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Tintin au pays des soviets (a war blog from France)
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Droit à l’avortement aux Etats-Unis: Merci qui ? (Guess who hoping to change rules in their favor over constitutional norms that served America well for so many years, ended up ensuring Trump could overturn almost in one stroke 50 years of a silent revolution of our values and lifestyles ?)

25 juin, 2022
États-Unis : qu'est-ce que l'arrêt "Roe v. Wade", qui garantissait le droit à l'avortement avant la décision de la Cour suprême ? | TF1 INFO
Roe V. Wade Destroyed: Political Cartoons - Omar Zackanne testuz 🌍🌏🌎🇺🇦 (@annetestuz) / TwitterTous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Jésus (Matthieu 26: 52)
Ce qui est vraiment stupéfiant, c’est l’hubris qui se reflète dans le Putsch judiciaire d’aujourd’hui. Antonio Scalia (2014)
Vous semblez … considérer les juges comme les arbitres ultimes de toutes les questions constitutionnelles; doctrine très dangereuse en effet, et qui nous placerait sous le despotisme d’une oligarchie. Nos juges sont aussi honnêtes que les autres hommes, et pas plus. Ils ont, avec d’autres, les mêmes passions pour le parti, pour le pouvoir et le privilège de leur corps. Leur maxime est boni judicis est ampliare jurisdictionem [un bon juge élargit sa compétence], et leur pouvoir est d’autant plus dangereux qu’ils détiennent leur fonction à  vie et qu’ils ne sont pas, comme les autres fonctionnaires, responsables devant un corps électoral. La Constitution n’a pas érigé un tribunal unique de ce genre, sachant que, quelles que soient les mains confiées, avec la corruption du temps et du parti, ses membres deviendraient des despotes. Il a plus judicieusement rendu tous les départements co-égaux et co-souverains en eux-mêmes. Thomas Jefferson (lettre à William Charles Jarvis, 28 septembre 1820)
Si le juge avait pu attaquer les lois d’une façon théorique et générale ; s’il avait pu prendre l’initiative et censurer le législateur, il fût entré avec éclat sur la scène politique ; devenu le champion ou l’adversaire d’un parti, il eût appelé toutes les passions qui divisent le pays à prendre part à la lutte. Mais quand le juge attaque une loi dans un débat obscur et sur une application particulière, il dérobe en partie l’importance de l’attaque aux regards du public. Son arrêt n’a pour but que de frapper un intérêt individuel ; la loi ne se trouve blessée que par hasard. Tocqueville
Qu’on y prenne garde, un pouvoir électif qui n’est pas soumis à un pouvoir judiciaire échappe tôt ou tard à tout contrôle ou est détruit. (…) L’extension du pouvoir judiciaire dans le monde politique doit donc être corrélative à l’extension du pouvoir électif. Si ces deux choses ne vont point ensemble, l’État finit par tomber en anarchie ou en servitude. Tocqueville (1835)
J’ai été commis au juge Scalia il y a plus de 20 ans, mais les leçons que j’ai apprises résonnent toujours. Sa philosophie judiciaire est aussi la mienne: un juge doit appliquer la loi telle qu’elle est écrite. Les juges ne sont pas des décideurs politiques, et ils doivent être résolus à mettre de côté toutes les opinions politiques qu’ils pourraient avoir. Amy Coney Barrett
Le traitement par la Cour de l’importante question constitutionnelle soulevée par cette affaire a créé inutilement des conditions qui pourraient conduire à de graves problèmes post-électoraux. La Cour suprême de Pennsylvanie a publié un décret qui modifie complètement une importante disposition législative promulguée par la législature de Pennsylvanie conformément à son autorité en vertu de la Constitution des États-Unis d’établir des règles régissant la conduite des élections pour un poste fédéral. (…) Dans une loi appelée loi 77, le législateur a autorisé tous les électeurs à voter par correspondance, mais a exigé sans ambiguïté que tous les bulletins de vote par correspondance soient reçus avant 20 heures le jour des élections. (…) Il a également précisé que si cette disposition était déclarée invalide, une grande partie du reste de la loi 77, y compris sa libéralisation du vote par correspondance, serait nulle. (…) Le législateur a par la suite précisé que, dans son jugement, la pandémie de COVID-19 n’appelait aucune modification du délai le jour du scrutin. Dans une loi promulguée en mars 2020, le législateur a abordé les problèmes liés aux élections causés par la pandémie, mais il a choisi de ne pas modifier le délai de réception des bulletins de vote par correspondance. (…) Face au délai de la loi 77, la Cour suprême de Pennsylvanie, par quatre voix contre trois, a décrété que les bulletins de vote par correspondance ne devaient pas être reçus avant le jour du scrutin. (…) Au lieu de cela, elle a imposé une règle différente : les bulletins de vote doivent être considérés comme valides s’ils sont oblitérés le jour du scrutin ou avant et sont reçus dans les trois jours qui suivent. (…) En outre, le tribunal a ordonné qu’un bulletin de vote sans cachet de la poste ou illisible soit considéré comme valide s’il est reçu à cette même date. (…) Le tribunal a expressément reconnu que la disposition légale imposant la réception au plus tard le jour du scrutin était sans ambiguïté et que son abrogation de cette règle n’était pas fondée sur une interprétation de la loi. (…) Il a en outre admis que le délai légal était constitutionnel à première vue, mais il a revendiqué un large pouvoir pour faire ce qu’il jugeait nécessaire pour répondre à une ‘catastrophe naturelle’, et il a justifié son décret comme étant nécessaire pour protéger les droits des électeurs en vertu de la clause d’élections libres et égales de la Constitution de l’état. (…) Il y a un mois, le Parti républicain de Pennsylvanie et les dirigeants du Sénat de Pennsylvanie ont demandé à cette Cour de suspendre la décision de la Cour suprême de Pennsylvanie en attendant le dépôt et le règlement d’une requête en certiorari. (…) Ils ont fait valoir que la décision du tribunal de l’état violait les dispositions constitutionnelles précédemment citées, ainsi que la loi fédérale fixant une date uniforme pour les élections fédérales. (…) Mis en cause, le Parti démocrate de Pennsylvanie (DPP), a convenu que la constitutionnalité de la décision de la Cour suprême de l’état était une question d’importance nationale et nous a exhortés à accorder un examen et à trancher la question avant les élections. (…) Au lieu de faire ce que l’une ou l’autre des parties demandait, la Cour a simplement refusé la suspension. Bien qu’il y ait eu quatre votes pour inscrire une suspension, la demande a échoué à un vote également divisé. Maintenant, dans une ultime tentative pour empêcher les élections en Pennsylvanie de se dérouler sous un nuage, on nous a demandé d’accorder une requête pour un mémoire de certiorari, d’accélérer la révision et de trancher la question constitutionnelle avant les élections. Il serait hautement souhaitable de se prononcer sur la constitutionnalité de la décision de la Cour suprême de l’état avant les élections. Cette question a une importance nationale et il est fort probable que la décision de la Cour suprême de l’état viole la Constitution fédérale. Les dispositions de la Constitution fédérale conférant aux législatures des états, et non aux tribunaux des états, le pouvoir d’établir des règles régissant les élections fédérales n’auraient aucun sens si un tribunal d’état pouvait outrepasser les règles adoptées par le législateur simplement en prétendant qu’une disposition constitutionnelle de l’état donne aux tribunaux l’autorité d’établir les règles qu’il juge appropriées pour la conduite d’une élection équitable. (…) Pour ces raisons, la question posée par la décision de la Cour suprême de Pennsylvanie appelle un examen par cette Cour – comme l’ont convenu les partis républicain et démocrate de l’état lorsque le premier a demandé une suspension. Mais je conclus à contrecœur qu’il n’y a tout simplement pas assez de temps à cette date tardive pour trancher la question avant les élections. Justice Samuel Alito (28 octobre, 2020)
Quelques semaines avant une élection nationale, un juge de district fédéral a décrété que la loi du Wisconsin enfreignait la Constitution en obligeant les électeurs absents à retourner leur bulletin de vote au plus tard le jour du scrutin. Le tribunal a rendu sa décision même si plus de 30 états appliquent depuis longtemps la même date limite de vote par procuration – et pour des raisons compréhensibles: les élections doivent se terminer à un moment donné, une seule date limite fournit un avis clair et l’exigence que les bulletins de vote aient lieu le jour du scrutin met tous les électeurs sur le même pied. «Le bon sens, ainsi que le droit constitutionnel, obligent à la conclusion ce gouvernement doit jouer un rôle actif dans la structuration des élections », et les états ont toujours exigé des électeurs« qu’ils agissent en temps opportun s’ils souhaitent exprimer leur point de vue dans l’isoloir ». Burdick v. Taku-shi, 504 US 428, 433, 438 (1992). Pourquoi le tribunal de district a-t-il cherché à saborder une tradition si ancienne dans ce domaine? COVID. En raison de la pandémie actuelle, le tribunal a suggéré qu’il était libre de substituer sa propre date limite électorale à celle de l’état. Peu importe qu’en réponse à la pandémie, la Commission électorale du Wisconsin ait décidé d’envoyer par courrier aux électeurs inscrits une demande de vote par correspondance et une enveloppe de retour au cours de l’été, de sorte que personne n’ait eu à en demander une. Qu’importe que les électeurs soient également libres de rechercher et de renvoyer les bulletins de vote par correspondance depuis septembre. Peu importe que les électeurs puissent renvoyer leurs bulletins de vote non seulement par la poste, mais aussi en les apportant au bureau du greffier du comté ou dans diverses boîtes de dépôt «sans contact» organisé localement ou dans certains bureaux de vote le jour du scrutin. N’oubliez pas que ceux qui ne sont pas en mesure de voter le jour du scrutin ont encore d’autres options dans le Wisconsin, comme voter en personne pendant une période de vote de deux semaines avant le jour du scrutin. Et n’oubliez pas que le tribunal lui-même a trouvé que la pandémie constituait une menace insuffisante pour la santé et la sécurité des électeurs pour justifier la refonte des procédures du vote en personne de l’état. Il est donc incontestable que le Wisconsin a fait des efforts considérables pour accueillir le vote anticipé et répondre à la COVID. Le seul grief possible du tribunal de district est que l’état n’a pas fait assez. Mais à quel moment en a-t-on fait assez ? Si le délai légal de vote par procuration du Wisconsin peut être écarté du fait du statut de l’état en tant que «hotspot» COVID, qu’en est-il des délais identiques dans 30 autres états? Dans quelle mesure un état (ou peut-être une partie de celui-ci) doit-il être un «point chaud» avant que les juges décident d’improviser une nouvelle législation ? Ensuite, il y a la question de savoir ce que devraient être ces nouvelles échéances ad hoc. Le juge dans cette affaire a ajouté 6 jours à la date limite des élections de l’état, mais pourquoi pas 3, 7 ou 10, et qu’est-ce qui empêcherait différents juges de choisir (comme ils le feraient sûrement) des délais différents dans différentes juridictions? Une politique étatique largement partagée cherchant à concrétiser le jour des élections céderait la place à une Babel de décrets. Et comment empêcher les tribunaux de modifier également les règles du vote en personne? Ce juge a refusé d’aller aussi loin, mais les plaignants pensaient qu’il aurait dû le faire, et il n’est pas difficile d’imaginer que d’autres juges acceptent des invitations à élargir les cartes de la circonscription et à décider si les états devraient ajouter des bureaux de vote, réviser leurs horaires, réorganiser les isoloirs en leur sein, ou peut-être même compléter les protocoles existants de distanciation sociale, de lavage des mains et de ventilation. La Constitution dicte une approche différente de ces questions d’où on met la barre. La Constitution stipule que les législatures des états – et non ni les juges fédéraux, ni les juges des états, ni les gouverneurs des états, ni les autres représentants de l’état – portent la responsabilité principale de l’établissement des règles électorales. Art. I, §4, cl. 1. Et la Constitution offre également un deuxième niveau de protection. Si les règles de l’état doivent être révisées, le Congrès est libre de les modifier. Ibid. («Les heures, les lieux et les modalités de tenue des élections des sénateurs et des représentants sont prescrits dans chaque état par la législature de celui-ci; mais le Congrès peut à tout moment par la loi établir ou modifier de tels règlements…»). Rien dans notre document fondateur n’envisage le type d’intervention judiciaire qui a eu lieu en l’espèce, et il n’y a pas non plus de précédent en 230 ans de décisions de cette Cour. Et avec raison. Les législateurs peuvent être tenus responsables par les citoyens des règles qu’ils écrivent ou ne parviennent pas à rédiger; mais généralement, pas les juges. Les législatures élaborent des politiques et mettent en œuvre la sagesse collective de tout le peuple lorsqu’elles le font, tandis que les tribunaux ne rendent le jugement que pour une seule personne ou une poignée d’individus. Les législatures disposent de ressources beaucoup plus importantes pour la recherche et l’établissement des faits sur les questions de science et de sécurité que celles qui peuvent habituellement être réunies dans un litige entre des parties distinctes devant un juge unique. En prenant leurs décisions, les législateurs doivent faire des compromis pour parvenir au large consensus social nécessaire pour promulguer de nouvelles lois, ce qui n’est pas facilement reproductible dans les salles d’audience où généralement une partie doit gagner et l’autre perdre. Bien entendu, les processus démocratiques peuvent s’avérer frustrants. Parce qu’ils ne peuvent pas facilement agir sans un large consensus social, les législatures sont souvent lentes à réagir et tièdes quand elles le font. La clameur pour que les juges interviennent et abordent les problèmes émergents, et la tentation pour les juges individuels de combler le vide de l’inaction perçue peut être grande. Mais ce qui semble parfois être une faute dans la conception constitutionnelle était une caractéristique pour les rédacteurs, un moyen de garantir que tout changement du statu quo ne serait pas fait à la hâte, sans délibération minutieuse, consultation approfondie et consensus social. Nous ne pouvons pas non plus annuler cet arrangement simplement parce que nous pourrions être frustrés. Notre serment de respecter la Constitution est mis à l’épreuve par les temps difficiles, pas par les temps faciles. Et céder à la tentation de contourner les règles constitutionnelles habituelles n’est jamais gratuit. Cela porte atteinte à la foi en la Constitution écrite en tant que loi, au pouvoir du peuple de superviser son propre gouvernement et à l’autorité des législatures, car plus nous assumons leurs devoirs, moins ils sont incités à les remplir. Les modifications de dernière minute des règles électorales de longue date risquent également de générer d’autres problèmes, suscitant la confusion et le chaos et érodant la confiance du public dans les résultats électoraux. Personne ne doute que la tenue d’élections nationales en période de pandémie pose de sérieux défis. Mais rien de tout cela ne signifie que les juges individuels peuvent improviser avec leurs propres règles électorales à la place de celles que les représentants du peuple ont adoptées. Justice Neil Gorsuch (October 26, 2020)
L’avortement ne sera pas interdit aux Etats-Unis. Si « Roe vs Wade » est invalidée, l’avortement sera à nouveau géré par chaque Etat de manière autonome. Comme c’était le cas avant cette décision. Il n’y aura plus une mais cinquante législations différentes sur l’avortement. La procédure restera légale dans des dizaines d’Etats, mais sera restreinte voire prohibée dans d’autres. L’explication de l’embrasement politico-médiatique tient au fait que la question de l’avortement touche à trois sujets sensibles aux Etats-Unis. Le premier est l’interruption de grossesse, proprement dite, avec ses connotations sociales, morales, religieuses, et médicales sur le commencement de la vie. Est-ce que la vie commence à la naissance ? Ou à la conception ? Ou quelque part entre les deux ? Le second sujet est le rôle et le fonctionnement de la Cour Suprême dans les institutions américaines. Troisième branche du pouvoir et ultime arbitre des litiges judiciaires, la Cour Suprême a pris une dimension politique aux cours des dernières décennies du fait de l’influence de ses décisions sur les questions de société. Tant que ces décisions allaient dans le sens souhaité par les Démocrates et la gauche progressiste, cette politisation était bienvenue. Depuis que la direction s’est inversée, cette même gauche conteste la légitimité de la Cour, et sape sans vergogne ce pilier fondamental de la démocratie américaine. Le troisième sujet enfin touche à la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les Etats de l’Union. Les Etats-Unis sont une fédération, où le pouvoir du gouvernement fédéral, limité à l’origine, n’a cessé de s’étendre. Certains, chez les Démocrates et à l’extrême gauche voudraient le voir s’étendre encore plus, quitte à éliminer les particularités qui font des Etats-Unis, une nation à part. (…) Il n’existe pas de loi affirmant la légalité de l’avortement aux Etats-Unis. La question n’a jamais été légiférée. Il n’y a jamais eu de débat parlementaire. Il n’y a jamais eu de vote des élus. Pour la bonne raison que le résultat aurait été négatif. En 2009 le Congrès voulut profiter du vent de libéralisme social suscité par l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche pour faire voter une loi légalisant l’avortement. Elle fut rejetée en première lecture… Dès la diffusion du scoop de Politico, le Sénat a organisé un nouveau vote sur un futur texte de loi, légalisant l’avortement. Ce texte a été rejeté à 51 voix contre 49, alors qu’il avait besoin d’une majorité qualifiée de 60 voix pour avancer. Les Démocrates n’ont même pas fait le plein de leurs propres voix. Il n’y a donc, aux Etats-Unis, aucun équivalent à la loi Weil de 1975 sur l’Interruption Volontaire de Grossesse en France ; loi votée après un long débat parlementaire et devenue un acquis de la Ve République ! Aux Etats-Unis cette question a traditionnellement été laissée à la discrétion de chaque Etat. Jusque dans les années 1960 elle était d’ailleurs peu débattue. (…) Dans les années 1960, les bouleversements culturels et sociaux, en particulier l’intégration des femmes dans la vie active et la diffusion de la pilule contraceptive, à partir de 1962, ont engendré une révolution des mœurs et contribué aux demandes des mouvements féministes bourgeonnants pour l’émancipation des femmes et en particulier pour une libération de ce qu’elles appelaient la « servitude reproductive ». (…) A l’époque, trente Etats américains interdisaient l’avortement et seize l’autorisaient avec des restrictions. Seuls quatre Etats l’autorisaient largement: l’Alaska, Hawaïi, New York et Washington. En 1965, dans l’affaire Griswold v Connecticut, la Cour Suprême avait reconnu l’existence d’un « droit à la vie privée » protégeant la vie maritale des Américains. Le Connecticut, riche Etat de Nouvelle Angleterre, interdisait alors la vente de contraceptifs. Un couple marié demandait la levée de cette interdiction parce qu’elle constituait, selon leurs avocats, une ingérence inacceptable du gouvernement dans la « vie privée » des Américains. Les juges avaient approuvé ce raisonnement à sept contre deux. Toutefois ce « droit à la vie privée » n’est aucunement stipulé dans la Constitution américaine, ni dans ses articles, ni dans les dix amendements qui constituent la « Charte des Droits » (Bill of Rights), ni dans les amendements qui ont suivi. Aussi les juges suprêmes de l’époque ont-ils opiné que ce droit était garanti de manière « implicite » parce qu’il rentre dans le cadre des libertés individuelles protégées par la Constitution. C’est dans « la pénombre et les émanations » (sic) du texte constitutionnel que les juges d’alors ont trouvé la justification du droit à la vie privée… Même si la fragilité du raisonnement fut soulignée alors, la décision allait dans l’air du temps et chacun reconnaissait que l’Etat n’avait pas à fourrer son nez dans la « chambre de couples mariés ». La décision Griswold v Connecticut annonçait celle qui allait suivre. Si le gouvernement ne pouvait dicter leur conduite sexuelle aux couples mariés, il ne pouvait pas non plus la dicter aux personnes célibataires, tout le monde étant égal devant la loi, et ne pouvait pas non plus interdire à une femme d’interrompre une grossesse. Cette conclusion logique fut atteinte six ans plus tard, le 22 janvier 1973 par la fameuse décision « Roe vs Wade ». Jane Roe était le pseudonyme d’une femme attaquant l’Etat du Texas pour le droit d’avorter. Wade était le nom du procureur de Dallas où la plainte avait été déposée. D’appel en appel le dossier parvint jusqu’à la Cour Suprême qui après de longs mois de débats vota en faveur du plaignant à sept voix contre deux. Les juges suprêmes réaffirmèrent alors l’existence du fameux droit à la vie privée, basé plus particulièrement sur le XIVe amendement, garantissant, entre autres, à tous les citoyens américains l’égalité devant la loi. Leur décision équivalait à une légalisation de l’avortement sur l’ensemble du territoire fédéral. La date devint historique. Byron White, l’un des deux juges à rejeter cette décision écrivit alors qu’elle constituait un « abus brutal du pouvoir judiciaire. » La force de cette décision était qu’elle s’appliquait au niveau fédéral. Elle avait force de loi, prenant le pas sur les législations particulières de chacun des cinquante Etats. La faiblesse de cette décision était qu’elle se basait sur une interprétation contestable de la Constitution. D’ailleurs elle n’a cessé d’être contestée depuis. Gérald Olivier
Les Etats-Unis de 1973 comptaient de nombreux Etats conservateurs, marqués par la morale religieuse et le patriarcat. Pour ces Américains-là, la légalisation de l’avortement constituait une révolution culturelle aussi inattendue qu’inacceptable. Quelques leaders religieux, dont le révérend Jerry Falwell, pionnier parmi les télé-évangélistes conservateurs, comprirent l’énorme force politique que constituaient les chrétiens évangéliques, soudés par leur opposition à l’avortement. Ils décidèrent de mettre cette force au service du parti républicain en échange d’un engagement de ses élus à se battre pour invalider Roe v Wade, entre autres façons par la nomination de juges conservateurs à la Cour Suprême. Du jour au lendemain des personnalités politiques qui ne s’étaient pas jusqu’alors engagées dans le débat sur l’avortement prenaient des positions publiques tranchées, et se déclaraient « pro-life » pour se concilier le vote évangélique. Le plus proéminent d’entre eux fut Ronald Reagan. En 1967 alors gouverneur de la Californie, Reagan avait signé une loi légalisant l’avortement, mais à partir de 1978, en tant que candidat à la Maison Blanche, il se déclarait partisan du « caractère sacré de la vie ». Idem plus récemment pour Donald Trump. L’ancien playboy new yorkais, qui avait longtemps fait profession foi de sa tolérance et de son progressisme en la matière, reconnaissant le droit d’une femme à « choisir », se mua en partisan virulent du droit à la vie lors de sa campagne présidentielle de 2016. En 2018, devenu président, il s’adressa, depuis les jardins de la Maison Blanche, aux manifestants qui participent tous les ans, le 22 janvier, à une marche de protestation sur la capitale fédérale Washington D.C. pour commémorer la funeste décision de 1973, et leur déclara qu’il défendrait toujours le premier droit garanti par la Constitution, le « droit à la vie »… Face à ces engagements, les forces pro-avortement se sont mobilisées pour défendre et conforter ce droit jugé fondamental. Les nominations de juges à la cour Suprême sont devenues l’enjeu de batailles féroces qui n’ont fait que s’envenimer avec le temps. La première bataille eut lieu en 1987 quand le président Reagan y présenta la candidature du juge Robert Bork. Bork était un haut magistrat reconnu et expérimenté, professeur à l’université de Yale, qui ne cachait pas son désaccord avec nombres de décisions antérieures de la Cour suprême, dont « Roe vs Wade », conséquences pour lui d’une lecture extrapolative de la Constitution. Sa nomination, médiatisée comme aucune autre jusqu’alors, fut torpillée par le Sénat, à l’incitation de Ted Kennedy, le benjamin des trois frères, alors sénateur du Massachusetts, et du président de la Commission judiciaire, un certain Joe Biden. Bork dénonça « un arbitraire et des mensonges grossiers », mais rien n’y fit. Les Démocrates étaient alors majoritaires au Congrès et il n’était pas question qu’ils admettent à la Cour Suprême, un juge anti-avortement. Bork fut rejeté. A sa place, Reagan nomma Anthony Kennedy, un centriste, acquis au maintien de Roe v Wade. La seconde bataille se déroula en 1991 avec la nomination du juge Clarence Thomas par George Bush père. Thomas, un Noir conservateur, opposé à l’avortement, fut immédiatement attaqué, non pas sur sa philosophie judiciaire, mais sur sa personne et son passé. Les Démocrates mirent en avant une ancienne stagiaire, Anita Hill, qui l’accusa de harcèlement sexuel. L’homme orchestrant ces accusations fut à nouveau le président de la Commission judiciaire du Sénat, Joe Biden. Une enquête du FBI jugea les accusations de Hill « infondées ». Néanmoins elle fut invitée à témoigner lors des audiences de confirmation qui s’étalèrent sur près de deux mois, une durée sans précédent ! Clarence Thomas compara la procédure à une « honte nationale » et un « lynchage médiatique » destiné à « détruire sa réputation » et intimider « tous les Noirs qui oseraient ne pas suivre l’ordre établi et penser par eux-mêmes ». Il fut finalement confirmé par un vote de 52 voix contre 48 au Sénat. Quarante-six sénateurs démocrates sur cinquante-sept votèrent contre lui. Cette bataille fut un prélude à une autre bataille encore plus brutale engagée toujours par les mêmes Démocrates, cette fois contre le juge Brett Kavanaugh en 2018. Kavanaugh était le second juge nommé par Donald Trump, sa nomination pouvait donner à la Cour une majorité conservatrice susceptible d’invalider Roe v Wade. Les démocrates étaient donc prêts à tout pour faire dérailler sa nomination. D’autant que le climat politique était alors particulièrement tendu. 2016, la dernière année du mandat présidentiel de Barack Obama s’était ouverte avec une cour comprenant quatre juges progressistes (Ruth Bader Ginzburg et Stephen Breyer, nommés par Bill Clinton, Sonya Sotomayor et Elena Kagan, nommées par Barack Obama) trois juges conservateurs (Antonin Scalia, nommé par Ronald Reagan, Clarence Thomas, nommé par George Bush père et Samuel Alito, nommé par George W. Bush), ainsi que deux juges centristes, nommés par deux présidents républicains mais rejoignant très souvent les positions des quatre juges progressistes, (Anthony Kennedy, nommé par Reagan et John Roberts, le président de la Cour, nommé par George W. Bush). Les progressistes avaient donc la majorité au sein de la cour, mais cette majorité était fragile. Un simple ralliement de Kennedy et Roberts au camp conservateur pouvait donner à celui-ci une majorité de cinq voix contre quatre. La nomination de deux nouveaux juges conservateurs pouvait aussi inverser le rapport de force. En février 2016 Antonin Scalia, le plus conservateur des neuf juges, décéda subitement. Barack Obama s’empressa de proposer pour lui succéder le juge Merrick Garland (aujourd’hui ministre de la Justice du président Biden). C’était l’occasion de consolider la majorité de gauche à la Cour Suprême ! Mais le Sénat, contrôlé par le parti républicain, parvint à repousser les audiences de confirmation jusqu’après l’élection présidentielle de novembre. Garland n’eut jamais l’occasion de défendre sa nomination. La manœuvre fit grincer des dents et valut à son auteur, Mitch Mc Connell, chef de file des Républicains du Sénat, une très mauvaise presse. Mais les Démocrates étaient alors persuadés que Hillary Clinton serait élue présidente en novembre 2016. Elle pourrait nommer Garland ou un autre juge tout aussi progressiste et les Républicains seraient alors obligés de confirmer sa nomination. Ce n’est pas ce qui se produisit ! Le 8 novembre 2016, le candidat républicain Donald Trump fut élu de justesse, créant ainsi la plus grosse surprise électorale de l’histoire présidentielle américaine. Et remportant le droit de nommer le juge de son choix pour succéder à Antonin Scalia. Ce fut Neil Gorsuch. Sa nomination ne changea pas l’équilibre de la Cour. Scalia, le sortant était conservateur, Gorsuch l’entrant l’était aussi. Deux ans plus tard en 2018 le juge Anthony Kennedy, âgé de 82 ans, prit sa retraite, offrant à Donald Trump la possibilité de nommer un deuxième juge à la Cour. Ce fut Brett Kavanaugh. Dans le contexte polarisé de la présidence Trump, les audiences de confirmation de Brett Kavannaugh dégénérèrent dans un chaos sans précédent. (…) Elle ne parvint cependant pas à faire dérailler la nomination de Kavanaugh. La Cour Suprême avait désormais une majorité conservatrice. Et pour rajouter encore à la déconvenue des Démocrates, Ruth Bader Ginzburg, âgée de 87 ans, souffrant d’un cancer depuis des années et qui ne siégeait plus à la Cour que par intermittence à cause de séjours répétés en hôpital, décéda à son tour quelques mois avant la fin du mandat de Donald Trump. La juge la plus à gauche, véritable pilier de l’idéologie progressiste laissait son siège vacant et offrait au président Trump le privilège rare de nommer un troisième juge à la Cour en un seul mandat ! Celui-ci s’empressait de désigner Amy Coney Barrett et le Sénat, toujours contrôlé par les Républicains, s’empressait de confirmer sa nomination. Cette fois la cause était entendue. Le camp progressiste au sein de la Cour Suprême est réduit à trois juges : Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Stephen Breyer (qui sera bientôt remplacé par Katanji Brown Jackson, tout récemment nommée par le président Biden et déjà confirmée). Le camp conservateur en compte cinq : Clarence Thomas, Samuel Alito, Neil Gorsuch, Brett Kavannaugh et Amy Coney Barret). Quatre d’entre eux ont moins de soixante ans et devraient siéger pour des décennies. Le président de la Cour reste le juge John Roberts. Son vote, imprévisible, peut renforcer la majorité conservatrice, à six voix contre trois, ou la réduire à cinq voix contre quatre. Mais cette majorité conservatrice est solidement ancrée. Les Démocrates ont perdu la bataille de la Cour Suprême. Sans surprise, leur stratégie a donc radicalement évolué à son égard. Ils suggèrent désormais de porter le nombre de ses juges à quinze. Cela s’appelle en anglais le « Court Packing ». Autoriser le président, démocrate bien sûr, à nommer d’un coup six juges, pour rendre au camp progressiste le contrôle des débats. Pour y parvenir les Démocrates ont besoin d’une majorité qualifiée de 60 voix au Sénat. Ils en sont loin. La manœuvre est donc purement symbolique. Ce qui enrage et angoisse les Démocrates. Car la question de l’avortement n’est pas la seule question devant la Cour Suprême. D’autres questions de société peuvent lui être soumises. Leur hantise est de voir les acquis récents – qui ne sont qu’un échafaudage de déconstruction sociétale sans précédent – dont la reconnaissance du mariage homosexuel, de l’agenda LGBT et des droits des immigrants clandestins, à leur tour, battus en brèche. Derrière la question de l’avortement, il y a de vrais enjeux de société aux Etats-Unis. Enjeux pour lesquels la Cour Suprême aura un rôle légitime à jouer. L’annulation de Roe v Wade serait le premier signe de la fin des dérives engagées depuis un demi-siècle et l’amorce d’un retour de balancier, espéré et attendu depuis des décennies par la fameuse majorité silencieuse. Gérald Olivier
La thèse d’Inglehart sur la révolution silencieuse se concentre sur le changement de valeur sur le pôle gauche du spectre politique, en omettant la droite. Dans plusieurs de ses publications, Ronald Inglehart soutient qu’une nouvelle dimension matérialiste/postmatérialiste façonne les attitudes politiques en Occident et au Japon. L’émergence d’un nouvel ensemble de valeurs qui met l’accent sur des valeurs non matérialistes (telles que la liberté, la participation, la réalisation de soi) a donné naissance à la Nouvelle Politique. Pour Inglehart, ce changement du système de valeurs vers une augmentation régulière et progressive du postmatérialisme affecte les préférences partisanes. En particulier, les postmatérialistes penchent massivement en faveur des partis de gauche. En d’autres termes, le changement de valeur a produit de nouveaux alignements politiques et de nouveaux mouvements politiques sur le côté gauche du spectre politique. (…) L’incohérence de la thèse d’Inglehart avec la montée des partis d’extrême droite est encore plus déconcertante. Pourquoi, à une époque de montée du postmatérialisme et de croissance économique, trouvons-nous un nombre croissant d’électeurs de droite ? Et pourquoi l’affirmation de la nouvelle politique n’a-t-elle pas réduit l’espace de l’extrême droite ? Notre hypothèse est que, parallèlement à la diffusion du postmatérialisme, dans les pays occidentaux dans les années 1980, un climat culturel et politique différent, partiellement stimulé par la même « Nouvelle politique », a également pris racine. Ce changement de croyances et d’attitudes s’est partiellement exprimé dans le soi-disant néoconservatisme (et a été partiellement interprété par les partis conservateurs). Mais, dans une large mesure, il est resté souterrain jusqu’à la montée récente des PED. Un tel creuset souterrain d’attitudes et de sentiments comprend l’émergence de nouvelles priorités et questions non traitées par les partis établis, une désillusion à l’égard des partis en général, un manque croissant de confiance dans le système politique et ses institutions, et un pessimisme général quant à l’avenir. En un sens, on pourrait dire que les Verts et les PED sont respectivement les enfants légitimes et les enfants indésirables de la Nouvelle Politique ; comme les Verts sortent de la révolution silencieuse, les PED dérivent d’une réaction à celle-ci, une sorte de « contre-révolution silencieuse ».  Piero Ignazi (1992)
Aujourd’hui, la notion de genre est très attaquée, notamment lorsqu’elle est déployée en milieu scolaire. La rhétorique de l’extrême droite est que les associations procéderaient à du lavage de cerveau envers les jeunes. Et le résultat de ce discours nourri de transphobie, c’est qu’on a 89 députés du RN. Matthieu Gatipon (collectif LGBT)
Des centres LGBT se font attaquer, des personnes LGBT se font agresser tous les jours. On aimerait un peu plus de soutien du gouvernement, qui se dit notre allié mais ne fait pas grand-chose. Elisa Koubi (collectif LGBT)
C’est une décision juridique. C’est juste un renvoi de la décision au peuple. Paul Reen (Republicans in France)
Trump brought about the end of Roe. That is something every prior Republican decidedly couldn’t do or refused to do… One relevant question is whether a different Republican nominee would have yielded as good results, Supreme Court-wise, in 2016 through 2020 as Trump did (…) maybe it took Trump’s unique appeal to the working-class voter in order to carry Michigan, Pennsylvania, and Wisconsin in 2016. Also, once in office, perhaps it took Trump’s unique disdain for the liberal media to place three conservatives on the high court. When the Washington Post and Democratic senators rallied relentlessly behind uncorroborated sexual assault allegations against Brett Kavanaugh, would another Republican president have caved? When the media and Democrats decided that it was somehow foul play to replace Justice Ruth Bader Ginsburg a month before the election in 2020, would another Republican have gone along with that argument? Timothy P. Carney
For the reasons Alito lays out, I believe that Roe was a terribly misguided decision, and that a wiser course would have been for the issue of abortion to have been given a democratic outlet, allowing even the losers “the satisfaction of a fair hearing and an honest fight,” in the words of the late Justice Antonin Scalia. Instead, for nearly half a century, Roe has been the law of the land. But even those who would welcome its undoing should acknowledge that its reversal could convulse the nation. If we are going to debate abortion in every state, given how fractured and angry America is today, we need caution and epistemic humility to guide our approach. We can start by acknowledging the inescapable ambiguities in this staggeringly complicated moral question. No matter one’s position on abortion, each of us should recognize that those who hold views different from our own have some valid points, and that the positions we embrace raise complicated issues. That realization alone should lead us to engage in this debate with a little more tolerance and a bit less certitude. (…) For example, about half of all fertilized eggs are aborted spontaneously—that is, result in miscarriage—usually before the woman knows she is pregnant. Focus on the Family, an influential Christian ministry, is emphatic: “Human life begins at fertilization.” Does this mean that when a fertilized egg is spontaneously aborted, it is comparable—biologically, morally, ethically, or in any other way—to when a 2-year-old child dies? If not, why not? (…) The pro-choice side, for its part, seldom focuses on late-term abortions. Let’s grant that late-term abortions are very rare. But the question remains: Is there any point during gestation when pro-choice advocates would say “slow down” or “stop”—and if so, on what grounds? Or do they believe, in principle, that aborting a child up to the point of delivery is a defensible and justifiable act; that an abortion procedure is, ethically speaking, the same as removing an appendix? If not, are those who are pro-choice willing to say, as do most Americans, that the procedure gets more ethically problematic the further along in a pregnancy? (…) At the same time, even if one believes that the moral needle ought to lean in the direction of protecting the unborn from abortion, that doesn’t mean one should be indifferent to the enormous burden on the woman who is carrying the child and seeks an abortion, including women who discover that their unborn child has severe birth defects. Nor does it mean that all of us who are disturbed by abortion believe it is the equivalent of killing a child after birth. In this respect, my view is similar to that of some Jewish authorities, who hold that until delivery, a fetus is considered a part of the mother’s body, although it does possess certain characteristics of a person and has value. But an early-term abortion is not equivalent to killing a young child. (…) with abortion, we’re dealing with an awesome mystery and insoluble empirical questions. Which means that rather than hurling invective at one another and caricaturing those with whom we disagree, we should try to understand their views, acknowledge our limitations, and even show a touch of grace and empathy. In this nation, riven and pulsating with hate, that’s not the direction the debate is most likely to take. But that doesn’t excuse us from trying. Peter Wehner
Ce qui peut vivre par la Cour, peut mourir par la Cour. (…) C’est une très bonne nouvelle, car il ne s’agit pas d’interdire l’avortement, mais de renvoyer l’un des sujets les plus sérieux qui soit vers le corps politique. La politique doit venir en premier, le droit en second. Les juges ne peuvent se substituer au débat démocratique. Nous devons redevenir une nation politique, surmonter nos désaccords profonds par la conversation, même quand elle est extrêmement difficile, au lieu d’abandonner les décisions aux juges ou aux experts. Tout le monde avait conclu que la gauche avait gagné la bataille culturelle. Cette dernière imaginait qu’elle pouvait considérer ceux qui résistaient comme “des accidents historiques” à ignorer, mais cette décision de la Cour, qui résulte de la contre-offensive menée sous Trump, montre que c’est plus compliqué. Je doute qu’un seul État aille vers une interdiction totale. Les changements sociétaux qui se produisent à gauche, notamment dans le mouvement woke, visent à repousser ou ignorer la nature et ses limites. L’attaque contre “Roe vs Wade”, en retour, veut rappeler que la nature existe, et que les bébés, à l’intérieur du corps de la femme, sont réels. Avec le progrès technologique, il est devenu impossible d’ignorer leur souffrance, elle doit faire partie de l’équation au même titre que la souffrance des femmes. Joshua Mitchell (Georgetown)
En annulant la célèbre décision « Roe vs Wade » de 1973 qui instaurait un droit fédéral à l’avortement, et en renvoyant aux États le pouvoir de trancher sur cette question douloureuse, les juges de la Cour suprême américaine de 2022, ont pris, par 6 voix contre 3, une décision historique. Opposant ceux qui se réjouissent d’une «victoire de la vie» à ceux qui veulent défendre la liberté des femmes de «contrôler leur corps», elle va déchirer l’Amérique et constituera un sujet central de la bataille des élections de mi-mandat. Dans un contexte de quasi-guerre civile politique, cela dessine un terrain glissant et dangereux, dont la tentative d’attentat contre le juge conservateur Brett Kavanaugh qui a suivi le vote, illustre le caractère explosif. Mais présenter la décision de la Cour suprême comme « un retour au Moyen Âge » ou une « talibanisation » des États-Unis, comme on le martèle depuis quelques jours, apparaît comme une véritable caricature, très idéologique. Évacuant la question morale, malgré toutes les découvertes scientifiques sur la vie intra-utérine du fœtus, cette lecture des événements nie toute légitimité à ceux qui n’ont jamais cessé de défendre le droit sacré à la vie, ou veulent – c’est la majorité du camp conservateur – imposer des limites de temps plus strictes, au droit d’avorter, aujourd’hui beaucoup plus permissif aux États-Unis qu’en Europe. Faudrait-il faire comme s’ils n’existaient pas et ne voir le sujet que sous l’angle des féministes, qui a bien sûr sa légitimité? Ou accepter de débattre? À bien y regarder, cette décision n’est pas étonnante. Contrairement aux Français, qui ont accepté collectivement le droit à l’avortement à la faveur d’un vote démocratique, les Américains, court-circuités par les juges, ne sont jamais parvenus à un consensus. Pays fédéral toujours très chrétien, les États-Unis restent en réalité très partagés sur l’avortement, même si une majorité de 60 % est aujourd’hui favorable à ce droit, les désaccords portant surtout sur son encadrement. Loin de refléter l’approbation de la majorité de la population, la décision «Roe vs Wade» avait été imposée par le haut au pays en 1973 par une Cour suprême progressiste, évacuant du débat la moitié conservatrice du pays. La décision de vendredi dernier ressemble de ce point de vue à un effet boomerang. Comme le note le professeur de philosophie politique Joshua Mitchell, de l’université de Georgetown, «ce qui peut vivre par la Cour, peut mourir par la Cour». Autrement dit, les juges américains s’étaient substitués à la délibération démocratique. Aujourd’hui, ils ne vont pas jusque-là, mais exigent un retour du dossier vers les États, revendication constante des conservateurs. Reflétant ce point de vue, le professeur Mitchell, favorable au droit à l’avortement des femmes dans «des limites raisonnables» de 12 semaines, parle d’une «très bonne nouvelle, car il ne s’agit pas d’interdire l’avortement, mais de renvoyer l’un des sujets les plus sérieux qui soit vers le corps politique». «La politique doit venir en premier, le droit en second. Les juges ne peuvent se substituer au débat démocratique. Nous devons redevenir une nation politique, surmonter nos désaccords profonds par la conversation, même quand elle est extrêmement difficile, au lieu d’abandonner les décisions aux juges ou aux experts», insiste-t-il. «Tout le monde avait conclu que la gauche avait gagné la bataille culturelle. Cette dernière imaginait qu’elle pouvait considérer ceux qui résistaient comme “des accidents historiques” à ignorer, mais cette décision de la Cour, qui résulte de la contre-offensive menée sous Trump, montre que c’est plus compliqué», analyse Mitchell. Le camp libéral, consterné, s’en inquiète, soulignant, non sans raison, qu’il existe un groupe substantiel d’ «intégralistes conservateurs» qui rêverait d’absolutiser le dossier, et d’interdire tout de go l’avortement, même en cas d’inceste ou de viol. Mais présenter ce camp comme majoritaire brouille la réalité des humeurs de la majorité des républicains, favorables à l’avortement, mais avec une interdiction au-delà de 12 ou 15 semaines. (..) La décision «Roe vs Wade» a en effet permis de pratiquer des avortements, pratiquement jusqu’à la naissance, dans de nombreux États. «Les changements sociétaux qui se produisent à gauche, notamment dans le mouvement woke, visent à repousser ou ignorer la nature et ses limites. L’attaque contre “Roe vs Wade”, en retour, veut rappeler que la nature existe, et que les bébés, à l’intérieur du corps de la femme, sont réels. Avec le progrès technologique, il est devenu impossible d’ignorer leur souffrance, elle doit faire partie de l’équation au même titre que la souffrance des femmes», note Mitchell. Des dizaines de millions d’avortements ont été réalisés aux États-Unis depuis 1973. Laure Mandeville
La gauche supposait qu’après 2016, Hillary Clinton, en tant que présidente, nommerait trois ou quatre autres juges militants au cours de son mandat de huit ans presque garanti. Mais l’impensable s’est produit avec l’étonnante élection de Donald Trump en 2016. Trump a maintenant nommé trois juges traditionalistes (et relativement jeunes) à des postes à vie à la Cour suprême. Ironiquement, il a été habilité à le faire après que le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a modifié les règles du Sénat en 2013, réduisant le seuil d’approbation des candidats à l’exécutif et à la magistrature de 60 voix à 51 voix. Reid a pris à tort pour acquis que les Démocrates contrôleraient le Sénat pendant la prochaine décennie dans le cadre d’un continuum Obama-Clinton de 16 ans. Reid souhaitait s’assurer que la minorité républicaine au Sénat n’aurait pas la possibilité d’entraver la nomination de candidats progressistes jusqu’en 2024 au moins. Au lieu de cela, Reid a permis à Trump et à un Sénat contrôlé par les Républicains de nommer des juges conservateurs à volonté selon les nouvelles règles. Victor Davis Hanson
La contre-révolution silencieuse contre-attaque !

