Il y a plus de gloire à la vertu qu’à la vengeance. Qu’ils se repentent, la fin dernière de mes desseins ne va pas au delà … Prospéro (La Tempête, Acte V, scène 1, Shakespeare)
Apprends encore cela. Par un hasard des plus étranges, la fortune bienfaisante, aujourd’hui ma compagne chérie, m’amène mes ennemis sur ce rivage, et ma science de l’avenir me découvre qu’une étoile propice domine à mon zénith, et que si, au lieu de soigner son influence, je la néglige, mon sort deviendra toujours moins favorable. Cesse ici tes questions ; tu es disposée à t’endormir ; c’est un favorable assoupissement ; cède à sa puissance ; je sais que tu n’es pas maîtresse d’y résister. (Miranda s’endort.) Prospéro (Acte I, scène 2)
On peut faire la guerre avec des paroles aussi bien qu’avec des fusils et Prospéro parle beaucoup, à Miranda, au public; il se répand en paroles vengeresses. (…) Ce nouveau Lear est l’homme de lettres archétypal. (…) Quel écrivain n’écrit pas pour assouvir le désir qu’il dénonce vertueusement dans ses oeuvres, celui de la gloire et de l’écrasement de tous ses rivaux. L’impuissance de l’artiste vis-à-vis du monde le convainc qu’il est dépositaire d’une vertu immaculée. Une pièce de théâtre est le champ de bataille imaginaire où le dramaturge prend sa revanche sur la « vie réelle ». René Girard
Prospero, évincé du trône de Milan par son frère Antonio, est exilé depuis douze ans sur une île avec sa fille Miranda. Elle est habitée par un monstre, Caliban, et par un esprit aérien, Ariel. Le temps d’une tempête et d’actions savamment orchestrées par son esprit de vengeance, ces années de rancune s’évaporeront et il ouvrira son cœur à la compassion. Théâtre online
Ces femmes qui s’avancent, en tenant au bout de leurs bras, ces enfants qui lancent, Des pierres vers les soldats, c’est perdu d’avance, les cailloux sur des casques lourds, tout ça pour des billets retour, d’amour, d’amour, d’amour, d’amour… Francis Cabrel (« Tout le monde y pense », 1989)
Jusque-là, les Beatles faisaient de jolies petites chansons d’amour bien construites mais sans fond. Lui [Dylan], il a amené de la poésie, du mystère, des références à la Bible, quelque chose de très littéraire… On a compris que l’époque changeait. (…) Le mariage homosexuel ne me gêne pas. L’amour entre deux êtres est toujours une bonne nouvelle. Je suis aussi favorable à l’homoparentalité. Sur le cannabis, cela m’est égal. Même si je pense que la dépénalisation permettrait de court-circuiter les mafias parallèles. Et que le cannabis ne me paraît pas beaucoup plus nocif que le pastis. Mais je n’ai jamais fumé… Francis Cabrel
On s’est juré les mots des enfants modèles On se tiendra toujours loin des tourbillons géants… Francis Cabrel
Une colline comme il y en a partout Quelqu’un a porté une croix et des clous … Voilà celui qui prétend parler pour nous … C’est de l’amour que j’ai voulu vous laisser … Je vous laisse à ces quelques larmes versées et des siècles et des siècles pour y penser … C’est le trésor qu’il vous faudra rechercher Entre les pierres et sous les herbes séchées … Francis Cabrel
Dylan surcharge d’images, il condense un maximum. Dans une même phrase, il peut y avoir cinq ou six images fortes et le français ne permet pas la même compression que l’anglais. La leçon que donne Dylan dans son écriture est celle de la fluidité et de la rime intelligente perpétuellement rebondissante. J’ai privilégié cette fluidité à la traduction ultra précise. Francis Cabrel
On va viser l’éternité, on est tellement bien ici, on va tout faire comme si on était partis pour rester … Francis Cabrel
Gerra m’imite à la perfection, mais je n’aime pas du tout la façon dont il détourne ma chanson. Je ne me reconnais pas. Je ne dis jamais un gros mot. C’est triste de ridiculiser ce texte, de le rendre graveleux, vulgaire… même si j’avoue que cela fait beaucoup rire autour de moi… C’est juste une réaction d’amour-propre par rapport à cette chanson. Sinon, j’adore quand il se moque de Céline Dion . Francis Cabrel
La Cabane n’est pas une chanson intellectuelle. Une chanson toute candide, une chanson douce à la mélodie claire comme l’eau d’une rivière. «Une chanson anecdotique que l’on a envie de siffler», comme le précise Éric Jean-Jean, journaliste à RTL. Elle sent bon la truite et le goujon… Il fait partie de cette «génération désenchantée», comme le chantait Mylène Farmer, où le désir était de «déjeuner en paix», voir Stéphane Eicher. On visitait son passé tout simple: Mistral gagnant de Renaud. Francis Cabrel le timide s’est retranché dans son petit village d’Astaffort de 2000 habitants aux confins du Lot-et-Garonne et du Gers, village réputé pour sa gastronomie. Deux restaurants étoilés au Michelin. Sur la place du village, sa sœur tient salon… de coiffure. Le chanteur, fan de Bob Dylan – il le découvrit à l’âge de 13 ans en écoutant Like a Rolling Stone , y fut non pas maire, comme on aime à le croire, mais conseiller municipal. La nature est son affaire. Deux ans auparavant, en 1992, Luc Ferry lançait un pavé dans la mare, Le Nouvel Ordre écologique (Éditions Bernard Grasset, Prix Médicis de l’essai). Le philosophe retraçait les trois tendances de l’histoire de l’écologie, dont celle de la Deep Ecology. Il dénonçait, dans cet amour du terroir et de la nostalgie perdue, une certaine forme de «haine de la modernité» et du temps présent. Il n’avait pas tort. La postérité de La Cabane du pêcheur passera par la parodie qu’en fit Laurent Gerra. Le Figaro
Une fois encore, le Gascon risque fort d’atteindre le sommet des ventes. Tout, chez lui, semble rassurer : sa « normalité », son calme, son accent AOC, sa constance… Quitte à ennuyer. Ah, l’accent du terroir (-caisse ?) de Francisseu ! Il aura inspiré les plus grands comiques. D’abord les Guignols, qui ont exploité le filon du barde gaulois défenseur des vieilles valeurs, avec son leitmotiv « c’était mieux avant ». Ensuite, l’impayable Laurent Gerra, qui a réussi à nous faire croire que Cabrel a réellement chanté cette « Cabane au fond du jardin… Y a un arbre juste à côté / C’est pratique pour s’essuyer… » Pour une fois qu’il était drôle. Merci Francis. Plus encore que Dylan, Cabrel a un maître : Brassens. Est-ce par respect pour lui qu’il a livré sa prestation vocale la plus intense ? Son interprétation des Passantes, poème d’Antoine Pol mis en musique par le Sétois, est définitivement émouvante. Et l’homme possède une indéniable qualité : sa discrétion. Non seulement, en Mark Knopfler du Sud-Ouest, il sort des disques avec parcimonie, mais, excepté sa corvée de promo obligée, il reste rare dans les médias. On apprécie d’autant plus l’attention que, dans la catégorie bonnet de nuit, il n’a pas grand-chose à envier au toujours incisif Zinédine Zidane. Après la dégaine d’Artagnan-berger des années 1970 et la moustache façon Magnum de la décennie 1990, il opte depuis le tournant du siècle pour une coupe de cheveux sage, une peau rasée de près, de petites lunettes cerclées — sans être sponsorisé par Gillette, Botox ou Optic 2000. Bref, la soixantaine bien portante, Cabrel assume un look de chanteur normal. De Tino Rossi à Pierre Bachelet, la chanson accompagnée d’une chorale d’enfants est une tradition à laquelle tout chanteur de variété se doit de sacrifier pour atteindre les hautes sphères du succès populaire. Il y a mis d’évidence tout son cœur pour accoucher du lénifiant Il faudra leur dire. Dans son album de reprises de Dylan, en 2012, le folk singer du Sud-Ouest confond littéraire et littéral. Certains textes semblent avoir été lessivés par un logiciel de traduction : I want you devient Je te veux et It’s all over now, Baby blue : Tout se finit là, bébé bleu. La Schtroumpfette en pleure encore… Reviens, Hugues Aufray, tout est pardonné ! Le baladin sensible fut longtemps… un grand copain de gaudriole de Patrick Sébastien. Pas terrible pour l’image ? En tout cas, si l’on en croit son vieux pote, Cabrel a décidé de snober ses émissions, histoire de préserver une apparence bien entretenue. Pas très chic pour un type dont la première vertu serait d’être fidèle en amitié comme en amour. Fidélité, suite : il affiche son attachement à son village, son accent. Et son style. Même si le dernier disque aborde des thèmes inusités (la bataille d’Azincourt, la crucifixion de Jésus), il continue de suivre le même sillon musical plan-plan, entre néofolk et rock blueseux. Encore et encore. Les fans et les adeptes du « c’était mieux avant » sont ravis. Les autres auront du mal à s’enflammer. Télérama
L’époque n’est pas à la gaudriole, mais je n’essaie pas d’enfoncer le clou de la «sombritude». Il y a toujours une petite pointe d’optimisme ici ou là. C’est la définition du blues. Musicalement, j’ai fait une tournée tout seul aux États-Unis l’an passé qui m’a donné envie de ces ambiances à la J.J. Cale. J’avais même pensé enregistrer avec le moins de musiciens possible. Mais j’ai renoncé à ce projet, je n’ai pas osé. J’aurais pu faire mon “Nebraska” [un album de Bruce Springsteen très dépouillé paru en 1982], mais j’ai eu peur de m’ennuyer ! (…) [On a voté le génocide par précaution] C’est une chanson sur la langue occitane que je défends. Le français l’a piétinée et, pour être sûr de son hégémonie, on en a fait table rase. On peut aussi voir cette chanson comme un hymne à tous ceux qui résistent et qui arrivent à avoir gain de cause. L’occitan n’existait plus, mais la force de caractère de certains a permis de faire revivre ce langage. (…) Il y a besoin d’être patriote car la langue française est tout aussi menacée que l’occitan en son temps. Les anglicismes nous vampirisent. En prenant un exemple d’il y a cinq ou six siècles, je me demande si, aujourd’hui, on n’est pas en train de vivre le même truc. Moi je me considère comme un résistant, je chante en français ! J’entends de plus en plus de morceaux qui mélangent anglais et français, ça me surprend toujours. Cela a l’air insignifiant mais, en réalité, c’est grave. Dans beaucoup de domaines, on marche vers le crépuscule, sans trop réagir. Hélas… (..) Je n’ai pas eu le goût de lire avant 27 ans, ce n’était pas dans ma culture, j’avais l’impression de perdre mon temps. Mais quand j’ai écrit “Je l’aime à mourir” et que j’ai eu du succès, les journalistes m’interrogeaient sur mes goûts littéraires. Je n’avais rien à répondre… J’ai donc ouvert des livres. (…) surtout que je me suis fait virer du lycée avant la terminale. Je n’ai donc pas fait de philo et ça m’a complexé. J’aurais pu y puiser des points de réflexion, des guides pour réfléchir. Je n’ai jamais su m’y intéresser tout seul. (…) J’aimais bien Dutronc, Antoine, Brassens, Caradec que j’entendais à la radio. Il y a aussi Yves Simon, qui racontait des histoires bien ficelées. (…) J’ai toujours été en admiration devant Leonard Cohen ou Bob Dylan qui ont fait de belles chansons autour de la religion, comme “Hallelujah” chez Cohen ou l’album “Saved” de Dylan. Car, finalement, le personnage qui a le plus marqué mon enfance et mon adolescence, c’est quand même Jésus-Christ ! On me l’a répété, je connais sa vie par cœur, j’ai été enfant de chœur, j’ai suivi le catéchisme, j’ai fait ma première communion. Aujourd’hui, je suis toujours catholique et croyant. Mais pas pratiquant. (…) C’est ce que je prêche depuis ma première chanson, tout se résume à l’amour et l’harmonie… On a besoin par les temps qui courent de ce genre de messages simples. Enfin, moi j’en ai besoin… Francis Cabrel
