cyberrenseignement « peut conduire à se sentir surprotégé derrière des murs, derrière la modernité des drones. Déserter le terrain, se déshumaniser derrière des écrans conduit à ne plus comprendre ce qui se passe, à ne plus orienter correctement la recherche. C’est le virage qui s’est produit. On peut leur taper dessus, mais la réalité que nous enseigne l’Histoire, c’est qu’il arrive qu’on ne voie pas les choses. »

Comment en sortir ? Comment faire que l’ahurissant échec ne se renouvelle pas ? Comment aussi renouer la relation entre le renseignement et le politique, cette liaison indispensable essentielle à la pérennité de la démocratie ? Lors de notre conversation lundi soir, Alexandre Papaemmanuel nous explique qu’il a choisi de revoir un documentaire effectivement exceptionnel sur le Shin Beth, réalisé en 2012 par Dror Moreh, The Gatekeepers, basé sur des entretiens avec les anciens directeurs du service : « Ces gens qui ont vécu des atrocités ont une conscience de ce qu’ils font, un recul et une éthique – ce que certains contestent – de ce que doit être un État, mais aussi sur la question de l’“autre” en général. Peut-être bien que cela aussi s’est cassé, dans la machine institutionnelle israélienne, dans la relation entre le renseignement et le politique. »

Une fracture politique qui n’est pas passée inaperçue

Un jeune capitaine, Charles de Gaulle, avait publié en 1924 un livre important, titré La Discorde chez l’ennemi. Autre temps, autre lieu, autres circonstances, mais les mots alors choisis par le jeune analyste trouvent un écho contemporain aujourd’hui : pour organiser son carnage, le Hamas a su profiter de la situation politique déchirée en Israël.

La réforme judiciaire promue par Benyamin Netanyahou fracture profondément la société israélienne, jusqu’au cœur des services de renseignements. Jamais ces derniers, nulle part, ne sont apolitiques. Mais ils doivent partout se dégager des contingences politiciennes pour servir un État consensuel sur les questions primordiales de sécurité, club auquel Israël n’appartient plus.

Dans la lettre des vétérans du Shin Beth, on pouvait lire voici peu : « La poursuite du projet de loi créera un fossé irréparable dans la société israélienne et portera gravement atteinte à la résilience nationale et au dispositif de sécurité israélien. » Et on a vu des réservistes se mettre en grève ! Au-delà des erreurs et des manquements du renseignement, le gouvernement et le peuple israélien regardaient ailleurs que vers Gaza. Depuis deux ans, le Hamas ne bougeait plus. Le massacre perpétré à la rave party Supernova est un signe limpide de la cécité collective : les terroristes assaillants n’ont eu que six kilomètres à franchir pour venir violer, torturer et tuer 250 jeunes qui n’avaient en tête que la danse et la musique !

Ces regards du politique et de la société israélienne auraient-ils été ainsi détournés si le renseignement avait fait son boulot ? Non, bien sûr… Les spécialistes et praticiens que nous avons consultés tempèrent pourtant ce jugement, en relevant que ce ne serait pas la première fois que le politique n’écoute pas ou ne croit pas les avertissements des services ! L’un d’eux note : « Israël est une démocratie et s’il y a eu des manquements, nous le saurons très vite. »

L’adversaire a été sous-estimé

À l’heure de la barbarie la plus folle, la haine la plus inexpiable est au rendez-vous, comme le voulaient les assaillants. La manière dont les militants du Hamas sont perçus aujourd’hui se comprend. Mais faut-il pour autant sous-estimer à ce point l’adversaire, lui dénier toute capacité d’initiative autonome ? Constamment souligner qu’il n’aurait pas été capable de conduire une telle opération tout seul, en désignant l’Iran comme le deus ex machina de celle-ci, théorie soulevée par le Washington Post notamment ?

Le monde bouge et le rapport du faible au fort, aussi. La révolution numérique est passée par là et la tactique terroriste du Hamas a elle aussi évolué. Ses massacreurs – 1 500 corps ont été dénombrés par les forces de sécurité israéeliennes sur leur territoire – avaient éteint leurs smartphones avant l’attaque, pour les rallumer aussitôt celle-ci commencée.

Durant le carnage, ils n’ont cessé de diffuser des images en direct, inondant les réseaux sociaux et, du coup, saturant les télévisions d’Israël et du monde entier. Ils n’ont épargné personne, et surtout pas les otages, hommes, femmes et enfants exhibés dans des conditions atroces. Leur utilisation de petits drones du commerce contre les blindés et les tours d’interception a également été filmée et diffusée en direct, formidable outils de propagande planétaire.

Soit dit en passant, les fameuses capacités cyberoffensives israéliennes n’ont pas été en mesure de les bloquer. Il faut voir une vraie nouveauté dans ce « dégrafage » des outils numériques les plus modernes, associé « à une appropriation de moyens très low-tech qui laissent les services de renseignements adverses de côté et les rend aveugles, souligne Alexandre Papaemmanuel. Si en plus, ils ont déserté le terrain et entretiennent des rapports compliqués avec le pouvoir politique, ça devient vraiment compliqué. Sans oublier que l’ennemi a appris à se coordonner, à utiliser des moyens multi-milieux et une communication en temps réel pour démultiplier les effets hallucinants de la terreur. » Le temps de l’action n’est pas celui des leçons. Mais elles seront tirées et elles seront cruelles. En matière de renseignement aussi, les carnages de Soukhot annoncent une nouvelle ère.

Voir par ailleurs:
Voir enfin:
GRAND ENTRETIEN – L’opération menée par le Hamas montre à quel point Israël reste vulnérable, constate le philosophe et académicien, qui s’inquiète de l’avenir de la région et des répercussions en France à l’heure où l’extrême gauche refuse de condamner les attaques terroristes contre l’État hébreu.
LE FIGARO. – Comment qualifiez-vous la tragédie vécue par Israël actuellement ? Parler de guerre n’est-il pas une manière de relativiser les faits dans la mesure où le Hamas s’en est pris à des civils ?
Alain FINKIELKRAUT. – Le but du droit international n’est pas de mettre fin à la guerre – comment le pourrait-il ? – mais de l’encadrer, de la domestiquer, de la civiliser. Pour le Hamas cette domestication n’a aucun sens. L’organisation, qui règne d’une main de fer sur Gaza, ne fait pas de différence entre les soldats et les civils : tout Israélien, homme, femme, enfant, vieillard est un ennemi, et tout ennemi un criminel à éliminer.
Ce ne sont pas seulement des milliers de roquettes qui se sont abattues sur le pays. De véritables pogroms ont eu lieu en guise de guérilla urbaine dans les villes et les kibboutz du sud d’Israël. Or, « plus jamais de pogroms », c’était et c’est toujours le « plus jamais ça » d’Israël. Comme l’a écrit Wladimir Rabi : « Nous ne pouvons pas oublier. Nous n’oublierons jamais. Nous avons été la balayure du monde. Contre nous, chacun avait licence. »
Si guerre il y a, s’agit-il toujours d’un simple conflit territorial ou le Hamas mène-t-il une forme de djihad ?
Le Hamas a toujours joué cartes sur table. Sa charte est explicite : « La Palestine qui s’étend de la Jordanie à l’est jusqu’à la Méditerranée à l’ouest est une terre islamique arabe. C’est une terre sacrée et bénie qui a une place spéciale dans le cœur de chaque Arabe et de chaque musulman ». Au principe « la paix contre les territoires » le Hamas oppose la reconquête par la guerre sainte de tous les territoires occupés par les sionistes. Il n’a jamais dévié de cette ligne. Après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, une campagne d’attentats suicides a conduit à l’élection de Benyamin Netanyahou. Après le retrait de Gaza, le Hamas a renversé l’Autorité palestinienne et, au lieu d’offrir une vie décente aux habitants de l’enclave, s’est lancé dans une guerre à outrance contre Israël. Il a sacrifié le bien-être des Gazaouis à la poursuite du djihad. Le camp de la paix ne s’en est pas relevé.
En cela, ce conflit s’inscrit-il dans une forme de choc des civilisations qui concerne tout l’Occident ? Si certains observateurs ont comparé cette attaque à celle d’octobre 1973, d’autres ont fait la comparaison avec le 11 Septembre ou le Bataclan…
On ne peut pas manquer de faire le lien entre « la double razzia bénie » sur New York et Washington, la tuerie du Bataclan et les attaques perpétrées par le Hamas sur le sol d’Israël. Cette violence n’est pas une réponse aux crimes de l’armée israélienne ou à la colonisation rampante de la Cisjordanie. C’est l’occupation de Tel-Aviv, de Haïfa, de Beersheba qui constitue un crime aux yeux du Hamas. Pour comprendre ce qui se joue, il faut reconnaître l’importance du facteur religieux dans le monde musulman. Depuis la révolution islamique en Iran et la défaite soviétique en Afghanistan l’islam est redevenu un sujet politique à part entière. La fierté renaît avec le sentiment de faire à nouveau l’histoire. Ce n’est pas le désespoir qui conduit de jeunes Palestiniens à la radicalité, comme l’affirment encore, impavides, certains éditorialistes, c’est la force intrinsèque de l’islamisme. Il s’agit aussi pour le Hamas et pour l’Iran d’empêcher le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël, de torpiller les accords d’Abraham, et plus généralement, de mettre les dirigeants musulmans qui sont tentés de choisir la voie de la modération en porte-à-faux avec leurs peuples.
Le statu quo est funeste pour la société israélienne comme pour les Palestiniens mais la seule chance qu’une solution pérenne voie le jour, c’est la défaite de l’islam radical et sa mise hors d’état de nuire.
Pour en revenir à une analyse moins globale, cette attaque a tout de même été une surprise, y compris pour l’État hébreu. Celle-ci révèle-t-elle les fragilités d’Israël, non seulement sur le plan extérieur, mais aussi intérieur ?
Israël a beau être une « start-up nation », les opposants à la réforme judiciaire ne sont pas des « anywhere » mais des patriotes révoltés à l’idée que les ultra-orthodoxes puissent être dispensés de leurs obligations militaires. Il serait faux de croire que cette division paralyse Israël. Face à l’horreur les citoyens sont unis et tous les réservistes sans exception répondent à l’appel.
Dans son livre, Ma terre promise, le journaliste Ari Shavit explique qu’Israël est la seule nation occidentale qui occupe le territoire d’un autre peuple et la seule qui est menacée dans son existence. Il nous invite à ouvrir assez grands les yeux pour voir « le périmètre intérieur du conflit dans lequel un Goliath israélien se dresse au-dessus d’un David palestinien et le périmètre extérieur où un Goliath arabo-islamique se dresse au-dessus d’un David israélien ». Les attaques du Hamas ont révélé le lien entre le David palestinien et le Goliath arabo-islamique. Sans l’appui militaire et logistique de l’Iran, une telle opération n’aurait pas été possible. Même avec une armée puissante et des services de renseignements performants, Israël est vulnérable.
À lire aussiL’Iran fustige les pays arabes qui pactisent avec Israël
Benyamin Netanyahou et une partie de la société israélienne n’ont-ils pas fait preuve d’aveuglement en pensant repousser éternellement la question palestinienne ? Croyez-vous que cette tragédie puisse pousser, in fine, les acteurs du conflit à trouver enfin une solution pérenne ?
Des manifestations en Iran, au Yémen, en Turquie, au Liban, en Cisjordanie, ont salué l’exploit du Hamas. Malgré les images atroces ou plutôt à cause d’elles, on a héroïsé les pogromistes, on a mis les lyncheurs au pinacle. Ces réjouissances obscènes portent un coup mortel à la paix. Le parti Force juive d’Itamar Ben-Gvir est né en réaction au retrait de la bande de Gaza ordonné par Ariel Sharon et confronté au tout ou rien du Hamas, il a beau jeu de dire qu’il n’y a pas de partenaire pour un compromis territorial.
Comment après ce massacre – plus de 1000 morts, 2600 blessés, une centaine d’otages qui vont servir de boucliers humains – les Israéliens pourraient-ils se retirer de la Cisjordanie et accepter la création d’un État palestinien qui mettrait le pays tout entier à portée de missiles et de pogroms ? Le statu quo est funeste pour la société israélienne comme pour les Palestiniens mais la seule chance qu’une solution pérenne voie le jour, c’est la défaite de l’islam radical et sa mise hors d’état de nuire.
Dans les quartiers qu’on appelle populaires depuis que l’ancien peuple et les anciens immigrés en ont été chassés, certains se réjouissent à n’en pas douter de « la razzia bénie » sur Israël.
Rétrospectivement, l’ancien premier ministre Ariel Sharon a-t-il eu raison d’ordonner le retrait unilatéral d’Israël de la bande de Gaza ?
Ariel Sharon voulait même aller plus loin jugeant indispensable ce qu’il appelait lui-même des painful concessions et il pensait au démantèlement d’un certain nombre d’implantations en Cisjordanie. Son accident cérébral l’a empêché de mener à bien ce projet, mais c’était devenu son intention car il avait tardivement compris que l’occupation mettait Israël en danger. Et nous venons de le voir avec ces événements terribles. La barrière de sécurité a été franchie avec une facilité déconcertante par les terroristes du Hamas parce que des unités de Tsahal avaient été transférées en Cisjordanie pour protéger les colons. La situation est vraiment tragique. Israël ne peut pas rétrocéder aujourd’hui la Cisjordanie et en même temps le maintien de l’occupation fait souffrir les Palestiniens et affaiblit Israël.
Le conflit semble déjà avoir des répliques en France où le ministre de l’Intérieur a décidé de protéger les synagogues et les écoles juives. Que révèle cette décision et craignez-vous pour la sécurité des Juifs en France ?
En 2004, le doyen de l’équipe d’inspecteurs chargé de faire un rapport sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les écoles a interrogé un groupe d’enseignants qui évoquaient le départ de leurs élèves juifs. « Pourquoi sont-ils partis ? » leur a-t-il demandé. « C’est simple, lui fut-il répondu, ils n’étaient pas assez nombreux pour se défendre. » Dans les quartiers qu’on appelle populaires depuis que l’ancien peuple et les anciens immigrés en ont été chassés, certains se réjouissent à n’en pas douter de « la razzia bénie » sur Israël. Israël a été créé pour assurer la sécurité des Juifs et maintenant les Juifs de la diaspora sont en danger du fait d’Israël. Cette situation ne les éloigne pas de l’État juif, elle le leur rend d’autant plus précieux, d’autant plus cher.
On nous tympanise avec l’antifascisme et le retour des vieux démons au moment même où un antisémitisme qui n’a plus rien à voir avec Hitler se répand parmi nous.
Mais les lendemains seront difficiles. Quand la riposte de Tsahal prendra toute son ampleur, on peut craindre que l’esprit et la pratique du pogrom ne gagnent la France et d’autres pays européens.
Dans ce contexte, que pensez-vous de la non-condamnation des attaques par l’extrême gauche ? Assiste-t-on à une extension du domaine de l’islamo-gauchisme ? La gauche doit-elle faire entendre plus nettement sa différence, voire mettre en œuvre une sorte de cordon sanitaire à l’égard des Insoumis ?
LFI a osé qualifier le carnage auquel nous venons d’assister d’« offensive armée des forces palestiniennes menée par le Hamas ». Le pogrom à grande échelle devient donc une guerre en forme et même une guerre juste qui répond avec les moyens du bord à la politique coloniale d’Israël. Voilà où conduisent l’antisionisme et l’opportunisme électoral de l’extrême gauche. Tout est bon, même la judéophobie, pour conquérir et conserver les voix du nouveau peuple. La France insoumise n’est plus rien d’autre que la France soumise à l’islam radical. Alexis Corbière et François Ruffin qui ne se reconnaissent pas dans cette dérive doivent impérativement partir ou reprendre la main et, sous peine de se déshonorer, le reste de la gauche doit prononcer sans tarder l’acte de décès de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale. On nous tympanise avec l’antifascisme et le retour des vieux démons au moment même où un antisémitisme qui n’a plus rien à voir avec Hitler s’installe sur le continent européen.
Voir aussi:

Le terrorisme mondial

Le terrorisme, moyen d’action au service d’une fin, se développe au XIXe siècle. De politique au XXe siècle, il est devenu principalement religieux au XXIe siècle. Ce phénomène touche l’ensemble des Etats, ce qui a conduit la communauté internationale ainsi que l’Europe à prendre des mesures pour empêcher les attentats. Les Etats se dotent de moyens de plus en plus intrusifs qu’il faut articuler avec les libertés publiques.

L’expression « terrorisme » est née avec la Révolution Française au cours de la période qui a suivi la chute de Robespierre ; elle désignait la politique de Terreur des années 1793-1794. Cette expression réapparaît vers la fin du XIXe siècle.
Df.Le terrorisme est un moyen d’action au service d’une fin qui prétend rendre légitime ce mode d’action. Il s’inscrit classiquement dans le cadre de l’affrontement de deux groupes ou entités disposant de moyens asymétriques. C’est un moyen de répandre la terreur et non une fin en soi ; c’est un équilibre entre violence physique, effroi collectif et responsabilisation des autorités politiques. Généralement arme du faible contre le fort, le terrorisme peut au contraire être une arme d’État qui permet de terroriser discrètement une communauté. Dans toutes ces acceptions, le terrorisme désigne une lutte qui revendique une dimension politique.

Des formes primitives de terrorisme apparaissent dans les meurtres systématiquement commis par les Zélotes contre l’occupant romain du royaume de Judée ou encore dans l’action, au Moyen Âge, de la secte dite des « assassins » retranchée dans la forteresse d’Alamut au nord de l’Iran actuel. Cette secte dirigeait ses tueurs contre ses ennemis politiques musulmans puis contre les chefs des croisés. Mais il s’agissait principalement de s’attaquer aux chefs ennemis et non de terroriser la population.

C’est au XIXe siècle que le terrorisme se développe.
Dès les premiers attentats de l’époque moderne, les terroristes s’en sont toujours et clairement pris à l’ordre établi de leur temps. Grâce à l’invention de l’explosif chimique et des médias de masse, le terrorisme politique acquiert une visibilité qui n’est pas proportionnelle à son efficacité. Le terrorisme moderne commence avec une série d’attentats. Il frappe ses victimes pour ce qu’elles représentent, moins pour les faire disparaître que pour que cela se sache.

Le terrorisme va désormais être caractérisé par la stratégie des « 3 s » : secret, surprise et symbole. L’organisation terroriste cherche à la fois à se dissimuler avant d’agir, à créer la confusion et l’affolement dans le camp ennemi (plutôt qu’à lui infliger un réel dommage matériel) et à transmettre un message.

Ex.C’est dans cette dynamique que s’inscrit le terrorisme moderne qui apparaît véritablement avec le terrorisme révolutionnaire russe, notamment avec l’assassinat du gouverneur de Saint-Pétersbourg par le groupe Narodnaïa Volia (« La volonté du peuple ») qui s’oppose au gouvernement tsariste (après plusieurs essais infructueux, il assassinera le tsar Alexandre II). Ce mouvement s’inspire des œuvres de Bakounine et de Netchaïev ; il incarne une volonté populaire. Toutes les composantes du terrorisme moderne sont là : la bombe, le pistolet et le manifeste, une idéologie qui justifie l’assassinat des puissants afin de provoquer l’effondrement du Système, une structure clandestine quasi sectaire, le goût du martyre, etc.
Les premiers terroristes russes s’efforcent de ne s’en prendre qu’aux représentants de l’autocratie, d’éviter les victimes civiles. Ainsi, en 1905, Kaliaïev, au moment de lancer une bombe sur le Grand-Duc Serge, préfère renoncer plutôt que de risquer la vie des enfants assis à côté de lui. Ce sera le thème des Justes de Camus.

Le terrorisme politique révolutionnaire connaît un équivalent en Europe occidentale avec le terrorisme anarchiste qui vise à abattre la Troisième République, construite dans le sang par la répression de la Commune en 1871, et la bourgeoisie qui la dirige.

Ex.Dans les années 1890, les attentats meurtriers se multiplient en France. Ces attentats visent les symboles du pouvoir :

  • le capital (attentat contre la Bourse le 5 mars 1886),
  • l’armée (attentat conte la caserne Lobau le 15 mars 1892),
  • la justice (attentat contre les juges Benoît et Bulot les 11 et 27 mars 1892),
  • le pouvoir législatif (Auguste Vaillant lance une bombe à clous en plein hémicycle à l’Assemblée nationale le 9 décembre 1893),
  • le patronat (attentat contre la société des mines de Carmaux le 8 novembre 1893),
  • le pouvoir exécutif (le 24 juin 1894, l’Italien Caserio assassine le président de la République Sadi Carnot),
  • l’Église (attentat contre l’église de La Madeleine le 15 mars 1894).

Certains, pourtant, vont au-delà et s’en prennent indistinctement aux « bourgeois ». Ainsi, en 1893, Émile Henry commet un attentat dans un café, attentat qui fait 20 blessés dont un succombera à ses blessures. Arrêté, jugé et exécuté il déclarera qu’il n’y a pas de bourgeois innocents.

Alors que ces événements contribuent à isoler les anarchistes du mouvement ouvrier dont ils se réclament et que la population française se trouve plongée dans un climat de terreur et d’anxiété, des intellectuels de l’époque se montrent solidaires des actes de terrorisme et soutiennent les militants anarchistes, notamment à l’occasion de l’adoption des lois scélérates et du « procès des Trente » en août 1894 : ce sont les débuts de la théorisation intellectuelle de la violence politique.

En savoir plus : Les lois scélérates de 1893-1894

Au début du XXème siècle, le terrorisme recouvre plusieurs réalités.

  • Une partie du mouvement anarchique s’oriente vers le banditisme pour exprimer ses revendications et obtenir les moyens financiers de continuer la lutte. C’est notamment le cas de la « Bande à Bonnot » qui, en 1911 et 1912 multiplie les braquages violents.
  • Le terrorisme devient un moyen au service de l’indépendance nationale. Avant la Première Guerre Mondiale, divers mouvements nationalistes apparaissent en Europe. Ces derniers revendiquent l’indépendance de leur pays, le droit de former une nation. Pour servir leur cause, les nationalistes se servent des armes du terrorisme. Les attentats font rage. Le plus célèbre est celui commis par un Serbe à l’encontre de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche le 28 juin 1914. Cet événement marque le début de la Première Guerre mondiale.

Le terrorisme renaît à la fin de la guerre avec la fondation de l’IRA en janvier 1919.
L’Armée Républicaine Irlandaise naît dans le contexte de la guerre civile d’indépendance en Irlande. Elle mène des actions violentes contre les Britanniques afin de les obliger à rendre une autonomie totale au pays. Lorsque l’indépendance de l’Irlande sera décrétée, l’organisation s’amoindrira. Elle reprendra toutefois les armes pour combattre en faveur des Catholiques d’Irlande du Nord et pour la réunification de l’île.

Avec la Seconde Guerre Mondiale, le terrorisme devient libérateur.
C’est au nom de l’indépendance nationale que l’Europe occupée connaît la Résistance, condamnée comme terroriste par l’occupant et la Gestapo. Avec la fin de la guerre, les indépendantismes nationaux se font entendre.
La décolonisation de certains pays du Maghreb et du Proche-Orient se fait pacifiquement mais, pour d’autres, elle demeure problématique. Des groupes radicaux utilisent alors le terrorisme meurtrier comme une arme de résistance, à leurs yeux légitime. Ce terrorisme de libération commence en Palestine le 22 juillet 1946 avec l’attentat de l’hôtel King David, perpétré par l’Igourn, une organisation sioniste extrémiste.

Ex.En France, c’est avec le cas algérien qu’émerge ce type de terrorisme politique, avec la création en 1954 du FLN (Front de Libération National) qui multiplie les attentats en France et en Algérie. Ces attentats ne visent pas uniquement l’armée d’occupation coloniale, mais aussi les civils (19 000 victimes civiles sont à déplorer). En réaction, l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) qui refuse la décolonisation, multiplie, elle aussi, les attentats (notamment celui du Petit-Clamart en 1962 contre le général De Gaulle).

Une partie des intellectuels de l’époque servent de caution morale à ce terrorisme politique particulier. Ainsi, en 1961, en plein troubles algériens, le martiniquais Frantz Fanon publie Les damnés de la terre. Ce livre, préfacé par Jean-Paul Sartre, est une charge contre la colonisation et ses conséquences ; il justifie le recours à la violence légitime.

C’est finalement dans les années 1970, avec notamment le conflit israélo-palestinien et l’opposition idéologique entre bloc de l’Est et bloc de l’Ouest, que va naître le terrorisme moderne dans sa version la plus achevée.
En effet, les années 1970-1980 sont célèbres, entre autres, pour les mouvements de contestations pacifistes. Cependant, certains groupes pacifistes ont également donné naissance à des branches beaucoup plus radicales. Pour défendre leurs idéaux ou renverser le pouvoir en place, certains mouvements recourent à la violence.

Ex.

  • C’est ce que l’on voit en 1959, à Cuba, avec le renversement du dictateur Batista par les guérilleros de Fidel Castro et du Che Guevara.
  • Aux Etats-Unis, après l’assassinat de Martin Luther King, des groupes comme les Black Panthers sèment la panique parmi la population blanche pour défendre les droits des Noirs.
  • En Italie, les Brigades rouges débutent leur campagne de terreur à travers le pays.
  • En Allemagne, la Fraction Armée Rouge, dite aussi « bande à Baader » s’en rendue coupable de plusieurs braquages de banques et d’attentats à la bombe contre des bâtiments militaires américains et des institutions publiques.
  • En France, le groupe d’extrême gauche « Action directe », dirigé par Jean-Marc Rouillan, pratique l’assassinat politique (notamment celui du PDG de Renault Georges Besse en 1986).
  • La droite compte aussi son lot d’attentats, généralement perpétrés à l’encontre des étrangers. C’est le cas par exemple de groupuscules comme le Ku Klux Klan (KKK) qui, de 1865 à 1940, cherche à terroriser les noirs par des lynchages ou des assassinats.

A la fin des années 1970, le terrorisme islamiste fait son apparition.

Rq.En 1979 a lieu la Révolution islamique en Iran. Le régime du Chah est renversé. L’ayatollah Khomeyni proclame officiellement la république islamique d’Iran dont la constitution s’appuie sur une stricte interprétation du Coran. A partir de cette époque, un nouveau modèle politique voit le jour dans certains pays musulmans. L’aspect religieux est de plus en plus présent dans les revendications.

Les premiers attentats suicides ont lieu au début des années 1980. En effet, en 1983, une série d’attentats sont perpétrés par la branche libanaise du Hezbollah contre les armées américaines et françaises. Avec la création du Hamas en 1987, ces attentats kamikazes se développent, principalement les attentats à la bombe.

Df.Dans les années 1990, le terrorisme politique se vide peu à peu de toute sa substance, il se banalise (comme par exemple avec les « Forces armées révolutionnaires de Colombie », F.A.R.C.).

En revanche, le terrorisme religieux progresse, le combat religieux est un combat mondial.

Ex.En Algérie, le Groupe Islamique Armé (G.I.A) va jouer un rôle crucial. Il veut imposer, si besoin par la force au reste du monde, un islam originel. L’actuelle organisation A.Q.M.I (Al-Quaïda au Maghreb islamique) est un des héritages directs du G.I.A algérien.

Progressivement vont émerger, dans le mouvement djihadiste, des figures de proue qui facilitent le recrutement nécessaire aux filières terroristes. Le plus emblématique est Oussama Ben Laden. Avec la création de « Al-Qaïda » (la « base » en arabe), il va faire connaître au monde le terrorisme globalisé. Il n’a pas de projet politique cohérent mais il proclame une haine de l’Amérique et une prétention de libérer le monde musulman de sa domination. Ce mouvement va se concentrer sur les USA (le grand Satan) et va perpétrer l’attentat le plus retentissant du XXIe siècle, celui du 11 septembre 2001.

Sy.Pendant tout le XXe siècle, les terrorismes semblent se classer en trois formes majeures, suivant leurs objectifs politiques, se donnant toutes l’État comme ennemi principal.

  • Un terrorisme de type révolutionnaire. Il est « vertical » en ce qu’il vise l’État au nom du peuple et que son objectif est de détruire des institutions. Des anarchistes de la Belle Époque aux Brigades Rouges, il se propose de renverser l’ordre établi par une stratégie d’ébranlement. L’acte terroriste doit servir de catalyseur à la mobilisation du peuple et d’accélérateur à la Révolution.
  • Un terrorisme « territorial », indépendantiste ou anticolonialiste, celui de l’IRA irlandaise, du PKK kurde et de dizaines de mouvements de libération. Il a pour but de chasser un occupant, ou un groupe allogène. Il emploie une stratégie, souvent complémentaire de la guérilla, de la négociation politique et de la pression idéologique : décourager la puissance étrangère, faire payer sa présence d’un tel prix, en pertes matérielles et politiques, qu’elle doive partir ou céder. L’enjeu est l’occupation d’une terre.
  • Un terrorisme « instrumental » de pure contrainte. Il est souvent transnational. Il constitue un élément de menace et de négociation. Il vise à obtenir un avantage précis : la libération d’un prisonnier, contraindre une puissance étrangère à cesser de soutenir telle faction ou de s’interposer dans tel conflit, etc. Des actions de ce type, parfois commanditées par un État, ont des objectifs précis. La France en a eu la démonstration avec les campagnes terroristes de 1986 (dont l’attentat de la rue de Rennes) et de 1995 (avec, notamment, celui du métro Saint-Michel). Ils étaient respectivement liés aux affaires libanaises et algériennes. Ce terrorisme s’en prend au détenteur d’une autorité à qui il cherche à imposer une décision, ou au possesseur d’une ressource, qui peut être éventuellement l’argent ou l’accès aux médias… La méthode est indirecte en ce qu’elle vise à modifier un rapport de forces mais n’est pas censée apporter la victoire finale.

Bien entendu, dans la pratique, ces trois modèles se mêlent inextricablement : il n’est pas rare de voir des terroristes exercer un chantage à objectifs limités, mais dans le cadre d’une lutte de libération nationale, tout en se réclamant d’une finalité globale comme l’effondrement du capitalisme international.

En raison de la puissance des pays occidentaux (et notamment de leur capacité nucléaire), toute tentative d’agression frontale est vouée à l’échec. En conséquence, les modes d’actions asymétriques, la guérilla et le terrorisme, sont l’unique stratégie pour les Etats et les organisations qui se trouvent, pour des raisons quelconques, en situation d’affrontement avec une ou plusieurs de ces grandes puissances.

Df.Depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New-York, le mot « terrorisme » et les actes qu’il recouvre ont pris un sens nouveau. Ils sont associés à une violence extrême, dirigée contre un Etat ou un modèle de société, en faisant de nombreuses victimes civiles innocentes. C’est ce qui fait d’ailleurs la spécificité du terrorisme moderne. La majorité des attentats récents ont des motifs religieux, mais d’autres sont motivés par d’autres causes comme par l’indépendantisme (c’est le cas pour les attentats commis par des Tchétchènes en Russie). En outre, de nouveaux acteurs s’adonnent au terrorisme, des entités non-politiques (mafias, sectes, etc.). Ces terrorismes divers et variés ont remplacé le terrorisme organisé et politique du siècle dernier.

Si les attaques terroristes sont principalement des attaques à la bombe, deux autres types de terrorisme inquiètent les États : le cyberterrorisme et le bioterrorisme. Le cyberterrorisme est lié au développement des systèmes informatiques et à la vulnérabilité des réseaux de communication. Régulièrement, des hackers piratent des données et bloquent en partie le réseau. Ce terrorisme menace particulièrement l’économie des pays développés. Le bioterrorisme a été médiatisé par l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995, puis par les lettres piégées à l’anthrax en 2001 aux États-Unis. Les produits chimiques et biologiques sont faciles à produire, peu chers, très meurtriers et quasiment indétectables. L’un des risques les plus importants est le virus de la variole, maladie infectieuse la plus meurtrière de l’histoire, éradiquée mais dont il subsiste plusieurs souches.

Pour beaucoup, le terrorisme, et principalement le terrorisme islamique, constitue la principale menace du XXIe siècle. Pour la combattre, les gouvernements développent une série de mesures juridiques préventives et répressives. Pour certains, la lutte contre le terrorisme est devenu un véritable combat du Bien contre le Mal.

La Lutte contre le terrorisme n’a pas attendu les attentats du 11 septembre.

Tx.En 1937, à la suite du meurtre du roi de Yougoslavie en 1934, une conférence internationale à Genève adopte les premières conventions juridiques contre le terrorisme politique.

Depuis 1972, l’assemblée de L’ONU a adopté près de 70 résolutions au sujet du terrorisme, le Conseil de Sécurité s’est, lui aussi, saisi du sujet et a fini par donner naissance au Comité du Contre-terrorisme en septembre 2001.

En effet, le 11 septembre 2001 marque un véritable tournant.

Ex.Cet attentat est certes considérable par le nombre de victimes (environ 3300), mais les moyens utilisés (le détournement d’avions de ligne) sont une méthode classique. En revanche, il a atteint les Etats-Unis au cœur de leurs métropoles ; il a frappé le monde entier par son côté spectaculaire. Cet attentat a été extrêmement médiatisé. Il a été le point de départ d’une politique occidentale sécuritaire, d’une « guerre au terrorisme » comme l’a déclaré le président américain.
Cet attentat a eu pour conséquence l’adoption de lois censées permettre à la fois une meilleure anticipation du risque terroriste (les lois sur le renseignement) et donner aux Etats les moyens de sanctionner les terroristes une fois appréhendés (avant leur passage à l’acte de préférence). Apparaissent alors le Patriot Act accordant des pouvoirs exceptionnels à la police et aux renseignements américains, des tribunaux militaires d’exception et le bagne de Guantanamo. La plupart des États se sont dotés d’une législation spécifique pour combattre les activités terroristes. La participation à une action terroriste est une circonstance aggravante qui permet une sanction plus lourde et des garanties procédurales plus ténues.

Les grandes nations occidentales découvrent leur extrême fragilité, confrontées à des groupes terroristes inattaquables car sans territoire, qui viennent d’accéder au statut d’acteurs mondiaux. Le terrorisme actuel n’est pas le fait d’Etats mais de groupes transétatiques, difficilement visibles, très difficilement perméables aux services de renseignements. Ce sont des groupes organisés, disposant de moyens importants, qui n’hésitent pas à fomenter des attentats. Depuis les attentats de 2001, Al-Quaïda est devenue une sorte de label sous la bannière duquel de nombreuses organisations djihadistes se regroupent, même sans avoir de lien véritable avec Al-Qaïda. Une nouvelle génération de terroristes islamiques est désormais active et elle cherche à recruter dans le monde entier, y compris au sein des démocraties occidentales (les jeunes partis faire le djihad en Syrie en sont l’exemple le plus frappant).

Rq.Les Etats victimes découvrent également le prix des attaques terroristes. L’effondrement des tours jumelles a coûté 7 milliards de dollars, les primes des assurances ont bondi de 30 % en moyenne. Les attentats de Bali, d’Egypte, de Tunisie mettent à mal le tourisme qui est une, si ce n’est la principale source de revenus de ces pays. Le marché mondial de la protection contre le terrorisme est évalué à 100 milliards de dollars et celui de la protection des réseaux d’information à 50 milliards. En revanche, ces attentats sont relativement peu coûteux à préparer (les attentats du 11 septembre 2001 auraient coûté entre 200 000 et 500 000 dollars, ceux de Bali en 2002 moins de 50 000), et les organisations terroristes utilisent des circuits opaques pour financer leurs opérations.

Les Etats tentent d’endiguer ce phénomène causé par l’extrémisme idéologique, les conflits violents, les atteintes aux droits de l’homme. Ils veulent rompre le lien entre terrorisme et résistance. Ils s’attaquent aux moyens financiers des terroristes (par exemple, le Gafi, Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux, réunit 25 Etats occidentaux ; il a établi des normes internationales pour lutter contre le financement du terrorisme) et sécurisent leurs territoires et leurs moyens de transport, sanctionnent les états-voyous (Lybie, Syrie), favorisent l’émergence d’Etats de droit, censés être le meilleur rempart contre le terrorisme.

Ex.L’Europe préconise entre autres d’établir une définition commune du terrorisme pour tous les Etats européens ; d’instaurer une clause de solidarité qui invite les Etats européens à mettre tous leurs moyens à disposition lorsque l’un d’entre eux est victime du terrorisme ; de nommer un « Monsieur terrorisme » chargé de coordonner les actions des Etats membres et les positions de l’Europe ; de promouvoir le programme Eurojust ou encore de créer un mandat d’arrêt européen.

Désormais, c’est le spectre de l’auto-radicalisation alimentée par l’ère internet qui semble se proposer comme la véritable menace des années à venir. De plus, la médiatisation de l’Islamisme terroriste aura pour conséquence indirecte l’apparition d’un mouvement du « contre-djihad » violent, incarné notamment par le Norvégien Anders Behring Breivik (qui parvient à assassiner 77 personnes lors des attentats d’Oslo du 22 juillet 2011).

En France, 14 lois antiterroristes ont été votées en moins de 15 ans.

Tx.

  • L’arsenal juridique français avait déjà été renforcé par la loi du 21 décembre 2012.
  • Depuis 2013, trois lois ont permis d’adapter le cadre législatif de la France aux nouvelles formes de menace. Elles ont tout à la fois aggravé les mesures répressives, et étendu l’application du Code pénal aux infractions de nature terroriste commises à l’étranger par les ressortissants français ou par des étrangers résidant habituellement en France. Elles ont également introduit dans le droit français des mesures de police administrative novatrices en matière d’accès ou de sortie du territoire ou sur les contenus illicites des sites Internet.
  • Le Gouvernement a aussi décidé dès avril 2014 d’un plan d’action contre les filières djihadistes et la radicalisation. Plus de 2500 signalements de radicalisation ont été portés à la connaissance des autorités.
  • La loi du 13 novembre 2014renforce les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Un des principaux décrets d’application, publié le 14 janvier 2015, met en place l’interdiction de sortie du territoire des ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l’étranger. Le décret relatif au blocage de sites provoquant à des actes de terrorisme a été publié le 4 février. Enfin, le décret permettant le déréférencement dans les moteurs de recherches a, de son côté, été publié le 4 mars.
  • La loi sur le renseignement a été promulguée le 25 juillet 2015 avec deux objectifs : donner un cadre légal précis aux services de renseignements pour les autoriser à recourir à des moyens techniques d’accès à l’information (notamment de recueillir, en temps réel, les données de connexion relatives à des personnes préalablement identifiées comme présentant une menace, de mettre en place un « algorithme » traitant les données de connexion de tous les connectés et visant à détecter une menace terroriste mais sans procéder à l’identification des personnes concernées par l’analyse des données autres que celles suspectées de terrorisme) et garantir le respect des libertés publiques et le respect de la vie privée. La loi prévoit notamment de subordonner le recours aux mesures de surveillance à l’autorité du pouvoir politique et à un double contrôle, celui d’une autorité extérieure indépendante, et celui du Conseil d’État, sauf en cas d’urgence absolue. Cette loi a été critiquée avec virulence, accusée d’instaurer une surveillance de masse. La CNIL a d’ailleurs émis des réserves sur cette loi.

Le gouvernement cherche également à lutter contre le financement des groupes terroristes. Il cherche à identifier les mouvements financiers suspects, à les surveiller et à agir notamment par le gel des avoirs détenus par les financeurs ou les acteurs du terrorisme.

En France, outre les spécialistes de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, fusion de la DST et des RG), le ministère de l’intérieur s’appuie sur la Direction nationale de l’antiterrorisme de la police judiciaire. Les agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) travaillent hors du territoire national, à la compréhension et à l’affaiblissement des structures terroristes avant qu’elles ne frappent la France.

Rq.Le plan Vigipirate se fonde sur l’évaluation des menaces. Le Premier ministre prend la décision de déclencher le plan et juge du niveau d’alerte qui s’impose. Dès le niveau orange, le survol des sites sensibles est interdit et des patrouilles sont mises en place.

Au fond, à chaque attentat terroriste, les gouvernements renforcent leur arsenal juridique et leur service de renseignements. Des milliers de personnes font l’objet d’une fiche de renseignements. Ce système de fichage est l’une des sous-catégories du fichier des personnes recherchées, le FPR. Ce fichier géant répertoriait plus de 400 000 individus au 1er novembre 2010. Il sert à faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, militaires ou administratives selon la CNIL. Créé à la fin des années 1960, le FRP regroupe des catégories de personnes très variées, comme les mineurs fugueurs (« M »), les évadés (« V »), ou les personnes privées de sortie du territoire (« IT », pour interdiction de territoire). La sous-catégorie « S » désigne les personnes potentiellement menaçantes pour la « Sûreté de l’État ». En 2012, 5000 noms y étaient répertoriés. A l’origine, cette catégorie avait été créée pour contrôler les déplacements des diplomates. Puis, elle s’est étendue à la menace terroriste. La fiche S est un outil de contrôle des renseignements à disposition des services de police et de gendarmerie, qui sert surtout à contrôler les déplacements. Ce fichier S est subdivisé en plusieurs échelons qui correspondent à une échelle de vigilance graduée jusqu’à 16.

Les fichiers sont incontestablement un outil, le tout est de les rendre performants et surtout respectueux des libertés individuelles. Certains politiques appellent à un « Patriot Act » en France, à un renforcement des fichiers, à la conservation des données, au rétablissement des frontières ou au moins des contrôles dans l’espace Schengen. Avec le dernier attentat dans un train, des voix s’élèvent pour réclamer un contrôle des bagages et des portiques de sécurité comme dans les aéroports.

Le danger de ce type de politique est double.

  • Tout d’abord le risque de dérive sécuritaire et liberticide est réel. Pour être plus efficace dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, le gouvernement prend des mesures de plus en plus drastiques, limitant les libertés au profit de la sécurité.
  • Ensuite, la définition même du terrorisme est problématique. Il existe plus d’une centaine de définitions du terrorisme. Dans les pays en guerre, qualifier l’adversaire de terroriste est une manière de préciser que le mauvais camp, le camp illégitime est celui de l’adversaire, et que le bon camp, le camp légitime est le camp d’appartenance. Dans les pays en paix, qualifier un groupe de terroriste permet au pouvoir en place d’alerter la population de la menace potentielle, de proportionner les mesures de sécurité et de montrer son action en se légitimant par la lutte antiterroriste pour assurer la sécurité. Dans les deux cas, qualifier l’adversaire de « terroriste » est une manière de se légitimer.

L’appellation « terroriste » est donc toujours contestée. Les tentatives pour une définition universelle du concept soulèvent invariablement des débats parce que des définitions variées peuvent être employées en vue d’inclure les actions de certains partis, et d’exclure celles des autres.

Tx.Ainsi, selon le Code pénal français (art. 421-1), « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur les infractions suivantes : les atteintes à la vie (…), les vols, les destructions, les dégradations et détériorations ainsi que les infractions en matière informatique (…), la fabrication ou la détention de machines ; le fait d’introduire dans l’atmosphère une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ; le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme ».

Cette définition peut être différemment interprétée.

Ex.Ainsi, en 2015, le procès du groupe de Tarnac, a conduit à s’interroger sur la définition du terrorisme en droit français : pour le Ministère public, les sabotages de plusieurs lignes de TGV en 2008 doivent être jugés avec la circonstance aggravante d’« entreprise terroriste » alors que pour la juge d’instruction, il n’y a pas de caractère terroriste : si les sabotages ont occasionné un « désagrément aux usagers » et « désorganisé » le réseau SNCF, ils n’ont à aucun moment « intimidé ou terrorisé tout ou partie de la population », au sens de l’article 421-1 du Code pénal qui définit l’infraction terroriste. Cette controverse pourrait toutefois être tranchée en Cour de cassation.

Le 13 novembre 2015 de nouveaux attentats ensanglantent la France, en plusieurs endroits de Paris, faisant plus d’une centaine de morts. Ces attentats sont revendiqués par l’organisation terroriste Daesh qui qualifie Paris de capitale des « abominations et de la perversion ».
Ces attentats sont exceptionnels par leur ampleur, d’abord : plus de 100 morts, 400 blessés, des personnes ordinaires frappées alors qu’elles se livraient à des activités plus que courantes (aller écouter un concert, boire un verre en terrasse, diner au restaurant…). Les Français, et les Parisiens en particuliers, ont désormais conscience que la menace terroriste peut frapper n’importe qui, n’importe où.

Tx.Ces attentats sont également exceptionnels, ensuite, en raison de la réaction qu’ont eue les autorités françaises.
En effet, dès le 14 novembre, le Président de la République décrète l’Etat d’urgence sur l’ensemble du territoire (hors Outre-Mer dans un premier temps). Ce régime d’exception organisé par une loi datant de 1955 n’a jamais été déclaré dans toute la France depuis les débuts de la Ve République en 1958. Il a été appliqué à trois reprises en Algérie (1955, 1958, 1961). De décembre 1984 à juin 1985, il a été décrété en Nouvelle-Calédonie. Il a été appliqué pour la dernière fois il y a dix ans dans 25 départements après les émeutes dans les banlieues.
L’Etat d’urgence désigne un régime exceptionnel instauré en cas d’atteinte grave à l’ordre public, de troubles graves ou de calamités nationales. Il se traduit par un renforcement des pouvoirs de l’autorité administrative, notamment des pouvoirs de police, des restrictions de certaines libertés publiques ou individuelles pour des personnes considérées comme dangereuses : contrôle de la presse, limitation de circulation des personnes ou des véhicules, expulsions du territoire, interdiction de réunion, assignation à résidence.
De plus, le Président de la République estime que les articles 16 et 36 de la Constitution ne correspondent pas à la menace terroriste que connaît la France de 2015. Il souhaite modifier la constitution pour créer un régime civil d’état de crise permettant de mettre en œuvre des mesures exceptionnelles.
Cet état d’urgence suscite des critiques à deux niveaux. Tout d’abord au niveau de sa durée. La fin de l’état d’urgence ne semble pas proche. Il a déjà été prolongé une première fois jusqu’au 26 février et étendu aux territoires d’outre-mer. Un projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour une durée de trois mois sera présenté au Conseil des Ministres du 3 février 2016. Dans le même temps, des voix s’élèvent, notamment celle de la Ligue des Droits de l’Homme, pour en demander la fin, et nombreux sont ceux qui craignent un état d’urgence à perpétuité.
L’autre série de critiques réside dans le contenu et l’utilisation qui est faite de l’état d’urgence. Les personnes inquiétées, arrêtées ou assignées à résidence dans ce cadre ne sont pas toutes soupçonnées d’être en lien avec une entreprise terroriste. C’est le cas notamment des militants écologistes arrêtés lors de la manifestation dans la cadre de la COP 21. Il ne faudrait que l’état d’urgence se transforme en un musellement de toute forme d’opposition.
Sy.Le débat entre ce qui relève du terrorisme (et donc d’un régime juridique d’exception) et ce qui relève du combat politique ou d’une infraction de droit commun n’est donc pas prêt d’être tranché.
Voir également:
Henry A. Kissinger
The Washington Post
31 juillet 2006
L’attention du monde est focalisée sur les combats au Liban et dans la bande de Gaza, mais le contexte ramène inévitablement à l’Iran. Malheureusement, la diplomatie qui s’occupe de cette question est constamment dépassée par les événements. Alors que les explosifs pleuvent sur les villes libanaises et israéliennes et qu’Israël reprend des parties de Gaza, la proposition faite à l’Iran en mai par les « Six » (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Russie et Chine) en vue de négociations sur son programme d’armement nucléaire attend toujours une réponse. Il est possible que Téhéran interprète le ton presque suppliant de certaines communications qui lui sont adressées comme un signe de faiblesse et d’irrésolution. Ou peut-être que la violence au Liban a fait réfléchir les mollahs sur les risques qu’il y a à courtiser et à déclencher une crise.
Quelle que soit la manière dont on lit les feuilles de thé, les bouleversements actuels au Proche-Orient pourraient constituer un tournant. L’Iran pourrait en venir à apprécier la loi des conséquences involontaires. Pour leur part, les Six ne peuvent plus éviter de faire face au double défi que pose l’Iran. D’une part, la quête d’armes nucléaires représente l’aspiration de l’Iran à la modernité par le biais du symbole de puissance de l’État moderne ; d’autre part, cette revendication est mise en avant par une forme fervente d’extrémisme religieux qui a maintenu le Moyen-Orient musulman dans un état non modernisé pendant des siècles. Cette énigme ne peut être résolue sans conflit que si l’Iran adopte un modernisme compatible avec l’ordre international et une vision de l’Islam compatible avec une coexistence pacifique.
Jusqu’à présent, les Six sont restés vagues quant à leur réponse à un refus iranien de négocier, à l’exception de menaces peu précises de sanctions par l’intermédiaire du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais si l’impasse entre l’indulgence des Six et les invectives du président iranien conduit à un acquiescement de facto au programme nucléaire iranien, les perspectives de l’ordre international multilatéral s’assombriront partout. Si les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne sont incapables d’atteindre ensemble les objectifs pour lesquels ils se sont publiquement engagés, tous les pays, en particulier ceux qui composent les Six, seront confrontés à des menaces croissantes, qu’il s’agisse de pressions intérieures accrues de la part de groupes islamiques radicaux, d’actes terroristes ou de conflagrations presque inévitablesdéclenchée par la prolifération des armes de destruction massive.
L’analogie d’un tel désastre n’est pas Munich, lorsque les démocraties ont cédé la partie germanophone de la Tchécoslovaquie à Hitler, mais la réponse à l’invasion de l’Abyssinie par Mussolini. À Munich, les démocraties pensaient que les exigences d’Hitler étaient essentiellement justifiées par le principe d’autodétermination ; ce sont surtout ses méthodes qui les ont rebutées. Dans la crise abyssine, la nature du défi est incontestée. À une large majorité, la Société des Nations a voté pour traiter l’aventure italienne comme une agression et pour imposer des sanctions. Mais elle a reculé devant les conséquences de sa perspicacité et a rejeté un embargo sur le pétrole, que l’Italie aurait été incapable de surmonter. La Ligue ne s’est jamais remise de cette débâcle. Si les forums des six nations traitant de l’Iran et de la Corée du Nord subissent des échecs comparables, la conséquence sera un monde de prolifération incontrôlée, qui ne sera contrôlé ni par des principes directeurs ni par des institutions fonctionnelles.
Un Iran moderne, fort et pacifique pourrait devenir un pilier de la stabilité et du progrès dans la région. Cela ne pourra se produire que si les dirigeants iraniens décident s’ils représentent une cause ou une nation, si leur motivation première est la croisade ou la coopération internationale. L’objectif de la diplomatie des Six devrait être d’obliger l’Iran à faire ce choix.
La diplomatie ne fonctionne jamais dans le vide. Elle convainc non pas par l’éloquence de ses praticiens, mais par la mise en place d’un équilibre entre les incitations et les risques. Le célèbre dicton de Clausewitz selon lequel la guerre est la continuation de la diplomatie par d’autres moyens définit à la fois le défi et les limites de la diplomatie. La guerre peut imposer la soumission ; la diplomatie doit susciter le consensus. Le succès militaire permet au vainqueur de la guerre de prescrire, au moins pour une période intérimaire. Le succès diplomatique se produit lorsque les principales parties sont substantiellement satisfaites ; il crée – ou devrait s’efforcer de créer – des objectifs communs, au moins en ce qui concerne l’objet de la négociation ; dans le cas contraire, aucun accord ne dure très longtemps. Le risque de guerre réside dans le dépassement des limites objectives ; le fléau de la diplomatie est de substituer le processus au but. La diplomatie ne doit pas être confondue avec la désinvolture. Il ne s’agit pas d’un exercice oratoire mais d’un exercice conceptuel. Lorsqu’elle s’adresse à des publics nationaux, les défis radicaux sont encouragés plutôt que surmontés.
Il est souvent affirmé que ce qui est nécessaire en ce qui concerne l’Iran est une diplomatie comparable à celle qui, dans les années 1970, a fait passer la Chine de l’hostilité à la coopération avec les États-Unis. Mais ce n’est pas une diplomatie habile qui a persuadé la Chine d’entrer dans ce processus. Une décennie d’escalade des conflits avec l’Union soviétique l’a plutôt amenée à la conviction que la menace pour sa sécurité provenait moins de l’Amérique capitaliste que de laconcentration des forces soviétiques à ses frontières septentrionales. Les affrontements entre les forces militaires soviétiques et chinoises le long du fleuve Oussouri ont accéléré le retrait de Pékin de l’alliance soviétique.
La contribution de la diplomatie américaine a été de comprendre la signification de ces événements et d’agir en conséquence. L’administration Nixon n’a pas convaincu la Chine qu’elle devait changer ses priorités. Son rôle était de convaincre la Chine que la mise en œuvre de ses besoins stratégiques était sûre et améliorerait les perspectives à long terme de la Chine. Elle y est parvenue en concentrant le dialogue diplomatique sur des objectifs géopolitiques fondamentaux, tout en laissant en suspens certains points litigieux. Le communiqué de Shanghai de 1972, le premier communiqué sino-américain, symbolise ce processus. Contrairement à l’usage établi, il énumère une série de désaccords persistants comme prélude à l’objectif commun clé consistant à empêcher les aspirations hégémoniques de tierces parties non nommées – sous-entendant clairement l’Union soviétique.
Le défi de la négociation iranienne est bien plus complexe. Pendant les deux années qui ont précédé l’ouverture à la Chine, les deux parties se sont engagées dans des actions subtiles, réciproques, symboliques et diplomatiques pour exprimer leurs intentions. Ce faisant, elles étaient tacitement parvenues à une compréhension parallèle de la situation internationale, et la Chine avait choisi de chercher à vivre dans un monde coopératif.
Rien de tel ne s’est produit entre l’Iran et les États-Unis. Il n’y a même pas une approximation d’une vision du monde comparable. L’Iran a réagi à l’offre américaine d’entamer des négociations par des railleries et a attisé les tensions dans la région. Même si les raids du Hezbollah sur Israël depuis le Liban et l’enlèvement de soldats israéliens n’ont pas été planifiés à Téhéran, ils n’auraient pas eu lieu si leurs auteurs les avaient jugés incompatibles avec la stratégie iranienne. En bref, l’Iran n’a pas encore fait le choix du monde qu’il recherche – ou il a fait le mauvais choix du point de vue de la stabilité internationale. La crise du Liban pourrait marquer un tournant si elle confère un sentiment d’urgence à la diplomatie des Six et une note de réalisme aux attitudes de Téhéran.
Jusqu’à présent, l’Iran a joué la montre. Les mollahs cherchent apparemment à accumuler autant de capacités nucléaires que possible de sorte que, même s’ils suspendaient l’enrichissement, ils seraient en mesure d’utiliser la menace d’une reprise de leurs efforts d’armement comme moyen d’accroître leur influence dans la région.
Compte tenu de la rapidité de la technologie, la patience peut facilement se transformer en dérobade. Les Six devront décider du sérieux avec lequel ils insisteront sur leurs convictions. Plus précisément, les Six devront être prêts à agir de manière décisive avant que le processus technologique ne rende l’objectif d’arrêt de l’enrichissement de l’uranium sans objet. Bien avant d’en arriver là, il faudra se mettre d’accord sur des sanctions. Pour être efficaces, elles doivent être globales ; les mesures timides et symboliques combinent les inconvénients de chaque ligne d’action. Les consultations interalliées doivent éviter l’hésitation que la Société des Nations a manifestée à propos de l’Abyssinie. Nous devons apprendre des négociations avec la Corée du Nord à ne pas nous engager dans un processus impliquant de longues pauses pour régler les désaccords au sein de l’administration et du groupe de négociation, alors que l’autre partie accroît son potentiel nucléaire. Les partenaires de l’Amérique ont tout autant besoin de décisions leur permettant de suivre une voie parallèle.
La suspension de l’enrichissement de l’uranium ne doit pas être la fin du processus. La prochaine étape devrait être l’élaboration d’un système mondial d’enrichissement nucléaire dans des centres désignés à travers le monde et sous contrôle international, comme l’a proposé la Russie pour l’Iran. Cela permettrait d’atténuer les implications de la discrimination à l’égard de l’Iran et d’établir un modèle de développement de l’énergie nucléaire sans crise avec chaque nouvel entrant dans le domaine nucléaire.
Le président Bush a annoncé la volonté de l’Amérique de participer aux discussions des Six avec l’Iran pour empêcher l’émergence d’un programme d’armes nucléaires iranien. Mais il ne sera pas possible de tracer une ligne de démarcation entre les négociations nucléaires et une révision globale des relations de l’Iran avec le reste du monde.
L’héritage de la crise des otages, les décennies d’isolement et l’aspect messianique du régime iranien représentent d’énormes obstacles à une telle diplomatie. Si Téhéran insiste pour combiner la tradition impériale perse avec la ferveur islamique contemporaine, une collision avec l’Amérique – et, en fait, avec ses partenaires de négociation des Six – est inévitable. L’Iran ne peut tout simplement pas être autorisé à réaliser son rêve de domination impériale dans une région d’une telle importance pour le reste du monde.
En même temps, un Iran qui se concentre sur le développement des talents de son peuple et des ressources de son pays ne devrait rien avoir à craindre des États-Unis. Même s’il est difficile d’imaginer que l’Iran, sous son président actuel, participera à un effort qui l’obligerait à abandonner ses activités terroristes ou son soutien à des instruments tels que le Hezbollah, la reconnaissance de ce fait devrait émerger du processus de négociation plutôt que d’être la base d’un refus de négocier. Une telle approche impliquerait la redéfinition de l’objectif de changement de régime, offrant l’opportunité d’un véritable changement de direction de la part de l’Iran, quel que soit le pays au pouvoir.
Il est important d’exprimer cette politique par des objectifs précis, susceptibles d’être vérifiés de manière transparente. Un dialogue géopolitique ne peut se substituer à une solution rapide de la crise de l’enrichissement nucléaire. Celle-ci doit être traitée séparément, rapidement et fermement. Mais beaucoup dépend du fait qu’une position ferme sur cette question soit comprise comme la première étape d’une invitation plus large faite à l’Iran de réintégrer le reste du monde.
En fin de compte, les États-Unis doivent être prêts à justifier leurs efforts pour empêcher un programme d’armes nucléaires iranien. Pour cette raison, l’Amérique a l’obligation d’explorer toutes les alternatives honorables.
Voir de même:

Entretiens avec deux grands intellectuels sur le « concept » du 11 septembre 2001

Qu’est-ce que le terrorisme ?
Jacques Derrida
Giovanna Borradori. – Que le 11 septembre soit ou non un événement d’importance majeure, quel rôle assignez-vous à la philosophie ? Est-ce que la philosophie peut nous aider à comprendre ce qui s’est passé ?

J. D. – Sans doute un tel « événement » requiert-il une réponse philosophique. Mieux, une réponse qui remette en question, dans leur plus grande radicalité, les présuppositions conceptuelles les mieux ancrées dans le discours philosophique. Les concepts dans lesquels on a le plus souvent décrit, nommé, catégorisé cet « événement » relèvent d’un « sommeil dogmatique » dont ne peut nous réveiller qu’une nouvelle réflexion philosophique, une réflexion sur la philosophie, notamment sur la philosophie politique et sur son héritage. Le discours courant, celui des médias et de la rhétorique officielle, se fie trop facilement à des concepts comme celui de « guerre » ou de « terrorisme » (national ou international).

Une lecture critique de Carl Schmitt (1), par exemple, serait fort utile. D’une part, pour prendre en compte, aussi loin qu’il est possible, la différence entre la guerre classique (confrontation directe et déclarée entre deux Etats ennemis, dans la grande tradition du droit européen), la « guerre civile » et la « guerre des partisans » (dans ses formes modernes, encore qu’elle apparaisse, Schmitt le reconnaît, dès le début du XIXe siècle).

Mais, d’autre part, il nous faut aussi reconnaître, contre Schmitt, que la violence qui se déchaîne maintenant ne relève pas de la guerre (l’expression « guerre contre le terrorisme » est des plus confuses, et il faut analyser la confusion et les intérêts que cet abus rhétorique prétend servir). Bush parle de « guerre », mais il est bien incapable de déterminer l’ennemi auquel il déclare qu’il a déclaré la guerre. L’Afghanistan, sa population civile et ses armées ne sont pas les ennemis des Américains, et on n’a même jamais cessé de le répéter.

A supposer que « Ben Laden » soit ici le décideur souverain, tout le monde sait que cet homme n’est pas afghan, qu’il est rejeté par son pays (par tous les « pays » et par tous les Etats presque sans exception d’ailleurs), que sa formation doit tant aux Etats-Unis et surtout qu’il n’est pas seul. Les Etats qui l’aident indirectement ne le font pas en tant qu’Etats. Aucun Etat comme tel ne le soutient publiquement. Quant aux Etats qui hébergent (harbour) les réseaux « terroristes », il est difficile de les identifier comme tels.

Les Etats-Unis et l’Europe, Londres et Berlin sont aussi des sanctuaires, des lieux de formation et d’information pour tous les « terroristes » du monde. Aucune géographie, aucune assignation « territoriale » n’est donc plus pertinente, depuis longtemps, pour localiser l’assise de ces nouvelles technologies de transmission ou d’agression. (Soit dit trop vite et en passant, pour prolonger et préciser ce que je disais plus haut d’une menace absolue d’origine anonyme et non étatique, les agressions de type « terroriste » n’auraient déjà plus besoin d’avions, de bombes, de kamikazes : il suffit de s’introduire dans un système informatique à valeur stratégique, d’y installer un virus ou quelque perturbation grave pour paralyser les ressources économiques, militaires et politiques d’un pays ou d’un continent. Cela peut être tenté de n’importe où sur la terre, à un coût et avec des moyens réduits.)

Le rapport entre la terre, le territoire et la terreur a changé, et il faut savoir que cela tient au savoir, c’est-à-dire à la techno-science. C’est la techno-science qui brouille la distinction entre guerre et terrorisme. A cet égard, comparé aux possibilités de destruction et de désordre chaotique qui sont en réserve, pour l’avenir, dans les réseaux informatisés du monde, le « 11 septembre » relève encore du théâtre archaïque de la violence destinée à frapper l’imagination. On pourra faire bien pire demain, invisiblement, en silence, beaucoup plus vite, de façon non sanglante, en attaquant les networks informatiques dont dépend toute la vie (sociale, économique, militaire, etc.) d’un « grand pays », de la plus grande puissance du monde.

Un jour, on dira : le « 11 septembre », c’était le (« bon ») vieux temps de la dernière guerre. C’était encore de l’ordre du gigantesque : visible et énorme ! Quelle taille, quelle hauteur ! Il y a eu pire depuis, les nanotechnologies en tous genres sont tellement plus puissantes et invisibles, imprenables, elles s’insinuent partout. Elles rivalisent dans le micrologique avec les microbes et les bactéries. Mais notre inconscient y est déjà sensible, il le sait déjà et c’est ce qui fait peur.

Si cette violence n’est pas une « guerre » interétatique, elle ne relève pas non plus de la « guerre civile » ou de la « guerre des partisans », au sens défini par Schmitt, dans la mesure où elle ne consiste pas, comme la plupart des « guerres de partisans », en une insurrection nationale, voire en un mouvement de libération destiné à prendre le pouvoir sur le sol d’un Etat-nation (même si l’une des visées, latérale ou centrale, des réseaux « Ben Laden », c’est de déstabiliser l’Arabie saoudite, alliée ambiguë des Etats-Unis, et d’y installer un nouveau pouvoir d’Etat). Si même on persistait à parler de terrorisme, cette appellation couvre un nouveau concept et de nouvelles distinctions.

G. B. – Vous croyez qu’on peut marquer ces distinctions ?

J. D. – C’est plus difficile que jamais. Si on veut ne pas se fier aveuglément au langage courant, qui reste le plus souvent docile aux rhétoriques des médias ou aux gesticulations verbales du pouvoir politique dominant, il faut être très prudent quand on se sert des mots « terrorisme » et surtout « terrorisme international ». Qu’est-ce que la terreur, en premier lieu ? Qu’est-ce qui la distingue de la peur, de l’angoisse, de la panique ? Tout à l’heure, en suggérant que l’événement du 11 septembre n’était major que dans la mesure où le traumatisme qu’il a infligé aux consciences et aux inconscients ne tenait pas à ce qui s’était passé mais à la menace indéterminée d’un avenir plus dangereux que la guerre froide, est-ce que je parlais de terreur, de peur, de panique ou d’angoisse ?

La terreur organisée, provoquée, instrumentalisée, en quoi diffère-t-elle de cette peur que toute une tradition, de Hobbes à Schmitt et même à Benjamin, tient pour la condition de l’autorité de la loi et de l’exercice souverain du pouvoir, pour la condition du politique même et de l’Etat ? Dans le Léviathan, Hobbes ne parle pas seulement de « fear » mais de « terrour ». Benjamin dit de l’Etat qu’il tend à s’approprier, par la menace, précisément, le monopole de la violence. On dira, certes, que toute expérience de la terreur, même si elle a une spécificité, n’est pas nécessairement l’effet d’un terrorisme. Sans doute, mais l’histoire politique du mot « terrorisme » dérive largement de la référence à la Terreur révolutionnaire française, qui fut exercée au nom de l’Etat et qui supposait justement le monopole légal de la violence.

Si on se réfère aux définitions courantes ou explicitement légales du terrorisme, qu’y trouve-t-on ? La référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois (nationales ou internationales) y implique à la fois la distinction entre civil et militaire (les victimes du terrorisme sont supposées être civiles) et une finalité politique (influencer ou changer la politique d’un pays en terrorisant sa population civile). Ces définitions n’excluent donc pas le « terrorisme d’Etat ». Tous les terroristes du monde prétendent répliquer, pour se défendre, à un terrorisme d’Etat antérieur qui, ne disant pas son nom, se couvre de toutes sortes de justifications plus ou moins crédibles.

Vous connaissez les accusations lancées, par exemple et surtout, contre les Etats-Unis soupçonnés de pratiquer ou d’encourager le terrorisme d’Etat. D’autre part, même pendant les guerres déclarées d’Etat à Etat, dans les formes du vieux droit européen, les débordements terroristes étaient fréquents. Bien avant les bombardements plus ou moins massifs des deux dernières guerres, l’intimidation des populations civiles était un recours classique. Depuis des siècles.

Il nous faut également dire un mot de l’expression « terrorisme international » qui alimente les discours politiques officiels partout dans le monde. Elle se trouve aussi mise en œuvre dans de nombreuses condamnations officielles de la part des Nations unies. Après le 11 septembre, une majorité écrasante des Etats représentés à l’ONU (peut-être même l’unanimité, je ne me rappelle plus, cela reste à vérifier) a condamné, comme elle l’avait fait plus d’une fois au cours des dernières décennies, ce qu’elle appelle le « terrorisme international ».

Or, au cours d’une séance transmise à la télévision, M. Kofi Annan a dû rappeler au passage de nombreux débats antérieurs. Au moment même où ils s’apprêtaient à le condamner, certains Etats avaient dit leurs réserves sur la clarté de ce concept de terrorisme international et des critères qui permettent de l’identifier. Comme pour beaucoup de notions juridiques dont les enjeux sont très graves, ce qui reste obscur, dogmatique ou pré-critique dans ces concepts n’empêche pas les pouvoirs en place et dits légitimes de s’en servir quand cela leur paraît opportun.

Au contraire, plus un concept est confus, plus il est docile à son appropriation opportuniste. C’est d’ailleurs à la suite de ces décisions précipitées, sans débat philosophique au sujet du « terrorisme international » et de sa condamnation, que l’ONU a autorisé les Etats-Unis à utiliser tous les moyens jugés opportuns et appropriés par l’administration américaine pour se protéger devant ledit « terrorisme international ».

Sans remonter trop loin en arrière, sans même rappeler, comme on le fait souvent, et à juste titre, ces temps-ci, que des terroristes peuvent être loués comme des combattants de la liberté dans un contexte (par exemple dans la lutte contre l’occupant soviétique en Afghanistan) et dénoncés comme des terroristes dans un autre (souvent les mêmes combattants, avec les mêmes armes, aujourd’hui), n’oublions pas la difficulté que nous aurions à décider entre le « national » et l’« international » dans le cas des terrorismes qui ont marqué l’histoire de l’Algérie, de l’Irlande du Nord, de la Corse, d’Israël ou de la Palestine.

Personne ne peut nier qu’il y a eu terrorisme d’Etat dans la répression française en Algérie, entre 1954 et 1962. Puis le terrorisme pratiqué par la rébellion algérienne fut longtemps considéré comme un phénomène domestique tant que l’Algérie était censée faire partie intégrante du territoire national français, tout comme le terrorisme français d’alors (exercé par l’Etat) se présentait comme une opération de police et de sécurité intérieure. C’est seulement des décennies plus tard, dans les années 1990, que le Parlement français a conféré rétrospectivement le statut de « guerre » (donc d’affrontement international) à ce conflit, afin de pouvoir assurer des pensions aux « anciens combattants » qui les réclamaient.

Que révélait donc cette loi ? Eh bien, il fallait et on pouvait changer tous les noms utilisés jusqu’alors pour qualifier ce qu’auparavant on avait pudiquement surnommé, en Algérie, les « événements », justement (faute encore une fois, pour l’opinion publique populaire, de pouvoir nommer la « chose » adéquatement). La répression armée, comme opération de police intérieure et terrorisme d’Etat, redevenait soudain une « guerre ».

De l’autre côté, les terroristes étaient et sont désormais considérés dans une grande partie du monde comme des combattants de la liberté et des héros de l’indépendance nationale. Quant au terrorisme des groupes armés qui ont imposé la fondation et la reconnaissance de l’Etat d’Israël, était-il national ou international ? Et celui des divers groupes de terroristes palestiniens aujourd’hui ? Et les Irlandais ? Et les Afghans qui se battaient contre l’Union soviétique ? Et les Tchétchènes ?

A partir de quel moment un terrorisme cesse-t-il d’être dénoncé comme tel pour être salué comme la seule ressource d’un combat légitime ? Ou inversement ? Où faire passer la limite entre le national et l’international, la police et l’armée, l’intervention de « maintien de la paix » et la guerre, le terrorisme et la guerre, le civil et le militaire sur un territoire et dans les structures qui assurent le potentiel défensif ou offensif d’une « société » ? Je dis vaguement « société » parce qu’il y a des cas où telle entité politique, plus ou moins organique et organisée, n’est ni un Etat ni totalement an-étatique, mais virtuellement étatique : voyez ce qu’on appelle aujourd’hui la Palestine ou l’Autorité palestinienne.

Jacques Derrida

Philosophe et écrivain (1930-2004).

Entretiens avec deux grands intellectuels sur le « concept » du 11 septembre 2001

Qu’est-ce que le terrorisme ?
par Jürgen Habermas
Giovanna Borradori – Qu’entendez-vous au juste par terrorisme ? Peut-on sensément distinguer un terrorisme national d’un terrorisme global ?

J. H. – Dans une certaine mesure, le terrorisme des Palestiniens reste un peu un terrorisme à l’ancienne. Ici, il s’agit de tuer, d’assassiner ; le but est d’annihiler de manière aveugle des ennemis, femmes et enfants compris. C’est la vie contre la vie. Il est différent à cet égard du terrorisme pratiqué sous la forme paramilitaire de la guérilla, qui a déterminé le visage de nombreux mouvements de libération dans la seconde partie du XXe siècle, et qui marque encore aujourd’hui, par exemple, la lutte d’indépendance des Tchétchènes. Face à cela, le terrorisme global, qui a culminé dans l’attentat du 11 septembre 2001, porte les traits anarchistes d’une révolte impuissante en ce qu’il est dirigé contre un ennemi qui, dans les termes pragmatiques d’une action obéissant à une finalité, ne peut absolument pas être vaincu. Le seul effet possible est d’instaurer dans la population et auprès des gouvernements un sentiment de choc et d’inquiétude. D’un point de vue technique, la grande sensibilité de nos sociétés complexes à la destructivité offre des occasions idéales à une rupture ponctuelle des activités courantes, capable d’entraîner à moindres frais des dégâts considérables. Le terrorisme global pousse à l’extrême deux aspects : l’absence de buts réalistes et la capacité à tirer son profit de la vulnérabilité des systèmes complexes.

G. B. – Doit-on distinguer le terrorisme des crimes habituels et des autres formes de recours à la violence ?

J. H. – Oui et non. Du point de vue moral, un acte terroriste, quels que soient ses mobiles et quelle que soit la situation dans laquelle il est perpétré, ne peut être excusé en aucune façon. Rien n’autorise qu’on « tienne compte » des finalités que quelqu’un s’est données pour lui-même pour ensuite justifier la mort et la souffrance d’autrui. Toute mort provoquée est une mort de trop. Mais, d’un point de vue historique, le terrorisme entre dans des contextes bien différents de ceux dont relèvent les crimes auxquels a affaire le juge pénal. Il mérite, à la différence du crime privé, un intérêt public et requiert un autre type d’analyse que le crime passionnel. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, nous ne mènerions pas cet entretien.

La différence entre le terrorisme politique et le crime habituel est particulièrement évidente lors de certains changements de régime qui portent au pouvoir les terroristes d’hier et en font des représentants respectés de leur pays. Il reste qu’une telle transformation politique ne peut être escomptée que pour des terroristes qui, d’une manière générale, poursuivent avec réalisme des buts politiques compréhensibles et qui, eu égard à leurs actes criminels, peuvent tirer de la nécessité dans laquelle ils étaient de sortir d’une situation d’injustice manifeste, une certaine légitimation. Or, je ne peux aujourd’hui imaginer aucun contexte qui permettrait de faire un jour du crime monstrueux du 11 septembre un acte politique aussi peu compréhensible que ce soit, et qui puisse être, à un titre ou à un autre, revendiqué.

G.B.–Croyez-vous que ce fut une bonne chose d’interpréter cet acte comme une déclaration de guerre ?

J. H. – Même si le mot « guerre » est moins sujet à quiproquo et, d’un point de vue moral, moins sujet à contestation que le discours évoquant la « croisade », la décision de Bush d’en appeler à une « guerre contre le terrorisme » m’apparaît être une lourde erreur, tant du point de vue normatif que du point de vue pragmatique. Du point de vue normatif, en effet, il élève ces criminels au rang de guerriers ennemis et, du point de vue pragmatique, il est impossible de faire la guerre – si tant est qu’on doive conserver à ce terme un quelconque sens défini – à un « réseau » qu’on a toutes les peines du monde à identifier.

G. B. – S’il est vrai que l’Occident doit développer dans son rapport aux autres civilisations une sensibilité plus grande et qu’il doit se montrer plus autocritique, comment devrait-il s’y prendre ? Vous parlez, à cet égard, de « traduction » et de la recherche d’un « langage commun ». Qu’entendez-vous par là ?

J. H. – Depuis le 11 septembre, je ne cesse de me demander si, au regard d’événements d’une telle violence, toute ma conception de l’activité orientée vers l’entente – celle que je développe depuis la Théorie de l’agir communicationnel – n’est pas en train de sombrer dans le ridicule. Certes, même au sein des sociétés plutôt riches et paisibles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous vivons aussi confrontés à une certaine violence structurelle – à laquelle d’ailleurs nous nous sommes habitués et qui est faite d’inégalités sociales humiliantes, de discriminations dégradantes, de paupérisation et de marginalisation. Or, précisément, dans la mesure même où nos relations sociales sont traversées par la violence, par l’activité stratégique et par la manipulation, nous ne devrions pas laisser échapper deux autres faits.

Il y a, d’une part, que les pratiques qui constituent notre vie avec d’autres, au quotidien, reposent sur le socle solide d’un fonds commun de convictions, d’éléments que nous percevons comme des évidences culturelles, et d’attentes réciproques. Dans ce contexte, nous coordonnons nos actions à la fois en recourant aux jeux du langage ordinaire, et en élevant les uns à l’égard des autres des exigences de validité que nous reconnaissons au moins de manière implicite – c’est ce qui constitue l’espace public des raisons bonnes ou moins bonnes. Or cela explique, d’autre part, un second fait : lorsque la communication est perturbée, lorsque la compréhension ne se réalise pas ou mal, ou lorsque la duplicité ou la duperie s’en mêlent, des conflits apparaissent qui, si leurs conséquences sont suffisamment douloureuses, sont déjà tels qu’ils atterrissent chez le thérapeute ou devant le tribunal.

La spirale de la violence commence par une spirale de la communication perturbée qui, via la spirale de la défiance réciproque incontrôlée, conduit à la rupture de la communication. Si, donc, la violence commence par des perturbations dans la communication, une fois qu’elle a éclaté on peut savoir ce qui est allé de travers et ce qui doit être réparé.

C’est un point de vue trivial ; il me semble, pourtant, qu’on peut l’adapter aux conflits dont vous parlez. L’affaire est certes plus compliquée parce que les nations, les formes de vie et les civilisations sont d’entrée de jeu plus éloignées les unes des autres et tendent à rester étrangères les unes aux autres. Elles ne se rencontrent pas comme les membres d’un cercle, d’un groupe, d’un parti ou d’une famille qui ne peuvent être rendus étrangers les uns aux autres que si la communication est systématiquement déformée.

Dans les relations internationales, en outre, le médium du droit, dont la fonction est de contenir la violence, ne joue, comparativement, qu’un rôle secondaire. Et dans les relations interculturelles, il ne sert au mieux qu’à créer des cadres institutionnels visant à accompagner formellement les recherches d’entente – par exemple, la conférence de Vienne sur les droits de l’homme organisée par les Nations unies. Ces rencontres formelles – aussi importante que soit la discussion interculturelle qui se mène à divers niveaux à propos de l’interprétation disputée des droits de l’homme – ne peuvent pas à elles seules interrompre la machine à fabriquer les stéréotypes.

Faire qu’une mentalité s’ouvre est une affaire qui passe plutôt par la libéralisation des relations et par une levée objective de l’angoisse et de la pression. Dans la pratique quotidienne de communication, il faut que se constitue un capital-confiance. Cela est nécessaire en préalable pour que les explications raisonnées et à grande échelle soient relayées dans les médias, les écoles et les familles. Il faut aussi qu’elles portent sur les prémisses de la culture politique concernée.

En ce qui nous concerne, la représentation normative que nous avons de nous-mêmes eu égard aux autres cultures est également, dans ce contexte, un élément important. Si l’Occident entreprenait de réviser l’image qu’il a de lui-même, il pourrait, par exemple, apprendre ce qu’il faut modifier dans sa politique pour que celle-ci puisse être perçue comme un pouvoir capable de donner forme à une démarche civilisatrice. Si l’on ne dompte pas politiquement le capitalisme, qui n’a plus aujourd’hui ni limites ni frontières, il sera impossible d’avoir prise sur la stratification dévastatrice de l’économie mondiale.

Il faudrait au moins contrebalancer dans ses conséquences les plus destructrices – je pense à l’avilissement et à la paupérisation auxquels sont soumis des régions et des continents entiers – la disparité entraînée par la dynamique du développement économique. Ce qu’il y a derrière cela, ce n’est pas seulement, par rapport aux autres cultures, la discrimination, l’humiliation et la dégradation. Derrière le thème du « choc des civilisations », ce que l’on cache, ce sont les intérêts matériels manifestes de l’Occident (par exemple, celui de continuer à disposer des ressources pétrolières et à garantir son approvisionnement énergétique).

Jürgen Habermas

Voir encore:

Exposing the Soviet Lie of Israeli Apartheid

Richard Kemp
Jewish Policy Center
Spring 2022

The lie of “Israel apartheid” was dreamt up in Moscow during the Cold War and driven home by a relentless Soviet propaganda campaign until it took hold in the United Nations and across the Middle East and the West. This included the repeated comparison of Israel with South Africa in Soviet media and in books such as Zionism and Apartheid, an official state publication of Ukraine, then part of the Soviet Union.

When Israel was re-established in 1948, following UN General Assembly Resolution 181, the new state initially pursued a policy of non-alignment. Surrounded by enemies, it needed economic support and arms from either or both the USA and USSR or their allies. Given the socialist political influences in Israel, Soviet leadership expected the country would turn toward communism and align with the USSR, thus strengthening Soviet power in the Middle East and its wider competition with the West. One of Stalin’s main reasons for quickly recognizing Israel in 1948 was the intention to use it to undermine British dominion in the Middle East.

Israel Aligns with the West

Even with significant Soviet covert and overt efforts to lure Israel into its fold, this may have been a vain hope from the beginning. In any case, the pressures of the Cold War in the 1950s, as well as domestic political considerations and concerns over antisemitism inside the Soviet Union, led Israeli Prime Minister David Ben Gurion to align his country with the West, beginning with support for US-led UN intervention in Korea, against the Soviet will.

Israel’s participation with the United Kingdom and France in the 1956 Suez campaign further alienated the Soviet government, which wrote a letter to Jerusalem (as well as to Paris and London) threatening rocket attacks and promising direct military support to the Egyptian army.

The breakdown in Israel-Soviet relations was later compounded by Israel’s defensive victories against the Arabs in 1967 and again in 1973. Over this period, hope of Israel becoming a Soviet client had steadily evaporated. Arab armies sponsored, trained, and equipped by the USSR had been humiliated by American-armed Israelis, and so had Moscow. Thus, the Soviets progressively developed a policy of undermining Israel. Their primary objective was to use the country as a weapon in their Cold War struggle against the United States and the West.

The Kremlin understood that conventional attacks against Israel could not succeed, so instead focused on using Arabs as terrorist proxies, directing, training, funding, and arming groups like the Popular Front for the Liberation of Palestine (PFLP), PFLP-General Command (PFLP-GC), Democratic Front for the Liberation of Palestine (DFLP), and Fatah to carry out attacks against Israeli and Jewish targets, including wave after wave of aircraft hijacking.

Ion Pacepa

General Ion Pacepa, chief of Romania’s foreign intelligence service, played a significant role in Soviet bloc operations directed against Israel and the US. In 1978, he became the highest-ranking intelligence officer ever to defect from the Soviet sphere and, among many secret revelations, provided details of KGB operations against Israel. Pacepa says the chairman of the KGB, Yuri Andropov (later Leonid Brezhnev’s successor as General Secretary of the Soviet Communist Party), told him:

We needed to instill a Nazi-style hatred for the Jews throughout the Islamic world, and to turn this weapon of the emotions into a terrorist bloodbath against Israel and its main supporter, the United States.”

And,

Islam was obsessed with preventing the infidels’ occupation of its territory, and it would be highly receptive to our characterization of the US Congress as a rapacious Zionist body aiming to turn the world into a Jewish fiefdom.

In other words, he knew that the Arabs would be easy tools in the anti-Israel propaganda war and were already playing their part. Their work only needed to be focused, intensified, and funded.

To achieve its objectives, the Kremlin devised Operation SIG, a disinformation campaign intended “to turn the whole Islamic world against Israel and the US.” Pacepa reported that by 1978, under Operation SIG, the KGB had sent some 4,000 Soviet bloc “agents of influence” into Islamic countries to help achieve this. They also printed and circulated vast amounts of anti-Israel and anti-Jewish propaganda, including the fabricated, antisemitic text The Protocols of the Elders of Zion, translated into Arabic.

Changing the Game

As well as mobilizing the Arabs to the Soviet cause, Andropov and his KGB colleagues needed to appeal to the democratic world. To do so, the Kremlin decided to turn the conflict from one that sought simply to destroy Israel into a struggle for human rights and national liberation from an illegitimate American-sponsored imperialist occupier. They set about transforming the narrative of the conflict from religious jihad — in which Islamic doctrine demands that any land that has ever been under Muslim control must be regained for Islam — to secular nationalism and political self-determination, something far more palatable to Western democracies. This would provide cover for a vicious terrorist war, even garnering widespread support for it.

To achieve their goal, the Soviets had to create a Palestinian national identity that did not hitherto exist and a narrative that Jews had no rights to the land and were naked aggressors. According to Pacepa, the KGB created the Palestine Liberation Organization (PLO) in the early 1960s, as they had also orchestrated so-called national liberation armies in several other parts of the world. He says the 1964 Palestinian National Charter was drafted in Moscow. This document was fundamental to the invention and establishment of an artificial Palestinian nationhood.

The PLO Is Created

The initial charter did not claim the West Bank or the Gaza Strip for “Palestine.” In fact, it explicitly repudiated any rights to these lands, falsely recognizing them respectively as Jordanian and Egyptian sovereign territories. Instead, the PLO claim was to the rest of Israel. This was amended after the 1967 war, when Israel ejected the illegal Jordanian and Egyptian occupiers, and the West Bank and Gaza for the first time were re-branded as Palestinian territory.

The first mention of a “Palestinian people” to mean Arabs in Palestine appeared in the 1964 charter. Previously, and particularly during the League of Nations/United Nations Mandate for Palestine 1919-1948, “Palestinians” had been commonly used to describe Jews living in the territory.

Zuheir Mohsen, a senior PLO leader, admitted in 1977:

The Palestinian people do not exist. The creation of a Palestinian state is only a means for continuing our struggle against the state of Israel for our Arab unity… Only for political and tactical reasons do we speak today about the existence of a Palestinian people, since Arab national interests demand that we posit the existence of a distinct ‘Palestinian people’ to oppose Zionism. Yes, the existence of a separate Palestinian identity exists only for tactical reasons.

This reality has been publicly supported, sometimes inadvertently, in statements by several other Palestinian leaders. Quoted by Alan Hart in his 1984 book, Arafat: A Political Biography, PLO leader Yasser Arafat himself said: “The Palestinian people have no national identity. I, Yasir Arafat, man of destiny, will give them that identity through conflict with Israel.”

Moscow first took its campaign to brand Israeli Jews as the oppressors of their invented “Palestinian people” to the UN in 1965. Its attempts to categorize Zionism as racism failed then, but succeed almost a decade later in the infamous UN General Assembly Resolution 3379. Its determination that “Zionism is a form of racism and racial discrimination” was revoked under US pressure in 1991 but by then had gained great traction and is frequently cited today by anti-Israel campaigners.

The Mitrokhin documents [notes of KGB archivist and later defector Vasili Mitrokhin] show that both Yasser Arafat, and his successor as PLO chief, Mahmoud Abbas, now president of the Palestinian Authority, were KGB agents. Both were instrumental in the KGB’s disinformation operations as well as its terrorist campaigns.

Moscow, through Egypt, had installed Arafat as leader of the PLO in 1969 and its support kept him there in the face of internal dissent following the PLO’s expulsion from Jordan in 1970. According to Pacepa:

In 1969 the KGB asked Arafat to declare war on American ‘imperial-Zionism’… It appealed to him so much, Arafat later claimed to have invented the imperial-Zionist battle cry. But in fact, ‘imperial-Zionism’ was a Moscow invention, a modern adaptation of the Protocols of the Elders of Zion and long a favorite tool of Russian intelligence to foment ethnic hatred. The KGB always regarded antisemitism plus anti-imperialism as a rich source of anti-Americanism…

Arafat and Abbas

Moscow had assigned to Romania the task of supporting the PLO, and Pacepa was Arafat’s handler during his KGB career. He provided Arafat with $200,000 of laundered cash every month throughout the 1970s. Pacepa also facilitated Arafat’s relationship with Romanian President Nicolae Ceaușescu, a master propagandist who had been given the job of schooling him in hoodwinking the West. For his dealings with Washington, Ceaușescu told Arafat in 1978: “You simply have to keep on pretending that you’ll break with terrorism and that you’ll recognize Israel — over, and over, and over.”

Ceaușescu’s advice was reinforced by North Vietnamese communist General Vo Nguyen Giap, whom Arafat met several times: “Stop talking about annihilating Israel and instead turn your terror war into a struggle for human rights. Then you will have the American people eating out of your hand.” (David Meir-Levi, History Upside Down: The Roots of Palestinian Fascism and the Myth of Israeli Aggression)

An internal KGB document among the Mitrokhin archives reported: “Krotov [Mahmoud Abbas’s cover-name] is an agent of the KGB.” The KGB definition of agents is those who “consistently, systematically and covertly carry out intelligence assignments, while maintaining secret contact with an official in the agency.”

Among other tasks, Abbas was used by the KGB to spread propaganda accusing “Western Imperialism and Zionism” of cooperating with the Nazis. He attended a Moscow university controlled by the KGB in the early 1980s.There, under the supervision of his professor who later became a senior communist politician, Abbas wrote a doctoral dissertation denying the Holocaust and accusing Zionists of assisting Hitler.

Abbas is now entering the 18th year of his four-year elected term of office. Like his predecessor Arafat, his consistent rejection of every offer of peace with Israel, while concurrently talking the talk about peace and sponsoring terrorism, shows the residual influence of his Soviet masters.

Israel’s Image

The KGB disinformation campaign transformed the image of Israel from regional underdog, surrounded by powerful enemies, into widely hated colonialist oppressor and occupier of the downtrodden Palestinian people, a narrative that remains as strong as ever today.

Meanwhile the Palestinian movement created by Moscow, in the words of American historian David Meir-Levi, is “the only national movement for political self-determination in the entire world, and across all of world history, to have the destruction of a sovereign state and the genocide of a people as its only raison d’etre.” This remains explicit in Hamas’s charter, while somewhat more opaque in the Soviet-influenced utterances of Abbas’s Palestinian Authority, especially those directed towards the West.

Moscow’s campaign was significantly undermined by the 2020 rapprochement between Israel and several Arab states. The lesson here is the importance of American political will against authoritarian propaganda, which led to the game-changing Abraham Accords. Had this project been vigorously pursued after its initial success, it might have eventually led to the collapse of the Soviet-initiated Palestinian project and perhaps a form of peace between Israel and the Palestinian Arabs. It might yet achieve that if the U.S. again musters the resolve to carry it through.

Meanwhile the December UN General Assembly vote and the UN Human Rights Council’s determination to brand Israel a racist, apartheid state prove that the Soviet Cold War narrative remains alive and well. Most Western nations also still slavishly follow the Soviet program.

Increasing media-driven erosion of popular support for Israel in the US, and the suppurating divisions it causes, are evidence of the Soviet ghosts’ success against their primary target: America.

Paying the Price

The chief victims, however, have been Palestinian Arabs, whose lives have been worsened; and Jews in the diaspora who have suffered immeasurable antisemitism based on Soviet-initiated propaganda. The former may not have been intended but would have been of no concern to Moscow; the latter was very much part of the plan.

Israelis of course have paid a great price for KGB-inspired terrorism and propaganda but have survived and flourished even under such enormous pressure. North Vietnamese General Giap, who once advised Arafat as we have seen, has an explanation for this, as recounted by Dr. Eran Lerman, former Israeli deputy national security adviser. According to Giap:

The Palestinians are always coming here and saying to me, ‘You expelled the French and the Americans. How do we expel the Jews?’ I tell them that the French went back to France and the Americans to America. But the Jews have nowhere to go. You will not expel them.

Col. Richard Kemp is a former British Army Commander and head of the international terrorism team in the U.K. Cabinet Office. He now is a writer and speaker on international and military affairs, and a Jack Roth Charitable Foundation Fellow at Gatestone Institute. A version of this article appeared on the Gatestone Institute website.

Voir enfin:

L’objectif du Hamas : détruire Israël
Né en 1987, financé et armé par l’Iran, le groupe terroriste a réussi à supplanter les autres factions palestiniennes à Gaza. Retour sur l’histoire du Hamas.
Romain Gubert
le Point
12/10/2023

Les espions devraient plus souvent regarder les séries télévisées. C’était il y a quelques mois. Al-Quds, la chaîne de télévision de Gaza, diffusait alors le premier épisode d’une série baptisée Le Poing des hommes libres. Un programme tout à la gloire du Hamas, destiné à faire contrepoids au feuilleton israélien Fauda, mettant en scène un commando israélien dont la mission consiste à infiltrer l’organisation terroriste et les groupes djihadistes palestiniens de Gaza. Pour contrebalancer le succès de la série israélienne, diffusée dans le monde entier (que les 2 millions d’habitants de la bande de Gaza regardaient aussi sur Netflix ou des sites de streaming illégaux), les scénaristes, financés par le Hamas, ont largement plagié ceux de Fauda. Mais en prenant un angle évidemment tout à fait différent et très flatteur pour les combattants de l’organisation terroriste palestinienne, en ridiculisant Tsahal, le Mossad mais aussi l’Autorité palestinienne et les cadres du Fatah. Plus inattendu, cette série télé démontrait surtout l’ambition militaire sans limite des dirigeants de l’organisation terroriste. Dans l’un des épisodes, il est en effet question d’une vaste opération sur le sol de l’État hébreu provoquant la mort de centaines d’Israéliens. Plusieurs milliers de combattants infiltraient les villages frontaliers, des drones équipés de bombes détruisaient les villages et les casernes de l’État hébreu, des prises d’otages massives permettaient aux combattants du Hamas de constituer des boucliers humains…

Depuis le 7 octobre, il ne s’agit plus du modeste scénario d’un programme audiovisuel de propagande. Le Hamas a déclenché l’opération imaginée par les scénaristes du Poing des hommes libres. Sa puissance de feu démontre que l’opération était préparée de longue date. Elle prouve aussi que les quatre offensives d’Israël depuis 2007 contre Gaza, destinées à ruiner son potentiel militaire (en 2021, le Hamas avait lancé 4 000 roquettes vers l’État hébreu) n’ont servi à rien. Le Hamas est désormais capable de produire ses roquettes en nombre illimité. Depuis sa base de Gaza, il est militairement plus fort que jamais. Quant à son agenda politique – la destruction de l’État d’Israël –, il est intact.

Racines.

Celui-ci n’a pas varié depuis la création « officielle » du mouvement, en 1987, lors de la première Intifada. À l’époque, le Hamas se définit lui-même comme un mouvement trouvant ses principes dans le Coran et se battant au nom de l’islam. Le Hamas (acronyme signifiant « mouvement de résistance islamique ») ne pèse pas encore grand-chose par rapport à la toute-puissante organisation de Yasser Arafat. Son chef, le cheikh Yassine, est en prison en Israël, ses moyens sont limités. Mais il se dote alors d’une doctrine sans ambiguïté (« La terre de Palestine est une terre islamique »), prône la destruction de l’État d’Israël et revendique l’instauration d’un État islamique palestinien sur tout le territoire de l’ancienne Palestine de 1947. Le Hamas prend pour emblème la mosquée du Dôme du Rocher, située à Jérusalem, entourée de deux drapeaux palestiniens, d’une profession de foi (« Il n’y a qu’un Dieu, Allah, et Mahomet est son messager ») et de deux sabres.

Si ce mouvement est nouveau, son histoire, elle, est ancienne. Se plonger dans ses racines, c’est parcourir les mille chapitres de l’histoire du mouvement palestinien. C’est se plonger dans la guerre fratricide au sein du camp palestinien. Les fondateurs et les animateurs du Hamas sont l’émanation des Frères musulmans. Dans les années 1960, ils jouent d’abord un rôle humanitaire. Ils gèrent des écoles, des centres d’action sociale. Ils n’affichent, officiellement en tout cas, aucune ambition politique et laissent le leadership du combat militaire et politique à Arafat, qui, à partir du Fatah, constitue petit à petit l’OLP. À l’époque, Yasser Arafat n’a pas rompu avec le terrorisme et domine sans partage le camp palestinien. Il est le seul à avoir le soutien des États arabes et les moyens financiers et militaires qui lui permettent de mener la guerre contre Israël. Il est toutefois très vigilant vis-à-vis des réseaux fréristes. Tandis que l’OLP est largement soutenue par l’Égypte de Nasser, lui-même en lutte avec les Frères musulmans, il n’est pas question pour l’OLP de laisser prospérer un tel mouvement islamiste. Alors que l’Égypte contrôle Gaza, les cadres de l’OLP mènent une répression féroce contre les réseaux fréristes.

Djihad.

Quand la bande de Gaza est occupée par Israël, à partir de 1967, la priorité d’Arafat et des siens est ailleurs. Les réseaux des Frères musulmans en profitent pour constituer une multitude d’associations à vocation sociale. Ils créent à partir de 1976 l’université islamique de Gaza et plusieurs écoles islamiques. L’OLP estime même que les services secrets israéliens encouragent en sous-main les réseaux des Frères musulmans pour l’affaiblir. La réalité est évidemment plus complexe. Si le Mossad n’a aucune sympathie particulière pour les Frères musulmans, qui jurent aux aussi la perte de l’État hébreu, ceux-ci n’ont pas, jusqu’à la fin des années 1980, choisi la lutte armée et ne constituent donc pas une menace directe et immédiate. Les services israéliens sont de toute façon vigilants : en 1984, à la suite d’un raid dans plusieurs mosquées de Gaza, ils découvrent plusieurs caches d’armes au sein de cellules contrôlées par les Frères musulmans (l’enquête démontre que cet arsenal doit d’abord servir à tenir l’OLP à distance).

Condamné à treize ans de prison, le cheikh Yassine est libéré au bout d’un an dans le cadre d’un échange de prisonniers. Quand il rentre à Gaza, sa notoriété et son prestige sont immenses… Il crée un groupe armé, Majd, destiné à se protéger de l’OLP. Il se revendique du héros Ezzedine al-Qassam, tombé au nom du djihad en 1935 les armes à la main contre l’occupant britannique. Il cherche à se démarquer à tout prix de l’OLP en dénonçant la corruption de ses cadres locaux et clandestins. Majd mène aussi des raids contre des points de vente de drogue et des lieux de prostitution.

Lorsque la première Intifada éclate, en 1987, le Hamas, ce « nouveau » mouvement, n’est donc pas tout à fait une surprise pour les cadres de l’OLP. Et, très vite, la rupture est inévitable. Tandis que le chef de l’OLP commence à négocier avec Israël (d’abord secrètement, puis plus officiellement), le Hamas fait, lui, de l’intransigeance son maître mot. Il refuse les accords d’Oslo (1993) et préconise la lutte armée par tous les moyens. Entre avril 1993 et 2005, l’organisation terroriste organise ainsi plusieurs dizaines d’attentats suicides, visant essentiellement des civils, pour menacer le processus de paix. Contrairement à Arafat, qui n’a jamais mis en avant le djihad mais son nationalisme (une façon d’assurer l’unité du mouvement), le Hamas joue à fond la carte religieuse. Le message est clair : en choisissant la paix avec l’ennemi, Arafat se comporte en traître à l’islam. Pendant que l’OLP organise la rétrocession par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza et la mise en place chaotique de l’Autorité palestinienne, le Hamas construit, lui, un peu plus sa légende autour du cheikh Yassine.

Soutien de l’Iran. Il reçoit aussi l’aide de nouveaux alliés. À commencer par l’Iran. Dès le début des années 1990, plusieurs hauts responsables du Hamas – jusque-là financés par des États du Golfe et la Turquie – se rendent à Téhéran. Ils rencontrent les plus hauts responsables du pays, dont l’ayatollah Khomeyni lui-même. L’aide iranienne comprend la fourniture de matériel militaire ainsi que la formation de combattants au Liban au sein du Hezbollah (lui aussi largement financé par Téhéran). En 2006, le montant de cette aide au groupe terroriste dépassait 250 millions de dollars par an. Cette année-là, le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza et, après un conflit armé (600 morts), chasse l’Autorité palestinienne. Il est désormais le maître du jeu. Les successeurs du cheikh Yassine (tué en 2004 par un missile israélien) restent fidèles à sa stratégie : la lutte armée contre Israël mais aussi contre ceux qu’ils appellent « les traîtres », les héritiers de Yasser Arafat. Vingt ans après sa mort, le fondateur du Hamas reste un symbole pour ses combattants. Son effigie tapisse les murs des rues, des bâtiments publics et des écoles.

Mobilisation.

Depuis 2021 et la précédente offensive contre Israël, le mouvement terroriste bénéficie de drones et de lance-roquettes performants de conception iranienne (et, pour la plupart, fabriqués localement). Quant au Hezbollah libanais, soutenu par Téhéran, il assure depuis des années la formation de nombreux combattants palestiniens et héberge des dirigeants du Hamas en exil. L’offensive du 7 octobre pourrait avoir été coordonnée depuis Téhéran, selon le Wall Street Journal, qui affirme que son coup d’envoi a été décidé six jours auparavant en Iran et préparé pendant tout l’été par plusieurs rencontres à Beyrouth avec les principaux cadres du Hezbollah. Selon les services secrets américains, lors de ses deux récents voyages à Beyrouth au printemps, le ministre des Affaires étrangères iranien aurait même rencontré de hauts responsables du Hamas.

Désastre.

Ce que la série Le Poing des hommes libres n’évoque pas, c’est le sort de la population de Gaza, qui, désormais, va subir de plein fouet la riposte israélienne. Depuis 2007 et la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, la situation sociale et sanitaire est un désastre, marquée par le boycott d’Israël et de l’Égypte, par les trois guerres avec Israël mais aussi par la mise en place d’une chape de plomb sur le petit territoire. La gestion de Gaza par le mouvement islamiste a engendré une quasi-faillite. Chaque année sont recensées des centaines d’arrestations arbitraires, de nombreux cas de torture et de meurtres d’opposants et d’homosexuels, des exécutions décidées par des tribunaux « militaires », etc. En 2017, un rapport de l’ONU dressait le bilan des dix premières années pendant lesquelles le Hamas était aux commandes de Gaza. Celui-ci affirmait ainsi que l’enclave était « inhabitable », recensant l’absence d’électricité (deux heures sur vingt-quatre, quelques jours dans la semaine), le besoin criant de logements, de médicaments, d’eau… Autre séisme interne, la pression démographique (le territoire devrait atteindre 3 millions d’habitants en 2035). Le taux de chômage estimé par les experts était même le plus haut du monde, touchant 42 % de la population (58 % chez les moins de 25 ans). Un chaos social qui offre au Hamas les nouveaux combattants dont il a besoin pour satisfaire son grand projet : la destruction d’Israël.

Jordanian-Palestinian businessman and former senator Talal Abu Ghazaleh said on an October 12, 2023, show on NBN TV (Lebanon) that the Israelis fear death, « we on the other hand welcome death. » He continued to say that Palestinians want their children to die as martyrs, and that this does not exist in the Israeli mentality. Abu Ghazaleh added: « People who flee death cannot defeat people who seek death. » Abu Ghazaleh continued to say that Russia willingly sacrificed 27 million of its people during World War II so it could survive. He explained that until now, Gaza has only lost thousands of people, and Israel cannot possibly kill all the two million people in Gaza, because half of them are in the underground tunnels. Abu Ghazaleh continued to claim that a German cabinet minister had told him that Hitler left some Jews alive « on purpose » so that people would understand why the Holocaust was justified.

Talal Abu Ghazaleh: « Israel would not sacrifice a single person. There isn’t a goal for which it would sacrifice a single person. They are afraid of death. Death for them is strange and loathsome. We, on the other hand, welcome death. A Palestinian carries his son on his shoulders, with a headband on the kid’s forehead, which his father inscribed: « Martyrdom Seeker. » This is a man who says: ‘I want my son to die.’ A [Palestinian] mother says: ‘I have given birth to six children, so that three could die in the revolution. I gave birth to children so that they would be martyred.’ This does not exist in the Zionist mentality. »

Interviewer: « So this is not a battle on equal terms. The [enemy] cannot have the same determination as the Palestinians. »

Abu Ghazaleh: « You cannot defeat someone who wants to die. People who flee death cannot defeat people who seek death. What happened in Germany in the World War? Entire cities were destroyed. But didn’t Germany become later one of the five most wealthy countries in the world? Let them destroy [Gaza]. What is destroyed can be rebuilt. I think that the goal of [Hamas’s] lions of humanity was to cause the demolition of those buildings so that they could be rebuilt properly, according to more aesthetic and newer engineering standards. »

Interviewer: « This would be true if it wasn’t for the multitudes of innocent civilian victims [in Gaza]… »

Abu Ghazaleh: « How many? How many victims? »

Interviewer: « The number goes up every moment… »

Abu Ghazaleh: « How many? Two thousand? The casualties always accumulate, unfortunately… Fine. How many people did Russia sacrifice in its war against the Nazis? 27 million. Not just a thousand… We haven’t gotten to thousands yet. Russia knowingly sacrificed those people. It was no coincidence. It is not that Russia did not know that these people were going to die. It wanted 27 million people to die so that Russia survives. We, Palestinians, are the same. There are two million people [in Gaza]. If one dies…I hope I will be one of them. It would be an honor to die as a martyr. But there are two million people in Gaza. Will [Israel] kill two million people? How? Half of them are hidden underground, in tunnels.

« We are facing a problem that has an easy solution. The [Israelis] will not become refugees, because they have their own countries. They have [foreign] passports. All the enemies have dual citizenship. So, we can solve the problem of the [Palestinians] who wait to return to their country, and the Israelis will go back to their countries. After all, they were either forced to come to Palestine, or were led astray.

« The Jews do not have any ideology. All they care about is money and interests. I had a friend who was a German cabinet member. I once asked him: ‘When Hitler, may God forgive him, carried out the Holocaust, why didn’t he finish the job and kill all the Jews?’ He said to me: ‘It’s the other way around, but don’t tell anyone I said this. He left a group of them on purpose, so that people would know why we carried out the Holocaust. When you would be tormented by them, you would know the reason.' »

COMPLEMENT:

Who or what are ‘the Palestinians?’

From time immemorial, Jews occupied the spot history knows as ‘Judaea.’ What happened to that?

palestinians

It’s so cute when politicians like AOC and Rashida Tlaib, to say nothing of hysteric undergraduates and ill-informed lefties across the country, complain that Israel is an “apartheid state” that is illegitimately “occupying” the land West of the Jordan River from the Golan Heights down to the border of the Sinai Peninsula.

Responding to the murderous attacks on Israeli civilians by Hamas on October 7, AOC decried “the occupation of Palestine” while Tlaib urged “ending the occupation, and dismantling the apartheid system” that can “lead to resistance.”

Hermeneuts of the world, unite! What does Tlaib mean by “resistance” here? Slaughtering innocent partygoers? Incinerating and beheading babies? Indiscriminately raping then murdering hostages? And what is the force of “lead to”? Is it meant to suggest that Israel is somehow to blame for such acts of “resistance” because — because why? Because the Jewish people occupy the place that was 1) their ancestral homeland and 2) with which they were reinvested by the Balfour Declaration of 1917, by the victorious Brits after World War One and and the dissolution of the Ottoman Empire, explicitly to provide a “national home for the Jewish people,” and 3) by the creation of the state of Israel in 1948?

What group of people do they think belongs there?

“Palestinians” is the usual answer.

But who or what are the “Palestinians”?

“People from Palestine,” you say.

But what is Palestine?

From time immemorial, Jews occupied the spot history knows as “Judaea.” What happened to that? Gibbon said that Hadrian, who ruled from AD 117 to 138, was one of the “five good emperors.”  Maybe so, but there is a reason that the Jews proverbially accompanied any mention of Hadrian with the imprecation, “May God crush his bones.”

Hadrian brutally put down the Bar Kokhba revolt of AD 132-136 and, in an effort to stamp out any remnants of Jewish nationalism killed, or exiled the entire population and renamed “Judaea” “Syrian Palestine.”

The “Palestinians” that we know and love today were an invention of the KGB and their puppet Yasser Arafat, an educated, middle-class Arab of Egyptian origin who devoted his life to murderous anti-American mischief. (Among other things, he arranged for the murder of Cleo Noel, the US ambassador to Sudan.)

Ion Mihai Pacepa, the former chief of Romanian intelligence, defected to the US and wrote about the links between Arafat and the KGB: “Arafat was an important undercover operative for the KGB,” Pacepa wrote in the Wall Street Journal:

Right after the 1967 Six Day Arab-Israeli war, Moscow got him appointed to chairman of the PLO. Egyptian ruler Gamal Abdel Nasser, a Soviet puppet, proposed the appointment. In 1969 the KGB asked Arafat to declare war on American “imperial-Zionism” during the first summit of the Black Terrorist International, a neo-fascist pro-Palestine organization financed by the KGB and Libya’s Muammar Gaddafi. It appealed to him so much, Arafat later claimed to have invented the imperial-Zionist battle cry. But in fact, “imperial-Zionism” was a Moscow invention, a modern adaptation of the “Protocols of the Elders of Zion,” and long a favorite tool of Russian intelligence to foment ethnic hatred. The KGB always regarded antisemitism plus anti-imperialism as a rich source of anti-Americanism.

Somehow, those details are omitted by the “pro-Palestinian” lobby in their pursuit of ecstatic antisemitism, as is the inconvenient fact that “prior to the PLO Charter being released in 1964, no one referred to Palestinians with the same intent as used today. There is a reason no mention exists prior to that moment. The KGB had not created the fictitious people until that time.”

Don’t believe it? How about this statement from Zuheir Mohsen, a senior PLO leader, in 1977:

The Palestinian people do not exist. The creation of a Palestinian state is only a means for continuing our struggle against the state of Israel for our Arab unity… Only for political and tactical reasons do we speak today about the existence of a Palestinian people, since Arab national interests demand that we posit the existence of a distinct “Palestinian people” to oppose Zionism. Yes, the existence of a separate Palestinian identity exists only for tactical reasons.

The history of the Levant makes for a complicated story, not least its recent history. I will not try to tell it all here. But the idea that the Jews are illegitimately occupying territory that really belongs to “the Palestinians” is a politically-motivated historical falsehood that only an unhappy terrorist or a half-educated Western leftie, could believe.

COMPLEMENT:

Bill Maher Delivers Stunning 8-Minute New Rule On Israel And Palestine: ‘You All Die And Disappear”

Pundit and comic Bill Maher delivered a stunning rebuke of the media, rhetoric on campuses, and the leadership in the West Bank and Gaza, Friday, calling it a needed “dose of realism” about Israel and Palestine.

In an over eight minute closer to his New Rules segment on the latest episode of HBO’s Real Time With Bill Maher, the host laid into those who say things like “From the River to the Sea” or who expect Israel to cease to exist as a state.

“I mean, where do you think Israel is going? Spoiler alert: Nowhere,” he said in the segment.

The latest New Rule began with Maher mentioning Christmas, saying “I know it’s supposed to be that magical time of year, but maybe what we all really need right now is a good dose of realism.”

He spent a great deal of time going over historic examples of countries, borders, empires, and ancestral lands changing over time, and emphasized that Jews have been the object of that displacement many times before.

He also pointed out that, “nobody was a bigger colonizer than the Muslim army that swept out of the Arabian desert and took over much of the world in a single century.”

“And they didn’t do it by asking,” he said. “There’s a reason Saudi Arabia’s flag is a sword.”

After the history he turned to the leadership among Palestinians and the “useful idiots on college campuses who are their ‘allies,’” saying they are not doing the Palestinian people “any favors by keeping alive the ‘River to the Sea’ myth.”

“I mean, where do you think Israel is going? Spoiler alert: Nowhere,” he said. “It’s one of the most powerful countries in the world with a $500 billion economy, the world’s second largest tech sector after Silicon Valley, and nuclear weapons.”

“They’re here, they like their bagel with a schmear, get used to it,” he added.

Maher also brought up the media, as he tends to do most episodes, for “glossing over” the reality of the situation.

“What the media glosses over is it’s hard to negotiate when the other side’s bargaining position is you all die and disappear,” he said.

As he closed, Maher was even more direct about the subtext of the pro-Palestine rhetoric heard in protests in the U.S. and from the leadership in Gaza and the West Bank.

“If I give you the benefit of the doubt and say your plan for a completely Jew-less Palestine isn’t that all the Jews should die,” he began, pausing briefly with a skeptical expression. “What is the only other option? They move. You move all the Jews.”

“Okay, I got to warn you, there’s going to be some kvetching,” he said. “You move all the Jews, and we do this with what? A fleet of trucks called Jew-Haul? And to where are we moving this entire country? Texas? Sure they have room, and I guess we could put the Wailing Wall on the border and kill two birds with one stone.”

“Or we could just get serious,” he said, wrapping up.

Watch the full clip here from the Real Time YouTube page.

MAHER: The Palestinian people should know your leaders and the useful idiots on college campuses who are their allies are not doing you any favors by keeping alive the “River to the Sea” myth. I mean, where do you think Israel is going? Spoiler alert: Nowhere.

It’s one of the most powerful countries in the world with a $500 billion economy, the world’s second largest tech sector after Silicon Valley, and nuclear weapons. They’re here, they like their bagel with a schmear, get used to it.

What’s happening to Palestinians today is horrible. And not just in Gaza, in the West Bank, too. But wars end with negotiation. And what the media glosses over is it’s hard to negotiate when the other side’s bargaining position is you all die and disappear.

I mean, the chant from the river to the sea? Yeah. Let’s look at the map. Here’s the river. Here’s the sea. Oh, I see. It means you get all of it. Not just the West Bank, which was basically the original U.N. partition deal you rejected because you wanted all of it and always have. Even though it’s indisputably also the Jews ancestral homeland.

And so, you were attacked, and lost. And attacked again. And lost. And attacked again. And lost. As my friend Dr. Phil says, how’s that working for you?

Look at what Mexico used to own. All the way up to the top of California. But no Mexican is out there chanting “from the Rio Grande to Portland, Oregon.” Because they chose a different path. They got real and built a country that’s the world’s 14th biggest economy now. Because they knew the United States wasn’t going to give back Phoenix any more than Hamas will ever be in Tel Aviv.

One of the leaders of Hamas says “save yourselves time and imaginary dreams. In a few years, Allah willing, you will have to discuss the situation in the region after Israel.” I’m sorry, who’s the one with imaginary dreams?

If I give you the benefit of the doubt and say your plan for a completely Jew-less Palestine isn’t that all the Jews should die — What is the only other option? They move. You move all the Jews. Okay, I got to warn you, there’s going to be some kvetching. You move all the Jews, and we do this with what? A fleet of trucks called Jew-Haul?

And to where are we moving this entire country? Texas? Sure they have room, and I guess we could put the Wailing Wall on the border and kill two birds with one stone. Or we could just get serious.

Watch the clip above via Real Time With Bill Maher on HBO.

December 15, 2023

I know, it’s supposed to be that magical time of year, but maybe, what we all really need right now, is a good dose of realism.What we all really need right now, is a good dose of realism. I see a lot of nativity scenes when I’m out, as you always do before Christmas. And I can’t help thinking about where that manger really is. It’s in the West Bank on Palestinian land, controlled by the Palestinian authority. In 1950, the little town of Bethlehem was 86% Christian, now it’s overwhelmingly Muslim. And that’s my point tonight, things change. To 2.3 billion Christians, there can be no more sacred site than where their Savior was born but they don’t have it anymore. And yet, no Crusader Army has geared up to take it back. Things change. Countries, boundaries, empires. Palestine was under the Ottoman Empire for 400 years, but today, an ottoman is something you put under your feet.

The city of Byzantium became the city of Constantinople, became Istanbul. Not everybody liked it, but you can’t keep arguing the call forever. The Irish had the entire island to themselves, but the British were starting an Empire, and well, the Irish lost their tip. They blew each other up over it for 30 years, but eventually everybody comes to an accommodation. Except the Palestinians.

Was it unjust that even a single Arab family was forced to move upon the founding of the Jewish state? Yes. But it’s also not rare. Happening all through history, all over the world, and mostly what people do is make the best of it.

After World War II, 12 million ethnic Germans got shoved out of Russia, and Poland, and Czechoslovakia because being German had become kind of unpopular. A million Greeks were shoved out of Turkey in 1923. A million Ghanaians out of Nigeria in 1983. Almost a million French out of Algeria in 1962. Nearly a million Syrian refugees moved to Germany eight years ago. Was that a perfect fit?

And no one knows more about being pushed off land than the Jews. Including being almost wholly kicked out of every Arab country they once lived in. Yes, TikTok fans. Ethnic cleansing happened both ways. In Fiddler on the Roof, the family is always moving to stay one step ahead of the Cossacks, but they deal with it. When they’re leaving Anatevka, they say, « Hey, it wasn’t so great anyway. Come on. Like other countries don’t have roofs you could fiddle on ? Now, that’s not how they really felt, but they were coping. They coped. Because sometimes, that’s all you can do. History is brutal and humans are not good people. History is sad and full of wrongs, but you can’t make them unhappen because a paraglider isn’t a time machine. People get moved, and yes, colonized. Nobody was a bigger colonizer than the Muslim army that swept out of the Arabian Desert and took over much of the world in a single century. And they didn’t do it by asking. There’s a reason Saudi Arabia’s flag is a sword. Kosovo was the cradle of Christian Serbia, then it became Muslim. They fought a war about it in the ’90s, but stopped. They didn’t keep it going for 75 years.

There were deals on the table to share the land called Palestine. In 1947, ’93, ’95, ’98, 2000, 2008. And East Jerusalem could have been the capital of a Palestinian state that today might look more like Dubai than Gaza. Arafat was offered 95 percent of the West Bank, and said no.

The Palestinian people should know, your leaders and the useful idiots on college campuses who are their allies are not doing you any favors by keeping alive « The River to the Sea » myth. I mean where do you think Israel is going? Spoiler alert: nowhere. It’s one of the most powerful countries in the world with the 500-billion-dollar economy, the world’s second largest tech sector after Silicon Valley, and nuclear weapons. They’re here, they like their bagel with a shmear, get used to it !

What’s happening to Palestinians today is horrible, and not just in Gaza, in the West Bank, too. But wars end with negotiation and what the media glosses over is: t’s hard to negotiate when the other side’s bargaining position is you all die and disappear. I mean, the chant « From the River to the Sea. » Yeah, let’s look at the map. Here’s the river, here’s the sea. Oh, I see, it means you get all of it. Not just the West Bank which was basically the original UN partition deal you rejected because you wanted all of it and always have. Even though, it’s indisputably also the Jews’ ancestral homeland. And so, you attacked and lost. And attacked again and lost. And attacked again and lost. As my friend, Dr. Phil says, « How’s that working for you? »

Look at what Mexico used to own. All the way up to the top of California, but no Mexican is out there chanting, « From the Rio Grande to Portland, Oregon ! » Because they chose a different path. They got real and built a country that’s the world’s 14th biggest economy now. Because they knew the United States
wasn’t going to give back Phoenix, any more than Hamas will ever be in Tel Aviv. One of the leaders of Hamas says: « Save yourselves time and imaginary dreams. In a few years, Allah willing, you will have to discuss the situation in the region after Isreal. « I’m sorry, who’s the one with imaginary dreams? If I give you the benefit of the doubt and say your plan for a completely Jew-less Palestine isn’t that all the Jews should die. What is the only other option? They move. You move all the Jews. Okay, I got to warn you, there’s gonna be some kvetching.

You move all the Jews and we do this with what? A fleet of trucks called Jew-haul. And to where are we moving this entire country ? Texas? -Sure, they have room and I guess we could put the Wailing Wall on the border and kill two birds with one stone. Or we could just get serious.

Bill Maher

Nouvelle règle : De la rivière à la mer

Real Time with Bill Maher

HBO

15 décembre 2023

Je sais que c’est censé être la période magique de l’année, mais peut-être que ce dont nous avons tous besoin en ce moment, c’est d’une bonne dose de réalisme. Je vois beaucoup de crèches quand je sors, comme toujours avant Noël. Et je ne peux m’empêcher de penser à l’endroit où se trouve réellement cette crèche. Elle se trouve en Cisjordanie, sur des terres palestiniennes contrôlées par l’Autorité palestinienne. En 1950, la petite ville de Bethléem était chrétienne à 86 %, alors qu’elle est aujourd’hui majoritairement musulmane.  Et c’est ce que je veux dire ce soir, les choses changent. Pour 2,3 milliards de chrétiens, il ne peut y avoir de site plus sacré que celui où est né leur Sauveur, mais ils ne l’ont plus. Et pourtant, aucune armée de croisés ne s’est préparée à le reprendre. Les choses changent. Les pays, les frontières, les empires. La Palestine a été sous l’empire ottoman pendant 400 ans, mais aujourd’hui, un ottoman est quelque chose que l’on met sous ses pieds.
La ville de Byzance est devenue la ville de Constantinople, puis Istanbul. Cela n’a pas plu à tout le monde, mais on ne peut pas discuter indéfiniment. Les Irlandais avaient toute l’île pour eux, mais les Britanniques commençaient à créer un empire, et les Irlandais ont perdu leur bout. Ils se sont déchirés à ce sujet pendant 30 ans, mais tout le monde a fini par trouver un arrangement. Sauf les Palestiniens.
Était-il injuste qu’une seule famille arabe soit obligée de déménager lors de la création de l’État juif ? Oui. Mais ce n’est pas rare non plus. Cela s’est produit tout au long de l’histoire, partout dans le monde, et la plupart du temps dans les pays de l’Europe de l’Est.
Après la Seconde Guerre mondiale, 12 millions d’Allemands de souche ont été chassés de Russie, de Pologne et de Tchécoslovaquie parce que le fait d’être allemand était devenu impopulaire. Un million de Grecs ont été chassés de Turquie en 1923, un million de Ghanéens du Nigeria en 1983. Près d’un million de Français ont quitté l’Algérie en 1962. Près d’un million de réfugiés syriens se sont installés en Allemagne il y a huit ans. S’agissait-il d’un ajustement parfait ?
Et personne ne sait mieux que les Juifs ce qu’est l’expulsion d’une terre que les Juifs. Ils ont notamment été presque entièrement expulsés de tous les pays arabes où ils vivaient. Oui, fans de TikTok. Le nettoyage ethnique s’est produit dans les deux sens. Dans Le violon sur le toit, la famille est toujours en mouvement pour garder une longueur d’avance sur les Cosaques, mais elle s’en accommode. Lorsqu’ils quittent Anatevka, ils disent : « De toute façon, ce n’était pas si bien que ça. C’est vrai après tout. Dans les autres pays, il n’y a pas de toits sur lesquels on peut jouer du violon ? » Ce n’est pas vraiment ce qu’ils ressentaient, mais ils faisaient avec. Ils faisaient avec. Parce que parfois, c’est tout ce qu’on peut faire. L’histoire est brutale et les hommes ne sont pas bons. L’histoire est triste et pleine de torts, mais vous ne pouvez pas les effacer parce qu’un parapente n’est pas une machine à remonter le temps. Les gens se déplacent, et oui, ils sont colonisés. Personne n’a été un plus grand colonisateur que l’armée musulmane qui a déferlé du désert d’Arabie et s’est emparée d’une grande partie du monde en un seul siècle. Et ils ne l’ont pas fait en demandant. Ce n’est pas pour rien que le drapeau de l’Arabie saoudite est une épée. Le Kosovo était le berceau de la Serbie chrétienne, puis il est devenu musulman. Ils se sont fait la guerre à ce sujet dans les années 90, mais ils se sont arrêtés. Ils n’ont pas continué pendant 75 ans.
Il y a eu des accords sur la table pour partager la terre appelée Palestine. En 1947, en 1993, en 1995, en 1998, en 2000 et en 2008. Jérusalem-Est aurait pu être la capitale d’un État palestinien qui, aujourd’hui, ressemblerait davantage à Dubaï qu’à Gaza. Arafat s’est vu offrir 95 % de la Cisjordanie et a refusé.
Le peuple palestinien devrait savoir que ses dirigeants et les idiots utiles des campus universitaires qui sont leurs alliés ne lui rendent pas service en entretenant le mythe de « la rivière à la mer ». Où pensez-vous qu’Israël va aller ? Nulle part. C’est l’un des pays les plus puissants du monde, avec une économie de 500 milliards de dollars, le deuxième secteur technologique au monde après la Silicon Valley, et des armes nucléaires. Ils sont là, ils aiment leur bagel avec du shmear, il faut s’y habituer.
Ce qui arrive aux Palestiniens aujourd’hui est horrible, et pas seulement à Gaza, en Cisjordanie aussi. Mais les guerres se terminent par des négociations et ce que les médias passent sous silence, c’est qu’il est difficile de négocier lorsque la position de l’autre partie est que vous mourez et vous disparaissez. Je veux dire, le slogan « Du fleuve à la mer » ? Oui, regardons la carte. Voici le fleuve, voici la mer. Oh, je vois, ça veut dire que vous avez tout. Pas seulement la Cisjordanie, qui était en fait l’accord de partage initial de l’ONU que vous avez rejeté parce que vous vouliez tout et que vous l’avez toujours voulu. Même s’il s’agit incontestablement de la patrie ancestrale des Juifs. Vous avez donc attaqué et perdu. Vous avez attaqué à nouveau et vous avez perdu. Vous avez attaqué à nouveau et vous avez perdu. Comme le dit mon ami, le Dr Phil, « Comment ça marche pour vous ? »
Regardez ce que le Mexique possédait. Jusqu’en haut de la Californie, mais aucun Mexicain ne crie : « Du Rio Grande à Portland, Oregon ! » Parce qu’ils ont choisi une autre voie. Ils sont devenus concrets et ont construit un pays qui est aujourd’hui la 14e économie mondiale. Parce qu’ils savent que les États-Unis
ne vont pas rendre Phoenix, pas plus que le Hamas ne sera jamais à Tel Aviv. L’un des dirigeants du Hamas a déclaré : « Epargnez-vous du temps et des rêves imaginaires. Dans quelques années, si Allah le veut, vous devrez discuter de la situation dans la région après Israël. « Je suis désolé, qui est celui qui a des rêves imaginaires ? Si je vous accorde le bénéfice du doute et que je dis que votre plan pour une Palestine sans juifs n’est pas que tous les juifs doivent mourir ? Quelle est la seule autre option ? Ils déménagent. Vous déménagez tous les Juifs. D’accord, je dois vous avertir, ça va râler.
Vous déplacez tous les Juifs et on fait ça avec quoi ? Une flotte de camions appelée Jew-haul ? Et où on déménage ce pays entier ? Au Texas ? Bien sûr, il y a de la place et je suppose que nous pourrions réinstaller le Mur des lamentations à la frontière et faire d’une pierre deux coups. Ou nous pourrions simplement devenir sérieux.
Bill Maher

Mort de Jean-Luc Godard: Quels dangereux attraits de l’antisémitisme lettré ? (What paradoxical form of anti-semitism’s historical resurgence when groundbreaking filmmaking and challenging conventional wisdom turn into trivializing the nazification of Israel and Jews ?)