Après l’aussi cinglante qu’inattendue remise à sa place …

Aussi bien au niveau extérieur avec l’Ukraine …

Qu’intérieur avec le retour en force d’un parlement depuis cinq ans réduit à faire de la figuration…

D’un président français qui après son casse de 2017 était présenté comme le coup d’arrêt progressiste à la vague de populisme qui traverse l’Occident depuis quelques années …

Et au lendemain d’une décision historique de la Cour suprême américaine …

Qui voit nos médias bien-pensants nous bassiner du matin au soir …

Avec une prétendue « révocation du droit à l’avortement » …

Pour non une privation comme ils le clament …

Mais en fait derrière un désaccord qui porte pour l’essentiel sur la question de l’encadrement …

A savoir des limites de temps plus strictes pour une pratique en fait beaucoup plus permissive qu’en Europe …

Un retour des droits à chaque Etat de l’Union …

En cette journée après un mois de propagande intensive ..

Où entre campagne d’affichage de notre Ministère de la santé et appels à étendre l’actuel lavage de cerveau jusque dans les écoles de nos enfants …

Le lobby homosexuel va reprendre comme chaque année et dans de plus en plus de pays ses provocations dans nos rues …

Devinez qui, contre le respect des normes constitutionnelles et des traditions de longue date qui ont bien servi l’Amérique pendant de si nombreuses années …

Espérant avec Hillary Clinton changer les règles qu’ils estimaient gênantes …
A fini en fait ironie de l’histoire …
Par permettre à Trump et à un Sénat contrôlé par les Républicains…
Via la nomination, avec seulement une majorité de 50 sénateurs et non plus 60, de juges conservateurs relativement jeunes …
 De clore une longue parenthèse de révolution silencieuse …
Qui depuis les années 60 aux Etats-Unis …
Avait grâce à la même Cour suprême en ce temps-là ouvertement militante …
D’un putsch judiciaire à un autre …
Et de l’avortement à présent jusqu’à quasiment la naissance à l’aberration du mariage homosexuel…
Sans compter, il y a deux ans sous prétexte d’épidémie, l’avalisation d’une élection manifestement dévoyée …
Cru révolutionner pour toujours …
Nos modes de vies et nos moeurs  ?

2020 election is not really about a choice between Trump vs. Biden

Victor Davis Hanson

Fox News

November 3, 2020

In traditional presidential campaigns, the two major parties offer contrasting ideas and policies. The Democratic and Republican candidates barnstorm the nation to make their cases.

Not this year.

Democratic nominee Joe Biden is more or less a virtual candidate, mostly communicating from home via Zoom. He offers few detailed alternatives to the first four years of the Trump administration.

Instead, Biden is running on the idea that Donald Trump caused the COVID-19 pandemic and the resulting economic recession, and that he’s responsible for violence in the streets.

But Biden rarely offers contrasting visions of what he would have done differently than the Trump administration — or, for that matter, major European countries that are now in worse economic shape and fighting another coronavirus spike.

Even in the final days of the race, Biden is making far fewer campaign appearances than Trump. The challenger is outsourcing to the media his defense against allegations that the Biden family has peddled influence to foreign interests for millions of dollars that were routed into family coffers.

An inert Biden is playing the role of good ol’ Joe from Scranton, while his supporters hope not to just to change presidency, but to alter the very rules of how America has been governed for decades and even centuries.

Not long ago, the left favored the Electoral College. California, New York and Illinois gave Democrats more than 100 automatic Electoral College votes.

The left bragged that their “Blue Wall” lock on solidly Democratic, union-heavy Midwestern states had ensured Barack Obama two presidential terms — and in 2016 would guarantee Hillary Clinton the presidency as well.

But in 2016, the Blue wall crumbled — perhaps permanently.

Now, furious progressives plan to end the constitutionally mandated Electoral College by hook or crook. They feel it is no longer serves their election purposes.

Ditto the traditional structure of the Supreme Court. For nearly 60 years, a left-leaning Supreme Court revolutionized American cultural and political life with progressive decisions. The majority on the court advanced liberal agendas that often found little support in referenda, state legislatures and Congress.

Even Republican-appointed judges often flipped from conservative to liberal in the progressive culture of Washington. Once strict constructionist justices such as Harry Blackmun, William Brennan, Lewis F. Powell Jr., David Souter, John Paul Stevens, Potter Stewart and Earl Warren all became activists, delighting the left. Almost no Democratic-appointed justices turned traditional and conservative.

The Supreme Court includes two of Barack Obama’s liberal nominees, Sonia Sotomayor and Elena Kagan. The left assumed that after 2016, Hillary Clinton as president would appoint three or four more activist justices over her almost guaranteed eight-year tenure.

But then the unthinkable happened with the stunning 2016 election of Donald Trump.

Trump now has appointed three traditionalist (and relatively young) justices to lifetime spots on the Supreme Court. Ironically, he was empowered to so after Democratic Senate Majority Leader Harry Reid changed the Senate rules in 2013, reducing the threshold for approval of executive and judicial nominees from 60 votes to 51 votes.

Reid wrongly took for granted that Democrats would control the Senate for the next decade as part of an Obama-Clinton 16-year continuum. Reid wished to ensure that the Republican Senate minority would have no ability to obstruct the appointment of progressive nominees until at least 2024.

Instead, Reid ensured that Trump and a Republican-controlled Senate could appoint conservative judges at will under the new rules.

If elected president, Joe Biden would likely “pack” the Supreme Court with additional slots. That enlargement would ensure new activist left-wing justices.

In other words, the 151-year tradition of a Supreme Court with nine justices would end.

The left also wants to pack the Senate — and change the rules. Puerto Rico and Washington, D.C., would become new states. Their admission would end the tradition of 50-state America and would likely mean another four Democratic senators.

A Biden presidency and Democratic-controlled Senate would also quickly kill off what is left of the filibuster. Democrats wish to ensure that a surviving Republican minority could not impede progressive agendas in the same manner that the Democratic minority has stopped Republican legislation in recent years.

In sum, the 2020 election is not just about Joe Biden sitting on a perceived lead and trying to run out the clock against barnstorming incumbent President Trump.

It is really a choice between changing rules when they are deemed inconvenient and respecting constitutional norms and long-held traditions that have served America well for many years.

Voir aussi:

There’s a Better Way to Debate Abortion
Caution and epistemic humility can guide our approach.
Peter Wehner
The Atlantic
May 17, 2022

If Justice Samuel Alito’s draft majority opinion in Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization becomes law, we will enter a post–Roe v. Wade world in which the laws governing abortion will be legislatively decided in 50 states.

In the short term, at least, the abortion debate will become even more inflamed than it has been. Overturning Roe, after all, would be a profound change not just in the law but in many people’s lives, shattering the assumption of millions of Americans that they have a constitutional right to an abortion.

This doesn’t mean Roe was correct. For the reasons Alito lays out, I believe that Roe was a terribly misguided decision, and that a wiser course would have been for the issue of abortion to have been given a democratic outlet, allowing even the losers “the satisfaction of a fair hearing and an honest fight,” in the words of the late Justice Antonin Scalia. Instead, for nearly half a century, Roe has been the law of the land. But even those who would welcome its undoing should acknowledge that its reversal could convulse the nation.