Je suis incapable de changer et les chansons que j’écris ne changent pas. Le contenu des textes évolue, mais l’enveloppe musicale sera toujours la même: un peu de blues, de rock, de folk et beaucoup de guitare. Ce que je voudrais que l’on en retienne, c’est que c’est l’album de quelqu’un de son âge, qui n’est plus un adolescent, loin de là. (…) Pour l’instant, je n’en considère aucune comme plus importante, parce qu’elles sont trop récentes. Il faut d’abord que je parte en tournée avec elles. Au bout de quelques mois, je pourrai voir celles qui résistent au temps. (…) J’ai déjà parlé d’une foule de sujets dans mes chansons, dit-il. Les années qui nous séparent de l’album précédent m’ont justement servi à trouver non pas de nouveaux thèmes, mais de nouvelles façons de les aborder. (…) Si on voulait résumer toutes mes chansons, il n’y a qu’un grand thème, et c’est l’amour, que ce soit entre des personnes ou pour l’humanité. La seule chose qui change, ce sont les façons d’en parler. (…) [Azincourt] C’est un prétexte de plus pour parler de la folie des hommes. C’est une bataille où il y a vraiment eu des choses affreuses. Les Anglais ont inventé une méthode qui a fait des ravages en tirant des flèches de façon très organisée et meurtrière. C’était comme une nouvelle machine de guerre qui se mettait en route et qui est aujourd’hui poussée à l’extrême. De nos jours, on peut tuer à distance, d’un pays à l’autre. La cruauté de l’homme ne s’arrête jamais. (…) Pour moi qui ai été élevé dans la tradition chrétienne, depuis le temps que je chante des chansons d’amour, il faut bien reconnaître que le premier qui a parlé d’amour universel, pour toute l’humanité, c’était Jésus. C’est la parole d’amour la plus pure, la plus authentique. Et pour Nelson Mandela, on peut parler aussi de résurrection puisqu’il est passé de 27 ans d’emprisonnement à diriger son pays. Il est passé de la nuit au jour. (…) Je m’intéresse aux personnages qui ont essayé de dispenser autour d’eux de la fraternité et de faire en sorte que les couleurs s’annulent, que les gens s’écoutent et que les peuples s’entendent. Francis Cabrel
Je ne suis pas sensible à l’actualité immédiate, car elle se fane dès le lendemain. Je veux que mes chansons vivent longtemps, donc j’évite les sujets périssables ». (…) Parce que dans l’époque brutale que l’on vit, il est important de se resserrer autour de choses très simples, et le message premier de la religion que je connais le mieux -la religion catholique- est basé sur l’humanité, l’amour, le respect de l’autre. Un refuge simple, mais c’est peut-être l’une des solutions. Je ne suis pas pratiquant, mais je respecte tous ceux qui pratiquent… Tout au long de ma vie, j’ai suivi, même inconsciemment, les grands préceptes religieux, ce sont des règles de vie en société qui sont intelligentes. (…) Comme l’islam, le judaïsme… Toutes ces religions représentent, à la base, des choses extrêmement belles, généreuses. Aujourd’hui, ces religions exacerbées génèrent des peurs dans toutes les communautés. Il faut revenir aux fondamentaux. Sinon, il faut prendre un fusil et aller se battre, mais moi je suis plutôt pour l’option pacifique. (…) Je me raconte rarement, mais là c’était le petit clin d’œil pour dire ce que l’on peut faire en vingt-sept ans dehors. Mandela a tourné en rond ce temps-là dans une cage. C’est dire la force de caractère pour traverser ça, puis sortir à la lumière et conduire le pays. C’est unique dans l’histoire de l’Humanité. (…) Mais je suis mélancolique. Mes enfants sont partis, et c’est une grande cassure dans une vie. Ils arrivent, on vit avec eux 19, 20 ans, et puis ils partent. C’est assez vache comme truc, mais c’est comme ça… C’est l’occasion de faire une chanson pour leur dire toute la cruauté, sans qu’ils le veuillent bien sûr. Moi aussi, je suis parti vers 17 ans. (…) j’aime ce titre. Qui sait ? Je suis encore « jeune », mais on est plutôt dans les derniers hectomètres. Il faut donc penser à une sortie honorable. Francis Cabrel
Je pense maintenant que le temps est compté. C’est pour cela que j’ai appelé mon album In extremis. Dorénavant, tout ce que je veux dire, je dois l’exprimer de façon claire. Ce tournant m’a poussé à faire un bilan d’étape. (…) Émotionnellement, » Madiba » est le personnage le plus fort du XXe siècle. Sa vie en deux parties, de l’ombre à la lumière, est un exemple pour tous. Après avoir subi des humiliations parfaitement injustes pendant tant d’années, il est arrivé au sommet du pouvoir et ne s’en est pas servi pour se venger. Cette attitude a quelque chose de flamboyant que j’ai voulu saluer. (…) J’ai été papa relativement tard. À 33 ans. À ce moment-là, j’ai choisi d’être davantage père de famille qu’artiste. J’ai bâti un cocon familial avec ma femme et mes trois filles. Quand, il y a quelques mois, les deux aînées ont décidé de partir, je l’ai très mal vécu. Je me suis senti abandonné. On avait vécu pendant vingt ans en symbiose, puis la maison s’est vidée. Ça m’a fait un choc. J’avais pourtant conscience qu’il fallait qu’elles partent pour pouvoir vivre leur vie. C’est cette mélancolie que j’exprime dans Les tours gratuits. J’imagine que tous les parents dans la même situation ressentent la même chose. (…) Ce n’est ni un aveu, ni une déclaration publique, car je n’ai jamais fait mystère de ma foi. Je suis catholique de fait et de conviction. Mes grands-parents, d’origine italienne, étaient très pratiquants. Mes parents m’ont inculqué les valeurs du catholicisme. Quand j’évoque « le crucifié du Golgotha », son sacrifice résonne parfaitement en moi. (…) Je le prends à témoin et je le remercie régulièrement. C’est un personnage qui fait partie du rêve, de la pureté et du don de soi. J’adhère totalement aux fondements de son message qui est d’une grande clarté et qui parle d’amour du prochain. Mais ce que je n’aime pas, c’est ce que certains ont fait de sa parole. (…) Pour moi, les cardinaux en costume, ce sont toutes les personnes, dans l’Église ou dans d’autres domaines, qui profitent d’une fonction ou d’un pouvoir pour leurs intérêts égoïstes. Francis Cabrel
Sept ans, cela pourrait passer pour un manque de respect, c’est tout le contraire. Je pourrais pondre douze chansons pour la semaine prochaine, mais si on veut qu’elles soient habitées, il faut prendre le temps de vivre. (…) Le théâtre politique ressemble de plus en plus à un vaudeville qui ne fait plus rire personne. Pas la peine de caricaturer les politiques, ils le font très bien tout seuls. Ils ont des postures, s’organisent en castes surprotégées avec des mœurs qui ne correspondent pas forcément aux idées qu’ils défendent… Je ne veux pas donner d’exemples précis. (…) Avec l’âge, on devient un peu plus mystique. J’ai grandi avec le Christ, à la maison, à l’église, dans les rues de mon village. C’est fascinant de voir comment d’un supplice on a fait un symbole d’amour et d’espérance. Et on n’en a jamais eu autant besoin qu’en ce moment. Mais je ne suis pas pratiquant. J’ai un problème avec le décorum, c’est mon côté protestant. Le message d’abord, le message seulement. J’ai opté pour la prière en chansons et l’art pour seule religion. (…) C’est compliqué. Dans une société qui rit de tout, certains condamnent le blasphème. Là, c’est un affrontement, une collision. Cela vient sans doute d’un manque de porosité dans les éducations. On aurait dû être éduqués un peu plus conjointement dans nos croyances pour mieux accepter les différences. Selon moi, la solution passera par un enseignement laïc des religions à l’école. (…) J’aime la symbolique d’un espace de labeur, devenu un atelier de création, même si mon activité reste assez ludique comparée au vécu de mes grands-parents immigrés italiens venus du Frioul. Je culpabilise souvent. Jouer de la musique n’est pas de la transpiration. C’est beaucoup d’insistance, parfois du découragement. Heureusement, quand l’envie d’écrire m’abandonne, je regarde une affichette de mon grand-père avec cette inscription : « Pense à Prospero. » Il me rappelle à l’ordre. J’ai hérité l’amour de la mélodie et du chant de mes racines italiennes. Tout le monde chantait à la maison, au travail, après manger, aux mariages et aux naissances. Chanter, c’est inné chez moi. (…) J’atteins le dernier tiers, je commence à réfléchir à la question. Dans toute carrière, il faut une entrée et une sortie, si possible honorable. Je ne me vois pas arriver sur scène souffreteux, tout cabossé. Attention, on peut être en forme à 90 ans, comme Charles Aznavour, qui repart pour une tournée. Je suis très admiratif, mais je ne cours pas dans la même catégorie. Françis Cabrel
Prospero Cabrel, mon grand-père, était un bosseur, débarqué ici une main devant une main derrière… Il s’est tué à la tâche. Par rapport à mon niveau de vie, je culpabilise ; à tel point que, lorsque je n’ai pas envie d’écrire, j’ai une affichette dans mon studio qui me rappelle à l’ordre : « Pense à Prospero ! » Francis Cabrel
Un artiste à ses débuts n’est qu’une esquisse, un brouillon de ce qu’il sera. Je trouve que je verse trop dans la poésie, depuis toujours. Je me suis un peu calmé avec le temps… mais j’aimerais écrire de façon plus neutre. Francis Cabrel
Troubadour dylanien à l’accent toulousain, refus des tourbillons géants, fascination pour la belle ouvrage, foi revendiquée …
Avec ce 14e album aussi apuré qu’apaisé …
De notre James Taylor français …
Et petit-fils d’exilés italiens …
Avec ses 21 millions d’albums et 140 chansons au compteur en près de quarante ans de carrière …
Comment ne pas repenser …
Devant le phénoménal aussi bien qu’improbable succès …
Face au venin et au fiel de ses envieux parisiens …
De ce farouche goût pour le travail bien fait …
Comme, loin le plus souvent des tourbillons géants, pour l’éternité …
A la formidable revanche de ce Prospéro qu’il ne se lasse pas d’évoquer …
Ce grand-père exilé et mort à la tâche …
Mais aussi peut-être à ce dernier héros du Barde immortel …
Découvrant en cassant sur le tard sa baguette magique …
Que la vertu est finalement la meilleure vengeance ?
Francis Cabrel, « Pense à Prospero »
La Dépêche
11/11/2012
Livres/CD/DVD
«Prospero Cabrel, mon grand-père, était un bosseur, débarqué ici une main devant une main derrière… Il s’est tué à la tâche. Par rapport à mon niveau de vie, je culpabilise ; à tel point que, lorsque je n’ai pas envie d’écrire, j’ai une affichette dans mon studio qui me rappelle à l’ordre : «Pense à Prospero !»…
Face à la biographe Pascale Spizzo, Francis Cabrel qui savait, dès 14 ans, qu’il passerait un jour à la télévision, raconte sa vie, son métier : «la musique, ce n’est pas tellement du boulot, le vrai travail, c’est d’écrire».
Il mentionne ses guitares -qu’il préfère vieilles, pour le son. Comme artiste aussi, il se préfère à maturité : «Un artiste à ses débuts n’est qu’une esquisse, un brouillon de ce qu’il sera», estime-t-il, «Je trouve que je verse trop dans la poésie, depuis toujours. Je me suis un peu calmé avec le temps… mais j’aimerais écrire de façon plus neutre.» Regretterait-il ces «étoiles entre elles qui ne parlent que de toi», ou le «gardien du sommeil de ses nuits», formules magiques qu’il griffonnait dès l’âge de quinze ans dans des petits carnets ?
Désormais, c’est l’extra-balle
Obsédé par le cas Brel «partant sur son île au bon moment», Francis se donne encore du temps. «Je ne rêvais pas de quelque chose d’aussi long, qui dure aussi longtemps. Je voulais juste faire de la musique dans des groupes, me marrer. Désormais, c’est du bonus, c’est l’extra-balle»
Econome sur les anecdotes, Cabrel dit les choses par ses sentiments : «Depuis que je suis père de famille, je suis sensible à l’univers entier. Avoir des enfants ouvre le cœur de manière énorme». Chacune de ses femmes, mère, épouse, filles, a inspiré au moins une chanson, «Je n’ai jamais écrit aussi bien que quand l’une d’elles est apparue dans mon paysage.» On passe 285 pages avec lui, et il reste toujours aussi présent que discret. Comme ce soir de Noël, 2002 ou 2003, où il est monté au milieu du repas se raser la moustache, qu’il avait sous le nez depuis 20 ans. «J’ai commencé le repas avec et j’ai fini sans, c’est passé un peu inaperçu. Mais dès que quelqu’un l’a remarqué, ça a été la traînée de poudre et ça a été bizarre.»
Editions Cherche Midi, 17€.
Voir aussi:
Francis Cabrel « Je prends le Christ à témoin »
Après un long silence de sept ans et à l’occasion de la sortie de son treizième album, In extremis, Francis Cabrel s’est confié à Pèlerin. Sans fard, le célèbre chanteur et guitariste du Lot-et-Garonne nous parle de sa carrière, de sa paternité et de sa foi.
Eyoum Nganguè
Pèlerin
23 avril 2015
Pèlerin. Sept ans se sont écoulés depuis votre dernier album. Qu’est-ce qui explique ce long silence ?
Francis Cabrel. Je ne suis pas resté les bras croisés pendant tout ce temps. J’ai travaillé sur deux comédies musicales : L’enfant porte et Le soldat rose. En 2012, j’ai sorti un album d’hommage à Bob Dylan. Mais j’avoue que si ce nouveau disque a pris plus de temps que les autres, c’est parce qu’à mon âge, j’ai moins d’idées qu’il y a vingt-cinq ans.