16 septembre, 2022

 

Si toutes les valeurs sont relatives, alors le cannibalisme est une affaire de goût. Leo Strauss
Toute idée fausse finit dans le sang, mais il s’agit toujours du sang des autres. C’est ce qui explique que certains de nos philosophes se sentent à l’aise pour dire n’importe quoi. Camus
Tout au long de sa phénoménale carrière publique, il n’aura cessé d’adopter des postures consternantes. «Homme de gauche», absolument de gauche, il aura épousé toutes les mauvaises causes de sa génération sans en manquer aucune, aura approuvé toutes les révolutions sanguinaires, de Cuba à la Chine. Toujours disposé à accabler ces fascistes d’Américains, Ronald Reagan et, bien sûr, George W. Bush (c’est sans risque), l’a-t-on en revanche entendu, ne serait-ce qu’un peu, dénoncer le fascisme de Mao Zedong ? Ou celui des islamistes ? (…) comment s’interdire de songer à cette génération entière d’intellectuels et d’artistes en Europe, en France surtout, autoproclamée de gauche – au point que le mot ne fait plus sens –, qui n’ont cessé d’adopter des postures morales tout en illustrant des causes absolument immorales ? Comment ne pas voir surgir des spectres : ceux qui hier, ont aimé Staline et Mao et, bientôt, vont pleurer Castro ? Ceux qui n’ont rien vu à Moscou, Pékin, La Havane, Téhéran, Sarajevo, et Billancourt ? Ceux qui, maintenant, devinent dans l’islamisme une rédemption de l’0ccident ? Cette grande armée des spectres, de l’erreur absolue, dieu merci, elle n’a jamais cessé de se tromper d’avenir. (…) par-delà ce cas singulier, on ne se méfie pas assez du grand écrivain et de la star dès qu’ils abusent de leur séduction pour propager des opinions politiques, seulement politiques, mais déguisées autrement. (…) On se garde de l’homme politique, l’élu démocratique, beaucoup trop puisqu’il avance à découvert. On ne se garde pas assez, en revanche, de l’artiste quand son talent le dissimule, surtout quand le talent est grand : des magiciens, grimés en moralistes, on ne se méfie jamais assez. Guy Sorman
On regrette l’indifférence d’un Balzac d’avant les journées de 1848, l’incompréhension apeurée d’un Flaubert en face de la Commune ; on les regrette pour eux : il y a là quelque chose qu’ils ont manqué pour toujours. Nous ne voulons rien manquer de notre temps. Sartre (1947)
Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre. Sartre (1961)
Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent, et je ne vois pas d’autre moyen que la mort. On peut toujours sortir d’une maison. Les révolutionnaires de 1793 n’ont probablement pas assez tué. Sartre (1973)
Ceux qui affirment la souveraineté de l’État israélien et sont en même temps convaincus que les Palestiniens ont droit à la souveraineté pour la même raison, et qui considèrent la question palestinienne comme fondamentale, doivent admettre que la politique de l’establishment israélien est littéralement insensée et vise de manière délibérée à éviter toute solution possible à ce problème. Il est par conséquent politiquement juste de dire qu’un état de guerre existe entre Israël et les Palestiniens. Dans cette guerre, la seule arme des Palestiniens est le terrorisme. C’est une arme terrible mais les opprimés n’en ont pas d’autre, et les Français qui ont approuvé le terrorisme du FLN contre des Français doivent également approuver l’action terroriste des Palestiniens. Ce peuple abandonné, trahi et exilé ne peut montrer son courage et la force de sa haine qu’en organisant des attaques mortelles. Naturellement, celles-ci devraient être considérées politiquement, en évaluant les résultats escomptés contre ceux réellement obtenus. Nous aurions également besoin de traiter la question fortement ambiguë des rapports entre les gouvernements arabes – dont aucun n’est socialiste ni n’a de tendances socialistes – et les feddayin, ce qui nous conduit à demander si les principaux ennemis des Palestiniens ne seraient pas ces dictatures féodales, dont plusieurs les ont soutenus verbalement tout en essayant en même temps de les massacrer, et si le premier effort des Palestiniens, que leur guerre voue nécessairement au socialisme, ne doit pas être de combattre au côté des peuples du Moyen-Orient contre ces États arabes qui les oppriment. Mais ces problèmes ne peuvent être traités dans un article. Pour ceux qui approuvent les attaques terroristes auxquelles l’establishment israélien et les dictatures arabes ont conduit les Palestiniens, il semble parfaitement indigne que la presse française et une partie de l’opinion jugent l’attaque de Munich un outrage intolérable, alors que l’on a souvent lu des rapports laconiques sans commentaires au sujet des frappes de Tel Aviv ayant coûté plusieurs vies humaines. Jean-Paul Sartre (La Cause du peuple, 15 octobre 1972)
Les Palestiniens n’ont pas d’autre choix, faute d’armes, de défenseurs, que le recours au terrorisme. […] L’acte de terreur commis à Munich, ai-je dit, se justifiait à deux niveaux : d’abord, parce que tous les athlètes israéliens aux Jeux olympiques étaient des soldats, et ensuite, parce qu’il s’agissait d’une action destinée à obtenir un échange de prisonniers. Quoiqu’il en soit, nous savons désormais que tous, Israéliens et Palestiniens, ont été tués par la police allemande. Jean-Paul Sartre
J’ai toujours soutenu la contre-terreur contre la terreur institutionnelle. Et j’ai toujours défini la terreur comme l’occupation, la saisie des terres, les arrestations arbitraires, ainsi de suite. Jean-Paul Sartre
Les attentats suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un État palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les Juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’État d’Israël. Jean-Luc Godard (2006)
Ils se lanceront les bombes sur les autres ! Où est le problème ? Jean-Luc Godard (sur la bombe iranienne)
Le peuple juif rejoint la fiction tandis que le peuple palestinien rejoint le documentaire. (…) Alors, on dira que les Israéliens sont sur TF1, c’est la télé-réalité. Et les autres, dans un film de Frédéric Wiseman. Jean-Luc Godard
Un catholique, je sais ce que c’est : il va à la messe. Mais un juif, je ne sais pas ce que c’est ! Je ne comprends pas ! Jean-Luc Godard
Moses is my principal enemy…Moses, when he received the commandments, he saw images and translated them. Then he brought the texts, he didn’t show what he had seen. That’s why the Jewish people are accursed. Jean-Luc Godard (1981)
What I find interesting in the cinema is that, from the beginning, there is the idea of debt. The real producer is, all the same, the image of the Central European Jew. Jean-Luc Godard
Strange thing Hollywood — Jews invented it. Jean-Luc Godard
Lanzmann et moi étions les instruments de sa cure : celle d’un antisémite qui essaye de se soigner. J’étais prêt à jouer le jeu, mais il a changé de plan. Bernard-Henri Lévy
Jean-Luc Godard n’est pas le seul à filmer comme il respire, mais c’est lui qui respire le mieux. Il est rapide comme Rossellini, malicieux comme Sacha Guitry, musical comme Orson Welles, simple comme Pagnol, blessé comme Nicholas Ray, efficace comme Hitchcock, profond, profond, profond comme Ingmar Bergman et insolent comme personne. Les années qui passent nous confirment dans la certitude que À bout de souffle aura marqué dans l’histoire du cinéma un tournant décisif comme Citizen Kane en 1940. Godard a pulvérisé le système, il a fichu la pagaille dans le cinéma, ainsi que l’a fait Picasso dans la peinture, et comme lui il a rendu tout possible. François Truffaut (1967)
Godard jams his films full of political, literary, cinematic and historical references. But they don’t seem to be organized according to any system. In « Weekend, » characters wander in and out, expressing disorganized thoughts about Mozart, the Third World, the function of the cinema and things like that. On this level, « Weekend » is a great deal like an erudite cocktail party: Lots of well-informed people drift about repeating things they learned in college survey courses and nothing gets accomplished or decided, but at the end you have a feeling of unease – as if this world, and the things said in it, were a frail shield against some approaching cataclysm. That’s on one level. On another level, Godard makes the most purely cinematic movies yet achieved. He uses his camera and his images to create a world that has no existence outside this particular movie. (…) One single Godard film seems accidental. But if you see half a dozen, you begin to get a sense of his universe. You see themes introduced, developed, worked out, discarded and then later satirized. (…) Godard is a director of the very first rank; no other director in the 1960s has had more influence on the development of the feature-length film. Like Joyce in fiction or Beckett in theater, he is a pioneer whose present work is not acceptable to present audiences. But his influence on other directors is gradually creating and educating an audience that will, perhaps in the next generation, be able to look back at his films and see that this is where their cinema began. Roger Ebert
Il joue très bien l’intellectuel français, avec un certain flou. Quand je suis arrivé pour le tournage, il portait un pyjama — haut et bas — un peignoir et des pantoufles et fumait un gros cigare. J’avais le sentiment étrange que j’étais dirigé par Rufus T. Firefly. Woody Allen
I will never forgive Godard for his anti-Semitism. Anti-Semitism brings joy to no one… I realize that from now on, you can only despise Godard on a human level. ‘Filthy Jew’ is the only insult which I cannot take… If you know what these words evoke within me, what they revive of a past which is still agonizing, you would come over to embrace me. Your Jewish friend who owes so much of his Jewish happiness to you. Braunberger (letter to Truffaut in 1968)
Reality itself becomes a relative term when Godard, as de Baecque observes, justifies every act of Arab resistance, including terrorism, by saying that “Israel is a paradoxical form of Nazism’s historical resurgence.” In a 1970 short documentary filmed for German TV, Godard brandished a tract with the slogan “NazIsrael” emblazoned on it and told the cameraman, “Write us a check from German television, which is financed by Zionists and that idiotic Social Democrat, Willy Brandt, and that will let us buy weapons for the Palestinians to attack Zionists,” as de Baecque further recounted. Godard’s fictional films also contain disquieting anti-Semitic utterances, sometimes in the guise of pseudo-humor. In 1964’s “A Married Woman” (“Une Femme Mariée”), a character states: “Today, in Germany, I said to someone, ‘How about if tomorrow, we kill all the Jews and the hairdressers?’ He replied, ‘Why the hairdressers?’” In 1967’s “Two or Three Things I Know About Her” (“Deux ou Trois Choses Que je Sais D’elle”), the director brags that ParisMatch magazine “always affixes a star to my films, as it does to Jews.” The allusion to the Nazi law forcing Jews to wear yellow stars in Occupied France is symptomatic of a sensibility, usually found among Europe’s ultra-right-wing politicians, that produces crushingly unfunny jokes about such historical tragedy. Godard’s 2010 film, “Film Socialisme” (“Socialism Film”), which premiered in May at the Cannes Film Festival, features a typical pseudo-aphorism of this ilk: “Strange thing Hollywood — Jews invented it.” While Hollywood historians know that the early studio heads were for the most part Jewish, to conclude that this explains the industry’s “strangeness” is racist, to say the least.  (…) In a 2009 article in Le Monde, “Godard and the Jewish Question” by Jean-Luc Douin, Godard is quoted as making an off-camera comment during the filming of a 2006 documentary: “Palestinians’ suicide bombings in order to bring a Palestinian State into existence ultimately resemble what the Jews did by allowing themselves to be led like sheep to be slaughtered in gas chambers, sacrificing themselves to bring into existence the State of Israel.” Godard apparently believes that Jews committed mass suicide during the Holocaust in order for Israel to be created. The same article quotes him along these lines: “Basically, there were six million kamikazes” and “Hollywood was invented by Jewish gangsters.” (…) in a single 2009 article in the English-language Canadian magazine Cinemascope (…) Bill Krohn, a Hollywood correspondent for Cahiers du Cinema (…) accused Brody of ideological simplification, biographical reductivism, guilt by association, misinterpretation, having felt snubbed by Godard and, overall, perpetrating “a hatchet job disguised as a celebration of Godard’s genius.” (…) in one concrete instance he suggests that Godard’s exclamation of “filthy Jew,” taken by Braunberger as a deadly insult, was misunderstood. Krohn unpersuasively interprets it as affectionate banter between old friends and, even more absurdly, as an allusion to Jean Renoir’s classic 1937 film “La Grande Illusion.” (…)  Perhaps film producers make the distinction between an artist of undeniable talent and an individual of extremely dubious opinions. Responding to reporters from the London Sunday Times, Jean-Luc Gaillard, a longtime neighbor of Godard, noted, “He [Godard] is on a different level from the rest of us, somewhere between genius and completely round the bend.” In proudly Anglo-dominated Los Angeles, it seems that artists whose odious statements are made in languages other than English can get a free pass and, on occasion, even a hat tip. Because Godard’s statements have been in French, there has been barely any American opposition to the Academy’s nomination. When approached to comment for this story, even staunch opponents of anti-Semitism — such as Rabbi Marvin Hier, head of the Simon Wiesenthal Center and multiple Academy Award winner; noted University of California, Los Angeles, film historian Howard Suber, and writer-producer Lionel Chetwynd — said that they had no personal knowledge of Godard’s reputed anti-Semitism. Elsewhere — and especially in France, where Godard has worked for several decades — others may agree with Braunberger, who wrote to Truffaut in 1968: “I will never forgive Godard for his anti-Semitism ». Benjamin Ivry
J’ai peur d’être à un peu contre-courant en parlant de ce Monsieur, qui est le cinéaste qu’il était – bon moi ce n’était pas ma tasse de thé – mais c’est surtout l’homme qu’il était qui n’a pas été très bienveillant pour ma communauté, pour les Juifs en général et pour Israël en particulier. Et je trouve que les propos qu’il a tenus étaient absolument inadmissibles. C’était de l’antisémitisme. C’était du négationnisme. C’était du révisionnisme. Et je pense que j’ai été plus touché par la disparition de la reine Élizabeth que par Jean-Luc Godard, pardonnez-moi. Mais je ne peux pas admirer quelqu’un qui hait à ce point les Juifs. C’est pas possible. (…) C’était le cas avec Céline. On me somme de lire Céline, je ne le ferai jamais. C’est un peu comme si j’admirais (…) les peintures d’Hitler. (…) Je m’en fous, ça ne m’intéresse pas. Donc … Paix à son âme (….), mais ce n’est pas quelqu’un que j’apprécie, que j’aime. Le Mépris, (…) je l’aime parce que j’aime beaucoup la musique de Delerue (…) C’est tout ce que j’ai à dire sur lui. Le reste je ne peux pas en parler. Je n’ai pas aimé la façon dont il a traité le peuple juif et Israël. Je n’ai pas aimé cette façon de revoir l’Histoire. Qu’il ait ses idées, qu’il soit pro-palestinien, c’est très bien. Moi je suis pour d’une certaine façon aussi, mais pas ce qu’il en a dit. Pas dire qu’en réalité, ’les Juifs de la Shoah s’étaient fait tuer exprès comme des moutons, pour que trois ans après on reconnaisse Israël ; et quand je pense qu’il y en a qui adhèrent à ce genre de propos, pardonnez-moi, je trouve ça honteux. Gérard Darmon
L’antisionisme est l’hostilité à l’installation des juifs en Israël, dans cette terre appelée Palestine par les Romains, qui fut une province de l’Empire ottoman, puis territoire sous mandat britannique. Je n’arrive pas à croire que des antisionistes comme l’amuseur public Dieudonné (qui a fait de l’antisionisme un parti politique français) préfèrent voir les juifs rester dans les pays de la diaspora… Faut-il alors expédier les juifs à Madagascar ou en Argentine, comme l’avaient envisagé les nazis ? Il faudrait poser la question aux antisionistes virulents : y a-t-il un lieu sur terre où la présence des juifs ne vous gênerait pas ? En fait, le sionisme est d’abord une question intéressant les juifs, et il y en a qui, sans être anti-israéliens, n’approuvent pas les aspirations du sionisme. (…) Cette déclaration me semble inepte et inacceptable. En estimant que les juifs attachés à l’Europe se sont laissé faire sans résistance, il donne raison aux sionistes dans leur projet de créer un Etat juif, préférant cette cause à défendre, y compris militairement, aux vexations, aux spoliations et aux crimes dont ils ont été les victimes en Europe centrale et orientale, très tôt dans le XXe siècle. Mais il est absurde de dire que les juifs d’Europe se sont sacrifiés pour une cause – le sionisme – qui n’était justement pas la leur. (…) Cette anomalie de syntaxe montre Jean-Luc Godard en flagrant délit d’une élucubration inavouable dont il découvre le piège trop tard. Evitant de justesse de dire : «Ils lanceront les bombes sur les autres», il n’arrive pas à construire correctement : «Ils se lanceront des bombes les uns sur les autres», avant d’ajouter : «Où est le problème ?» (…) Il lui arrive d’être antisémite comme un juif peut l’être, dans des accès de critique contre ses congénères. Godard s’est dit lui-même le «juif du cinéma», alors qu’il déclarait le cinéma américain entre les mains de «voyous juifs». Godard dit aussi que, s’il sait qu’un catholique est quelqu’un qui va à la messe, il ignore ce qu’est un juif. Comme il ne va pas à la messe, il n’est donc pas catholique. Il me semble qu’à choisir, il se sentirait plutôt juif et, dans ce cas, en rébellion fréquente contre les siens. Je préfère le voir ainsi, comme je suis sûr qu’il eût été un dreyfusard. (…) Je pense à ceux de ma génération qui furent jeunes en 1968 : nous admirions les inventions géniales du cinéma de Godard, nous aimions ses héros suicidaires et romantiques. L’enthousiasme qu’a suscité son œuvre à juste titre a donné à Godard un ascendant considérable sur les esprits, et le pouvoir d’imposer sans discussion des idées, des points de vue très discutables. Il est arrivé un moment où les admirateurs de Godard sont devenus des dévots, ânonnant le catéchisme d’un nouveau conformisme. (…) Jean-Luc Godard est un monteur virtuose : des images, de la musique, des mots. Dans la convocation des citations, il est comme un phénomène du calcul mental. Pour Godard – en cela proche d’Aby Warburg, tel que lui rend hommage Georges Didi-Huberman dans son exposition «Atlas», au musée Reina Sofia, à Madrid -, le monde est un montage, sans cesse «à remonter». Les effets de sens du montage – surtout lorsque les emprunts et les citations ne sont ni identifiés ni restitués dans leur contexte original – peuvent être aussi bien lumineux, c’est-à-dire révélateurs de vérité, que ravageurs, c’est-à-dire producteurs d’illusions, de confusions et de mensonges. Il y a de tout cela dans l’œuvre considérable de Jean-Luc Godard et dans son influence sur le cours des idées. Alain Fleischer

Trésor national, prophète du 7e art, légende vivante, Helvète anarchiste », « plus con des Suisses pro-Chinois », « plus con des maoïstes suisses »…

Juxtaposition des images de Golda Meir et d’Hitler, assimilation de l’Etat d’Israël à un « cancer sur la carte du Moyen-Orient, défense du massacre des JO de Münich …

Retour au lendemain de la salutaire polémique lancée par l’acteur Gérard Darmon …

Alors que pleuvent les hommagesde par le monde …

Sur la part d’ombre d’un metteur en scène qui avait littéralement révolutionné le cinéma …

Mais aussi entre deux aphorismes géniaux ou carrément négationnistes, multiplié les polémiques et les provocations …

Et épousé, lui aussi à l’instar d’un Sartre ou d’un Grass, toutes les mauvaises causes de sa génération …

Sans en manquer aucune, maoïste ou palestinienne …

Mais aussi, plus grave encore, réussi à faire de l’antisémitisme …

Comme le cannibalisme selon le mot de Léo Strauss, une simple « affaire de goût » !

« Godard est parfois antisémite, comme un juif peut l’être »
Alain Fleischer revient sur les points polémiques de son livre :
Eric Loret
Libération
8 mars 2011

De Rome, son «lieu» d’écriture, Alain Fleischer a répondu par mail à une série de questions sur la démonstration que mène Réponse du muet au parlant, à paraître au Seuil le 17 mars.
Vous écrivez que «pour un antisioniste, les juifs n’ont de place nulle part, et qu’ils sont indésirables partout»…

L’antisionisme est l’hostilité à l’installation des juifs en Israël, dans cette terre appelée Palestine par les Romains, qui fut une province de l’Empire ottoman, puis territoire sous mandat britannique. Je n’arrive pas à croire que des antisionistes comme l’amuseur public Dieudonné (qui a fait de l’antisionisme un parti politique français) préfèrent voir les juifs rester dans les pays de la diaspora… Faut-il alors expédier les juifs à Madagascar ou en Argentine, comme l’avaient envisagé les nazis ? Il faudrait poser la question aux antisionistes virulents : y a-t-il un lieu sur terre où la présence des juifs ne vous gênerait pas ? En fait, le sionisme est d’abord une question intéressant les juifs, et il y en a qui, sans être anti-israéliens, n’approuvent pas les aspirations du sionisme.

Que pensez-vous de la déclaration que vous a faite Godard hors caméra sur les Juifs «se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël» ?

Cette déclaration me semble inepte et inacceptable. En estimant que les juifs attachés à l’Europe se sont laissé faire sans résistance, il donne raison aux sionistes dans leur projet de créer un Etat juif, préférant cette cause à défendre, y compris militairement, aux vexations, aux spoliations et aux crimes dont ils ont été les victimes en Europe centrale et orientale, très tôt dans le XXe siècle. Mais il est absurde de dire que les juifs d’Europe se sont sacrifiés pour une cause – le sionisme – qui n’était justement pas la leur.

Favorable à la bombe atomique iranienne, Godard déclare dans Morceaux de conversation avec Jean-Luc Godard : «Ils se lanceront les bombes sur les autres ! Où est le problème ?» Comment analysez-vous ce lapsus ?

Cette anomalie de syntaxe montre Jean-Luc Godard en flagrant délit d’une élucubration inavouable dont il découvre le piège trop tard. Evitant de justesse de dire : «Ils lanceront les bombes sur les autres», il n’arrive pas à construire correctement : «Ils se lanceront des bombes les uns sur les autres», avant d’ajouter : «Où est le problème ?»

Croyez-vous que Godard soit antisémite ?

Il lui arrive d’être antisémite comme un juif peut l’être, dans des accès de critique contre ses congénères. Godard s’est dit lui-même le «juif du cinéma», alors qu’il déclarait le cinéma américain entre les mains de «voyous juifs». Godard dit aussi que, s’il sait qu’un catholique est quelqu’un qui va à la messe, il ignore ce qu’est un juif. Comme il ne va pas à la messe, il n’est donc pas catholique. Il me semble qu’à choisir, il se sentirait plutôt juif et, dans ce cas, en rébellion fréquente contre les siens. Je préfère le voir ainsi, comme je suis sûr qu’il eût été un dreyfusard.
Vous craignez que des «spectateurs sous influence» ne soient empoisonnés par les paroles de Godard. A qui pensez-vous ?

Je pense à ceux de ma génération qui furent jeunes en 1968 : nous admirions les inventions géniales du cinéma de Godard, nous aimions ses héros suicidaires et romantiques. L’enthousiasme qu’a suscité son œuvre à juste titre a donné à Godard un ascendant considérable sur les esprits, et le pouvoir d’imposer sans discussion des idées, des points de vue très discutables. Il est arrivé un moment où les admirateurs de Godard sont devenus des dévots, ânonnant le catéchisme d’un nouveau conformisme.
Analysant son style, vous écrivez que Godard «signe par le montage d’emprunts à ceux dont il fait disparaître la signature». Liez-vous théoriquement les idées politiques de Godard et une influence mortifère qu’il aurait eue sur le cinéma ?

Jean-Luc Godard est un monteur virtuose : des images, de la musique, des mots. Dans la convocation des citations, il est comme un phénomène du calcul mental. Pour Godard – en cela proche d’Aby Warburg, tel que lui rend hommage Georges Didi-Huberman dans son exposition «Atlas», au musée Reina Sofia, à Madrid -, le monde est un montage, sans cesse «à remonter». Les effets de sens du montage – surtout lorsque les emprunts et les citations ne sont ni identifiés ni restitués dans leur contexte original – peuvent être aussi bien lumineux, c’est-à-dire révélateurs de vérité, que ravageurs, c’est-à-dire producteurs d’illusions, de confusions et de mensonges. Il y a de tout cela dans l’œuvre considérable de Jean-Luc Godard et dans son influence sur le cours des idées.

Voir aussi:

Godard et la question juive
Dans son nouveau livre, l’écrivain et cinéaste Alain Fleischer accuse Jean-Luc Godard d’avoir tenu des propos antisémites. Provocation ou dérapage ?
Jean-Luc Douin
Le Monde
10 novembre 2009

Filmé en 2006 par Alain Fleischer pour un film qui s’est appelé Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard, le cinéaste franco-suisse aurait tenu des propos très polémiques à l’encontre des juifs, en partie écartés au montage, dont certains sur les deux films de Claude Lanzmann Shoah et Tsahal.

Dans un roman intitulé Courts-circuits, récemment édité au Cherche Midi, Alain Fleischer raconte qu’en aparté, lors d’une pause, Jean-Luc Godard aurait lâché cette phrase monstrueuse à son ami et interlocuteur Jean Narboni, ex-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma : « Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël. »

Jean-Luc Godard est coutumier de ce type de provocations. La première est survenue en 1974, lorsque, illustrant sa notion du montage comme vision comparative de l’histoire, il faisait chevaucher dans Ici et ailleurs une image de Golda Meir, premier ministre israélien, avec celle d’Adolf Hitler.

Prenant fait et cause pour la Palestine, l’auteur de Bande à part s’est maintes fois plu à rappeler, entre autres dans JLG/JLG en 1994, que, dans les camps nazis, les détenus au seuil de la mort étaient désignés sous le terme de « musulmans ». Ignorant délibérément la nature des crimes commis et subis par les uns et par les autres, il sous-entend que les victimes d’hier sont devenues les bourreaux d’aujourd’hui. Décrivant la Bible comme un « texte trop totalitaire », il a déjà lâché à propos de ces juifs qui, selon lui, auraient sauvé Israël en mourant dans les camps : « Au fond, il y a eu six millions de kamikazes. »

Dans Notre musique, film au départ duquel il voulait reprendre le schéma du Silence de la mer, de Vercors, en imaginant un officier israélien installé chez des Palestiniens, il déclare que « le peuple juif rejoint la fiction tandis que le peuple palestinien rejoint le documentaire ». Avec démonstration rhétorique, photographies à l’appui. Champ : les Israéliens marchent dans l’eau vers la Terre promise. Contrechamp : les Palestiniens marchent dans l’eau vers la noyade. Il s’en explique dans Morceaux de conversations… : « Les Israéliens sont arrivés sur un territoire qui est celui de leur fiction éternelle depuis les temps bibliques… » Jean Narboni lui fait remarquer que le mot « fiction » est choquant. « Alors, réplique-t-il, on dira que les Israéliens sont sur TF1, c’est la télé-réalité. Et les autres, dans un film de Frédéric Wiseman ».

Ces raccourcis suscitent doutes et consternation chez ses thuriféraires. Lorsque Jean Narboni lui rappelle que la juxtaposition des images de Golda Meir et d’Hitler avait même troublé Gilles Deleuze, sympathisant palestinien, lequel avait pourtant tenté de le défendre, Godard répond cinglant : « Pour moi, il n’y a rien à changer… sauf d’avocat ! »

« Juif du cinéma »

« Un catholique, je sais ce que c’est : il va à la messe, dit-il dans le film d’Alain Fleischer à Jean Narboni. Mais un juif, je ne sais pas ce que c’est ! Je ne comprends pas ! » Jean-Luc Godard s’est pourtant autoproclamé « juif du cinéma » pour signifier son destin de cinéaste persécuté. Il dit que, culpabilisé de n’avoir pas été alerté dans son enfance par l’Holocauste, choqué par les propos antisémites de son grand-père maternel qui faisait des plaisanteries sur son « médecin youpin », il n’a pas trouvé d’autre moyen de comprendre le juif qu’en se considérant « pareil ».

Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, lorsque son héroïne, prostituée occasionnelle, emmène un client dans un hôtel et que celui-ci lui fait remarquer que c’est un hôtel réservé aux juifs parce qu’il a une étoile, elle ne trouve pas ça drôle. Sensibilisé par la Shoah, Godard n’a de cesse de dénoncer la faute inexpiable du cinéma de n’avoir jamais filmé les camps. Le « ce qui ne peut pas être dit » de Wittgenstein devient à ses yeux un « il vaut mieux voir que s’entendre dire ». Clamant que « l’image, c’est comme une preuve dans un procès », une formule que d’aucuns trouvent à la limite du négationnisme.

Cette certitude que rien n’est infilmable, même la Shoah, l’oppose à Claude Lanzmann, qui, lui, s’insurge contre le caractère suspicieux qu’auraient des images du génocide. Persuadé de l’inadéquation de celles-ci, Lanzmann se range à l’avis d’Elie Wiesel, qui craint que le cinéma ne transforme un événement innommable en « phénomène de superficialité ». Débat qui, dans les colonnes du Monde, suscite la réaction du psychanalyste Gérard Wacjman résumant l’affrontement : « Saint Paul Godard contre Moïse Lanzmann ».

La question juive obsède Godard. Parfois à bon escient : le rappel des forfaits perpétrés dans les stades, comme le Heysel, rappelle le Vél’d’Hiv dans Soigne ta droite. Ou ce reproche adressé à Romain Goupil durant le tournage d’Allemagne neuf zéro : « Tu te dis anti-fasciste et quand tu filmes le stade des JO de Berlin, tu ne filmes qu’un stade, pas celui d’Hitler ! » Mais, en négatif, ses propos sur Hollywood « inventé par des gangsters juifs », et sur l’invention du cinéma par ces producteurs émigrés d’Europe centrale ayant compris que « faire un film, c’est produire une dette ». Son biographe américain, Richard Brody, raconte le projet d’un film où Godard débattrait avec Claude Lanzmann. Bernard-Henri Lévy étant médiateur. Ce dernier déclare : « Lanzmann et moi étions les instruments de sa cure : celle d’un antisémite qui essaye de se soigner. J’étais prêt à jouer le jeu, mais il a changé de plan. » Ici antisioniste, là carrément antisémite, Godard se heurte à quelque chose qu’il ne comprend pas, homme d’image affichant un problème avec la parole.

Voir également:

Décès du cinéaste Jean-Luc Godard, à l’origine de propos très polémiques
Le cinéaste avait – entre autres – déclenché une controverse aux États-Unis en 2010 pour ses positions passées sur Israël et les Juifs
Times of Israel
13 septembre 2022

Le réalisateur Jean-Luc Godard assiste à un débat au cinéma des Cinéastes à Paris, le 19 juin 2010. (Crédit : AFP / Miguel MEDINA)
Jean-Luc Godard, chantre de la Nouvelle Vague, militant franco-suisse engagé et controversé, est décédé ce 13 septembre en Suisse à l’âge de 91 ans. Il était notamment le réalisateur des films « À bout de souffle » (1960), du « Mépris » (1963) ou encore de « Pierrot le fou » (1965).

L’artiste, qui fuyait les honneurs, a pourtant obtenu de nombreux prix prestigieux, notamment au festival de Cannes, aux Césars, aux Oscars, au Festival de Berlin ou encore à la Mostra de Venise.

Pendant toute sa carrière, l’homme, marxiste avoué, a provoqué différentes polémiques et a eu à faire face à plusieurs reprises à des accusations d’antisémitisme.

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Habitué des polémiques, le cinéaste, depuis longtemps partisan pro-Palestinien, avait notamment déclenché une controverse aux États-Unis en 2010 pour ses positions sur Israël et les Juifs, juste avant de recevoir un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. « Est-ce un problème si [Godard] est antisémite ? », s’était notamment interrogé le Los Angeles Times.

Dans Courts-Circuits, un livre du cinéaste Alain Fleisher publié en 2009, l’auteur rapportait ces propos tenus par Godard à Jean Narboni, ex-rédacteur des Cahiers du Cinéma : « Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un État palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les Juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’État d’Israël. »

Jean-Luc Godard était ainsi coutumier de ce type de provocations.La première était survenue en 1974, lorsque, illustrant sa notion du montage comme vision comparative de l’histoire, il faisait chevaucher dans son documentaire « Ici et ailleurs » une image de Golda Meir, Premier ministre israélien, avec celle d’Adolf Hitler. Réalisé avec sa dernière compagne Anne-Marie Miéville, ce film dans lequel il comparait les Juifs aux nazis a ainsi causé un vif scandale.

En 2018, il avait signé une pétition avec des dizaines d’autres professionnels de l’industrie cinématographique française en faveur du boycott culturel d’Israël, dans le cadre de la saison France-Israël organisée par l’Institut français. L’année suivante, il avait signé un appel de 400 personnes dans le journal Libération pour défendre leur position antisioniste et pour éviter une criminalisation de ce qu’ils disent être une « opinion », ou un « courant de pensée né parmi les Juifs européens au moment où le nationalisme juif prenait son essor, qui s’oppose à l’idéologie sioniste qui préconisait (et préconise toujours) l’installation des Juifs du monde en Palestine, aujourd’hui Israël ».

Connu pour son goût de la provocation, il s’était félicité, dans un entretien au Monde publié en 2014, que l’extrême droite soit arrivée en tête des élections européennes en France, estimant que le président François Hollande devrait nommer Marine Le Pen Premier ministre.

« J’espérais que le Front national arriverait en tête. Je trouve que Hollande devrait nommer – je l’avais dit à France Inter, mais ils l’ont supprimé – Marine Le Pen Premier ministre », avait déclaré le réalisateur.

Interrogé sur les raisons de cette prise de position, il avait répondu : « Pour que ça bouge un peu ». « Pour qu’on fasse semblant de bouger, si on ne bouge pas vraiment. Ce qui est mieux que de faire semblant de ne rien faire », avait-il ajouté en riant, précisait le journal.

« Je ne suis pas pour eux », avait-il néanmoins indiqué, interrogé sur les bons scores des eurosceptiques et de l’extrême droite dans plusieurs pays d’Europe.

« Il y a longtemps, Jean-Marie Le Pen avait demandé que je sois viré de France. Mais j’ai juste envie que ça bouge un peu… », avait poursuivi le cinéaste. « Les grands vainqueurs, ce sont les abstentionnistes. J’en fais partie depuis longtemps. »

Jean-Luc Godard avait déjà tenu des propos du même ordre peu avant ces élections, alors qu’il était interrogé sur France Inter, en plein Festival de Cannes. « Autant mettre Marine Le Pen à la présidence, on regarde pendant cinq ans ce qui se passe et puis on la vire », avait-il lancé.

Provocateur né, Godard était aussi une figure importante mais inclassable pour la gauche. « L’Helvète anarchiste », selon les termes des organisateurs du Festival de Cannes qu’il contribue à faire annuler en mai 1968, était à la même époque « le plus con des Suisses pro-Chinois » pour les situationnistes.

Il se lance à cette période dans un cinéma militant avec des films-tracts de 3 minutes, renie sa production passée. Voulant « faire politiquement du cinéma politique », il abandonne la notion d’auteur.

Il fâchera aussi le pape Jean-Paul II avec « Je vous salue, Marie » et sa Vierge nue à l’écran.

En 2018, le Festival de Cannes lui délivrait une Palme d’or « spéciale » pour « Le Livre d’image », un prix qu’il n’était bien entendu par venu chercher, pas plus que son prix du Jury en 2014 pour « Adieu au langage ».

Célèbre pour ses aphorismes et bons mots, l’homme-cinéma avait de son vivant suggéré son épitaphe : « Jean-Luc Godard, au contraire ».

L’AFP a participé à la rédaction de cet article.

 Voir de même:

Jean-Luc Godard, la disparition du prophète du 7e art
Odile Tremblay
14 septembre 2022

Une tête d’intellectuel, des yeux myopes, un cigare, une vision du cinéma radicale et ardente, une grande gueule qui tonnait. Jean-Luc Godard a symbolisé le 7e art durant tant de générations… Même ses films moins rassembleurs n’auront pu ternir son aura brillante comme sur une icône. Une légende vivante vient de s’écrouler avec la mort du cinéaste emblématique de la Nouvelle Vague, le 13 septembre, dans son repaire helvète.

L’influence qu’il exerça sur les cinéastes et les cinéphiles fut inouïe, dans les années 1960 à 1980 et bien au-delà. Celui pour qui un traveling était affaire de morale considérait le cinéma comme une métaphore du monde et devint son prophète. Immense référence, par son foisonnement, sa diversité, sa faculté de penser le 7e art (comme de l’enterrer).

Sympathique, Godard ? Pas tant que ça. Avec sa propension de jeunesse à la kleptomanie, sa goujaterie envers ses pairs, sa misogynie, les relations houleuses entretenues avec les femmes de sa vie : muses, actrices et collaboratrices, d’Anna Karina à Anne-Marie Miéville en passant par Anne Wiazemsky. Sa force de frappe était ailleurs. Il sut brasser la cage, imposer des langages, innover, vénérer le cinéma comme un fou en hypnotisant ses admirateurs, qui ont cru aux temps nouveaux tirés de la pellicule.

Cette Nouvelle Vague là, qui avait poussé les « jeunes Turcs », souvent issus de la critique aux Cahiers du cinéma, à sauter dans l’arène au cours des folles années 1960, il en dominait la mouvance. Cherchant à jeter par-dessus bord le cinéma de papa aux codes poussiéreux, en 1960, son merveilleux film À bout de souffle, libéré du récit classique, sur fond d’amour et de trahison, enflammait les esprits. Tout comme Pierrot le fou (1965), inoubliable fuite en avant et road movie sur une ligne de hanche. Ajoutons le délicieux Bande à part (1964), à l’assaut d’une jeunesse qui cassait tous les moules et qui tirait la langue aux institutions.

Le dieu Godard
Réalisateur, cinéaste, souvent monteur, à la roue et au moulin de ses films, penseur de cet art en mouvement. Son oeuvre immense, charnière, protéiforme, inégale, et les nouvelles structures narratives qu’il aura apportées au cinéma, en fait le chantre du 7e art de modernité.

Assez pour qu’on proteste contre sa légende. Godard jouait les étonnés après avoir forgé sa propre couronne. Un journaliste avait lancé en 2001 avant sa conférence de presse à Cannes : « Dans le nom “Godard”, il y a le mot “God”. » C’est dire le culte…

Il tourna longtemps à pleine vitesse un film par année, touchant des thèmes collés ou pas aux questions sociales. Vivre sa vie, sur une jeune prostituée, Le mépris, avec Bardot et d’après Moravia, qui aborde l’univers du cinéma. Toujours éclectique, versant dans l’anticipation (Alphaville) et la comédie musicale (Une femme est une femme), il aura tâté de nombreux registres.

Longtemps ses oeuvres furent commentées et parfois démolies par des hordes de cinéphiles passionnés. En mai 1968, Godard aura été parmi les plus belliqueux cinéastes à faire tomber le chic rendez-vous cannois, par solidarité avec le tumulte estudiantin. Pourtant, ce Suisse de bonne famille (né à Paris, ballotté entre ses deux patries lors de l’invasion allemande), plutôt de droite, n’avait viré à gauche qu’en 1967, à partir de son film La Chinoise, qui parle d’une jeunesse maoïste. Il allait ensuite militer avec le groupe révolutionnaire Dziga Vertov, en s’éloignant de sa base.

En 1980, son Sauve qui peut (la vie), portraits croisés saisissants, lui fit retrouver la faveur du public. En outre, Prénom Carmen, adaptation contemporaine de l’opéra de Bizet, couronnée du Lion d’Or de Venise en 1983. Mais son étoile vacillait. Godard, qui en avait soupé de sa statue, se tourna pourtant très vite vers l’analyse de ses propres oeuvres comme de celles des autres, de plus en plus mémorialiste. Il ne croyait plus qu’au cinéma d’hier.

Un « cousin de l’ONF »
Dès 1988, ses essais Histoire(s) du cinéma l’ont poussé à théoriser, et souvent brillamment. Par la suite, ses oeuvres-poèmes déstructurées, de Nouvelle Vague, avec Delon, en 1990, au Livre d’image, en 2018, en irritaient plusieurs. « Comment je fais mes films, nous expliquait-il à Cannes en 2001 : je prends des bouts de phrases, des bouts de romans, des bouts de peintures, des bouts de paysages. » Ses collages nous inspiraient parfois, pas toujours. Le grand public s’en détournait. Qu’à cela ne tienne…

Dans les festivals, longtemps on s’est jeté sur les conférences de presse de ce grand tribun, qui enchaînait les sentences chocs contre la télé, Hollywood et ses leurres tout en jetant l’anathème sur les autres cinéastes, égratignés par lui jusqu’au sang. Même son ancien compagnon de combat, François Truffaut, finit de guerre lasse par lui claquer sa porte, après chapelets d’injures.

Pourtant Godard, parfois fidèle, aimait rappeler son passage au Québec, ses amitiés avec Jean-Claude Labrecque, Pierre Perrault, Gilles Groulx. « J’étais un cousin de l’ONF », confiait-il à son biographe Antoine de Baecque. Venu en Abitibi en saut de puce en 1968, dissuadé par le froid, il revint 10 ans plus tard, à l’invitation de Serge Losique. Sa série de 14 conférences sur l’histoire du cinéma et sur son propre parcours, offertes au Conservatoire d’art cinématographique de Montréal, avait fait sensation. Ça ne s’oublie pas.

Godard était à Cannes un élément du paysage comme le sable et la baie, puis coupa le cordon au cours de la dernière décennie. Sa santé, sa misanthropie, tout ça… En 2014, c’est in absentia qu’il avait récolté sur la Croisette le prix du jury pour son poétique Adieu au langage, ex aequo avec Xavier Dolan (Mommy).

Accessibles ou non, ses films des derniers temps étaient sans compromis. Dans sa tentative permanente de réinventer le langage du cinéma, « JLG » se sera toujours mis en danger. Courageux jusqu’à l’hermétisme, taxant de vendus ceux qui osaient espérer le succès commercial. Reste que lui-même ne faisait plus recette.

Vieux lion amer ou visionnaire incompris, le voici retrouvant son titre de pape du cinéma après avoir tiré sa révérence. Le président français, Emmanuel Macron, l’a qualifié mardi de trésor national, en oubliant que le disparu se voulait avant tout suisse. Chacun veut le ravoir dans sa cour. Côté légende godardienne, c’est reparti pour un grand tour !

Voir de plus:

Tributes pour in for renowned pro-Palestine French director Jean-Luc Godard
Middle East monitor
September 14, 2022

Tributes have been pouring in for the renowned French-Swiss director and pro-Palestinian activist Jean-Luc Godard. The lifelong advocate for Palestinians who revolutionised post-war cinema in Europe, died yesterday by assisted dying, his lawyer has confirmed. He died at the age of 91.

President of France, Emmanuel Macron, led the tribute: « We’ve lost a national treasure, the eye of a genius. Jean-Luc Godard, the most iconoclastic of New Wave filmmakers, » said Macron in a tweet.

British actor and broadcaster Stephen Fry was among many in the world of art and entertainment to pay their tribute. « Adieu, Jean-Luc Godard, » said Fry on Twitter. « I watched Breathless for the umpteenth time again just two weeks ago. It still leaps off the screen like few movies. That scene between them in the hotel: how many other directors could have managed that in so small a space and made it so captivating? »

The British Film Institute called Godard a « giant of cinema who ripped up the rule book » who « tested the limits of the medium, » read the BFI’s statement. BFI chief executive Ben Roberts told Variety: « Jean-Luc Godard’s death is a huge loss to cinema. The godfather of the French New Wave and one of the most influential and innovative filmmakers of the last century, his work has resonated with generations of film-lovers around the world. The BFI will continue to champion his work to new audiences, and celebrate his career. A special edition of Sight and Sound paying tribute to Godard will be available from Oct. 3. »

The Cannes Film Festival released a retrospective of his career highlights on Twitter. « Since his first appearance at the Festival in ‘Cleo de 5 à 7’ in 1962, 21 films by Jean-Luc Godard have been screened in Cannes, » the festival wrote on social media.

Toronto International Film Festival chief Cameron Bailey tweeted: « Jean-Luc Godard might have despised posthumous praise but here we are. His staggering body of work over seven decades showed him to be a rare, true genius in cinema. It was playful and punishing. It challenged every viewer, and rewarded the persistent. »

Though tribute poured in from the world of art and entertainment not much attention was given to Godard’s life as a pro-Palestine activist and a staunch critic of Israel. Unsurprisingly his criticism of the Apartheid State saw him constantly being smeared as an anti-Semite.

In 2010, the Academy of Motion Picture Arts and Sciences announced plans to award Godard an honorary Oscar. Pro-Israel groups revolted. Calling on the Academy to rescind the Oscar, the right-wing Zionist Organisation of America called Godard a « virulent anti-Semite. » Such claims of anti-Semitism were a constant throughout Godard’s long life, according to Jewish Currents, which paid tribute to the late director in an article. Godard rejected the allegations by insisting that he was an « anti-Zionist » not an anti-Semite.

Godard was an outspoken pro-Palestinian activist and endorsed the boycott of Israel. He reportedly added his name to a petition which planned for a boycott of the France-Israel Season event by the Institut Francais. « Posing as an event for cultural exchange, » the petition read, « This effort is meant to boost Israeli reparation, tarnished by its increasingly hard-handed policies vis-a-vis the Palestinians. »

In addition to Godard, the petition was also signed by Eyal Sivan, an Israel-born director who in 2001 said Jews in France were paying the price for « the colonial and murderous situation that has prevailed for more than fifty years in Israel-Palestine. »

Voir par ailleurs:

Are They Giving an Oscar to an Anti-Semite?
Benjamin Ivry
The Forward
October 08, 2010

Hollywood’s Academy of Motion Picture Arts and Sciences intends to award an honorary Oscar to iconic French-Swiss filmmaker Jean-Luc Godard on November 13. But will the academy be honoring a notoriously vocal, albeit French-speaking, anti-Semite?

Admired for avant-garde films like “Breathless” (1960); “My Life to Live” (1962) and “Contempt” (1963), Godard is one of the last survivors of French cinema’s New Wave movement, after the death in January of director Éric Rohmer and the premature 1984 demise of Godard’s colleague and ex-friend, François Truffaut. The friendship between Godard and Truffaut dissolved by the end of the 1960s because of the former’s anti-Semitism, according to two new biographies: “Godard” by film historian Antoine de Baecque, published in Paris in March, and “Everything Is Cinema: The Working Life of Jean-Luc Godard” (2008) by Richard Brody.

Both biographers recount a series of incidents expressing Godard’s unhealthy obsession with Jews, which noted French historian and journalist Pierre Assouline, on his Le Monde blog, termed “anti-Semitic.” In 1968, Godard, in the presence of Truffaut, called producer Pierre Braunberger, an early supporter of New Wave filmmakers, “sale juif” (“filthy Jew”), after which Truffaut immediately broke from Godard.

Godard’s attitude toward Jews has also come under the microscope because of his contempt for the State of Israel, which he has often called “a cancer on the map of the Middle East” —including in a famous 1991 interview with the newspaper Libération. His 1976 documentary “Ici et Ailleurs” (“Here and Elsewhere”) contrasts the lives of a French and Palestinian family and features alternatingly flickering images of Golda Meir and Adolf Hitler, proposing them as comparable tyrants. As de Baecque underlines, in “Ici et Ailleurs” Godard also defends the 1972 Munich Olympics massacre, suggesting that “before every Olympics finale, an image of Palestinian [refugee] camps should be broadcast.”

When I interviewed Godard in 1991 at his home in the Swiss city of Rolle, I asked him to explain the cancer metaphor. Keeping one eye on a muted television showing tennis, Godard languidly described hospital X-rays of malignant tumors in what he clearly saw as an exact analogy to the Middle East. He discussed the subject more recently, in a 2007 documentary, “Morceaux de Conversations,” (“Fragments of Conversations With Jean-Luc Godard”) made by film historian Jean Narboni, an editor of the influential French film magazine Cahiers du Cinema. Godard tells Narboni that Israelis currently occupy a territory that belongs to “their eternal fiction, from biblical times onward.” When Narboni states that the term “fiction” is offensive, Godard flippantly replies that Israelis live on “reality TV,” whereas Palestinians exist “in a film by Frederick Wiseman,” the starkly tragic, albeit American Jewish, documentarian.

Reality itself becomes a relative term when Godard, as de Baecque observes, justifies every act of Arab resistance, including terrorism, by saying that “Israel is a paradoxical form of Nazism’s historical resurgence.” In a 1970 short documentary filmed for German TV, Godard brandished a tract with the slogan “NazIsrael” emblazoned on it and told the cameraman, “Write us a check from German television, which is financed by Zionists and that idiotic Social Democrat, Willy Brandt, and that will let us buy weapons for the Palestinians to attack Zionists,” as de Baecque further recounted.

Godard’s fictional films also contain disquieting anti-Semitic utterances, sometimes in the guise of pseudo-humor. In 1964’s “A Married Woman” (“Une Femme Mariée”), a character states: “Today, in Germany, I said to someone, ‘How about if tomorrow, we kill all the Jews and the hairdressers?’ He replied, ‘Why the hairdressers?’” In 1967’s “Two or Three Things I Know About Her” (“Deux ou Trois Choses Que je Sais D’elle”), the director brags that ParisMatch magazine “always affixes a star to my films, as it does to Jews.” The allusion to the Nazi law forcing Jews to wear yellow stars in Occupied France is symptomatic of a sensibility, usually found among Europe’s ultra-right-wing politicians, that produces crushingly unfunny jokes about such historical tragedy. Godard’s 2010 film, “Film Socialisme” (“Socialism Film”), which premiered in May at the Cannes Film Festival, features a typical pseudo-aphorism of this ilk: “Strange thing Hollywood — Jews invented it.”

While Hollywood historians know that the early studio heads were for the most part Jewish, to conclude that this explains the industry’s “strangeness” is racist, to say the least. Godard is entitled to criticize filmmaking, and he has poured scorn on much of Hollywood’s output — especially on Steven Spielberg — but his comments are clearly not confined to that arena. Even Godard’s friends and collaborators, like the French-Jewish filmmaker Jean-Pierre Gorin, can find themselves insulted. In 1973, Gorin contacted Godard to be paid for his collaborative work on 1972’s “Tout Va Bien” (“Everything’s Fine”), to which Godard responded, “Ah, it’s always the same: Jews call you when they hear a cash register opening.”

In a 2009 article in Le Monde, “Godard and the Jewish Question” by Jean-Luc Douin, Godard is quoted as making an off-camera comment during the filming of a 2006 documentary: “Palestinians’ suicide bombings in order to bring a Palestinian State into existence ultimately resemble what the Jews did by allowing themselves to be led like sheep to be slaughtered in gas chambers, sacrificing themselves to bring into existence the State of Israel.” Godard apparently believes that Jews committed mass suicide during the Holocaust in order for Israel to be created. The same article quotes him along these lines: “Basically, there were six million kamikazes” and “Hollywood was invented by Jewish gangsters.” At least Godard cannot accuse the American film industry of being ungrateful gangsters.

When the Forward submitted some of Godard’s anti-Semitic utterances to the academy, the following written response was issued: “The Academy is aware that Jean-Luc Godard has made statements in the past that some have construed as anti-Semitic. We are also aware of detailed rebuttals to that charge. Anti-Semitism is of course deplorable, but the Academy has not found the accusations against M. Godard persuasive.”

As “detailed rebuttals,” an Academy spokesperson cited a single 2009 article in the English-language Canadian magazine Cinemascope by Bill Krohn, a Hollywood correspondent for Cahiers du Cinema, to which Godard and many of the early New Wave directors contributed. Krohn accused Brody of ideological simplification, biographical reductivism, guilt by association, misinterpretation, having felt snubbed by Godard and, overall, perpetrating “a hatchet job disguised as a celebration of Godard’s genius.” Krohn’s critique is diffuse and short on specifics, but in one concrete instance he suggests that Godard’s exclamation of “filthy Jew,” taken by Braunberger as a deadly insult, was misunderstood. Krohn unpersuasively interprets it as affectionate banter between old friends and, even more absurdly, as an allusion to Jean Renoir’s classic 1937 film “La Grande Illusion.”

Assouline expressed astonishment that after Brody’s biography appeared, revealing “with precision Godard’s anti-Semitism,” Godard was rumored to be preparing an adaptation of Daniel Mendelsohn’s “The Lost: A Search for Six of Six Million,” tracing the fate of six Holocaust victims. Perhaps film producers make the distinction between an artist of undeniable talent and an individual of extremely dubious opinions. Responding to reporters from the London Sunday Times, Jean-Luc Gaillard, a longtime neighbor of Godard, noted, “He [Godard] is on a different level from the rest of us, somewhere between genius and completely round the bend.”

In proudly Anglo-dominated Los Angeles, it seems that artists whose odious statements are made in languages other than English can get a free pass and, on occasion, even a hat tip. Because Godard’s statements have been in French, there has been barely any American opposition to the Academy’s nomination. When approached to comment for this story, even staunch opponents of anti-Semitism — such as Rabbi Marvin Hier, head of the Simon Wiesenthal Center and multiple Academy Award winner; noted University of California, Los Angeles, film historian Howard Suber, and writer-producer Lionel Chetwynd — said that they had no personal knowledge of Godard’s reputed anti-Semitism.

Elsewhere — and especially in France, where Godard has worked for several decades — others may agree with Braunberger, who wrote to Truffaut in 1968: “I will never forgive Godard for his anti-Semitism. Anti-Semitism brings joy to no one… I realize that from now on, you can only despise Godard on a human level. ‘Filthy Jew’ is the only insult which I cannot take… If you know what these words evoke within me, what they revive of a past which is still agonizing, you would come over to embrace me. (signed) Your Jewish friend who owes so much of his Jewish happiness to you.”

Benjamin Ivry is a frequent contributor to the Forward.

Tom Tugend, who provided additional reporting, is a contributing editor at the Jewish Journal of Greater Los Angeles.

Voir par encore:

Jean-Luc Godard to get honorary Oscar, questions of anti-Semitism remain
Tom Tugend
Jewish Journal
October 6, 2010

Hollywood’s Academy of Motion Picture Arts and Sciences has announced that it will bestow an honorary Oscar on iconic Swiss-French filmmaker Jean-Luc Godard on Nov. 13.

The announcement has raised a new question and revived an old one.

First, will Godard show up to accept the award?

Second, is he an anti-Semite?

Both questions can be answered with a categorical “maybe yes or maybe no.”

Godard, who will mark his 80th birthday in December, is one of the originators, and among the last survivors, of the French New Wave cinema, which he helped kick-start in 1960 with “Breathless,” still his best-known work.

He and his cohorts, among them Francois Truffaut and Eric Rohmer, rebelled against the traditional French movie, and later against all things Hollywood.

The New Wave elevated the role of the director as the sole auteur of a movie and viewed film as a fluid audiovisual language, freed of the constraints of formal story lines, plot, narration and sequence.

As Godard put it, “I believe a film should have a beginning, a middle and an end, but not necessarily in that order.”

To a small coterie of cinephiles and most professional film critics, especially in Europe, Godard is considered the ultimate cinematic genius. To others, his films often seem insufferably opaque and incomprehensible.

In the 50 years since his film debut, Godard has proven his vigor and inventiveness in 70 features and is credited with strongly influencing such American directors as Martin Scorsese, Quentin Tarantino and Steven Soderbergh.

Godard’s long career has been marked by constant artistic disputes and charges of anti-Semitism and anti-Zionism, as noted in three biographies: “Godard: A Portrait of the Artist at 70” (2003) by American professor Colin MacCabe; “Everything Is Cinema: The Working Life of Jean-Luc Godard” (2008) by Richard Brody, an editor and writer for the New Yorker; and “Godard” by film historian Antoine de Baecque.

The last was published in March in French and is not easily available. Material used in this article was drawn from reviews and analyses of the book.

The early seeds of Godard’s alleged anti-Semitism and acknowledged anti-Zionism may have been planted in the home of his affluent Swiss-French Protestant family.

In a 1978 lecture in Montreal, he spoke of his family’s own political history as World War II “collaborators” who rooted for a German victory, and of his grandfather as “ferociously not even anti-Zionist, but he was anti-Jew; whereas I am anti-Zionist, he was anti-Semitic.”

Godard validated his anti-Israel credentials in 1970 by filming “Until Victory,” depicting the “Palestinian struggle for independence,” partially bankrolled by the Arab League.

The project was eventually aborted, but Godard used some of the footage in his 1976 documentary, “Ici et ailleurs” (“Here and Elsewhere”), contrasting the lives of two families — one French and one Palestinian.

In it, Godard inserted alternating blinking images of Golda Meir and Adolf Hitler, and suggested, in reference to the 1972 Munich Olympics massacre, that “before every Olympic finale, an image of a Palestinian [refugee] camp should be broadcast.”

Biographer Brody, like the other authors, is an ardent admirer of Godard the artist, but he notes that in the filmmaker’s later work, “Godard’s obsession with living history … has brought with it a troubling set of idées fixes, notably regarding Jews and the United States.”

Godard has been able to combine both targets in his attacks on Hollywood, and, of course, the Jews who run it.

He has always been obsessed by the Holocaust, and after the 1993 release of “Schindler’s List,”  the film and its director, Steven Spielberg, became Godard’s favorite whipping boys.

As in many of his attacks on Hollywood, it is at times difficult to discern whether Godard’s hostility is based on artistic differences or anti-Semitism, or a bit of each.

The leitmotif running through Godard’s own work is the superiority of “images” as against “texts” or narratives, or, as he puts it, “the great conflict between the seen and the said.”

He faults, for instance, Claude Lanzmann’s monumental nine-hour film, “Shoah,” for its use of personal narratives by survivors and others, and proposes that the Holocaust can only be truly represented by showing the home life of one of the concentration camp guards.

Who is to blame for the Jewish preference of text over image? It is Moses, Godard’s “greatest enemy,” who “saw the bush in flames and who came down from the mountain and didn’t say, ‘This is what I saw,’ but, ‘Here are the tablets of the law.’ ”

For the untutored layman, unfamiliar with the methods and passions of movie making, this and other Godard pronouncements can take on an Alice-in-Wonderland quality.

A key may be found in a recent London Sunday Times story, in which a reporter interviewed one of Godard’s oldest friends, a retired geology professor.

“He [Godard] is on a different level from the rest of us, somewhere between genius and completely round the bend,” the professor explained.

Artistic differences aside, there are disturbing instances of Godard’s anti-Semitism, particularly directed against some of his closest collaborators. According to the three biographers, at one point Godard called producer Pierre Braunberger, an early supporter of the New Wave filmmakers, a “sale Juif ” (filthy Jew).

In another case, when longtime collaborator Jean-Pierre Gorin requested some back pay, Godard noted, “Ah, it’s always the same, Jews call you when they hear a cash register opening.”

When this reporter submitted some of Godard’s anti-Semitic utterances to the Motion Picture Academy and requested comments, the request prompted the following written response:

“The Academy is aware that Jean-Luc Godard has made statements in the past that some have construed as anti-Semitic. We are also aware of detailed rebuttals to that charge. Anti-Semitism is of course deplorable, but the Academy has not found the accusations against M. Godard persuasive.

Voir de plus:

An Honorary Oscar Revives a Controversy
Michael Cieply
The NY Times
Nov. 1, 2010

LOS ANGELES — Late last week, the Academy of Motion Picture Arts and Sciences was still coming to terms with that most deeply confounding of European filmmakers, Jean-Luc Godard.

No one had yet signed on to present an honorary Oscar to Mr. Godard, who has said he will not be on hand anyway at the academy’s awards banquet in Hollywood a week from Saturday. But there was also the touchy question of how to deal with newly highlighted claims that Mr. Godard, a master of modern film, has long harbored anti-Jewish views that threaten to widen his distance from Hollywood, even as the film industry’s leading institution is trying to close the gap.

Over the last month, articles in the Jewish press — including a cover story titled “Is Jean-Luc Godard an Anti-Semite?” in The Jewish Journal — have revived a simmering debate over whether Mr. Godard, an avowed anti-Zionist and advocate for Palestinian rights, is also anti-Jewish. And this close examination of his posture toward Jews has put a shadow over plans by the academy to honor him at the Nov. 13 banquet, along with the actor Eli Wallach, the filmmaker Francis Ford Coppola and the film historian and preservationist Kevin Brownlow. (The separate Oscar telecast is scheduled for Feb. 27, on ABC.)

The academy is doing its best to sidestep the issue. For one thing, don’t look for the touchier aspects of Mr. Godard’s work in the five-minute tribute reel being assembled around New Wave masterpieces. Probably missing will be a much-discussed sequence in the 1976 documentary “Here and There,” about the lives of two families, one French and one Palestinian. In it, alternating images of Golda Meir and Adolf Hitler have suggested to some that Mr. Godard, the narrator and one of the directors of the film, sets them up as equivalents.

“I can imagine it might not be there,” Sidney Ganis, who is producing the ceremony, said on Friday. He also said he had a prospect in mind to present the award.

Mr. Godard, 79, has inspired directors as diverse as Martin Scorsese, Woody Allen and Quentin Tarantino with his technique, sophistication and exuberant use of pop culture in 70 feature films. That work, however, had never been honored by the academy until a decision this year to present Mr. Godard with an honorary governors award, given not at the main event in February but at a separate black-tie ceremony for entertainment industry insiders.

To date, there has been no surge of opposition to match the protests that greeted a decision to give Elia Kazan an honorary Oscar in 1999, despite his having named colleagues before the House Un-American Activities Committee investigating Communist influence in Hollywood during the red baiting era.

But Mr. Ganis and others in the academy have fielded queries from members who question the propriety of an award that is drawing attention not just to Mr. Godard’s well-known disregard for Hollywood but also to positions and statements in which he has mingled his mistrust of the mainstream movie world with a wariness of traits he associates with Jews.

In one of the more striking such statements, in a 1985 interview in Le Matin quoted in Richard Brody’s 2008 biography, Mr. Godard spoke of the film industry as being bound up in Jewish usury.

“What I find interesting in the cinema is that, from the beginning, there is the idea of debt,” he is quoted as saying. “The real producer is, all the same, the image of the Central European Jew.”

In cataloguing and assessing such pronouncements, Mr. Brody, who is generally admiring in the biography, titled “Everything Is Cinema: The Working Life of Jean-Luc Godard,” attributed what he called “the hardening and sharpening of Godard’s anti-Semitic attitudes” to factors that included his childhood in war-torn Europe, a turn toward pro-Palestinian radicalism in the 1960s and a complicated view of history in which Mr. Godard has blamed Moses for having corrupted society by bringing mere text, in the form of written law, down from the mountain, after having encountered an actual image, the burning bush.

Neither Mr. Godard nor his associates could be reached for comment on Monday, which was a holiday in France.

“If Hollywood wants to honor his work, great, I’m fine with it,” said Mike Medavoy, a film producer and academy member who was born in Shanghai after his parents fled the Holocaust.

But Mr. Medavoy added that he was less than charmed by what he characterized as Mr. Godard’s “narrow mind” when it comes to Jews and the film business. “I’m not fine with that,” he said.

Mr. Godard once complained that Steven Spielberg had misused the image of Auschwitz in the making of “Schindler’s List.” In 1995, Mr. Godard turned down an honorary award from the New York Film Critics’ Circle, in part, he said, because he had personally failed “to prevent Mr. Spielberg from reconstructing Auschwitz. »

Mr. Spielberg never responded publicly to that complaint, according to Marvin Levy, his spokesman. Mr. Levy said Mr. Spielberg had not decided whether to attend the awards ceremony but that his absence, in any case, would carry no message about Mr. Godard.

For whatever reason, the gap between Mr. Godard and the academy appears to have run deeper than the occasional snub of a director, like, say, Alfred Hitchcock, who never won a directing Oscar, but was finally given the academy’s Irving G. Thalberg Award, for a lifetime of producing, in 1968.

Researchers at the academy’s Margaret Herrick Library turned up no sign that any aspect of a Godard film had ever been so much as nominated for an Oscar, despite awards and festival recognition abroad.

The absence of recognition by the academy may have less to do with Mr. Godard’s well-known antagonism toward Hollywood than with the fact that many academy members were simply looking elsewhere when his career erupted in the 1960s as a leader of the French New Wave with films like “Breathless” and “Band of Outsiders.” The producer Walter Mirisch, for example, said, “During the time of his films, I was occupied with my own.” Mr. Mirisch, 88, served a number of terms as the academy’s president and won a best picture Oscar in 1968 for “In the Heat of the Night.”

In preparing for this year’s governors awards, the second in a planned annual series separate from the televised Oscar ceremony, Phil Alden Robinson, an academy vice president and a governor, proposed Mr. Godard for recognition that was supposed to close a gap with people like Mr. Mirisch.

“Godard speaks to a generation that’s only now getting voting weight in the academy,” said Mr. Robinson, who is both a writer and a director, and had an Oscar nomination in 1990 for his “Field of Dreams” script. “The older generation didn’t have the same regard for him.”

Inadvertently, however, Mr. Robinson pried open a debate that has raged around artists as august as the poet Ezra Pound and as popular as the actor and filmmaker Mel Gibson: Is the work somehow tainted by the attitudes of the man?

Daniel S. Mariaschin, an executive vice president at B’nai B’rith International, strongly denounced the academy’s decision to honor Mr. Godard.

“They have set up standards for art, but they take a pass on standards for decency and standards for morality,” Mr. Mariaschin said on Monday. “How could one possibly derive enjoyment or pleasure from this, knowing that the individual holds these views?”

Mr. Mariaschin said he was surprised to see, based on recent news reports, that Mr. Godard had not back-pedaled when challenged regarding his view of Jews. “He’s not even contrite,” Mr. Mariaschin said.

For Mr. Robinson, the art and the artist are separate. “D. W. Griffith got an honorary Oscar in 1936,” he said, “and the man was horribly racist.”

Besides, said Mr. Robinson, whose “Field of Dreams” was a fantasy about the disgraced members of the Chicago White Sox team that threw the World Series: “You’re talking to someone who believes Shoeless Joe Jackson should be in the Hall of Fame.”

Voir encore:

Jean-Luc Godard’s Oscar rekindles antisemitism row

An honorary award for the French director has enraged some in Hollywood who say his work reveals a lifelong hostility towards Jews
Paul Harris in New York
The Guardian
4 Nov 2010

It should have been a typical acting love-in of the type the beautiful and rich elite of Hollywood do so well. At a lavish dinner last night, the acclaimed French director Jean-Luc Godard was given an honorary Oscar alongside other established greats such as Francis Ford Coppola and the actor Eli Wallach.

There was the usual banquet, mutual backslapping and enough air-kissing to inflate a zeppelin – but that was where the parallels with orthodox movie award ceremonies ended. For not only did the recipient of the gong fail to show up, but he was, in absentia, the subject of fierce debate over whether or not his long commitment to highlighting the plight of Palestinians has crossed over into antisemitism. The question on many people’s lips was: is Godard anti-Zionist or is he anti-Jewish?

In Hollywood there is no greater sin. The debate dominated the build-up banquet, which is held earlier than the globally televised event due in February.

It was a battle fought across the newspapers of America in angry editorials, as well as in the salons and offices of Hollywood movers and shakers. Richard Cohen, a Washington Post columnist, penned an outraged post on the Daily Beast website where he compared Godard’s accolade to the award of an Oscar in 1926 to the director DW Griffith, who was accused of being a racist.

« Just as no one in the film industry could look a black person in the eye after giving an award to Griffith, so it should be just as hard to honour Godard and look history in the eye, » Cohen said.

That followed on from a lengthy piece in the Jewish Journal which put the director on its cover under the headline: « Is Jean-Luc Godard an antisemite? »

The article delved deep into the French director’s body of work and scores of his interviews to examine the question. The reclusive 79-year-old certainly has a long history of supporting the Palestinians, including filming Until Victory, which told the story of the Palestinian struggle against Israel. He once admitted that his grandfather had « ferociously » disliked Jews. « He was anti-Jew; whereas I am anti-Zionist, he was antisemitic, » the director once said.

But some critics say Godard’s work and some of his statements have crossed the line from being critical of Israel and its policies and into antisemitism. In one of his films (Here and There), the director alternates images of Adolf Hitler with Israeli leader Golda Meir. He has criticised films about the Holocaust such as Schindler’s List and Shoah, though often on apparently artistic grounds.

But some other reported statements are less easy to defend, including once calling a friend a « dirty Jew » and, after being asked for back pay by a colleague, saying: « It is always the same, Jews call you when they hear a cash register opening. » In a 1985 interview Godard spoke of the « image of the central European Jew » as being part of Hollywood’s problem with being caught up in debt.

The Jewish Journal went so far as to send a list of these and others of Godard’s supposedly antisemitic statements to the Academy of Motion Picture Arts and Sciences, the organisation behind the Oscars. The academy replied that it was aware of the allegations. « Antisemitism is of course deplorable, but the academy has not found the accusations against Godard persuasive, » it said. Some Jewish groups, such as B’nai B’rith International, have condemned the decision to honour Godard.

But the biggest surprise of the controversy might just be the award itself. Godard sprang to fame at the head of the French new wave with ground-breaking works such as Breathless.

Along with other auteurs such as François Truffaut, he rebelled against conventional French cinema and later against Hollywood. They believed that a film was the director’s intellectual vision and should break out of the constraints of straightforward plots and conventional cinematography.

Such attitudes never went down well with mainstream Hollywood, which regarded new wave films as impenetrable, unmarketable and difficult for audiences. None of Godard’s 70 feature films has ever been nominated for an Oscar, despite his international acclaim. That attitude has largely been returned by Godard, whose decision not to attend the ceremony last night means the academy will have to ship the gold statuette to his home in Switzerland.

He once said: « I believe a film should have a beginning, a middle and an end, but not necessarily in that order. » In the highly commercial and brutally cynical world of Hollywood, that sort of sentiment might be more of a reason for shock than any criticism of Israel.

Voir enfin:

On Jean-Luc Godard
Roger Ebert
April 30, 1969

The films of Jean-Luc Godard have fascinated and enraged moviegoers for a decade now. The simple fact is: This most brilliant of all modern directors is heartily disliked by a great many people who pay to see his movies.

No wonder. Godard is a perverse and difficult director who is deeply into his own universe. He couldn’t care less about a making a traditional movie with a story line. His films require active participation and imagination by the audience, and most movie audiences are lazy.

The film medium, above all others, encourages a passive response. All you have to do is sit back and let the images wash across your eyeballs and listen to the words. The movie does the rest. Occasionally a movie comes along, however, that requires some thought. A « 2001, » for example, or « Weekend » (1968) or even « Bullitt. »

Godard’s « Weekend » is not a narrative film like « Bullitt, » and it makes no attempt to tell a story. But neither is it a purely visual film like « 2001, » existing within its own self-contained rationale. Godard jams his films full of political, literary, cinematic and historical references. But they don’t seem to be organized according to any system. In « Weekend, » characters wander in and out, expressing disorganized thoughts about Mozart, the Third World, the function of the cinema and things like that.

On this level, « Weekend » is a great deal like an erudite cocktail party: Lots of well-informed people drift about repeating things they learned in college survey courses and nothing gets accomplished or decided, but at the end you have a feeling of unease – as if this world, and the things said in it, were a frail shield against some approaching cataclysm.

That’s on one level. On another level, Godard makes the most purely cinematic movies yet achieved. He uses his camera and his images to create a world that has no existence outside this particular movie. He doesn’t pretend his characters are real people, or his « plots » are real, or his dialog. In « Weekend, » Godard’s hero tells the heroine: « This is a lousy movie. All you meet are sick people. » At another point, a motorist asks the hero: « Are you real life or in a movie? »

This sort of thing irritates the hell out of some audiences, who think Godard is merely being clever. But it goes beyond that. No movie characters are real. No situations or dialog are real. Then isn’t it more real to admit that? « Weekend » is about some hypothetical time and country when the barbarism of modern life is routinely accepted. Related subject matter has been covered in many movies, often of the science-fiction genre. Isn’t it more real to abandon the attempt at a story and admit that you’re a director making this movie with these actors?
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Well, maybe so and maybe not. Godard will never find a very large audience, I guess. His style and philosophy take some getting used to. You have to see all his films, or none of them. One single Godard film seems accidental. But if you see half a dozen, you begin to get a sense of his universe. You see themes introduced, developed, worked out, discarded and then later satirized.

« Weekend, » for example, steals an exact shot from « La Chinoise » – the one of the young girl dressed in peasant’s rags and pointing a gun at the head of her friend. These young people and their lives were first introduced in « Masculine Feminine, » the film that correctly predicted the French student uprising. « La Chinoise » showed us radical students who broke loose from ideology and experimented with direct action. Now, in « Weekend, » we see young people living in guerilla tribes in the countryside, and we begin to see where Godard’s investigation is taking him.

Godard is a director of the very first rank; no other director in the 1960s has had more influence on the development of the feature-length film. Like Joyce in fiction or Beckett in theater, he is a pioneer whose present work is not acceptable to present audiences. But his influence on other directors is gradually creating and educating an audience that will, perhaps in the next generation, be able to look back at his films and see that this is where their cinema began.

Roger Ebert was the film critic of the Chicago Sun-Times from 1967 until his death in 2013. In 1975, he won the Pulitzer Prize for distinguished criticism.


Mois des fiertés: Du passé faisons table rase ! (Devinez pourquoi, au moment où notre civilisation est de plus en plus diabolisée, de plus en plus d’entre nous nous sentons de plus en plus honteux de nous-mêmes et de notre propre pays ?)

11 juin, 2022

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Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. G.K. Chesterton
FO et la CGT dans le carré de tête, je ne m’y retrouve pas … On sait déjà ce qui va faire l’ouverture du 20 Heures, ce sont les drag queens et les types avec des chaînes. Or ils ne représentent pas le gay moyen, celui qui comme moi vit normalement depuis dix ans avec son copain. Olivier Robert (ancien patron du Carré, rue du Temple à Paris)
Le mois des fiertés se situe en juin il y a plus de 50 ans aux États-Unis. Plus précisément en 1969 avec l’interruption de la police à Stonewall Inn. En effet, Stonewall Inn était un bar gay de New York. À la suite de cette interruption, un groupe de personnes composé de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres se sont rebellées contre l’autorité. Juste un an plus tard (1979), toujours à New York, Brenda Howard (activiste américain luttant pour les droits bisexuels, entre autres luttes) organise la première marche des fiertés. En effet, Brenda devient une figure importante pour le mouvement LGBT et fait du mois de juin le mois des fiertés. Après plus de 50 ans, le mois des fiertés et la marche de la Gay Pride continue à être célébrée même si la société accepte de plus en plus l’homosexualité. Aujourd’hui, cette marche continue à se faire pour plusieurs raisons, l’une étant de continuer à lutter pour l’égalité, l’autre pour honorer les discriminations passées. Mais aussi pour soutenir les discriminations actuelles, car elles continuent malheureusement d’exister. (…) Avant la création de l’actuel drapeau LGBT, Hitler avait créé le premier symbole d’identification des homosexuels. Effectivement, c’était un triangle rose qu’ils devaient porter sur leurs vêtements, un emblème qui, à l’époque, servait aux nazis pour pouvoir distinguer les homosexuels dans les rues. À l’occasion de la huitième Gay Pride (25 juin 1978) et à seulement 27 ans, Gilbert Baker eut l’idée de coudre un drapeau composé de huit couleurs : le rose, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, le bleu et le violet. Ces couleurs allaient les unes avec les autres avec une orientation horizontale. Un drapeau plein de symbolisme, puisque chaque couleur a été choisie pour une raison : le rose représentait la sexualité, le rouge faisait référence à la vie, l’orange était symbole de la guérison (en termes de santé), le jaune représentait le soleil, le vert a été choisi pour symboliser la nature, le turquoise faisait référence à l’art et à la magie, le bleu dénotait l’harmonie et la sérénité, et finalement le violet était présent pour représenter l’esprit humain. Puisque dans la Bible, l’arc-en-ciel est un symbole important, avec cette combinaison de couleurs, ce que Gilbert Baker voulait était de transmettre une promesse de paix. Mais aussi il voulait permettre aux homosexuels d’avoir un moyen de se reconnaître entre eux par un plus beau symbole qu’ils n’avaient initialement. (…) Aujourd’hui, ce drapeau créé en 1978 reste le symbole du mois des fiertés et de la communauté LGBT : lesbienne, gay, bi, trans. La même communauté que maintenant, ajoute Q de Queer, I d’Intersexo, A d’Asexual et le signe + pour tous les autres, actualisant ainsi son nom d’identification à LGBTQIA+. Revenant à l’ordre chronologique de l’histoire de ce drapeau, en 1979, soit un an après sa création,  la couleur rose et la turquoise ont disparu. Cette décision a été prise par les industries de fabrication des drapeaux. Les industries ne voyaient pas le coût du colorant de ces deux couleurs en particulier rentable. Ainsi, depuis 1979, le fameux drapeau LGBT passe de huit couleurs à seulement six couleurs horizontales : rouge, orange, jaune, vert, bleu et violet. Femivoz
Les hommes aiment les hommes. Ils nous expliquent tout le temps combien ils aiment les femmes, mais on sait toutes qu’ils nous bobardent. Ils s’aiment, entre eux (…). A force de les entendre se plaindre que les femmes ne baisent pas assez, n’aiment pas le sexe comme il faudrait, ne comprennent jamais rien, on ne peut s’empêcher de se demander : qu’est-ce qu’ils attendent pour s’enculer ? Allez-y. Si ça peut vous rendre plus souriants, c’est que c’est bien. Virginie Despentes
Coucher avec une autre femme quand on est une femme, c’est comme trouver un très bon ostéopathe. Anne Akrich
Le phénomène de contagion sociale fait référence à un type d’influence exercée spécifiquement par les «pairs», qui vous encouragent à imiter un certain comportement. Dans le cas de la dysphorie de genre, les «influenceurs» en ligne jouent un grand rôle dans la propagation du sentiment de malaise vis-à-vis de son propre corps, et encouragent l’idée selon laquelle n’importe quel symptôme d’échec à être parfaitement féminine signifie qu’une fille est probablement transgenre. Les amis jouent également un grand rôle dans la diffusion et l’encouragement de ce sentiment – à la fois la propension à s’identifier comme transgenre et l’incitation à obtenir des traitements hormonaux ou des chirurgies de réassignement sexuel. (…) Nous n’avons pas de médecine centralisée aux États-Unis et un patient n’a pas besoin d’un diagnostic de dysphorie de genre d’un professionnel de la santé psychologique pour obtenir des hormones dans une clinique de genre («gender clinic»: établissements spécialisés dans le changement de sexe, NDLR). Ces deux facteurs rendent difficile l’obtention d’une comptabilité précise de ce pic soudain. Mais voici ce que nous savons: depuis 2007, l’Amérique est passée de deux cliniques de genre à bien plus de 50. Entre 2016 et 2017, le nombre de chirurgies de genre sur des personnes nées femmes a quadruplé aux États-Unis. Historiquement, seulement 0,01% de la population américaine était atteinte de dysphorie de genre, mais en 2018, 2% des lycéens américains disaient être transgenres et la plupart d’entre eux semblent être des femmes. (…) La dysphorie de genre traditionnelle commence dans la petite enfance et a toujours été, dans une très large majorité, ressentie par des hommes. Les adultes transgenres qui souffrent véritablement de dysphorie de genre (et j’en ai interviewé beaucoup) n’ont pas choisi cette identité pour se faire des amis, et n’y sont pas non plus arrivés après avoir subi l’influence des réseaux sociaux. Ils ont simplement éprouvé un malaise sévère dans leur sexe biologique aussi longtemps qu’ils s’en souviennent. (…) Les réseaux sociaux accélèrent cette tendance de la même manière qu’ils le font avec des choses comme l’anorexie – des adolescentes en véritable souffrance partagent cette souffrance avec des amies et la diffusent. Comme je l’explique dans le livre, cela a à voir avec les modes d’amitié que les filles partagent – leur tendance à assumer la souffrance de leurs amis, à être en accord avec leurs croyances, au point même de suspendre la réalité pour se mettre de leur côté. Et ainsi, elles s’encouragent dans leur dysphorie, se poussant mutuellement aux hormones et aux chirurgies. (…) Toute procédure médicale inutile constitue un dommage irréversible. Pour autant, je ne pense pas que toute transition médicale est dommageable ; de fait, j’ai interviewé de nombreux adultes transgenres qui attestent avoir été aidés par leur transition. Mais parmi ces adolescentes prises dans une contagion sociale, encouragées à prendre des hormones et à subir des chirurgies avec peu de surveillance médicale, beaucoup ont provoqué une altération permanente de leur corps qu’elles sont susceptibles de regretter. Ce sont ces dommages irréversibles que je dénonce. (…) La liberté d’expression est difficile car un petit nombre d’activistes radicaux utilisent les réseaux pour punir les dissidents et leur faire honte. Ils poursuivent toute personne qui exprime son scepticisme quant à la possibilité d’une transition médicale pour tout le monde, à la demande, sans aucune surveillance appropriée – mais ils font de même pour d’autres questions. (…) Je ne pensais pas pouvoir admirer J. K. Rowling davantage que je ne le faisais déjà. J’avais tort. Elle ne fait pas seulement partie des rares auteurs vivants dont nous lirons certainement encore les œuvres dans cent ans, elle est aussi une femme de grands principes et de décence qui a su lever la voix quand il le fallait au nom des femmes et des jeunes filles. Le fait que les gens soient traînés dans la boue pour avoir donné une définition sensée de «la femme» entraîne des conséquences terribles – comme tous les mensonges ont tendance à le faire. Prenons les prisons pour femmes par exemple: désormais des hommes biologiques violents y ont accès à condition qu’ils s’identifient comme femmes. En Californie, là où je vis, nous l’autorisons. Il s’agit d’une grave violation des droits fondamentaux des femmes détenues, et j’espère qu’elle donnera lieu à une contestation constitutionnelle devant nos tribunaux. Si forcer des prisonnières à vivre dans des quartiers confinés avec des hommes biologiques n’est pas une punition «cruelle et inhabituelle», je ne sais pas ce que c’est. Abigail Shrier
Alors que les demandes de changement de sexe chez les mineurs sont «en très forte augmentation» en France, dans le sillage des pays anglo-saxons, l’Académie de médecine alerte sur le «nombre croissant de jeunes adultes transgenres souhaitant “détransitionner”». Pointant un «risque de surestimation diagnostique réel», la société savante a appelé fin février à une «grande prudence médicale» chez l’enfant et l’adolescent, «compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population et des nombreux effets indésirables, voire des complications graves, que peuvent provoquer certaines des thérapeutiques disponibles». Ypomoni, un collectif de parents qui milite «pour une approche éthique des questions de genre» et qui «grossit de semaine en semaine», rapporte «des histoires qui se ressemblent toutes: ados harcelés, agressés sexuellement, haut potentiel intellectuel (HPI), autistes, consultations expédiées, certificats de complaisance…» Et dans certains cas, les familles n’hésitent plus à se tourner vers la justice. Pour étayer son propos, l’Académie de médecine s’est appuyée sur la décision de l’hôpital universitaire Karolinska de Stockholm d’interdire, l’an dernier, l’usage des bloqueurs d’hormones. En France, il est autorisé, comme les prescriptions d’hormones du sexe opposé, avec l’accord des parents et sans conditions d’âge. Quant aux traitements chirurgicaux – notamment la mastectomie (ablation des seins), autorisée en France dès l’âge de 14 ans, – et ceux portant sur l’appareil génital externe (vulve, pénis) après la majorité, elle souligne leur «caractère irréversible». Et appelle à prolonger «autant que faire se peut» la phase de prise en charge psychologique. «Il n’y a pas d’âge pour débuter une transition», estime a contrario le guide publié par l’association OUTrans. Effet de mode, inquiétant phénomène d’embrigadement ou conquête de nouvelles frontières de l’identité? Les cas d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui pensent ne pas être «nés dans le bon genre» et veulent changer socialement ou médicalement de sexe se sont multipliés ces dernières années. Le rapport «relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans», remis en janvier au ministère de la Santé, confirme un «nombre croissant depuis dix ans de mineurs en interrogation de genre et en demande de transition». «Les consultations spécialisées sont saturées», indique ce document, rédigé avec l’appui de l’Igas, qui appelle «à accueillir sans a priori les questionnements d’identité de genre», mais aussi à prendre en compte «les facteurs de survulnérabilité» chez les adolescents trans comme la déscolarisation, les comportements suicidaires, les troubles psychiques et les troubles du spectre autistiques. En mai, le suicide d’un élève transgenre de 15 ans dans son lycée, au Mans, a suscité l’émotion. «Pour nous l’épidémie est là: c’est une épidémie de suicides», s’inquiète Simon Jutant, juriste de l’association Acceptess-T, spécialisée dans la défense des droits des personnes transgenres, et co-auteur du rapport. Chez les adultes, le nombre de personnes prises en charge médicalement (admises en affection longue durée) pour transidentité a été multiplié par dix en dix ans, pour atteindre environ 9000 personnes en 2020, selon des chiffres de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), cités dans le rapport. «70% des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans», précise le document. Épouvantée par l’ampleur du phénomène, Blandine, une enseignante, a créé avec un groupe de militantes féministes le podcast Rebelles du genre, afin de donner la parole à des «détransitionneuses». Pour elle, le discours actuel sur le genre signe l’apparition d’une «nouvelle oppression» sur les femmes. «Le phénomène trans touche plus les jeunes filles aujourd’hui, notamment celles qui ne rentrent pas dans les stéréotypes de genre. De plus, cette volonté de changer de sexe est souvent liée à la volonté d’échapper à un passé de violences sexuelles, de harcèlement. La difficulté de s’accepter comme lesbienne, à faire face à la lesbophobie peut également jouer un rôle», pointe-t-elle. «Aujourd’hui, l’accès au parcours de transition est un peu plus ouvert qu’autrefois et moins contraignant, ce qui explique cette augmentation des demandes, considère pour sa part Simon Jutant. De même, lorsque l’on a arrêté de contrarier les gauchers, leur nombre a augmenté d’un coup.» En France, le phénomène a explosé «durant le confinement», insiste la militante de Rebelles du genre, avec un effet de «contagion» sur les réseaux sociaux. «Isolées de la vie réelle, des jeunes filles se sont convaincues en ligne, en quelques semaines, qu’elles étaient des garçons. Des adolescentes m’ont raconté qu’elles étaient en permanence connectées à des forums de communautés trans qui jouent sur la victimisation. Elles avaient l’impression de rejoindre le camp du bien, des opprimés, et se voyaient acclamées quand elles se déclaraient non-binaires». Même constat pour l’association SOS Éducation, qui demande «que l’École reste en dehors du militantisme trans-affirmatif, dans l’intérêt supérieur des enfants»: «L’emprise des idéologies militantes trans-affirmatives fait croire à de plus en plus de jeunes en questionnement que le changement de sexe est la seule solution pour échapper à la souffrance identitaire qu’ils traversent, s’effraie-t-elle. Aveuglés par les réseaux sociaux, pris dans les mailles d’un dispositif associatif sectaire, le risque est qu’ils s’engagent, en marge de leur famille, mais adoubés à l’école, dans des transitions irréversibles. Les pays qui ont pratiqué ces expériences sur des enfants font marche arrière face aux vies brisées. Pourquoi l’Éducation nationale n’en tient-elle pas compte? Qui assumera la responsabilité d’avoir laissé des enfants sous influence devenir des “regretteurs”, des femmes à barbe stériles, volontairement mutilées?» Pour Blandine, «passé la période de l’adolescence, un certain nombre de ces jeunes se rendent compte qu’ils ont fait fausse route ; mais c’est une démarche très difficile de revenir en arrière». Les études scientifiques internationales ne relèvent jusqu’à présent que de faibles pourcentages de «détransitionneurs», entre 1 et 2 %. «Une minorité parmi la minorité», commente Simon Jutant, mais «qu’il faut entendre». «La vague est à venir», prévient de son côté la militante de Rebelle du genre. «Aujourd’hui, les “détransitionneuses” sont encore peu nombreuses car il faut généralement plusieurs années avant de se rendre compte que l’on s’est trompé. » Stéphane Kovacs et Agnès Leclair
Tous les sondages sur la sexualité en France, du rapport Simon de 1972 à l’Enquête sur la sexualité en France menée en 2008 par Nathalie Bajos et Michel Bozon — la plus complète à ce jour — indiquent que le nombre d’homosexuels exclusifs est stable, aux alentours de 4,5%. Un fait de nature — et pas de culture, contrairement à ce qu’affirment tous ces ignares.  (…) Évidemment, dans le IVe arrondissement de Paris, ils sont plus nombreux, et savent trouver une oreille à l’Hôtel de ville, où le lobby LGBT a ses entrées… Et ils tentent de convaincre les adolescents qui errent — c’est de leur âge — entre des désirs contradictoires. C’est que l’homosexualité ou la transsexualité sont aujourd’hui « tendance », comme on dit, et de nombreux jeunes succombent à un effet de mode, importé d’Amérique, qui les pousse, à un âge d’incertitudes, à se revendiquer autres que ce qu’ils sont. « Oui, ma fille est lesbienne » / « Oui, mon père est gay », clame le ministère… Au point que l’école peut procéder à un changement d’état-civil sur un mineur sans en référer aux parents. Les effets à terme de cette mode peuvent être terrifiants, comme le raconte le Figaro dans un article récent. Une fois qu’une gamine s’est fait enlever les seins et l’utérus en croyant qu’au fond elle était un homme parce qu’elle préférait les femmes, il n’y a pas de retour possible. Quant aux traitements hormonaux pris pour compléter la chirurgie, eux aussi ont des effets permanents à long terme. D’autant que l’effet de mode passé, nombre de ces « trans » auto-proclamés rentrent dans le rang et dans leur sexe biologique. On appelle cela des désisteuses. Et la gamine malheureuse interviewée sur le sujet regrette franchement le « lavage de cerveau » opéré par certaines organisations. Abigail Shrier a fait paraître un ouvrage, Dommages irréversibles, sur le sujet — « un ouvrage transphobe », selon l’American Booksellers Association. Cela confirme les propos de l’auteur, qui parle dans Le Point de la « terreur » que font régner sur les campus les militants LGBT. J’avoue par ailleurs ne pas bien comprendre ce qui dans l’homosexualité mérite de générer une quelconque « fierté » — c’est le nom générique des marches organisées çà et là pour glorifier les LGBT. La dernière a eu lieu le 4 juin Saint-Denis. Les organisateurs attendaient entre 5 et 10 000 participants. Ils furent un petit millier : le LGBT n’est pas « tendance » dans les banlieues musulmanes. Mais au nom de l’intersectionnalité des luttes, on n’y fera pas attention, si on te pète la gueule à Saint-Denis, ce n’est pas la même chose qu’un fasciste qui casse du gay au faubourg Saint-Germain. À Saint-Denis, c’est culturel, mon pote… Comme les viols à Hambourg ou au Caire, probablement. Pour avoir eu quelques étudiants maghrébins homosexuels des deux sexes, je sais les contorsions et les ruses qu’ils pratiquaient pour que leur « communauté » ne sache rien de leur vie. Et si vous voulez savoir comment on traite les homosexuels dans certaines régions d’Afrique — au Mali par exemple… Je ne vois pas où est la fierté. On peut être fier de ses accomplissements — et si demain le ministère de l’Éducation lance une campagne sur le thème « Oui, ma fille est polytechnicienne » / « Oui, mon fils est docteur en Droit », j’applaudirai des deux mains. Je ne me flatte pas de ne pas attraper de coups de soleil ou d’avoir besoin de très peu de sommeil — c’est pratique, mais je n’y suis pour rien, c’est une caractéristique génétique. On vaut par ce que l’on fait — et pas par ce que l’on est, parce que l’on n’est rien, en dehors de ce que l’on fait. La vraie audace serait de lancer des affiches sur le thème « Oui, ma coloc vote Zemmour ! », « Oui, mon petit-fils aime Gérard Darmanin ! » — aussi extrême que puisse paraître cette dernière situation. Je me fiche des orientations sexuelles de mes contemporains — ou de leurs options religieuses, qui devraient être réservées elles aussi au domaine privé —, tant que je ne suis pas partie prenante. Je n’exhibe pas les miennes, étant entendu que ce qui se fait entre adultes consentants ne regarde personne en dehors des intéressés. Vouloir à toute force défiler avec une étoile rose, c’est faire du nazisme à l’envers — tout comme il existe du racisme à l’envers. Et forcer sa nature relève du crétinisme le plus profond.  Jean-Paul Brighelli

Du passé faisons table rase !

A l’heure où au nom même de la souveraineté …

Le nouveau Führer de Moscou et ses idiots utiles occidentaux tentent d’imposer à  coups de canon son nouvel impérialisme à l’ensemble de ses voisins …

Et où à la veille d’élections intermédiaires annoncées catastrophiques …

Les Démocrates américains reprennent leurs procès de Moscou …

Contre un ancien président dont ils ont non seulement systématiquement subverti l’élection et le mandat …

Mais volé la réélection …

Et en ce mois, désormais planétaire, dit « mois des fiertés »

Où entre emprise et embrigadement par des idéologies de plus en plus militantes…

Avec l’appui de plus en plus intrusif, à coup de campagnes publicitaires dans nos rues, d’un Etat de plus en plus irresponsable …

Nos jeunes les plus vulnérables se voient embarquées, mode et contagion obligent et entre ablation des seins et de l’utérus, dans des transitions sexuelles toujours plus irréversibles …

Et où  remis en cause à grand renfort d’échange de sextoys et au nom d’un répertoire sexuel plus large, plus jouissif et plus fréquemment utilisé …

Notre système se voit reprocher son obsession de sa propre reproduction …

Devinez pourquoi au moment où notre civilisation est de plus en plus diabolisée …

Sur fond d’immigration de plus en plus hors contrôle …

De plus en plus d’entre nous se sentent de plus en plus honteux …

Non seulement de nous-mêmes mais de notre propre pays ?

Oui, ma petite-fille est trans — et autres slogans officiels 

Jean-Paul Brighelli – 

Causeur 

7 juin 2022 

Chacun fait ce qu’il veut derrière la porte de son domicile. Homosexuels des deux rives et autres LGBT++ ont les mêmes droits que tous les citoyens français. De là à en faire une campagne officielle patronnée par le ministère de la Santé… 

En 1967, dans “Devine qui vient dîner”, Stanley Kramer confrontait avec humour une jeune fille blanche à ses parents, Démocrates bon teint aux idées larges, soudain confrontés au fiancé de leur fille — le magnifique Sidney Poitier, par ailleurs médecin prometteur. Katharine Hepburn et Spencer Tracy n’en revenaient pas. Et le film croula sous les récompenses — sans que personne ne s’interroge sur la probabilité infime qu’un Noir accède au statut de médecin dans l’Amérique de la Ségrégation. 

Imaginons leur tête, quand dans un remake (qui mériterait d’être tourné, cinéastes woke, à vos caméras !), ladite jeune fille (en existe-t-il encore qui se revendiquent comme telles ?) leur amènera un clone de Conchita Wurst. Comme dit l’une des affiches de la campagne du Ministère de la Santé : « Oui, ma petite-fille est trans… » 

Un effet de mode 

Il fut un temps où l’homosexualité était en France un crime puni de mort — et elle l’est toujours dans nombre de pays musulmans. Puis un délit — jusqu’en 1981. Vint un temps où, par une loi de 1993 résumée dans la formule « don’t tell / don’t ask », les homosexuels purent entrer dans les forces armées américaines, à condition de ne pas faire étalage de leurs préférences. Enfin, en 1981 en France, ce ne fut plus un délit — et c’est tant mieux : tous les sondages sur la sexualité en France, du rapport Simon de 1972 à l’Enquête sur la sexualité en France menée en 2008 par Nathalie Bajos et Michel Bozon — la plus complète à ce jour — indiquent que le nombre d’homosexuels exclusifs est stable, aux alentours de 4,5%. Un fait de nature — et pas de culture, contrairement à ce qu’affirment tous ces ignares. Les mêmes qui ont conspué J.K. Rowling quand elle a déclaré qu’une femme était une personne susceptible d’avoir des règles. Une école anglaise qui portait son nom s’est débaptisée pour ne plus rien avoir à faire avec une « transphobe ».  

4,5%. Évidemment, dans le IVe arrondissement de Paris, ils sont plus nombreux, et savent trouver une oreille à l’Hôtel de ville, où le lobby LGBT a ses entrées… Et ils tentent de convaincre les adolescents qui errent — c’est de leur âge — entre des désirs contradictoires. 

C’est que l’homosexualité ou la transsexualité sont aujourd’hui « tendance », comme on dit, et de nombreux jeunes succombent à un effet de mode, importé d’Amérique, qui les pousse, à un âge d’incertitudes, à se revendiquer autres que ce qu’ils sont. « Oui, ma fille est lesbienne » / « Oui, mon père est gay », clame le ministère… Au point que l’école peut procéder à un changement d’état-civil sur un mineur sans en référer aux parents. 

Les effets à terme de cette mode peuvent être terrifiants, comme le raconte le Figaro dans un article récent. Une fois qu’une gamine s’est fait enlever les seins et l’utérus en croyant qu’au fond elle était un homme parce qu’elle préférait les femmes, il n’y a pas de retour possible. Quant aux traitements hormonaux pris pour compléter la chirurgie, eux aussi ont des effets permanents à long terme. 

La terreur trans 

D’autant que l’effet de mode passé, nombre de ces « trans » auto-proclamés rentrent dans le rang et dans leur sexe biologique. On appelle cela des désisteuses. Et la gamine malheureuse interviewée sur le sujet regrette franchement le « lavage de cerveau » opéré par certaines organisations. Abigail Shrier a fait paraître un ouvrage, Dommages irréversibles, sur le sujet — « un ouvrage transphobe », selon l’American Booksellers Association. Cela confirme les propos de l’auteur, qui parle dans Le Point de la « terreur » que font régner sur les campus les militants LGBT. 

J’avoue par ailleurs ne pas bien comprendre ce qui dans l’homosexualité mérite de générer une quelconque « fierté » — c’est le nom générique des marches organisées çà et là pour glorifier les LGBT. La dernière a eu lieu le 4 juin Saint-Denis. Les organisateurs attendaient entre 5 et 10 000 participants. Ils furent un petit millier : le LGBT n’est pas « tendance » dans les banlieues musulmanes. Mais au nom de l’intersectionnalité des luttes, on n’y fera pas attention, si on te pète la gueule à Saint-Denis, ce n’est pas la même chose qu’un fasciste qui casse du gay au faubourg Saint-Germain. À Saint-Denis, c’est culturel, mon pote…  

Comme les viols à Hambourg ou au Caire, probablement. Pour avoir eu quelques étudiants maghrébins homosexuels des deux sexes, je sais les contorsions et les ruses qu’ils pratiquaient pour que leur « communauté » ne sache rien de leur vie. 

Et si vous voulez savoir comment on traite les homosexuels dans certaines régions d’Afrique — au Mali par exemple… 

Je ne vois pas où est la fierté. On peut être fier de ses accomplissements — et si demain le ministère de l’Éducation lance une campagne sur le thème « Oui, ma fille est polytechnicienne » / « Oui, mon fils est docteur en Droit », j’applaudirai des deux mains. Je ne me flatte pas de ne pas attraper de coups de soleil ou d’avoir besoin de très peu de sommeil — c’est pratique, mais je n’y suis pour rien, c’est une caractéristique génétique. On vaut par ce que l’on fait — et pas par ce que l’on est, parce que l’on n’est rien, en dehors de ce que l’on fait. La vraie audace serait de lancer des affiches sur le thème « Oui, ma coloc vote Zemmour ! », « Oui, mon petit-fils aime Gérard Darmanin ! » — aussi extrême que puisse paraître cette dernière situation. 

Je me fiche des orientations sexuelles de mes contemporains — ou de leurs options religieuses, qui devraient être réservées elles aussi au domaine privé —, tant que je ne suis pas partie prenante. Je n’exhibe pas les miennes, étant entendu que ce qui se fait entre adultes consentants ne regarde personne en dehors des intéressés. Vouloir à toute force défiler avec une étoile rose, c’est faire du nazisme à l’envers — tout comme il existe du racisme à l’envers. Et forcer sa nature relève du crétinisme le plus profond. 

PS. Bien sûr, les palinodies de Manuel Valls lui ont aliéné nombre de ses supporters. N’empêche que cet homme était, au pouvoir, d’une laïcité intransigeante. Et que Karim Ben Cheikh, le candidat de la NUPES arrivé en tête pour la 9ème circonscription (Maghreb et Afrique de l’Ouest), ne l’est pas forcément autant. 

Voir aussi:

Adolescents transgenres: «Il existe un vrai phénomène de mode aux États-Unis»

Eugénie Bastié

Le Figaro

15/12/2020

ENTRETIEN – Abigail Shrier, journaliste américaine au Wall Street Journal, publie une enquête sur l’engouement que suscitent les enfants et les adolescents transgenres aux États-Unis. Ce phénomène qui touche en particulier les jeunes filles est, selon elle, très préoccupant. Son livre fait l’objet d’attaques et d’appels au boycott outre-Atlantique.

LE FIGARO. – Dans votre livre, Irreversible Damage («Dommage irréversible»), vous parlez de la «contagion sociale» à l’œuvre parmi les jeunes adolescentes qui décident de commencer une transition. Qu’entendez-vous par là? Pourquoi employer le terme de «contagion sociale» ?

Abigail SHRIER. – Le phénomène de contagion sociale fait référence à un type d’influence exercée spécifiquement par les «pairs», qui vous encouragent à imiter un certain comportement. Dans le cas de la dysphorie de genre, les «influenceurs» en ligne jouent un grand rôle dans la propagation du sentiment de malaise vis-à-vis de son propre corps, et encouragent l’idée selon laquelle n’importe quel symptôme d’échec à être parfaitement féminine signifie qu’une fille est probablement transgenre. Les amis jouent également un grand rôle dans la diffusion et l’encouragement de ce sentiment – à la fois la propension à s’identifier comme transgenre et l’incitation à obtenir des traitements hormonaux ou des chirurgies de réassignement sexuel.

Quelle est l’ampleur de ce phénomène aux États-Unis?

Nous n’avons pas de médecine centralisée aux États-Unis et un patient n’a pas besoin d’un diagnostic de dysphorie de genre d’un professionnel de la santé psychologique pour obtenir des hormones dans une clinique de genre («gender clinic»: établissements spécialisés dans le changement de sexe, NDLR). Ces deux facteurs rendent difficile l’obtention d’une comptabilité précise de ce pic soudain. Mais voici ce que nous savons: depuis 2007, l’Amérique est passée de deux cliniques de genre à bien plus de 50. Entre 2016 et 2017, le nombre de chirurgies de genre sur des personnes nées femmes a quadruplé aux États-Unis. Historiquement, seulement 0,01% de la population américaine était atteinte de dysphorie de genre, mais en 2018, 2% des lycéens américains disaient être transgenres et la plupart d’entre eux semblent être des femmes.

Quelle différence faites-vous entre la dysphorie de genre, qui est une réalité, et ce phénomène que vous estimez être de «contagion sociale» ?

La dysphorie de genre traditionnelle commence dans la petite enfance et a toujours été, dans une très large majorité, ressentie par des hommes. Les adultes transgenres qui souffrent véritablement de dysphorie de genre (et j’en ai interviewé beaucoup) n’ont pas choisi cette identité pour se faire des amis, et n’y sont pas non plus arrivés après avoir subi l’influence des réseaux sociaux. Ils ont simplement éprouvé un malaise sévère dans leur sexe biologique aussi longtemps qu’ils s’en souviennent.

En quoi les réseaux sociaux accélèrent-ils cette tendance?

Les réseaux sociaux accélèrent cette tendance de la même manière qu’ils le font avec des choses comme l’anorexie – des adolescentes en véritable souffrance partagent cette souffrance avec des amies et la diffusent. Comme je l’explique dans le livre, cela a à voir avec les modes d’amitié que les filles partagent – leur tendance à assumer la souffrance de leurs amis, à être en accord avec leurs croyances, au point même de suspendre la réalité pour se mettre de leur côté. Et ainsi, elles s’encouragent dans leur dysphorie, se poussant mutuellement aux hormones et aux chirurgies.

En quoi ce phénomène a-t-il des conséquences néfastes? Pourquoi parlez-vous de dommages «irréversibles»?

Toute procédure médicale inutile constitue un dommage irréversible. Pour autant, je ne pense pas que toute transition médicale est dommageable ; de fait, j’ai interviewé de nombreux adultes transgenres qui attestent avoir été aidés par leur transition. Mais parmi ces adolescentes prises dans une contagion sociale, encouragées à prendre des hormones et à subir des chirurgies avec peu de surveillance médicale, beaucoup ont provoqué une altération permanente de leur corps qu’elles sont susceptibles de regretter. Ce sont ces dommages irréversibles que je dénonce.

Depuis que votre livre a été publié, certains militants ont tenté de vous faire taire. Une professeur de Berkeley a même encouragé à «brûler» votre livre. Comment expliquez-vous que la liberté d’expression soit si difficile à ce sujet?

La liberté d’expression est difficile car un petit nombre d’activistes radicaux utilisent les réseaux pour punir les dissidents et leur faire honte. Ils poursuivent toute personne qui exprime son scepticisme quant à la possibilité d’une transition médicale pour tout le monde, à la demande, sans aucune surveillance appropriée – mais ils font de même pour d’autres questions.

La romancière J. K. Rowling, créatrice d’Harry Potter, a été vivement critiquée pour avoir déclaré que les hommes et les femmes sont différents. Que pensez-vous de cette polémique et du fait que l’on ne peut plus définir ce qu’est une femme?

Je ne pensais pas pouvoir admirer J. K. Rowling davantage que je ne le faisais déjà. J’avais tort. Elle ne fait pas seulement partie des rares auteurs vivants dont nous lirons certainement encore les œuvres dans cent ans, elle est aussi une femme de grands principes et de décence qui a su lever la voix quand il le fallait au nom des femmes et des jeunes filles.

Le fait que les gens soient traînés dans la boue pour avoir donné une définition sensée de «la femme» entraîne des conséquences terribles – comme tous les mensonges ont tendance à le faire. Prenons les prisons pour femmes par exemple: désormais des hommes biologiques violents y ont accès à condition qu’ils s’identifient comme femmes. En Californie, là où je vis, nous l’autorisons.

Il s’agit d’une grave violation des droits fondamentaux des femmes détenues, et j’espère qu’elle donnera lieu à une contestation constitutionnelle devant nos tribunaux. Si forcer des prisonnières à vivre dans des quartiers confinés avec des hommes biologiques n’est pas une punition «cruelle et inhabituelle», je ne sais pas ce que c’est.

«Irreversible Damage: The Transgender Craze Seducing Our Daughters», Regnery Publishing, 2020.

Voir également:

La détresse de ces jeunes qui regrettent d’avoir voulu changer de sexe 

Stéphane Kovacs et Agnès Leclair 

Le Figaro 

 30/05/2022  

ENQUÊTE – Alors que les demandes de changement de sexe sont en forte augmentation, familles, enseignants et associations alertent sur son «caractère irréversible». 

Premiers regrets, premières contestations. Alors que les demandes de changement de sexe chez les mineurs sont «en très forte augmentation» en France, dans le sillage des pays anglo-saxons, l’Académie de médecine alerte sur le «nombre croissant de jeunes adultes transgenres souhaitant “détransitionner”». Pointant un «risque de surestimation diagnostique réel», la société savante a appelé fin février à une «grande prudence médicale» chez l’enfant et l’adolescent, «compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population et des nombreux effets indésirables, voire des complications graves, que peuvent provoquer certaines des thérapeutiques disponibles». Ypomoni, un collectif de parents qui milite «pour une approche éthique des questions de genre» et qui «grossit de semaine en semaine», rapporte «des histoires qui se ressemblent toutes: ados harcelés, agressés sexuellement, haut potentiel intellectuel (HPI), autistes, consultations expédiées, certificats de complaisance…» Et dans certains cas, les familles n’hésitent plus à se tourner vers la justice. 

Pour étayer son propos, l’Académie de médecine s’est appuyée sur la décision de l’hôpital universitaire Karolinska de Stockholm d’interdire, l’an dernier, l’usage des bloqueurs d’hormones. En France, il est autorisé, comme les prescriptions d’hormones du sexe opposé, avec l’accord des parents et sans conditions d’âge. Quant aux traitements chirurgicaux – notamment la mastectomie (ablation des seins), autorisée en France dès l’âge de 14 ans, – et ceux portant sur l’appareil génital externe (vulve, pénis) après la majorité, elle souligne leur «caractère irréversible». Et appelle à prolonger «autant que faire se peut» la phase de prise en charge psychologique. «Il n’y a pas d’âge pour débuter une transition», estime a contrario le guide publié par l’association OUTrans. 

«Épidémie de suicides» 

Effet de mode, inquiétant phénomène d’embrigadement ou conquête de nouvelles frontières de l’identité? Les cas d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui pensent ne pas être «nés dans le bon genre» et veulent changer socialement ou médicalement de sexe se sont multipliés ces dernières années. Le rapport «relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans», remis en janvier au ministère de la Santé, confirme un «nombre croissant depuis dix ans de mineurs en interrogation de genre et en demande de transition». «Les consultations spécialisées sont saturées», indique ce document, rédigé avec l’appui de l’Igas, qui appelle «à accueillir sans a priori les questionnements d’identité de genre», mais aussi à prendre en compte «les facteurs de survulnérabilité» chez les adolescents trans comme la déscolarisation, les comportements suicidaires, les troubles psychiques et les troubles du spectre autistiques. En mai, le suicide d’un élève transgenre de 15 ans dans son lycée, au Mans, a suscité l’émotion. «Pour nous l’épidémie est là: c’est une épidémie de suicides», s’inquiète Simon Jutant, juriste de l’association Acceptess-T, spécialisée dans la défense des droits des personnes transgenres, et co-auteur du rapport. Chez les adultes, le nombre de personnes prises en charge médicalement (admises en affection longue durée) pour transidentité a été multiplié par dix en dix ans, pour atteindre environ 9000 personnes en 2020, selon des chiffres de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), cités dans le rapport. «70% des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans», précise le document. 

Épouvantée par l’ampleur du phénomène, Blandine, une enseignante, a créé avec un groupe de militantes féministes le podcast Rebelles du genre, afin de donner la parole à des «détransitionneuses». Pour elle, le discours actuel sur le genre signe l’apparition d’une «nouvelle oppression» sur les femmes. «Le phénomène trans touche plus les jeunes filles aujourd’hui, notamment celles qui ne rentrent pas dans les stéréotypes de genre. De plus, cette volonté de changer de sexe est souvent liée à la volonté d’échapper à un passé de violences sexuelles, de harcèlement. La difficulté de s’accepter comme lesbienne, à faire face à la lesbophobie peut également jouer un rôle», pointe-t-elle. «Aujourd’hui, l’accès au parcours de transition est un peu plus ouvert qu’autrefois et moins contraignant, ce qui explique cette augmentation des demandes, considère pour sa part Simon Jutant. De même, lorsque l’on a arrêté de contrarier les gauchers, leur nombre a augmenté d’un coup.» 

«L’emprise des idéologies militantes» 

En France, le phénomène a explosé «durant le confinement», insiste la militante de Rebelles du genre, avec un effet de «contagion» sur les réseaux sociaux. «Isolées de la vie réelle, des jeunes filles se sont convaincues en ligne, en quelques semaines, qu’elles étaient des garçons. Des adolescentes m’ont raconté qu’elles étaient en permanence connectées à des forums de communautés trans qui jouent sur la victimisation. Elles avaient l’impression de rejoindre le camp du bien, des opprimés, et se voyaient acclamées quand elles se déclaraient non-binaires». Même constat pour l’association SOS Éducation, qui demande «que l’École reste en dehors du militantisme trans-affirmatif, dans l’intérêt supérieur des enfants»: «L’emprise des idéologies militantes trans-affirmatives fait croire à de plus en plus de jeunes en questionnement que le changement de sexe est la seule solution pour échapper à la souffrance identitaire qu’ils traversent, s’effraie-t-elle. 

Aveuglés par les réseaux sociaux, pris dans les mailles d’un dispositif associatif sectaire, le risque est qu’ils s’engagent, en marge de leur famille, mais adoubés à l’école, dans des transitions irréversibles. Les pays qui ont pratiqué ces expériences sur des enfants font marche arrière face aux vies brisées. Pourquoi l’Éducation nationale n’en tient-elle pas compte? Qui assumera la responsabilité d’avoir laissé des enfants sous influence devenir des “regretteurs”, des femmes à barbe stériles, volontairement mutilées?» 

Pour Blandine, «passé la période de l’adolescence, un certain nombre de ces jeunes se rendent compte qu’ils ont fait fausse route ; mais c’est une démarche très difficile de revenir en arrière». Les études scientifiques internationales ne relèvent jusqu’à présent que de faibles pourcentages de «détransitionneurs», entre 1 et 2 %. «Une minorité parmi la minorité», commente Simon Jutant, mais «qu’il faut entendre». «La vague est à venir», prévient de son côté la militante de Rebelle du genre. «Aujourd’hui, les “détransitionneuses” sont encore peu nombreuses car il faut généralement plusieurs années avant de se rendre compte que l’on s’est trompé.» 

 Voir de même:

Je suis un vieux con et j’ai perdu la guerre

Ces évolutions de la société française qui choquent le vieux con que je suis – et quelques autres…

Causeur

9 juin 2022

Je suis un vieux con. Le vieux con se définit généralement comme décalé, plus très en phase avec les évolutions de la société. L’expression « vieux con » ne met pas l’accent sur « con », mais sur « vieux ». A partir d’un certain âge, le vieux lâche prise et devient con parce qu’il ne comprend pas ou n’adhère pas aux signaux que lui envoie la société.

A ma décharge, je connais des plus jeunes qui, comme moi, sont aussi des vieux cons. Comme moi, de jeunes cons s’ébahissent de la campagne de publicité menée par Santé Publique France, établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Sur tous les abribus et sur les murs, des affiches en couleur de personnes qui se serrent chaleureusement l’une contre l’autre proclament : « Oui ma fille est lesbienne » , « Oui ma petite-fille est trans », « Oui ma coloc est lesbienne » ou « Mon père est gay », Chacune des affiches est marquée du slogan : « Face à l’intolérance, à nous de faire la différence. »

Ayant fait très tôt le choix de ne pas me soucier de ce que chacun peut bien faire dans l’intimité de son lit, le vieux con que je suis est interloqué. Pourquoi l’Etat s’acharne-t-il alors à me faire la morale ? Pourquoi cette campagne me place-t-elle en position de délinquant intolérant vis-à-vis de minorités dont le comportement sexuel m’est indifférent ? Pourquoi une succursale de l’Etat m’explique-t-elle que je ne me comporte pas correctement ? Pourquoi dois-je payer des impôts pour être morigéné dans mes trajets quotidiens ?

Le vieux con que je suis aime aussi regarder passer les jolies femmes. Mais depuis un an au moins, j’ai appris à être prudent. Les féministes affirment qu’un regard admiratif peut être considéré comme dégradant, attentatoire à l’intégrité corporelle des femmes équivalent à une tentative de viol. Ce que les jolies femmes d’autrefois prenaient pour un hommage, les jeunes connes d’aujourd’hui l’assimilent à une agression, un rapport de prédation qui rompt le principe d’égalité entre les sexes.

Le vieux con que je suis se sent aussi de plus en plus décalé dans une société qui considère l’homosexualité comme une norme. Je lis ainsi dans le journal Le Monde un article qui pose une question proprement suffocante : « Comment peut-on encore être hétérosexuel ?! Maïa Mazaurette, auteur de l’article, postule que le « vieux con » que je suis est titulaire d’une identité sexuelle factice qu’il lui serait facile de quitter s’il … était moins con. Je suis donc invité à « sortir de l’hétérosexualité » alors qu’il ne me viendrait pas à l’idée d’expliquer à un gay, à un trans ou à toute autre lettre majeure de l’alphabet qu’il ou elle serait « plus épanoui » s’il était hétéro.

Le vieux con n’aime pas du tout non plus que la société soit gouvernée par des victimes professionnelles (racisées, LGBTQ, femmes, noirs, musulmans ….) qui réclament d’entorchonner la tête des femmes au nom de leur liberté religieuse et prônent la suprématie noire au nom de la lutte contre la suprématie blanche.

Mais d’autres évolutions, plus significatives encore, choquent le vieux con que je suis. L’école et l’hôpital étaient, au temps de ma jeunesse, deux institutions fondatrices de la société française. Or aujourd’hui, j’apprends que les infirmières quittent l’hôpital en masse faute d’argent et de considération et que des services entiers ferment faute de médecins pour soigner les malades. J’apprends aussi que l’académie de Versailles compte recruter 1300 profs via un « job dating » de quatre jours ou n’importe qui a été invité à postuler. Une bonne présentation et une bonne élocution ont remplacé les diplômes qu’il était autrefois difficile de conquérir. Qu’est ce que cette école transformée en garderie ?

Le choix du nouveau ministre de l’éducation, Pap Ndiaye sidère aussi le vieux con que je suis. L’éminent Pierre-André Taguieff, historien, philosophe, sociologue s’est senti lui aussi vieux con et a reconnu dans Le Figaro qu’il avait été saisi par « un sentiment de stupéfaction, voire de sidération » à l’annonce de cette nomination. Le nouveau ministre n’est pas plus crétin qu’un autre, mais il s’inscrit dans un courant de pensée dit « décolonial » qui affirme que la société française doit être « décolonisée » parce qu’elle est « blanche », donc « structurellement raciste », que ses natifs bénéficient du « privilège blanc » et que cette « hégémonie blanche » va de pair avec l’« hétéro-patriarcat » sans oublier que pour les décoloniaux, le sionisme est un racisme qui fait d’Israël un « État d’apartheid ». Les décoloniaux – et sans doute aussi Pap Ndiaye croient aussi que les musulmans souffrent de « discriminations systémiques » et sont victimes d’une islamophobie d’État.

Les plus jeunes et moins cons que moi clament haut et fort qu’il faut « attendre » et ne pas préjuger de l’action du nouveau ministre, mais ils ne se demandent pas pourquoi un président qui a dénoncé la colonisation et institué la discrimination positive à l’orée de son premier quinquennat (emplois sans charges pour les jeunes de banlieue) choisit un tel homme-symbole pour présider aux destinées de l’Education Nationale. Moi, je leur réponds : il ne s’agit pas d’assurer la pérennité du système, mais de le communautariser.

Le « vieux con » que je suis est las aussi de voir des jeunes cons comme Alizé, 22 ans, activiste écologiste, interrompre une demi-finale de Roland Garros, et s’attacher au filet d’un court de tennis pour rappeler qu’il reste trois ans pour respecter les absurdes Accords de Paris sur le climat, Accords qui ne servent qu’à appauvrir les pays riches pour enrichir les comptes bancaires des potentats des pays pauvres. Les vieux cons ne supportent plus le pillage et la diabolisation de la civilisation occidentale par l’écologie et l’écolo-islamo-gauchisme.

En réalité, un vieux con comme moi ne souffre pas d’être devenu un vieux con, c’est-à-dire un individu qui a lâché prise et se laisse distancer par une société qui évolue naturellement, tirée par sa jeunesse et l’innovation technologique. J’aurais au contraire adoré accompagner le mouvement, expérimenter, comprendre tester des nouveautés culturelles, techniques ou sociétales. Mais ce n’est pas de cela dont il est question. Les vieux cons aujourd’hui ne perdent pas pied parce qu’ils sont vieux. Ils souffrent – comme les jeunes – de devenir étrangers dans leur pays, ils peinent face à trop d’immigration et sont malheureux qu’un communautarisme islamique mette en pièces la laïcité. Ils souffrent que la civilisation française à laquelle ils se sont assimilés au prix de tellement d’efforts et de ravissements mélangés – le vieux con que je suis est issu de la décolonisation d’un ghetto juif d’Afrique du Nord par les Français– soit dépecée, démantelée, pièce après pièce par tous ceux qui (politiques, universitaires, médias, magistrats…) devraient avoir pour métier et vocation de la défendre.

Le vieux con se sent vieux et con parce qu’il a compris trop tard qu’une guerre était menée contre lui. Il a perdu la guerre parce que ce monde qu’il croyait aussi solide que le Mont Blanc a commencé de partir en morceaux sans qu’il réagisse et qu’aujourd’hui, on ne voit pas quelle force peut enrayer le processus. Le vieux con n’est pas seulement vieux et con, il est aussi très, très triste.

Voir de plus:

Comment peut-on encore être hétérosexuel ?

L’orientation sexuelle ne conditionne pas les pratiques, souligne Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale », qui invite à sortir du cadre rigide de la culture hétérosexuelle et à élargir son répertoire pour une sexualité plus épanouie.

Maïa Mazaurette

Le Monde

05 juin 2022

En 2006, dans son œuvre-culte King Kong Théorie, Virginie Despentes constatait les limites de l’hétérosexualité : « Les hommes aiment les hommes. Ils nous expliquent tout le temps combien ils aiment les femmes, mais on sait toutes qu’ils nous bobardent. Ils s’aiment, entre eux (…). A force de les entendre se plaindre que les femmes ne baisent pas assez, n’aiment pas le sexe comme il faudrait, ne comprennent jamais rien, on ne peut s’empêcher de se demander : qu’est-ce qu’ils attendent pour s’enculer ? Allez-y. Si ça peut vous rendre plus souriants, c’est que c’est bien. »

Seize ans plus tard, l’actualité littéraire aborde encore plus frontalement la question d’une possible impasse des rapports hommes-femmes. Deux essais en ont récemment fait leur objet : Sortir de l’hétérosexualité, de Juliet Drouar (Binge Audio, 2021), et Comment devenir lesbienne en dix étapes, de Louise Morel (Hors d’atteinte, 226 pages, 12 euros). Le même questionnement émerge dans des ouvrages plus généralistes, comme Le Sexe des femmes, d’Anne Akrich (Gallimard, 192 pages, 18,50 euros), où on peut lire cet amusant encouragement : « Coucher avec une autre femme quand on est une femme, c’est comme trouver un très bon ostéopathe. »

Il faut mesurer le chemin écoulé : en 2009, une maison d’édition comme La Musardine proposait les Conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme (par Marie Candoe), puis en 2015 les Conseils d’un gay pour faire l’amour à un homme (par Erik Rémès). L’homosexualité était utilisée pour rassembler les hétérosexuels. Aujourd’hui, il s’agirait plutôt de faire sécession !

Satisfaction sexuelle

Sommes-nous donc face à un énième signal de la fin du vivre-ensemble (et soyons fous, de la civilisation) ? Pas si sûr. La critique du système hétérosexuel se double d’une attente immédiate et concrète : avoir une vie plus douce… et une sexualité plus épanouie. Si vous le voulez bien, je vais volontairement laisser de côté dans cette chronique les aspects sociétaux liés à l’homosexualité – et notamment la LGBTphobie – pour me concentrer uniquement sur la satisfaction sexuelle. Comme vous allez le constater, les chantres de la plénitude homosexuelle disposent de solides arguments.

Commençons par l’orgasme : si les hommes gays et hétérosexuels l’atteignent à peu près à la même fréquence, ce n’est pas le cas des femmes lesbiennes (qui y arrivent 86 % du temps) et des hétérosexuelles (66 % du temps, selon les Archives of Sex Behaviour, 2018). Un différentiel identique s’observe dans les enquêtes françaises : 19 % des femmes hétéros disent avoir « souvent » du mal à atteindre l’orgasme, mais 0 % des lesbiennes. 99 % de ces dernières trouvent leur partenaire actuelle très attentive à leur plaisir, contre 88 % des hétéros… ce qui reste, tout de même, un bon score (source : IFOP/Online Séduction, 2019).

Du côté du nombre de partenaires, les hétérosexuels sont à la traîne : à Paris par exemple, 80 % des homosexuels ont eu plus de 10 partenaires dans leur vie… mais seulement 37 % des hétérosexuels. Même écart chez les femmes : 44 % des lesbiennes ont eu plus de 10 partenaires, mais 23 % des hétérosexuelles (IFOP/Cam4, 2017).

Abordons maintenant la fréquence et l’amplitude des pratiques : en 2014, un couple hétérosexuel avait 1,4 rapport par semaine en moyenne… mais un couple homosexuel en avait 1,7. Les gays et lesbiennes ont une plus grande expérience des coups d’un soir, du sexe à plusieurs, des pratiques anales et des sextoys : victoire à plate couture, sur toute la ligne (enquête Marianne/IFOP, 2014).

Des préférences qui évoluent

Tout serait donc parfait chez les homos ? Pas vraiment. Par exemple, on trouve plus d’insatisfaction sentimentale chez les lesbiennes (37 %) que chez les hétérosexuelles (27 %, selon l’IFOP/The Poken Company, 2021). Quant aux gays, moins satisfaits sexuellement que leurs copains hétéros, ils sont plus nombreux à avoir déjà simulé un orgasme – 48 %, contre 25 % des hétéros, selon une enquête Zavamed.

Alors, bien sûr, j’entends certains mauvais esprits me rétorquer que cette avalanche de chiffres ne sert à rien, puisqu’on ne peut pas « devenir » gay ou lesbienne. Une telle « conversion », surtout par opportunisme sexuel, serait tout aussi aberrante que l’imposition forcée de l’hétérosexualité à coups de prétendues « thérapies de conversion » (qui sont désormais interdites). Cela fait des décennies que les militants de la cause LGBT nous le répètent : l’orientation sexuelle ne se décide pas.

Et pourtant, on voit ponctuellement apparaître des contre-discours (par exemple chez certaines militantes féministes) : soit d’ordre politique (on pourrait aligner son désir sur ses valeurs), soit d’ordre pratique (en essayant, on découvre que ses certitudes hétérosexuelles sont finalement très flexibles). Sans rejouer un énième match nature contre culture, on se contentera de constater que certaines préférences évoluent. Ou même que de temps en temps, elles se laissent modeler.

Remettre en cause l’hétéronormativité

Faut-il donc se débarrasser de l’hétérosexualité ? Non, et d’ailleurs, ce n’est absolument pas la position que défendent les penseuses dont j’ai cité les essais. Ce qui est remis en cause, c’est l’hétéronormativité, c’est-à-dire le cadre extrêmement rigide par lequel la culture hétérosexuelle aligne ses codes sur la reproduction – un pénis, un vagin, une pénétration. Rien n’empêche de coucher avec une personne de l’autre sexe, sans adhérer à un cadre hétéronormé – et d’ailleurs, il y a fort à parier que ça (vous ?) arrive fréquemment. Quand le cunnilingus ou le chevillage (l’acte pour une femme de pénétrer un homme avec un gode-ceinture) s’invitent dans des pratiques hétéros, quand une femme prend le dessus, quand on renonce à la pénétration obligatoire, quand on s’échange ses sextoys, c’est déjà une subversion… et c’est déjà une manière de rester hétéro dans le choix de ses partenaires, tout en sortant de l’hétérosexualité comme système.

Non seulement l’orientation sexuelle ne conditionne pas les pratiques, mais elle ne conditionne pas la communication entre les corps. On entend parfois dire qu’il est plus simple de coucher avec quelqu’un qui nous ressemble, au prétexte que l’autre fonctionnerait comme un « double ». Attention à ce genre de raccourcis, qui gomme les différences individuelles tout en rappelant certaines théories réactionnaires.

Si la remise en question de l’hétérosexualité est certainement méritée, surtout quand on la frotte aux statistiques, elle ne justifie ni l’idéalisation d’une homosexualité qui reste très malmenée dans la société ni l’auto-apitoiement hétérosexuel. Au contraire, le fait que certains et certaines d’entre nous bénéficient d’un répertoire sexuel plus large, plus jouissif et plus fréquemment utilisé devrait inspirer les personnes hétérosexuelles. Et leur donner envie de relever le défi.

La chronique de Maïa Mazaurette adopte un rythme mensuel, vous la retrouverez désormais le premier dimanche du mois.

Voir encore:

La Gay Pride divise le Marais
Emmanuelle Mougne
Le Parisien
30 juin 2007

TANDIS que Madrid célèbre l’Europride, les homosexuels défileront aujourd’hui de Montparnasse à la Bastille, pour leur traditionnelle Gay Pride, maintenant appelée Marche des fiertés homosexuelles avec pour mot d’ordre « Egalité, ne transigeons pas». Comme les années précédentes, trois minutes de silence contre le sida seront observées à 16 heures tout le long du cortège.

Mais, alors que la communauté homosexuelle est de mieux en mieux intégrée, des fissures apparaissent ici et là au sein du milieu gay et certains désertent la manifestation annuelle. Ainsi Olivier Robert, ancien patron du Carré (rue du Temple), Bernard Bousset, patron de l’Open Café (rue des Archives), et Gilles Pigot, qui possède le Tilt, un sauna de la rue Sainte-Anne, tous trois membres du Syndicat national des entreprises gays (SNEG) ne se rendront pas aujourd’hui au défilé. Pêle-mêle, ils accusent la Gay Pride d’être devenue « trop festive », « trop commerciale » ou « trop politique ».

« FO et la CGT dans le carré de tête, je ne m’y retrouve pas », lance ainsi Olivier… Qui n’adhère pas plus au côté spectacle : « On sait déjà ce qui va faire l’ouverture du 20 Heures, ce sont les drag queens et les types avec des chaînes, dit-il. Or ils ne représentent pas le gay moyen, celui qui comme moi vit normalement depuis dix ans avec son copain. »

Bruno Lalanne, qui dirige le Cud et qui participe pour la première fois à la Gay Pride avec un char au nom de son établissement, revendique au contraire cette double appartenance : « Le côté festif appartient à notre identité, dit-il.

Ce qui n’empêche pas les revendications car il reste des combats à mener, notamment autour de l’amélioration du pacs ou de la lutte contre l’homophobie. Alors comme cette année j’ai lesmoyens, j’y participe avec mon char… (NDLR : un char coûte de 10 000 à 15 000 ). »

Quant à Alain Piriou, porte-parole de l’inter-associative lesbienne, gaie, bi et transexuelle, organisatrice de la marche, il prend les critiques avec philosophie. « Le fait même qu’on nous reproche à la fois d’être trop festif ou trop politique prouve que nous avons sans doute atteint un point d’équilibre. » Et il assène : « Le succès de la marche est notre meilleure défense. Et si ce succès est lié à l’afflux d’hétérosexuels, tant mieux. Cela prouve que notre combat contre la discrimination avance. »

Voir enfin:

Le mois des fiertés se situe en juin il y a plus de 50 ans aux États-Unis. Plus précisément en 1969 avec l’interruption de la police à Stonewall Inn. En effet, Stonewall Inn était un bar gay de New York. À la suite de cette interruption, un groupe de personnes composé de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres se sont rebellées contre l’autorité.

Juste un an plus tard (1979), toujours à New York, Brenda Howard (activiste américain luttant pour les droits bisexuels, entre autres luttes) organise la première marche des fiertés. En effet, Brenda devient une figure importante pour le mouvement LGBT et fait du mois de juin le mois des fiertés.

Après plus de 50 ans, le mois des fiertés et la marche de la Gay Pride continue à être célébrée même si la société accepte de plus en plus l’homosexualité. Aujourd’hui, cette marche continue à se faire pour plusieurs raisons, l’une étant de continuer à lutter pour l’égalité, l’autre pour honorer les discriminations passées. Mais aussi pour soutenir les discriminations actuelles, car elles continuent malheureusement d’exister.

LA COMMUNAUTÉ TRANSIDENTITAIRE

L’origine du terme trans identité remonte au début du XXe siècle. Depuis sa naissance, ce mot est utilisé quand nous voulons faire référence à la différence entre le genre que nous avons quand nous sommes nés et celui que nous voulons vraiment avoir. Par conséquent, chaque fois que ce terme était utilisé, trois questions étaient en jeu à la fois : des questions médicales, juridiques et sociales.

Si nous nous arrêtons un moment sur la première des questions ci-dessus, il faut savoir que les premiers changements de sexe se situent dans le premier tiers du XXe siècle. Moment où les progrès médicaux et chirurgicaux commencent à les rendre possibles. Notamment cela marque un avant et un après pour la communauté LGBT, autrement dit, si nous voulons parler de visibilité trans, nous devrons nous situer en 1960.

Ensuite, en Allemagne, c’est en 1910 que Magnus Hirschfield décrit les personnes transsexuelles comme celles qui ressentent une différence entre leur sexe anatomique et leur sentiment d’appartenance. En somme, selon Hirschfield, la première mastectomie en 1912 est réalisée sur une personne en pleine transition, mais ce n’est qu’en 1930 que la première vaginoplastie de la main de Félix Abraham est réalisée. En même temps, les opérations de changement de sexe commencent au Danemark.

DIFFÉRENCE ENTRE TERMES

Cependant, jusqu’en 1953, il n’y a pas de différence entre les termes “transexualité” et “homosexualité”. Cette différence est établie par Harry Benjamin avec la création officielle de la définition de la transsexualité comme “le sentiment d’appartenance au sexe opposé et le désir corrélatif d’une transformation corporelle“. Cependant, en Allemagne, ils ont préféré continuer à utiliser le terme “travesti”.

Des années plus tard, grâce aux révélations de presse d’April Ashley, le concept de “transsexualité” gagne en visibilité en France. Au contraire, le Conseil d’ordre des médecins n’a pas approuvé l’accompagnement dans les opérations pour les personnes transsexuelles.

Cependant, en 1972, la Suède et les Pays-Bas commencent à construire des Gender Clinics. Des cliniques qui avait le but d’offrir des soins payés aux personnes demandant une réassignation chirurgicale. Pour ce faire, ils s’inspirent d’un modèle déjà implanté aux États-Unis.

Ainsi, c’est à partir des années 1990, mais surtout en 2000, que naissent de nombreuses associations. Des associations qui commencent leur marche dans le but de lutter pour la reconnaissance juridique des personnes trans. Mais surtout des associations qui luttent pour un changement de mentalité vis-à-vis de la société. D’ailleurs, l’aspect juridique commence à s’améliorer avec la création des premiers droits en faveur de ces personnes.

MOIS DES FIERTÉS : ORIGINE ET EXPLICATION DU DRAPEAU LGBT

Avant la création de l’actuel drapeau LGBT, Hitler avait créé le premier symbole d’identification des homosexuels. Effectivement, c’était un triangle rose qu’ils devaient porter sur leurs vêtements, un emblème qui, à l’époque, servait aux nazis pour pouvoir distinguer les homosexuels dans les rues.

À l’occasion de la huitième Gay Pride (25 juin 1978) et à seulement 27 ans, Gilbert Baker eut l’idée de coudre un drapeau composé de huit couleurs : le rose, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, le bleu et le violet. Ces couleurs allaient les unes avec les autres avec une orientation horizontale.

Un drapeau plein de symbolisme, puisque chaque couleur a été choisie pour une raison : le rose représentait la sexualité, le rouge faisait référence à la vie, l’orange était symbole de la guérison (en termes de santé), le jaune représentait le soleil, le vert a été choisi pour symboliser la nature, le turquoise faisait référence à l’art et à la magie, le bleu dénotait l’harmonie et la sérénité, et finalement le violet était présent pour représenter l’esprit humain.

Puisque dans la Bible, l’arc-en-ciel est un symbole important, avec cette combinaison de couleurs, ce que Gilbert Baker voulait était de transmettre une promesse de paix. Mais aussi il voulait permettre aux homosexuels d’avoir un moyen de se reconnaître entre eux par un plus beau symbole qu’ils n’avaient initialement

NOUVELLES VERSIONS DU DRAPEAU LGBT

Aujourd’hui, ce drapeau créé en 1978 reste le symbole du mois des fiertés et de la communauté LGBT : lesbienne, gay, bi, trans. La même communauté que maintenant, ajoute Q de Queer, I d’Intersexo, A d’Asexual et le signe + pour tous les autres, actualisant ainsi son nom d’identification à LGBTQIA+.

Revenant à l’ordre chronologique de l’histoire de ce drapeau, en 1979, soit un an après sa création,  la couleur rose et la turquoise ont disparu. Cette décision a été prise par les industries de fabrication des drapeaux. Les industries ne voyaient pas le coût du colorant de ces deux couleurs en particulier rentable. Ainsi, depuis 1979, le fameux drapeau LGBT passe de huit couleurs à seulement six couleurs horizontales : rouge, orange, jaune, vert, bleu et violet.

Enfin, au fil des ans, le drapeau arc-en-ciel de Gilbert Baker a été réutilisé pour créer d’autres drapeaux symboliques.

Pour conclure, les drapeaux plus connus sont :

  • Le drapeau de Philadelphie créé en 2017 dans le but de lutter contre les discriminations envers les bars gays de la ville.
  • Le drapeau Progress Pride flag créé en 2018 par Daniel Quasar. Celui-ci a les mêmes couleurs que la première, mais ajoute le blanc, le bleu clair et le rose.
  • La plus actuelle est la Progress Pride flag 2021. Une nouvelle variante qui comprend également un drapeau intersectoriel pour tous ceux qui sont souvent oubliés.

Présidentielle/2022: Qui nous délivrera des Russes et des Sarrasins ? (What tragic moment for a Western world incapable of confronting at the same time both the Islamic and Russian threats ?)