If we are going to debate abortion in every state, given how fractured and angry America is today, we need caution and epistemic humility to guide our approach.

We can start by acknowledging the inescapable ambiguities in this staggeringly complicated moral question. No matter one’s position on abortion, each of us should recognize that those who hold views different from our own have some valid points, and that the positions we embrace raise complicated issues. That realization alone should lead us to engage in this debate with a little more tolerance and a bit less certitude.

Many of those on the pro-life side exhibit a gap between the rhetoric they employ and the conclusions they actually seem to draw. In the 1990s, I had an exchange, via fax, with a pro-life thinker. During our dialogue, I pressed him on what he believed, morally speaking, should be the legal penalty for a woman who has an abortion and a doctor who performs one.

My point was a simple one: If he believed, as he claimed, that an abortion even moments after conception is the killing of an innocent child—that the fetus, from the instant of conception, is a human being deserving of all the moral and political rights granted to your neighbor next door—then the act ought to be treated, if not as murder, at least as manslaughter. Surely, given what my interlocutor considered to be the gravity of the offense, fining the doctor and taking no action against the mother would be morally incongruent. He was understandably uncomfortable with this line of questioning, unwilling to go to the places his premises led. When it comes to abortion, few people are.

Humane pro-life advocates respond that while an abortion is the taking of a human life, the woman having the abortion has been misled by our degraded culture into denying the humanity of the child. She is a victim of misinformation; she can’t be held accountable for what she doesn’t know. I’m not unsympathetic to this argument, but I think it ultimately falls short. In other contexts, insisting that people who committed atrocities because they truly believed the people against whom they were committing atrocities were less than human should be let off the hook doesn’t carry the day. I’m struggling to understand why it would in this context.

There are other complicating matters. For example, about half of all fertilized eggs are aborted spontaneously—that is, result in miscarriage—usually before the woman knows she is pregnant. Focus on the Family, an influential Christian ministry, is emphatic: “Human life begins at fertilization.” Does this mean that when a fertilized egg is spontaneously aborted, it is comparable—biologically, morally, ethically, or in any other way—to when a 2-year-old child dies? If not, why not? There’s also the matter of those who are pro-life and contend that abortion is the killing of an innocent human being but allow for exceptions in the case of rape or incest. That is an understandable impulse but I don’t think it’s a logically sustainable one.

The pro-choice side, for its part, seldom focuses on late-term abortions. Let’s grant that late-term abortions are very rare. But the question remains: Is there any point during gestation when pro-choice advocates would say “slow down” or “stop”—and if so, on what grounds? Or do they believe, in principle, that aborting a child up to the point of delivery is a defensible and justifiable act; that an abortion procedure is, ethically speaking, the same as removing an appendix? If not, are those who are pro-choice willing to say, as do most Americans, that the procedure gets more ethically problematic the further along in a pregnancy?

Plenty of people who consider themselves pro-choice have over the years put on their refrigerator door sonograms of the baby they are expecting. That tells us something. So does biology. The human embryo is a human organism, with the genetic makeup of a human being. “The argument, in which thoughtful people differ, is about the moral significance and hence the proper legal status of life in its early stages,” as the columnist George Will put it.

These are not “gotcha questions”; they are ones I have struggled with for as long as I’ve thought through where I stand on abortion, and I’ve tried to remain open to corrections in my thinking. I’m not comfortable with those who are unwilling to grant any concessions to the other side or acknowledge difficulties inherent in their own position. But I’m not comfortable with my own position, either—thinking about abortion taking place on a continuum, and troubled by abortions, particularly later in pregnancy, as the child develops.

The question I can’t answer is where the moral inflection point is, when the fetus starts to have claims of its own, including the right to life. Does it depend on fetal development? If so, what aspect of fetal development? Brain waves? Feeling pain? Dreaming? The development of the spine? Viability outside the womb? Something else? Any line I might draw seems to me entirely arbitrary and capricious.

Because of that, I consider myself pro-life, but with caveats. My inability to identify a clear demarcation point—when a fetus becomes a person—argues for erring on the side of protecting the unborn. But it’s a prudential judgment, hardly a certain one.

At the same time, even if one believes that the moral needle ought to lean in the direction of protecting the unborn from abortion, that doesn’t mean one should be indifferent to the enormous burden on the woman who is carrying the child and seeks an abortion, including women who discover that their unborn child has severe birth defects. Nor does it mean that all of us who are disturbed by abortion believe it is the equivalent of killing a child after birth. In this respect, my view is similar to that of some Jewish authorities, who hold that until delivery, a fetus is considered a part of the mother’s body, although it does possess certain characteristics of a person and has value. But an early-term abortion is not equivalent to killing a young child. (Many of those who hold this position base their views in part on Exodus 21, in which a miscarriage that results from men fighting and pushing a pregnant woman is punished by a fine, but the person responsible for the miscarriage is not tried for murder.)

“There is not the slightest recognition on either side that abortion might be at the limits of our empirical and moral knowledge,” the columnist Charles Krauthammer wrote in 1985. “The problem starts with an awesome mystery: the transformation of two soulless cells into a living human being. That leads to an insoluble empirical question: How and exactly when does that occur? On that, in turn, hangs the moral issue: What are the claims of the entity undergoing that transformation?”

That strikes me as right; with abortion, we’re dealing with an awesome mystery and insoluble empirical questions. Which means that rather than hurling invective at one another and caricaturing those with whom we disagree, we should try to understand their views, acknowledge our limitations, and even show a touch of grace and empathy. In this nation, riven and pulsating with hate, that’s not the direction the debate is most likely to take. But that doesn’t excuse us from trying.

Voir de plus:
CheckNews

L’Etat de New York a-t-il légalisé l’avortement jusqu’à 9 mois de grossesse ?

Le Sénat de New York a voté une loi autorisation l’avortement après 24 semaines de grossesse, si la santé de la mère est en danger, ou que le foetus n’est pas viable. Dans cet Etat, la loi n’avait pas évolué depuis 1970

Robin Andraca

Libération
30 janvier 2019

Question posée le 29/01/2019

Bonjour,

Vous faites référence à plusieurs articles publiés ces derniers jours sur le sujet. «Le Sénat de New York adopte un projet de loi permettant l’avortement jusqu’à la naissance», titrait par exemple le site «Info Chrétienne» ce 23 janvier. Suivi six jours plus tard par Valeurs Actuelles : «A New York, on peut désormais avorter jusqu’à la naissance». Laissant ainsi penser que toutes les femmes, dans l’Etat de New York, pouvaient désormais avorter jusqu’au dernier jour de leur grossesse, sans raison particulière.

La réalité est pourtant plus complexe, comme le concède Valeurs Actuelles dans le premier paragraphe de son article : «Une femme pourra désormais avoir recours à l’avortement jusqu’au dernier jour de sa grossesse, si sa santé ou celle de l’enfant est en danger, ou encore si le fœtus n’est pas jugé viable».

C’est en effet le sens du texte voté le 22 janvier par le Sénat de l’Etat de New York, avec 38 voix pour et 24 contre. Que prévoit ce «Reproductive Health Act», bloqué depuis des années par les Républicains lorsqu’ils contrôlaient encore cette chambre ? Trois choses.

La première : le fait de pouvoir avorter après 24 semaines de grossesse (et jusqu’au terme) lorsque le fœtus n’est pas viable. Jusqu’à présent, pour l’Etat de New York, les avortements tardifs étaient seulement autorisés si la vie de la mère était en danger.

Deuxième point : ce vote étend la liste des professionnels qui peuvent pratiquer cet acte. Il ne concerne désormais plus seulement les médecins, mais aussi les infirmières praticiennes, les sages-femmes habilitées, et les assistants médecins.

Dernier point : l’avortement est retiré du Code pénal de l’Etat de New York, et dépend désormais du code de la santé publique. Réaliser un avortement tarif était jusque-là considéré comme un crime dans l’Etat de New York. et poussait certains médecins à refuser cet acte, de peur d’un procès. Il contraignait aussi les femmes à aller dans d’autres Etats pour interrompre sa grossesse : ainsi, une habitante de l’Etat de New York avait dû se rendre au Colorado pour avorter, après avoir appris après 31 semaines de grossesse que son bébé n’avait aucune chance de survivre après la naissance.

Comme l’explique le New York Times, la législation sur l’avortement n’avait pas évolué depuis 1970 dans cet Etat, et ne comprenait pas certaines dispositions prévues par l’emblématique arrêt Roe v.Wade, rendu par la cour suprême trois ans plus tard, en 1973, et qui a reconnu le droit des femmes à l’avortement aux Etats-Unis.

Voilà, en réalité, deux ans que le gouverneur de New York entendait protéger le droit à l’avortement dans son Etat, en raison du nouveau rapport de force à la cour suprême, où Trump avait nommé en janvier 2017 un juge anti-avortement, menaçant ainsi directement l’arrêt Roe v.Wade.

«Alors que Washington veut restreindre les droits des femmes, nous voulons les protéger, et puisqu’ils menacent les droits reproductifs, je propose un amendement constitutionnel pour inscrire Roe V. Wade dans la Constitution de l’Etat de New York et empêcher toute attaque sur le droit de choisir», déclarait dès janvier 2017 le gouverneur de New York, Andrew Cuomo.

Bien cordialement,

Voir encore:

Etats-Unis : Pourquoi tant d’affolement autour de l’avortement (1)

Gérald Olivier

France Amérique

14 mai 2022

1ere partie: L’avortement ne sera pas interdit

Séisme dans la sphère politique progressiste américaine ! Le site internet Politico a révélé il y a quelques jours, que la Cour Suprême des Etats-Unis était sur le point d’invalider la fameuse décision de 1973 « Roe vs Wade », légalisant l’avortement. Pour preuve de cette affirmation fracassante, Politico affirme détenir le brouillon de cette décision, un document d’une centaine de pages ayant reçu l’aval de cinq des neuf juges de la Cour, soit la majorité !

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe ! Tout y était sensationnel.

Le sujet d’abord, l’avortement, l’un des plus clivants et des plus controversés des cinquante dernières années aux Etats-Unis. Car même s’il y est actuellement légal, l’avortement reste un sujet de divisions aigües.

La méthode par laquelle cette nouvelle a été connue, ensuite : une fuite de document sans précédent. Les débats internes à la Cour Suprême se sont toujours déroulés sous le sceau du secret absolu. Un sceau inviolé pendant deux cent trente-trois ans !Jusqu’au scoop de Politico.

Les enjeux enfin, car à quelques mois des élections de mi-mandat, échéance majeure qui verra le renouvellement de l’ensemble du Congrès et de l’appareil politique de dizaines d’Etats, cette révélation pourrait avoir un impact électoral considérable.

Les réactions ne se sont pas fait attendre.

Les partisans du « droit à la vie » (anti-avortement) ont exprimé une satisfaction retenue quant à l’abrogation annoncée de Roe v Wade, mais ils ont déploré la « fuite historique », illustration, pour eux, d’une volonté d’interférer avec le processus judiciaire et de faire pression sur les juges suprêmes.

Les élus démocrates, les médias dominants et les grandes chaînes de télévision ont unanimement critiqué cette décision annoncée, qualifiée d’assaut intolérable contre une liberté fondamentale.

Quant aux sympathisants du « droit de choisir » et autre militants pro-avortement, ils sont descendus dans la rue pour mettre en scène leur colère devant les caméras de télévision. Ils ont manifesté devant la Cour Suprême, et devant les résidences personnelles de certains juges de la Cour, dont les adresses personnelles ont été communiquées sur les réseaux sociaux. La Maison Blanche refusant de condamner ces comportements, les violences verbales ont dégénéré en violences physiques et depuis plusieurs jours les actes de vandalisme contre des églises, associations et centres de défense du droit à la vie se sont multipliés, aussi bien à New York que dans le Wisconsin, au Texas ou en Californie.

Pour comprendre cet embrasement, il faut rappeler que la question de l’avortement n’a jamais été vraiment résolue aux Etats-Unis. Loin de clore le débat, la décision « Roe vs Wade » de 1973 l’a enflammé, divisant les Américains entre « pro-choice » ou « pro-life », les partisans du droit de choisir contre les partisans du droit à la vie… Le presque demi-siècle écoulé depuis n’a en rien calmé les passions. Le débat demeure brûlant, clivant, parfois violent.

Quoi que décide la Cour Suprême (un « brouillon » n’étant par définition pas un texte définitif) l’avortement ne sera pas interdit aux Etats-Unis. Si « Roe vs Wade » est invalidée, l’avortement sera à nouveau géré par chaque Etat de manière autonome. Comme c’était le cas avant cette décision. Il n’y aura plus une mais cinquante législations différentes sur l’avortement. La procédure restera légale dans des dizaines d’Etats, mais sera restreinte voire prohibée dans d’autres.

L’explication de l’embrasement politico-médiatique tient au fait que la question de l’avortement touche à trois sujets sensibles aux Etats-Unis.

Le premier est l’interruption de grossesse, proprement dite, avec ses connotations sociales, morales, religieuses, et médicales sur le commencement de la vie. Est-ce que la vie commence à la naissance ? Ou à la conception ? Ou quelque part entre les deux ?

Le second sujet est le rôle et le fonctionnement de la Cour Suprême dans les institutions américaines. Troisième branche du pouvoir et ultime arbitre des litiges judiciaires, la Cour Suprême a pris une dimension politique aux cours des dernières décennies du fait de l’influence de ses décisions sur les questions de société. Tant que ces décisions allaient dans le sens souhaité par les Démocrates et la gauche progressiste, cette politisation était bienvenue. Depuis que la direction s’est inversée, cette même gauche conteste la légitimité de la Cour, et sape sans vergogne ce pilier fondamental de la démocratie américaine.

Le troisième sujet enfin touche à la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les Etats de l’Union. Les Etats-Unis sont une fédération, où le pouvoir du gouvernement fédéral, limité à l’origine, n’a cessé de s’étendre. Certains, chez les Démocrates et à l’extrême gauche voudraient le voir s’étendre encore plus, quitte à éliminer les particularités qui font des Etats-Unis, une nation à part.

Explications.

1 L’avortement :

Il n’existe pas de loi affirmant la légalité de l’avortement aux Etats-Unis. La question n’a jamais été légiférée. Il n’y a jamais eu de débat parlementaire. Il n’y a jamais eu de vote des élus. Pour la bonne raison que le résultat aurait été négatif. En 2009 le Congrès voulut profiter du vent de libéralisme social suscité par l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche pour faire voter une loi légalisant l’avortement. Elle fut rejetée en première lecture… Dès la diffusion du scoop de Politico, le Sénat a organisé un nouveau vote sur un futur texte de loi, légalisant l’avortement. Ce texte a été rejeté à 51 voix contre 49, alors qu’il avait besoin d’une majorité qualifiée de 60 voix pour avancer. Les Démocrates n’ont même pas fait le plein de leurs propres voix.

Il n’y a donc, aux Etats-Unis, aucun équivalent à la loi Weil de 1975 sur l’Interruption Volontaire de Grossesse en France ; loi votée après un long débat parlementaire et devenue un acquis de la Ve République !

Aux Etats-Unis cette question a traditionnellement été laissée à la discrétion de chaque Etat. Jusque dans les années 1960 elle était d’ailleurs peu débattue. Tolérée dans les premières années de la République américaine, la pratique de l’avortement fut progressivement condamnée puis interdite dans la deuxième moitié du XIXe siècle à la demande non pas d’un parti politique mais des médecins. Ceux-ci rechignaient à pratiquer l’avortement car la procédure consiste à supprimer une vie plutôt qu’à la protéger. La procédure était donc confiée à des sages-femmes, ou des « faiseuses d’anges » qui agissaient par conviction mais sans vraie formation médicale, qui opéraient dans le secret, avec des risques considérables pour la mère. C’est donc au nom de la protection des femmes que les médecins ont obtenu des législateurs de chaque Etat qu’ils restreignent ou interdisent l’avortement.

Dans les années 1960, les bouleversements culturels et sociaux, en particulier l’intégration des femmes dans la vie active et la diffusion de la pilule contraceptive, à partir de 1962, ont engendré une révolution des mœurs et contribué aux demandes des mouvements féministes bourgeonnants pour l’émancipation des femmes et en particulier pour une libération de ce qu’elles appelaient la « servitude reproductive ».

L’avortement n’a plus été vu comme une simple procédure médicale aux dimensions émotionnelles et morales complexes, mais plutôt comme une forme de discrimination sociale. Les femmes les plus pauvres, souvent membres de minorités raciales, et à l’instruction la plus limitée étaient les plus fréquentes victimes des conséquences de grossesses non souhaitées. Et pour les autres, ces mêmes grossesses étaient perçues comme un obstacle à leur accomplissement professionnel et un frein à leur ascension sociale. Les revendications pour la reconnaissance d’un droit à l’avortement se sont alors multipliées.

A l’époque, trente Etats américains interdisaient l’avortement et seize l’autorisaient avec des restrictions. Seuls quatre Etats l’autorisaient largement: l’Alaska, Hawaïi, New York et Washington.

En 1965, dans l’affaire Griswold v Connecticut, la Cour Suprême avait reconnu l’existence d’un « droit à la vie privée » protégeant la vie maritale des Américains. Le Connecticut, riche Etat de Nouvelle Angleterre, interdisait alors la vente de contraceptifs. Un couple marié demandait la levée de cette interdiction parce qu’elle constituait, selon leurs avocats, une ingérence inacceptable du gouvernement dans la « vie privée » des Américains. Les juges avaient approuvé ce raisonnement à sept contre deux.

Toutefois ce « droit à la vie privée » n’est aucunement stipulé dans la Constitution américaine, ni dans ses articles, ni dans les dix amendements qui constituent la « Charte des Droits » (Bill of Rights), ni dans les amendements qui ont suivi. Aussi les juges suprêmes de l’époque ont-ils opiné que ce droit était garanti de manière « implicite » parce qu’il rentre dans le cadre des libertés individuelles protégées par la Constitution. C’est dans « la pénombre et les émanations » (sic) du texte constitutionnel que les juges d’alors ont trouvé la justification du droit à la vie privée… Même si la fragilité du raisonnement fut soulignée alors, la décision allait dans l’air du temps et chacun reconnaissait que l’Etat n’avait pas à fourrer son nez dans la « chambre de couples mariés ».

La décision Griswold v Connecticut annonçait celle qui allait suivre. Si le gouvernement ne pouvait dicter leur conduite sexuelle aux couples mariés, il ne pouvait pas non plus la dicter aux personnes célibataires, tout le monde étant égal devant la loi, et ne pouvait pas non plus interdire à une femme d’interrompre une grossesse.

Cette conclusion logique fut atteinte six ans plus tard, le 22 janvier 1973 par la fameuse décision « Roe vs Wade ». Jane Roe était le pseudonyme d’une femme attaquant l’Etat du Texas pour le droit d’avorter. Wade était le nom du procureur de Dallas où la plainte avait été déposée. D’appel en appel le dossier parvint jusqu’à la Cour Suprême qui après de longs mois de débats vota en faveur du plaignant à sept voix contre deux. Les juges suprêmes réaffirmèrent alors l’existence du fameux droit à la vie privée, basé plus particulièrement sur le XIVe amendement, garantissant, entre autres, à tous les citoyens américains l’égalité devant la loi. Leur décision équivalait à une légalisation de l’avortement sur l’ensemble du territoire fédéral. La date devint historique.

Byron White, l’un des deux juges à rejeter cette décision écrivit alors qu’elle constituait un « abus brutal du pouvoir judiciaire. » La force de cette décision était qu’elle s’appliquait au niveau fédéral. Elle avait force de loi, prenant le pas sur les législations particulières de chacun des cinquante Etats.

La faiblesse de cette décision était qu’elle se basait sur une interprétation contestable de la Constitution. D’ailleurs elle n’a cessé d’être contestée depuis. De plus elle tenait à quelques voix, celles de sept juges, tous des hommes. Toute évolution de la composition de la Cour Suprême pouvait remettre en question cette décision. Sans le savoir, la Cour Suprême venait de devenir l’objet d’un combat politique sans merci, ce qu’elle n’avait pas été jusqu’alors…

Etats-Unis : Pourquoi tant d’affolement autour de l’avortement (2)

Gérald Olivier

France Amérique

16 mai 2022

2 La Bataille pour la Cour Suprême

La Cour Suprême des Etats-Unis est le sommet de l’appareil judiciaire. Elle est la troisième branche du pouvoir. Son rôle est d’arbitrer les litiges et d’interpréter la Constitution pour « dire le droit » américain. Ses décisions ont valeur de loi et font jurisprudence. Elle compte neuf juges (six à sa création en 1787, mais ce nombre a été porté à neuf en 1869), nommés à vie par le président avec confirmation du Sénat. Les décisions s’y prennent à la majorité. Cinq juges suffisent donc pour imposer des décisions susceptibles de bouleverser la société, comme ce fut le cas pour « Roe v Wade », la décision de 1973 légalisant l’avortement.

Loin de clore le débat sur le sujet, Roe v Wade en fit un enjeu politique majeur pour les décennies à venir. Le droit à l’avortement est devenu une ligne de démarcation entre l’Amérique progressiste largement Démocrate, et l’Amérique conservatrice proche des Républicains. Il est devenu un critère capital dans la nomination des juges suprêmes.

Les Etats-Unis de 1973 comptaient de nombreux Etats conservateurs, marqués par la morale religieuse et le patriarcat. Pour ces Américains-là, la légalisation de l’avortement constituait une révolution culturelle aussi inattendue qu’inacceptable. Quelques leaders religieux, dont le révérend Jerry Falwell, pionnier parmi les télé-évangélistes conservateurs, comprirent l’énorme force politique que constituaient les chrétiens évangéliques, soudés par leur opposition à l’avortement. Ils décidèrent de mettre cette force au service du parti Républicain en échange d’un engagement de ses élus à se battre pour invalider Roe v Wade, entre autres façons par la nomination de juges conservateurs à la Cour Suprême.

Du jour au lendemain des personnalités politiques qui ne s’étaient pas jusqu’alors engagées dans le débat sur l’avortement prenaient des positions publiques tranchées, et se déclaraient « pro-life » pour se concilier le vote évangélique. Le plus proéminent d’entre eux fut Ronald Reagan. En 1967 alors gouverneur de la Californie, Reagan avait signé une loi légalisant l’avortement, mais à partir de 1978, en tant que candidat à la Maison Blanche, il se déclarait partisan du « caractère sacré de la vie ».

Idem plus récemment pour Donald Trump. L’ancien playboy new yorkais, qui avait longtemps fait profession foi de sa tolérance et de son progressisme en la matière, reconnaissant le droit d’une femme à « choisir », se mua en partisan virulent du droit à la vie lors de sa campagne présidentielle de 2016. En 2018, devenu président, il s’adressa, depuis les jardins de la Maison Blanche, aux manifestants qui participent tous les ans, le 22 janvier, à une marche de protestation sur la capitale fédérale Washington D.C. pour commémorer la funeste décision de 1973, et leur déclara qu’il défendrait toujours le premier droit garanti par la Constitution, le « droit à la vie »…

Face à ces engagements, les forces pro-avortement se sont mobilisées pour défendre et conforter ce droit jugé fondamental. Les nominations de juges à la cour Suprême sont devenues l’enjeu de batailles féroces qui n’ont fait que s’envenimer avec le temps.

La première bataille eut lieu en 1987 quand le président Reagan y présenta la candidature du juge Robert Bork. Bork était un haut magistrat reconnu et expérimenté, professeur à l’université de Yale, qui ne cachait pas son désaccord avec nombres de décisions antérieures de la Cour suprême, dont « Roe vs Wade », conséquences pour lui d’une lecture extrapolative de la Constitution.

Sa nomination, médiatisée comme aucune autre jusqu’alors, fut torpillée par le Sénat, à l’incitation de Ted Kennedy, le benjamin des trois frères, alors sénateur du Massachusetts, et du président de la Commission judiciaire, un certain Joe Biden. Bork dénonça « un arbitraire et des mensonges grossiers », mais rien n’y fit. Les Démocrates étaient alors majoritaires au Congrès et il n’était pas question qu’ils admettent à la Cour Suprême, un juge anti-avortement. Bork fut rejeté. A sa place, Reagan nomma Anthony Kennedy, un centriste, acquis au maintien de Roe v Wade.

La seconde bataille se déroula en 1991 avec la nomination du juge Clarence Thomas par George Bush père. Thomas, un Noir conservateur, opposé à l’avortement, fut immédiatement attaqué, non pas sur sa philosophie judiciaire, mais sur sa personne et son passé. Les Démocrates mirent en avant une ancienne stagiaire, Anita Hill, qui l’accusa de harcèlement sexuel. L’homme orchestrant ces accusations fut à nouveau le président de la Commission judiciaire du Sénat, Joe Biden. Une enquête du FBI jugea les accusations de Hill « infondées ». Néanmoins elle fut invitée à témoigner lors des audiences de confirmation qui s’étalèrent sur près de deux mois, une durée sans précédent !

Clarence Thomas compara la procédure à une « honte nationale » et un « lynchage médiatique » destiné à « détruire sa réputation » et intimider « tous les Noirs qui oseraient ne pas suivre l’ordre établi et penser par eux-mêmes ». Il fut finalement confirmé par un vote de 52 voix contre 48 au Sénat. Quarante-six sénateurs démocrates sur cinquante-sept votèrent contre lui.

Cette bataille fut un prélude à une autre bataille encore plus brutale engagée toujours par les mêmes Démocrates, cette fois contre le juge Brett Kavanaugh en 2018. Kavanaugh était le second juge nommé par Donald Trump, sa nomination pouvait donner à la Cour une majorité conservatrice susceptible d’invalider Roe v Wade. Les démocrates étaient donc prêts à tout pour faire dérailler sa nomination.