Vous avez 61 ans. Devenir sexagénaire a-t-il changé quelque chose pour vous ?
F.C. J’ai désormais besoin de sept ans pour écrire douze chansons (rires). Plus sérieusement, je pense maintenant que le temps est compté. C’est pour cela que j’ai appelé mon album In extremis. Dorénavant, tout ce que je veux dire, je dois l’exprimer de façon claire. Ce tournant m’a poussé à faire un bilan d’étape. Pour écrire cet album, j’ai pris le temps de la réflexion. J’ai peiné.
Sur le plan rythmique, vous êtes pourtant resté dans les tonalités anglo-saxonnes qu’on vous connaît !
F.C. Difficile de faire autrement, car c’est en écoutant les Jimmy Hendrix, Bob Dylan, Eric Clapton, Leonard Cohen ou les Rolling Stones que, adolescent, j’ai eu envie de jouer de la guitare et d’écrire des chansons. En revanche, comme je suis contre l’hégémonie de la langue anglaise, je compose essentiellement en français.
Cela fait de vous l’un des chanteurs français les plus écoutés, et vos textes sont enseignés dans les écoles du monde entier !
F.C. Comme je ne voyage pas beaucoup, je n’ai pas tout à fait l’idée de ce que ça représente. J’ai quelques échos sur des personnes qui font du Cabrel en Afrique, dans le Pacifique, dans les Antilles, au Canada. Je suis assez content de l’idée que mes chansons voyagent et que moi je reste à la maison.
Ça me flatte et ça m’intéresse de savoir que je suis un ambassadeur, parmi d’autres, qui font vivre notre magnifique langue française.
Si les chansons d’amour ont fait votre succès, vous êtes aussi un chanteur engagé. Quelques chansons de votre nouvel album laissent penser que vous êtes désabusé par l’actualité…
F.C. Ceux qui nous gouvernent me désespèrent. Ils forment une caste surprotégée et tellement éloignée du peuple qu’il leur est leur difficile de répondre aux aspirations des gens. Dans mes chansons, il n’y a rien de bien révolutionnaire. Je me contente de me moquer gentiment de la classe politique, en donnant mon modeste avis sur la façon dont les choses auraient dû être.
Dans Le pays d’à côté, vous fustigez le repli sur soi de certains Français.
F.C. Cette chanson a été écrite avant les attentats de janvier. À l’époque déjà, une certaine France aspirait à une société cloisonnée, remettant en question les valeurs de solidarité et d’entraide qui ont fondé notre vivre ensemble. Ma chanson plaide pour plus d’humanité. Plutôt que de penser qu’à côté ça va plus mal, il faut déjà faire tout pour que les choses aillent mieux ici.
Cette humanité s’exprime à travers une chanson qui rend hommage à Mandela.
F.C. Émotionnellement, » Madiba » est le personnage le plus fort du XXe siècle. Sa vie en deux parties, de l’ombre à la lumière, est un exemple pour tous. Après avoir subi des humiliations parfaitement injustes pendant tant d’années, il est arrivé au sommet du pouvoir et ne s’en est pas servi pour se venger. Cette attitude a quelque chose de flamboyant que j’ai voulu saluer.
Vous faites un parallèle troublant entre Mandela et une de vos filles.
F.C. Lorsque ma première fille a eu 27 ans, j’ai regardé tout le chemin qu’elle a parcouru de sa naissance jusqu’à cet âge-là. J’ai pensé aux vingt-sept ans de séjour en prison de Mandela. J’ai réalisé que, pendant qu’il était au bagne, la terre a continué de tourner. Des fillettes sont devenues des femmes.
Dans un registre plus intime, vous chantez les tourments d’un père au moment où ses filles quittent le domicile familial.
F.C. J’ai été papa relativement tard. À 33 ans. À ce moment-là, j’ai choisi d’être davantage père de famille qu’artiste. J’ai bâti un cocon familial avec ma femme et mes trois filles. Quand, il y a quelques mois, les deux aînées ont décidé de partir, je l’ai très mal vécu. Je me suis senti abandonné. On avait vécu pendant vingt ans en symbiose, puis la maison s’est vidée. Ça m’a fait un choc. J’avais pourtant conscience qu’il fallait qu’elles partent pour pouvoir vivre leur vie. C’est cette mélancolie que j’exprime dans Les tours gratuits. J’imagine que tous les parents dans la même situation ressentent la même chose.
Est-ce ce vertige qui vous a poussé à évoquer votre foi catholique à travers Dans chaque cœur ?
F.C. Ce n’est ni un aveu, ni une déclaration publique, car je n’ai jamais fait mystère de ma foi.
Je suis catholique de fait et de conviction.
Mes grands-parents, d’origine italienne, étaient très pratiquants. Mes parents m’ont inculqué les valeurs du catholicisme. Quand j’évoque « le crucifié du Golgotha », son sacrifice résonne parfaitement en moi.
Le Christ vous accompagne-t-il au quotidien ?
F.C. Je le prends à témoin et je le remercie régulièrement. C’est un personnage qui fait partie du rêve, de la pureté et du don de soi. J’adhère totalement aux fondements de son message qui est d’une grande clarté et qui parle d’amour du prochain. Mais ce que je n’aime pas, c’est ce que certains ont fait de sa parole.
C’est ce que vous avez décrié dans Les cardinaux en costume, un titre de votre album précédent ?
F.C. Oui. Pour moi, les cardinaux en costume, ce sont toutes les personnes, dans l’Église ou dans d’autres domaines, qui profitent d’une fonction ou d’un pouvoir pour leurs intérêts égoïstes.
Pensez-vous que les réformes engagées par le pape François pour réformer l’Église aillent dans le bon sens ?
F.C. Plus proche des gens, plus vrai, un peu moins écrasé par le costume, ce pape donne l’impression d’être un homme libre. Courageux, il n’a pas peur de bousculer et de faire réfléchir les catholiques pour les ramener à l’essentiel du message du Christ. Il dit des choses fortes, prend position sur des questions importantes comme le sort des migrants ou des chrétiens d’Orient. Reste à savoir comment ces déclarations peuvent devenir des actions concrètes.
Vous doutez de ses chances de réussite ?
F.C. J’ai espoir en la jeunesse. On prétend souvent que les valeurs chrétiennes sont menacées ou en recul. Mais des événements comme les Journées mondiales de la jeunesse, qui rassemblent des centaines de milliers de jeunes, donnent le sentiment qu’il y a un regain de spiritualité. Je suis admiratif de cette ferveur qui dépoussière l’image des catholiques, qu’on assimile trop souvent à des personnes âgées et conservatrices. La jeunesse catholique me semble prête à suivre le pape François dans ses réformes.
La religion peut-elle sortir l’humanité des conflits auxquels elle est confrontée ?
F.C. Je pense qu’à la base, toutes les religions prônent bonté, amour et paix. Une poignée de personnes essaient de détourner ces valeurs à leur avantage et insufflent le mal. Si toutes les religions travaillent de concert, on peut espérer un avenir radieux pour tous.
Vous avez toujours été une star discrète. Comment réussissez-vous à échapper au tumulte médiatique ?
F.C. En préservant ma vie privée. Je n’ai jamais voulu montrer ni ma famille ni ma maison. J’ai toujours pensé que mes chansons étaient plus importantes que celui qui les chante. Je ne cherche donc pas spécialement à ce que l’on parle de moi.
J’ai la vie banale de quelqu’un qui joue de la guitare tous les matins et qui écrit des chansons. Le reste est secondaire.
L’étiquette d’artiste de province qui vous colle à la peau vous a aidé ?
F.C. Bien sûr. Paris concentre l’essentiel du microcosme médiatique. Vivre à 700 kilomètres de la capitale m’a protégé des excès du showbiz. Je suis né en province et rien n’a pu me faire renoncer au mode de vie de là-bas : l’air pur et la consommation de produits sains qu’on cultive au fond de son jardin.
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Arts/Culture
Francis Cabrel, le Christ au cœur
« J’adhère totalement aux fondements du message du Christ, qui est d’une grande clarté et qui parle d’amour du prochain », confie l’artiste dans le cadre de la promotion de son treizième album.
Team Aleteia
12.05.2015
Il vient de franchir le cap de la soixantaine, ses enfants ont grandi et vivent leur vie, et lui et sa compagne avancent, comme nous tous. Après un demi silence de sept années, le temps que les mots reviennent et que les maux s’effacent, et qu’un Soldat Rose et Bod Dylan passent par là, Francis Cabrel revient avec un treizième album studio, baptisé In extremis. Et soudain l’on se rappelle de tous ces morceaux, de tous ces accords de guitare que l’on connaît en fait par coeur, mais qui nous étaient sortis de la tête.
Un chanteur très discret
Et puis l’on pense à tout ce que l’on ne sait pas, malgré nos temps connectés, de cet auteur compositeur et interprète resté fidèle à sa province, à son village. Et l’on se dit que ce n’est pas plus mal, au fond, de ne connaître d’un chanteur que ses chansons. Ou presque. Pourtant, au détours des interviews, de cette interminable tournée de promotion qui accompagne inévitablement chaque album, Francis Cabrel s’est cette fois laissé à quelques confidences. Sur sa vie, sa famille, sa foi, notamment à nos confrères du Pèlerin, des DNA ou du JDD.
Des valeurs catholiques
Il faut dire que, dans le morceau Dans chaque cœur, qui met en scène la crucifixion, la foi fait plus que poindre. « Ce n’est ni un aveu, ni une déclaration publique, car je n’ai jamais fait mystère de ma foi, reconnaît franchement l’artiste. Je suis catholique de fait et de conviction. Mes grands-parents, d’origine italienne, étaient très pratiquants. Mes parents m’ont inculqué les valeurs du catholicisme. Quand j’évoque « le crucifié du Golgotha », son sacrifice résonne parfaitement en moi. » Pourquoi la religion est-elle à ce point présente sur l’album ? « Parce que dans l’époque brutale que l’on vit, il est important de se resserrer autour de choses très simples, et le message premier de la religion que je connais le mieux -la religion catholique- est basé sur l’humanité, l’amour, le respect de l’autre. Un refuge simple, mais c’est peut-être l’une des solutions. Je ne suis pas pratiquant, mais je respecte tous ceux qui pratiquent… Tout au long de ma vie, j’ai suivi, même inconsciemment, les grands préceptes religieux, ce sont des règles de vie en société qui sont intelligentes. » « Avec l’âge, on devient un peu plus mystique, reconnaît toutefois le chanteur dans les colonnes du JDD. J’ai grandi avec le Christ, à la maison, à l’église, dans les rues de mon village. C’est fascinant de voir comment d’un supplice on a fait un symbole d’amour et d’espérance. Et on n’en a jamais eu autant besoin qu’en ce moment. Mais je ne suis pas pratiquant. J’ai un problème avec le décorum, c’est mon côté protestant. Le message d’abord, le message seulement. J’ai opté pour la prière en chansons et l’art pour seule religion. »
Foi dans la jeunesse
S’il espère que les mots, les discours, du pape François se transformeront en actes concerts, c’est dans la jeunesse que ce jeune sexagénaire place ses espoirs : « On prétend souvent que les valeurs chrétiennes sont menacées ou en recul. Mais des événements comme les Journées mondiales de la jeunesse, qui rassemblent des centaines de milliers de jeunes, donnent le sentiment qu’il y a un regain de spiritualité. Je suis admiratif de cette ferveur qui dépoussière l’image des catholiques, qu’on assimile trop souvent à des personnes âgées et conservatrices. La jeunesse catholique me semble prête à suivre le pape François dans ses réformes. »
Francis Cabrel, In extremis
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Francis Cabrel : « Le théâtre politique ressemble à un vaudeville »
INTERVIEW – Avec In extremis, Francis Cabrel signe un disque à la fois féroce contre les puissants et intimiste. Il en décrit le contenu pour le JDD, mais évoque aussi Charlie Hebdo et la politique.
Éric Mandel
Le Journal du Dimanche
19 avril 2015
La devinette circule depuis quelques années dans le petit milieu de la chanson. « Que fait Francis Cabrel entre deux albums? » « Il regarde depuis sa fenêtre l’arbre de son jardin pousser. » Attablé au bar d’un palace parisien, le principal intéressé s’en amuse : « C’est un cerisier. » Le bluesman gascon aux 18 millions d’albums vendus en quarante ans de carrière traîne sa réputation d’artisan contemplatif habitué à prendre son temps entre deux disques, en moyenne cinq ans. Cette fois, il s’est accordé deux années supplémentaires pour livrer In extremis, son treizième album. Cela n’a rien d’anodin, l’ermite d’Astaffort (Lot-et-Garonne) se définit volontiers comme superstitieux. « Les chats noirs, les échelles, je contourne tout ça. » Qu’il se rassure. À moins d’un cataclysme, In extremis sera bien dans les bacs le 27 avril
Sur la pochette de l’album, on vous voit en gros plan, fixer l’objectif…
C’est nouveau pour moi. Je me suis longtemps caché derrière mes cheveux. Je me faisais photographier dans des coins ombragés, de profil ou de dos. C’est mon côté pudique. Aujourd’hui, je regarde mon public en face : « On va parler, écoute ce que j’ai à dire. » C’est comme un tête-à-tête musical.