25 février, 2022

Vous avez finalement un paradoxe aujourd’hui dans la politique française, qui est presque une tenaille. C’est à dire que nous sommes pris en tenaille entre d’une part une gauche qui dans son ensemble ne reconnait pas le danger de l’islamisme, ou en tout cas ne l’évalue pas à sa juste dimension. (…)  Et puis, (…) une droite qui est incapable de penser la question russe. (…) Il y a un côté, que je dirais presque tragique pour nous Français, de se dire qu’il n’y a pas vraiment sur la scène politique un homme politique qui est capable de penser de manière vraiment sérieuse ces deux menaces en même temps. Laure Mandeville
La Russie sera tenue pour responsable en cas d’invasion et tout dépendra de ce qu’elle fera. C’est une chose s’il s’agit d’une incursion mineure, et nous nous retrouvons alors à devoir nous battre sur ce qu’il faut faire et ne pas faire, etc. Joe Biden (20 janvier 2023)
Nous voulons rappeler aux grandes puissances qu’il n’y a pas d’incursions mineures et de petites nations. Tout comme il n’y a pas de victimes mineures et de petit chagrin suite à la perte d’êtres chers. Volodymyr Zelensky
S’il a fallu repenser de fond en comble la sociologie des intellectuels, c’est que, du fait de l’importance des intérêts en jeu et des investissements consentis, il est suprêmement difficile, pour un intellectuel, d’échapper à la logique de la lutte dans laquelle chacun se fait volontiers le sociologue — au sens le plus brutalement sociologiste — de ses adversaires, en même temps que son propre idéologue, selon la loi des cécités et des lucidités croisées qui règle toutes les luttes sociales pour la vérité. Pierre Bourdieu
Nous n’avons point trouvé d’autres moyens de garantir nos frontières que de les étendre. Catherine II (lettre à Voltaire, 1772)
Messieurs, charbonnier est maître chez soi. Nous sommes un Etat souverain. Tout ce qu’a dit cet individu ne nous regarde pas. Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, de nos pacifistes et de nos juifs, et nous n’avons à subir de contrôle ni de l’humanité ni de la SDN. Joseph Goebbels (SDN, Genève, 1933)
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. (…) Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme. René Girard
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech (2005)
Taiwan est un des rares problèmes stratégiques qui puisse provoquer une guerre mondiale aussi sûrement que l’Alsace-Lorraine au début du siècle dernier. Thérèse Delpech
Le XXe siècle n’est pas encore terminé en Asie et ni la guerre froide ni même la Seconde Guerre mondiale n’ont dit leur dernier mot dans cette région. Thérèse Delpech
Le bolchevisme ne durera pas éternellement en Russie. Un jour viendra où l’ordre s’y rétablira et où la Russie, reconstituant ses forces, regardera autour d’elle. Ce jour-là, elle se verra telle que la paix va la laisser, c’est à dire privée de l’Estonie, de la Finlande, de la Pologne, de la Lituanie, peut-être de l’Ukraine. S’en contentera-t-elle ? Nous n’en croyons rien. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on reverra la Russie reprendre sa marche vers l’Ouest et le Sud-Ouest. De quel côté la Russie recherchera-t-elle un concours pour reprendre l’œuvre de Pierre le Grand et de Catherine II ? Ne le disons pas trop haut, mais sachons-le et pensons-y : c’est du côté de l’Allemagne que fatalement elle tournera ses espérances. Voilà, Messieurs, pourquoi la France prête à la Pologne et à la Roumanie un si large concours militaire ; et voilà pourquoi nous sommes ici. (…) Chacun de nos efforts en Pologne, Messieurs, c’est un peu plus de gloire pour la France éternelle. Charles de Gaulle (1919)
Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire (…) Pour Moscou, en revanche, rétablir le contrôle sur l’Ukraine ― un pays de cinquante-deux millions d’habitants doté de ressources nombreuses et d’un accès à la mer Noire –, c’est s’assurer les moyens de redevenir un État impérial puissant, s’étendant sur l’Europe et l’Asie. La fin de l’indépendance ukrainienne aurait des conséquences immédiates pour l’Europe centrale. (…) La Russie peut-elle, dans le même mouvement, être forte et démocratique ? Si elle accroît sa puissance, ne  cherchera-t-elle pas à restaurer son domaine impérial ? Peut-elle prospérer en tant qu’empire et en tant que démocratie ? (…) Et la « réintégration » de l’Ukraine reste, à ce jour, une position de principe qui recueille le consensus de la classe politique. Le refus russe d’entériner le statut d’indépendance de l’Ukraine, pour des raisons historiques et politiques, se heurte frontalement aux vues américaines, selon lesquelles la Russie ne peut être à la fois impériale et démocratique. (…) D’autant que la Russie postsoviétique n’a accompli qu’une rupture partielle avec son passé. Presque tous ses dirigeants « démocratiques », bien que conscients du passif et sans illusions sur la valeur du système, en sont eux-mêmes le produit et y ont accompli leur carrière jusqu’au sommet de la hiérarchie. Ce n’étaient pas des anciens dissidents comme en Pologne ou  en République tchèque. Les institutions clés du pouvoir soviétique ― même affaiblies et frappées par la démoralisation et la corruption ― n’ont pas disparu. À Moscou, sur la place Rouge, le mausolée de Lénine, toujours en place, symbolise cette résistance de l’ordre soviétique. Imaginons un instant une Allemagne gouvernée par d’anciens gauleiters nazis, se gargarisant de slogans démocratiques et entretenant le mausolée d’Hitler au centre de Berlin. Zbigniew Brzezinski (“Le Grand Echiquier”, 1997)
C’est toujours la même chose. (…) La Russie se présente comme faible: il faut l’aider, se garder de l’humilier, consolider ses progrès. Elle se présente en même temps comme redoutable par son immensité, son armée, son arsenal atomique, son pétrole. Elle fait planer une vague menace. Elle pourrait être encore pire. Apaisons-la. (…) Que veut la Russie de Poutine ? Pour commencer, reconstituer l’URSS. Elle est en contentieux de frontières avec l’Ukraine, l’Estonie, la Lettonie, la Moldavie, le Kazakhstan, la Géorgie. Elle a soin d’entretenir ce contentieux, de le faire suppurer et quand l’occasion se présente, de l’enflammer, comme aujourd’hui. Au lieu de s’occuper de l’épouvantable niveau sanitaire, de l’école à la dérive, elle construit des sous-marins, des porte-avions, développe des systèmes d’armes, pratique la menace et le chantage tous azimuts. Nous saluons : «La Russie a retrouvé sa fierté.» En fait elle court à sa ruine. Elle ne peut concevoir la négociation qu’en termes de victoire. (…) À force de répétition, de crise en crise, cet appétit pour l’agrandissement finit par nous paraître naturel. C’est comme un vieux travers de la Russie, presque un élément du folklore, comme le samovar. C’est leur habitude et nous nous y habituons. Notre jobardise, notre crédulité, notre naïveté sont, avec la domination, l’autre grande satisfaction de l’État russe. Alain Besançon
La Russie a su nous instiller une culpabilité corrosive pour avoir gagné la guerre froide. Elle s’est constamment posée en victime, au point que le refrain de la diplomatie française a été pendant des années qu’ »il ne fallait pas humilier la Russie ». Au nom de ce principe, cette dernière a bénéficié d’une indulgence exceptionnelle, dont elle a usé et abusé. Quel autre pays au monde peut en effet se permettre de raser des villes, de spolier les étrangers, d’assassiner les opposants hors de ses frontières, de harceler les diplomates étrangers, de menacer ses voisins, sans provoquer autre chose que de faibles protestations ? La raison en est que la Russie se pose constamment en victime, et elle a réussi à persuader les Occidentaux qu’ils étaient responsables de la débâcle des premières années de l’après-communisme, alors que la cause de ce fiasco tenait à l’héritage du communisme et aux caractéristiques de la nouvelle élite qui a émergé sur les ruines de l’Etat soviétique. De même que Hitler jouait à fond sur la culpabilité suscitée en Europe par le traité de Versailles, de même les Russes paralysent notre volonté en nous faisant endosser la faute de leurs déboires pendant les années Eltsine. Ainsi tout est bon : nous avons élargi l’OTAN, nous avons fait la guerre à la Yougoslavie, nous avons proclamé l’indépendance du Kosovo. En réalité, le tournant de la Russie vers ce qui allait devenir la dictature poutinienne a été pris avant ces événements. Il remonte à la crise de l’automne 1993, lorsque Boris Eltsine a donné la troupe contre la Douma et fait adopter une nouvelle Constitution qui mettait un terme à la séparation des pouvoirs et fermait à la Russie la voie de la démocratie libérale à l’européenne, – et cela, dès cette époque, au nom d’un renouveau impérial. Les propagandistes du Kremlin ont parfaitement assimilé la phraséologie occidentale et ils la manipulent en maîtres. Encore une fois, le précédent de Hitler, qui sut jusqu’en 1938 dissimuler ses projets de conquêtes sous le slogan du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » et du « droit du peuple allemand à l’autodétermination », est particulièrement instructif : les régimes autoritaires savent concentrer le mensonge en un rayon laser dévastateur qu’ils braquent sur les centres nerveux des démocraties pétrifiées. Aussi devons-nous avant tout nous débarrasser de cette culpabilité débilitante, à tous les sens du terme. Nous devons nous rappeler comment Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir, par la provocation et une guerre menée contre des citoyens russes. Nous devons nous rappeler ce qu’il a réalisé en quelques années : la mise au pas totale du pays, la redistribution de la propriété au profit de son clan, l’organisation d’une propagande systématique de haine contre les Occidentaux, l’occultation des crimes du communisme, la réhabilitation de Staline, un lavage de cerveau quotidien des citoyens russes visant à leur inculquer la paranoïa, le culte de la force et l’esprit de revanche. (…) C’est devant cette Russie dangereuse que nous nous trouvons. Cessons de nous accuser et de trouver à la Russie mille excuses, qui ne servent qu’à justifier notre lâcheté. Elle nous dit qu’elle défend ses intérêts légitimes en envahissant un pays indépendant. Et dans les chancelleries occidentales, nombreux sont ceux qui sont prêts à lui reconnaître implicitement une « sphère d’influence », pour la « rassurer, apaiser » son complexe d’encerclement (c’est par les mêmes arguments que les Anglo-Saxons ont justifié l’abandon de la Pologne à Staline en 1944-1945). A ceux-là il faut rappeler que, une semaine avant de lancer l’opération d’annexion de la Géorgie, la Russie avait discrètement cédé à la Chine les territoires contestés qui avaient failli mener à une guerre entre les deux pays en 1969. (…) La conclusion est simple : la Russie poursuit de sa vindicte les Occidentaux et les pays qui s’orientent vers l’Europe et les Etats-Unis. Elle se prétend encerclée par l’OTAN et ne se soucie nullement d’une Chine autrement agressive, dynamique et dangereuse pour sa « sphère d’influence ». Ce qu’elle hait et redoute, c’est la liberté. Elle guette avidement chez nous les signes de faiblesse, d’aveuglement, de corruption et de capitulation préventive – et elle n’a que trop d’occasions de se réjouir. Or chaque démission en appellera d’autres plus grandes. Tant que demeurera une Europe indépendante alliée aux Etats-Unis, la Russie se sentira encerclée. La réalisation des prétendus intérêts de sécurité russes passe par l’asservissement par cercles successifs de tous ses voisins occidentaux et méridionaux. Françoise Thom (2008)
Les intellectuels et le communisme étaient faits pour se rencontrer depuis que Lénine a compris que le prolétariat n’allait pas briser ses chaînes d’exploité, comme le croyait Marx, et qu’il fallait un parti de révolutionnaires professionnels pour prendre le pouvoir, comme il l’écrit dans Que faire? en 1902. La révolution, devenait du coup une affaire d’intellectuels éclairés, chargés de faire le bonheur du peuple malgré lui. Être au centre du pouvoir, en tant que conseiller ou comme acteur, est un vieux rêve de l’élite pensante depuis Platon. De plus, le déterminisme historique qui caractérise la théorie marxiste, avec la lutte des classes comme moteur de l’histoire et l’inéluctable avènement du communisme, stade suprême de l’humanité, offrait aux intellectuels la feuille de route dont ils rêvaient. Les voilà au cœur de l’action avec la boussole pour les diriger. Le communisme une fois instauré, tous les régimes en question ont éliminé les intellectuels qui n’étaient pas dans la ligne, mais tant qu’il s’est agi du sang des autres là-bas, au loin, de ceux qui subissaient, la plupart des intellectuels occidentaux sympathisants ont continué à croire en l’avenir radieux. (…) L’expression «opium des intellectuels» est de Raymond Aron, l’un de nos rares intellectuels à avoir échappé à l’attraction communiste. L’appétence particulière de nos «penseurs» pour cette idéologie tient à plusieurs facteurs. Pour l’essentiel, disons que le rapport de l’intellectuel français au pouvoir est singulier, au phénomène de cour mis en place sous la royauté: être proche, avoir l’oreille du prince a toujours été une marque de reconnaissance. En France le pouvoir attire, jusqu’à aveugler souvent. D’autre part, la philosophie des Lumières qui a annoncé la Révolution française a démontré comment la pensée pouvait préparer les esprits aux bouleversements politiques et sociaux, ce que le communisme systématise avec le parti de Lénine justement. Le facteur révolution joue aussi son rôle, toute la culture post 1789 a magnifié ce moment, c’est seulement récemment que nous avons pris conscience que l’instrumentalisation idéologique pouvait conduire à la Terreur, comme en 1793. L’expression populaire «on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs» présente les excès révolutionnaires comme nécessaires, donc acceptables. En réalité, il n’y a jamais eu de révolution communiste, c’est l’une des impostures de cette histoire. Dans les faits, le pouvoir n’a jamais été conquis à la suite d’une révolte populaire: le coup d’État de Lénine en octobre 1917, la guerre civile gagnée par Mao en 1949, la guerre de libération nationale conduite par Ho Chi Minh au Vietnam en sont quelques exemples. Le terme de «révolution communiste» est un oxymore que nos intellectuels ont vénéré. (…) L’expression [« compagnon de route »] est due à Trotski, en 1922. Elle désigne l’intellectuel qui est prêt à faire un bout de chemin avec les communistes sans pour autant adhérer au parti. (…) Dans à peu près tous les pays du monde il y a eu des compagnons de route: GB Shaw en Grande Bretagne, Dashiell Hammett aux Etats Unis, Bertolt Brecht en Allemagne, Alberto Moravia en Italie, etc. Il serait plus court de citer les intellectuels restés lucides. (…) Lénine désignait par ce terme [« idiot utile »] l’homme politique, l’homme d’affaires qui pouvaient être utilisés pour promouvoir tel ou tel aspect du communisme, par orgueil (se rendre intéressant), par ignorance, par cupidité, bref en usant de tous les ressorts humains. Le plus connu des « idiots utiles » est l’ancien président du Conseil français, sous la IIIe République, Edouard Herriot, invité en Ukraine au début des années 1930 alors que la famine, instrumentalisée par Staline pour liquider les paysans récalcitrants à la collectivisation, battait son plein. Il en a nié la réalité, soit plusieurs millions de morts. Plus près de nous, François Mitterrand s’est prêté à la même opération pour le compte de Mao. Reçu par le Grand Timonier alors que la famine décimait le pays à cause du Grand bond en avant, il en a contesté l’ampleur comme Mao lui avait dit. De 30 à 50 millions de Chinois sont morts à cette époque. On ne compte pas les hommes d’affaires capitalistes qui ont aidé les régimes communistes à survivre par des crédits ou en livrant du matériel, de la technologie jusque et y compris à l’usage des travailleurs forcés des camps de concentration. Tout ce passé est douloureux pour nos consciences, voilà pourquoi aussi il est tentant de l’oublier, voire de l’escamoter. (…) La fameuse phrase de Sartre sur « il ne faut pas désespérer Billancourt », peut-être une explication de cette cécité. Le communisme a représenté un tel espoir que peu importait la réalité. Pour beaucoup il était préférable de croire que de voir, donc ils se sont aveuglés d’eux-mêmes car la vérité sur le communisme a été connue dès les premiers mois, les témoignages n’ont jamais cessé de s’accumuler: qui voulait savoir pouvait savoir. C’est bien ce qui rend cet aveuglement coupable, autant, quitte à choquer, que ceux qui savaient sur la Shoah avant la découverte des camps d’extermination en 1945 mais qui se sont tus pour raison d’État, dans un contexte de guerre mondiale. L’indifférence, pis les mensonges qui ont couvert la réalité communiste, ne bénéficient même pas d’une telle excuse. C’est ainsi que des dizaines de millions de personnes ont disparu dans ces régimes que la doxa intellectuelle présentait comme LE modèle pour l’humanité. La culpabilité est immense ce qui rend ce passé si douloureux pour la conscience universelle. Certains sont toutefois plus coupables que d’autres. Un Aragon, apparatchik communiste jusqu’à ses derniers jours, est cent fois plus blâmable qu’un Sartre qui a fait des allers-retours avec l’idéologie. (…) En exergue à l’un de mes chapitres je cite cette phrase de Camus: «Toute idée fausse finit dans le sang mais il s’agit toujours du sang des autres». Le communisme a été une idée fausse, des hectolitres de sang ont été versés en son nom, mais qu’importe…. L’intellectuel, d’une manière générale, s’embarrasse peu de la réalité surtout s’il n’y est pas confronté directement. Cette indifférence, voire cet amour du sang des autres a des ressorts profonds dont l’une des sources est probablement la haine de soi éprouvée en tant que profiteur d’un monde que l’on abhorre. L’adhésion au communisme a été d’autant plus forte que le rejet du capitalisme a été profond, un système vu, jugé comme l’exploitation du plus grand nombre, l’enrichissement d’une minorité, et le fourrier de la guerre (celle de 1914-1918) qui venait de meurtrir le monde. La charge était telle que s’en débarrasser devenait une libération pour l’humanité, quel qu’en soit le coût humain puisque le capitalisme ne pouvait en ce domaine donner de leçon. La violence est devenue une nécessité pour s’arracher de ce monde. L’enchaînement capitalisme – haine – égalité – révolution – violence annonçait l’indifférence à venir. Les intellectuels s’y sont complus tant qu’ils n’en étaient pas les victimes. (…) Avoir été maoïste est à la fois plus grave et moins grave qu’avoir été stalinien. Plus grave puisqu’intervenant après, quand on pouvait tout savoir des dégâts provoqués par l’aveuglement sur Staline. Plus grave encore car Mao est responsable de bien plus de morts que Staline. La complicité est donc moralement plus grave. En même temps, l’aveuglement a duré moins longtemps et certains maoïstes occidentaux s’en sont repentis. Moins grave aussi parce que le maoïsme a pris en Occident un côté folklorique qui lui conférait un aspect ridicule: voir des intellectuels brandir le Petit livre rouge en ânonnant les slogans du Grand Timonier pouvait difficilement être pris aux sérieux. Le maoïsme a démontré de manière éclatante combien l’aveuglement idéologique abêtit, en cela il a été utile si j’ose dire. Maintenant, que Mao garde une stature de commandeur quand Staline a été déboulonné, la responsabilité en revient en premier lieu au régime chinois qui en est l’héritage. Que tous les billets de banque de la République populaire de Chine soient encore à l’effigie du Grand Timonier est aussi scandaleux que si les Deutsche Marks d’après guerre avaient mis le Führer en emblème. (…) Le meilleur allié du communisme a été le nazisme et le plus utile des idiots, si l’on peut dire, fut Hitler. Les deux totalitarismes se sont entraidés avant de se combattre. Ils avaient la même haine du monde occidental, de la démocratie et leur système politique était cousin germain. Après avoir aidé Hitler à arriver au pouvoir en 1933 grâce à la lutte conjointe des communistes allemands (aux ordres de Moscou) et des nazis, contre le gouvernement social-démocrate en place à Berlin ; après avoir soutenu l’effort de guerre du Führer grâce au pacte germano-soviétique d’août 1939 ; après s’être partagé l’Europe au début de la guerre, les deux totalitarismes se sont affrontés. À partir de là, toute l’intelligence de Staline, toute la tactique communiste a consisté à se présenter comme le meilleur rempart, le seul même face à la peste brune, jusqu’à faire oublier l’alliance passée. L’antifascisme a servi de paravent au stalinisme pour accomplir ses noirs desseins, d’abord contre son peuple puis contre les peuples conquis à la faveur du conflit mondial. Communisme et nazisme sont deux variantes du totalitarisme. Être contre l’un aurait dû amener à être contre l’autre, c’est cela que dit Orwell. Or l’hémiplégie d’une partie de l’opinion publique (cela va bien au-delà des intellectuels) consiste toujours à diaboliser un totalitarisme, le brun, pour excuser ou minorer l’autre, le rouge. C’est l’un des héritages du communisme dans les têtes. La seule attitude morale qui vaille est d’être antitotalitaire et de renvoyer dos à dos toutes les idéologies qui en sont le substrat. (…) Le communisme a représenté un grand espoir de justice sociale, il a mis ses pas dans la démarche chrétienne. Cela explique en partie son succès: au message christique «les derniers seront les premiers» au paradis, l’idéologie a substitué l’idée que les prolétaires (les plus pauvres) gouverneront le monde pour instaurer l’égalité pour tous. L’échec est d’autant plus durement ressenti. La mort du communisme revient pour certains à la mort de Dieu pour les croyants: inacceptable, impensable. Le communisme n’est toujours pas sorti de cette phase de deuil, d’où le négationnisme dont je parle: on nie la réalité de ce qui fut pour ne pas souffrir des espoirs qu’il a suscité. Il est certes désormais reconnu que ces régimes ont fait des millions de morts. C’est un progrès. Il n’empêche, être anti communiste reste péjoratif, quand cela devrait être une évidence. L’intellectuel qui a eu des faiblesses envers le fascisme demeure coupable à jamais quand celui qui a idolâtré le stalinisme ou le maoïsme, ou le pol-potisme (le Cambodge des Khmers rouge) est vite pardonné. C’est aussi cela le négationnisme communiste. Il ne s’agit pas de faire des procès, mais de regarder la réalité historique en face. En outre, la complicité envers le communisme a été telle, elle a pris une telle ampleur – des militants des PC du monde entier aux intellectuels, des dirigeants politiques des démocraties aux hommes d’affaires -, qu’il existe un consensus tacite pour oublier cette face sombre de l’humanité. L’être humain n’aime pas se sentir coupable, alors il passe à autre chose. Ce ne peut être que transitoire. La dimension du drame communiste fait qu’il est impossible d’en faire l’impasse. Je fais le pari que la réflexion sur cette époque va prendre de l’ampleur pour que l’histoire se fasse enfin. Il faudra sans doute pour cela que tous les témoins (acteurs ou simples spectateurs) de cette époque disparaissent. Et avec eux ce négationnisme diffus qui sert de garde-fou à l’émergence de la mauvaise conscience. Il est évident que l’étude approfondie de cette époque est indispensable pour la compréhension de notre monde actuel, l’héritage somme toute du XXe siècle communiste. (…) En premier lieu, il reste encore des régimes communistes: outre la Chine, la Corée du Nord, le Laos, le Vietnam, Cuba, l’Erythrée notamment. Ces pays fonctionnent sous l’égide d’un parti unique qui se réclame de l’idéologie marxiste-léniniste, avec tout ce que cela comporte d’atteinte aux libertés et de drames humains. Maintenant, l’échec du bloc soviétique a discrédité ce type de système politique. Je doute que des régimes communistes nouveaux apparaissent. En fait, il n’y a plus le terreau nécessaire pour cela. L’idéal, comme les régimes qui s’en réclament, sont apparus dans un contexte idéologico-politico-économique particulier, fait à la fois de scientisme, de guerres, de massification des individus, de crises sociales, toutes choses que je développe largement dans mon livre, qui ne sont plus. J’ajoute que la mondialisation, l’ouverture obligée des frontières pour y participer, est antinomique avec l’esprit totalitaire qui oblige à l’enfermement des êtres comme des esprits. On peut d’ailleurs constater que les pays qui restent communistes s’ouvrent économiquement tout en restant fermés politiquement. La Chine en est le meilleur exemple. Or, à terme, cette schizophrénie politico-économique n’est pas viable. Non seulement le contexte mondial a changé pour que de nouveaux pays tombent dans la nasse communisme, mais ceux qui y restent sont condamnés à terme à disparaître, en tout cas tels qu’ils existent. Dans nos contrées démocratiques, seul un quarteron d’idéologues se réclame encore du communisme marxiste-léniniste vieille manière, celui qui a brillé au XXe siècle. Mais ils n’ont plus d’influence. La page est tournée. La protestation sociale née des inégalités, qui elles ne cesseront sans doute jamais, prend et prendra d’autres chemins, mais pas celui emprunté tout au long du XXe siècle. (…) Le philosophe anglais Bertrand Russel remarquait déjà au début des années 1920 une ressemblance entre communisme et islamisme, notamment la même volonté de convertir le monde. N’oublions pas que la propagande communiste, très présente au XXe siècle, a développé des thèmes anti-occidentaux au nom de la lutte contre l’abomination capitaliste, et contre l’impérialisme. Cela a façonné des esprits, y compris dans des pays musulmans influencés par l’URSS, leur allié contre l’ennemi principal, Israël. La doxa communiste contre la liberté d’être, de penser, de se mouvoir, d’entreprendre, etc., se retrouve dans le discours des islamistes, présentée comme des tentations de Satan. En tant qu’idéologie totalitaire, le communisme cherchait à atomiser les individus en les arrachant de leurs racines sociales, politiques, culturelles, voire familiales, pour mieux les dominer, les contrôler. L’islamisme, lui, propose des repères, des codes, à des individus déjà déracinés sous la poussée d’une mondialisation dont les effets ont tendance à déstructurer les sociétés traditionnelles. La démarche est différente, mais le résultat est comparable: dans les deux cas il s’agit d’unir des personnes isolées grâce à des sentiments identitaires – la communauté socialiste, la communauté des croyants -, de donner sens à leur collectif grâce à un mythe absolu et exclusif, le parti pour les communistes, l’oumma pour les islamistes, terme qui désigne à la fois la communauté des croyants et la nation. Enfin, on retrouve dans l’islamisme des marqueurs du communisme: la contre-modernité du propos, une explication globale du monde et de sa marche, une opposition radicale entre bons et mauvais – croyants/impies en lieu et place des exploités/exploiteurs -, la volonté de modeler les hommes, et un esprit de conquête planétaire. Dès lors, la substitution est possible. Thierry Wolton
Poutine a eu le plus de succès, paradoxalement, dans les domaines de l’économie et de la politique, où l’Occident pensait que son pouvoir était le plus fort. (…) Menés par la Chine et rejoints par l’Inde et le Brésil, les pays du monde entier choisissent le commerce avec la Russie (…) Depuis que le dirigeant russe a attaqué la Géorgie en 2008, les dirigeants occidentaux ont constamment mal interprété et sous-estimé la menace que représentent les puissances révisionnistes (Chine, Russie et Iran) [en] Géorgie, Crimée, mer de Chine méridionale et au Moyen-Orient. Tactiquement, M. Poutine veut absorber autant d’Ukraine que possible, mais cette guerre ne concerne pas vraiment quelques tranches du Donbass. Stratégiquement, MM. Poutine, Xi et leurs acolytes iraniens cherchent à détruire ce qu’ils considèrent comme une hégémonie mondiale dirigée par les Américains et dominée par l’Occident. Ils estiment que malgré ses atouts imposants (les pays du G-7 représentent 45 % du produit intérieur brut mondial et 52 % des dépenses militaires mondiales), cet ordre est décadent et vulnérable. (…) Alors que la sagesse conventionnelle occidentale croit que l’élément « basé sur les valeurs » de la politique étrangère américaine et européenne est une source vitale de force dans le monde, les révisionnistes croient que le narcissisme et l’aveuglement occidentaux ont conduit les puissances occidentales dans un piège historique. (…) Les défenseurs conventionnels de l’ordre mondial occidental répliquent en vantant son attachement à des valeurs universelles telles que les droits de l’homme et la lutte contre le changement climatique. L’ordre mondial actuel peut, reconnaissent-ils, être historiquement enraciné dans la puissance impériale occidentale, mais en tant qu’« empire de valeurs », l’ordre mondial occidental mérite le soutien de tous ceux qui se soucient de l’avenir de l’humanité. Malheureusement, le programme de valeurs de plus en plus « woke » de l’Occident n’est pas aussi crédible ou aussi populaire que l’espèrent les libéraux. (…) De nombreuses valeurs chères au cœur des leaders culturels occidentaux (droits LGBTQ, avortement à la demande, liberté d’expression comprise comme autorisant la pornographie incontrôlée sur Internet) intriguent et offensent des milliards de personnes dans le monde qui n’ont pas suivi les modes actuelles sur les campus américains. Les tentatives des institutions financières et des régulateurs occidentaux de bloquer le financement de l’extraction et du raffinage des combustibles fossiles dans les pays en développement exaspèrent à la fois les élites de là-bas et le grand public. De plus, le nouveau programme de valeurs post-judéo-chrétiennes de l’Occident libéral divise l’Occident. Les guerres culturelles chez nous ne favorisent pas l’unité à l’étranger. Si M. Biden, avec le soutien du Parlement européen, fait de l’avortement à la demande un élément clé de l’agenda des valeurs de l’ordre mondial, il est plus susceptible d’affaiblir le soutien américain à l’Ukraine que d’unir le monde contre M. Poutine. La confusion morale et politique de l’Occident contemporain est l’arme secrète qui, selon les dirigeants de la Russie et de la Chine, mettra à genoux l’ordre mondial américain. MM. Poutine et Xi pourraient avoir tort ; et on l’espère bien. Mais leur pari sur la décadence occidentale porte ses fruits depuis plus d’une décennie. La survie occidentale et l’épanouissement mondial nécessitent plus de réflexion et des changements plus profonds que ce que peuvent actuellement imaginer l’administration Biden et ses alliés européens. Walter Russell Mead
Sur fond de grave crise aux confins orientaux de l’Ukraine, où le bruit des bottes fait redouter une nouvelle offensive militaire russe, le Kremlin a ordonné le tir d’une salve de missiles hypersoniques « Zircon », et ce la veille de Noël (selon le calendrier grégorien). Vladimir Poutine s’est félicité de ce succès : « un grand événement pour le pays et une étape significative pour renforcer la sécurité de la Russie et ses capacités de défense ». Au vrai, il ne s’agit pas du premier essai mais il intervient dans un contexte particulier, quand le Kremlin pose de manière claire et explicite un ultimatum qui exige des Occidentaux qu’ils signent deux traités ordonnant le repli de l’OTAN et donc, à brève échéance, son sabordage. Dans l’esprit des dirigeants russes et de nombreux commentateurs à Moscou, enthousiasmés par la possibilité d’une grande guerre à visée hégémonique, il ne s’agit pas tant de démontrer l’avance acquise dans la gamme des armes dites « nouvelles » que d’intimider et de menacer l’Europe et les États-Unis. Et la discrétion des dirigeants occidentaux quant à ces essais répétés laisse dubitatif. Dès lors se pose la question des possibles effets produits par ces « armes nouvelles ». S’agirait-il là d’une rupture technologique, vecteur d’une révolution stratégique ? En d’autres termes, le problème est de savoir si la Russie, posée par ses dirigeants comme puissance révisionniste, prête à recourir aux armes pour modifier le statu quo international, aligne son discours géopolitique, son système militaire et sa stratégie. On se souvient du discours prononcé par Vladimir Poutine au Parlement, le 1er mars 2018, le président russe ayant alors présenté un programme de nouveaux missiles qui impressionna la classe dirigeante russe et nombre d’observateurs internationaux. Ces armes dites de rupture sont hypersoniques (soit une vitesse supérieure à Mach 5), sur une partie de leur trajectoire à tout le moins. Elles sont présentées comme étant capables d’effectuer des manœuvres qui permettent de déjouer les capacités d’interception adverses, c’est-à-dire les défenses antimissiles des États-Unis et de l’OTAN. Parmi ces « super-missiles », citons le « Kinjal » (un missile lancé par un avion), l’« Avangard » (un planeur hypersonique lancé par une fusée « Sarmat ») et le « Zircon » (un missile antinavire déployé sur des bâtiments de surface, des sous-marins ainsi que des batteries côtières). Curieusement, le « Zircon » dont il est désormais question ne fut pas mentionné lors de la prestation du 1er mars 2018. En revanche, d’autres armes furent présentées, à l’instar de la torpille « Poséidon », capable de déclencher un tsunami radioactif de l’autre côté de l’Atlantique, le drone sous-marin « Peresvet », à propulsion nucléaire et à charge atomique, et le missile « Bourevestnik » qualifié d’« invincible » par Vladimir Poutine. Il existe des interrogations sur le degré réel d’avancement de ces programmes et leur opérationnalité effective. Ainsi l’accident survenu le 8 août 2019, sur une base septentrionale russe, serait-il lié à un nouvel échec du « Bourevestnik » (l’explosion a fait plusieurs morts et provoqué une hausse de la radioactivité). Nonobstant des imprécisions et des effets d’annonce parfois trop hâtifs, le programme d’armes nouvelles illustre la réalité du réarmement russe, plus axé sur la qualité des technologies que sur le volume des arsenaux. Les optimistes veulent voir dans la posture russe une forme contre-intuitive de « dialogue stratégique » avec les États-Unis, en vue d’un renouvellement de l’arms control (la maîtrise des armements). Le sort du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), violé par la Russie, dénoncé en conséquence par Washington (Moscou suivit), ainsi que les incertitudes autour des négociations nucléaires stratégiques ne sont pas de bon augure. Faut-il voir dans ces armes une rupture technologique et stratégique ? D’aucuns soulignent le fait que l’hypervélocité et la capacité à manœuvrer de ces « armes nouvelles » ne font pas une révolution stratégique. D’une part, les fusées balistiques outrepassent l’hypervélocité de ces engins. S’il est vrai, d’autre part, que leur capacité à manœuvrer permettrait de contourner les défenses antimissiles des Alliés (États-Unis et OTAN), il en serait de même avec un missile balistique intercontinental. Au demeurant, les défenses antimissiles n’ont pas été pensées pour intercepter les missiles balistiques intercontinentaux de la Russie ou de la Chine populaire mais pour contrer une puissance proliférante, du type de l’Iran ou de la Corée du Nord, détentrice d’un nombre réduit d’engins. Soulignons ici la mauvaise foi russe qui, tout en développant ses propres défenses antimissiles, ne cesse de dénoncer les effets prétendument déstabilisateurs du dispositif américano-otanien. En première analyse, le déploiement d’« armes nouvelles » russes ne changerait donc pas l’équation stratégique ; quand bien même leur hypervélocité réduirait le délai de réaction, les puissances nucléaires occidentales conserveraient une capacité de frappe en second, pour exercer des représailles sur l’État agresseur. Théoriquement, une telle perspective devrait le détourner de la tentation d’une première frappe désarmante, « dissuader » signifiant « empêcher de passer à l’acte ». Pourtant, la Russie, ces dernières années, a amplement modernisé ce que les spécialistes nomment la « triade stratégique », ses armes nucléaires stratégiques terrestres (missiles intercontinentaux), aériennes (missiles lancés depuis un bombardier) et sous-marines (missiles lancés par des sous-marins nucléaires lance-engins). Aussi le développement et le déploiement d’engins « exotiques » (les « armes nouvelles ») posent question : à quelles fins et selon quels scénarios ? (…) Sur le plan de la réflexion stratégique, rappelons l’important article de l’Américain Albert Wohlstetter sur le « fragile équilibre de la terreur » (« The Delicate Balance of Terror », Rand Corporation, 6 novembre 1958). Selon l’analyse de ce stratège, l’équilibre de la terreur est instable et la dissuasion de l’adversaire potentiel n’est en rien automatique, la symétrie des arsenaux pouvant coexister avec l’asymétrie morale. (…) Dès lors, le développement et le déploiement par la Russie d’« armes nouvelles », hors du cadre de l’« arms control », ne viserait-il pas à sortir de la parité pour acquérir une position de supériorité nucléaire ? Dans une telle perspective, les armes nucléaires ne seraient plus au seul service de la dissuasion, pour préserver le territoire national et ses approches de toute entreprise guerrière ; elles pourraient être le moyen d’une stratégie d’action et de coercition visant des buts d’acquisition. (…) Il suffit d’ailleurs de se reporter à la présente situation, nombre d’officiels russes n’hésitant pas à menacer l’Europe d’une frappe préventive s’ils n’obtiennent pas une sphère d’influence exclusive dans l’« étranger proche » (l’espace post-soviétique), élargie à toute l’Europe si les États-Unis se retiraient de l’OTAN. (…) Ainsi une « escalade pour la désescalade », c’est-à-dire une frappe nucléaire théoriquement destinée à interdire l’intensification d’une guerre classique (conventionnelle), n’est pas exclue. En d’autres termes, cela signifierait la volonté de vaincre en ayant recours à l’arme nucléaire. Sur ce point, ajoutons que Vladimir Poutine, à la différence du secrétaire général du parti communiste soviétique autrefois, n’est pas limité par un Politburo. À tout le moins, il importe d’envisager le fait que la Russie mette son arsenal au service d’une stratégie de « sanctuarisation agressive » : lancer une offensive armée classique sur les espaces géographiques convoités (l’Ukraine, en tout ou en partie, ainsi que d’autres républiques post-soviétiques refusant un statut d’État croupion, privées de leur souveraineté), les puissances extérieures étant dissuadées de leur porter secours en les menaçant d’une escalade nucléaire. Si l’on considère l’Ukraine, n’est-ce pas déjà le cas ? La lecture attentive des projets de traité que Moscou prétend imposer aux États-Unis laisse penser qu’outre les trois États baltes, seules ex-républiques soviétiques intégrées dans l’OTAN, les anciens satellites d’« Europe de l’Est » — le syntagme d’« Europe médiane », entre Baltique, mer Noire et Adriatique, est aujourd’hui plus approprié — seraient également l’objet de cette grande manœuvre. C’est ici que certaines des « armes nouvelles » russes, notamment le « Zircon », si elles n’apportent rien à la dissuasion russe, trouvent leur place. Qu’elles soient déployées au sol, en mer ou dans les airs, ces armes sont duales : elles peuvent tout aussi bien être dotées de charges conventionnelles que de têtes nucléaires. D’ores et déjà, le « Zircon » et d’autres systèmes d’armes pourraient servir à verrouiller la Baltique et la mer Noire (mise en place d’une « bulle stratégique » sur ces mers et leur pourtour), l’objectif étant d’écarter les alliés occidentaux des pays riverains. Alors, ces derniers seraient à la merci d’une agression militaire russe. Le seul poing levé pourrait convaincre les récalcitrants. (…) Ainsi placée sous la menace d’une première frappe désarmante, avec un temps de réaction de quelques minutes (insuffisant pour disperser les cibles), l’Europe serait prise en otage. Certes, la France et le Royaume-Uni, a fortiori les États-Unis, conserveraient leur capacité de frappe en second, mais ces puissances occidentales, possiblement épargnées par cette première frappe, non nucléaire de surcroît, porteraient alors la responsabilité de l’escalade nucléaire. Gageons qu’il ne manquerait pas dans ces pays de politiques et de publicistes pour poser la question fatidique : « Mourir pour Dantzig ? » et plaider qui le « grand retranchement », qui la cause d’une « grande Europe, de Lisbonne à Vladivostok ». À l’évidence, un tel scénario n’est pas sans rappeler la configuration géostratégique générée par le déploiement par les Soviétiques des missiles SS-20 (1977), une arme jugée alors déstabilisante du fait de sa précision. L’objectif de ces armes de théâtre, ensuite baptisées « forces nucléaires intermédiaires », était de provoquer de prendre en otage l’Europe occidentale et de provoquer un découplage géostratégique entre les deux rives de l’Atlantique Nord. S’ensuivit la « bataille des euromissiles », l’OTAN exigeant le retrait des SS-20 et, à défaut, menaçant de déployer des missiles encore plus précis et véloces (missiles balistiques Pershing-II et missiles de croisière Tomahawk). (…) En 1987, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev signèrent un traité portant sur le retrait de toutes les forces nucléaires intermédiaires, d’une portée de 500 à 5 500 kilomètres. Peu après, l’armée soviétique devrait évacuer l’Afghanistan puis, après la chute du mur de Berlin, la réunification de l’Allemagne et la « révolution de velours », mettre à bas les régimes communistes d’Europe médiane : l’URSS implosait (1991). Mutatis mutandis, la situation actuelle semble mener à une nouvelle bataille des euromissiles, si tant est que les Occidentaux se montrent unis et déterminés à résister aux ambitions de Vladimir Poutine et, il faut en convenir, d’une partie des Russes qui semblent considérer la fin de la précédente guerre froide comme une simple trêve, nécessaire pour reconstituer le potentiel russe de puissance et de nuisance. (…) le discours géopolitique révisionniste du Kremlin et le positionnement de la Russie comme « État perturbateur » est difficilement conciliable avec la vision classique de la dissuasion et du nucléaire comme arme de statu quo. Quitte à se répéter, il nous faut donc envisager le pire et s’y préparer, politiquement, intellectuellement et moralement. Jean-Sylvestre Mongrenier
Alors que l’extrême droite et les néonazis tirent parti des échecs des politiques européennes, comparer le communisme au nazisme est historiquement faux, dangereux et inacceptable. En outre, le fait que le gouvernement estonien décide de se concentrer sur les ‘crimes communistes’ montre clairement son intention d’utiliser la présidence tournante de l’UE à des fins idéologiques. Groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique
En cette période où les valeurs fondamentales de l’UE sont ouvertement remises en question par la montée des mouvements d’extrême droite et des partis néonazis en Europe, cette initiative est très maladroite. L’organisation d’une conférence sur ce thème spécifique, avec ce titre spécifique, envoie un message politique faussé et dangereux […] ranime l’esprit de la Guerre froide, qui a tant fait souffrir l’Europe, contredit les valeurs de l’UE et ne reflète certainement pas les vues du gouvernement et du peuple grecs : le nazisme et le communisme ne devraient jamais être considérés comme similaires. Les horreurs vécues durant la période nazie n’ont qu’une version, terrible, alors que le communisme, au contraire, a donné naissance à des dizaines de tendances idéologiques, dont l’eurocommunisme. Stavros Kontonis (ministre de la Justice du gouvernement de gauche de Syriza)
La conférence qui a lieu le 23 août à Tallinn est dédiée à l’enquête sur l’héritage laissé par les crimes commis par le régime communiste. Il s’agit de l’expérience estonienne, partagée par les autres pays baltes et certains autres États d’Europe de l’Est. Du point de vue estonien, cette période ne s’est terminée qu’il y a 26 ans. Katrin Lunt (ministère estonien de la Justice)
Le groupe GUE/NGL a appelé les ministres de la Justice des États membres, surtout ceux qui appartiennent à des gouvernements progressistes, à boycotter l’événement, comme l’a fait le gouvernement grec. Il souligne que les « horreurs » vécues durant la période nazie n’ont qu’une version, terrible, alors que « le communisme, au contraire, a donné naissance à des dizaines de tendances idéologiques, dont l’eurocommunisme ». Faudrait-il exacerber les divisions de nos sociétés en vilipendant les anciens régimes ? Sur ce point, les États membres qui ont connu le communisme sont divisés. L’an dernier, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie ont publié une critique des nations qui célébraient leur Histoire communiste. En Bulgarie, à l’inverse, un monument a été récemment érigé en l’honneur de Todor Zhivkov, personnalité forte de l’ère communiste, dans sa ville natale de Pravets, et est régulièrement visité par des dirigeants socialistes. Contactée par Euractiv, Katrin Lunt, porte-parole du ministère estonien de la Justice, a rappelé que dans le pays, le régime stalinien avait fait des dizaines de milliers de victimes, même après la fin de la guerre. Les crimes commis par le régime soviétique ont laissé des traces encore visibles dans le pays, a-t-elle assuré. La porte-parole a également indiqué que Tallinn avait déjà organisé une conférence sur le sujet en 2015. Euractiv
En 1989, lors de la chute des « démocraties populaires », l’Europe de l’Est s’est tournée vers la démocratie et l’économie de marché, l’intégration dans l’Otan et l’Union européenne. Le tournant s’accompagna du processus de lustration (transparence sur les responsabilités individuelles sous le régime défunt et sanctions éventuelles, NDLR) qui variait d’un pays à l’autre. (…)  Si la « lustration » a touché des milliers d’individus dans chaque pays concerné, les procès de ceux qui avaient donné ou exécuté des ordres criminels du régime communiste ont été bien plus rares. (…) Cependant, le Nuremberg de l’Est n’a jamais eu lieu, qui aurait condamné non seulement des criminels, mais la nature criminelle des régimes communistes, plus ou moins meurtriers, selon les époques, malgré la résolution n° 1481 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la «Nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires», adoptée en janvier 2006 ; et celle adoptée par le Parlement européen le 2 avril 2009, qui instaure, en tant que Journée européenne du souvenir, la date du 23 août: l’anniversaire de l’infâme pacte Molotov-Ribbentrop ayant partagé l’Europe de l’Est entre deux alliés totalitaires, Hitler et Staline. L’unique proposition d’organiser un tribunal international pour enquêter sur les « crimes du communisme » a été faite à la conférence internationale « Héritage criminel du communisme et du nazisme », à Tallinn, en 2017. Cette initiative du ministre de la Justice estonien de l’époque fut soutenue par les ministères de la Justice de Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Croatie, mais rien n’est concrétisé à ce jour. C’est probablement la réticence fréquente de comparer nazisme et communisme qui bloque de telles initiatives, comme l’a bien démontré la critique acharnée contre le directeur de l’ouvrage Le Livre noir du communisme (Robert Laffont, 1997), Stéphane Courtois, pour son rapprochement du génocide nazi et de la répression stalinienne, et plus largement, contre l’ensemble de l’ouvrage qui met en cause l’idéologie communiste elle-même. Or, pour les peuples qui avaient vécu sous l’occupation soviétique, comme les pays baltes, ou sous la domination soviétique, comme l’ensemble de l’Europe de l’Est, le traumatisme reste extrêmement vif. En témoignent les musées du KGB à Riga, à Vilnius et à Tallinn et dans d’autres capitales ; la création d’Instituts de mémoire nationale dans plusieurs pays dont la Pologne et l’Ukraine, chargés non seulement d’étudier et de rendre accessibles, au public général, les archives des services secrets communistes, mais aussi d’élaborer les narratifs historiques nationaux indépendants ; les procédures de décommunisation, à savoir le démantèlement de l’héritage idéologique de l’État communiste, y compris ses symboles et sa toponymie ; un flot de livres et de films, comme Purge de Sofi Oksanen (Stock, 2008) ou Katyn (2007) et Les Fleurs bleues (2016) de Wajda. Il est d’autant plus regrettable que la Russie postcommuniste ait adopté, au cours des dernières années, une attitude opposée en justifiant et en glorifiant son passé soviétique, y compris la période stalinienne, au nom de sa « fierté retrouvée ».  Galia Ackerman
Si vous écoutez les médias russes, ce que disent les officiels russes, y compris le président Poutine, cela semble tout à fait plausible. Je ne dit pas qu’il y aura une guerre. Mais tous les préparatifs pour la guerre sont là : il y a une concentration de troupes, il y a un discours extrêmement agressif et des ultimatums qui ne peuvent pas être satisfaits car totalement irréalistes. On a l’impression qu’ils ne sont qu’un prétexte pour envahir l’Ukraine. [Et ce] Parce qu’il y a une haine de l’Ukraine depuis plusieurs années. Cette haine a très fortement augmenté à la suite de la révolution ukrainienne : je rappelle qu’à ce jour, on parle non pas de Maïdan, non pas d’une révolution populaire mais d’un coup d’Etat, on parle de nazis au pouvoir, on exige que les accords de Minsk soient réalisés à 100% mais surtout dans l’interprétation de Moscou et il est tout à fait clair que la Russie ne veut pas tolérer que son proche étranger prenne une orientation qui ne lui plaît pas, celle de sortir totalement de la sphère d’influence russe. (…) Ils disent tout le temps que l’Ukraine en soi n’a aucune importance, que c’est un terrain que l’OTAN, les Etats-Unis, l’Union européenne, utilisent pour rapprocher les équipements militaires dirigés contre la Russie, pour l’assaut du pays. C’est totalement faux. 73 experts allemands de la Russie ont publié une lettre dans le journal allemand « Die Zeit », ils disent que tout ce que la Russie dit sur sa sécurité menacée est faux : la Russie a la 3e armée au monde, qu’elle est un pays nucléarisé qui a plus de nucléaire que les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne réunis. Personne ne peut menacer la Russie, mais elle prend une pose de personne offensée et demande à ce que ses exigences soient satisfaites : c’est à dire non pas seulement la démilitarisation de l’Ukraine, mais la démilitarisation de toute l’Europe de l’est. Galia Ackerman
La propagande russe présente la Russie comme un État menacé qui a besoin de toute urgence de « garanties de sécurité » de la part de l’Occident. (…) [Mais] il y a actuellement plus d’ogives nucléaires stockées en Russie que dans l’ensemble des trois États membres de l’OTAN dotés d’armes nucléaires : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Moscou dispose d’un large éventail de vecteurs pour ses milliers d’armes nucléaires : des missiles balistiques intercontinentaux aux bombardiers de longue portée en passant par les sous-marins nucléaires. La Russie possède l’une des trois armées conventionnelles les plus puissantes du monde, ainsi qu’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. La Fédération de Russie est donc l’un des États les plus protégés du monde sur le plan militaire. Le Kremlin utilise des troupes régulières et irrégulières, ainsi que le potentiel de sa menace nucléaire, pour mener diverses guerres et occuper de manière permanente plusieurs territoires dans les anciennes Républiques soviétiques. Non seulement en Europe orientale, mais aussi en Europe occidentale et sur d’autres continents, le Kremlin revendique sans complexe des droits spéciaux pour faire valoir ses intérêts sur le territoire d’États souverains. Contournant les règles, les traités et les organisations internationales, Moscou chasse des ennemis dans le monde entier. Le Kremlin tente de saper les processus électoraux, l’État de droit et la cohésion sociale dans des pays étrangers par des campagnes de propagande, des fake news et des attaques de pirates informatiques, entre autres. Ces agissements sont réalisés en partie en secret, mais dans le but évident d’entraver ou de discréditer la prise de décision démocratique dans les États pluralistes. Il s’agit en particulier de porter atteinte à l’intégrité politique et territoriale des États post-soviétiques en voie de démocratisation. En tant que première puissance économique d’Europe, l’Allemagne observe ces activités d’un œil critique, mais reste largement passive, depuis maintenant trois décennies. (…) En outre, la politique étrangère et la politique économique de Berlin ont contribué à l’affaiblissement politique et économique des pays d’Europe orientale non dotés d’armes nucléaires et au renforcement géo-économique d’une superpuissance nucléaire de plus en plus expansive. En 2008, l’Allemagne a joué un rôle central pour empêcher la Géorgie et l’Ukraine de rejoindre l’OTAN. (…) Pour les relations ukraino-russes déjà fragiles, la mise en service du premier gazoduc Nord Stream en 2011-2012, totalement superflu en termes énergétiques et économiques, a été une catastrophe. Rétrospectivement, cela semble avoir ouvert la voie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie deux ans plus tard. Une grande partie de la capacité existante de transport de gaz entre la Sibérie et l’UE n’a pas été utilisée en 2021. Pourtant, la République fédérale se prépare maintenant à éliminer complètement le dernier levier économique de l’Ukraine sur la Russie avec l’ouverture du gazoduc Nord Stream 2 (…) L’attaque de Poutine contre l’Ukraine en 2014 apparaît comme une conséquence presque logique de la passivité politique allemande des vingt années précédentes vis-à-vis du néo-impérialisme russe. (…) Le Kremlin remet désormais aussi en question la souveraineté politique de pays comme la Suède et la Finlande. Il demande l’interdiction d’une éventuelle adhésion à l’OTAN non seulement pour les pays post-soviétiques mais aussi pour les pays scandinaves. Le Kremlin fait peur à toute l’Europe en lui promettant des réactions « militaro-techniques » au cas où l’OTAN ne répondrait pas « immédiatement », selon Poutine, aux exigences démesurées de la Russie visant à réviser l’ordre de sécurité européen. La Russie brandit la menace d’une escalade militaire si elle n’obtient pas de « garanties de sécurité », c’est-à-dire l’autorisation pour le Kremlin de suspendre le droit international en Europe. (…) Les crimes perpétrés par l’Allemagne nazie sur le territoire de l’actuelle Russie en 1941-1944 ne peuvent justifier l’attitude réservée de l’Allemagne d’aujourd’hui face au revanchisme et au nihilisme juridique international du Kremlin. Lettre ouverte de 73 experts allemands (Die Zeit, 14 janvier 2022)
Nous n’allons pas demander pardon… il n’y a aucune raison de demander pardon. Viktor Tchernomyrdine (ambassadeur de Russie en Ukraine, août 2003)
L’URSS a connu en 1932-1933 une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement, pas une famine et en tout cas pas une famine à « six millions de morts. » Annie Lacroix-Riz
Ils ont fait plus fort que Hitler: parce qu’il y avait réellement des Allemands sur le territoire des Sudètes, tandis que Poutine a dû inventer de toutes pièces sa “minorité russe opprimée” en Géorgie. Stuart Koehl
Le gouvernement russe actuel n’est pas communiste ou stalinien. Ce sont plutôt des gens intéressés par l’argent. Ils inscrivent leurs enfants dans les écoles occidentales, ils vont passer leurs vacances en Occident. Ils ont donc tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec l’Ouest. Mais ils sont aussi très cyniques vis-à-vis de cet Occident qu’ils aiment tant. Ils pensent qu’ils peuvent manipuler à leur guise les Européens. Poutine a proféré à plusieurs reprises des menaces contre la Géorgie en nous disant :«Vous croyez que vos amis occidentaux vont venir se battre dans le Caucase ? » (…) Nous n’avions pas d’autre choix que d’intervenir. Les Russes avaient mobilisé les irréguliers ossètes. Ils avaient massé des troupes en Ossétie du Nord. Ils avaient remplacé les gardes frontières ossètes par leurs propres soldats à l’entrée du tunnel de Roki. Nous avons prévenu les Américains que quelque chose se préparait pour qu’ils disent aux Russes d’arrêter. Et les Russes ont jugé que le mois d’août, en pleine campagne électorale américaine, d’un côté, et pendant les Jeux olympiques, de l’autre, était la meilleure période pour agir. Ils ne nous ont pas laissé le choix. Mikheïl Saakachvili
Ce qui est incompréhensible, c’est l’incapacité des démocraties de réaliser que la Russie, une fois requinquée par ses exportations de pétrole, gaz et autres métaux, une fois débarrassée, avec l’argent américain, d’une partie de ses cimetières de sous-marins nucléaires et de moult missiles qui rouillaient sans entretien, fait ce qu’elle veut et ne fera rien de ce que l’Occident attend. Sur tous les fronts d’aujourd’hui : Afghanistan, Irak, Liban, Hezbollah, Gaza, Hamas, Soudan, Somalie, la Russie se trouve toujours du côté adverse à l’Occident : en fournissant des armes, en s’opposant aux sanctions contre l’Iran pour arrêter son programme nucléaire militaire, bref, en s’opposant à tout ce qui pourrait atténuer ou faire disparaître les menaces «extrémistes» (pour ne pas dire islamistes, pour ne fâcher personne…). Michel Poirier
Grâce à la déclassification des comptes-rendus de réunions provenant aussi bien des archives allemandes qu’américaines et russes, Mark Kramer, chercheur à Harvard, démontre dans un article publié par The Washington Quarterly que le non-élargissement de l’OTAN n’a même pas été un sujet de discussion en 1990. Et pour cause: à cette époque, personne n’imagine encore que l’URSS va s’effondrer avec le pacte de Varsovie. L’enjeu principal est alors de savoir si l’Allemagne, dont la partie ouest faisait déjà partie de l’alliance, resterait ou non au sein de l’OTAN en tant que nation réunifiée, et à quelles conditions. Les Occidentaux s’engagent alors sur trois points. Premièrement: ne déployer en Allemagne de l’Est que des troupes allemandes ne faisant pas partie de l’OTAN tant que le retrait soviétique n’est pas fini. Deuxièmement: des troupes allemandes de l’OTAN pourront être déployées en Allemagne de l’Est après le retrait soviétique, mais aucune force étrangère ni installation nucléaire. Et enfin, troisièmement: ne pas augmenter la présence militaire française, britannique et américaine à Berlin. Après d’âpres négociations, ces conditions ont finalement été acceptées par Gorbatchev et inscrites dans le traité concernant les aspects internationaux de la réunification, signée par toutes les parties en septembre 1990. Nulle part, y compris dans les archives russes, n’est fait mention d’une quelconque promesse formelle de ne pas inclure d’autres pays d’Europe de l’Est dans l’OTAN à l’avenir. Même après 2009, l’accusation a pourtant continué à prospérer. Et ce en dépit des dénégations de Mikhaïl Gorbatchev en personne, pourtant assez bien placé pour savoir ce qui s’est vraiment dit à l’époque. Dans une interview accordée en 2014 à Russia Beyond the Headlines, l’ancien président de l’URSS se montre catégorique: «Le sujet de l’expansion de l’OTAN n’a pas du tout été abordé et n’a pas été abordé au cours de ces années.» Gorbatchev précise que l’URSS voulait surtout «s’assurer que les structures militaires de l’OTAN n’avanceraient pas, et que des forces armées supplémentaires ne seraient pas déployées sur le territoire de l’ex-RDA après la réunification allemande». Et d’ajouter: «Tout ce qui aurait pu être et devait être fait pour consolider cette obligation politique a été fait.» Gorbatchev y affirme bien que l’élargissement de l’OTAN constituerait une trahison de ce qu’était selon lui «l’esprit» des discussions de l’époque, mais réaffirme qu’aucun engagement formel n’avait été pris. Les Russes continuent d’affirmer que les Occidentaux auraient néanmoins offert des garanties informelles. Une théorie qui a l’avantage d’être par nature impossible à vérifier. La pertinence de l’expansion de l’OTAN continue cependant de faire débat, y compris au sein des experts occidentaux. Comme le notait le chercheur Olivier Schmitt en 2018, la question a repris de l’importance à partir de 1993 sous l’impulsion du président américain Bill Clinton, alors même qu’une bonne partie de l’administration américaine y était défavorable par crainte des perceptions russes. Mais pour rassurer la Russie, l’OTAN avait justement fait le choix en 1993 de l’intégrer dans son Partenariat pour la paix. Le but: «bâtir un partenariat avec la Russie, en instaurant un dialogue et une coopération pratique dans des domaines d’intérêt commun». Cette coopération n’a été suspendue qu’en 2014, quand la Russie a décidé d’annexer la Crimée. Ce que les supporters de Vladimir Poutine prennent bien soin de ne pas préciser, c’est qu’au moment de l’invasion de la Crimée, c’est bien la Russie qui bafouait une promesse, réelle celle-là. Signé par la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Chine en 1994, le mémorandum de Budapest garantissait à l’Ukraine le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, en échange de son adhésion au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de l’abandon des stocks d’armes nucléaires héritées de l’URSS. Surtout, outre leur passé douloureux avec l’URSS, c’est la politique agressive de la Russie vis-à-vis des anciennes républiques soviétiques, et leur volonté de s’arrimer à un espace démocratique, qui ont en partie poussé celles-ci dans les bras de l’OTAN. Ainsi, alors qu’une majorité d’Ukrainiens s’opposaient à une adhésion à l’alliance transatlantique avant 2014, l’opinion publique a totalement basculé dans le sens inverse depuis le début de la guerre: 58% des Ukrainiens souhaitent désormais rejoindre l’alliance. Le mythe de la Russie assiégée a tout d’une prophétie autoréalisatrice. Slate
La question de savoir s’il y a eu une promesse de la part de responsables politiques occidentaux de ne pas élargir l’Otan vers l’Est post-chute du mur, notamment dans le contexte de l’unification des deux Allemagne, continue d’être débattue. Certains assurent qu’une telle promesse avait été donnée, mais le sens exact des propos tenus à l’époque ne semble pas faire consensus. Certains pensent que [les occidentaux] se référaient uniquement à la partie “Est” de l’Allemagne, donc au-delà de l’Elbe, d’autres le comprennent comme ayant trait également aux pays à l’Est de la ligne «Oder-Neisse», la frontière avec la Pologne entérinée par les accords 2+4. Mais il faut souligner qu’au moment de ces négociations, un élargissement de l’Otan pour inclure des pays anciennement du Pacte de Varsovie ne figurait nullement à l’agenda, et qu’il s’agissait du règlement du statut de l’Allemagne unifié, ses frontières, et de la question des troupes et d’armes de l’Otan dont l’Allemagne fédérale était déjà membre. En revanche, il semble avéré qu’aucun engagement formel de la part ni de l’Otan, ni des Etats-Unis, ni du Royaume-Uni, ni de la France n’ait été formulé. Johanna Möhring (Université de Bonn)
Il n’y a pas eu de traité formel garantissant à l’URSS que l’OTAN ne s’élargira pas. Il y a eu des discussions en février 1990 entre le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, James Baker et Mikhaïl Gorbatchev, notamment à propos du statut de l’Allemagne réunifiée et de l’inclusion de la RDA au sein de l’Otan. L’expression «pas d’un pouce» fait référence à une déclaration du secrétaire d’Etat James Baker à Mikhaïl Gorbatchev, lors de ces échanges. Effectivement, la question d’un élargissement plus à l’Est de l’Otan n’est alors pas envisagée tout simplement parce que cela est inconcevable dans le contexte de l’époque. L’URSS existe encore, les pays d’Europe de l’Est font toujours partie des structures de coercition soviétiques (Pacte de Varsovie et Conseil d’assistance économique mutuelle [CAEM], ndlr). Le Pacte ne sera officiellement dissous qu’en juillet 1991. Il est donc inconcevable d’évoquer alors un élargissement de l’Otan aux pays d’Europe centrale et orientale. Il est difficile de parler de trahison car il va y avoir en peu de temps un enchaînement d’événements imprévisibles qui fera entrer l’Europe dans une nouvelle configuration de sécurité. Amélie Zima (chercheuse en relations internationales)
Ce que [Poutine] craint énormément aussi, et ça, il ne le dit absolument pas, c’est qu’il craint la progression démocratique. Quand vous vous promenez à Kiev et que vous voyez toute cette proximité, culturelle, architecturale avec la Russie, vous comprenez que là un pouvoir autoritaire russe se sent menacé parce que si ça se passe à Kiev, pourquoi est-ce que ça ne se passerait pas à Moscou ? Sylvie Kauffmann
Le fait que l’OTAN exerce une grande influence sur l’Ukraine et la Géorgie ne nous indispose pas. (…) Cela dit, si d’autres républiques de l’ex-URSS adhèrent à l’OTAN, nous respecterons leur choix. C’est leur droit souverain en matière de défense. Vladimir Poutine (2005)
Ce qui suscite chez nous une préoccupation et une inquiétude particulières, de ces menaces fondamentales pour la sécurité de notre pays que des hommes politiques irresponsables à l’Occident créent pas à pas, sans détours et brutalement, depuis des années. Je fais allusion à l’élargissement de l’OTAN vers l’est, au rapprochement de son infrastructure militaire vers les frontières russes. (…) Ce que j’évoque ne concerne pas uniquement la Russie, et nous ne sommes pas seuls à nous inquiéter. Cela concerne tout le système des relations internationales, et parfois même les propres alliés des Etats-Unis. (…) D’abord, sans aucune autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU, une opération militaire sanglante a été menée contre Belgrade. On a utilisé l’aviation, des missiles au centre même de l’Europe. Plusieurs semaines de bombardements incessants sur des villes pacifiques, sur des infrastructures vitales. (…) Après, cela a été le tour de l’Irak, de la Lybie, de la Syrie. (…) La promesse faite à notre pays de ne pas élargir d’un pouce l’Otan vers l’est en fait partie. Je le répète: on nous a trompés (…) dans les années 1990 et au début des années 2000, quand ce qu’on appelle l’Occident a soutenu de la manière la plus active le séparatisme et des bandes de mercenaires dans le sud de la Russie. Quelles pertes, combien de victimes cela nous a coûté avant de briser définitivement le terrorisme international dans le Caucase. (…) Du reste, jusqu’à encore récemment on n’a cessé de tenter de nous utiliser à profit, de détruire nos valeurs traditionnelles et de nous imposer des prétendues valeurs qui auraient détruit notre peuple de l’intérieur, les principes qu’ils imposent déjà de manière agressive dans leurs propres pays et qui mènent directement à la dégradation et à la dégénérescence puisqu’elles vont à l’encontre de la nature humaine elle-même. (…) Pour ce qui concerne le domaine militaire, la Russie, même après l’effondrement de l’URSS et la perte d’une part significative de son potentiel, est aujourd’hui une des plus grandes puissances nucléaires au monde, et dispose en outre d’avantages certains dans une série de nouveaux types d’armements. En ce sens, personne ne doit avoir de doutes sur le fait qu’une attaque directe contre notre pays mènera à la destruction et à d’épouvantables conséquences pour tout agresseur potentiel. (…) Le problème est que, sur des territoires voisins des nôtres – je souligne qu’il s’agit de nos propres territoires historiques – se crée une « anti-Russie » qui nous est hostile et qui est placée entièrement sous contrôle extérieur, où les forces armées de pays de l’Otan prennent leurs aises et où sont introduits les armements les plus modernes. (…) sur la situation dans le Donbass. Nous voyons que les forces qui ont effectué en 2014 un coup d’Etat en Ukraine se sont emparées du pouvoir et le conservent grâce à ce qui est en fait des procédures électorales décoratives, ont définitivement renoncé à un règlement pacifique du conflit. Durant huit ans, d’interminables huit années (…) on ne peut pas regarder sans compassion ce qui se passe là-bas. Il n’était simplement plus possible de rester sans rien faire. Il fallait mettre fin sans délai à ce cauchemar – un génocide à l’égard des millions de personnes qui vivent là-bas et qui ne fondent leurs espoirs que sur la Russie. (…) Les principaux pays de l’Otan, pour parvenir à leurs fins, soutiennent en Ukraine les ultra-nationalistes et des néonazis, qui à leur tour ne pardonneront jamais le choix libre des habitants de la Crimée et de Sebastopol, la réunification avec la Russie. Ils vont bien entendu s’attaquer à la Crimée, comme au Donbass, pour tuer, comme les bandes de nationalistes ukrainiens, complices d’Hitler au moment de la Seconde guerre mondiale, tuaient des gens sans défense. Et ils déclarent ouvertement qu’ils ont des vues sur toute une série d’autres territoires russes. (…) Maintenant ils ambitionnent même d’acquérir l’arme nucléaire. (…) Les républiques populaires du Donbass ont demandé l’aide de la Russie. Par conséquent, conformément à l’article 51 alinea 7 de la Charte de l’ONU, avec l’accord du Conseil de sécurité russe et dans le cadre des accords d’Amitié et d’assistance mutuelle avec la République populaire de Donetsk et la la République populaire de Lougansk, ratifiés le 22 février par le Conseil de la Fédération, j’ai pris la décision d’une opération armée spéciale. Son objectif – défendre les gens qui depuis huit ans sont soumis à des brimades et à un génocide de la part du régime de Kiev. Dans ce but nous allons nous efforcer de parvenir à la démilitarisation et à la dénazification de l’Ukraine, ainsi que de traduire devant la justice ceux qui ont commis de nombreux crimes sanglants contre des civils, y compris contre des citoyens de la Fédération de Russie. (…) Les résultats de la Seconde guerre mondiale, tout comme les pertes apportées par notre peuple sur l’autel de la victoire sur le nazisme, sont sacrés. Mais cela ne contredit pas les hautes valeurs des droits et libertés de l’homme, si l’on part des réalités qui se sont établies depuis la fin de la guerre. Cela n’annule pas davantage le droit des nations à l’autodétermination, inscrit à l’article 1 de la Charte de l’ONU. (…) Au fondement de notre politique, la liberté, la liberté de choix pour chacun de déterminer librement son avenir et l’avenir de ses enfants. Et nous jugeons important que ce droit – le droit à choisir – puisse être exercé par tous les peuples qui vivent sur le territoire de l’actuelle Ukraine, tous ceux qui le voudront. En ce sens je m’adresse aux citoyens ukrainiens. En 2014 la Russie a été dans l’obligation de défendre les habitants de la Crimée et de Sebastopol face à ceux que vous appelez vous-mêmes les « naziki ». Les habitants de la Crimée et de Sebastopol ont fait leur choix – être avec leur patrie historique, avec la Russie, et nous les avons soutenus. Je le répète, nous ne pouvions nous comporter autrement. (…) Je le répète, nos actes sont une autodéfense contre des menaces créées contre nous et contre des malheurs encore plus grands que ceux qui surviennent aujourd’hui. (…) Maintenant quelques mots importants, très importants pour ceux qui peuvent avoir la tentation de s’immiscer depuis l’extérieur dans les événements en cours. Quiconque tentera de nous gêner, a fortiori de créer une menace pour notre pays pour notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et infligera des conséquences telles que vous n’en avez jamais connu dans votre histoire. Nous sommes prêts à tout développement de la situation. Toutes les décisions en ce sens ont déjà été prises. J’espère que je serai entendu. Vladimir Poutine (24.02.2022)
La question de l’élargissement de l’OTAN n’a dans l’ensemble pas été discutée et ne se posait pas au cours de ces années-là. Je dis cela en toute responsabilité. Aucun pays d’Europe de l’Est n’a soulevé cette question, y compris après la dissolution du pacte de Varsovie en 1991. Elle n’a pas non plus été soulevée par les dirigeants occidentaux. Une autre question a en revanche été abordée : le fait qu’après la réunification de l’Allemagne, aucune extension des structures militaires de l’OTAN ni aucun déploiement de forces militaires supplémentaires de l’alliance ne devait avoir lieu sur le territoire de l’ancienne RDA. C’est dans ce contexte que M. Baker a prononcé les paroles mentionnées dans votre question. Des déclarations similaires ont été faites par M. Kohl et M. Genscher. Tout ce qui pouvait et devait être fait pour consolider ce règlement politique a été fait. Et respecté. Mikhaïl Gorbatchev (04.11.2014)
Chrobog said we needed new ideas on how to provide for the Security of Central and East European Countries. We had made it clear during the 2+4 negotiations that we would not extend Nato beyond the Elbe (sic). We could not therefor offer membership of Nato to Poland and the others. British memo (March 6, 1991)
The term NATO eastward expansion is a term of a later epoch. Vladislav Petrovich Terekhov (first Soviet and later Russian ambassador in Bonn from 1990 to 1997)
Gorbachev never spoke to me about the eastward expansion of NATO. Dimitri Yasov  (Former Marshal of the Soviet Union)
This is a “myth. There couldn’t be such an agreement, it was only about the territory of the GDR. There was no trickery. Everything else is inventions, with which one wants to pin something on us, the Germans or anyone else. Gorbachev
There was never a discussion about NATO expansion in the general sense. During the two-plus-four negotiations, NATO was only discussed in connection with the GDR. James Baker (US Secretary of State)
A la chute du mur de Berlin fin 1989, on s’interroge sur le statut de la future Allemagne réunifiée. Doit-elle être neutre ou intégrer l’Otan ? A l’époque, c’était logique. L’URSS et ses alliances ne s’effondreraient qu’à partir de 1991. L’idée d’élargir l’Otan à l’Europe centrale et orientale était hors de propos, on parlait uniquement de la RDA. Jean-Sylvestre Mongrenier 
Vladimir Poutine a admis lui-même qu’il n’y avait pas eu d’engagement contraignant. Il l’utilise plutôt comme un argument moral. David Teurtrie 
Cette assurance faite par Baker à Gorbatchev de ne pas s’étendre à l’Est a été faite dans le cadre d’une discussion sur l’Allemagne et la RDA et seulement dans ce cadre-là. Le texte final, le Traité de Moscou signé le 12 septembre 1990, mentionne effectivement “l’interdiction du déploiement de forces armées autres que les forces allemandes sur le territoire de l’ex-RDA”. Cette promesse ne pouvait pas concerner les pays de l’Est, puisqu’ils auraient pu difficilement prévoir à l’époque la chute de l’URSS et l’éparpillement des pays du Bloc soviétique. (…) Enfin, et c’est surtout là que le bât blesse pour la Russie: cette promesse de ne pas “avancer d’un pouce vers l’Est”, ne figure sur aucun texte officiel. Elle est seulement visible sur des “mémorandums”, c’est-à-dire des comptes rendus de discussions entre les Soviétiques et leurs principaux interlocuteurs occidentaux. Huffington post
Rien n’avait été couché sur le papier. Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée. Gorbatchev a seulement discuté avec eux et a considéré que cette parole était suffisante. Mais les choses ne se passent pas comme cela! Vladimir Poutine
Dans le discours qu’il a prononcé devant le Parlement russe, le 18 avril 2014, et dans lequel il justifiait l’annexion de la Crimée, le président Poutine a insisté sur l’humiliation subie par la Russie du fait des nombreuses promesses non tenues par l’Ouest, et notamment la prétendue promesse de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée. Poutine touchait là, chez ses auditeurs, une corde sensible. Pendant plus de 20 ans, le récit de la prétendue « promesse non tenue » de ne pas élargir l’OTAN vers l’est a fait partie intégrante de l’identité post-soviétique. Il n’est guère surprenant, par conséquent, que ce récit ait refait surface dans le contexte de la crise ukrainienne. S’appesantir sur le passé demeure le moyen le plus commode pour nous distraire du présent. (…) Au cours des dernières années, d’innombrables documents et autres matériaux d’archives ont été rendus publics, permettant aux historiens d’aller au-delà des interviews ou des autobiographies des dirigeants politiques qui étaient au pouvoir lors des évènements décisifs qui se sont produits entre la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, et l’acceptation par les soviétiques, en juillet 1990, d’une appartenance à l’OTAN de l’Allemagne réunifiée. Pourtant, même ces nouvelles sources ne modifient pas la conclusion fondamentale: il n’y a jamais eu, de la part de l’Ouest, d’engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée. (…) Le mythe de la « promesse non tenue » tire ses origines de la situation politique sans précédent dans laquelle se sont trouvés en 1990 les acteurs politiques clés, et qui a façonné leurs idées sur le futur ordre européen. Les politiques de réforme entreprises par l’ancien dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, avaient depuis longtemps échappé à tout contrôle, les États baltes réclamaient leur indépendance, et des signes de bouleversements commençaient à apparaître dans les pays d’Europe centrale et orientale. Le mur de Berlin était tombé; l’Allemagne avait entamé son chemin vers la réunification. Toutefois, l’Union soviétique existait encore, tout comme le Pacte de Varsovie, dont les pays membres d’Europe centrale et orientale n’évoquaient pas une adhésion à l’OTAN, mais plutôt la « dissolution des deux blocs ». Ainsi, le débat autour de l’élargissement de l’OTAN s’est déroulé exclusivement dans le contexte de la réunification allemande. Au cours de ces négociations, Bonn et Washington ont réussi à assouplir les réserves soviétiques quant au maintien dans l’OTAN d’une Allemagne réunifiée. Une aide financière généreuse et la conclusion du Traité « 2+4 » excluant le stationnement de forces OTAN étrangères sur le territoire de l’ex-Allemagne de l’Est ont contribué à ce résultat. Cette réussite a toutefois été, aussi, le résultat d’innombrables conversations personnelles au cours desquelles Gorbatchev et d’autres dirigeants soviétiques ont été assurés que l’Ouest ne profiterait pas de la faiblesse de l’Union soviétique et de sa volonté de retirer ses forces armées d’Europe centrale et orientale. Ce sont peut-être ces conversations qui ont pu donner à certains politiciens soviétiques l’impression que l’élargissement de l’OTAN, dont le premier acte fut l’admission de la République tchèque, la Hongrie et la Pologne en 1999, avait constitué un manquement à ces engagements occidentaux. Certaines déclarations d’hommes politiques occidentaux – et en particulier du ministre allemand des Affaires étrangères, Hans Dietrich Genscher, et de son homologue américain, James A. Baker – peuvent en fait être interprétées comme un rejet général de tout élargissement de l’OTAN au-delà de l’Allemagne de l’Est. Toutefois, ces déclarations ont été faites dans le contexte des négociations sur la réunification allemande, et leurs interlocuteurs soviétiques n’ont jamais exprimé clairement leurs préoccupations. Au cours des négociations décisives à « 2+4 », qui ont finalement conduit Gorbatchev à accepter, en juillet 1990, que l’Allemagne réunifiée demeure au sein de l’OTAN, la question n’a jamais été soulevée. L’ancien ministre soviétique des affaires étrangères, Édouard Chevardnadze, devait déclarer plus tard que les protagonistes de cette époque ne pouvaient même pas imaginer une dissolution de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie et l’admission au sein de l’OTAN des anciens membres de ce Pacte. Mais, même si l’on devait supposer que Genscher et d’autres auraient en effet cherché à prévenir un futur élargissement de l’OTAN afin de respecter les intérêts de sécurité de l’URSS, ils n’auraient jamais pu le faire. La dissolution du Pacte de Varsovie et la fin de l’Union soviétique, en 1991, ont ensuite créé une situation complètement nouvelle, puisque les pays d’Europe centrale et orientale se trouvaient finalement en mesure d’affirmer leur souveraineté et de définir leurs propres objectifs de politique étrangère et de sécurité. Ces objectifs étant centrés sur l’intégration à l’Ouest, tout refus catégorique de l’OTAN aurait signifié une continuation de facto de la division de l’Europe suivant les lignes établies précédemment au cours de la guerre froide. Le droit de choisir sa propre alliance, garanti par la Charte d’Helsinki de 1975, en aurait été nié – une approche que l’Ouest n’aurait jamais pu soutenir, ni politiquement, ni moralement. (…) Lorsque le débat sur l’élargissement de l’OTAN a débuté sérieusement, vers 1993, sous la pression croissante des pays d’Europe centrale et orientale, il s’est accompagné de sérieuses controverses. Dans les milieux universitaires, en particulier, certains observateurs ont exprimé leur opposition à l’admission de nouveaux membres au sein de l’OTAN, car elle aurait inévitablement pour effet de contrarier la Russie et pourrait compromettre les résultats positifs ayant suivi la fin de la guerre froide. En fait, dès le début du processus d’élargissement de l’OTAN entamé après la fin de la guerre froide, le souci premier des occidentaux a été de trouver les moyens de concilier ce processus et les intérêts de la Russie. C’est pourquoi l’OTAN a rapidement cherché à créer un contexte de coopération propice à l’élargissement et à développer, dans le même temps, des relations spéciales avec la Russie. En 1994, le programme de « Partenariat pour la paix » a instauré une coopération militaire avec pratiquement tous les pays de la zone euro-atlantique. En 1997, l’Acte fondateur OTAN-Russie créait le Conseil conjoint permanent, un cadre spécialement consacré à la consultation et à la coopération. L’année 2002, au cours de laquelle les Alliés ont préparé la nouvelle grande phase d’élargissement, a été aussi celle de la création du Conseil OTAN-Russie, donnant à cette relation une focalisation et une structure renforcées. Ces diverses mesures s’inscrivaient dans le cadre d’autres efforts déployés par la communauté internationale pour attribuer à la Russie la place qui lui revient, en l’admettant au sein du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, du G7 et de l’Organisation mondiale du commerce. La nécessité d’éviter de contrarier la Russie a également été évidente dans la manière dont l’élargissement de l’OTAN est intervenu dans le domaine militaire. En 1996, les Alliés déclaraient que, dans les circonstances actuelles, ils n’avaient « aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres ». Cette déclaration a été intégrée, en 1997, à l’Acte fondateur OTAN-Russie, ainsi que des références du même ordre à d’importantes forces de combat et à l’infrastructure. Cette approche militaire « douce » du processus d’élargissement devait envoyer à la Russie le signal suivant: le but de l’élargissement de l’OTAN n’est pas « l’encerclement » militaire de la Russie, mais l’intégration de l’Europe centrale et orientale dans un espace atlantique de sécurité. (…) L’intervention militaire de l’OTAN dans la crise du Kosovo a été interprétée comme un coup de force géopolitique mené par un camp occidental déterminé à marginaliser la Russie et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’approche de l’OTAN en matière de défense antimissile, bien que dirigée contre des pays tiers, a été interprétée par la Russie comme une tentative de compromettre sa capacité de seconde frappe nucléaire. Pire encore, la « Révolution orange » en Ukraine et la « Révolution des roses » en Géorgie ont porté au pouvoir des élites qui envisageaient l’avenir de leurs pays respectifs au sein de l’UE et de l’OTAN. Dans un tel contexte, les arguments des occidentaux quant au caractère bienveillant de l’élargissement de l’OTAN n’ont jamais eu – et n’auront probablement jamais – un très grand poids. Demander à la Russie de reconnaître le caractère inoffensif de l’élargissement de l’OTAN néglige un point tout à fait essentiel: l’élargissement de l’OTAN – tout comme celui de l’Union européenne – est conçu comme un projet d’unification du continent. Il ne comporte par conséquent pas de « point final » susceptible d’une définition convaincante, que le point de vue adopté soit intellectuel ou moral. Autrement dit, et précisément parce que les processus respectifs d’élargissement des deux organisations ne sont pas conçus comme des projets antirusses, ils n’ont pas de limites et – paradoxalement – sont inévitablement perçus par la Russie comme un assaut permanent contre son statut et son influence. Tant que la Russie se dérobera à un débat honnête sur les raisons pour lesquelles un si grand nombre de ses voisins cherchent à se rapprocher de l’Ouest, cela ne changera pas – et la relation OTAN-Russie demeurera hantée par les mythes du passé au lieu de se tourner vers l’avenir. Michael Rühle
Qu’est-ce qui menace l’existence de la Russie elle-même aujourd’hui ? (…) Tous les domaines vitaux, y compris la démographie, ne cessent de se détériorer, et le taux d’extinction de la population bat des records mondiaux. Et la dégradation est systémique, et dans tout système complexe, la destruction d’un des éléments peut conduire à l’effondrement de tout le système. Et cela, à notre avis, est la principale menace pour la Fédération de Russie. Mais il s’agit d’une menace de nature interne, fondée sur le modèle de l’État, la qualité du pouvoir et l’état de la société. Et les raisons de sa formation sont internes : l’inviabilité du modèle étatique, l’incapacité totale et le manque de professionnalisme du système de pouvoir et de gestion, la passivité et la désorganisation de la société. Aucun pays ne vit dans cet état pendant longtemps. Quant aux menaces extérieures, elles sont bien présentes. Mais, selon notre évaluation d’expert, elles ne sont pas pour le moment critiques, menaçant directement l’existence de l’État russe, ses intérêts vitaux. En général, la stabilité stratégique persiste, les armes nucléaires sont sous contrôle fiable, les groupes de forces de l’OTAN n’augmentent pas, il n’y a pas d’activité menaçante. Par conséquent, la situation qui s’est aggravée autour de l’Ukraine est, avant tout, de nature artificielle et égoïste pour certaines forces internes, dont la Fédération de Russie. À la suite de l’effondrement de l’URSS, dans lequel la Russie (Eltsine) a joué un rôle décisif, l’Ukraine est devenue un État indépendant, membre de l’ONU et, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies, a le droit à la liberté individuelle et à la défense collective. (…) Naturellement, pour que l’Ukraine reste une voisine amie de la Russie, il fallait qu’elle démontre l’attractivité du modèle russe d’Etat et de système de pouvoir. Mais la Fédération de Russie en est très loin, son modèle de développement et son mécanisme de politique étrangère de coopération internationale repoussent presque tous ses voisins, et pas seulement eux. L’acquisition de la Crimée et de Sébastopol par la Russie et leur non-reconnaissance par la communauté internationale (et, par conséquent, la grande majorité des pays du monde les considèrent toujours comme appartenant à l’Ukraine) montre de manière convaincante l’échec de la politique étrangère russe et le manque d’attrait de la politique intérieure. Les tentatives par le biais d’un ultimatum et de menaces de recours à la force pour « aimer » la Fédération de Russie et ses dirigeants sont dénuées de sens et extrêmement dangereuses. L’utilisation de la force militaire contre l’Ukraine, premièrement, remettra en question l’existence même de la Russie en tant qu’État ; deuxièmement, cela fera à jamais des Russes et des Ukrainiens des ennemis mortels. Troisièmement, il y aura d’une part des milliers (des dizaines de milliers) d’enfants jeunes et en bonne santé morts, ce qui aura certainement une incidence sur la situation démographique future de nos pays en voie de disparition. (…) Le président de la République de Turquie, Recep Erdogan, a clairement indiqué de quel côté la Turquie combattra. Et on peut supposer que deux armées de campagne et la flotte turque recevront l’ordre de « libérer » la Crimée et Sébastopol et éventuellement d’envahir le Caucase. De plus, la Russie sera définitivement classée parmi les pays menaçant la paix et la sécurité internationale, soumise aux sanctions les plus sévères, se transformera en paria de la communauté mondiale, et risquera d’être privée du statut d’État indépendant. (…) La question se pose : quels sont les véritables objectifs de provoquer ainsi des tensions qui nous précipitent au bord de la guerre, et le possible déclenchement d’hostilités généralisées ? (…) A notre avis, la direction du pays, se rendant compte qu’elle n’est pas en mesure de sortir le pays d’une crise systémique, et cela peut conduire à un soulèvement du peuple et à un changement de pouvoir dans le pays, avec le soutien de l’oligarchie, les fonctionnaires corrompus, nourris des médias et des forces de sécurité, ont décidé d’intensifier la ligne politique pour la destruction définitive de l’État russe et l’extermination de la population indigène du pays. Et la guerre est le moyen qui résoudra ce problème afin de conserver un temps son pouvoir anti-national et de préserver les richesses pillées au peuple. Nous ne pouvons supposer aucune autre explication. Au président de la Fédération de Russie, nous sommes des officiers russes, nous exigeons l’abandon de l’actuelle politique criminelle et va-t-en-guerre, dans laquelle la Fédération de Russie sera seule contre les forces combinées de l’Occident, pour créer les conditions de la mise en œuvre de l’art. 3 des Constitutions de la Fédération de Russie et démissionner. Colonel-général Leonid Grigorievich Ivashov (président de « l’Assemblée panrusse des officiers »)
La Russie ainsi que la Chine et d’autres puissances œuvrant à la transformation du système mondial (…) disposent d’une fenêtre d’opportunité pour accélérer l’expulsion des États-Unis du trône mondial en augmentant la pression sur eux. Car si l’affaiblissement de l’Occident est en cours depuis un certain temps, les phénomènes de crise actuels indiquent que le processus est passé à un niveau qualitativement nouveau, et il serait donc insensé de ne pas saisir cette chance. D’autant plus que, pour notre part, nous avons achevé de nous donner nos propres mécanismes et outils stratégiques — alternatifs  ceux de l’Occident — nécessaires au bon fonctionnement de l’économie nationale et des relations avec les autres pays, qu’il s’agisse de la production de biens, des règlements monétaires, de la diffusion d’informations, etc… (…) Il ne s’agit pas de propositions de discussion, mais bien d’un ultimatum — d’une demande de reddition inconditionnelle. L’Occident n’a pas d’autre choix que de perdre la face — à moins de tenir fièrement bon et d’entrer en guerre avec la Russie. À en juger par la façon dont les Occidentaux ont commencé à s’agiter de l’autre côté, ils en sont bien conscients. (…)En brandissant la menace d’une guerre, Moscou souligne que la Russie est prête — moralement, techniquement et dans tous les autres sens du terme — à toute évolution des événements. Et la réputation qu’elle a acquise au cours des années précédentes confirme que les Russes seront effectivement prêts à recourir à la force s’ils l’estiment nécessaire. Il convient de rappeler les propos de Vladimir Poutine, qui a déclaré sans ambages cet été que si la Russie coulait le destroyer britannique responsable d’une provocation au large des côtes de Crimée, il n’y aurait pas de conséquences majeures : le tollé de la presse mondiale ne doit pas être compté comme tel.[…] Non, cette fois-ci, l’Occident va payer de sa personne. (…) De hauts responsables américains ont effectué de fréquentes visites à Moscou. La venue en novembre du directeur de la CIA, William Burns, était à l’époque la quatrième visite d’un haut responsable de l’administration de la Maison Blanche depuis la réunion de Genève. Il n’est pas difficile de deviner que le but de la visite personnelle du directeur de la CIA n’était pas du tout de présenter des demandes à propos de l’Ukraine, comme les médias occidentaux ont essayé de le présenter, mais de tenter de trouver un compromis. Face à la chute de l’autorité internationale due au retrait infructueux d’Afghanistan, la Maison Blanche souhaitait vivement trouver un accord avec le Kremlin. Irina Alksnis (RIA Novosti)
Pour amener les États-Unis et l’OTAN à la table des négociations, une sorte de super arme est nécessaire. Pour le moment, la Russie ne montre pas ce potentiel à ses adversaires. Mais il existe. La Russie a la capacité d’utiliser des munitions super puissantes d’une capacité allant jusqu’à 100 mégatonnes. […] Nous devons répéter que nous ne sommes pas intéressés par un monde sans la Russie, comme Poutine l’a dit un jour, et démontrer notre détermination à frapper si l’OTAN s’élargit. Après cela, je peux vous assurer qu’ils [les Occidentaux] auront peur. Rien d’autre ne peut les arrêter. […] Il est naïf de compter sur des procédés diplomatiques. […] La démarche de la Russie est un signal indiquant que des mesures déjà radicales vont être prises. Vous avez refusé, alors tant pis… (…) Nous ne pouvons résoudre le problème de la neutralisation de l’Europe et des États-Unis qu’en les éliminant physiquement avec notre potentiel nucléaire. […] Les USA et l’Europe disparaîtront physiquement. Il n’y aura presque pas de survivants. Mais nous aussi, nous serons détruits. A moins que le sort de la Russie ne soit meilleur, car nous avons un grand territoire. Nos adversaires ne pourront pas tout détruire avec des frappes nucléaires. Par conséquent, le pourcentage de la population survivante sera plus élevé. Cependant la Russie en tant qu’État peut disparaître après une guerre nucléaire à grande échelle. Elle risque de se fragmenter. Konstantin Sivkov (expert militaire)
En plus de l’espace post-soviétique, l’initiative de Moscou englobe un large éventail de pays situés entre l’Europe occidentale et la Russie. Mais ce sont principalement la Pologne et les États baltes qui sont visés car des forces supplémentaires de l’Alliance de l’Atlantique Nord y ont été déployées comme il a été décidé lors du sommet de l’OTAN de Varsovie en 2016. La Russie a maintenant on ne peut plus nettement tracé ses lignes rouges, non seulement le refus d’étendre l’OTAN à l’Est, mais aussi, comme indiqué dans le projet d’accord avec l’alliance, le refus « de mener toute activité militaire sur le territoire de l’Ukraine, ainsi que d’autres États d’Europe de l’Est, de Transcaucasie et d’Asie centrale. Il est clair que les États-Unis ne rapatrieront leurs armes nucléaires que lorsque le projet anglo-saxon de domination mondiale s’effondrera enfin, mais il est bon de préparer le terrain… Si l’Occident ne veut pas remarquer nos lignes rouges (plus précisément, s’il fait semblant de ne pas vouloir les remarquer), alors c’est avant tout son problème, pas le nôtre. Piotr Akopov
L’initiative russe pourrait aider les Américains à quitter tranquillement l’Europe centrale et orientale. (…) Bien sûr, la Pologne et les pays baltes seront mécontents. Mais ils seront probablement les seuls à s’opposer au retrait américain d’Europe centrale et orientale. Après tout, le reste des « Jeunes Européens » est guidé par la position du « noyau » de l’Union européenne, et ils n’ont pas de complexes anti-russes stables. (…) Au cours de la prochaine année et demie, la Russie modifiera considérablement l’équilibre du pouvoir planétaire. (…) La situation historique actuelle de la Russie est unique. L’État s’est préparé aux défis majeurs qui peuvent survenir sous une pression critique. D’énormes réserves ont été accumulées, y compris en or. Des plans nationaux d’infrastructure financière et d’information ont été créés et lancés. La numérisation a commencé à englober l’ensemble de l’économie, l’amenant à un nouveau niveau de compétitivité. L’expansion de notre propre base industrielle, y compris dans des domaines high-tech très sensibles, se fait à pas de géant, le « fossé technologique » se comble. Nous sommes sortis de la dépendance critique dans le domaine de la sécurité alimentaire. (…) L’armée est depuis cinq ans la première de la planète. Dans ce domaine, le « fossé technologique » est en notre faveur et ne fait que s’élargir… De plus, l’explosion de l’inflation planétaire entraîne une crise énergétique, ce qui rend les Européens, pour la plupart, beaucoup plus accommodants et exclut un blocus de nos approvisionnements énergétiques, QUOI QUE NOUS FASSIONS. […] » Si la Russie et la Chine coordonnent leurs actions à l’encontre de l’Ukraine et de Taïwan respectivement, « tout deviendra beaucoup plus simple pour nous. Et pour la Chine aussi, de laquelle nous détournerons l’attention, ce qui nous libérera encore davantage les mains…» Bref, la Russie a restauré son poids dans l’arène internationale au point qu’elle est capable de dicter ses propres conditions dans l’élaboration de la sécurité internationale.  Quant à  l’empire décrépit des Stars and Stripes, affaibli par les LGBT, BLM, etc., il est clair qu’il ne survivra pas à une guerre sur deux fronts. Russtrat
Le monde d’avant et le monde d’après le 17 décembre 2021 sont des mondes complètement différents… Si jusqu’à présent les États-Unis tenaient le monde entier sous la menace des armes, ils se retrouvent désormais eux-mêmes sous la menace des forces militaires russes… Une nouvelle ère s’ouvre, de nouveaux héros arrivent, et un nouveau Danila Bagrov [personnage du truand patriotique dans le film populaire Brat], levant sa lourde poigne et regardant dans les yeux son interlocuteur, demande à nouveau doucement : quelle est ta force, l’Américain ? Vzgliad
Les Européens doivent aussi réfléchir s’ils veulent éviter de faire de leur continent le théâtre d’un affrontement militaire. Ils ont le choix. Soit prendre au sérieux ce que l’on met sur la table, soit faire face à une alternative militaro-technique. Alexandre Grouchko (vice-ministre des Affaires étrangères)
Nos partenaires doivent comprendre que plus ils feront traîner l’examen de nos propositions et l’adoption de vraies mesures pour créer ces garanties, plus grande est la probabilité qu’ils subissent une frappe préventive. Andrei Kartapolov (ancien vice-ministre de la Défense)
Eh bien, j’espère que les notes [du 17 décembre] seront ainsi plus convaincantes. Dmitri Peskov (porte-parole du Kremlin, commentant une salve de missiles hypersoniques tueurs de porte-avions, 24/12/2021)
Quels sont nos arguments ? Ce sont, bien sûr, avant tout nos alliés les plus fiables — l’armée et la marine. Pour être plus précis, le missile hypersonique Zircon (« tueur de porte-avions », comme on l’appelle affectueusement en Occident), qui rend absurde pour les États-Unis d’avoir une flotte de porte-avions. L’impact du Zircon fend un destroyer comme une noix. Plusieurs Zircons coulent immanquablement un porte-avions. Le Zircon fait simplement son travail : il tire méthodiquement sur d’énormes porte-avions maladroits, comme un revolver sur des canettes. Vladimir Mojegov
L’ultimatum de Poutine : la Russie, si vous voulez, enterrera toute l’Europe et les deux tiers des États-Unis en 30 minutes (…) Le Kremlin devra prouver par des actes le bien-fondé de sa position. Il n’est probablement possible de forcer les « partenaires » à s’asseoir à la table des négociations que par la contrainte. Économiquement, la Fédération de Russie ne peut rivaliser avec l’Occident. Il reste la guerre. Svpressa
Vladimir Poutine a sonné l’heure de la revanche. L’heure de régler enfin ses comptes avec l’Histoire. Avec l’Ukraine. Et avec l’Occident. Rien ne peut être compris de la folle aventure qui a commencé ce jeudi au petit jour avec l’attaque massive par la terre et par l’air lancée par l’armée russe à travers tout le territoire ukrainien, si on n’a pas en tête que l’homme tout-puissant qui est aux commandes de la Russie veut se venger. Avec un grand V. «Nous allons démilitariser et dénazifier l’Ukraine», a-t-il lancé à la face du monde, en annonçant «une opération spéciale», utilisant – ce qui est loin d’être un hasard – un vocable propre aux tchékistes de l’époque soviétique pour désigner la guerre qu’il a déclaré à l’Ukraine. Il s’agit d’une reconquête. Où s’arrêtera-t-elle? Pour comprendre cette obsession de vengeance, il faut remonter des années en arrière à cette journée historique du 8 au 9 novembre 1989, qui soudain voit des milliers d’Allemands escalader le mur de Berlin en train de tomber. À l’époque, le lieutenant-colonel du KGB Vladimir Poutine, 39 ans, est basé à Dresde, en RDA, avant-poste de la présence militaire soviétique. Mais son cœur n’est pas à l’unisson des foules en liesse qui dansent et pleurent à travers le pays pour célébrer les retrouvailles émues des deux Allemagnes et la réunification en marche de l’Europe. Il est du côté des vaincus. Son monde, celui de la superpuissance soviétique invincible qui tenait dans ses griffes la moitié de l’Europe, est en train de s’écrouler comme un château de cartes, sous ses yeux stupéfiés. (…) Pour cet espion, dont l’enfance a été baignée par la propagande des films d’espionnage sur la grandeur de la mère patrie, c’est l’heure de la retraite, humiliante. Tandis que des centaines de milliers de soldats soviétiques plient bagage dans une ambiance de déroute, Vladimir Poutine quitte Dresde à son tour en février 1990, emportant la machine à laver qu’il a acquise et quelques leçons de haute politique… (…) Pour Vladimir Poutine commence alors ce qu’il faut bien appeler la reconquête. En dix ans, elle va le mener au Kremlin, en trois temps. Le temps de l’infiltration/intégration des nouvelles structures démocratiques qui émergent avant et surtout après le putsch raté d’août ; le temps de l’installation au pouvoir qui commence en 2000, après sa nomination en 1999 au poste de premier ministre d’un Boris Eltsine chancelant qui cherche un successeur ; et le temps de la reconquête extérieure, qui s’affirme à partir de l’invasion militaire de la Géorgie en 2008. (…) Au départ, l’Occident hésite sur la nature de Poutine. Sa capacité à jouer sur tous les tableaux, à alterner tous les visages qu’il a appris à adopter pendant sa montée éclair vers le pouvoir – celui du réformateur, celui du guerrier, celui du législateur – déconcerte ses interlocuteurs, qui s’interrogent sur la nature de ses intentions, modernisatrices ou impériales. Mais peu à peu, la reconquête va déborder vers l’empire. Cela commence en réalité dès le début des années 2000 avec toutes les opérations hybrides de déstabilisation et d’infiltration qu’il déclenche, des pays Baltes, à la Géorgie et l’Ukraine. La rage que provoquent les révolutions de couleur qui balaient les régimes pro-russes installés en Ukraine et en Géorgie va accroître son désir de revanche. Convaincu d’être encerclé par un Occident qui cherche à déstabiliser son propre pouvoir, Poutine va dès lors, contre-attaquer par la guerre hybride: désinformation, cyber-attaques, achat d’élites, et finalement la force militaire. Il est frappant de constater que de 2000 à 2022 Vladimir Poutine a finalement peu hésité à utiliser la force, de la Tchétchénie, à la Géorgie, en passant par la Syrie et aujourd’hui l’Ukraine. Il a aussi beaucoup utilisé la violence, allant éliminer ses adversaires là où ils se trouvaient comme on le vit avec les anciens espions Litvinenko et Skripal, assassinés avec des poisons. Il est aussi à l’offensive à l’Ouest, où il a multiplié les offensives de charme et de propagande et les attaques contre les élections. Il y a cultivé des alliés politiques. Et chaque nouvelle crise l’a convaincu de la pusillanimité de l’Occident, de sa décadence et de ses divisions. L’intellectuel Vladimir Pastoukhov, très inquiet, est persuadé que l’invasion actuelle de l’Ukraine cache en réalité un projet beaucoup plus vaste, visant à défaire l’Occident, avec une pression maximale, pour le faire imploser de l’intérieur par une guerre d’usure tous azimuts, allant de l’effet de la sidération à l’intimidation. Pourrait-il tenter sa chance vers les pays Baltes pour détruire la légitimité de l’article 5 de l’Otan? À Moscou, les opposants abasourdis par l’audace de l’attaque disent se demander si leur «tsar» «de ténèbres», ivre de toute-puissance, n’a pas perdu la tête. Le journaliste Alexandre Nevzorov estime par exemple que « l’on assiste aux obsèques de la Russie », pas à celles de l’Ukraine. «Il n’y a personne qui puisse l’arrêter», note le rédacteur en chef de Novaya Gazeta, Dmitri Mouratov, qui dit sa « honte ». Laure Mandeville
Auprès de Besançon, j’ai appris l’importance de l’éthique, et compris qu’on ne pouvait pas considérer le régime communiste comme un autre, car c’était un régime criminel. Evidemment, ce n’était pas très à la mode. Françoise Thom
Quel autre pays au monde peut en effet se permettre de raser des villes, de spolier les étrangers, d’assassiner les opposants hors de ses frontières, de harceler les diplomates étrangers, de menacer ses voisins, sans provoquer autre chose que de faibles protestations? Françoise Thom
Quel intérêt y a-t-il à introniser à nouveau un pays dont le but avoué est la destruction de l’ordre international et le ralliement de toute l’Europe à son régime militaro-policier ?  (…) L’initiative Macron, sans avoir consulté les partenaires européens, est extrêmement risquée à un moment où les Etats-Unis sont totalement paralysés. Le premier service qu’on puisse rendre à la Russie est de lui tenir un discours de vérité, or le président français ne le fait pas quand il cite tous les poncifs, il la conforte au contraire dans une voie calamiteuse.  Françoise Thom
Il n’aurait pas fallu, en Occident, approuver la destruction du Parlement en octobre 1993 [en butte au Congrès des députés du peuple, Boris Eltsine fit intervenir l’armée et prononça sa dissolution au terme de plusieurs jours d’affrontements meurtriers dans les rues de Moscou] car c’était une violation gravissime du droit. Les germes du poutinisme sont là, dans cette liquidation du Parlement par la force, et l’impossible séparation des pouvoirs. C’était la fin de l’espérance d’une démocratie libérale. Françoise Thom
Moscou mise sur l’effet démoralisant sur l’Europe de cette négociation russo-américaine sur son sort dont elle est exclue et sur la faiblesse de la partie américaine en l’absence des alliés européens. (…) Le pacte Ribbentrop-Molotov n’est jamais loin dans la tête des dirigeants du Kremlin. C’est aussi une question de statut, et le reflet de l’obsession de Poutine d’effacer l’effondrement de l’URSS. (…) En négociant d’égal à égal avec le président des Etats-Unis Poutine démontre en même temps aux Russes que sa position de capo est reconnue par les maudits Occidentaux. Le sentiment d’avilissement qu’ils éprouvent au fond d’eux-mêmes en se pliant au despotisme se dissipe au spectacle de l’humiliation des Occidentaux : eux aussi courbent l’échine devant Poutine. La propagande du régime sait admirablement jouer de ces cordes sensibles. Il est important de comprendre quelles motivations ont poussé Poutine à lancer ce défi aux pays occidentaux. Comme toujours le comportement russe est dicté par une analyse soigneuse de la « corrélation des forces », qui, selon les experts du Kremlin, vient de basculer en faveur des puissances révisionnistes anti-occidentales. Après 20 ans de préparation à la guerre, la position russe est jugée forte comme jamais, à en croire le think tank Russtrat (…) Car en face, les Etats-Unis affrontent une crise sans précédent, avec une inflation galopante, des pénuries d’approvisionnement, un président faible, une société plus divisée que jamais. D’où la démarche du Kremlin : « Il ne s’agit pas de propositions de discussion, mais bien d’un ultimatum — d’une demande de reddition inconditionnelle. L’Occident n’a pas d’autre choix que de perdre la face — à moins de tenir fièrement bon et d’entrer en guerre avec la Russie. À en juger par la façon dont les Occidentaux ont commencé à s’agiter de l’autre côté, ils en sont bien conscients. » En brandissant la menace d’une guerre, fait remarquer RIA Novosti, « Moscou souligne que la Russie est prête — moralement, techniquement et dans tous les autres sens du terme — à toute évolution des événements. (…) Évidemment la guerre n’est pas sans risques, ce dont, espérons-le, les militaires russes essaient de persuader Poutine.  (…) Mais (…) il ressort des analyses de Russtrat (entre autres) que le déclic pour le Kremlin a été la politique malencontreuse de la Maison Blanche qui, après la débandade en Afghanistan, a multiplié cet automne les émissaires à Moscou, rendant encore plus manifeste aux yeux de Poutine la faiblesse des Etats-Unis :  (…) Le 2 novembre 2021, Burns a effectivement rencontré le secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie Nikolaï Patrouchev et, probablement, le président Poutine. C’est un personnage apprécié du Kremlin : en 2005-2008, il a été ambassadeur en Russie et « a trouvé un langage commun avec Poutine. Sobre et pragmatique, totalement dépourvu du complexe messianique caractéristique des Américains, Burns a toujours prôné le refus d’élargir l’OTAN vers l’Est. » La visite de Burns a été interprétée à Moscou comme l’indice du choix d’une politique d’appeasement à Washington et donc un encouragement à faire monter les enchères et à « s’emparer de l’initiative stratégique ». Au fond, nous retrouvons dans ces considérations un substrat léniniste. Les États-Unis et leurs alliés européens étaient les nantis de l’ordre international, les principaux bénéficiaires du système existant, qui leur apportait des avantages disproportionnés par rapport à leur contribution. Grâce à la crise, leur hégémonie est sur le déclin. Les Etats autrefois « prolétaires » sont en train de l’emporter, sous le leadership russe. Là encore Poutine est en train de rejouer la guerre froide, avec un happy end cette fois. (…) Les Occidentaux doivent d’abord percevoir la situation telle qu’elle est, si désagréable fût-elle pour nos Etats démocratiques plus habitués à des entreprises futiles qu’à assurer leur préservation. Pour cela nous devons nous extraire du mensonge russe. Le premier mensonge concerne les prétendues inquiétudes de Moscou pour la sécurité russe, le danger que représenterait pour elle des missiles de l’OTAN déployés dans les pays frontaliers. Il suffit de prendre connaissance des textes cités plus haut pour constater que les préoccupations de « sécurité » mises en avant par Moscou ne sont qu’un rideau de fumée, que l’OTAN même est considéré comme un tigre en papier (…) Quand Moscou parle de « sécurité » il faut entendre « domination russe » et « impunité », car c’est de cela qu’il s’agit. Le Kremlin considère en effet que tout ce qu’il ne contrôle pas peut mettre le régime en péril. On le voit à la politique intérieure russe, où depuis des années les oasis de liberté sont asséchées une à une. Ce que Moscou craint en Ukraine, ce ne sont pas les quelques instructeurs de l’OTAN, ce sont les libertés. Elle veut une Ukraine désarmée de manière à pouvoir intimider les rebelles de Kiev et mettre en place un régime haï par son peuple, donc dépendant totalement du Kremlin. On se souvient que la Russie a laissé faire Aliev en Arménie justement parce que le président Pachinian avait été choisi par le peuple arménien contre les marionnettes du Kremlin. Si la Russie parvient à chasser les Etats-Unis d’Europe, elle ne tardera pas à se sentir menacée par les libertés des pays d’Europe de l’Ouest, et sous prétexte d’assurer sa « sécurité », elle mettra le même acharnement chez nous que chez elle à asservir les media, à éradiquer les institutions démocratiques et les partis indépendants. Aujourd’hui déjà, Lavrov se permet de réclamer la démission de Stoltenberg, secrétaire de l’OTAN, qui selon lui « n’est pas à la hauteur de sa tâche ». Autre illusion dont il faut se défaire, l’idée d’une société civile bouillonnante en Russie qui pourrait freiner les aspirations belliqueuses du président Poutine. Les sondages montrent que le lavage de cerveau effectué par la propagande officielle est fort efficace : 50 pour cent des Russes interrogés considèrent que l’OTAN et l’Occident en général sont responsables de la tension actuelle. 16 pour cent incriminent l’Ukraine. Les rares opposants qui subsistent critiquent très rarement la politique étrangère et ne dénoncent guère le chauvinisme nauséabond qui émane du régime de Poutine. Enfin, mentionnons cette vache sacrée démocratique qui doit être sacrifiée : la foi absolue dans la vertu du « dialogue », que la plupart des responsables occidentaux, de Florence Parly à Mario Draghi, continuent à préconiser face à Moscou. Or rien n’est plus dangereux que ces échanges au sommet, qui, quoi qu’on dise, alimentent immanquablement soit la paranoïa, soit la folie des grandeurs et l’ivresse de puissance russes. Si les Occidentaux se montrent fermes, le Kremlin en tire la conclusion qu’ils veulent détruire la Russie ; si les Occidentaux offrent des concessions, le Kremlin en conclut qu’ils sont faibles et qu’il faut foncer. Très souvent avec la Russie la meilleure politique est celle du silence et de la distance : ne rien faire, ne rien dire et tenir bon l’arme au pied. S’accrocher au dialogue à tout prix, surtout quand Moscou nous tient en joue comme un forcené détenant un otage, ne fait qu’étaler notre faiblesse et encourager le Kremlin à l’escalade. Surtout nous devons cesser de donner à la guerre froide la connotation péjorative qu’elle ne mérite nullement. La ministre de la Défense Florence Parly vient de déclarer que les pays occidentaux doivent éviter l’escalade avec la Russie afin de ne pas provoquer une nouvelle guerre froide. Tant que nous restons dans ces cadres conceptuels la Russie sera gagnante. Il faut se rappeler que la guerre froide a commencé en 1946, lorsque les Occidentaux ont cessé de céder à Staline, après lui avoir laissé en pâture les pays d’Europe centrale et orientale. C’est grâce à la guerre froide que les pays de l’Europe occidentale ont conservé leur liberté. Les leçons des années 1946-7 sont d’actualité aujourd’hui. Les pionniers de la guerre froide furent les Britanniques, qui constituèrent un bloc occidental autour du noyau anglo-français et persuadèrent les Américains tentés par l’isolationnisme de rester en Europe. Au printemps 1947, les gouvernements français, italien et belge expulsèrent les ministres communistes, conscients du danger que représentait la cinquième colonne de Moscou en Europe. Cette volonté manifeste de résister à Staline acheva de persuader Washington de s’engager dans la sécurité européenne. Il s’agissait de tout un programme d’action dont nous pourrions nous inspirer aujourd’hui, au lieu de nous livrer à une puérile guerre des boutons avec la Grande-Bretagne. Mais pour cela nous devons réapprendre à voir les choses en face, à raisonner en termes politiques, au lieu de flotter au gré des passions médiatiques et des sondages. En 1946-7 on savait que la liberté valait la peine qu’on meure pour elle, ce qui visiblement est oublié aujourd’hui. Après Munich, en 1938, les Occidentaux éprouvèrent une grande honte d’avoir abandonné la Tchécoslovaquie dans les griffes d’Hitler. Aujourd’hui nous sommes en train de laisser tomber lâchement l’Ukraine, mais nous ne nous rendons même pas compte de notre déshonneur, ni du péril qu’il y a à céder à un agresseur. Nous discutons du sexe des anges, comme les Byzantins lorsque les forces ottomanes étaient en train de détruire les remparts de la ville. Françoise Thom
Ceux qui préconisent le « dialogue » ne voient pas que toute main tendue de l’Occident est perçue en Russie soit comme une agression camouflée – l’expression du projet prêté à l’Occident de « démembrer la Russie » pour mettre le grappin sur ses richesses –, soit comme le signal d’une disposition à la capitulation de « l’adversaire » (car le Kremlin considère comme des adversaires tous les pays qui ne sont pas des dictatures). Il résulte de ceci que toute démarche des Occidentaux à l’égard de la Russie se retournera contre eux. Une bonne politique russe est une politique où on en fait le moins possible, où l’on parle le moins possible, une politique d’isolement, sans les déclarations fracassantes, sans les menaces creuses, qui nourrissent à la fois la paranoïa et l’arrogance des occupants du Kremlin. Ceci ne veut pas dire qu’il ne faille pas marquer le coup quand Moscou pratique le fait accompli, agresse ses voisins ou se livre à des répressions. Toutefois ce n’est pas en paroles qu’il faut réagir, mais en actes, et en actes mis en place sans crier gare, à la manière des opérations spéciales qu’affectionne le président Poutine. Si nous nous donnons le luxe d’être imprévisibles, Poutine cessera de jouer sur le velours. Ceci concerne avant tout les sanctions. On nous dit que les sanctions sont inutiles, qu’elles permettent au régime de provoquer un sursaut patriotique autour du pouvoir ; on laisse entendre que les sanctions sont imposées par les Etats-Unis à une Europe qui ne demanderait pas mieux que de manifester son « indépendance » en pratiquant une politique accommodante avec Moscou, bref que les Européens doivent être « réalistes », privilégier leurs « intérêts », assurer leur « sécurité énergétique » en soutenant le Nord Stream 2 [projet de gazoduc entre la Russie et l’Allemagne]. Justement, soyons « réalistes » et réfléchissons où sont nos vrais « intérêts », sans que le Kremlin nous dicte le sens qu’il faut attribuer à ces termes. D’abord, contrairement à ce qu’on ne cesse de prétendre, les sanctions marchent, et c’était déjà le cas à l’époque soviétique. Les archives montrent qu’elles ont dissuadé Khrouchtchev de pratiquer l’escalade au moment de la crise de Berlin [entre 1958 et 1962], qu’elles ont dissuadé Brejnev et Andropov d’intervenir en Pologne en 1981 [au moment des grèves massives conduites par le mouvement Solidarnosc]. Si des sanctions sérieuses avaient été adoptées après le démembrement de la Géorgie en 2008, au lieu du pathétique « reset » [la relance des relations russo-américaines voulue par le président Obama], on aurait évité l’annexion de la Crimée, en 2014. Mais venons-en aux relations économiques, dont on nous assure qu’elles vont permettre un rapprochement entre l’Europe et la Russie. C’est oublier que pour Moscou, les relations d’affaires sont avant tout un instrument de projection de la puissance et de l’influence russe. En devenant le fournisseur de pétrole et de gaz de l’Europe, le Kremlin se crée de puissants oligarques au sein des élites politiques occidentales, qui, comme les oligarques russes, sont autorisés à s’enrichir à condition de servir Moscou. Les grandes sociétés faisant des affaires en Russie deviennent les vecteurs de la politique russe en Europe. Quant à la « sécurité énergétique » qu’assurerait le Nord Stream 2, souvenons-nous de la manière dont le Kremlin ferme les robinets du gaz aux pays de « l’étranger proche » qui ont le malheur de lui déplaire. L’Europe a-t-elle vraiment « intérêt » à se passer la corde au cou ? A-t-elle « intérêt » à augmenter les flux financiers vers la Russie, quand on sait que ces ressources vont alimenter la guerre hybride menée contre les Occidentaux, acheter notre classe politique, nos médias et nos think tanks, financer le déploiement de nouveaux missiles braqués contre l’Europe ? Les sanctions sont un outil efficace, surtout si elles visent les oligarques et les siloviki [soit « les hommes en uniforme », issus des services de sécurité russes – le KGB, puis le FSB] proches du pouvoir, ou si elles entravent le développement des secteurs de puissance de la Russie (énergétique et armement), les seuls qui comptent aux yeux du Kremlin. Une politique résolue de sanctions dures obligerait les hommes du Kremlin à se demander si la politique de confrontation voulue par le président Poutine est vraiment conforme aux intérêts nationaux russes. La claque infligée à Josep Borrell (…) jette une lumière crue sur un aspect essentiel de la stratégie du Kremlin. Il s’agit de faire une démonstration éclatante de la faiblesse des Occidentaux, pour hâter l’avènement d’un ordre, ou plutôt, d’un désordre international postoccidental. C’est un signal lancé à Xi Jingping, Erdogan et consorts : voyez, nous pouvons impunément nous essuyer les pieds sur l’UE et elle passera par nos volontés. C’est pourquoi, si nous voulons éviter que Poutine fasse des émules, la première règle que les Européens doivent adopter est de ne plus faire étalage de leur faiblesse et de leur désunion, de riposter sans tarder aux humiliations publiques et aux provocations. Mieux vaut agir sans parler que parler sans agir. Dans le monde de voyous qui nous entoure, il est temps que l’UE apprenne à se faire craindre. Françoise Thom
Désespérons Billancourt !  Désespérons Billancourt !  Désespérons Billancourt ! Georges de Valera (escroc qui se fait passer pour un ministre soviétique ayant choisi la liberté », Nekrassov, Sartre, 1955)
Je me rappelle votre belle enquête : « La Guerre, demain ! » On transpirait d’angoisse. Et vos montages photographiques : Staline entrant à cheval dans Notre-Dame en flammes ! De purs chefs-d’œuvre. Mais voici plus d’un an que je note un relâchement suspect, des oublis criminels. Vous parliez de famine en URSS et vous n’en parlez plus. Pourquoi ? Prétendez-vous que les Russes mangent à leur faim ?  Mouton (Nekrassov, Sartre)
Depuis Kravtchenko, sais-tu combien j’en ai vu défiler, moi, de fonctionnaires soviétiques ayant choisi la liberté ? Cent vingt-deux, mon ami, vrais ou faux. Nous avons reçu des chauffeurs d’ambassade, des bonnes d’enfants, un plombier, dix-sept coiffeurs et j’ai pris l’habitude de les refiler à mon confrère Robinet du Figaro, qui ne dédaigne pas la petite information. Résultat : baisse générale sur le Kravtchenko. […] Ah ! monsieur a choisi la liberté ! Eh bien ! fais-lui donner une soupe et envoie-le, de ma part, à l’Armée du salut.  Sibilot (Nekrassov, Sartre)
Je décidai qu’en cette occurrence, l’URSS fût innocente et que le scandale vînt essentiellement de la presse française. Sartre (1978)
Nekrassov (…) est jouée huit ans après le procès Kravtchenko qu’elle évoque explicitement. On s’en souvient, Kravtchenko, haut fonctionnaire soviétique envoyé aux États-Unis en 1943 dans une commission d’achat, a décidé d’y rester et écrit un livre, J’ai choisi la liberté, dans lequel il racontait ce qu’il avait vu en URSS : la collectivisation, les famines, les purges, les camps, la terreur, la surveillance généralisée. Ce livre a été un succès mondial et a entraîné un procès qui s’est tenu à Paris en 1949 et dans lequel Kravtchenko affrontait le journal communiste Les Lettres françaises et ses partisans. Simone de Beauvoir a assisté avec Sartre à une audience et, si elle parle en termes peu amènes de Kravtchenko et de ses témoins, elle admet dans ses Mémoires qu’« une réalité ressortait de leurs dépositions : l’existence des camps de travail » en URSS. Dès 1949, la question n’était donc plus de savoir s’il existait des camps et des répressions en URSS, mais si ces camps et ces répressions justifiaient de ne pas soutenir l’URSS et l’espoir révolutionnaire que celle-ci était censée incarner. Pour Sartre, non, cela ne le justifiait pas, comme en témoignent ses interviews de 1954 et sa pièce de 1955. L’intrigue de Nekrassov est basée sur un quiproquo volontairement créé. Un escroc recherché par la police, Georges de Valera, se cache chez la fille du journaliste Sibilot, qui travaille pour Soir à Paris. Jules Palotin dirige ce journal et semble inspiré par Pierre Lazareff, le directeur de France-Soir, qui a lui aussi visité l’URSS au printemps 1954 avec son épouse russophone et qui, dans une polémique publique, a reproché à Sartre d’idéaliser ce pays. Palotin a chargé Sibilot de lutter contre « la propagande communiste », et ce dernier, qui reconnaît être « un professionnel de l’anticommunisme », se plaint de ses conditions matérielles : l’argent est sa motivation première. De même, Palotin veut avant tout que son journal se vende. Or Mouton, directeur du conseil d’administration, lui ordonne de renforcer les attaques contre les communistes avant des élections locales (…) Le danger de guerre, les famines et le niveau de vie soviétique, très bas, ne seraient donc que des thématiques caricaturales, destinées à effrayer, à faire vendre le journal et à influer sur la politique intérieure française. Dès lors, selon Sartre, les articles sur ces sujets devraient susciter l’ironie de ceux qui, comme lui, ne seraient pas dupes. (…) L’URSS avait commandité des attaques contre Kravtchenko, et la pièce apparemment si légère de Sartre était aussi une tentative pour donner un second souffle à ces attaques. Consciemment ou pas, l’intellectuel n° 1 d’Occident était utile à ses nouveaux amis : il ridiculisait les opposants à l’URSS, réduisait toute critique de l’URSS à des motivations matérielles et mettait en doute les crimes, les oppressions et les difficultés matérielles dont le pouvoir soviétique était directement responsable. Cécile Vaissié
Welcome Gorby, bienv’nue ici Où on est quelques-uns, je crois Un copain à moi et puis moi A espérer Qu’tu vas v’nir avec tes blindés Nous délivrer T’as fait tomber l’mur de Berlin (…) Ici y’a des chaînes à briser Commence par les chaînes de télé (…) Que tu nous débarrasses un peu De ce « Big Brother » de mes deux J’te fais confiance Tu pourras aussi liquider Les radios FM à gerber Qu’ nous balancent De nos chanteurs hydrocéphales Et de leur poésie fécale Toute l’indigence (…) Où on est quelques-uns, je crois (…) A espérer Qu’tu vas v’nir avec ton armée Tout balayer Tu peux construire, si tu t’amènes Quelques goulags au bord d’la Seine De toute urgence Ici y’a un paquet d’nuisibles Qui nous font péter les fusibles De la conscience Des BHL et des Foucault Pas l’philosophe, non, l’autre idiot Des Dorothée Fort sympathiques au demeurant Je dirais plus exactement Aux demeurés (…) Que tu vas v’nir claquer l’beignet A ces tares On a ici, c’est bien pratique Quelques hôpitaux psychiatriques Qu’tu peux vider Pour y foutre les psychanalystes Les députés, les journalistes Et les Musclés (…) Si t’en as marre du communisme J’te raconte pas l’capitalisme Comme c’est l’panard Comment on est manipulés Intoxiqués, fichés, blousés Par ces connards Viens donc contempler nos idoles Elles sont un peu plus rock and roll Que ton Lénine Bernard Tapie et Anne Sinclair ‘Vec ça tu comprends qu’notr’misère Soit légitime (…) Qu’si tu v’nais avec tes blindés Y voudraient sur’ment pas rester. Renaud (1991)
Au lieu de recevoir Poutine avec des pincettes, au lieu de l’humilier en bloquant la construction du centre orthodoxe du quai Branly et de bouder l’inauguration du monument à la mémoire des soldats russes morts pour la France durant la Grande Guerre, le gouvernement français devrait faire preuve de réalisme et d’un peu de courage pour construire une relation de confiance avec la Russie! Ce n’est pas à New York que la crise syrienne se dénouera, c’est à Moscou. Que Poutine lâche le régime syrien, et il tombera comme le fruit pourri qu’il est. Si j’étais François Hollande, je prendrais l’avion maintenant pour Moscou, si possible avec Angela Merkel, et je chercherais à offrir à la Russie de véritables garanties sur sa sécurité et sur une relation de confiance avec l’Otan, qui doit inclure la question de la défense antimissile à laquelle les Russes doivent être réellement associés. L’ours russe n’est dangereux que quand il a peur. Offrons-lui sans détour la perspective d’un accord historique d’association avec l’Europe. Ce que François Hollande ne comprend pas, c’est qu’il faut ancrer la Russie à l’espace européen. Je sais bien que les diplomates trouveront dix mille raisons qui empêchent cette avancée historique: l’insuffisance de l’État de droit en Russie, l’instabilité des règles juridiques et commerciales, la corruption… Tout cela est vrai mais tout cela ne peut justifier que nous restions inactifs face au piège infernal qui est en train de s’armer aux confins de la Perse, de la Mésopotamie et l’Assyrie. Que notre président normal comprenne qu’il n’y a rien de normal dans le monde dont il est désormais l’un des principaux responsables. Qu’il prenne des risques, qu’il abandonne ses postures bourgeoises et atlantistes version guerre froide. Qu’il parle avec la Russie. François Fillon (2012)
Je suis fasciné de la capacité d’un certain nombre d’acteurs politiques et d’observateurs à oublier la géographie et l’histoire. (…) La Russie est grande comme 46 fois la France, a deux fois la superficie des Etats-Unis d’Amérique, a 150 millions d’habitants. Dans l’histoire de l’humanité, jamais un pays qui n’avait pas la population pour occuper son territoire n’a été envahir le territoire d’à côté. Expliquer que la Russie va envahir l’Ukraine, c’est une méconnaissance totale de l’histoire, de la démographie et de la volonté des dirigeants russes. (…) La France a signé un contrat. A ma connaissance, il n’y a pas de décision internationale de l’ONU interdisant à la France de livrer les Mistrals, donc la France doit honorer sa parole et livrer les Mistrals aux Russes. Nicolas Sarkozy (2014)
On sait que la Russie n’est pas une démocratie, on sait que la Russie est un régime instable et dangereux. La question posée c’est : ‘est-ce qu’on doit continuer à provoquer les Russes, à refuser toute espèce de dialogue avec eux en les poussant à être de plus en plus violents, agressifs, et de moins en moins européens?’ François Fillon (2016)
La Russie, c’est le plus grand pays du monde par sa superficie. C’est un pays dangereux car c’est un pays instable, qui n’a jamais connu la démocratie. (…) Traiter ce pays comme si c’était le Luxembourg ou le Panama, c’est juste une énorme bêtise. (…) Il n’y a jamais eu de démocrate à la tête de la Russie. Vouloir faire de Poutine un monstre aux mains pleines de sang, c’est juste ridicule par rapport à l’histoire de la Russie. François Fillon (2016)
Pour moi, l’homme de l’année est Vladimir Poutine. Il (…) fut le seul à oser donner l’asile politique à Snowden, l’homme qui révéla la folle réalité de l’espionnage américain. Mais cette année restera avant tout celle où le chef de l’Etat russe est sorti vainqueur du grand bras de fer diplomatique autour de la Syrie. Poutine tient dans cette histoire le rôle glorieux d’un Chirac qui aurait réussi à empêcher la guerre en Irak. (…) Poutine a remis le couvert avec l’Iran, servant d’honnête courtier avec les Américains. Et il a parachevé son triomphe diplomatique en empêchant le ralliement de l’Ukraine à l’Europe. (…) Poutine n’est pas en odeur de sainteté ni dans les médias français ni au Quai d’Orsay. On évoque non sans raisons ses penchants autoritaires, ses accointances avec certains cercles plus ou moins mafieux, son incapacité à couper l’économie de sa rente pétrolière et gazière. Mais personne ne peut contester qu’il été élu démocratiquement. (…) La bourgeoisie occidentalisée conteste ses manières, mais la majorité du peuple lui sait gré d’avoir restauré l’Etat. (…) Poutine a mis au pas les oligarques qui dépeçaient la Russie et rétabli la souveraineté de la Russie face à la pression impériale de l’Amérique. Poutine a peu à peu endossé les habits de nouveau tsar dans la grande tradition russe. Il reste le dernier résistant à l’ouragan politiquement correct qui, parti d’Amérique, détruit toutes les structures traditionnelles, famille, religion, patrie. Eric Zemmour (20.12.2013)
Poutine a eu des mots très justes, il y a déjà bien longtemps, sur la colonisation de l’Europe par ses anciens colonisés. À ce propos, je rejoins mot pour mot ses analyses : il a décrit à l’avance, et avec tout le mépris qui convenait, ce qui est en train de se produire. Mais je ne le vois pas comme un ami : plutôt comme un joueur très doué qui sert à merveille ses propres intérêts et, dans une certaine mesure, ceux de son pays (plus que de son peuple). On peut s’inspirer de sa détermination, de son talent diplomatique, de son patriotisme. On peut même les admirer, et les envier pour nos propres nations. Mais on ne saurait oublier qu’il ne s’agit nullement d’un ami, et que ses intérêts ne sont pas les nôtres. Renaud Camus (2017)
Qu’ont en commun François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Nadine Morano et Jean-Pierre Chevènement ? Pas grand-chose, sauf l’admiration qu’ils portent à Vladimir Poutine. Chapeau l’artiste : non content d’être devenu la vedette du théâtre stratégique international, dont on se demande tous les mois quel sera le prochain tour, Poutine est applaudi à gauche (un peu) et à droite (surtout). Nicolas Sarkozy a bien senti le vent : depuis 2015, il justifie l’annexion de la Crimée – au motif que ses habitants auraient librement choisi leur sort – et adopte le tropisme moscovite d’une grande partie de ses électeurs potentiels. Cette vision de Poutine résulte d’une convergence exceptionnelle : admiration pour le « défenseur des valeurs chrétiennes », qui a surfé sur la vague de l’opposition au « mariage pour tous » ; respect pour un pouvoir fort et viril, antithèse à la fois de François Hollande et de Barack Obama ; applaudissements saluant la maestria diplomatique de Moscou au Moyen-Orient, qui contraste avec la pusillanimité de Washington ; vision romantique de la relation franco-russe, qui a toujours existé chez les gaullistes, mais qui séduit aussi par son anti-américanisme ; fierté de quelques vieux communistes pour le révisionnisme historique aujourd’hui à l’œuvre au Kremlin… Que les extrêmes communient dans cette « panthéonisation », cela n’a rien de très surprenant. Mais qu’une large frange des Républicains y participe, c’est plus ennuyeux, car cela révèle un aveuglement sur la nature du pouvoir russe actuel. La défense des « valeurs traditionnelles » par le Kremlin est, au mieux, un malentendu. Il est vrai qu’elle est entretenue par une propagande habile : moderne, affûtée, non dénuée de sens de l’humour. Avec un investissement considérable dans les réseaux sociaux et les blogs, et l’entretien d’une cohorte de propagandistes rémunérés pour répandre la bonne parole dans les médias, sans compter les idiots utiles. Mais un régime dont les principaux ressorts sont la corruption, la manipulation, la répression et l’élimination physique des opposants incarne-t-il dignement les « valeurs conservatrices » ? La répression de la différence sexuelle relève-t-elle des leçons de l’Évangile ? La criminalisation du « blasphème » mérite-t-elle les applaudissements des catholiques ? L’intimidation des Églises non affiliées au patriarcat est-elle une preuve d’amour de son prochain ? La relation de co-dépendance qu’entretient Moscou avec la satrapie néo-wahhabite de Tchétchénie, dont les hommes de main sont les exécuteurs des basses œuvres du Kremlin, est-elle d’essence chrétienne ? Le bombardement délibéré d’hôpitaux en Syrie est-il un témoignage de charité ? Quant à la « défense des chrétiens d’Orient », dont Poutine est crédité à travers son soutien à Damas, elle relève d’un mythe : Bachar el-Assad n’a aucune sympathie particulière pour les chrétiens, qui ont tout autant souffert de son régime que les autres et ne sont qu’un pion dans sa stratégie. Le pouvoir fort admiré par les thuriféraires de Moscou ? Une clique cynique et affairiste composée d’anciens des services de sécurité dans le premier cercle, et de potentats mafieux dans le second. Une caste dirigeante qui a, depuis 2012, achevé sa mue autoritaire entamée en 1999 au prix d’une série de coups tordus, et réalisé une habile synthèse de néo-tsarisme et de néo-stalinisme. Avec la bénédiction d’une grande partie de sa propre population, dont la capacité à exercer librement ses choix démocratiques est, il est vrai, aujourd’hui sujette à caution. (…) Écouter les arguments de la Russie au motif que c’est une « grande civilisation » ? L’Iran a beau être une « civilisation bimillénaire » et la Grèce « le berceau de l’Occident », cela n’éteint pas la critique des mollahs révolutionnaires ou des gauchistes impécunieux. (…) Accepter que le Kremlin fasse des pays limitrophes une « sphère d’influence » ? Ce serait bénir une logique impérialiste et se moquer de l’autodétermination des peuples. Et si la Crimée avait « toujours été russe », pourquoi ne pas « rendre » Kaliningrad (Königsberg) à l’Allemagne ? (…) « Quand vous trouvez un accord avec la Russie, elle le respecte », prétendait François Fillon début avril. Que Moscou ait foulé aux pieds tous les traités sur la sécurité européenne signés depuis 1975 et tous les textes régissant sa relation avec l’Ukraine indépendante depuis 1994 ne semble pas troubler l’ancien Premier ministre. (…) l’admiration pour Poutine rappelle décidément, à droite, l’attitude d’une partie de la bourgeoisie européenne entre 1933 et 1939. La posture diplomatique recommandée par certains néogaullistes relève ainsi de l’imposture politique. La nostalgie pour « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » concerne la reconstruction à posteriori : derrière une rhétorique habile, des gestes à portée symbolique forte et une certaine admiration pour la culture russe, le général ne s’est jamais fourvoyé dans une fausse équivalence entre Washington et Moscou. (…) Mais « tendre la main » à Moscou ? Cela relève de l’illusion tant le pouvoir russe raisonne aujourd’hui en termes de jeu à somme nulle, et sur le mode « ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable. » « Tenir compte des intérêts de Moscou » ? Pas au détriment des nôtres. Comme souvent, les Français sont plus lucides que leurs dirigeants et leurs intellectuels. Si l’on en croit une enquête menée en 2015 dans huit pays occidentaux, ils sont les plus nombreux (30 %) à avoir une image positive de la Russie, mais les moins nombreux (15 %) à faire confiance à Vladimir Poutine. C’est une bonne réponse aux poutinolâtres qui reprochent à leurs adversaires une supposée « russophobie ». Bruno Tertrais
Nos souverainistes, si sourcilleux de notre indépendance quand il s’agit des États-Unis, s’alignent sans états d’âme sur les positions du Kremlin, même les plus scandaleuses, comme on l’a vu à droite et à gauche au moment de la guerre hybride contre l’Ukraine (…). Poutine a imposé une propagande ahurissante charriant la haine et le mensonge. Et c’est dans ce pays que notre droite cherche son inspiration. Françoise Thom
Comme Nicolas Tenzer et Garry Kasparov l’ont déjà relevé dans Desk Russie, François Fillon n’a eu aucun scrupule à se faire récemment recruter par une entreprise étatique russe, Zaroubejneft, dès lors que ce « personnage sournois, arrogant et corrompu », pour reprendre le portrait qu’en a dressé Jean-Louis Bourlanges en février 2017, peut en tirer profit. L’annexion de la Crimée, l’affaire Navalny, les atteintes systématiques aux libertés, les ingérences dans les affaires de l’Occident, le soutien inconditionnel au sanguinaire el-Assad ne paraissent guère émouvoir l’ancien Premier ministre. Un membre distingué de l’Institut, éminent spécialiste de la Russie, a démenti le propos que lui prêtait Le Figaro du 28 février 2017, à savoir que Fillon était « un agent des Russes » (Commentaire, n°158, 2017, p. 471). Peut-être pas agent, mais pour le moins « prorusse et antiaméricain » selon Le Monde du 11 novembre 2016. En effet, il paraît comme « fasciné » (Le Point, 3 déc. 2015) par son ami Poutine, s’en prend systématiquement à l’Amérique, coupable de tous les maux de la terre ou presque, sans parler d’une écoute attentive de la CGT lorsqu’il était ministre du Travail, position dénoncée avec vigueur à l’époque par Marc Blondel, le secrétaire général de Force ouvrière (Chronique économique, syndicale et sociale, sept. 2004). L’ancien élu de la Sarthe, qui, comme son ancien soutien Mariani, n’a jamais exercé d’autre métier que la politique, partage, au fond, les convictions d’un Chevènement, notamment son hostilité au traité de Maastricht, tout en se prononçant pour l’entrée de la Turquie au sein de l’Europe, afin de « jouer un rôle d’équilibre face aux États-Unis » (Libération, 10 déc. 2004). Déjà, en 1989, le ministre de la Défense, en déplacement officiel à Moscou, avait invité Fillon à faire partie de la délégation française. En 1991, ils déjeunent ensemble (Le Maine libre, 21 fév. 1991). Vingt-six ans plus tard, dans le cadre de la campagne présidentielle, le candidat Fillon, lors d’un meeting à Besançon, plaçait sur le même plan de Gaulle, Séguin et Chevènement Bien avant, Fillon admettait qu’il y avait avec ce dernier « convergence mais pas identité » (Le Quotidien de Paris, 27 oct. 1990). Par ailleurs, s’il rend hommage à Régis Debray, il se dit en désaccord avec Finkielkraut sur la Russie (Le Point, 7 janv. 2016). En sa qualité de Premier ministre, on le voit déplorer, en septembre 2008, à propos de l’offensive russe en Géorgie, la condamnation par l’Europe de cette Russie « humiliée », ce qui pourrait rappeler la formule du Führer au lendemain du traité de Versailles. Il s’en prend à ceux qui « continuent à piétiner la Russie », laquelle, annonce-t-il, ne fera pas l’objet, comme déjà soumis à celle-ci, de sanctions (Le Figaro, 5 sept. 2008) Au cours de son règne à Matignon, il rencontre Poutine deux à trois fois par an mais refusera de recevoir Hervé Mariton, président du groupe parlementaire d’amitié franco-russe, qui, lui, ne fait pas partie des affidés de Moscou (L’Express, 29 janv. 2014). Dans son livre Faire (Albin Michel, 2015), Fillon déclare avoir « aimé nos rencontres [avec Poutine] parce qu’elles étaient utiles, parce qu’on pouvait y nouer à l’improviste des accords qui n’étaient pas préparés à l’avance ». Il le définit comme « patriote » (Valeurs actuelles, 20 oct. 2016). Son alignement sur le régime russe ne fait que s’accentuer après l’élection de François Hollande à l’Élysée : « Au lieu de recevoir Poutine avec des pincettes, déplorait Fillon dans Le Figaro du 13 août 2012, au lieu de l’humilier 1 […] le gouvernement français devrait faire preuve de réalisme et d’un peu de courage pour construire une relation de confiance avec la Russie ! […] Si j’étais François Hollande, je prendrais maintenant l’avion pour Moscou […] et je chercherais à offrir à la Russie de véritables garanties sur sa sécurité et sur une relation de confiance avec l’OTAN. […] Qu’il prenne des risques, qu’il abandonne ses postures bourgeoises et atlantistes, version guerre froide. » (…) Concernant la perspective d’une intervention des Occidentaux en Syrie, Fillon — devenu député de Paris — exhorte, avec Villepin, la présidence Hollande à la prudence, surtout si la France doit agir avec ses alliés ; le préalable, c’est d’« informer nos partenaires russes. Nous devons tenter une dernière fois d’essayer de les convaincre d’agir avec les moyens qui sont les leurs sur le régime d’Assad » (Le Monde, 30 août 2013). En septembre 2013, il est de nouveau en Russie où, en violation des usages, il critique, avec véhémence, la position française, lui faisant grief de s’aligner sur l’Amérique : « Je souhaiterais, proclame-t-il, que la France retrouve cette indépendance et cette liberté de jugement et d’action qui seules lui confèrent une autorité dans cette crise », à la grande jubilation, souligne Le Monde du 21 septembre, de l’élite russe venue entendre la bonne parole. Le socialiste Arnaud Leroy voit en Fillon « le laquais de la Volga » tandis que le porte-parole du parti dénonce cette « dérive », laquelle fait l’objet d’un éditorial plus que sévère du Monde du 22, déplorant « la faute de ce voyage ». Sur sa lancée, Fillon séjourne, en octobre 2013, au Kazakhstan, pas gêné par ses atteintes systématiques à la liberté ; sa prestation, « truffé de banalités », lui aurait rapporté, si l’on se réfère au Nouvel Observateur du 31 octobre, 30 000 €. S’agissant de ses émoluments, Le Canard enchaîné du 22 mars 2017 titre « Fillon a fait le plein chez Poutine » et sous-titre « Pour jouer les entremetteurs entre le président russe, un milliardaire libanais et le pédégé de Total, le candidat, alors député de Paris, a palpé 50 000 dollars en 2015. Avec promesse d’intéressement aux bénéfices ». « Récemment, relève Le Monde du 13 juin 2018, il aurait œuvré au rapprochement de Tikehau avec le fonds Mubadala d’Abou Dhabi, et le fonds russe d’investissement direct. » Toujours aussi désintéressé ! À l’issue de la primaire qu’il a remportée pour la présidentielle de 2017, Fillon paraît être le candidat préféré des Russes, à l’instar de de Gaulle en 1965, Pompidou en 1969, Giscard en 1974 et 1981… Mariani s’en félicite : « En politique étrangère, il est le plus constant et le plus régulier dans ses choix, notamment sur la Russie. » Fillon se prononce, comme il se doit, pour la levée des sanctions à l’encontre de Moscou, qui salue sa présence à la future élection (Le Monde, 23 nov. 2016), notamment par un Poutine célébrant « cet homme intègre, qui se distingue fortement des hommes politiques de la planète », pas moins (ibid., 25 nov.). Selon lui, la Russie respecte les accords lorsqu’elle les signe, ce qui lui vaut cette réplique cinglante de Bruno Tertrais dans Causeur de juin 2016 : « Que Moscou ait foulé aux pieds tous les traités sur la sécurité européenne signés depuis 1975 et tous les textes régissant sa relation avec l’Ukraine indépendante depuis 1994 ne semble pas troubler l’ancien Premier ministre. » Poursuivant sur la même lancée, son programme officiel de 2017 annonce que la France sera « un allié loyal et indépendant des États-Unis». La France serait-elle indépendante de Moscou ? Voilà qui est moins sûr lorsque Fillon appelle à « rétablir le dialogue et des relations de confiance avec la Russie, qui doit redevenir un grand partenaire », en levant les sanctions. (…) [Sur l’Ukraine] Là encore, l’ex-chef du gouvernement ne verse pas vraiment dans la nuance, exonérant la Russie de toute implication ou presque : « On doit tout faire, estime-t-il, pour empêcher l’intervention russe. […] Et en même temps, on ne peut pas désigner les Russes comme les seuls fauteurs de troubles, il y a aussi des erreurs qui ont été commises par le nouveau pouvoir de Kiev », lequel n’est pourtant pas celui ayant déclenché les hostilités… Son conseil ne varie pas, revenant comme des litanies, mettant même en accusation la France, surtout pas la Russie : « Il faut parler avec les Russes […]. La France n’a cessé de traiter la Russie d’une manière assez légère » (Le Nouvel Obs, 3 avril 2016) ; cette position suscite une vigoureuse réaction d’indignation de la part du philosophe Alain Laurent dans Le Point du 10 juillet 2014. La faute incombe, comme de bien entendu, aux Américains, estimant qu’une « erreur historique a été commise en repoussant les frontières de l’OTAN juste sous le nez des Russes » (Le Point, 24 avril 2014). « On ne peut pas laisser s’installer, s’indigne-t-il, la guerre à l’est de l’Europe. Surtout quand les États-Unis risquent d’attiser un conflit qui est très loin de chez eux, en proposant notamment d’armer les Ukrainiens » (Le Figaro, 6 fév. 2015). L’Amérique, pour lui, « n’est pas qualifiée pour continuer à discuter avec la Russie ». Ce même 6 février, sur LCI-Radio classique, il estime que « l’agresseur n’est pas Poutine ». Pas un mot sur les aspirations du peuple ukrainien ; s’il consent à reconnaître que Moscou viole le droit international en Crimée, c’est pour aussitôt tempérer son propos, estimant qu’il a des droits historiques sur ce territoire, et de prétendre que « la responsabilité la plus élevée incombe aux États-Unis » (Valeurs actuelles, 18 juin 2015). Dans une lettre ouverte au chef de l’État, Fillon préconise la création d’« une véritable alliance internationale, intégrant l’Iran et la Russie, contre l’État islamique » (JDD, 12 juil. 2015), semblant considérer — il est bien le seul — que l’Iran est étranger au terrorisme. Dans son ouvrage, Faire, il appelle aussi à discuter avec Bachar al-Assad, thème qu’il développe dans une interview accordée au Figaro du 14 novembre 2015 : « La seule voie, c’est de stopper l’effondrement du régime syrien […]. Les Russes l’ont compris depuis longtemps. » Et de les féliciter dans Valeurs actuelles du 19 novembre : « Heureusement que Poutine l’a fait, sinon nous aurions sans doute en face de nous un État islamique. […] Il faut donc se féliciter que la Russie soit intervenue. Maintenant, il faut engager le dialogue avec Moscou pour bâtir une stratégie de reconquête du territoire syrien. » (…) Ignore-t-il que le dirigeant syrien a élargi de ses prisons nombre de dirigeants djihadistes et qu’il n’a pas bombardé les quartiers généraux islamistes (Commentaire, n° 144, hiver 2013/2014, p. 795) ? Ignore-t-il que l’intervention russe n’a visé Daech que de façon marginale (France Inter, 28 nov. 2016) ? Comme l’a justement remarqué Alain Frachon dans Le Monde du 21 octobre 2016, sous le titre « La Syrie de M. Fillon », « choisir al-Assad comme rempart contre le djihadisme […], c’est faire équipe avec Al Capone pour démanteler la Mafia. Ou, si l’on préfère, s’appuyer sur un pompier pyromane pour éteindre l’incendie djihadiste ». (…) À la tribune de l’Assemblée nationale, le 25 novembre 2015, il va jusqu’à suggérer d’associer le Hezbollah, organisation terroriste, à la recherche d’une solution en Syrie, insistant sur la nécessité de réintégrer l’Iran dans les discussions (Le Figaro, 26 nov. 2015). (…) Selon lui, « la Russie est la seule puissance à faire preuve de réalisme en Syrie » (Marianne, 1er avril 2016) (…)  Déjà, au Mans, en décembre 1998, il participe à un colloque de trois jours dont l’objet porte sur « les États-Unis, maîtres du monde ? », en compagnie de toute la fine fleur de l’antiaméricanisme : Alain Gresh et Serge Halimi, du Monde diplomatique, Pascal Boniface, Paul-Marie de La Gorce. Fillon s’en prend, pour sa part, à la « fragilité » du président Clinton (Ouest-France, 14 déc. 1998). Lors du conflit opposant Israël au Hamas, à l’été 2014, il dénonce la culpabilité de l’Occident, « et, premièrement, des États-Unis » (Le Monde, 20 juil. 2014). « L’Europe, confie-t-il au Point du 16 avril 2015, est trop dépendante pour sa sécurité et son économie. C’est flagrant concernant […] la nouvelle guerre froide avec la Russie », pauvre victime ! La solution ? Sortir de la domination du dollar contre laquelle l’Europe doit, pas moins, « se révolter » (Valeurs actuelles, 18 juin 2015). Dans son programme présidentiel, le dollar est présenté comme une « nouvelle forme d’impérialisme » (Le Monde, 16 déc. 2016). Dans un tweet, révélé par Nicolas Hénin dans La France russe (Fayard, 2016, p. 117), Fillon place, sur le même pied, en tant qu’ennemis de l’Europe, « totalitarisme islamique, impérialisme américain, dynamique du continent asiatique » ; on appréciera le parallèle ! Si la France, d’après lui, est hostile à la Russie, c’est qu’on « est influencé par l’administration américaine, le Congrès américain et ce que pensent les journaux américains » (Le Point, 25 août 2016). Il pense — mais pense-t-il ? — que « c’est une erreur de la traiter à la fois comme un adversaire et un pays sous-développé » (Le Monde, 14 sept. 2016). Un mois plus tard, il déplore que « la France coure après les États-Unis » (Valeurs actuelles, 20 oct. 2016) (…) Il récidive dans Le Progrès du 11 novembre 2016, où il préconise de « renforcer l’Europe face à la menace du totalitarisme islamique mais aussi face à la mainmise économique américaine, demain chinoise » : singulière juxtaposition, encore une fois, que de placer le terrorisme sur le même plan que l’Amérique. C’est quasiment obsessionnel chez lui : dans L’Opinion du 27 octobre 2016, il insiste « pour sortir un jour de cette dépendance très forte vis-à-vis des États-Unis […]. Ainsi, je suis choqué par les discours des responsables de l’OTAN sur la Russie. Cela relève de la provocation verbale. On ne peut pas considérer Moscou comme l’ennemi n° 1 alors que le totalitarisme islamique nous menace directement ». Il va même jusqu’à proposer, au début 2017, une conférence Europe-Russie sans les Américains (Le Monde, 26 janv. 2017). Le problème, pour lui, ce n’est pas la Russie, allant jusqu’à mettre en cause voire en accusation Washington : « Dans beaucoup de cas, la politique américaine qui pilote l’OTAN n’est pas la solution contre le totalitarisme islamique, elle est plutôt le problème. Nous avons commis des erreurs par le passé en poussant la Russie dans ses travers ». Vincent Laloy
C’est, jusqu’au bout, un aveuglement. (…) [Eric Zemmour] « condamne sans réserve l’intervention militaire », qu’il qualifie d’ « injustifiable ». Mais [il] accuse aussi, peu après, dans une déclaration filmée en direct, les Occidentaux d’avoir envenimé la situation « depuis des années, avec l’expansion ininterrompue de l’OTAN ». Il appelle toujours à signer un traité pour garantir que l’Ukraine n’entrera « jamais » dans l’Alliance atlantique. « Comme ça, monsieur Poutine sera rassuré », ajoutait-il dimanche. (…) Depuis plusieurs mois, Eric Zemmour et Marine Le Pen minimisaient les menaces lancées par Moscou, tout en reprenant la propagande du Kremlin sur de prétendues prétentions américaines. (…) Des positions constantes, mais qui comportent leurs contradictions. Si les deux candidats s’affirment souverainistes, Eric Zemmour et Marine Le Pen faisaient peu de cas de la souveraineté de l’Ukraine, Etat indépendant depuis 1991, membre de l’ONU, ayant inscrit légalement dans sa constitution, en 2019, son aspiration à adhérer un jour à l’Union européenne et à l’OTAN. Ce pays, déclarait Marine Le Pen en décembre 2021, dans un entretien au média polonais Rzeczpospolita, « appartient à la sphère d’influence russe ». Pour Eric Zemmour, « l’Ukraine n’existe pas », comme il le développe dans Un quinquennat pour rien (Albin Michel, 2016), puisque Kiev est, écrit-il, « le berceau de la civilisation russe ». Patriotes autoproclamés, tous deux se sont évertués à affaiblir Emmanuel Macron, Marine Le Pen en le traitant de « petit télégraphiste » de Joe Biden ; Eric Zemmour en l’accusant d’être « impuissant », et même « le néant ». Jeudi 24 février, le candidat d’extrême droite a appelé le chef de l’Etat à se rendre de nouveau à Moscou et à Kiev pour « s’interposer » et réclamer un cessez-le-feu immédiat. Une position en totale contradiction avec ce qu’il soutenait quatre jours auparavant, en citant le « porte-parole de Vladimir Poutine qui a tout dit en une phrase  : “Emmanuel Macron est membre de deux organisations, l’Union européenne et l’OTAN, dont il n’est pas le chef.” C’est tout notre problème. Nous sommes vus par les Russes comme les petits télégraphistes de Washington. (…) Notre parole ne vaut rien, en vérité. » En écho, Marine Le Pen a déclaré jeudi que « la France devrait prendre l’initiative d’une réunion diplomatique », oubliant qu’elle avait deux jours avant étrillé « l’échec diplomatique » français. (…) Les deux candidats vouent une profonde admiration à Poutine. En mars 2017, Marine Le Pen s’était rendue auprès du dirigeant russe à Moscou et avait vanté un « point de vue sur l’Ukraine qui coïncide avec celui de la Russie ». En septembre 2018, Eric Zemmour avait déclaré qu’il « rêv[ait] d’un Poutine français » puis, en septembre 2020, sur CNews, qu’il voyait en Poutine « l’allié qui serait le plus fiable, plus que les Etats-Unis, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ». Dimanche, il discourait au pied du Mont-Saint-Michel (Manche) en agitant le spectre de « la prochaine guerre » et clamait qu’être président de la République, « c’est savoir regarder le pire en face, justement pour l’éviter ». Les deux candidats n’ont pas su regarder. Ivanne Trippenbach

Comme ça, Monsieur Poutine sera rassuré !