D’autant que le climat politique était alors particulièrement tendu.

2016, la dernière année du mandat présidentiel de Barack Obama s’était ouverte avec une cour comprenant quatre juges progressistes (Ruth Bader Ginzburg et Stephen Breyer, nommés par Bill Clinton, Sonya Sotomayor et Elena Kagan, nommées par Barack Obama) trois juges conservateurs (Antonin Scalia, nommé par Ronald Reagan, Clarence Thomas, nommé par George Bush père et Samuel Alito, nommé par George W. Bush), ainsi que deux juges centristes, nommés par deux présidents républicains mais rejoignant très souvent les positions des quatre juges progressistes, (Anthony Kennedy, nommé par Reagan et John Roberts, le président de la Cour, nommé par George W. Bush).

Les progressistes avaient donc la majorité au sein de la cour, mais cette majorité était fragile. Un simple ralliement de Kennedy et Roberts au camp conservateur pouvait donner à celui-ci une majorité de cinq voix contre quatre. La nomination de deux nouveaux juges conservateurs pouvait aussi inverser le rapport de force.

En février 2016 Antonin Scalia, le plus conservateur des neuf juges, décéda subitement. Barack Obama s’empressa de proposer pour lui succéder le juge Merrick Garland (aujourd’hui ministre de la Justice du président Biden). C’était l’occasion de consolider la majorité de gauche à la Cour Suprême ! Mais le Sénat, contrôlé par le parti républicain, parvint à repousser les audiences de confirmation jusqu’après l’élection présidentielle de novembre. Garland n’eut jamais l’occasion de défendre sa nomination.

La manœuvre fit grincer des dents et valut à son auteur, Mitch Mc Connell, chef de file des Républicains du Sénat, une très mauvaise presse. Mais les Démocrates étaient alors persuadés que Hillary Clinton serait élue présidente en novembre 2016. Elle pourrait nommer Garland ou un autre juge tout aussi progressiste et les Républicains seraient alors obligés de confirmer sa nomination.

Ce n’est pas ce qui se produisit ! Le 8 novembre 2016, le candidat républicain Donald Trump fut élu de justesse, créant ainsi la plus grosse surprise électorale de l’histoire présidentielle américaine. Et remportant le droit de nommer le juge de son choix pour succéder à Antonin Scalia. Ce fut Neil Gorsuch. Sa nomination ne changea pas l’équilibre de la Cour. Scalia, le sortant était conservateur, Gorsuch l’entrant l’était aussi.

Deux ans plus tard en 2018 le juge Anthony Kennedy, âgé de 82 ans, prit sa retraite, offrant à Donald Trump la possibilité de nommer un deuxième juge à la Cour. Ce fut Brett Kavanaugh.

Dans le contexte polarisé de la présidence Trump, les audiences de confirmation de Brett Kavannaugh dégénérèrent dans un chaos sans précédent. Emmenés par la jeune sénatrice de Californie Kamala Harris les membres de la Commission refusèrent d’abord de respecter la procédure, puis ils présentèrent le témoignage d’une femme de 52 ans, Christine Blasey Ford, venue accuser Kavanaugh d’avoir tenté de la violer, lors d’une soirée quelques trente-six plus tôt, en 1982, quand tous deux étaient lycéens !

Le FBI fut mandaté pour enquêter et ne trouva rien pour corroborer ses accusations, que personne ne vint confirmer. Plusieurs témoins, au contraire, présents ce fameux soir, nièrent tout incident. Néanmoins Blasey Ford fit la couverture de Time Magazine et devint une héroïne de la cause démocrate. Après son témoignage elle reçut plus d’un million de dollars en donations diverses pour récompenser son « courage »… Elle ne parvint cependant pas à faire dérailler la nomination de Kavanaugh.

La Cour Suprême avait désormais une majorité conservatrice. Et pour rajouter encore à la déconvenue des Démocrates, Ruth Bader Ginzburg, âgée de 87 ans, souffrant d’un cancer depuis des années et qui ne siégeait plus à la Cour que par intermittence à cause de séjours répétés en hôpital, décéda à son tour quelques mois avant la fin du mandat de Donald Trump. La juge la plus à gauche, véritable pilier de l’idéologie progressiste laissait son siège vacant et offrait au président Trump le privilège rare de nommer un troisième juge à la Cour en un seul mandat ! Celui-ci s’empressait de désigner Amy Coney Barrett et le Sénat, toujours contrôlé par les Républicains, s’empressait de confirmer sa nomination.

Cette fois la cause était entendue. Le camp progressiste au sein de la Cour Suprême est réduit à trois juges : Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Stephen Breyer (qui sera bientôt remplacé par Katanji Brown Jackson, tout récemment nommée par le président Biden et déjà confirmée). Le camp conservateur en compte cinq : Clarence Thomas, Samuel Alito, Neil Gorsuch, Brett Kavannaugh et Amy Coney Barret). Quatre d’entre eux ont moins de soixante ans et devraient siéger pour des décennies. Le président de la Cour reste le juge John Roberts. Son vote, imprévisible, peut renforcer la majorité conservatrice, à six voix contre trois, ou la réduire à cinq voix contre quatre. Mais cette majorité conservatrice est solidement ancrée.

Les Démocrates ont perdu la bataille de la Cour Suprême.

Sans surprise, leur stratégie a donc radicalement évolué à son égard. Ils suggèrent désormais de porter le nombre de ses juges à quinze. Cela s’appelle en anglais le « Court Packing ». Autoriser le président, Démocrate bien sûr, à nommer d’un coup six juges, pour rendre au camp progressiste le contrôle des débats. Pour y parvenir les Démocrates ont besoin d’une majorité qualifiée de 60 voix au Sénat. Ils en sont loin.

La manœuvre est donc purement symbolique. Ce qui enrage et angoisse les Démocrates. Car la question de l’avortement n’est pas la seule question devant la Cour Suprême. D’autres questions de société peuvent lui être soumises. Leur hantise est de voir les acquis récents – qui ne sont qu’un échafaudage de déconstruction sociétale sans précédent – dont la reconnaissance du mariage homosexuel, de l’agenda LGBT et des droits des immigrants clandestins, à leur tour, battus en brèche.

Derrière la question de l’avortement, il y a de vrais enjeux de société aux Etats-Unis. Enjeux pour lesquels la Cour Suprême aura un rôle légitime à jouer. L’annulation de Roe v Wade serait le premier signe de la fin des dérives engagées depuis un demi-siècle et l’amorce d’un retour de balancier, espéré et attendu depuis des décennies par la fameuse majorité silencieuse.

Voir par ailleurs:

Cinq choses à savoir sur la marche des Fiertés qui a lieu ce samedi à Paris
Le Télégramme
25 juin 2022

Manifestation festive, elle retrouvera toutes ses couleurs après deux années de restrictions en raison de la covid. La marche des Fiertés LGBT + a lieu ce samedi à Paris. Le point sur cet événement emblématique, qui s’est diffusé dans toute la France

1 Une manifestation massive

Le défilé parisien rassemble habituellement 500 000 personnes, ce qui en fait l’un des plus importants événements récurrents de la capitale. Cette année, les participants défileront de la station de métro Michel Bizot, dans le 12e arrondissement, à la place de la République.

Le mot d’ordre fixé est « Nos corps, nos droits, vos gueules ! ». Il s’agit notamment de protester contre la « banalisation » de la « parole LGBTQIphobe et surtout transphobe », trop souvent ignorée des pouvoirs publics, selon le collectif associatif Inter-LGBT, qui organise cette marche.

« Aujourd’hui, la notion de genre est très attaquée, notamment lorsqu’elle est déployée en milieu scolaire », déplore Matthieu Gatipon, l’un de ses porte-parole. « La rhétorique de l’extrême droite est que les associations procéderaient à du lavage de cerveau envers les jeunes. Et le résultat de ce discours nourri de transphobie, c’est qu’on a 89 députés du RN », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse jeudi.« Des centres LGBT se font attaquer, des personnes LGBT se font agresser tous les jours. On aimerait un peu plus de soutien du gouvernement, qui se dit notre allié mais ne fait pas grand-chose », a ajouté Elisa Koubi, coprésidente du collectif.

2 1977 : première marche parisienne

Un mouvement de défense des personnes homosexuelles s’est constitué à partir de 1971 en France et participe d’abord aux défilés du 1er mai. « C’est le moment où l’homosexualité devient une question politique », indique Antoine Idier, sociologue et historien.

La première manifestation homosexuelle indépendante parisienne a lieu en 1977 (sept ans après la première Pride au monde, en 1970 à Chicago). Les participants ferraillent contre la répression et des lois discriminantes.

3 Paillettes et politique

Paillettes, drapeaux arc-en-ciel, chants et danses : les marches des Fiertés sont généralement festives. « Le mouvement homosexuel a toujours revendiqué d’être à la fois politique et festif », souligne Antoine Idier. « La dimension festive permet de rompre avec la politique classique ».

Le mouvement homosexuel revendique « une forme de politisation du corps, de l’intime, de la vie privée, or la fête incarne aussi tous ces éléments », ajoute l’historien.

Samedi, quelque 30 000 personnes sont attendues à l’arrivée de la marche parisienne, pour un spectacle gratuit associant une centaine d’artistes, dont Bilal Hassani.

4 Cortèges alternatifs

Outre la manifestation habituelle, des marches alternatives sont apparues ces dernières années, affichant d’autres slogans et revendications, souvent plus contestataires. Cela démontre « un foisonnement et un enrichissement du militantisme LGBT + », plutôt qu’un « éparpillement », analysait récemment dans Le Monde la sociologue et historienne Ilana Eloit.

Le 4 juin, un millier de personnes ont ainsi défilé à Saint-Denis pour la deuxième « pride des banlieues ». Et le 19 juin, ils étaient quelque 50 000 à Paris à la « Pride radicale » anticapitaliste et antiraciste, selon les estimations des associations organisatrices.

« Il y a toujours eu un débat au sein du mouvement homosexuel pour savoir s’il doit parler uniquement de l’homosexualité ou porter une critique de la société tout entière », décrit Antoine Idier.

Pour Elisa Koubi, de l’inter-LGBT, « c’est très bien qu’il y ait d’autres marches ». « On est toujours le radical de quelqu’un », et les différentes manifestations sont « complémentaires », ajoute-t-elle.

5 Multiplication des marches

Les marches des Fiertés ont lieu dans de nombreux pays. En France, elles sont organisées localement, par des associations, sans coordination au niveau national.

Au début des années 1990, de premières marches ont lieu en régions. « Pendant longtemps, on est resté avec une marche à Paris et quelques autres dans les principales grandes villes », note Denis Quinqueton, codirecteur de l’Observatoire LGBTI +. «On observe depuis quelques années un essaimage ».

Des marches ont ainsi été organisées pour la première fois cette année dans de petites villes comme Châlons-en-Champagne, Carcassonne ou Périgueux, ainsi que dans des départements ruraux, tels que la Lozère et l’Oise.

En Bretagne, celle de Rennes a déjà près de 30 ans : la 28e édition s’est déroulée le 4 juin. Il y a également eu le Festi-Gay à Gourin pendant des années. Mais des collectifs ont aussi organisé de tels événements dans d’autres villes plus récemment, notamment à Brest, Vannes, Lorient, Saint-Brieuc ou encore Quimper.

« La société a beaucoup évolué sur ces sujets. Il y a 30 ans, certaines personnes n’auraient pas osé aller manifester », mais « aujourd’hui, c’est moins le cas », relève Denis Quinqueton.

COMPLEMENT:

Décision de la Cour suprême sur l’avortement: attention à la caricature qui « talibanise » l’Amérique

Laure Mandeville

Le Figaro
26 juin 2022
 

ANALYSE – Contrairement aux Français, qui ont accepté collectivement le droit à l’IVG à la faveur d’un vote démocratique, les Américains, court-circuités par les juges, ne sont jamais parvenus à un consensus.

Aucun doute. En annulant la célèbre décision «Roe vs Wade» de 1973 qui instaurait un droit fédéral à l’avortement, et en renvoyant aux États le pouvoir de trancher sur cette question douloureuse, les juges de la Cour suprême américaine de 2022, ont pris, par 6 voix contre 3, une décision historique. Opposant ceux qui se réjouissent d’une «victoire de la vie» à ceux qui veulent défendre la liberté des femmes de «contrôler leur corps», elle va déchirer l’Amérique et constituera un sujet central de la bataille des élections de mi-mandat. Dans un contexte de quasi-guerre civile politique, cela dessine un terrain glissant et dangereux, dont la tentative d’attentat contre le juge conservateur Brett Kavanaugh qui a suivi le vote, illustre le caractère explosif.

Mais présenter la décision de la Cour suprême comme «un retour au Moyen Âge» ou une «talibanisation» des États-Unis, comme on le martèle depuis quelques jours, apparaît comme une véritable caricature, très idéologique. Évacuant la question morale, malgré toutes les découvertes scientifiques sur la vie intra-utérine du fœtus, cette lecture des événements nie toute légitimité à ceux qui n’ont jamais cessé de défendre le droit sacré à la vie, ou veulent – c’est la majorité du camp conservateur – imposer des limites de temps plus strictes, au droit d’avorter, aujourd’hui beaucoup plus permissif aux États-Unis qu’en Europe. Faudrait-il faire comme s’ils n’existaient pas et ne voir le sujet que sous l’angle des féministes, qui a bien sûr sa légitimité? Ou accepter de débattre?

À bien y regarder, cette décision n’est pas étonnante. Contrairement aux Français, qui ont accepté collectivement le droit à l’avortement à la faveur d’un vote démocratique, les Américains, court-circuités par les juges, ne sont jamais parvenus à un consensus. Pays fédéral toujours très chrétien, les États-Unis restent en réalité très partagés sur l’avortement, même si une majorité de 60 % est aujourd’hui favorable à ce droit, les désaccords portant surtout sur son encadrement. Loin de refléter l’approbation de la majorité de la population, la décision «Roe vs Wade» avait été imposée par le haut au pays en 1973 par une Cour suprême progressiste, évacuant du débat la moitié conservatrice du pays. La décision de vendredi dernier ressemble de ce point de vue à un effet boomerang. Comme le note le professeur de philosophie politique Joshua Mitchell, de l’université de Georgetown, «ce qui peut vivre par la Cour, peut mourir par la Cour». Autrement dit, les juges américains s’étaient substitués à la délibération démocratique.

Aujourd’hui, ils ne vont pas jusque-là, mais exigent un retour du dossier vers les États, revendication constante des conservateurs. Reflétant ce point de vue, le professeur Mitchell, favorable au droit à l’avortement des femmes dans «des limites raisonnables» de 12 semaines, parle d’une «très bonne nouvelle, car il ne s’agit pas d’interdire l’avortement, mais de renvoyer l’un des sujets les plus sérieux qui soit vers le corps politique». «La politique doit venir en premier, le droit en second. Les juges ne peuvent se substituer au débat démocratique. Nous devons redevenir une nation politique, surmonter nos désaccords profonds par la conversation, même quand elle est extrêmement difficile, au lieu d’abandonner les décisions aux juges ou aux experts», insiste-t-il. «Tout le monde avait conclu que la gauche avait gagné la bataille culturelle. Cette dernière imaginait qu’elle pouvait considérer ceux qui résistaient comme “des accidents historiques” à ignorer, mais cette décision de la Cour, qui résulte de la contre-offensive menée sous Trump, montre que c’est plus compliqué», analyse Mitchell.

Le camp libéral, consterné, s’en inquiète, soulignant, non sans raison, qu’il existe un groupe substantiel d’ «intégralistes conservateurs» qui rêverait d’absolutiser le dossier, et d’interdire tout de go l’avortement, même en cas d’inceste ou de viol. Mais présenter ce camp comme majoritaire brouille la réalité des humeurs de la majorité des républicains, favorables à l’avortement, mais avec une interdiction au-delà de 12 ou 15 semaines. «Je doute qu’un seul État aille vers une interdiction totale», présume Mitchell. Le camp conservateur souhaiterait surtout opposer une logique de responsabilité à la logique de liberté qui prévaut à gauche, affirme-t-on à droite. La décision «Roe vs Wade» a en effet permis de pratiquer des avortements, pratiquement jusqu’à la naissance, dans de nombreux États. «Les changements sociétaux qui se produisent à gauche, notamment dans le mouvement woke, visent à repousser ou ignorer la nature et ses limites. L’attaque contre “Roe vs Wade”, en retour, veut rappeler que la nature existe, et que les bébés, à l’intérieur du corps de la femme, sont réels. Avec le progrès technologique, il est devenu impossible d’ignorer leur souffrance, elle doit faire partie de l’équation au même titre que la souffrance des femmes», note Mitchell. Des dizaines de millions d’avortements ont été réalisés aux États-Unis depuis 1973.

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Leave a Comment » | droits des femmes, libertés, Occident, société, US | Permalien
Publié par jcdurbant


Législatives: Quel déni de démocratie ? (Quand un président ayant volé son élection il y a cinq ans suite à un putsch juridique, se maintient aujourd’hui au pouvoir face à un parti patriote qui malgré la diabolisation a fait plus de 41% à la présidentielle et se retrouve aujourd’hui avec 89 députés au lieu de 149 ?)