«A défaut changer le monde, une chanson peut soulager une conscience.»
Sept ans! Un peu long tout de même. Vous aimez vous faire désirer?
Depuis Des roses et des orties, j’ai multiplié les parenthèses musicales. J’ai sorti un album de reprises de Dylan en 2012 ; participé à l’écriture du Soldat rose 2 ; je me suis même offert l’an dernier une petite tournée aux États-Unis avec ma guitare et un technicien pour une douzaine de concerts à Los Angeles, Chicago, New York… Chanter pendant deux heures seul, c’est une première. Je me suis senti courageux. Tous ces projets ont retardé la sortie du disque. Sept ans, cela pourrait passer pour un manque de respect, c’est tout le contraire. Je pourrais pondre douze chansons pour la semaine prochaine, mais si on veut qu’elles soient habitées, il faut prendre le temps de vivre.
Dans quatre d’entre elles, vous exprimez vos colères de citoyen. In extremis serait votre album le plus politique?
Ah oui? Je n’avais pas fait attention. Disons que je crée des textes « préoccupés » qui ne changeront pas grand-chose. Je le sais depuis Saïd et Mohamed, écrit en 1983, en espérant stopper le FN. J’ai vite déchanté… À défaut de changer le monde, une chanson peut soulager une conscience.
Ce disque débute avec Dur comme fer, une satire féroce du politicien démago…
Le théâtre politique ressemble de plus en plus à un vaudeville qui ne fait plus rire personne. Pas la peine de caricaturer les politiques, ils le font très bien tout seuls. Ils ont des postures, s’organisent en castes surprotégées avec des mœurs qui ne correspondent pas forcément aux idées qu’ils défendent… Je ne veux pas donner d’exemples précis.
«Pas la peine de caricaturer les politiques, ils le font très bien tout seuls.»
Dommage, on aurait aimé connaître le point de vue de l’ex-étudiant maoïste sur la politique social-démocrate de François Hollande…
J’ai bien un avis, mais je le garde pour moi. Certains artistes le donnent sans faire avancer le schmilblick. Après chacun peut s’exprimer dans l’isoloir, et cela me convient parfaitement.
Parlons d’amour alors! Dans chaque cœur met en scène la crucifixion de Jésus.
Avec l’âge, on devient un peu plus mystique. J’ai grandi avec le Christ, à la maison, à l’église, dans les rues de mon village. C’est fascinant de voir comment d’un supplice on a fait un symbole d’amour et d’espérance. Et on n’en a jamais eu autant besoin qu’en ce moment. Mais je ne suis pas pratiquant. J’ai un problème avec le décorum, c’est mon côté protestant. Le message d’abord, le message seulement. J’ai opté pour la prière en chansons et l’art pour seule religion.
On a beaucoup débattu du droit au blasphème après les attentats contre Charlie Hebdo.
C’est compliqué. Dans une société qui rit de tout, certains condamnent le blasphème. Là, c’est un affrontement, une collision. Cela vient sans doute d’un manque de porosité dans les éducations. On aurait dû être éduqués un peu plus conjointement dans nos croyances pour mieux accepter les différences. Selon moi, la solution passera par un enseignement laïc des religions à l’école.
«Charlie Hebdo : c’est un affrontement, une collision.»
In extremis a été enregistré à domicile dans votre studio personnel. Un luxe?
Je l’ai aménagé dans une ancienne grange. C’est un lieu très inspirant, des gens ont sué dans cet endroit, on sent une présence, une âme. J’aime la symbolique d’un espace de labeur, devenu un atelier de création, même si mon activité reste assez ludique comparée au vécu de mes grands-parents immigrés italiens venus du Frioul. Je culpabilise souvent. Jouer de la musique n’est pas de la transpiration. C’est beaucoup d’insistance, parfois du découragement. Heureusement, quand l’envie d’écrire m’abandonne, je regarde une affichette de mon grand-père avec cette inscription : « Pense à Prospero. » Il me rappelle à l’ordre. J’ai hérité l’amour de la mélodie et du chant de mes racines italiennes. Tout le monde chantait à la maison, au travail, après manger, aux mariages et aux naissances. Chanter, c’est inné chez moi.
Avec La Voix du crooner, vous racontez le destin un peu glauque d’un chanteur de bal.
Un hommage à la persévérance et à la passion intacte. Si je n’avais pas rencontré le succès à 25 ans, je n’aurais sans doute pas insisté. Quand on ne m’écoute pas, je m’en vais et je fais autre chose. Ce qui est sûr, c’est je ne savais rien faire de mes dix doigts à part jouer de la guitare.
Vous vous voyez dans vingt ans sur scène?
J’atteins le dernier tiers, je commence à réfléchir à la question. Dans toute carrière, il faut une entrée et une sortie, si possible honorable. Je ne me vois pas arriver sur scène souffreteux, tout cabossé. Attention, on peut être en forme à 90 ans, comme Charles Aznavour, qui repart pour une tournée. Je suis très admiratif, mais je ne cours pas dans la même catégorie.
Francis Cabrel entamera une nouvelle tournée cet automne. (Claude Gassian)
In Extremis ***
Sony Music, CD, 16,99 euros. Sortie le 27 avril.
L’attente fut longue mais justifiée. Sept ans après Des roses et des orties, Francis Cabrel revient avec un album à son image : sincère, humaniste, avec de saines colères et une bienveillance indéfectible pour son prochain. Les mélodies sont ciselées, les paroles habitées et les compositions nourries de folk-rock américain s’enrichissent de nouvelles saveurs (jazz, chœurs africains et gospel…). Le barde d’Astaffort chante la sensualité à fleur de peau, la fuite du temps, le blues d’un père confronté à l’absence de ses filles. Il livre également ses préoccupations de citoyen avec une ironie mordante, tacle les politiciens, prophétise un cataclysme planétaire aux accents bibliques, sans oublier de célébrer l’urgence de vivre malgré tout (Pas si bêtes). Un disque terrien et spirituel, intime et ouvert sur le monde. Du Cabrel pur jus.
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RENCONTRE – INTERVIEW – À l’occasion de la sortie de son nouvel album hier
Francis Cabrel : « Je veux juste chanter, jouer de la guitare… »
Après sept ans (de réflexion ?), Francis Cabrel, l’ermite chantant d’Astaffort, sort de sa tanière lot-et-garonnaise avec “In extremis”. Politique et religion cohabitent sur ce treizième album studio non disponible en streaming avec « l’impérissable » amour, marque de fabrique de cet artiste aimé et discret.
Près de quarante après son premier disque, le chanteur a sorti hier son treizième album intitulé “In extremis”. « Je ne suis pas sensible à l’actualité immédiate, car elle se fane dès le lendemain. Je veux que mes chansons vivent longtemps, donc j’évite les sujets périssables ».
Quel ton souhaitiez-vous donner à « In extremis » ?
Au départ, je veux juste chanter, jouer de la guitare, écrire de jolies petites mélodies, raconter des histoires. C’est un peu à l’emporte-pièce. Je ne suis pas sensible pour mes chansons à l’actualité immédiate, car elle se fane dès le lendemain. Je veux que mes chansons vivent longtemps, donc j’évite les sujets périssables.
Il y a pourtant un beau sujet, bien présent et impérissable…
L’amour, oui ! Mais c’est une demande des gens autour de moi, ceux qui m’aiment, me disaient du précédent ‘’Il est bien ton disque, mais il n’y a pas de chanson d’amour’’. Je pensais en avoir fait le tour, mais j’ai encore des choses à dire sur ce thème…
Ce registre, ça n’effraie pas de terminer comme « chanteur pour femmes finissantes », comme le chantait Jacques Brel ?
Oui, ne chanter que l’amour peut conduire à ça. Au départ, on m’a catalogué chanteur d’amour alors que mes albums traitaient de social, de politique. L’amour est un thème sur lequel on peut mettre beaucoup de romantisme, de tendresse, de poésie, mais je ne voulais pas que, sur scène, mon répertoire ne comprenne que vingt-cinq chansons d’amour !
Pourquoi la religion est-elle à ce point présente sur l’album ?
Parce que dans l’époque brutale que l’on vit, il est important de se resserrer autour de choses très simples, et le message premier de la religion que je connais le mieux -la religion catholique- est basé sur l’humanité, l’amour, le respect de l’autre. Un refuge simple, mais c’est peut-être l’une des solutions. Je ne suis pas pratiquant, mais je respecte tous ceux qui pratiquent… Tout au long de ma vie, j’ai suivi, même inconsciemment, les grands préceptes religieux, ce sont des règles de vie en société qui sont intelligentes.
Les religions n’ont pourtant pas apporté que de l’apaisement dernièrement…
Non, mais c’est pourtant quelque chose de très sain, très pur. Comme l’islam, le judaïsme… Toutes ces religions représentent, à la base, des choses extrêmement belles, généreuses. Aujourd’hui, ces religions exacerbées génèrent des peurs dans toutes les communautés. Il faut revenir aux fondamentaux. Sinon, il faut prendre un fusil et aller se battre, mais moi je suis plutôt pour l’option pacifique.
Pourquoi la politique s’est-elle invitée sur cet album, à votre façon ?
C’est mon petit cheval de bataille. Je ne m’en prends pas à la politique, mais plutôt à ceux qui s’en servent à des fins égoïstes. La politique, c’est plutôt la générosité, servir les autres.
Vous considérez-vous comme chanteur « engagé » comme on dit ?
Non, chanteur satirique ! Pas plus. M’amusant du comportement des autres. Mais ça ne me décourage pas du tout sur mon action civique et mon engagement citoyen.
C’est finalement sur une chanson consacrée à Mandela que vous vous dévoilez plus que d’habitude…
Oui, c’est vrai. Je me raconte rarement, mais là c’était le petit clin d’œil pour dire ce que l’on peut faire en vingt-sept ans dehors. Mandela a tourné en rond ce temps-là dans une cage. C’est dire la force de caractère pour traverser ça, puis sortir à la lumière et conduire le pays. C’est unique dans l’histoire de l’Humanité.
En regardant dans votre rétroviseur justement, que voyez-vous ?
A l’âge de 27 ans, en 1979, j’avais déjà sorti mon deuxième album dans lequel figure « Je l’aime à mourir ». Onze albums plus tard, j’ai l’impression d’avoir réalisé beaucoup de choses, de ne pas avoir perdu mon temps. Et d’être resté sur les mêmes rails : travailler mes écritures, mon jeu de guitare, le piano. Je suis un peu monomaniaque.
Trouve-t-on encore des poètes dans la chanson française aujourd’hui ?
Vincent Delerm et Thomas Fersen sont aussi des poètes. Peut-être les gens aujourd’hui sont plus directs… Est-ce une vision ancienne de vouloir rendre une chanson toujours poétique, de raconter une histoire ?
Etes-vous nostalgique de votre période ?
Non. Je suis plutôt content de ma vie d’aujourd’hui. Mais je suis mélancolique. Mes enfants sont partis, et c’est une grande cassure dans une vie. Ils arrivent, on vit avec eux 19, 20 ans, et puis ils partent. C’est assez vache comme truc, mais c’est comme ça… C’est l’occasion de faire une chanson pour leur dire toute la cruauté, sans qu’ils le veuillent bien sûr. Moi aussi, je suis parti vers 17 ans.
On a l’impression que Francis Cabrel est quelqu’un d’apaisé, de serein…
En réalité, je suis assez inquiet, d’autant que mon disque va sortir. Que vont en penser les gens ? En même temps, je relativise. Je sais que les gens m’aiment bien… Je n’ai pas voulu être célèbre pour m’éloigner du monde. Au contraire, c’est plutôt pour m’en rapprocher, pour parler, à travers des chansons. J’ai une vie assez apaisée.
Vous considérez-vous un peu comme Jean-Jacques Goldman, hors système ?
J’accommode le système à ma propre vitesse. J’y suis les deux pieds dedans, je rencontre tout le monde, je fais des télés, des radios, mais seulement aux occasions importantes, comme la sortie d’un album.
Ce nouveau système s’appuie aussi sur les réseaux sociaux…
Oui, et il faut être prudent. Rien n’est trop contrôlé. Je suis hors de tout réseau social et je n’y viendrai pas. C’est un peu le domaine du ragot, de l’info non vérifiée, non maîtrisée. A partir de là, c’est la place publique, le bistrot mondial, et moi, je ne vais pas dans les bistrots, à cause justement des conversations de comptoir…
A quoi ressemble aujourd’hui le public de Francis Cabrel ?