A l’heure où l’injustifiable agression contre le peuple ukrainien aurait dû nous ouvrir les yeux …

Sur le cynique et proprement dément (jusqu’à pousser à rejoindre l’OTAN des petits pays jusque là neutres comme la Suède ou la Finlande ?) projet de l’actuel régime kleptocratique et revanchiste russe …

Contraint à l’instar de son illustre prédécesseuse la Grande Catherine d’absorber ses voisins pour « garantir ses frontières » …

Pour un pays dont la superficie atteint à peine celles de la première et de la deuxième puissance mondiale – cumulées !

Sur la base de contre-vérités comme la prétendue promesse américaine de non-élargissement de l’OTAN

Et appuyé sur un nouveau chantage stratégique à base de nouvelles armes de théâtre hypersoniques pour s’assurer une « bulle stratégique » pour verrouiller la Baltique et la mer Noire …

Si bien décrit par les travaux de notre meilleure « soviétologue » Françoise Thom

De profiter, comme il y a huit ans sous l’Administration Obama/Biden, de la fenêtre d’opportunité d’une présidence américaine proprement cacochyme

Mais aussi de plus de 20 ans de passivité européenne et notamment allemande …

Pour tout simplement tenter de bouter hors d’Europe et du monde via ses clones et complices chinois la seule garantie de stabilité et de protection pour les prochaines victimes …

Après la Géorgie et la Crimée ou Hong Kong et peut-être bientôt Taiwan

Et sans parler des famines fabriquées d’Ukraine ou de Chine

De la part du dernier système politique à n’avoir toujours pas eu (merci la gauche européenne !) de procès de Nuremberg pour ses quelque 100 millions de morts

Et donc incapable de faire leur deuil d’empire

Comment ne pas voir la triste implication d’un tel aveu …

Et ne pas se désoler …

Avec la journaliste spécialiste des Etats-Unis et de la Russie Laure Mandeville

De cette tragique incapacité de nombre de nos compatriotes …

A l’instar de l’habituellement si perspicace candidat Zemmour sur la menace islamiste et wokiste …

Qui oubliant étrangement les avertissements prophétiques de son maitre de Gaulle dès 1919 …

Pousse en même temps l’aveuglement sur le jeu victimaire et le nationalisme complètement dévoyé derrière lequel se cache l’impérialisme poutinien

Jusqu’à à jouer, au nom d’un souverainisme sans limites quasi-goebbelsien, les petits télégraphistes de Moscou …

A penser ensemble ces deux menaces proprement existentielles …

Pour notre pays comme pour l’avenir de notre monde libre ?

Eric Zemmour et Marine Le Pen fragilisés par l’attaque de Vladimir Poutine en Ukraine
Les deux candidats d’extrême droite à la présidentielle opèrent une volte-face dans la foulée des premiers bombardements russes, après avoir relayé durant des mois la propagande du Kremlin.
Ivanne Trippenbach
24 février 2022

C’est, jusqu’au bout, un aveuglement. Dimanche 20 février, l’un des principaux candidats à l’élection présidentielle, Eric Zemmour, livre sa vision de la crise ukrainienne. « Je suis sceptique, dit-il sur Europe 1, je pense qu’il y a beaucoup de propagande, d’agitation des services américains pour hystériser cette histoire. » Vingt-quatre heures plus tard, Vladimir Poutine déclare reconnaître l’indépendance des zones séparatistes prorusses, puis ordonne à son armée d’entrer en Ukraine. Interrogée à son tour, mardi 22 février sur RTL, Marine Le Pen regrette une « escalade claire », mais se prononce contre les sanctions visant Moscou et accuse Emmanuel Macron d’avoir « essayé de jouer un rôle et de se servir » de cette crise.

Ce n’est qu’une fois la guerre déclarée par Poutine au nom d’une « dénazification de l’Ukraine », les frappes russes tombées sur Kiev comme dans tout le pays, les premières morts civiles annoncées, jeudi 24 février, que Le Pen et Zemmour se sont empressés de rétropédaler par voie de communiqués. La première y appelle à la « cessation immédiate des opérations militaires russes en Ukraine ». Le second y« condamne sans réserve l’intervention militaire », qu’il qualifie d’« injustifiable ». Mais Eric Zemmour accuse aussi, peu après, dans une déclaration filmée en direct, les Occidentaux d’avoir envenimé la situation « depuis des années, avec l’expansion ininterrompue de l’OTAN ». Il appelle toujours à signer un traité pour garantir que l’Ukraine n’entrera « jamais » dans l’Alliance atlantique. « Comme ça, monsieur Poutine sera rassuré », ajoutait-il dimanche.

« C’est Poutine l’agressé ! »

Depuis plusieurs mois, Eric Zemmour et Marine Le Pen minimisaient les menaces lancées par Moscou, tout en reprenant la propagande du Kremlin sur de prétendues prétentions américaines. « Les Américains n’ont pas respecté leur parole et ont avancé, avancé [et] mangé petit à petit ce glacis », justifiait Zemmour sur France 5, il y a un mois, en comparant l’adhésion à l’OTAN à des annexions territoriales. Un discours en cohérence avec celui qu’il tenait sur CNews, en juin 2021 : « Il faut arrêter de faire de Poutine l’agresseur, c’est Poutine l’agressé ! Evidemment, après, il se défend. » « Le problème de l’Ukraine n’est pas une invasion, je n’y crois pas, assénait encore le candidat avec assurance, le 9 décembre sur France 2. La Russie, j’en prends le pari, n’envahira pas l’Ukraine. »

Marine Le Pen n’était pas en reste. « Je ne le crois pas du tout, je ne vois vraiment pas ce que les Russes feraient en Ukraine », martelait-elle le 7 février, sur Franceinfo. La candidate du Rassemblement national (RN) répétait ce qu’elle nomme elle-même les « éléments de langage » du Kremlin, en soutenant que « les Etats-Unis veulent absolument faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, donc on est en train de créer un conflit qui n’a pas lieu d’être ». Mardi 22 février, elle estimait que « la France s’est soumise à une forme de guerre froide imposée par l’Union européenne, à l’écoute des Américains ».

Des positions constantes, mais qui comportent leurs contradictions. Si les deux candidats s’affirment souverainistes, Eric Zemmour et Marine Le Pen faisaient peu de cas de la souveraineté de l’Ukraine, Etat indépendant depuis 1991, membre de l’ONU, ayant inscrit légalement dans sa constitution, en 2019, son aspiration à adhérer un jour à l’Union européenne et à l’OTAN. Ce pays, déclarait Marine Le Pen en décembre 2021, dans un entretien au média polonais Rzeczpospolita, « appartient à la sphère d’influence russe ». Pour Eric Zemmour, « l’Ukraine n’existe pas », comme il le développe dans Un quinquennat pour rien (Albin Michel, 2016), puisque Kiev est, écrit-il, « le berceau de la civilisation russe ».

Profonde admiration pour Poutine

Patriotes autoproclamés, tous deux se sont évertués à affaiblir Emmanuel Macron, Marine Le Pen en le traitant de « petit télégraphiste » de Joe Biden ; Eric Zemmour en l’accusant d’être « impuissant », et même « le néant ». Jeudi 24 février, le candidat d’extrême droite a appelé le chef de l’Etat à se rendre de nouveau à Moscou et à Kiev pour « s’interposer » et réclamer un cessez-le-feu immédiat. Une position en totale contradiction avec ce qu’il soutenait quatre jours auparavant, en citant le « porte-parole de Vladimir Poutine qui a tout dit en une phrase  : “Emmanuel Macron est membre de deux organisations, l’Union européenne et l’OTAN, dont il n’est pas le chef.” C’est tout notre problème. Nous sommes vus par les Russes comme les petits télégraphistes de Washington. (…) Notre parole ne vaut rien, en vérité. » En écho, Marine Le Pen a déclaré jeudi que « la France devrait prendre l’initiative d’une réunion diplomatique », oubliant qu’elle avait deux jours avant étrillé « l’échec diplomatique » français.

A la place d’Emmanuel Macron, « j’essaierais de trouver une issue diplomatique à cette crise, à cette violation massive, évidente du droit international », a-t-elle réitéré, dans la soirée sur France 2. Elle s’est dit « tout à fait opposée à ce qu’on envoie des troupes françaises en Ukraine », sans évoquer les victimes ni l’inquiétude des pays européens proches de la Russie. Elle a tenté d’expliquer son opposition aux sanctions par le risque d’une baisse du pouvoir d’achat, jugeant « si ça entraîne une explosion des prix de l’énergie, alors ce sera un véritable drame pour la population française », malgré le bouclier tarifaire bloquant les tarifs réglementés de vente du gaz.

Les deux candidats vouent une profonde admiration à Poutine. En mars 2017, Marine Le Pen s’était rendue auprès du dirigeant russe à Moscou et avait vanté un « point de vue sur l’Ukraine qui coïncide avec celui de la Russie ». En septembre 2018, Eric Zemmour avait déclaré qu’il « rêv[ait] d’un Poutine français » puis, en septembre 2020, sur CNews, qu’il voyait en Poutine « l’allié qui serait le plus fiable, plus que les Etats-Unis, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ». Dimanche, il discourait au pied du Mont-Saint-Michel (Manche) en agitant le spectre de « la prochaine guerre » et clamait qu’être président de la République, « c’est savoir regarder le pire en face, justement pour l’éviter ». Les deux candidats n’ont pas su regarder.

Voir aussi:

Poutine: la patiente reconquête du petit kagébiste, métamorphosé en champion de l’Empire russe
Laure Mandeville
Le Figaro
25 février 2022

RÉCIT – L’ancien lieutenant-colonel du KGB, marqué par la chute du mur de Berlin, a autorisé une opération militaire en Ukraine. Une forme de revanche.

Vladimir Poutine a sonné l’heure de la revanche. L’heure de régler enfin ses comptes avec l’Histoire. Avec l’Ukraine. Et avec l’Occident. Rien ne peut être compris de la folle aventure qui a commencé ce jeudi au petit jour avec l’attaque massive par la terre et par l’air lancée par l’armée russe à travers tout le territoire ukrainien, si on n’a pas en tête que l’homme tout-puissant qui est aux commandes de la Russie veut se venger. Avec un grand V.

«Nous allons démilitariser et dénazifier l’Ukraine», a-t-il lancé à la face du monde, en annonçant «une opération spéciale», utilisant – ce qui est loin d’être un hasard – un vocable propre aux tchékistes de l’époque soviétique pour désigner la guerre qu’il a déclaré à l’Ukraine. Il s’agit d’une reconquête. Où s’arrêtera-t-elle?

La chute du mur de Berlin

Pour comprendre cette obsession de vengeance, il faut remonter des années en arrière à cette journée historique du 8 au 9 novembre 1989, qui soudain voit des milliers d’Allemands escalader le mur de Berlin en train de tomber. À l’époque, le lieutenant-colonel du KGB Vladimir Poutine, 39 ans, est basé à Dresde, en RDA, avant-poste de la présence militaire soviétique. Mais son cœur n’est pas à l’unisson des foules en liesse qui dansent et pleurent à travers le pays pour célébrer les retrouvailles émues des deux Allemagnes et la réunification en marche de l’Europe. Il est du côté des vaincus. Son monde, celui de la superpuissance soviétique invincible qui tenait dans ses griffes la moitié de l’Europe, est en train de s’écrouler comme un château de cartes, sous ses yeux stupéfiés.

Le 5 novembre, il a vu des foules prendre d’assaut et investir le siège de la redoutée police politique allemande, la Stasi, à quelques rues seulement de la grosse maison blanche où se trouve le siège des services spéciaux soviétiques, au 4, rue Angelika. Et voilà que dans la nuit du 8 au 9 novembre, une foule de quelques centaines de personnes pénètre dans le jardin du propre QG du KGB. C’est Vladimir Poutine qui sort avec un pistolet pour leur faire face et les prévenir de ne pas forcer le passage, d’après ce qu’il en racontera dans ses Conversations à la première personne. «Qui êtes-vous? Vous parlez trop bien allemand», lui lancent les manifestants. «Un interprète», répond-il sans perdre son sang-froid, tirant apparemment en l’air pour qu’ils se dispersent. «La situation était sérieuse… Les gens étaient agressifs. J’ai téléphoné à notre base militaire… Mais on m’a répondu: nous ne pouvons rien faire sans ordre de Moscou. Et Moscou se tait», raconte Poutine dans son livre.

Ce «Moscou se tait», une phrase capitale pour comprendre la suite. Elle explique 2022. «J’ai eu alors le sentiment que le pays n’existait plus. Il était clair que l’Union soviétique était très malade. Cette maladie mortelle avait un nom: la paralysie du pouvoir», ajoutera-t-il, avant d’évoquer les journées suivantes passées à «brûler tous les documents secrets dans la chaudière» de la maison, à une cadence telle qu’elle «explosera».

Un retour rude

Pour cet espion, dont l’enfance a été baignée par la propagande des films d’espionnage sur la grandeur de la mère patrie, c’est l’heure de la retraite, humiliante. Tandis que des centaines de milliers de soldats soviétiques plient bagage dans une ambiance de déroute, Vladimir Poutine quitte Dresde à son tour en février 1990, emportant la machine à laver qu’il a acquise et quelques leçons de haute politique…

Direction Leningrad, la ville où il a grandi, dans un appartement communautaire d’une pièce, élevé par des parents largement absents, sous l’influence de petits caïds de rue avant d’intégrer le KGB. «J’étais une petite frappe», explique-t-il dans À la première personne, un milieu dont il a conservé l’art de l’intimidation et du rapport de force, ainsi qu’un langage parfois ordurier et brutal. Un naturel qui vient de ressurgir.

Le retour est rude, après des années d’une vie privilégiée en RDA. Tandis que le pays se lance dans une véritable frénésie d’ouverture pour secouer les fondements idéologiques du système communiste, Vladimir Poutine doit faire un temps le taxi dans la Volga qu’il a payée avec ses économies allemandes. «J’avais l’impression que Volodia avait perdu le sens de sa vie», racontera sa femme Lioudmilla. Cette situation, et les attaques répétées dont le KGB (organisation criminelle qui a terrorisé son peuple) est l’objet, le fait enrager. Pourtant, dans la tourmente, les agents s’organisent, créant des réseaux, investissant les nouveaux partis et les entreprises qui se créent, préparant en secret leurs arrières et leur reconversion. Recruté comme vice-recteur par l’université de Leningrad, Poutine va lui aussi se raccrocher aux branches. Faire sa route dans un monde auquel il n’est pas préparé, tout en restant solidement arrimé à sa maison d’origine (avec laquelle il maintiendra son affiliation jusqu’au putsch d’août 1991). «Je suis spécialiste des relations avec les gens», dit-il mystérieusement à ceux qui l’interrogent. En 1990, Anatoli Sobtchak, figure du mouvement démocratique et brillant professeur de droit dont il a été l’élève, l’appelle à la mairie pour en faire son collaborateur, quand il remporte les élections municipales de 1990.

La reconquête

Pour Vladimir Poutine commence alors ce qu’il faut bien appeler la reconquête. En dix ans, elle va le mener au Kremlin, en trois temps. Le temps de l’infiltration/intégration des nouvelles structures démocratiques qui émergent avant et surtout après le putsch raté d’août ; le temps de l’installation au pouvoir qui commence en 2000, après sa nomination en 1999 au poste de premier ministre d’un Boris Eltsine chancelant qui cherche un successeur ; et le temps de la reconquête extérieure, qui s’affirme à partir de l’invasion militaire de la Géorgie en 2008.

Sur la première période, tous ceux qui ont étudié sa biographie savent à quel point ses années au poste de président du Comité pour les relations extérieures de la mairie de Saint-Pétersbourg sont importantes pour comprendre les entrelacs et les réseaux de la planète Poutine. C’est là dans le séisme de la fin de l’URSS et les décombres du communisme, qu’il apprend à naviguer dans les eaux sulfureuses et corrompues du capitalisme sauvage qui relie souterrainement pouvoir, structures de sécurité, business et réseaux mafieux. Là qu’il noue ses amitiés solides avec toute une série de personnages liés au KGB et au monde des affaires, regroupé autour d’un coopératif de datchas, la «coopérative Ozero». Ils deviendront les nouveaux «princes» de la Russie poutinienne.

C’est aussi dans ces années saint-pétersbourgeoises qu’il devient «l’allié» du démocrate Anatoli Sobtchak, gagnant sa confiance, tissant sa toile dans l’ombre avec discrétion, avant d’être propulsé en 1997, en remerciement de ses loyaux services, au Kremlin, à la direction des biens de la présidence, un immense empire quasi occulte couvrant tous les biens mobiliers et immobiliers relevant du chef de l’État. Poutine, un tchékiste qui a appris à l’école du KGB à renvoyer à ses interlocuteurs l’image qu’ils affectionnent, gagne peu à peu du galon. Mais que pense-t-il vraiment? La famille Eltsine et le petit groupe d’oligarques qui gravite autour du pouvoir comme des vautours, le juge en tout cas suffisamment «sûr» pour le nommer chef du KGB. C’est là qu’il montrera sa loyauté en orchestrant sans ciller la destruction du clan du maire de Moscou et de son allié Evgueni Primakov, qui est alors premier ministre.

L’empoignade entre clans russes va finalement propulser cet inconnu du KGB au poste de premier ministre de Russie en 1999, sur fond de petite guerre au Caucase et d’attentats terroristes à travers la Russie. Les attentats sont attribués sans preuve aux Tchétchènes et l’invasion de la Tchétchénie lancée. C’est la première opération militaire supervisée par Poutine et elle est massive et impitoyable, faisant plus de 100.000 morts. En quelques mois, la popularité du nouveau premier ministre grimpe en flèche dans une population qui rêve de vengeance. Dès lors, la passation de pouvoirs anticipée qui est orchestrée dans la soirée du 31 décembre 1999 entre Eltsine et lui.

Un compromis historique

Beaucoup sont persuadés que ces attaques ont été précisément organisées pour lui tailler un habit de sauveur. Ce sera l’accusation formulée par le général Alexandre Lebed, avant qu’il ne périsse dans un accident d’hélicoptère. C’est aussi la thèse du russologue américain David Satter. «Nous remettrons de l’ordre», lance sobrement le petit homme discret aux yeux transparents, devant les députés stupéfiés quand il surgit sur la scène politique. Personne, sur le moment, ne croit que Poutine puisse durer. Ils ont tort. Dans les coulisses, un accord a été conclu entre les structures de force qui veulent leur revanche et les oligarques qui contrôlent les richesses. Tchékiste, mais proche des «libéraux», Poutine semble incarner un compromis historique. Mais seuls ceux qui l’ont promu croient à ce fameux compromis. Pas lui! «Il est malléable», nous confie l’influent oligarque Boris Berezovski. Comme il se trompe! La Russie ne sait pas encore qu’elle s’est donné un maître. Et que 22 ans plus tard, il sera toujours là…

Car d’emblée, dans la deuxième phase de la reconquête, Poutine va s’en prendre sans hésiter à ceux qui l’ont «fait». En quelques années, tous les oligarques dominants sont chassés à l’étranger, ou matés, par le nouvel homme fort au nom de la «dictature de la loi». C’est en réalité une logique de contrôle systématique, que choisit le nouveau président. Il s’en prend aussi avec brutalité à la presse, puis aux gouverneurs, aux partis d’opposition, à la Douma, mettant peu à peu en coupe réglée tous les contre-pouvoirs. Loin d’agir en arbitre, il installe son clan de Saint-Pétersbourg aux commandes. La supposée remise en ordre cache en réalité une nouvelle étape du pillage organisé, mais cette fois sous contrôle des tchékistes.

Capacité à jouer sur tous les tableaux

Au départ, l’Occident hésite sur la nature de Poutine. Sa capacité à jouer sur tous les tableaux, à alterner tous les visages qu’il a appris à adopter pendant sa montée éclair vers le pouvoir – celui du réformateur, celui du guerrier, celui du législateur – déconcerte ses interlocuteurs, qui s’interrogent sur la nature de ses intentions, modernisatrices ou impériales. Mais peu à peu, la reconquête va déborder vers l’empire. Cela commence en réalité dès le début des années 2000 avec toutes les opérations hybrides de déstabilisation et d’infiltration qu’il déclenche, des pays Baltes, à la Géorgie et l’Ukraine. La rage que provoquent les révolutions de couleur qui balaient les régimes pro-russes installés en Ukraine et en Géorgie va accroître son désir de revanche. Convaincu d’être encerclé par un Occident qui cherche à déstabiliser son propre pouvoir, Poutine va dès lors, contre-attaquer par la guerre hybride: désinformation, cyber-attaques, achat d’élites, et finalement la force militaire.

Il est frappant de constater que de 2000 à 2022 Vladimir Poutine a finalement peu hésité à utiliser la force, de la Tchétchénie, à la Géorgie, en passant par la Syrie et aujourd’hui l’Ukraine. Il a aussi beaucoup utilisé la violence, allant éliminer ses adversaires là où ils se trouvaient comme on le vit avec les anciens espions Litvinenko et Skripal, assassinés avec des poisons. Il est aussi à l’offensive à l’Ouest, où il a multiplié les offensives de charme et de propagande et les attaques contre les élections. Il y a cultivé des alliés politiques. Et chaque nouvelle crise l’a convaincu de la pusillanimité de l’Occident, de sa décadence et de ses divisions. L’intellectuel Vladimir Pastoukhov, très inquiet, est persuadé que l’invasion actuelle de l’Ukraine cache en réalité un projet beaucoup plus vaste, visant à défaire l’Occident, avec une pression maximale, pour le faire imploser de l’intérieur par une guerre d’usure tous azimuts, allant de l’effet de la sidération à l’intimidation. Pourrait-il tenter sa chance vers les pays Baltes pour détruire la légitimité de l’article 5 de l’Otan? À Moscou, les opposants abasourdis par l’audace de l’attaque disent se demander si leur «tsar» «de ténèbres», ivre de toute-puissance, n’a pas perdu la tête. Le journaliste Alexandre Nevzorov estime par exemple que «l’on assiste aux obsèques de la Russie», pas à celles de l’Ukraine. «Il n’y a personne qui puisse l’arrêter», note le rédacteur en chef de Novaya Gazeta, Dmitri Mouratov, qui dit sa «honte».

Voir également:

« Face à Poutine, ce n’est pas en paroles qu’il faut réagir, mais en actes mis en place sans crier gare »
Après la « claque » infligée au chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, à Moscou, le 5 février, l’universitaire spécialiste de la Russie Françoise Thom préconise, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne adopte une politique « résolue de sanctions dures » et de riposte aux provocations.
Françoise Thom
Le Monde
21 février 2021

S’il est une leçon que l’on peut tirer de la visite calamiteuse du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, à Moscou, c’est qu’il est temps pour l’Union européenne (UE) de repenser de fond en comble sa politique russe. Car le comportement de Moscou à cette occasion a révélé une chose : le Kremlin considère désormais que l’UE est moribonde et qu’on peut impunément rouer de coups le lion devenu vieux. Mais ce n’est pas parce qu’il se tournerait vers la Chine, comme le ressasse l’orchestre de Moscou. C’est parce qu’une autre structure européenne, patiemment construite par la Russie depuis des années, est prête à prendre la relève.

Il s’agit du réseau des relations bilatérales tissé par le Kremlin avec les principaux pays européens, grâce auquel la Russie espère acquérir une place centrale et prépondérante en Europe. La France ne cesse d’appeler à un « partenariat stratégique » avec Moscou ; les successeurs présumés d’Angela Merkel ont les yeux fixés sur les juteux contrats que le Kremlin fait miroiter devant eux.

L’Angleterre, seul pays considéré comme réfractaire par la Russie, est maintenant hors jeu grâce au Brexit. Le traitement humiliant démonstrativement infligé à Josep Borrell montre que le Kremlin entend désormais faire de la question russe un « boutoir » contre ce qu’il reste de l’UE.

Se débarrasser des clichés
Il est par conséquent urgent pour l’Union de formuler une politique russe cohérente qui permette de resserrer les rangs et d’éviter à l’avenir les désastres comme celui auquel nous venons d’assister. Pour cela, il faut d’abord se débarrasser des clichés qui nous collent à la peau et qui défilent déjà de nouveau, quelques jours après la volée de bois vert infligée à M. Borrell : « Il faut maintenir le dialogue », « le mur du silence n’est pas une option », il faut « trouver des domaines où la coopération est possible », les Occidentaux ont « humilié la Russie », etc.

Ce genre de rhétorique a persuadé Moscou qu’on peut souffleter les Européens, et qu’ils tendront l’autre joue. Ceux qui préconisent le « dialogue » ne voient pas que toute main tendue de l’Occident est perçue en Russie soit comme une agression camouflée – l’expression du projet prêté à l’Occident de « démembrer la Russie » pour mettre le grappin sur ses richesses –, soit comme le signal d’une disposition à la capitulation de « l’adversaire » (car le Kremlin considère comme des adversaires tous les pays qui ne sont pas des dictatures).

« Une bonne politique russe est une politique où on en fait le moins possible, où l’on parle le moins possible, une politique d’isolement »
Il résulte de ceci que toute démarche des Occidentaux à l’égard de la Russie se retournera contre eux. Une bonne politique russe est une politique où on en fait le moins possible, où l’on parle le moins possible, une politique d’isolement, sans les déclarations fracassantes, sans les menaces creuses, qui nourrissent à la fois la paranoïa et l’arrogance des occupants du Kremlin.

Ceci ne veut pas dire qu’il ne faille pas marquer le coup quand Moscou pratique le fait accompli, agresse ses voisins ou se livre à des répressions. Toutefois ce n’est pas en paroles qu’il faut réagir, mais en actes, et en actes mis en place sans crier gare, à la manière des opérations spéciales qu’affectionne le président Poutine. Si nous nous donnons le luxe d’être imprévisibles, Poutine cessera de jouer sur le velours. Ceci concerne avant tout les sanctions.

Soyons « réalistes »
On nous dit que les sanctions sont inutiles, qu’elles permettent au régime de provoquer un sursaut patriotique autour du pouvoir ; on laisse entendre que les sanctions sont imposées par les Etats-Unis à une Europe qui ne demanderait pas mieux que de manifester son « indépendance » en pratiquant une politique accommodante avec Moscou, bref que les Européens doivent être « réalistes », privilégier leurs « intérêts », assurer leur « sécurité énergétique » en soutenant le Nord Stream 2 [projet de gazoduc entre la Russie et l’Allemagne].

Justement, soyons « réalistes » et réfléchissons où sont nos vrais « intérêts », sans que le Kremlin nous dicte le sens qu’il faut attribuer à ces termes. D’abord, contrairement à ce qu’on ne cesse de prétendre, les sanctions marchent, et c’était déjà le cas à l’époque soviétique. Les archives montrent qu’elles ont dissuadé Khrouchtchev de pratiquer l’escalade au moment de la crise de Berlin [entre 1958 et 1962], qu’elles ont dissuadé Brejnev et Andropov d’intervenir en Pologne en 1981 [au moment des grèves massives conduites par le mouvement Solidarnosc].

Si des sanctions sérieuses avaient été adoptées après le démembrement de la Géorgie en 2008, au lieu du pathétique « reset » [la relance des relations russo-américaines voulue par le président Obama], on aurait évité l’annexion de la Crimée, en 2014.

Mais venons-en aux relations économiques, dont on nous assure qu’elles vont permettre un rapprochement entre l’Europe et la Russie. C’est oublier que pour Moscou, les relations d’affaires sont avant tout un instrument de projection de la puissance et de l’influence russe. En devenant le fournisseur de pétrole et de gaz de l’Europe, le Kremlin se crée de puissants oligarques au sein des élites politiques occidentales, qui, comme les oligarques russes, sont autorisés à s’enrichir à condition de servir Moscou. Les grandes sociétés faisant des affaires en Russie deviennent les vecteurs de la politique russe en Europe.

Viser les oligarques
Quant à la « sécurité énergétique » qu’assurerait le Nord Stream 2, souvenons-nous de la manière dont le Kremlin ferme les robinets du gaz aux pays de « l’étranger proche » qui ont le malheur de lui déplaire. L’Europe a-t-elle vraiment « intérêt » à se passer la corde au cou ? A-t-elle « intérêt » à augmenter les flux financiers vers la Russie, quand on sait que ces ressources vont alimenter la guerre hybride menée contre les Occidentaux, acheter notre classe politique, nos médias et nos think tanks, financer le déploiement de nouveaux missiles braqués contre l’Europe ?

Les sanctions sont un outil efficace, surtout si elles visent les oligarques et les siloviki [soit « les hommes en uniforme », issus des services de sécurité russes – le KGB, puis le FSB] proches du pouvoir, ou si elles entravent le développement des secteurs de puissance de la Russie (énergétique et armement), les seuls qui comptent aux yeux du Kremlin. Une politique résolue de sanctions dures obligerait les hommes du Kremlin à se demander si la politique de confrontation voulue par le président Poutine est vraiment conforme aux intérêts nationaux russes.

La claque infligée à Josep Borrell n’est pas seulement l’expression d’un mouvement d’humeur du Kremlin mécontent du soutien étranger à l’opposant Alexeï Navalny. Elle jette une lumière crue sur un aspect essentiel de la stratégie du Kremlin. Il s’agit de faire une démonstration éclatante de la faiblesse des Occidentaux, pour hâter l’avènement d’un ordre, ou plutôt, d’un désordre international postoccidental. C’est un signal lancé à Xi Jingping, Erdogan et consorts : voyez, nous pouvons impunément nous essuyer les pieds sur l’UE et elle passera par nos volontés.

C’est pourquoi, si nous voulons éviter que Poutine fasse des émules, la première règle que les Européens doivent adopter est de ne plus faire étalage de leur faiblesse et de leur désunion, de riposter sans tarder aux humiliations publiques et aux provocations. Mieux vaut agir sans parler que parler sans agir. Dans le monde de voyous qui nous entoure, il est temps que l’UE apprenne à se faire craindre.

Françoise Thom est historienne spécialiste de la Russie et autrice de « Comprendre le poutinisme » (Desclée de Brouwer, 2018).

Voir également:

Que signifie l’ultimatum russe aux occidentaux ?
Françoise Thom
Desk Russie.eu
30 décembre 2021

Le 17 décembre, le ministère des Affaires étrangères russe a dévoilé deux projets de textes — un « Traité entre les États-Unis et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité » et un « Accord sur les mesures pour assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord [OTAN] ». L’objectif déclaré de Moscou est d’obtenir « des garanties juridiques de sécurité de la part des États-Unis et de l’OTAN ». Moscou a mis en demeure les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN de satisfaire sans tarder les revendications russes.

« Les deux textes ne sont pas rédigés selon le principe d’un menu, où l’on peut choisir l’un ou l’autre, ils se complètent et doivent être considérés comme un ensemble », a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov. Le deuxième texte constitue en quelque sorte une garantie parallèle car « le ministère russe des Affaires étrangères est pleinement conscient que la Maison Blanche peut ne pas faire face à ses obligations, et il existe donc un projet de traité distinct pour les pays de l’OTAN ». La manœuvre russe consiste à lier l’OTAN par les Etats-Unis, les Etats-Unis par l’OTAN. Il n’y a rien à négocier, il faut tout accepter en bloc.

Certains médias russes, comme le journal numérique Vzgliad, triomphent déjà : « Le monde d’avant et le monde d’après le 17 décembre 2021 sont des mondes complètement différents… Si jusqu’à présent les États-Unis tenaient le monde entier sous la menace des armes, ils se retrouvent désormais eux-mêmes sous la menace des forces militaires russes… Une nouvelle ère s’ouvre, de nouveaux héros arrivent, et un nouveau Danila Bagrov [personnage du truand patriotique dans le film populaire Brat], levant sa lourde poigne et regardant dans les yeux son interlocuteur, demande à nouveau doucement : quelle est ta force, l’Américain ? »

Un chantage orchestré

Le chantage russe est explicite et s’adresse à la fois aux Américains et aux Européens. Si les Occidentaux n’acceptent pas l’ultimatum russe, ils devront faire face « à une alternative militaire et technique », a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Alexandre Grouchko : « les Européens doivent aussi réfléchir s’ils veulent éviter de faire de leur continent le théâtre d’un affrontement militaire. Ils ont le choix. Soit prendre au sérieux ce que l’on met sur la table, soit faire face à une alternative militaro-technique ». Après la publication du projet de traité, la possibilité d’une frappe préventive contre des cibles de l’OTAN (similaires à celles qu’Israël a infligées à l’Iran), a été confirmée par l’ancien vice-ministre de la Défense Andrei Kartapolov (Comité de défense de la Douma) : « Nos partenaires doivent comprendre que plus ils feront traîner l’examen de nos propositions et l’adoption de vraies mesures pour créer ces garanties, plus grande est la probabilité qu’ils subissent une frappe préventive. »

Pour que les choses soient claires, la Russie a procédé le 24 décembre au tir d’une «salve» de missiles hypersoniques Zircon. Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a ainsi commenté cet événement : « Eh bien, j’espère que les notes [du 17 décembre] seront ainsi plus convaincantes ». L’éditorialiste Vladimir Mojegov renchérit : « Quels sont nos arguments ? Ce sont, bien sûr, avant tout nos alliés les plus fiables — l’armée et la marine. Pour être plus précis, le missile hypersonique Zircon (« tueur de porte-avions », comme on l’appelle affectueusement en Occident), qui rend absurde pour les États-Unis d’avoir une flotte de porte-avions. L’impact du Zircon fend un destroyer comme une noix. Plusieurs Zircons coulent immanquablement un porte-avions. Le Zircon fait simplement son travail : il tire méthodiquement sur d’énormes porte-avions maladroits, comme un revolver sur des canettes.»

Un article de Svpressa éloquemment intitulé « L’ultimatum de Poutine : la Russie, si vous voulez, enterrera toute l’Europe et les deux tiers des États-Unis en 30 minutes » met les points sur les i : « Le Kremlin devra prouver par des actes le bien-fondé de sa position. Il n’est probablement possible de forcer les « partenaires » à s’asseoir à la table des négociations que par la contrainte. Économiquement, la Fédération de Russie ne peut rivaliser avec l’Occident. Il reste la guerre. » L’expert militaire Konstantin Sivkov cité dans le même article estime que « pour amener les États-Unis et l’OTAN à la table des négociations, une sorte de super arme est nécessaire. Pour le moment, la Russie ne montre pas ce potentiel à ses adversaires. Mais il existe. La Russie a la capacité d’utiliser des munitions super puissantes d’une capacité allant jusqu’à 100 mégatonnes. […] Nous devons répéter que nous ne sommes pas intéressés par un monde sans la Russie, comme Poutine l’a dit un jour, et démontrer notre détermination à frapper si l’OTAN s’élargit. Après cela, je peux vous assurer qu’ils [les Occidentaux] auront peur. Rien d’autre ne peut les arrêter. […] Il est naïf de compter sur des procédés diplomatiques. […] La démarche de la Russie est un signal indiquant que des mesures déjà radicales vont être prises. Vous avez refusé, alors tant pis… »

Ce qui est en jeu

A lire la presse occidentale, on a l’impression que rien ne se passe. Les Occidentaux semblent ne pas comprendre ce qui est en jeu. Ils s’imaginent que seul se décide le sort de l’Ukraine, qui les préoccupe moins que celui de l’Arménie, à en juger par les pèlerinages de nos candidats à la présidentielle. En France nombre de responsables trouvent normal que la Russie réclame une sphère d’influence. Ils ressemblent à ceux qui en 1939 croyaient que les revendications d’Hitler se bornaient à Dantzig. Or il suffit de jeter un coup d’œil aux textes proposés par Moscou pour comprendre que les enjeux sont tout autres.

L’ultimatum russe exige que soient « juridiquement fixés : le renoncement à tout élargissement de l’OTAN [vers l’est], l’arrêt de la coopération militaire avec les pays postsoviétiques, le retrait des armes nucléaires américaines de l’Europe et le retrait des forces armées de l’OTAN aux frontières de 1997 ». La Russie et les États-Unis s’engagent à ne pas déployer d’armes nucléaires à l’étranger et à retirer celles déjà déployées, ainsi qu’à éliminer les infrastructures de déploiement d’armes nucléaires en dehors de leur territoire. L’article 4 stipule notamment que « la Fédération de Russie et tous les participants qui étaient, au 27 mai 1997, des États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ne déploient pas leurs forces armées et leurs armements sur le territoire de tous les autres États européens en plus des forces postées sur ce territoire au 27 mai 1997 ». Et l’article 7 précise que « les participants, qui sont des États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, renoncent à mener toute activité militaire sur le territoire de l’Ukraine, ainsi que des autres États d’Europe orientale, de Transcaucasie et d’Asie centrale ».

Sont concernés les quatorze États d’Europe orientale et des Balkans devenus membres de l’OTAN ces vingt-quatre dernières années : « Ainsi en plus de l’espace post-soviétique, l’initiative de Moscou englobe un large éventail de pays situés entre l’Europe occidentale et la Russie. Mais ce sont principalement la Pologne et les États baltes qui sont visés car des forces supplémentaires de l’Alliance de l’Atlantique Nord y ont été déployées comme il a été décidé lors du sommet de l’OTAN de Varsovie en 2016. » Bref, « l’initiative russe pourrait aider les Américains à quitter tranquillement l’Europe centrale et orientale », titre le très officiel think tank Russtrat. Mais il ne s’agit pas que de cela : « le lien établi entre la notion d’« intérêts fondamentaux de sécurité » (qui est introduite pour la première fois) et la portée des missiles oblige les États-Unis à s’abstenir d’entrer dans nos mers (principalement la mer Noire, mais aussi celles du nord : la Baltique, Barents, Okhotsk), et de mettre fin aux vols de bombardiers américains (compte tenu de la portée réelle des « Tomahawks » d’environ 1800 km), pratiquement sur toute l’Europe et la majeure partie de l’Asie. Il en est de même du Japon, pour lequel l’acceptation des clauses du Traité signifie la désoccupation et la liquidation des bases américaines… »

En résumé, « les parties excluent le déploiement d’armes nucléaires en dehors du territoire national et ramènent sur le territoire national les armes déjà déployées en dehors du territoire national au moment de l’entrée en vigueur du présent Traité. » Le commentateur Piotr Akopov souligne : « La Russie a maintenant on ne peut plus nettement tracé ses lignes rouges. [Elles supposent] non seulement le refus d’étendre l’OTAN à l’Est, mais aussi, comme indiqué dans le projet d’accord avec l’alliance, le refus « de mener toute activité militaire sur le territoire de l’Ukraine, ainsi que d’autres États d’Europe de l’Est, de Transcaucasie et d’Asie centrale». En précisant: « Il est clair que les États-Unis ne rapatrieront leurs armes nucléaires que lorsque le projet anglo-saxon de domination mondiale s’effondrera enfin, mais il est bon de préparer le terrain… Si l’Occident ne veut pas remarquer nos lignes rouges (plus précisément, s’il fait semblant de ne pas vouloir les remarquer), alors c’est avant tout son problème, pas le nôtre ».

Et qu’offre la Russie en échange de toutes les concessions exigées des Occidentaux ? Propose-t-elle d’évacuer l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Crimée, le Donbass, puisqu’elle parle de revenir à la situation de 1997 ? Que nenni. En retour elle se dit prête… à s’engager à ne pas menacer la sécurité américaine. On se souvient d’une boutade en cours au moment de la guerre froide : « Ce qui est à nous est à nous, ce qui est à vous est négociable ».

En un mot la Russie exige que l’OTAN se fasse harakiri, et que les Etats-Unis soient ramenés au rôle d’une puissance régionale. Vzgliad invite l’Amérique « à se mettre derrière ses colonnes d’Hercule et à se tenir à carreau sur ses « îles ». Et cela veut dire que de facto (quelle que soit la réponse à ces propositions) le « monde américain » en tant que tel pour la Russie a cessé d’exister ». Du coup la Russie aura la haute main en Europe. Les pays d’Europe de l’Ouest sont déjà considérés comme acquis, Moscou comptant sur le vivier de collaborateurs qu’elle a cultivés pendant des années au sein des élites dirigeantes européennes : elle vient d’envoyer à ceux-ci un signal fort en nommant François Fillon administrateur du géant de la pétrochimie Sibur. Privés du soutien américain, les pays « russophobes » qui cristallisent la résistance à l’hégémonie de Moscou n’auront plus qu’à se plier à l’inévitable : toujours selon Russtrat, « Bien sûr, la Pologne et les pays baltes seront mécontents. Mais ils seront probablement les seuls à s’opposer au retrait américain d’Europe centrale et orientale. Après tout, le reste des « Jeunes Européens » est guidé par la position du « noyau » de l’Union européenne [les pays d’Europe occidentale], et ils n’ont pas de complexes anti-russes stables. »

Ce « noyau » « ne partage pas les sentiments russophobes et antirusses [des pays d’Europe centrale et orientale], est conscient du retrait inévitable des Américains d’Europe centrale et orientale et ne veut pas s’en mêler. […] Il vaut mieux que les États-Unis s’entendent avec Moscou, tout en se déchargeant du problème d’assurer la sécurité de l’Europe centrale et orientale sur le « noyau » de l’Union européenne, la France et l’Allemagne, qui sont en faveur de « l’autonomie stratégique » de l’UE. » Ce n’est pas sans raison que Riabkov a fait remarquer que l’initiative russe a « un potentiel puissant pour la formation de la sécurité européenne ». Le 18 décembre, il précise: « Nous proposons des négociations sur une base bilatérale avec les États-Unis. Si nous y impliquons d’autres pays, nous allons tout simplement noyer tout cela dans les parlotes et le verbiage. J’espère que les Américains ne sous-estiment pas à quel point tout a changé, et pas pour le mieux ».

Moscou mise sur l’effet démoralisant sur l’Europe de cette négociation russo-américaine sur son sort dont elle est exclue et sur la faiblesse de la partie américaine en l’absence des alliés européens. L’Union européenne voulait participer. Mais Moscou a imposé mordicus le format bilatéral avec Washington. Le sénateur russe Alexeï Pouchkov explique pourquoi : à ses yeux les pays européens s’efforcent de participer aux négociations pour les saboter. Or « la perspective d’accords ne dépend que des relations entre la Russie et les Etats-Unis ». Seules les autorités américaines contrôlent le vol de leurs bombardiers près des frontières de la Russie, et sont également capables de déployer des systèmes de missiles américains sur le territoire de l’Ukraine. Alors que les pays européens ne possèdent pas d’armes qui pourraient menacer la Russie et ne sont pas indépendants pour ce qui est du déploiement de ces armes sur leur territoire.

Le pacte Ribbentrop-Molotov n’est jamais loin dans la tête des dirigeants du Kremlin. C’est aussi une question de statut, et le reflet de l’obsession de Poutine d’effacer l’effondrement de l’URSS. Comme le souligne Nezavisimaya Gazeta, « La Russie a agi comme l’héritière de l’URSS, la deuxième superpuissance, qui se considère en droit de négocier avec l’Occident sur un pied d’égalité. » En négociant d’égal à égal avec le président des Etats-Unis Poutine démontre en même temps aux Russes que sa position de capo est reconnue par les maudits Occidentaux. Le sentiment d’avilissement qu’ils éprouvent au fond d’eux-mêmes en se pliant au despotisme se dissipe au spectacle de l’humiliation des Occidentaux : eux aussi courbent l’échine devant Poutine. La propagande du régime sait admirablement jouer de ces cordes sensibles.

Pourquoi cet ultimatum russe ?

Il est important de comprendre quelles motivations ont poussé Poutine à lancer ce défi aux pays occidentaux. Comme toujours le comportement russe est dicté par une analyse soigneuse de la « corrélation des forces », qui, selon les experts du Kremlin, vient de basculer en faveur des puissances révisionnistes anti-occidentales. Après 20 ans de préparation à la guerre, la position russe est jugée forte comme jamais, à en croire le think tank Russtrat : « Au cours de la prochaine année et demie, la Russie modifiera considérablement l’équilibre du pouvoir planétaire. […] La situation historique actuelle de la Russie est unique. L’État s’est préparé aux défis majeurs qui peuvent survenir sous une pression critique. D’énormes réserves ont été accumulées, y compris en or. Des plans nationaux d’infrastructure financière et d’information ont été créés et lancés. La numérisation a commencé à englober l’ensemble de l’économie, l’amenant à un nouveau niveau de compétitivité. L’expansion de notre propre base industrielle, y compris dans des domaines high-tech très sensibles, se fait à pas de géant, le « fossé technologique » se comble. Nous sommes sortis de la dépendance critique dans le domaine de la sécurité alimentaire. […] L’armée est depuis cinq ans la première de la planète. Dans ce domaine, le « fossé technologique » est en notre faveur et ne fait que s’élargir… De plus, l’explosion de l’inflation planétaire entraîne une crise énergétique, ce qui rend les Européens, pour la plupart, beaucoup plus accommodants et exclut un blocus de nos approvisionnements énergétiques, QUOI QUE NOUS FASSIONS. […] » Si la Russie et la Chine coordonnent leurs actions à l’encontre de l’Ukraine et de Taïwan respectivement, « tout deviendra beaucoup plus simple pour nous. Et pour la Chine aussi, de laquelle nous détournerons l’attention, ce qui nous libérera encore davantage les mains…» Bref,« la Russie a restauré son poids dans l’arène internationale au point qu’elle est capable de dicter ses propres conditions dans l’élaboration de la sécurité internationale. » Quant à « l’empire décrépit des Stars and Stripes, affaibli par les LGBT, BLM, etc., il est clair qu’il ne survivra pas à une guerre sur deux fronts. »

Car en face, les Etats-Unis affrontent une crise sans précédent, avec une inflation galopante, des pénuries d’approvisionnement, un président faible, une société plus divisée que jamais. Du coup, comme le note Irina Alksnis dans RIA Novosti, « la Russie ainsi que la Chine et d’autres puissances œuvrant à la transformation du système mondial […] disposent d’une fenêtre d’opportunité pour accélérer l’expulsion des États-Unis du trône mondial en augmentant la pression sur eux. Car si l’affaiblissement de l’Occident est en cours depuis un certain temps, les phénomènes de crise actuels indiquent que le processus est passé à un niveau qualitativement nouveau, et il serait donc insensé de ne pas saisir cette chance. D’autant plus que, pour notre part, nous avons achevé de nous donner nos propres mécanismes et outils stratégiques — alternatifs à ceux de l’Occident — nécessaires au bon fonctionnement de l’économie nationale et des relations avec les autres pays, qu’il s’agisse de la production de biens, des règlements monétaires, de la diffusion d’informations, etc…»

D’où la démarche du Kremlin : « Il ne s’agit pas de propositions de discussion, mais bien d’un ultimatum — d’une demande de reddition inconditionnelle. L’Occident n’a pas d’autre choix que de perdre la face — à moins de tenir fièrement bon et d’entrer en guerre avec la Russie. À en juger par la façon dont les Occidentaux ont commencé à s’agiter de l’autre côté, ils en sont bien conscients. » En brandissant la menace d’une guerre, fait remarquer RIA Novosti, « Moscou souligne que la Russie est prête — moralement, techniquement et dans tous les autres sens du terme — à toute évolution des événements. Et la réputation qu’elle a acquise au cours des années précédentes confirme que les Russes seront effectivement prêts à recourir à la force s’ils l’estiment nécessaire. Il convient de rappeler les propos de Vladimir Poutine, qui a déclaré sans ambages cet été que si la Russie coulait le destroyer britannique responsable d’une provocation au large des côtes de Crimée, il n’y aurait pas de conséquences majeures : le tollé de la presse mondiale ne doit pas être compté comme tel.[…] Non, cette fois-ci, l’Occident va payer de sa personne.»

Évidemment la guerre n’est pas sans risques, ce dont, espérons-le, les militaires russes essaient de persuader Poutine. Revenons à l’analyse de l’expert militaire Konstantin Sivkov citée plus haut : les forces conventionnelles russes étant insuffisantes, « nous ne pouvons résoudre le problème de la neutralisation de l’Europe et des États-Unis qu’en les éliminant physiquement avec notre potentiel nucléaire. […] Les USA et l’Europe disparaîtront physiquement. Il n’y aura presque pas de survivants. Mais nous aussi, nous serons détruits. A moins que le sort de la Russie ne soit meilleur, car nous avons un grand territoire. Nos adversaires ne pourront pas tout détruire avec des frappes nucléaires. Par conséquent, le pourcentage de la population survivante sera plus élevé. Cependant la Russie en tant qu’État peut disparaître après une guerre nucléaire à grande échelle. Elle risque de se fragmenter. »

Mais revenons au tournant du 17 décembre. Il ressort des analyses de Russtrat (entre autres) que le déclic pour le Kremlin a été la politique malencontreuse de la Maison Blanche qui, après la débandade en Afghanistan, a multiplié cet automne les émissaires à Moscou, rendant encore plus manifeste aux yeux de Poutine la faiblesse des Etats-Unis : « De hauts responsables américains ont effectué de fréquentes visites à Moscou. La venue en novembre du directeur de la CIA, William Burns, était à l’époque la quatrième visite d’un haut responsable de l’administration de la Maison Blanche depuis la réunion de Genève. Il n’est pas difficile de deviner que le but de la visite personnelle du directeur de la CIA n’était pas du tout de présenter des demandes à propos de l’Ukraine, comme les médias occidentaux ont essayé de le présenter, mais de tenter de trouver un compromis. Face à la chute de l’autorité internationale due au retrait infructueux d’Afghanistan, la Maison Blanche souhaitait vivement trouver un accord avec le Kremlin. »

Le 2 novembre 2021, Burns a effectivement rencontré le secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie Nikolaï Patrouchev et, probablement, le président Poutine. C’est un personnage apprécié du Kremlin : en 2005-2008, il a été ambassadeur en Russie et « a trouvé un langage commun avec Poutine. Sobre et pragmatique, totalement dépourvu du complexe messianique caractéristique des Américains, Burns a toujours prôné le refus d’élargir l’OTAN vers l’Est. » La visite de Burns a été interprétée à Moscou comme l’indice du choix d’une politique d’appeasement à Washington et donc un encouragement à faire monter les enchères et à « s’emparer de l’initiative stratégique ».

Au fond, nous retrouvons dans ces considérations un substrat léniniste. Les États-Unis et leurs alliés européens étaient les nantis de l’ordre international, les principaux bénéficiaires du système existant, qui leur apportait des avantages disproportionnés par rapport à leur contribution. Grâce à la crise, leur hégémonie est sur le déclin. Les Etats autrefois « prolétaires » sont en train de l’emporter, sous le leadership russe. Là encore Poutine est en train de rejouer la guerre froide, avec un happy end cette fois.

Que faire ?

Les Occidentaux doivent d’abord percevoir la situation telle qu’elle est, si désagréable fût-elle pour nos Etats démocratiques plus habitués à des entreprises futiles qu’à assurer leur préservation. Pour cela nous devons nous extraire du mensonge russe.

Le premier mensonge concerne les prétendues inquiétudes de Moscou pour la sécurité russe, le danger que représenterait pour elle des missiles de l’OTAN déployés dans les pays frontaliers. Il suffit de prendre connaissance des textes cités plus haut pour constater que les préoccupations de « sécurité » mises en avant par Moscou ne sont qu’un rideau de fumée, que l’OTAN même est considéré comme un tigre en papier, c’est RIA qui le constate : « Les atlantistes, malgré tous leurs appétits, n’entreront pas en conflit ouvert avec la Russie, ils n’en veulent pas et en ont peur. Même les stratèges anglo-saxons raisonnables comprennent que l’Occident n’a pas la force de maintenir l’Ukraine dans son orbite pendant longtemps, les lois de l’histoire russe (comme les lois de la géopolitique) fonctionneront toujours. »

Quand Moscou parle de « sécurité » il faut entendre « domination russe » et « impunité », car c’est de cela qu’il s’agit. Le Kremlin considère en effet que tout ce qu’il ne contrôle pas peut mettre le régime en péril. On le voit à la politique intérieure russe, où depuis des années les oasis de liberté sont asséchées une à une. Ce que Moscou craint en Ukraine, ce ne sont pas les quelques instructeurs de l’OTAN, ce sont les libertés. Elle veut une Ukraine désarmée de manière à pouvoir intimider les rebelles de Kiev et mettre en place un régime haï par son peuple, donc dépendant totalement du Kremlin. On se souvient que la Russie a laissé faire Aliev en Arménie justement parce que le président Pachinian avait été choisi par le peuple arménien contre les marionnettes du Kremlin. Si la Russie parvient à chasser les Etats-Unis d’Europe, elle ne tardera pas à se sentir menacée par les libertés des pays d’Europe de l’Ouest, et sous prétexte d’assurer sa « sécurité », elle mettra le même acharnement chez nous que chez elle à asservir les media, à éradiquer les institutions démocratiques et les partis indépendants. Aujourd’hui déjà, Lavrov se permet de réclamer la démission de Stoltenberg, secrétaire de l’OTAN, qui selon lui « n’est pas à la hauteur de sa tâche ».

Autre illusion dont il faut se défaire, l’idée d’une société civile bouillonnante en Russie qui pourrait freiner les aspirations belliqueuses du président Poutine. Les sondages montrent que le lavage de cerveau effectué par la propagande officielle est fort efficace : 50 pour cent des Russes interrogés considèrent que l’OTAN et l’Occident en général sont responsables de la tension actuelle. 16 pour cent incriminent l’Ukraine. Les rares opposants qui subsistent critiquent très rarement la politique étrangère et ne dénoncent guère le chauvinisme nauséabond qui émane du régime de Poutine.

Enfin, mentionnons cette vache sacrée démocratique qui doit être sacrifiée : la foi absolue dans la vertu du « dialogue », que la plupart des responsables occidentaux, de Florence Parly à Mario Draghi, continuent à préconiser face à Moscou. Or rien n’est plus dangereux que ces échanges au sommet, qui, quoi qu’on dise, alimentent immanquablement soit la paranoïa, soit la folie des grandeurs et l’ivresse de puissance russes. Si les Occidentaux se montrent fermes, le Kremlin en tire la conclusion qu’ils veulent détruire la Russie ; si les Occidentaux offrent des concessions, le Kremlin en conclut qu’ils sont faibles et qu’il faut foncer.

Très souvent avec la Russie la meilleure politique est celle du silence et de la distance : ne rien faire, ne rien dire et tenir bon l’arme au pied. S’accrocher au dialogue à tout prix, surtout quand Moscou nous tient en joue comme un forcené détenant un otage, ne fait qu’étaler notre faiblesse et encourager le Kremlin à l’escalade.

Surtout nous devons cesser de donner à la guerre froide la connotation péjorative qu’elle ne mérite nullement. La ministre de la Défense Florence Parly vient de déclarer que les pays occidentaux doivent éviter l’escalade avec la Russie afin de ne pas provoquer une nouvelle guerre froide. Tant que nous restons dans ces cadres conceptuels la Russie sera gagnante. Il faut se rappeler que la guerre froide a commencé en 1946, lorsque les Occidentaux ont cessé de céder à Staline, après lui avoir laissé en pâture les pays d’Europe centrale et orientale. C’est grâce à la guerre froide que les pays de l’Europe occidentale ont conservé leur liberté.

Les leçons des années 1946-7 sont d’actualité aujourd’hui. Les pionniers de la guerre froide furent les Britanniques, qui constituèrent un bloc occidental autour du noyau anglo-français et persuadèrent les Américains tentés par l’isolationnisme de rester en Europe. Au printemps 1947, les gouvernements français, italien et belge expulsèrent les ministres communistes, conscients du danger que représentait la cinquième colonne de Moscou en Europe. Cette volonté manifeste de résister à Staline acheva de persuader Washington de s’engager dans la sécurité européenne. Il s’agissait de tout un programme d’action dont nous pourrions nous inspirer aujourd’hui, au lieu de nous livrer à une puérile guerre des boutons avec la Grande-Bretagne. Mais pour cela nous devons réapprendre à voir les choses en face, à raisonner en termes politiques, au lieu de flotter au gré des passions médiatiques et des sondages. En 1946-7 on savait que la liberté valait la peine qu’on meure pour elle, ce qui visiblement est oublié aujourd’hui. Après Munich, en 1938, les Occidentaux éprouvèrent une grande honte d’avoir abandonné la Tchécoslovaquie dans les griffes d’Hitler. Aujourd’hui nous sommes en train de laisser tomber lâchement l’Ukraine, mais nous ne nous rendons même pas compte de notre déshonneur, ni du péril qu’il y a à céder à un agresseur. Nous discutons du sexe des anges, comme les Byzantins lorsque les forces ottomanes étaient en train de détruire les remparts de la ville.

Voir de plus:

Françoise Thom, la procureure de Poutine
Formée à l’école d’Alain Besançon, l’historienne française est l’une des voix les plus critiques, et les plus haïes, du Kremlin.
Isabelle Mandraud

Le Monde

21 octobre 2019
Rencontre. Assurément, la langue de bois, objet de sa thèse en 1987, lui est étrangère. Comme ce samedi 5 octobre, lorsqu’un journaliste de RT (ex-Russia Today) lui tend le micro à l’issue d’un débat sur les « Ingérences de Poutine » organisé par Le Monde Festival à l’Opéra Bastille. « Vous feriez mieux d’aller chercher un travail honnête », lui répond Françoise Thom, laissant sans voix son interlocuteur dépêché par le canal français de la télévision pro-poutinienne.

L’universitaire, spécialiste de l’URSS et de la Russie, ne prend guère de détour, non plus, lorsqu’elle présente le Kremlin comme « un régime prédateur ». Françoise Thom est l’une des voix françaises les plus critiques du poutinisme, à l’opposé de celles qui, à l’instar de l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, prônent la réconciliation avec Moscou au nom du « réalisme ».

En août, elle cosignait avec son amie écrivaine Galia Ackerman une tribune cinglante dans Le Monde pour dénoncer la réception de Vladimir Poutine par Emmanuel Macron au fort de Brégançon à la veille du G7 organisé à Biarritz : « Quel intérêt y a-t-il à introniser à nouveau un pays dont le but avoué est la destruction de l’ordre international et le ralliement de toute l’Europe à son régime militaro-policier ? » Plus tôt, en décembre 2018, elle publiait Comprendre le poutinisme (éd. Desclée de Brouwer), dans lequel elle décortiquait au scalpel la propagande du pouvoir russe et le profil « kagébiste » de son président, issu des rangs du KGB, non sans s’attarder sur l’influence concentrationnaire encore présente dans les mentalités et les réseaux. Un essai devenu une Bible pour certains ; un brûlot pour d’autres.

Au même moment, le ministère russe des affaires étrangères se déchaînait sur Twitter en faisant tourner ce message via ses ambassades : « Il semble que les textes français signés Françoise Thom sur la “propagande russe” sont bien payés par Londres, Royaume-Uni ». Bête noire du Kremlin et de ses supporteurs, elle fut aussi traitée de « pute sioniste » ou d’« intellectuelle haineuse » sur les réseaux sociaux. Classée en tête de gondole des « russophobes », selon l’étiquette accolée par les thuriféraires du régime à tous ceux qui osent émettre une critique. L’intéressée s’en moque.

Tout juste retraitée de l’université Paris-Sorbonne, où elle enseignait l’histoire contemporaine, Françoise Thom, 68 ans, le regard vif et les cheveux courts en bataille, ne désarme pas. « L’initiative Macron, sans avoir consulté les partenaires européens, est extrêmement risquée à un moment où les Etats-Unis sont totalement paralysés, dit-elle. Le premier service qu’on puisse rendre à la Russie est de lui tenir un discours de vérité, or le président français ne le fait pas quand il cite tous les poncifs, il la conforte au contraire dans une voie calamiteuse ». Les références littéraires du chef de l’Etat français citant Dostoïevski face à son homologue russe l’ont laissé de marbre.

C’est pourtant par la littérature, et Dostoïevski en particulier, que Françoise Thom est arrivée au russe, une langue qu’elle a d’abord enseignée comme professeure agrégée. « C’est un excellent auteur mais je le vois un peu différemment aujourd’hui, en tout cas je suis sortie du mysticisme. En Occident, on donne dans le kitsch slavophile. Pour moi, la grande force de la littérature russe, outre la poésie, c’est la satire », affirme-t-elle en nommant en tête de ses préférences – outre Dostoïevski – Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine, Mikhaïl Zochtchenko, Andreï Platonov, ou Alexandre Zinoviev.

Né à Strasbourg dans une famille « profondément européenne », d’un père mathématicien, récompensé par la médaille Fields, l’équivalent d’un prix Nobel dans cette discipline, et d’une mère institutrice, Françoise Thom a passé quatre années aux Etats-Unis durant son enfance, après que son père a été appelé dans de prestigieuses universités comme Berkeley. Mais toujours éprise de la langue russe, c’est à Moscou qu’elle débarque seule et enthousiaste, à l’âge de 23 ans. Quatre années, ici aussi, entre 1973 et 1978, afin de parfaire son apprentissage à l’université MGU et dans les éditions Mir, réputées pour faire connaître à l’étranger les réalisations scientifiques soviétiques.

C’est une catastrophe. Sous Brejnev, l’URSS est plongée dans la stagnation. Les signes du déclin de l’empire rouge apparaissent, les pénuries s’étendent. L’étudiante est choquée. « Sur place, cela a été une révélation progressive qui a infusé surtout dans le domaine moral, explique-t-elle. Ce que je voyais, en plus de la laideur extérieure, c’était le côté sordide des relations humaines, la peur, l’espionnite, le mensonge en pleine figure, le côté intéressé… » Rentrée en France, Françoise Thom se sent plus isolée que jamais. Ses relations dans le milieu universitaire « où le marxisme battait son plein » s’effritent. Jusqu’à ce qu’elle lise Les Origines intellectuelles du léninisme, (éd. Gallimard, 1996), d’Alain Besançon. Un « éblouissement ».

Communiste repenti en 1956 après la publication du rapport Khrouchtchev sur les crimes staliniens et le soulèvement réprimé de Budapest, l’historien Alain Besançon a réorienté tous ses travaux sur le totalitarisme. Françoise Thom va le trouver et commence sous sa direction sa thèse sur la langue de bois. C’est l’histoire désormais qui la passionne. « Auprès de Besançon, j’ai appris l’importance de l’éthique, et compris qu’on ne pouvait pas considérer le régime communiste comme un autre, car c’était un régime criminel », souligne-t-elle, ajoutant dans un rire : « Evidemment, ce n’était pas très à la mode. »

Suit une véritable « traversée du désert » dans un milieu universitaire encore empreint des idéaux communistes au sein duquel le maître et ses élèves « fonctionnent en petit groupe, comme des dissidents ». Des dissidents, justement, que Françoise Thom fréquente parmi les Russes exilés, auprès de cette « dissidence humble qui passait ses nuits à taper des samizdats à la machine ». L’effondrement de l’URSS la surprend, les prémices de la nouvelle Russie sous Eltsine l’inquiètent, l’arrivée au pouvoir de Poutine « et sa bande de killers formée dans la jungle de l’après-communisme » la glace.

« Il n’aurait pas fallu, en Occident, approuver la destruction du Parlement en octobre 1993 [en butte au Congrès des députés du peuple, Boris Eltsine fit intervenir l’armée et prononça sa dissolution au terme de plusieurs jours d’affrontements meurtriers dans les rues de Moscou] car c’était une violation gravissime du droit. Les germes du poutinisme sont là, dans cette liquidation du Parlement par la force, et l’impossible séparation des pouvoirs. C’était la fin de l’espérance d’une démocratie libérale. »

Françoise Thom va souvent à contre-courant de la pensée dominante. Elle est aussi l’auteure d’une somme décoiffante de près de 1 000 pages sur Béria, Le Janus du Kremlin (Ed. du Cerf, 2013) dans lequel elle décrit le bourreau de Staline d’origine géorgienne comme ce dernier sous les traits… d’un précurseur de la perestroïka. Dans ce livre d’une lecture ardue, elle développe la thèse d’un homme ambivalent, à la fois serviteur zélé d’un régime totalitaire (à la tête du NKVD, ancêtre du KGB, il a développé à une échelle industrielle le goulag), mais aussi comme un réformateur caressant le projet de desserrer l’étau du parti.

« Je suis partie du plénum de 1953 et des accusations inhabituelles portées contre lui comme celle d’avoir donné l’ordre de cesser le brouillage des radios occidentales, expose-t-elle. C’était quelqu’un d’antipathique évidemment, mais l’idée qu’il ait pu jouer un double jeu, qu’il soit parvenu au sommet d’un système tout en étant un adversaire de ce système m’a fascinée ». C’est au cours de cette enquête hors norme que Françoise Thom rencontra son mari, géorgien lui aussi, dans un colloque.

Mais la voici qui s’attelle désormais à une autre entreprise colossale, une étude sur la façon dont sont vécues les grandes catastrophes historiques par leurs contemporains, de la fin d’Athènes, avec la guerre du Péloponnèse, en passant par la fin de Rome ou celle de Byzance, jusqu’à la révolution communiste. Sans pour autant abandonner son œil critique ni son franc-parler sur l’actualité poutinienne, bien sûr.

Voir enfin:

Traduction intégrale du discours de Vladimir Poutine ce 24 février

Chers citoyens russes, Chers amis

Aujourd’hui je trouve indispensable de revenir sur les événements tragiques qui se produisent au Donbass, et aux questions clés qui concernent la sécurité de la Russie.
Je commencerai par ce que j’ai déjà évoqué dans mon allocution du 21 février de cette année. Il est question de ce qui suscite chez nous une préoccupation et une inquiétude particulières, de ces menaces fondamentales pour la sécurité de notre pays que des hommes politiques irresponsables à l’Occident créent pas à pas, sans détours et brutalement, depuis des années. Je fais allusion à l’élargissement de l’OTAN vers l’est, au rapprochement de son infrastructure militaire vers les frontières russes.
Nous savons bien que 30 ans durant nous avons tenté patiemment et obstinément de nous entendre avec les principaux pays de l’OTAN sur les principes d’une sécurité également partagée et indivisible en Europe. En réponse à nos propositions, nous nous sommes heurtés à chaque fois soit à des mensonges et des tromperies cyniques, soit à des tentatives de pression et de chantage, tandis que l’Alliance nord-atlantique dans le même temps ne cessait de s’élargir en dépit de toutes nos protestations et inquiétudes. La machine militaire avance et, je le répète, s’approche au plus près de nos frontières.
Pourquoi tout cela se produit-il ? D’où vient cette manière arrogante de nous traiter depuis une position d’élus, d’irréprochables, à qui tout est permis ? D’où vient ce mépris, ce je-m’en-foutisme envers nos intérêts et nos exigences absolument légitimes ?
La réponse est claire, évidente et facile à expliquer. L’URSS à la fin des années 80 s’est affaiblie, et s’est finalement totalement écroulée. Tout le cours des évènements de cette époque constitue une bonne leçon pour nous également aujourd’hui. Il a montré clairement que la paralysie du pouvoir, de la volonté, sont le premier pas vers la dégradation totale et la relégation. Il nous a suffi à cette époque de perdre pour quelque temps notre confiance en nous, et voilà: l’équilibre des forces dans le monde a été rompu.
La conséquence en a été que les accords, les traités existants ont de facto perdu effet. Les tentatives de convaincre et les demandes sont sans effet. Tout ce qui n’arrange pas l’hégémon, les tenants du pouvoir, est déclaré archaïque, obsolète, inutile. Et au contraire, ce qui leur paraît bénéfique est proclamé vérité absolue, imposé de force à tout prix, avec arrogance, par tous les moyens. Ceux qui ne sont pas d’accord sont brisés.
Ce que j’évoque ne concerne pas uniquement la Russie, et nous ne sommes pas seuls à nous inquiéter. Cela concerne tout le système des relations internationales, et parfois même les propres alliés des Etats-Unis.
Après la chute de l’URSS, c’est dans les faits une recomposition du monde qui a commencé, et les normes jusqu’alors établies du droit international – dont les principales avaient été adoptés à l’issue de la Deuxième guerre mondiale et en grande partie en pérennisaient les résultats – ont commencé à gêner ceux qui s’étaient déclarés vainqueurs de la Guerre froide.
Bien sûr, dans la vie pratique, dans les relations internationales et dans leurs règles, il fallait prendre en compte les changements de la situation mondiale et de l’équilibre des forces. Mais il fallait le faire de manière professionnelle, progressivement, patiemment, en tenant compte et en respectant les intérêts de tous les pays et avec le sens de la responsabilité. Mais non, (on a vu) l’euphorie de la suprématie absolue, une sorte d’absolutisme de notre temps, en outre sur fond de faible culture générale et d’arrogance de ceux qui préparaient, adoptaient et imposaient des décisions qui ne profitaient qu’à eux-mêmes. La situation a commencé à se développer suivant un scénario différent.
Inutile de chercher loin pour trouver des exemples. D’abord, sans aucune autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU, une opération militaire sanglante a été menée contre Belgrade. On a utilisé l’aviation, des missiles au centre même de l’Europe. Plusieurs semaines de bombardements incessants sur des villes pacifiques, sur des infrastructures vitales. On est forcé de rappeler ces faits, car certains de nos collègues occidentaux n’aiment pas se souvenir de ces événements, et quand nous en parlons, préfèrent non pas se référer aux normes du droit international, mais à des circonstances qu’ils interprètent comme ils le jugent nécessaire.
Après, cela a été le tour de l’Irak, de la Lybie, de la Syrie. Le recours illégitime à la force militaire contre la Libye, la déformation de toutes les décisions du Conseil de Sécurité de l’Onu sur la question libyenne ont mené à la destruction totale de l’Etat, à l’apparition d’un foyer énorme de terrorisme international, à ce que le pays a sombré dans une catastrophe humanitaire, dans l’abîme d’une guerre civile qui perdure jusqu’à présent. La tragédie à laquelle ont été condamnées des centaines de milliers, des millions de personnes en Libye et dans toute la région a provoqué un exode massif de l’Afrique du Nord et du Proche Orient vers l’Europe.
On préparait le même sort pour la Syrie. Les opérations militaires de la coalition occidentale sur le territoire de ce pays, sans accord du gouvernement syrien et sans autorisation du conseil de Sécurité de l’ONU, ce n’est rien d’autre qu’une agression, une intervention.
Mais une place à part dans ce rang est due sans doute à l’invasion en Irak, également dénuée de tout fondement légal. Comme prétexte on a choisi une information sûre que les Etats Unis prétendaient avoir sur les armes d’extermination massive en Irak. Pour le prouver, le secrétaire d’Etat américain, aux yeux du monde entier, a agité une sorte de fiole avec une poudre blanche, assurant à tout le monde que c’était une arme chimique élaborée en Irak. Et puis il s’est avéré que tout cela était de la tricherie, du bluff : qu’il n’y avait aucun arme chimique en Irak. C’est incroyable, étonnant, mais un fait reste un fait. Il y a eu mensonge au plus haut niveau de l’Etat et depuis la haute tribune de l’ONU. Et pour résultat, une quantité énorme de victimes, de destructions, une flambée incroyable de terrorisme.
On a d’une manière générale l’impression que pratiquement partout, dans de nombreuses régions du monde où l’Occident arrive pour instaurer son ordre, ne restent à la fin que des plaies sanglantes qui ne cicatrisent pas, les ulcères du terrorisme international et de l’extrémisme. Tout ce dont j’ai parlé, ce n’est que les exemples les plus flagrants mais c’est loin d’être les seuls exemples du mépris pour le droit international.
La promesse faite à notre pays de ne pas élargir d’un pouce l’Otan vers l’est en fait partie. Je le répète: on nous a trompés, et pour utiliser un langage populaire, on nous a roulés. Certes, on dit souvent que la politique est quelque chose de sale. C’est possible, mais pas à ce point. Une telle roublardise va à l’encontre non seulement des principes des relations internationales mais avant tout des normes de la morale. Où sont la justice et le droit ? On n’a ici que du mensonge et de l’hypocrisie.
D’ailleurs les hommes politiques, politologues et les journalistes américains eux-mêmes écrivent et disent que c’est un véritable « empire du mensonge » qui a été créé ces dernières années aux Etats-Unis. Il est difficile de les contredire: c’est le cas. Mais ne soyons pas trop modestes: les Etats-Unis sont tout de même un grand pays, une puissance déterminante. Tous ses satellites non seulement lui chantent des louanges et lui font écho fidèlement et invariablement à tout propos, mais aussi copient son comportement, et adoptent avec enthousiasme les règles qu’il propose. C’est pourquoi on peut dire avec certitude et assurance que c’est ce qu’on appelle le bloc occidental dans son ensemble, formé par les Etats-Unis à leur image et sur leur modèle, qui est « l’empire du mensonge ».
Pour ce qui concerne notre pays, après l’effondrement de l’URSS, malgré l’ouverture sans précédent de la nouvelle Russie, sa disposition à travailler honnêtement avec les Etats-Unis et les autres partenaires occidentaux, et dans un contexte de désarmement pratiquement unilatéral, on a aussitôt essayé de nous achever et de nous détruire cette fois définitivement. C’est exactement ce qui s’est produit dans les années 1990 et au début des années 2000, quand ce qu’on appelle l’Occident a soutenu de la manière la plus active le séparatisme et des bandes de mercenaires dans le sud de la Russie. Quelles pertes, combien de victimes cela nous a coûté avant de briser définitivement le terrorisme international dans le Caucase. Nous nous en souvenons et n’oublierons jamais.
Du reste, jusqu’à encore récemment on n’a cessé de tenter de nous utiliser à profit, de détruire nos valeurs traditionnelles et de nous imposer des prétendues valeurs qui auraient détruit notre peuple de l’intérieur, les principes qu’ils imposent déjà de manière agressive dans leurs propres pays et qui mènent directement à la dégradation et à la dégénérescence puisqu’elles vont à l’encontre de la nature humaine elle-même. Cela ne se fera jamais, et personne n’a réussi jusqu’à présent. Cela ne se fera pas davantage maintenant.
En dépit de tout cela, en décembre 2021 nous avons malgré tout encore une fois entrepris une tentative de nous entendre avec les Etats-Unis et leurs alliés sur des principes de sécurité en Europe et sur le non-élargissement de l’Otan. Tout est clair. La position des Etats-Unis ne change pas. Ils ne jugent pas nécessaire de s’entendre avec la Russie sur cette question clé pour nous, poursuivant leurs objectif et négligeant nos intérêts.
Et bien sûr dans cette situation se pose une question : mais que faire maintenant, que doit-on attendre ? L’Histoire nous enseigne bien, comment en 1940 et au début de 1941 quand l’Union soviétique s’efforçait d’empêcher ou au moins de repousser le début de la guerre, et pour cela, jusqu’au dernier moment, essayait de ne pas provoquer l’agresseur potentiel, n’entreprenait pas ou reportait les mesures les plus indispensables et les plus évidentes pour se préparer à faire face à une agression inévitable. Et les mesures qui ont finalement été prises, arrivaient avec un retard catastrophique.
Le résultat en a été que le pays n’a pas été prêt à faire face pleinement à l’invasion par l’Allemagne nazie, qui a attaqué notre patrie sans déclaration de guerre le 22 juin 1941. On a réussi à arrêter l’ennemi et ensuite à le vaincre, mais à un prix colossal. La tentative d’amadouer l’agresseur à la veille de la Seconde guerre mondiale a été une erreur qui a coûté cher à notre peuple. Dans les premiers mois de combats nous avons perdu des territoires gigantesques et d’une importance stratégique, et des millions de vies humaines. Nous ne ferons pas une telle erreur une seconde fois, nous n’en avons pas le droit.
Ceux qui prétendent à la domination du monde, publiquement, dans l’impunité et, je le souligne, sans aucun fondement, nous déclarent, nous, la Russie, leur ennemi. Ils ont effectivement aujourd’hui des capacités financières, scientifiques et technologiques, militaires, supérieures. Nous le savons et évaluons objectivement les menaces proférées à notre adresse de manière permanente dans le domaine de l’économie – tout comme nos capacités à résister à ce chantage permanent et arrogant. Je le répète, nous les évaluons sans illusion, de manière extrêmement réaliste.
Pour ce qui concerne le domaine militaire, la Russie, même après l’effondrement de l’URSS et la perte d’une part significative de son potentiel, est aujourd’hui une des plus grandes puissances nucléaires au monde, et dispose en outre d’avantages certains dans une série de nouveaux types d’armements. En ce sens, personne ne doit avoir de doutes sur le fait qu’une attaque directe contre notre pays mènera à la destruction et à d’épouvantables conséquences pour tout agresseur potentiel.
Dans le même temps, les technologies, y compris de défense, changent vite. Le leadership dans ce domaine change de mains et va continuer de le faire, alors que la prise de contrôle militaire de territoires voisins de nos frontières, si nous le laissons faire, perdurera pour des décennies, voire pour toujours, et constituera pour la Russie une inacceptable menace en croissance permanente.
Dès maintenant, au fur et à mesure de l’élargissement de l’Otan vers l’est, la situation pour notre pays devient chaque année pire et plus dangereuse. En outre, ces derniers jours la direction de l’Otan parle sans détours de la nécessité d’accélérer et de renforcer la progression des infrastructures de l’Alliance vers les frontières de la Russie. En d’autres termes, ils durcissent leur position. Nous ne pouvons pas continuer d’observer simplement le cours des événements. Ce serait de notre part absolument irresponsable.
La poursuite de l’élargissement des infrastructures de l’Alliance nord-atlantique, la prise de contrôle militaire du territoire de l’Ukraine sont pour nous inacceptables. Ce n’est bien entendu pas l’Otan elle-même qui est en jeu – c’est simplement un instrument de politique étrangère des Etats-Unis. Le problème est que, sur des territoires voisins des nôtres – je souligne qu’il s’agit de nos propres territoires historiques – se crée une « anti-Russie » qui nous est hostile et qui est placée entièrement sous contrôle extérieur, où les forces armées de pays de l’Otan prennent leurs aises et où sont introduits les armements les plus modernes.
Pour les Etats-Unis et leurs alliés c’est la prétendue politique d’endiguement de la Russie, des dividendes géopolitiques évidents. Mais pour notre pays c’est en fin de compte une question de vie ou de mort, la question de notre avenir historique comme peuple. Et ce n’est pas une exagération, c’est la vérité. C’est une menace réelle non seulement pour nos intérêts mais pour l’existence même de notre Etat, pour sa souveraineté. C’est la fameuse ligne rouge dont on a parlé nombre de fois. Ils l’ont franchie.
A ce propos – sur la situation dans le Donbass. Nous voyons que les forces qui ont effectué en 2014 un coup d’Etat en Ukraine se sont emparées du pouvoir et le conservent grâce à ce qui est en fait des procédures électorales décoratives, ont définitivement renoncé à un règlement pacifique du conflit. Durant huit ans, d’interminables huit années, nous avons fait tout ce qui était possible pour que la situation soit réglée par des moyens pacifiques et politiques. En vain.
Comme je l’ai déjà dit dans ma précédente allocution, on ne peut pas regarder sans compassion ce qui se passe là-bas. Il n’était simplement plus possible de rester sans rien faire. Il fallait mettre fin sans délai à ce cauchemar – un génocide à l’égard des millions de personnes qui vivent là-bas et qui ne fondent leurs espoirs que sur la Russie. Ce sont précisément ce désir, ces sentiments, la douleur des gens qui ont été pour nous le principal motif pour prendre la décision de reconnaître les républiques populaires du Donbass.
Ce que je souhaite en outre souligner. Les principaux pays de l’Otan, pour parvenir à leurs fins, soutiennent en Ukraine les ultra-nationalistes et des néonazis, qui à leur tour ne pardonneront jamais le choix libre des habitants de la Crimée et de Sebastopol, la réunification avec la Russie.
Ils vont bien entendu s’attaquer à la Crimée, comme au Donbass, pour tuer, comme les bandes de nationalistes ukrainiens, complices d’Hitler au moment de la Seconde guerre mondiale, tuaient des gens sans défense. Et ils déclarent ouvertement qu’ils ont des vues sur toute une série d’autres territoires russes.
Toute l’évolution de la situation et l’analyse des informations qui nous arrivent montrent que l’affrontement de la Russie avec ces forces est inévitable. Ce n’est qu’une question de temps: ils se préparent, ils attendent le moment favorable. Maintenant ils ambitionnent même d’acquérir l’arme nucléaire. Nous ne laisserons pas faire.
Comme je l’ai déjà dit précédemment, la Russie, après l’effondrement de l’URSS, a pris en compte les nouvelles réalités géopolitiques. Nous considérons avec respect tous les pays apparus dans l’espace postsoviétique. Nous respectons et respecterons leur souveraineté, et l’exemple en est l’aide que nous avons apportée au Kazakhstan qui s’est trouvé confronté à des événements tragiques mettant en jeu l’Etat et son intégrité. Mais la Russie ne peut pas se sentir en sécurité, se développer, exister avec une menace permanente émanant du territoire de l’Ukraine.
Je rappelle qu’en 2000-2005 nous avons répondu militairement aux terroristes dans le Caucase, avons défendu l’intégrité de notre pays, et préservé la Russie. En 2014 nous avons défendu les habitants de la Crimée et de Sebastopol. En 2015 nous avons eu recours aux forces armées pour empêcher l’entrée de terroristes en Russie depuis la Syrie. Nous n’avions pas d’autre moyen de nous protéger.
C’est la même chose qui se produit aujourd’hui. On ne nous a pas laissé d’autre possibilité de défendre la Russie, nos gens, que celle que nous allons être obligés d’utiliser aujourd’hui. Les circonstances exigent de nous des actes rapides et fermes. Les républiques populaires du Donbass ont demandé l’aide de la Russie.
Par conséquent, conformément à l’article 51 alinea 7 de la Charte de l’ONU, avec l’accord du Conseil de sécurité russe et dans le cadre des accords d’Amitié et d’assistance mutuelle avec la République populaire de Donetsk et la la République populaire de Lougansk, ratifiés le 22 février par le Conseil de la Fédération, j’ai pris la décision d’une opération armée spéciale.
Son objectif – défendre les gens qui depuis huit ans sont soumis à des brimades et à un génocide de la part du régime de Kiev. Dans ce but nous allons nous efforcer de parvenir à la démilitarisation et à la dénazification de l’Ukraine, ainsi que de traduire devant la justice ceux qui ont commis de nombreux crimes sanglants contre des civils, y compris contre des citoyens de la Fédération de Russie.
Mais l’occupation de territoires ukrainiens ne fait pas partie de nos plans. Nous n’avons pas l’intention d’imposer quoi que ce soit par la force, à quiconque. Dans le même temps nous entendons de plus en plus souvent en Occident qu’il n’est plus nécessaire de respecter les documents signés par le régime totalitaire soviétique, qui fixaient les résultats de la Seconde guerre mondiale. Que répondre à cela ?
Les résultats de la Seconde guerre mondiale, tout comme les pertes apportées par notre peuple sur l’autel de la victoire sur le nazisme, sont sacrés. Mais cela ne contredit pas les hautes valeurs des droits et libertés de l’homme, si l’on part des réalités qui se sont établies depuis la fin de la guerre. Cela n’annule pas davantage le droit des nations à l’autodétermination, inscrit à l’article 1 de la Charte de l’ONU.
Je rappelle que ni lors de la fondation de l’URSS, ni après la Seconde guerre mondiale, personne n’a jamais demandé aux gens qui vivaient sur tel ou tel territoire entrant dans l’actuelle Ukraine, comment ils comptaient eux-mêmes construire leur vie. Au fondement de notre politique, la liberté, la liberté de choix pour chacun de déterminer librement son avenir et l’avenir de ses enfants. Et nous jugeons important que ce droit – le droit à choisir – puisse être exercé par tous les peuples qui vivent sur le territoire de l’actuelle Ukraine, tous ceux qui le voudront.
En ce sens je m’adresse aux citoyens ukrainiens. En 2014 la Russie a été dans l’obligation de défendre les habitants de la Crimée et de Sebastopol face à ceux que vous appelez vous-mêmes les « naziki ». Les habitants de la Crimée et de Sebastopol ont fait leur choix – être avec leur patrie historique, avec la Russie, et nous les avons soutenus. Je le répète, nous ne pouvions nous comporter autrement.
Les événements d’aujourd’hui sont liés non à une volonté de porter atteinte aux intérêts de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Ils sont liés à la défense de la Russie elle-même contre ceux qui ont pris l’Ukraine en otage et tentent de l’utiliser contre notre pays et son peuple.
Je le répète, nos actes sont une autodéfense contre des menaces créées contre nous et contre des malheurs encore plus grands que ceux qui surviennent aujourd’hui. Quelle qu’en soit la difficulté, je vous demande de le comprendre et j’appelle à coopérer pour tourner le plus vite possible cette page tragique et, ensemble, aller de l’avant en ne laissant personne se mêler de nos affaires, de nos relations, mais en les construisant nous-mêmes de manière à permettre de surmonter tous les problèmes et, malgré la présence de frontières, à nous renforcer de l’intérieur comme un tout. Je crois en cela, précisément en un tel avenir commun.
Je dois m’adresser aux militaires des forces armées ukrainiennes.
Chers camarades ! Vos pères, grand-pères, arrière-grand-pères n’ont pas combattu les nazis, défendant notre patrie commune, pour que les néonazis d’aujourd’hui s’emparent du pouvoir en Ukraine. Vous avez prêté serment envers le peuple ukrainien, et non envers la junte qui aujourd’hui pille l’Ukraine et se moque de son peuple.
N’exécutez pas ses ordres criminels. Je vous appelle à déposer immédiatement les armes et à rentrer chez vous. Je précise : tous les militaires de l’armée ukrainienne qui rempliront cette exigence pourront quitter sans encombre la zone de combats et rejoindre leur famille.
Je souligne encore une fois avec force : toute la responsabilité de l’éventuelle effusion de sang reposera entièrement sur la conscience du régime en place sur le territoire de l’Ukraine.
Maintenant quelques mots importants, très importants pour ceux qui peuvent avoir la tentation de s’immiscer depuis l’extérieur dans les événements en cours. Quiconque tentera de nous gêner, a fortiori de créer une menace pour notre pays pour notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et infligera des conséquences telles que vous n’en avez jamais connu dans votre histoire. Nous sommes prêts à tout développement de la situation. Toutes les décisions en ce sens ont déjà été prises. J’espère que je serai entendu.
Chers citoyens russes !
La prospérité, et l’existence même d’Etats et de peuples entiers, leur succès et leur vitalité prennent toujours leur source dans de fortes racines culturelles, dans un système de valeurs, d’expérience et de traditions des ancêtres, et bien entendu dépendent directement des capacités à s’adapter rapidement aux changements perpétuels de la vie, de la cohésion de la société, de sa disposition à s’unir, unir toutes ses forces pour aller de l’avant.
La force est toujours nécessaire – toujours, mais la force peut-être de différentes qualités. Au fondement de la politique de « l’empire du mensonge » dont je parlais au début de mon allocution, repose avant tout la force brute. Dans ce cas on a coutume de dire chez nous « La force est là, pas besoin d’intelligence ».
Mais vous et moi savons que la véritable force est dans la justice et la vérité, qui est de notre côté. Et s’il en est ainsi, il est difficile de ne pas admettre que ce sont précisément la force et la disposition au combat qui fondent l’indépendance et la souveraineté, constituent l’indispensable base sur laquelle on peut construire sûrement son avenir, bâtir sa maison, sa famille, sa patrie.
Chers concitoyens !
Je suis certain que les soldats et officiers des forces armées russes, fidèles à leur pays, vont remplir leur devoir avec professionnalisme et courage. Je ne doute pas que les pouvoirs de tous niveaux, les spécialistes qui répondent de la stabilité de notre économie, de notre système financier, du secteur social, les dirigeants de nos entreprises et tout le milieu d’affaires russe vont agir de manière coordonnée et efficace. Je compte sur l’attitude unie et patriotique de tous les partis parlementaires et des forces de la société.
En fin de compte, comme cela a toujours été le cas dans l’Histoire, le destin de la Russie est entre les mains de notre peuple aux nombreuses nationalités. Et cela signifie que les décisions prises seront exécutées, les objectifs fixés seront atteints, que la sécurité de notre patrie sera garantie.
Je crois en votre soutien, dans la force invincible que nous donne notre amour de la patrie.

Voir enfin:

Appeal of the All-Russian Officers’ Assembly to the President and citizens of the Russian Federation

Chairman of the “All-Russian Officer’s Assembly” Colonel-General Leonid Grigorievich Ivashov wrote an Address to the President and citizens of the Russian Federation “Chanle of War”:

Today humanity lives in anticipation of war. And war is the inevitable human sacrifices, destruction, suffering of large masses of people, destruction of habitual lifestyles, violation of the systems of life of states and peoples.

The big war is a huge tragedy, whose serious crime is. It so happened that Russia was at the center of this threatening catastrophe. And perhaps this is the first time in her history.

Previously, Russia (USSR) waged forced (just) wars, and, as a rule, when there was no other way out, when the vital interests of the state and society were threatened.

And what threatens the existence of Russia itself today, and are there such threats? It can be argued that there are really threats – the country is on the verge of completing its history.

All vital areas, including demography, are steadily deteriorating, and the rate of extinction of the population is breaking world records. And degradation is systemic, and in any complex system, the destruction of one of the elements can lead to the collapse of the entire system.

And this, in our opinion, is the main threat to the Russian Federation. But this is a threat of an internal nature, based on the model of the state, the quality of power and the state of society.

And the reasons for its formation are internal: the inviability of the state model, complete incapacity and unprofessionalism of the system of power and management, passivity and disorganization of society. Any country does not live in this state for a long time.

As for external threats, they are certainly present. But, according to our expert assessment, they are not at the moment critical, directly threatening the existence of Russian statehood, its vital interests.

In general, strategic stability persists, nuclear weapons are under reliable control, NATO force groups are not increasing, there is no threatening activity.

Therefore, the situation escalated around Ukraine is, first of all, artificial, selfish in nature for some internal forces, including the Russian Federation.

As a result of the collapse of the USSR, in which Russia (Yeltsin) took a decisive part, Ukraine became an independent state, a member of the UN, and in accordance with Article 51 of the UN Charter has the right to individual and collective defense.

The leadership of the Russian Federation has not yet recognized the results of the referendum on the independence of the DPR and LPR, while at the official level more than once, including during the Minsk negotiation process, stressed the belonging of their territories and population to Ukraine.

It has also been repeatedly said at a high level about the desire to maintain normal relations with Kiev, without distinguishing it into special relations with the DPR and LPR.

The issue of genocide committed by Kiev in the south-eastern regions was not raised either in the UN or in the OSCE. Naturally, in order for Ukraine to remain a friendly neighbor for Russia, it was necessary for it to demonstrate the attractiveness of the Russian model of the state and the system of power.

But the Russian Federation has not become so, its development model and foreign policy mechanism of international cooperation repels almost all neighbors, and not only.

Russia’s acquisition of Crimea and Sevastopol and their non-recognition by the international community (and, therefore the vast majority of countries in the world still consider them belonging to Ukraine) convincingly shows the failure of Russian foreign policy, and the unattractiveness of domestic policy.

Attempts through an ultimatum and threats of use of force to “love” the Russian Federation and its leadership are meaningless and extremely dangerous.

The use of military force against Ukraine, firstly, will call into question the existence of Russia itself as a state; secondly, it will forever make Russians and Ukrainians deadly enemies. Thirdly, there will be thousands (tens of thousands) dead young, healthy children on the one hand, which will certainly affect the future demographic situation in our endangered countries.

On the battlefield, if this happens, Russian troops will face not only Ukrainian servicemen, among whom there will be many Russian guys, but also with servicemen and equipment of many NATO countries, and member states of the alliance will be obliged to declare war on Russia.

President of the Republic of Turkey R. Erdogan clearly stated on whose side Turkey will fight. And it can be assumed that two field armies and the Turkish fleet will be ordered to “liberate” Crimea and Sevastopol and possibly invade the Caucasus.

In addition, Russia will definitely be classified as countries threatening peace and international security, subject to the most severe sanctions, turn into an outcast of the world community, and is likely to be deprived of the status of an independent state.

The president and government cannot understand such consequences, the Ministry of Defense cannot, they are not so stupid.

The question arises: what are the true goals of provoking tension on the verge of war, and the possible unleashing of widespread hostilities? And what will be, says the number and combat composition of the groups of troops formed by the parties – at least one hundred thousand servicemen on each side. Russia, bare the eastern borders, is transferring connections to the borders of Ukraine.

In our opinion, the country’s leadership, realizing that it is not able to lead the country out of a systemic crisis, and this can lead to an uprising of the people and a change of power in the country, with the support of the oligarchate, corrupt officials, fed media and security forces, decided to intensify the political line for the final destruction of Russian statehood and the extermination of the country’s indigenous population.

And war is the means that will solve this problem in order to retain its anti-national power for a while and preserve the wealth looted from the people. We can’t assume any other explanation.

From the President of the Russian Federation, we are Russian officers, we demand to abandon the criminal policy of provoking war, in which the Russian Federation will be alone against the combined forces of the West, to create conditions for the implementation in practice of Art. 3 Constitutions of the Russian Federation and resign.

We appeal to all reserve and retired servicemen, Russian citizens with a recommendation to show vigilance, organization, support the requirements of the Council of the All-Russian Officers’ Assembly, actively oppose propaganda and the outbreak of war, prevent internal civil conflict with the use of military force.

Voir par ailleurs:

Mikhaïl Gorbatchev : « Je m’oppose à tous les murs »
04 nov 2014
Maxim Korchounov, RBTH

Un entretien exclusif de RBTH avec Mikhaïl Gorbatchev, à l’approche du 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin et avec comme question centrale : un nouveau mur s’érige-t-il entre l’Est et l’Ouest ?

L’année 1989 est celle de la chute du mur de Berlin. Mais celle-ci n’est intervenue qu’au mois de novembre. Durant l’été précédent, au cours d’une conférence de presse à l’issue des négociations de Bonn avec le chancelier Kohl, une personne vous a interpellé en demandant : « Et que va-t-il se passer avec le mur ? » Vous avez alors répondu : « Sous la Lune, rien n’est éternel. Le mur pourra disparaître lorsque les conditions ayant conduit à sa création ne seront plus en place. Je ne vois pas ici de difficulté majeure ». A quel déroulement des événements vous attendiez-vous alors ? 

À l’été 1989, ni moi-même ni le chancelier Kohl ne nous attendions bien évidemment à ce que tout se déroule aussi rapidement, je ne m’attendais pas à ce que le mur tombe au mois de novembre. Nous l’avons d’ailleurs tous deux reconnu par la suite. Je ne prétends pas être un prophète.Il arrive que l’histoire accélère sa course. Elle punit alors tous ceux qui se trouvent en retard. Mais elle punit encore plus sévèrement tous ceux qui prétendent se mettre en travers de son chemin. Cela aurait été une grave erreur que de rester derrière le « rideau de fer ». C’est pourquoi il n’y a eu aucune pression de notre part sur le gouvernement de la RDA.Lorsque le déroulement des événements a commencé à s’accélérer de façon inattendue, les dirigeants soviétiques ont pris la décision unanime – je tiens à souligner ce fait – de ne pas interférer dans les processus internes à l’œuvre en RDA, et donc de faire en sorte que nos troupes ne sortent sous aucun prétexte de leurs garnisons. Je suis aujourd’hui convaincu que cela était la bonne décision.Quels sont les éléments ayant, au final, permis de mettre un terme à la partition de l’Allemagne et qui, selon vous, a joué un rôle décisif dans la réalisation de cette réunification pacifique ? Ce sont les Allemands eux-mêmes qui ont joué le rôle décisif dans la réunification de l’Allemagne. Je ne parle pas ici seulement des manifestations de masse en faveur de l’unité, mais également du fait qu’au cours des décennies d’après-guerre, les Allemands de l’Est comme de l’Ouest ont apporté la preuve qu’ils avaient tiré les leçons du passé et que l’on pouvait leur accorder notre confiance.En ce qui concerne le déroulement pacifique de la réunification et le fait que ce processus n’a pas débouché sur une dangereuse crise internationale, je pense qu’un rôle décisif a ici été joué par l’Union soviétique. Nous autres au sein de la direction soviétique, nous savions que de tous les peuples de l’Union soviétique, les Russes étaient sensibles aux aspirations des Allemands à vivre au sein d’un État démocratique unifié.Je voudrais également souligner qu’au-delà de l’URSS, les autres acteurs du processus de règlement final de la question allemande ont également fait preuve de mesure et de sens des responsabilités. Je parle ici des pays de l’Alliance atlantique : les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ce n’est aujourd’hui un secret pour personne que François Mitterrand comme Margaret Thatcher avaient de sérieux doutes sur le rythme de la réunification. La guerre avait tout de même laissé une marque profonde. Mais lorsque tous les aspects ayant trait à ce processus ont été résolus, ils ont signé les documents mettant fin à la guerre froide.Il vous a incombé de résoudre un problème crucial touchant aux évolutions mondiales. Le règlement international de la question allemande, avec la participation des grandes puissances et d’autres États, constitue un exemple de la grande responsabilité et de la grande « qualité » des responsables politiques de cette génération. Vous avez démontré qu’une telle chose était possible en fondant votre action sur ce que vous avez qualifié de « nouvelle pensée ». Dans quelle mesure les dirigeants contemporains sont-ils capables de résoudre de manière pacifique les problèmes actuels et qu’est ce qui a changé au cours des vingt-cinq dernières années en termes de méthodes visant à trouver des réponses aux défis géopolitiques ?  

La réunification allemande n’était pas un développement isolé mais une partie du processus d’achèvement de la guerre froide. Le chemin en avait été ouvert par la Perestroïka et la démocratisation de notre pays. Sans cela, l’Europe aurait pu rester divisée et « gelée » pendant encore des décennies. Et la sortie d’une telle situation aurait pu être, j’en suis convaincu, bien plus difficile.  Qu’est-ce que la nouvelle pensée ? C’est la reconnaissance du fait qu’il existe des menaces globales, il s’agissait à cette époque principalement de la menace d’une guerre nucléaire, qui ne pouvait être résolue que dans le cadre d’efforts conjoints. Cela signifie qu’il était nécessaire de bâtir une nouvelle relation, un dialogue, de rechercher un moyen de mettre un terme à la course aux armements. Cela signifiait qu’il fallait reconnaître la liberté de choix de tous les peuples et en même temps prendre en considération les intérêts de chacun, bâtir un partenariat, développer les relations pour faire en sorte que les conflits et les guerres deviennent impossibles en Europe.

Ce sont ces principes qui ont formé la base de la Charte de Paris (1990) pour une nouvelle Europe, un document politique de la plus haute importance, ratifié par l’ensemble des pays d’Europe, des Etats-Unis et du Canada. Il a ensuite fallu développer, concrétiser ces dispositions, créer de véritables structures, des mécanismes de prévention, des mécanismes de coopération. C’est par exemple à ce moment qu’a été proposée la création du Conseil pour la sécurité de l’Europe. Je ne souhaite pas opposer la génération des dirigeants d’hier à celle d’aujourd’hui. Mais le fait demeure que cela n’a pas été fait. Le développement de l’Europe s’est ensuite poursuivi de manière unilatérale, ce à quoi, je dois bien le dire, a contribué l’affaiblissement de la Russie au cours des années 1990.

Nous devons aujourd’hui admettre que nous nous trouvons face à une crise politique européenne et mondiale. L’une de ses causes, bien qu’elle ne soit pas la seule, tient à la réticence de nos partenaires occidentaux à prendre en compte le point de vue de la Russie et les intérêts légitimes touchant à sa sécurité. Dans leurs paroles, ils applaudissaient la Russie, en particulier durant la période Eltsine, mais dans les faits, notre voix n’était pas entendue.

Je fais ici en particulier référence à l’élargissement de l’OTAN, aux plans de déploiement du bouclier antimissile, aux agissements de l’Occident dans plusieurs régions de grande importance pour la Russie (la Yougoslavie, l’Irak, la Géorgie, l’Ukraine). Ils nous disaient alors littéralement : cela ne vous regarde pas. Cette situation a créé un abcès, qui a ensuite éclaté. Je conseillerais aux dirigeants occidentaux d’analyser attentivement tout cela, au lieu de blâmer la Russie en toutes circonstances. Souvenez-vous du type d’Europe que nous sommes parvenus à créer au début des années 1990 et de sa transformation malheureuse au cours des dernières années.

L’une des questions centrales qui se trouve aujourd’hui liée au déroulement des événements en Ukraine concerne l’élargissement de l’OTAN vers l’Est. Vous n’avez pas le sentiment d’avoir été trompé par vos partenaires occidentaux dans le cadre de l’élaboration des plans pour l’avenir de l’Europe de l’Est ?

Pourquoi n’avez-vous pas insisté sur une formalisation juridique des promesses faites en particulier par le secrétaire d’État américain James Baker relatives à l’absence d’expansion vers l’Est de l’OTAN ? Je le cite : « Il n’y aura aucun élargissement de la juridiction ou de la présence militaire de l’OTAN d’un seul pouce vers l’Est ». 

La question de l’élargissement de l’OTAN n’a dans l’ensemble pas été discutée et ne se posait pas au cours de ces années-là. Je dis cela en toute responsabilité. Aucun pays d’Europe de l’Est n’a soulevé cette question, y compris après la dissolution du pacte de Varsovie en 1991. Elle n’a pas non plus été soulevée par les dirigeants occidentaux.

Une autre question a en revanche été abordée : le fait qu’après la réunification de l’Allemagne, aucune extension des structures militaires de l’OTAN ni aucun déploiement de forces militaires supplémentaires de l’alliance ne devait avoir lieu sur le territoire de l’ancienne RDA. C’est dans ce contexte que M. Baker a prononcé les paroles mentionnées dans votre question. Des déclarations similaires ont été faites par M. Kohl et M. Genscher.

Tout ce qui pouvait et devait être fait pour consolider ce règlement politique a été fait. Et respecté. L’accord de règlement final avec l’Allemagne mentionnait qu’aucune structure militaire supplémentaire ne serait implantée dans la partie Est du pays et qu’aucune troupe additionnelle ni arme de destruction massive n’y seraient déployées.

Toutes ces dispositions ont été respectées jusqu’à ce jour. Nul besoin donc de prétendre que Gorbatchev et les dirigeants soviétiques de l’époque étaient des naïfs qui se sont laissés abuser. S’il y a eu de la naïveté, elle est intervenue plus tard, lorsque cette question a été soulevée et que la Russie a dans un premier temps répondu « pas d’objections ».

La décision d’élargir l’OTAN vers l’Est a finalement été prise par les USA et leurs alliés en 1993. Je l’ai dès l’origine qualifié d’erreur majeure. Cela constituait bien évidemment une violation de l’esprit des déclarations et assurances qui nous avaient été données en 1990. En ce qui concerne l’Allemagne, ces assurances ont été formalisées juridiquement et respectées.

Pour tous les Russes, l’Ukraine et la question de notre relation avec ce pays constitue un sujet sensible.  Vous êtes vous-même à 50% Russe et à 50% Ukrainien.  Sur la quatrième de couvertur de votre livre Après le Kremlin, vous indiquez que vous ressentez aujourd’hui une profonde douleur du fait des événements survenus dans ce pays. Quelles options voyez-vous pour une sortie de crise en Ukraine et à la lumière des événements récents, comment vont se développer les relations de la Russie avec l’Ukraine, l’Europe et les USA au cours des prochaines années ?

En ce qui concerne l’avenir immédiat, tout est plus ou moins clair : il est indispensable de se conformer intégralement aux dispositions arrêtées lors des négociations de Minsk du 5 et du 19 septembre dernier. La situation sur le terrain est encore très fragile. Le cessez-le-feu est violé en permanence. Mais au cours des derniers jours, l’impression qu’un processus s’est enclenché est devenue plus tangible. Une zone tampon a été créée, les armes lourdes en ont été retirées. Des observateurs de l’OSCE, dont des Russes, sont arrivés. Si l’on parvient à consolider tout cela, il s’agira d’une grande réussite, mais uniquement d’une première étape.

Il faut admettre que les relations entre la Russie et l’Ukraine ont subi d’immenses dommages. Il faut à tout prix éviter que cela ne se transforme en une aliénation mutuelle entre nos deux peuples. Une immense responsabilité incombe à ce titre aux dirigeants : les présidents Poutine et Porochenko. Ils doivent donner l’exemple. Il est indispensable de faire baisser la tension émotionnelle. Nous verrons plus tard qui a raison et qui est coupable. Aujourd’hui, l’essentiel est d’entamer un dialogue sur des questions concrètes. La normalisation des conditions de vie dans les zones les plus affectées, en laissant de côté pour l’instant la question de leur statut, etc. Ici, l’Ukraine comme la Russie et l’Occident peuvent apporter leur aide : séparément et collectivement.

Les Ukrainiens ont beaucoup à faire pour assurer la réconciliation, afin que chaque personne puisse se considérer comme un citoyen à part entière, dont les droits et les intérêts sont garantis et sécurisés. Il ne s’agit ici pas tant de garanties constitutionnelles et juridiques que de la vie de tous les jours. C’est pourquoi je recommanderais en plus des élections de mettre en place aussi rapidement que possible une « table ronde » représentant l’ensemble des régions ainsi que toutes les catégories de la population et dans le cadre de laquelle il serait possible d’aborder et de discuter de toutes les questions.

En ce qui concerne les relations de la Russie avec les pays d’Europe occidentale et les USA, la première étape consisterait à sortir de la logique des accusations mutuelles et des sanctions. D’après moi, la Russie a déjà fait le premier pas en se refusant à répondre à la dernière vague de sanctions occidentales. La parole est maintenant à nos partenaires. Je pense qu’il est nécessaire qu’ils abandonnent les sanctions dites « personnelles ». Comment établir un dialogue si vous « punissez » les personnes en charge de la prise des décisions qui influencent les politiques ? Il est nécessaire que nous puissions nous parler. C’est un axiome qui a été complètement oublié. A tort.

Je suis convaincu que dès que le dialogue sera restauré, nous trouverons des points de contact. Il suffit de regarder autour de nous ! Le monde est sous tension, nous faisons face à des défis communs, des problèmes globaux qui ne peuvent être résolus qu’au moyen d’efforts collectifs. Ce fossé entre la Russie et l’UE nuit à tout le monde, il affaiblit l’Europe au moment où la concurrence globale s’intensifie, au moment où d’autres « centres de gravité » de la politique mondiale se renforcent. Il est hors de question d’abandonner. Il ne faut pas nous laisser entraîner dans une nouvelle guerre froide.

Les menaces communes pesant sur notre sécurité n’ont pas disparues. Au cours de la période récente, de nouveaux mouvements extrémistes extrêmement dangereux sont apparus, en particulier le soi-disant « Etat islamique ». Il s’agit également de l’aggravation des problèmes écologiques, de la pauvreté, des migrations, des épidémies. Face à des menaces communes, nous pouvons à nouveau trouver un langage commun. Cela ne sera pas facile, mais il n’y a pas d’autre chemin.

L’Ukraine évoque la construction d’un mur le long de sa frontière avec la Russie. Comment expliquez-vous que nos peuples, frères depuis toujours, ayant appartenu à un seul et même État, se soient soudainement brouillés à tel point que la séparation pourrait ne pas être seulement politique mais également se matérialiser par un mur ?

La réponse à cette question est très simple : je m’oppose à tous les murs. Que ceux qui envisagent de « construire » un tel ouvrage y réfléchissent à deux fois. Je pense que nos peuples ne se brouilleront pas. Nous sommes trop proches à bien des égards. Il n’y a pas entre nous de problèmes et de différences insurmontables. Mais beaucoup de choses dépendront de l’intelligentsia et des médias. S’ils décident de travailler à notre désunion, en initiant et exacerbant les querelles et les conflits, cela sera catastrophique. De tels exemples nous sont connus. C’est pourquoi j’appelle l’intelligentsia à se comporter de manière responsable.

Voir par ailleurs:

Cette promesse de l’OTAN à la Russie qui n’a jamais existé

D’après Vladimir Poutine et ses soutiens en France, la Russie ne ferait que se défendre face à l’OTAN qui n’aurait pas tenu sa promesse de non extension à l’Est après la chute du mur de Berlin. Une contre-vérité historique.
Elie Guckert
Slate
14 décembre 2021

«Il y a un bon adage qui dit que la première victime de toute guerre est la vérité», professe Jean-Luc Mélenchon sur France 24, le 7 décembre dernier. Interrogé au sujet de l’escalade de tensions à la frontière ukrainienne, où la Russie amasse des troupes depuis plusieurs mois, le leader de La France insoumise va pourtant asséner une contrevérité historique: «Il faut bien que nous nous rendions compte que nous avons manqué de parole aux Russes. On leur avait dit: “Si vous laissez tomber le mur [de Berlin], nous on n’ira pas mettre l’OTAN à leur porte.” Bon, ils ont laissé tomber le mur, et qu’est-ce qu’on a fait: on a mis l’OTAN à leur porte.»

Éric Zemmour a répété la même chose sur France 2, le 9 décembre. Jean-Luc Mélenchon et lui s’accordent d’ailleurs sur un point: la France devrait simplement quitter l’alliance. Cette supposée promesse trahie par l’OTAN à la fin de la guerre froide est invoquée par les soutiens de Vladimir Poutine dès que les tensions avec la Russie repartent. Elle permet de remettre en cause l’existence même de l’OTAN, qui n’aurait plus de raison d’être depuis la chute de l’URSS et la dissolution du pacte de Varsovie.

Ce discours, c’est d’abord celui de Vladimir Poutine lui-même. En 2007, le président russe avait ainsi déclaré: «Nous avons le droit de poser la question: contre qui cette expansion [de l’OTAN] est-elle dirigée? Et qu’est-il advenu des assurances données par nos partenaires occidentaux après la dissolution du pacte de Varsovie?» En 2014 encore, pour justifier l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, il affirmait: «Les Occidentaux nous ont menti à maintes reprises. Ils ont pris des décisions dans notre dos et présenté devant nous un fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’OTAN à l’Est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières.»

Un mythe démenti par les archives

La plupart des dirigeants occidentaux de l’époque ont démenti, mais la Russie n’a cessé de formuler cette accusation. Le débat avait été lancé en 1998 par un analyste britannique, Michael MccGwire. Dans un article publié par la Review of International Studies, il critiquait la décision d’inviter la République tchèque à rejoindre l’alliance transatlantique, affirmant qu’en 1990, «Mikhaïl Gorbatchev a reçu des garanties de haut niveau que l’Occident n’élargirait pas l’OTAN, promettant une zone tampon non alignée entre la frontière orientale de l’OTAN et la Russie».

Le non-élargissement de l’OTAN n’a même pas été un sujet de discussion en 1990.

L’analyste estimait à l’époque que l’OTAN «viole le marché conclu en 1990 permettant à une Allemagne réunifiée de faire partie de l’OTAN». Une référence aux négociations diplomatiques qui se sont tenues cette année-là entre l’Allemagne de l’Ouest, la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’URSS au sujet de la réunification de l’Allemagne.

Il faudra attendre 2009 pour que l’affaire soit finalement tirée au clair. Grâce à la déclassification des comptes-rendus de réunions provenant aussi bien des archives allemandes qu’américaines et russes, Mark Kramer, chercheur à Harvard, démontre dans un article publié par The Washington Quarterly que le non-élargissement de l’OTAN n’a même pas été un sujet de discussion en 1990.

Et pour cause: à cette époque, personne n’imagine encore que l’URSS va s’effondrer avec le pacte de Varsovie. L’enjeu principal est alors de savoir si l’Allemagne, dont la partie ouest faisait déjà partie de l’alliance, resterait ou non au sein de l’OTAN en tant que nation réunifiée, et à quelles conditions.

Les Occidentaux s’engagent alors sur trois points. Premièrement: ne déployer en Allemagne de l’Est que des troupes allemandes ne faisant pas partie de l’OTAN tant que le retrait soviétique n’est pas fini. Deuxièmement: des troupes allemandes de l’OTAN pourront être déployées en Allemagne de l’Est après le retrait soviétique, mais aucune force étrangère ni installation nucléaire. Et enfin, troisièmement: ne pas augmenter la présence militaire française, britannique et américaine à Berlin.

Et c’est Gorby qui le dit

Après d’âpres négociations, ces conditions ont finalement été acceptées par Gorbatchev et inscrites dans le traité concernant les aspects internationaux de la réunification, signée par toutes les parties en septembre 1990. Nulle part, y compris dans les archives russes, n’est fait mention d’une quelconque promesse formelle de ne pas inclure d’autres pays d’Europe de l’Est dans l’OTAN à l’avenir.

Les Russes continuent d’affirmer que les Occidentaux auraient néanmoins offert des garanties informelles.

Même après 2009, l’accusation a pourtant continué à prospérer. Et ce en dépit des dénégations de Mikhaïl Gorbatchev en personne, pourtant assez bien placé pour savoir ce qui s’est vraiment dit à l’époque. Dans une interview accordée en 2014 à Russia Beyond the Headlines, l’ancien président de l’URSS se montre catégorique: «Le sujet de l’expansion de l’OTAN n’a pas du tout été abordé et n’a pas été abordé au cours de ces années.»

Gorbatchev précise que l’URSS voulait surtout «s’assurer que les structures militaires de l’OTAN n’avanceraient pas, et que des forces armées supplémentaires ne seraient pas déployées sur le territoire de l’ex-RDA après la réunification allemande». Et d’ajouter: «Tout ce qui aurait pu être et devait être fait pour consolider cette obligation politique a été fait.»

Gorbatchev y affirme bien que l’élargissement de l’OTAN constituerait une trahison de ce qu’était selon lui «l’esprit» des discussions de l’époque, mais réaffirme qu’aucun engagement formel n’avait été pris. Les Russes continuent d’affirmer que les Occidentaux auraient néanmoins offert des garanties informelles. Une théorie qui a l’avantage d’être par nature impossible à vérifier.

Un traité violé… par la Russie

La pertinence de l’expansion de l’OTAN continue cependant de faire débat, y compris au sein des experts occidentaux. Comme le notait le chercheur Olivier Schmitt en 2018, la question a repris de l’importance à partir de 1993 sous l’impulsion du président américain Bill Clinton, alors même qu’une bonne partie de l’administration américaine y était défavorable par crainte des perceptions russes.

Mais pour rassurer la Russie, l’OTAN avait justement fait le choix en 1993 de l’intégrer dans son Partenariat pour la paix. Le but: «bâtir un partenariat avec la Russie, en instaurant un dialogue et une coopération pratique dans des domaines d’intérêt commun». Cette coopération n’a été suspendue qu’en 2014, quand la Russie a décidé d’annexer la Crimée.

Ce que les supporters de Vladimir Poutine prennent bien soin de ne pas préciser, c’est qu’au moment de l’invasion de la Crimée, c’est bien la Russie qui bafouait une promesse, réelle celle-là. Signé par la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Chine en 1994, le mémorandum de Budapest garantissait à l’Ukraine le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, en échange de son adhésion au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de l’abandon des stocks d’armes nucléaires héritées de l’URSS.

Surtout, outre leur passé douloureux avec l’URSS, c’est la politique agressive de la Russie vis-à-vis des anciennes républiques soviétiques, et leur volonté de s’arrimer à un espace démocratique, qui ont en partie poussé celles-ci dans les bras de l’OTAN. Ainsi, alors qu’une majorité d’Ukrainiens s’opposaient à une adhésion à l’alliance transatlantique avant 2014, l’opinion publique a totalement basculé dans le sens inverse depuis le début de la guerre: 58% des Ukrainiens souhaitent désormais rejoindre l’alliance. Le mythe de la Russie assiégée a tout d’une prophétie autoréalisatrice.

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14 janvier 2022

Sur fond de grave crise aux confins orientaux de l’Ukraine, où le bruit des bottes fait redouter une nouvelle offensive militaire russe, le Kremlin a ordonné le tir d’une salve de missiles hypersoniques « Zircon », et ce la veille de Noël (selon le calendrier grégorien). Vladimir Poutine s’est félicité de ce succès : « un grand événement pour le pays et une étape significative pour renforcer la sécurité de la Russie et ses capacités de défense ».

Au vrai, il ne s’agit pas du premier essai mais il intervient dans un contexte particulier, quand le Kremlin pose de manière claire et explicite un ultimatum qui exige des Occidentaux qu’ils signent deux traités ordonnant le repli de l’OTAN et donc, à brève échéance, son sabordage (cf. Françoise Thom).

Des armes hypersoniques et ultra-précises

Dans l’esprit des dirigeants russes et de nombreux commentateurs à Moscou, enthousiasmés par la possibilité d’une grande guerre à visée hégémonique, il ne s’agit pas tant de démontrer l’avance acquise dans la gamme des armes dites « nouvelles » que d’intimider et de menacer l’Europe et les États-Unis. Et la discrétion des dirigeants occidentaux quant à ces essais répétés laisse dubitatif.

Dès lors se pose la question des possibles effets produits par ces « armes nouvelles ». S’agirait-il là d’une rupture technologique, vecteur d’une révolution stratégique ? En d’autres termes, le problème est de savoir si la Russie, posée par ses dirigeants comme puissance révisionniste, prête à recourir aux armes pour modifier le statu quo international, aligne son discours géopolitique, son système militaire et sa stratégie.

On se souvient du discours prononcé par Vladimir Poutine au Parlement, le 1er mars 2018, le président russe ayant alors présenté un programme de nouveaux missiles qui impressionna la classe dirigeante russe et nombre d’observateurs internationaux. Ces armes dites de rupture sont hypersoniques (soit une vitesse supérieure à Mach 5), sur une partie de leur trajectoire à tout le moins. Elles sont présentées comme étant capables d’effectuer des manœuvres qui permettent de déjouer les capacités d’interception adverses, c’est-à-dire les défenses antimissiles des États-Unis et de l’OTAN.

Parmi ces « super-missiles », citons le « Kinjal » (un missile lancé par un avion), l’« Avangard » (un planeur hypersonique lancé par une fusée « Sarmat ») et le « Zircon » (un missile antinavire déployé sur des bâtiments de surface, des sous-marins ainsi que des batteries côtières). Curieusement, le « Zircon » dont il est désormais question ne fut pas mentionné lors de la prestation du 1er mars 2018.

En revanche, d’autres armes furent présentées, à l’instar de la torpille « Poséidon », capable de déclencher un tsunami radioactif de l’autre côté de l’Atlantique, le drone sous-marin « Peresvet », à propulsion nucléaire et à charge atomique, et le missile « Bourevestnik » qualifié d’« invincible » par Vladimir Poutine.

Rodomontades ? Nenni

Il existe des interrogations sur le degré réel d’avancement de ces programmes et leur opérationnalité effective. Ainsi l’accident survenu le 8 août 2019, sur une base septentrionale russe, serait-il lié à un nouvel échec du « Bourevestnik » (l’explosion a fait plusieurs morts et provoqué une hausse de la radioactivité). Nonobstant des imprécisions et des effets d’annonce parfois trop hâtifs, le programme d’armes nouvelles illustre la réalité du réarmement russe, plus axé sur la qualité des technologies que sur le volume des arsenaux.