22 juin, 2022

livres | jcdurbantLa crise consiste justement dans le fait que le vieux meure et que le neuf ne peut apparaitre. Gramsci
La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Constitution française (article 3)
Le Président de la République (…) assure et est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. Constitution française (article 5)
Un peuple connait, aime et défend toujours plus ses moeurs que ses lois. Montesquieu
L’essentiel est d’être bon aux gens avec qui l’on vit. (…) Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins. Rousseau
Aux États-Unis, les plus opulents citoyens ont bien soin de ne point s’isoler du peuple ; au contraire, ils s’en rapprochent sans cesse, ils l’écoutent volontiers et lui parlent tous les jours. Ils savent que les riches des démocraties ont toujours besoin des pauvres et que, dans les temps démocratiques, on s’attache le pauvre par les manières plus que par les bienfaits. La grandeur même des bienfaits, qui met en lumière la différence des conditions, cause une irritation secrète à ceux qui en profitent; mais la simplicité des manières a des charmes presque irrésistibles : leur familiarité entraîne et leur grossièreté même ne déplaît pas toujours. Ce n’est pas du premier coup que cette vérité pénètre dans l’esprit des riches. Ils y résistent d’ordinaire tant que dure la révolution démocratique, et ils ne l’abandonnent même point aussitôt après que cette révolution est accomplie. Ils consentent volontiers à faire du bien au peuple ; mais ils veulent continuer à le tenir à distance. Ils croient que cela suffit ; ils se trompent. Ils se ruineraient ainsi sans réchauffer le coeur de la population qui les environne. Ce n’est pas le sacrifice de leur argent qu’elle leur demande; c’est celui de leur orgueil. Tocqueville
A celui qui n’a plus rien, la patrie est son seul bien. Jaurès
Les patries sont toujours défendues par les gueux, livrées par les riches. Péguy
Pour pouvoir continuer à diner en ville, la bourgeoisie accepterait n’importe quel abaissement de la nation. de Gaulle
Je m’insurge contre l’abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme  défini au sens strict et des attitudes normales, légitimes même, et en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui  prétend voir dans les caractères  intellectuels et moraux attribués à un ensemble d’individus, de quelque façon qu’on le définisse, l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique. On ne saurait ranger sous la même rubrique, ou imputer automatiquement au même préjugé l’attitude d’individus ou de  groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend  partiellement ou totalement insensibles à d’autres valeurs. Il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au-dessus de toutes les autres, et d’éprouver peu d’attirance envers tels ou tels dont le genre de  vie, respectable en lui-même, s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n’autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu’on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n’a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se  conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources  nécessaires à leur renouvellement. Si comme  je  l’ai  écrit  ailleurs,  il  existe  entre  les  sociétés  humaines  un  certain optimum de diversité au-delà duquel elles ne sauraient aller, mais en dessous duquel elles ne peuvent non plus descendre sans danger, on doit reconnaître que cette diversité résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s’opposer à celles qui l’environnent, de se distinguer d’elles, en un mot d’être soi; elle ne s’ignorent pas, s’empruntent à l’occasion, mais, pour ne pas périr, il faut que, sous d’autres rapports, persiste entre elles une certaine imperméabilité.[…] Rien ne compromet davantage, n’affaiblit de l’intérieur, et n’affadit la lutte contre le racisme que cette façon de mettre le terme, si j’ose dire, à toutes les sauces, en confondant une théorie fausse, mais explicite, avec des inclinations  et des attitudes  communes dont il  serait  illusoire  d’imaginer que l’humanité puisse un jour s’affranchir ni même qu’il faille le lui souhaiter […] parce que ces inclinations et ces attitudes sont, en quelque sorte, consubstantielles à notre espèce, nous n’avons pas le droit de nous dissimuler qu’elles jouent un rôle dans l’histoire: toujours inévitables,  souvent  fécondes,  et  en  même  temps  grosses  de  dangers  quand  elles  s’exacerbent. J’invitais donc les lecteurs à douter avec sagesse, avec mélancolie s’ils voulaient, de l’avènement d’un monde  où  les  cultures,  saisies  d’une  passion  réciproque,  n’aspiraient  plus  qu’à  se  célébrer mutuellement, dans une confusion où chacune perdrait l’attrait qu’elle pouvait avoir pour les autres et ses propres raisons d’exister. […] il ne suffit pas de se gargariser année après année de bonnes paroles pour réussir  à  changer les hommes, […] en s’imaginant qu’on peut surmonter par des mots bien intentionnés  des  propositions  antinomiques comme celles  visant  à  “concilier  la  fidélité  à  soi  et l’ouverture aux autres” ou à favoriser simultanément “l’affirmation créatrice de chaque identité  et le rapprochement entre toutes les cultures. Lévi-Strauss
Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Bourdieu
Tout le monde s’est mis à s’intéresser aux débats! (…) Les gens ne sont pas contre les migrants, mais nous voulons un processus légal. On n’a pas le droit d’avoir une opinion. On est tout de suite des nazis, des déplorables non éduqués… C’est franchement la raison pour laquelle Donald Trump a été élu. Les gens en ont marre d’être méprisés. Ils ne cessent de l’attaquer, quoiqu’il fasse. Nous appelons ça le syndrome de dérangement trumpien. Il ne fait «que se défendre» et j’adore ses tweets« parce qu’ils lui permettent de contourner le mur médiatique. Nous, les partisans de Trump, ne prenons pas ses paroles de manière littérale. Il faut regarder ses actes. Mais la presse, elle, s’attache à chaque mot. Elle ne comprend pas son humour! Les enfants ne peuvent même plus porter un costume de Halloween en se peignant le visage en noir sans être soupçonnés de racisme… C’est comme ce mouvement #MeToo. Ça va trop loin. On a tous des maris, des fils, voudrions-nous les voir accusés sans preuves? (…) C’est la première fois que je peux imaginer comment la guerre civile a commencé en Amérique. Les passions sont tellement fortes. Lynette Vilano (activiste républicaine de Pennsylvanie)
Les gens  attendaient  Trump  et  son  discours franc, qui dit les choses comme elles sont et qui promet de défendre les intérêts du peuple.  Il  ne  tourne  pas  autour  du  pot  et c’est ça qu’on aime. (…)  et même si Trump ne le sait pas,  je  suis  persuadé  qu’il  a  été  envoyé par Dieu pour réparer ce pays et lui rendre  sa  grandeur  !  Le  système  est  corrompu,  nous  devons  revenir  aux  fondamentaux  :  les  valeurs  américaines,  le travail, le respect. Obama  est  allé  s’excuser  autour  du  monde, et  résultat,  personne  ne  nous  respecte. Cela va changer. Kelly Lee
Vous allez dans certaines petites villes de Pennsylvanie où, comme ans beaucoup de petites villes du Middle West, les emplois ont disparu depuis maintenant 25 ans et n’ont été remplacés par rien d’autre (…) Et il n’est pas surprenant qu’ils deviennent pleins d’amertume, qu’ils s’accrochent aux armes à feu ou à la religion, ou à leur antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, ou encore à un sentiment d’hostilité envers les immigrants. Barack Obama (2008)
Pour généraliser, en gros, vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des pitoyables. Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes. A vous de choisir. Hillary Clinton
Pendant toutes les années du mitterrandisme, nous n’avons jamais été face à une menace fasciste, donc tout antifascisme n’était que du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front National, qui était un parti d’extrême droite, un parti populiste aussi, à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste, et même pas face à un parti fasciste. D’abord le procès en fascisme à l’égard de Nicolas Sarkozy est à la fois absurde et scandaleux. Je suis profondément attaché à l’identité nationale et je crois même ressentir et savoir ce qu’elle est, en tout cas pour moi. L’identité nationale, c’est notre bien commun, c’est une langue, c’est une histoire, c’est une mémoire, ce qui n’est pas exactement la même chose, c’est une culture, c’est-à-dire une littérature, des arts, la philo, les philosophies. Et puis, c’est une organisation politique avec ses principes et ses lois. Quand on vit en France, j’ajouterai : l’identité nationale, c’est aussi un art de vivre, peut-être, que cette identité nationale. Je crois profondément que les nations existent, existent encore, et en France, ce qui est frappant, c’est que nous sommes à la fois attachés à la multiplicité des expressions qui font notre nation, et à la singularité de notre propre nation. Et donc ce que je me dis, c’est que s’il y a aujourd’hui une crise de l’identité, crise de l’identité à travers notamment des institutions qui l’exprimaient, la représentaient, c’est peut-être parce qu’il y a une crise de la tradition, une crise de la transmission. Il faut que nous rappelions les éléments essentiels de notre identité nationale parce que si nous doutons de notre identité nationale, nous aurons évidemment beaucoup plus de mal à intégrer. Lionel Jospin (France Culture, 29.09.07)
Bien sûr, nous sommes résolument cosmopolites. Bien sûr, tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref franchouillard ou cocardier, nous est étranger, voire odieux. Bernard-Henri Lévy (profession de foi du premier numéro du journal Globe, 1985)
Je n’oublie pas d’où je viens. Je ne suis pas l’enfant naturel de temps calme de la vie politique. Je suis le fruit d’une forme de brutalité de l’histoire, d’une effraction parce que la France était malheureuse et inquiète, si j’oublie tout cela, ce sera le début de l’épreuve. Emmanuel Macron
La jeune génération n’est pas encouragée à aimer notre héritage. On leur lave le cerveau en leur faisant honte de leur pays. (…) Nous, Français, devons nous battre pour notre indépendance. Nous ne pouvons plus choisir notre politique économique ou notre politique d’immigration et même notre diplomatie. Notre liberté est entre les mains de l’Union européenne. (…) Notre liberté est maintenant entre les mains de cette institution qui est en train de tuer des nations millénaires. Je vis dans un pays où 80%, vous m’avez bien entendu, 80% des lois sont imposées par l’Union européenne. Après 40 ans d’immigration massive, de lobbyisme islamique et de politiquement correct, la France est en train de passer de fille aînée de l’Eglise à petite nièce de l’islam. On entend maintenant dans le débat public qu’on a le droit de commander un enfant sur catalogue, qu’on a le droit de louer le ventre d’une femme, qu’on a le droit de priver un enfant d’une mère ou d’un père. (…) Aujourd’hui, même les enfants sont devenus des marchandises (…) Un enfant n’est pas un droit (…) Nous ne voulons pas de ce monde atomisé, individualiste, sans sexe, sans père, sans mère et sans nation. (…) Nous devons faire connaitre nos idées aux médias et notre culture, pour stopper la domination des libéraux et des socialistes. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé une école de sciences politiques. (…) Nous devons faire connaitre nos idées aux médias et notre culture, pour stopper la domination des libéraux et des socialistes. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé une école de sciences politiques. (…) La Tradition n’est pas la vénération des cendres, elle est la passation du feu. (…)Je ne suis pas offensée lorsque j’entends le président Donald Trump dire ‘l’Amérique d’abord’. En fait, je veux l’Amérique d’abord pour le peuple américain, je veux la Grande-Bretagne d’abord pour le peuple britannique et je veux la France d’abord pour le peuple français. Comme vous, nous voulons reprendre le contrôle de notre pays. Vous avez été l’étincelle, il nous appartient désormais de nourrir la flamme conservatrice. Marion Maréchal
Il est vrai qu’on annonçait jusqu’à environ 50 sièges pour le Rassemblement national, et ça va être nettement au-dessus. Cela s’explique notamment par le fait que les reports de voix pour les candidats opposés aux candidats RN ont été très mauvais. Les candidats d’extrême droite n’ont pas suscité de crainte des électeurs qui leur étaient opposés. Quand un candidat RN avait un duel avec la Nupes, les électeurs d’Ensemble ! ne sont pas allés voter pour le candidat de la gauche. Et quand un candidat RN faisait face à un candidat d’Ensemble !, les électeurs de la Nupes ne se sont pas non plus déplacés. Il n’y a plus de front républicain, sauf à la marge pour les candidats LR qui étaient face aux candidats RN. (…) Le fait que les membres du gouvernement et les candidats LREM s’en soient pris de manière très violente à Jean-Luc Mélenchon et à la Nupes a développé des relations très antagonistes entre ces deux électorats. C’est une tendance qu’on avait vue, mais dont on avait sous-estimé l’ampleur. Pour un électeur de gauche, Ensemble ! est aussi détesté que le RN. Et un électeur d’Ensemble ! ne se sent rien de commun avec un électeur de la Nupes. C’est la preuve de la tripartition de la vie politique, qu’on avait déjà notée lors de l’élection présidentielle, avec trois grands blocs qui sont totalement étanches : RN, Ensemble ! et Nupes. (…) l’abstention est quand même plus élevée qu’au premier tour. Et le RN avait obtenu un bon score dimanche dernier malgré une abstention forte, ce qu’on avait bien anticipé. (…) On ne peut pas encore dire de manière définitive pourquoi on s’est trompés. Il y a peut-être d’autres raisons que le mauvais report de voix dont ont bénéficié les candidats non RN, il faudra qu’on y travaille et ça prendra un peu de temps. Mais je ne pense pas que ça remettra fondamentalement en cause notre méthodologie. Les résultats de ce soir montrent ce qu’on sait déjà : les projections en nombre de sièges sont fragiles car une variation de quelques points dans les reports de vote de certains électorats a de grandes conséquences sur les résultats, puisque énormément de sièges se jouent à un point ou deux. Et en même temps, si on donne des fourchettes en nombre de sièges qui sont trop larges, ça n’intéresse pas grande monde… Mathieu Gaillard (IPSOS)
Les « élites » françaises, sous l’inspiration et la domination intellectuelle de François Mitterrand, on voulu faire jouer au Front National depuis 30 ans, le rôle, non simplement du diable en politique, mais de l’Apocalypse. Le Front National représentait l’imminence et le danger de la fin des Temps. L’épée de Damoclès que se devait de neutraliser toute politique « républicaine ». Cet imaginaire de la fin, incarné dans l’anti-frontisme, arrive lui-même à sa fin. Pourquoi? Parce qu’il est devenu impossible de masquer aux Français que la fin est désormais derrière nous. La fin est consommée, la France en pleine décomposition, et la république agonisante, d’avoir voulu devenir trop bonne fille de l’Empire multiculturel européen. Or tout le monde comprend bien qu’il n’a nullement été besoin du Front national pour cela. Plus rien ou presque n’est à sauver, et c’est pourquoi le Front national fait de moins en moins peur, même si, pour cette fois encore, la manœuvre du « front républicain », orchestrée par Manuel Valls, a été efficace sur les électeurs socialistes. Les Français ont compris que la fin qu’on faisait incarner au Front national ayant déjà eu lieu, il avait joué, comme rôle dans le dispositif du mensonge généralisé, celui du bouc émissaire, vers lequel on détourne la violence sociale, afin qu’elle ne détruise pas tout sur son passage. Remarquons que le Front national s’était volontiers prêté à ce dispositif aussi longtemps que cela lui profitait, c’est-à-dire jusqu’à aujourd’hui. Le parti anti-système a besoin du système dans un premier temps pour se légitimer. Nous approchons du point où la fonction de bouc émissaire, théorisée par René Girard va être entièrement dévoilée et où la violence ne pourra plus se déchaîner vers une victime extérieure. Il faut bien mesurer le danger social d’une telle situation, et la haute probabilité de renversement qu’elle secrète: le moment approche pour ceux qui ont désigné la victime émissaire à la vindicte du peuple, de voir refluer sur eux, avec la vitesse et la violence d’un tsunami politique, la frustration sociale qu’ils avaient cherché à détourner Les élections régionales sont sans doute un des derniers avertissements en ce sens. (…) leur seule possibilité de survivre serait d’anticiper la violence refluant sur elles en faisant le sacrifice de leur innocence. Elles devraient anticiper la colère d’un peuple qui se découvre de plus en plus floué, et admettre qu’elles ont produit le système de la victime émissaire, afin de détourner la violence et la critique à l’égard de leur propre action. Pour cela, elles devraient cesser d’ostraciser le Front national, et accepter pleinement le débat avec lui, en le réintégrant sans réserve dans la vie politique républicaine française. Pour cela, elles devraient admettre de déconstruire la gigantesque hallucination collective produite autour du Front national, hallucination revenant aujourd’hui sous la forme inversée du Sauveur. (…) Il faut bien avouer que nos élites du PS comme des Républicains ne prennent pas ce chemin, démontrant soit qu’elles n’ont strictement rien compris à ce qui se passe dans ce pays depuis 30 ans, soit qu’elles l’ont au contraire trop bien compris, et ne peuvent plus en assumer le dévoilement, soit qu’elles espèrent encore prospérer ainsi. (…) Il semble au contraire après ces régionales que tout changera pour que rien ne change. Deux solutions qui ne modifient en rien le dispositif mais le durcissent au contraire se réaffirment. La première solution, empruntée par le PS et désirée par une partie des Républicains, consiste à maintenir coûte que coûte le discours du front républicain en recherchant un dépassement du clivage gauche/droite. Une telle solution consiste à aller plus loin encore dans la désignation de la victime émissaire, et à s’exposer à un retournement encore plus dévastateur. Car le Front national aura un boulevard pour dévoiler qu’il a été la victime émissaire d’une situation catastrophique dont tout montre de manière de plus en plus éclatante qu’il n’y est strictement pour rien. En ce sens, si à court terme, la déclaration de Valls sur le Front national, fauteur de guerre civile, a semblé efficace, elle s’avérera sans doute à plus ou moins long terme, comme le stade ultime de l’utilisation du dispositif de la victime émissaire, avant que celui-ci ne s’écroule sur ses promoteurs mêmes. Car sans même parler des effets dévastateurs que pourrait avoir, a posteriori, un nouvel attentat, sur une telle déclaration, comment ne pas remarquer que les dernières décisions du gouvernement sur la lutte anti-terroriste ont donné rétrospectivement raison à certaines propositions du Front national? On voit mal alors comment on pourrait désormais lui faire porter le chapeau de ce dont il n’est pas responsable, tout en lui ôtant le mérite des solutions qu’il avait proposées, et qu’on n’a pas hésité à lui emprunter! La deuxième solution, défendue par une partie des Républicains suivant en cela Nicolas Sarkozy, consiste à assumer des préoccupations communes avec le Front national, tout en cherchant à se démarquer un peu par les solutions proposées. Mais comment faire comprendre aux électeurs un tel changement de cap et éviter que ceux-ci ne préfèrent l’original à la copie? Comment les électeurs ne remarqueraient-ils pas que le Front national, lui, n’a pas changé de discours, et surtout, qu’il a précédé tout le monde, et a eu le mérite d’avoir raison avant les autres, puisque ceux-ci viennent maintenant sur son propre terrain? Comment d’autre part concilier une telle proximité avec un discours diabolisant le Front national et cherchant l’alliance au centre? Curieuses élites, qui ne comprennent pas que la posture « républicaine », initiée par Mitterrand, menace désormais de revenir comme un boomerang les détruire. Christopher Lasch avait écrit La révolte des élites, pour pointer leur sécession d’avec le peuple, c’est aujourd’hui le suicide de celles-ci qu’il faudrait expliquer, dernière conséquence peut-être de cette sécession. Vincent Coussedière
Pour un certain nombre d’analystes, le relatif échec de l’assimilation des populations d’origine maghrébine en France par rapport aux vagues migratoires précédentes, se traduisant, entre autres, par le maintien de prénoms spécifiques au sein des deuxième et troisième générations, est relié à un facteur culturel essentiellement considéré sous sa forme religieuse, la pratique de l’islam, qui rendrait impossible à ses membres de devenir complètement des Français comme les autres. Or, si le rôle de ce facteur ne peut être totalement nié, il en existe cependant un autre, d’ordre démographique, renforçant considérablement le phénomène, qui est le non-tarissement des flux. En effet, les immigrés à l’assimilation réussie, que sont les Italiens, les Polonais, les Espagnols ou les Vietnamiens se sont totalement fondus dans la population française parce que, suite aux vagues migratoires très importantes, les flux d’arrivée se sont taris, coupant définitivement les nouveaux arrivants des évolutions récentes de leur culture d’origine. (…) En conséquence, il s’est produit une adaptation rapide à la culture du pays d’accueil puisque ces nouveaux arrivants n’avaient aucun intérêt à maintenir leur culture d’origine. Leurs enfants scolarisés avec les autres petits français, à une époque où l’école était inclusive et le niveau d’enseignement satisfaisant, s’intégraient pleinement conduisant dès la première génération à de nombreux mariages avec la population locale, puisqu’ils n’allaient pas chercher leur conjoint dans le pays de naissance de leurs parents, et à l’adoption de comportements de fécondité semblables aux « autochtones », conduisant à une stabilisation des effectifs. Pour montrer l’influence primordiale de ce facteur, il convient de citer le cas des immigrés vietnamiens et cambodgiens arrivés en une seule vague à la fin des années 1970, sans espoir de retour à l’époque, dont l’intégration dans la société française est particulièrement exemplaire, bien qu’ils ne soient pas de culture européenne, qu’ils pratiquent, en règle générale, une religion différente (le bouddhisme) et que leur apparence physique en fasse une minorité visible! Or, pour les Maghrébins, la situation apparaît différente car les flux migratoires ne se sont jamais arrêtés depuis le début des Trente Glorieuses, soit depuis 70 ans. Il n’y a jamais réellement eu de pause permettant à la population de s’assimiler, la fin de l’immigration de travail sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing laissant place à la politique de regroupement familial, qui va à la fois maintenir un niveau non négligeable du flux d’entrées chaque année et stimuler la natalité de ces populations du fait de la féminisation de l’immigration. En conséquence, pour une large part des Maghrébins, le cordon ombilical n’a pas été coupé avec le pays d’origine, ce qui sous-entend le maintien et la transmission des traditions culturelles d’une génération à l’autre, en particulier sur le plan religieux, et une politique matrimoniale non assimilationniste, privilégiant une certaine endogamie, que ce soit à travers des mariages au sein de la communauté en France ou avec des congénères du pays d’origine, un des principaux moteurs du regroupement familial à l’heure actuelle. Il convient donc de s’interroger sur ce sujet, quitte à poser une question taboue, qui risque de faire débat: l’immigration perpétuelle empêche-t-elle l’assimilation? En effet, il est légitime de se poser la question. Les Français d’origine maghrébine se seraient peut-être plus facilement assimilés et auraient probablement une situation économique meilleure, si les flux d’arrivées s’étaient taris au milieu des années 1990, leur permettant de se tourner complètement vers leur nouveau pays. Dans ce contexte, le fondamentalisme religieux aurait probablement plus difficilement pénétré notre société, puisqu’il est d’abord arrivé en France par l’Algérie. Parallèlement, la natalité serait plus basse, permettant une meilleure réussite scolaire des enfants et les quartiers d’accueil seraient moins homogènes ethniquement, favorisant l’assimilation, car les flux migratoires auraient été moins nombreux. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les jeunes Maghrébins nés en France sont peut-être les premières victimes de l’immigration continue, d’autant plus que les nouveaux arrivants viennent les concurrencer sur le marché du travail. Laurent Chalard
Présentée comme illusoire ou anachronique, la demande de régulation des flux migratoires est, sur tous les continents, une demande banale des classes populaires quelles que soient leurs origines. (…) Décrite comme l’illustration d’une dérive xénophobe des « petits blancs », on constate qu’elle concerne en réalité tous les “petits”, quelles que soient leurs origines ethniques ou religieuses. (…) comme les gens ordinaires ne peuvent ériger des frontières invisibles avec l’Autre (comme le font les classes supérieures), ils craignent évidemment plus de devenir minoritaires dans leur immeuble, leur village ou leur quartier. Car être ou devenir minoritaire, c’est dépendre de la bienveillance de la majorité. (…) C’est en cassant le rythme d’une immigration perpétuelle que les pouvoirs publics pourraient agir sur le contexte social (la réduction des arrivées de ménages précaires stopperait la spirale de la paupérisation) mais aussi sécuritaire (la stabilisation puis la baisse du nombre de jeunes assécherait le vivier dans lequel recrutent les milieux délinquants). En reprenant la main sur cet « exercice de souveraineté qui a en partie été délégué à l’échelon européen », les politiques pourraient ainsi jouer sur les flux permanents qui, comme l’explique Laurent Chalard, empêche l’assimilation. Cette politique répondrait enfin aux attentes de la population de ces quartiers qui demandent  depuis des décennies une plus grande fermeté de l’Etat à l’égard de l’immigration clandestine mais aussi des dealers qui pourrissent la vie de ces territoires. Christophe Guilluy
La société ouverte (…), c’est la grande fake news de la mondialisation. Quand on regarde les choses de près, les gens qui vendent le plus la société ouverte sont ceux qui vivent dans le plus grand grégarisme social, ceux qui contournent le plus la carte scolaire, ceux qui vivent dans l’entre-soi et qui font des choix résidentiels qui leur permettent à la fin de tenir le discours de la société ouverte puisque de toute façon, ils ont, eux, les moyens de la frontière invisible. Et précisément, ce qui est à l’inverse la situation des catégories modestes, c’est qu’elles n’ont pas les moyens de la frontière invisible. Ca n’en fait pas des xénophobes ou des gens qui sont absolument contre l’autre. Ca fait simplement des gens qui veulent qu’un Etat régule. Christophe Guilluy
Ce qui est nouveau, c’est d’abord que la bourgeoisie a le visage de l’ouverture et de la bienveillance. Elle a trouvé un truc génial : plutôt que de parler de « loi du marché », elle dit « société ouverte », « ouverture à l’Autre » et liberté de choisir… Les Rougon-Macquart sont déguisés en hipsters. Ils sont tous très cools, ils aiment l’Autre. Mieux : ils ne cessent de critiquer le système, « la finance », les « paradis fiscaux ». On appelle cela la rebellocratie. C’est un discours imparable : on ne peut pas s’opposer à des gens bienveillants et ouverts aux autres ! Mais derrière cette posture, il y a le brouillage de classes, et la fin de la classe moyenne. La classe moyenne telle qu’on l’a connue, celle des Trente Glorieuses, qui a profité de l’intégration économique, d’une ascension sociale conjuguée à une intégration politique et culturelle, n’existe plus même si, pour des raisons politiques, culturelles et anthropologiques, on continue de la faire vivre par le discours et les représentations. (…) C’est aussi une conséquence de la non-intégration économique. Aujourd’hui, quand on regarde les chiffres – notamment le dernier rapport sur les inégalités territoriales publié en juillet dernier –, on constate une hyper-concentration de l’emploi dans les grands centres urbains et une désertification de ce même emploi partout ailleurs. Et cette tendance ne cesse de s’accélérer ! Or, face à cette situation, ce même rapport préconise seulement de continuer vers encore plus de métropolisation et de mondialisation pour permettre un peu de redistribution. Aujourd’hui, et c’est une grande nouveauté, il y a une majorité qui, sans être « pauvre » ni faire les poubelles, n’est plus intégrée à la machine économique et ne vit plus là où se crée la richesse. Notre système économique nécessite essentiellement des cadres et n’a donc plus besoin de ces millions d’ouvriers, d’employés et de paysans. La mondialisation aboutit à une division internationale du travail : cadres, ingénieurs et bac+5 dans les pays du Nord, ouvriers, contremaîtres et employés là où le coût du travail est moindre. La mondialisation s’est donc faite sur le dos des anciennes classes moyennes, sans qu’on le leur dise ! Ces catégories sociales sont éjectées du marché du travail et éloignées des poumons économiques. Cependant, cette« France périphérique » représente quand même 60 % de la population. (…) Ce phénomène présent en France, en Europe et aux États-Unis a des répercussions politiques : les scores du FN se gonflent à mesure que la classe moyenne décroît car il est aujourd’hui le parti de ces « superflus invisibles » déclassés de l’ancienne classe moyenne. (…) Toucher 100 % d’un groupe ou d’un territoire est impossible. Mais j’insiste sur le fait que les classes populaires (jeunes, actifs, retraités) restent majoritaires en France. La France périphérique, c’est 60 % de la population. Elle ne se résume pas aux zones rurales identifiées par l’Insee, qui représentent 20 %. Je décris un continuum entre les habitants des petites villes et des zones rurales qui vivent avec en moyenne au maximum le revenu médian et n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Face à eux, et sans eux, dans les quinze plus grandes aires urbaines, le système marche parfaitement. Le marché de l’emploi y est désormais polarisé. Dans les grandes métropoles il faut d’une part beaucoup de cadres, de travailleurs très qualifiés, et de l’autre des immigrés pour les emplois subalternes dans le BTP, la restauration ou le ménage. Ainsi les immigrés permettent-ils à la nouvelle bourgeoisie de maintenir son niveau de vie en ayant une nounou et des restaurants pas trop chers. (…) Il n’y a aucun complot mais le fait, logique, que la classe supérieure soutient un système dont elle bénéficie – c’est ça, la « main invisible du marché» ! Et aujourd’hui, elle a un nom plus sympathique : la « société ouverte ». Mais je ne pense pas qu’aux bobos. Globalement, on trouve dans les métropoles tous ceux qui profitent de la mondialisation, qu’ils votent Mélenchon ou Juppé ! D’ailleurs, la gauche votera Juppé. C’est pour cela que je ne parle ni de gauche, ni de droite, ni d’élites, mais de « la France d’en haut », de tous ceux qui bénéficient peu ou prou du système et y sont intégrés, ainsi que des gens aux statuts protégés : les cadres de la fonction publique ou les retraités aisés. Tout ce monde fait un bloc d’environ 30 ou 35 %, qui vit là où la richesse se crée. Et c’est la raison pour laquelle le système tient si bien. (…) La France périphérique connaît une phase de sédentarisation. Aujourd’hui, la majorité des Français vivent dans le département où ils sont nés, dans les territoires de la France périphérique il s’agit de plus de 60 % de la population. C’est pourquoi quand une usine ferme – comme Alstom à Belfort –, une espèce de rage désespérée s’empare des habitants. Les gens deviennent dingues parce qu’ils savent que pour eux « il n’y a pas d’alternative » ! Le discours libéral répond : « Il n’y a qu’à bouger ! » Mais pour aller où ? Vous allez vendre votre baraque et déménager à Paris ou à Bordeaux quand vous êtes licencié par ArcelorMittal ou par les abattoirs Gad ? Avec quel argent ? Des logiques foncières, sociales, culturelles et économiques se superposent pour rendre cette mobilité quasi impossible. Et on le voit : autrefois, les vieux restaient ou revenaient au village pour leur retraite. Aujourd’hui, la pyramide des âges de la France périphérique se normalise. Jeunes, actifs, retraités, tous sont logés à la même enseigne. La mobilité pour tous est un mythe. Les jeunes qui bougent, vont dans les métropoles et à l’étranger sont en majorité issus des couches supérieures. Pour les autres ce sera la sédentarisation. Autrefois, les emplois publics permettaient de maintenir un semblant d’équilibre économique et proposaient quelques débouchés aux populations. Seulement, en plus de la mondialisation et donc de la désindustrialisation, ces territoires ont subi la retraite de l’État. (…) Même si l’on installe 20 % de logements sociaux partout dans les grandes métropoles, cela reste une goutte d’eau par rapport au parc privé « social de fait » qui existait à une époque. Les ouvriers, autrefois, n’habitaient pas dans des bâtiments sociaux, mais dans de petits logements, ils étaient locataires, voire propriétaires, dans le parc privé à Paris ou à Lyon. C’est le marché qui crée les conditions de la présence des gens et non pas le logement social. Aujourd’hui, ce parc privé « social de fait » s’est gentrifié et accueille des catégories supérieures. Quant au parc social, il est devenu la piste d’atterrissage des flux migratoires. Si l’on regarde la carte de l’immigration, la dynamique principale se situe dans le Grand Ouest, et ce n’est pas dans les villages que les immigrés s’installent, mais dans les quartiers de logements sociaux de Rennes, de Brest ou de Nantes. (…) In fine, il y a aussi un rejet du multiculturalisme. Les gens n’ont pas envie d’aller vivre dans les derniers territoires des grandes villes ouverts aux catégories populaires : les banlieues et les quartiers à logements sociaux qui accueillent et concentrent les flux migratoires. Christophe Guilluy