Je vous le dirai la prochaine fois que je monte sur scène, parce que ce sera la première fois que je porterai mes lunettes. La dernière fois, je ne le voyais pas, ou flou ! Mon public doit vieillir en même temps que moi, il a mon âge sinon plus…
« In extremis », ce titre peut laisser entendre que c’est le dernier…
On peut l’interpréter comme ça, c’est pour ça que j’aime ce titre. Qui sait ? Je suis encore « jeune », mais on est plutôt dans les derniers hectomètres. Il faut donc penser à une sortie honorable.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Ma relation avec les gens que je trouve assez naturelle. Basée sur l’estime, plus que sur l’admiration béate ou exagérée. Quelque chose de très normal…
. 23 novembre 1953 Naissance à Agen (Lot et Garonne).
. Juin 1974 Remporte le concours Sud-Radio avec la chanson Petite Marie.
. 1977 Premier album Ma ville. n 1979 Album Les chemins de traverse , dont le standard Je l’aime à mourir repris par Shakira notamment.
. 1989 Énorme succès de l’album Sarbacane , avec le tube éponyme.
. Mars 1989 Conseiller municipal dans sa commune d’Astaffort (Lot-et-Garonne).
. 1990 Victoire de la musique “Interprète masculin de l’année”.
. Juillet 1993 Fonde Voix du Sud , association qui permet aux jeunes compositeurs, auteurs, interprètes de se faire connaître.
. 1994 Single Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai.
. 2005 Participe à la comédie musicale Le Soldat Rose.
.27 avril 2015 Sortie de In extremis (Smart/Sony music).
Voir de même:
Francis Cabrel, fidèle à lui-même
Sept ans après la sortie de son dernier album de chansons originales, Francis Cabrel nous revient avec douze nouvelles pièces qui tournent autour du thème de l’amour.
Caroline Rodgers
collaboration spéciale
La Presse
27 avril 2015
Francis Cabrel n’avait pas lancé d’album de chansons originales depuis 2008. Il nous arrive avec In Extremis, un opus qui lui ressemble et où il nous parle d’amour, bien sûr, mais aussi de politique, d’histoire, du temps qui passe et de l’environnement.
«Je suis incapable de changer et les chansons que j’écris ne changent pas, lance-t-il. Le contenu des textes évolue, mais l’enveloppe musicale sera toujours la même: un peu de blues, de rock, de folk et beaucoup de guitare. Ce que je voudrais que l’on en retienne, c’est que c’est l’album de quelqu’un de son âge, qui n’est plus un adolescent, loin de là.»
Parmi ces 12 nouvelles pièces, il n’accorde sa préférence à aucune. «Pour l’instant, je n’en considère aucune comme plus importante, parce qu’elles sont trop récentes. Il faut d’abord que je parte en tournée avec elles. Au bout de quelques mois, je pourrai voir celles qui résistent au temps.»
Quand on a derrière soi toute une carrière et plus de 140 chansons, il devient plus difficile d’écrire, avoue l’auteur-compositeur. D’autant plus qu’il a tendance à écrire lentement.
«J’ai déjà parlé d’une foule de sujets dans mes chansons, dit-il. Les années qui nous séparent de l’album précédent m’ont justement servi à trouver non pas de nouveaux thèmes, mais de nouvelles façons de les aborder.
«Si on voulait résumer toutes mes chansons, dit-il, il n’y a qu’un grand thème, et c’est l’amour, que ce soit entre des personnes ou pour l’humanité. La seule chose qui change, ce sont les façons d’en parler.»
Mandela et Jésus
L’intérêt déjà connu de Cabrel pour l’histoire et ses grands personnages se manifeste encore sur cet album, entre autres avec une chanson comme Azincourt, qui parle de la bataille du même nom survenue en 1415 pendant la guerre de Cent Ans entre la France et l’Angleterre.
«C’est un prétexte de plus pour parler de la folie des hommes. C’est une bataille où il y a vraiment eu des choses affreuses. Les Anglais ont inventé une méthode qui a fait des ravages en tirant des flèches de façon très organisée et meurtrière. C’était comme une nouvelle machine de guerre qui se mettait en route et qui est aujourd’hui poussée à l’extrême. De nos jours, on peut tuer à distance, d’un pays à l’autre. La cruauté de l’homme ne s’arrête jamais.»
Devant la folie humaine, sa position de poète consiste à se tenir à l’écart en répétant les mêmes messages et en espérant qu’ils seront compris, bien qu’il ne se fasse aucune illusion sur sa capacité à changer quoi que ce soit.
Admiratif de ceux qui ont réussi à changer le monde, il a aussi dédié une chanson à Nelson Mandela, Mandela, pendant ce temps, et une autre à Jésus, Dans chaque coeur.
«Pour moi qui ai été élevé dans la tradition chrétienne, depuis le temps que je chante des chansons d’amour, il faut bien reconnaître que le premier qui a parlé d’amour universel, pour toute l’humanité, c’était Jésus. C’est la parole d’amour la plus pure, la plus authentique. Et pour Nelson Mandela, on peut parler aussi de résurrection puisqu’il est passé de 27 ans d’emprisonnement à diriger son pays. Il est passé de la nuit au jour.»
«Je m’intéresse aux personnages qui ont essayé de dispenser autour d’eux de la fraternité et de faire en sorte que les couleurs s’annulent, que les gens s’écoutent et que les peuples s’entendent.»
Est-il satisfait de ce nouveau disque?
«Je ne suis jamais satisfait, dit-il. Je serai satisfait quand je saurai ce que les gens en ont pensé. Moi, j’ai fait ce que j’ai pu et je suis allé au maximum de ce que je pouvais.»
Francis Cabrel sera au Québec en mai pour faire la promotion de ce nouvel album, mais, pour les concerts, il faudra attendre le printemps 2016. Il commencera par une tournée de cinq à six mois en France à l’automne avant de revenir sur le sol québécois.
Voir aussi:
Nouvel album « In Extremis »
La lumière noire de Francis Cabrel
Benjamin Locoge et Sacha Reins
Paris Match
22 avril 2015
Le musicien a pris son temps pour mener à terme ce magnifique treizième album, au propos souvent sombre. L’occasion d’un rare entretien, sous forme de confession.
Il avait dit vouloir aller « plus vite », sortir des albums plus rapidement, retrouver le public plus fréquemment. Mais Francis Cabrel n’est plus homme à laisser des chefs-d’œuvre dans ses tiroirs. Non, il est besogneux, inquiet, prudent. Et surtout très lucide. « In extremis » est loin d’être un album joyeux – ça n’a d’ailleurs jamais été son genre. Mais Cabrel creuse la veine crépusculaire, les orchestrations minimalistes pour, au final, sortir l’un de ses plus beaux disques. Alors oui, musicalement on est plus proche de ses idoles, J.J. Cale ou James Taylor, que de la grande variété française. Mais Cabrel, aussi respecté soit-il, sait qu’il peut tout se permettre. Même de bousculer son public. Et même de se confier comme rarement.
Paris Match. Vous aviez annoncé vouloir aller vite pour composer un nouvel album après «Des roses et des orties» et, finalement, il vous a fallu sept ans. Que s’est-il passé ?
Francis Cabrel. Je voulais prendre mes cinq années habituelles pour enregistrer. Mais, voyant que je n’y arrivais pas, je me suis un peu perdu en route. Ce qui m’a plu d’ailleurs… J’ai fait des traductions de Dylan, il y a eu aussi «L’enfant porte» avec les petits chanteurs d’Astaffort et le «Le soldat rose». Tout cela m’a égayé. Mais la réalité, c’est que j’écris très peu. Le plus long, c’est de trouver l’idée sur laquelle je vais pouvoir écrire et cela peut me prendre des mois. Une fois qu’elle est là, je n’ai besoin que de quelques jours. Mais pour avoir douze idées, il m’a fallu sept ans. C’est long.
La plupart des chansons sont sérieuses…
Sérieuses, ça me va. L’époque n’est pas à la gaudriole, mais je n’essaie pas d’enfoncer le clou de la «sombritude». Il y a toujours une petite pointe d’optimisme ici ou là. C’est la définition du blues. Musicalement, j’ai fait une tournée tout seul aux États-Unis l’an passé qui m’a donné envie de ces ambiances à la J.J. Cale. J’avais même pensé enregistrer avec le moins de musiciens possible. Mais j’ai renoncé à ce projet, je n’ai pas osé. J’aurais pu faire mon “Nebraska” [un album de Bruce Springsteen très dépouillé paru en 1982], mais j’ai eu peur de m’ennuyer !
… Et beaucoup sont politiques.
J’en ai toujours fait sur mes disques précédents. Mais, depuis quelques années, on a vu pas mal de choses… Quand un homme politique devient un people, qu’il fréquente la jet-set, il se trompe, ce n’est pas là qu’il doit œuvrer. Mes chansons sont avant tout une satire, je les ai écrites pour me marrer. Comme pouvait le faire Nicolas Boileau au XVIIe siècle…
« Je me considère comme un résistant, je chante en français ! »
Vous vous exprimez en tant qu’ancien élu ?
Oui, élu local de base, laborieux, le S.E. (sans étiquette) qui a refusé toutes les compromissions… C’est ainsi que devrait être la politique. Moi, j’ai fait deux mandats qui me semblaient être le maximum et, surtout, j’ai eu le sentiment d’être arrivé au bout. Je n’avais plus rien de nouveau à proposer.
Vous écrivez dans «In extremis» : «On a voté le génocide par précaution.» A quoi pensiez-vous ?
C’est une chanson sur la langue occitane que je défends. Le français l’a piétinée et, pour être sûr de son hégémonie, on en a fait table rase. On peut aussi voir cette chanson comme un hymne à tous ceux qui résistent et qui arrivent à avoir gain de cause. L’occitan n’existait plus, mais la force de caractère de certains a permis de faire revivre ce langage.
Faut-il se rebeller contre l’ordre établi ?
Il y a besoin d’être patriote car la langue française est tout aussi menacée que l’occitan en son temps. Les anglicismes nous vampirisent. En prenant un exemple d’il y a cinq ou six siècles, je me demande si, aujourd’hui, on n’est pas en train de vivre le même truc. Moi je me considère comme un résistant, je chante en français ! J’entends de plus en plus de morceaux qui mélangent anglais et français, ça me surprend toujours. Cela a l’air insignifiant mais, en réalité, c’est grave. Dans beaucoup de domaines, on marche vers le crépuscule, sans trop réagir. Hélas…
Vous vous fendez aussi de deux chansons d’amour. Genre que vous aviez délaissé depuis vingt ans…
J’ai fait le tour de tellement de sujets que je cherche toujours un angle original. Je suis revenu à la chanson d’amour avec plaisir, c’est un genre profond, c’est du vécu, c’est beaucoup plus dur à écrire que le reste, d’ailleurs. «A chaque amour que nous ferons» m’a pris six mois, jour et nuit. Là, je tombe dans l’obsession paranoïaque. C’est au mot près, à la virgule. Je dis plus de choses dans mes chansons que dans la vie de tous les jours. Par timidité, je ne parle d’ailleurs jamais d’amour à personne, je n’ai pas envie d’être niais. Heureusement, la musique vous donne toutes les possibilités de dire ces mots-là, le tout enrobé dans un peu de poésie !
Votre fille aînée Aurélie s’est lancée avec difficulté dans la chanson. L’ombre du père est-elle trop lourde à porter ?
Son défi, comme elle est une “fille de”, est d’écrire des choses un étage au-dessus de moi. Elle est partie dans le métier avec un a priori défavorable, car la vie a été simple pour elle, elle a enregistré dans de bonnes conditions, etc. Elle a fait un truc bien, mais sans doute un étage en dessous de ce dont elle est capable. Les désillusions l’ont endurcie, elle s’accroche, elle veut insister, elle est comme sa mère, elle a le même caractère !
« Le personnage qui a le plus marqué mon enfance et mon adolescence, c’est quand même Jésus-Christ ! »
Qu’est-ce qui vous inspire au quotidien ? La télé ? Les livres ?
Je regarde très peu la télévision, enfin, le moins possible. Parfois dans la journée… Je passe mes journées à travailler ma guitare, au minimum deux heures chaque matin. Quant aux livres, en ce moment je lis les “Mémoires d’outre-tombe” de Chateaubriand, c’est lumineux. Je n’ai pas eu le goût de lire avant 27 ans, ce n’était pas dans ma culture, j’avais l’impression de perdre mon temps. Mais quand j’ai écrit “Je l’aime à mourir” et que j’ai eu du succès, les journalistes m’interrogeaient sur mes goûts littéraires. Je n’avais rien à répondre… J’ai donc ouvert des livres.
Ça vous a manqué, ado, de ne pas avoir accès à la culture ?
Oui beaucoup, surtout que je me suis fait virer du lycée avant la terminale. Je n’ai donc pas fait de philo et ça m’a complexé. J’aurais pu y puiser des points de réflexion, des guides pour réfléchir. Je n’ai jamais su m’y intéresser tout seul.
Vos premières chansons ont donc été écrites “à l’oreille” ?
Quasiment, oui. J’aimais bien Dutronc, Antoine, Brassens, Caradec que j’entendais à la radio. Il y a aussi Yves Simon, qui racontait des histoires bien ficelées.