Les optimistes veulent voir dans la posture russe une forme contre-intuitive de « dialogue stratégique » avec les États-Unis, en vue d’un renouvellement de l’arms control (la maîtrise des armements). Le sort du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), violé par la Russie, dénoncé en conséquence par Washington (Moscou suivit), ainsi que les incertitudes autour des négociations nucléaires stratégiques ne sont pas de bon augure.

Faut-il voir dans ces armes une rupture technologique et stratégique ? D’aucuns soulignent le fait que l’hypervélocité et la capacité à manœuvrer de ces « armes nouvelles » ne font pas une révolution stratégique. D’une part, les fusées balistiques outrepassent l’hypervélocité de ces engins. S’il est vrai, d’autre part, que leur capacité à manœuvrer permettrait de contourner les défenses antimissiles des Alliés (États-Unis et OTAN), il en serait de même avec un missile balistique intercontinental.

Au demeurant, les défenses antimissiles n’ont pas été pensées pour intercepter les missiles balistiques intercontinentaux de la Russie ou de la Chine populaire mais pour contrer une puissance proliférante, du type de l’Iran ou de la Corée du Nord, détentrice d’un nombre réduit d’engins. Soulignons ici la mauvaise foi russe qui, tout en développant ses propres défenses antimissiles, ne cesse de dénoncer les effets prétendument déstabilisateurs du dispositif américano-otanien.

En première analyse, le déploiement d’« armes nouvelles » russes ne changerait donc pas l’équation stratégique ; quand bien même leur hypervélocité réduirait le délai de réaction, les puissances nucléaires occidentales conserveraient une capacité de frappe en second, pour exercer des représailles sur l’État agresseur. Théoriquement, une telle perspective devrait le détourner de la tentation d’une première frappe désarmante, « dissuader » signifiant « empêcher de passer à l’acte ».

Quelle place dans l’arsenal russe ?

Pourtant, la Russie, ces dernières années, a amplement modernisé ce que les spécialistes nomment la « triade stratégique », ses armes nucléaires stratégiques terrestres (missiles intercontinentaux), aériennes (missiles lancés depuis un bombardier) et sous-marines (missiles lancés par des sous-marins nucléaires lance-engins). Aussi le développement et le déploiement d’engins « exotiques » (les « armes nouvelles ») posent question : à quelles fins et selon quels scénarios ?

Rappelons l’idée, évoquée plus haut, selon laquelle ces armes ne seraient qu’une monnaie d’échange dans les négociations américano-russes relatives aux armes nucléaires stratégiques. In extremis, l’Administration Biden a proposé la prorogation du traité post-START et le « dialogue stratégique » en cours permettra de tester cette hypothèse.

Il reste que la politique, comprise dans son essence, consiste à envisager le pire afin qu’il n’advienne pas. En l’occurrence, il importe de comprendre que la dissuasion n’est pas une loi physique qui, telle la loi de gravité mise au jour par Newton, s’imposerait à toutes les puissances nucléaires.

Sur le plan de la réflexion stratégique, rappelons l’important article de l’Américain Albert Wohlstetter sur le « fragile équilibre de la terreur » (« The Delicate Balance of Terror », Rand Corporation, 6 novembre 1958). Selon l’analyse de ce stratège, l’équilibre de la terreur est instable et la dissuasion de l’adversaire potentiel n’est en rien automatique, la symétrie des arsenaux pouvant coexister avec l’asymétrie morale. Dès lors, les questions essentielles sont : qui dissuade qui, de quoi et dans quel contexte ?

De fait, les « armes nouvelles » tant vantées par le Kremlin ne semblent pas apporter de valeur additionnelle à la force de dissuasion russe, assurée par une « triade stratégique » constamment modernisée. Et, nonobstant l’affirmation surréaliste selon laquelle les États-Unis et l’OTAN prépareraient une offensive multiforme, il est difficile d’imaginer les démocraties occidentales, en proie au doute et absorbées par les questions intérieures, fourbir leurs armes pour mener une guerre préventive contre la Russie.

Dès lors, le développement et le déploiement par la Russie d’« armes nouvelles », hors du cadre de l’« arms control », ne viserait-il pas à sortir de la parité pour acquérir une position de supériorité nucléaire ? Dans une telle perspective, les armes nucléaires ne seraient plus au seul service de la dissuasion, pour préserver le territoire national et ses approches de toute entreprise guerrière ; elles pourraient être le moyen d’une stratégie d’action et de coercition visant des buts d’acquisition.

Depuis plusieurs années, les signaux nucléaires dont Vladimir Poutine use et abuse, pour étayer sa politique extérieure et renforcer sa main sur la scène stratégique mondiale, laissent redouter la transformation de la Russie en une puissance nucléaire révisionniste qui utiliserait son arsenal pour contraindre et obtenir des gains stratégiques. Il suffit d’ailleurs de se reporter à la présente situation, nombre d’officiels russes n’hésitant pas à menacer l’Europe d’une frappe préventive s’ils n’obtiennent pas une sphère d’influence exclusive dans l’« étranger proche » (l’espace post-soviétique), élargie à toute l’Europe si les États-Unis se retiraient de l’OTAN.

Certains spécialistes de ces questions se réfèrent aux documents politico-stratégiques officiels pour écarter un scénario de coercition nucléaire (voir « Les fondements de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire », oukaze présidentiel n° 5, 2 juin 2020). Il reste que ledit document élargit la gamme des options dans lesquelles l’emploi de l’arme nucléaire serait envisagé.

Ainsi une « escalade pour la désescalade », c’est-à-dire une frappe nucléaire théoriquement destinée à interdire l’intensification d’une guerre classique (conventionnelle), n’est pas exclue. En d’autres termes, cela signifierait la volonté de vaincre en ayant recours à l’arme nucléaire. Sur ce point, ajoutons que Vladimir Poutine, à la différence du secrétaire général du parti communiste soviétique autrefois, n’est pas limité par un Politburo.

Une capacité de frappe chirurgicale

À tout le moins, il importe d’envisager le fait que la Russie mette son arsenal au service d’une stratégie de « sanctuarisation agressive » : lancer une offensive armée classique sur les espaces géographiques convoités (l’Ukraine, en tout ou en partie, ainsi que d’autres républiques post-soviétiques refusant un statut d’État croupion, privées de leur souveraineté), les puissances extérieures étant dissuadées de leur porter secours en les menaçant d’une escalade nucléaire.

Si l’on considère l’Ukraine, n’est-ce pas déjà le cas ? La lecture attentive des projets de traité que Moscou prétend imposer aux États-Unis laisse penser qu’outre les trois États baltes, seules ex-républiques soviétiques intégrées dans l’OTAN, les anciens satellites d’« Europe de l’Est » — le syntagme d’« Europe médiane », entre Baltique, mer Noire et Adriatique, est aujourd’hui plus approprié — seraient également l’objet de cette grande manœuvre.

C’est ici que certaines des « armes nouvelles » russes, notamment le « Zircon », si elles n’apportent rien à la dissuasion russe, trouvent leur place. Qu’elles soient déployées au sol, en mer ou dans les airs, ces armes sont duales : elles peuvent tout aussi bien être dotées de charges conventionnelles que de têtes nucléaires. D’ores et déjà, le « Zircon » et d’autres systèmes d’armes pourraient servir à verrouiller la Baltique et la mer Noire (mise en place d’une « bulle stratégique » sur ces mers et leur pourtour), l’objectif étant d’écarter les alliés occidentaux des pays riverains. Alors, ces derniers seraient à la merci d’une agression militaire russe. Le seul poing levé pourrait convaincre les récalcitrants.

Au-delà de ces mers, et peut-être du bassin Levantin (Méditerranée orientale), les « mesures militaro-techniques » brandies par Moscou, dans le cas d’un refus des projets de traité, pourraient consister en un déploiement en nombre de « Zircon » et d’autres engins de mort (missiles balistiques de portée intermédiaire « Iskander » et missiles de croisière « Kalibr »), et ce à l’échelle du théâtre européen. Ainsi placée sous la menace d’une première frappe désarmante, avec un temps de réaction de quelques minutes (insuffisant pour disperser les cibles), l’Europe serait prise en otage.

Certes, la France et le Royaume-Uni, a fortiori les États-Unis, conserveraient leur capacité de frappe en second, mais ces puissances occidentales, possiblement épargnées par cette première frappe, non nucléaire de surcroît, porteraient alors la responsabilité de l’escalade nucléaire. Gageons qu’il ne manquerait pas dans ces pays de politiques et de publicistes pour poser la question fatidique : « Mourir pour Dantzig ? » et plaider qui le « grand retranchement », qui la cause d’une « grande Europe, de Lisbonne à Vladivostok ».

Le retour du même

À l’évidence, un tel scénario n’est pas sans rappeler la configuration géostratégique générée par le déploiement par les Soviétiques des missiles SS-20 (1977), une arme jugée alors déstabilisante du fait de sa précision. L’objectif de ces armes de théâtre, ensuite baptisées « forces nucléaires intermédiaires », était de provoquer de prendre en otage l’Europe occidentale et de provoquer un découplage géostratégique entre les deux rives de l’Atlantique Nord.

S’ensuivit la « bataille des euromissiles », l’OTAN exigeant le retrait des SS-20 et, à défaut, menaçant de déployer des missiles encore plus précis et véloces (missiles balistiques Pershing-II et missiles de croisière Tomahawk). Le réarmement intellectuel et moral de l’Occident produisant ses effets sur le système soviétique, préalablement épuisé par les maux inhérents à l’économie planifiée et l’hyperextension stratégique induite par l’impérialisme rouge, Mikhaïl Gorbatchev fut acculé.

En 1987, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev signèrent un traité portant sur le retrait de toutes les forces nucléaires intermédiaires, d’une portée de 500 à 5 500 kilomètres. Peu après, l’armée soviétique devrait évacuer l’Afghanistan puis, après la chute du mur de Berlin, la réunification de l’Allemagne et la « révolution de velours », mettre à bas les régimes communistes d’Europe médiane : l’URSS implosait (1991).

Mutatis mutandis, la situation actuelle semble mener à une nouvelle bataille des euromissiles, si tant est que les Occidentaux se montrent unis et déterminés à résister aux ambitions de Vladimir Poutine et, il faut en convenir, d’une partie des Russes qui semblent considérer la fin de la précédente guerre froide comme une simple trêve, nécessaire pour reconstituer le potentiel russe de puissance et de nuisance. Une différence de taille sur le plan technico-stratégique : les spécificités et capacités du « Zircon », précis et hypervéloce, sont sans commune mesure avec le SS-20. Le scénario d’une frappe chirurgicale est donc plus réaliste.

En guise de conclusion : se préparer au pire

Précisons enfin que ce scénario tient de l’hypothèse. L’exercice consiste à comprendre ce que Vladimir Poutine et les siens concoctent, à anticiper ce que signifierait de nouvelles mesures « militaro-techniques », à baliser le champ des possibles.

Une certitude toutefois : le discours géopolitique révisionniste du Kremlin et le positionnement de la Russie comme « État perturbateur » est difficilement conciliable avec la vision classique de la dissuasion et du nucléaire comme arme de statu quo. Quitte à se répéter, il nous faut donc envisager le pire et s’y préparer, politiquement, intellectuellement et moralement.

Voir encore:

Mouvements de troupes en Ukraine : « Tous les préparatifs pour la guerre sont là », estime une historienne spécialiste de la Russie

D’après le ministère biélorusse de la Défense, la Russie va déployer des troupes en février pour des exercices de préparation au combat.

Franceinfo

Alors que de nouvelles manoeuvres militaires russes vont débuter en Biélorussie, au nord de l’Ukraine, « tous les préparatifs pour la guerre sont là », estime mardi 18 janvier sur franceinfo Galia Ackerman, historienne et journaliste, spécialiste de la Russie et de l’espace post-soviétique. « Nous sommes à un stade où la Russie peut lancer à tout moment une attaque en Ukraine », a estimé la porte-parole de la Maison Blanche, en parlant d’une « situation extrêmement dangereuse ».

franceinfo : La menace d’une attaque russe sur l’Ukraine est-elle réelle ?

Galia Ackerman : Si vous écoutez les médias russes, ce que disent les officiels russes, y compris le président Poutine, cela semble tout à fait plausible. Je ne dit pas qu’il y aura une guerre. Mais tous les préparatifs pour la guerre sont là : il y a une concentration de troupes, il y a un discours extrêmement agressifs et des ultimatums qui ne peuvent pas être satisfaits car totalement irréalistes. On a l’impression qu’ils ne sont qu’un prétexte pour envahir l’Ukraine.

Pourquoi la Russie voudrait-elle envahir l’Ukraine ?

Parce qu’il y a une haine de l’Ukraine depuis plusieurs années. Cette haine a très fortement augmenté à la suite de la révolution ukrainienne : je rappelle qu’à ce jour, on parle non pas de Maïdan, non pas d’une révolution populaire mais d’un coup d’Etat, on parle de nazis au pouvoir, on exige que les accords de Minsk soient réalisés à 100% mais surtout dans l’interprétation de Moscou et il est tout à fait clair que la Russie ne veut pas tolérer que son proche étranger prenne une orientation qui ne lui plaît pas, celle de sortir totalement de la sphère d’influence russe.

Ça veut dire que l’Ukraine devient une sorte de pion aujourd’hui, de pays qui sert d’affrontement entre l’OTAN et les Etats-Unis d’un côté et Moscou de l’autre ?

C’est l’explication russe. Ils disent tout le temps que l’Ukraine en soi n’a aucune importance, que c’est un terrain que l’OTAN, les Etats-Unis, l’Union européenne, utilisent pour rapprocher les équipements militaires dirigés contre la Russie, pour l’assaut du pays. C’est totalement faux. 73 experts allemands de la russie ont publié une lettre dans le journal allemand « Die Zeit », ils disent que tout ce que la Russie dit sur sa sécurité menacée est faux : la Russie a 3e armée au monde, qu’elle est un pays nucléarisé qui a plus de nucléaire que les Etats-Uni, la France et la Grande Bretagne réunis. Personne ne peut menacer la Russie, mais elle prend une pose de personne offensée et demande à ce que ses exigeances soient satisfaites : c’est à dire non pas seulement la démilitarisation de l’Ukraine, mais la démilitarisation de toute l’Europe de l’est.

Voir enfin:

Desk Russie publie la lettre ouverte de 73 spécialistes allemands de l’Europe orientale et de la sécurité internationale, diffusée par Zeit Online le 14 janvier 2022. Des universitaires de renom s’adressent au gouvernement et aux partis politiques. Mettant en évidence une politique russe destructrice et agressive, ce document important pourrait enfin inciter le gouvernement et les milieux d’affaires allemands à réévaluer la menace que le Kremlin représente pour l’ensemble du monde occidental.
Desk Russie

Des concentrations massives et menaçantes de troupes russes aux frontières orientale et méridionale de l’Ukraine, d’intenses opérations de propagande anti-occidentale qui ne reculent devant aucun mensonge, ainsi que des exigences clairement inacceptables pour l’OTAN et ses États membres : aujourd’hui, la Russie remet fondamentalement en question le système de sécurité qui est en vigueur en Europe depuis la fin de la guerre froide. En même temps, la propagande russe présente la Russie comme un État menacé qui a besoin de toute urgence de « garanties de sécurité » de la part de l’Occident. Le Kremlin défigure délibérément le concept de garanties de sécurité. La nécessité de telles garanties a été débattue depuis la négociation du traité de non-prolifération nucléaire en 1968, mais elles concernent en premier lieu la protection des États non dotés d’armes nucléaires.

Il y a actuellement plus d’ogives nucléaires stockées en Russie que dans l’ensemble des trois États membres de l’OTAN dotés d’armes nucléaires : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Moscou dispose d’un large éventail de vecteurs pour ses milliers d’armes nucléaires : des missiles balistiques intercontinentaux aux bombardiers de longue portée en passant par les sous-marins nucléaires. La Russie possède l’une des trois armées conventionnelles les plus puissantes du monde, ainsi qu’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. La Fédération de Russie est donc l’un des États les plus protégés du monde sur le plan militaire.

Le Kremlin utilise des troupes régulières et irrégulières, ainsi que le potentiel de sa menace nucléaire, pour mener diverses guerres et occuper de manière permanente plusieurs territoires dans les anciennes Républiques soviétiques. Non seulement en Europe orientale, mais aussi en Europe occidentale et sur d’autres continents, le Kremlin revendique sans complexe des droits spéciaux pour faire valoir ses intérêts sur le territoire d’États souverains. Contournant les règles, les traités et les organisations internationales, Moscou chasse des ennemis dans le monde entier. Le Kremlin tente de saper les processus électoraux, l’État de droit et la cohésion sociale dans des pays étrangers par des campagnes de propagande, des fake news et des attaques de pirates informatiques, entre autres. Ces agissements sont réalisés en partie en secret, mais dans le but évident d’entraver ou de discréditer la prise de décision démocratique dans les États pluralistes. Il s’agit en particulier de porter atteinte à l’intégrité politique et territoriale des États post-soviétiques en voie de démocratisation.

En tant que première puissance économique d’Europe, l’Allemagne observe ces activités d’un œil critique, mais reste largement passive, depuis maintenant trois décennies. En Moldavie, la revanche impériale de Moscou a commencé dès 1992, immédiatement après l’effondrement de l’URSS, avec une intervention de la 14e armée russe. Un groupe opérationnel de troupes russes se trouve encore officiellement en Transnistrie aujourd’hui, malgré les demandes répétées des gouvernements moldaves successifs, démocratiquement élus, de les voir retirer, et malgré les promesses correspondantes du Kremlin. La République fédérale n’a réagi de manière adéquate ni à cet événement ni aux nombreuses aventures revanchistes de la Russie dans l’espace post-soviétique et au-delà.

En outre, la politique étrangère et la politique économique de Berlin ont contribué à l’affaiblissement politique et économique des pays d’Europe orientale non dotés d’armes nucléaires et au renforcement géo-économique d’une superpuissance nucléaire de plus en plus expansive. En 2008, l’Allemagne a joué un rôle central pour empêcher la Géorgie et l’Ukraine de rejoindre l’OTAN. D’un autre côté, en 2019, le gouvernement allemand s’est efforcé de faire réadmettre la délégation russe à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, alors que Moscou n’avait rempli, ni ne remplit aujourd’hui, aucune des conditions pour ce geste hautement symbolique.

Pour les relations ukraino-russes déjà fragiles, la mise en service du premier gazoduc Nord Stream en 2011-2012, totalement superflu en termes énergétiques et économiques, a été une catastrophe. Rétrospectivement, cela semble avoir ouvert la voie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie deux ans plus tard. Une grande partie de la capacité existante de transport de gaz entre la Sibérie et l’UE n’a pas été utilisée en 2021. Pourtant, la République fédérale se prépare maintenant à éliminer complètement le dernier levier économique de l’Ukraine sur la Russie avec l’ouverture du gazoduc Nord Stream 2.

Les sanctions économiques de l’UE contre Moscou depuis 2014, trop légères, ne constituent pas une réponse suffisante au parcours de plus en plus agressif du Kremlin. Dans le contexte de la poursuite des relations spéciales germano-russes, la coopération allemande en matière de développement, de culture et d’éducation avec l’Ukraine, la Géorgie ou la Moldavie apparaît comme le simple achat d’indulgences par la politique orientale allemande. Cela n’excuse en rien les faux pas graves de la politique allemande à l’égard de la Russie, comme l’invitation faite à Poutine de s’exprimer devant le Bundestag en 2001 ou le partenariat pour la modernisation à partir de 2008. De telles mesures allemandes, alors que des troupes russes, indésirables, restent en Moldavie et en Géorgie, ont été perçues comme une confirmation des droits spéciaux de Moscou dans l’espace post-soviétique.

L’attaque de Poutine contre l’Ukraine en 2014 apparaît comme une conséquence presque logique de la passivité politique allemande des vingt années précédentes vis-à-vis du néo-impérialisme russe. La formule allemande bien connue d’« Annäherung durch Verflechtung » [la convergence par l’interconnexion], à savoir l’approche coopérative de Berlin envers Moscou, a ainsi acquis une signification tragi-comique. Elle signifie désormais plutôt le rapprochement de la sphère d’influence de la Russie aux frontières orientales de l’UE.

Le Kremlin remet désormais aussi en question la souveraineté politique de pays comme la Suède et la Finlande. Il demande l’interdiction d’une éventuelle adhésion à l’OTAN non seulement pour les pays post-soviétiques mais aussi pour les pays scandinaves. Le Kremlin fait peur à toute l’Europe en lui promettant des réactions « militaro-techniques » au cas où l’OTAN ne répondrait pas « immédiatement », selon Poutine, aux exigences démesurées de la Russie visant à réviser l’ordre de sécurité européen. La Russie brandit la menace d’une escalade militaire si elle n’obtient pas de « garanties de sécurité », c’est-à-dire l’autorisation pour le Kremlin de suspendre le droit international en Europe.

Face à de telles distorsions, l’Allemagne devrait enfin abandonner sa politique orientale spéciale, perçue comme singulière en Europe centrale et orientale, mais pas seulement. Les crimes perpétrés par l’Allemagne nazie sur le territoire de l’actuelle Russie en 1941-1944 ne peuvent justifier l’attitude réservée de l’Allemagne d’aujourd’hui face au revanchisme et au nihilisme juridique international du Kremlin. Cela est particulièrement vrai lorsque, comme dans le cas de l’Ukraine, il s’agit d’une invasion russe du territoire d’une autre nation victime de l’ancien expansionnisme allemand. La violation continue et manifeste par la Russie des principes fondamentaux de l’ONU, de l’OSCE et du Conseil de l’Europe, pourtant officiellement acceptés par Moscou, en Europe orientale et maintenant aussi en Europe du Nord, ne doit pas être tolérée.

La politique russe de l’Allemagne fédérale doit être totalement changée. De nouvelles réactions purement verbales ou symboliques de Berlin aux aventures révisionnistes russes ne feront, comme par le passé, qu’inciter le Kremlin à de nouvelles aventures. L’Allemagne porte une responsabilité particulière en tant que pays clé de l’UE, de l’OTAN et de la communauté occidentale dans son ensemble.

Dans l’intérêt de la sécurité internationale, de l’intégration européenne et des normes communes, Berlin doit enfin combler le fossé entre sa rhétorique publique et son action réelle en Europe orientale. Cela devrait se traduire par une série de mesures parallèles et concrètes de nature politique, juridique, diplomatique, civique, sociétale, technique et économique. L’Allemagne est un partenaire majeur de la Russie et des États du Partenariat oriental de l’UE en matière de commerce, de recherche et d’investissement, ainsi qu’une puissance de premier plan de l’Union européenne. Elle est beaucoup plus en mesure de faire avancer les choses que la plupart des autres pays occidentaux. C’est vrai tant pour ce qui est de contenir et de sanctionner la Russie que pour ce qui est de soutenir les États démembrés et harcelés par Moscou. Berlin doit faire en sorte que ses bonnes paroles soient suivies d’actions plus nombreuses et plus efficaces que celles entreprises à ce jour.

    • Hannes Adomeit, chercheur à l’Institut de politique de sécurité de l’Université de Kiel (ISPK).
    • Dr. Vera Ammer, membre du conseil d’administration de Memorial International et de l’Initiative pour une Ukraine démocratique, Euskirchen.
    • Oesten Baller, juriste, professeur et président de l’ONG German-Ukrainian School of Governance, Berlin.
    • Volker Beck, député de 1994 à 2017, maître de conférences associé au Centre d’études religieuses (CERES) de l’université de Bochum.
    • Carl Bethke, chercheur à la chaire d’histoire de l’Europe de l’Est et du Sud-Est, Université de Leipzig.
    • Florian Bieber, professeur et directeur du Centre d’études de l’Europe du Sud-Est, Université de Graz.
    • Katrin Boeckh, professeur et chercheur à l’Institut Leibniz d’études de l’Europe de l’Est et du Sud-Est (IOS), Regensburg.
    • Falk Bomsdorf, juriste, chef du bureau de Moscou de la Fondation Friedrich Naumann de 1993 à 2009, Munich.
    • Karsten Brüggemann, professeur d’histoire générale et d’histoire estonienne, Université de Tallinn, Estonie.
    • Dr. Martin Dietze, publiciste et premier président de l’Association culturelle germano-ukrainienne, Hambourg
    • Dr. Jörg Forbrig, directeur pour l’Europe centrale et orientale, German Marshall Fund of the United States, Berlin
    • Dr. Annette Freyberg-Inan, Professeur de théorie des relations internationales, Université d’Amsterdam
    • Angelos Giannakopoulos, professeur associé DAAD d’études allemandes et européennes, Académie Kyiv-Mohyla, Ukraine.
    • Dr. Anke Giesen, membre des conseils d’administration de Memorial International et de Memorial Deutschland, Berlin
    • Witold Gnauck, historien, directeur général de la Fondation scientifique germano-polonaise, Francfort (Oder)
    • Gustav C. Gressel, Senior Policy Fellow au Wider Europe Program, Conseil européen des relations étrangères, Berlin
    • Irene Hahn-Fuhr, politologue, membre du conseil d’administration du Centre pour la modernité libérale (LibMod), Berlin
    • Ralph Hälbig, spécialiste des sciences culturelles, journaliste indépendant pour ARTE et MDR, et opérateur du site Internet “Géorgie et Caucase du Sud”, Leipzig.
    • Aage Ansgar Hansen-Löve, jusqu’en 2013, professeur de philologie slave à l’université Ludwig-Maximilian de Munich.
    • Rebecca Harms, députée européenne en 2004-2019, ancienne présidente de la délégation de l’UE à l’Assemblée parlementaire EURO-NEST, Wendland
    • Ralf Haska, pasteur étranger de l’Église luthérienne allemande (EKD) à Kiev 2009-2015, Marktleuthen
    • Guido Hausmann, professeur et directeur du département d’histoire de l’Institut Leibniz de recherche sur l’Europe de l’Est et du Sud-Est (IOS), Regensburg.
    • Jakob Hauter, politologue, doctorant à la School of Slavonic and East European Studies (SSEES), University College London
    • Dr. Richard Herzinger, publiciste indépendant, auteur de livres et opérateur du site web “hold these truths”, Berlin
    • Maren Hofius, chargée de recherche au département des sciences sociales de l’université de Hambourg.
    • Mieste Hotopp-Riecke, directrice de l’Institut d’études caucasiennes, tatares et turques (ICATAT), Magdebourg.
    • Hubertus F. Jahn, professeur d’histoire de la Russie et du Caucase, Université de Cambridge, Angleterre.
    • Dr. Kerstin Susanne Jobst, professeur d’histoire de l’Europe de l’Est, Université de Vienne
    • Markus Kaiser, spécialiste des sciences sociales, président de l’Université germano-kazakh (DKU) d’Almaty de 2015 à 2018, Constance, Allemagne.
    • Dr. Christian Kaunert, professeur de sécurité internationale et titulaire de la chaire Jean Monnet, Dublin City University, Irlande
    • Dr. Sarah Kirchberger, Chef de département à l’Institut de politique de sécurité de l’Université de Kiel (ISPK)
    • Nikolai Klimeniouk, journaliste et responsable du programme Initiative Quorum à l’ONG European Exchange, Berlin
    • Gerald Knaus, lauréat du prix Karl Carstens de l’Académie fédérale de politique de sécurité (BAKS) et président de l’Initiative européenne pour la stabilité, Berlin
    • Gerd Koenen, historien, publiciste et auteur de livres dont “The Russia Complex : The Germans and the East 1900-1945”, Francfort (Main)
    • Peter Koller, directeur général de la Bahnagentur Schöneberg et auteur de livres tels que “Ukraine : Handbook for Individual Discoveries”, Berlin.
    • Joachim Krause, professeur et directeur de l’Institut de politique de sécurité de l’université de Kiel (ISPK)
    • Cornelius Ochmann, politologue, directeur général de la Fondation pour la coopération germano-polonaise, Varsovie/Berlin
    • Dr. Otto Luchterhandt, ancien professeur de droit public et de droit de l’Europe de l’Est, Université de Hambourg
    • Carlo Masala, professeur de politique internationale à l’université des forces armées fédérales de Munich.
    • Markus Meckel, ministre des Affaires étrangères de la RDA en 1990, député de 1990 à 2009, et président du Conseil allemand de la Fondation pour la coopération germano-polonaise, Berlin
    • Johanna Möhring, chargée de recherche à la chaire Henry Kissinger pour la sécurité et les études stratégiques, Université de Bonn
    • Michael Moser, professeur de linguistique slave et de philologie textuelle, Université de Vienne
    • Andrej Novak, politologue, cofondateur de l’Alliance pour une Russie démocratique et libre ainsi que de “Russia Uncensored Deutsch”, Nuremberg.
    • Barbara von Ow-Freytag, politologue, membre du conseil d’administration du Centre de la société civile de Prague.
    • Susanne Pocai, historienne, auteur de livres et membre du personnel de la faculté des sciences de la vie de l’université Humboldt de Berlin.
    • Ruprecht Polenz, député de 1994 à 2013, depuis 2013 président de l’Association allemande pour les études est-européennes (DGO), Münster
    • Detlev Preusse, politologue, auteur de livres et ancien chef du programme de soutien aux étrangers de la Fondation Konrad Adenauer, Hambourg.
    • Manfred Quiring, auteur de livres et ancien correspondant en Russie du “Berliner Zeitung”, “Die Welt” et “Zürcher Sonntagszeitung”, Hohen Neuendorf.
    • Waleria Radziejowska-Hahn, membre du conseil consultatif et ancienne directrice générale du Forum Lew Kopelew, Cologne
    • Dr. Oliver Reisner, professeur d’études européennes et caucasiennes, Ilia State University, Tbilissi, Géorgie
    • Felix Riefer, politologue, auteur de livres et membre du conseil consultatif du Forum Lew Kopelew, Bonn.
    • Christina Riek, traductrice-interprète, coordinatrice du projet et membre du conseil d’administration de Memorial Deutschland, Berlin.
    • Stefan Rohdewald, professeur d’histoire de l’Europe de l’Est et du Sud-Est, Université de Leipzig.
    • Grzegorz Rossoliński-Liebe, chercheur au département d’histoire et d’études culturelles de l’Université libre de Berlin.
    • Sebastian Schäffer, politologue, auteur de livres et directeur général de l’Institut pour la région du Danube et l’Europe centrale (IDM), Vienne.
    • Stefanie Schiffer, directrice générale de l’ONG European Exchange et présidente de la Plate-forme européenne pour les élections démocratiques (EPDE), Berlin.
    • Frank Schimmelfennig, professeur de politique européenne, École polytechnique fédérale de Zurich (ETH), Zurich
    • Karl Schlögel, jusqu’en 2013, professeur d’histoire de l’Europe de l’Est, Université européenne Viadrina, Francfort (Oder).
    • Winfried Schneider-Deters, économiste, auteur de livres, et chef du bureau de Kiev de la Fondation Friedrich Ebert en 1995-2000, Heidelberg
    • Werner Schulz, député en 1990-2005, député européen en 2009-2014, ancien vice-président de la commission parlementaire de coopération UE-Russie, Kuhz
    • Dr. Gerhard Simon, ancien professeur au département d’histoire de l’Europe de l’Est, Université de Cologne
    • Susanne Spahn, historienne de l’Europe de l’Est, publiciste et chercheuse associée au Vilnius Institute of Policy Analysis (VIPA), Berlin.
    • Kai Struve, professeur associé et chercheur à l’Institut d’histoire de l’université de Halle-Wittenberg.
    • Ernst-Jörg von Studnitz, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne auprès de la Fédération de Russie de 1995 à 2002, Königswinter.
    • Sergej Sumlenny, politologue, auteur de livres et chef du bureau de Kiev de la Fondation Heinrich Böll de 2015 à 2021, Berlin.
    • Dr. Maximilian Terhalle, lieutenant-colonel (res.), professeur invité à LSE IDEAS, London School of Economics and Political Science.
    • Dr. Stefan Troebst, jusqu’en 2021, professeur d’histoire culturelle de l’Europe de l’Est, Université de Leipzig
    • Frank Umbach, chef de la recherche au Pôle européen pour le climat, l’énergie et la sécurité des ressources (EUCERS), Université de Bonn.
    • Dr. Andreas Umland (initiateur/rédacteur), analyste au Stockholm Centre for Eastern European Studies, Institut suédois des affaires internationales (UI)
    • Elisabeth Weber, spécialiste de la littérature et du théâtre, membre du conseil consultatif du Forum Lew Kopelew, Cologne.
    • Anna Veronika Wendland, chargée de recherche à l’Institut Herder de recherche historique sur l’Europe centrale et orientale, Marbourg.
    • Alexander Wöll, professeur de culture et de littérature d’Europe centrale et orientale, Université de Potsdam.
    • Susann Worschech, chargée de recherche à l’Institut d’études européennes, Université européenne Viadrina, Francfort (Oder).

Voir par ailleurs:

L’élargissement de l’OTAN et la Russie: mythes et réalités
Michael Rühle
NATO Review

01 juillet 2014

Dans le discours qu’il a prononcé devant le Parlement russe, le 18 avril 2014, et dans lequel il justifiait l’annexion de la Crimée, le président Poutine a insisté sur l’humiliation subie par la Russie du fait des nombreuses promesses non tenues par l’Ouest, et notamment la prétendue promesse de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée. Poutine touchait là, chez ses auditeurs, une corde sensible. Pendant plus de 20 ans, le récit de la prétendue « promesse non tenue » de ne pas élargir l’OTAN vers l’est a fait partie intégrante de l’identité post-soviétique. Il n’est guère surprenant, par conséquent, que ce récit ait refait surface dans le contexte de la crise ukrainienne. S’appesantir sur le passé demeure le moyen le plus commode pour nous distraire du présent.
Mais, y a-t-il quelque vérité dans ces affirmations? Au cours des dernières années, d’innombrables documents et autres matériaux d’archives ont été rendus publics, permettant aux historiens d’aller au-delà des interviews ou des autobiographies des dirigeants politiques qui étaient au pouvoir lors des évènements décisifs qui se sont produits entre la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, et l’acceptation par les soviétiques, en juillet 1990, d’une appartenance à l’OTAN de l’Allemagne réunifiée. Pourtant, même ces nouvelles sources ne modifient pas la conclusion fondamentale: il n’y a jamais eu, de la part de l’Ouest, d’engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée. Qu’un tel mythe puisse néanmoins apparaître ne devrait toutefois pas surprendre. La rapidité des changements politiques à la fin de la guerre froide a produit une forte dose de confusion. Ce fut une époque propice à l’émergence des légendes.

Le mythe de la « promesse non tenue » tire ses origines de la situation politique sans précédent dans laquelle se sont trouvés en 1990 les acteurs politiques clés, et qui a façonné leurs idées sur le futur ordre européen. Les politiques de réforme entreprises par l’ancien dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, avaient depuis longtemps échappé à tout contrôle, les États baltes réclamaient leur indépendance, et des signes de bouleversements commençaient à apparaître dans les pays d’Europe centrale et orientale. Le mur de Berlin était tombé; l’Allemagne avait entamé son chemin vers la réunification. Toutefois, l’Union soviétique existait encore, tout comme le Pacte de Varsovie, dont les pays membres d’Europe centrale et orientale n’évoquaient pas une adhésion à l’OTAN, mais plutôt la « dissolution des deux blocs ».
Ainsi, le débat autour de l’élargissement de l’OTAN s’est déroulé exclusivement dans le contexte de la réunification allemande. Au cours de ces négociations, Bonn et Washington ont réussi à assouplir les réserves soviétiques quant au maintien dans l’OTAN d’une Allemagne réunifiée. Une aide financière généreuse et la conclusion du Traité « 2+4 » excluant le stationnement de forces OTAN étrangères sur le territoire de l’ex-Allemagne de l’Est ont contribué à ce résultat. Cette réussite a toutefois été, aussi, le résultat d’innombrables conversations personnelles au cours desquelles Gorbatchev et d’autres dirigeants soviétiques ont été assurés que l’Ouest ne profiterait pas de la faiblesse de l’Union soviétique et de sa volonté de retirer ses forces armées d’Europe centrale et orientale.

Ce sont peut-être ces conversations qui ont pu donner à certains politiciens soviétiques l’impression que l’élargissement de l’OTAN, dont le premier acte fut l’admission de la République tchèque, la Hongrie et la Pologne en 1999, avait constitué un manquement à ces engagements occidentaux. Certaines déclarations d’hommes politiques occidentaux – et en particulier du ministre allemand des Affaires étrangères, Hans Dietrich Genscher, et de son homologue américain, James A. Baker – peuvent en fait être interprétées comme un rejet général de tout élargissement de l’OTAN au-delà de l’Allemagne de l’Est. Toutefois, ces déclarations ont été faites dans le contexte des négociations sur la réunification allemande, et leurs interlocuteurs soviétiques n’ont jamais exprimé clairement leurs préoccupations. Au cours des négociations décisives à « 2+4 », qui ont finalement conduit Gorbatchev à accepter, en juillet 1990, que l’Allemagne réunifiée demeure au sein de l’OTAN, la question n’a jamais été soulevée. L’ancien ministre soviétique des affaires étrangères, Édouard Chevardnadze, devait déclarer plus tard que les protagonistes de cette époque ne pouvaient même pas imaginer une dissolution de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie et l’admission au sein de l’OTAN des anciens membres de ce Pacte.

Mais, même si l’on devait supposer que Genscher et d’autres auraient en effet cherché à prévenir un futur élargissement de l’OTAN afin de respecter les intérêts de sécurité de l’URSS, ils n’auraient jamais pu le faire. La dissolution du Pacte de Varsovie et la fin de l’Union soviétique, en 1991, ont ensuite créé une situation complètement nouvelle, puisque les pays d’Europe centrale et orientale se trouvaient finalement en mesure d’affirmer leur souveraineté et de définir leurs propres objectifs de politique étrangère et de sécurité. Ces objectifs étant centrés sur l’intégration à l’Ouest, tout refus catégorique de l’OTAN aurait signifié une continuation de facto de la division de l’Europe suivant les lignes établies précédemment au cours de la guerre froide. Le droit de choisir sa propre alliance, garanti par la Charte d’Helsinki de 1975, en aurait été nié – une approche que l’Ouest n’aurait jamais pu soutenir, ni politiquement, ni moralement.

Le casse-tête de l’élargissement de l’OTAN

L’absence d’une promesse de ne pas élargir l’OTAN signifie-t-elle que l’Ouest n’a jamais eu aucune obligation vis-à-vis de la Russie? La politique d’élargissement des institutions occidentales s’est-elle poursuivie sans aucune prise en compte des intérêts de la Russie? Ici encore, les faits racontent une autre histoire. Ils démontrent aussi, toutefois, que les deux objectifs parallèles – admission des pays d’Europe centrale et orientale au sein de l’OTAN et développement d’un « partenariat stratégique » avec la Russie – étaient beaucoup moins compatibles en pratique qu’en théorie.

Lorsque le débat sur l’élargissement de l’OTAN a débuté sérieusement, vers 1993, sous la pression croissante des pays d’Europe centrale et orientale, il s’est accompagné de sérieuses controverses. Dans les milieux universitaires, en particulier, certains observateurs ont exprimé leur opposition à l’admission de nouveaux membres au sein de l’OTAN, car elle aurait inévitablement pour effet de contrarier la Russie et pourrait compromettre les résultats positifs ayant suivi la fin de la guerre froide. En fait, dès le début du processus d’élargissement de l’OTAN entamé après la fin de la guerre froide, le souci premier des occidentaux a été de trouver les moyens de concilier ce processus et les intérêts de la Russie. C’est pourquoi l’OTAN a rapidement cherché à créer un contexte de coopération propice à l’élargissement et à développer, dans le même temps, des relations spéciales avec la Russie. En 1994, le programme de « Partenariat pour la paix » a instauré une coopération militaire avec pratiquement tous les pays de la zone euro-atlantique. En 1997, l’Acte fondateur OTAN-Russie créait le Conseil conjoint permanent, un cadre spécialement consacré à la consultation et à la coopération. L’année 2002, au cours de laquelle les Alliés ont préparé la nouvelle grande phase d’élargissement, a été aussi celle de la création du Conseil OTAN-Russie, donnant à cette relation une focalisation et une structure renforcées. Ces diverses mesures s’inscrivaient dans le cadre d’autres efforts déployés par la communauté internationale pour attribuer à la Russie la place qui lui revient, en l’admettant au sein du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, du G7 et de l’Organisation mondiale du commerce.
La nécessité d’éviter de contrarier la Russie a également été évidente dans la manière dont l’élargissement de l’OTAN est intervenu dans le domaine militaire. En 1996, les Alliés déclaraient que, dans les circonstances actuelles, ils n’avaient « aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres ». Cette déclaration a été intégrée, en 1997, à l’Acte fondateur OTAN-Russie, ainsi que des références du même ordre à d’importantes forces de combat et à l’infrastructure. Cette approche militaire « douce » du processus d’élargissement devait envoyer à la Russie le signal suivant: le but de l’élargissement de l’OTAN n’est pas « l’encerclement » militaire de la Russie, mais l’intégration de l’Europe centrale et orientale dans un espace atlantique de sécurité. Autrement dit, la méthode était le message.

La Russie n’a jamais interprété ces faits nouveaux avec autant de bienveillance que l’espérait l’OTAN. Pour le ministre russe des Affaires étrangères, M. Primakov, la signature de l’Acte fondateur OTAN-Russie en 1997 servait simplement à « limiter les dégâts »: la Russie n’ayant aucun moyen de faire obstacle à l’élargissement de l’OTAN, elle pouvait aussi bien prendre ce que les Alliés étaient disposés à offrir, même au risque de sembler donner son acquiescement au processus d’élargissement. La contradiction fondamentale de toutes les instances OTAN-Russie – où la Russie siège et peut participer à la décision sur les questions clés mais ne peut pas exercer de véto – n’a pas pu être surmontée.
Ces faiblesses institutionnelles paraissaient dérisoires par rapport aux véritables conflits politiques. L’intervention militaire de l’OTAN dans la crise du Kosovo a été interprétée comme un coup de force géopolitique mené par un camp occidental déterminé à marginaliser la Russie et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’approche de l’OTAN en matière de défense antimissile, bien que dirigée contre des pays tiers, a été interprétée par la Russie comme une tentative de compromettre sa capacité de seconde frappe nucléaire. Pire encore, la « Révolution orange » en Ukraine et la « Révolution des roses » en Géorgie ont porté au pouvoir des élites qui envisageaient l’avenir de leurs pays respectifs au sein de l’UE et de l’OTAN.

Dans un tel contexte, les arguments des occidentaux quant au caractère bienveillant de l’élargissement de l’OTAN n’ont jamais eu – et n’auront probablement jamais – un très grand poids. Demander à la Russie de reconnaître le caractère inoffensif de l’élargissement de l’OTAN néglige un point tout à fait essentiel: l’élargissement de l’OTAN – tout comme celui de l’Union européenne – est conçu comme un projet d’unification du continent. Il ne comporte par conséquent pas de « point final » susceptible d’une définition convaincante, que le point de vue adopté soit intellectuel ou moral. Autrement dit, et précisément parce que les processus respectifs d’élargissement des deux organisations ne sont pas conçus comme des projets antirusses, ils n’ont pas de limites et – paradoxalement – sont inévitablement perçus par la Russie comme un assaut permanent contre son statut et son influence. Tant que la Russie se dérobera à un débat honnête sur les raisons pour lesquelles un si grand nombre de ses voisins cherchent à se rapprocher de l’Ouest, cela ne changera pas – et la relation OTAN-Russie demeurera hantée par les mythes du passé au lieu de se tourner vers l’avenir.

Voir aussi:

Quand la Russie rêvait d’Europe

« L’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’est « 

«Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord [OTAN] vers l’est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières.» Dans son discours justifiant l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, le 18 mars 2014, le président Vladimir Poutine étale sa rancœur envers les dirigeants occidentaux.

Peu après, la Revue de l’OTAN lui répond par un plaidoyer visant à démonter ce «mythe» et cette «prétendue promesse» : «Il n’y a jamais eu, de la part de l’Ouest, d’engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée», écrit M. Michael Rühle, chef de la section sécurité énergétique (1). En précisant «juridiquement contraignant», il révèle le pot aux roses. Des documents récemment déclassifiés (2) permettent de reconstituer les discussions de l’époque et de prendre la mesure des engagements politiques occidentaux envers M. Mikhaïl Gorbatchev en échange de ses initiatives pour mettre fin à la guerre froide.

Dès son arrivée à la tête de l’Union soviétique, en 1985, M. Gorbatchev encourage les pays du pacte de Varsovie à entreprendre des réformes et renonce à la menace d’un recours à la force (lire «Quand la Russie rêvait d’Europe»). Le 13 juin 1989, il signe même avec Helmut Kohl, le chancelier de la République fédérale d’Allemagne (RFA), une déclaration commune affirmant le droit des peuples et des États à l’autodétermination. Le 9 novembre, le mur de Berlin tombe. Une fois l’euphorie passée, les questions économiques deviennent pressantes dans toute l’Europe centrale. Les habitants de la République démocratique allemande (RDA) aspirent à la prospérité de l’Ouest, et un exode menace la stabilité de la région. Le débat sur les réformes économiques devient très rapidement un débat sur l’union des deux Allemagnes, puis sur l’adhésion de l’ensemble à l’OTAN. Le président français François Mitterrand accepte l’évolution, pourvu qu’elle se fasse dans le respect des frontières, de manière démocratique, pacifique, dans un cadre européen (3)… et que l’Allemagne approuve son projet d’union monétaire. Tous les dirigeants européens se disent avant tout soucieux de ménager M. Gorbatchev.

L’administration américaine soutient le chancelier allemand, qui avance à marche forcée. À Moscou, le 9 février 1990, le secrétaire d’État américain James Baker multiplie les promesses devant Édouard Chevardnadze, le ministre des affaires étrangères soviétique, et M. Gorbatchev. Ce dernier explique que l’intégration d’une Allemagne unie dans l’OTAN bouleverserait l’équilibre militaire et stratégique en Europe. Il préconise une Allemagne neutre ou participant aux deux alliances — OTAN et pacte de Varsovie —, qui deviendraient des structures plus politiques que militaires. En réponse, M. Baker agite l’épouvantail d’une Allemagne livrée à elle-même et capable de se doter de l’arme atomique, tout en affirmant que les discussions entre les deux Allemagnes et les quatre forces d’occupation (États-Unis, Royaume-Uni, France et URSS) doivent garantir que l’OTAN n’ira pas plus loin : «La juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’est», affirme-t-il à trois reprises.

«En supposant que l’unification ait lieu, que préférez-vous?, interroge le secrétaire d’État. Une Allemagne unie en dehors de l’OTAN, absolument indépendante et sans troupes américaines? Ou une Allemagne unie gardant ses liens avec l’OTAN, mais avec la garantie que les institutions ou les troupes de l’OTAN ne s’étendront pas à l’est de la frontière actuelle?» «Notre direction a l’intention de discuter de toutes ces questions en profondeur, lui répond M. Gorbatchev. Il va sans dire qu’un élargissement de la zone OTAN n’est pas acceptable.» «Nous sommes d’accord avec cela», conclut M. Baker.

Le lendemain, 10 février 1990, c’est au tour de Kohl de venir à Moscou pour rassurer M. Gorbatchev : «Nous pensons que l’OTAN ne devrait pas élargir sa portée, assure le chancelier d’Allemagne occidentale. Nous devons trouver une résolution raisonnable. Je comprends bien les intérêts de l’Union soviétique en matière de sécurité.» M. Gorbatchev lui répond : «C’est une question sérieuse. Il ne devrait y avoir aucune divergence en matière militaire. Ils disent que l’OTAN va s’effondrer sans la RFA. Mais, sans la RDA, ce serait aussi la fin du pacte de Varsovie…»

Face au réalisateur américain Oliver Stone, en juillet 2015, M. Poutine esquisse un rictus en évoquant cet épisode majeur de l’histoire des relations internationales : «Rien n’avait été couché sur le papier. Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée. Gorbatchev a seulement discuté avec eux et a considéré que cette parole était suffisante. Mais les choses ne se passent pas comme cela (4)

L’histoire galope. Tous les régimes d’Europe centrale sont tombés. Les seuls gages solides qui restent à l’URSS dans les négociations sont les accords de Potsdam d’août 1945 et la présence de 350 000 soldats soviétiques sur le sol allemand. M. Baker se rend à nouveau à Moscou le 18 mai 1990 pour démontrer à M. Gorbatchev que ses positions sont prises en compte : «L’OTAN va évoluer pour devenir davantage une organisation politique. (…) Nous nous efforçons, dans divers forums, de transformer la CSCE [Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, future OSCE] en une institution permanente qui deviendrait une pierre angulaire d’une nouvelle Europe.» M. Gorbatchev le prend au mot : «Vous dites que l’OTAN n’est pas dirigée contre nous, qu’il s’agit seulement d’une structure de sécurité qui s’adapte à la nouvelle réalité. Nous allons donc proposer de la rejoindre.»

Mitterrand rencontre M. Gorbatchev le 25 mai 1990 à Moscou et lui déclare : «Je tiens à vous rappeler que je suis personnellement favorable au démantèlement progressif des blocs militaires.» Il ajoute : «Je l’ai toujours dit : la sécurité européenne est impossible sans l’URSS. Non parce que l’URSS serait un adversaire doté d’une armée puissante, mais parce que c’est notre partenaire.» Le président français écrit dans la foulée à son homologue américain que l’hostilité de M. Gorbatchev à la présence de l’Allemagne unifiée dans l’OTAN ne lui paraît «ni feinte ni tactique», en précisant que le dirigeant soviétique «n’a plus guère de marge de manœuvre».

Malgré la dégradation économique, M. Gorbatchev raffermit son pouvoir. Ayant été élu président de l’URSS en mars, il écarte les conservateurs lors du Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique qui se tient début juillet. Le dernier acte politique se joue le 16 juillet, dans le village montagnard d’Arhiz, dans le nord du Caucase. En échange du retrait des troupes soviétiques de la future Allemagne unie et membre de l’OTAN, Kohl s’engage devant M. Gorbatchev à accepter les frontières de 1945 (ligne Oder-Neisse), à n’avoir aucune revendication territoriale, à diminuer presque de moitié les effectifs de la Bundeswehr, à renoncer à toute arme ABC (atomique, bactériologique ou chimique) et à verser une substantielle «aide au départ».

L’accord est scellé dans le traité sur la réunification de l’Allemagne signé le 12 septembre 1990 à Moscou. Mais ce texte n’aborde la question de l’extension de l’OTAN qu’à propos du territoire de l’ancienne RDA après le retrait des troupes soviétiques : «Des forces armées et des armes nucléaires ou des vecteurs d’armes nucléaires étrangers ne seront pas stationnés dans cette partie de l’Allemagne et n’y seront pas déployés (5). » À la dernière minute, les Soviétiques renâclent. Pour obtenir leur signature, les Allemands ajoutent un avenant précisant que «toutes les questions concernant l’application du mot “déployés” (…) seront tranchées par le gouvernement de l’Allemagne unie d’une manière raisonnable et responsable prenant en compte les intérêts de sécurité de chaque partie contractante.» Aucun texte ne fixe le sort des autres pays du pacte de Varsovie.

Début 1991, les premières demandes d’adhésion à l’OTAN arrivent de Hongrie, de Tchécoslovaquie, de Pologne et de Roumanie. Une délégation du Parlement russe rencontre le secrétaire général de l’OTAN. Manfred Wörner lui affirme que treize membres du conseil de l’OTAN sur seize se prononcent contre un élargissement, et ajoute : «Nous ne devrions pas permettre l’isolement de l’URSS.»

Ancien conseiller de M. Gorbatchev, M. Andreï Gratchev comprend les motivations des pays d’Europe centrale «tout juste affranchis de la domination soviétique» et ayant toujours en mémoire les «ingérences» de la Russie tsariste. En revanche, il déplore la «vieille politique du “cordon sanitaire”» qui conduira par la suite à un élargissement de l’OTAN à tous les anciens pays du pacte de Varsovie, et même aux trois anciennes républiques soviétiques baltes : «La position des faucons américains est bien moins admissible, révélant une profonde ignorance de la réalité et une incapacité à sortir des carcans idéologiques de la guerre froide (6). « 

Voir par ailleurs:

La gauche européenne accuse Tallinn d’instrumentaliser sa présidence

La présidence estonienne du Conseil organise une conférence sur « l’héritage dans l’Europe du 21e siècle des crimes commis par les régimes communistes ». La gauche européenne dénonce un amalgame politique.

La conférence organisée par Tallinn sur les régimes communistes n’est pas passée inaperçue. Le groupe parlementaire de gauche GUE/NGL accuse l’Estonie de politiser sa présidence, et le ministre grec de la Justice a indiqué qu’il boycotterait l’événement.

La présidence estonienne a annoncé que l’événement, auquel participeront les ministres de la Justice ou leurs représentants, sera dédié à la journée européenne du souvenir des victimes de tous les régimes totalitaires et autoritaires, instaurée en 2009 lors de l’adoption d’une résolution sur la conscience européenne et le totalitarisme.

Le groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) a fermement condamné l’événement, considéré comme manipulateur et d’« insulte à la mémoire historique européenne ».

« Alors que l’extrême droite et les néonazis tirent parti des échecs des politiques européennes, comparer le communisme au nazisme est historiquement faux, dangereux et inacceptable », estiment les députés. « En outre, le fait que le gouvernement estonien décide de se concentrer sur les ‘crimes communistes’ montre clairement son intention d’utiliser la présidence tournante de l’UE à des fins idéologiques. »

Durant la Deuxième Guerre mondiale, les communistes de nombreux pays européens se sont retrouvés en tête de la lutte contre le fascisme et le nazisme. Si le régime totalitaire installé dans l’ex-URSS est appelé « communiste », la justesse de cette appellation est mise en cause. C’est même Staline, auteur d’innombrables crimes lui-même, qui a fourni le plus grand effort militaire contre l’Allemagne nazie.

Le groupe GUE/NGL a appelé les ministres de la Justice des États membres, surtout ceux qui appartiennent à des gouvernements progressistes, à boycotter l’événement, comme l’a fait le gouvernement grec.

« En cette période où les valeurs fondamentales de l’UE sont ouvertement remises en question par la montée des mouvements d’extrême droite et des partis néonazis en Europe, cette initiative est très maladroite », aurait déclaré Stavros Kontonis, ministre de la Justice du gouvernement de gauche de Syriza, qui ne participera pas à la conférence.

« L’organisation d’une conférence sur ce thème spécifique, avec ce titre spécifique, envoie un message politique faussé et dangereux […] ranime l’esprit de la Guerre froide, qui a tant fait souffrir l’Europe, contredit les valeurs de l’UE et ne reflète certainement pas les vues du gouvernement et du peuple grecs : le nazisme et le communisme ne devraient jamais être considérés comme similaires », a-t-il renchéri.

Il souligne que les « horreurs » vécues durant la période nazie n’ont qu’une version, terrible, alors que « le communisme, au contraire, a donné naissance à des dizaines de tendances idéologiques, dont l’eurocommunisme ».

Faudrait-il exacerber les divisions de nos sociétés en vilipendant les anciens régimes ? Sur ce point, les États membres qui ont connu le communisme sont divisés.

L’an dernier, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie ont publié une critique des nations qui célébraient leur Histoire communiste. En Bulgarie, à l’inverse, un monument a été récemment érigé en l’honneur de Todor Zhivkov, personnalité forte de l’ère communiste, dans sa ville natale de Pravets, et est régulièrement visité par des dirigeants socialistes.

Contactée par Euractiv, Katrin Lunt, porte-parole du ministère estonien de la Justice, a rappelé que dans le pays, le régime stalinien avait fait des dizaines de milliers de victimes, même après la fin de la guerre. Les crimes commis par le régime soviétique ont laissé des traces encore visibles dans le pays, a-t-elle assuré.

La porte-parole a également indiqué que Tallinn avait déjà organisé une conférence sur le sujet en 2015. « La conférence qui a lieu le 23 août à Tallinn est dédiée à l’enquête sur l’héritage laissé par les crimes commis par le régime communiste. Il s’agit de l’expérience estonienne, partagée par les autres pays baltes et certains autres États d’Europe de l’Est. Du point de vue estonien, cette période ne s’est terminée qu’il y a 26 ans », a-t-elle expliqué.

Voir par ailleurs:

François Fillon, l’inconditionnel de Poutine
Vincent Laloy
Desk Russie
3 juillet 2021

Comme Nicolas Tenzer et Garry Kasparov l’ont déjà relevé dans Desk Russie, François Fillon n’a eu aucun scrupule à se faire récemment recruter par une entreprise étatique russe, Zaroubejneft, dès lors que ce « personnage sournois, arrogant et corrompu », pour reprendre le portrait qu’en a dressé Jean-Louis Bourlanges en février 2017, peut en tirer profit. L’annexion de la Crimée, l’affaire Navalny, les atteintes systématiques aux libertés, les ingérences dans les affaires de l’Occident, le soutien inconditionnel au sanguinaire el-Assad ne paraissent guère émouvoir l’ancien Premier ministre.

Un membre distingué de l’Institut, éminent spécialiste de la Russie, a démenti le propos que lui prêtait Le Figaro du 28 février 2017, à savoir que Fillon était « un agent des Russes » (Commentaire, n°158, 2017, p. 471). Peut-être pas agent, mais pour le moins « prorusse et antiaméricain » selon Le Monde du 11 novembre 2016. En effet, il paraît comme « fasciné » (Le Point, 3 déc. 2015) par son ami Poutine, s’en prend systématiquement à l’Amérique, coupable de tous les maux de la terre ou presque, sans parler d’une écoute attentive de la CGT lorsqu’il était ministre du Travail, position dénoncée avec vigueur à l’époque par Marc Blondel, le secrétaire général de Force ouvrière (Chronique économique, syndicale et sociale, sept. 2004).

L’ancien élu de la Sarthe, qui, comme son ancien soutien Mariani, n’a jamais exercé d’autre métier que la politique, partage, au fond, les convictions d’un Chevènement, notamment son hostilité au traité de Maastricht, tout en se prononçant pour l’entrée de la Turquie au sein de l’Europe, afin de « jouer un rôle d’équilibre face aux États-Unis » (Libération, 10 déc. 2004). Déjà, en 1989, le ministre de la Défense, en déplacement officiel à Moscou, avait invité Fillon à faire partie de la délégation française. En 1991, ils déjeunent ensemble (Le Maine libre, 21 fév. 1991). Vingt-six ans plus tard, dans le cadre de la campagne présidentielle, le candidat Fillon, lors d’un meeting à Besançon, plaçait sur le même plan de Gaulle, Séguin et Chevènement Bien avant, Fillon admettait qu’il y avait avec ce dernier « convergence mais pas identité » (Le Quotidien de Paris, 27 oct. 1990). Par ailleurs, s’il rend hommage à Régis Debray, il se dit en désaccord avec Finkielkraut sur la Russie (Le Point, 7 janv. 2016).

« Poutinophile » ou « poutinolâtre » ?

En sa qualité de Premier ministre, on le voit déplorer, en septembre 2008, à propos de l’offensive russe en Géorgie, la condamnation par l’Europe de cette Russie « humiliée », ce qui pourrait rappeler la formule du Führer au lendemain du traité de Versailles. Il s’en prend à ceux qui « continuent à piétiner la Russie », laquelle, annonce-t-il, ne fera pas l’objet, comme déjà soumis à celle-ci, de sanctions (Le Figaro, 5 sept. 2008).

Au cours de son règne à Matignon, il rencontre Poutine deux à trois fois par an mais refusera de recevoir Hervé Mariton, président du groupe parlementaire d’amitié franco-russe, qui, lui, ne fait pas partie des affidés de Moscou (L’Express, 29 janv. 2014). Dans son livre Faire (Albin Michel, 2015), Fillon déclare avoir « aimé nos rencontres [avec Poutine] parce qu’elles étaient utiles, parce qu’on pouvait y nouer à l’improviste des accords qui n’étaient pas préparés à l’avance ». Il le définit comme « patriote » (Valeurs actuelles, 20 oct. 2016).

Son alignement sur le régime russe ne fait que s’accentuer après l’élection de François Hollande à l’Élysée : « Au lieu de recevoir Poutine avec des pincettes, déplorait Fillon dans Le Figaro du 13 août 2012, au lieu de l’humilier 1 […] le gouvernement français devrait faire preuve de réalisme et d’un peu de courage pour construire une relation de confiance avec la Russie ! […] Si j’étais François Hollande, je prendrais maintenant l’avion pour Moscou […] et je chercherais à offrir à la Russie de véritables garanties sur sa sécurité et sur une relation de confiance avec l’OTAN. […] Qu’il prenne des risques, qu’il abandonne ses postures bourgeoises et atlantistes, version guerre froide. »

Quoi que fasse la Russie, Fillon s’en tient à comprendre, à excuser, voire à justifier la politique poursuivie par celle-ci. Il y séjourne en mars 2013, reçu par Poutine — qu’il tutoie — en tête à tête avant un dîner officiel.

Concernant la perspective d’une intervention des Occidentaux en Syrie, Fillon — devenu député de Paris — exhorte, avec Villepin, la présidence Hollande à la prudence, surtout si la France doit agir avec ses alliés ; le préalable, c’est d’« informer nos partenaires russes. Nous devons tenter une dernière fois d’essayer de les convaincre d’agir avec les moyens qui sont les leurs sur le régime d’Assad » (Le Monde, 30 août 2013).

En septembre 2013, il est de nouveau en Russie où, en violation des usages, il critique, avec véhémence, la position française, lui faisant grief de s’aligner sur l’Amérique : « Je souhaiterais, proclame-t-il, que la France retrouve cette indépendance et cette liberté de jugement et d’action qui seules lui confèrent une autorité dans cette crise », à la grande jubilation, souligne Le Monde du 21 septembre, de l’élite russe venue entendre la bonne parole. Le socialiste Arnaud Leroy voit en Fillon « le laquais de la Volga » tandis que le porte-parole du parti dénonce cette « dérive », laquelle fait l’objet d’un éditorial plus que sévère du Monde du 22, déplorant « la faute de ce voyage ».

Sur sa lancée, Fillon séjourne, en octobre 2013, au Kazakhstan, pas gêné par ses atteintes systématiques à la liberté ; sa prestation, « truffé de banalités », lui aurait rapporté, si l’on se réfère au Nouvel Observateur du 31 octobre, 30 000 €. S’agissant de ses émoluments, Le Canard enchaîné du 22 mars 2017 titre « Fillon a fait le plein chez Poutine » et sous-titre « Pour jouer les entremetteurs entre le président russe, un milliardaire libanais et le pédégé de Total, le candidat, alors député de Paris, a palpé 50 000 dollars en 2015. Avec promesse d’intéressement aux bénéfices ». « Récemment, relève Le Monde du 13 juin 2018, il aurait œuvré au rapprochement de Tikehau avec le fonds Mubadala d’Abou Dhabi, et le fonds russe d’investissement direct. » Toujours aussi désintéressé !

À l’issue de la primaire qu’il a remportée pour la présidentielle de 2017, Fillon paraît être le candidat préféré des Russes, à l’instar de de Gaulle en 1965, Pompidou en 1969, Giscard en 1974 et 1981… Mariani s’en félicite : « En politique étrangère, il est le plus constant et le plus régulier dans ses choix, notamment sur la Russie. » Fillon se prononce, comme il se doit, pour la levée des sanctions à l’encontre de Moscou, qui salue sa présence à la future élection (Le Monde, 23 nov. 2016), notamment par un Poutine célébrant « cet homme intègre, qui se distingue fortement des hommes politiques de la planète », pas moins (ibid., 25 nov.). Selon lui, la Russie respecte les accords lorsqu’elle les signe, ce qui lui vaut cette réplique cinglante de Bruno Tertrais dans Causeur de juin 2016 : « Que Moscou ait foulé aux pieds tous les traités sur la sécurité européenne signés depuis 1975 et tous les textes régissant sa relation avec l’Ukraine indépendante depuis 1994 ne semble pas troubler l’ancien Premier ministre. »

Poursuivant sur la même lancée, son programme officiel de 2017 annonce que la France sera « un allié loyal et indépendant des États-Unis ». La France serait-elle indépendante de Moscou ? Voilà qui est moins sûr lorsque Fillon appelle à « rétablir le dialogue et des relations de confiance avec la Russie, qui doit redevenir un grand partenaire », en levant les sanctions.

Fillon est de nouveau accueilli par Poutine le 5 décembre 2018. L’ex-représentant russe à Paris, Orlov, souligne dans son livre Un ambassadeur à Paris (Fayard, 2021, p. 207) que « François Fillon aurait été un partenaire idéal pour la Russie. C’est pourquoi son effondrement a suscité à Moscou une profonde amertume ». On ne saurait mieux dire.

L’Ukraine coupable

Là encore, l’ex-chef du gouvernement ne verse pas vraiment dans la nuance, exonérant la Russie de toute implication ou presque : « On doit tout faire, estime-t-il, pour empêcher l’intervention russe. […] Et en même temps, on ne peut pas désigner les Russes comme les seuls fauteurs de troubles, il y a aussi des erreurs qui ont été commises par le nouveau pouvoir de Kiev », lequel n’est pourtant pas celui ayant déclenché les hostilités…

Son conseil ne varie pas, revenant comme des litanies, mettant même en accusation la France, surtout pas la Russie : « Il faut parler avec les Russes […]. La France n’a cessé de traiter la Russie d’une manière assez légère » (Le Nouvel Obs, 3 avril 2016) ; cette position suscite une vigoureuse réaction d’indignation de la part du philosophe Alain Laurent dans Le Point du 10 juillet 2014.

La faute incombe, comme de bien entendu, aux Américains, estimant qu’une « erreur historique a été commise en repoussant les frontières de l’OTAN juste sous le nez des Russes » (Le Point, 24 avril 2014). « On ne peut pas laisser s’installer, s’indigne-t-il, la guerre à l’est de l’Europe. Surtout quand les États-Unis risquent d’attiser un conflit qui est très loin de chez eux, en proposant notamment d’armer les Ukrainiens » (Le Figaro, 6 fév. 2015). L’Amérique, pour lui, « n’est pas qualifiée pour continuer à discuter avec la Russie ». Ce même 6 février, sur LCI-Radio classique, il estime que « l’agresseur n’est pas Poutine ». Pas un mot sur les aspirations du peuple ukrainien ; s’il consent à reconnaître que Moscou viole le droit international en Crimée, c’est pour aussitôt tempérer son propos, estimant qu’il a des droits historiques sur ce territoire, et de prétendre que « la responsabilité la plus élevée incombe aux États-Unis » (Valeurs actuelles, 18 juin 2015). Ce qui inspirera à Françoise Thom, dans Le Monde du 26 novembre 2016, ces justes remarques : « Nos souverainistes, si sourcilleux de notre indépendance quand il s’agit des États-Unis, s’alignent sans états d’âme sur les positions du Kremlin, même les plus scandaleuses, comme on l’a vu à droite et à gauche au moment de la guerre hybride contre l’Ukraine […]. Poutine a imposé une propagande ahurissante charriant la haine et le mensonge. Et c’est dans ce pays que notre droite cherche son inspiration. »

La Syrie, sauvée par Poutine

Dans une lettre ouverte au chef de l’État, Fillon préconise la création d’« une véritable alliance internationale, intégrant l’Iran et la Russie, contre l’État islamique » (JDD, 12 juil. 2015), semblant considérer — il est bien le seul — que l’Iran est étranger au terrorisme.

Dans son ouvrage, Faire, il appelle aussi à discuter avec Bachar al-Assad, thème qu’il développe dans une interview accordée au Figaro du 14 novembre 2015 : « La seule voie, c’est de stopper l’effondrement du régime syrien […]. Les Russes l’ont compris depuis longtemps. » Et de les féliciter dans Valeurs actuelles du 19 novembre : « Heureusement que Poutine l’a fait, sinon nous aurions sans doute en face de nous un État islamique. […] Il faut donc se féliciter que la Russie soit intervenue. Maintenant, il faut engager le dialogue avec Moscou pour bâtir une stratégie de reconquête du territoire syrien. »

On n’a pas vu Fillon déplorer — ne parlons pas de condamner — les quelque 500 000 morts civils d’Assad, allant jusqu’à récuser le terme « massacre » (France Inter, 28 nov. 2016), non plus que les bombardements d’écoles ou d’hôpitaux. Ignore-t-il que le dirigeant syrien a élargi de ses prisons nombre de dirigeants djihadistes et qu’il n’a pas bombardé les quartiers généraux islamistes (Commentaire, n° 144, hiver 2013/2014, p. 795) ? Ignore-t-il que l’intervention russe n’a visé Daech que de façon marginale (France Inter, 28 nov. 2016) ? Comme l’a justement remarqué Alain Frachon dans Le Monde du 21 octobre 2016, sous le titre « La Syrie de M. Fillon », « choisir al-Assad comme rempart contre le djihadisme […], c’est faire équipe avec Al Capone pour démanteler la Mafia. Ou, si l’on préfère, s’appuyer sur un pompier pyromane pour éteindre l’incendie djihadiste ».

Quand on sait que c’est sous son gouvernement qu’a été démantelé, dès 2008, le renseignement territorial, quand on sait qu’il était opposé à l’interdiction du voile à l’université (Le Monde, 26 oct. 2016), quand on sait que, ministre de l’Éducation nationale, il a enterré le rapport Obin sur les atteintes à la laïcité dans les établissements, son livre Vaincre le totalitarisme islamique (Albin Michel, 2016) semble vraiment incongru.

À la tribune de l’Assemblée nationale, le 25 novembre 2015, il va jusqu’à suggérer d’associer le Hezbollah, organisation terroriste, à la recherche d’une solution en Syrie, insistant sur la nécessité de réintégrer l’Iran dans les discussions (Le Figaro, 26 nov. 2015). Est-il influencé par Fabienne Blineau, militante pro-Fillon au Liban, alors mariée à un député libanais, dont le parti, pro-syrien, est allié au Hezbollah (Le Monde, 19 avril 2017) ? Selon lui, « la Russie est la seule puissance à faire preuve de réalisme en Syrie » (Marianne, 1er avril 2016), au point que Nicolas Hénin déplore que « Fillon soit totalement aligné sur la position russe en Syrie ».

Son alignement va jusqu’à être dénoncé par un ancien ministre communiste, Jack Ralite, qui met aussi en cause, à cet égard, Mme Le Pen et M. Mélenchon (Le Monde, 7 déc. 2016), suivi par Raphaël Glucksmann et Yannick Jadot (ibid., 15 déc.) : « Alep crève et Fillon a dit “choisir Assad“ avant de justifier Poutine. Alep crève et Mélenchon a affirmé : “Je pense que Poutine va régler le problème de la Syrie.“ »

Assad bien sûr approuve le soutien de Fillon ; interrogé par RTL, il se réjouit de la « rhétorique de Fillon […] qui est la bienvenue » (Bulletin quotidien, 10 janv. 2017). À la suite des révélations des attaques chimiques — pour lesquelles Fillon exige que soient apportées des preuves ! —, il pense, fidèle à sa rengaine, que le départ éventuel d’Assad passe par le dialogue avec Moscou (Le Monde, 8 avril 2017)…

L’ennemi, c’est l’Amérique

Déjà, au Mans, en décembre 1998, il participe à un colloque de trois jours dont l’objet porte sur « les États-Unis, maîtres du monde ? », en compagnie de toute la fine fleur de l’antiaméricanisme : Alain Gresh et Serge Halimi, du Monde diplomatique, Pascal Boniface, Paul-Marie de La Gorce. Fillon s’en prend, pour sa part, à la « fragilité » du président Clinton (Ouest-France, 14 déc. 1998).

Lors du conflit opposant Israël au Hamas, à l’été 2014, il dénonce la culpabilité de l’Occident, « et, premièrement, des États-Unis » (Le Monde, 20 juil. 2014). « L’Europe, confie-t-il au Point du 16 avril 2015, est trop dépendante pour sa sécurité et son économie. C’est flagrant concernant […] la nouvelle guerre froide avec la Russie », pauvre victime ! La solution ? Sortir de la domination du dollar contre laquelle l’Europe doit, pas moins, « se révolter » (Valeurs actuelles, 18 juin 2015). Dans son programme présidentiel, le dollar est présenté comme une « nouvelle forme d’impérialisme » (Le Monde, 16 déc. 2016).

Dans un tweet, révélé par Nicolas Hénin dans La France russe (Fayard, 2016, p. 117), Fillon place, sur le même pied, en tant qu’ennemis de l’Europe, « totalitarisme islamique, impérialisme américain, dynamique du continent asiatique » ; on appréciera le parallèle ! Si la France, d’après lui, est hostile à la Russie, c’est qu’on « est influencé par l’administration américaine, le Congrès américain et ce que pensent les journaux américains » (Le Point, 25 août 2016). Il pense — mais pense-t-il ? — que « c’est une erreur de la traiter à la fois comme un adversaire et un pays sous-développé » (Le Monde, 14 sept. 2016). Un mois plus tard, il déplore que « la France coure après les États-Unis » (Valeurs actuelles, 20 oct. 2016), oubliant qu’on ne l’avait guère entendu lorsqu’elle a réintégré le commandement militaire de l’OTAN, en 2009.

Il récidive dans Le Progrès du 11 novembre 2016, où il préconise de « renforcer l’Europe face à la menace du totalitarisme islamique mais aussi face à la mainmise économique américaine, demain chinoise » : singulière juxtaposition, encore une fois, que de placer le terrorisme sur le même plan que l’Amérique. C’est quasiment obsessionnel chez lui : dans L’Opinion du 27 octobre 2016, il insiste « pour sortir un jour de cette dépendance très forte vis-à-vis des États-Unis […]. Ainsi, je suis choqué par les discours des responsables de l’OTAN sur la Russie. Cela relève de la provocation verbale. On ne peut pas considérer Moscou comme l’ennemi n° 1 alors que le totalitarisme islamique nous menace directement ».

Il va même jusqu’à proposer, au début 2017, une conférence Europe-Russie sans les Américains (Le Monde, 26 janv. 2017). Le problème, pour lui, ce n’est pas la Russie, allant jusqu’à mettre en cause voire en accusation Washington : « Dans beaucoup de cas, la politique américaine qui pilote l’OTAN n’est pas la solution contre le totalitarisme islamique, elle est plutôt le problème. Nous avons commis des erreurs par le passé en poussant la Russie dans ses travers » (ibid., 24 janv. 2017).

On tremble en songeant qu’il aurait pu régner à l’Élysée cinq ans, voire une décennie !

COMPLEMENT:

Wokeness Is Putin’s Weapon
Russia and China capitalize on the West’s moral and political confusion.
Walter Russell Mead
The Wall Street Journal
July 11, 2022

Five months into the war in Ukraine, Vladimir Putin’s army continues to flounder. Kyiv’s defenders are making up for their smaller numbers and artillery shortages with better commanders, smarter tactics, higher morale and, increasingly, better weapons as Western high-tech arms reach the battlefield.

Mr. Putin has had the most success, paradoxically, in the domains of economics and politics, where the West thought its power was strongest. Fears that a Russian gas embargo could cripple European economies and leave comfortable German burghers freezing in the dark next winter have replaced hopes that Western sanctions would bring Moscow to its knees. Thoroughly intimidated by the consequences of an economic war with Russia, Germany is beginning to weasel out of its pledges to increase defense spending.

Similarly, the early Western optimism that values would unite the world against Russian aggression has fizzled. Led by China and joined by India and Brazil, countries around the world are choosing trade with Russia over solidarity with the Group of Seven.

To counter Mr. Putin and Xi Jinping, the West must recalibrate. Since the Russian leader attacked Georgia in 2008, Western leaders have consistently mischaracterized and underestimated the threat that the revisionist powers (China, Russia and Iran) pose. In Georgia, Crimea, the South China Sea and the Middle East, the result has been one unexpected setback after another. To prevent another major setback from this latest and most blatant attack, the West needs to rethink assumptions and conventional doctrines that have demonstrably failed.

First, we need to be clear about the revisionists’ goal. Tactically, Mr. Putin wants to absorb as much of Ukraine as he can, but this war isn’t really about a few slices of the Donbas. Strategically, Messrs. Putin, Xi and their Iranian sidekicks seek the destruction of what they see as an American-led, West-dominated global hegemony. They believe that despite its imposing strengths (G-7 countries account for 45% of global gross domestic product and 52% of global military spending), this order is decadent and vulnerable.

Three vulnerabilities in the Western system give them hope. One is the trend toward protectionism in Europe and the U.S., which reduces the economic attraction of the Western system for developing countries. The others involve values. While Western conventional wisdom believes that the “values based” element of American and European foreign policy is a vital source of strength around the world, the revisionists believe that Western narcissism and blindness have led the Western powers into a historical trap.

For many postcolonial countries, the current world order is the latest embodiment of Western hegemony, with its origins in the age of European imperialism. Why else, people ask, are Britain and France permanent members of the United Nations Security Council, while there is only one permanent member from Asia, and none from Africa, the Islamic world or Latin America? What possible justification is there for including Italy and Canada in the exclusive G-7?

Conventional defenders of the Western world order respond by touting its commitment to universal values such as human rights and the fight against climate change. The current world order may, they acknowledge, be historically rooted in Western imperial power, but as an “empire of values,” the Western world order deserves the support of everyone who cares about humanity’s future.

Unfortunately, the West’s increasingly “woke” values agenda is not as credible or as popular as liberals hope. President Biden’s visit to Saudi Arabia this week reminds the world of the limits on Western commitments to human rights. Many values dear to the hearts of Western cultural leaders (LGBTQ rights, abortion on demand, freedom of speech understood as allowing unchecked Internet pornography) puzzle and offend billions of people around the world who haven’t kept up with the latest hot trends on American campuses. Attempts by Western financial institutions and regulators to block financing for fossil-fuel extraction and refining in developing countries enrage both elites there and the public at large.

Moreover, the liberal West’s new, post-Judeo-Christian values agenda divides the West. Culture wars at home don’t promote unity overseas. If Mr. Biden, with the support of the European Parliament, makes abortion on demand a key element of the values agenda of the world order, he is more likely to weaken American support for Ukraine than to unite the world against Mr. Putin.

The moral and political confusion of the contemporary West is the secret weapon that the leaders of Russia and China believe will bring the American world order to its knees. Messrs. Putin and Xi might be wrong; one certainly hopes that they are. But their bet on Western decadence has been paying off handsomely for more than a decade. Western survival and global flourishing require more thought and deeper change than the Biden administration and its European allies can currently imagine.

COMPLEMENT:

Ukraine war: Fact-checking Russia’s biological weapons claims

BBC
Russian state showing sites which officials say are being used to develop bioweapons

Russia has claimed without any evidence that biological weapons are being developed in laboratories in Ukraine with support from the United States.

It says material is being destroyed to conceal the country’s weapons programme, but the US says this is « total nonsense » and that Russia is inventing false narratives to justify its actions in Ukraine.

No evidence: US funds biological weapons research in Ukraine

Russia has accused the US and Ukraine of working with « pathogens of dangerous infections » in 30 laboratories across the country. Pathogens are microorganisms that can cause disease.

Ukraine has dozens of public health laboratories that work to research and mitigate the threats of dangerous diseases.

Some of these labs receive financial and other support from the US, the European Union and the World Health Organization (WHO) – as is the case in many other countries.

Despite Russian claims that these are « secret » labs, details of US involvement can be found on the US embassy’s website.

Additionally, the US set up its « Biological Threat Reduction Program » in the 1990s following the fall of the Soviet Union to reduce the risk from biological weapons that had been left behind in countries including Ukraine.

Under this programme certain labs receive funding from the US for modernisation and equipment, but are managed locally, not by the US.

The US Department of Defense has been working in partnership with Ukraine’s Ministry of Health since 2005 to improve the country’s public health laboratories.

The US provides technical support and, according to the US Embassy in Ukraine, « works with partner countries to counter the threat of outbreaks (intentional, accidental or natural) of the world’s most dangerous infectious diseases ».

There is no evidence that they work to produce biological weapons. In January, the US said its programme does the opposite and in fact aims to « reduce the threat of biological weapons proliferation ».

There have been similar unsubstantiated claims by Russia in the past about US-backed biolabs operating in its neighbouring countries.

In 2018, there were reports in Russian state media that untested drugs were given to citizens at a lab funded by the US in neighbouring Georgia.

The BBC visited the site and spoke to individuals involved in the research and found no evidence to support the claims.

No evidence: Ukraine destroyed pathogens to hide illegal research

Russian officials have also claimed Ukraine has tried to conceal evidence of prohibited activities.

Gen Igor Kirillov said documents uncovered by the Russian military in Ukraine on 24 February – the day the Russian invasion started – « show that the Ministry of Health of Ukraine has set the task of completely destroying bio-agents in laboratories ».

« The Pentagon knows that if these documents fall into the hands of Russian experts, then it’s highly likely that Ukraine and the United States will be found to have violated the Convention on the Prohibition of Biological and Toxin Weapons, » he said.

Document released by RussiaImage source, Rossiya 1 TV

BBC News has been unable to independently verify the documents cited by General Kirillov.

The WHO has told BBC News that it had advised Ukraine to destroy high-threat pathogens stored at the country’s public health labs to prevent « any potential spills » that would spread disease among the population.

The agency said it had collaborated with Ukrainian public health labs for several years to enhance biosafety and biosecurity and help prevent « accidental or deliberate release of pathogens ».

The WHO did not say when the recommendation had been made nor whether it was followed. It also did not provide details of the kind of pathogens stored at Ukrainian labs. However, the US said Ukraine’s health ministry had ordered the « safe and secure disposal of samples » after Russia’s invasion to limit the risk in the event of a Russian military attack.

« There are no indications that Ukrainian labs have been involved in any nefarious activity, or any research or development in contravention of the Biological Weapons Convention, » says Filippa Lentzos, a biosecurity expert at King’s College London.

She adds that pathogens stored at biological labs are simply bacteria and viruses, and « not blueprints or components of biological weapons ».

« The reason they are kept in secure facilities is for bio-safety, so people don’t make themselves sick by getting access to them. »

The documents listing destroyed pathogens which Russian officials have presented as evidence of nefarious activity at several Ukrainian labs contain no highly dangerous pathogens, microbiologist Yevgeny Levitin told Sibir Realii, a regional outlet of Radio Liberty.

« Everything listed in the published documents are only notional pathogens, with the exception of Clostridium diphtheriae, but even that is not considered highly hazardous ».

False: A high number of pathogens indicates weapons research

Gen Kirillov also claimed that the highly militarised nature of the work at Ukrainian bio-labs is confirmed by « excess number of bio-pathogens » stored there.

But Dr Lentzos says this argument does not follow any logical science. « The numbers don’t really matter, you can easily grow pathogens in a lab » starting from a small sample.

« These labs publish in openly available literature. They collaborate on many public health projects with global partners, » says Brett Edwards, a senior lecturer in security and public policy at the University of Bath.

« Devoting considerable sums of money and significant resources to conducting bioweapons research makes no strategic sense for Ukraine given the difficulty in using them in a conflict, » argues Dan Kaszeta, a former US serviceman and expert on defence against biological weapons.

« Conventional warfare weapons are much easier and more effective to use for countries like Ukraine, » he said.

Where else have these claims been repeated?

Moscow’s claims about the Ukrainian labs were echoed by China this week, with foreign ministry spokesperson Zhao Lijian accusing the US of using the facilities to « conduct bio-military plans ».

Similar accusations have also been made by Iranian and Syrian officials.

Although the allegations have been echoed elsewhere, « most of the Russian messaging is meant to target their own population », according to Milton Leitenberg, a senior research associate at the Center for International and Security Studies at the University of Maryland (CISSM).

He said the claims were meant to « muddy up the minds of Russian citizens » who did not know they were false and had no access to alternative information.

Voir par ailleurs:

Sartre comme « idiot utile » : relire « Nekrassov » aujourd’hui

Cécile Vaissié
Desk Russie
11 février 2022

La pièce de Sartre Nekrassov fut jouée au théâtre Antoine à partir de juin 1955, mais est un échec auprès des critiques comme des spectateurs. Elle mérite toutefois d’être (re)lue aujourd’hui : parce que, si elle reflète un certain contexte historique, elle illustre aussi l’un des rôles d’un « idiot utile » et a recours à des procédés de propagande, dont certains sont de nouveau en vigueur aujourd’hui.

Le contexte de rédaction

Cette pièce a été rédigée après le premier voyage de Sartre en URSS au printemps 1954. Invité par les Soviétiques et parti sans Simone de Beauvoir, le philosophe a multiplié les déplacements, les visites et les rencontres organisés par ses hôtes, et, quand il est rentré en France, épuisé, il a accordé une longue interview à Libération pour chanter les louanges de l’URSS. Il y assurait, par exemple, que le « contact » avec les Soviétiques était « aussi large, aussi ouvert et aussi facile que possible », et que, « vers 1960, […] si la France continu[ait] à stagner, le niveau de vie moyen en URSS ser[ait] de 30 à 40 % supérieur au nôtre ». Il fallait donc « fortifier et […] créer des relations amicales avec l’URSS ». Avec cette recommandation, le but des hôtes soviétiques de Sartre était atteint. Avec Nekrassov, plus encore.

La pièce est jouée huit ans après le procès Kravtchenko qu’elle évoque explicitement. On s’en souvient, Kravtchenko, haut fonctionnaire soviétique envoyé aux États-Unis en 1943 dans une commission d’achat, a décidé d’y rester et écrit un livre, J’ai choisi la liberté, dans lequel il racontait ce qu’il avait vu en URSS : la collectivisation, les famines, les purges, les camps, la terreur, la surveillance généralisée. Ce livre a été un succès mondial et a entraîné un procès qui s’est tenu à Paris en 1949 et dans lequel Kravtchenko affrontait le journal communiste Les Lettres françaises et ses partisans. Simone de Beauvoir a assisté avec Sartre à une audience et, si elle parle en termes peu amènes de Kravtchenko et de ses témoins, elle admet dans ses Mémoires qu’« une réalité ressortait de leurs dépositions : l’existence des camps de travail » en URSS.

Dès 1949, la question n’était donc plus de savoir s’il existait des camps et des répressions en URSS, mais si ces camps et ces répressions justifiaient de ne pas soutenir l’URSS et l’espoir révolutionnaire que celle-ci était censée incarner. Pour Sartre, non, cela ne le justifiait pas, comme en témoignent ses interviews de 1954 et sa pièce de 1955.

Nekrassov : une pièce contre la « propagande anticommuniste »

L’intrigue de Nekrassov est basée sur un quiproquo volontairement créé. Un escroc recherché par la police, Georges de Valera, se cache chez la fille du journaliste Sibilot, qui travaille pour Soir à Paris. Jules Palotin dirige ce journal et semble inspiré par Pierre Lazareff, le directeur de France-Soir, qui a lui aussi visité l’URSS au printemps 1954 avec son épouse russophone et qui, dans une polémique publique, a reproché à Sartre d’idéaliser ce pays. Palotin a chargé Sibilot de lutter contre « la propagande communiste », et ce dernier, qui reconnaît être « un professionnel de l’anticommunisme », se plaint de ses conditions matérielles : l’argent est sa motivation première. De même, Palotin veut avant tout que son journal se vende. Or Mouton, directeur du conseil d’administration, lui ordonne de renforcer les attaques contre les communistes avant des élections locales :

« Je me rappelle votre belle enquête : « La Guerre, demain ! » On transpirait d’angoisse. Et vos montages photographiques : Staline entrant à cheval dans Notre-Dame en flammes ! De purs chefs-d’œuvre. Mais voici plus d’un an que je note un relâchement suspect, des oublis criminels. Vous parliez de famine en URSS et vous n’en parlez plus. Pourquoi ? Prétendez-vous que les Russes mangent à leur faim ? »

Le danger de guerre, les famines et le niveau de vie soviétique, très bas, ne seraient donc que des thématiques caricaturales, destinées à effrayer, à faire vendre le journal et à influer sur la politique intérieure française. Dès lors, selon Sartre, les articles sur ces sujets devraient susciter l’ironie de ceux qui, comme lui, ne seraient pas dupes.

Mouton exige que Palotin lance une campagne contre l’URSS, mais aussi en soutien à la « suprématie américaine » et au réarmement de la RFA, qui fait alors débat et contre lequel l’URSS s’élève. Cherchant désespérément une idée, Sibilot présente Valera comme « un fonctionnaire soviétique qui a franchi le Rideau de fer », ce qui n’intéresse guère Palotin, et la référence à Kravtchenko est explicite :

« Depuis Kravtchenko, sais-tu combien j’en ai vu défiler, moi, de fonctionnaires soviétiques ayant choisi la liberté ? Cent vingt-deux, mon ami, vrais ou faux. Nous avons reçu des chauffeurs d’ambassade, des bonnes d’enfants, un plombier, dix-sept coiffeurs et j’ai pris l’habitude de les refiler à mon confrère Robinet du Figaro, qui ne dédaigne pas la petite information. Résultat : baisse générale sur le Kravtchenko. […] Ah ! monsieur a choisi la liberté ! Eh bien ! fais-lui donner une soupe et envoie-le, de ma part, à l’Armée du salut. »

Le destin de Kravtchenko serait donc drôle ? Il devrait faire rire ? Des dizaines de Kravtchenko n’ont pourtant pas envahi Paris… L’escroc Valera reprend les choses en main et suggère qu’il est Nekrassov, un ministre soviétique qui a disparu et dont on affirme, sans preuve, qu’il a « choisi la liberté » — une autre allusion à Kravtchenko. Cette fois, Palotin est ravi, même s’il ne croit pas vraiment à cette histoire. Les conditions de Valera sont aussitôt acceptées : « Un appartement au George-V, deux gardes du corps, des habits décents et de l’argent de poche. » Là encore, les motivations seraient avant tout matérielles et l’argent coulerait à flots pour diffamer l’URSS.

Certes, Sartre concède qu’il puisse y avoir des Soviétiques ayant réellement fui en Occident : c’est le cas, dans la pièce, de Demidoff, « un vrai Kravchenko, celui-là, authentifié par l’agence Tass ». Mais Demidoff est ridiculisé et, séduit par les promesses de Valera, accepte de proclamer que celui-ci est bien Nekrassov, tout en sachant que ce n’est pas vrai. D’ailleurs, presque tout le monde sait que Valera n’est pas Nekrassov, mais chacun a intérêt à se taire, parce que cette histoire fait exploser les ventes de Soir à Paris et les actions des fabriques d’armement, et que le gouvernement apprécie cette flambée d’antisoviétisme.

La fille de Sibilot est le seul personnage réellement honnête et généreux de la pièce, et elle est communiste ou proche de communistes. Or elle reproche à Valera de « désespérer les pauvres » en critiquant l’URSS et, resté seul, l’escroc lance trois fois : « Désespérons Billancourt ! » Une expression est née, qui ne figure pas telle quelle dans la pièce : il ne faudrait pas « désespérer Billancourt » en disant la vérité sur l’URSS et le communisme. Sartre se retrouve ainsi, paradoxalement, dans la situation de ceux qui couvrent les mensonges de Valera au nom de leurs intérêts : lui couvre les mensonges soviétiques, car la fin révolutionnaire justifierait les moyens. Et parce qu’il est assez crédule.

Un « idiot utile », publié et joué en URSS

Sartre le concèdera en 1978 : « Je décidai qu’en cette occurrence, l’URSS fût innocente et que le scandale vînt essentiellement de la presse française. » Ce qui n’est pas sans annoncer d’autres tentatives ultérieures pour dénoncer « les médias de la bien-pensance » et pour « réinformer », mais aussi pour justifier la Russie, envers et contre tout. Un intellectuel peut-il « décider » qu’un pays dont il a découvert les camps et les répressions est « innocent » ? Peut-il traiter avec un ton aussi léger et moqueur de problèmes, politiques et humains, aussi graves que la défection de hauts fonctionnaires et leurs révélations sur les crimes commis par les dirigeants soviétiques contre leurs populations ?

Ces procédés discréditeront Sartre auprès de contestataires d’Europe centrale et orientale : le philosophe agit là en « idiot utile » du Kremlin. Cela porte ses fruits : la pièce traduite est publiée en URSS dès août 1955 sous le titre Rien que la vérité ; elle a toutefois été raccourcie d’un quart, de nouvelles répliques ont été ajoutées, et des noms supprimés, à commencer par celui de Kravtchenko1. La première de cette pièce, encore remaniée par son metteur en scène, a lieu à Moscou le 11 mars 1956. Grâce à ces parutions et ces mises en scène, Sartre percevra de l’argent en URSS, qu’il ne pourra dépenser qu’en URSS, ce qui l’incitera à y revenir. Un processus a été enclenché.

Retour à l’affaire Kravtchenko

Quant à l’affaire Kravtchenko, au cœur de Nekrassov, deux points méritent d’être rappelés. Un article publié par Les Lettres françaises en novembre 1947 et diffamant le transfuge est à l’origine du procès ; il était signé par un certain Sim Thomas et « traduit par Jean Dumoulin ». Sauf que Sim Thomas n’a jamais existé. L’article avait été apporté à la rédaction par André Ulmann, admettra Claude Morgan, alors directeur de la publication, et, d’après l’avocat communiste Joë Nordmann, il aurait été écrit par Ulmann lui-même. Ce dernier avait été recruté en 1946 par les services de renseignements soviétiques, et il dirigeait un hebdomadaire d’informations internationales, La Tribune des nations, que finançait le KGB et qui devait influencer des décideurs occidentaux. Aujourd’hui, ce serait un site internet. Joë Nordmann reconnaîtra aussi, mais en 1996, que, pendant le procès, lui et d’autres défenseurs des Lettres françaises avaient « fréquemment des réunions tardives avec un membre de l’ambassade soviétique, pour recevoir des documents et en discuter ». Sans compter que l’URSS avait envoyé des « témoins » qui, chargés d’attaquer Kravtchenko, « venaient le plus souvent chaperonnés par un représentant de leur ambassade ».

L’URSS avait commandité des attaques contre Kravtchenko, et la pièce apparemment si légère de Sartre était aussi une tentative pour donner un second souffle à ces attaques. Consciemment ou pas, l’intellectuel n° 1 d’Occident était utile à ses nouveaux amis : il ridiculisait les opposants à l’URSS, réduisait toute critique de l’URSS à des motivations matérielles et mettait en doute les crimes, les oppressions et les difficultés matérielles dont le pouvoir soviétique était directement responsable.

  1. Jacques Lecarme, « Notice de Nekrassov », in Jean-Paul Sartre, Théâtre complet, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2005, p. 1481. 

Voir par ailleurs:

Crise en Ukraine : Joe Biden sème le trouble par ses propos contradictoires sur la menace russe
Balançant entre approximations, aveux inutiles et phrases ambivalentes, le président américain a suscité le trouble et la nervosité à Kiev et dans les capitales européennes.
Le Monde
21 janvier 2022

Contenir le feu qu’on a soi-même déclenché est une gageure. L’administration Biden s’est évertuée, jeudi 20 janvier, à clarifier les propos tenus la veille par le président américain, lors de sa conférence de presse, au sujet de la menace russe contre l’Ukraine.

Au cours de cette intervention longue et peu tonique, Joe Biden a été interrogé à plusieurs reprises sur la crise internationale du moment. Balançant entre approximations, aveux inutiles et menaces contradictoires, le dirigeant a suscité le trouble et la nervosité à Kiev et dans les capitales européennes. Sur le fond, la ligne américaine demeure inchangée, alors que le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, s’apprête à rencontrer son homologue russe, Sergueï Lavrov, à Genève (Suisse), vendredi. Mais le souci constant, depuis deux mois, d’un front commun occidental face à Vladimir Poutine s’en trouve écorné.

Interrogé sur les intentions du maître du Kremlin, Joe Biden a répondu comme un expert ou un commentateur, au lieu de s’en tenir aux lignes rouges édictées par son administration. « Je pense qu’il va entrer. Il doit faire quelque chose. » La confusion s’est installée après une autre remarque : « Cela dépend de ce qu’il fait. C’est une chose s’il s’agit d’une incursion mineure… » A partir de quel degré une agression russe serait-elle acceptable ? Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a vite réagi sur Twitter, en anglais. « Nous voulons rappeler aux grandes puissances qu’il n’existe pas d’incursions mineures et de petites nations. »

Dans la soirée, au terme de la conférence de presse, la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, a dû publier un communiqué pour reformater la position officielle, en soulignant la distinction entre cyberattaque, attaque de type paramilitaire et invasion militaire classique. Joe Biden lui-même, jeudi, a tenté de dissiper le trouble. « Si un groupe d’unités russes, quel qu’il soit, traverse la frontière de l’Ukraine, c’est une invasion. »

Joe Biden a semblé donner un gage public à Moscou

Au cours de sa conférence de presse, le président américain a prédit un « désastre » pour la Russie, si elle choisissait l’aventure militaire. Il a même évoqué le fait que « leurs banques ne pourront plus commercer en dollars », sans entrer dans les détails. Une perspective explosive, qui aurait, reconnaît-il, un « impact négatif » pour les Etats-Unis comme pour les économies européennes. Voilà pourquoi les sanctions financières envisagées à Washington, comme la déconnexion de la Russie du système d’information Swift, ne font absolument pas l’unanimité au sein de l’Union européenne (UE).

De même, Joe Biden a admis l’existence de « différences au sein de l’OTAN [Alliance atlantique] sur ce que les pays sont prêts à faire, en fonction de ce qui se passe » militairement en Ukraine. En officialisant ces tensions internes, le président américain leur donne encore plus corps et affaiblit les discours de ses conseillers, qui ne cessent de vanter l’intensité des échanges transatlantiques dans cette crise.

« La probabilité d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN à court terme n’est pas très forte », a enfin lâché Joe Biden, en citant notamment les réformes à mener en matière de démocratie et d’Etat de droit. En reconnaissant cette évidence factuelle, le président américain a semblé donner un gage public à Moscou, sans aller jusqu’à rejeter, sur le principe, l’idée d’une adhésion. Celle-ci figure dans les conclusions du sommet de l’Alliance au printemps 2008. La Russie, elle, exige l’impossible, c’est-à-dire un engagement solennel et écrit que ni la Géorgie ni l’Ukraine ne sont vouées à rejoindre l’OTAN.

En visite à Berlin, après un passage mercredi à Kiev pour réaffirmer le soutien américain, Antony Blinken a rencontré ses homologues français et allemand, Jean-Yves Le Drian et Annalena Baerbock, ainsi que le vice-ministre britannique, James Cleverly. Le secrétaire d’Etat poursuit ainsi un effort intense de consultations avec les Européens, au nom d’une unité indispensable. Une « centaine de contacts », de formes différentes, ont été établis au cours des dernières semaines, a même tenu à préciser la Maison Blanche. Mais la porte-parole, Jen Psaki, a aussi reconnu lors de son point presse qu’« être uni ne signifie pas que tout sera identique » entre alliés.

Préserver la cohérence du camp occidental

Le secrétaire d’Etat n’a pas dit autre chose sur ce point, au cours d’une conférence de presse avec Mme Baerbock, lorsqu’il a été interrogé sur les sanctions économiques dans l’hypothèse d’une opération militaire russe : « Il ne fait aucun doute qu’il y aura une division du travail, si ces sanctions se révèlent nécessaires, a souligné le responsable américain. Mais tout doit être fait en complémentarité, en se renforçant mutuellement, en coordination étroite. »

Washington tente donc de préserver la cohérence du camp occidental en laissant de la place à une forme de souplesse en matière de réponse punitive, conscient notamment de la complexité des équilibres internes, dans la coalition allemande.

Par ailleurs, le département d’Etat américain poursuit son action dans la guerre des récits engagée depuis longtemps avec Moscou. Il a engagé, jeudi, un effort de sensibilisation internationale aux campagnes de désinformation conduites par la Russie, en diffusant un argumentaire sur les principaux points de contentieux. En outre, le département du Trésor a annoncé que quatre Ukrainiens avaient été ajoutés à la liste des sanctions individuelles, prévoyant le gel de leurs avoirs éventuels aux Etats-Unis. Parmi eux, se trouvent deux députés de la Rada, le Parlement ukrainien, Taras Kozak et Oleg Volochine, membres du parti créé par Viktor Medvedtchouk. Ce puissant oligarque, proche du Kremlin, est considéré comme le premier agent de déstabilisation prorusse par les autorités ukrainiennes.

« Préalablement à une invasion potentielle supplémentaire de l’Ukraine, les services de renseignement russes, principalement le FSB, une entité sanctionnée par les Etats-Unis, ont recruté des nationaux ukrainiens à des positions-clés pour obtenir un accès à des informations sensibles, a expliqué Antony Blinken dans un communiqué. Le FSB instrumentalise ces officiels pour tenter de créer de l’instabilité en Ukraine. »


Chute de Kaboul: On a voulu voir Truman et on a vu Carter ! (In just seven months we have matched the darkest days of the Carter years with the Afghanistan implosion, the historic anarchy on the border, the worst racial relations in a half-century, historic spikes in violent crime, the soaring inflation and the loss of US energy independence)

17 août, 2021

Jay Dayvault (@DayvaultJay) | Twitter Afghan Men Try To Hang With The Jet Engine Of The Aircraft in Kabul- Afghanistan News - Kabul News - YouTubeமு.நியாஸ் அகமதுTema mítico* : - ¡¡EXTRA, EXTRA!! Los TALIBANES toman KABUL, la gente intenta ESCAPAR AGARRÁNDOSE A LAS RUEDAS DE LOS AVIONES | Página 133 | Burbuja.info
https://pbs.twimg.com/media/E8xlIwBUcAQIr9S?format=jpg&name=large
DEFUND THE ARMY ! TALIBAN LIVES MATTER !
This is Joe Biden's checkered Iraq history - Vox