La focalisation sur le « problème des banlieues » fait oublier un fait majeur : 61 % de la population française vit aujourd’hui hors des grandes agglomérations. Les classes populaires se concentrent dorénavant dans les espaces périphériques : villes petites et moyennes, certains espaces périurbains et la France rurale. En outre, les banlieues sensibles ne sont nullement « abandonnées » par l’État. Comme l’a établi le sociologue Dominique Lorrain, les investissements publics dans le quartier des Hautes Noues à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) sont mille fois supérieurs à ceux consentis en faveur d’un quartier modeste de la périphérie de Verdun (Meuse), qui n’a jamais attiré l’attention des médias. Pourtant, le revenu moyen par habitant de ce quartier de Villiers-sur-Marne est de 20 % supérieur à celui de Verdun. Bien sûr, c’est un exemple extrême. Il reste que, à l’échelle de la France, 85 % des ménages pauvres (qui gagnent moins de 993 € par mois, soit moins de 60 % du salaire médian, NDLR) ne vivent pas dans les quartiers « sensibles ». Si l’on retient le critère du PIB, la Seine-Saint-Denis est plus aisée que la Meuse ou l’Ariège. Le 93 n’est pas un espace de relégation, mais le cœur de l’aire parisienne. (…)  En se désindustrialisant, les grandes villes ont besoin de beaucoup moins d’employés et d’ouvriers mais de davantage de cadres. C’est ce qu’on appelle la gentrification des grandes villes, symbolisée par la figure du fameux « bobo », partisan de l’ouverture dans tous les domaines. Confrontées à la flambée des prix dans le parc privé, les catégories populaires, pour leur part, cherchent des logements en dehors des grandes agglomérations. En outre, l’immobilier social, dernier parc accessible aux catégories populaires de ces métropoles, s’est spécialisé dans l’accueil des populations immigrées. Les catégories populaires d’origine européenne et qui sont éligibles au parc social s’efforcent d’éviter les quartiers où les HLM sont nombreux. Elles préfèrent déménager en grande banlieue, dans les petites villes ou les zones rurales pour accéder à la propriété et acquérir un pavillon. On assiste ainsi à l’émergence de « villes monde » très inégalitaires où se concentrent à la fois cadres et catégories populaires issues de l’immigration récente. Ce phénomène n’est pas limité à Paris. Il se constate dans toutes les agglomérations de France (Lyon, Bordeaux, Nantes, Lille, Grenoble), hormis Marseille. (…) On a du mal à formuler certains faits en France. Dans le vocabulaire de la politique de la ville, « classes moyennes » signifie en réalité « population d’origine européenne ». Or les HLM ne font plus coexister ces deux populations. L’immigration récente, pour l’essentiel familiale, s’est concentrée dans les quartiers de logements sociaux des grandes agglomérations, notamment les moins valorisés. Les derniers rapports de l’observatoire national des zones urbaines sensibles (ZUS) montrent qu’aujourd’hui 52 % des habitants des ZUS sont immigrés, chiffre qui atteint 64 % en Île-de-France. Cette spécialisation tend à se renforcer. La fin de la mixité dans les HLM n’est pas imputable aux bailleurs sociaux, qui font souvent beaucoup d’efforts. Mais on ne peut pas forcer des personnes qui ne le souhaitent pas à vivre ensemble. L’étalement urbain se poursuit parce que les habitants veulent se séparer, même si ça les fragilise économiquement. Par ailleurs, dans les territoires où se côtoient populations d’origine européenne et populations d’immigration extra-européenne, la fin du modèle assimilationniste suscite beaucoup d’inquiétudes. L’autre ne devient plus soi. Une société multiculturelle émerge. Minorités et majorités sont désormais relatives. (…)  ces personnes habitent là où on produit les deux tiers du PIB du pays et où se crée l’essentiel des emplois, c’est-à-dire dans les métropoles. Une petite bourgeoisie issue de l’immigration maghrébine et africaine est ainsi apparue. Dans les ZUS, il existe une vraie mobilité géographique et sociale : les gens arrivent et partent. Ces quartiers servent de sas entre le Nord et le Sud. Ce constat ruine l’image misérabiliste d’une banlieue ghetto où seraient parqués des habitants condamnés à la pauvreté. À bien des égards, la politique de la ville est donc un grand succès. Les seuls phénomènes actuels d’ascension sociale dans les milieux populaires se constatent dans les catégories immigrées des métropoles. Cadres ou immigrés, tous les habitants des grandes agglomérations tirent bénéfice d’y vivre – chacun à leur échelle. En Grande-Bretagne, en 2013, le secrétaire d’État chargé des Universités et de la Science de l’époque, David Willetts, s’est même déclaré favorable à une politique de discrimination positive en faveur des jeunes hommes blancs de la « working class » car leur taux d’accès à l’université s’est effondré et est inférieur à celui des enfants d’immigrés. (…) Le problème social et politique majeur de la France, c’est que, pour la première fois depuis la révolution industrielle, la majeure partie des catégories populaires ne vit plus là où se crée la richesse. Au XIXe siècle, lors de la révolution industrielle, on a fait venir les paysans dans les grandes villes pour travailler en usine. Aujourd’hui, on les fait repartir à la « campagne ». C’est un retour en arrière de deux siècles. Le projet économique du pays, tourné vers la mondialisation, n’a plus besoin des catégories populaires, en quelque sorte. (…) L’absence d’intégration économique des catégories modestes explique le paradoxe français : un pays qui redistribue beaucoup de ses richesses mais dont une majorité d’habitants considèrent à juste titre qu’ils sont de plus en plus fragiles et déclassés. (…) Les catégories populaires qui vivent dans ces territoires sont d’autant plus attachées à leur environnement local qu’elles sont, en quelque sorte, assignées à résidence. Elles réagissent en portant une grande attention à ce que j’appelle le «village» : sa maison, son quartier, son territoire, son identité culturelle, qui représentent un capital social. La contre-société s’affirme aussi dans le domaine des valeurs. La France périphérique est attachée à l’ordre républicain, réservée envers les réformes de société et critique sur l’assistanat. L’accusation de «populisme» ne l’émeut guère. Elle ne supporte plus aucune forme de tutorat – ni politique, ni intellectuel – de la part de ceux qui se croient «éclairés». (…) Il devient très difficile de fédérer et de satisfaire tous les électorats à la fois. Dans un monde parfait, il faudrait pouvoir combiner le libéralisme économique et culturel dans les agglomérations et le protectionnisme, le refus du multiculturalisme et l’attachement aux valeurs traditionnelles dans la France périphérique. Mais c’est utopique. C’est pourquoi ces deux France décrivent les nouvelles fractures politiques, présentes et à venir. Christophe Guilluy
En 2016, Hillary Clinton traitait les électeurs de son opposant républicain, c’est-à-dire l’ancienne classe moyenne américaine déclassée, de « déplorables ». Au-delà du mépris de classe que sous-tend une expression qui rappelle celle de l’ancien président français François Hollande qui traitait de « sans-dents » les ouvriers ou employés précarisés, ces insultes (d’autant plus symboliques qu’elles étaient de la gauche) illustrent un long processus d’ostracisation d’une classe moyenne devenue inutile.  (…) Depuis des décennies, la représentation d’une classe moyenne triomphante laisse peu à peu la place à des représentations toujours plus négatives des catégories populaires et l’ensemble du monde d’en haut participe à cette entreprise. Le monde du cinéma, de la télévision, de la presse et de l’université se charge efficacement de ce travail de déconstruction pour produire en seulement quelques décennies la figure répulsive de catégories populaires inadaptées, racistes et souvent proches de la débilité. (…) Des rednecks dégénérés du film « Deliverance » au beauf raciste de Dupont Lajoie, la figure du « déplorable » s’est imposée dès les années 1970 dans le cinéma. La télévision n’est pas en reste. En France, les années 1980 seront marquées par l’émergence de Canal +, quintessence de l’idéologie libérale-libertaire dominante. (…) De la série « Les Deschiens », à la marionnette débilitante de Johnny Hallyday des Guignols de l’info, c’est en réalité toute la production audiovisuelle qui donne libre cours à son mépris de classe. Christophe Guilluy
Les territoires populistes sont toujours les mêmes, l’Amérique périphérique, l’Europe périphérique. Ce sont toujours ces territoires où l’on créé le moins d’emplois qui produisent ces résultats : les petites villes, les villes moyennes désindustrialisées et les zones rurales. La difficulté est intellectuelle pour ce monde d’en haut ; les politiques, les journalistes, les universitaires etc… Il faut penser deux choses à la fois. Objectivement, nous avons une économie qui créée de la richesse, mais ce modèle fonctionne sur un marché de l’emploi très polarisé, et qui intègre de moins en moins et créé toujours plus d’inégalités sociales et territoriales C’est ce qui a fait exploser ce clivage droite gauche qui était parfait, aussi longtemps que 2 Français sur 3 faisaient partie de la classe moyenne. Si on n’intègre pas les gens économiquement, ils se désaffilient politiquement. (…) C’est là où il y a le plus de chômage, de pauvreté, d’ouvriers, et le plus de gens qui votent FN. (…) Aujourd’hui les classes populaires ne vivent plus aux endroits où se créent les emplois et la richesse. Le marché de l’immobilier s’est chargé, non pas dans une logique de complot, évidemment, mais dans une simple logique de marché, de chasser les catégories dont le marché de l’emploi n’avait pas besoin. Ces gens se trouvent déportés vers les territoires où il ne se passe rien. Or, les élites n’ont de cesse de parier sur la métropolisation, il est donc nécessaire que s’opère une révolution intellectuelle. Il serait peut-être temps de penser aux gens qui ne bénéficient pas de ces dynamiques, si on ne veut pas finir avec un parti populiste en 2022. (…) Tout le bas ne peut pas être représenté que par le Front national. Il faut que les partis aillent sur ces thématiques. Il y a toujours eu un haut et un bas, et des inégalités, la question est qu’il faut que le haut soit exemplaire pour le bas, et qu’il puisse se connecter avec le bas. Il faut que le « haut » intègre les problématiques du « bas » de façon sincère. C’est exactement ce qui s’était passé avec le parti communiste, qui était composé d’une base ouvrière, mais aussi avec des intellectuels, des gens qui parlaient « au nom de ». Aujourd’hui c’est la grande différence, il n’y a pas de haut qui est exemplaire pour le bas. La conséquence se lit dans le processus de désaffiliation et de défiance des milieux populaires dans la France périphérique mais aussi en banlieue. Plus personne n’y croit et c’est cela l’immense problème de la classe politique, des journalistes etc. et plus généralement de la France d’en haut. Ces gens-là considèrent que le diagnostic des gens d’en bas n’est pas légitime. Ce qui est appelé « populisme ». Et cela est hyper fort dans les milieux académiques, et cela pèse énormément. On ne prend pas au sérieux ce que disent les gens. Et là, toute la machinerie se met en place. Parce que l’aveuglement face aux revendications des classes populaires se double d’une volonté de se protéger en ostracisant ces mêmes classes populaires. La posture de supériorité morale de la France d’en haut permet en réalité de disqualifier tout diagnostic social. La nouvelle bourgeoisie protège ainsi efficacement son modèle grâce à la posture antifasciste et antiraciste. L’antifascisme est devenu une arme de classe, car elle permet de dire que ce racontent les gens n’est de toute façon pas légitime puisque fasciste, puisque raciste. La bien-pensance est vraiment devenue une arme de classe. Notons à ce titre que dans les milieux populaires, dans la vie réelle les gens, quels que soient leurs origines ne se parlent pas de fascisme ou d’antifascistes, ça, ce n’est qu’un truc de la bourgeoisie. Dans la vie, les gens savent que tout est compliqué, et les gens sont en réalité d’une hyper subtilité et cherchent depuis des décennies à préserver leur capital social et culturel sans recourir à la violence. Le niveau de violence raciste en France reste très bas par rapport à la situation aux États Unis ou au Royaume Uni. Cette posture antifasciste, à la fin, c’est un assèchement complet de la pensée. Plus personne ne pense la question sociale, la question des flux migratoires, la question de l’insécurité culturelle, celle du modèle économique et territorial. Mais le haut ne pourra se régénérer et survivre que s’il parvient à parler et à se connecter avec le bas. (…) Cela implique que les partis intègrent toutes ces questions ; mondialisation, protectionnisme, identité, migrations etc… On ne peut pas traiter ces questions derrière le masque du fascisme ou de l’antifascisme. Christophe Guilluy
La question qui obsède les Corses aujourd’hui est la question qui hante toute la France périphérique et toutes les classes moyennes et populaires occidentales au XXIe siècle : « Vais-je devenir minoritaire dans mon île, mon village, mon quartier ? » C’est à la lumière de cette angoisse existentielle qu’il faut comprendre l’affaire du burkini sur la plage de Sisco, en juillet 2016, ou encore les tensions dans le quartier des Jardins de l’Empereur, à Ajaccio, en décembre 2015. C’est aussi à l’aune de cette interrogation qu’il faut évaluer le vote « populiste » lors de la présidentielle ou nationaliste aujourd’hui. En Corse, il y a encore une culture très forte et des solidarités profondes. À travers ce vote, les Corses disent : « Nous allons préserver ce que nous sommes. » Il faut ajouter à cela l’achat par les continentaux de résidences secondaires qui participe de l’insécurité économique en faisant augmenter les prix de l’immobilier. Cette question se pose dans de nombreuses zones touristiques en France : littoral atlantique ou méditerranéen, Bretagne, beaux villages du Sud-Est et même dans les DOM-TOM. En Martinique aussi, les jeunes locaux ont de plus en plus de difficultés à se loger à cause de l’arrivée des métropolitains. La question du « jeune prolo » qui ne peut plus vivre là où il est né est fondamentale. Tous les jeunes prolos qui sont nés hier dans les grandes métropoles ont dû se délocaliser. Ils sont les pots cassés du rouleau compresseur de la mondialisation. La violence du marché de l’immobilier est toujours traitée par le petit bout de la lorgnette comme une question comptable. C’est aussi une question existentielle ! En Corse, elle est exacerbée par le contexte insulaire. Cela explique que, lorsqu’ils proposent la corsisation des emplois, les nationalistes font carton plein chez les jeunes. C’est leur préférence nationale à eux. (…) La condition de ce vote, comme de tous les votes populistes, est la réunion de l’insécurité sociale et culturelle. (…) Le ressort du vote populiste est double et mêlé. Il est à la fois social et identitaire. De ce point de vue, la Corse est un laboratoire. L’offre politique des nationalistes est pertinente car elle n’est pas seulement identitaire. Elle prend en compte la condition des plus modestes et leur propose des solutions pour rester au pays et y vivre. Au-delà de l’effacement du clivage droite/gauche et d’un rejet du clanisme historique, leur force vient du fait qu’ils représentent une élite et qu’ils prennent en charge cette double insécurité. Cette offre politique n’a jamais existé sur le continent car le FN n’a pas intégré une fraction de l’élite. C’est même tout le contraire. Ce parti n’est jamais parvenu à faire le lien entre l’électorat populaire et le monde intellectuel, médiatique ou économique. Une société, c’est une élite et un peuple, un monde d’en bas et un monde d’en haut, qui prend en charge le bien commun. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le vote nationaliste et/ou populiste arrive à un moment où la classe politique traditionnelle a déserté, aussi bien en Corse que sur le continent. L’erreur de la plupart des observateurs est de présenter Trump comme un outsider. Ce n’est pas vrai. S’il a pu gagner, c’est justement parce qu’il vient de l’élite. C’est un membre de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Il fait partie du monde économique, médiatique et culturel depuis toujours, et il avait un pied dans le monde politique depuis des années. Il a gagné car il faisait le lien entre l’Amérique d’en haut et l’Amérique périphérique. Pour sortir de la crise, les sociétés occidentales auront besoin d’élites économiques et politiques qui voudront prendre en charge la double insécurité de ce qu’était hier la classe moyenne. C’est ce qui s’est passé en Angleterre après le Brexit, ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec Trump, ce qui se passe en Corse avec les nationalistes. Il y a aujourd’hui, partout dans le monde occidental, un problème de représentation politique. Les électeurs se servent des indépendantismes, comme de Trump ou du Brexit, pour dire autre chose. Christophe Guilluy
Il faut arrêter le discours du magistère des prétentieux. Cette idée de rééducation du peuple, en lui montrant la voie, n’est pas possible. Une société, c’est une majorité de catégories modestes et l’objectif d’une démocratie, c’est de servir prioritairement ces catégories. C’est dans ce sens là qu’il faut aller. Il faut prendre ces gens au sérieux, il faut prendre en compte les diagnostics des classes populaires sur leurs souhaits d’être protégés, ce qui ne veut pas dire être assistés. Ces catégories veulent du travail, elles veulent qu’on les respecte culturellement, et ne pas se faire traiter de « déplorables » ou de sans dents » – ce qui fait partie intégrante du problème identitaire que nous avons aujourd’hui qui est le produit de ces attaques là -. (…) Les gens veulent de la protection, du travail, de la régulation économique mais aussi une régulation des flux migratoires. Je parle ici de tout le monde d’en bas, parce que la demande de régulation des flux migratoires vient de toutes les catégories modestes quelles que soient les origines. Tout le monde veut la même chose alors que lorsque les gens parlent de la question migratoire, on les place sur la question raciale, non. C’est anthropologiquement vrai pour toutes les catégories modestes, et cela est vrai partout. Dans tous les pays, les catégories modestes veulent vivre tranquillement, ce qui ne veut pas dire vivre derrière des murs, mais vivre dans un environnement que l’on connaît avec des valeurs communes. (…) Ce qui est amusant aujourd’hui, c’est qu’il y a une ethnicisation des classes moyennes – on pense blanc – cela montre bien la fin du concept qui était censé être intégrateur pour le plus grand nombre. (…) Les autoritaires ne sont pas ceux que l’on croit. Sauver les démocraties occidentales, c’est faire entendre le plus grand nombre. Christophe Guilluy
Les gens aux Etats-Unis ou ailleurs ne se sont pas réveillés un beau matin pour se tourner vers le populisme. Non, ils ont fait un diagnostic, une analyse rationnelle : est-ce que ça marche pour eux ou pas. Et, rationnellement, ils n’ont pas trouvé leur compte. Et pas que du point de vue économique. S’il y a une exception française, c’est la victoire d’Emmanuel Macron, quand partout ailleurs les populistes semblent devoir l’emporter. (…) Si Emmanuel Macron l’a emporté, c’est qu’il a reçu le soutien de la frange encore protégée de la société française que sont les retraités et les fonctionnaires. Deux populations qui ont lourdement souffert au Royaume-Uni par exemple, comme l’a traduit leur vote pro-Brexit. Et c’est bien là le drame qui se noue en France. Car, parmi les derniers recours dont dispose la technocratie au pouvoir pour aller toujours plus avant vers cette fameuse adaptation, c’est bien de faire les poches des retraités et des fonctionnaires. Emmanuel Macron applique donc méticuleusement ce programme. (…) Un autre levier, déjà mis en branle par Margaret Thatcher puis par les gouvernements du New Labour de Tony Blair, est la fin de l’universalité de la redistribution et la concentration de la redistribution. Sous couvert de faire plus juste, et surtout de réduire les transferts sociaux, on réduit encore le nombre de professeurs, mais on divise les classes de ZEP en deux, on limite l’accès des classes populaires aux HLM pour concentrer ce patrimoine vers les franges les plus pauvres, et parfois non solvables. De quoi fragiliser le modèle de financement du logement social en France, déjà mis à mal par les dernières réformes, et ouvrir la porte à sa privatisation, comme ce fut le cas dans l’Angleterre thatchérienne. (…) Partout en Europe, dans un contexte de flux migratoire intensifié, ce ciblage des politiques publiques vers les plus pauvres – mais qui est le plus pauvre justement, si ce n’est celui qui vient d’arriver d’un territoire 10 fois moins riche ? – provoque inexorablement un rejet de ce qui reste encore du modèle social redistributif par ceux qui en ont le plus besoin et pour le plus grand intérêt de la classe dominante. C’est là que se noue la double insécurité économique et culturelle. Face au démantèlement de l’Etat-providence, à la volonté de privatiser, les classes populaires mettent en avant leur demande de préserver le bien commun comme les services publics. Face à la dérégulation, la dénationalisation, elles réclament un cadre national, plus sûr moyen de défendre le bien commun. Face à l’injonction de l’hypermobilité, à laquelle elles n’ont de toute façon pas accès, elles ont inventé un monde populaire sédentaire, ce qui se traduit également par une économie plus durable. Face à la constitution d’un monde où s’impose l’indistinction culturelle, elles aspirent à la préservation d’un capital culturel protecteur. Souverainisme, protectionnisme, préservation des services publics, sensibilité aux inégalités, régulation des flux migratoires, sont autant de thématiques qui, de Tel-Aviv à Alger, de Detroit à Milan, dessinent un commun des classes populaires dans le monde. Ce soft power des classes populaires fait parfois sortir de leurs gonds les parangons de la mondialisation heureuse. Hillary Clinton en sait quelque chose. Elle n’a non seulement pas compris la demande de protection des classes populaires de la Rust Belt, mais, en plus, elle les a traités de « déplorables ». Qui veut être traité de déplorable ou, de ce côté-ci de l’Atlantique, de Dupont Lajoie ? L’appartenance à la classe moyenne n’est pas seulement définie par un seuil de revenus ou un travail d’entomologiste des populations de l’Insee. C’est aussi et avant tout un sentiment de porter les valeurs majoritaires et d’être dans la roue des classes dominantes du point de vue culturel et économique. Placées au centre de l’échiquier, ces catégories étaient des références culturelles pour les classes dominantes, comme pour les nouveaux arrivants, les classes populaires immigrées. En trente ans, les classes moyennes sont passées du modèle à suivre, l’American ou l’European way of life, au statut de losers. Il y a mieux comme référents pour servir de modèle d’assimilation. Qui veut ressembler à un plouc, un déplorable… ? Personne. Pas même les nouveaux arrivants. L’ostracisation des classes populaires par la classe dominante occidentale, pensée pour discréditer toute contestation du modèle économique mondialisé – être contre, c’est ne pas être sérieux – a, en outre, largement participé à l’effondrement des modèles d’intégration et in fine à la paranoïa identitaire. L’asociété s’est ainsi imposée partout : crise de la représentation politique, citadéllisation de la bourgeoisie, communautarisation. Qui peut dès lors s’étonner que nos systèmes d’organisation politique, la démocratie, soient en danger ? Christophe Guilluy
Qui pourrait avoir envie d’intégrer une catégorie sociale condamnée par l’histoire économique et présentée par les médias comme une sous-classe  faible, raciste, aigrie et inculte ? (…) On peut débattre sans fin de la pertinence des modèles, de la crise identitaire, de la nécessité de réaffirmer les valeurs républicaines, de définir un commun: tous ces débats sont vains si les modèles ne sont plus incarnés. On ne s’assimile pas, on ne se marie pas, on ne tombe pas amoureux d’un système de valeurs, mais d’individus et d’un mode de vie que l’on souhaite adopter. Christophe Guilluy
Étant donné l’état de fragilisation sociale de la classe moyenne majoritaire française, tout est possible. Sur les plans géographique, culturel et social, il existe bien des points communs entre les situations françaises et américaines, à commencer par le déclassement de la classe moyenne. C’est « l’Amérique périphérique » qui a voté Trump, celle des territoires désindustrialisés et ruraux qui est aussi celle des ouvriers, employés, travailleurs indépendants ou paysans. Ceux qui étaient hier au cœur de la machine économique en sont aujourd’hui bannis. Le parallèle avec la situation américaine existe aussi sur le plan culturel, nous avons adopté un modèle économique mondialisé. Fort logiquement, nous devons affronter les conséquences de ce modèle économique mondialisé : l’ouvrier – hier à gauche –, le paysan – hier à droite –, l’employé – à gauche et à droite – ont aujourd’hui une perception commune des effets de la mondialisation et rompent avec ceux qui n’ont pas su les protéger. La France est en train de devenir une société américaine, il n’y a aucune raison pour que l’on échappe aux effets indésirables du modèle. (…) Dans l’ensemble des pays développés, le modèle mondialisé produit la même contestation. Elle émane des mêmes territoires (Amérique périphérique, France périphérique, Angleterre périphérique… ) et de catégories qui constituaient hier la classe moyenne, largement perdue de vue par le monde d’en haut. (…) la perception que des catégories dominantes – journalistes en tête – ont des classes populaires se réduit à leur champ de vision immédiat. Je m’explique : ce qui reste aujourd’hui de classes populaires dans les grandes métropoles sont les classes populaires immigrées qui vivent dans les banlieues c’est-à-dire les minorités : en France elles sont issues de l’immigration maghrébine et africaine, aux États-Unis plutôt blacks et latinos. Les classes supérieures, qui sont les seules à pouvoir vivre au cœur des grandes métropoles, là où se concentrent aussi les minorités, n’ont comme perception du pauvre que ces quartiers ethnicisés, les ghettos et banlieues… Tout le reste a disparu des représentations. Aujourd’hui, 59 % des ménages pauvres, 60 % des chômeurs et 66 % des classes populaires vivent dans la « France périphérique », celle des petites villes, des villes moyennes et des espaces ruraux. (…) Faire passer les classes moyennes et populaires pour « réactionnaires », « fascisées », « pétinisées » est très pratique. Cela permet d’éviter de se poser des questions cruciales. Lorsque l’on diagnostique quelqu’un comme fasciste, la priorité devient de le rééduquer, pas de s’interroger sur l’organisation économique du territoire où il vit. L’antifascisme est une arme de classe. Pasolini expliquait déjà dans ses Écrits corsaires que depuis que la gauche a adopté l’économie de marché, il ne lui reste qu’une chose à faire pour garder sa posture de gauche : lutter contre un fascisme qui n’existe pas. C’est exactement ce qui est en train de se passer. (…) Il y a un mépris de classe presque inconscient véhiculé par les médias, le cinéma, les politiques, c’est énorme. On l’a vu pour l’élection de Trump comme pour le Brexit, seule une opinion est présentée comme bonne ou souhaitable. On disait que gagner une élection sans relais politique ou médiatique était impossible, Trump nous a prouvé qu’au contraire, c’était faux. Ce qui compte, c’est la réalité des gens depuis leur point de vue à eux. Nous sommes à un moment très particulier de désaffiliation politique et culturel des classes populaires, c’est vrai dans la France périphérique, mais aussi dans les banlieues où les milieux populaires cherchent à préserver ce qui leur reste : un capital social et culturel protecteur qui permet l’entraide et le lien social. Cette volonté explique les logiques séparatistes au sein même des milieux modestes. Une dynamique, qui n’interdit pas la cohabitation, et qui répond à la volonté de ne pas devenir minoritaire. (…) La bourgeoisie d’aujourd’hui a bien compris qu’il était inutile de s’opposer frontalement au peuple. C’est là qu’intervient le « brouillage de classe », un phénomène, qui permet de ne pas avoir à assumer sa position. Entretenue du bobo à Steve Jobs, l’idéologie du cool encourage l’ouverture et la diversité, en apparence. Le discours de l’ouverture à l’autre permet de maintenir la bourgeoisie dans une posture de supériorité morale sans remettre en cause sa position de classe (ce qui permet au bobo qui contourne la carte scolaire, et qui a donc la même demande de mise à distance de l’autre que le prolétaire qui vote FN, de condamner le rejet de l’autre). Le discours de bienveillance avec les minorités offre ainsi une caution sociale à la nouvelle bourgeoisie qui n’est en réalité ni diverse ni ouverte : les milieux sociaux qui prônent le plus d’ouverture à l’autre font parallèlement preuve d’un grégarisme social et d’un entre-soi inégalé. (…) Nous, terre des lumières et patrie des droits de l’homme, avons choisi le modèle libéral mondialisé sans ses effets sociétaux : multiculturalisme et renforcement des communautarismes. Or, en la matière, nous n’avons pas fait mieux que les autres pays. (…) Le FN n’est pas le bon indicateur, les gens n’attendent pas les discours politiques ou les analyses d’en haut pour se déterminer. Les classes populaires font un diagnostic des effets de plusieurs décennies d’adaptation aux normes de l’économie mondiale et utilisent des candidats ou des référendums, ce fut le cas en 2005, pour l’exprimer. Christophe Guilluy
A chaque fois, la grogne vient de territoires qui sont moins productifs économiquement, où le chômage est très implanté. Ce sont des territoires ruraux, des petites et moyennes villes souvent éloignées des grandes métropoles : ce que j’appelle la « France périphérique ». Ce sont des lieux où vivent les classes moyennes, les ouvriers, les petits salariés, les indépendants, les retraités. Cette majorité de la population subit depuis 20 à 30 ans une recomposition économique qui les a desservis. (…) La colère de ces populations vient de beaucoup plus loin. Cela fait des années que ces catégories de Français ne sont plus intégrées politiquement et économiquement. Il y a eu la fermeture progressive des usines puis la crise du monde rural. Pour eux, le retour à l’emploi est très compliqué. En plus, ils ont subi la désertification médicale et le départ des services publics. Idem pour les commerces qui quittent les petites villes. Tout cela s’est cristallisé autour de la question centrale du pouvoir d’achat. Mais le mouvement des Gilets jaunes est une conséquence de tout cela mis bout à bout. (…) le ressentiment est gigantesque. Ce qui est certain c’est que les problèmes sont désormais sur la table. Et si la contestation des Gilets jaunes ne perdure pas dans le temps, un autre mouvement émergera de ces territoires un peu plus tard, car rien n’aura été réglé. (…) Le monde d’en haut ne parle plus au monde d’en bas. Et le monde d’en bas n’écoute plus le monde d’en haut. Les élites sont rassemblées géographiquement dans des métropoles où il y a du travail et de l’argent. Elles continuent de s’adresser à une classe moyenne et à une réalité sociale qui n’existent plus. C’est un boulevard pour les extrêmes… (…) Ils s’adaptent à la demande, comme toujours ! (…) Les réponses apportées par le gouvernement sont à côté de la plaque. Les gens ne demandent pas des solutions techniques pour financer un nouveau véhicule. Ils attendent des réponses de fond où on leur explique quelle place ils ont dans ce pays. De nombreux élus locaux ont des projets pour relancer leur territoire, mais ils n’ont pas d’argent pour les mettre en place. Il faut se retrousser les manches pour développer ces régions, partir du peuple plutôt que de booster en permanence les premiers de cordée. Christophe Guilluy
La diabolisation vise moins les partis populistes ou leur électorat (considéré comme définitivement « perdu » aux yeux de la classe dominante) que la fraction des classes supérieures et intellectuelles qui pourrait être tentée par cette solidarité de classe et ainsi créer les conditions du changement. (…) Si l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a provoqué autant de réactions violentes dans l’élite mondialisée, ce n’est pas parce qu’il parle comme un « white trash » mais parce que au contraire il est issu de l’hyper-classe. En évoquant le protectionnisme ou la régulation des flux migratoires, Donald Trump brise le consensus idéologique à l’intérieur même de la classe dominante. Il contribue ainsi à un basculement d’une fraction des classes supérieures qui assurent la survie du système. Le 45e président n’a pas gagné parce qu’il a fait le plein de voix dans la « white working class » mais parce qu’il a réalisé l’alliance improbable entre une fraction du monde d’en haut et celui de l’Amérique périphérique. La prise de conscience des réalités populaires par une fraction de l’élite est un vrai risque, elle peut se réaliser à tout moment, dans n’importe quel pays ou région. Christophe Guilluy