On vous a tout de suite étiqueté “nouvelle chanson française”. Cela vous a-t-il conféré certaines responsabilités ?
C’était le temps de l’insouciance ! C’est vrai que je fais partie d’une génération qui a percé au même moment. Maintenant on pourrait parler de nous comme de la “vieille chanson française” !
Sauf que vous êtes toujours là, comme Souchon et Voulzy…
C’est la prime à ceux qui ont pris le même chemin obstinément ! J’ai bien senti pendant ces sept dernières années que l’on m’attendait. C’est pour ça aussi que je m’applique, je pense au public, aux gens qui m’abordent dans la rue. Mais bon, j’ai un rapport très sain avec le public.
Vous avez composé une chanson sur Jésus. Que fait-elle là ?
J’ai toujours été en admiration devant Leonard Cohen ou Bob Dylan qui ont fait de belles chansons autour de la religion, comme “Hallelujah” chez Cohen ou l’album “Saved” de Dylan. Car, finalement, le personnage qui a le plus marqué mon enfance et mon adolescence, c’est quand même Jésus-Christ ! On me l’a répété, je connais sa vie par cœur, j’ai été enfant de chœur, j’ai suivi le catéchisme, j’ai fait ma première communion. Aujourd’hui, je suis toujours catholique et croyant. Mais pas pratiquant.
Les valeurs catholiques ont-elles un sens pour vous ?
C’est ce que je prêche depuis ma première chanson, tout se résume à l’amour et l’harmonie… On a besoin par les temps qui courent de ce genre de messages simples. Enfin, moi j’en ai besoin…
«In extremis » (Small/Sonymusic), sortie lundi 27 avril.
En tournée à partir du 30 septembre.
Voir par ailleurs:
La cabane du pêcheur de Francis Cabrel
Anthony Palou
Le Figaro
12/07/2011
LA FRANCE EN CHANSONS (3/41) – Depuis son petit village d’Astaffort, le rocker agricole signe cette ballade mélancolique, qui lui vaudra une parodie de Laurent Gerra.
En 1994, Francis Cabrel sortait Samedi soir sur la terre après cinq ans de silence. Il revenait d’un large succès, celui de Sarbacane, vendu à plus d’un million d’exemplaires. Il accouche donc dans la douleur. Le rocker agricole n’était pas en panne d’inspiration, il vivait, vit, vivra à Astaffort au milieu des poules, des pintades, des lapins, des couleuvres et des lézards, des céréales et des tournesols. C’est un homme de la nature, un homme naturel, discret. Un chanteur bio. En 1994, il arborait donc encore la moustache du gentilhomme. Curieux comme les écolos aiment bien la moustache: José Bové, Noël Mamère…
Francis Cabrel fait des albums comme on fait du compost. Fait ses devoirs d’écolier au fond du jardin. Samedi soir sur la terre est un album pas très gai, pessimiste sur l’avenir de la planète. Son huitième. La fête semble, selon lui, finie. Il combat la «désabusion», comme disait Nino Ferrer. La Cabane du pêcheur n’est pas la chanson la plus connue du disque: on se souvient plus volontiers de La Corrida ou encore de Je t’aimais, je t’aime, je t’aimerai.
Trois millions d’exemplaires écoulés, peut-être l’album français le plus vendu de tous les temps sur l’Hexagone. La Cabane du pêcheur ne fut jamais un single. C’est une chanson qui ne raconte pas grand-chose, c’est le moins que l’on puisse dire. «Le soir tombait de tout son poids/Au-dessus de la rivière/Je rangeais mes cannes/On ne voyait plus que du feu/Je l’ai vu s’approcher/La tête ailleurs dans ses prières/Il m’a semblé voir trop briller ses yeux.»
C’est l’histoire d’un gosse qui se souvient. Le message est, en gros, le suivant: «J’attends que le monde soit meilleur.» Ça ne mange pas de pain. Voilà la philosophie du pêcheur, carte postale, un simple repli sur soi, une façon de dire, dixit le chanteur troubadour lymphatique, affectueusement surnommé par Jacques Dutronc «Trente-six 4L»: «Les bras m’en tombent». «Le pêcheur se dit: la vie passe, essayons de prendre du plaisir, de saisir l’amour parce que dehors tout me dépasse », avait-il déclaré au Figaro en avril 1994. Pas de prétention chez Cabrel.
Amour du terroir, «haine de la modernité»
La Cabane n’est pas une chanson intellectuelle. Une chanson toute candide, une chanson douce à la mélodie claire comme l’eau d’une rivière. «Une chanson anecdotique que l’on a envie de siffler», comme le précise Éric Jean-Jean, journaliste à RTL. Elle sent bon la truite et le goujon… Il fait partie de cette «génération désenchantée», comme le chantait Mylène Farmer, où le désir était de «déjeuner en paix», voir Stéphane Eicher. On visitait son passé tout simple: Mistral gagnant de Renaud. Francis Cabrel le timide s’est retranché dans son petit village d’Astaffort de 2000 habitants aux confins du Lot-et-Garonne et du Gers, village réputé pour sa gastronomie. Deux restaurants étoilés au Michelin. Sur la place du village, sa sœur tient salon… de coiffure. Le chanteur, fan de Bob Dylan – il le découvrit à l’âge de 13 ans en écoutant Like a Rolling Stone , y fut non pas maire, comme on aime à le croire, mais conseiller municipal. La nature est son affaire.
Deux ans auparavant, en 1992, Luc Ferry lançait un pavé dans la mare, Le Nouvel Ordre écologique (Éditions Bernard Grasset, Prix Médicis de l’essai). Le philosophe retraçait les trois tendances de l’histoire de l’écologie, dont celle de la Deep Ecology. Il dénonçait, dans cet amour du terroir et de la nostalgie perdue, une certaine forme de «haine de la modernité» et du temps présent. Il n’avait pas tort. La postérité de La Cabane du pêcheur passera par la parodie qu’en fit Laurent Gerra.
Cabrel n’a, selon son biographe Hugues Royer, pas beaucoup apprécié: «La Cabane au fond du jardin, qui fait mourir de rire le public de l’Olympia, où l’imitateur se produit en 2002, provoque l’irritation de Cabrel.»
Inspiré de La Cabane du pêcheur, le sketch évoque dans des termes plutôt crus un «petit coin» dans la nature qui sert de «refuge» au poète. Lorsqu’on lui demande d’expliquer pourquoi il n’aime pas cette caricature, Francis ne tergiverse nullement: «Gerra m’imite à la perfection, mais je n’aime pas du tout la façon dont il détourne ma chanson. Je ne me reconnais pas. Je ne dis jamais un gros mot. C’est triste de ridiculiser ce texte, de le rendre graveleux, vulgaire… même si j’avoue que cela fait beaucoup rire autour de moi… C’est juste une réaction d’amour-propre par rapport à cette chanson. Sinon, j’adore quand il se moque de Céline Dion .»
Laurent Gerra avoue ne pas avoir été spécialement inspiré par cette chanson. Ce qui l’amusa, ce sont «les cailloux». On ne peut s’empêcher dès lors de citer les premiers mots de ce chef-d’œuvre – disons-le – humoristique: «Ma cabane au fond du jardin/Moi, j’y vais quand j’ai besoin/C’est un charmant petit trou/Tout entouré de cailloux/Y a des mouches qui bourdonnent/Des abeilles qui fredonnent/Y a pas de tout-à-l’égout/Alors on fait sur les cailloux/Mais c’est un charmant petit coin/Ma cabane au fond du jardin.» L’imitateur se souvient d’avoir écrit cette saillie avec Jean-Jacques Peroni. «On ne savait pas quoi faire ce matin-là. On l’a écrite en cinq minutes. On a pensé à ce chanteur minéral.» Et si tout était dit?
Voir également:
Nouvel album
Francis Cabrel sort “In extremis” de sa tanière
Valérie Lehoux
03/05/2015.
BlogZep rend hommage à Francis Cabrel pour la sortie de son nouvel album
Sept ans après son dernier album, le chanteur revient avec un nouveau disque, “In extremis”, sorti cette semaine. Une fois encore, le Gascon risque fort d’atteindre le sommet des ventes. Tout, chez lui, semble rassurer : sa « normalité », son calme, son accent AOC, sa constance… Quitte à ennuyer.
Son nouveau disque, “In extremis“, est sorti sort cette semaine, sept ans après son dernier album original. Une fois encore, le Gascon risque fort d’atteindre le sommet des ventes. Tout, chez lui, semble rassurer : sa « normalité », son calme, son accent AOC, sa constance… Quitte à ennuyer.
Recto
Ah, l’accent du terroir (-caisse ?) de Francisseu ! Il aura inspiré les plus grands comiques. D’abord les Guignols, qui ont exploité le filon du barde gaulois défenseur des vieilles valeurs, avec son leitmotiv « c’était mieux avant ». Ensuite, l’impayable Laurent Gerra, qui a réussi à nous faire croire que Cabrel a réellement chanté cette « Cabane au fond du jardin… Y a un arbre juste à côté / C’est pratique pour s’essuyer… » Pour une fois qu’il était drôle. Merci Francis. Plus encore que Dylan, Cabrel a un maître : Brassens. Est-ce par respect pour lui qu’il a livré sa prestation vocale la plus intense ? Son interprétation des Passantes, poème d’Antoine Pol mis en musique par le Sétois, est définitivement émouvante. Et l’homme possède une indéniable qualité : sa discrétion. Non seulement, en Mark Knopfler du Sud-Ouest, il sort des disques avec parcimonie, mais, excepté sa corvée de promo obligée, il reste rare dans les médias. On apprécie d’autant plus l’attention que, dans la catégorie bonnet de nuit, il n’a pas grand-chose à envier au toujours incisif Zinédine Zidane. Après la dégaine d’Artagnan-berger des années 1970 et la moustache façon Magnum de la décennie 1990, il opte depuis le tournant du siècle pour une coupe de cheveux sage, une peau rasée de près, de petites lunettes cerclées — sans être sponsorisé par Gillette, Botox ou Optic 2000. Bref, la soixantaine bien portante, Cabrel assume un look de chanteur normal.
Verso
De Tino Rossi à Pierre Bachelet, la chanson accompagnée d’une chorale d’enfants est une tradition à laquelle tout chanteur de variété se doit de sacrifier pour atteindre les hautes sphères du succès populaire. Il y a mis d’évidence tout son cœur pour accoucher du lénifiant Il faudra leur dire. Dans son album de reprises de Dylan, en 2012, le folk singer du Sud-Ouest confond littéraire et littéral. Certains textes semblent avoir été lessivés par un logiciel de traduction : I want you devient Je te veux et It’s all over now, Baby blue : Tout se finit là, bébé bleu. La Schtroumpfette en pleure encore… Reviens, Hugues Aufray, tout est pardonné ! Le baladin sensible fut longtemps… un grand copain de gaudriole de Patrick Sébastien. Pas terrible pour l’image ? En tout cas, si l’on en croit son vieux pote, Cabrel a décidé de snober ses émissions, histoire de préserver une apparence bien entretenue. Pas très chic pour un type dont la première vertu serait d’être fidèle en amitié comme en amour. Fidélité, suite : il affiche son attachement à son village, son accent. Et son style. Même si le dernier disque aborde des thèmes inusités (la bataille d’Azincourt, la crucifixion de Jésus), il continue de suivre le même sillon musical plan-plan, entre néofolk et rock blueseux. Encore et encore. Les fans et les adeptes du « c’était mieux avant » sont ravis. Les autres auront du mal à s’enflammer.
Voir encore:
Le biographe de Francis Cabrel répond à la polémique
« Je n’ai pas raconté tout ce qu’on m’avait dit »
Hugues Royer
Voici
7 mai 2015
Attaqué par Cabrel qui demande le retrait de son livre, Alain Wodraska persiste et signe. « J’ai le droit d’aborder les zones d’ombre », nous a-t-il confié.
Alain Wodraska, auteur de Cabrel, les chemins de traverse, ne s’attendait pas à ça. La semaine dernière, l’avocate du chanteur d’Astaffort a envoyé une lettre à son éditeur, l’Archipel, demandant le retrait pur et simple de son livre. « J’ai trouvé le procédé d’autant plus étonnant que mon livre est un hommage sincère à un artiste que j’admire », nous a confié le biographe. En outre, Cabrel s’était engagé à ne pas poursuivre le livre, qu’il a reçu début mars, avant sa parution. »
En cause, des propos sibyllins sur le couple où certains ont vu la révélation de l’infidélité du chanteur vis-à-vis de son épouse et muse, Mariette, la fameuse « petite Marie » de son premier tube. « La notoriété a fané les amours printanières. Elle a mis sur la route du chanteur d’autres visages en fleurs. Tandis que la muse s’est changée en muselière, les deux amants ont scellé un second pacte, qui a garanti à Mariette le pouvoir de diriger la carrière de l’artiste, le privilège d’incarner pour lui un repère affectif. » Selon l’auteur, ces phrases extraites du livre ne révèlent aucun secret sur la vie privée du chanteur.