L’erreur est humaine, c’est persévérer dans l’erreur qui est diabolique. Proverbe latin
La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. Einstein (?)
Tout au long de sa phénoménale carrière publique, [Gunther Grass] n’aura cessé d’adopter des postures consternantes. « Homme de gauche », absolument de gauche, il aura épousé toutes les mauvaises causes de sa génération sans en manquer aucune, aura approuvé toutes les révolutions sanguinaires, de Cuba à la Chine. Toujours disposé à accabler ces fascistes d’Américains, Ronald Reagan et, bien sûr, George W. Bush (c’est sans risque), l’a-t-on en revanche entendu, ne serait-ce qu’un peu, dénoncer le fascisme de Mao Zedong ? Ou celui des islamistes ? (…) comment s’interdire de songer à cette génération entière d’intellectuels et d’artistes en Europe, en France surtout, autoproclamée de gauche – au point que le mot ne fait plus sens –, qui n’ont cessé d’adopter des postures morales tout en illustrant des causes absolument immorales ? Comment ne pas voir surgir des spectres : ceux qui hier, ont aimé Staline et Mao et, bientôt, vont pleurer Castro ? Ceux qui n’ont rien vu à Moscou, Pékin, La Havane, Téhéran, Sarajevo, et Billancourt ? Ceux qui, maintenant, devinent dans l’islamisme une rédemption de l’0ccident ? Cette grande armée des spectres, de l’erreur absolue, dieu merci, elle n’a jamais cessé de se tromper d’avenir. (…) par-delà ce cas singulier, on ne se méfie pas assez du grand écrivain et de la star dès qu’ils abusent de leur séduction pour propager des opinions politiques, seulement politiques, mais déguisées autrement. (…) On se garde de l’homme politique, l’élu démocratique, beaucoup trop puisqu’il avance à découvert. On ne se garde pas assez, en revanche, de l’artiste quand son talent le dissimule, surtout quand le talent est grand : des magiciens, grimés en moralistes, on ne se méfie jamais assez. Guy Sorman
Les Etats-Unis étaient allés au Viêt-nam pour porter un coup d’arrêt à ce qu’ils estimaient être un complot communiste centralisé, et ils échouèrent. De l’échec de l’Amérique, Moscou déduisit ce que les tenants de la théorie des dominos avaient tant redouté, à savoir que la corrélation historique des forces avait tourné en sa faveur. En conséquence, l’URSS essaya d’étendre son hégémonie au Yémen, en Angola, en Ethiopie, et enfin en Afghanistan. Mais elle découvrit, ce faisant, que les réalités géopolitiques s’appliquaient autant aux sociétés communistes qu’à leurs soeurs capitalistes. De fait, étant moins élastique, le surengagement soviétique n’engendra pas une catharsis, comme en Amérique, mais la désintégration. Les événements auraient-ils évolué dans la même direction si l’Amérique s’était contentée de rester passive en comptant sur l’évolution de l’histoire pour se charger du défi communiste ? Ou bien cette démission aurait-elle créé un élan et une certitude de l’inéluctabilité de la victoire, chez les communistes, suffisants pour retarder, voire conjurer, l’effondrement soviétique ? La question reste posée. Quelle que soit la réponse des experts, l’homme d’Etat ne peut adopter la démission comme principe d’action politique. Il peut apprendre à modérer sa confiance dans ses évaluations et à faire la part des imprévus; mais compter sur la chute éventuelle d’un adversaire menaçant est une politique qui n’offre aucun réconfort aux millions de victimes immédiates et transforme l’art de gouverner en un pari téméraire sur l’intuition. Henry Kissinger (Diplomatie, 1994)
Like Carter in the 1970s, Obama comes from the old-fashioned Jeffersonian wing of the Democratic Party, and the strategic goal of his foreign policy is to reduce America’s costs and risks overseas by limiting U.S. commitments wherever possible. He’s a believer in the notion that the United States can best spread democracy and support peace by becoming an example of democracy at home and moderation abroad. More than this, Jeffersonians such as Obama think oversize commitments abroad undermine American democracy at home. Large military budgets divert resources from pressing domestic needs; close association with corrupt and tyrannical foreign regimes involves the United States in dirty and cynical alliances; the swelling national-security state threatens civil liberties and leads to powerful pro-war, pro-engagement lobbies among corporations nourished on grossly swollen federal defense budgets. (…) Obama seeks a quiet world in order to focus his efforts on domestic reform — and to create conditions that would allow him to dismantle some of the national-security state inherited from the Cold War and given new life and vigor after 9/11. Preferring disarmament agreements to military buildups and hoping to substitute regional balance-of-power arrangements for massive unilateral U.S. force commitments all over the globe, the president wishes ultimately for an orderly world in which burdens are shared and the military power of the United States is a less prominent feature on the international scene. While Wilsonians believe that no lasting stability is possible in a world filled with dictatorships, Jeffersonians like Obama argue that even bad regimes can be orderly international citizens if the incentives are properly aligned. Syria and Iran don’t need to become democratic states for the United States to reach long-term, mutually beneficial arrangements with them. And it is North Korea’s policies, not the character of its regime, that pose a threat to the Pacific region. (…) Yet as Obama is already discovering, any president attempting such a Jeffersonian grand strategy in the 21st century faces many challenges. In the 19th-century heyday of Jeffersonian foreign policy in American politics, it was easier for U.S. presidents to limit the country’s commitments. Britain played a global role similar to that of the United States today, providing a stable security environment and promoting international trade and investment. Cruising as a free rider in the British world system allowed Americans to reap the benefits of Britain’s world order without paying its costs. As British power waned in the 20th century, Americans faced starker choices. With the British Empire no longer able to provide political and economic security worldwide, the United States had to choose between replacing Britain as the linchpin of world order with all the headaches that entailed or going about its business in a disorderly world. In the 1920s and 1930s, Americans gave this latter course a try; the rapid-fire series of catastrophes — the Great Depression, World War II, Stalin’s bid for Eurasian hegemony — convinced virtually all policymakers that the first course, risky and expensive as it proved, was the lesser of the two evils. Indeed, during Franklin D. Roosevelt’s first two terms, the United States pursued essentially Jeffersonian policies in Europe and Asia, avoiding confrontations with Germany and Japan. The result was the bloodiest war in world history, not a stable condominium of satisfied powers. (…) A Jeffersonian policy of restraint and withdrawal requires cooperation from many other countries, but the prospect of a lower American profile may make others less, rather than more, willing to help the United States. There is an additional political problem for this president, one that he shares with Carter. In both cases, their basic Jeffersonian approach was balanced in part by a strong attraction to idealistic Wilsonian values and their position at the head of a Democratic Party with a distinct Wilsonian streak. A pure Jeffersonian wants to conserve the shining exceptionalism of the American democratic experience and believes that American values are rooted in U.S. history and culture and are therefore not easily exportable. For this president, that is too narrow a view. Like Abraham Lincoln, Woodrow Wilson, and Martin Luther King Jr., Barack Obama doesn’t just love the United States for what it is. He loves what it should — and can — be. Leadership is not the art of preserving a largely achieved democratic project; governing is the art of pushing the United States farther down the road toward the still-distant goal of fulfilling its mission and destiny. Obama may well believe what he said in his inaugural speech — « we reject as false the choice between our safety and our ideals » — but as any president must he is already making exactly those tradeoffs. Why else refuse to meet the Dalai Lama? Why else pledge support to the corrupt regime of President Hamid Karzai in Afghanistan or aid Pakistan despite the dismal track record of both the civil and military arms of the Pakistani government when it comes to transparent use of U.S. resources? Did the administration not renew its efforts to build a relationship with the regime in Tehran even as peaceful democratic protesters were being tortured and raped in its jails? Is Obama not taking « incentives » to Khartoum, a regime that has for more than a decade pursued a policy in Darfur that the U.S. government has labeled genocidal? It is hard to reconcile the transcendent Wilsonian vision of America’s future with a foreign policy based on dirty compromises with nasty regimes. If the government should use its power and resources to help the poor and the victims of injustice at home, shouldn’t it do something when people overseas face extreme injustice and extreme peril? The Obama administration cannot easily abandon a human rights agenda abroad. The contradiction between the sober and limited realism of the Jeffersonian worldview and the expansive, transformative Wilsonian agenda is likely to haunt this administration as it haunted Carter’s, most fatefully when he rejected calls to let the shah of Iran launch a brutal crackdown to remain in power. Already the Wilsonians in Obama’s camp are muttering darkly about his failure to swiftly close the Guantánamo prison camp, his fondness for government secrecy, his halfhearted support for investigating abuses of the past administration, and his failure to push harder for a cap-and-trade bill before the Copenhagen summit. Walter Russell Mead
Former vice president Joe Biden said in a recent interview he agrees with Jim Mattis that the Obama administration’s decision to withdraw troops from Iraq was a mistake, but that as vice president he tried to keep “a residual force” stationed there. This is revisionist nonsense. Just a few months ago, at the July Democratic presidential debate, Biden boasted that “one of the proudest moments of my life was to stand there in Al-Faw Palace and tell everyone that . . . all our combat troops are coming home.” In September, he declared, “We were right to get the combat troops out.” But now he agrees it was a mistake? The fact is, at the time, Biden expressed zero regrets about the complete US withdrawal, which he was in charge of executing. The New York Times reports that in December 2011 Biden was “ebullient” as he presided over the departure ceremony for the last American forces, calling President Barack Obama from Baghdad to tell him “All I’ve said about this job, I take it back. Thank you for giving me the chance to end this goddamn war.” Of course, he did not actually end the “goddamn war,” he unleashed a humanitarian and national security catastrophe. Biden’s withdrawal created a vacuum that allowed the Islamic State — which had been reduced to just 700 fighters — to regroup, reconstitute itself and build a murderous caliphate the size of Britain. The terrorists enslaved and raped thousands of Yazidi girls and carried out gruesome executions across Iraq and Syria. And they spread their murderous tentacles across the globe, carrying out 143 attacks in 29 countries that killed more than 2,000 people and injured many thousands more. Biden has criticized President Trump for withdrawing from Syria against the advice of our military commanders. Yet Biden did not listen to our military commanders when it came to the Iraq withdrawal. The Times reports that Gen. Lloyd J. Austin III, the U.S. commander in Iraq, proposed keeping as many as 24,000 troops in Iraq. According to Biden national security adviser Colin H. Kahl, Austin was told by the White House “you’ve got to be kidding.” So Austin presented Obama and Biden with options for 19,000, 16,000 and 10,000 troops — and told them the lowest number was “unwise.” But Biden “aggressively pushed for a smaller force,” and Obama agreed. Then, during negotiations with the Iraqis, the administration cut the offer in half to just 5,000 — an offer the Iraqis rejected. In his interview with the Wall Street Journal, Biden blamed George W. Bush for the US withdrawal, noting that he had negotiated a status of forces agreement that required an end to the US military presence by 2011. Please. Does anyone really believe that if Bush were still in office in 2011, he would have pulled out all US forces? Of course not. The reason Obama and Biden were unable to get an agreement to extend the US troop presence is because they made it crystal clear to the Iraqis that America was headed for the exits. Iraqis watched as Obama and Biden rejected numbers well above 10,000, only grudgingly agreed to even that number and then cut that number to 5,000. If you were an Iraqi, would this have given you confidence in America’s long-term commitment? (…) In 2013, as the Islamic State was gaining steam, Biden said that he and Obama felt “happy and . . . fulfilled” with the decision to withdraw from Iraq. A year later, they would be forced to send US forces back to Iraq to deal with the debacle they had unleashed. Biden supported the Iraq invasion but then opposed the Bush surge, which crushed the Islamic State and won the war. Then he supported a premature withdrawal that allowed the terrorists to regroup and was celebrating that decision as recently as four months ago — but now says he regrets it. That’s quite a record for a man running on his record of experience and judgment. Mark Thiessen (2019)
President Obama (…) believes history follows some predetermined course, as if things always get better on their own. Obama often praises those he pronounces to be on the “right side of history.” He also chastises others for being on the “wrong side of history” — as if evil is vanished and the good thrives on autopilot. When in 2009 millions of Iranians took to the streets to protest the thuggish theocracy, they wanted immediate U.S. support. Instead, Obama belatedly offered them banalities suggesting that in the end, they would end up “on the right side of history.” Iranian reformers may indeed end up there, but it will not be because of some righteous inanimate force of history, or the prognostications of Barack Obama. (…) Another of Obama’s historical refrains is his frequent sermon about behavior that doesn’t belong in the 21st century. At various times he has lectured that the barbarous aggression of Vladimir Putin or the Islamic State has no place in our century and will “ultimately fail” — as if we are all now sophisticates of an age that has at last transcended retrograde brutality and savagery. In Obama’s hazy sense of the end of history, things always must get better in the manner that updated models of iPhones and iPads are glitzier than the last. In fact, history is morally cyclical. Even technological progress is ethically neutral. It is a way either to bring more good things to more people or to facilitate evil all that much more quickly and effectively. In the viciously modern 20th century — when more lives may have been lost to war than in all prior centuries combined — some 6 million Jews were put to death through high technology in a way well beyond the savagery of Attila the Hun or Tamerlane. Beheading in the Islamic world is as common in the 21st century as it was in the eighth century — and as it will probably be in the 22nd. The carnage of the Somme and Dresden trumped anything that the Greeks, Romans, Franks, Turks, or Venetians could have imagined. (…) What explains Obama’s confusion? A lack of knowledge of basic history explains a lot. (…) Obama once praised the city of Cordoba as part of a proud Islamic tradition of tolerance during the brutal Spanish Inquisition — forgetting that by the beginning of the Inquisition an almost exclusively Christian Cordoba had few Muslims left. (…) A Pollyannaish belief in historical predetermination seems to substitute for action. If Obama believes that evil should be absent in the 21st century, or that the arc of the moral universe must always bend toward justice, or that being on the wrong side of history has consequences, then he may think inanimate forces can take care of things as we need merely watch. In truth, history is messier. Unfortunately, only force will stop seventh-century monsters like the Islamic State from killing thousands more innocents. Obama may think that reminding Putin that he is now in the 21st century will so embarrass the dictator that he will back off from Ukraine. But the brutish Putin may think that not being labeled a 21st-century civilized sophisticate is a compliment. In 1935, French foreign minister Pierre Laval warned Joseph Stalin that the Pope would admonish him to go easy on Catholics — as if such moral lectures worked in the supposedly civilized 20th century. Stalin quickly disabused Laval of that naiveté. “The Pope?” Stalin asked, “How many divisions has he got?” There is little evidence that human nature has changed over the centuries, despite massive government efforts to make us think and act nicer. What drives Putin, Boko Haram, or ISIS are the same age-old passions, fears, and sense of honor that over the centuries also moved Genghis Khan, the Sudanese Mahdists, and the Barbary pirates. Obama’s naive belief in predetermined history — especially when his facts are often wrong — is a poor substitute for concrete moral action. Victor Davis Hanson
In fact, there is a predictable pattern to Obama’s foreign policy. The president has an adolescent, romantic view of professed revolutionary societies and anti-Western poseurs — and of his own ability uniquely to reach out and win them over. In the most superficial sense, Obama demonstrates his empathy for supposedly revolutionary figures of the non-Western world through gratuitous, often silly remarks about Christianity and Western colonial excesses, past and present. He apologizes with talk of our “own dark periods” and warns of past U.S. “dictating”; he contextualizes; he ankle-bites the very culture he grew up and thrived in, as if he can unapologetically and without guilt enjoy the West’s largesse only by deriding its history and values. (…) Reminiscent of college naïfs with dorm-room posters of Che Guevara, Obama mythologizes about the underappreciated multicultural “Other” that did everything from fuel the Western Renaissance and Enlightenment to critique Christian excesses during the Inquisition. In truth, what he delivers is only a smoother and more refined version of Al Sharpton’s incoherent historical riff on “astrology” and “Greek homos.” Obama refuses to concede that Islam can become a catalyst for radical killers and terrorists, and he has a starry-eyed crush on those who strike anti-Western poses and have turned their societies upside down on behalf of the proverbial people. Keep that in mind, and it makes sense that, during the Egyptian turmoil, Obama was intent on ousting the pro-Western kleptocrat Hosni Mubarak and investing in the Muslim Brotherhood, despite the dark anti-democratic history of Mohamed Morsi and the Brothers and their agenda of Islamicizing the most populous country in the Arab world. For Obama, such zealotry is evidence of their legitimacy and the justice of their efforts to overturn the established hierarchies of old Egypt. Moammar Qaddafi was a monster and a thug. But in fear both of radical Islamists and of the implications for Libya of the Western military action in Iraq and Afghanistan, and eager to have Western knowhow rehabilitate his ailing oil and gas industry, he had reached out to the West and ceased his support for international terrorists. But ridding Libya of the cartoonish and geriatric Qaddafi and allowing it to be overrun by stern revolutionary Islamists was again in tune with Obama’s rose-colored view of the Middle East. One of the many reasons why Obama pulled all U.S. troops out of a stable and secure Iraq at the end of 2011 was that its democracy was, in his eyes, tainted by its American birthing and its associations with George W. Bush. Such a hazy belief that Western influence and power are undeserved and inordinate made it initially impossible for Obama to condemn ISIS as growing and dangerous rather than dismiss it as “jayvees.” Putin perhaps should study Iran’s PR effort and its aggression in Lebanon and Yemen. If he would only cut out the guns, tigers, and “macho shtick,” and instead mouth shibboleths about the oppressed minorities in Crimea and Ukraine and the need for revolutionary fairness, he might be reset yet again. His crimes were not so much naked invasions of his neighbors, as aggression in the most un-Iranian fashion of a right-wing kleptocrat and thug. Again, nothing Putin has done is all that different from what Iran did in Iraq, Lebanon, Syria, and Yemen. No one could quite figure out why Obama bragged of his “special relationship” with Turkey’s prime minister Recep Erdogan. Erdogan, after all, is systematically destroying free expression in Turkey. He has bragged that he got off the bus of democracy when he no longer found any utility in it — and he has openly romanticized the Ottoman imperialists. A once-staunch NATO ally, Turkey has turned into a virulently anti-Israeli and anti-American society that has spiked tensions in the eastern Mediterranean with Cyprus, Greece, and Israel. But, again, the redeeming virtue was that Erdogan was taking Turkey in a new and revolutionary direction, trying to massage the Arab Revolution as its spiritual mentor, and becoming point nation in hatred of Israel. In other words, Turkey was churning and evolving, and, for Obama, that apparently was a good thing. Without asking anything in return from Cuba — such as releasing political prisoners or allowing free expression — Obama by executive order is normalizing relations with the Castro brothers, who are allied with fascist Iran, North Korea, and Venezuela. He keeps saying that 50 years of containment have “failed,” as if successfully curbing Cuba’s revolutionary aspirations abroad was a bad thing, and siding with dissidents in its gulags was counterproductive. For Obama, the Castros are authentic anti-colonialists. They perhaps may have broken a few too many eggs to make their egalitarian omelets, but their regime is certainly preferable to what is envisioned by loud Cuban exiles in America or troublemakers like imprisoned Cuban refuseniks. (…) Keep in mind this juvenile view of the revolutionary non-West, and there is a clarity of sorts in American foreign policy. (…) For Obama, in the struggle between the Palestinian Authority and Israel, Israel is a Westernized colonial construct and a proponent of Western neo-liberal capitalism. The PA and Hamas, in contrast, are seen both as the downtrodden in need of community-organizing help and as authentic peoples whose miseries are not self-induced and the wages of tribalism, statism, autocracy, fundamentalism, misogyny, and anti-Semitism, but rather the results of Israeli occupation, colonialism, and imperialism. Obama may not articulate this publicly, but these are the assumptions that explain his periodic blasts against Netanyahu and his silence about the autocratic Palestinian Authority and the murderous Hamas. In such a landscape, the current Iranian talks make perfect sense. Obama was in no mood in the spring of 2009 to vocally support a million, pro-Western Iranian dissidents who took to the streets in anger over the theocracy’s rigged elections, calling for transparency and human rights. He snubbed them as if they were neoconservative democracy zealots. In his eyes, their false consciousness did not allow them to fully appreciate their own suffering at the hands of past American imperialists. In Obama’s worldview, the Iranian mullahs came to power through revolution and were thus far more authentic anti-Western radicals, with whom only someone like Obama — prepped by the Harvard Law Review, Chicago organizing, the Rev. Jeremiah Wright’s pulpit, and the most liberal voting record during a brief stint in the U.S. Senate — could empathize and negotiate. Why would Iranian idealists and democrats be foolish enough to spoil Obama’s unique diplomatic gymnastics? Traditional analyses deconstruct the Obama administration’s negotiations over Iran’s nuclear program and are aghast at the naïveté — no stop to ongoing uranium enrichment, no open or surprise inspections, no conditions to be met before sanctions are scaled back, no prohibitions against the marriage of nuclear-weapon technology and intercontinental-missile development. But that is to misunderstand the Obama worldview. He is less worried about a nuclear Iran and what it will do to a mostly pro-Western Gulf or Israel, or to other traditional U.S. interests, than about the difficulties he faces in bringing Iran back into the family of nations as an authentic revolutionary force that will school the West on regional justice. (“There’s incredible talent and resources and sophistication inside of Iran, and it would be a very successful regional power that was also abiding by international norms and international rules, and that would be good for everybody.”) Iran will assume its natural revolutionary role as regional power broker in the Middle East; and, almost alone, it is not beholden to any Western power. In some sense, Obama views the rest of the world in the same way as he views America: a rigged order in which the oppressed who speak truth to power are systematically mischaracterized and alienated — and in need of an empathetic voice on the side of overdue revolutionary accounting. The chief danger in Obama’s romantic view of revolutionary societies is that nothing in their histories suggests that these regimes will ever cease aggression or adopt internal reforms. Cuba will still stir up revolution in Latin America and ally itself with anti-American regimes. Iran will still subsidize Hezbollah and Hamas — and, soon, in the fashion of a nuclear power. Turkey will still try to carve out Mediterranean and Middle Eastern influence at someone else’s expense and destroy secular traditions. And one-election, one-time Islamic movements will still attempt to set up theocracies the moment they snatch power. And at no point does Obama ever empathize with thousands of dissidents rotting in Cuban and Palestinian jails, or homosexuals and feminists persecuted in Iran or journalists in Turkey. The only distinction between these illiberal movements and the unromantic Putin’s Russia is their more wily professions of revolutionary fervor, which apparently have fooled or captivated the Obama administration. Victor Davis Hanson
Il est hautement improbable que les Talibans parviennent à reprendre le pays… Les forces talibanes n’ont rien à voir avec les combattants du Viet-Cong… Sous aucune circonstance vous ne verrez des civils évacués depuis le toit de l’ambassade américaine en Afghanistan ! Joe Biden (08.07.
Emmanuel Le Pen ! Edward Snowden
Ne sous-estimez pas la capacité de Joe à tout foirer. Barack Obama
Il s’est trompé sur quasiment toutes les questions de politique étrangère et de sécurité nationale des quatre dernières décennies. Robert Gates (ancien ministre de la défense américain, 2014)
Le vice-président, quand il était sénateur – un tout nouveau sénateur – a voté contre le programme d’aide au Sud-Vietnam, et cela faisait partie de l’accord lorsque nous nous sommes retirés du Sud-Vietnam pour essayer de les aider. Il a dit que lorsque le Shah est tombé en Iran en 1979, c’était un pas en avant pour le progrès vers les droits de l’homme en Iran. Il s’est opposé à pratiquement tous les éléments de renforcement de la défense du président Reagan. Il a voté contre le B-1, le B -2, le MX et ainsi de suite. Il a voté contre la première guerre du Golfe. Donc sur un certain nombre de ces questions majeures, j’ai juste franchement, pendant une longue période, estimé qu’il avait eu tort. Robert Gates
Joe Biden doesn’t have a perfect foreign policy record. But unlike Trump, he’s learned from his mistakes. In considering Joe Biden’s foreign policy record, it’s hard to overlook the scathing critique delivered by Robert Gates, the Washington wise man and veteran of half a dozen administrations who served as President Barack Obama’s first defense secretary. While Biden was “a man of integrity” who was “impossible not to like,” Gates wrote in a 2014 memoir, “he has been wrong on nearly every major foreign policy and national security issue over the past four decades.” (…) Biden voted against the successful U.S. military campaign that expelled Saddam Hussein from Kuwait in 1991. In Iraq, he compiled a trifecta of blunders: He voted for the 2003 invasion; opposed the 2007 “surge” that rescued the mission from utter disaster; and oversaw the premature 2011 withdrawal of the last U.S. troops, which opened the way for the Islamic State. Biden argued against Obama’s 2009 decision to surge U.S. troops in Afghanistan, proposing that the mission should instead limit itself to counterterrorism. But according to Gates, he raised his hand against the most important counter­terrorism operation of recent years, the 2011 special forces raid that killed Osama bin Laden. (Biden has said he later encouraged Obama to go ahead.) (Yet] by all accounts the former vice president, unlike Trump, has learned from his mistakes. (…) If he wins and sticks to that, he won’t go far wrong. Jackson Diehl (Deputy Editorial Page Editor, The Washington post, Sep. 27, 2020)
For this community and for our nation and for the world, Pride Month represents so much.  It stands for courage — the courage of all those in previous generations and today who proudly live their truth. It stands for justice: both the steps we’ve taken and the steps we need to take. And above all, Pride Month stands for love — you know, being able to love yourself, love whomever you love, and love this country enough to make it more fair and more free and more just. (…) This month, Pride flags are flying — as some of my friends in our last admin- — in the Obama-Biden administration who are openly gay — they are flying in more than — over 130 U.S. embassies around the world. A powerful — a powerful symbol of our commitment to safety, dignity, and opportunity for all. Joe Biden
Just a few minutes ago, surrounded by the survivors of family members who were — we’ve lost, I signed a bill consecrating another piece of hallowed ground: the Pulse nightclub.  And I want to thank all of the members of the United States House of Representatives and the United States Senate for standing up and making sure that will never be forgotten.  Never be forgotten.  The site of the deadliest attack affecting the LBT- — LGBTQ+ community in American history.  It’s now a national memorial. Joe Biden
The mass shooting at Pulse nightclub in Orlando, Florida, that killed 49 people [was] widely believed to be an act of aggression against the club’s LGBTQ clientele and “undeniably a homophobic hate crime.” There’s now conclusive evidence that the shooter wasn’t intending to target LGBTQ people at all. In fact, he allegedly had no idea Pulse was a gay club, and simply Googled “Orlando nightclubs” after finding that security at his original target, a major shopping and entertainment complex, was too high, as reported by ClickOrlando.com. This evidence dramatically changes the mass shooting’s narrative; politicians and individuals across the political spectrum had positioned it as an anti-LGBTQ hate crime. Instead, the new evidence suggests, the Pulse nightclub shooting was intended as revenge for US anti-terror policies abroad. (…) The shooter’s motive was apparently revenge for United States bombing campaigns on ISIS targets in the Middle East. He had pledged allegiance to ISIS’s leader, Abu Bakr al-Baghdadi, and during the Pulse shooting posted to Facebook, “You kill innocent women and children by doing us airstrikes. … Now taste the Islamic state vengeance.” In his final post, he wrote, “In the next few days you will see attacks from the Islamic state in the usa.” (…) The Pulse nightclub shooting was the deadliest attack on LGBTQ people in American history, and liberals and conservatives — including then-presidential candidate Donald Trump — assumed the shooting was based on the victims’ sexual orientation and gender identity. Trump and other Republicans attempted to use their response to the shooting to argue that they were true pro-LGBTQ advocates because of their support for immigration restrictions aimed at Muslims. (…) But the evidence shows otherwise. The shooter didn’t target LGBTQ people — he didn’t even realize Pulse was a gay-oriented nightclub, asking a security guard at the club where all the women were just before he started shooting. After a mass shooting, observers, including journalists, often search for a motive, sometimes even before the first victims have been identified. But the Pulse shooting proves that initial narratives about mass shooters’ motivations are often wrong — and those narratives can be far more powerful than the truth. Vox
Nous n’avons pas besoin d’avoir 100 000 soldats stationnés partout. Mais nous devons être engagés et organisés, et nous organiser avec nos alliés et nos amis. Et quand nous laissons un vide, comme il le fait, cela crée d’importantes sources de problèmes, dont ce que vous voyez en ce moment au Moyen Orient. Si nous n’organisons pas le monde, qui le fera ? Pas les gentils. Il a pris une décision irréfléchie en retirant les forces américaines de Syrie, ce qui a ouvert la voie à l’attaque turque contre les alliés kurdes des Etats-Unis. Une petite force américaine devrait rester en Syrie. (…) Se retirer de Syrie renforce, non seulement, le pouvoir du dictateur syrien Bachar al-Assad, mais aussi de ses amis en Russie et en Iran. En raison de l’amélioration de la position iranienne en Syrie, Téhéran possède maintenant un passage qui va jusqu’en Syrie et même au Liban. Si j’étais les Israéliens, je n’en serais pas très heureux. (…) Je partage l’avis du général Jim Mattis, la décision de l’administration Obama de retirer les troupes d’Irak en 2011 était une erreur. Ca a directement conduit à la croissance et à l’expansion de l’Etat islamique, qui a pu élargir son emprise de la Syrie vers l’Irak. Mais en tant que vice-Président, j’ai essayé de faire en sorte qu’un contingent américain reste en Irak. Le Président m’a demandé de rapatrier 150 000 militaires, et c’est moi qui en avais la charge. J’ai plaidé auprès du gouvernement irakien pour qu’une force résiduelle soit maintenue sur place pour que nous puissions rester et nous concentrer sur Al-Qaïda, qui était présent avant Daech. Mais le président George W. Bush avait, avant de quitter son poste, conclu un accord » avec l’Irak pour que toutes les forces américaines quittent le pays à un moment déterminé. Nous n’avons pas pu obtenir les votes du parlement [irakien] pour le modifier afin que nous puissions, avec leur autorisation, rester dans la région. Joe Biden
I’ve read Mao Zedong. I’ve read Karl Marx. I’ve read Lenin. That doesn’t make me a communist. So what is wrong with understanding … the country which we are here to defend? (…) I want to understand white rage. And I’m white. What is it that caused thousands of people to assault this building and try to overturn the Constitution of the United States of America. What caused that? I want to find that out. Army Gen. Mark Milley (US chairman of the Joint Chiefs of Staff)
Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan a entraîné la chute rapide du gouvernement de Kaboul. Le monde a vu comment les États-Unis évacuaient leurs diplomates par hélicoptère tandis que les soldats talibans se pressaient dans le palais présidentiel de Kaboul. Cela a porté un coup dur à la crédibilité et à la fiabilité des États-Unis. Beaucoup de gens ne peuvent s’empêcher de se rappeler comment la guerre du Vietnam s’est terminée en 1975 : les États-Unis ont abandonné leurs alliés au Sud-Vietnam ; Saigon a été repris; puis les États-Unis ont évacué presque tous leurs citoyens à Saigon. Et en 2019, les troupes américaines se sont brutalement retirées du nord de la Syrie et ont abandonné leurs alliés, les Kurdes. (…) L’abandon du régime de Kaboul par Washington a particulièrement choqué certains en Asie, dont l’île de Taïwan. Taïwan est la région qui dépend le plus de la protection des États-Unis en Asie, et les autorités du Parti démocrate progressiste (DPP) de l’île ont poussé Taïwan de plus en plus loin sur cette voie anormale. La situation en Afghanistan a soudainement changé radicalement après l’abandon du pays par les États-Unis. Et Washington vient de partir malgré l’aggravation de la situation à Kaboul. Est-ce une sorte de présage du sort futur de Taïwan ? (…) Une fois qu’une guerre trans-détroit éclate alors que le continent s’empare de l’île avec ses forces armées, les États-Unis devraient avoir une détermination beaucoup plus grande que pour l’Afghanistan, la Syrie et le Vietnam s’ils veulent intervenir. (…) Au cours des deux dernières décennies, le gouvernement de Kaboul a coûté plus de 2 000 soldats américains, 2 000 milliards de dollars et la majesté des États-Unis contre les « bandits ». Mais combien de vies de soldats américains et combien de dollars les États-Unis sacrifieraient-ils pour l’île de Taïwan ?  Global Times
C’est une tragédie. Pas seulement pour le peuple afghan, mais aussi pour l’Amérique, l’Europe et tout l’Occident. Vingt ans d’efforts ont été réduits à néant. Forcément, comme beaucoup, j’ai pensé à Saigon et à la désastreuse évacuation du pays à la fin de la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, les talibans contrôlent tout le territoire afghan et vont en refaire un sanctuaire pour terroristes. Nous approchons du 20e anniversaire du 11 septembre 2001 et jamais le risque de voir un nouveau 11 Septembre se reproduire n’a été aussi grand. Les États-Unis sont plus vulnérables aujourd’hui qu’hier. (…) Nous avons gagné la guerre en Afghanistan, mais nous partons comme si nous l’avions perdue. C’est pire encore qu’une défaite militaire, c’est une décision politique, qui demeure pour moi inexplicable. (…) La situation était loin d’être parfaite en Afghanistan. Mais il vaut mieux une guerre sans fin que subir des attaques terroristes sur son sol.(…) Trump et Biden partagent la responsabilité de cette déroute. Si Trump avait été réélu, la même chose serait arrivée, nous serions aussi partis d’Afghanistan. Biden ne fait qu’appliquer les décisions prises par Trump, mais il s’y prend si mal qu’il nous plonge dans un désordre terrible. (…) J’étais au département d’État à cette époque. Nous savions très bien que les talibans hébergeaient Al-Qaïda. George Bush avait bien compris le risque que représentaient les talibans et les groupes extrémistes du Pakistan. Envahir l’Afghanistan était la bonne décision stratégique. L’erreur, c’était de se fixer pour objectif de bâtir un État afghan. Nous n’étions pas là pour ça. Nous étions en Afghanistan pour défendre la sécurité des États-Unis et pour nous assurer que le pays ne passe pas aux mains des talibans. (…) On ne peut pas savoir à quel moment le risque que représentent les talibans aurait disparu. Mais une chose est sûre : il vaut mieux combattre en Afghanistan que dans les rues ou le ciel de l’Amérique. Après la Seconde Guerre mondiale, des troupes américaines sont restées aux portes de l’Union soviétique pendant près de cinquante ans, le temps que nous gagnions la guerre froide. [Si j’étais toujours aux affaires] Je ferais en sorte que nous restions dans le pays et j’augmenterais le budget de la Défense. À Pékin, Moscou, Téhéran, nous passons pour des faibles, voire des guignols. Après son élection à la présidence, Joe Biden a dit au monde : l’Amérique est de retour. Comment le prendre au sérieux, désormais ? John Bolton
Ce qui est triste, c’est que beaucoup dans mon parti essaient de rejeter la faute comme si la dernière administration ne nous avait pas mis sur cette voie. Voici la triste vérité : aucun des deux partis n’est sérieux en matière de politique étrangère. Depuis une décennie maintenant, des démagogues mentent au peuple américain au sujet de notre mission en Afghanistan. Le président Trump a été le pionnier de la stratégie de retrait que poursuit le président Biden, avec un effet désastreux. Les politiciens et les experts qui trouvent des excuses pour cette retraite honteuse prétendront de manière malhonnête que c’était cela ou des soi-disant « guerres éternelles ». Ils prétendent que nos seuls choix étaient une occupation massive ou un retrait immédiat. Ils ignorent la réalité sur le terrain. Leurs arguments faciles ont conduit au chaos, à la persécution et à la mort. Les politiciens ne disent pas cette vérité : l’Amérique n’avait pas de force d’occupation de reconstruction nationale en Afghanistan. La dernière fois que nous avons eu 100 000 soldats dans le pays, c’était il y a dix ans. Nous ne menons pas plus de « guerres sans fin » en Afghanistan que nous ne menons des guerres sans fin en Corée du Sud, en Allemagne ou au Japon – ou au Kosovo, ou au Honduras, ou dans un certain nombre d’autres pays où nous avons des forces déployées. Un nombre relativement restreint de soldats a soutenu avec succès nos alliés afghans en fournissant l’épine dorsale des missions de renseignement et d’opérations spéciales. Les Américains ne construisaient pas d’empires ni ne menaient des batailles impossibles à gagner. Nous défendions les aérodromes et décapitions les organisations terroristes tout en gardant une empreinte légère. Les Américains ont entendu parler de certains hommes de main de premier plan, tels que Qasem Soleimani et Abu Bakr Al-Baghdadi. Mais nos héros en Afghanistan ont tué beaucoup plus d’apirants Ben Laden dont vous ne connaissez pas les noms, précisément parce que nous les avons tués avant qu’ils ne puissent détruire un World Trade Center. Nous avons combattu et gagné cette guerre en Afghanistan, pas sur les côtes américaines. Mais vous ne vous en rendriez pas compte à partir de la rhétorique isolationniste qui entoure les choix de Biden. Ben Sasse
Le retrait désastreux de l’administration Biden d’Afghanistan est une humiliation de politique étrangère différente de tout ce que notre pays a enduré depuis la crise des otages en Iran. Il a embarrassé l’Amérique sur la scène mondiale, fait douter les alliés de notre fiabilité et enhardi les ennemis à tester notre détermination. Pire encore, cela a déshonoré la mémoire des Américains héroïques qui ont aidé à traduire les terroristes en justice après le 11 septembre, et de tous ceux qui ont servi en Afghanistan au cours des 20 dernières années.(…) Il semble que le président n’a tout simplement pas voulu donner l’impression de respecter les termes d’un accord négocié par son prédécesseur. (…) Une fois que M. Biden a rompu l’accord, les talibans ont lancé une offensive majeure contre le gouvernement afghan et se sont emparés de Kaboul. Ils savaient qu’il n’y avait pas de menace de force sous ce président. Ils l’ont vu s’aplatir devant des groupes terroristes antisémites comme le Hamas, restituer des millions de dollars d’aide à l’Autorité palestinienne et ne pas bouger plus tôt cette année alors que des milliers de roquettes pleuvaient sur les civils israéliens. La faiblesse suscite le mal – et l’ampleur du mal qui monte actuellement en Afghanistan en dit long sur les faiblesses de M. Bide. Mike Pence
The scenes of a Taliban victory in Afghanistan have resonated very differently in various parts of the world and hold many lessons, especially for Israel. (…) The (…) most valuable lesson for Israel is that fundamentalist Islam does not give up without force. The Taliban had remained largely dormant for two decades but never gave up hope of ultimate victory, even when the odds were stacked against it by the overwhelming presence of foreign militaries. The major problem was that the international forces never truly defeated the Taliban, and did not provide a mortal blow to a paramilitary force which was allowed to regroup and dream of a future conquest. This failure should be seen in direct opposition to the victory over the Islamic State in Iraq. The Islamic State was territorially defeated. It was routed completely from the territory it purported to hold in 2017. Of course, there is still some Islamic State activity, but it is largely peripheral and Iraqi forces have shown they are in a good position to repel it. Unlike the Taliban, the Islamic State was not left with large swathes of territory on which to reorganize, rearm and bide its time. In any military tacticians’ book, absolute defeat is a world of difference away from partial defeat. Israel’s enemies, like Hamas and Hezbollah, were left standing after every confrontation with the IDF. They might not have been victorious, but it is impossible to say they were defeated in any meaningful way. When Israel goes to war with its enemies, defeat must mean defeat. It should mean that at the end of a conflict, the enemy is not left standing and remaining in power. This lesson is not lost on Hamas which has already congratulated the Taliban on its stunning victory. (…) Hamas and other terrorist organizations confronting Israel have been given a massive morale boost by events in Afghanistan. They perceive the West, of which they see Israel as a central part, as something that can be defeated with steadfastness and an unshakeable belief in an ultimate victory regardless of time and against all odds and logic. Israel must take every step to disavow this belief and ensure that its opponents understand that while they might still dream of ultimate victory and the destruction of the Jewish State, they will instead taste the bitter crucible of defeat. Gregg Roman
It is unclear just what the United States has gained from withdrawing the small, affordable, and effective deterrent force that had remained in Afghanistan to support its security forces. It is unnervingly obvious what we’ve lost: national prestige, vast sums of political capital, credibility on the world stage and, most tangibly, our security. The world is much more dangerous today than it was just 72 hours ago. As recently as August 12, when the elected government in Afghanistan still controlled most of its provincial capitals and the country’s total implosion was still evitable, U.S. intelligence officials warned that America’s abandonment of its ally in Central Asia would allow al-Qaeda to reconstitute itself. (…) And the threat to American lives and interests arising from our humiliation in Afghanistan does not begin and end with non-state actors. The world’s irridentist great powers are watching closely, and they are no doubt emboldened by our fecklessness. The Chinese Communist Party has already demonstrated its willingness to court international condemnation in its quest to impose its sovereignty on the greater Chinese sphere. (…) Bejing’s reservation of its prerogative to retake the Republic of China through force has thus far been deterred not just by America’s assets in the Pacific but also by our willingness to use them and by the assumption that the American public would support that mission. That deterrent has no doubt suffered a devastating blow, and China’s propagandists won’t let us forget it. (…) In Europe, too, the United States has much to lose. In 2008, Russia invaded and functionally annexed large swaths of territory in Georgia. In 2014, Moscow invaded Ukraine, outright subsuming the whole of Crimea into the Russian Federation. (…) And Russia’s territorial ambitions are not limited to Ukraine. (…) Eighty years ago, the West’s appeasers howled in unison “Why Die for Danzig?” Why wouldn’t today’s “peacemakers” be just as inclined to question the value of a global war against Russia over Tallinn? At least, that’s what the Kremlin’s hungriest revanchists must be asking themselves. It’s a perfectly rational question. After all, even America’s allies were shocked to watch the United States so callously sacrifice an ally for no discernible strategic purpose and under no perceptible pressure from the voting public. Our caprice has shaken the faith that we will defend our partners’ interests around the world if we’re unwilling to bear the modest burdens associated with preserving our own. Noah Rothman
Nous n’arrivons pas à trouver un équilibre entre la promotion irrationnellement exubérante de la démocratie et le réalisme et la retenue des grandes puissances. Nous sommes allés en Afghanistan pour fermer des camps d’entraînement terroristes, et nous l’avons fait – dans notre propre intérêt – pour ce qui viendrait après l’intervention et le renversement d’un gouvernement. Ensuite, cependant, nous avons fait ce que nous faisons : nous nous sommes perdus dans des priorités concurrentes et des attentes irréalistes. Nous n’avons pas non plus vu ce qui s’était passé en cours de route. En Afghanistan, les camps d’entraînement terroristes du type de ceux qui ont rendu possible le 11 septembre sont restés fermés. L’espérance de vie s’est améliorée. La mortalité infantile a diminué. Les femmes ont acquis des opportunités qui étaient auparavant impensables. Pour ceux qui se concentraient sur la concurrence des grandes puissances, la Russie est restée en dehors, la Chine a été maintenue à distance, et le Pakistan, l’allié de la Chine, a été contraint. Ces gains seront désormais anéantis car nous ne pouvons pas nous contenter de gérer les problèmes, nous devons les résoudre. Si nous ne pouvons pas gagner clairement et décisivement y, refaisant une société dans le processus, nous reculerons et abandonnerons nos alliés. Pourquoi n’aurions-nous pas pu laisser une force résiduelle en Afghanistan pour aider à y assurer un minimum de sécurité ? Après tout, trois quarts de siècle après la guerre de Corée, nous maintenons 29 000 soldats en Corée du Sud. Nous avons encore des troupes d’après-guerre en Europe. Ce sont les coûts indirects de la paix et de la stabilité. (…) Neuf millions d’enfants afghans ont commencé à aller à l’école au cours des vingt dernières années, dont 40 pour cent de filles. L’objectif était de « gagner du temps », a déclaré l’ancien ambassadeur américain Ryan Crocker, membre du conseil d’administration de RFE/RL, « pour que cette jeune génération d’Afghans devienne majeure. Jeffrey Gedmin
As Afghanistan collapses, there is no shortage of explanations, justifications, and outright myths taking root, some encouraged by the Biden administration. Among the most common: This was inevitable. The U.S. presence was unsustainable, critics say. The administration was boxed in by the 2020 peace deal with the Taliban. If the U.S. had repudiated the deal, the Taliban would have gone on the offensive and resumed killing U.S. troops. And for what? We gave it our best for 20 years, they say, proving that the mission was effectively impossible. The rapid collapse only demonstrates that we were never going to succeed no matter how long we stayed. We achieved the most important thing: Osama bin Laden is dead. The Afghans have to run their own country. We cannot stay there forever, we shouldn’t try nation building, and we can keep an eye on al-Qaeda from afar to make sure they do not threaten us. On the surface, these explanations make a compelling case. It is also a comforting case, because it washes our hands of responsibility for what is about to happen. As a humanitarian catastrophe unfolds—as Afghan women fall back under the Taliban’s uniquely cruel tyranny, as the Hazara and Shiites flee the Taliban’s near-genocidal oppression of religious dissidents—we can tell ourselves, “There’s nothing we could have done.” These myths function as an ex post facto explanation that we—the most powerful nation in the world—were actually powerless all along. It turns out we didn’t fail because of bad decisions, strategic incompetence, or moral myopia. We failed because no one could have succeeded, because the mission was inherently impossible. No amount of insight, troop surges, or Marshall-Plan-level reconstruction assistance could have made a difference. Of course, none of that is true. The myths are just that: myths. The U.S. presence in Afghanistan the last few years was tiny—just 2,500 troops before the start of the final withdrawal. It was indefinitely sustainable. There is no significant antiwar movement to speak of, there is no domestic political pressure to withdraw, and no election will hinge on U.S. policy toward Afghanistan. U.S. troops faced low risks in Afghanistan, and the low casualty rate is not a function of the 2020 peace deal. Just 66 U.S. personnel have been killed in action since 2014, less than one per month for nearly seven years. That is not to make light of the loss of individual soldiers, but it is to recognize, in historical perspective, that the conflict in Afghanistan is very small and U.S. ground troops have not been involved in direct combat in large numbers for years. The US mission in Afghanistan accomplished some important successes. There have been no large-scale international terrorist attacks emanating from Afghanistan or Pakistan since 2001. The Afghan people broadly support the country’s new constitution. The Afghan economy showed consistent growth. By virtually every metric of human development, Afghans are better off today than they were 20 years ago. The intervention was not an unmitigated failure—except that many of these successes are likely to unravel with the Afghan army’s collapse. The rapid collapse of the Afghan army in recent weeks was not inevitable and is not a sign that the mission was always doomed, nor that we never would have succeeded. We had been making slow, fitful progress building a new Afghan security force from scratch. The U.S. (…) cobbled together a fighting force by 2010, one that has lost tens of thousands of soldiers keeping the Taliban at bay for the past decade. (…) but surely President Biden’s announcement of a full withdrawal—when everyone, including the U.S. Department of Defense, knew the Afghan army wasn’t yet ready to stand independent of international assistance—had a crippling effect on the morale of Afghan troops. (…) It is easy to envision the counterfactual: If the United States had maintained a small presence (perhaps marginally larger than what Trump left behind), it could have kept the Afghan army in the field indefinitely, giving time and space for the political situation in Kabul to sort itself out, for a fresh round of negotiations with better leverage against the Taliban, and for reconstruction and development to continue. (…) And we should have stayed because the mission is not over. While bin Laden is dead, al-Qaeda is not and, along with the Islamic State and a murderer’s row of copycat jihadists, is almost certain to regain safe haven in Afghanistan and Pakistan following the collapse of our allies. Our presence for the past 20 years kept jihadists on the run, in hiding, and focused on avoiding our air strikes and special forces. They now will have room to breathe, which means room to plan, recruit, train, and fundraise. (..) Our policymakers made specific strategic missteps that caused direct, avoidable harm, including Bush’s light footprint, Obama’s withdrawal timetable, Trump’s peace deal, and Biden’s inexplicable withdrawal, each of which made a bad situation worse. (…) That is why Biden’s claim that the Afghans just have to start taking responsibility for their own country is so mendacious. He is telling a drowning man to take responsibility for swimming while reeling in the life preserver the man had been clinging to. He is overestimating the Afghans’ ability to fight on their own while minimizing American responsibility for the crisis in the midst of which we are abandoning them—all while preaching a soothing myth that there was nothing we could have done after all. Many Americans will be eager to believe him because it is much easier, emotionally and cognitively, to believe in the myth of our powerlessness than in the reality of our own stupidity and moral cowardice. Paul Miller
Mr. Biden refused to accept responsibility for the botched withdrawal while blaming others. He blamed Donald Trump’s peace deal with the Taliban and falsely claimed again that he was trapped. He blamed his three predecessors for not getting out of Afghanistan. He blamed the Afghans for not fighting hard enough, their leaders for fleeing, and even Afghans who helped us for not leaving sooner. The one group he conspicuously did not blame was the Taliban, who once harbored Osama bin Laden and may protect his terrorist successor. The President made glancing reference to the horrible scenes unfolding in Kabul and especially at the airport, though again without addressing the mistakes that led to them. Had the U.S. not given up the air base at Bagram, now controlled by the Taliban, the U.S. would not now have to fight to control Kabul’s commercial airfield. The chaotic scenes at the airport, with Afghans hanging from a U.S. military plane and two falling from the sky to their deaths, will be the indelible images of this debacle. They are the echo of 9/11, with people falling from the sky, that Mr. Biden didn’t anticipate when he chose the 20th anniversary of 9/11 as his withdrawal deadline. Instead of taking responsibility, Mr. Biden played to the sentiment of Americans who are tired of foreign military missions. It’s a powerful point to speak of sending a child to risk his life in a foreign country, and no doubt it will resonate with many Americans. It is a question that every President should ask. But the President was dishonest in framing the U.S. mission merely as fighting in another country’s “civil war.” The U.S. didn’t remain in Afghanistan for 20 years to send women to school or to “nation build.” The core mission was to prevent the country from again becoming a terrorist safe haven. The Taliban’s victory will now attract thousands of young jihadists from around the world, and they will have Americans and the U.S. homeland in their sights. Mr. Biden said he would maintain a “counterterrorism over-the-horizon capability” to strike camps in Afghanistan, but that will be much harder from the distance of the Persian Gulf. This is a far bigger risk than he lets on, as U.S. intelligence agencies know. Mr. Biden was also dishonest in framing his Afghan decision as a false choice between total withdrawal and sending tens of thousands of troops again. He knows his own advisers, military and civilian, believed they could support the Afghan military with no more than a few thousand troops to supply air power and intelligence. He also knows the U.S. hasn’t had a single casualty in more than a year in Afghanistan. Even if Mr. Biden was set on withdrawal, he could have done it based on conditions that would have given the Taliban more incentive to negotiate with the government. Mr. Biden claimed that Afghan leaders Ashraf Ghani and Abdullah Abdullah had refused his advice to negotiate with the Taliban. That is false. They had been negotiating with the Taliban for months, under enormous pressure from the Trump Administration. The problem is that the Taliban had no incentive to negotiate in good faith when it knew the U.S. was leaving and would be able to take its chances on a military victory. Like all good liberal internationalists, Mr. Biden thinks you can achieve a diplomatic outcome by diplomacy alone. Mr. Biden’s claim that the U.S. will continue to support the Afghan people and stand for human rights and the women of Afghanistan is the same kind of internationalist twaddle. The Taliban is taking the women of Afghanistan back to the Dark Ages, and the “international community” will do nothing to stop it. Mr. Biden’s words of “support” will be cold comfort when the Taliban knocks on the doors of women who worked in the Afghan government. We had hoped that Mr. Biden would accept some responsibility and explain how he would fix this mess. He did none of that, making it clear that he himself is the main architect of this needless American surrender. It does not bode well for the rest of his Presidency. The world has seen a President portraying surrender as an act of political courage, and retreat as strategic wisdom. As we write this, the world’s rogues are looking for ways to give him a chance to deliver a similar speech about other parts of the world. WSJ
Alors que Barack Obama s’opposait courageusement [sic] à l’invasion de l’Irak, en 2003, son futur vice-président en était un chaud partisan au Sénat. Joe Biden est allé encore plus loin que la plupart des « faucons », proposant en 2006-2007 que l’Irak soit divisé en trois entités autonomes, sunnite, chiite et kurde, ce qui n’aurait fait qu’aggraver la guerre civile alors en cours, elle-même directement causée par l’occupation américaine. Il est important de revenir sur cet épisode, très révélateur de la vision du Moyen-Orient du prochain locataire de la Maison blanche, afin que l’idéalisation du vainqueur de Donald Trump ne conduise pas à de nouvelles et sérieuses désillusions. Biden, sénateur du Delaware depuis 1973, préside la puissante commission des Affaires étrangères quand, à l’été 2002, il relaie la propagande de l’administration Bush sur les « armes de destruction massive » que détiendrait l’Irak: « Saddam Hussein doit abandonner ces armes ou il doit abandonner le pouvoir ». Un tel soutien est essentiel pour la Maison blanche, confrontée à un Sénat majoritairement démocrate. En octobre 2002, Biden est un des 29 sénateurs démocrates à voter, contre l’avis de 23 autres et aux côtés de 48 élus républicains, le chèque en blanc qui permet à George W. Bush de mener la guerre à sa guise en Irak. En juillet 2003, trois mois après le renversement de Saddam Hussein, et malgré l’échec des 150.000 soldats américains en Irak à trouver la moindre trace d’armes de destruction massive, Biden persiste et signe: « Je l’ai dit l’an passé, et je le crois aujourd’hui, avec les milliards de dollars à la disposition de Saddam, je n’ai aucun doute qu’au bout de cinq ans, il aurait gagné accès à une arme nucléaire tactique ». Le toujours sénateur Biden participe alors activement à la campagne de dénigrement de la France, accusée de tous les maux pour ne pas avoir soutenu l’invasion américaine de l’Irak: « Nous savons tous que les Français ont été tout sauf coopératifs, qu’ils ont même été casse-c… » (a pain in the you-know-what). Cette diffamation du plus vieil allié des Etats-Unis s’accompagne d’une manoeuvre de Biden pour réécrire sa propre histoire sur l’Irak: en octobre 2004, il affirme « n’avoir jamais cru à la détention d’armes de destruction massive » par le régime de Saddam. (…) Biden s’oppose en revanche au « surge » américain en Irak, où les renforts déployés s’appuient sur des milices sunnites, dites du « Réveil » (Sahwa), pour refouler, et finalement vaincre les groupes jihadistes. (…) Quand Obama confie, en 2009, le dossier irakien à son vice-président, celui-ci va miser sans réserve sur l’homme fort de la communauté chiite, Nouri al-Maliki, Premier ministre depuis 2006. Biden apporte ainsi un soutien déterminant au maintien de Maliki à son poste, en novembre 2010. Peu importe l’autoritarisme de plus en plus agressif du chef du gouvernement irakien, sa coopération de plus en plus étroite avec l’Iran et son acharnement sectaire contre les milices sunnites du « Réveil », seul compte pour Biden la réussite du retrait américain hors d’Irak en 2011. Cette politique américaine à très courte vue favorise le retour de flamme de l’EII qui, en 2013, prend pied dans la Syrie voisine et devient « l’Etat islamique en Irak et en Syrie », connu sous son acronyme arabe de Daech. (…) Ce rappel de l’histoire irakienne de Biden prouve que, chaque fois qu’il a eu à trancher, le sénateur, devenu vice-président, a toujours choisi l’option la plus risquée en termes de conflit international et de guerre civile. Et rien ne prouve que le futur président ait tiré la moindre leçon de tant d’erreurs passées. Jean-Pierre Filiu
Il y a bien sûr les errements catastrophiques de la présidence Trump. [?] Si tout cela n’était pas si tragique, il y aurait quelque chose de risible à voir Donald Trump demander la démission de son successeur, alors qu’il a lui-même conclu à Doha avec les talibans le pire des accords, un accord par lequel les Américains faisaient sans délai toutes les concessions – comme de libérer sur parole 5000 combattants, immédiatement réembrigadés – tandis que les concessions supposées des talibans étaient soumises au préalable du départ américain. Trump avait même envisagé d’inviter à Camp David ces dignes héritiers d’al-Qaida et de Daesh: pourquoi pas un 11 septembre, par exemple! (…) Le retrait d’Afghanistan a été voulu par Biden et par Trump, mais aussi par Obama. Le retour des boys après tant d’aventures militaires coûteuses et décevantes au cours des soixante dernières années est devenu un impératif catégorique dans l’opinion américaine et dément spectaculairement la volonté proclamée par Biden – «America is back» – de voir les États-Unis s’investir à nouveau pleinement dans ce qui est parfois présenté comme une nouvelle guerre froide, cette fois-ci contre la Chine. Le lâchage de Kaboul signe la contradiction entre l’ambition et la fatigue américaines. Les Américains donnent le sentiment de pouvoir encore se battre pour leurs intérêts, mais pas, semble-t-il, pour leurs valeurs. (…) Les Chinois ne manqueront pas de se gausser du nouveau tigre de papier et les États de l’Indo-Pacifique, déjà tiraillés entre l’amitié américaine et la proximité massive et incontournable de la Chine, vont douter un peu plus des États-Unis. À court terme, la Chine devrait sans doute être prudente et y regarder à deux fois avant, par exemple, de tenter un coup de main sur Taïwan, car la réaction d’une Amérique humiliée ne pourrait être que brutale, mais la crédibilité des États-Unis dans le bras de fer avec Pékin en sort inévitablement amoindrie. D’autant que la société américaine n’a jamais été aussi divisée sur ses valeurs, donc sur ses ambitions. (…) Ce que le monde a touché du doigt dans la plus grande stupeur, c’est la vertigineuse inutilité de la supériorité militaire. [?] Par les temps qui courent, il importe moins d’être aimé que d’être craint, or c’est moins l’image de la trahison que celle de l’impuissance que nous renvoie aujourd’hui l’Amérique. On est tenté de dire, paraphrasant Jacques Brel: on a voulu voir Truman et on a vu Carter! (…) Il reste que, le Sahel, c’était notre part du travail et que nous aussi nous tentons d’aider des sociétés vulnérables à faire face à la subversion islamo-terroriste et au crime organisé. Nous le faisons d’ailleurs en bonne intelligence avec les Américains. Les initiatives qui ont été prises ces derniers mois par le président Macron – le redimensionnement de notre effort militaire et la responsabilisation politique des États de la zone – ont cependant pour objet précis de nous épargner le piège du tout ou rien qui a «naufragé» l’action américaine en Afghanistan. En remettant en cause Barkhane, une opération devenue trop lourde, trop coûteuse et trop unilatérale, sans pour autant quitter le théâtre des opérations, nous adressons à nos amis africains un message clair, mesuré et responsable: nous nous battrons avec vous, mais pas à votre place. Par ailleurs, nous nous efforçons d’associer à l’action nos partenaires européens, car le sort du Sahel n’est ni l’affaire de la seule France ni même celle de la seule Europe du Sud. Nous avons sur ce point la satisfaction d’être mieux entendus que naguère. Nous ne nous faisons toutefois aucune illusion: rien n’est joué. (…) Nous sommes les voisins du désastre: ce sont les Américains qui jouent, mais ce sont les Européens qui paient les dettes de jeu. L’évanouissement de la puissance américaine a trois conséquences précises: il libère des flots de candidats à l’émigration, dont l’Europe sera la destination privilégiée ; avec la culture systématique du pavot, il offre au crime organisé les moyens de relancer massivement chez nous la consommation de drogue ; il offre enfin au terrorisme international la base territoriale arrière qu’il a perdue depuis la fin de Daesh. Il est à cet égard un peu dérisoire d’entendre Anthony Blinken nous expliquer que les Américains ont «fait le job» puisque al-Qaida a été puni et que Ben Laden n’est plus! Nous n’avons cependant qu’à nous en prendre à nous-mêmes de ce qui nous arrive, car nous payons le prix de notre nanisme politique. La montée en puissance de la Chine et le pivotement des Américains vers l’Indo-Pacifique créent, du cercle polaire au sud de l’Afrique, une verticale du vide que l’Europe, amorphe, apathique et fragmentée, paraît incapable d’occuper. La situation est d’autant plus pressante que nous sommes entourés de puissances inamicales et que notre «étranger proche», le Moyen-Orient et l’espace méditerranéen, est traversé par des déséquilibres politiques, religieux, démographiques et climatiques à haut risque. La construction d’une Europe politiquement puissante est devenue, sous l’effet d’un désengagement américain partiel mais structurel, un véritable impératif catégorique. Les Européens ne peuvent plus, sans dommage, rester aux abonnés absents de la confrontation internationale. Jean-Louis Bourlanges
Dans une allocution télévisée, au lendemain de la prise de Kaboul par les Talibans, le président Biden a fait reposer toute la responsabilité de la débandade américaine sur, (qui d’autre ?) … son prédécesseur Donald Trump. Voici ses propos : « En entrant à la Maison Blanche, j’ai hérité d’un accord négocié par le président Trump avec les Talibans, en vertu duquel nos soldats devaient avoir quitté le pays au 1er mai 2021… Le nombre de nos soldats sur place avait déjà été ramené de quinze mille à deux mille cinq cents par l’administration Trump. Alors que les Talibans n’avaient jamais été aussi forts militairement depuis 2001…. Le choix qui se présentait à moi en tant que président consistait à m’en tenir à cet accord, ou bien à me préparer à combattre à nouveau les Talibans au printemps… La froide réalité se limitait à suivre cet accord en retirant nos troupes, ou à escalader le conflit en renvoyant des milliers de soldats au combat et en nous engageant dans une troisième décennie de conflit en Afghanistan. » Ainsi donc Joe Biden, président des Etats-Unis, et homme le plus puissant de la planète, s’est présenté comme pieds et poings liés, par un accord négocié par Donald Trump! Loin de reconnaître une quelconque responsabilité, il s’est érigé en victime. Venant d’un Démocrate, une telle posture n’a pas de quoi surprendre. Mais venant aussi d’un président qui a réintégré les Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, par décret, dès son premier jour au pouvoir, annulant d’un coup de crayon la décision de son prédécesseur ; qui a ouvert la porte à une reprise du dialogue avec l’Iran sur la question nucléaire, inversant à nouveau la politique de son prédécesseur ; qui a suspendu la construction du mur à la frontière mexicaine, qui a laissé entrer les immigrants clandestins par centaines de milliers et qui a accepté l’entrée de demandeurs d’asile sur le territoire, supprimant non pas une mais trois directives majeures de son prédécesseur ; venant d’un tel personnage, donc, une telle affirmation est grotesque et inacceptable. D’autant que les faits racontent une tout autre histoire. A la vérité, en arrivant à la Maison Blanche, Biden et ses conseillers étaient bien contents du travail accompli par leurs prédécesseurs, à savoir le président Trump et son secrétaire d’Etat Mike Pompéo. Ils ont pris à leur compte un retrait de troupes qui leur permettait d’apparaitre comme des faiseurs de paix. Par contre, ils ont fait preuve d’une incompétence et d’une impréparation invraisemblables dans l’exécution de la manœuvre. Selon l’accord passé entre l’administration Trump et les Talibans, le retrait des troupes américaines était lié à l’absence de toute offensive. Les Talibans étaient tenus de ne rien tenter contre les troupes américaines, et les troupes afghanes, tant que les Américains seraient sur place ! Le retrait des troupes, du matériel et au besoin des civils afghans ayant travaillé avec les Américains, devait être achevé avant de laisser le gouvernement en place et les Talibans se disputer le contrôle du pays. La faute de l’administration Biden a été de laisser les Talibans lancer leur campagne de reconquête, avant la fin du retrait américain, sans envisager la possibilité que celle-ci puisse les prendre de vitesse. C’est une faute gravissime, un péché d’orgueil et d’inattention. (…) Pour Donald Trump, mettre un terme à la guerre en Afghanistan, et permettre aux milliers de GIs, déployés sur place, de rentrer au bercail, était une promesse de campagne. Il y tenait. Tout comme il tenait à ce que l’autorité des Etats-Unis soit respectée. D’ailleurs, entre 2018 et 2020, il avait suspendu les négociations à plusieurs reprises, à cause d’incidents terroristes attribués aux Talibans. Côté américain, cet accord incluait un retrait progressif des troupes présentes depuis 2001 ; l’échange de cinq mille Talibans détenus en Afghanistan contre mille soldats des Forces de Défense Afghanes faits prisonniers par les Talibans, et la levée progressive de sanctions contre les Talibans. Le départ des troupes américaines et de l’Otan pouvait s’achever en quatorze mois, soit à la date du 1er mai 2021, si les Talibans tenaient tous leurs engagements. Le moindre écart serait sanctionné par des représailles militaires de la part des Etats-Unis. Selon les mots de Donald Trump à l’époque, les Talibans seraient exposés au feu américain « comme jamais encore auparavant ». En échange les Talibans s’engageaient à cesser toute violence et à n’abriter ou soutenir aucun mouvement terroriste, tel Daech ou Al Qaida. Le devenir politique de l’Afghanistan était laissé à des négociations futures entre le gouvernement du président Ashraf Ghani, élu en 2014 et réélu en 2019, et les dirigeants talibans. A noter que ces discussions ont commencé dès la signature de cet accord, sans aboutir et ont fini par être suspendues. La sécurité du pays, une fois le retrait des troupes étrangères effectué, était supposée être assurée par les trois cent mille soldats de l’armée afghane, formés et équipés par les Américains. Face à une force talibane estimée à soixante mille combattants, la tâche, sur le papier, n’était pas impossible… Voilà ce dont le président Biden a hérité en janvier 2021 à son entrée à la Maison Blanche. Il pouvait à tout moment dénoncer cet accord. C’est d’ailleurs ce qu’un certain nombre d’élus Démocrates, soutenus par des Républicains Néoconservateurs, dont Liz Cheney, la fille du vice-président de George W. Bush lui ont recommandé de faire. (…) Biden suivit partiellement ses conseils. Il abandonna l’objectif du 1er mai et repoussa le retrait total à la date, hautement symbolique, du 11 septembre 2021, soit vingt ans, jour pour jour, après les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Par contre, il ne remit jamais le principe du retrait en question. Et il renonça à sanctionner les Talibans pour leurs manquements répétés à leurs engagements. Le message fut, à l’évidence, parfaitement reçu et compris à Doha et à Kaboul. (…) le 8 juillet précisément, Joe Biden faisait une déclaration télévisée depuis la Maison Blanche suivie d’une de ses très rares conférences de presse. Le retrait américain était alors considérablement engagé. Loin de se plaindre d’un quelconque legs de l’administration Trump, il s’arrogeait la paternité du processus de paix et utilisait à répétition le pronom « je » en parlant des évènements récents. Pressé par une journaliste sur les risques d’un départ précipité et d’une chute de Kaboul, rappelant la dramatique évacuation de Saïgon en 1975, Joe Biden avait affirmé « il est hautement improbable que les Talibans parviennent à reprendre le pays… Les forces talibanes n’ont rien à voir avec les combattants du Viet-Cong… Sous aucune circonstance vous ne verrez des civils évacués depuis le toit de l’ambassade américaine en Afghanistan ! » (…) Si cela ne suffisait pas encore, Joe Biden en a rajouté une couche le 23 juillet. Suite à une conversation téléphonique avec le président Ghani, la Maison Blanche indiquait par communiqué avoir renouvelé ses « assurances du soutien des Etats-Unis au peuple afghan». Alors même que des combats faisaient rage dans plusieurs provinces afghanes, et que les troupes gouvernementales étaient submergées par l’avancée des forces talibanes. Notant que « l’offensive actuelle des Talibans est en contradiction avec l’engagement de ce mouvement pour une solution négociée » et tout en déplorant « les pertes de vies civiles dues à des attaques ciblées, les déplacements de population et les pillages », Joe Biden n’évoquait à aucun moment de quelconques représailles contre les Talibans, ni surtout une suspension ou une remise en question du retrait des troupes américaines. Et pourtant cela aurait été pleinement justifié selon les termes de l’accord dont Biden s’est ensuite dit prisonnier. (…) Prétendre ensuite que la chute de Kaboul et le chaos afghan sont la faute de Donald Trump, c’est se moquer du monde ! D’ailleurs, même la clique de ses partisans dans les médias a trouvé la couleuvre trop difficile à avaler. De part et d’autre du paysage médiatique américain, on observe les premières fissures dans la grande muraille protectrice démocrate. La déroute américaine en Afghanistan est le premier tournant de la présidence Biden. Jusqu’à présent ses errements avaient été passés sous silence par les médias dominants, au nom de l’anti-Trumpisme. Ce ne sera sans doute plus le cas à l’avenir. Le reste de son mandat s’annonce aussi chaotique que la chute de Kaboul. Gérald Olivier
Joe Biden aurait pu facilement garder le silence sur ses intentions en Afghanistan – ou du moins laisser l’ennemi dans le doute. Il aurait pu maintenir les installations aériennes américaines pour soutenir les forces afghanes et assurer la sécurité des grandes villes telles qu’elles l’étaient entre 2017 et 2020 sous Trump, qui lui-même a critiqué le déploiement continu depuis 20 ans. Mais Trump n’était pas stupide au point de retirer toutes les troupes avec tout le soutien aérien ou pour donner aux talibans un calendrier virtuel de conquête. Pire encore, Biden a fait en sorte que ses politiques régionales au Moyen-Orient envers l’Iran, le Hamas et Israël ne projettent pas un sentiment de dissuasion ou de fiabilité américaine. (…) En seulement sept mois, nous avons égalé les jours les plus sombres des années Carter avec l’implosion de l’Afghanistan, l’anarchie historique à la frontière, l’érosion complète de la loi américaine sur l’immigration, la destruction de l’engagement de l’ère des droits civils envers une société racialement aveugle et les pires relations raciales depuis un demi-siècle, des pics historiques de crimes violents, l’inflation galopante de l’économie Biden et la perte de l’indépendance énergétique des États-Unis et des prix raisonnables du carburant. Victor Davis Hanson
Attention: un retrait calamiteux peut en cacher plus d’un autre !
Reprise des négociations avec les mollahs et du financement de l’Autorité palestinienne, implosion de l’Afghanistan, anarchie historique à la frontière, érosion complète de la loi américaine sur l’immigration, destruction de l’engagement de l’ère des droits civils envers une société racialement aveugle, pires relations raciales depuis un demi-siècle, pics historiques de crimes violents, inflation galopante, perte de l’indépendance énergétique des États-Unis et des prix raisonnables du carburant, programmes « woke » de rééducation idéologique, désignation comme monument national d’une boite de nuit homosexuelle  site d’un attentat islamiste alors que le motif n’avait rien d’homophobique, proclamation du mois des fiertés avec drapeau arc en ciel sur les ambassades du monde entier dont les capitales des états musulmans, Kaboul comprise …
Quarante-six ans après la tragique et humiliante chute de Saïgon …
Et sept petits mois après le hold up électoral de novembre dernier …
Où ironie de l’histoire …
Le président américain qui avait ouvert son mandat en supprimant, entre accord du climat, négociation avec l’Iran et immigration, non pas une mais trois directives majeures de son prédécesseur
Prétend à présent, comme en 2019 avec Bush et l’Iak, qu’il était lié par la décision du retrait d’Afghanistan de celui-ci …
Se voit condamné par sa presse-caniche pour avoir voulu faire, rivalité mimétique oblige, plus Trump que Trump
Pendant que le président d’une France qui avait quitté l’Afghanistan depuis sept ans se voit traité de Le Pen
Y-a-t-il une posture consternante ou une mauvaise cause …
Avec les catastrophiques conséquences que l’on sait …
Pour les pauvres Afghans aujourd’hui …
Et peut-être les Taïwanais, les Ukrainiens et les Européens de l’est en général demain …
Qu’à l’image du calamiteux Jimmy Carter en son temps …
Joe Biden et l’équipe Obama derrière lui n’auront pas épousée …
Oubliant comme pour son propre autre calamiteux retrait d’Irak d’il y a dix ans qui avait donné au monde la barbarie de l’Etat islamique …
Derrière le faux choix entre la fuite la queue entre les jambes et la victoire définitive …
Pour, comme le rappelait l’ancien ambassadeur Crocker, « gagner le temps » de faire maturer une nouvelle génération … ?
Our Afghan Agonies
Victor Davis Hanson
The Blade of Perseus
Aug. 16, 2021
Joe Biden could easily have stayed quiet about his intentions in Afghanistan—or at least leave the enemy in some doubt. He might have maintained US air facilities to support Afghan forces, and kept the major cities secure as they were between 2017-20 under Trump, who himself was a critic of the continued 20-year deployment. But Trump was not foolish enough to yank all troops out along with all air support—or to give the Taliban a virtual timetable for conquest. Worse still, Biden ensured that his regional policies in the Middle East toward Iran, Hamas, and Israel would not project a sense of US deterrence or reliability.
So we should assume that Iran is now dangerously emboldened. Anti-American Pakistan is making the necessary further anti-American adjustments. And the general Middle East will become even scarier, as the US begs the Gulf monarchies (that the Biden administration has so feverishly criticized) to pump all the oil they can—even as the Biden administration damns the use of oil and those in the US who produce it (but will be glad to buy its importation by printing even more money at a time of national financial insolvency).
The Afghan debacle is eerily similar to the US border in which extremists are now in control of US policy and demand that ideology and politics trump common sense and basic humanity. We should brace ourselves for some horrific scenes to follow in Kabul over the next few weeks. They will tragically dwarf the mayhem on the southern border.
Who are the culpable? The CIA utterly failed to give any accurate appraisal of the rapid Taliban advance and takeover. I hope the ruinous legacy within our intelligence and investigatory agencies—of John Brennan, James Clapper, James Comey and Andrew McCabe—does not explain the epidemic of current mediocrity. The Pentagon has been in the news a lot lately, but mostly in connection with our highest officers virtue signaling their woke and careerist new credentials that either had nothing to do with military readiness or actually would undermine it. The gay pride flag over the US embassy in Kabul, along with the embassy’s virtue-signaling woke communiques, did not resonate confidence among Afghans that the US policy was based on shrewd deterrent policies with a full understanding of a traditionalist Islamic society.
Remember, there was a lot of calumny—including military resignations—that met President Trump over the decision in late 2018 not to intervene in the territorial disputes between Turkey and Kurdish forces in Syria, and again during the false charges that he had used tear gas to clear areas near the White House to do a photo-op with Gen. Milley—the latter accusations were proven erroneous by the Inspector General of the Interior Department.
But the loud and twitter-addicted US military top brass, active and retired, has been strangely quiet about the lunatic idea of simply telling the Taliban when all US forces will leave and then allowing thousands of allied Afghans and billions in US equipment to fall into the Taliban’s hands.
Where is the US military-industrial-intelligence complex outrage? Where the cry-of-the-heart tweeting? Where the letter to Biden from distinguished emeriti CIA and military officers? Why would retired generals addictively tweet about Trump’s cancellations of leftwing newspapers to bureaucracies or falsely charge that Obama’s “cages” on the border were Trump’s Auschwitz-like cells—and yet say nothing about the greatest military disaster in recent memory? If Trump was smeared as Nazi-like and a Mussolini, what exactly is Biden’s stewardship?
Given the 20-year-long investment, this ignominious withdrawal is likely to be more humiliating than the final 1975 dark days in Saigon and the boat people who followed, the Reagan 1984 pullout from Lebanon after the 1983 barracks bombing, and President Obama’s sudden 2012 yanking all troops out of Iraq that birthed the “JV” ISIS beheaders. Note that Obama later blamed his decision on the Iraqis, and Biden now blames Trump, even though both boasted during their campaigns that they would boldly do what they actually did.
The Afghanistan implosion—assured to be impossible or at least unlikely by Joe Biden—is occurring in concert with the historic anarchy on the border, the complete erosion of US immigration law, the destruction of the Civil Right-era commitment to a racially blind society and the worst racial relations in a half-century, historic spikes in violent crime, the soaring inflation of the Biden economy, and the loss of US energy independence and reasonable fuel prices. So in just seven months we have matched the darkest days of the Carter years, when at least the President was coherent and a master of his own policies, misguided though they were.
Since Biden in the last 60 days of public commentaries appears to have no idea of what was, is and will be going on in Afghanistan, it is legitimate to ask who does in his administration? Dr. Biden? Ron Klein? General Milley? Antony Blinken? The Obamas?
In the inevitable blame-gaming to come, even the toadish press will have a hard time blaming Trump, as Biden is already doing—given he left troops in Afghanistan and earlier had bombed the “sh*t” out of ISIS in Syria/Iraq. In general, the Pentagon, the CIA and the Biden state departments and national security council teams should have been warning the nation months ago that the decision to virtue signal a complete cave-in would have rapid and deadly ramifications.
Instead, to the very end of this historic disaster, the true dangers on the immediate horizon were denied ad nauseam by Biden himself, with only a few mousy questions and clarifications from the press. Bottom line: a woke Pentagon and revolving-door careerist top brass, a politically warped intelligence bureaucracy, an obsequious press, and a virtue signaling progressive elite can explain well enough why 300,000 vanished into thin air before the murderous Taliban. I think they concluded that siding with our sanctimonious postmodern apparat was a lot more dangerous even than returning to the Dark Ages.
A final lesson. When there is no free press; a president loses all fears of lying and obfuscation, and counts on pet journalists to hide his untruth or at least claim they are minor exaggerations. Biden, to the extent he is even compos mentis, assumed his assertions that Afghans would fight effectively, given their numbers and US equipment and training, would never be seriously cross-examined by a morally bankrupt media, which always puts partisan interests over the national interest. So he simply went on lying….
Voir aussi:

Biden’s Iraq War walk-back is revisionist nonsense

Mark A. Thiessen

The Washington Post

Former vice president Joe Biden said in a recent interview he agrees with Jim Mattis that the Obama administration’s decision to withdraw troops from Iraq was a mistake, but that as vice president he tried to keep “a residual force” stationed there. This is revisionist nonsense. Just a few months ago, at the July Democratic presidential debate, Biden boasted that “one of the proudest moments of my life was to stand there in Al-Faw Palace and tell everyone that . . . all our combat troops are coming home.” In September, he declared, “We were right to get the combat troops out.” But now he agrees it was a mistake?

The fact is, at the time, Biden expressed zero regrets about the complete US withdrawal, which he was in charge of executing. The New York Times reports that in December 2011 Biden was “ebullient” as he presided over the departure ceremony for the last American forces, calling President Barack Obama from Baghdad to tell him “All I’ve said about this job, I take it back. Thank you for giving me the chance to end this goddamn war.”

Of course, he did not actually end the “goddamn war,” he unleashed a humanitarian and national security catastrophe. Biden’s withdrawal created a vacuum that allowed the Islamic State — which had been reduced to just 700 fighters — to regroup, reconstitute itself and build a murderous caliphate the size of Britain. The terrorists enslaved and raped thousands of Yazidi girls and carried out gruesome executions across Iraq and Syria. And they spread their murderous tentacles across the globe, carrying out 143 attacks in 29 countries that killed more than 2,000 people and injured many thousands more.

Biden has criticized President Trump for withdrawing from Syria against the advice of our military commanders. Yet Biden did not listen to our military commanders when it came to the Iraq withdrawal. The Times reports that Gen. Lloyd J. Austin III, the U.S. commander in Iraq, proposed keeping as many as 24,000 troops in Iraq. According to Biden national security adviser Colin H. Kahl, Austin was told by the White House “you’ve got to be kidding.” So Austin presented Obama and Biden with options for 19,000, 16,000 and 10,000 troops — and told them the lowest number was “unwise.” But Biden “aggressively pushed for a smaller force,” and Obama agreed. Then, during negotiations with the Iraqis, the administration cut the offer in half to just 5,000 — an offer the Iraqis rejected.

In his interview with the Wall Street Journal, Biden blamed George W. Bush for the US withdrawal, noting that he had negotiated a status of forces agreement that required an end to the US military presence by 2011. Please. Does anyone really believe that if Bush were still in office in 2011, he would have pulled out all US forces? Of course not.

The reason Obama and Biden were unable to get an agreement to extend the US troop presence is because they made it crystal clear to the Iraqis that America was headed for the exits. Iraqis watched as Obama and Biden rejected numbers well above 10,000, only grudgingly agreed to even that number and then cut that number to 5,000. If you were an Iraqi, would this have given you confidence in America’s long-term commitment?

Iran and its political allies inside Iraq were pressing for a US withdrawal, and threatening politicians who supported extending the American military presence. For Iraqi leaders, 24,000 American troops might have been worth the political risk, and maybe even 10,000 would have been worth it. But an offer of just 5,000 troops from an administration that was determined to go to zero as quickly as possible was not. If America was leaving, and Iran was staying, why risk siding with the Americans?

In 2013, as the Islamic State was gaining steam, Biden said that he and Obama felt “happy and . . . fulfilled” with the decision to withdraw from Iraq. A year later, they would be forced to send US forces back to Iraq to deal with the debacle they had unleashed.

Biden supported the Iraq invasion but then opposed the Bush surge, which crushed the Islamic State and won the war. Then he supported a premature withdrawal that allowed the terrorists to regroup and was celebrating that decision as recently as four months ago — but now says he regrets it. That’s quite a record for a man running on his record of experience and judgment.

Voir également:

Mike Pence: Biden Broke Our Deal With the Taliban

It’s a foreign-policy humiliation unlike anything our country has endured since the Iran hostage crisis.

‘The likelihood there’s going to be the Taliban overrunning everything and owning the whole country [of Afghanistan] is highly unlikely,” President Biden confidently proclaimed in July. “There’s going to be no circumstance where you see people being lifted off the roof of an embassy.”

One month later, the scenario Mr. Biden deemed impossible has become a horrifying reality. In recent days, the world has watched panicked civilians cling to U.S. military aircraft in a desperate attempt to escape the chaos unleashed by Mr. Biden’s reckless retreat. American diplomats had to beg our enemies not to storm our embassy in Kabul. Taliban fighters have seized scores of American military vehicles, rifles, artillery, aircraft, helicopters and drones.

The Biden administration’s disastrous withdrawal from Afghanistan is a foreign-policy humiliation unlike anything our country has endured since the Iran hostage crisis.

It has embarrassed America on the world stage, caused allies to doubt our dependability, and emboldened enemies to test our resolve. Worst of all, it has dishonored the memory of the heroic Americans who helped bring terrorists to justice after 9/11, and all who served in Afghanistan over the past 20 years.

Unanimously endorsed by the United Nations Security Council, the agreement immediately brought to Afghanistan a stability unseen in decades. In the past 18 months, the U.S. has not suffered a single combat casualty there.

By the time we left office, the Afghan government and the Taliban each controlled their respective territories, neither was mounting major offensives, and America had only 2,500 U.S. troops in the country—the smallest military presence since the war began in 2001.

America’s endless war was coming to a dignified end, and Bagram Air Base ensured we could conduct counterterrorism missions through the war’s conclusion.

The progress our administration made toward ending the war was possible because Taliban leaders understood that the consequences of violating the deal would be swift and severe. After our military took out Iranian terrorist Qasem Soleimani, and U.S. Special Forces killed the leader of ISIS, the Taliban had no doubt we would keep our promise.

But when Mr. Biden became president, he quickly announced that U.S. forces would remain in Afghanistan for an additional four months without a clear reason for doing so. There was no plan to transport the billions of dollars worth of American equipment recently captured by the Taliban, or evacuate the thousands of Americans now scrambling to escape Kabul, or facilitate the regional resettlement of the thousands of Afghan refugees who will now be seeking asylum in the U.S. with little or no vetting. Rather, it seems that the president simply didn’t want to appear to be abiding by the terms of a deal negotiated by his predecessor.

Once Mr. Biden broke the deal, the Taliban launched a major offensive against the Afghan government and seized Kabul. They knew there was no credible threat of force under this president. They’ve seen him kowtow to anti-Semitic terrorist groups like Hamas, restore millions of dollars in aid to the Palestinian Authority, and sit by earlier this year while thousands of rockets rained down on Israeli civilians.

Weakness arouses evil—and the magnitude of evil now rising in Afghanistan speaks volumes about the weaknesses of Mr. Biden. To limit the carnage, the president has ordered more troops to Afghanistan, tripling our military presence amid a supposed withdrawal.

After 20 years, more than 2,400 American deaths, 20,000 Americans wounded, and over $2 trillion spent, the American people are ready to bring our troops home.

But the manner in which Mr. Biden has executed this withdrawal is a disgrace, unworthy of the courageous American service men and women whose blood still stains the soil of Afghanistan.

Mr. Pence served as vice president of the United States, 2017-21, and is chairman of Advancing American Freedom.

Voir de même:

It is unclear just what the United States has gained from withdrawing the small, affordable, and effective deterrent force that had remained in Afghanistan to support its security forces. It is unnervingly obvious what we’ve lost: national prestige, vast sums of political capital, credibility on the world stage and, most tangibly, our security. The world is much more dangerous today than it was just 72 hours ago.

As recently as August 12, when the elected government in Afghanistan still controlled most of its provincial capitals and the country’s total implosion was still evitable, U.S. intelligence officials warned that America’s abandonment of its ally in Central Asia would allow al-Qaeda to reconstitute itself. The Taliban never renounced violence or its affiliation with the group responsible for the September 11 terrorist attacks, despite repeated overtures from American negotiators to do so. And although that particular Islamist terror group remains a diminished presence, if the “pressure comes off, I believe they’re going to regenerate,” U.S. Centcom commander Gen. Frank McKenzie said.

Accordingly, the Defense Department will reportedly revise its previous estimates suggesting the threat from groups capable of exporting terrorism out of Afghanistan had been relatively low. Today, that threat is unknown, but few believe that the Taliban will do anything but provide succor to fundamentalist terror sects with revenge on their minds. As one source in government privy to the Pentagon’s deliberations told Axios, “the timeline in terms of threats has accelerated.”

And the threat to American lives and interests arising from our humiliation in Afghanistan does not begin and end with non-state actors. The world’s irridentist great powers are watching closely, and they are no doubt emboldened by our fecklessness.

The Chinese Communist Party has already demonstrated its willingness to court international condemnation in its quest to impose its sovereignty on the greater Chinese sphere. The crushing of Democracy in Hong Kong in direct violation of the terms of its handover to the CCP from Britain in 1997 should be evidence enough of that. And in the months that followed that insult to Western proceduralism and power, the People’s Republic has openly flirted with finally retaking the island nation of Taiwan by force. “This problem is much closer to us than most think,” Navy Adm. John Aquilino told a Senate committee in May. He speculated that a Chinese operation designed to rapidly change the facts on the ground and force the U.S. to recognize them could occur in this decade.

“We do not promise to renounce the use of force and reserve the option to use all necessary measures,” Chinese President Xi Jinping said in 2019. Bejing’s reservation of its prerogative to retake the Republic of China through force has thus far been deterred not just by America’s assets in the Pacific but also by our willingness to use them and by the assumption that the American public would support that mission. That deterrent has no doubt suffered a devastating blow, and China’s propagandists won’t let us forget it. “The grand strategy seemed flawless and inspiring for Washington, until the U.S.’ epic defeat and chaotic retreat in Afghanistan mirrored how shaky it is,” read one representative exercise in chest-thumping via China’s Global Times. “The point is, if the U.S. cannot even secure a victory in a rivalry with small countries, how much better could it do in a major power game with China?”

In Europe, too, the United States has much to lose. In 2008, Russia invaded and functionally annexed large swaths of territory in Georgia. In 2014, Moscow invaded Ukraine, outright subsuming the whole of Crimea into the Russian Federation. And Moscow isn’t done yet. Only months ago, Russian President Vladimir Putin threatened the Western world with a renewed assault on Ukraine designed to capture more of its territory along the Black Sea coast. The tools Moscow uses to secure the reconquest of the post-Soviet space are myriad: emigration to rebalance local ethnic demography; exporting Russian passports to non-citizens, propaganda, energy blackmail, and cyber warfare. But the use of force is not off the table. And Russia’s territorial ambitions are not limited to Ukraine.

The notion that Russia might test NATO in a Baltic state has kept American strategists up at night for years. Today, such an experiment must appear even more tempting from the Kremlin’s perspective. Estonia has already been the target of many such provocations—among them, a crippling 2007 cyberattack on the nation’s infrastructure and a sophisticated 2014 raid by Russian forces across the Estonian border, abducting a local police officer and putting him on trial. A more direct provocation that would try NATO’s commitment to the treaty’s mutual-defense provisions is far easier to envision today than it was on Friday night.

Eighty years ago, the West’s appeasers howled in unison “Why Die for Danzig?” Why wouldn’t today’s “peacemakers” be just as inclined to question the value of a global war against Russia over Tallinn? At least, that’s what the Kremlin’s hungriest revanchists must be asking themselves.

It’s a perfectly rational question. After all, even America’s allies were shocked to watch the United States so callously sacrifice an ally for no discernible strategic purpose and under no perceptible pressure from the voting public. Our caprice has shaken the faith that we will defend our partners’ interests around the world if we’re unwilling to bear the modest burdens associated with preserving our own.

As the Washington Post’s Liz Sly reported over the weekend, U.S. allies are fit to be tied over the shambolic handling of Afghanistan. “U.S. allies complain that they were not fully consulted on a policy decision that potentially puts their own national security interests at risk,” Sly reported. One German official raged over the Biden administration’s haughty disregard for European security. “We’re back to the transatlantic relationship of old, where the Americans dictate everything,” she snarled. Another British parliamentarian wondered aloud about whether America under Joe Biden would or even could stand up to its peer competitors if it is “being defeated by an insurgency armed with no more than [rocket-propelled grenades], land mines, and AK-47s?” And in the Middle East, which continues to be menaced by an increasingly extroverted Iran, some are now conceding that American involvement in the region ends up ultimately being more trouble than it’s worth.

Advocates for American retrenchment abroad fancy themselves a serious sort. They don’t think America should commit its resources to the defense of interests on purely moral grounds. So, if they are not moved by the sight of Afghans we abandoned to the Taliban clinging to U.S. transport planes, tumbling to their deaths from hundreds of feet up, perhaps they will be moved by the grave implications to U.S. interests and global security. If not, we can safely assume that their interests are not as benign as they insist. Perhaps pursuing what’s best for America at home and abroad isn’t their only or even foremost motive.

The Magical, Self-Justifying Afghanistan Debacle
Noah Rothman
Commentary
August 17, 2021

It’s hard to imagine how the debacle the Biden administration is overseeing in Afghanistan could be any worse. It’s such a self-evident fiasco, in fact, that even hardened advocates of America’s withdrawal from the world’s hot spots have been forced to admit that this whole thing could have been handled better. Much like Communism, America’s retrenchment from conflicts abroad has never really been tried and just needs better managers. But that’s as far as they’re willing to go. Across the political spectrum, champions of American introversion still insist that the collapse of the Afghan state was inevitable regardless of when or how we withdrew our commitments to it. Indeed, the disaster we’ve been forced to witness is being repurposed as a justification for the very circumstances that led to it.

On Monday, President Joe Biden delivered what could only have been a hastily prepared speech on the meltdown in Afghanistan before resuming his vacation. In it, the president abandoned his rationale for total U.S. withdrawal which, in July, was predicated on the competence, training, and numerical strength of the Afghan National Forces. This week, Biden insisted, withdrawal was justified by the abject weakness and cowardice of those very same Afghan soldiers.

“American troops cannot and should not be fighting in a war and dying in a war that Afghan forces are not willing to fight for themselves,” Biden insisted. “We gave them every chance to determine their own future. What we could not provide them was the will to fight for that future.” This sentiment must have appealed to Democrats like Sen. Chris Murphy, who took the opportunity of Afghanistan’s collapse to insist that the lesson here is that we should abandon the pursuit of America’s long-term interests in favor of applying Band-Aids to threats as they arise. Presumably, the rest of Joe Biden’s party will see the virtue of this sort of projection soon enough.

Leaving aside for a moment that running down an ally—even one we’ve summarily abandoned to the mercies of an Islamist militia—is an odd way to restore American credibility on the world stage, Biden’s exercise in blame-shifting has the added defect of being untrue. Tens of thousands of Afghan soldiers fought and died in defense of their country since NATO-led combat operations ended in 2014. They continued to do so well into 2020, when American “peace talks” with the Taliban began to sap those soldiers of the “will to fight” with the understanding that U.S. support was winding down. And when Biden pulled the plug on “air support, intelligence, and contractors servicing Afghanistan’s planes and helicopters,” a thorough Wall Street Journal expose revealed, “the Afghan military simply couldn’t operate anymore.” The Afghans didn’t lose the will to fight for their country; they were robbed of the means of effectively doing so by Washington.

The audience for President Biden’s self-soothing talk about the inevitability of Afghanistan’s implosion isn’t limited to stunned Democrats. A certain sort of conservative for whom retrenchment is both a means to an end and an end in itself is just as enamored of this dubious talking point.

“There was no ‘Afghan Government,’” the popular commentator and talk show host Saagar Enjeti insisted. “It was a fiction the entire time backed only by U.S. dollars, U.S. blood, and U.S. military might.” Though he regrets the conditions to which we’ve consigned Afghanistan, The American Conservative’s Rod Dreher agrees. “True, the Taliban takeover was inevitable,” he writes, “and we had to get out.” Though we probably could have better executed this declinist project. Newsweek opinion editor Josh Hammer echoed these sentiments: “It’s time for a late-stage empire to come home and rebuild itself as a durable and functioning nation-state,” he wrote.

Much like Biden, these center-right voices seem to want to believe that the dynamic situation in Afghanistan is static and unchanging. That’s simply false. The collapse of the Afghan state was not written in the stars. It was engineered and executed. And what comes next is unlikely to be something that a competent steward of American national interests can afford to ignore. As even a bleak and clear-eyed assessment from the Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction (SIGAR) concluded, “there will likely be times in the future when insurgent control or influence over a particular area or population is deemed an imminent threat to U.S. interests.”

Maybe those who believe a fatalistic assessment of America’s role in Afghanistan is unjustified are out of touch with Real America. But we have scant evidence that the American people will support, grudgingly or otherwise, what they’re watching on their television screens. Will Americans or the policymakers they empower gaze upon the abandonment of upwards of 10,000 American civilians and the Afghans who aided them as the mere wages of “late-stage empire?” Will they see the reestablishment of a well-armed terrorist state to which aspiring Jihadists around the globe are now flocking, emboldened and determined to once again export terrorism to the West, and throw up their hands in befuddlement?

That doesn’t sound like American voters, who can be counted on to not care about foreign policy up until the minute foreign policy begins producing U.S. casualties or delivers the nation into a state of abject humiliation. Perhaps The Folks are content to sink every last American dollar into the welfare state, settle into a warm bath, and succumb comfortably to the forces of history. Or maybe, just maybe, our capitulatory populists are more oriented toward surrender than the people for whom they presume to speak.

Advocates of retrenchment need this total debacle to be predestined. It cannot have been the product of a series of choices, accidents, and mismanagement. To admit that things might have turned out differently would be to imperil their preferred project—”nation-building at home,” as though the sole superpower seeing to its commitments abroad and managing domestic affairs simultaneously were mutually exclusive. We can only hope the disaster these fatalists abide in Afghanistan will help shake the voting public out of its attraction to this sort of resignation in its political leaders.

Noah Rothman is the Associate Editor of Commentary and the author of Unjust: Social Justice and the Unmaking of America.

Lessons for Israel from the Taliban Victory
Gregg Roman
The Jewish Press
August 17, 2021

The scenes of a Taliban victory in Afghanistan have resonated very differently in various parts of the world and hold many lessons, especially for Israel.

Some in the West have seen a failure of American foreign policy in the region, and the scenes of a helicopter evacuating people from a rooftop was eerily reminiscent from a photo during the fall of Saigon in 1975 at the end of the Vietnam War.

There is no getting away from the sense of defeat after a Western-trained Afghan army was routed in weeks, frequently surrendering without a bullet being fired.

Even Abdul Ghani Baradar, the Taliban leader freed from a Pakistani jail on the request of the U.S. less than three years ago, expressed his shock at the ease in which they retook Kabul. Only a few months since President Biden promised to remove all remaining troops from Afghanistan, it took the Taliban eleven days to recapture almost the entire country.

Intelligence estimates are frequently wrong

The first lesson to be learned is that intelligence estimates are frequently wrong. Many experts told President Biden and his advisors that the Afghan army was ready to hold the country without direct Western help. Even up until the day before the capture, there was the belief that Kabul could be held for months rather than the hours it took to lose it.

The State of Israel has relied on this type of advice before, when it relinquished the Gaza Strip to the Palestinian Authority who were subsequently routed by Hamas two years later.

Over the years, many foreign officials and experts have tried to tie hoped-for Israeli concessions with security assurances, but so far, the record has been terrible.

After Israel’s withdrawal from Gaza in 2005, the EUBAM (European Union Border Assistance Mission) was deployed at the Rafah crossing point between Gaza and Egypt. The mission was « to help bring peace to the area ».

After these forces ran away any time they were threatened by Palestinian forces, they left permanently in 2007, but not before bizarrely blaming Israel for their ignominious retreat.

The United Nations Interim Force in Lebanon, or UNIFIL, a UN-NATO peacekeeping force in southern Lebanon, had done little more than protect itself as it has been impressively toothless at disarming Hezbollah and demilitarizing southern Lebanon.

Military expertise and technology doesn’t always win

The second lesson is that military expertise and technology doesn’t always win. The Afghan army, numbering around 250,000 had over $80 billion spent on it, but was humiliated by the Taliban who had little significant firepower.

The third and most valuable lesson for Israel is that fundamentalist Islam does not give up without force. The Taliban had remained largely dormant for two decades but never gave up hope of ultimate victory, even when the odds were stacked against it by the overwhelming presence of foreign militaries.

Fundamentalist Islam does not give up without force

The major problem was that the international forces never truly defeated the Taliban, and did not provide a mortal blow to a paramilitary force which was allowed to regroup and dream of a future conquest.

This failure should be seen in direct opposition to the victory over the Islamic State in Iraq.

The Islamic State was territorially defeated. It was routed completely from the territory it purported to hold in 2017. Of course, there is still some Islamic State activity, but it is largely peripheral and Iraqi forces have shown they are in a good position to repel it.

Unlike the Taliban, the Islamic State was not left with large swathes of territory on which to reorganize, rearm and bide its time.

In any military tacticians’ book, absolute defeat is a world of difference away from partial defeat.

Israel’s enemies, like Hamas and Hezbollah, were left standing after every confrontation with the IDF. They might not have been victorious, but it is impossible to say they were defeated in any meaningful way.

When Israel goes to war with its enemies, defeat must mean defeat. It should mean that at the end of a conflict, the enemy is not left standing and remaining in power.

This lesson is not lost on Hamas which has already congratulated the Taliban on its stunning victory. Senior Hamas figure Musa Abu Marzuk praised the Taliban for its cleverness and ability to confront the United States and its allies while rejecting all compromises proposed, and without falling into the traps of « democracy » and « elections. »

Hamas and other terrorist organizations confronting Israel have been given a massive morale boost by events in Afghanistan. They perceive the West, of which they see Israel as a central part, as something that can be defeated with steadfastness and an unshakeable belief in an ultimate victory regardless of time and against all odds and logic.

Israel must take every step to disavow this belief and ensure that its opponents understand that while they might still dream of ultimate victory and the destruction of the Jewish State, they will instead taste the bitter crucible of defeat.

Gregg Roman is director of the Middle East Forum.

Biden déclare « La fierté est de retour à la Maison Blanche » après avoir désigné Pulse monument national / Nation LGBTQ
Gay friendly
26 juin 2021
Le président Joe Biden (D) a signé HR 49, le projet de loi désignant le site de la fusillade du Pulse Nightclub de 2016 à Orlando, en Floride, comme monument national, en tant que monument national. Par la suite, Biden a commémoré le mois de la fierté avec des remarques faites aux côtés du secrétaire aux Transports Pete Buttigieg, la première personne publiquement confirmée à un poste au Cabinet.« Il y a un peu plus de cinq ans, la discothèque Pulse, un lieu d’acceptation et de joie, est devenue un lieu de douleur et de perte indicibles », a déclaré Biden lors de la cérémonie de signature, ajoutant: « Nous ne nous remettrons jamais complètement, mais nous nous souviendrons .
«Connexes : Cinq ans se sont écoulés depuis la fusillade de Pulse. Le changement n’est pas venu.
Il a déclaré que le projet de loi « consacrerait à perpétuité … un monument à une perte qui s’est produite là-bas et une détermination absolue que nous allons gérer cela chaque jour en solitaire et nous assurer que nous ne sommes pas en mesure de voir cela se produire de nouveau. »Le président Biden a également parlé de son fils Beau lors des deux événements, révélant que du vivant de son fils Beau, le jeune Biden voulait créer un fondation pour LGBTQ jeunesse principalement se concentrer au transgenres jeunesse.Biden a ajouté que lorsqu’il a rendu visite à Pulse immédiatement après la fusillade, il s’est demandé comment il se serait senti si, comme les familles d’autres victimes, il ne savait pas si ses propres fils – Beau ou Hunter – ou d’autres membres de la famille avaient été perdus juste après la fusillade.« Je suis fier à conduire la plus pro-LGBTQ égalité administration de notre histoire », a déclaré Joe Biden lors du deuxième événement commémorant le mois de la fierté dans la salle est de la Maison Blanche. Il a mentionné que sous son administration, 130 ambassades américaines dans le monde arborent actuellement des drapeaux de la fierté comme « un symbole de nos engagements en matière de sécurité, de dignité et d’opportunités pour tous ».Puis il a souligné les efforts de son administration pour étendre les droits civils des Américains LGBTQ, notamment en veillant à ce que l’orientation sexuelle et l’identité de genre soient couvertes par la loi anti-discrimination existante.Néanmoins, Biden a mentionné le fait que plus de la moitié des États ici manquent encore de protections explicites contre la discrimination LGBTQ. Il a appelé le Sénat à adopter la loi sur l’égalité, affirmant qu’elle renforcerait également les civil droits protections pour gens de Foi, gens de couleur et gens avec handicapées. Biden a également dénoncé de nombreux projets de loi anti-LGBTQ présentés par les républicains dans les législatures des États. Il a qualifié les projets de loi de « lois les plus laides et anti-américaines » et de « brimades déguisées en législation ».Biden a ensuite annoncé sa récente nomination de Jessica Stern en tant qu’envoyée spéciale des États-Unis pour faire avancer les droits humains des personnes LGBTQI+. Il a qualifié le rôle de Stern de partie importante des efforts de son administration pour promouvoir et protéger les droits de l’homme à l’étranger.Dans les commentaires du secrétaire Buttigieg dans la salle Est, il se souvient avoir vu le visage de la victime de crimes haineux Matthew Shepard à la télévision alors qu’il était adolescent. Buttigieg a appris peu de temps après qu’être LGBTQ pouvait coûter la vie à quelqu’un et l’empêcher également de servir dans l’armée ou le gouvernement fédéral.Il a dit que lui, et tant d’autres avant lui, ont dû choisir « entre le service et l’amour, entre le devoir et moi-même, tout mon moi ».« Le simple fait d’être ici prouve à quel point le changement est possible en Amérique », a déclaré Buttigieg. « Tant de vies ont été changées, sauvées par le plaidoyer soutenu, la détermination morale, le courage politique d’innombrables dirigeants et alliés LGBTQ+, certains élus, certains invisibles, certains disparus depuis longtemps, certains dans cette salle en ce moment. »Mais malgré les progrès, Buttigieg a déclaré que des «actes de violence choquants» comme Pulse et les projets de loi anti-transgenres dans de nombreux États menacent de faire reculer les droits des LGBTQ. Il a félicité la communauté pour avoir combattu la violence anti-LGBTQ au pays et dans le monde, en particulier la violence dirigée contre les femmes transgenres de couleur.« C’est une question de vie ou de mort, et soutenir et célébrer notre communauté LGBTQ+ est une question de compassion et de décence, et c’est une question de caractère national portant sur la question de savoir si cela peut vraiment être un pays de liberté et de justice pour tous , » il ajouta.Au cours de la commémoration du mois de la fierté, Ashton Mota, un adolescent trans de 16 ans afro-latino de Lowell, Massachusetts, a également parlé de l’importance vitale des familles soutenant leurs enfants transgenres.« C’est simple : lorsque les enfants sont aimés, nous nous épanouissons grâce à l’amour », a déclaré Mota.« Nous sommes de futurs ingénieurs logiciels, enseignants, élus et acteurs du changement. Ce sont les histoires que nous racontons que la plupart des gens n’ont jamais rencontré quelqu’un qui est transgenre. Lorsqu’ils nous rencontrent, nous voient et entendent nos histoires, ils se rendent compte que nous sommes comme tous les autres jeunes.Lors de la signature du projet de loi du mémorial Pulse et de la commémoration de la fierté, Biden a été rejoint par la première dame, le Dr Jill Biden, des survivants de la fusillade de Pulse, des membres de la famille des victimes et des membres de la délégation du Congrès de Floride.Biden a également été rejoint par la secrétaire adjointe à la Santé, le Dr Rachel Levine, la toute première personne transgenre confirmée par le Sénat; le lieutenant-colonel Bree Fram, l’un des militaires ouvertement trans les plus hauts gradés ; Les dirigeants d’organisations LGBTQ tels que le président de la campagne pour les droits de l’homme David Alphonso, la PDG de GLAAD Sarah Kate Ellis et le directeur exécutif de PFLAG Brian Bond ; et les membres du Caucus pour l’égalité du Congrès, y compris les membres du Congrès, la sénatrice Tammy Baldwin (D-WI), le représentant David Cicilline (D-RI) et d’autres.La résolution de transformer le mémorial Pulse en monument national a été adoptée à l’unanimité dans les deux chambres du Congrès en mai et juin de cette année. La résolution a été présentée par le sénateur Rick Scott (R-FL). Scott a été gouverneur de Floride lorsque la fusillade a eu lieu.« Cela donnera à ce terrain sacré la reconnaissance fédérale qu’il mérite, en particulier pour ceux qui ont tout perdu », a déclaré le représentant Darren Soto (D-FL) lors du dépôt initial du projet de loi en 2019. « Cela donnera à ce terrain sacré la reconnaissance fédérale il mérite, surtout pour ceux qui ont tout perdu.La fusillade à Pulse le 12 juin 2016 a fait 49 morts et 53 autres blessés parmi les clients du club LGBTQ avant que la police ne tire sur le tireur. C’était la fusillade de masse la plus meurtrière en Amérique à l’époque.Au cours des cinq années précédentes, le Sénat a refusé d’adopter une résolution alors qu’il était sous le contrôle du chef de la majorité de l’époque, Mitch McConnell (R-KY). La résolution que Biden a signée aujourd’hui indiquait qu’aucun fonds fédéral ne serait utilisé pour entretenir le monument.
Voir de plus:

Biden fait de la défense des minorités sexuelles un axe fort de sa diplomatie

Joe Biden, qui a promis une politique étrangère porteuse des « valeurs démocratiques » de l’Amérique, a érigé la défense des droits des minorités sexuelles dans le monde en priorité, plus que tout autre président des Etats-Unis avant lui, et en rupture avec Donald Trump.

Le démocrate a relancé une initiative prise en 2011 par Barack Obama pour « promouvoir les droits humains des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres, queer et intersexes (LGBTQI) à travers le monde ».

Dans son premier discours de politique étrangère, le président Biden a demandé jeudi aux agences américaines présentes à l’étranger de présenter dans les 180 jours un plan d’action pour en faire un axe fort de leurs interventions.

« Tous les êtres humains doivent être traités avec respect et dignité et doivent pouvoir vivre sans avoir peur, peu importe qui ils sont et qui ils aiment », a-t-il écrit dans un memorandum présidentiel dévoilé le même jour.

Tout en annonçant une hausse spectaculaire du nombre de réfugiés qui seront accueillis aux Etats-Unis, après un tour de vis tout aussi drastique sous l’ère Trump, Joe Biden a notamment promis de « protéger les demandeurs d’asile LGBTQ ».

Il a demandé à son gouvernement de combattre les lois discriminatoires à l’étranger.

– Emissaire spécial –

Un émissaire spécial va être nommé pour « renforcer encore l’attention sur ces questions », a déclaré à l’AFP un haut responsable du département d’Etat.

Au-delà des intentions, la diplomatie américaine version Biden a déjà commencé à adresser ses premières mises en garde. Le département d’Etat, par la voix de son premier porte-parole ouvertement gay Ned Price, a critiqué durement la Turquie après des attaques verbales du président Recep Tayyip Erdogan contre les minorités sexuelles.

Les militants LGBT se réjouissent de ce tournant.

« Que le président Biden publie ce memorandum présidentiel très complet aussi tôt en début de mandat, cela montre clairement qu’il s’agit d’une priorité politique pour lui », estime Jessica Stern, du groupe de pression OutRight Action International.

Elle dit espérer que l’Etat américain, à l’instar de plusieurs pays européens, augmente ses financements pour les organisations non gouvernementales.

Mais elle prévient que le soutien américain, pour obtenir des résultats sur le terrain, devra parfois se faire discret.

« Une des manières les plus efficaces et constantes pour discréditer les personnes LGBTQI et notre mouvement, c’est de les accuser d’être des produits des Occidentaux et d’une forme de colonisation, en pointant le financement par des donateurs étrangers », met en garde Jessica Stern.

« Notre maître-mot, c’est toujours d’écouter les militants sur le terrain et de travailler avec eux sur ces sujets pour avoir leur avis sur comment avancer », a répondu le haut responsable du département d’Etat, promettant une approche au cas par cas.

– Pompeo et les droits « inaliénables » –

Les leçons des années Obama peuvent être utiles à l’administration Biden.

L’ex-président démocrate avait coupé l’aide ou annulé le statut commercial préférentiel de l’Ouganda et de la Gambie en riposte à des lois punissant l’homosexualité de peines de prison. Mais cette ligne dure avait aussi poussé d’autres pays, comme le Nigeria, à adopter leurs propres lois draconiennes.

Pour autant, les progrès sont sensibles, bien que lents. Les relations homosexuelles sont désormais légales dans près des deux-tiers des pays, et 28 d’entre eux autorisent le mariage entre personnes du même sexe, selon l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association.

Phillip Ayoub, professeur à l’Occidental College, en Californie, estime qu’il faut laisser les militants locaux décider de comment mener leur combat.

« Certains diront qu’il est trop tôt pour sortir totalement de l’ombre car cela risque d’accroître la violence vers leur communauté », explique ce chercheur. « Ce genre de politique étrangère ne peut être imposée par le haut. Cela doit être fait avec précaution, en partenariat avec la société civile de chaque pays. »

Non seulement Donald Trump n’avait pas défendu cette cause, mais il est même revenu sur plusieurs droits acquis des personnes trans aux Etats-Unis.

Son secrétaire d’Etat Mike Pompeo était un fervent chrétien évangélique qui n’a jamais caché son opposition au mariage gay et à qui ses détracteurs ont reproché des déclarations passées assimilant l’homosexualité à une « perversion ».

Il a limité les visas pour l’entrée aux Etats-Unis des partenaires de diplomates étrangers homosexuels et interdit aux ambassades américaines d’arborer le drapeau arc-en-ciel les jours de « Gay Pride », ou Marche des fiertés.

Cet ultraconservateur a aussi mis l’accent sur la défense des « droits inaliénables », une formule controversée dénoncée par de nombreuses associations comme une manière de restreindre le champ des droits humains en s’appuyant sur une interprétation religieuse, au détriment notamment des droits des minorités sexuelles.

Voir encore:

The uprising at the Stonewall Inn in June, 1969, sparked a liberation movement — a call to action that continues to inspire us to live up to our Nation’s promise of equality, liberty, and justice for all.  Pride is a time to recall the trials the Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, and Queer (LGBTQ+) community has endured and to rejoice in the triumphs of trailblazing individuals who have bravely fought — and continue to fight — for full equality.  Pride is both a jubilant communal celebration of visibility and a personal celebration of self-worth and dignity.  This Pride Month, we recognize the valuable contributions of LGBTQ+ individuals across America, and we reaffirm our commitment to standing in solidarity with LGBTQ+ Americans in their ongoing struggle against discrimination and injustice.

The LGBTQ+ community in America has achieved remarkable progress since Stonewall.  Historic Supreme Court rulings in recent years have struck down regressive laws, affirmed the right to marriage equality, and secured workplace protections for LGBTQ+ individuals in every State and Territory.  The Matthew Shepard and James Byrd, Jr. Hate Crimes Prevention Act broadened the definition of hate crimes to include crimes motivated by sexual orientation or gender identity.  Members of the LGBTQ+ community now serve in nearly every level of public office — in city halls and State capitals, Governors’ mansions and the halls of the Congress, and throughout my Administration.  Nearly 14 percent of my 1,500 agency appointees identify as LGBTQ+, and I am particularly honored by the service of Transportation Secretary Pete Buttigieg, the first openly LGBTQ+ person to serve in the Cabinet, and Assistant Health Secretary Dr. Rachel Levine, the first openly transgender person to be confirmed by the Senate.

For all of our progress, there are many States in which LGBTQ+ individuals still lack protections for fundamental rights and dignity in hospitals, schools, public accommodations, and other spaces.  Our Nation continues to witness a tragic spike in violence against transgender women of color.  LGBTQ+ individuals — especially youth who defy sex or gender norms — face bullying and harassment in educational settings and are at a disproportionate risk of self-harm and death by suicide.  Some States have chosen to actively target transgender youth through discriminatory bills that defy our Nation’s values of inclusivity and freedom for all.

Our Nation also continues to face tragic levels of violence against transgender people, especially transgender women of color.  And we are still haunted by tragedies such as the Pulse Nightclub shooting in Orlando.  Ending violence and discrimination against the LGBTQ+ community demands our continued focus and diligence.  As President, I am committed to defending the rights of all LGBTQ+ individuals.

My Administration is taking historic actions to finally deliver full equality for LGBTQ+ families.  On my first day in office, I signed an Executive Order charging Federal agencies to fully enforce all Federal laws that prohibit discrimination on the basis of gender identity or sexual orientation.  As a result, the Federal Government has taken steps to prevent discrimination against LGBTQ+ people in employment, health care, housing, lending, and education.  I also signed an Executive Order affirming all qualified Americans will be able to serve in the Armed Forces of the United States — including patriotic transgender Americans who can once again proudly and openly serve their Nation in uniform — and a National Security Memorandum that commits to supporting LGBTQ+ Federal employees serving overseas.  My Administration is also working to promote and protect LGBTQ+ human rights abroad.  LGBTQ+ rights are human rights, which is why my Administration has reaffirmed America’s commitment to supporting those on the front lines of the equality and democracy movements around the world, often at great risk.  We see you, we support you, and we are inspired by your courage to accept nothing less than full equality.

While I am proud of the progress my Administration has made in advancing protections for the LGBTQ+ community, I will not rest until full equality for LGBTQ+ Americans is finally achieved and codified into law.  That is why I continue to call on the Congress to pass the Equality Act, which will ensure civil rights protections for LGBTQ+ people and families across our country.  And that is why we must recognize emerging challenges, like the fact that many LGBTQ+ seniors, who faced discrimination and oppression throughout their lives, are isolated and need support and elder care.

During LGBTQ+ Pride Month, we recognize the resilience and determination of the many individuals who are fighting to live freely and authentically.  In doing so, they are opening hearts and minds, and laying the foundation for a more just and equitable America.  This Pride Month, we affirm our obligation to uphold the dignity of all people, and dedicate ourselves to protecting the most vulnerable among us.

NOW, THEREFORE, I, JOSEPH R. BIDEN JR., President of the United States of America, by virtue of the authority vested in me by the Constitution and the laws of the United States, do hereby proclaim June 2021 as Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, and Queer Pride Month.  I call upon the people of the United States to recognize the achievements of the LGBTQ+ community, to celebrate the great diversity of the American people, and to wave their flags of pride high.

IN WITNESS WHEREOF, I have hereunto set my hand this first day of June, in the year of our Lord two thousand twenty-one, and of the Independence of the United States of America the two hundred and forty-fifth.

JOSEPH R. BIDEN JR.

East Room

2:39 P.M. EDT

THE PRESIDENT:  Well, my name is Joe Biden.  I’m Jill Biden’s husband.  (Laughter.)

Ashton, thank you.  You seemed awfully comfortable up here.  (Laughter and applause.)  You were awfully comfortable up here.  I don’t know.  I — I’m not sure I’ll be around, but, you know — (laughter) — if you’re here, just don’t pretend you don’t know me.  Okay?  (Laughter.)

Your story, your leadership, and your mom is an inspiration.  (Applause.)  Your mom.  If my mother were here, she’d look at you and say, “Honey, God love you, dear.”  God love you — what you do, what you did, what you continue to do.

I want to thank Secretary — well, first of all, I want to say to Chasten: Belated happy birthday, Chasten. (Applause.)  If you could hear us inside, we were singing happy birthday to him.  We got a bunch of cupcakes, but not enough for everybody.  (Laughter.)  But — and, Mr. Secretary, thank you.  You are — you’re the best, man.

Look, our presence here this afternoon makes a simple, strong statement: Pride is back at the White House.  (Applause.)

For this community and for our nation and for the world, Pride Month represents so much.  It stands for courage — the courage of all those in previous generations and today who proudly live their truth.

It stands for justice: both the steps we’ve taken and the steps we need to take.

And above all, Pride Month stands for love — you know, being able to love yourself, love whomever you love, and love this country enough to make it more fair and more free and more just.

You know, during the campaign, Tim Gill and Scott Miller — and Tim — one of them is here today, I don’t want to embarrass him; he always gets mad when I do that — (laughter) — brought me and Jill to visit the Stonewall Inn.  I wanted to go, and they wanted — they offered to take me.  We wanted to pay tribute to that hallowed ground that represents the the fight to ensure that all people are treated with dignity and respect.

Just a few minutes ago, surrounded by the survivors of family members who were — we’ve lost, I signed a bill consecrating another piece of hallowed ground: the Pulse nightclub.  And I want to thank all of the members of the United States House of Representatives and the United States Senate for standing up and making sure that will never be forgotten.  Never be forgotten.  The site of the deadliest attack affecting the LBT- — LGBTQ+ community in American history.  It’s now a national memorial.

This month, on the way to the office, I walk through — from my — from the Residence to the Oval Office every morning — I walk through a hallway lit with rainbow colors of Pride, which you’ll have a chance to see in just a few minutes.  You’ll see a candle carried during the AIDS vigil in the early ’90s by a pair — and a pair of sandals belonging to Matthew Shepard.

They’re reminders of how much this community has suffered and lost.  But they’re also reminders of this community’s incredible resiliency, the incredible contributions, the incred- — including, we just saw, the National Football League and the National Women’s Soccer League.

All of you here — Henry Muñoz and Kyle — good to see you, man — (laughter).  I had the — I had the opportunity to officiate at their wedding.  (Laughter and applause.)

And Representative Malcolm Kenyatta — where are you, Malcolm?   You’re around here some — (applause) — good to see you, man.  And Dr. Matt Miller — they stole the show at the Democratic Convention.  (Laughter.)

And my friend, Sarah McBride — where is Sarah?  (Applause.)  Sarah?  Sarah worked closely with my son, Beau, when he was Attorney General of the State of Delaware; and is now serving Delaware, as well, as one of the first openly transgender state legislators in history.  Senator.  (Applause.)

You just heard from our history-making Secretary of Transportation.

And we have today the first openly transgender person ever confirmed to the U.S. Senate — you just met her — Dr. Levine.  (Applause.)

Representation matters.  Recognition matters.  But there’s something else that matters: Results.  Results.

I am proud to lead the most pro-LGBTQ equality administration in U.S. history.  And even on the very — my very first day in office, the first executive order I signed was to change the whole of the federal government to commit to work aggressively to root out discrimination against LBT- — LGBTQ+ people and their families.  That was the first executive order.

I ordered our agencies — every agency — to rapidly implement the Supreme Court’s ruling in Bostock, which affirmed that civil rights protections on the basis of sex apply to sexual orientation and gender identity.

And as a result of that executive order, the Department of Housing and Urban Affairs [Development] announced that it would be — take steps to protect LGBTQ+ people from discrimination in housing, and ensured critical protections for transgender Americans experiencing homelessness.

The Consumer Financial Protection Bureau announced it would work to combat discrimination against LGBTQ+ people in credit and lending.  The Department of Health and Human Services announced it would protect against discrimination in healthcare services.

And just last week, the Department of Education made clear that Title IX protections apply to sexual orientation and gender identity — (applause) — and prohibit discrimination against LGBTQ students in our nation’s schools.

And a moment ago, I signed an executive order to advance diversity, equality, and inclusion, and accessibility across the entire federal workforce.  The order directs the entire federal government to eliminate barriers so people from every background and walk of life have an equal opportunity to serve our nation, including LGBTQ+ folks and all employees in underserved communities.

Look, I also was proud to rescind the discriminatory and un-American ban on openly transgender servicemembers.  Today, we’re joined by Lieutenant Colonel Bree Fram.  Bree, Colonel — (applause) — thank you.  One of the highest-ranking openly transgender servicemembers in the United States Military.  Lieutenant Colonel Fram, thank you for your service to our nation.  We owe you.  Thank you.  (Applause.)

And everyone who has served — everyone deserves the absolute high quality of healthcare.  That’s why I was so pleased that, last week, Secretary McDonough announced the Department of Veterans Affairs is beginning the process to provide more comprehensive gender-affirming care to our nation’s transgen- — for our nation’s transgender veterans.

We’re also making equality the centerpiece of our diplomacy around the world.  We believe LGBTQ+ rights are human rights.

In February, I signed a presidential memorandum establishing that it’s the policy of the United States to pursue an end to violence and discrimination on the basis of sexual orientation or gender identity.

This month, Pride flags are flying — as some of my friends in our last admin- — in the Obama-Biden administration who are openly gay — they are flying in more than — over 130 U.S. embassies around the world.  (Applause.)  A powerful — a powerful symbol of our commitment to safety, dignity, and opportunity for all.

And today, I’m proud to announce that Jessica Stern, who many of you know as an LGBT special — -Q+ special envoy at the State Department.

And yes, we’re also making progress, but I know we still have a long way to go, a lot of work to do.  But we must protect the gains we’ve made and fend off the cruel and unconscionable attacks we’re seeing now to ensure that everyone enjoys the full promise of equality and dignity and protection.

When I was Vice President, I was proud — although, some — it won’t surprise some people in the administration at the moment — (laughter) — and, by the way, I did tell the President that I would not go out and proselytize, but if I was asked, I would not remain quiet.  (Laughter.)  The President — I was proud to have called for marriage equality, along with Barack Obama, because, at the time, I said, “Love is love, period.”

Six year ago, tomorrow, when the Supreme Court ruled in favor of marriage equality, we’re all reminded of the White House lit up in rainbow colors.  Shortly thereafter, I went to New York to celebrate with my friend Evan Wolfson and a team from — at Freedom to Marry.  The joy was palpable.

But we knew then, as we know now, that our work is unfinished.   When a same-sex couple can be married in the morning but denied a lease in the afternoon for being gay, something is still wrong.

Over half of our states — in over half of our states, LGBTQ+ Americans still lack explicit state-level civil rights protections to shield them from discrimination.

As I said as a presidential candidate and in my first joint address to Congress, it’s time for the United States Senate to pass the Equality Act and put the legislation on my desk.  (Applause.)  Put it on my desk.

Harvey Milk was right when he said, quote, “It takes no compromise to give people their rights.”  It takes no compromise to give people their rights.

And, by the way, this bill doesn’t just protect LGBTQ+ people.  It’s also going to strengthen existing civil rights protections for people of faith, people of color, people with disabilities, women — in public accommodations, like doctors’ offices, parks, and gyms.

I want to thank the leaders of the Congressional Equity [Equality] Caucus for their continued work to make it happen.

The Equality Act will also help protect against the disturbing proliferation of anti-LGBTQ bills we’re seeing in state legislatures.

So far this year, hundreds of anti-LGBTQ bills have been introduced in state legislatures.  More than a dozen of them have already passed — more than a dozen of them.  These are some of the ugliest, most un-American laws I’ve seen, and I’ve been here awhile.  Many of them target transgender children, seeking to prevent them from receiving the appropriate medical care; for using the bathroom at high schools while they’re — the one where they’ll be most safe; even preventing them from joining sports teams with their classmates.

Let’s be clear: This is nothing more than bullying disguised as legislation.  (Applause.)

As I’ve said before, many times, transgender kids are some of the bravest people in the world.  I mean it sincerely.  You just saw it with Ashton, and you’ll see it with several other young people here.  It takes courage to be true to your authentic self and to face — in the face of the — these kinds of discrimination you know exist.  It takes a toll.

We know more than half of transgender youth seriously considered suicide just in the past year.  These young people aren’t hurting anyone, but these laws are hurting them.  And they’ve got to stop.

Our deceased son, Beau — when he was Delaware’s Attorney General — was one of the first AGs in the country to call for legislation to establish legal protections on the basis of gender identity to protect — to protect trans people — trans people.

And now, the Department of Justice has filed statements of interest in cases challenging two of these — those bills that got passed — explaining why they’re so unconstitutional.

So, we have to work.  We have to work to do so much in these areas to support seniors, aging in isolation without support; to confront disproportionate levels of homelessness and poverty and unemployment in the LGBTQ community; to address the — the epidemic level of violence against transgender people, especially transgender women — it’s been mentioned before — women of color — in the coming days, my administration is going to have more to say about that; and to finally eradicate the AIDS epidemic.  (Applause.)

I’m not sure I’m allowed to talk about this — (laughter) — but our son, Beau, who was a decorated war veteran and attorney general of the United — of the state of Delaware and should be standing here instead of me, came home from war after a year in Iraq and, before that, six months in Kosovo.  And what he did — he decided he was going to set up a foundation for LGBTQ youth, but primarily focusing on transgender youth.

And he took all the money left from the campaign — he was going to run for governor — and put it in and a lot more.  Because in his working with everyone from YMCAs to all the — all the — all the areas where young people can find some solace — his buddy Chris Coons and my buddy Senator Coons knows what he’s done.

The point is: A lot of transgender youth — those who commit suicide — based on the studies his foundation has done, do it because their mom doesn’t understand, because mom or dad says, “You can’t be here anymore” — are rejected.

So, folks, we got a lot of work to do.  A lot of it’s basically public education.

Let me close with this: When you go downstairs, you’ll see some of the Smithsonian exhibit.  You get a sense of the long, long journey — and how long it’s been, and how far we’ve come — have you come.  But how much further we have to go.

So, this afternoon, we celebrate.  But tomorrow, we go back to work.  Progress won’t come easily; it never has.  But we’re going to stand strong, stand together.  And I promise you, we will succeed.  I promise you.

I said to folks earlier, you know things are — why — why — I always get asked by the press, “Why are you so optimistic, Biden?”  Well, as my neurosurgeon once said, I’m probably a congenital optimist.  But beyond that — (laughter) — it’s a simple proposition.

Look at the young people: straight and gay, doesn’t matter.  They’re the least prejudiced — this generation — the most open, the most giving, and the best educated generation in history.  It’s a fact.  In all of history.

And look where they are.  Look how it’s changing.  It’s changing in ways that — in my generation, 270 years ago — (laughter) — you’d get beat up for defending somebody.

But really and truly, there’s a great reason for hope.  And so much talent — so much talent can be unleashed by embracing the LGBT+ community — -Q+ community.

So I want to thank you and say: Happy Pride.

May God bless you all.  And may God protect our troops.  Thank you.  (Applause.)

Voir également:

A pedestrian crosses Christopher Street Thursday, June 27, 2019, in New York. Two LGBT pride parades this Sunday, June 30, cap a month of events marking the 50th anniversary of the Stonewall uprising, when patrons of a Greenwich Village gay bar fought back against a police raid and sparked a new era

Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Le 1er juin 2021
Communiqué de presse

Cette année, pendant le Mois des fiertés, nous célébrons un message important : « Vous êtes inclus. »  Les diverses expériences, perspectives et contributions de la communauté du département d’État rendent notre institution plus forte et font progresser les objectifs de la diplomatie américaine.  De plusieurs, nous sommes un.

Le département s’est engagé à accroître l’engagement des États-Unis sur les questions des droits humains des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et intersexes (LGBTQI+) à l’étranger.  Pour ce faire, nous travaillons avec des partenaires du monde entier qui apportent leur expertise sur leurs défis uniques et des solutions innovantes. Nous reconnaissons que, grâce à ces partenariats, nous serons en mesure de construire une société mondiale plus sûre et plus inclusive pour toutes les personnes LGBTQI+. Nous nous efforçons également d’accroître la visibilité des communautés LGBTQI+ particulièrement marginalisées, notamment les femmes et les filles, les minorités raciales et religieuses, les personnes handicapées et les personnes transgenres, de genre différent et intersexuées, et de relever les défis considérables auxquels elles sont confrontées.

Alors que nous célébrons le Mois des fiertés en juin, observons non seulement le chemin parcouru dans la lutte pour les droits humains des personnes LGBTQI+, mais reconnaissons également les défis qui restent à relever.  Les personnes LGBTQI+ du monde entier continuent de subir des discriminations, des violences et d’autres formes de persécution en raison de ce qu’elles sont et de qui elles aiment.  Bien que nous ayons encore du travail à faire, le département est fier d’être un leader grâce au pouvoir de l’exemple, et notamment l’exemple donné par les membres LGBTQI+ de notre personnel, dans la promotion des droits humains pour toutes les personnes.

Nous sommes fièrement différents du point de vue de notre identité mais unis dans notre engagement commun pour la liberté et la dignité de toutes les personnes.

Voir de même:

Jean-Louis Bourlanges: « Le lâchage de Kaboul signe la contradiction entre l’ambition et la fatigue américaines »

ENTRETIEN – La victoire spectaculaire des talibans et le retrait des États-Unis d’une partie du monde ont des conséquences, très graves pour l’Union européenne, explique le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale*.

LE FIGARO. – La chute de Kaboul prend le monde occidental au dépourvu. N’assistons-nous pas, cependant, à la réalisation d’un désastre annoncé?

Jean-Louis BOURLANGES. – Ce qui déroute les esprits, ce n’est pas tant la victoire politique des talibans que la rapidité inouïe du retournement, la liquéfaction en quelques jours, par quelques milliers d’irréguliers, d’une force politique et militaire construite en vingt ans à coups de millions de dollars par la première puissance du monde. Les États-Unis vont être paradoxalement tentés de justifier leur désengagement par leur échec et c’est un fait qu’un effondrement si soudain et si complet semble montrer que, en dehors d’eux, il n’y avait pas grand-chose à opposer aux talibans. Il reste qu’une débâcle aussi brutale n’avait été en aucune façon anticipée. Le président Biden n’affirmait-il pas encore début juillet comme «hautement improbable l’hypothèse que les talibans s’emparent de l’ensemble du pays»?

Notre sidération vient toutefois de plus loin. Elle tient au fait que ce que nous appelons le camp de la liberté et de la démocratie s’est, en dépit de sa puissance et de sa supériorité apparentes, révélé incapable de produire les solutions politiques et militaires adaptées à la situation. En apparence, les talibans, ce n’est pas grand-chose comparé à l’Empire soviétique, mais nous semblons ne plus avoir aujourd’hui la bonne grammaire pour parler à l’histoire!

Comment la première puissance du monde s’est-elle ainsi fait prendre au piège tendu par les talibans?

Il y a bien sûr les errements catastrophiques de la présidence Trump. Si tout cela n’était pas si tragique, il y aurait quelque chose de risible à voir Donald Trump demander la démission de son successeur, alors qu’il a lui-même conclu à Doha avec les talibans le pire des accords, un accord par lequel les Américains faisaient sans délai toutes les concessions – comme de libérer sur parole 5000 combattants, immédiatement réembrigadés – tandis que les concessions supposées des talibans étaient soumises au préalable du départ américain. Trump avait même envisagé d’inviter à Camp David ces dignes héritiers d’al-Qaida et de Daesh: pourquoi pas un 11 septembre, par exemple!

Le problème est toutefois plus fondamental. Le retrait d’Afghanistan a été voulu par Biden et par Trump, mais aussi par Obama. Le retour des boys après tant d’aventures militaires coûteuses et décevantes au cours des soixante dernières années est devenu un impératif catégorique dans l’opinion américaine et dément spectaculairement la volonté proclamée par Biden – «America is back» – de voir les États-Unis s’investir à nouveau pleinement dans ce qui est parfois présenté comme une nouvelle guerre froide, cette fois-ci contre la Chine. Le lâchage de Kaboul signe la contradiction entre l’ambition et la fatigue américaines. Les Américains donnent le sentiment de pouvoir encore se battre pour leurs intérêts, mais pas, semble-t-il, pour leurs valeurs.

Le crédit des États-Unis dans le monde va-t-il être affecté par ce fiasco?

Oui, bien sûr. Les Chinois ne manqueront pas de se gausser du nouveau tigre de papier et les États de l’Indo-Pacifique, déjà tiraillés entre l’amitié américaine et la proximité massive et incontournable de la Chine, vont douter un peu plus des États-Unis. À court terme, la Chine devrait sans doute être prudente et y regarder à deux fois avant, par exemple, de tenter un coup de main sur Taïwan, car la réaction d’une Amérique humiliée ne pourrait être que brutale, mais la crédibilité des États-Unis dans le bras de fer avec Pékin en sort inévitablement amoindrie. D’autant que la société américaine n’a jamais été aussi divisée sur ses valeurs, donc sur ses ambitions.

Ce que le monde a touché du doigt dans la plus grande stupeur, c’est la vertigineuse inutilité de la supériorité militaire. Par les temps qui courent, il importe moins d’être aimé que d’être craint, or c’est moins l’image de la trahison que celle de l’impuissance que nous renvoie aujourd’hui l’Amérique. On est tenté de dire, paraphrasant Jacques Brel: on a voulu voir Truman et on a vu Carter!

La France a-t-elle des leçons à tirer de la victoire des talibans en ce qui concerne son engagement militaire au Sahel?

Le parallèle a ses limites. Les situations sont très différentes, même si les États africains ont leur fragilité. Il reste que, le Sahel, c’était notre part du travail et que nous aussi nous tentons d’aider des sociétés vulnérables à faire face à la subversion islamo-terroriste et au crime organisé. Nous le faisons d’ailleurs en bonne intelligence avec les Américains.

Les initiatives qui ont été prises ces derniers mois par le président Macron – le redimensionnement de notre effort militaire et la responsabilisation politique des États de la zone – ont cependant pour objet précis de nous épargner le piège du tout ou rien qui a «naufragé» l’action américaine en Afghanistan. En remettant en cause Barkhane, une opération devenue trop lourde, trop coûteuse et trop unilatérale, sans pour autant quitter le théâtre des opérations, nous adressons à nos amis africains un message clair, mesuré et responsable: nous nous battrons avec vous, mais pas à votre place.

Par ailleurs, nous nous efforçons d’associer à l’action nos partenaires européens, car le sort du Sahel n’est ni l’affaire de la seule France ni même celle de la seule Europe du Sud. Nous avons sur ce point la satisfaction d’être mieux entendus que naguère. Nous ne nous faisons toutefois aucune illusion: rien n’est joué.

L’Union européenne ne va-t-elle pas subir le contrecoup du désastre afghan, notamment sous la forme d’une nouvelle vague de demandeurs d’asile?

C’est l’évidence. Nous sommes les voisins du désastre: ce sont les Américains qui jouent, mais ce sont les Européens qui paient les dettes de jeu. L’évanouissement de la puissance américaine a trois conséquences précises: il libère des flots de candidats à l’émigration, dont l’Europe sera la destination privilégiée ; avec la culture systématique du pavot, il offre au crime organisé les moyens de relancer massivement chez nous la consommation de drogue ; il offre enfin au terrorisme international la base territoriale arrière qu’il a perdue depuis la fin de Daesh. Il est à cet égard un peu dérisoire d’entendre Anthony Blinken nous expliquer que les Américains ont «fait le job» puisque al-Qaida a été puni et que Ben Laden n’est plus!

Nous n’avons cependant qu’à nous en prendre à nous-mêmes de ce qui nous arrive, car nous payons le prix de notre nanisme politique. La montée en puissance de la Chine et le pivotement des Américains vers l’Indo-Pacifique créent, du cercle polaire au sud de l’Afrique, une verticale du vide que l’Europe, amorphe, apathique et fragmentée, paraît incapable d’occuper. La situation est d’autant plus pressante que nous sommes entourés de puissances inamicales et que notre «étranger proche», le Moyen-Orient et l’espace méditerranéen, est traversé par des déséquilibres politiques, religieux, démographiques et climatiques à haut risque.

La construction d’une Europe politiquement puissante est devenue, sous l’effet d’un désengagement américain partiel mais structurel, un véritable impératif catégorique. Les Européens ne peuvent plus, sans dommage, rester aux abonnés absents de la confrontation internationale.

* Agrégé de lettres, ancien élève de l’ENA et conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, Jean-Louis Bourlanges a été député européen de 1989 à 2007. Il est député MoDem des Hauts-de-Seine.

Voir de plus:

Biden’s Afghanistan Exit Raises Questions About His Foreign-Policy Record
U.S. withdrawal from Afghanistan could create a haven for terrorist groups, experts warn
The Wall Street Journal
Aug. 15, 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

During the 2020 political campaign, President Biden presented himself as a globe-trotting leader who had helmed the Senate Foreign Relations Committee, served as President Barack Obama’s point man on complex international issues and who was determined to bring a steady hand to national security.

Yet the turmoil that has engulfed Afghanistan, which has led Mr. Biden to send 5,000 troops back to the country, roughly doubling the force he decided in April to take out, has confronted the White House with a crisis that could have lasting humanitarian and national-security consequences, former officials say.

“We are not at the worst point yet,” said Carter Malkasian, the author of a comprehensive history of the Afghan conflict who served as an adviser to former Joint Chiefs of Staff Chairman Gen. Joe Dunford. “Now that the Taliban are moving into Kabul and overturning the democratic government we have been supporting for 20 years, it is highly likely they will seek to punish, and perhaps even execute, the Afghans who worked with us.”

Mr. Biden has resolutely defended his troop withdrawal decision, saying that Washington had accomplished its mission in the region by killing Osama bin Laden and depriving al Qaeda of its sanctuary in Afghanistan, and had nothing to gain by perpetuating its military deployments in the country.

“One more year, or five more years, of U.S. military presence would not have made a difference if the Afghan military cannot or will not hold its own country,” Mr. Biden said in a statement Saturday. “And an endless American presence in the middle of another country’s civil conflict was not acceptable to me.”

On Sunday, Secretary of State Antony Blinken ramped up the Biden administration’s effort to deflect criticism by alleging that former President Trump had allowed the Taliban threat to grow on his watch while boxing in his successor with his Afghan diplomacy.

“The Taliban was at its strongest position in terms of its strength since 2001 when we came into office,” Mr. Blinken said on NBC’s “Meet the Press.”

Some former officials, however, say Mr. Biden’s troop withdrawal was a blunder and that the fallout could have lasting repercussions. The cratering security, which has put the Biden administration in a race to evacuate thousands of Afghan allies, may threaten the rights of women and could provide terrorist groups with an opportunity to move into Afghanistan’s ungoverned spaces.

“I think it is damning for him to have created this situation in his first significant action as commander in chief,” said Ryan Crocker, who served as the U.S. ambassador to Afghanistan during the Obama administration and has worked under Democratic as well as Republican presidents. “It’s an unforced error, and as an American I am deeply concerned.”

So far, public opinion polls show that a plurality of Americans favor Mr. Biden’s position. Yet they also indicate that many people have paid little attention in recent years to Afghanistan and that attitudes could shift depending on how events unfold after the last of the U.S. forces are gone.

In a September poll by the research organization NORC at the University of Chicago, 38% supported removing all American forces after being reminded of how many U.S. service personnel had died in the nearly 20-year-old conflict—about 2,400. Some 57% acknowledged, however, that they hadn’t been closely following news about the U.S. role in the country.

“Americans may have supported a withdrawal from Afghanistan, but views could change if we start to see the Taliban beating women in the streets, preventing girls from going to school, and otherwise dealing brutally with the population as they did in the 1990s, or if we see the re-emergence of a terrorist hotbed, including the arrival of foreign terrorist fighters,” said Lisa Curtis, who served as the top National Security Council official for South and Central Asia during the Trump administration.

Mr. Biden didn’t inherit a strong hand in Afghanistan. In February 2020, the Trump administration concluded an agreement with the Taliban that called for all foreign troops to leave by May 2021. Eager to wind down the U.S. military presence, former President Donald Trump reduced U.S. forces more quickly than the deal required.

By the time Mr. Biden took office in January, the U.S. had 2,500 troops in Afghanistan, its lowest level since 2001, which diminished Washington’s military leverage. Under the Trump administration’s pressure, the Afghan government also released 5,000 Taliban prisoners, many of whom have returned to the battlefield during the Taliban’s continuing offensive.

Still, Mr. Biden took office deeply skeptical of U.S. involvement in Afghanistan. As vice president, he argued for maintaining a modest counterterrorism force in the country instead of sending tens of thousands of troops in a surge of reinforcement.

“The Taliban, per se, is not our enemy,” Mr. Biden told Newsweek in 2011, drawing a distinction between terrorist groups that menaced the U.S. and the Taliban, which threatened the Afghan government. Mr. Biden lost the argument on sending troops during the Obama administration, but as commander in chief, he was finally in a position to call the shots.

In contrast to the numerous Trump policies he reversed, he opted to carry out Mr. Trump’s deal with the Taliban instead of trying to renegotiate it. In so doing, he overruled his top military commanders: Gen. Frank McKenzie, the commander of U.S. forces in the Middle East; Gen. Austin Scott Miller, who led NATO forces in Afghanistan; and Gen. Mark Milley, chairman of the Joint Chiefs of Staff. Citing the risks of removing American forces to Afghan security and the U.S. Embassy, they recommended that the U.S. keep 2,500 troops in Afghanistan while stepping up diplomacy to try to cement a peace agreement.

“This is really his first big decision as commander in chief,” said Eliot Cohen, a military historian and a professor at Johns Hopkins School of Advanced and International Studies. “He is unquestionably willing to stare down his advisers. This is a decision that involves a lot of blood, just not American blood. Whether it was wise or not, it was not an act of weakness. He is a hard guy, determined to follow through on his instincts, and live with the consequences.”

Those consequences, however, have come more quickly than the White House had anticipated.

The president’s decision to remove U.S. troops prompted NATO nations to withdraw their larger force, which consisted of some 9,600 troops including U.S. service members. It also led foreign contractors, whom the Afghan military depended on to maintain its aircraft, to head for the exits.

The abrupt departure of international support added to the crisis of confidence by the Afghan government’s forces. Their swift defeats happened as the U.S. struggled, so far without success, to secure access in Central Asian nations for U.S. military forces or at least contractors to more easily carry out counterterrorism operations in Afghanistan if al Qaeda or other terrorism threats emerge.

And it happened before the U.S. had evacuated tens of thousands of Afghans who had worked with the Americans and are now in danger, prompting Mr. Biden to temporarily retain 6,000 troops in Kabul to safeguard the airport and the U.S. Embassy.

The Biden administration has been at pains to dispel the impression that this is a Saigon moment, referring to the frantic American departure from South Vietnam in 1975 that came to symbolize America’s defeat. Yet while the White House insists the U.S. accomplished its main aims in Afghanistan, the speed of the Taliban’s advance has surprised the Biden administration. Just last month, Mr. Biden told reporters that “the likelihood there’s going to be the Taliban overrunning everything and owning the whole country is highly unlikely.”

The sense that events have outrun Mr. Biden’s planning has given fodder to Republican lawmakers, who have largely refrained from criticizing Mr. Trump’s handling of the issue while trying to turn Mr. Biden’s claim to foreign policy expertise into a political liability by challenging his understanding of Afghan realities.

“The folks in the administration keep pointing to the fact that the Afghan forces have the advantage in airplanes, equipment and training compared to the Taliban,” said Richard Fontaine, a former foreign-policy adviser to the late Sen. John McCain and the chief executive officer of the Center for a New American Security, a think tank. “All of that is true, but it comes down to will. And it turns out the Afghan military’s will to fight for the government was bound up in our will to remain supportive of that government and present on the ground.”

Voir encore:

Afghan abandonment a lesson for Taiwan’s DPP
Aug 16, 2021

Illustration: Liu Rui/GT

Illustration: Liu Rui/GT

The US troops’ withdrawal from Afghanistan has led to the rapid demise of the Kabul government. The world has witnessed how the US evacuated its diplomats by helicopter while Taliban soldiers crowded into the presidential palace in Kabul. This has dealt a heavy blow to the credibility and reliability of the US.

Many people cannot help but recall how the Vietnam War ended in 1975: The US abandoned its allies in South Vietnam; Saigon was taken over; then the US evacuated almost all its citizens in Saigon. And in 2019, US troops withdrew from northern Syria abruptly and abandoned their allies, the Kurds. Some historians also point out that abandoning allies to protect US interests is an inherent flaw that has been deeply rooted in the US since the founding of the country. During the American War of Independence, the US humbly begged the king of France, Louis XVI, to ally with it. After the war, it quickly made peace with Britain unilaterally and concluded a peace treaty with Britain that was detrimental to France’s interests. This put Louis XVI’s regime in a difficult position, giving cause for the French Revolution.

How Washington abandoned the Kabul regime particularly shocked some in Asia, including the island of Taiwan. Taiwan is the region that relies on the protection of the US the most in Asia, and the island’s Democratic Progressive Party (DPP) authorities have made Taiwan go further and further down this abnormal path. The situation in Afghanistan suddenly saw a radical change after the country was abandoned by the US. And Washington just left despite the worsening situation in Kabul. Is this some kind of omen of Taiwan’s future fate?

Tsai Ing-wen, who had sent a message of condolence to the US president for the death of his dog, did not mention even a word about the change in the situation in Afghanistan. Other DPP politicians as well as the media that tilt toward the DPP downplayed the shocking change as well. But they must have been nervous and feel an ominous presentiment. They must have known better in secret that the US is not reliable.

The geopolitical value of Afghanistan is no less than that of Taiwan island. Around Afghanistan, there are the US’ three biggest geopolitical rivals – China, Russia and Iran. In addition, Afghanistan is a bastion of anti-US ideology. The withdrawal of US troops from there is not because Afghanistan is unimportant. It’s because it has become too costly for Washington to have a presence in the country. Now the US wants to find a better way to use its resources to maintain its hegemony in the world.

Taiwan is probably the US’ most cost-effective ally in East Asia. There is no US military presence on the island of Taiwan. The way the US maintains the alliance with Taiwan is simple: It sells arms to Taiwan while encouraging the DPP authorities to implement anti-mainland policies through political support and manipulation. As a result, it has caused a certain degree of depletion between the two sides of the Taiwan Straits. And what Washington has to do is only to send warships and aircraft near the Straits from time to time. In general, the US does not have to spend a penny on Taiwan. Instead, it makes money through arms sales and forced pork and beef sales to the island. This is totally a profitable geopolitical deal for Washington.

Once a cross-Straits war breaks out while the mainland seizes the island with forces, the US would have to have a much greater determination than it had for Afghanistan, Syria, and Vietnam if it wants to interfere. A military intervention of the US will be a move to change the status quo in the Taiwan Straits, and this will make Washington pay a huge price rather than earn profit.

Some people on the island of Taiwan hype that the island is different from Afghanistan, and that the US wouldn’t leave them alone. Indeed, the island is different from Afghanistan. But the difference is the deeper hopelessness of a US victory if it gets itself involved in a cross-Straits war. Such a war would mean unthinkable costs for the US, in front of which the so-called special importance of Taiwan is nothing but wishful thinking of the DPP authorities and secessionist forces on the island.

In the past two decades, the Kabul government cost over 2,000 US soldiers, $2 trillion, and the majesty of the US against the « bandits. » But how many lives of US troops and how many dollars would the US sacrifice for the island of Taiwan? After all, the US acknowledges that « there is but one China and that Taiwan is part of China. » Will the US get more moral support from within and from the West if it fights for the secession of Taiwan than it did during the Afghan War?

The DPP authorities need to keep a sober head, and the secessionist forces should reserve the ability to wake up from their dreams. From what happened in Afghanistan, they should perceive that once a war breaks out in the Straits, the island’s defense will collapse in hours and the US military won’t come to help. As a result, the DPP authorities will quickly surrender, while some high-level officials may flee by plane.

The best choice for the DPP authorities is to avoid pushing the situation to that position. They need to change their course of bonding themselves to the anti-Chinese mainland chariot of the US. They should keep cross-Straits peace with political means, rather than acting as strategic pawns of the US and bear the bitter fruits of a war.

Voir aussi:

Worse Than Saigon
Ben Sasse
National Review
August 16, 2021

In yielding Afghanistan to the Taliban, Joe Biden has engineered the worst foreign-policy disaster in a generation.

While President Joe Biden cowers at Camp David, the Taliban are humiliating America. The retreat from Afghanistan is our worst foreign-policy disaster in a generation. As the Taliban marches into Kabul, they’re murdering civilians, reimposing their vicious Islamist law, and preparing to turn Afghanistan back into a bandit regime. The U.S. embassy has told Americans to shelter in place. Refugees are fleeing to the airport, begging to escape the coming bloodbath. None of this had to happen.

America is the world’s greatest superpower. We ought to act like it. But President Biden and his national-security team have failed to protect even the American embassy in Kabul. They have broken America’s promises to the men and women who long for freedom — especially those thousands of Afghans who served alongside our military and intelligence services. They are turning their backs on the women and children who are desperate for space on the remaining flights out of hell.

Gross incompetence has given the Taliban a terrible opportunity to slaughter our allies. Eighty-eight thousand of our Afghan allies have applied for visas to get out of the country, but this administration has approved just 1,200 so far. I’ve been among a bipartisan group of senators that has pushed Biden to expedite this process, but to no avail. At this point, it’s not clear how many we’ll be able to get out. Every translator and ally who stood by us is now at risk.

This bloodshed wasn’t just predictable, it was predicted. For months, Republicans and Democrats on the Senate Intelligence Committee have warned the Biden administration that this would happen. Now the administration is acting like this is a surprise. It’s shameful, dishonest spin.

America’s retreat is a major propaganda coup for the jihadists. The Taliban will claim to be a “superpower-slayer.” The Taliban helped their allies stage the 9/11 attacks almost exactly 20 years ago, and after our retreat they’ll be able to brag about humiliating us again.

Make no mistake: The Taliban will exploit every image of American retreat. Pictures of desperate Afghans perilously crowded around the unguarded airport in Kabul are painfully reminiscent of images of Saigon — images that cemented communist victory in Vietnam and showed American weakness to the world. Jihadists are flocking to the “hallowed ground” where they have just defeated the “infidels.” Afghanistan will become a sanctuary for terrorist groups all over again.

China and Russia will look to capitalize on Biden’s weakness and incompetence, too. Their message is simple: Why should Ukraine or Taiwan put any faith in the United States after seeing how Washington has abandoned its allies in Afghanistan? America’s enemies are salivating at the thought of taking advantage of the president who surrendered in the War on Terror.

The sad thing is, many in my party are trying to blame-shift as if the last administration didn’t set us on this course. Here’s the ugly truth: Neither party is serious about foreign policy. For a decade now, demagogues have lied to the American people about our mission in Afghanistan. President Trump pioneered the strategy of retreat President Biden is pursuing, to disastrous effect.

The politicians and pundits who make excuses for this shameful retreat will dishonestly claim that it was this or fighting so-called “forever wars.” They pretend that our only choices were a massive occupation or an immediate withdrawal. They ignore the reality on the ground. Their cheap talking points have led to chaos, persecution, and death.

Politicians don’t tell this truth: America didn’t have a nation-building occupation force in Afghanistan. The last time we had 100,000 troops in the country was a decade ago. We’re not waging “endless wars” in Afghanistan any more than we’re waging endless wars in South Korea, Germany, or Japan — or Kosovo, or Honduras, or any number of other nations where we have forward-deployed forces. A relatively small number of troops has successfully supported our Afghan allies by providing the backbone for intelligence and special-operations missions. Americans weren’t building empires or fighting unwinnable battles. We were defending airfields and decapitating terror organizations while keeping a light footprint. Americans have heard of some high-profile goons, such as Qasem Soleimani and Abu Bakr Al-Baghdadi. But our heroes in Afghanistan have killed a lot more Bin Laden wannabes whose names you don’t know — precisely because we killed them before they could take down a World Trade Center. We fought and won this war in Afghanistan, not on American shores. But you wouldn’t realize that from the isolationist rhetoric surrounding Biden’s choices.

It’s important to recognize the work that our special forces and intelligence operatives did after 9/11. The partnerships they built with our Afghan allies were premised on the idea that America isn’t capable of this kind of betrayal. I’ve had a dozen conversations with American intelligence officers and special operators over the past few weeks, and they’ve told me that they swore to their Afghan recruits that if they fought shoulder-to-shoulder with Americans, we’d protect their wives and children. Those promises are being broken. America is supposed to be better than this. The Biden administration is spitting in the face of all these heroes, but we owe them a debt of gratitude. The work they did mattered, and still matters.

Our troops didn’t lose this war. Politicians chose defeat. We never had to let the Taliban win, but a bipartisan doctrine of weakness has humiliated the world’s greatest superpower and handed Afghanistan to butchers. In the next few weeks, the situation in Afghanistan will get much worse. Americans need to pray for that troubled country. President Biden needs to man up, come out of hiding, and take charge of the mess he created. Secure the airfields and get as many souls out as possible. Time is short.

Voir également:

Biden to Afghanistan: Drop Dead
Biden is defiant in blaming others for his Afghan debacle.
The Wall Street Journal
Aug. 16, 2021

President Biden told the world on Monday that he doesn’t regret his decision to withdraw rapidly from Afghanistan, or even the chaotic, incompetent way the withdrawal has been executed. He is determined in retreat, defiant in surrender, and confident in the rightness of consigning the country to jihadist rule. We doubt the world will see it the same way in the days, months and years ahead.

***

Mr. Biden refused to accept responsibility for the botched withdrawal while blaming others. He blamed Donald Trump’s peace deal with the Taliban and falsely claimed again that he was trapped. He blamed his three predecessors for not getting out of Afghanistan. He blamed the Afghans for not fighting hard enough, their leaders for fleeing, and even Afghans who helped us for not leaving sooner. The one group he conspicuously did not blame was the Taliban, who once harbored Osama bin Laden and may protect his terrorist successor.

The President made glancing reference to the horrible scenes unfolding in Kabul and especially at the airport, though again without addressing the mistakes that led to them. Had the U.S. not given up the air base at Bagram, now controlled by the Taliban, the U.S. would not now have to fight to control Kabul’s commercial airfield.

The chaotic scenes at the airport, with Afghans hanging from a U.S. military plane and two falling from the sky to their deaths, will be the indelible images of this debacle. They are the echo of 9/11, with people falling from the sky, that Mr. Biden didn’t anticipate when he chose the 20th anniversary of 9/11 as his withdrawal deadline.

Instead of taking responsibility, Mr. Biden played to the sentiment of Americans who are tired of foreign military missions. It’s a powerful point to speak of sending a child to risk his life in a foreign country, and no doubt it will resonate with many Americans. It is a question that every President should ask.

But the President was dishonest in framing the U.S. mission merely as fighting in another country’s “civil war.” The U.S. didn’t remain in Afghanistan for 20 years to send women to school or to “nation build.” The core mission was to prevent the country from again becoming a terrorist safe haven. The Taliban’s victory will now attract thousands of young jihadists from around the world, and they will have Americans and the U.S. homeland in their sights.

Mr. Biden said he would maintain a “counterterrorism over-the-horizon capability” to strike camps in Afghanistan, but that will be much harder from the distance of the Persian Gulf. This is a far bigger risk than he lets on, as U.S. intelligence agencies know.

Mr. Biden was also dishonest in framing his Afghan decision as a false choice between total withdrawal and sending tens of thousands of troops again. He knows his own advisers, military and civilian, believed they could support the Afghan military with no more than a few thousand troops to supply air power and intelligence.

He also knows the U.S. hasn’t had a single casualty in more than a year in Afghanistan. Even if Mr. Biden was set on withdrawal, he could have done it based on conditions that would have given the Taliban more incentive to negotiate with the government.

Mr. Biden claimed that Afghan leaders Ashraf Ghani and Abdullah Abdullah had refused his advice to negotiate with the Taliban. That is false. They had been negotiating with the Taliban for months, under enormous pressure from the Trump Administration. The problem is that the Taliban had no incentive to negotiate in good faith when it knew the U.S. was leaving and would be able to take its chances on a military victory.

Like all good liberal internationalists, Mr. Biden thinks you can achieve a diplomatic outcome by diplomacy alone. Mr. Biden’s claim that the U.S. will continue to support the Afghan people and stand for human rights and the women of Afghanistan is the same kind of internationalist twaddle. The Taliban is taking the women of Afghanistan back to the Dark Ages, and the “international community” will do nothing to stop it. Mr. Biden’s words of “support” will be cold comfort when the Taliban knocks on the doors of women who worked in the Afghan government.

***

We had hoped that Mr. Biden would accept some responsibility and explain how he would fix this mess. He did none of that, making it clear that he himself is the main architect of this needless American surrender. It does not bode well for the rest of his Presidency.

The world has seen a President portraying surrender as an act of political courage, and retreat as strategic wisdom. As we write this, the world’s rogues are looking for ways to give him a chance to deliver a similar speech about other parts of the world.

Voir enfin:

The Calamitous Fall of Afghanistan
A light is going out now. There’s still no easy exit
Jeffrey Gedmin
American purpose
16 Aug 2021

Afghanistan is a bewildering, agonizing, enchanting place. You get a feel for this in Khaled Hosseini’s 2003 novel The Kite Runner. I got a sense of it when I went there a decade ago.We Americans tend to travel to such places in organized bubbles. My particular bubble was an exceptional one: I arrived in Kabul as president of a congressionally funded media group. The bubble included a little caravan of black SUVs with armored-plated doors, three bodyguards carrying assault rifles, a lead car and follow-on vehicle in chaotic Kabul traffic, and bullet-proof glass. True, my job at the time made me a target—but so was the simple fact that I was a foreigner. Foreigners were getting kidnapped for ransom.The Afghanistan of bleakness, death, and destruction is often the only one we see in the media. I learned better from my Afghan colleagues at Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) headquarters in Prague. They were women and men of creativity, energy, and elegance. I never ceased to be amazed by the large bags of mail they received each week from devoted listeners.The “letters” were usually scrolls—ten, twenty, thirty feet long. One ran to seventy feet. These letters, once unfurled, were stunning. They contained drawings and paintings, poems and prayers, songs and tributes and commentary. They named and reflected regions, tribes, and dialects. People would walk for miles to a village scribe to share their stories, to memorialize their reactions to this or that program. I brought samples back to Washington to share with people like Librarian of Congress James Billington and his specialists, who were impressed enough to put hundreds of them on exhibit just outside the library’s main reading room near the Gutenberg Bible. The proximity was not inappropriate.What I saw in Afghanistan deepened the impression that the letters made. I broke bread with a young imam who told me that the United States could never be a model for his country: Afghanistan was religious, tribal, traditional. He also told me he couldn’t stand the Taliban. They were vicious, he opined. Girls should go to school. I met with tribal leaders, all men with beards and long white tunics. I’m not sure what they thought about women’s rights. One told me, though, that he would occasionally adjust a prayer schedule so that people could tune in to important radio programs. One of them, as he would have known, was a popular Azadi program, a call-in show on women’s health issues hosted by a female Afghan gynecologist.Azadi is the local brand of Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL). It’s radio, mostly; this is still a radio country, mostly. RFE/RL’s programming in Dari and Pashto was and has remained immensely popular. Former Afghan President Hamid Karzai told me it was the first thing he listened to in the morning to get a feel for things in the country. Azadi has had a bureau in Kabul with journalists who report from across the country’s thirty-four provinces.We can’t seem to find balance between irrationally exuberant democracy promotion and great-power realism and restraint. We went to Afghanistan to close terrorist training camps, and we did. We surely understood that we would bear some responsibility—in our own self-interest—for what would come after the intervention and the toppling of a government. Then, however, we did what we do: We got lost in competing priorities and unrealistic expectations. We also failed to see what else happened along the way.In Afghanistan, terrorist training camps of the kind that made 9/11 possible remained closed. Life expectancy improved. Infant mortality declined. Women acquired opportunities that were previously unthinkable. For those focused on great-power competition, Russia stayed out, China was kept at bay, and Pakistan, China’s ally, was constrained.These gains will now be wiped out because we can’t be satisfied with managing problems; we have to solve them. If we can’t win clearly and decisively, remaking a society in the process, we will retreat and abandon our allies. Why couldn’t we have left a residual force in Afghanistan to help provide a modicum of security there? Three-quarters of a century after the Korean War, after all, we maintain twenty-nine thousand troops in South Korea. We still have post-World War II troops in Europe. These are the overhead costs of peace and stabilitOne can see the way in which such arguments are faltering today. The new realism is hollow, oblivious to power. Idealism is not fashionable.

A couple of years ago, I asked a former RFE/RL colleague about those Afghan letters. We still get them, he wrote me, from

children who dream of becoming scientists. From peasants who pray for rain—or better irrigation. Some are love poems from shepherds or soldiers on front lines. From teachers who want better buildings, or any buildings at all. Many women and girls thank us for being their window to the world. They write from remote mountain hamlets, teeming cities, and refugee camps in neighboring Iran and in parts of Afghanistan where there is no electricity and, thus, no television. Many letters close with a prayer for peace.

Nine million Afghan children started going to school in the last twenty years, some 40 percent of them girls. The aim was “to buy time,” said former U.S. ambassador Ryan Crocker, a member of the RFE/RL board, “for this young generation of Afghans to come of age.”

But time is up. We are now scrambling to get our people—diplomats, select civilians—out of the country. After initial miscalculations, Biden has committed five thousand troops for this purpose. And the Afghans who have worked closely with the United States over the last two decades? RFE/RL president Jamie Fly is determined—and struggling—to get adequate support for the nearly one hundred of his people still there and trying to leave (Voice of America has dozens on the ground looking for safe passage out). They were always targets. Three summers ago, journalist Abadullah Hananzai and video producer Sabawoon Kakar died in a bombing on the main road behind the RFE/RL Kabul bureau. Maharram Durrani, a twenty-eight-year-old female university student training to become a journalist at the bureau, was also killed in the attack.

RFE/RL’s Abubakar Siddique has been reporting that thousands, and possibly tens of thousands, were streaming into Kabul in the last week. Women have been rushing to buy all-concealing burqas. One woman in a makeshift camp for women and children in the capital reports that in her hometown Taliban fighters have gone door-to-door, forcing young girls to marry them at gunpoint.

American adversaries are pushing back into the region. Russian diplomats met with Taliban representatives in Doha last week. Beijing is pressing for Islamabad’s cooperation—and the Taliban’s pledge—in repressing and rounding up Uighurs in their respective countries.

Afghan President Ashraf Ghani is, in a very real sense, ours. He is a Western-oriented anthropologist, a friend of the United States, who was determined to lessen the country’s corruption. He called for help, until he was forced to flee. The Taliban have taken Kabul.

We Americans see this as our struggle, which is now coming to an end. The Afghans’ struggle is certainly not finished. The two are not so easily separated.

Jeffrey Gedmin is a former president and current board member of RFE/RL. He is co-founder and editor-in-chief of American Purpose.

Voir par ailleurs:

New evidence shows the Pulse nightclub shooting wasn’t about anti-LGBTQ hate
The trial of the Pulse nightclub shooter’s wife dramatically changed the narrative about the deadly attack
Jane Coaston
Vox
Apr 5, 2018

It’s been nearly two years since the mass shooting at Pulse nightclub in Orlando, Florida, that killed 49 people — widely believed to be an act of aggression against the club’s LGBTQ clientele and “undeniably a homophobic hate crime.” There’s now conclusive evidence that the shooter wasn’t intending to target LGBTQ people at all.

In fact, he allegedly had no idea Pulse was a gay club, and simply Googled “Orlando nightclubs” after finding that security at his original target, a major shopping and entertainment complex, was too high, as reported by ClickOrlando.com.

This evidence dramatically changes the mass shooting’s narrative; politicians and individuals across the political spectrum had positioned it as an anti-LGBTQ hate crime. Instead, the new evidence suggests, the Pulse nightclub shooting was intended as revenge for US anti-terror policies abroad.

The evidence emerged during the trial of the shooter’s wife, Noor Salman, whom the federal government charged with aiding and abetting and obstruction of justice. Federal prosecutors argued that Salman had helped her husband plan and orchestrate the attack. She was acquitted by a jury last Friday, a rare occurrence when most defendants accused of terror charges accept plea deals and the average conviction rate in such cases is above 90 percent.

The shooter’s motive was apparently revenge for United States bombing campaigns on ISIS targets in the Middle East. He had pledged allegiance to ISIS’s leader, Abu Bakr al-Baghdadi, and during the Pulse shooting posted to Facebook, “You kill innocent women and children by doing us airstrikes. … Now taste the Islamic state vengeance.” In his final post, he wrote, “In the next few days you will see attacks from the Islamic state in the usa.”

Salman’s attorneys introduced evidence showing that, far from assisting the shooter, she was a victim of her husband’s abuse, including frequent beatings and sexual assault.

The Pulse nightclub shooting was the deadliest attack on LGBTQ people in American history, and liberals and conservatives — including then-presidential candidate Donald Trump — assumed the shooting was based on the victims’ sexual orientation and gender identity. Trump and other Republicans attempted to use their response to the shooting to argue that they were true pro-LGBTQ advocates because of their support for immigration restrictions aimed at Muslims.