Il n’y a aucun complot. Les métropoles ne sont pas un bras armé, mais simplement l’application aux territoires du modèle économique mondialisé et de la loi du marché. Et la loi du marché bénéficie, comme cela a toujours été le cas, à la bourgeoisie. La seule courbe des prix de l’immobilier suffit à le démontrer. Un ouvrier qui économiserait chaque mois 100 euros pour acheter un logement mettrait une vie entière pour acquérir 10 m2 à Paris. [« La société ouverte »] C’est l’autre nom de loi du marché. Les métropoles sont des citadelles imprenables. Elles érigent, grâce à l’argent,  des murs d’enceintes bien plus solides que ceux du moyen âge. Un discret entre soi et un grégarisme social fonctionnent aussi à plein. Cette tendance est renforcée par un mode de vie respectueux de l’environnement qui, in fine, renforce la gentrification. La fermeture des grands axes et la piétonnisation renchérissent le foncier. Déguisés en hipsters, les nouveaux Rougon-Macquart se fondent dans le décorum ouvrier des bars et restaurants des anciens quartiers populaires et se constituent des patrimoines immobiliers considérables. Mais les masques finissent par tomber… (…) Après le Brexit, dont la géographie recouvre celle de « l’Angleterre et la Grande-Bretagne périphérique » et populaire, les classes dominantes ont expliqué que ce vote devait être invalidé car porté par des gens  « peu éduqués » selon Alain Minc ou des « crétins » d’après Bernard-Henri Lévy. Anne Hidalgo et son collègue de Londres Sadiq Khan ont fait par la suite l’apologie des villes-mondes qui doivent damer le pion aux Etats-Nations, en prônant en filigrane une forme d’abandon  des périphéries populaires. Leur projet de « cités-Etats » rappelle paradoxalement les discours séparatistes de partis populistes comme celui de la Ligue du Nord italienne. (…) Les métropoles ont besoin de catégories populaires pour occuper les emplois peu qualifiés (dans les services, le BTP, la restauration). Il leur faut aussi des catégories intermédiaires, des « key workers » qui assurent la continuité du service public. Le logement social permet de maintenir ces travailleurs dans les métropoles gentrifiées. Bertrand Delanoë, tout comme Anne Hidalgo, ont construit beaucoup de logements sociaux pour répondre à ce besoin. Tout cela est rationnel.  Mais si le taux de logements sociaux est passé de 13,4 % en 2001 à 17,6 % aujourd’hui, il ne compense en rien la disparition d’un parc privé, « social de fait », qui accueillait hier les classes populaires. Or, sur le marché de l’emploi métropolitain, on a essentiellement besoin de catégories très qualifiées et, à la marge, de catégories populaires. La majorité des catégories modestes, c’est à dire de la population, n’a donc plus sa place dans ces espaces. (…) S’il reste encore des classes populaires, des ménages pauvres et des chômeurs dans les quartiers de logements sociaux des grandes métropoles, la majorité de ces catégories  vit désormais à l’écart des métropoles dans une « France périphérique », celle des petites villes, des villes moyennes et des zones rurales. Ces territoires sont, en moyenne, marqués par une plus faible création d’emplois et de richesses et sont fragiles socialement. Ce modèle n’est pas spécifique à la France, il constitue l’une des conséquences de l’application d’un modèle économique mondialisé qui repose notamment sur la division internationale du travail. Ce système marche très bien, il crée de la richesse et de l’emploi. Mais il ne fait pas société. (…) En réalité, la « boutique » tourne aujourd’hui sans les catégories populaires. Les territoires de la France périphérique, en particulier ceux de la désindustrialisation du Nord et de l’Est, sont marqués par une grande fragilité économique et sociale. Ils ont bénéficié à ce titre d’une forte redistribution. La péréquation, la création d’emplois publics ont joué le rôle d’amortisseur. La commune et l’hôpital étaient les premiers et les seuls véritables employeurs de ces communes. Mais dans un contexte de raréfaction de l’argent public et des dotations de l’Etat et de désertification de l’emploi, les champs du possible se restreignent. (…)  Le géographe Gérard-François Dumont parle d’une « idéologie de la métropolisation », une idéologie portée par l’ensemble de la classe dominante qui in fine  renforce le poids des métropoles et celui des classes supérieures. Cette idéologie interdit l’évocation d’une France populaire majoritaire comme s’il fallait laisser dans l’invisibilité les perdants de la mondialisation. Dans cette lutte des classes, on assimile sciemment cette France populaire à celle du repli, des ignares. Derrière cette fausse polémique et cette vraie guerre des représentations, il y a tout simplement une lutte des classes non dites qui révèle  la « prolophobie » selon l’expression du politologue Gaël Brustier.  Christophe Guilluy
Je dis depuis quinze ans qu’il y a un éléphant malade (la classe moyenne) dans le magasin de porcelaine (l’Occident) et qu’on m’explique qu’il n’y a pas d’éléphant. Les « gilets jaunes » correspondent effectivement à la sociologie et à la géographie de la France périphérique que j’observe depuis des années. Ouvriers, employés ou petits indépendants, ils ont du mal à boucler leurs fins de mois. Socialement précarisées, ces catégories modestes vivent dans les territoires (villes, moyennes ou petites, campagnes) qui créent le moins d’emplois. Ces déclassés illustrent un mouvement enraciné sur le temps long : la fin de la classe moyenne dont ils formaient hier encore le socle. (…) Du paysan historiquement de droite à l’ouvrier historiquement de gauche, les « gilets jaunes » constatent que le modèle mondialisé ne les intègre plus. Ils roulent en diesel parce qu’on leur a dit de le faire, mais se font traiter de pollueurs par les élites des grandes métropoles. Alors que le monde d’en haut réaffirme sans cesse son identité culturelle (la ville mondialisée, le bio, le vivre-ensemble…), les « gilets jaunes » n’entendent pas se plier au modèle économique et culturel qui les exclut. (…) Plus que l’exclusion des plus modestes, c’est d’abord la sécession du monde d’en haut qui a joué. La rupture entre le haut et le bas de la société se creuse à mesure que les élites ostracisent le peuple. Macron a beau avoir fait le bon diagnostic quand il a déclaré : « Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants », son camp s’est empressé de traiter les « gilets jaunes » de racistes, d’antisémites et d’homophobes. Ça ne favorise pas la réconciliation ! Pourtant majoritaire, puisqu’elle constitue 60 % de la population, la France périphérique est rejetée par le monde d’en haut qui ne se reconnaît plus dans son propre peuple. L’importance du mouvement et surtout du soutien de l’opinion (huit Français sur dix) révèle l’isolement du monde d’en haut et des représentations sociales et territoriales totalement erronées. Ce divorce soulève un véritable problème démocratique, car les classes moyennes ont toujours été le référent culturel de la classe dirigeante. (…) Certes, il y a des manifestants de droite, de gauche, d’extrême droite et d’extrême gauche qui structurent assez mal leurs discours. Mais tous souhaitent la même chose : du travail et la préservation de ce qu’ils sont. La question du respect est fondamentale, mais le pouvoir y répond par l’insulte ! (…) Tout est possible. Il y a un tel déficit d’offre politique qu’un leader populiste pourrait surgir aussi vite que Macron a émergé. La demande existe. Dans le reste du monde, les populistes réussissent en adaptant leur idéologie à la demande. Il y a quelques années, Salvini défendait des positions sécessionnistes, libérales et racistes en s’attaquant aux Italiens du Sud. Aujourd’hui ministre, il se fait acclamer à Naples, devient étatiste, prône l’unité italienne et vote un budget quasiment de gauche. Quant à Trump, c’est un membre de l’hyperélite new-yorkaise qui a écouté les demandes de l’Amérique périphérique. Ces leaders ne se disent pas qu’il faut rééduquer le peuple. Au contraire, ce sont les demandes de la base qui leur indiquent la voie à suivre. Ainsi, un Mouvement 5 étoiles pourra émerger en France s’il répond aux demandes populaires de régulation (économique, migratoire). (…) Dans tous les pays occidentaux, la classe moyenne est en train d’exploser par le bas. Cette évolution a démarré dans les années 1970-1980 par la crise du monde ouvrier, avec les restructurations industrielles, puis a touché les paysans, les employés du secteur tertiaire, et enfin des territoires ruraux et des villes moyennes. Si on met bout à bout toutes ces catégories, cela touche le cœur de la société. Sur les décombres des classes moyennes telles qu’elles existaient pendant les Trente Glorieuses, les nouvelles classes populaires – ouvriers, employés, paysans, petits commerçants – forment partout l’immense majorité de la population. (…) Maintenant que la classe moyenne a explosé, deux grandes catégories sociales s’affrontent avec comme arrière-plan un nouveau modèle économique de polarisation de l’emploi. D’un côté, les catégories supérieures – 20 à 25 % de la population –, qui occupent des emplois extrêmement qualifiés et hyper intégrés, se concentrent dans les métropoles. De l’autre, une grosse masse de précaires dont les salaires ne suivent pas, vit dans des zones périphériques. Même dans une région riche comme la Bavière, l’électorat AfD recoupe une sociologie et une géographie plutôt populaires réparties dans des petites villes, des villes moyennes et des zones rurales. (…) La classe moyenne n’est absolument pas une catégorie ethnique. Dans mon dernier livre, je critique l’ethnicisation du concept qui, contrairement à ce qu’on croit, est venue de l’intelligentsia de gauche. Depuis quelques années, il y a un glissement sémantique : quand certains parlent des banlieues ou de la politique de la ville, ils désignent les populations issues de l’immigration récente, et quand ils évoquent la « classe moyenne », ils veulent dire « Blancs ». C’est une bêtise. La classe moyenne est le produit d’une intégration économique et culturelle qui a fonctionné pour les Antillais ainsi que pour les premières vagues d’immigration maghrébine qui en épousaient les valeurs, quelle que fût leur origine ou leur religion. Faut-il le rappeler, les DOM-TOM font partie de la France périphérique. Dans ces territoires, les demandes de régulation (économique et migratoire) émanent des mêmes catégories. Cette dynamique est aujourd’hui cassée car le modèle occidental n’intègre plus ces catégories, ni économiquement, ni socialement, ni culturellement. Même dans des régions du monde prospères comme la Scandinavie, les petites gens sont fragilisées culturellement. Cette explosion des classes moyennes entraîne la crise des valeurs culturelles qu’elles portaient, donc des systèmes d’assimilation. (…) Si les classes moyennes, socle populaire du monde d’en haut, ne sont plus les référents culturels de celui-ci, qui ne cesse de les décrire comme des déplorables, elles ne peuvent plus mécaniquement être celles à qui ont envie de ressembler les immigrés. Hier, un immigré qui débarquait s’assimilait mécaniquement en voulant ressembler au Français moyen. De même, l’American way of life était porté par l’ouvrier américain à qui l’immigré avait envie de ressembler. Dès lors que les milieux modestes sont fragilisés et perçus comme des perdants, ils perdent leur capacité d’attractivité. C’est un choc psychologique gigantesque. Cerise sur le gâteau, l’intelligentsia vomit ces gens, à l’image d’Hillary Clinton qui traitait les électeurs de Trump de « déplorables ». Personne n’a envie de ressembler à un déplorable ! (…) La dynamique populiste joue sur deux ressorts à la fois : l’insécurité sociale et l’insécurité culturelle. L’insécurité culturelle sans l’insécurité économique et sociale, cela donne l’électorat Fillon, qui a logiquement voté Macron au second tour : il n’a aucun intérêt à renverser le modèle dont il bénéficie. On l’a vu avec l’élection de Trump, aucun vote populiste n’émerge sans la conjonction de fragilités identitaire et sociale. Il est donc vain de se demander si c’est l’une ou l’autre de ces composantes qui joue. Raison pour laquelle les débats sur la prétendue influence d’Éric Zemmour sont idiots. Zemmour exprime un mouvement réel de la société, qui explique qu’avec 11 millions d’électeurs pour Marine Le Pen, le Front national ait battu son record absolu de voix au second tour en 2017. Malgré tout, la redistribution reste très forte et les protégés sont nombreux. Emmanuel Macron n’a pas seulement été élu par le monde d’en haut. Il a aussi été largement soutenu par les protégés, c’est-à-dire les retraités – notamment de la classe moyenne – et les fonctionnaires. Là est le paradoxe français : ce qui reste de l’État providence protège le monde d’en haut… (…) Cela explique son effondrement dans les sondages. Ceci dit, le niveau de pension reste relativement correct et ne pousse pas les retraités français à renverser la table, même ceux qui estiment qu’il y a des problèmes avec l’immigration. Mais cela pourrait changer aux États-Unis et en Grande-Bretagne, l’État providence étant fragilisé depuis les années 1980, les retraités ne craignent pas de bousculer le système. Ils ont voté pour le Brexit parce qu’ils n’ont rien à perdre. Si demain le gouvernement fragilise les retraités français, ils ne cautionneront pas éternellement le système. En détricotant tous les filets sociaux, comme la redistribution en faveur des retraités, on prend de très gros risques pour la suite des opérations. (…) Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le gouvernement a fait marche arrière sur la CSG. La pension de retraite médiane en France tourne autour de 1 000, 1 100 euros par mois ! En dessous de 1 000 euros par mois, cela commence à être très compliqué. La majorité des retraités sont issus des catégories populaires. Et ils sont les seuls, au sein de celles-ci, à n’avoir pas majoritairement basculé dans l’abstention ou dans le vote populiste. Le jour où eux aussi basculeront, le choc sera comparable au Brexit. Regardez aussi la rapidité avec laquelle les populistes ont gagné en Italie. (…) Qu’on le veuille ou non, le mouvement est là et il suffit d’attendre. Partout en Occident, il y a une très forte demande de régulation : économique, sociale, migratoire. Pour toute réponse à cette demande populaire, on la traite de fasciste – je suis bien placé pour le savoir. Le résultat de cette stratégie de diversion, c’est que la fracture entre l’élite et les classes supérieures, d’une part, et le peuple d’autre part, ne cesse de se creuser. Jamais dans l’histoire ces deux mondes n’avaient été aussi étrangers l’un à l’autre. (…) Ce monde d’en haut ne tient pas seulement avec le 1 % ou les hyper riches, mais avec des catégories supérieures et une technostructure – les énarques, mais aussi les technocrates territoriaux issus de l’INET. Ses membres viennent tous des mêmes milieux et partagent exactement la même vision de la société. À l’inverse, quand je me balade en France, je rencontre des élus de gauche ou de droite qui partagent mon diagnostic. Et qui se désolent de voir qu’au sommet de leur parti, domine le modèle mondialisé structuré autour des métropoles. (…) Quand la pensée est vraiment en décalage avec le réel, les tentatives de déni et de diabolisation ne marchent plus. Cependant, avec toute la volonté politique du monde, sans l’appui de la technostructure, aucun changement n’est possible. La même question se pose dans les territoires : comment initier des politiques différentes avec la même technostructure ? Peu importe qui est maire de Paris ou Bordeaux, ces villes créent de la richesse grâce au libre jeu du marché. En revanche, il faut être sacrément doué pour sortir Guéret ou Vierzon de l’impasse. (…) Actuellement, on traite la France périphérique à coups de subventions. On redistribue un peu, beaucoup, passionnément, de façon à ce que les gens puissent remplir leur caddie au supermarché. On est arrivé au bout de ce modèle, notamment parce que l’État et les ménages sont surendettés. Mais lorsque des élus locaux et des entreprises privées se réunissent autour d’une table pour impulser un projet économique, cela réussit. Je pense par exemple à la relance des couteaux de Laguiole, dans l’Aveyron. (…) Comme le démontre l’exemple de Laguiole, on ne peut plus penser l’organisation territoriale uniquement à travers une volonté imposée d’en haut par les pouvoirs publics. C’est du bas vers le haut qu’il faut penser ces territoires. Dans des départements ruraux comme la Nièvre, les élus réclament la compétence économique pour initier des projets. Les présidents de conseils départementaux connaissent parfaitement leur territoire, les entreprises qui marchent et la raison de leur succès, la ville où il y a des pauvres et des chômeurs. Ils sont souples, inventifs, pragmatiques et ont à leur disposition des fonctionnaires départementaux issus du cru. Mais les hauts fonctionnaires qui forment l’administration régionale ou étatique cherchent à leur retirer de plus en plus de compétences économiques. Quoique majoritaire, la France des territoires n’existe pas politiquement. Les élus locaux sont marginalisés au sein de leurs partis, contrairement aux élus des grandes villes. Tout doit donc commencer par un rééquilibrage démocratique. Christophe Guilluy
Les professions les moins qualifiées sont ainsi celles qui se sont le moins déplacées, dimanche. L’abstention atteint 67% chez les ouvriers et 64% chez les employés, contre 59% chez les professions intermédiaires et 54% chez les cadres. L’abstention entre les deux tours du scrutin s’est en particulier accrue chez les ouvriers, enregistrant au second tour un taux supérieur de cinq points à celui du premier tour. Les différents courants politiques ne sont pas exposés de la même manière à l’abstention. Les électeurs de l’extrême droite et de la gauche radicale ont davantage boudé les urnes, selon cette même étude. L’abstention a ainsi dépassé les 50% parmi ceux qui ont accordé leur voix à Eric Zemmour, Marine Le Pen ou à Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle. Le sursaut de participation que Jean-Luc Mélenchon a appelé de ses vœux pour le second tour ne s’est là encore pas produit, puisque l’abstention a augmenté chez ses partisans. A l’inverse, moins de 40% des électeurs d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse ont boudé les urnes, soit une légère baisse par rapport au premier tour. Franceinfo
Je ne sais pas combien de temps Éric Zemmour restera en politique. Mais ce dont je suis convaincue, c’est que le mouvement d’espoir et d’enthousiasme bien réel qu’il a réveillé est la manifestation d’une révolte populaire profonde, qui n’a rien d’une bulle. Cette révolte cherche désespérément un leader, et a vu en lui un possible véhicule de ses revendications de renforcement du cadre national, comme protection contre les grands vents de la globalisation. Éric Zemmour a réveillé un patriotisme français à la fois raisonné et émotionnel qui n’osait plus s’exprimer de manière ouverte de peur d’être qualifié de nationalisme raciste et dangereux. L’épisode du vieux militaire qui lui a offert ses décorations de guerre en pleurant, pendant un meeting, n’a rien d’anecdotique. Une partie croissante de la société considère, même si elle est divisée sur les solutions, que le pays est dans une impasse stratégique dangereuse, qui mènera à la disparition de la France en tant que civilisation, si rien n’est fait pour arrêter l’immigration massive et pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants, et notamment celle de communautés musulmanes qui sont soumises à la pression de l’islamisme, et aux particularités politiques de l’islam qui ne fait pas de distinction entre le politique et le religieux. La réalité est que Zemmour a donné voix à une angoisse existentielle sur la transformation démographique et culturelle de notre pays. Le phénomène est transoccidental. Les peuples d’Occident réclament des frontières et sonnent partout l’alarme contre le piège globaliste et multiculturaliste que les élites ont refermé sur eux, avec un mélange d’irénisme et d’aveuglement. Ils ont peur d’une désagrégation du tissu économique et politique national au profit d’intérêts chinois ou autres susceptible d’accélérer notre perte de souveraineté, et d’une communautarisation accélérée qui rendra la vie en commun de plus en plus difficile. En France, il y a aussi une énorme préoccupation due à l’apparition d’une insécurité chronique, d’une grande violence. Le phénomène Zemmour ou ses variantes ne sont pas près selon moi de disparaître, parce que les élites répondent à l’inquiétude en érigeant une grande muraille du déni et de l’excommunication, peignant leurs revendications comme la marque d’un nouveau fascisme au lieu d’y répondre. (…) La révolte zemmouriste et la révolte trumpiste portaient maintes similitudes, dans leurs ressorts antimondialisation et anti-immigration, leur credo conservateur, leur défense de l’Occident chrétien et leur méfiance de l’islam, leur volonté de réalisme en politique étrangère. Toutes ces ressemblances n’empêchent pas les différences de personnalités et de culture abyssales entre les deux. Donald Trump est un fils de famille, héritier d’un promoteur immobilier de Brooklyn, qui a forgé sa personnalité sur les chantiers de construction paternels dans la banlieue de Big Apple, puis fait son chemin dans un monde capitaliste new-yorkais brutal et sans pitié. Éric Zemmour, issu d’un milieu très simple, a fait sa vie dans les livres, le journalisme, l’exploration passionnée de l’histoire et l’observation d’un monde politique dont il connaissait les tours et détours. C’est un intellectuel, qui tend à tout théoriser, quand Trump est un pur intuitif. Mais on trouve aussi des points communs entre les deux hommes: le caractère indomptable, le sens de la formule et la capacité à exprimer, de manière cathartique, ce que pense le peuple. Ce sont de ce point de vue deux hommes de la petite lucarne qu’ils ont utilisée avec maestria pour faire leur célébrité et nouer une relation intime avec le peuple. Tous deux partagent aussi une allergie à l’idéologie du genre et une vision assez macho des relations hommes-femmes, ainsi qu’une conception hobbésienne du monde, basée sur les rapports de force. Leur fascination pour les hommes forts, qui s’est d’ailleurs exprimée dans leur admiration troublante pour Vladimir Poutine, est un autre point commun très frappant. (…) Éric Zemmour n’a pu asseoir sa popularité sur un parti de l’establishment déjà installé contrairement à Trump qui a pris d’assaut le parti républicain. Il n’a pas réussi non plus à séduire les classes populaires, peut-être parce qu’il n’a pas su complètement leur parler, contrairement à Trump et à Marine Le Pen, qui ont su parler de l’insécurité économique et du pouvoir d’achat du «pays périphérique» alors que Zemmour mettait l’accent sur la question de l’immigration et de la survie de la nation. Sans doute a-t-il sous-estimé l’angoisse de «la guerre civile» des Français, qui partagent son inquiétude sur l’avenir de la France, mais craignent sans doute encore plus la menace d’un clash entre communautés. Ils partagent son diagnostic, mais sont terrifiés par ses solutions, ou pas assez convaincus de sa capacité à gérer l’immensité du défi. Au-delà de tous ces points clés, je suis pour ma part persuadée que c’est la guerre de Poutine qui a percuté et détruit la candidature d’Éric Zemmour. Quand celle-ci éclate, le 24 février, il est en ascension, atteignant quelque 16% des intentions de vote, à égalité avec Le Pen, qui semble, elle, sur une pente descendante. Mais la guerre chamboule tout. Ayant répété depuis des années que Poutine est un grand patriote, voire un modèle dont la France devrait s’inspirer pour remettre son pays en ordre, Éric Zemmour est frappé de plein fouet. Sa condamnation trop faible de la guerre, son incapacité à qualifier Poutine de dictateur et sa persistance à dénoncer les responsabilités de l’Occident, au lieu de prendre la mesure de l’impérialisme brutal de Poutine et de la dangerosité d’un pouvoir russe basé sur la violence et le mensonge, ont, je pense, créé un doute béant dans la bourgeoisie qui l’avait soutenu jusque-là, doute dans lequel se sont engouffrés ses adversaires. Les classes populaires, qui soutenaient Le Pen, elles, ont moins réagi à la guerre. Son absence d’empathie vis-à-vis des réfugiés ukrainiens, dont il a jugé la présence peu opportune en France, a également beaucoup choqué. Marine Le Pen, qui avait pourtant un lourd passif sur le sujet, vu sa proximité ancienne et totale avec Poutine, a mieux géré cette situation embarrassante, détournant le tir en parlant «pouvoir d’achat» et révélant une habileté politique que n’a pas su montrer Zemmour, resté très idéologique. Lui qui avait voulu se placer dans le sillage de De Gaulle s’est retrouvé pris à contre-pied, compromis avec un dictateur impérial impitoyable, alors que l’Ukraine incarnait l’esprit de résistance gaullien et churchillien. Cette fascination pour Poutine de la droite national-populiste et de l’extrême droite s’explique par l’habileté avec laquelle l’homme fort de la Russie a instrumentalisé les révoltes national-populistes. Voyant là une opportunité de se constituer une «armée» de partis amis, il les a courtisés, se posant en souverainiste, en rempart de la chrétienté contre l’islamisme et la décadence des mœurs de l’Occident. Il s’agissait d’un trompe-l’œil bien sûr, d’un village Potemkine cachant la déliquescence et l’anomie d’une société russe où domine la loi du plus fort la plus brutale, pas le conservatisme. Mais les voix des experts qui avertissaient contre l’entourloupe ont été ignorées, et les nationalistes de tout poil sont tombés en plein dans le piège. Zemmour comme les autres. (…) Le réveil des nations d’Occident s’exprime de multiples façons, souvent brouillonnes et éphémères, avec un succès très relatif en effet. Ces phénomènes témoignent de la volonté instinctive des peuples d’empêcher des processus de désintégration des nations extrêmement puissants et peut-être irréversibles, liés à l’affaiblissement des États au profit de forces transnationales très puissantes, à la révolution technologique en cours, à l’affaiblissement des classes moyennes, qui, comme le rappelle le politologue Andrew Michta, forment le «demos», l’âme des nations démocratiques. S’agit-il d’un baroud d’honneur? Je ne l’espère pas. L’idéal serait que les revendications des partis populistes entrent peu à peu dans les réflexions des élites gouvernantes, que ces partis contribuent à la solution des problèmes qu’ils pointent. Mais si les élites s’avèrent incapables de faire face, il faut s’attendre à ce que Yascha Mounk appelle un scénario de «guerre civile complexe». Je crains une montée en puissance de tensions communautaires inextricables, d’un scénario de radicalisation des revendications, d’un glissement vers une forme de racialisation et exacerbation des conflits subnationaux si le niveau national devient défaillant ; bref, d’un affaiblissement simultané de la démocratie et de la nation si les élites gouvernantes échouent à intégrer les révoltes actuelles dans le paysage. Un despote pourrait-il alors surgir pour ramasser la mise? Dans mon livre, j’invite à méditer l’évolution américaine. Car l’éviction politique de Trump et l’arrivée de Biden n’ont nullement débouché sur une normalisation de la scène politique. On a vu émerger une véritable sécession mentale et politique d’une partie du camp Trump, sur fond de radicalisation de la gauche identitaire woke. Deux Amérique qui ne se parlent plus et ne se font plus confiance, se sont solidifiées, dans un état de guerre civile tiède. Il faut tout faire pour éviter un tel scénario en France. (….) Car la crise de l’Occident appelle les tempêtes. Nous avons été tellement occupés à nous diviser et à repousser la solution des problèmes posés, tellement obsédés par notre culpabilité historique, tellement absorbés par nos interrogations sur la fluidité du genre et autres débats postmodernes sur le sexe des anges, que nous avons fermé les yeux face aux défis qui fondaient sur nous. Mais nous venons d’être ramenés à la brutalité du réel par la guerre de Poutine en Ukraine. Depuis des années, Vladimir Poutine a constaté nos lâchetés, nos renoncements face à ses agressions, et notre incapacité à nous rassembler. Il a vu dans la faiblesse occidentale, dans sa déliquescence spirituelle et sa sortie de l’Histoire nihiliste et infantile, une occasion rêvée d’avancer ses pions en Ukraine, pour réaliser son grand projet néoimpérial de rassemblement des terres russes et de révolution mondiale anti-occidentale. Il a décidé que nous étions si décadents, si divisés, si vénaux que nous ne bougerions pas. Il s’est en partie trompé puisque nous avons réagi collectivement et entrepris d’aider l’Ukraine. Mais cette crise doit être l’occasion d’une introspection bien plus sérieuse sur la manière dont nous devons viser à reconstruire nos démocraties et l’Europe. Nous devons travailler d’urgence à réconcilier les élites et le peuple, car la guerre civile à petit feu qui gronde est le terreau sur lequel tous nos ennemis s’engouffreront. Nous devons également réarmer nos nations, revenir à la notion de puissance. Nous devons aussi méditer la leçon de la résistance patriotique ukrainienne, qui montre que nous avons besoin de la force et de l’esprit des nations, pour construire une Europe forte et solidaire. Nous avons besoin aussi d’apprendre à garder les yeux ouverts, au lieu de nous concentrer sur «le réel» qui arrange nos postulats idéologiques. En France notamment, la droite nationale doit reconnaître son aveuglement dans l’appréciation du danger russe, et s’interroger sur les raisons pour lesquelles elle s’est laissée abuser. La gauche doit, de son côté, absolument prendre acte du danger stratégique que constitue l’islamisation croissante de notre pays, sujet sur lequel elle reste plongée dans un déni suicidaire. Sinon, dans vingt ans, nous aurons à l’intérieur de nos murs une catastrophe tout aussi grave que celle qui a surgi à l’est de l’Europe. Laure Mandeville
La coexistence de deux axes, gauche-droite et bloc élitaire-bloc populaire, a brisé la majorité parlementaire. Il ne s’agit pas d’une dispersion du vote que des formules programmatiques pourraient aisément résoudre, mais d’électorats qui se consolident sur des bases séparées et largement irréconciliables. D’où une crise politique larvée depuis 2017 qui éclate au grand jour en ce second tour des législatives. La toile de fond est tout de même la réticence à l’égard d’Emmanuel Macron. Il a maintenu son pouvoir sans davantage convaincre les Français. L’écho donné depuis des semaines à Jean-Luc Mélenchon a produit un énorme déséquilibre: si les attentes en matière sociale, cristallisées autour du thème du pouvoir d’achat, sont indéniables, les inquiétudes civilisationnelles demeurent. Au moment où les candidats de la Nupes faisaient de la surenchère, l’opinion entendait avec consternation les échos du Stade de France. La fameuse droitisation du pays était largement une chimère, mais l’est tout autant l’idée d’une conversion subite des Français au gauchisme culturel. (…) Le Rassemblement national abordait les élections législatives avec différents handicaps dont la surabstention des catégories populaires, mais avec l’atout trop vite oublié des 41% et quelques obtenus le 24 avril. À ce niveau, la diabolisation fonctionne mal. L’ambiguïté d’Ensemble! à l’égard de la Nupes semble avoir convaincu de nombreux électeurs de bloquer ce qui leur semblait être une dérive périlleuse pour le pays, quel que soit leur jugement sur le programme lepéniste. Le projet populaire et nationaliste du RN semble donc une formule suffisamment pertinente pour bousculer une droite classique décidément encombrée par sa prudence. On évoque souvent la radicalisation des opinions, voici celle de la représentation politique. (…) Heureusement pour elle, la droite conserve un enracinement politique qui a fait son succès aux élections locales du quinquennat écoulé. Aux élections législatives, cela lui permet de limiter les dégâts, mais tout de même, on ne se remet pas si facilement d’une division par trois du score du candidat soutenu par LR à la présidentielle. La droite continue à subir une concurrence vive de la part de Macron et un rétrécissement subséquent de son influence vers les strates les plus âgées de l’électorat. Si les députés élus sous étiquette LR devaient avoir une position charnière dans la prochaine législature, est-ce que cela serait pour la droite une bonne nouvelle? En apparence certainement, mais cela pourrait aussi bloquer son nécessaire aggiornamento idéologique. Reste pour elle à trancher une question pendante depuis 2017: est-elle une force d’opposition résolue au macronisme, ou bien une solution de remplacement? Ce sera sans doute du cas par cas, ce qui est déjà une forme de réponse. (…) Quand l’abstention progresse à la présidentielle et est majoritaire dès le premier tour des législatives, il y a péril dans la demeure démocratique. L’expression politique des classes populaires est rongée par le non-vote, qui est souvent une forme de désespérance. Le 12 juin, seuls 35 % des employés et 38 % des ouvriers sont allés voter, au lieu de 47 % des cadres et 67 % des retraités. Les moins satisfaits de la situation politique et sociale sont aussi ceux les plus tentés par une forme de refus de principe, ou plus prosaïquement par le «laisser-tomber». Je n’exclue pas que se développe dans le pays une forme de survivalisme politique, fait d’abandon des rituels républicains, de repli sur soi et de participation erratique à des mouvements venus de la base. Le phénomène des «gilets jaunes» et son échec final, sanctionné par la réélection massive de Macron, en donne un avant-goût. (…) Un bon niveau de participation des citoyens aux élections constitue un vœu pieux républicain qui ne se pose pas avec la même acuité selon son positionnement idéologique et sa base électorale. Ainsi, une certaine auto-éviction des catégories populaires profite au pouvoir confirmé dans les urnes en avril dernier. Si cependant existe la volonté de proposer des solutions politiques réunificatrices, la séquence électorale 2022 apporte des pistes évidentes. Les propositions civilisationnelles doivent s’accompagner d’une prise en charge des attentes matérielles, la critique des politiques suivies peut être radicale, mais à condition d’être portée par une équipe crédible. Rien que de très simple à écrire, et de très malaisé à faire. (…) Tout ici est question de méthode. Face à des résultats électoraux, rien n’est plus facile ni plus fragile que de dessiner des formes, que l’on peut appeler pôles, blocs ou quoi que ce soit d’autre selon l’inspiration, en agrégeant des scores. Ainsi, à partir du premier tour de l’élection présidentielle, certains ont parlé d’un «bloc de gauche» autour de la Nupes, d’un «bloc centriste» représenté par le vote Emmanuel Macron et enfin d’un «bloc d’extrême droite» en additionnant les suffrages s’étant portés sur Marine Le Pen et Éric Zemmour. D’autres ont agrégé le vote pour Valérie Pécresse au vote Macron, ou bien au vote Le Pen. Ce genre de considérations relèvent de la pure taxinomie et n’ont aucun pouvoir explicatif. Car de deux choses l’une: soit il s’agit par le terme de «bloc» ou de «pôle» d’évoquer des relations concrètes entre différents votes, et alors on désigne une alliance électorale dûment formée, ce qui correspond bien à la Nupes mais pas aux autres formations en lice ; soit on postule une unité sous-jacente aux discours des acteurs politiques, et alors il faut la trouver dans une analyse serrée des propositions ou des électorats. Ces deux blocs sont toujours visibles dans les urnes. Les cadres ont voté pour le président sortant à 35 % au premier tour et 77 % au second, les retraités à 38 % puis 68 %. En sens inverse, 36 % des ouvriers et des employés ont choisi Marine Le Pen le 10 avril, et respectivement 67 % et 57 % deux semaines plus tard. À nouveau, les deux candidats porteurs de la sociologie électorale la plus contrastée entre eux se sont affrontés lors de ces élections. C’est aussi bien vrai en termes de niveau de revenu que de diplôme. Comme en 2017, il faut ajouter aussitôt deux choses. Tout d’abord, ce qui est criant à la présidentielle est beaucoup moins évident aux élections législatives, tout simplement parce que manque alors non plus le quart mais la moitié des inscrits, et que les catégories populaires sont largement absentes. Ensuite, qu’il y ait une polarisation évidente entre deux pôles ne signifie pas que l’ensemble du corps électoral s’y range dès le premier tour, loin de là. Au premier tour de 2022, 49 % des suffrages exprimés se sont portés sur des candidats autres que les deux finalistes. Jérôme Sainte-Marie