« Mon livre est une biographie raisonnable et équilibrée, le fruit d’une enquête sur la vie d’artiste de Cabrel, mais cela n’est pas non plus une hagiographie. Au nom de la liberté d’expression, j’aborde certaines zones d’ombre du chanteur, mais par éthique personnelle et par élégance, je n’ai pas raconté tout ce qu’on m’avait dit. »
Sa biographie, émaillée de nombreux témoignages de proches, aborde d’autres points nébuleux du chanteur, par exemple ses rapports pas toujours clairs avec ses collaborateurs artistiques, dont certains ont été lâchés sans la moindre explication. Une chose est sûre : cette polémique prouve que le chanteur, qui cartonne actuellement avec son album In Extremis (108.900 copies ont été écoulées dès la première semaine), n’a rien du troubadour sans histoire qu’on imagine…
Voir de plus:
Chanson française
Cabrel chante Dylan
Nouvel album,Vise le Ciel ou Bob Dylan revisité.
07/11/2012 – Depuis toujours, Francis Cabrel admire Bob Dylan et s’en inspire. Il sort en cette fin d’année, Vise le ciel ou Bob Dylan revisité, son treizième album studio. Hasard du calendrier, le disque marque ses trente-cinq ans de carrière. Revue de détail sur RFI Musique.
A ses débuts, Francis Cabrel confessait en interview qu’adolescent, l’anglais était la seule matière qui retenait son attention à l’école, car elle lui permettait de comprendre les chansons de son idole, Bob Dylan. Et ce dès la sortie de Like a Rolling Stone sur Highway 61 Revisited (1965).
Alors, on n’est pas vraiment surpris de le voir nous livrer aujourd’hui, en guise de nouvel album, onze titres de Bob Dylan, adaptés en français par ses bons soins et interprétés avec cet accent reconnaissable entre mille qui nous berce depuis tant d’années.
D’abord parce que ce n’est pas la première fois. Dans ses deux disques précédents, Les beaux dégâts et Des roses et des orties, Shelter from the Storm devenait déjà S’abriter de l’orage et She belongs to me, Elle m’appartient. Ensuite parce que, en laissant traîner ses oreilles, l’on découvre que lorsqu’il effectue ses balances afin de régler le son avant l’un de ses concerts, il n’est pas rare que Francis le fasse sur des chansons de Robert. Enfin, l’on se rend compte que des deux côtés de l’Atlantique, il est arrivé aux deux musiciens d’avoir à leurs côtés le même guitariste, en la personne de Freddy Koella.
L’album s’appelle Vise le ciel. On visait un peu le ciel, nous aussi, en espérant pouvoir le rencontrer, tout en sachant que le chanteur n’est pas friand de promotion dans les médias. On a fait chou blanc, alors on apprendra dans les lignes des happy few qui ont eu cette chance -et qu’on jalouse un peu, il faut bien l’avouer-, que c’est le manque d’inspiration qui l’a poussé à s’attaquer au répertoire de Dylan.
Si on ne l’avait lu, on aurait eu du mal à s’imaginer qu’au soleil et au vent du Lot-et-Garonne, sa plume puisse s’assécher. Et on aurait eu raison. Car pour un temps de disette, le souffle poétique est bel et bien présent.
Adapter Dylan et le faire sonner en langue française relève, plus que du défi, du véritable casse-tête. D’autres s’y sont essayés. Hugues Aufray, avant lui, en a adapté les chansons par dizaines, s’attachant à reproduire les ambiances musicales quasi stricto sensu, traduisant ici littéralement, reprenant parfois jusqu’aux sonorités des mots, ou interprétant là largement, quitte à prendre quelques libertés (sur N’y pense plus tout est bien, sa version de Don’t think twice it’s alright, par exemple).
Dans les morceaux originaux, il y a une foule d’images à la seconde, et souvent plus d’une dizaine de couplets dans chaque titre. Alors Francis Cabrel, comme son prédécesseur, raccourcit, combine les couplets, ajuste pour mieux s’approprier. Contrairement à Aufray, il ne s’attache pas à reprendre en priorité les grands succès de Dylan, et laisse leur place aux titres plus confidentiels. A Dignity (Dignité), qui, enregistré à l’origine pour l’album Oh mercy (1989), n’y figura finalement pas, pour ne sortir que cinq ans plus tard sur une compilation. A Blind Willie Mc Tell,composé par Dylan en hommage au chanteur et guitariste de blues américain à l’époque d’Infidels, mais édité lui aussi plus tardivement, dans les premiers volumes de ses Bootleg series.
La rencontre de deux univers.
Sur les onze titres, on retrouve des tubes, bien sûr : le fameux All Along the Watchtower (En haut de la tour du guet) popularisé par Jimi Hendrix et repris par tant d’autres (Eric Clapton, Neil Young, U2, pour ne citer qu’eux), Quinn the Eskimo, dont Cabrel offre une version à l’atmosphère presque plus proche de celles de Manfred Mann et des Grateful Dead, Gotta serve somebody (Il faudra que tu serves quelqu’un), ou bien encore It’s all over now Baby Blue (Tout se finit là, Bébé Bleu), qu’on a en son temps presque plus entendu par Joan Baez que par Dylan lui-même.
Parmi sa sélection, deux titres seulement avaient déjà été revus par son prédécesseur : Just like a woman (Comme une femme) et Ballad of Hollis Brown (L’histoire d’Hollis Brown). Cabrel en livre sa lecture propre, comme il nous livre entre ses lignes son image de la femme, qui, si elle l’a probablement inspiré autant que son maître à écrire, n’a pas le même écho dans ses textes, ici comme ailleurs.
C’est sans doute cela qui le distingue le plus de Dylan, finalement, dans cette adaptation. Moins « revanchard », plus débonnaire, plus amoureux peut-être, au sens large : dans sa version de Just like a woman, la femme « règne ».
Entendre du Bob Dylan en français aurait pu nous faire crier à l’hérésie, et certaines de ces adaptations sont sans doute plus réussies que d’autres. Mais c’était sans compter sur la patte de l’un de nos faiseurs de vers préférés, qui, ne serait-ce que par son phrasé, a toujours mis un peu de cette Amérique-là dans ses chansons. Et, quand bien même il y remplace l’harmonica par de l’accordéon, il suffit d’écouter sa version d’I want you pour s’en convaincre tout à fait. A bien y réfléchir, qui d’autre aurait pu se permettre d’entonner un refrain qui dit « Je te veux/Tellement fort » en restant tout à fait crédible ?
Francis Cabrel Vise le ciel ou Bob Dylan revisité (Columbia) 2012
Voir de même:
VIDÉO. Quand Francis Cabrel rencontre Bob Dylan
Le Point
22/10/2012
Francis Cabrel livre une interprétation toute personnelle de la musique de Bob Dylan, influence majeure de sa vie d’artiste, dans Vise le ciel, un recueil d’adaptation en français de chansons du troubadour américain publié lundi. En 1965, Francis Cabrel entend pour la première fois Like a Rolling Stone et sa vie bascule. « Je répétais avec un petit groupe dans un garage près d’Agen quand un mec a amené le 45 tours qui arrivait d’Angleterre direct. Et ce fut la révélation, le coup de tonnerre, la lumière », raconte le musicien dans le dossier de presse de l’album publié chez Columbia/Sony, également le label de Dylan.
« J’avais 16 ans et j’ai su que ma musique prendrait cette direction-là. Peu de temps après, j’ai entendu le premier album de Leonard Cohen et tout cela s’est mélangé, mais dans l’attitude, la posture, la démarche, Dylan a toujours été le modèle », dit-il. Si l’idée d’un album de reprises était dans l’air depuis une quinzaine d’années, Vise le ciel est né d’une panne d’inspiration. « Quand j’ai regardé en janvier l’état d’avancée de mon album de chansons personnelles, j’ai compris que mon inspiration était dans un creux, je faisais du surplace. J’ai donc sorti un grand livre de chansons de Dylan et j’ai pioché dedans », explique Francis Cabrel.
L’ombre d’Aufray
En France, l’ombre d’Hugues Aufray plane sur l’oeuvre de Dylan. Ami et grand admirateur du musicien américain, il a consacré une partie de sa carrière à adapter ses chansons. Francis Cabrel est volontairement resté à l’écart de la plupart des grands succès de Dylan popularisés en France par l’auteur de Santiano. Car le chanteur d’Astaffort, qui a appris l’anglais en écoutant Dylan, a décidé de s’attaquer à son tour à la rude tâche de traduire en français les textes du mythique « songwriter ».
Les puristes s’amuseront à relever les nuances dans les deux seules chansons de Vise le ciel également traduites par Aufray. Comme Just Like a Woman, Tout comme une vraie femme dans la version Aufray, Comme une femme dans la version Cabrel. Pour son album, Cabrel a déniché des chansons sur des enregistrements pirates comme Mighty Quinn, You Ain’t Going Nowhere ou Blind Willie McTell, mais a aussi choisi des classiques comme It’s All Over Now, Baby Blue ou I Want You.
Douceur
« Dylan surcharge d’images, il condense un maximum. Dans une même phrase, il peut y avoir cinq ou six images fortes et le français ne permet pas la même compression que l’anglais. La leçon que donne Dylan dans son écriture est celle de la fluidité et de la rime intelligente perpétuellement rebondissante. J’ai privilégié cette fluidité à la traduction ultra précise », explique-t-il. Si elles n’ont rien de révolutionnaire, ces nouvelles versions font la synthèse entre la personnalité de Dylan et celle de Cabrel, entre le folk et la chanson française.
Avec sa voix chantante et ses arrangements feutrés, Cabrel apporte de la douceur et du rythme là où Dylan est plus grinçant, mais aussi plus percutant. Vise le ciel a en tout cas permis à Cabrel de retrouver l’inspiration. « Pendant quatre ou cinq mois, je me suis changé les idées en me plongeant avec un microscope dans l’écriture de quelqu’un d’autre. Quand je suis sorti de là, j’ai recommencé à écrire, comme si une vanne s’était ouverte », confie-t-il.
Chanson –
Cabrel chante Dylan. Avec déférence et en français. On reste perplexe…
François Gorin
Télérama
27/10/2012
Dans les années 1960 – il y a, semble-t-il, une éternité -, Hugues Aufray fut le premier à chanter Bob Dylan en français. Avec un coup de main de Pierre Delanoë pour adapter les paroles de ce jeune troubadour américain qui gagnait tant à être connu. Francis Cabrel arrive aujourd’hui après la bataille, fort de l’enthousiasme du fan de longue date. Il est clair que son souci est de rendre hommage à l’auteur Dylan plus qu’au musicien. Le quasi-Nobel a jadis qualifié ses textes de « things to sing ». Des trucs à chanter, ni plus ni moins. Fausse modestie ? Les disciples se sont toujours chargés de faire reluire ses galons de poète, et Cabrel traite les mots du maître avec une certaine déférence, doublée du zèle d’un prof d’anglais. Sur des musiques tièdement dupliquées, il veille à mettre en valeur des traductions soignées, aussi littérales que possible. Avec le Dylan échevelé des sixties, le résultat laisse perplexe. A quoi bon mettre ainsi à plat Just like a woman (Comme une femme) ou I want you (Je te veux), sans une trace de l’étincelle qui les électrisait ? You ain’t goin’ nowhere devient On ne va nulle part. En effet… Le doux barde d’Astaffort se sort mieux des textes plus narratifs que sont A simple twist of fate, The Ballad of Hollis Brown, ou même le périlleux Blind Willie McTell. Le bénéfice est mince mais, contre toute attente, Un simple coup du sort devient réellement une chanson de Francis Cabrel. N’était-ce pas là le but à viser ?
Voir encore:
Ce n’est pas tant la voix qui change, ni l’accent, évidemment. Ce ne sont pas non plus les musiques, même si les incursions rock, folk et latinos s’enrichissent cette fois de résonances arabisantes. Ce qui change surtout, c’est le poids du propos. Comme si Francis Cabrel le réservé osait assumer une parole plus personnelle qu’hier. L’engagement est flagrant dès le premier morceau : il chante le désir avec une impudeur soudaine, au gré des inflexions sensuelles d’une très belle guitare flamenca ; c’est doux, poétique, léger.
Le reste ne l’est pas. C’est la seconde surprise : passé l’insouciance amoureuse, Cabrel a le ton grave, sombre, inquiété, inquiétant. Jamais il n’a porté un chant si politique. Il dit l’Afrique déboussolée qui rêve du Nord mais se cogne à ses barbelés ; les fossés trop profonds entre les puissants protégés et le monde déchiré ; la folie ordinaire qui guette tout un chacun sous la pression du quotidien. Et puisque, malgré tout, on ne se refait pas, l’appel à la fraternité refait régulièrement surface, comme s’il lui fallait respirer. Sentiments généreux teintés de naïveté… Cabrel le rêveur côtoie le révolté. Preuve qu’après trente ans de carrière un chanteur consacré au discours longtemps consensuel peut assumer le monde et dire ses colères, au risque de déranger. Et sans pour autant se renier.