In a speech on June 13, the day after the shooting, Trump said, “This is a very dark moment in America’s history. A radical Islamic terrorist targeted the nightclub, not only because he wanted to kill Americans, but in order to execute gay and lesbian citizens, because of their sexual orientation.” The following day at a North Carolina rally Trump said, “We want to live in a country where gay and lesbian Americans and all Americans are safe from radical Islam, which, by the way, wants to murder and has murdered gays and they enslave women.”

During Trump’s speech at the Republican National Convention where he accepted his party’s presidential nomination, he said, “Only weeks ago, in Orlando, Florida, 49 wonderful Americans were savagely murdered by an Islamic terrorist. This time, the terrorist targeted the LGBTQ community. No good. And we’re going to stop it. As your president, I will do everything in my power to protect our LGBTQ citizens from the violence and oppression of a hateful foreign ideology.”

But the evidence shows otherwise. The shooter didn’t target LGBTQ people — he didn’t even realize Pulse was a gay-oriented nightclub, asking a security guard at the club where all the women were just before he started shooting.

After a mass shooting, observers, including journalists, often search for a motive, sometimes even before the first victims have been identified. But the Pulse shooting proves that initial narratives about mass shooters’ motivations are often wrong — and those narratives can be far more powerful than the truth.

COMPLEMENT:

Chaos à Kaboul: Pourquoi Biden est responsable et coupable

Gérald Olivier

France Amérique

18 août 2021

La présence américaine en Afghanistan, commencée en 2001, vient de s’achever dans la confusion et le chaos. Les images de milliers de personnes tentant désespérément de fuir le pays dans les bagages de l’occupant ont évoqué les pires clichés de conflits passés que l’on pensait ne jamais revoir.

Ce retrait précipité est une défaite incontestable, voire une déroute, pour les Etats-Unis. Néanmoins, la décision de quitter l’Afghanistan était et demeure la bonne décision. Après vingt ans d’une occupation stérile, c’était la seule chose à faire. Mais c’est la manière qui pose problème. La façon dont le président Biden et ses conseillers ont laissé le pays être submergé par les Talibans, avant même d’avoir pu en évacuer tous les Américains – sans parler des milliers de collaborateurs afghans dont la vie est aujourd’hui menacée – trahit une naïveté, une impréparation et franchement une incompétence coupables. C’est tout l’appareil stratégique américain qui est en cause : le Conseil National de Sécurité, le Département d’Etat, le Pentagone, les services de Renseignements, et tout en haut, bien sûr, le président Biden !

L’heure des comptes viendra. Connaissant les institutions américaines, il y aura des enquêtes parlementaires. Les responsabilités seront tirées au clair. Pour l’instant, il importe de comprendre l’enchaînement des évènements qui a engendré ce chaos.

Dans une allocution télévisée, au lendemain de la prise de Kaboul par les Talibans, le président Biden a fait reposer toute la responsabilité de la débandade américaine sur, (qui d’autre ?) … son prédécesseur Donald Trump. Voici ses propos :

« En entrant à la Maison Blanche, j’ai hérité d’un accord négocié par le président Trump avec les Talibans, en vertu duquel nos soldats devaient avoir quitté le pays au 1er mai 2021… Le nombre de nos soldats sur place avait déjà été ramené de quinze mille à deux mille cinq cents par l’administration Trump. Alors que les Talibans n’avaient jamais été aussi forts militairement depuis 2001…. Le choix qui se présentait à moi en tant que président consistait à m’en tenir à cet accord, ou bien à me préparer à combattre à nouveau les Talibans au printemps… La froide réalité se limitait à suivre cet accord en retirant nos troupes, ou à escalader le conflit en renvoyant des milliers de soldats au combat et en nous engageant dans une troisième décennie de conflit en Afghanistan. »

Ainsi donc Joe Biden, président des Etats-Unis, et homme le plus puissant de la planète, s’est présenté comme pieds et poings liés, par un accord négocié par Donald Trump! Loin de reconnaître une quelconque responsabilité, il s’est érigé en victime.

Venant d’un Démocrate, une telle posture n’a pas de quoi surprendre. Mais venant aussi d’un président qui a réintégré les Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, par décret, dès son premier jour au pouvoir, annulant d’un coup de crayon la décision de son prédécesseur ; qui a ouvert la porte à une reprise du dialogue avec l’Iran sur la question nucléaire, inversant à nouveau la politique de son prédécesseur ; qui a suspendu la construction du mur à la frontière mexicaine, qui a laissé entrer les immigrants clandestins par centaines de milliers et qui a accepté l’entrée de demandeurs d’asile sur le territoire, supprimant non pas une mais trois directives majeures de son prédécesseur ; venant d’un tel personnage, donc, une telle affirmation est grotesque et inacceptable.

D’autant que les faits racontent une tout autre histoire.

A la vérité, en arrivant à la Maison Blanche, Biden et ses conseillers étaient bien contents du travail accompli par leurs prédécesseurs, à savoir le président Trump et son secrétaire d’Etat Mike Pompéo. Ils ont pris à leur compte un retrait de troupes qui leur permettait d’apparaitre comme des faiseurs de paix. Par contre, ils ont fait preuve d’une incompétence et d’une impréparation invraisemblables dans l’exécution de la manœuvre.

Selon l’accord passé entre l’administration Trump et les Talibans, le retrait des troupes américaines était lié à l’absence de toute offensive. Les Talibans étaient tenus de ne rien tenter contre les troupes américaines, et les troupes afghanes, tant que les Américains seraient sur place ! Le retrait des troupes, du matériel et au besoin des civils afghans ayant travaillé avec les Américains, devait être achevé avant de laisser le gouvernement en place et les Talibans se disputer le contrôle du pays. La faute de l’administration Biden a été de laisser les Talibans lancer leur campagne de reconquête, avant la fin du retrait américain, sans envisager la possibilité que celle-ci puisse les prendre de vitesse. C’est une faute gravissime, un péché d’orgueil et d’inattention.

Voici ce qui s’est passé dans le détail.

L’accord de paix entre les Etats-Unis et les Talibans remonte au 29 février 2020. Il fut signé dans la capitale du Qatar, Doha, lieu où s’étaient tenues les négociations, par l’envoyé spécial des Etats-Unis, Zalmay Khalilzad et le mollah Abdul Ghani Baradar, co-fondateur et chef politique des Talibans. Baradar avait été capturé en 2010 au Pakistan, emprisonné puis libéré à l’automne 2018, précisément pour engager des négociations de paix (alors secrètes) avec les Américains. Mike Pompéo, alors secrétaire d’Etat avait assisté à la signature de cet accord.

Pour Donald Trump, mettre un terme à la guerre en Afghanistan, et permettre aux milliers de GIs, déployés sur place, de rentrer au bercail, était une promesse de campagne. Il y tenait. Tout comme il tenait à ce que l’autorité des Etats-Unis soit respectée. D’ailleurs, entre 2018 et 2020, il avait suspendu les négociations à plusieurs reprises, à cause d’incidents terroristes attribués aux Talibans.

Côté américain, cet accord incluait un retrait progressif des troupes présentes depuis 2001 ; l’échange de cinq mille Talibans détenus en Afghanistan contre mille soldats des Forces de Défense Afghanes faits prisonniers par les Talibans, et la levée progressive de sanctions contre les Talibans. Le départ des troupes américaines et de l’Otan pouvait s’achever en quatorze mois, soit à la date du 1er mai 2021, si les Talibans tenaient tous leurs engagements. Le moindre écart serait sanctionné par des représailles militaires de la part des Etats-Unis. Selon les mots de Donald Trump à l’époque, les Talibans seraient exposés au feu américain « comme jamais encore auparavant ».

En échange les Talibans s’engageaient à cesser toute violence et à n’abriter ou soutenir aucun mouvement terroriste, tel Deach ou Al Qaida.

Le devenir politique de l’Afghanistan était laissé à des négociations futures entre le gouvernement du président Ashraf Ghani, élu en 2014 et réélu en 2019, et les dirigeants talibans. A noter que ces discussions ont commencé dès la signature de cet accord, sans aboutir et ont fini par être suspendues. La sécurité du pays, une fois le retrait des troupes étrangères effectué, était supposée être assurée par les trois cent mille soldats de l’armée afghane, formés et équipés par les Américains. Face à une force talibane estimée à soixante mille combattants, la tâche, sur le papier, n’était pas impossible…

Voilà ce dont le président Biden a hérité en janvier 2021 à son entrée à la Maison Blanche. Il pouvait à tout moment dénoncer cet accord. C’est d’ailleurs ce qu’un certain nombre d’élus Démocrates, soutenus par des Républicains Néoconservateurs, dont Liz Cheney, la fille du vice-président de George W. Bush lui ont recommandé de faire.

“Les Talibans ne respectent pas tous leurs engagements en vertu de l’accord du 29 février, ce qui pose un problème quant à la sécurité future de l’Afghanistan » dit alors le sénateur Robert Menendez, président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat. Pour lui, il existait un risque de voir « l’Afghanistan sombrer dans le chaos » et il avait recommandé au président Biden de renoncer à un retrait effectif en date du 1er mai.

Biden suivit partiellement ses conseils. Il abandonna l’objectif du 1er mai et repoussa le retrait total à la date, hautement symbolique, du 11 septembre 2021, soit vingt ans, jour pour jour, après les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Par contre, il ne remit jamais le principe du retrait en question. Et il renonça à sanctionner les Talibans pour leurs manquements répétés à leurs engagements.

Le message fut, à l’évidence, parfaitement reçu et compris à Doha et à Kaboul.

Le 25 juin 2021 le président Biden reçut à la Maison Blanche le président afghan Ashraf Ghani. La rencontre donna lieu à un communiqué lénifiant sur « la poursuite d’un solide partenariat bilatéral » et le « soutien durable des Etats-Unis au peuple afghan, y compris aux femmes et aux filles afghanes, ainsi qu’aux minorités. » Biden assura aussi son homologue de la « poursuite de l’assistance américaine aux forces de défense et de sécurité nationales ».

A cette date, les Talibans avaient déjà commencé de regrouper leurs forces pour préparer la reconquête du pays. Mais de cela, le communiqué officiel ne disait rien !

Quelques jours plus tard, le 8 juillet précisément, Joe Biden faisait une déclaration télévisée depuis la Maison Blanche suivie d’une de ses très rares conférences de presse. Le retrait américain était alors considérablement engagé. Loin de se plaindre d’un quelconque leg de l’administration Trump, il s’arrogeait la paternité du processus de paix et utilisait à répétition le pronom « je » en parlant des évènements récents.

« Quand j’ai annoncé notre retrait en avril j’ai dit que nous serions partis en septembre et nous sommes en bonne voie pour réaliser cet objectif… Notre retrait se déroule de façon ordonnée et sécurisée… Une fois ma décision prise de mettre un terme à cette guerre, il nous fallait agir vite… Que les choses soient claires, la mission américaine en Afghanistan se poursuit jusqu’à la fin août et nous conservons d’ici là les mêmes capacités et la même autorité que par le passé… Par la suite nous maintiendrons notre présence diplomatique en Afghanistan ! »

Pressé par une journaliste sur les risques d’un départ précipité et d’une chute de Kaboul, rappelant la dramatique évacuation de Saïgon en 1975, Joe Biden avait affirmé « il est hautement improbable que les Talibans parviennent à reprendre le pays… Les forces talibanes n’ont rien à voir avec les combattants du Viet-Cong… Sous aucune circonstance vous ne verrez des civils évacués depuis le toit de l’ambassade américaine en Afghanistan ! »

Propos prémonitoires qui reviennent déjà le hanter ! Certes on n’a pas (encore) vus de civils évacués depuis un toit, mais on en a vu des centaines courir et s’accrocher à un avion militaire américain en train de décoller… Quant à l’ambassade américaine à Kaboul, elle a été évacuée et l’ambassadeur Ross Wilson a fui l’Afghanistan quelques minutes après le président Ghani ! L’inverse de ce qu’avait affirmé Biden.

Si cela ne suffisait pas encore, Joe Biden en a rajouté une couche le 23 juillet. Suite à une conversation téléphonique avec le président Ghani, la Maison Blanche indiquait par communiqué avoir renouvelé ses « assurances du soutien des Etats-Unis au peuple afghan». Alors même que des combats faisaient rage dans plusieurs provinces afghanes, et que les troupes gouvernementales étaient submergées par l’avancée des forces talibanes. Notant que « l’offensive actuelle des Talibans est en contradiction avec l’engagement de ce mouvement pour une solution négociée » et tout en déplorant « les pertes de vies civiles dues à des attaques ciblées, les déplacements de population et les pillages », Joe Biden n’évoquait à aucun moment de quelconques représailles contre les Talibans, ni surtout une suspension ou une remise en question du retrait des troupes américaines. Et pourtant cela aurait été pleinement justifié selon les termes de l’accord dont Biden s’est ensuite dit prisonnier.

Sans doute avait-il d’autres priorités. Il est vrai que ce même 23 juillet, s’est tenue à la Maison Blanche une table ronde avec « les représentants des femmes transgenres de couleur » qui a, sans doute, retenu toute son attention et celle de ses conseillers !

Comble de l’impréparation, Biden a estimé que le temps était venu de prendre des vacances et de libérer son staff. Il s’est offert un week-end à Camp David, comme il le fait souvent, et sa porte-parole Jen Psaki a laissé un message sur son répondeur comme une simple employée de bureau… Alors que pendant ce temps-là l’Afghanistan sombrait dans le chaos.

Prétendre ensuite que la chute de Kaboul et le chaos afghan sont la faute de Donald Trump, c’est se moquer du monde ! D’ailleurs, même la clique de ses partisans dans les médias a trouvé la couleuvre trop difficile à avaler. De part et d’autre du paysage médiatique américain, on observe les premières fissures dans la grande muraille protectrice démocrate.

Jake Tapper de CNN s’est offusqué de la tendance du président Biden à s’absoudre de toute responsabilité et à « pointer du doigt et blâmer les autres ». La chaine a parlé « d’une débâcle et d’un désastre politique qui vient entacher une présidence déjà marquée par des multiples crises ». David Sanger du New York Times estime que « Biden restera dans l’histoire comme celui qui a présidé au dénouement humiliant de l’expérimentation américaine en Afghanistan. » Dans le reste de la presse, c’est le mot « fiasco » qui revient le plus.

Un « fiasco » qui repose sur les épaules de Joe Biden, mais pas seulement. Le Pentagone, le Conseil National de Sécurité et le Département d’Etat sont aussi dans la ligne de mire des chroniqueurs américains.

En tête, tous ceux – et ils sont nombreux, du général Stanley Mc Chrystal, commandant en chef des forces américaines en Afghanistan sous Barack Obama, à John Mattis, responsable du commandement central américain, donc de la zone Iraq-Afghanistan, sous Obama, puis chef du Pentagone sous Donald Trump, qui ont prétendu au long des quinze dernières années que les efforts et les investissements américains étaient payants et que l’Afghanistan était sur la voie de la démocratie. Alors que ce n’était clairement pas le cas !

Tout récemment encore, le général Mark Milley, chef des Etats-Majors inter-armées, répétait que « les forces armées afghanes ont la capacité de défendre le pays et une victoire des Talibans n’est pas une certitude ». Se tromper à ce point, lorsque l’on occupe un poste aussi sensible, dépasse l’erreur d’analyse et constitue de l’incompétence, voire une volonté de mentir…

La déroute américaine en Afghanistan est le premier tournant de la présidence Biden. Jusqu’à présent ses errements avaient été passés sous silence par les médias dominants, au nom de l’anti-Trumpisme. Ce ne sera sans doute plus le cas à l’avenir. Le reste de son mandat s’annonce aussi chaotique que la chute de Kaboul.

Voir aussi:

John Bolton : « Trump et Biden partagent la responsabilité de la déroute en Afghanistan »
ENTRETIEN. Ancien ambassadeur américain à l’ONU, John Bolton explique pourquoi il n’aurait jamais ordonné le retrait des troupes d’Afghanistan.

Propos recueillis par Julien Peyron

20/08/2021

Sous la présidence de George W. Bush, il faisait partie du clan de ceux que l’on appelait « les faucons ». John Bolton a été l’un des grands artisans de la guerre en Irak en 2003 aux côtés de Donald Rumsfeld. Désigné ambassadeur américain à l’ONU en 2005, il est contraint de démissionner l’année suivante car les démocrates refusent de confirmer un homme qui représente à leurs yeux la politique va-t-en-guerre des États-Unis. Donald Trump ira ensuite le chercher pour lui offrir le rôle de conseiller à la Sécurité nationale en 2018. Les deux hommes se brouillent rapidement, notamment sur le dossier afghan. En effet, contre l’avis de son conseiller, farouchement opposé à tout retrait américain, le président annonce son intention de quitter le pays . Depuis, John Bolton a des mots très durs envers Donald Trump puis Joe Biden , car le nouveau président a continué, voire accéléré le départ des troupes d’Afghanistan. Comme le reste du monde, il a regardé avec sidération les images des talibans s’emparant de Kaboul le 15 août dernier. Au Point, il fait part de sa colère. Entretien.

Le Point :Comment décririez-vous ce qui s’est passé le 15 août à Kaboul ?

John Bolton : C’est une tragédie. Pas seulement pour le peuple afghan, mais aussi pour l’Amérique, l’Europe et tout l’Occident. Vingt ans d’efforts ont été réduits à néant. Forcément, comme beaucoup, j’ai pensé à Saigon et à la désastreuse évacuation du pays à la fin de la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, les talibans contrôlent tout le territoire afghan et vont en refaire un sanctuaire pour terroristes. Nous approchons du 20e anniversaire du 11 septembre 2001 et jamais le risque de voir un nouveau 11 Septembre se reproduire n’a été aussi grand. Les États-Unis sont plus vulnérables aujourd’hui qu’hier.

Malgré tout, vous dites que l’Amérique n’a pas perdu la guerre en Afghanistan…

Nous avons gagné la guerre en Afghanistan, mais nous partons comme si nous l’avions perdue. C’est pire encore qu’une défaite militaire, c’est une décision politique, qui demeure pour moi inexplicable.

Ne fallait-il pas mettre un terme à cette « guerre sans fin » ?

La situation était loin d’être parfaite en Afghanistan. Mais il vaut mieux une guerre sans fin que subir des attaques terroristes sur son sol.

Qui tenez-vous pour responsable du fiasco en Afghanistan ? Donald Trump ou Joe Biden ?

Trump et Biden partagent la responsabilité de cette déroute. Si Trump avait été réélu, la même chose serait arrivée, nous serions aussi partis d’Afghanistan. Biden ne fait qu’appliquer les décisions prises par Trump, mais il s’y prend si mal qu’il nous plonge dans un désordre terrible.

Pas du tout. J’étais au département d’État à cette époque. Nous savions très bien que les talibans hébergeaient Al-Qaïda. George Bush avait bien compris le risque que représentaient les talibans et les groupes extrémistes du Pakistan. Envahir l’Afghanistan était la bonne décision stratégique. L’erreur, c’était de se fixer pour objectif de bâtir un État afghan. Nous n’étions pas là pour ça. Nous étions en Afghanistan pour défendre la sécurité des États-Unis et pour nous assurer que le pays ne passe pas aux mains des talibans.

Sans doute. On ne peut pas savoir à quel moment le risque que représentent les talibans aurait disparu. Mais une chose est sûre : il vaut mieux combattre en Afghanistan que dans les rues ou le ciel de l’Amérique. Après la Seconde Guerre mondiale, des troupes américaines sont restées aux portes de l’Union soviétique pendant près de cinquante ans, le temps que nous gagnions la guerre froide.

Si vous étiez toujours aux affaires, que feriez-vous ?

Je ferais en sorte que nous restions dans le pays et j’augmenterais le budget de la Défense. À Pékin, Moscou, Téhéran, nous passons pour des faibles, voire des guignols. Après son élection à la présidence, Joe Biden a dit au monde : l’Amérique est de retour. Comment le prendre au sérieux, désormais ?

Voir encore:

Afghanistan Didn’t Have to End This Way
There is no shortage of explanations and justifications for our withdrawal. They are myths.
Paul Miller
The Despatch
Aug 13 2021

With dizzying speed, the Taliban has seized a dozen provincial capitals across Afghanistan in the past week. On Thursday militants seized Herat, the country’s third-largest city, one with a reputation for being relatively urbane and strongly antipathetic to the Taliban’s jihadist vision. U.S. intelligence reportedly estimates that Kabul could fall within 90 days of the U.S. withdrawal.

As Afghanistan collapses, there is no shortage of explanations, justifications, and outright myths taking root, some encouraged by the Biden administration. Among the most common: This was inevitable. The U.S. presence was unsustainable, critics say. The administration was boxed in by the 2020 peace deal with the Taliban. If the U.S. had repudiated the deal, the Taliban would have gone on the offensive and resumed killing U.S. troops.

And for what? We gave it our best for 20 years, they say, proving that the mission was effectively impossible. The rapid collapse only demonstrates that we were never going to succeed no matter how long we stayed. We achieved the most important thing: Osama bin Laden is dead. The Afghans have to run their own country. We cannot stay there forever, we shouldn’t try nation building, and we can keep an eye on al-Qaeda      from afar to make sure they do not threaten us.

On the surface, these explanations make a compelling case. It is also a comforting case, because it washes our hands of responsibility for what is about to happen. As a humanitarian catastrophe unfolds—as Afghan women fall back under the Taliban’s uniquely cruel tyranny, as the Hazara and Shiites flee the Taliban’s near-genocidal oppression of religious dissidents—we can tell ourselves, “There’s nothing we could have done.”

These myths function as an ex post facto explanation that we—the most powerful nation in the world—were actually powerless all along. It turns out we didn’t fail because of bad decisions, strategic incompetence, or moral myopia. We failed because no one could have succeeded, because the mission was inherently impossible. No amount of insight, troop surges, or Marshall-Plan-level reconstruction assistance could have made a difference.

Of course, none of that is true. The myths are just that: myths. The U.S. presence in Afghanistan the last few years was tiny—just 2,500 troops before the start of the final withdrawal. It was indefinitely sustainable. There is no significant antiwar movement to speak of, there is no domestic political pressure to withdraw, and no election will hinge on U.S. policy toward Afghanistan.

U.S. troops faced low risks in Afghanistan, and the low casualty rate is not a function of the 2020 peace deal. Just 66 U.S. personnel have been killed in action since 2014, less than one per month for nearly seven years. That is not to make light of the loss of individual soldiers, but it is to recognize, in historical perspective, that the conflict in Afghanistan is very small and U.S. ground troops have not been involved in direct combat in large numbers for years.

The US mission in Afghanistan accomplished some important successes. There have been no large-scale international terrorist attacks emanating from Afghanistan or Pakistan since 2001. The Afghan people broadly support the country’s new constitution. The Afghan economy showed consistent growth. By virtually every metric of human development, Afghans are better off today than they were 20 years ago. The intervention was not an unmitigated failure—except that many of these successes are likely to unravel with the Afghan army’s collapse.

The rapid collapse of the Afghan army in recent weeks was not inevitable and is not a sign that the mission was always doomed, nor that we never would have succeeded. We had been making slow, fitful progress building a new Afghan security force from scratch. In 2021, it was better than it had been in 2001—because in 2001 it did not exist. It was better than it had been in 2006—because the Germans, British, and the U.N., which had assumed responsibility for training the new army and police, wasted five years doing essentially nothing.

The U.S. took over and cobbled together a fighting force by 2010, one that has lost tens of thousands of soldiers keeping the Taliban at bay for the past decade. The Afghan army was again better this year than previously, but the Department of Defense truthfully reported year after year that it was not ready for fully independent operations yet.

The Afghan army’s collapse this summer is demoralizing for anyone who has watched or participated in the war. Historians will give us the full story decades from now, but surely President Biden’s announcement of a full withdrawal—when everyone, including the U.S. Department of Defense, knew the Afghan army wasn’t yet ready to stand independent of international assistance—had a crippling effect on the morale of Afghan troops.

Some Americans are now sneering at the Afghan troops’ supposed lack of willpower, patriotism, or grit—but consider, if you know that your army is simply not equipped to win the battle that’s coming, why fight? It is an individually rational decision to save your life by not fighting, a decision that, when multiplied, loses a war.

It is easy to envision the counterfactual: If the United States had maintained a small presence (perhaps marginally larger than what Trump left behind), it could have kept the Afghan army in the field indefinitely, giving time and space for the political situation in Kabul to sort itself out, for a fresh round of negotiations with better leverage against the Taliban, and for reconstruction and development to continue.

Critics may complain that “we can’t stay forever.” Perhaps, but we could have stayed long enough for the military presence to evolve, very gradually, into a near-peacetime deployment. Again, the military presence was small, low-risk, and relatively low-cost.

And we should have stayed because the mission is not over. While bin Laden is dead, al-Qaeda is not and, along with the Islamic State and a murderer’s row of copycat jihadists, is almost certain to regain safe haven in Afghanistan and Pakistan following the collapse of our allies. Our presence for the past 20 years kept jihadists on the run, in hiding, and focused on avoiding our air strikes and special forces. They now will have room to breathe, which means room to plan, recruit, train, and fundraise.

The myths about Afghanistan’s collapse—that we were actually powerless and the mission was always inevitably doomed—denies the reality of the United States’ agency. Our policymakers made specific strategic missteps that caused direct, avoidable harm, including Bush’s light footprint, Obama’s withdrawal timetable, Trump’s peace deal, and Biden’s inexplicable withdrawal, each of which made a bad situation worse. Those decisions were made by politicians elected by and accountable to the U.S. electorate, who largely ignored the war and enabled policymakers’ strategic muddling for two decades.

That is why Biden’s claim that the Afghans just have to start taking responsibility for their own country is so mendacious. He is telling a drowning man to take responsibility for swimming while reeling in the life preserver the man had been clinging to. He is overestimating the Afghans’ ability to fight on their own while minimizing American responsibility for the crisis in the midst of which we are abandoning them—all while preaching a soothing myth that there was nothing we could have done after all. Many Americans will be eager to believe him because it is much easier, emotionally and cognitively, to believe in the myth of our powerlessness than in the reality of our own stupidity and moral cowardice.

Paul D. Miller is a professor of the practice of international affairs at Georgetown University. He served as director for Afghanistan and Pakistan on the national security council staff for Presidents George W. Bush and Barack Obama. He is a veteran of the war in Afghanistan. His most recent book is Just War and Ordered Liberty.

Voir enfin:

Biden’s Long Trail of Betrayals
Why is the president so consistently wrong on major foreign-policy matters?
Peter Wehner
The Atlantic
August 18, 2021

“I’m getting sick and tired of hearing about morality, our moral obligation,” Joe Biden said in 1975. “There’s a point where you are incapable of meeting moral obligations that exist worldwide.” At the time, he was arguing against U.S. aid to Cambodia. But he could just as easily have said the same about his decision this year to end the American presence in Afghanistan, a catastrophic mistake that has led to a Taliban takeover, undermined our national interest, and morally stained Biden’s presidency.

It is the latest blunder in a foreign-policy record filled with them.

In 1975, Biden opposed giving aid to the South Vietnamese government during its war against the North, ensuring the victory of a brutal regime and causing a mass exodus of refugees.
In 1991, Biden opposed the Gulf War, one of the most successful military campaigns in American history. Not only did he later regret his congressional vote, but in 1998, he criticized George H. W. Bush for not deposing Saddam Hussein, calling that decision a “fundamental mistake.”
In 2003, Biden supported the Iraq War—another congressional vote he later regretted.
In 2007, he opposed President George W. Bush’s new counterinsurgency strategy and surge in troops in Iraq, calling it a “tragic mistake.” In fact, the surge led to stunning progress, including dramatic drops in civilian deaths and sectarian violence.
In December 2011, President Barack Obama and Vice President Biden withdrew America’s much-scaled-down troop presence in Iraq; the former had declared Iraq to be “sovereign, stable, and self-reliant,” and the latter had predicted that Iraq “could be one of the great achievements of this administration.” Their decision sent Iraq spiraling into sectarian violence and civil war, allowing Iran to expand its influence and opening the way for the rise of the jihadist group ISIS.
According to Obama’s memoir A Promised Land, Biden had advised the former president to take more time before launching the raid that killed Osama bin Laden.
Ten years ago, Biden said in an interview that “the Taliban per se is not our enemy.” He added, “If, in fact, the Taliban is able to collapse the existing government, which is cooperating with us in keeping the bad guys from being able to do damage to us, then that becomes a problem for us.” Indeed.

In his 2014 memoir, Duty: Memoirs of a Secretary at War, Robert Gates, who served as the secretary of defense under George W. Bush and Obama, said that Biden “has been wrong on nearly every major foreign policy and national security issue over the past four decades.”

So is there a unifying theory of why Biden is so consistently wrong on major foreign-policy matters? Does he misunderstand something about the world, or possess some set of instincts that don’t serve him well?

Perhaps the place to begin is by recognizing that Biden has never been an impressive strategic thinker. When talking about his strengths, those close to Biden stress his people skills: his ability to read foreign leaders, to know when to push and when to yield, when to socialize and when to turn to business. But that’s very different from having a strategic vision and a sophisticated understanding of historical events and forces.

What the Biden foreign-policy record shows, I think, is a man who behaves as if he knows much more than he does, who has far too much confidence in his own judgment in the face of contrary advice from experts. (My hunch is he’s overcompensating for an intellectual inferiority complex, which has manifested itself in his history of plagiarism, lying about his academic achievements, and other embellishments.)

On national-security matters, President Biden lacks some of the most important qualities needed in those who govern—discernment, wisdom, and prudence; the ability to anticipate unfolding events; the capacity to make the right decision based on incomplete information; and the willingness to adjust one’s analysis in light of changing circumstances.

To put it in simple terms, Joe Biden has bad judgment.

William Inboden of the Clements Center for National Security at the University of Texas, who worked on George W. Bush’s National Security Council, told me that the key thing to understand about Biden is he is first and foremost a politician, consistently aligned with the Democratic Party’s center of gravity on any foreign-policy issue, a follower more than a leader, and certainly not an independent or creative thinker.

But Biden’s foreign-policy record has one other through line: the betrayal of people who have sided with the United States against its enemies and who, in the aftermath of American withdrawal, face a future of oppression, brutality, and death. And these betrayals of people in foreign lands seem to leave Biden unmoved. There is a troubling callousness to it all, a callousness that is at odds with empathy that Biden has clearly shown in other areas of his life.

According to my colleague George Packer’s biography of Richard Holbrooke, Obama’s special envoy to Afghanistan and Pakistan, Biden has argued that the United States does not have an obligation to Afghans who trusted the United States.

“We don’t have to worry about that. We did it in Vietnam. Nixon and Kissinger got away with it,” Biden told Holbrooke. Biden also “reportedly pushed back on the argument that America had a moral obligation to women in Afghanistan,” according to The Washington Post.

The withdrawals that Biden insisted on in Iraq and Afghanistan were at stages in those wars when very few American troops were at risk, when U.S. troop levels in those countries were quite low. As Paul D. Miller wrote in The Dispatch, “The U.S. presence in Afghanistan the last few years was tiny—just 2,500 troops before the start of the final withdrawal. It was indefinitely sustainable. There is no significant antiwar movement to speak of, there is no domestic political pressure to withdraw, and no election will hinge on U.S. policy toward Afghanistan.” Miller, a veteran of the war in Afghanistan who served as director for Afghanistan and Pakistan on the National Security Council for Presidents George W. Bush and Obama, went on to say this:

The US mission in Afghanistan accomplished some important successes. There have been no large-scale international terrorist attacks emanating from Afghanistan or Pakistan since 2001. The Afghan people broadly support the country’s new constitution. The Afghan economy showed consistent growth. By virtually every metric of human development, Afghans are better off today than they were 20 years ago. The intervention was not an unmitigated failure—except that many of these successes are likely to unravel with the Afghan army’s collapse.

But Biden decided to do in Afghanistan what he decided to do in Iraq: cut the cord because he was determined to cut the cord, because he thinks he knows better, not because circumstances on the ground dictated that it be done. The result is a human-rights catastrophe.

America’s second Catholic president speaks openly of his faith, carries a rosary in his pocket, and attends Mass every Sunday. “Joe is someone for whom the ways in which he sees issues around racial justice, around the treatment of refugees and immigrants—all of that is connected to a view of other people—who he sees as neighbor, who he sees as being made in the image of God,” Senator Chris Coons of Delaware, a close friend of Biden’s, told NPR.

Carol Keehan, the former head of the Catholic Health Association, who has worked closely with Biden for years, echoes those sentiments. “He’s very clear about justice,” she told NPR. “When Joe Biden talks about faith, he talks very much about things like the Gospel of Matthew—‘what you’ve done to the least of my brother, you’ve done to me.’”

Just don’t tell that to the girls, women, and other frightened souls in Afghanistan who, thanks to a decision made by Joseph R. Biden Jr., are about to enter the gates of hell.

COMPLEMENT:

Retrait d’Afghanistan : le fiasco de trop pour Joe Biden

Gérald Olivier

25 août 2021

Depuis la chute de Kaboul, le climat politique aux Etats-Unis a changé du tout au tout. C’est comme si les Américains se réveillaient après plusieurs mois d’insouciance avec une gueule de bois carabinée. Les images terribles et les commentaires cinglants suscités par le départ chaotique des Américains d’Afghanistan ont comme ouvert les yeux des électeurs. Ce qui était toléré, ou même ignoré depuis huit mois, au nom de l’alternance ou du « tout sauf Trump », ne l’est plus.

Médias et électeurs portent un nouveau regard sur la politique de l’administration et découvrent subitement les multiples crises qui affectent l’Amérique depuis huit mois : crise migratoire, crise de l’énergie, crise sanitaire sans fin, crise budgétaire, crise sociale et même crise raciale et culturelle, avec l’inquiétante révolution « woke ». Leur verdict est impitoyable. Il se traduit, entre autres choses, par une chute de la popularité de Joe Biden et de la cause Démocrate.

De janvier à juillet, Joe Biden a bénéficié d’une côte de popularité relativement stable, avec 53% d’opinions favorables et 42% d’opinions défavorables. Des chiffres moins bons que ceux de Barack Obama ou Ronald Reagan, au même stade de leur mandat, mais comparables à ceux de Bill Clinton ou Georges W. Bush. Depuis le 15 août cependant, cette côte a chuté de cinq points, tombant à 48%. Selon plusieurs instituts de sondages, les opinions défavorables dépassent désormais les opinions favorables.

Cette chute est particulièrement sensible sur la situation en Afghanistan. Seuls 25% des électeurs approuvent la gestion de ce dossier par Biden contre 60% qui la désapprouvent. Mais cette chute touche aussi d’autres pans de sa politique.

Sur la gestion du Covid, Biden a perdu seize points entre avril et août. 53% des électeurs le soutiennent, contre 69% précédemment.

Sur l’économie il a perdu cinq points. Ils ne sont plus que 47% à l’approuver, contre 52% en avril. Alors que 49% désapprouvent ses options.

Sur l’immigration, seuls 33% des électeurs approuvent le travail de Biden. 55% en ont une opinion défavorable.

Sur la question de savoir si le pays, dans son ensemble, évolue dans la « bonne », ou la « mauvaise » direction, Joe Biden n’est plus suivi que par 33% des électeurs. Contre 44% en avril. C’est son plus mauvais score depuis son entrée à la Maison Blanche.

Cette chute de popularité n’a rien de surprenant. Elle aurait même pu survenir plus tôt. L’administration Biden n’a cessé de prendre des décisions à l’encontre des intérêts américains. Intérêts nationaux, ou intérêts particuliers. Partout où son administration est intervenue, le résultat a été désastreux. Comme le souligne Jim Jordan, Représentant Républicain de l’Ohio, : « l’administration Biden s’est plantée sur tous les sujets qu’elle a abordés. » Tout ce que Biden touche devient un champ de ruines. Barack Obama aurait dit à son sujet : « ne sous-estimez jamais la capacité de Joe (Biden) à tout foutre en l’air ». Le fiasco afghan lui donne raison. Toutefois ce fiasco n’est pas le seul d’une présidence, vieille de seulement huit mois. La crise afghane a plutôt servi à réveiller les consciences. C’est le fiasco de trop. Celui qui fait ressortir toutes les crises précédentes. Et elles sont nombreuses.

La première reste la crise migratoire.

2021 sera une année record pour les entrées de clandestins aux Etats-Unis. Au rythme actuel, leur nombre pourrait approcher des deux millions ! Du quasi jamais vu. En juillet, les garde-frontières ont effectué deux cent mille arrestations. Le chiffre mensuel le plus élevé depuis vingt ans ! Cet afflux massif de clandestins est la conséquence directe des politiques vantées puis mises en place par l’administration Biden.

Donald Trump avait fait campagne contre l’immigration clandestine. Et il avait tenu promesse. A l’issu de son mandat le flot des entrées illégales s’était presque tari. En avril 2020 le nombre d’arrestations à la frontière mexicaine était tombé à seize mille. D’un côté, la pandémie de Covid-19 naissante avait découragé les tentatives de passage, de l’autre ses décisions avaient porté leur fruit : construction d’un mur à la frontière mexicaine (la longueur bâtie fut inférieure aux attentes de ses électeurs, mais l’objet n’en avait pas moins une forte portée symbolique) ; obligation pour les demandeurs d’asile de déposer leurs demandes depuis l’étranger ; renvoi systématique des clandestins hors du pays.

Ces politiques ont été abandonnées par l’administration Biden. Dès les premiers jours. Par décrets présidentiels. Et Joe Biden a annoncé en fanfare une grande loi d’amnistie pour les douze millions de clandestins déjà présents aux Etats-Unis. Ces décisions et ces annonces ont fonctionné comme un appel d’air et déclenché un afflux massif de nouveaux candidats à l’immigration. En avril 2021 le nombre d’arrestations à la frontière mexicaine fut de cent quatre-vingt-dix mille ! Douze fois plus qu’un an plus tôt. Cet afflux a submergé les services sociaux des localités et régions concernées. S’en suivit une crise humanitaire et sanitaire dont les images ont indigné les Américains : gardes-frontières débordés, centre d’accueils surpeuplés, mineurs non-accompagnés entassés par centaines dans des cellules vitrées, etc. L’administration Démocrate a été dépassée par les conséquences de ses décisions.

Cette crise n’est toujours pas terminée ! Elle n’occupe plus les écrans, comme au printemps, mais les clandestins continuent d’affluer.

La seconde crise concerne l’énergie.

Comme la précédente, elle est entièrement le fait des politiques instituées par l’administration Biden. C’est une crise qui n’avait pas lieu d’être. L’excellente santé du secteur énergétique constituait le succès le plus retentissant de l’administration Trump. L’Amérique était devenue, pour la première fois de son histoire moderne, auto-suffisante en énergie. Les Américains produisaient plus qu’ils ne consommaient. Mieux, les Etats-Unis étaient devenus le premier producteur de gaz naturel et le premier producteur de pétrole au monde. Devant la Russie et devant l’Arabie Saoudite. Cette réussite a été sapée, consciemment et délibérément, par Joe Biden et les Démocrates.

Les deux éléments déclencheurs furent deux décrets signés dans les premiers jours de l’administration. Le premier suspendit, sans sommation, la construction du pipeline Keystone, reliant des champs bitumineux du Canada et du nord des Etats-Unis au golfe du Mexique. Le second suspendit les permis d’exploration et de forages sur les terres fédérales et programma l’élimination progressive des énergies fossiles aux Etats-Unis. Le président signa d’un trait de plume la mort d’un secteur économique florissant et des dizaines de milliers d’emplois qui en dépendent.

Cela a été fait au nom de la lutte contre le changement climatique, pénalisant instantanément l’économie et l’emploi aux Etats-Unis. Sans aucune contrepartie de la part des partenaires et concurrents des Etats-Unis. Au contraire, Biden mit fin aux sanctions imposées par Donald Trump contre le pipeline russe Nord-Stream 2, donnant un coup de pouce à l’exportation du gaz russe vers l’Allemagne et l’Europe centrale. Non content de pénaliser l’Amérique il favorisait ses concurrents. Une logique incompréhensible pour les électeurs.

La première conséquence de cette politique fut une envolée du prix de l’essence à la pompe et du pétrole au baril ! .Le « gallon » (4 litres) d’essence qui coûtait environ deux dollars sous Donald Trump en coûte désormais le double. Parfois plus. En Californie une station-service située sur le célèbre Highway 101, affichait un prix de 5, 39 dollars le gallon cet été.

Le prix du baril qui se situait autour de 40 dollars début novembre 2020 approche désormais les 80 dollars ! Il a été multiplié par deux en huit mois ! Comble de l’incohérence le président Biden a demandé, début août, aux membres de l’OPEP d’augmenter leur propre production, pour faire baisser les prix et soutenir l’économie mondiale… Si le ridicule tuait, il y aurait une hécatombe à la Maison Blanche!

Cette hausse du prix du brut ne s’est pas produite dans un vide économique. Le prix de toutes les matières premières est reparti à la hausse engendrant aux Etats-Unis un redémarrage de l’inflation ! Une crise supplémentaire manufacturée par l’administration.

L’inflation renvoie à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. C’était le mal des années 1970-1990. Elle avait disparu du contexte international depuis. Elle revient aux Etats-Unis. En mai et juin les prix ont augmenté à un rythme annuel de 12%. Le taux le plus élevé depuis 2008. Sur les douze derniers moi la hausse est de 5,4%, alors que depuis 2010 elle a été contenue entre 1 et 2% par an. Les produits les plus touchés sont le bois (donc l’immobilier et le mobilier aux Etats-Unis), les voitures, les appareils électroménagers, le café, la viande et les soins de santé.

Au-delà du contexte international qui peut susciter des variations de prix sur certains produits comme le café, les analystes attribuent ces hausses au nouveau « climat inflationniste ». Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Biden a approuvé plus de trois mille milliards de dépenses supplémentaires, portant la dette nationale à près de trente mille milliards de dollars, à travers des plans de relance successifs, et des gros projets d’infrastructures. Or ces trains de mesure débordent de dotations aux motivations plus politiques qu’économiques (ce que les Américains appellent « pork ») et surtout seront financés par l’emprunt c’est-à-dire la planche à billets…

Ce qui n’a pas empêché Joe Biden d’annoncer par ailleurs une série de hausses d’impôt.

La taxe fédérale sur les revenus du capital passerait de 29% aujourd’hui à 39%. Une fois facturées les taxes d’Etat sur ces mêmes gains, les investisseurs se verraient ponctionnés de près de 49%. Ce qui ferait des Etats-Unis le pays avec la taxation du capital la plus lourde de tous les pays de l’OCDE ! Surprenant pour un pays encore dénoncé comme porte étendard de l’ultra-libéralisme

Dans la foulée, Biden a proposé une hausse des taxes sur le revenu des salariés, sur les entreprises, sur la propriété et même sur les successions. Il ne s’agit pour l’instant que de propositions qui doivent être débattues au Congrès mais l’effet de ces annonces sur l’économie a été immédiat.

Entreprises et investisseurs hésitent à s’engager avant de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Du coup l’économie se traine. Le taux de chômage national reste largement au-dessus de ce qu’il était sous Donald Trump avant la pandémie de Covid-19. 5,4% en juillet 2021 contre 3,2% en décembre 2019.

Justement la pandémie n’en finit pas aux Etats-Unis. C’est une crise supplémentaire et les Américains se lassent de recommandations changeantes et d’une obligation de port du masque sans cesse prolongée dont les politiciens à Washington semblent, au passage, être exempts.

Grace au plan « Warp speed » de Donald Trump, les Etats-Unis ont développé en 2020 plusieurs vaccins contre le Covid en un temps record, neuf mois. La campagne de vaccination a commencé dès décembre, avant la prise de fonction de Joe Biden. Celui-ci avait promis que le 4 juillet, date de la fête nationale, serait aussi la date de la « libération », c’est-à-dire de la fin des restrictions liées au Covid. Nous sommes fin août et les restrictions sont toujours en place. Pire, le Docteur Anthony Fauci, expert scientifique auprès du gouvernement, affirme à présent que « la pandémie ne sera pas sous contrôle avant le printemps 2022 ». Et encore, à condition que les taux de vaccination progressent.

La faute aux « variants », dit-il. C’est-à-dire aux différentes mutations du virus, La faute aussi à une perte de confiance des Américains envers les vaccins. Non seulement leur efficacité est limitée dans le temps (certains parlent de rappels annuels, comme pour la grippe) mais ces vaccins n’ont pas enrayé la propagation du virus. Illustration étonnante de ce phénomène de rejet, Donald Trump, d’habitude si adulé par ses partisans, a récemment essuyé des huées quand il a invité ses supporters à se faire vacciner ! La campagne de vaccination a d’ailleurs connu un coup d’arrêt au cours des dernières semaines. Avec 52% de sa population vaccinées, les Etats-Unis se retrouvent au même niveau de vaccination que la Grèce et derrière la France.

L’ultime crise de crise est une crise raciale, avec des retombées culturelles et sociales.

Depuis huit mois, au nom de « l’équité raciale », les programmes scolaires, les enseignements militaires, et même les formations professionnelles des grandes entreprises ont été bouleversés pour faire place à la « théorie critique des races ». Le phénomène s’est répandu à travers le pays comme une trainée de poudre. C’est une révolution culturelle d’une telle soudaineté et d’une telle ampleur qu’elle a d’abord suscité de l’incrédulité, avant de déboucher sur un rejet résolu de la part des électeurs, toutes races confondues !

La « théorie critique des races » est une construction intellectuelle d’inspiration marxiste qui considère la race comme le vecteur dominant des rapports sociaux et dénonce les personnes de race « blanche » comme intrinsèquement racistes. Sans exception. Ce racisme serait responsable de la persistance d’un échec économique au sein d’une partie de la communauté noire et appellerait à être corrigé par des réparations financières et une rééducation de la communauté blanche.

Les tenants de cette théorie, appuyés par l’administration Biden, mettent en avant le concept « d’équité » raciale, qui va bien au-delà de l’idée « d’égalité » raciale. Il ne s’agit plus de garantir l’égalité des chances. Il s’agit de parvenir à l’égalité des résultats. C’est une idée qui a germé pendant des décennies au sein de la gauche radicale américaine et de Noirs « racialistes » avant d’exploser au visage de l’Amérique en 2021.

Concrètement, elle passe par l’enseignement dans les écoles primaires américaines de l’existence d’un racisme systémique blanc. Dès l’âge de sept ans, les écoliers sont soumis à cet endoctrinement et tenus d’apprendre et réciter ses préceptes, comme les Chinois sous Mao et les Cambodgiens sous Pol Pot.

Les nouvelles recrues de l’armée sont sommées de lire le livre « Comment devenir un anti-raciste » par Ibram Xolandi Kendi (de son vrai nom Ibram Henry Rogers), dont l’une des propositions est la mise en place d’un « Ministère de l’anti-racisme » chargé de superviser l’action de… tous les autres ministères.

Tandis que la gauche et de pseudo-révolutionnaires noirs font ainsi la chasse aux racistes blancs, la criminalité explose, dans les quartiers noirs et au-delà. Depuis les manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd en mai 2020, avec leur flot de revendications visant à réduire les services de police dans les grandes villes, on assiste à une explosion de toutes les formes de criminalité: homicides par armes à feu, vols de voiture, cambriolages et vols à l’étalage.

New York, Chicago, Baltimore, Saint Louis, Detroit, Sans Francisco, et d’autres grandes villes ont vu une hausse vertigineuse de nombre de meurtres. A Chicago, les meurtres ont augmenté de 50% entre 2019 et 2020, passant de 500 à 775. En 2021, le cap de 800 meurtres pourrait être dépassé. A Seattle la progression a été de 61%. A Minneapolis, ville où George Floyd a été tué, les homicides sont remontés à leur niveau des années 1990, au plus fort des ravages de la « crack-cocaïne ». Idem dans la capitale fédérale Washington D.C..

Ces villes ont deux choses en commun. Elles sont toutes dirigées par des administrations démocrates depuis des décennies. Elles ont toutes réduit leur budget consacré à la police en 2020.

A San Francisco, le vol à l’étalage est devenu une activité banale. Régulièrement, les grands magasins sont dévalisés par des bandes de pillards qui prennent soin de ne pas voler pour plus de 950 dollars de marchandises. En effet une loi locale considère qu’en dessous de cette somme le vol n’est pas un « crime » mais un simple « délit » et que la police ainsi que le procureur s’en désintéresseront. Résultat, les pillages se déroulent en plein jour, sous les caméras de sécurité et sous l’œil de gardes qui ont pour ordre de ne pas intervenir, de peur de provoquer des affrontements violents pouvant engendrer des victimes humaines…

Voilà à quoi ressemble l’Amérique de Joe Biden.

Avec des tels résultats il est presque surprenant que sa côte de popularité ne soit pas encore plus basse. Il peut remercier les médias dominants qui jusqu’à présent l’ont épargné. Comme ils l’avaient fait durant la campagne électorale. Mais cela aussi est en train de changer. A la lumière de la débâcle afghane CNN et le New York Times réévaluent leur soutien aveugle à Joe Biden. Leurs journalistes retrouvent soudain de leur mordant et Joe Biden est pointé du doigt pour ses lapsus, ses errements, ses trous de mémoire, ses faiblesses intellectuelles, et surtout sa déconnexion apparente face aux conséquences gravissimes de sa politique. Il transparaît de plus en plus que Biden n’est qu’un président par intermittence. La question de savoir s’il est en mesure de diriger le pays, et s’il peut achever son mandat, est sur toutes les lèvres.

Toutefois, une destitution ou une démission de Joe Biden, ouvrirait la porte du bureau ovale à Kamala Harris, sa vice-présidente. Et heureusement pour lui, elle est encore plus impopulaire qu’il ne l’est devenu.


Cannes/74e: On s’agenouille tous pour la People’s Republic of Brooklyn ! (BLMization of world cinema: Guess which Hollywood friend of notorious antisemites Farrakhan and Sharpton the Cannes film festival just happened to pick for its president poster boy ?)

9 juillet, 2021

 

Do the Right Thing' — remixed

Spike Lee Do the right Thing – Analysis of the riot scene – Au cas ou ça t'aiderais
Spike Lee Do the right Thing – Analysis of the riot scene – Au cas ou ça t'aiderais

The DGA Fails to Do the Right Thing | by Argun Ulgen | The Outtake | Medium

Martin Luther King, Jr. quote: It is always the right time to do the right ...Malcolm X quote: I don't even call it violence when it's in self... Opinion | Black Voters Are Coming for Trump - The New York TimesOpinion | The Civil Rights Act of 2020 - The New York TimesViolent protests in Los Angeles tear through Jewish neighborhood – The ForwardPuisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience. Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté, parce qu’il était  nègre, de le réduire à l’état  de  bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître  pour un homme. Or il n’est pas ici d’échappatoire, ni de tricherie, ni de « passage de ligne  » qu’il puisse envisager : un Juif, blanc parmi les  blancs, peut nier qu’il  soit juif, se déclarer un homme parmi les hommes. Le nègre ne peut  nier qu’il  soit  nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Ainsi est-il acculé à l’authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse  le  mot de « nègre » qu’on lui a  jeté comme une pierre, il se revendique  comme noir, en face du blanc, dans la fierté. L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés  dans le même combat doit être  précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme  antiraciste est le  seul chemin qui puisse  mener à l’abolition  des  différences de race.  Jean-Paul Sartre (Orphée noir, 1948)
The greatest miracle Christianity has achieved in America is that the black man in white Christian hands has not grown violent. It is a miracle that 22 million black people have not risen up against their oppressors–in which they would have been justified by all moral criteria, and even by the democratic tradition! It is a miracle that a nation of black people has so fervently continued to believe in a turn-the-other-cheek and heaven-for-you-after-you-die philosophy! It is a miracle that the American Black people have remained a peaceful people, while catching all the centuries of hell that they have caught, here in white man’s heaven! The miracle is that the white man’s puppet Negro ‘leaders,’ his preachers and the educated Negroes laden with degrees, and others who have been allowed to wax fat off their black poor brothers, have been able to hold the black masses quiet until now. Malcom X (épigraphe du film Do the right thing)
Ils sont toujours à la recherche de leur golden boy blanc. Spike Lee
Je suis allé voir le ministre Farrakhan pour avoir leur bénédiction, sa bénédiction. Spike Lee
Tu as brûlé ma photo dans Do the Right Thing! Frank Sinatra
Parce que l’impatience est immense de retrouver enfin le décor cannois : le bord de mer, les palmiers et l’écran noir qui accueillera en page blanche les films de la Sélection officielle, parce que ce regard curieux qu’il va poser sur le travail de ses collègues cinéastes qui viennent apporter des nouvelles du monde, de leur monde et forcément un peu du nôtre, parce que ce regard personnel qu’il nous offre depuis son tout premier film : tourné dans la chaleur de l’été 1985 en noir et blanc – déjà –, il bousculait le cinéma – déjà – en imposant un style précurseur, pétri de culture urbaine et populaire, parce que ce regard tendre qu’il incarne en Mars Blackmon, le B-Boy de Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, stéréotype de représentation de la communauté afro-américaine que le film dynamite, parce que ce regard malicieux qui, malgré questionnements renouvelés et révoltes incessantes depuis près de quatre décennies, ne néglige jamais le divertissement, … Spike Lee, citoyen de la « People’s Republic of Brooklyn, New York », est sur l’affiche de cette édition collector… forcément ! Who else ? Depuis la « People’s Republic of the World of Cinéma, Cannes. L’équipe du Festival de Cannes
Sal, how come you ain’t got no brothers up on the wall here? (…)  you own this, but rarely do I see any Italian Americans eating in here. All I’ve ever seen is black folks. So since we spend much money here, we do have some say. (…) Put some brothers up on this Wall of Fame. We want Malcolm X, Angela Davis, Michael Jordan tomorrow. (…) Boycott Sal’s. Boycott Sal’s. Buggin out (personnage de Do the right thing)
What did I tell ya ’bout dat noise? (…) What da fuck! Are you deaf? (…) Turn that JUNGLE MUSIC off. We ain’t in Africa. (…) It’s about turning that shit off and getting the fuck outta my pizzeria. (…) What ever happened to nice music with words you can understand? Sal (propriétaire de la pizzeria dans Do the right thing)
Mon frère a été à l’avant-garde de nos batailles encore et toujours. Depuis très longtemps jusqu’à cette révolution actuelle dans laquelle se trouve le monde, Rev. [Al Sharpton] a parlé de Black Lives Matter dès le début, également à une époque où ce n’était pas la chose la plus populaire ou la plus branchée. Spike Lee
Tout d’un coup une maladie surgit de nulle part et pour laquelle personne n’a de remède, et elle cible spécifiquement les gays et les minorités (les latinos et les noirs). La maladie mystérieuse, ouais, à peu près aussi mystérieuse que le génocide. […] Je suis convaincu que le sida est une maladie conçue par le gouvernement. Spike Lee (Rolling Stone, 1992)
Je voulais sérieusement prendre une arme et tirer sur des blancs. La seule façon de résoudre les problèmes est un bain de sang. Spike Lee (après un voyage en Afrique du sud)
Abattez-le avec un calibre .44 Bulldog. Spike Lee (au sujet de Charlton Heston, alors acteur et président de la NRA)
Je ne vois jamais d’hommes noirs avec de belles femmes blanches. Ils sont laids, moches, des chiens. Et vous voyez toujours des hommes blancs avec de belles femmes noires. Chaque fois que vous voyez un couple interracial, les gens les regardent fixement. (…) Je n’ai pas besoin d’ennuis. Comme je n’y vais pas, je n’aime pas cette merde. Je ne trouve pas les femmes blanches attirantes, c’est tout. Et il y a beaucoup trop de belles femmes noires. (…) Les noirs ne peuvent pas être racistes. Spike Lee (1991)
I give interracial couples a look. Daggers. They get uncomfortable when they see me on the street. Hand in hand and arm in arm. I just hope they’re on in it for the sex mythology. Spike Lee
It’s not too far-fetched. I don’t put anything past the United States government. I don’t find it too far-fetched that they tried to displace all the black people out of New Orleans. Spike Lee
My first experience [with doing nude scenes] was Do the Right Thing. And I had a big problem with it, mainly because I was afraid of what my family would think — that’s what was really bothering me. It wasn’t really about taking off my clothes. But I also didn’t feel good about it because the atmosphere wasn’t correct. And when Spike Lee puts ice cubes on my nipples, the reason you don’t see my head is because I’m crying. I was like, I don’t want to do this. Rosie Perez
[Spike Lee] n’a pas été suivi, je n’ai vu personne d’autre monter au créneau, et ce sont plutôt des libéraux blancs qui reprochent au film de n’être pas très correct. J’utilise le mot nigga parce que je n’ai qu’une idée en tête: être au plus près de la vérité des personnages d’Elmore Leonard, c’est ainsi qu’ils s’expriment : “Comment ça va, nigga ?” J’ai grandi dans un environnement où on parlait comme ça. Je ne vois pas pourquoi je n’écrirais pas les choses telles qu’elles sont. Je devrais prendre des pincettes pour écrire un personnage noir ? Je suis bien placé pour écrire des personnages de jeune femme ou de vieux gangster mais pas des personnages noirs ? C’est délirant. Quentin Tarantino (1998)
Je ne pense pas que le mot est insultant placé dans le contexte du film. Les artistes noirs pensent qu’ils sont les seuls autorisés à utiliser ce mot. Jackie Brown est un superbe film rendant hommage aux films de la Blaxploitation. C’est un bon film, chose que Spike n’a pas fait depuis quelques années. (…) Y avait-il un autre mot pour appeler les personnes noires dans le langage courant à cette époque ? Si vous devez faire un film d’époque, alors vous devez utiliser le langage qui était présent. Et c’était ce langage qui était présent à cette époque. J’ai grandi dans le Sud, j’ai entendu Nigger toute ma vie. Je ne suis pas perturbé par ça. Samuel L. Jackson
Je ne peux pas en parler, parce que je n’irai pas le voir. Je ne veux pas le voir. […] Je pense que ça serait manquer de respect à mes ancêtres. C’est tout ce que j’ai à dire. Je ne peux pas manquer de respect à mes ancêtres.  L’esclavage américain n’était pas un western spaghetti de Sergio Leone. C’était un holocauste. Mes ancêtres étaient esclaves. Je leur ferai honneur. Spike Lee
 Clint Eastwood a fait deux films sur Iwo Jima qui dépassaient les quatre heures au total et pas un acteur noir n’est vu à l’écran. (…) Dans sa version d’Iwo Jima, les soldats noirs n’existaient pas. Si vous, les journalistes, en aviez, vous lui demanderiez pourquoi. Il n’y a aucun moyen que je sache pourquoi il a fait ça… Mais je sais que ça lui a été signalé et qu’il aurait pu le changer. Ce n’est pas comme s’il ne savait pas. Spike Lee
Est-ce qu’il déjà étudié l’histoire ? (…) Il s’est plaint quand j’ai fait Bird [le biopic de 1988 de Charlie Parker]. Pourquoi un Blanc ferait-il ça ? J’étais le seul gars qui l’a fait, c’est pour ça. Il aurait pu aller de l’avant et y arriver. Au lieu de cela, il faisait autre chose. Quant à Flags of Our Fathers, oui, il y avait un petit détachement de troupes noires sur Iwo Jima dans le cadre d’une compagnie de munitions, mais ils n’ont pas hissé le drapeau. L’histoire est Flags of Nos pères, la célèbre photo de lever de drapeau, et ils n’ont pas fait ça. Si je mettais un acteur afro-américain là-dedans, les gens diraient : « Ce type a perdu la tête. » Je veux dire, ce n’est pas exact. (…) Qu’est-ce que tu vas faire, tu vas raconter une putain d’histoire à ce sujet ? Faire ressembler ça à une publicité pour un joueur de l’égalité des chances ? Je ne suis pas dans ce jeu. Je « Je le joue comme je l’ai lu historiquement, et c’est comme ça. Quand je fais une image et qu’elle est à 90% noire, comme Bird, j’utilise 90% de noirs. (…) Je ne vais pas faire de Nelson Mandela un Blanc. Clint Eastwood
EVERYBODY REPOST THIS George W. Zimmerman 159 Edgewater Circle Sanford, Florida 32773 — MARCUS D.HIGGINS (@MACCAPONE) ⁠Spike Lee (March 23, 2012)
Pas ma tasse de thé. Un tel point de vue sur les Noirs n’est vraiment pas tolérable. Spike Lee (au sujet de Green book)
I grew up here in Fort Greene. I grew up here in New York. It’s changed. And why does it take an influx of white New Yorkers in the south Bronx, in Harlem, in Bed Stuy, in Crown Heights for the facilities to get better? The garbage wasn’t picked up every motherfuckin’ day when I was living in 165 Washington Park. P.S 20 was not good. P.S 11. Rothschild 294. The police weren’t around. When you see white mothers pushing their babies in strollers, three o’clock in the morning on 125th Street, that must tell you something. (…) Then comes the motherfuckin’ Christopher Columbus Syndrome. You can’t discover this! We been here. You just can’t come and bogart. There were brothers playing motherfuckin’ African drums in Mount Morris Park for 40 years and now they can’t do it anymore because the new inhabitants said the drums are loud. My father’s a great jazz musician. He bought a house in nineteen-motherfuckin’-sixty-eight, and the motherfuckin’ people moved in last year and called the cops on my father. He’s not — he doesn’t even play electric bass! It’s acoustic! We bought the motherfuckin’ house in nineteen-sixty-motherfuckin’-eight and now you call the cops? In 2013? Get the fuck outta here! Nah. You can’t do that. You can’t just come in the neighborhood and start bogarting and say, like you’re motherfuckin’ Columbus and kill off the Native Americans. Or what they do in Brazil, what they did to the indigenous people. You have to come with respect. There’s a code. There’s people. You can’t just – here’s another thing: When Michael Jackson died they wanted to have a party for him in motherfuckin’ Fort Greene Park and all of a sudden the white people in Fort Greene said, « Wait a minute! We can’t have black people having a party for Michael Jackson to celebrate his life. Who’s coming to the neighborhood? They’re gonna leave lots of garbage. » Garbage? Have you seen Fort Greene Park in the morning? It’s like the motherfuckin’ Westminster Dog Show. There’s 20,000 dogs running around. Whoa. So we had to move it to Prospect Park! I mean, they just move in the neighborhood. You just can’t come in the neighborhood. I’m for democracy and letting everybody live but you gotta have some respect. You can’t just come in when people have a culture that’s been laid down for generations and you come in and now shit gotta change because you’re here? Get the fuck outta here. Can’t do that! (…) And then! So you’re talking about the people’s property change? But what about the people who are renting? They can’t afford it anymore! You can’t afford it. People want live in Fort Greene. People wanna live in Clinton Hill. The Lower East Side, they move to Williamsburg, they can’t even afford fuckin’, motherfuckin’ Williamsburg now because of motherfuckin’ hipsters. What do they call Bushwick now? What’s the word? (…) That’s another thing: Motherfuckin’… These real estate motherfuckers are changing names! Stuyvestant Heights? 110th to 125th, there’s another name for Harlem. What is it? What? What is it? No, no, not Morningside Heights. There’s a new one. (…) What the fuck is that? How you changin’ names? And we had the crystal ball, motherfuckin’ Do the Right Thing with John Savage’s character, when he rolled his bike over Buggin’ Out’s sneaker. I wrote that script in 1988. He was the first one. How you walking around Brooklyn with a Larry Bird jersey on? You can’t do that. Not in Bed Stuy. So, look, you might say, « Well, there’s more police protection. The public schools are better. » Why are the public schools better? First of all, everybody can’t afford — even if you have money it’s still hard to get your kids into private school. Everybody wants to go to Saint Ann’s — you can’t get into Saint Ann’s. You can’t get into Friends. What’s the other one? In Brooklyn Heights. Packer. If you can’t get your child into there … It’s crazy. There’s a business now where people — you pay — people don’t even have kids yet and they’re taking this course about how to get your kid into private school. I’m not lying! So if you can’t get your kid into private school and you’re white here, and you can’t afford it, what’s the next best thing? All right, now we’re gonna go to public schools. So, why did it take this great influx of white people to get the schools better? Why’s there more police protection in Bed Stuy and Harlem now? Why’s the garbage getting picked up more regularly? We been here! (…) My one sole point though is wealth creation in the African-American community, something that we’ve traditionally been locked out – you bought a house in the ghetto and in three generations the house was worth nothing in the ghetto. So, for those homeowners that did stick in in Bed Stuy – my parents moved in it was an all Jewish neighbourhood there, so I’ve seen it through everything – so for those people that did stick in, now we have an opportunity for wealth creation that we’ve been locked out of. So now while it may not help the renters, and everything you said was absolutely true, what about that one aspect of wealth creation for people that have paid those taxes, that have fought to keep the crime down on their blocks, and all the other things they did to maintain… because the white folks are not moving back because it’s the ghetto, they’re moving back because they are beautiful blocks full of beautiful brownstones that have been well maintained by people of colour.] (…) The people you talked about are not a great number. Number one, a lot of these people have not kept their taxes so they can’t afford to keep the house. Number two, when these real estate guys come around and open a suitcase with a bunch of money they’re gonna sell it. I mean these people you’re talking about are elderly. And they get the money, their money goes a lot further down south. Black people by droves in New York City, it’s called reverse migration. They’re moving to Atlanta, they’re moving to North Carolina. They got a house, they got a lawn, they got a backyard, they have less taxes… New York City’s a hard place and so if you’ve worked all your life and you’re retired, they’re selling their houses and I don’t blame them. I can’t say to them, ‘you can’t sell your house’. They’re like, ‘Fuck you, Spike’. You have to do some research, and look at the numbers. The black American population of New York City is going down. There’s reverse migration. (…) what we need, we need affordable housing for everybody. People can’t afford, I mean, here’s the thing… the further away from Manhattan. Brooklyn Heights is the most expensive neighbourhood. Then you got Park Slopes, Fort Greene, Cobble Hill, Clinton Hill and then, you know, it works like this… the rents get cheaper the further away you go from Brooklyn. And the reality is, after the sand on Coney Island, it’s the motherfucking Atlantic ocean. So, where you gonna go? Where you gonna go? Puerto Ricans say the same thing. A lot of people said ‘well, we’re gonna move to Bucks County. Or move back to Puerto Rico’. People can’t afford to live here anymore. And if people can’t afford to live then it’s going to be the [words unclear] like you. There used to be a time you could… when $2 and $1, you could get by. You can’t do it anymore. So, if New York City is not affordable then the great art that we have is not going to be here, because people can’t afford it. So, I know what you’re saying, but I don’t see a lot of good coming from gentrification for the people living in those neighbourhoods. We got a new neighbourhood in the South Bronx now, what do we call it? What? SoBro. It’s a scam! It’s shenanigans, trickery, people being bamboozled, leather string, run a-muck. What they call Bushwick now? Spike Lee
Ce monde est dirigé par des gangsters. ‘Agent Orange’ [Trump], le gars au Brésil [Bolsanoro] et Poutine sont des gangsters. Ils font absolument tout ce qu’ils veulent, ils n’ont ni morale, ni scrupule. C’est ça le monde dans lequel nous vivons. Nous devons nous dresser contre des gangsters comme eux. (…) Quand on voit le frère Eric Gardner, le roi George Floyd, tué, lynché, je pense à Radio Raheem [personnage noir de Do the right thing tué par la police]. On pourrait croire et espérer que plus de 30 putains d’années après, les noirs ne soient plus chassées comme des animaux. Alors je suis content d’être ici. ⁠Spike Lee (président du festival de Cannes)
[Spike Lee qui appelle au boycott des Oscars et à des quotas] « Non, je trouve ça, c’est dans l’autre sens raciste, raciste pour les blancs. (…) On peut jamais savoir si c’est vraiment le cas, mais peut-être les acteurs noirs méritaient pas d’être dans la dernière ligne droite (…) Pourquoi classer les gens? On vit dans des pays où maintenant, quand même, on est plus ou moins accepté. Mais il y aura toujours des problématiques un petit peu: lui, il est moins beau, lui, il est est trop noir, lui, il est trop blanc… Il y aura toujours, toujours, quelqu’un qu’on va dire: ‘Oh, vous êtes trop’… Alors, on va classer tout ça pour faire des milliers de petites minorités partout? ». Charlotte Rampling (23.01.2016)
Je regrette que mes propos aient été mal interprétés cette semaine dna sl’interview avec Europe 1. Je voulais simplement dire que dans un monde idéal, on donnerait les mêmes chances de considération à toutes les prestations. Charlotte Rampling
La diversité est, dans notre industrie, un enjeu important auquel il faut trouver des réponses. Charlotte Rampling
There are particular individuals who are especially outraged by the lack of African-American Oscar nominees this year, such as director Spike Lee, who promises to boycott the supposedly racist ceremony. Actor Will Smith will too, insisting that his own failure to be nominated did not contribute to his pique — although his pique is symbolic of the crisis in the black community, while apparently black-on-black crime, illegitimacy, and gun violence are not so much. Yet by Spike Lee’s own standards and his own past, he should find nothing wrong with racial bias. Lee should boycott his own films for his long record of racist and reprehensible public statements designed to inflame and divide. It was the demagogic Lee, after all, who disclosed — inaccurately, as it turned out — the home address of the Zimmerman family in a sick effort to stir up violence during the Trayvon Martin debacle. And it was Lee who offered a number of incoherent but clearly racist comments about the supposed gentrification of his neighborhood (“You can’t just come in the neighborhood and start bogarting and say, like, you’re [expletive] Columbus and kill off the Native Americans”). Lee’s solution to apartheid in South Africa was direct and murderous. After visiting the country in the Nineties, he said: “I seriously wanted to pick up a gun and shoot whites. The only way to resolve matters is by bloodshed.” He has ridiculed interracial marriages in the tradition of Bull Connor’s old South. Announced Oscar host Chris Rock was said at one time also to be considering boycotting the awards. But why should Rock mind racialization? He too has a history of sloppy racist outbursts that contradict his comic persona. He claimed that police never shoot “white kids” — although the number of unarmed suspects shot annually by police roughly reflects the racial percentages of those who are arrested or detained by police. On the Fourth of July, Rock announced: “Happy white people’s independence day.” The logical corollary is to suggest that commemoration of Martin Luther King’s birthday should be confined to the black community. Speaking of the field of Oscar nominees this year, Rock, in an accidentally self-revealing comment, described the ceremony as “The White BET Awards. Victor Davis Hanson
Le nouveau film de Spike Lee, Chiraq, suscite la polémique à Chicago, où le tournage vient de débuter. En cause: le titre. Cette expression, contraction de «Chicago» et d’«Iraq», a été inventée par des rappeurs locaux en référence à une zone du sud de la ville où la violence par armes à feu prolifère. Plusieurs hommes politiques ont déjà dénoncé ce titre qui risque, selon eux, d’offrir une vision négative de la ville des vents. Le maire de Chicago Rahm Emanuel (Parti démocrate) a contesté le mois dernier le titre, indiquant que la ville devrait avoir son mot à dire après la réduction fiscale de 3 millions de dollars accordée au long métrage. Les Chicagoans, confrontés chaque jour à la violence, voient eux aussi d’un mauvais œil le tournage, rapporte le New York Times. Janelle Rush, une étudiante de 24 ans citée par le quotidien américain, n’apprécie pas le titre, mais pense «qu’il serait judicieux de montrer les quartiers de la ville que les médias ne montrent pas». Elle espère cependant «que [ce film] pourra renverser la tendance et présenter [Chicago] sous un aspect positif. Pour révéler qu’il y a autre chose que la violence par armes à feu». Le Figaro
Le monde est dirigé par des gangsters. ‘Agent Orange’ [Trump], son gars au Brésil [Bolsanoro] et Poutine sont des gangsters. Ils font absolument tout ce qu’ils veulent, ils n’ont ni morale, ni scrupule. C’est ça le monde dans lequel nous vivons. Nous devons nous dresser contre des gangsters comme eux. (…) Quand vous voyez le frère Eric Gardner, quand vous voyez le roi George Floyd, assassiné, lynché, je pense à Radio Raheem. On pourrait penser et espérer qu’une trentaine d’années plus tard, les Noirs cesseraient d’être pourchassés comme des animaux. Alors je suis content d’être ici. Spike Lee
This year’s poster features jury president Spike Lee looking out ironically through his large black glasses, framed by two palm trees. It’s not only the first time a black filmmaker presides over the jury, it’s also the first time a jury head appears on the official festival poster. Jury member Mati Diop also made history in 2019 when she became the first woman of color to have a film in competition at the festival with her feature Atlantics. This year’s jury, which awards the the festival’s highest honor the Palm D’or, also includes more women than men. At the opening day press conference, Diop and her fellow jurors emphasized the importance of greater equity and inclusion in legacy institutions like Cannes. When asked about her fellow jurors, American actor Maggie Gyllenhaal said, « I’m so curious to see what happens with this new formulation. » Cannes President Lescure says Spike Lee’s presence over the festivities in such a moment — amidst a pandemic and worldwide calls for racial justice — is particularly meaningful. « Because of his filmography, because of his talent because of his political and social actions, because of who he is, » says Lescure. « It seemed to us he was the right man, in the right place, at the right moment. » NPR
Imaginez un cinéaste blanc qui admirerait un leader raciste du Ku Klux Klan, critiquerait ses confrères pour avoir embauché trop d’acteurs de couleur et traiterait les noirs de « négros ». Imaginez le scandale, la presse en furie, les condamnations unanimes. Imaginez un peu. Mais voilà, Spike Lee a le bon goût d’être de gauche, afro-américain et militant « antiraciste ». A peine avait-il posé ses bagages sur la Croisette que le président du jury du 74e Festival de Cannes n’a pu s’empêcher de prêcher sa propagande progressiste face aux caméras. « Le monde est dirigé par des gangsters. ‘Agent Orange’, son gars au Brésil et Poutine sont des gangsters, a-t-il ainsi déclaré en conférence de presse, au premier jour de l’événement, ce mardi 6 juillet. Ils font absolument tout ce qu’ils veulent, ils n’ont ni morale, ni scrupule. C’est ça le monde dans lequel nous vivons. Nous devons nous dresser contre des gangsters comme eux. » Evidemment, le couplet sur les violences policières n’a pas manqué. « Quand vous voyez le roi George Floyd, tué, lynché, vous pourriez croire et espérer que plus de 30 putains d’années après, les personnes noires ne soient plus chassées comme des animaux », a poursuivi le premier réalisateur noir à présider le jury cannois, comme si le délinquant multirécidiviste, drogué et violent, étouffé au cours de son arrestation, était un modèle de vertu pour l’humanité. « Spike Lee a placé d’emblée le Festival sous le signe de la lutte, dénonçant les discriminations raciales et de genre », résume l’AFP, reprise par les médias français énamourés. Libération encense aussi sa « stature de guérillero ». C’est un « infatigable militant », renchérit Le Monde. Un militant haineux, serait-on tenté de préciser. Car le talentueux cinéaste de 64 ans a beau porter des lunettes (et un costume) roses sur le tapis rouge, il voit toujours le monde en noir et blanc. Jugez plutôt : dans son film Get on the Bus (1996), où le méchant de l’histoire est un chauffeur juif, Spike Lee célèbre la Million Man March, une manifestation afro-américaine organisée un an auparavant à Washington par Louis Farrakhan, le leader raciste, antisémite, négationniste, homophobe et complotiste de la Nation de l’islam (NOI), une organisation suprémaciste, noire et musulmane. Prêcheur de haine influent, Farrakhan a traité les blancs de « diables aux yeux bleus », Hitler de « très grand homme » et les juifs de « sangsues », accusés d’avoir fomenté le trafic d’esclaves et de diriger le gouvernement, l’économie, Hollywood et les médias. En 2014, celui qui considère le judaïsme comme un « mensonge trompeur » fustige encore ces « juifs sataniques qui contrôlent tout ». Un joli palmarès qui n’a pas refréné Spike Lee de l’étreindre tout sourire à l’avant-première de son film Chi-Raq, à Chicago, l’année suivante. « Je suis allé voir le ministre Farrakhan pour avoir leur bénédiction, sa bénédiction », déclarait aussi dans une interview au Los Angeles Times, en 1992, le réalisateur, au sujet de la Nation de l’islam et de son film Malcolm X (1992), biopic à la gloire du célèbre prédicateur antisémite (les juifs sont des « youpins », « les juifs dirigent le pays ») et raciste virulent (« l’homme blanc est le diable »), délinquant repenti et converti à l’islam en prison, ex-porte-parole de la NOI et mentor de… Louis Farrakhan. Le cinéaste a même fait appel aux miliciens de l’organisation haineuse, adeptes de la violence et de l’intimidation, pour sécuriser les plateaux de ses films, parmi lesquels Do The Right Thing (1989), Jungle Fever (1991) et Malcolm X (1992). « Ils sont plus efficaces que la police », a-t-il expliqué. « La police et les noirs ne se sont jamais entendus, et la communauté a simplement un grand respect pour la Nation de l’islam. » Dans son brûlot Do The Right Thing apparaît aussi sur un mur de briques la phrase « Tawana a dit la vérité », référence directe et engagée à Tawana Brawley, une adolescente noire de 15 ans qui dit avoir été enlevée, violée et sodomisée par six hommes blancs, deux ans plus tôt. La jeune fille, retrouvée dans un sac poubelle, ses vêtements brûlés et déchirés, le corps recouvert d’excréments et d’insultes (« KKK », « négresse », « salope »), est défendue par le pasteur noir Al Sharpton, qui monte des manifestations, dénonce un crime raciste et calomnie sans preuves les suspects, y compris policiers. Sauf que tout est faux. L’agression a été inventée. Un an plus tard, à l’issue d’une enquête accablante, un grand jury conclut au canular. (…) A propos de son « ami » Al Sharpton, le réalisateur n’a d’ailleurs pas de mots assez forts pour vanter son action radicale. « Mon frère a été à l’avant-garde de nos batailles encore et toujours. Depuis très longtemps jusqu’à cette révolution actuelle dans laquelle se trouve le monde, Rev. a parlé de Black Lives Matter dès le début, également à une époque où ce n’était pas la chose la plus populaire ou la plus branchée, louange-t-il, en 2020. J’ai hâte, debout à ses côtés, de voir, d’être témoin de cette nouvelle énergie, de ce jour nouveau sur le point d’advenir dans ces États-Unis d’Amérique. »  Pape « antiraciste » adoubé par l’ancien président Barack Obama et désormais par Joe Biden dont il est aussi un conseiller officieux, le Parti démocrate et la gauche institutionnelle, Al Sharpton est pourtant un prêcheur haineux, racialiste et antisémite, qui fut à l’origine d’un des plus graves incidents antisémites dans toute l’histoire des Etats-Unis. En 1991, après qu’un conducteur hassidique d’une ambulance tue par accident un garçon noir de 7 ans, le pompier pyromane encourage de violentes émeutes dans le quartier des Crown Heights, à Brooklyn. Les juifs sont des « marchands de diamants » avec « du sang de bébés innocents sur les mains », tempête-t-il. « Mort aux juifs ! », scandent aussi des factieux noirs, qui brûlent un drapeau israélien. Un étudiant rabbinique est même tué par une bande qui le poignarde et lui fracture le crâne. « Si les Juifs veulent le faire, dites-leur d’épingler leurs kippa et de venir chez moi », provoque Al Sharpton. Bilan : 152 policiers et 43 civils blessés. Menaces, chantage, extorsion… L’escroc multiplie depuis les fausses accusations de racisme. Lui aussi était à Washington en 1995 à la marche de son « ami » Farrakhan, exaltée par Spike Lee, dont les films Mo’s Better Blues (1990) et Bamboozled (2000) figurent des juifs racistes et manipulateurs. A l’époque, le réalisateur relaie également une théorie conspirationniste délirante, populaire au sein de la communauté noire et propagée par ses pires militants extrémistes, selon laquelle le gouvernement américain a créé le virus du sida. (…) Plus violent encore, il lâche au Guardian après avoir visité l’Afrique du Sud sous l’Apartheid : « Je voulais sérieusement prendre une arme et tirer sur des blancs. La seule façon de résoudre les problèmes est un bain de sang. » Des années plus tard, il appellera même au meurtre de Charlton Heston, alors patron de la NRA, exhortant quelqu’un à « tirer avec un calibre .44 Bulldog » sur l’acteur oscarisé, un mois après la tuerie sanglante de Columbine, en mai 1999. (…) Fidèle à la pensée racialiste, exprimée par des intellectuels noirs radicaux depuis les années 60, Spike Lee sombre carrément dans le séparatisme en avouant son mépris pour les couples mixtes. (…) Lui-même a juré de ne jamais entretenir de relation avec des femmes blanches (…) Dans le même entretien à Playboy, il ajoutait : « Les noirs ne peuvent pas être racistes. » Ironie de l’histoire, son père, le musicien de jazz Bill Lee, a épousé une femme blanche et juive… Ajoutons à son CV gratiné que le réalisateur de BlacKkKlansman (2018) a pris la défense de criminels noirs, diffusé une fausse adresse de George Zimmerman, accusé (puis acquitté) du meurtre de Trayvon Martin en 2012 – alors que le New Black Panther Party, une organisation noire extrémiste, offrait une rançon pour sa capture « mort ou vif » – obligeant un couple âgé à fuir son domicile pour se réfugier à l’hôtel, mais aussi dénigré des noirs conservateurs « qui pensent comme des blancs » ou comparé « l’enculé » et « suprémaciste blanc » Donald Trump et ses électeurs républicains à Adolf Hitler et aux nazis. C’est donc en toute logique que le militant d’extrême gauche et pro-Obama apportait son soutien au candidat démocrate et « socialiste » auto-proclamé Bernie Sanders à la présidentielle de 2016. Depuis lors, Spike Lee le multimillionnaire continue à condamner le « racisme systémique » des Etats-Unis depuis son luxueux manoir new-yorkais du quartier huppé et très blanc de l’Upper East Side, à Manhattan. Amaury Brelet

Vous avez dit Blacklivesmatterisation ?

En ces temps étranges …

Où après des mois d’émeutes et de pillage au nom de l’antiracisme

Salués, entre deux génuflexions, par le bénéficiaire du hold up électoral de novembre dernier …

Un homme qui avait le malheur d’être à la fois blanc et policier se prend, suite à une interpellation qui tourne mal, 22 ans et demi de prison pour expurger le tout …

Pendant qu’enhardis par le pro-palestinisme et le pro-iranisme renouvelés de la nouvelle administration américaine, reprennent dans nos rues les bons vieux pogroms du passé …

Et où, entre deux altercations intercommunautaires, déboulonnages ou stages de rééducation idéologique, nos génuflexeurs du football se défoulent sur les Asiatiques …

Quelle meilleure illustration de la Blacklivesmatterisation du monde que nous vivons …

Que cet ô combien courageux choix des organisateurs du 74e Festival de Cannes

Comme à la fois premier président noir du jury et première tête d’affiche …

Du « citoyen de la People’s Republic of Brooklyn, New York » …

Et accessoirement…

Entre deux films appelant à l’émeute et au pillage …

Pour imposer par la violence au monde blanc, via un pauvre restaurateur italo-américain comme dans son plus célèbre film Do the right thing, à la fois les décibels de sa musique

Et, sur le mur de photos de héros italo-américains de celui-ci (comme DiMaggio, Marciano, Como, Sinatra, Pavarotti, Minnelli, Cuomo, Pacino ou Stallone), les photos de ses propres héros improbablement réunis comme MLK et Malcom X …

Meilleur ami des notoires antisémites Louis Farrakhan et Al Sharpton ?

Spike Lee, président du jury du Festival de Cannes et militant haineux racialiste
Le réalisateur afro-américain de « Malcolm X », adulé par la presse pour sa propagande « antiraciste » professée sur la Croisette, traîne pourtant derrière lui un passif sulfureux.
Amaury Brelet
7 juillet 2021

Imaginez un cinéaste blanc qui admirerait un leader raciste du Ku Klux Klan, critiquerait ses confrères pour avoir embauché trop d’acteurs de couleur et traiterait les noirs de « négros ». Imaginez le scandale, la presse en furie, les condamnations unanimes. Imaginez un peu. Mais voilà, Spike Lee a le bon goût d’être de gauche, afro-américain et militant « antiraciste ». A peine avait-il posé ses bagages sur la Croisette que le président du jury du 74e Festival de Cannes n’a pu s’empêcher de prêcher sa propagande progressiste face aux caméras. « Le monde est dirigé par des gangsters. ‘Agent Orange’, son gars au Brésil et Poutine sont des gangsters, a-t-il ainsi déclaré en conférence de presse, au premier jour de l’événement, ce mardi 6 juillet. Ils font absolument tout ce qu’ils veulent, ils n’ont ni morale, ni scrupule. C’est ça le monde dans lequel nous vivons. Nous devons nous dresser contre des gangsters comme eux. »

Evidemment, le couplet sur les violences policières n’a pas manqué. « Quand vous voyez le roi George Floyd, tué, lynché, vous pourriez croire et espérer que plus de 30 putains d’années après, les personnes noires ne soient plus chassées comme des animaux », a poursuivi le premier réalisateur noir à présider le jury cannois, comme si le délinquant multirécidiviste, drogué et violent, étouffé au cours de son arrestation, était un modèle de vertu pour l’humanité. « Spike Lee a placé d’emblée le Festival sous le signe de la lutte, dénonçant les discriminations raciales et de genre », résume l’AFP, reprise par les médias français énamourés. Libération encense aussi sa « stature de guérillero ». C’est un « infatigable militant », renchérit Le Monde. Un militant haineux, serait-on tenté de préciser. Car le talentueux cinéaste de 64 ans a beau porter des lunettes (et un costume) roses sur le tapis rouge, il voit toujours le monde en noir et blanc.

Un admirateur du « Hitler noir » Farrakhan

Jugez plutôt : dans son film Get on the Bus (1996), où le méchant de l’histoire est un chauffeur juif, Spike Lee célèbre la Million Man March, une manifestation afro-américaine organisée un an auparavant à Washington par Louis Farrakhan, le leader raciste, antisémite, négationniste, homophobe et complotiste de la Nation de l’islam (NOI), une organisation suprémaciste, noire et musulmane. Prêcheur de haine influent, Farrakhan a traité les blancs de « diables aux yeux bleus », Hitler de « très grand homme » et les juifs de « sangsues », accusés d’avoir fomenté le trafic d’esclaves et de diriger le gouvernement, l’économie, Hollywood et les médias. En 2014, celui qui considère le judaïsme comme un « mensonge trompeur » fustige encore ces « juifs sataniques qui contrôlent tout ». Un joli palmarès qui n’a pas refréné Spike Lee de l’étreindre tout sourire à l’avant-première de son film Chi-Raq, à Chicago, l’année suivante.

« Je suis allé voir le ministre Farrakhan pour avoir leur bénédiction, sa bénédiction », déclarait aussi dans une interview au Los Angeles Times, en 1992, le réalisateur, au sujet de la Nation de l’islam et de son film Malcolm X (1992), biopic à la gloire du célèbre prédicateur antisémite (les juifs sont des « youpins », « les juifs dirigent le pays ») et raciste virulent (« l’homme blanc est le diable »), délinquant repenti et converti à l’islam en prison, ex-porte-parole de la NOI et mentor de… Louis Farrakhan. Le cinéaste a même fait appel aux miliciens de l’organisation haineuse, adeptes de la violence et de l’intimidation, pour sécuriser les plateaux de ses films, parmi lesquels Do The Right Thing (1989), Jungle Fever (1991) et Malcolm X (1992). « Ils sont plus efficaces que la police », a-t-il expliqué. « La police et les noirs ne se sont jamais entendus, et la communauté a simplement un grand respect pour la Nation de l’islam. »

Spike Lee, Al Sharpton et les juifs

Dans son brûlot Do The Right Thing apparaît aussi sur un mur de briques la phrase « Tawana a dit la vérité », référence directe et engagée à Tawana Brawley, une adolescente noire de 15 ans qui dit avoir été enlevée, violée et sodomisée par six hommes blancs, deux ans plus tôt. La jeune fille, retrouvée dans un sac poubelle, ses vêtements brûlés et déchirés, le corps recouvert d’excréments et d’insultes (« KKK », « négresse », « salope »), est défendue par le pasteur noir Al Sharpton, qui monte des manifestations, dénonce un crime raciste et calomnie sans preuves les suspects, y compris policiers. Sauf que tout est faux. L’agression a été inventée. Un an plus tard, à l’issue d’une enquête accablante, un grand jury conclut au canular. Quand le film Sex, Lies and Videotape de Steven Soderbergh bat le sien pour la Palme d’Or en 1989, Spike Lee se victimise et blâme… le racisme : « Ils sont toujours à la recherche de leur golden boy blanc. »

A propos de son « ami » Al Sharpton, le réalisateur n’a d’ailleurs pas de mots assez forts pour vanter son action radicale. « Mon frère a été à l’avant-garde de nos batailles encore et toujours. Depuis très longtemps jusqu’à cette révolution actuelle dans laquelle se trouve le monde, Rev. a parlé de Black Lives Matter dès le début, également à une époque où ce n’était pas la chose la plus populaire ou la plus branchée, louange-t-il, en 2020. J’ai hâte, debout à ses côtés, de voir, d’être témoin de cette nouvelle énergie, de ce jour nouveau sur le point d’advenir dans ces États-Unis d’Amérique. » Pape « antiraciste » adoubé par l’ancien président Barack Obama et désormais par Joe Biden dont il est aussi un conseiller officieux, le Parti démocrate et la gauche institutionnelle, Al Sharpton est pourtant un prêcheur haineux, racialiste et antisémite, qui fut à l’origine d’un des plus graves incidents antisémites dans toute l’histoire des Etats-Unis.

En 1991, après qu’un conducteur hassidique d’une ambulance tue par accident un garçon noir de 7 ans, le pompier pyromane encourage de violentes émeutes dans le quartier des Crown Heights, à Brooklyn. Les juifs sont des « marchands de diamants » avec « du sang de bébés innocents sur les mains », tempête-t-il. « Mort aux juifs ! », scandent aussi des factieux noirs, qui brûlent un drapeau israélien. Un étudiant rabbinique est même tué par une bande qui le poignarde et lui fracture le crâne. « Si les Juifs veulent le faire, dites-leur d’épingler leurs kippa et de venir chez moi », provoque Al Sharpton. Bilan : 152 policiers et 43 civils blessés. Menaces, chantage, extorsion… L’escroc multiplie depuis les fausses accusations de racisme. Lui aussi était à Washington en 1995 à la marche de son « ami » Farrakhan, exaltée par Spike Lee, dont les films Mo’s Better Blues (1990) et Bamboozled (2000) figurent des juifs racistes et manipulateurs.

« Les nègres d’Hollywood »

A l’époque, le réalisateur relaie également une théorie conspirationniste délirante, populaire au sein de la communauté noire et propagée par ses pires militants extrémistes, selon laquelle le gouvernement américain a créé le virus du sida. « Tout d’un coup une maladie surgit de nulle part et pour laquelle personne n’a de remède, et elle cible spécifiquement les gays et les minorités (les latinos et les noirs). La maladie mystérieuse, ouais, à peu près aussi mystérieuse que le génocide. […] Je suis convaincu que le sida est une maladie conçue par le gouvernement », assure-t-il ainsi dans une interview au magazine Rolling Stone, en 1992. Plus violent encore, il lâche au Guardian après avoir visité l’Afrique du Sud sous l’Apartheid : « Je voulais sérieusement prendre une arme et tirer sur des blancs. La seule façon de résoudre les problèmes est un bain de sang. » Des années plus tard, il appellera même au meurtre de Charlton Heston, alors patron de la NRA, exhortant quelqu’un à « tirer avec un calibre .44 Bulldog » sur l’acteur oscarisé, un mois après la tuerie sanglante de Columbine, en mai 1999.

En donneur de leçons obnubilé, le militant « antiraciste » n’hésite pas non plus à dénoncer publiquement ses confrères de cinéma, comme l’actrice noire Whoopi Goldberg qui ose porter des lentilles de contact bleues (!), « les nègres d’Hollywood » traîtres à la cause comme Eddie Murphy et Cuba Gooding Jr., ou les réalisateurs Woody Allen et Clint Eastwood et leurs films un peu trop blancs (« Ce type devrait la fermer », a répondu l’interprète de l’inspecteur Harry). En 1991, déjà, il confiait avoir en horreur Le Lys des champs, un classique des années 60 illustrant la relation entre un homme à tout faire noir nommé Homer Smith, incarné par le comédien Sidney Poitier, et un couvent de religieuses blanches allemandes. « J’ai détesté ce film », expliquait-il. « J’avais envie de lancer une pierre dans l’écran de télé. […] Mais nous devons beaucoup à Sidney Poitier, car pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui, il a fallu faire ces films. Et Sidney devait faire ce qu’il avait à faire. Il était le nègre parfait » (sic).

Aux frontières du séparatisme

Fidèle à la pensée racialiste, exprimée par des intellectuels noirs radicaux depuis les années 60, Spike Lee sombre carrément dans le séparatisme en avouant son mépris pour les couples mixtes. « Je ne vois jamais d’hommes noirs avec de belles femmes blanches. Ils sont laids, moches, des chiens. Et vous voyez toujours des hommes blancs avec de belles femmes noires. Chaque fois que vous voyez un couple interracial, les gens les regardent fixement », disait-il en 1991. Lui-même a juré de ne jamais entretenir de relation avec des femmes blanches : « Je n’ai pas besoin d’ennuis. Comme je n’y vais pas, je n’aime pas cette merde. Je ne trouve pas les femmes blanches attirantes, c’est tout. Et il y a beaucoup trop de belles femmes noires. » Dans le même entretien à Playboy, il ajoutait : « Les noirs ne peuvent pas être racistes. » Ironie de l’histoire, son père, le musicien de jazz Bill Lee, a épousé une femme blanche et juive…

Ajoutons à son CV gratiné que le réalisateur de BlacKkKlansman (2018) a pris la défense de criminels noirs, diffusé une fausse adresse de George Zimmerman, accusé (puis acquitté) du meurtre de Trayvon Martin en 2012 – alors que le New Black Panther Party, une organisation noire extrémiste, offrait une rançon pour sa capture « mort ou vif » – obligeant un couple âgé à fuir son domicile pour se réfugier à l’hôtel, mais aussi dénigré des noirs conservateurs « qui pensent comme des blancs » ou comparé « l’enculé » et « suprémaciste blanc » Donald Trump et ses électeurs républicains à Adolf Hitler et aux nazis. C’est donc en toute logique que le militant d’extrême gauche et pro-Obama apportait son soutien au candidat démocrate et « socialiste » auto-proclamé Bernie Sanders à la présidentielle de 2016. Depuis lors, Spike Lee le multimillionnaire continue à condamner le « racisme systémique » des Etats-Unis depuis son luxueux manoir new-yorkais du quartier huppé et très blanc de l’Upper East Side, à Manhattan.

Voir aussi:

1.
Spike Lee was inspired to write Do the Right Thing by what is now known as the Howard Beach incident. On December 20, 1986, a mob of twelve angry white men chased down and beat three black men who had just left a pizzeria in the predominantly Italian-American community. During the pursuit, the mob forced one of their victims, Michael Griffith, to run onto the Belt Parkway, where he was hit by a car and killed. In the behind-the-scenes footage of Do the Right Thing on this edition, Lee recalls the protest led by Reverend Al Sharpton and the call for all African-Americans to boycott white-owned pizzerias, an act that inspired the scene in which Buggin Out instigates a boycott of Sal’s.
Michael Griffith

Culture « woke »: Les entreprises aussi ! (Back in the USSR: Racial dysphoria goes big-buck corporate and fully confirms Chesterton’s 100-year-old prophecy of a modern world full of the old Christian virtues gone mad)

1 juillet, 2021

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I’m back in the USSR, you don’t know how lucky you are boy, back in the US, back in the US, back in the USSR. Lennon-McCartney
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ. Paul (Galates 3: 28)
La loi naturelle n’est pas un système de valeurs possible parmi beaucoup d’autres. C’est la seule source de tous les jugements de valeur. Si on la rejette, on rejette toute valeur. Si on conserve une seule valeur, on la conserve tout entier. (. . .) La rébellion des nouvelles idéologies contre la loi naturelle est une rébellion des branches contre l’arbre : si les rebelles réussissaient, ils découvriraient qu’ils se sont détruits eux-mêmes. L’intelligence humaine n’a pas davantage le pouvoir d’inventer une nouvelle valeur qu’il n’en a d’imaginer une nouvelle couleur primaire ou de créer un nouveau soleil avec un nouveau firmament pour qu’il s’y déplace. (…) Tout nouveau pouvoir conquis par l’homme est aussi un pouvoir sur l’homme. Tout progrès le laisse à la fois plus faible et plus fort. Dans chaque victoire, il est à la fois le général qui triomphe et le prisonnier qui suit le char triomphal . (…) Le processus qui, si on ne l’arrête pas, abolira l’homme, va aussi vite dans les pays communistes que chez les démocrates et les fascistes. Les méthodes peuvent (au premier abord) différer dans leur brutalité. Mais il y a parmi nous plus d’un savant au regard inoffensif derrière son pince-nez, plus d’un dramaturge populaire, plus d’un philosophe amateur qui poursuivent en fin de compte les mêmes buts que les dirigeants de l’Allemagne nazie. Il s’agit toujours de discréditer totalement les valeurs traditionnelles et de donner à l’humanité une forme nouvelle conformément à la volonté (qui ne peut être qu’arbitraire) de quelques membres ″chanceux″ d’une génération ″chanceuse″ qui a appris comment s’y prendre. C.S. Lewis (L’abolition de l’homme, 1943)
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. G.K. Chesterton
Il faut se rappeler que les chefs militaires allemands jouaient un jeu désespéré. Néanmoins, ce fut avec un sentiment d’effroi qu’ils tournèrent contre la Russie la plus affreuse de toutes les armes. Ils firent transporter Lénine, de Suisse en Russie, comme un bacille de la peste, dans un wagon plombé. Winston Churchill
Quand Freud est arrivé aux États-Unis, en voyant New York il a dit: « Je leur apporte la peste. » Il avait tort. Les Américains n’ont eu aucun mal à digérer une psychanalyse vite américanisée. Mais en 1966, nous avons vraiment apporté la peste avec Lacan et la déconstruction… du moins dans les universités! Au point que je me suis senti soudain aussi étranger à Johns Hopkins qu’à Avignon au milieu de mes amis post-surréalistes. Un an plus tard, la déconstruction était déjà à la mode. Cela me mettait mal à l’aise. C’est la raison pour laquelle je suis parti pour Buffalo en 1968. René Girard
Puisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience. Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté, parce qu’il était  nègre, de le réduire à l’état  de  bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître  pour un homme. Or il n’est pas ici d’échappatoire, ni de tricherie, ni de « passage de ligne  » qu’il puisse envisager : un Juif, blanc parmi les  blancs, peut nier qu’il  soit juif, se déclarer un homme parmi les hommes. Le nègre ne peut  nier qu’il  soit  nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Ainsi est-il acculé à l’authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse  le  mot de « nègre » qu’on lui a  jeté comme une pierre, il se revendique  comme noir, en face du blanc, dans la fierté. L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés  dans le même combat doit être  précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme  antiraciste est le  seul chemin qui puisse  mener à l’abolition  des  différences de race. Jean-Paul Sartre (Orphée noir, 1948)
Je ne suis pas noire parce que je suis née noire, mais parce que c’est inné, cela a toujours été au fond de mon cœur. Rachel Dolezal
C’était facile pour les Blancs de l’accepter en tant qu’Afro-Américaine parce qu’elle leur ressemblait, contrairement à une femme plus basanée aux cheveux crépus… De nombreuses femmes noires avaient le même message et n’ont pas reçu le même soutien. Kitara Johnson (NAACP)
J’ai essayé de m’enfuir de ma condition de Blanc et cherché à tout prix à ne pas être blanc. Je sais que ce n’est peut-être pas la bonne réaction, ou que c’est impossible, ou même que c’est un privilège de Blanc, de pouvoir essayer d’en réchapper et de faire ce qu’on veut. Converti à l’islam
Dans cent ans, ceci sera aussi commun que de se faire refaire le nez. Mais il y a toujours quelqu’un qui vient en premier. Jess Row
Si vous pouvez être transgenre, vous pouvez aussi être TRANSRACIAL. Pourquoi y a-t-il un tel double standard et une telle hypocrisie avec des gens qui me critiquent parce que je suis coréen. C’est la même chose que quelqu’un qui est né dans le mauvais corps et veut devenir un homme ou une femme. Je suis effectivement né dans le mauvais corps ! Oli London
Je sais que beaucoup de gens ne comprennent pas, mais je m’identifie en tant que coréen, je ne m’identifie pas comme britannique, et maintenant j’ai l’air coréen, je me sens coréen. (…) C’est ma culture, mon pays, (…) j’ai enfin eu le courage d’aller au bout de ma transition raciale, et j’en suis très heureux. (…) Pendant si longtemps je me suis senti prisonnier de mon corps. (…) J’ai vécu en Corée, je parle la langue (…) Si vous ne me connaissiez pas, vous penseriez que je suis coréen, et non un homme ni une femme, juste une personne. (…) J’espère que cette vidéo encouragera d’autres jeunes à toujours faire ce qui les rend heureux dans la vie, c’est mon message, soyez qui vous voulez être. Oli London
Oli London, influenceur Instagram qui s’identifie en tant que Coréen, a dépensé près de 150 000 euros pour ressembler à son idole K-Pop. Et relancé au passage les débats autour du transracialisme. Pour lui, c’était une évidence. Oli London est né dans le mauvais corps, celui d’un homme blanc britannique, alors que son moi profond est coréen. Au mois de juin, Oli London a fait son coming-out, celui d’une personne non-binaire coréenne. Après avoir subi 18 opérations de chirurgie esthétique étalées sur 8 ans pour avoir le physique le plus approchant possible de celui du chanteur Park Ji-Min du groupe BTS, il a également repris le prénom de l’artiste. Alors qu’Oli alias Ji-Min se félicite de sa transition, les critiques enflamment les réseaux sociaux et les médias, relançant les discussions autour du transracialisme. (…) Les critiques acérées pleuvent sur l’artiste qui se revendique désormais comme « le premier activiste transracial ». Oli London aka Ji-Min aurait même reçu en plus d’acerbes reproches (principalement de la part de « blancs de gauche », selon lui) des centaines de menaces de mort. En Corée, la transition fait ricaner, voire révolte franchement. Depuis plusieurs mois, Oli London est dans le collimateur de youtubeurs coréens qui accusent la jeune personne de fétichisation, d’appropriation culturelle, d’activisme performatif et d’exploitation, notamment à cause de la manière dont il présente la Corée dans ses clips. À ces critiques, Oli London oppose dans un tweet une question à laquelle il n’est guère aisé de répondre, et autour de laquelle philosophes et académiciens continuent de s’écharper. « Si vous pouvez être transgenre, vous pouvez aussi être TRANSRACIAL. » (…) En 2015, « l’affaire Dolezal » secoue les États-Unis. Au détour d’une interview filmée, le pays découvre que Rachel Dolezal, responsable d’une section locale de la NAACP, association de défense des Afro-Américains, n’est pas noire comme elle le prétend, mais blanche. Après des mois de polémique, Rachel sort en 2017 In full color, un ouvrage très mal accueilli par les communautés afro-américaines dans lequel elle affirme qu’être noire correspond à son identité. « Je ne suis pas noire parce que je suis née noire, mais parce que c’est inné, cela a toujours été au fond de mon cœur », affirme-t-elle alors. Qu’en est-il alors ? Existe-t-il réellement des personnes « transraciales », au même titre qu’il existe des personnes « transgenres », nées avec un sexe biologique qui ne correspond pas à leur identité de genre ? Comme le rappelle Slate dans son article très fouillé, la question divise, empêtrée dans des notions d’auto-identification, de doubles standards, d’héritage culturel et de privilèges. Et la réponse est loin d’être évidente, opposant frontalement journalistes, militants, sociologues et intellectuels de tous bords. En 2017 déjà, la philosophe Rebecca Tuvel avait déchaîné les foudres de 800 universitaires en publiant dans une revue académique l’article « En défense du transracialisme », rappelant que la race est de toute façon avant tout une construction sociale… Laure Coromines
Quand le monde a changé, nous avons été trop lents à réagir. Nous devions arrêter d’être ce que veulent les hommes et être ce que veulent les femmes. Je savais que nous devions changer cette marque depuis longtemps, nous n’avions simplement pas le contrôle de l’entreprise pour pouvoir le faire. Pour le moment, je ne considère pas [les Anges] comme étant culturellement pertinents. Autrefois, la marque Victoria avait un seul objectif, qui s’appelait ‘sexy’. (…) [ce qui signifiait aussi] que la marque n’a jamais célébré la fête des mères. Martin Adams
Confrères diététiciens blancs : arrêtez, s’il vous plaît, de dire que le régime méditerranéen est la façon la plus « saine » de manger. Cela confirme la suprématie blanche. Kathleen Meehan (diététicienne et nutritionniste diplômée)
Le repas français est souvent représenté comme un rituel national auquel tous les citoyens peuvent participer à égalité. [Mais] les habitudes alimentaires sont façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches. Mathilde Cohen (chargée de recherche au CNRS mais également maître de conférences à l’université du Connecticut aux États-Unis)
La gastronomie française, raciste? C’est ce qu’a expliqué une chercheuse dans une intervention qui suscite depuis la polémique sur les réseaux sociaux, à l’occasion de la «semaine doctorale intensive» organisée par l’École de Droit de l’Institut d’études politiques de Paris chaque année.  (…) La « blanchité alimentaire » participerait à « renforcer la blanchité comme identité raciale dominante », en s’imposant dans la société à l’aide du droit, si l’on en croit la chercheuse. Elle appuie son raisonnement sur deux exemples: d’un côté, les cantines scolaires établies aux XIXe siècle et justifiées par « un discours racialisé et eugéniste » auraient établi les «normes blanches et chrétiennes» comme normes par défaut. De l’autre, la nationalité française aurait été accordée en fonction de « perfomances blanches » dont font partie les habitudes alimentaires. «Les administrateurs coloniaux prêtaient attention aux modes de vie des postulants, y compris leurs habitudes alimentaires: mangeaient-ils du riz ou du pain? Mangeaient-ils au sol ou attablés?», poursuit la chercheuse. «Le droit contribue à marginaliser les minorités raciales et ethnologiques en accordant à la culture alimentaire blanche française le statut de régime alimentaire privilégié et juridiquement protégé », conclut-elle. Pour terminer, Mathilde Cohen déplore que ce «problème» dépasse largement la France, car, souligne-t-elle, «la cuisine française est dans de nombreux pays un modèle de technique culinaire et de gastronomie. » Le Figaro
Ce qui est vraiment stupéfiant, c’est l’hubris qui se reflète dans le Putsch judiciaire d’aujourd’hui. Antonio Scalia
La Cour n’est pas une législature. (…) Que le mariage homosexuel soit une bonne idée ne devrait pas nous concerner mais est du ressort de la loi. John Roberts
La justice française a été longtemps considérée comme soumise au pouvoir exécutif, et il était difficile de le contester. La catastrophe des années 80 qualifiées à juste titre d’«années fric» qui a vu une corruption massive investir le champ politique, a fini par provoquer de vives réactions dans la société française. C’est le triomphe du slogan «tous pourris» et un certain nombre de magistrats, à l’image de ce qui s’est passé en Italie avec l’opération «Mani pulite», ont vu là une opportunité pour s’émanciper de la soumission au pouvoir qu’on leur reprochait. Avec l’appui de l’opinion publique mais aussi de la presse, ils ont alors lancé une offensive contre une classe politique affaiblie. Dans un contexte de crise économique, les politiques incarnaient ceux dont les privilèges étaient insupportables, et il leur était reproché, souvent à juste titre, d’entretenir des rapports élastiques avec la morale publique. Alors, dans une lutte, vouée à l’échec, de reconquête de leur crédibilité, ils ont multiplié les textes destinés à restaurer leur image, mais qui ont eu surtout pour conséquence de les exposer et de les affaiblir. Ce fut bien sûr la fameuse loi sur le financement des partis politiques adoptée en 1990, qui eut le mérite de faire reculer la corruption qui en était auparavant l’outil principal. Désormais les partis recevaient des fonds publics en proportion de leurs résultats électoraux, mais la contrepartie était celle du contrôle part des organes dédiés et surtout par le juge. Il y eut également la multiplication des textes répressifs, chaque affaire politico-financière provoquant l’adoption de nouvelles lois, de nouvelles contraintes, et de nouvelles sanctions. Le problème a été aggravé par ce que les politiques eux-mêmes n’ont pas résisté à la tentation d’instrumentaliser les affaires judiciaires contre leurs adversaires, espérant, en ces temps de recul des clivages idéologiques, en percevoir des bénéfices politiques. Dans un premier temps ce fut la droite qui joua à ce petit jeu avant que l’alternance ne la ramène au pouvoir, où elle devint la cible d’offensives méthodiques, contre Jacques Chirac d’abord puis Nicolas Sarkozy ensuite. Méthodiques, parce qu’elles bénéficiaient d’une forte présence de la «gauche» socialiste au sein de la magistrature organisée dans les deux principales organisations syndicales que sont le Syndicat de la Magistrature (SM) et l’Union Syndicale des Magistrats (USM). C’est ainsi que l’on a entendu en permanence, comme une psalmodie, la revendication de «l’indépendance», sans jamais prononcer le mot «d’impartialité» dont l’indépendance ne devrait être que le moyen. De façon très paradoxale l’autonomie conquise par la magistrature est devenue l’outil de la partialité, celle-ci étant d’ailleurs revendiquée comme l’a montré la fameuse affaire du «mur des cons». La présidence de François Hollande a été le moyen pour lui de finaliser un dispositif directement politique avec la création au moment de l’affaire Cahuzac de deux outils essentiels. D’abord le Parquet National Financier (PNF), autorité de poursuite à compétence nationale qui permet de décider sur l’ensemble du territoire, qui sera poursuivi et qui ne le sera pas. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) ensuite, destinataire de toutes les informations financières concernant les élus, qui peuvent s’avérer bien utiles le moment venu. La nomination à sa tête d’un ami du parti socialiste fut une jolie confirmation. (…) Il est aujourd’hui difficile de nier que François Fillon a fait l’objet d’un traitement très particulier du haut appareil judiciaire à partir du 25 janvier 2017, le jour de la publication par le Canard enchaîné d’informations relatives à l’emploi d’attachée parlementaire de son épouse Pénélope. Rappelons que l’enquête préliminaire ouverte par le PNF l’a été en fin de matinée du même jour. Difficile d’être plus rapide! En janvier 2017 les sondages donnaient François Fillon à 24 % d’intentions de vote et Emmanuel Macron à 16 %. Pendant un mois et demi, ce fut un invraisemblable tintamarre politico-judiciaire, à base de violations grossières et orientées du secret de l’enquête, de la séparation des pouvoirs, et d’initiatives judiciaires absolument fulgurantes. Aucun magistrat ou avocat de bonne foi, ne peut prétendre avoir déjà vu une affaire pénale se dérouler de cette façon. François Fillon s’est certes très mal défendu, et a contribué à sa défaite, mais il ne serait pas non plus sérieux de prétendre que sans le raid judiciaire dont il a été l’objet, le résultat eût été le même. En tout cas, de la part de ceux qui étaient à la manœuvre, probablement à l’Élysée puis dans l’appareil judiciaire, c’était bien l’objectif poursuivi. Comme Éliane Houlette ancienne patronne du PNF l’a quasiment reconnu lors de son audition par une commission parlementaire en juin 2020. Emmanuel Macron fut secrétaire général adjoint de l’Élysée avant de devenir ministre de l’économie sous François Hollande. Il était perçu par l’opinion et l’essentiel du parti socialiste comme le successeur et l’héritier de celui-ci. La mansuétude dont je parle est tout à fait établie, si l’on pense à Kader Arif ministre de Hollande mis en examen en 2014 et dont on n’a plus jamais entendu parler, Bruno Le Roux éphémère ministre de l’intérieur démissionné pour des emplois d’attachés parlementaires familiaux, lui aussi mis en examen, et disparu dans un trou noir. Mais aussi les traitements judiciaires bienveillants dont ont bénéficié Richard Ferrand, Alexis Kohler, Ismael Emelien, François Bayrou, Sylvie Goulard, Jean-Paul Delevoye, et quelques autres. Alexandre Benalla n’a, jusqu’à présent, pas eu à se plaindre des rigueurs judiciaires qui ne l’ont pas empêché de violer allègrement son contrôle judiciaire et de poursuivre ses petits business. On peut aussi constater le refus de se pencher plus précisément sur les conditions financières de la campagne d’Emmanuel Macron. (…) Il n’a pas été nécessaire de donner des ordres puisque dans son ensemble l’appareil judiciaire s’est mis au service d’Emmanuel Macron. D’abord pour son arrivée au pouvoir, et ensuite pour l’exercice de celui-ci. Rappelons les poursuites judiciaires contre ses adversaires, comme Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en ont fait l’expérience. La mansuétude pour ses amis, et une répression de masse contre les mouvements sociaux, les gilets jaunes en savent quelque chose. Point n’est besoin pour cela d’un engagement pour un parti, mais c’est simplement l’expression d’une disponibilité idéologique et par conséquent politique pour l’actuel pouvoir en place. Incontestablement pour des raisons sociologiques et professionnelles, le corps des magistrats a des affinités avec ce pouvoir macroniste, dont on peut raisonnablement considérer qu’il rassemble le centre-droit et le centre-gauche. (…) La France est un pays hétérogène qui s’est constitué en tant que nation grâce à un État fort. La culture administrative y est traditionnellement beaucoup plus forte que la culture juridique, c’est incontestable. Une des conséquences et que l’on y préfère l’ordre à la justice. Et malheureusement ce tropisme est partagé par les magistrats qui se considèrent comme dépositaires de la protection d’un ordre plutôt que comme des arbitres chargés de trancher impartialement les contradictions qui naissent dans la société et qui leur sont soumises. La conséquence malheureuse réside dans un attachement insuffisant de l’opinion aux libertés publiques, et une méconnaissance des règles judiciaires en ce qu’elles sont d’abord là pour protéger les innocents. Ce qui explique la facilité avec laquelle on veut attribuer à la justice des objectifs et des fins qui ne sont pas les siens. Et la volonté de vouloir l’instrumentaliser. Les débats récents autour des questions de la pédophilie et de l’inceste reflètent malheureusement cette tendance. Le problème est aggravé par le fait que les élites de ce pays partagent cette culture comme le démontre l’exemple [de] l’ancienne ministre socialiste Juliette Méadel réclamant la suppression du «bénéfice du doute» en cas de délinquance sexuelle. Madame Méadel a été avocate avant de passer l’ENA, ce qui démontre que sept ans d’études juridiques et une prestation de serment ne protègent de rien… (…) Le problème est celui de la définition de la «mission sacrée» qui devrait être, il ne faut pas l’oublier, celle d’un arbitre impartial et qui a besoin par exemple en matière pénale du débat contradictoire pour se prononcer. Pour parvenir à élaborer une «vérité judiciaire» lui permettant de prendre une décision légitime. Par conséquent l’autorité de poursuite c’est-à-dire le parquet, et d’autre part les avocats devaient être perçus comme des auxiliaires de l’élaboration de cette vérité judiciaire. Dès lors qu’aujourd’hui le corps des magistrats ne se perçoit plus comme un corps d’arbitres impartiaux mais comme un outil porteur d’une responsabilité directement politique, les avocats sont de plus en plus perçus comme un obstacle. Il y a par exemple l’affaire de l’enquête secrète du PNF mettant sous surveillance une dizaine d’avocats pénalistes pendant six ans pour en témoigner. Malheureusement, de ce scandale, Éliane Houlette ancienne patronne du PNF soutenue par l’ensemble du corps a refusé catégoriquement de rendre des comptes. Il y a aussi les perquisitions dans les cabinets d’avocats devenues désormais pour certains magistrats instructeurs une pratique systématique. Et enfin n’oublions pas les attaques judiciaires directes contre ce secret professionnel des avocats réduit aujourd’hui à peau de chagrin avec l’appui de la Cour de cassation. On ne citera que le récent arrêt de la CEDH condamnant l’État français pour une décision de cette même Cour de cassation validant la diffusion par Mediapart d’une conversation enregistrée de Madame Bettencourt et de son avocat. (…) L’expérience a montré que la nomination d’un avocat comme ministre de la Justice ne garantissait pas grand chose. Et certains confrères n’ont pas laissé de souvenir marquant de leur passage place Vendôme, c’est le moins que l’on puisse dire. La nomination d’Eric Dupond Moretti à ce poste a constitué une surprise car il n’est guère apprécié par les magistrats et d’ailleurs l’affrontement n’a pas tardé. Comme l’a montré la plainte pour «prise illégale d’intérêts» déposée devant la Cour de justice de la république par deux organisations syndicales contre celui-ci. Cette réaction étonnante du refus par l’autorité judiciaire d’une décision du pouvoir exécutif a eu le mérite de démontrer l’existence de cette autonomie politique. Preuve que le soutien apporté par la justice à Emmanuel Macron dont j’ai tenté de démontrer l’existence, est le fruit non pas d’une soumission mais bien d’une connivence politique. Et que celle-ci ne lui est pas garantie dans la durée. (…) Un retour rapide sur la façon dont cette affaire s’est déroulée le démontre abondamment. Lors d’une émission le journaliste Jean-Jacques Bourdin, avait comparé le Front National à Daesh faisant vivement réagir Marine Le Pen et Gilbert Collard. Qui avaient alors, chacun de leur côté brièvement publié sur les réseaux des photos des exactions de l’organisation terroriste, assorties du commentaire: «Daesh, c’est ça!» Il s’est immédiatement trouvé un parquet pour chercher le moyen de mettre en cause judiciairement les deux parlementaires. Enquête préliminaire et ouverture d’une information judiciaire confiée à un juge du siège qui prononça prestement la mise en examen des horribles criminels. L’incrimination utilisée était celle prévue à l’article 227-24 du Code pénal, texte spécialement destiné à la protection de l’enfance! Détournement de procédure évident, qui vit le magistrat instructeur, naturellement plein de zèle, et alors que sa procédure n’en avait nul besoin, solliciter la mainlevée de l’immunité des deux parlementaires, immédiatement accordée par la majorité LREM. Puis multiplier les auditions, dont la presse était toujours la première informée, pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2017, pour finir par faire convoquer les prévenus par un expert psychiatre chargé de déterminer si Marine Le Pen et Gilbert Collard devaient être astreints à un traitement inhibiteur de libido! Une ordonnance de non-lieu aurait mieux valu pour l’image de la justice. Mais, lutte contre un fascisme imaginaire oblige, on a assisté à un renvoi devant le tribunal correctionnel, à une audience ridicule où un parquet gêné a requis de simples amendes! Il faut ajouter que pour organiser cette manipulation, nul besoin de consignes du pouvoir. Se comportant en militants, ceux qui s’y sont livrés l’on fait spontanément. (…) Dans [la] fameuse «Affaire du siècle», l’État français a été considéré comme ayant commis une faute engageant sa responsabilité en ne respectant pas les objectifs qu’il s’était lui-même fixés en matière de la lutte contre le réchauffement climatique et pour n’avoir pas mis en œuvre les moyens afin d’y parvenir. Dans le système français, le juge administratif est chargé de contrôler les décisions de la sphère publique et dans son principe la décision rendue dans cette affaire n’est pas une première. Par exemple l’État a déjà été condamné, pour faute lourde pour n’avoir pas, interdit l’utilisation de l’amiante dès lors que les preuves scientifiques de sa dangerosité étaient indiscutables. Ou interdit les transfusions de sang non chauffé alors que l’on savait qu’il était susceptible de transmettre le virus du sida. La nouveauté avec la décision récente est que le tribunal administratif de Paris s’est donné en plus deux mois de délibéré pour prononcer des injonctions à l’égard de l’État. C’est-à-dire que le juge considère qu’il a le pouvoir de lui dire ce qu’il doit faire pour atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Cela change tout: si on comprend bien, la juridiction considère qu’elle ne doit pas se limiter au constat de la défaillance de l’État, mais prendre sa place pour décider les mesures à prendre. Le fait est que dans une interprétation excessive de «l’État de droit» on a enserré l’action de la puissance publique, normalement émanation de la souveraineté du peuple, dans un carcan de règles multiples qu’elles soient nationales, européennes ou internationales (par l’adhésion à des conventions du même nom).Et naturellement, cette nflation de normes qui s’imposent à l’État multiplie les possibilités d’intervention du juge, qui peut ainsi empiéter sur les prérogatives de la puissance publique. Dans la mesure où ces interventions judiciaires vont être à l’initiative de divers groupes de pressions, plus ou moins légitimes ou représentatifs, le risque de déséquilibre démocratique est réel. Régis de Castelnau
An explosion of fortune in 2020 is one of the few universal things in the amorphous industry of diversity consulting — a space as varied as its constellation of interrelated acronyms and ampersands implies. DEI and DE&I “diversity, equity, and inclusion” are more common than D&I, but many refer to the cause as I&D or DEIB (the B is for “belonging”). Portrayed by the right wing as a single-minded cult, DEI is in reality a loose federation of adherents, with a host of methodologies, competing for money and attention. DEI practitioners share a worldview — that workplaces can become more humane and just — but they are also rivals in a for-profit industry of their own making, with the same incentives of salespeople and marketers everywhere. Corporate America spends roughly $8 billion annually on diversity, according to a figure that gets passed around routinely — though that rough estimate was first cited in 2003, which means the true profitability of the market is uncharted. Certainly, after Floyd’s murder, the business became astronomically larger than ever. But instead of an industry finally coming into focus, thanks to unprecedented funding and momentum, what composes DEI feels even more dizzyingly diffuse, and its true beneficiaries remain in question. “It really is the Wild West,” Lily Zheng, a consultant in San Francisco who has amassed more than 23,000 followers on LinkedIn, tells me. “One of the major challenges of DEI is there’s no quality control. Anyone can call themselves a DEI practitioner. When your clients are these companies that are desperate to do anything and don’t quite understand how this works, ineffective DEI work can be lucrative. And we’re seeing cynicism pop up as a result, that DEI is just a shitty way in which companies burn money. And I’m like, Yeah, it can be.” If you work in an office, virtual or otherwise, chances are high you’ve been required to take a diversity-related training course. (…) There is a saying among professionals that HR is where DEI goes to die, and when they say it, they usually have something like these two characters in mind. (…) DEI consultants argue (out of self-interest, but persuasively) that the generalists in HR, tasked with organizing everything from commuter discounts to holiday parties, don’t have the skills to set norms around the most sensitive interactions in the office. (…) [It ] hearkens back to the origin of the corporate diversity movement: Title VII of the 1964 Civil Rights Act, which barred certain forms of discrimination at work. The earliest corporate training consisted of short sessions, led by HR departments, to remind managers of company policies. The goal was to protect corporations from litigation. In the late 1980s, as women and people of color entered the white-collar workforce in greater numbers, diversity efforts shifted. The advent of “sensitivity training” concerned the well-being of these newcomers in a variety of common scenarios that went beyond legal liability into the realms of appropriateness and respect. This evolution of the work required more than just knowledge of the law and gave way to a niche industry. Companies began hiring outsiders to tell them how to behave. (…) This new way of corporate thinking — that the thing called “diversity” was not a potential source of losses via litigation but rather a source of value in and of itself — led to the idea of “inclusion,” a necessary counterpart, through the late 1990s and early aughts. Companies were betting on an appeal to multicultural consumers as well as employees. Even some of the most staid institutions embraced new measures, like the NFL, whose Rooney Rule required every team with a head-coaching vacancy to interview at least one “diverse candidate.” (When the rule was instituted in 2003, there were three Black head coaches. Today, the number is still three.) Harris says that when he got started at what became Kaleidoscope, there were about 12 firms in the U.S. doing his kind of work; he estimates that there are now about 600 worldwide. In 2014, Google famously revealed its hiring data, showing dismal racial and gender disparities: 30 percent of employees globally were women, and black and Hispanic employees together made up just 5 percent of workers in the U.S. Facebook, Microsoft, and Apple soon published similarly stark numbers. The reckoning that followed, led by younger and more progressive tech workers, shaped the diversity-consulting industry as it existed when Floyd was murdered. Many contemporary DEI agencies are now focused on helping companies that profess to have progressive values live up to those ideals. This is referred to in DEI parlance as “alignment”: The idea is to jerk system operations into sync with make-the-world-better branding, like a diversity chiropractor. (…) It can be as contentious and awkward as therapy; one strategist recalls how, during a call on how bias impacts performance reviews, a white male CEO hung up when accused of potential prejudice, “like an angry teenager slamming the door on their parents.” If all goes well, the public results of consulting by Collective, for example, can look like this: A millennial media company ditches a logo that appears to feature a thin white woman. Or Peloton formalizes a structure for its employee resource groups to participate in marketing and branding discussions. The whole service, from assessment to implementation, can cost between $70,000 and $150,000. (…) Zheng can command $15,000 for a corporate speech, as can Wagner, who is hiring a publicist.(…) In August, a conservative journalist named Christopher Rufo wrote excitedly on Twitter about an “explosive” leak he had received from inside Sandia National Laboratories, a nuclear-weapons research facility in New Mexico. The documents concerned an event called “White Men’s Caucus on Eliminating Racism, Sexism, and Homophobia in Organizations” that had been conducted with Sandia’s largely white and male executives at a luxury resort. It had been led by a DEI consultancy called White Men As Full Diversity Partners. What Rufo published, under the headline “Nuclear Consequences,” was ultimately tame. There was an image showing the phrase WHITE MEN on a dry-erase board along with a word cloud of associated terms: MAGA hat, mass killings, beer, Founding Fathers, heart failure. Although Rufo referenced the participants being forced to “publicly recite” statements about their own privilege, most of the materials seem to have been generated by the participants themselves, including handwritten assessments about how much the workshop helped them feel as though they could be better people. Tucker Carlson, funneling the story into right-wing panic about critical race theory, called the event a “reeducation camp” with “mandatory Maoist struggle sessions.” Senator Josh Hawley wrote to the secretary of Energy that the material was “deeply disturbing.” President Donald Trump signed an executive order on diversity training, partly inspired by what had happened at Sandia. White Men As Full Diversity Partners is not, in reality, a shadowy cabal of fanatics. The group was founded in 1997 by two white men, Bill Proudman and Michael Welp, who had both been Outward Bound instructors for executive clients and shifted into diversity consulting. (Welp traveled to South Africa, doing ropes courses for newly integrated employees of mines, banks, and pharmaceutical companies, and later got a Ph.D.) They saw that women and nonwhite people bore the brunt of educating white men about race and gender and that there was value in white men being explicitly asked to learn on their own; it became the founding principle of their company. Though they lead all kinds of sessions for companies and not all of their consultants are white men, their best-known offering is the caucus, in which “white men rediscover their sense of mutual self-interest in a more inclusive world,” as Welp puts it. First, white men learn that they have a shared culture. (Facilitators show clips from films like Apollo 13 and Gran Torino.) They do exercises to establish empathy: Standing on one side of the room, participants take one step forward if they belong to a members-only country club but take a step back if they lived in a mobile home growing up. The company’s three-and-a-half-day program can cost north of $50,000. (…) Another horrific cycle of death, protest, and corporate spending occurred in March, when eight people, six of whom were Asian women, were shot to death in suburban Atlanta — the apex of months of anti-Asian violence. There was a rush for consultants who could translate, sometimes literally, systemic issues of oppression and bias faced by the Asian American and Pacific Islander community. “Almost everyone I know who has even the most basic knowledge of Asian American studies got trucked out on MSNBC, CNN,” says Kim Tran, an equity consultant, a community organizer, and a writer with a Ph.D. in ethnic studies. Corporations and brands seemed to react more nimbly to this spate of violence than they had to previous high-profile killings. “There’s a playbook now,” Tran says, “and it goes something like: A terrible thing happens to a marginalized community; then we put out a statement of outrage; then we do a listening session; and then we drop it until the next terrible thing.” After the shootings, Ad Age released a live blog “tracking how brands, agencies and media players are supporting AAPI communities and responding to anti-Asian sentiment.” Bridget Read
Rachel Dolezal est-elle une personne «transraciale», un peu comme il existe des personnes «transgenres», nées avec un sexe qui ne correspond pas à leur identité profonde de genre? C’est ainsi que se nomme l’intéressée, dans une interview à la NBC: «trans-noire», ce qui selon elle veut dire qu’elle n’est «pas née comme cela» mais que «c’est ce qu’[elle est] réellement». C’est depuis cette affaire que le mot «transracialisme» a pris ce sens, alors qu’il désignait avant aux États-Unis les enfants noirs adoptés par des familles blanches, ou inversement, les enfants blancs adoptés par des familles noires. Sur les réseaux sociaux et dans le monde académique, le débat fait rage. «Dolezal a menti sur elle-même et elle continue de mentir. En tant que femme trans je n’ai pas envie d’être comparée à une menteuse», s’insurge la YouTubeuse noire et transgenre Kat Blaque. En avril 2017, la philosophe Rebecca Tuvel publie un article intitulé «En défense du transracialisme» dans une revue académique, qui suscite un vif débat. «Puisque nous devrions accepter les décisions des individus trans de changer de sexe, alors nous devrions aussi accepter les décisions des individus transraciaux de changer de race», argumente-t-elle, déclenchant une lettre ouverte de près de 800 universitaires qui demandent la suspension de la publication, et la démission de la rédactrice en chef de la revue. Jesse Singal du New York Magazine parle de chasse aux sorcières, et Glenn Greenwald, le journaliste qui a publié les révélations d’Edward Snowden sur la NSA, de «campagne hideuse». En France, les chercheurs et chercheuses que nous avons interrogées sont gênées aux entournures: «Le terme ne peut s’utiliser qu’avec précautions», confie Magali Bessone, professeure de philosophie politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, autrice en 2013 de Sans distinction de race? Une analyse critique du concept de race et de ses effets pratiques. «Ce n’est pas une catégorie que je mobiliserais, mais je ne dirai peut-être pas la même chose dans deux ans», nuance la politiste Audrey Célestine. Et les militantes aussi: «Concernant la “transracialité”, je me permets de vous suggérer de ne pas utiliser ce terme car il crée une analogie injustifiée avec la transidentité», nous écrit une membre d’un collectif afro-féministe. «Une violente farce», une «non notion», une «errance raciste et essentialisante», juge Ketsia Mutombo, présidente et co-fondatrice de l’association Féministes contre le cyberharcèlement. Mais d’abord, qu’entend-t-on par transracialisme? Les définitions données par les spécialistes que nous avons interviewées varient. «C’est le fait de passer d’une race à une autre», explique Magali Bessone. La philosophe définit le transracialisme comme une catégorie large, qui comprend par exemple le fait de passer de blanc à noir, tout comme le fait de passer de noir à blanc. Ce dernier phénomène est plus connu et fut utilisé par certaines personnes noires aux États-Unis durant la période de ségrégation constitutionnelle pour éviter les sanctions ou bénéficier d’avantages structurellement réservés aux Blancs. On l’appelle «passing». D’autres universitaires, comme Éric Fassin, choisissent de réserver le mot «transracialisme» au passage de blanc à noir: «C’est l’inverse du passing», déclare-t-il. On parle aussi parfois de passing inversé, justement pour désigner le passage de blanc à noir. Le phénomène du passing a engendré toute une série de romans autour des années 1920 sur ce phénomène, les passing novels. (…) Le passing, aujourd’hui, prend des formes plus diffuses. On retrouve des réminiscences de ce phénomène dans les nombreuses échoppes du quartier de Château Rouge à Paris, qui proposent des crèmes à l’hydroquinone, pour blanchir l’épiderme et bercer les espoirs de femmes noires. On appelle aussi ce phénomène le «teint Hollywood», selon l’historien Pap Ndiaye, teint que sont soupçonnées d’avoir adopté de nombreuses stars comme Beyoncé ou encore l’acteur Denzel Washington. Quant à Michael Jackson, il a toujours affirmé être atteint de vitiligo, une maladie qui dépigmente la peau par endroits. Son dermatologue, Arnold Klein, a lui-même affirmé qu’il l’avait «rendu blanc parce qu’il était malade». Outre blanchir sa peau, avoir un conjoint ou une conjointe blanche et des enfants métis est une autre façon de «passer», précise Pap Ndiaye. En Guadeloupe, les parents qui ont un enfant à peau plus claire sont encore parfois félicités, et l’enfant né qualifié de «po chapé», ce qui signifie «peau échappée, peau sauvée». «Comme dans les campagnes, on pouvait féliciter d’avoir eu un garçon plutôt qu’une fille», fait remarquer l’historien. Dans tous les cas, le mot transracialisme semble revêtir une dimension plus psychologique, tandis que le passing a un caractère stratégique, de survie dans un monde de dominants. «Cette démarche procède d’une forme d’intelligence des hiérarchies sociales: ces personnes ne souhaitent pas devenir blanches, elles souhaitent rester noires avec la peau plus claire», explique Pap Ndiaye. «C’est un changement de race essentiellement effectué pour des raisons économiques», détaille Magali Bessone. «Le passing n’est qu’un calcul, ça n’est pas un enjeu identitaire, c’est un enjeu de survie», complète Audrey Celestine. Si l’on comprend largement les raisons qui poussent un individu à vouloir passer pour blanc –favoriser une carrière, être moins sujet aux discriminations voire à certaines époques aux violences ou même à l’esclavage–, le chemin inverse semble beaucoup moins évident. Certes, aux États-Unis, il peut y avoir des avantages à être racialisé, pour bénéficier de places à l’université par exemple. Ou lorsqu’on évolue dans le milieu musical, notamment dans le blues, «où être noir est un avantage, par une sorte d’inversion des normes communes», souligne Pap Ndiaye. «Armstrong, je ne suis pas noir / Je suis blanc de peau» chantait Nougaro. Mais, socialement et économiquement, les désavantages sont bien plus nombreux, en raison des discriminations persistantes. Dans une étude publiée en 2013, des chercheuses ont pourtant montré que les personnes nées de couples bi-raciaux dont l’un est blanc, et l’autre noir, ont plutôt tendance à se déclarer comme noires. «Nous voyons un schéma inversé du passing par rapport à la période des lois Jim Crow [la période allant de 1876 à 1964, ndlr]», commentent les autrices de cette étude. Depuis les années 1960, dans le sillage du mouvement pour les droits civiques, ces personnes qu’en France on qualifierait de métisses s’affirment comme noires. D’abord parce qu’elles sont considérées comme noires par la société, mais aussi parce qu’elles le revendiquent. Parce qu’être noir n’est plus un objet de honte, mais au contraire, de fierté. Cette fierté entraînerait-elle, en parallèle, à mesure que s’affirment les minorités, certaines personnes blanches à désirer être non-blanches? En France, c’est ce que suggèrent les recherches de Juliette Galonnier. Cette sociologue a travaillé sur les conversions à l’islam en France et aux États-Unis dans le cadre de sa thèse en sociologie soutenue en juin 2017, et a pu interroger plusieurs personnes qui ne s’identifiaient plus comme blanches, par rejet du groupe dominant. C’est le cas par exemple de Noémie*, une jeune femme originaire du Gers, qu’elle a rencontrée en 2014, alors qu’elle avait 27 ans. Noémie ne se sent «pas française» raconte-t-elle, à cause de «l’histoire de l’esclavage, de la colonisation» et des «discriminations», qui la détachent de cette identité-là. Mais elle va plus loin qu’un simple rejet de son identité française. Au sortir de l’adolescence, captivée par un groupe de femmes portant le voile et discutant de féminisme musulman, elle commence à développer un réseau d’amis pratiquants. Elle se fascine alors pour la négritude et rencontre un jeune musulman originaire de Mauritanie. Un jour, en l’attendant à la sortie d’une mosquée, elle entend un appel à la prière, et sans savoir pourquoi, sans comprendre, se met à pleurer. Elle se convertit, quelques semaines après, à l’islam. Elle épouse ensuite son compagnon et commence à porter le voile. Elle bascule alors aux yeux des gens selon ses propres mots «de la majorité à la minorité»: «En quoi ça me fait plaisir que ça rejaillisse sur moi? répond-t-elle à la chercheuse qui l’interroge sur les discriminations qu’elle subit, selon le texte des entretiens que Slate a pu consulter. Je suis plus prisonnière de cette identité de petite Blanche française dominante qui m’horripile, parce qu’elle correspond pas à ce que j’ai dans mon cœur». Cette histoire montre qu’être perçue comme une personne blanche ou noire dépend aussi d’un certain contexte culturel et social, même si cela ne peut être bien sûr totalement indépendant de facteurs génétiques et biologiques (le taux de mélanine par exemple). Les femmes blanches qui se mettent à porter le voile ou les hommes blancs qui arborent une grande barbe «sont exposés à de nouvelles catégorisations raciales comme arabes et maghrébins», explique Juliette Galonnier, tout simplement parce que les musulmans en France aujourd’hui viennent à 80% d’Afrique du Nord. «Les gens font de nouvelles hypothèses sur leur origines ethniques.» Les exemples qui démontrent que la perception de la couleur de peau varie selon le contexte social, ou même historique, sont nombreux. On sait qu’à la fin du XVIIIe siècle, Benjamin Franklin, qui avait classé les humains en trois catégories, les «Noirs», les «Blancs» et les «Basanés», avait rangé les Suédoises et les Suédois chez… les Basanés, tout comme les Français et Françaises d’ailleurs. «Les Tchétchènes sont considérés comme noirs, parce que c’est un critère de dévalorisation… Et Malcolm X, quand il voyageait, s’était vu demander “pourquoi il s’intéressait tant aux Noirs”», raconte Pap Ndiaye. On sait aussi que les Irlandaises et Irlandais ont été associés aux Noirs aux États-Unis au XIXe siècle, parce qu’ils étaient pauvres et catholiques. La militante Angela Davis raconte comment elle parvenait à pénétrer dans des boutiques interdites aux Noires en parlant français, tout comme au début du XXe siècle, les Noirs du Temple de la science maure d’Amérique, qui se définissaient comme musulmans, réussissaient à entrer dans des wagons réservés aux Blancs grâce à leur garde-robe (turban pour les femmes et fez pour les hommes). Ceux-là même qui se définissaient comme «maures» avant tout refusaient d’ailleurs de cocher la case «negro» sur les formulaires. «La “race” mobilise deux caractéristiques: le phénotype et les relations de pouvoir. Et c’est dans la relation entre les deux que tout se joue», résume la philosophe Magali Bessone. «Les catégories de “blanc” ou “noir” existent dans un contexte social: être blanc ou noir en France c’est pas la même chose qu’aux États-Unis», abonde Audrey Célestine, qui elle-même a pu se rendre compte à quel point cette expérience varie. L’un de ses plus jeunes frères, à moitié algérien, et qu’on reconnaissait à Dunkerque comme quelqu’un d’origine maghrébine, s’est vu perçu comme un «blanc» à son arrivée en Guadeloupe, à un moment particulier où le territoire connaissait un état d’urgence, raconte-t-elle dans un livre publié en mai, Une famille française. «Aux Antilles, la blanchité ne se voit pas qu’à la couleur de peau mais aussi par la maîtrise du créole», commente la chercheuse. Dans What Blood Won’t Tell: A History of Race on Trial in America, une historienne américaine raconte les procès intentés au XIXe siècle par des esclaves pour essayer de prouver qu’ils étaient blancs. Ces procès tournaient moins autour de la fameuse «règle de la goutte de sang» («one-drop rule», la règle selon laquelle toute personne ayant un ancêtre noir était considérée comme noire) que des relations sociales ou encore de la «moralité» de ladite personne ou de son civisme. Alors qu’au contraire, aujourd’hui une personne considérée comme très blanche de peau, et qui dans d’autres pays serait très clairement considérée comme blanche, peut s’identifier, puisqu’il s’agit d’une auto-déclaration, comme étant noire aux États-Unis, en vertu de la survivance dans les consciences de la «règle de la goutte de sang». «Si Rachel Dolezal avait effectivement eu une ascendance (même éloignée) africaine-américaine, il est très probable que son cas n’aurait pas suscité un tel scandale et qu’on lui aurait reconnu beaucoup plus facilement le droit de se définir comme noire», estime Solène Brun, doctorante à Sciences-Po qui travaille sur les frontières ethno-raciales et la construction des identités. C’est à la lueur de ces expériences qu’on peut comprendre la réaction d’Arnaud Gauthier Fawas. Ce militant LGBT a fait rire internet et déchaîné des torrents de violence après ses propos sur le plateau d’Arrêt sur images, où il refusait d’être qualifié d’homme. Il refusait aussi d’être qualifié de blanc, malgré son apparence. Interpellé par un membre du collectif Stop au Pinkwashing qui déplorait «un plateau très blanc» (quatre personnes d’apparence masculine et blanches de peau), cet administrateur de l’Inter-LGBT a rétorqué que ce n’était pas le cas, parce qu’il a un parent libanais. «C’est intéressant qu’on interroge tous nos propres stéréotypes autour de la table. Parce que sans même m’avoir posé la question, vous supposez que je suis un homme. Et seulement par mon apparence vous estimez que je suis blanc. La frontière de nos propres stéréotypes est plus fluide que ce qu’on peut penser», a-t-il plaidé. D’une certaine manière, Arnaud Gauthier Fawas a raison. S’il est considéré comme blanc en France, il aurait très bien pu cocher une autre case aux États-Unis, et à coup sûr, sa remarque n’y aurait pas déclenché de telles réactions. Le cas de ce militant LGBT+ est bien différent de celui de Rachel Dolezal, mais interroge de la même manière: qu’est-ce qu’une ou un Blanc? Et qu’est-ce qu’une ou un Noir? Ou plus généralement, qu’est-ce qui fait qu’on est «racialisé»? Et peut-on choisir de se définir comme blanc ou noir, ou est-ce à la société de le faire? Ce qui choque, dans ces deux exemples, a un certain rapport avec la notion de «privilèges». Peut-être qu’Arnaud Gauthier Fawas n’est pas blanc, selon une définition «génétique» ou «héréditaire» très américaine de la chose, mais puisqu’il est perçu comme tel la plupart du temps, il bénéficie largement des «privilèges» qui vont avec, c’est-à-dire qu’il n’écope pas des discriminations dont souffrent en France les personnes perçues comme arabes ou noires. Peut-être a-t-il déjà vécu du racisme lié à son ascendance libanaise, mais cette raison paraît un peu faible pour compenser le fait qu’il y a bien quatre hommes perçus comme blancs sur le plateau d’Arrêt sur images… De même, la dissimulation de Rachel Dolezal, qu’elle relève initialement d’un sentiment sincère ou non, a irrité bon nombre de personnes qui ont jugé qu’elle n’avait pas subi des discriminations liées à sa couleur de peau dans son enfance, avant de «devenir» noire. Et surtout, que pouvoir choisir d’être noir ressemblait encore à un privilège de Blanc. (…) C’est aussi ce que répond l’un des convertis à l’islam interrogés par Juliette Galonnier, et qui ne s’identifie plus comme blanc. (…) Qu’en serait-il si chacun et chacune pouvait avoir entièrement la capacité à s’autodéfinir, sans trop de lien, ou un lien seulement faible, avec la réalité perçue et la réalité sociale vécue? Telle est la question que pose le geste d’Arnaud Gauthier Fawas, dont les implications ne sont pas sans difficultés. Au Brésil, les débats autour des quotas pour les citoyens et citoyennes noires de peau ont commencé à s’envenimer le jour où certains ont remarqué que davantage de personnes claires de peau postulaient. Voilà qui allait donc détruire une partie de l’effet recherché de ces politiques publiques… Les universités n’ont pas trouvé mieux, pendant un temps, que d’instaurer des «commissions de vérifications raciales», rappelant d’inquiétants souvenirs… On retrouve le même type de critiques s’agissant des personnes transgenres, dans une frange minoritaire des milieux féministes, qui reprochent aux femmes transgenres de pouvoir «choisir» leur sexe sans avoir vécu l’oppression qui va avec (alors que l’identité de genre est bien plus souvent présentée comme une nécessité intérieure, et non un choix, par les personnes trans elles-mêmes). Au Royaume-Uni, quand les conservateurs britanniques ont soutenu une réforme du changement d’état civil pour les personnes trans passant par une simple déclaration, nombre de ces Terf, pour «trans exclusionary radical feminists», se sont insurgées, dénonçant une ruse pour leur piquer des places sur les listes électorales. «L’auto-identification qui consiste à affirmer “je suis qui j’affirme être” pue l’autorité et la suprématie masculine», ont tonné une dizaine de femmes du Labour, indiquant que 300 d’entre elles avaient quitté le parti à cause de ces nouvelles règles. En France, ces positions ont moins d’audience dans les milieux féministes, mais elles existent, par exemple sous la plume d’une des figures du Mouvement de libération des femmes (MLF), Christine Delphy: «L’identité n’est pas quelque chose que l’on se forge tout seul, c’est quelque chose qui vous est imposé. […] Je pense que là-dedans il y a une négation de la réalité du genre, qui est quelque chose de social, et pas quelque chose de sexuel ou biologique. Et une négation de l’oppression des femmes», faisait valoir en mars la philosophe et sociologue dans l’émission «Vieille Branche» (…) Mais le regard sur la transidentité dans les milieux progressistes et féministes est très différent de celui sur le «transracialisme». Même si les personnes transgenres font l’objet d’une exclusion encore très forte au niveau social, les milieux progressistes et féministes prônent plutôt tolérance et compréhension à leur égard. La transidentité a récemment été retirée de la liste des maladies mentales, et fait l’objet de politiques publiques pour faciliter la vie des personnes trans. Il ne peut pas être encore question de politiques publiques s’agissant du transracialisme, phénomène ultra-minoritaire, dont on n’est même pas encore sûr qu’il ait une véritable existence, mais la réaction quant à ce phénomène en provenance de personnes issues de milieux progressistes voire universitaires interroge. Pourquoi le transracialisme n’est-il pas autant accepté que le transgenrisme? Ce qui étonne dans la virulence des attaques contre Rachel Dolezal, c’est que la «race», comme concept, est communément admise comme étant fictive, comme n’ayant pas d’assise biologique, et c’est précisément pour cela que le transracialisme devrait, selon cette logique, moins choquer que le transgenrisme, alors que le sexe continue d’être perçu comme une chose biologique. «Si Rachel sent qu’elle est au fond d’elle-même une personne noire, qui suis-je pour dire qu’elle fait une erreur?» Signe de ce deux poids, deux mesures, l’Assemblée nationale vient d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de la «distinction de sexe», au moment même où elle en supprimait le mot «race». S’il y a moins de «race» que de «sexe», pourquoi n’accepterait-on pas une certaine forme de fluidité entre les couleurs de peau, tout comme on accepte que les personnes trans puissent se sentir nées dans le mauvais sexe? C’est l’interrogation du sociologue américian Rogers Brubaker, dans un livre qui a reçu énormément de critiques, Trans: Gender and Race in an Age of Unsettled Identities. Rachel Dolezal a elle-même exploité cette comparaison, allant jusqu’à dire dans une interview avec la sociologue Ann Morning que le stigmate qui pèse sur les personnes «transraciales» serait plus grand, puisque, selon ses mots, «la fluidité de genre est plus largement acceptée que la fluidité de race». «Si Rachel sent qu’elle est au fond d’elle-même une personne noire, qui suis-je pour dire qu’elle fait une erreur? Les races ont été créées par les Européens et ils avaient tort», affirme Albert Wilkerson, un homme que Rachel Dolezal appelle son «vrai» père, dans le documentaire Rachel Dolezal, un portrait contrasté. Les arguments contre l’acceptation du transracialisme paraissent souvent faibles, et tombent assez facilement dès lors qu’on opère une comparaison avec la transidentité et qu’on regarde de près le cas de Rachel Dolezal. À ceux et celles qui lui reprochent d’avoir commis un «blackface» (soit de s’être approchée de cette pratique théâtrale au XIXe siècle dans laquelle des Blancs se grimaient en personnes de couleur pour en faire une caricature débile), on peut rétorquer que Rachel Dolezal est très loin de se moquer des Noirs. «Le black face est occasionnel, ce n’est pas la même chose que de vivre en Noir», acquiesce Éric Fassin. Peut-on reprocher à Rachel Dolezal de s’être approprié une culture, à la manière de ces chaînes internationales de vêtements qui plagient purement et simplement les traditions de pays dans lesquels par ailleurs elles menacent le commerce local? L’«appropriation culturelle» est un problème lorsqu’elle est faite «sans aucune conscience ni lien dans leur épaisseur avec la culture dont le vêtement est issu», relève Pap Ndiaye. «Quel degré de mélanine faudrait-il avoir pour avoir le droit de s’habiller ainsi?» pointe aussi l’historien, soulignant par là les limites d’une telle critique appliquée aux individus. Reproche-t-on à Rachel Dolezal d’accentuer les stéréotypes associés aux personnes noires, en adoptant des signes extérieurs à cette culture? Mais la même critique vaudrait alors pour les personnes trans, qui sont nombreuses, comme Caitlyn Jenner, à se délecter de longues robes et de talons hauts, réflexe qu’on peut comprendre simplement avec un peu d’humanité, puisque cet amour des signes féminins découle tout simplement du fait qu’ils leur ont été interdits pendant longtemps. Quant au «luxe de s’autodéfinir» que s’octroieraient les personnes blanches, ce «privilège» qu’elles auraient de se choisir noires, il tombe là aussi à l’eau lorsqu’on opère une comparaison avec la transidentité: qui connaît un peu le sujet sait que les personnes trans ne «choisissent» pas pour la plupart leur genre, elles le vivent et l’ont pour la plupart toujours vécu pleinement, depuis l’enfance. Douloureusement. Pour l’instant, puisque le sujet de la transracialité est encore totalement méconnu, il est très difficile de dire si les quelques cas relevés dans le monde ressortent d’une nécessité intérieure ou d’un choix délibéré. La biographie de Rachel Dolezal penche plutôt pour la première option. Une explication, plutôt qu’une justification, à ce double standard, tient sans doute à l’histoire des luttes féministes d’un côté, et antiracistes de l’autre. Comme le relève la docteure en sociologie Sarah Mazouz dans une recension du livre de Brubaker, les premières «ont affirmé la fluidité des catégories et la possible circulation d’une identité à une autre comme l’un des principaux instruments de remise en cause d’un ordre social genré et de ses hiérarchies», tandis que «le changement de race n’est pas un enjeu central des mouvements antiracistes». La «race», par ailleurs, à l’inverse du genre, est «inscrite dans une hérédité. Elle implique des ancêtres, une généalogie et une histoire, ce qui n’est, dans les grands traits, pas le cas du genre», explique aussi Solène Brun. Comme dit plus haut, certaines personnes métisses sont très fières de se revendiquer noires, car elles s’inscrivent dans cette histoire de luttes, retournant le stigmate en un atout de fierté. Qu’on puisse leur dérober ceci leur paraît parfaitement insupportable. Le genre semble relever par contraste d’une dimension plus intime. «La race me semble engager davantage d’emblée des communautés et des relations socio-politiques», suggère Magali Bessone. Si la transidentité est mieux acceptée (même si tout est relatif) dans les milieux féministes que le transracialisme, c’est peut-être aussi parce qu’il n’y a jamais vraiment eu, au fond, de «classe des femmes» solidairement unie contre la «classe des hommes», comme il y a eu une solidarité des Noirs contre l’oppression des Blancs. Parce que femmes et hommes ne peuvent vivre séparément, et ne l’ont jamais complètement fait, tandis qu’il a existé des quartiers complètement ségrégés, où Noirs et Blancs étaient séparés. Et parce que par conséquent une femme transgenre ou un homme transgenre ne peut être regardé –du moins par les femmes féministes– comme un «traître à sa classe», au même titre qu’un Noir ou un Blanc qui «passe» de l’autre côté pourrait l’être, à cause de cette histoire. Il faut relire Simone de Beauvoir, au début du Deuxième Sexe, pour le comprendre: «Le prolétariat pourrait se proposer de massacrer la classe dirigeante, un Juif, un Noir fanatiques pourraient rêver d’accaparer le secret de la bombe atomique et de faire une humanité tout entière juive, tout entière noire: même en songe la femme ne peut exterminer les mâles. Le lien qui l’unit à ses oppresseurs n’est comparable à aucun autre». Mais comprendre n’est pas justifier, et il n’est pas sûr qu’un jour les arguments contre le transracialisme ne finissent par tomber, comme ceux qui ont longtemps érigé la transidentité en «abomination». Si le cas de Rachel Dolezal est largement regardé comme de la mythomanie pathologique, il n’est pas exclu qu’un jour ce regard change. «C’est comme si elle vivait dans un futur encore non avéré», a écrit à propos d’elle le New York Times Magazine. Avons-nous aujourd’hui les lunettes pour voir le transracialisme? Rachel Dolezal est-elle une menteuse, ou une pionnière? «Dans cent ans, ceci sera aussi commun que de se faire refaire le nez. Mais il y a toujours quelqu’un qui vient en premier», affirme Martin, le personnage de Your face in mine. Il faudra sans doute encore attendre quelques années pour voir si cette prédiction est juste. Aude Lorriaux
Depuis la mort de George Floyd, lors d’un contrôle de police à Minneapolis, des manifestations ont lieu partout aux États-Unis avec pour slogan Black Lives Matter, comme ici à Oklahoma City, le 31 mai 2020. Louboutin revendique (…) le lancement d’une nouvelle collection, « Walk a Mile in my Shoes », inspirée par la phrase de Martin Luther King, et une rencontre avec l’une des fondatrices du mouvement américain Black Lives Matter. Les bénéfices de la collection seront reversés à des organisations œuvrant pour la justice sociale, précise la société. Pour 995 euros, chacun peut ainsi s’offrir l’escarpin Free Walkie, qui « exprime cette saison l’empathie et la solidarité ». L’affaire paraît si caricaturale qu’elle prête d’abord à sourire, rappelant les outrances de l’antiracisme hollywoodien dépeints par Romain Gary ou l’essai au vitriol de Tom Wolf Radical Chic. Le romancier y décrivait une soirée mondaine donnée par le chef d’orchestre Leonard Bernstein dans son splendide appartement de Park Avenue en l’honneur des Black Panthers. La variation Louboutin apporte toutefois une nuance de poids: après les stars et les grands-bourgeois, ce sont désormais les entreprises qui se saisissent à pleines mains de la puissante bannière de l’antiracisme. Ce mouvement vient des États-Unis, où les grandes corporations, pour répondre aux attentes de leurs clients et jeunes recrues, mais surtout éviter toute recension critique par des associations militantes, tentent de coller au mieux à ce qu’elles identifient comme un socle commun d’aspirations de la société. Un tournant politique accentué par l’arrêt Citizens United de 2010, qui autorise les entreprises à financer les campagnes électorales. Ainsi s’est bâti un nouvel équilibre fragile où entreprises, politique et société civile, représentée par les associations, tentent ensemble d’organiser la vie de la cité. La décision, en mai 2019, de l’État de Géorgie d’adopter une loi restrictive sur l’avortement a parfaitement illustré ces nouveaux rapports de force. À l’annonce de la réforme, des activistes ont appelé sur les réseaux sociaux à boycotter entreprises et événements organisés en Géorgie. Les grands groupes ont embrayé, Netflix, Disney et Warner menaçant de stopper leurs tournages dans l’État. Une centaine de patrons ont ensuite manifesté leur opposition à la loi via une page dans le New York Times. Le texte a pour finir été bloqué, quelques mois plus tard, par un tribunal fédéral américain arguant de sa contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême. Depuis trois ans, c’est autour du mouvement woke, terme qui s’est répandu dans le sillage du mouvement Black Lives Matter contre les violences policières dont sont victimes les Noirs (sic) aux États-Unis, que se mobilisent les grands groupes américains. Pour gagner leurs galons woke, c’est-à-dire en état d’éveil face aux injustices sociales et raciales, les entreprises les plus motivées n’hésitent pas à organiser une forme de ségrégation entre leurs salariés. Les jeunes recrues à la peau blanche étant formées à prendre conscience de leurs privilèges tandis que les personnes de couleur sont invitées à se reconnaître dans le rôle de victimes. Au siège de Disney, en Californie, la direction des ressources humaines a par exemple constitué trois groupes affinitaires destinés de facto respectivement aux Latinos, aux Asiatiques et aux Noirs. Les employés blancs étant de leur côté incités à s’interroger entre autres sur les liens entre leur patrimoine et le « racisme structurel de la société américaine ». Le journaliste Christopher Rufo, à l’origine des révélations sur Disney, a même relaté l’existence dans certains groupes et administrations de stages de quasi-rééducation réservés aux hommes blancs hétérosexuels. Ces combats woke s’imposent au sein des grands groupes, essentiellement constitués de cadres urbains. Ils sont valorisés par les actionnaires institutionnels (fonds d’investissement, fonds de pensions, gestionnaire d’actifs…) qui identifient ces formations à des actions de lutte contre les discriminations, un des piliers de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Les sociétés cotées en Bourse tendent alors à s’y convertir pas à pas, avec plus ou moins d’enthousiasme et d’intensité. Ce n’est toutefois pas le cas de l’intégralité du capitalisme américain. Détenue par une famille de fervents chrétiens, la troisième enseigne de restauration rapide du pays, Chick-fil-A, reste par exemple parfaitement hermétique au mouvement. Le groupe conseille à ses franchisés de mener leur établissement «selon les principes de la Bible», ce qui passe notamment par une fermeture le dimanche. En Europe, les entreprises, fidèles à une tradition remontant au XIXe siècle, sont aussi fortement engagées sur les questions de responsabilité sociale et environnementale (RSE). (….) L’industrie cosmétique, directement exposée par ses produits à ces questions de couleur de peau, a ainsi franchi le Rubicon. En juin 2020, L’Oréal annonçait retirer «les mots blanc/blanchissant, clair de tous ses produits destinés à uniformiser la peau». Le français suivait son concurrent américain Johnson and Johnson, propriétaire notamment des marques Neutrogena, RoC ou Le Petit Marseillais, qui avait déclaré plus tôt abandonner la production de substances éclaircissantes commercialisées en Asie et au Proche-Orient. Le luxe, tétanisé par les procès en appropriation culturelle, suit également le mouvement de près, comme la campagne Louboutin le reflète. Gucci, une marque phare de Kering, s’est ainsi retrouvé au printemps 2019 dans la tempête, pour avoir lancé un col roulé décoré de larges lèvres rouges, jugé raciste, car pouvant évoquer une blackface, une caricature de visage noir. Afin de se faire pardonner, le groupe a multiplié les dons à des associations de lutte contre les discriminations et les séminaires de sensibilisation. Pour les entreprises, rejoindre la croisade woke peut s’apparenter à un très tentant, et économique, bain de jouvence marketing. La conversion exige toutefois un certain professionnalisme, comme la Poste espagnole l’a appris à ses dépens, en mai. Pour marquer l’anniversaire de la mort de George Floyd, lors de son arrestation par la police, le groupe a lancé une collection de timbre, les Equality Stamps, représentant différentes couleurs de peaux. Scandale immédiat car la valeur des timbres était corrélée à la clarté de la peau, variant de 0,70 euro pour celui représentant la peau noire à 1,60 euros pour le blanc. En France, le modèle universel républicain s’oppose frontalement à ces approches racialistes. La grande majorité des chefs d’entreprise, conscients de cette spécificité, se montrent prudents sur ces sujets et tendent plutôt à freiner l’enthousiasme de leurs jeunes directions de l’éthique et/ou de la diversité. L’intense polémique suscité par un tweet d’Évian s’excusant d’avoir fait la publicité de son eau en pleine journée de ramadan a bien démontré la réactivité épidermique d’une grande partie du public hexagonal devant les approches communautaristes.
Il est bien vu, ces jours-ci, de présenter Joe Biden comme un nouveau Roosevelt, ambitieux et pragmatique, courageux et modéré. Celui qui passait hier encore pour un gaffeur hasardeux prend désormais les traits du bon géronte, consacrant sa présidence à la réconciliation d’un pays fracturé. Mais cette image rassurante ne résiste pas à la réalé des faits et masque bien mal la nouvelle poussée de fièvre idéologique associée au wokisme qui traverse la société américaine, très présente dans l’aile gauche de son propre parti. (…) La nouvelle révolution américaine vient des campus mais n’y est plus cantonnée: son idéologie se déploie désormais dans les administrations publiques et privées. Et (…) c’est au nom du concept d’équité qu’elle se déploie. (…) Mais surtout, on ne saurait tolérer d’autre explication à la moindre disparité dans la représentation que par le «racisme systémique». Comment s’arracher à ce dernier? Par un travail constant de rééducation. Le journaliste Christopher Rufo a critiqué à plusieurs reprises au cours des dernières années les délires du «diversity training». Il l’a encore fait ces derniers jours en révélant que certains dirigeants masculins blancs de Lockheed Martin avaient dû participer à un séminaire sur plusieurs jours pour apprendre à reconnaître leur «privilège blanc» et apprendre à le déconstruire en se livrant au rituel de l’autocritique raciale. Au cœur du complexe militaro-industriel, le wokisme triomphe. Plus largement, dans une entreprise, un salarié refusant de participer à un tel séminaire s’autodésigne comme un suspect. La réingénierie sociale culmine dans une logique de purge. (…) Et comme «l’antiracisme» d’hier a inventé la discrimination positive, celui d’aujourd’hui engendre ce qu’on appellera la ségrégation positive. Ainsi, la mairesse démocrate noire de Chicago, Lori Lightfoot, pour marquer le deuxième anniversaire de son élection, a décidé de réserver ses entrevues personnalisées aux journalistes «racisés» – autrement dit, de ne pas en accorder aux Blancs. Au nom de la justice raciale elle revendiquait explicitement une nécessaire discrimination raciale contre les Blancs. On n’en sera pas surpris: Ibram X. Kendi, l’intellectuel de référence du racialisme, explique que la discrimination raciale n’est en rien condamnable, pour peu qu’elle produise de l’égalité raciale. Cette nouvelle idéologie américaine s’impose partout en Occident en traitant les pays qui y résistent en provinces rebelles à mater. L’expérience américaine, fondamentalement révolutionnaire, cherche à s’exporter, comme si elle entendait se poser comme norme à suivre pour toutes les sociétés, et plus encore pour celles prétendant suivre les évolutions de la modernité. Nos sociétés sont invitées à s’abolir pour renaître à elles-mêmes, purgées du mal par une nouvelle inquisition se réclamant de l’antiracisme révolutionnaire. (…) À l’échelle de l’histoire, et même s’il faut garder à l’esprit que toute comparaison a ses limites, on y verra un transfert du flambeau révolutionnaire, de l’URSS aux États-Unis, comme si avec la fin de la guerre froide, le fondamentalisme de la modernité avait renoué avec la première société qui a voulu se définir intégralement dans ses catégories. On se forme dans les universités américaines à la manière d’un détour dans le centre idéologique de l’empire et grâce aux programmes du Département d’État, on va faire un stage en diversité sur les deux côtes américaines comme on allait hier en pèlerinage dans les pays du socialisme réel. Comme Gide jadis, un grand écrivain s’y rendant pourrait bien en revenir, ensuite, en ramenant dans sa besace un ouvrage qu’il intitulerait Retour des USA, en comprenant que ce modèle conduit notre civilisation vers l’abîme pendant qu’un homme aux airs de bon grand-père croit lui apporter la paix pour notre temps. Mathieu Bock-Côté
Les scènes auxquelles nous assistons dans le sillage du «Black Lives Matter» aux États-Unis, en Grande- Bretagne, en France, comme un peu partout en Europe, pour solder une histoire accusée d’être «raciste» ne sont pas sans rappeler des aveuglements de sinistre mémoire. Du passé faisons table rase! Cette injonction célèbre de L’Internationale, le chant révolutionnaire né à l’époque de la Commune de Paris de 1871, peut être lourde de conséquences. (…) Toutes proportions gardées, et dans un contexte politique radicalement différent, la volonté destructrice du passé à laquelle nous assistons fait penser à la Chine maoïste des années 1960-1970 lorsque des cohortes de Gardes rouges s’en prenaient aux symboles de l’histoire. Certes, ces foules étaient téléguidées par un Mao à la reconquête d’un pouvoir qui lui avait été contesté après la gigantesque catastrophe du «Grand Bond en avant» (de 30 à 50 millions de morts selon les estimations) dont il était responsable. Certes, les violences des manifestants actuels ne peuvent naturellement pas être assimilées à celles des jeunes excités chinois qui agitaient leur petit Livre rouge en s’en prenant aux élites cultivées, coupables d’incarner le monde ancien, allant jusqu’à les mettre à mort, suivi de bacchanales où le foie du supplicié pouvait être mangé. Il n’empêche, la mise au pilori d’intellectuels, d’universitaires, aux États-Unis et ailleurs, qui ne se plient pas à la nouvelle doxa sur l’antiracisme, l’anticolonialisme, voire l’antisexisme, participe du même désir d’exclusion, de destruction, non de l’être mais de l’esprit, que complètent d’absurdes censures. «Sur une page blanche, tout est possible ; on peut y écrire et dessiner ce qu’il y a de plus nouveau et de plus beau», cette citation de Mao a servi d’argument aux Gardes rouges pour éradiquer l’histoire. Par ce mot d’ordre, le Grand Timonier voulait priver le peuple chinois de mémoire historique afin de le tailler à la mesure de sa propre démesure. Mao a tenté de mettre en œuvre le fameux aphorisme de Big Brother, dans le 1984 de George Orwell, qui exprime au mieux les vrais enjeux, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui: «Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir, celui qui contrôle le présent contrôle le passé.» (…) La charge antiraciste menée de nos jours s’accompagne d’une volonté de culpabiliser ceux qui n’ont pas la chance d’être né du bon côté de l’histoire nouvelle que l’on cherche à imposer. Voir des édiles, comme le maire de Minneapolis, implorer les manifestants pour qu’ils pardonnent son «privilège» d’être Blanc, renvoie pour le coup aux pires moments de la Révolution culturelle chinoise lorsque l’érudit devait avouer son amour des lettres anciennes avant d’être exécuté. L’autocritique est un classique du communisme. Il ne s’agissait pas de prouver la justesse de l’accusation mais de donner bonne conscience aux bourreaux chargés d’éliminer le coupable. Thierry Wolton