Voir enfin:
Francis Cabrel : « Le cannabis ne me paraît pas beaucoup plus nocif que le pastis »
Le Parisien
27 Oct. 2012
Il n’est jamais en retard. Mieux encore, mardi, Francis Cabrel arrive en avance dans les locaux du « Parisien » et « Aujourd’hui en France » à Saint-Ouen. Une voiture aux vitres teintées, avec chauffeur, le dépose devant notre journal, où le chanteur rejoint déjà nos lecteurs.
Il a recouvré la forme après être resté cloué au lit la semaine dernière. « J’ai fait les vendanges il y a quelques jours avec près de 50 personnes sur nos vignes à Astaffort. C’est là que j’ai dû choper un coup de froid. » Il n’a pas ramené la dernière cuvée de son boiron mais plutôt son nouveau disque, « Vise le ciel », sorti lundi, hommage en français au répertoire de Bob Dylan. Un album à son image, sobre et subtil, humble et exigeant. C’est ainsi que Cabrel se confie à nos lecteurs, auxquels il parle de tout : musique, famille, politique. De sa vie hors norme et néanmoins très simple, « tellement pas intéressante », avoue-t-il. Passionnante au contraire pour nos lecteurs, charmés par celui qui reste, à 58 ans, l’une des figures emblématiques de la musique en France, presque malgré lui.
Extraits de l’interview, à découvrir dans son intégralité dans «le Parisien» – «Aujourd’hui en France»
CABREL REVISITE DYLAN : «C’est quelqu’un qu’on ne rencontre pas. Il n’aime pas qu’on l’approche»
LUCIE CAUBEL. Qu’aimez-vous chez Bob Dylan?
FRANCIS CABREL. Son audace! Jusque-là, les Beatles faisaient de jolies petites chansons d’amour bien construites mais sans « fond ». Lui, il a amené de la poésie, du mystère, des références à la Bible, quelque chose de très littéraire… On a compris que l’époque changeait.
Quels sont vos points communs avec lui?
J’en ai peu, hélas ! J’ai eu peut-être un peu d’audace dans quelques chansons où j’ai décrit la société et quelques travers humains… mais c’est sans commune mesure avec la profondeur de ce qu’il a fait.
THIERRY WACOGNE. Pourquoi avoir traduit Dylan en français?
Quand, en 1965, Hugues Aufray a sorti un album de chansons de Dylan en français, je l’avais acheté tout de suite. Aufray était extrêmement célèbre. C’était troublant qu’il dédie un album complet à un Américain dont personne n’avait entendu parler. Je m’étais toujours dit qu’un jour, si je m’en sentais la force, je mettrais ma pierre à l’édifice.
PIERRE BOUVET. Avez-vous déjà rencontré Bob Dylan? Aimeriez-vous chanter avec lui?
C’est quelqu’un qu’on ne rencontre pas. Il n’aime pas qu’on l’approche. J’en ai pris mon parti. Ses chansons me suffisent. Quant à faire un duo avec lui… même pas la peine d’y penser! (Rires.)
Sait-il que vous avez réalisé cet album?
Non, toujours pas, je pense, et ça m’étonnerait que cela l’intéresse beaucoup. Je crois que dans chaque pays il y a quelqu’un comme moi qui l’aime tellement qu’il traduit ses chansons. S’il fallait qu’à chaque fois il bavarde, encourage, dise ce qu’il en a pensé…
Faites-vous toujours des kilomètres pour aller le voir en concert?
Partout où il passe, je ne suis pas très loin.
THIERRY WACOGNE. N’avez-vous pas eu peur d’être la cible de critiques en vous mesurant à ce mythe?
Forcément, je m’expose à ceux qui estiment qu’on ne doit pas toucher à l’œuvre de Bob Dylan. Je ne suis pas loin de le penser aussi, même si c’est trop tard… (Rires.) Mais comme je me suis beaucoup, beaucoup appliqué… j’ai la conscience tranquille!
SÉVERINE LECERF. Prévoyez-vous une tournée?
Non, parce que je n’ai pas assez de chansons. Là, je suis reparti dans l’écriture de mon prochain album qui sortira en 2013 : sept chansons sont prêtes, j’en suis à la moitié. C’est en 2014 que je referai une tournée.
LYDIA DARINI. Que pensez-vous de la reprise de « Je l’aime à mourir » par Shakira? L’avez-vous rencontrée, elle?
A part vous, je ne rencontre personne! (Rires.) J’ai été prévenu un peu à la dernière minute! Vous savez, lorsqu’on reprend une chanson de quelqu’un sans la transformer, on n’est pas obligé de demander son avis à celui qui l’a écrite. De fait, j’ai trouvé sa reprise très belle, très sensuelle. J’apprécie le fait que ce soit une femme avec un accent sud-américain.
LUCIE CAUBEL. Vous êtes d’une nature timide… Pourquoi êtes-vous si discret dans les médias?
J’estime que je ne dois apparaître que lorsque c’est utile à mes chansons, pour les expliquer un peu. Sinon, je ne vois pas de raison de parler. Parler de quoi? De ma vie de famille? De mes prochaines vacances?…
On ne vous voit jamais dans la presse people…
Je pense que j’ai une vie tellement peu intéressante! (Rires.) Que, de fait, cela n’intéresse personne! Et tant mieux.
SÉVERINE LECERF. Dans votre répertoire, quelle est votre chanson favorite?
J’ai une tendresse pour « Octobre » car l’automne est une saison que j’aime beaucoup, qui, en général, est assez propice à l’écriture chez moi. En plus, j’ai l’impression d’avoir plutôt bien décrit cette période. Mais sinon, j’aime un bloc de vingt-cinq ou trente chansons, celles qui résistent au temps…
SÉVERINE LECERF. Vos chansons sont-elles autobiographiques?
N’ayant pas beaucoup d’imagination, je parle de ma vie dans mes chansons, c’est sûr. Chaque personne que j’aime a sa chanson. Mes filles ont chacune la leur, mon épouse, ma mère, mon père ont eu leur chanson.
NOUSHIN GREBERT. Y a-t-il des périodes pendant lesquelles vous ne travaillez pas?
Surtout pas quand je dois finir un disque. Je me mets à la tâche tous les jours. C’est une discipline obligatoire. Tu ne peux pas dire : « Je vais me balader, il va m’arriver une idée. » Si tu te balades, tu as zéro idée! (Rires.
LA FISCALITE, LE CANNABIS, LA CORRIDA…
LUCIE CAUBEL. Vous avez été conseiller municipal. Envisagez-vous de refaire de la politique?
Non, mon principe, c’est pas plus de deux mandats! Quand je vois des sénateurs de 85 ans qui ont été maire, député, conseiller… cela me fout en rogne. Il faut que ça se renouvelle. Quand j’ai quitté le conseil après douze ans d’exercice, quelqu’un m’a remplacé avec d’autres idées, une autre jeunesse, une autre passion.
LYDIA DARINI. Si François Hollande vous appelait au gouvernement, y iriez-vous?
Ah non! (Rires.) Parce que j’ai horreur de ces postes de responsabilité où il y a de l’orgueil, de la vanité, du pouvoir.
NOUSHIN GREBERT. Justement, que pensez-vous de l’action de François Hollande et des critiques dont il fait l’objet?
Ah bon, il y a des critiques?… (Rires.) Je les trouve très rapides. Ce gouvernement arrive tout juste, il y a des calages nécessaires. C’est tellement une autre philosophie que la précédente.
THIERRY WACOGNE. Avez-vous voté aux dernières élections?
Je ne rate jamais aucune élection. Mais je ne dis jamais pour qui je vote!
SÉVERINE LECERF. Que pensez-vous de la taxation des gros salaires à 75%? Etes-vous concerné?
Je me plie aux décisions majoritaires. La majorité des Français a décidé d’installer ce gouvernement. Je respecterai donc ses décisions. Je ne sais pas si je suis concerné par les 75%, mais si je le suis, cela ne me gêne pas, je vis suffisamment bien. Et je ne quitterai jamais Astaffort, ni la France, pour des raisons fiscales.
LUCIE CAUBEL. Que pensez-vous de ces débats en cours sur le mariage homosexuel et la dépénalisation du cannabis?
Le mariage homosexuel ne me gêne pas. L’amour entre deux êtres est toujours une bonne nouvelle. Je suis aussi favorable à l’homoparentalité. Sur le cannabis, cela m’est égal. Même si je pense que la dépénalisation permettrait de court-circuiter les mafias parallèles. Et que le cannabis ne me paraît pas beaucoup plus nocif que le pastis. Mais je n’ai jamais fumé…
PIERRE BOUVET. Le Conseil constitutionnel vient de juger les corridas conformes à la loi. Cela vous désole-t-il?
Je déteste la corrida. Cette décision m’attriste. Même si fatalement, un jour, ça va s’arrêter. C’est tellement contre la morale.
Dans Chaque Cœur
Francis Cabrel
2015
Une colline comme il y en a partout
Quelqu’un a porté une croix et des clous
Les gens se pressent et restent là, debout
Une colline comme il y en a partout
Quelqu’un a porté une croix et des clous
Les gens se pressent et restent là, debout
Voilà celui qui prétend parler pour nous
On rit de voir les marques à ses genoux
Dans chaque cœur, il peut faire un froid d’igloo
On se bouscule pour voir l’homme blessé
Ce qu’il murmure avec son regard baissé
C’est de l’amour que j’ai voulu vous laisser
L’amour, l’amour, y en aura jamais assez
Il est partout sous chaque étoffe froissée
Dans chaque épine de ma couronne tressée
Les hommes soudain se sont montrés pressés
On l’a fait marcher vers cette croix dressée
Ses mains qui n’avaient jamais fait qu’embrasser
Ça n’a pris qu’un instant pour les traverser
Je vous laisse à ces quelques larmes versées
Et des siècles et des siècles pour y penser
Les mots glissaient de son visage penché
Dans chaque cœur, il y a un printemps caché
C’est le trésor qu’il vous faudra rechercher
Entre les pierres et sous les herbes séchées
Pour le faire boire, un homme s’est approché
Voilà l’espoir auquel il faut s’accrocher
Une colline comme il y en a partout
Quelqu’un a porté une croix et des clous
Pour le faire boire, un homme s’est approché
Dans chaque cœur, il y a un printemps caché.
Voir également:
Partis Pour Rester
Francis Cabrel
Y’a quelqu’un d’autre dans ta glace
Entre les potions et les crèmes
Tous les petits pots qui s’entassent
Tu vois le temps est passé quand même
On croyait faire du surplace à ça on s’en est donné de la peine
On se dépense, on se démène et même sous les pas d’une reine
La grande aiguille se déplace
On va viser l’éternité
On est tellement bien ici
On va tout faire comme si
On était partis pour rester
Entre les KO du parcours
Les demi-tours, les impasses
Les grandes nuits, les petits jours
Et tout ce qui raye la surface
On tombe chacun à son tour
Entre les griffes du rapace
Le seul remède c’est l’amour
D’ailleurs, c’est pour ça qu’on court
D’un bout à l’autre de l’espace
On va viser l’éternité
On est tellement bien ici
On va tout faire comme si
On était partis pour rester
On est loin d’être lassés
Dans un coin de mes pensées
Une vie à t’enlacer
Mille fois recommencer
Et c’est pour ça qu’on va rester, rester, rester
J’aurais aimé te l’apporter
Sur un beau coussin de dentelle
La niche où se cachent les clefs
De la mécanique éternelle
Mais l’horloge est hors de portée
Et ce n’est pas là l’essentiel
Elle peut continuer de tourner,
Et elle peut tout emporter
Je te trouve chaque jour plus belle
On va viser l’éternité
On est tellement bien ici
On va tout faire comme si
On était partis pour rester
On est loin d’être lassé
Dans un coin de mes pensées
Une vie à t’enlacer
Mille fois recommencer
On va rester, rester, rester
On n’est même pas pressés
Pour tous ceux qu’on a blessés
Qu’on aurait dû embrasser
Autant tout recommencer
On va viser l’éternité
On est tellement bien ici
On va tout faire comme si
On était partis pour rester
La Maison Blanche maintient que la mission était une affaire 100% américaine, et que les généraux de l’armée pakistanaise et ses services secrets n’ont pas été mis au courant de l’assaut à l’avance. C’est faux. (…) En août 2010, un ancien officier des services secrets pakistanais a approché Jonathan Bank, alors chef du bureau de la CIA à l’ambassade américaine d’Islamabad. Il a proposé de dire à la CIA où trouver Ben Laden en échange de la récompense que Washington avait offerte en 2001. Seymour Hersh
Pour moi, l’échec de la guerre est surtout lié à la manière dont nous nous sommes précipitemment retirés d’Irak en 2011 selon un calendrier arbitraire, au lieu de sécuriser nos gains et de garder un levier d’influence. Si nous avions maintenu une force substantielle capable d’influencer le gouvernement irakien, nous aurions pu empêcher les dérives sectaires qui ont mené à l’émergence de l’Etat islamique. Général Barbero