Back in the USSR !

Camps de rééducation, séances d’autocritique publique, dénonciations, excommunications, procès-spectacles, censure et auto-censure médiatique, purges périodiques, police de la pensée, inquisition, révisions de la langue,  déboulonnages de statues, effacement de photos, exportation de la révolution …

A l’heure où, après avoir gagné le sexe, la dysphorie s’attaque à présent à la race …
Et à coup de bistouri, un influenceur blanc peut devenir coréen
Tout comme pendant que la lingerie elle-même se wokise …
Un homme peut devenir reine de beauté
Le tout alors qu’avant d’envahir nos stades, l’un vient de remplacer l‘autre dans notre Constitution
Ou après avoir mis le feu à l’Amérique et au monde occidental …
Entre question raciale et épidémie …
Et au prix du hold up électoral du siècle …
Et de son lot classique de boucs émissaires
Un vieil apparatchik nous fait à présent le coup du réconciliateur d’un pays fracturé …
Comment ne pas voir le nouveau totalitarisme qui vient …
Avec l’aide, entre inflation des normes et simple connivence idéologique, de la politisation de la justice
Comme du système médiatique et, avec les réseaux sociaux, paramédiatique …
Où après le bolchévisme et le maoïsme de la Révolution culturelle chinoise …
C’est désormais nos propres entreprises
Qui entre rééducation idéologique, séances d’autocritique publique et excommunication numérique …
Et contre espèces sonnantes et trébuchantes
Sont gagnées par ce monde moderne, prophétisé par Chesterton il y a un siècle, rempli d’idées chrétiennes devenues folles ?

« Demander pardon pour ce qu’on est? Cela s’appelle l’autocritique communiste »

TRIBUNE – Si l’analogie a, Dieu merci, d’évidentes limites, il est difficile de ne pas songer à la Révolution culturelle chinoise en considérant les actes d’intimidation, les menaces voire la violence physique des activistes américains qui fustigent le «privilège blanc», argumente Thierry Wolton, essayiste, spécialiste du communisme.


Thierry Wolton est l’auteur, notamment, de «Une histoire mondiale du communisme», en trois volumes chez Grasset: «Les Bourreaux» (2015), «Les Victimes» (2016), «Les Complices» (2017).


Les scènes auxquelles nous assistons dans le sillage du «Black Lives Matter» aux États-Unis, en Grande- Bretagne, en France, comme un peu partout en Europe, pour solder une histoire accusée d’être «raciste» ne sont pas sans rappeler des aveuglements de sinistre mémoire. Du passé faisons table rase! Cette injonction célèbre de L’Internationale, le chant révolutionnaire né à l’époque de la Commune de Paris de 1871, peut être lourde de conséquences. Tourner la page d’hier, croire que l’on peut repartir de zéro pour bâtir un monde nouveau, forcément meilleur, est une tentation pour chaque génération, convaincue qu’elle peut faire mieux que ses prédécesseurs, que l’avenir lui appartient. Cette espérance, qui fait des vies de chacun un point de départ toujours renouvelé, peut néanmoins tourner au cauchemar si elle devient un impératif, destiné non plus à ouvrir les chemins de l’avenir mais à démolir systématiquement ce qui s’est fait auparavant, à renier l’histoire constitutive de ce que l’on est présentement. Faire du passé table rase au risque de l’amnésie ouvre la porte aux manipulations, faute de repères dans le temps.

Toutes proportions gardées, et dans un contexte politique radicalement différent, la volonté destructrice du passé à laquelle nous assistons fait penser à la Chine maoïste des années 1960-1970 lorsque des cohortes de Gardes rouges s’en prenaient aux symboles de l’histoire. Certes, ces foules étaient téléguidées par un Mao à la reconquête d’un pouvoir qui lui avait été contesté après la gigantesque catastrophe du «Grand Bond en avant» (de 30 à 50 millions de morts selon les estimations) dont il était responsable. Certes, les violences des manifestants actuels ne peuvent naturellement pas être assimilées à celles des jeunes excités Chinois qui agitaient leur petit Livre rouge en s’en prenant aux élites cultivées, coupables d’incarner le monde ancien, allant jusqu’à les mettre à mort, suivi de bacchanales où le foie du supplicié pouvait être mangé. Il n’empêche, la mise au pilori d’intellectuels, d’universitaires, aux États-Unis et ailleurs, qui ne se plient pas à la nouvelle doxa sur l’antiracisme, l’anticolonialisme, voire l’antisexiste, participe du même désir d’exclusion, de destruction, non de l’être mais de l’esprit, que complètent d’absurdes censures.

«Sur une page blanche, tout est possible ; on peut y écrire et dessiner ce qu’il y a de plus nouveau et de plus beau», cette citation de Mao a servi d’argument aux Gardes rouges pour éradiquer l’histoire. Par ce mot d’ordre, le Grand Timonier voulait priver le peuple chinois de mémoire historique afin de le tailler à la mesure de sa propre démesure. Mao a tenté de mettre en œuvre le fameux aphorisme de Big Brother, dans le 1984 de George Orwell, qui exprime au mieux les vrais enjeux, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui: «Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir, celui qui contrôle le présent contrôle le passé.» Ce n’est pas en épurant l’histoire des faits et des hommes qui déplaisent à la conscience du moment, qu’on peut la comprendre et en tirer les leçons.

La charge antiraciste menée de nos jours s’accompagne d’une volonté de culpabiliser ceux qui n’ont pas la chance d’être né du bon côté de l’histoire nouvelle que l’on cherche à imposer. Voir des édiles, comme le maire de Minneapolis, implorer les manifestants pour qu’ils pardonnent son «privilège» d’être Blanc, renvoie pour le coup aux pires moments de la Révolution culturelle chinoise lorsque l’érudit devait avouer son amour des lettres anciennes avant d’être exécuté. L’autocritique est un classique du communisme. Il ne s’agissait pas de prouver la justesse de l’accusation mais de donner bonne conscience aux bourreaux chargés d’éliminer le coupable.

La lutte contre le racisme est une noble cause qui rappelle la commune condition du genre humain, une évidence qui ne devrait pas avoir besoin d’être défendue. Faut-il pour autant que cette lutte cherche à instrumentaliser l’histoire comme si elle était coupable, comme si on pouvait la réécrire au goût du jour pour plaire aux plaignants du moment? La destruction de symboles d’un passé supposé raciste, le déboulonnage de quelques héros accusés d’actes, de propos racistes, la mise à l’index de chefs-d’œuvre qui ne correspondent plus aux canons à la mode, ne résoudront rien.

De tels actes servent tout au plus à assouvir des haines qui ne sont jamais de bonnes conseillères. Le jusqu’au-boutisme qui aboutit à la stigmatisation de ceux jugés coupables a priori donne au mouvement «antiraciste» actuel une orientation qui permet de douter de sa sincérité. Culpabiliser un Blanc parce qu’il est Blanc, quand il n’y est pour rien, est une stupidité et une inconvenance. S’excuser, demander pardon pour ce que l’on a fait soi-même, pour ce dont on s’est rendu coupable à titre individuel, certes oui, mais certainement pas pour ce que l’on est ou pour ce qui s’est produit plusieurs siècles avant votre naissance.

Tout passe. Les jeunes Chinois d’aujourd’hui ne font plus du passé table rase. Sur ordre du pouvoir national-communiste de Xi Jinping, ils encensent la glorieuse histoire de l’empire du Milieu, celle-là même que Mao voulait passer à la trappe. La roue de l’histoire tourne au rythme que les hommes lui donnent, les vérités d’aujourd’hui ne peuvent pas plus prétendre à l’éternité que celle d’hier, et probablement que celles de demain. Cela ne veut pas dire que les faits en eux-mêmes ne doivent pas être discutés, analysés, voire jugés, mais sans émoi et surtout sans diktat, pressions et menaces, quels qu’ils soient.

Voir aussi:

Mathieu Bock-Côté: «Rééducation à l’américaine»
CHRONIQUE – L’idéologie racialiste américaine cherche à s’exporter, comme si elle entendait se poser comme norme à suivre pour toutes les sociétés.
Mathieu Bock-Côté
Le Figaro
28/05/2021

Il est bien vu, ces jours-ci, de présenter Joe Biden comme un nouveau Roosevelt, ambitieux et pragmatique, courageux et modéré. Celui qui passait hier encore pour un gaffeur hasardeux prend désormais les traits du bon géronte, consacrant sa présidence à la réconciliation d’un pays fracturé. Mais cette image rassurante ne résiste pas à la réalité des faits et masque bien mal la nouvelle poussée de fièvre idéologique associée au wokisme qui traverse la société américaine, très présente dans l’aile gauche de son propre parti. Celle-ci n’est pas loin de considérer Joe Biden comme un président de transition, alors qu’une nouvelle garde s’installe dans un pays dont les coordonnées identitaires de base se transforment. Il laisse croire à un retour au calme alors que tout s’embrase.

La nouvelle révolution américaine vient des campus mais n’y est plus cantonnée: son idéologie se déploie désormais dans les administrations publiques et privées. Et comme le notait récemment Christopher Caldwell dans la National Review, c’est au nom du concept d’équité qu’elle se déploie. Le principe d’équité prétend accomplir l’égalité à l’américaine mais en fait le falsifie, en liquidant la référence à l’individu pour la reporter à l’échelle raciale: chaque groupe identifié par la bureaucratie diversitaire doit être représenté dans tous les domaines de l’existence sociale selon son poids dans la population, sans la moindre nuance. Le monde se laisse absorber par un fantasme mathématique. Mais surtout, on ne saurait tolérer d’autre explication à la moindre disparité dans la représentation que par le «racisme systémique».

Comment s’arracher à ce dernier? Par un travail constant de rééducation. Le journaliste Christopher Rufo a critiqué à plusieurs reprises au cours des dernières années les délires du «diversity training». Il l’a encore fait ces derniers jours en révélant que certains dirigeants masculins blancs de Lockheed Martin avaient dû participer à un séminaire sur plusieurs jours pour apprendre à reconnaître leur «privilège blanc» et apprendre à le déconstruire en se livrant au rituel de l’autocritique raciale. Au cœur du complexe militaro-industriel, le wokisme triomphe. Plus largement, dans une entreprise, un salarié refusant de participer à un tel séminaire s’autodésigne comme un suspect. La réingénierie sociale culmine dans une logique de purge.

La ségrégation positive

L’obsession raciale conduit à la ségrégation raciale. Et comme «l’antiracisme» d’hier a inventé la discrimination positive, celui d’aujourd’hui engendre ce qu’on appellera la ségrégation positive. Ainsi, la mairesse démocrate noire de Chicago, Lori Lightfoot, pour marquer le deuxième anniversaire de son élection, a décidé de réserver ses entrevues personnalisées aux journalistes «racisés» – autrement dit, de ne pas en accorder aux Blancs. Au nom de la justice raciale elle revendiquait explicitement une nécessaire discrimination raciale contre les Blancs. On n’en sera pas surpris: Ibram X. Kendi, l’intellectuel de référence du racialisme, explique que la discrimination raciale n’est en rien condamnable, pour peu qu’elle produise de l’égalité raciale.

Cette nouvelle idéologie américaine s’impose partout en Occident en traitant les pays qui y résistent en provinces rebelles à mater. L’expérience américaine, fondamentalement révolutionnaire, cherche à s’exporter, comme si elle entendait se poser comme norme à suivre pour toutes les sociétés, et plus encore pour celles prétendant suivre les évolutions de la modernité. Nos sociétés sont invitées à s’abolir pour renaître à elles-mêmes, purgées du mal par une nouvelle inquisition se réclamant de l’antiracisme révolutionnaire. L’individu habité par une névrose raciale et se convertissant à une identité de genre indéterminée est le nouveau visage du rêve américain.

À l’échelle de l’histoire, et même s’il faut garder à l’esprit que toute comparaison a ses limites, on y verra un transfert du flambeau révolutionnaire, de l’URSS aux États-Unis, comme si avec la fin de la guerre froide, le fondamentalisme de la modernité avait renoué avec la première société qui a voulu se définir intégralement dans ses catégories. On se forme dans les universités américaines à la manière d’un détour dans le centre idéologique de l’empire et grâce aux programmes du Département d’État, on va faire un stage en diversité sur les deux côtes américaines comme on allait hier en pèlerinage dans les pays du socialisme réel. Comme Gide jadis, un grand écrivain s’y rendant pourrait bien en revenir, ensuite, en ramenant dans sa besace un ouvrage qu’il intitulerait Retour des USA, en comprenant que ce modèle conduit notre civilisation vers l’abîme pendant qu’un homme aux airs de bon grand-père croit lui apporter la paix pour notre temps.

Voir également:

La culture « woke » s’immisce pas à pas dans les entreprises
ENQUÊTE – Aux États-Unis, les entreprises se sont converties à cet antiracisme militant, quitte à organiser une forme de ségrégation au sein de leurs salariés. Les patrons français gardent un regard critique sur le mouvement, même si quelques lignes commencent à céder.
Anne de Guigné
Le Figaro
27/06/2021

Assa Traoré le poing levé sur son canapé en hauts talons de la marque Louboutin. Publiée sur le compte Facebook du collectif La Vérité pour Adama, la photo s’agrémente d’un texte où la militante antiraciste évoque la mort de son frère Adama «il y a cinq ans entre les mains des gendarmes» avant de conclure sur un lyrique: «Je marcherai dans vos pas à tous les trois (les designers de la maison, NDLR), grandie par cette élégante création qui fait de moi une femme fière de ce que nous construisons ensemble. Justice pour tous».

L’ensemble a fait couler tant d’encre que la marque a dû préciser que l’emblématique jeune femme ne comptait pas parmi ses égéries. Louboutin revendique en revanche le lancement d’une nouvelle collection, «Walk a Mile in my Shoes», inspirée par la phrase de Martin Luther King, et une rencontre avec l’une des fondatrices du mouvement américain Black Lives Matter. Les bénéfices de la collection seront reversés à des organisations œuvrant pour la justice sociale, précise la société. Pour 995 euros, chacun peut ainsi s’offrir l’escarpin Free Walkie, qui «exprime cette saison l’empathie et la solidarité».

L’affaire paraît si caricaturale qu’elle prête d’abord à sourire, rappelant les outrances de l’antiracisme hollywoodien dépeints par Romain Gary ou l’essai au vitriol de Tom Wolf Radical Chic. Le romancier y décrivait une soirée mondaine donnée par le chef d’orchestre Leonard Bernstein dans son splendide appartement de Park Avenue en l’honneur des Black Panthers. La variation Louboutin apporte toutefois une nuance de poids: après les stars et les grands-bourgeois, ce sont désormais les entreprises qui se saisissent à pleines mains de la puissante bannière de l’antiracisme.

Appel au boycott

Ce mouvement vient des États-Unis, où les grandes corporations, pour répondre aux attentes de leurs clients et jeunes recrues, mais surtout éviter toute recension critique par des associations militantes, tentent de coller au mieux à ce qu’elles identifient comme un socle commun d’aspirations de la société. Un tournant politique accentué par l’arrêt Citizens United de 2010, qui autorise les entreprises à financer les campagnes électorales. Ainsi s’est bâti un nouvel équilibre fragile où entreprises, politique et société civile, représentée par les associations, tentent ensemble d’organiser la vie de la cité. La décision, en mai 2019, de l’État de Géorgie d’adopter une loi restrictive sur l’avortement a parfaitement illustré ces nouveaux rapports de force. À l’annonce de la réforme, des activistes ont appelé sur les réseaux sociaux à boycotter entreprises et événements organisés en Géorgie. Les grands groupes ont embrayé, Netflix, Disney et Warner menaçant de stopper leurs tournages dans l’État. Une centaine de patrons ont ensuite manifesté leur opposition à la loi via une page dans le New York Times. Le texte a pour finir été bloqué, quelques mois plus tard, par un tribunal fédéral américain arguant de sa contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême.

Depuis trois ans, c’est autour du mouvement woke, terme qui s’est répandu dans le sillage du mouvement Black Lives Matter contre les violences policières dont sont victimes les Noirs aux États-Unis, que se mobilisent les grands groupes américains. Pour gagner leurs galons woke, c’est-à-dire en état d’éveil face aux injustices sociales et raciales, les entreprises les plus motivées n’hésitent pas à organiser une forme de ségrégation entre leurs salariés. Les jeunes recrues à la peau blanche étant formées à prendre conscience de leurs privilèges tandis que les personnes de couleur sont invitées à se reconnaître dans le rôle de victimes. Au siège de Disney, en Californie, la direction des ressources humaines a par exemple constitué trois groupes affinitaires destinés de facto respectivement aux Latinos, aux Asiatiques et aux Noirs. Les employés blancs étant de leur côté incités à s’interroger entre autres sur les liens entre leur patrimoine et le «racisme structurel de la société américaine».

Stage de quasi-rééducation

Le journaliste Christopher Rufo, à l’origine des révélations sur Disney, a même relaté l’existence dans certains groupes et administrations de stages de quasi-rééducation réservés aux hommes blancs hétérosexuels. Ces combats woke s’imposent au sein des grands groupes, essentiellement constitués de cadres urbains. Ils sont valorisés par les actionnaires institutionnels (fonds d’investissement, fonds de pensions, gestionnaire d’actifs…) qui identifient ces formations à des actions de lutte contre les discriminations, un des piliers de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Les sociétés cotées en Bourse tendent alors à s’y convertir pas à pas, avec plus ou moins d’enthousiasme et d’intensité. Ce n’est toutefois pas le cas de l’intégralité du capitalisme américain. Détenue par une famille de fervents chrétiens, la troisième enseigne de restauration rapide du pays, Chick-fil-A, reste par exemple parfaitement hermétique au mouvement. Le groupe conseille à ses franchisés de mener leur établissement «selon les principes de la Bible», ce qui passe notamment par une fermeture le dimanche.

En Europe, les entreprises, fidèles à une tradition remontant au XIXe siècle, sont aussi fortement engagées sur les questions de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Sur le Vieux Continent, comme aux États-Unis, la définition de la RSE a eu tendance à évoluer ; synonyme, il y a dix ans, d’un principe de responsabilité de l’impact de ses actions, la RSE dernière génération tend davantage vers la défense de valeurs. Les grands groupes, essentiellement de services, multiplient ainsi les actions en faveur de l’inclusivité et de la diversité, avec un fort accent en faveur de l’égalité hommes-femmes ou de la visibilité des personnes LGBT. À quelques exceptions près, ils conservent toutefois un pas de côté vis-à-vis de l’antiracisme à la sauce woke, se contentant d’inclure ces problématiques dans des formations plus larges aux discriminations.

Les lignes commencent toutefois à bouger. L’industrie cosmétique, directement exposée par ses produits à ces questions de couleur de peau, a ainsi franchi le Rubicon. En juin 2020, L’Oréal annonçait retirer «les mots blanc/blanchissant, clair de tous ses produits destinés à uniformiser la peau». Le français suivait son concurrent américain Johnson and Johnson, propriétaire notamment des marques Neutrogena, RoC ou Le Petit Marseillais, qui avait déclaré plus tôt abandonner la production de substances éclaircissantes commercialisées en Asie et au Proche-Orient. Le luxe, tétanisé par les procès en appropriation culturelle, suit également le mouvement de près, comme la campagne Louboutin le reflète. Gucci, une marque phare de Kering, s’est ainsi retrouvé au printemps 2019 dans la tempête, pour avoir lancé un col roulé décoré de larges lèvres rouges, jugé raciste, car pouvant évoquer une blackface, une caricature de visage noir. Afin de se faire pardonner, le groupe a multiplié les dons à des associations de lutte contre les discriminations et les séminaires de sensibilisation.

Pour les entreprises, rejoindre la croisade woke peut s’apparenter à un très tentant, et économique, bain de jouvence marketing. La conversion exige toutefois un certain professionnalisme, comme la Poste espagnole l’a appris à ses dépens, en mai. Pour marquer l’anniversaire de la mort de George Floyd, lors de son arrestation par la police, le groupe a lancé une collection de timbre, les Equality Stamps, représentant différentes couleurs de peaux. Scandale immédiat car la valeur des timbres était corrélée à la clarté de la peau, variant de 0,70 euro pour celui représentant la peau noire à 1,60 euros pour le blanc.

En France, le modèle universel républicain s’oppose frontalement à ces approches racialistes. La grande majorité des chefs d’entreprise, conscients de cette spécificité, se montrent prudents sur ces sujets et tendent plutôt à freiner l’enthousiasme de leurs jeunes directions de l’éthique et/ou de la diversité. L’intense polémique suscité par un tweet d’Évian s’excusant d’avoir fait la publicité de son eau en pleine journée de ramadan a bien démontré la réactivité épidermique d’une grande partie du public hexagonal devant les approches communautaristes. Les prochaines années, voire les prochains mois, s’annoncent délicates pour les chefs d’entreprise, qui devront naviguer entre les injonctions contradictoires de leur base française et de leurs contreparties anglo-saxonnes. Les crispations risquant de se cristalliser autour de l’épineuse question de la religion en entreprise.

Voir de même:

Brut lève 75 millions de dollars auprès de Murdoch, Pinault et Orange

Le média social français connu dans le monde entier, est valorisé autour de 300 millions de dollars.

Le tour de table du média social français Brut, devient l’un des plus chic de la planète média. Après avoir séduit Xavier Niel, Alexandre Mars et Bpifrance lors d’un tour de table de 40 millions de dollars en 2019, Brut accueille aujourd’hui à son capital James Murdoch (via son fonds Lupa Systems), François-Henri Pinault (via la holding Artémis), le fonds Tikehau et Orange Ventures qui est l’un des plus importants participants à ce tour de table.

Les sagas et les stratégies de l’éco. La vie et les coulisses des entreprises, du monde des affaires et de celles et ceux qui l’animent, par Bertille Bayart.

Tous ces investisseurs, anciens et nouveaux, apportent 75 millions de dollars d’argent frais à Brut sur la base d’une valorisation approchant les 300 millions de dollars. Les trois fondateurs, Guillaume Lacroix, Renaud Le Van Kim et Laurent Lucas, conservent cependant le contrôle de la société.

«Nous discutions depuis deux ans avec James Murdoch. Il nous apportera sa capacité de monter des deals stratégiques dans le monde entier. Il est, tout comme François Henri Pinault, très aligné sur les valeurs de Brut. De son côté, Orange Ventures nous aidera à nous développer en Afrique francophone» détaille Guillaume Lacroix, président de Brut. Jérôme Berger, patron d’Orange Ventures confirme «la présence d’Orange dans 18 pays d’Afrique et le lien avec 130 millions de clients sera un atout considérable pour le développement à la fois de la partie média et de la plateforme de SVOD de Brut».

Guillaume Lacroix souligne, par ailleurs, que le média social français est le premier à recevoir le label international Bcorp, attribuée par B Lab Europe, qui labellise les entreprises répondant à des normes sociales et environnementales rigoureuses. Ce label est de plus en plus exigé par les fonds d’investissement.

Depuis la création Brut sur Facebook en novembre 2016, le média social a conquis une audience planétaire. Plus de 300 millions d’internautes partagent chaque mois les vidéos de Brut sous titrées en langues locales. En 2020, le cap des 20 milliards de vidéos Brut visionnées a été franchi. Brut est très populaire en France, aux États-Unis et en Inde, auprès des jeunes de moins de 35 ans, grâce à une ligne éditoriale reposant sur des valeurs largement partagées par cette communauté : l’environnement, le droit des femmes, les genres ou encore la responsabilité des pouvoirs.

Le live streaming shopping

Aux côtés de ce média social, Brut a lancé en avril dernier, son service de streaming vidéo par abonnement BrutX, en France puis en Suisse, en Belgique, au Luxembourg et récemment en Afrique francophone. Guillaume Lacroix, PDG de Brut, espère atteindre le million d’abonnés en 2023, avant d’étendre ce service dans le reste du monde.

Aujourd’hui, le groupe repose donc sur deux pieds : l’audience avec Brut et l’abonnement avec Brut X. L’apport d’argent frais va permettre d’accélérer les investissements sur ces deux premiers étages de fusée mais aussi d’en ajouter un troisième. Ainsi, Brut lance aux États-Unis, en Inde et en France, une plateforme de services et de conversation pour permettre aux jeunes créateurs du monde entier de promouvoir des contenus, des services ou même des marques en accord avec les valeurs de Brut. «Nous avons développé une influence dans le monde et maintenant nous voulons utiliser cette influence pour aider les jeunes créateurs. Grâce aux données récoltées auprès de nos communautés de fidèles, nous pouvons les aider à se construire des audiences sur les réseaux sociaux, à les monétiser et même à vendre des produits en live streaming shopping» précise Guillaume Lacroix.

L’arrivée d’investisseurs internationaux réputés, valide le modèle économique de Brut. L’ensemble pourrait atteindre un chiffre d’affaires compris entre 20 et 30 millions d’euros cette année et connaître une croissance supérieure à 200 % l’année prochaine. Déjà rentable en France et en Inde, le média social accélère ses investissements pour consolider sa position.

Soutenu dès sa création par Facebook et son créateur Mark Zuckerberg, Brut a été aussi célébré par Tim Cook, le patron d’Apple, lors de la dernière édition de Vivatech à Paris.

Voir encore:

Doing the Work at Work

What are companies desperate for diversity consultants actually buying?

As the sun went down on May 31, 2020, Kellie Wagner was packing up her Brooklyn apartment when she heard a roar: the chanting of thousands of Black Lives Matter marchers arriving in Fort Greene Park from a nearby rally at Barclays Center. It was the sixth day of nationwide protests in response to the murder of George Floyd, and the NYPD had already made several violent arrests.

Wagner was about to move to California, expecting a slow summer: The pandemic had caused half a million dollars in future business to dry up virtually overnight for Collective, the workplace-diversity consultancy she founded. Companies told her they no longer had the budget for her services. Wagner, who is 35, thought she might have to close up shop for good. Just before she left for the airport, she passed the remnants of a burned-out cop car, broken glass glittering on the sidewalk.

Two days later, Wagner was in Palm Springs — and her in-box was overrun with more than a hundred inquiries from prospective clients. Companies that had canceled on her two months prior were now desperate for help. There were a lot of white CEOs crying on the phone, Wagner recalls, because they had crash-read Robin DiAngelo’s White Fragility and were racked with guilt. There were heads of fashion and beauty brands whose Black employees had begun speaking out on social media about their companies’ racist cultures. What should the CEOs Slack to their staffs? What should they tweet to their customers? What wouldn’t get them criticized but would seem humble and aware — but not so humble and aware that they’d get criticized regardless?

It went on like that for a week, with Wagner in back-to-back-to-back intake calls. Another rush occurred on June 2, #BlackoutTuesday, when two Black entertainment executives called on companies, celebrities, and influencers to post a black square on their Instagram feeds to show solidarity with Black Lives Matter. Brands wanted Wagner’s advice on how best to participate in the campaign — and then, when many of them were excoriated for the low stakes of the gesture, they wanted her advice on how to apologize for it. “They were calling and saying, ‘Well, the black square didn’t work,’ ” Wagner says. “But when you make external statements and you haven’t cleaned up your own house, it’s so inauthentic. You’re asking to be dragged.”

Collective was even courted by the notoriously vulgar media company Barstool Sports, whose founder, Dave Portnoy, was known for provocations like comparing Colin Kaepernick to Osama bin Laden. Wagner said she would consider taking on Barstool as a client if Portnoy agreed to executive-leadership training. She never heard back. (Barstool disputes this.)

Across the country, consultants in the diversity business felt that same whiplash of pandemic bust turning into protest boom. Practitioners who were collecting unemployment received calls from the CEOs of major corporations looking to spend tens or hundreds of thousands of dollars publicly and fast. An in-house diversity professional in San Francisco who had been laid off in a five-minute Zoom meeting in March saw the company re-list his job in a lengthy, solemn Medium post. In Seattle, Tali Lavarry, a former corporate-event planner who had opened her consulting business a few months before statewide shutdowns began, was surviving on instant noodles and peanut-butter sandwiches when her phone started ringing; soon, she took on so many clients she had to hire four employees.

The onslaught was a jarring combination of exhilaration and chaos. One white male executive told Lavarry, “I think I handle colored people all right.” She politely disagreed. Wagner, who is Black, says she had “a kind of breakdown” a few weeks in. “I was having to exert all of this emotional energy to hold space for these white people, who were just waking up for the first time and being like, ‘Oh my God, racism exists.’ ” Still, the mad dash meant that within a quarter, she was able to scale up to 20 employees.

An explosion of fortune in 2020 is one of the few universal things in the amorphous industry of diversity consulting — a space as varied as its constellation of interrelated acronyms and ampersands implies. DEI and DE&I “diversity, equity, and inclusion” are more common than D&I, but many refer to the cause as I&D or DEIB (the B is for “belonging”). Portrayed by the right wing as a single-minded cult, DEI is in reality a loose federation of adherents, with a host of methodologies, competing for money and attention. DEI practitioners share a worldview — that workplaces can become more humane and just — but they are also rivals in a for-profit industry of their own making, with the same incentives of salespeople and marketers everywhere. Corporate America spends roughly $8 billion annually on diversity, according to a figure that gets passed around routinely — though that rough estimate was first cited in 2003, which means the true profitability of the market is uncharted.

Certainly, after Floyd’s murder, the business became astronomically larger than ever. But instead of an industry finally coming into focus, thanks to unprecedented funding and momentum, what composes DEI feels even more dizzyingly diffuse, and its true beneficiaries remain in question. “It really is the Wild West,” Lily Zheng, a consultant in San Francisco who has amassed more than 23,000 followers on LinkedIn, tells me. “One of the major challenges of DEI is there’s no quality control. Anyone can call themselves a DEI practitioner. When your clients are these companies that are desperate to do anything and don’t quite understand how this works, ineffective DEI work can be lucrative. And we’re seeing cynicism pop up as a result, that DEI is just a shitty way in which companies burn money. And I’m like, Yeah, it can be.

If you work in an office, virtual or otherwise, chances are high you’ve been required to take a diversity-related training course. Recently, workers at a multinational company clicked open one such module and encountered “Case Study No. 3: Ethnic Stereotype,” with a photo of a heavyset white man. This was “Michael,” a security guard who “clocks out for lunch from his post on the Upper East Side of Manhattan and sits down to eat in the employee lounge,” where Cindy, his colleague, notices he has only a small sandwich and some apple slices. Cindy needles Michael: “What kind of Italian are you?” she says. “That is the smallest sandwich I have ever seen! Throw some meat on that bread or bust out some pasta and gravy, you big paisan. You’re gonna be starved by the end of your shift!” The module invited workers to consider the ramifications of Cindy’s actions: “How do you think this makes Michael feel? Is Cindy implying that Michael needs to eat more food because he is Italian? Do you think Cindy’s comment could have offended others in the lounge?”

There is a saying among professionals that HR is where DEI goes to die, and when they say it, they usually have something like these two characters in mind. Cindy and Michael are diversity training as bad pornography: low budget, nonsensical, poorly written, too funny to be taken seriously. No one is learning anything meaningful or relevant about bias from this scene. (On Twitter, where it went viral, one user mockingly worried about the “italianx community.”) Its absurdity undermines the entire enterprise. DEI consultants argue (out of self-interest, but persuasively) that the generalists in HR, tasked with organizing everything from commuter discounts to holiday parties, don’t have the skills to set norms around the most sensitive interactions in the office. A security guard who actually took the Cindy-and-Michael training looked into it and told me that he’s pretty sure the video was created in-house by his company’s HR wing — specifically by a white woman from Pennsylvania named Jordyn.

The sandwich incident hearkens back to the origin of the corporate diversity movement: Title VII of the 1964 Civil Rights Act, which barred certain forms of discrimination at work. The earliest corporate training consisted of short sessions, led by HR departments, to remind managers of company policies. The goal was to protect corporations from litigation. In the late 1980s, as women and people of color entered the white-collar workforce in greater numbers, diversity efforts shifted. The advent of “sensitivity training” concerned the well-being of these newcomers in a variety of common scenarios that went beyond legal liability into the realms of appropriateness and respect. This evolution of the work required more than just knowledge of the law and gave way to a niche industry. Companies began hiring outsiders to tell them how to behave.

Doug Harris, the CEO of the Kaleidoscope Group, became a consultant during this wave and has witnessed every subsequent trend in the diversity Zeitgeist. In 1989, Harris was working in minority-talent recruitment when a white woman asked him to join her diversity-consulting firm. (He remembers thinking, “Wow, you can make money doing this?” It seemed like a natural extension of what he had been doing his whole life, as a Black man navigating nearly all-white environments, ever since he first got a scholarship to a prep school in Connecticut.) In 2006, he bought her out. “When I first started doing this work, people were staying out of trouble,” he says, describing the field’s iterations. “Somebody told a bad joke or something happened. And then it went to ‘being nice’: Don’t say anything wrong. Here’s all the dos and don’ts. And then it went to valuing differences, and that’s when the work really changed.”

This new way of corporate thinking — that the thing called “diversity” was not a potential source of losses via litigation but rather a source of value in and of itself — led to the idea of “inclusion,” a necessary counterpart, through the late 1990s and early aughts. Companies were betting on an appeal to multicultural consumers as well as employees. Even some of the most staid institutions embraced new measures, like the NFL, whose Rooney Rule required every team with a head-coaching vacancy to interview at least one “diverse candidate.” (When the rule was instituted in 2003, there were three Black head coaches. Today, the number is still three.) Harris says that when he got started at what became Kaleidoscope, there were about 12 firms in the U.S. doing his kind of work; he estimates that there are now about 600 worldwide.

In 2014, Google famously revealed its hiring data, showing dismal racial and gender disparities: 30 percent of employees globally were women, and Black and Hispanic employees together made up just 5 percent of workers in the U.S. Facebook, Microsoft, and Apple soon published similarly stark numbers. The reckoning that followed, led by younger and more progressive tech workers, shaped the diversity-consulting industry as it existed when Floyd was murdered.

Many contemporary DEI agencies are now focused on helping companies that profess to have progressive values live up to those ideals. This is referred to in DEI parlance as “alignment”: The idea is to jerk system operations into sync with make-the-world-better branding, like a diversity chiropractor. Wagner’s Collective is one of these outfits. She founded the company in 2017 after working at several tech firms where she saw CEOs profess to care about making workers happy; invariably, the Black employees were not.

Compared with more corporate enterprises like Kaleidoscope, consultancies like Collective tend to have sleeker branding. The people in their stock photos wear T-shirts and clear-framed eyeglasses instead of bad suits, and their websites, in pastel hues, often list the names of the Indigenous tribes on whose ancestral land they do business. They tend to use more overtly political terminology like “anti-racism.” The divide is somewhat generational. “I’m not a fan,” says Harris, though he employs young consultants who use the more confrontational approach. “They tell me, ‘Doug, you old, man. You’re dry.’ But I’m not in that world.”

Both Harris and Wagner, who primarily do operations strategy, share an aversion to DEI work’s lowest-hanging fruit: programs that sound nice and can be sold to multiple clients quickly without much alteration. One popular trend at Fortune 500 companies is requiring employees to take “unconscious-bias training,” a generalized lesson in how bias can affect behavior, and it’s profitable for those consultants who offer it. Collective doesn’t because many DEI practitioners suspect it doesn’t really work. Zheng, the consultant from San Francisco, has a form on their website that asks prospective clients “How did you hear about me?” Zheng doesn’t sign on with the ones who write something like “Google.”

The work done by people like Wagner, Harris, and Zheng is granular and unsexy. It can be as contentious and awkward as therapy; one strategist recalls how, during a call on how bias impacts performance reviews, a white male CEO hung up when accused of potential prejudice, “like an angry teenager slamming the door on their parents.” If all goes well, the public results of consulting by Collective, for example, can look like this: A millennial media company ditches a logo that appears to feature a thin white woman. Or Peloton formalizes a structure for its employee resource groups to participate in marketing and branding discussions. The whole service, from assessment to implementation, can cost between $70,000 and $150,000.

Many corporate clients, of course, don’t really want to change; they just want to look as if they are changing. For the consultants, doing flimsier, higher-volume work is a constant temptation. “Speaking is so much more lucrative than project work, just infinitely,” says Zheng, who has become a kind of DEI influencer on LinkedIn, where a new crop of self-proclaimed experts has flourished. Zheng can command $15,000 for a corporate speech, as can Wagner, who is hiring a publicist. “The money that I’m making from even my biggest client right now, for a year-plus of work, I could make in ten one-hour talks,” says Zheng. “When I’m having a bad day, sometimes I’m like, What if I quit and then talked about unconscious bias once a day and just rolled in money?

“Everybody wants to do new things, but people don’t want to stop doing old things,” Harris says. “I’ll say, ‘You really need to look at your insurance policies and how you’re giving out rates.’ Clients will say, ‘I ain’t going to mess with that. Let’s talk about allyship. Let’s talk about white fragility — that’d be a great topic.’ ” He adds, “You can make a lot of money in diversity being abstract.”

In August, a conservative journalist named Christopher Rufo wrote excitedly on Twitter about an “explosive” leak he had received from inside Sandia National Laboratories, a nuclear-weapons research facility in New Mexico. The documents concerned an event called “White Men’s Caucus on Eliminating Racism, Sexism, and Homophobia in Organizations” that had been conducted with Sandia’s largely white and male executives at a luxury resort. It had been led by a DEI consultancy called White Men As Full Diversity Partners.

What Rufo published, under the headline “Nuclear Consequences,” was ultimately tame. There was an image showing the phrase WHITE MEN on a dry-erase board along with a word cloud of associated terms: MAGA hat, mass killings, beer, Founding Fathers, heart failure. Although Rufo referenced the participants being forced to “publicly recite” statements about their own privilege, most of the materials seem to have been generated by the participants themselves, including handwritten assessments about how much the workshop helped them feel as though they could be better people.

Tucker Carlson, funneling the story into right-wing panic about critical race theory, called the event a “reeducation camp” with “mandatory Maoist struggle sessions.” Senator Josh Hawley wrote to the secretary of Energy that the material was “deeply disturbing.” President Donald Trump signed an executive order on diversity training, partly inspired by what had happened at Sandia.

White Men As Full Diversity Partners is not, in reality, a shadowy cabal of fanatics. The group was founded in 1997 by two white men, Bill Proudman and Michael Welp, who had both been Outward Bound instructors for executive clients and shifted into diversity consulting. (Welp traveled to South Africa, doing ropes courses for newly integrated employees of mines, banks, and pharmaceutical companies, and later got a Ph.D.) They saw that women and nonwhite people bore the brunt of educating white men about race and gender and that there was value in white men being explicitly asked to learn on their own; it became the founding principle of their company.

Though they lead all kinds of sessions for companies and not all of their consultants are white men, their best-known offering is the caucus, in which “white men rediscover their sense of mutual self-interest in a more inclusive world,” as Welp puts it. First, white men learn that they have a shared culture. (Facilitators show clips from films like Apollo 13 and Gran Torino.) They do exercises to establish empathy: Standing on one side of the room, participants take one step forward if they belong to a members-only country club but take a step back if they lived in a mobile home growing up. The company’s three-and-a-half-day program can cost north of $50,000.

Shock value is the point of the “White Men” name — a “wake-up call,” in their words. Though they have been doing it for more than two decades, their explicit, emotion-triggering tactics are in vogue alongside recent trends in the anti-racist community. But WMFDP’s founders are far from radicals. They are certainly not Marxists. Instead, they are pointedly apolitical. “We don’t turn this into the PC police, where all of a sudden, to work here, you have to think like I do. What we have to do is behave,” Proudman says. “We have to be respectful. We don’t have to love each other. Some of my best clients were at opposite ends of the political spectrum, and I’ve seen them be incredible champions around equity and inclusion without having to change their belief systems.”

This is why WMFDP is repeatedly invited to work with the federal government and some of the world’s most prominent companies. Last summer, after Jacob Blake was shot by a police officer in Wisconsin, major sports leagues suspended play. The National Hockey League was conspicuously late to act. Afterward, the NHL announced a suite of initiatives, including that all employees would participate in an “inclusion learning experience,” to be led by WMFDP.

The night before the press release went out, Akim Aliu received a call while walking his dog at home in Toronto. Aliu, who was born in Nigeria, is the co-founder of the Hockey Diversity Alliance, an independent group made up of current and former Black and brown players; the league wanted to know if the HDA would agree to be named in the release. Aliu was insulted. Months earlier, the HDA had submitted an eight-point plan asking the NHL to commit to several measures, including a promise that the employment of Black non-player personnel would rise to 10 percent before the end of the 2020–21 season. Talks between the groups disintegrated. (The NHL says they couldn’t agree on timing and other specifics.) In the end, the HDA did agree to the release, but it later severed ties with the league, calling its efforts “performative” in a blistering statement.

Aliu finds the dismissal of the NHL’s players in favor of outside consultants galling. “I’ll never understand how you can say no to players that are currently in your league and have been in your league,” he says, “but think you’re going to do it the right way with someone else that knows nothing about hockey, that knows nothing about being Black in hockey.”

That an organization with a name so rhetorically antagonistic to power is one of the most corporate-friendly DEI consultancies on the ground seems like an omen. I asked Proudman about Aliu and the HDA, and whether he ever felt like he, the consultant, was colluding — to use a DEI concept — with management against employees. “The whole notion that hiring a largely white company to go in to do that feels disingenuous — I absolutely understand the seeds of that,” he says. He had read about the HDA after the partnership was announced and some of its more “brutal” comments. “It’s part of the mosaic of how we have to come together and figure out how to do this work with one another,” he says. “This is what the work looks like.”

Another horrific cycle of death, protest, and corporate spending occurred in March, when eight people, six of whom were Asian women, were shot to death in suburban Atlanta — the apex of months of anti-Asian violence. There was a rush for consultants who could translate, sometimes literally, systemic issues of oppression and bias faced by the Asian American and Pacific Islander community. “Almost everyone I know who has even the most basic knowledge of Asian American studies got trucked out on MSNBC, CNN,” says Kim Tran, an equity consultant, a community organizer, and a writer with a Ph.D. in ethnic studies.

Corporations and brands seemed to react more nimbly to this spate of violence than they had to previous high-profile killings. “There’s a playbook now,” Tran says, “and it goes something like: A terrible thing happens to a marginalized community; then we put out a statement of outrage; then we do a listening session; and then we drop it until the next terrible thing.” After the shootings, Ad Age released a live blog “tracking how brands, agencies and media players are supporting AAPI communities and responding to anti-Asian sentiment.”

The diversity industry has evolved again, and one company at the forefront is Kindred. The start-up is more of a networking entity than a consultancy — it connects “purpose driven” leaders at businesses and nonprofits with experts in areas of environmental, social, and corporate governance. Ian Schafer, a co-founder, describes Kindred as a curation service and a platform. “A member said to me once, ‘You’re like the Peloton of corporate social responsibility,’ ” he says.

Schafer, who once worked in digital marketing for Harvey Weinstein’s Miramax (he says the toxic environment led him to leave and start his own creative agency), remembers thinking in 2015 that a new realm of possibility was opening in the corporate world. “Accountability was going to be the next great disruptor to business,” he says. The original idea was to create a kind of Davos-like event around that prediction. Kindred raised several million dollars and planned to hold its first major conference in the spring of 2020, with speakers including Chance the Rapper and the CEO of Ben & Jerry’s. Then came the pandemic. In October, Schafer and co-founder Elyssa Byck, who had worked in corporate strategy at BuzzFeed, relaunched the company with a new business model. Clients would charge “members” — entities from Casper to Wells Fargo — $3,500 to $7,000 annually for access to diversity experts (like Zheng) and their services, including speaker series and project planning. They also get to join a members-only Slack in which they can see one another’s contact information and collaborate. Companies like Verizon can purchase discounted “enterprise memberships” for large groups of employees. In December, in a joint effort with Kindred, Verizon’s Yahoo division announced a project called the “Allyship Pledge,” which connects “digital creators” with anti-racist activists and academics for four-hour talks. Participants received Allyship Pledge–branded swag, including a notebook and a water bottle.

Members can also access Kindred’s “Concierge” service and commission data analysis or research reports on “ESG topics.” They can appeal for emergency help via “Rapid Response Support” — say, if there is a brutal police killing and consumers or employees are demanding that management address it. Before the verdict in Derek Chauvin’s trial, Kindred members had the chance to book “office hours” with a former LAPD conflict-resolution specialist and mediator. “Where else can you get that?” Schafer says.

He is aware of the optics of running a business, he says, that focuses more explicitly on DEI so quickly after last summer. “I look like the problem that a lot of people have with the way that business does business just by the fact that I’m a cis straight white man. We aren’t here to be activists. We’re actually here to be very practical incrementalists.”

At least one consultant of color says they declined a partnership offer from Kindred. “It felt like they wanted us to do the heavy lifting and give them credibility,” the consultant says. “To have people with more resources and connections come in and take business away from us is really frustrating. It feels so opposite to the goal of equity — just because DEI is trending right now.”

As more money pours into the diversity industry, the products and services for sale are becoming ever more abstracted away from actual workers in pain. Steven Huang, a disillusioned consultant who wants to disrupt the field, plans to experiment with DEI and psychedelics, believing that CEOs who microdose might have an easier time opening their minds to accelerated change than sober ones. There is now DEI.AI, which reads emails for sensitivity, and DEI virtual reality. The right-wing nightmare is that militant “diversinistas” are taking over America’s most beloved institutions, changing the fabric of work life. The much more likely danger is that executives will become better at sounding as if they are onboard with a mandate of social transformation, while little material change happens for the people who need it most. Take Kroger, the grocery chain, which just released an update on its diversity efforts, noting that it had partnered with 107 new diverse suppliers in 2020, an increase of 91 percent. Chairman and CEO Rodney McMullen touted in a press release that “greater racial, gender, health, and wealth equity will drive true and long-lasting change and better outcomes in our country.” Three days later, the company revealed in a regulatory filing that McMullen made his biggest salary ever, $22.4 million, in 2020, while the median salary of workers fell 8 percent to $24,617. In the U.S., workers like stockists and checkout clerks are, of course, disproportionately people of color.

“Diversity, equity, and inclusion functions with the world as it is,” says Tran, “and not the world as we want it to be.”

There is one consultant with a small operation who has perhaps the best sounding board in the world for her efforts to improve it. Aida Davis’s aunt by marriage is Angela Davis, and she is the daughter of Alemayehu G. Mariam, an Ethiopian political scientist and human-rights scholar; her parents immigrated to the U.S. as political refugees, and she grew up in a working-class town near San Bernardino called Apple Valley. In college, Davis became an organizer with the Service Employees International Union and stayed in organizing for a decade. She runs her company, Decolonize Design, from L.A.

Davis founded the company in part as a rejection of DEI, she says, and created her own acronym: BDJ, for “belonging, dignity, and justice.” (There will soon be another J, for joy.) Instead of “tinkering around the edges” of the DEI industry, Davis says, her company is explicitly anti-assimilationist, with a worker-centric approach influenced by her time in the labor movement.

What does anti-assimilationist consulting look like? One example is Davis’s work with a well-known company. This chain’s locations are mostly owned by franchisees, who typically pick the music that is played in the stores — a practice that seems benign but can be overtly exclusionary. At one of these places, in the town where I went to college, the owners blasted classical music as a blatant attempt to deter local Black teenagers. No matter that the workers inside were also Black teenagers who might not have liked the music. The chain wanted to change the policy; at one point, Davis says, it considered devising a standardized playlist that would somehow represent artists from all backgrounds. Her company’s advice instead was to simply let the workers choose what they wanted to play. Now, everywhere in the country, they can.

The change Davis helped implement is remarkable in its specificity. In thinking about the freedom of that choice — to be able to play your own music in the place where you work — the buzzwords of belonging and community feel real again, reinscribed with meaning. They have a bearing on physical space. The strategy isn’t flashy, however; it isn’t a statement from the CEO or a huge donation. Nor is it scalable or something that can go viral. The company, on her recommendation, just gave something up.

Davis says she is still constantly in tension over what she does. She and members of her radical family have long conversations when she works with corporate clients. “I’m like, ‘Am I doing the wrong thing? Where do I stand? Am I selling out?’ ” she says. “They are philosophers, so I don’t get answers. I get more questions.”

Voir de plus:
États-Unis.

Pour avoir des chefs d’entreprise moins blancs, le temps des quotas est-il venu ?

Seuls quatre PDG sont noirs au sein des 500 entreprises les plus influentes des États-Unis, rappelle Bloomberg Businessweek. L’instauration de quotas, qui a déjà facilité l’accès des femmes à des postes de dirigeant, pourrait-elle aussi être une solution pour favoriser une plus grande diversité ? Le magazine économique s’est penché sur la question.

Parmi les rangées de visages blancs qui s’alignent à la une de Bloomberg Businessweek, seules quatre photos se démarquent du lot : celles des quatre PDG noirs que compte le classement “Fortune 500”, recensant les 500 premières entreprises des États-Unis en termes de chiffre d’affaires.

Une situation qui doit impérativement évoluer, estime Jide Zeitlin, PDG du groupe Tapestry, propriétaire de plusieurs sociétés de la mode et du luxe, et l’un des quatre visages noirs de ce classement : “Pas dans dix ans, pas dans quinze ans, mais dans l’année qui vient, ou dans un ou deux ans”, a-t-il récemment déclaré. Une nécessité rendue “encore plus urgente par le contexte des manifestations massives contre la violence policière et le racisme”, souligne le magazine économique.

Si les dirigeants noirs des grandes entreprises américaines se comptent sur les doigts d’une seule main, “ça ne s’améliore pas lorsqu’on regarde plus bas dans la hiérarchie”, poursuit le journal, qui cite Victor Ray, sociologue spécialiste des questions raciales à l’université de l’Iowa : “L’organigramme de la plupart des entreprises conventionnelles ressemble fort à ceux des plantations [exploitations agricoles où de très nombreux Africains-Américains ont été réduits en esclavage, dans le sud des États-Unis, jusqu’en 1865]. Les Noirs sont en bas de l’échelle.”

L’instauration de quotas en question

Alors, comment lutter efficacement contre ce problème ? s’interroge Bloomberg Businessweek. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra bien plus qu’un “engagement presque utopique” pour “atteindre une représentation juste”. C’est pourquoi le magazine explore la piste de “la coercition, ou pour être plus précis des quotas” :

Le mot provoque immédiatement un haussement de sourcils et hérisse le poil. Pour certains, il évoque une époque où les quotas étaient utilisés pour limiter l’embauche des Juifs et des personnes non blanches. Les chefs d’entreprise, qui se fondent sur les statistiques pour évaluer leur réussite, y deviennent allergiques lorsqu’elles concernent la race.”

Mais ces dernières semaines, le mouvement Black Lives Matter a sensiblement changé la donne, explique le média. Le 9 juin, la filiale nord-américaine du groupe allemand Adidas a par exemple annoncé qu’“au moins 30 % de ses futurs employés seraient noirs ou latinos” – il s’agit toutefois d’un simple objectif, et non d’un quota à proprement parler, précise le journal.

Or en matière d’égalité hommes-femmes, l’instauration de certains quotas a déjà commencé à faire ses preuves : la Californie, par exemple, a voté en 2018 une loi contraignant les entreprises cotées en Bourse et dont le siège social est dans cet État à avoir au moins une femme administratrice avant la fin de 2019. D’ici à la fin 2021, elles devront en compter au moins deux lorsque le conseil est composé de cinq personnes, et au moins trois, au-delà. Si la mesure était à l’origine impopulaire, elle a rencontré un franc succès. “Les femmes représentaient près de la moitié des nouveaux membres des conseils d’administration en Californie en 2019”, rapporte le titre.

Pour Bloomberg Businessweek, cette initiative a permis “ce qui est peut-être l’avancée la plus significative en termes de diversité ces dernières années”. Pour autant, nuance le média économique, “les quotas ne résoudront pas le racisme” et certaines problématiques ne disparaîtront pas avec leur instauration. Prenant l’exemple de la Norvège, où les femmes occupent aujourd’hui 42 % des sièges des conseils d’administration à la suite de l’instauration de quotas, le magazine souligne que “les hommes détiennent toujours la majorité du pouvoir exécutif”. De la même manière, une culture d’entreprise excluante à l’égard des Noirs peut perdurer malgré le fait qu’ils soient davantage embauchés : “Envoyer des personnes noires dans un environnement hostile n’est pas beaucoup mieux que de ne pas les embaucher du tout.”

Voir de plus:
Engagement.

Contre le racisme, les entreprises américaines doivent passer des discours aux actes

Courrier international

De nombreuses entreprises ont été promptes à dénoncer les ravages du racisme et des violences policières aux États-Unis à la suite de la mort de George Floyd à Minneapolis. Mais la presse note qu’il existe un certain décalage entre les discours et la réalité des actions menées pas ces firmes.

L’indignation, le rejet du racisme, la condamnation des violences policières et les appels à l’unité forgent les prises de position, ces derniers jours, de nombreuses entreprises aux États-Unis. Un soutien aux manifestants qui devient nécessaire pour des firmes “sous forte pression” qui “vendent des biens et des services au grand public”, explique Quartz. “Le temps où elles pouvaient rester silencieuses sur des sujets de société essentiels est révolu depuis longtemps.”

Mais donner de la voix et faire des promesses ne suffit pas. Ainsi, le Los Angeles Times dresse une liste non exhaustive des entreprises de haute technologie dont les prises de position récentes détonnent avec la réalité quotidienne. Facebook est la première cible du quotidien californien.

La réalité derrière le discours

Depuis le samedi 30 mai, des employés s’opposent à leur patron, Mark Zuckerberg, qui a refusé de retirer du réseau social un message publié par Donald Trump. Le célèbre PDG s’est défendu en promettant un don pour soutenir la justice raciale dans le pays. Pourtant, “ce n’est pas la première fois que Facebook est accusée d’avoir ‘un problème avec les Noirs’”. En 2018, un salarié, raconte le Los Angeles Times, avait publié un texte dénonçant le traitement des utilisateurs noirs de Facebook ainsi que des discriminations subies par des employés noirs.

Même décalage chez Amazon, qui dénonce le “traitement brutal et inéquitable” que subissent les minorités noires, tout en étant partenaire de “200 services de police”, par l’intermédiaire de sa société de surveillance à domicile, Ring, qui encourage l’utilisation d’une application de surveillance de voisinage critiquée pour des “problèmes de profilage racial”. Le Los Angeles Times relève le même genre de contradictions pour Google, Nextdoor ou encore Reddit.

Les entreprises, loin du compte en matière d’intégration sociale

Au-delà de ce décalage, la presse s’interroge sur la capacité des entreprises à agir sur l’intégration sociale des minorités aux États-Unis. Car, comme le note Quartz, les multinationales sont loin d’être exemplaires en matière de diversité. Chez Nike, “si 22 % de l’ensemble des employés sont noirs, […] cette proportion se réduit au fur et à mesure qu’on monte dans la hiérarchie. Parmi les directeurs, 10 % sont noirs et 77 % blancs.” En 2019, les conseils d’administration d’“environ 37 %” des grandes entreprises composant l’indice boursier S & P 500 ne comptaient aucun membre noir, poursuit le média économique, citant une étude du magazine Black Enterprise.

CNN Business rappelle que, dans le classement des 500 premières entreprises américaines du magazine Fortune, quatre seulement ont un PDG noir. “La vraie diversité doit se refléter au sommet”, proclame la chaîne de télévision.

“Prendre des mesures significatives contre le racisme”

Cette promotion de la diversité aurait sûrement “plus d’effet qu’un tweet” déclare le site Mashable.

Le lien entre les violences policières contre les Noirs et un monde des hautes technologies plus juste et avec plus de diversité ne semble pas évident. Pourtant, il existe.”

Ce manque de diversité au sein des entreprises n’est que le résultat, selon le site d’actualité, de la manière dont les “institutions maintiennent les personnes de couleur à distance des chances économiques”. Pour Wired, cela montre la “difficulté pour l’industrie [de la tech] de rompre avec ses racines et avec son histoire, faite de produits fabriqués par un certain type de personnes pour un certain type de personnes.”

Ainsi, la Harvard Business Review appelle les entreprises américaines à prendre des “mesures significatives contre le racisme” et à aller au-delà des discours consolants et des promesses.

Voir par ailleurs:

[Vidéo] Un influenceur blanc britannique dit avoir subi 18 opérations pour devenir non-binaire coréen “transracial”

Le jeune homme affirme se sentir coréen, mais être né dans le mauvais corps. Il a provoqué une vague d’indignation en Corée du Sud.

Jusqu’où peut-on aller dans l’autodétermination de sa propre identité sexuelle et même ethnique ? L’influenceur Oli London a, lui, été jusqu’à de multiples interventions de chirurgie esthétique pour passer de son visage de jeune Britannique blanc à celui de Coréen « non-binaire ». Il a annoncé dans une vidéo, publiée samedi 26 juin, avoir achevé sa « transition » après une nouvelle intervention du visage, afin de se faire notamment lifter le front et brider les yeux. Une démarche qui a choqué de nombreuses personnes, y compris la communauté coréenne.

Insulte à la culture coréenne

« Salut les gars ! Je suis finalement devenu coréen. J’ai accompli ma transition », a-t-il déclaré. Sur le modèle des transgenres, il affirme avoir été « piégé dans le mauvais corps » depuis l’enfance, à savoir celui d’un Anglais blanc, alors qu’il se sent coréen et en revendique la culture. « C’est le pire des sentiments d’être ainsi piégé et de ne pas pouvoir être soi-même. Mais enfin je suis coréen. Je peux être moi-même ».

Oli London affirme avoir subi 18 interventions et dépensé plus de 125 000 euros pour en arriver à ce résultat. Cela fait désormais 6 ans qu’il a annoncé vouloir modifier son visage, avec pour modèle un chanteur de K-Pop, Park Ji-min, dont il a d’ailleurs décidé d’adopter le prénom. Il avait même été jusqu’à annoncer son mariage avec… une image en carton de l’artiste.

La volonté de l’influenceur de se décréter une origine ethnique avait été largement critiquée en Corée du Sud. Les médias locaux avaient notamment dénoncé une insulte envers leur culture, ou une « banalisation » de l’identité coréenne sous prétexte que celle-ci est « à la mode ».

Voir de plus:
Transracialisme : un influenceur blanc se fait opérer pour « devenir » coréen

Laure Coromines
30 juin 2021

Oli London, influenceur Instagram qui s’identifie en tant que Coréen, a dépensé près de 150 000 euros pour ressembler à son idole K-Pop. Et relancé au passage les débats autour du transracialisme.

Pour lui, c’était une évidence. Oli London est né dans le mauvais corps, celui d’un homme blanc britannique, alors que son moi profond est coréen. Au mois de juin, Oli London a fait son coming-out, celui d’une personne non-binaire coréenne. Après avoir subi 18 opérations de chirurgie esthétique étalées sur 8 ans pour avoir le physique le plus approchant possible de celui du chanteur Park Ji-Min du groupe BTS, iel a également repris le prénom de l’artiste. Alors qu’Oli alias Ji-Min se félicite de sa transition, les critiques enflamment les réseaux sociaux et les médias, relançant les discussions autour du transracialisme.

« Soyez qui vous voulez être »

Dans une vidéo YouTube, Oli London explique depuis son lit sa démarche : « Je sais que beaucoup de gens ne comprennent pas, mais je m’identifie en tant que Coréen, je ne m’identifie pas comme Britannique, et maintenant j’ai l’air Coréen, je me sens Coréen. (…) C’est ma culture, mon pays, (…), j’ai enfin eu le courage d’aller au bout de ma transition raciale, et j’en suis très heureux. (…) Pendant si longtemps je me suis senti prisonnier de mon corps. (…) J’ai vécu en Corée, je parle la langue (…) Si vous ne me connaissiez pas, vous penseriez que je suis Coréen, et non un homme ni une femme, juste une personne. (…) J’espère que cette vidéo encouragera d’autres jeunes à toujours faire ce qui les rend heureux dans la vie, c’est mon message, soyez qui vous voulez être. »

Suite à cette annonce, les critiques acérées pleuvent sur l’artiste qui se revendique désormais comme « le premier activiste transracial ». Oli London aka Ji-Min aurait même reçu en plus d’acerbes reproches (principalement de la part de « Blancs de gauche », selon iel) des centaines de menaces de mort.

En Corée, la transition fait ricaner, voire révolte franchement. Depuis plusieurs mois, Oli London est dans le collimateur de youtubeurs coréens qui accusent la jeune personne de fétichisation, d’appropriation culturelle, d’activisme performatif et d’exploitation, notamment à cause de la manière dont iel présente la Corée dans ses clips.

À ces critiques, Oli London oppose dans un tweet une question à laquelle il n’est guère aisé de répondre, et autour de laquelle philosophes et académiciens continuent de s’écharper.

« Si vous pouvez être transgenre, vous pouvez aussi être TRANSRACIAL. Pourquoi y a-t-il un tel double standard et une telle hypocrisie avec des gens qui me critiquent parce que je suis Coréen. C’est la même chose que quelqu’un qui est né dans le mauvais corps et veut devenir un homme ou une femme. Je suis effectivement né dans le mauvais corps ! »

L’affaire Dolezal et la question de l’identité raciale

En 2015, « l’affaire Dolezal » secoue les États-Unis. Au détour d’une interview filmée, le pays découvre que Rachel Dolezal, responsable d’une section locale de la NAACP, association de défense des Afro-Américains, n’est pas noire comme elle le prétend, mais blanche. Après des mois de polémique, Rachel sort en 2017 In full color, un ouvrage très mal accueilli par les communautés afro-américaines dans lequel elle affirme qu’être noire correspond à son identité. « Je ne suis pas noire parce que je suis née noire, mais parce que c’est inné, cela a toujours été au fond de mon cœur », affirme-t-elle alors.

Qu’en est-il alors ? Existe-t-il réellement des personnes « transraciales », au même titre qu’il existe des personnes « transgenres », nées avec un sexe biologique qui ne correspond pas à leur identité de genre ?

Comme le rappelle Slate dans son article très fouillé, la question divise, empêtrée dans des notions d’auto-identification, de doubles standards, d’héritage culturel et de privilèges. Et la réponse est loin d’être évidente, opposant frontalement journalistes, militants, sociologues et intellectuels de tous bords. En 2017 déjà, la philosophe Rebecca Tuvel avait déchaîné les foudres de 800 universitaires en publiant dans une revue académique l’article « En défense du transracialisme », rappelant que la race est de toute façon avant tout une construction sociale

À lire pour aller plus loin : Your face in mine, un roman de Jess Row sorti en 2014 racontant l’histoire d’un homme souffrant de « dysphorie raciale ».

Voir encore:

« Blanchité alimentaire »: Sciences Po sous le feu des critiques après les propos d’une chercheuse du CNRS

Le Figaro

Dans le cadre d’un séminaire organisé par Sciences Po Paris et l’Université de Nanterre, cette chercheuse a défendu le concept de «blanchité alimentaire» comme outil de «l’identité raciale dominante». L’école se défend, affirmant ne promouvoir «aucune théorie ni école de pensée particulière».

La gastronomie française, raciste? C’est ce qu’a expliqué une chercheuse dans une intervention qui suscite depuis la polémique sur les réseaux sociaux, à l’occasion de la «semaine doctorale intensive» organisée par l’École de Droit de l’Institut d’études politiques de Paris chaque année. «Le repas français est souvent représenté comme un rituel national auquel tous les citoyens peuvent participer à égalité», introduit-elle. Jusqu’ici, on ne saurait lui donner tort. Mathilde Cohen, chargée de recherche au CNRS mais également maître de conférences à l’université du Connecticut aux États-Unis, continue: «les habitudes alimentaires sont façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches.»

La «blanchité alimentaire» participerait à «renforcer la blanchité comme identité raciale dominante», en s’imposant dans la société à l’aide du droit, si l’on en croit la chercheuse. Elle appuie son raisonnement sur deux exemples: d’un côté, les cantines scolaires établies aux XIXe siècle et justifiées par «un discours racialisé et eugéniste» auraient établi les «normes blanches et chrétiennes» comme normes par défaut. De l’autre, la nationalité française aurait été accordée en fonction de «perfomances blanches» dont font partie les habitudes alimentaires. «Les administrateurs coloniaux prêtaient attention aux modes de vie des postulants, y compris leurs habitudes alimentaires: mangeaient-ils du riz ou du pain? Mangeaient-ils au sol ou attablés?», poursuit la chercheuse. «Le droit contribue à marginaliser les minorités raciales et ethnologiques en accordant à la culture alimentaire blanche française le statut de régime alimentaire privilégié et juridiquement protégé», conclut-elle.

Pour terminer, Mathilde Cohen déplore que ce «problème» dépasse largement la France, car, souligne-t-elle, «la cuisine française est dans de nombreux pays un modèle de technique culinaire et de gastronomie.»

Sciences Po se défend

Des extraits de cette intervention ont été largement relayés sur les réseaux sociaux. Le logo de l’Institut d’études politiques de Paris, organisateur de l’événement, apparaît sur la vidéo en question, jetant le trouble sur une éventuelle approbation de ce discours par l’école. La séquence n’a pas manqué d’alimenter la polémique alors que le débat sur la prégnance de l’idéologie dite «woke» dans les universités françaises est plus que jamais d’actualité. Le député LR Eric Ciotti a par exemple regretté que l’école dont il est diplômé, «jadis d’ouverture et d’excellence, enseigne désormais des théories indigénistes, racialistes et totalement délirantes.»

Sciences Po a tenu à réagir sur Twitter en précisantne promouvoir «aucune théorie ni école de pensée particulière», soulignant que la chercheuse n’enseigne pas dans l’université parisienne. «Notre Université accueille, dans le cadre du débat scientifique, la pluralité des approches contemporaines des sciences humaines et sociales, dans le respect du cadre déontologique de la recherche». Le séminaire a accueilli «une cinquantaine de vidéos sur divers sujets», s’est défendu l’établissement.

Cette intervention controversée intervient après d’autres polémiques questionnant la place dans l’enseignement supérieur de cette idéologie «woke» venue d’Amérique. À la suite d’un article du Figaro paru en février dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal avait demandé au CNRS – dont est issue Mathilde Cohen – de dresser un «bilan de l’ensemble des recherches» afin de distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme. Si le travail est toujours en cours, un rapport a montré dernièrement l’hégémonie inquiétante du discours «racialiste» et «décoloniale» dans les facs.

En mai dernier, c’est l’organisation d’un «mois décolonial»  à Grenoble dont l’Université et l’IEP isérois étaient partenaires qui avait suscité la polémique. Sciences Po Grenoble avait demandé aux organisateurs «de retirer les marques de soutiens officiels de nos institutions».

Voir enfin:

Le transracialisme existe-t-il? (et pourquoi serait-il moins accepté que la transidentité?)

«L’affaire Dolezal» a mis sur le devant de la scène une question aussi intime que celle de l’identité de genre.

Kelly a perdu sa femme et sa fille dans un accident de voiture. Il revient à Baltimore, où il accepte un poste de manager dans une station de radio locale. Là-bas, sur le parking d’un supermarché asiatique, il croise un homme noir. Un étrange sentiment de familiarité le prend au corps. Cet homme-là, il le connaît, c’est certain. Mais impossible de dire qui il est précisément… «Kelly. Je parie que tu te demandes comment je connais ton nom. Kelly, c’est Martin.» L’homme s’approche, et alors le passé, soudain, ressurgit. Ce visage inconnu se superpose avec une figure ancienne. Celle d’un gringalet pâlichon, en Doc Martens et baggy noir, bassiste dans son groupe au lycée. Mais Martin était blanc. Il n’avait pas le même nez. Ni les mêmes cheveux. Ni l’air d’un Afro-Américain comme l’homme qui se tient en face de lui. «Chirurgie de réassignation raciale», lui répond Martin.

Dans Your face in mine, un roman sorti en 2014, raconte l’histoire fictive d’un homme qui souffre d’une maladie qui n’a sûrement encore jamais été diagnostiquée: «dysphorie raciale». Son identité intérieure n’est pas alignée sur son identité extérieure, ou sa «race», entendue dans tout cet article au sens sociologique (on est «racialisé» par autrui, par le regard et les attitudes des autres). À la manière des personnes trans. On a longtemps parlé en effet de «dysphorie de genre». Un terme clinique aujourd’hui délaissé pour sa connotation pathologique, au profit de l’expression «identité de genre».

Est-ce qu’on peut être noir ou noire de peau, et se sentir profondément blanc ou blanche, ou inversement, être blanc ou blanche de peau, et se sentir profondément noir ou noire? Un peu comme les personnes transgenres? Le roman de Jess Row, qui se situe dans un futur proche, soulève de profondes questions. Des questions d’autant plus troublantes qu’éclate aux États-Unis, à peine un an après sa parution, une affaire bien réelle: «l’affaire Dolezal».

«Cela a toujours été au fond de mon cœur»

Au moment où l’affaire éclate, Rachel Dolezal est responsable d’une section locale de la NAACP, l’une des plus anciennes associations de défense des personnes noires. Elle a les cheveux frisés, souvent attachés en tresses. Elle a la peau légèrement hâlée, portant parfois des tenues avec des motifs ethniques, comme cette robe. Elle se dit «noire», et personne ne remet en question cette affirmation. Lors du recensement, où aux États-Unis chaque personne auto-déclare sa «race», elle a coché des origines «blanches, noires et américano-indiennes» à la mairie de sa ville de résidence. Son combat est respecté. Rachel Dolezal est devenue une personnalité importante au sein de la communauté afro-américaine et du mouvement anti-raciste. Tout bascule pourtant lors d’une interview. Un journaliste lui montre la photo d’un homme noir que Rachel Dolezal a qualifié de «père» dans un post Facebook:
– Est-ce qu’il s’agit de votre père?
– Oui.
– Êtes-vous africaine-américaine?
– Que suggérez-vous par là? Je vous ai dit que c’était mon père.

Puis elle tourne les talons et s’enfuit. Rachel Dolezal a deux parents blancs, et n’a aucune origine afro-américaine.

Autour d’elle, beaucoup, beaucoup de gens ont été bernés. «Je me demande comment je n’ai rien vu», confie à Society un conseiller municipal. «Nous nous sentons manipulés», rapporte le journal local dans lequel elle écrivait. Rachel Dolezal a-t-elle monté ce bateau pour arracher un poste à la NAACP? Et pour obtenir un poste de professeure associée d’études africaines à l’université Eastern Washington? A-t-elle menti pour quelques privilèges? C’est ce qu’une partie des utilisateurs de réseaux sociaux et commentatrices suggèrent.

On aurait pu se contenter de cette explication, si l’histoire n’avait pas été un peu plus complexe. Car Rachel Dolezal n’est pas juste une personne mimant quelques attitudes afro-américaines et plaidant la mythomanie. Dans un livre, In full color, publié en 2017, elle affirme que noire est son identité profonde. «Je ne suis pas noire parce que je suis née noire, mais parce que c’est inné, cela a toujours été au fond de mon cœur», écrit-elle.

Rachel Dolezal naît dans une famille très religieuse, au terme d’un accouchement qui se passe très mal pour sa mère. «J’ai assimilé l’idée que j’avais commis une erreur ou bien que j’en étais une», explique-t-elle dans le documentaire Rachel Dolezal, un portrait contrasté. À l’adolescence, ses parents adoptent quatre enfants, dont trois noirs. Ils sont battus au fouet et au pistolet à colle, selon leur propre témoignage. Rachel Dolezal ressent un profond désir de protection de ses frères et sœurs, et dit alors avoir un «déclic»: «J’ai voulu établir un pont… alors j’ai consulté des livres sur l’histoire des Noirs, des romans, et tout ce qui était écrit par des auteurs noirs […] Grâce à mes frères et sœurs c’est comme si j’avais un prétexte légitime pour poursuivre l’appel de mon âme.»

Bande-annonce du documentaire Rachel Dolezal, un portrait contrasté.

Quand elle dessine, ce sont des personnages noirs. Et lorsqu’elle peut enfin quitter le domicile familial où ses parents, selon ses dires, essaient de «l’exorciser» de son «identité noire», la voilà qui file vers le Sud, à Jackson, une ville à 80% noire. «Elle ne s’est pas réveillée un matin en disant “je vais être noire”, cela s’est fait graduellement», affirme son fils Franklin, dans le documentaire de Laura Brownson. «J’ai commencé à me sentir noire quand j’ai eu la garde d’Izaiah», son frère puis fils adoptif, se souvient-elle. «Izaiah ne voulait pas se sentir adopté, elle a choisi cette voie pour renforcer son sentiment d’appartenance», suggère son autre fils, Franklin. De ses deux frères, le premier reconnaît à Rachel une profonde identité noire. L’autre avance qu’elle «n’a jamais perdu la conscience d’être blanche».

«Chasse aux sorcières»

Entre les deux versions, laquelle est vraie? Rachel Dolezal est-elle une personne «transraciale», un peu comme il existe des personnes «transgenres», nées avec un sexe qui ne correspond pas à leur identité profonde de genre? C’est ainsi que se nomme l’intéressée, dans une interview à la NBC: «trans-noire», ce qui selon elle veut dire qu’elle n’est «pas née comme cela» mais que «c’est ce qu’[elle est] réellement». C’est depuis cette affaire que le mot «transracialisme» a pris ce sens, alors qu’il désignait avant aux États-Unis les enfants noirs adoptés par des familles blanches, ou inversement, les enfants blancs adoptés par des familles noires.

Sur les réseaux sociaux et dans le monde académique, le débat fait rage. «Dolezal a menti sur elle-même et elle continue de mentir. En tant que femme trans je n’ai pas envie d’être comparée à une menteuse», s’insurge la YouTubeuse noire et transgenre Kat Blaque. En avril 2017, la philosophe Rebecca Tuvel publie un article intitulé «En défense du transracialisme» dans une revue académique, qui suscite un vif débat. «Puisque nous devrions accepter les décisions des individus trans de changer de sexe, alors nous devrions aussi accepter les décisions des individus transraciaux de changer de race», argumente-t-elle, déclenchant une lettre ouverte de près de 800 universitaires qui demandent la suspension de la publication, et la démission de la rédactrice en chef de la revue. Jesse Singal du New York Magazine parle de chasse aux sorcières, et Glenn Greenwald, le journaliste qui a publié les révélations d’Edward Snowden sur la NSA, de «campagne hideuse».

«Bravo à Jesse Singal d’avoir dénoncé et discrédité cette campagne de salissage hideuse contre une professeure de philosophie.»

En France, les chercheurs et chercheuses que nous avons interrogées sont gênées aux entournures: «Le terme ne peut s’utiliser qu’avec précautions», confie Magali Bessone, professeure de philosophie politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, autrice en 2013 de Sans distinction de race? Une analyse critique du concept de race et de ses effets pratiques. «Ce n’est pas une catégorie que je mobiliserais, mais je ne dirai peut-être pas la même chose dans deux ans», nuance la politiste Audrey Célestine.

Et les militantes aussi: «Concernant la “transracialité”, je me permets de vous suggérer de ne pas utiliser ce terme car il crée une analogie injustifiée avec la transidentité», nous écrit une membre d’un collectif afro-féministe. «Une violente farce», une «non notion», une «errance raciste et essentialisante», juge Ketsia Mutombo, présidente et co-fondatrice de l’association Féministes contre le cyberharcèlement.

Transracialisme et «passing»

Mais d’abord, qu’entend-t-on par transracialisme? Les définitions données par les spécialistes que nous avons interviewées varient. «C’est le fait de passer d’une race à une autre», explique Magali Bessone. La philosophe définit le transracialisme comme une catégorie large, qui comprend par exemple le fait de passer de blanc à noir, tout comme le fait de passer de noir à blanc. Ce dernier phénomène est plus connu et fut utilisé par certaines personnes noires aux États-Unis durant la période de ségrégation constitutionnelle pour éviter les sanctions ou bénéficier d’avantages structurellement réservés aux Blancs. On l’appelle «passing». D’autres universitaires, comme Éric Fassin, choisissent de réserver le mot «transracialisme» au passage de blanc à noir: «C’est l’inverse du passing», déclare-t-il. On parle aussi parfois de passing inversé, justement pour désigner le passage de blanc à noir.

Le phénomène du passing a engendré toute une série de romans autour des années 1920 sur ce phénomène, les passing novels. Dans The autobiography of an ex-couloured man, publié en 1912, James Weldon Johnson raconte la vie d’un fils d’une mère noire et d’un riche homme blanc, qui réalise en entrant à l’école qu’il n’est pas considéré comme blanc. Moqué par ses camarades et par son professeur qui lui demande de ne pas s’asseoir sur des places réservées aux Blancs, il comprend le sort qui lui est réservé. Des années plus tard, il assiste au lynchage d’un homme noir et décide alors d’abandonner tout lien avec son passé pour «devenir» un homme blanc, et passer pour tel. Il renonce à sa mère et à sa famille maternelle. Ses enfants eux-mêmes croient qu’ils sont blancs. Il se dit heureux, mais le soir, lorsqu’il ouvre son manuscrit, «dernière trace d’un rêve évanoui», il ne peut s’empêcher de se dire qu’il a troqué son identité contre un «plat de lentilles».

James Weldon Johnson en 1932. | Carl Van Vechten via Wikimedia Commons License by

Le passing, aujourd’hui, prend des formes plus diffuses. On retrouve des réminiscences de ce phénomène dans les nombreuses échoppes du quartier de Château Rouge à Paris, qui proposent des crèmes à l’hydroquinone, pour blanchir l’épiderme et bercer les espoirs de femmes noires. On appelle aussi ce phénomène le «teint Hollywood», selon l’historien Pap Ndiaye, teint que sont soupçonnées d’avoir adopté de nombreuses stars comme Beyoncé ou encore l’acteur Denzel Washington. Quant à Michael Jackson, il a toujours affirmé être atteint de vitiligo, une maladie qui dépigmente la peau par endroits. Son dermatologue, Arnold Klein, a lui-même affirmé qu’il l’avait «rendu blanc parce qu’il était malade».

Outre blanchir sa peau, avoir un conjoint ou une conjointe blanche et des enfants métis est une autre façon de «passer», précise Pap Ndiaye. En Guadeloupe, les parents qui ont un enfant à peau plus claire sont encore parfois félicités, et l’enfant né qualifié de «po chapé», ce qui signifie «peau échappée, peau sauvée». «Comme dans les campagnes, on pouvait féliciter d’avoir eu un garçon plutôt qu’une fille», fait remarquer l’historien.

Dans tous les cas, le mot transracialisme semble revêtir une dimension plus psychologique, tandis que le passing a un caractère stratégique, de survie dans un monde de dominants. «Cette démarche procède d’une forme d’intelligence des hiérarchies sociales: ces personnes ne souhaitent pas devenir blanches, elles souhaitent rester noires avec la peau plus claire», explique Pap Ndiaye. «C’est un changement de race essentiellement effectué pour des raisons économiques», détaille Magali Bessone. «Le passing n’est qu’un calcul, ça n’est pas un enjeu identitaire, c’est un enjeu de survie», complète Audrey Celestine.

Le «plaisir» de basculer «de la majorité à la minorité»

Si l’on comprend largement les raisons qui poussent un individu à vouloir passer pour blanc –favoriser une carrière, être moins sujet aux discriminations voire à certaines époques aux violences ou même à l’esclavage–, le chemin inverse semble beaucoup moins évident. Certes, aux États-Unis, il peut y avoir des avantages à être racialisé, pour bénéficier de places à l’université par exemple. Ou lorsqu’on évolue dans le milieu musical, notamment dans le blues, «où être noir est un avantage, par une sorte d’inversion des normes communes», souligne Pap Ndiaye. «Armstrong, je ne suis pas noir / Je suis blanc de peau» chantait Nougaro.

Mais, socialement et économiquement, les désavantages sont bien plus nombreux, en raison des discriminations persistantes. Dans une étude publiée en 2013, des chercheuses ont pourtant montré que les personnes nées de couples bi-raciaux dont l’un est blanc, et l’autre noir, ont plutôt tendance à se déclarer comme noires. «Nous voyons un schéma inversé du passing par rapport à la période des lois Jim Crow [la période allant de 1876 à 1964, ndlr]», commentent les autrices de cette étude. Depuis les années 1960, dans le sillage du mouvement pour les droits civiques, ces personnes qu’en France on qualifierait de métisses s’affirment comme noires. D’abord parce qu’elles sont considérées comme noires par la société, mais aussi parce qu’elles le revendiquent. Parce qu’être noir n’est plus un objet de honte, mais au contraire, de fierté. Cette fierté entraînerait-elle, en parallèle, à mesure que s’affirment les minorités, certaines personnes blanches à désirer être non-blanches?

En France, c’est ce que suggèrent les recherches de Juliette Galonnier. Cette sociologue a travaillé sur les conversions à l’islam en France et aux États-Unis dans le cadre de sa thèse en sociologie soutenue en juin 2017, et a pu interroger plusieurs personnes qui ne s’identifiaient plus comme blanches, par rejet du groupe dominant. C’est le cas par exemple de Noémie*, une jeune femme originaire du Gers, qu’elle a rencontrée en 2014, alors qu’elle avait 27 ans. Noémie ne se sent «pas française» raconte-t-elle, à cause de «l’histoire de l’esclavage, de la colonisation» et des «discriminations», qui la détachent de cette identité-là. Mais elle va plus loin qu’un simple rejet de son identité française.

«Je suis plus prisonnière de cette identité de petite Blanche française dominante qui m’horripile»

Au sortir de l’adolescence, captivée par un groupe de femmes portant le voile et discutant de féminisme musulman, elle commence à développer un réseau d’amis pratiquants. Elle se fascine alors pour la négritude et rencontre un jeune musulman originaire de Mauritanie. Un jour, en l’attendant à la sortie d’une mosquée, elle entend un appel à la prière, et sans savoir pourquoi, sans comprendre, se met à pleurer. Elle se convertit, quelques semaines après, à l’islam. Elle épouse ensuite son compagnon et commence à porter le voile.

Elle bascule alors aux yeux des gens selon ses propres mots «de la majorité à la minorité»: «En quoi ça me fait plaisir que ça rejaillisse sur moi? répond-t-elle à la chercheuse qui l’interroge sur les discriminations qu’elle subit, selon le texte des entretiens que Slate a pu consulter. Je suis plus prisonnière de cette identité de petite Blanche française dominante qui m’horripile, parce qu’elle correspond pas à ce que j’ai dans mon cœur».

Être perçu comme blanc ou noir, une question de couleur et de relations sociales

Cette histoire montre qu’être perçue comme une personne blanche ou noire dépend aussi d’un certain contexte culturel et social, même si cela ne peut être bien sûr totalement indépendant de facteurs génétiques et biologiques (le taux de mélanine par exemple). Les femmes blanches qui se mettent à porter le voile ou les hommes blancs qui arborent une grande barbe «sont exposés à de nouvelles catégorisations raciales comme arabes et maghrébins», explique Juliette Galonnier, tout simplement parce que les musulmans en France aujourd’hui viennent à 80% d’Afrique du Nord. «Les gens font de nouvelles hypothèses sur leur origines ethniques.»

Les exemples qui démontrent que la perception de la couleur de peau varie selon le contexte social, ou même historique, sont nombreux. On sait qu’à la fin du XVIIIe siècle, Benjamin Franklin, qui avait classé les humains en trois catégories, les «Noirs», les «Blancs» et les «Basanés», avait rangé les Suédoises et les Suédois chez… les Basanés, tout comme les Français et Françaises d’ailleurs. «Les Tchétchènes sont considérés comme noirs, parce que c’est un critère de dévalorisation… Et Malcolm X, quand il voyageait, s’était vu demander “pourquoi il s’intéressait tant aux Noirs”», raconte Pap Ndiaye. On sait aussi que les Irlandaises et Irlandais ont été associés aux Noirs aux États-Unis au XIXe siècle, parce qu’ils étaient pauvres et catholiques.

La militante Angela Davis raconte comment elle parvenait à pénétrer dans des boutiques interdites aux Noires en parlant français, tout comme au début du XXe siècle, les Noirs du Temple de la science maure d’Amérique, qui se définissaient comme musulmans, réussissaient à entrer dans des wagons réservés aux Blancs grâce à leur garde-robe (turban pour les femmes et fez pour les hommes). Ceux-là même qui se définissaient comme «maures» avant tout refusaient d’ailleurs de cocher la case «negro» sur les formulaires.

Le Temple de la science maure de Chicago en 1928. Noble Drew Ali, le fondateur de l’organisation est au centre du permier rang en blanc. | MrHarman via Wikimedia Commons License by

«La “race” mobilise deux caractéristiques: le phénotype et les relations de pouvoir. Et c’est dans la relation entre les deux que tout se joue», résume la philosophe Magali Bessone. «Les catégories de “blanc” ou “noir” existent dans un contexte social: être blanc ou noir en France c’est pas la même chose qu’aux États-Unis», abonde Audrey Célestine, qui elle-même a pu se rendre compte à quel point cette expérience varie. L’un de ses plus jeunes frères, à moitié algérien, et qu’on reconnaissait à Dunkerque comme quelqu’un d’origine maghrébine, s’est vu perçu comme un «blanc» à son arrivée en Guadeloupe, à un moment particulier où le territoire connaissait un état d’urgence, raconte-t-elle dans un livre publié en mai, Une famille française. «Aux Antilles, la blanchité ne se voit pas qu’à la couleur de peau mais aussi par la maîtrise du créole», commente la chercheuse.

«Si Rachel Dolezal avait effectivement eu une ascendance africaine-américaine, son cas n’aurait pas suscité un tel scandale»

Dans What Blood Won’t Tell: A History of Race on Trial in America, une historienne américaine raconte les procès intentés au XIXe siècle par des esclaves pour essayer de prouver qu’ils étaient blancs. Ces procès tournaient moins autour de la fameuse «règle de la goutte de sang» («one-drop rule», la règle selon laquelle toute personne ayant un ancêtre noir était considérée comme noire) que des relations sociales ou encore de la «moralité» de ladite personne ou de son civisme.

Alors qu’au contraire, aujourd’hui une personne considérée comme très blanche de peau, et qui dans d’autres pays serait très clairement considérée comme blanche, peut s’identifier, puisqu’il s’agit d’une auto-déclaration, comme étant noire aux États-Unis, en vertu de la survivance dans les consciences de la «règle de la goutte de sang». «Si Rachel Dolezal avait effectivement eu une ascendance (même éloignée) africaine-américaine, il est très probable que son cas n’aurait pas suscité un tel scandale et qu’on lui aurait reconnu beaucoup plus facilement le droit de se définir comme noire», estime Solène Brun, doctorante à Sciences-Po qui travaille sur les frontières ethno-raciales et la construction des identités.

Être blanc, une question de privilèges

C’est à la lueur de ces expériences qu’on peut comprendre la réaction d’Arnaud Gauthier Fawas. Ce militant LGBT a fait rire internet et déchaîné des torrents de violence après ses propos sur le plateau d’Arrêt sur images, où il refusait d’être qualifié d’homme. Il refusait aussi d’être qualifié de blanc, malgré son apparence. Interpellé par un membre du collectif Stop au Pinkwashing qui déplorait «un plateau très blanc» (quatre personnes d’apparence masculine et blanches de peau), cet administrateur de l’Inter-LGBT a rétorqué que ce n’était pas le cas, parce qu’il a un parent libanais.

«C’est intéressant qu’on interroge tous nos propres stéréotypes autour de la table. Parce que sans même m’avoir posé la question, vous supposez que je suis un homme. Et seulement par mon apparence vous estimez que je suis blanc. La frontière de nos propres stéréotypes est plus fluide que ce qu’on peut penser», a-t-il plaidé.

D’une certaine manière, Arnaud Gauthier Fawas a raison. S’il est considéré comme blanc en France, il aurait très bien pu cocher une autre case aux États-Unis, et à coup sûr, sa remarque n’y aurait pas déclenché de telles réactions. Le cas de ce militant LGBT+ est bien différent de celui de Rachel Dolezal, mais interroge de la même manière: qu’est-ce qu’une ou un Blanc? Et qu’est-ce qu’une ou un Noir? Ou plus généralement, qu’est-ce qui fait qu’on est «racialisé»? Et peut-on choisir de se définir comme blanc ou noir, ou est-ce à la société de le faire?

Ce qui choque, dans ces deux exemples, a un certain rapport avec la notion de «privilèges». Peut-être qu’Arnaud Gauthier Fawas n’est pas blanc, selon une définition «génétique» ou «héréditaire» très américaine de la chose, mais puisqu’il est perçu comme tel la plupart du temps, il bénéficie largement des «privilèges» qui vont avec, c’est-à-dire qu’il n’écope pas des discriminations dont souffrent en France les personnes perçues comme arabes ou noires. Peut-être a-t-il déjà vécu du racisme lié à son ascendance libanaise, mais cette raison paraît un peu faible pour compenser le fait qu’il y a bien quatre hommes perçus comme blancs sur le plateau d’Arrêt sur images…

«Je sais que c’est un privilège de Blanc, de pouvoir essayer d’en réchapper et de faire ce qu’on veut»

De même, la dissimulation de Rachel Dolezal, qu’elle relève initialement d’un sentiment sincère ou non, a irrité bon nombre de personnes qui ont jugé qu’elle n’avait pas subi des discriminations liées à sa couleur de peau dans son enfance, avant de «devenir» noire. Et surtout, que pouvoir choisir d’être noir ressemblait encore à un privilège de Blanc. «C’était facile pour les Blancs de l’accepter en tant qu’Afro-Américaine parce qu’elle leur ressemblait, contrairement à une femme plus basanée aux cheveux crépus… De nombreuses femmes noires avaient le même message et n’ont pas reçu le même soutien», assure Kitara Johnson, membre de la NAACP, dans le documentaire de Laura Brownson.

C’est aussi ce que répond l’un des convertis à l’islam interrogés par Juliette Galonnier, et qui ne s’identifie plus comme blanc: «J’ai essayé de m’enfuire de ma condition de Blanc et cherché à tout prix à ne pas être blanc. Je sais que ce n’est peut-être pas la bonne réaction, ou que c’est impossible, ou même que c’est un privilège de Blanc, de pouvoir essayer d’en réchapper et de faire ce qu’on veut», dit-il en riant à la chercheuse.

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Les critiques sur le «choix» de la couleur de peau et celles contre les personnes trans

Qu’en serait-il si chacun et chacune pouvait avoir entièrement la capacité à s’autodéfinir, sans trop de lien, ou un lien seulement faible, avec la réalité perçue et la réalité sociale vécue? Telle est la question que pose le geste d’Arnaud Gauthier Fawas, dont les implications ne sont pas sans difficultés. Au Brésil, les débats autour des quotas pour les citoyens et citoyennes noires de peau ont commencé à s’envenimer le jour où certains ont remarqué que davantage de personnes claires de peau postulaient. Voilà qui allait donc détruire une partie de l’effet recherché de ces politiques publiques… Les universités n’ont pas trouvé mieux, pendant un temps, que d’instaurer des «commissions de vérifications raciales», rappelant d’inquiétants souvenirs…

«L’auto-identification qui consiste à affirmer “je suis qui j’affirme être” pue l’autorité et la suprématie masculine»

On retrouve le même type de critiques s’agissant des personnes transgenres, dans une frange minoritaire des milieux féministes, qui reprochent aux femmes transgenres de pouvoir «choisir» leur sexe sans avoir vécu l’oppression qui va avec (alors que l’identité de genre est bien plus souvent présentée comme une nécessité intérieure, et non un choix, par les personnes trans elles-mêmes). Au Royaume-Uni, quand les conservateurs britanniques ont soutenu une réforme du changement d’état civil pour les personnes trans passant par une simple déclaration, nombre de ces Terf, pour «trans exclusionary radical feminists», se sont insurgées, dénonçant une ruse pour leur piquer des places sur les listes électorales. «L’auto-identification qui consiste à affirmer “je suis qui j’affirme être” pue l’autorité et la suprématie masculine», ont tonné une dizaine de femmes du Labour, indiquant que 300 d’entre elles avaient quitté le parti à cause de ces nouvelles règles.

En France, ces positions ont moins d’audience dans les milieux féministes, mais elles existent, par exemple sous la plume d’une des figures du Mouvement de libération des femmes (MLF), Christine Delphy: «L’identité n’est pas quelque chose que l’on se forge tout seul, c’est quelque chose qui vous est imposé. […] Je pense que là-dedans il y a une négation de la réalité du genre, qui est quelque chose de social, et pas quelque chose de sexuel ou biologique. Et une négation de l’oppression des femmes», faisait valoir en mars la philosophe et sociologue dans l’émission «Vieille Branche» (à partir de 52’06):

Pourquoi les personnes «transraciales» sont-elles moins acceptées que les personnes transgenres?

Mais le regard sur la transidentité dans les milieux progressistes et féministes est très différent de celui sur le «transracialisme». Même si les personnes transgenres font l’objet d’une exclusion encore très forte au niveau social, les milieux progressistes et féministes prônent plutôt tolérance et compréhension à leur égard. La transidentité a récemment été retirée de la liste des maladies mentales, et fait l’objet de politiques publiques pour faciliter la vie des personnes trans. Il ne peut pas être encore question de politiques publiques s’agissant du transracialisme, phénomène ultra-minoritaire, dont on n’est même pas encore sûr qu’il ait une véritable existence, mais la réaction quant à ce phénomène en provenance de personnes issues de milieux progressistes voire universitaires interroge. Pourquoi le transracialisme n’est-il pas autant accepté que le transgenrisme?

Ce qui étonne dans la virulence des attaques contre Rachel Dolezal, c’est que la «race», comme concept, est communément admise comme étant fictive, comme n’ayant pas d’assise biologique, et c’est précisément pour cela que le transracialisme devrait, selon cette logique, moins choquer que le transgenrisme, alors que le sexe continue d’être perçu comme une chose biologique.

«Si Rachel sent qu’elle est au fond d’elle-même une personne noire, qui suis-je pour dire qu’elle fait une erreur?»

Signe de ce deux poids, deux mesures, l’Assemblée nationale vient d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de la «distinction de sexe», au moment même où elle en supprimait le mot «race». S’il y a moins de «race» que de «sexe», pourquoi n’accepterait-on pas une certaine forme de fluidité entre les couleurs de peau, tout comme on accepte que les personnes trans puissent se sentir nées dans le mauvais sexe? C’est l’interrogation du sociologue américian Rogers Brubaker, dans un livre qui a reçu énormément de critiques, Trans: Gender and Race in an Age of Unsettled Identities.

Rachel Dolezal a elle-même exploité cette comparaison, allant jusqu’à dire dans une interview avec la sociologue Ann Morning que le stigmate qui pèse sur les personnes «transraciales» serait plus grand, puisque, selon ses mots, «la fluidité de genre est plus largement acceptée que la fluidité de race».

«Si Rachel sent qu’elle est au fond d’elle-même une personne noire, qui suis-je pour dire qu’elle fait une erreur? Les races ont été créées par les Européens et ils avaient tort», affirme Albert Wilkerson, un homme que Rachel Dolezal appelle son «vrai» père, dans le documentaire Rachel Dolezal, un portrait contrasté.

Double standard

Les arguments contre l’acceptation du transracialisme paraissent souvent faibles, et tombent assez facilement dès lors qu’on opère une comparaison avec la transidentité et qu’on regarde de près le cas de Rachel Dolezal. À ceux et celles qui lui reprochent d’avoir commis un «blackface» (soit de s’être approchée de cette pratique théâtrale au XIXe siècle dans laquelle des Blancs se grimaient en personnes de couleur pour en faire une caricature débile), on peut rétorquer que Rachel Dolezal est très loin de se moquer des Noirs. «Le black face est occasionnel, ce n’est pas la même chose que de vivre en Noir», acquiesce Éric Fassin.

Peut-on reprocher à Rachel Dolezal de s’être approprié une culture, à la manière de ces chaînes internationales de vêtements qui plagient purement et simplement les traditions de pays dans lesquels par ailleurs elles menacent le commerce local? L’«appropriation culturelle» est un problème lorsqu’elle est faite «sans aucune conscience ni lien dans leur épaisseur avec la culture dont le vêtement est issu», relève Pap Ndiaye. «Quel degré de mélanine faudrait-il avoir pour avoir le droit de s’habiller ainsi?» pointe aussi l’historien, soulignant par là les limites d’une telle critique appliquée aux individus.

Reproche-t-on à Rachel Dolezal d’accentuer les stéréotypes associés aux personnes noires, en adoptant des signes extérieurs à cette culture? Mais la même critique vaudrait alors pour les personnes trans, qui sont nombreuses, comme Caitlyn Jenner, à se délecter de longues robes et de talons hauts, réflexe qu’on peut comprendre simplement avec un peu d’humanité, puisque cet amour des signes féminins découle tout simplement du fait qu’ils leur ont été interdits pendant longtemps.

Quant au «luxe de s’autodéfinir» que s’octroieraient les personnes blanches, ce «privilège» qu’elles auraient de se choisir noires, il tombe là aussi à l’eau lorsqu’on opère une comparaison avec la transidentité: qui connaît un peu le sujet sait que les personnes trans ne «choisissent» pas pour la plupart leur genre, elles le vivent et l’ont pour la plupart toujours vécu pleinement, depuis l’enfance. Douloureusement.

Pour l’instant, puisque le sujet de la transracialité est encore totalement méconnu, il est très difficile de dire si les quelques cas relevés dans le monde ressortent d’une nécessité intérieure ou d’un choix délibéré. La biographie de Rachel Dolezal penche plutôt pour la première option.

Hérédité vs intimité

Une explication, plutôt qu’une justification, à ce double standard, tient sans doute à l’histoire des luttes féministes d’un côté, et antiracistes de l’autre. Comme le relève la docteure en sociologie Sarah Mazouz dans une recension du livre de Brubaker, les premières «ont affirmé la fluidité des catégories et la possible circulation d’une identité à une autre comme l’un des principaux instruments de remise en cause d’un ordre social genré et de ses hiérarchies», tandis que «le changement de race n’est pas un enjeu central des mouvements antiracistes».

La «race», par ailleurs, à l’inverse du genre, est «inscrite dans une hérédité. Elle implique des ancêtres, une généalogie et une histoire, ce qui n’est, dans les grands traits, pas le cas du genre», explique aussi Solène Brun. Comme dit plus haut, certaines personnes métisses sont très fières de se revendiquer noires, car elles s’inscrivent dans cette histoire de luttes, retournant le stigmate en un atout de fierté. Qu’on puisse leur dérober ceci leur paraît parfaitement insupportable. Le genre semble relever par contraste d’une dimension plus intime. «La race me semble engager davantage d’emblée des communautés et des relations socio-politiques», suggère Magali Bessone.

Capture d’écran du documentaire Rachel Dolezal, un portrait contrasté de Laura Brownson.

Si la transidentité est mieux acceptée (même si tout est relatif) dans les milieux féministes que le transracialisme, c’est peut-être aussi parce qu’il n’y a jamais vraiment eu, au fond, de «classe des femmes» solidairement unie contre la «classe des hommes», comme il y a eu une solidarité des Noirs contre l’oppression des Blancs. Parce que femmes et hommes ne peuvent vivre séparément, et ne l’ont jamais complètement fait, tandis qu’il a existé des quartiers complètement ségrégés, où Noirs et Blancs étaient séparés. Et parce que par conséquent une femme transgenre ou un homme transgenre ne peut être regardé –du moins par les femmes féministes– comme un «traître à sa classe», au même titre qu’un Noir ou un Blanc qui «passe» de l’autre côté pourrait l’être, à cause de cette histoire.

Il faut relire Simone de Beauvoir, au début du Deuxième Sexe, pour le comprendre: «Le prolétariat pourrait se proposer de massacrer la classe dirigeante, un Juif, un Noir fanatiques pourraient rêver d’accaparer le secret de la bombe atomique et de faire une humanité tout entière juive, tout entière noire: même en songe la femme ne peut exterminer les mâles. Le lien qui l’unit à ses oppresseurs n’est comparable à aucun autre».

«Dans cent ans, ceci sera aussi commun que de se faire refaire le nez. Mais il y a toujours quelqu’un qui vient en premier.»

Mais comprendre n’est pas justifier, et il n’est pas sûr qu’un jour les arguments contre le transracialisme ne finissent par tomber, comme ceux qui ont longtemps érigé la transidentité en «abomination». Si le cas de Rachel Dolezal est largement regardé comme de la mythomanie pathologique, il n’est pas exclu qu’un jour ce regard change. «C’est comme si elle vivait dans un futur encore non avéré», a écrit à propos d’elle le New York Times Magazine.

Avons-nous aujourd’hui les lunettes pour voir le transracialisme? Rachel Dolezal est-elle une menteuse, ou une pionnière? «Dans cent ans, ceci sera aussi commun que de se faire refaire le nez. Mais il y a toujours quelqu’un qui vient en premier», affirme Martin, le personnage de Your face in mine. Il faudra sans doute encore attendre quelques années pour voir si cette prédiction est juste.