Quelle  démocratie confisquée ?

Quand un président ayant volé son élection il y a cinq ans suite à un putsch juridique …
Se maintient aujourd’hui au pouvoir face à un parti patriote …
Qui malgré la diabolisation et la surabstention qu’elle induit à nouveau …
A fait plus de 41% à la présidentielle …
Et se retrouve aujourd’hui si l’on inclue les 28 sièges perdus de Reconquête …
Avec 89 députés au lieu de 149 ?
Législatives : un vote à la proportionnelle aurait-il donné la même Assemblée ?

Presque
Marius François
Marianne
20/06/2022

La proportionnelle, réclamée par de nombreux politiques pour insuffler plus de représentation au Parlement, s’est-elle imposée d’elle-même ce dimanche 19 juin ? Comparaison.
Trois blocs s’installent au Palais Bourbon. La Nupes s’offre 131 sièges, Ensemble ! échoue à réunir une majorité absolue et décroche 245 députés. Et alors qu’il peinait à s’imposer dans l’hémicycle, le Rassemblement national fait une percée historique avec 89 députés. Le parti de Marine Le Pen double ainsi son précédent record de 35 sièges en 1986. Particularité de ces législatives : les socialistes avaient respecté leur engagement de 1981 et mis en place une proportionnelle au niveau départemental…ce qui leur permettait aussi de contenir la majorité de la droite chiraquienne à l’époque.
Au lendemain du premier tour des législatives, Marianne avait esquissé le visage de l’Assemblée si les Français avaient voté à la proportionnelle intégrale. La constitution des trois blocs observée ce dimanche 19 juin se rapproche-t-elle de ces estimations ?
La Nupes et l’extrême droite lésées
Par rapport à la proportionnelle intégrale, la Nupes est la plus lésée des trois blocs ce dimanche. Elle décroche 131 sièges, contre 167. Parti malheureux également, Reconquête ! ne parvient pas à arracher le moindre député. Et pour cause, ses candidats n’ont pas passé le premier tour. Une proportionnelle intégrale lui aurait offert 28 parlementaires. Malgré son gros score, le RN obtient 32 députés de moins qu’en cas de proportionnelle.
Ensemble ! s’en sort bien mieux et bénéficie malgré tout du scrutin majoritaire avec un bénéfice de 77 parlementaires. Avec ses 64 députés, LR en obtient 9 de moins qu’avec un vote à la proportionnelle. S’il n’a pas reproduit parfaitement les contours d’un hémicycle élu à la proportionnelle, ce second tour rompt avec les précédents par le fractionnement de l’Assemblée élue. Une représentation bien plus proche du vote des Français, une première depuis la réforme du quinquennat.
Voir aussi:
Législatives : à quoi ressemblerait l’Assemblée si on avait voté à la proportionnelle intégrale ?
Aucune majorité n’émergerait selon cette simulation des résultats à la proportionnelle intégrale.
Pierre Lann
Marianne
13/06/2022
Les trois blocs politiques révélés par l’élection présidentielle seraient plus fidèlement représentés. La coalition des soutiens d’Emmanuel Macron n’aurait pas de majorité, même en s’alliant aux LR. Le Rassemblement National compterait 121 députés. Au contraire, le nombre d’élus de la Nupes varierait peu par rapport aux projections des instituts de sondage.
Réclamée pour donner une vision « plus fidèle » de l’équilibre des forces politiques, la proportionnelle était dans toutes les têtes, au soir du premier tour des législatives. À partir du résultat du premier tour, que donnerait une assemblée nationale avec un scrutin à la proportionnelle intégrale ? Marianne a tenté l’expérience.
Ce n’est qu’un calcul indicatif. Le mode de scrutin proportionnel peut en effet être assorti d’une grande variété de modalités de calcul des voix. En 1986, pour sa seule utilisation sous la Ve République, il s’agissait ainsi d’une proportionnelle départementale et non intégrale.
Dans notre projection, les résultats sont au contraire simulés en considérant que la France est une circonscription unique, pour rendre compte des dynamiques nationales. Nous nous fondons sur les résultats et les nuances du ministère de l’Intérieur, qui font débat. La Nupes (coalition de gauche) revendique la victoire au premier tour, ce qui ferait légèrement varier notre simulation. Marianne a aussi fait le choix de ne retenir que les nuances ayant obtenu plus de 3 % des suffrages au niveau national, pour intégrer plus de formations politiques. D’autres pays, comme l’Allemagne par exemple, prévoient des seuils d’accession au Parlement plus élevés.
Pas de majorité
Premier constat : l’Assemblée nationale serait éclatée en trois blocs. Ensemble ! et la Nupes obtiendraient des groupes de même importance. Selon notre estimation, Ensemble !, l’union des soutiens d’Emmanuel Macron (qui réunit la République en Marche, le Modem et Horizons d’Édouard Philippe) devancerait d’une très courte tête la coalition de gauche, en obtenant 168 députés contre 167 pour la Nupes. Le groupe du Rassemblement National serait moins conséquent, même s’il pourrait compter sur 121 députés.
En l’état, la France serait particulièrement difficile à gouverner. C’est pourquoi l’introduction de la proportionnelle intégrale apparaît peu probable. Des modalités pour permettre l’émergence d’une majorité devraient donc être introduites pour faire émerger une majorité.
Le grand déclassement pour Ensemble
En l’état, ce score empêcherait très clairement d’obtenir Ensemble! une majorité au Palais Bourbon. Le seuil pour obtenir une majorité absolue est en effet fixé à 289 députés. Le gouvernement serait donc contraint de négocier des coalitions. S’allier avec Les Républicains et l’UDI, et même avec les députés « divers gauche », ne suffirait pas. Une telle coalition ne compterait dans ses rangs qu’un maximum de 261 élus.
Cette configuration tranche nettement avec les projections de l’institut Ipsos Sopra-Steria. Celles-ci donnent, en moyenne, 275 sièges à Ensemble. Soit une centaine de plus que son score si le scrutin était régi par la proportionnelle intégrale. Les soutiens d’Emmanuel Macron apparaissent donc comme les plus favorisés par le mode de scrutin actuel.
Peu de changement pour la Nupes
Selon notre projection, la coalition de gauche emporterait 167 sièges à la proportionnelle intégrale. Elle en compterait un ou deux de plus, et passerait devant Ensemble ! si l’on prend en compte les chiffres du journal Le Monde. L’étiquetage opéré par le quotidien diffère de celui du ministère de l’Intérieur et donne la Nupes en tête au premier tour (26,1 % contre 25,8).
Il y aurait toutefois peu de changement par rapport aux projections des instituts de sondage après le second tour, qui se fondent sur le mode de scrutin actuel. En moyenne, ils estiment que la Nupes obtiendra autour de 170 sièges, dont une grande majorité pour la France Insoumise.
Le RN avec 121 députés
Le grand perdant du mode de scrutin actuel semble être le Rassemblement National. À la proportionnelle intégrale, notre estimation lui donnerait 121 sièges, soit la troisième force politique de l’Assemblée Nationale. Au contraire, les projections de l’institut Ipsos Sopra-Steria ne lui prédisent qu’entre 20 et 45 élus à l’issue du second tour, soit 88 députés de moins.
Des chiffres qui expliquent l’empressement de Marine Le Pen à réclamer l’introduction de la proportionnelle pour les législatives. Grâce à un score national en nette augmentation, le parti de Marine Le Pen semble toutefois bien parti se rapprocher de son score de 1986. Grâce à la proportionnelle, le FN avait alors fait entrer à l’Assemblée 35 députés.
Zemmour serait à l’Assemblée
Balayé dès le premier tour ce dimanche, le parti d’Éric Zemmour semble aussi avoir intérêt à l’instauration de la proportionnelle. Selon notre calcul, Reconquête ! pourrait compter sur 28 élus à la proportionnelle intégrale, alors qu’aucun de ses candidats n’entrera au Palais Bourbon à l’issue du second tour.
Voir également:

Jérôme Sainte-Marie: « Une crise politique larvée éclate au grand jour »

Alexandre Devecchio 

19 juin 2022 

ENTRETIEN – Pour le politologue, le faible score de la majorité présidentielle, le succès de la Nupes et la poussée du RN marquent un tournant de notre vie politique. 

LE FIGARO. – Que vous inspirent les résultats de ce deuxième tour des élections législatives? 

Jérôme SAINTE-MARIE. – La coexistence de deux axes, gauche-droite et bloc élitaire-bloc populaire, a brisé la majorité parlementaire. Il ne s’agit pas d’une dispersion du vote que des formules programmatiques pourraient aisément résoudre, mais d’électorats qui se consolident sur des bases séparées et largement irréconciliables. D’où une crise politique larvée depuis 2017 qui éclate au grand jour en ce second tour des législatives. 

La toile de fond est tout de même la réticence à l’égard d’Emmanuel Macron. Il a maintenu son pouvoir sans davantage convaincre les Français. L’écho donné depuis des semaines à Jean-Luc Mélenchon a produit un énorme déséquilibre: si les attentes en matière sociale, cristallisées autour du thème du pouvoir d’achat, sont indéniables, les inquiétudes civilisationnelles demeurent. Au moment où les candidats de la Nupes faisaient de la surenchère, l’opinion entendait avec consternation les échos du Stade de France. La fameuse droitisation du pays était largement une chimère, mais l’est tout autant l’idée d’une conversion subite des Français au gauchisme culturel. 

La poussée du RN est-elle historique? 

Le Rassemblement national abordait les élections législatives avec différents handicaps dont la surabstention des catégories populaires, mais avec l’atout trop vite oublié des 41% et quelques obtenus le 24 avril. À ce niveau, la diabolisation fonctionne mal. L’ambiguïté d’Ensemble! à l’égard de la Nupes semble avoir convaincu de nombreux électeurs de bloquer ce qui leur semblait être une dérive périlleuse pour le pays, quel que soit leur jugement sur le programme lepéniste. Le projet populaire et nationaliste du RN semble donc une formule suffisamment pertinente pour bousculer une droite classique décidément encombrée par sa prudence. On évoque souvent la radicalisation des opinions, voici celle de la représentation politique. 

Malgré son faible score, la droite pourrait paradoxalement se retrouver en position d’arbitre? 

Heureusement pour elle, la droite conserve un enracinement politique qui a fait son succès aux élections locales du quinquennat écoulé. Aux élections législatives, cela lui permet de limiter les dégâts, mais tout de même, on ne se remet pas si facilement d’une division par trois du score du candidat soutenu par LR à la présidentielle. La droite continue à subir une concurrence vive de la part de Macron et un rétrécissement subséquent de son influence vers les strates les plus âgées de l’électorat. Si les députés élus sous étiquette LR devaient avoir une position charnière dans la prochaine législature, est-ce que cela serait pour la droite une bonne nouvelle? En apparence certainement, mais cela pourrait aussi bloquer son nécessaire aggiornamento idéologique. Reste pour elle à trancher une question pendante depuis 2017: est-elle une force d’opposition résolue au macronisme, ou bien une solution de remplacement? Ce sera sans doute du cas par cas, ce qui est déjà une forme de réponse. 

L’autre fait marquant de ces législatives est l’abstention massive. S’il y a deux blocs, n’est-ce pas entre ceux qui croient encore à la politique et ceux qui n’y croient plus? 

Quand l’abstention progresse à la présidentielle et est majoritaire dès le premier tour des législatives, il y a péril dans la demeure démocratique. L’expression politique des classes populaires est rongée par le non-vote, qui est souvent une forme de désespérance. Le 12 juin, seuls 35 % des employés et 38 % des ouvriers sont allés voter, au lieu de 47 % des cadres et 67 % des retraités. Les moins satisfaits de la situation politique et sociale sont aussi ceux les plus tentés par une forme de refus de principe, ou plus prosaïquement par le «laisser-tomber». Je n’exclue pas que se développe dans le pays une forme de survivalisme politique, fait d’abandon des rituels républicains, de repli sur soi et de participation erratique à des mouvements venus de la base. Le phénomène des «gilets jaunes» et son échec final, sanctionné par la réélection massive de Macron, en donne un avant-goût. 

Comment sortir de cette crise démocratique et notamment réintégrer les classes populaires dans le jeu politique? 

Un bon niveau de participation des citoyens aux élections constitue un vœu pieux républicain qui ne se pose pas avec la même acuité selon son positionnement idéologique et sa base électorale. Ainsi, une certaine auto-éviction des catégories populaires profite au pouvoir confirmé dans les urnes en avril dernier. Si cependant existe la volonté de proposer des solutions politiques réunificatrices, la séquence électorale 2022 apporte des pistes évidentes. Les propositions civilisationnelles doivent s’accompagner d’une prise en charge des attentes matérielles, la critique des politiques suivies peut être radicale, mais à condition d’être portée par une équipe crédible. Rien que de très simple à écrire, et de très malaisé à faire. 

Ces résultats ne viennent-ils pas démentir votre théorie de l’affrontement entre un bloc élitaire, incarné par Emmanuel Macron, et un bloc populaire incarné par Marine Le Pen? Peut-on parler de tripartition? 

Tout ici est question de méthode. Face à des résultats électoraux, rien n’est plus facile ni plus fragile que de dessiner des formes, que l’on peut appeler pôles, blocs ou quoi que ce soit d’autre selon l’inspiration, en agrégeant des scores. Ainsi, à partir du premier tour de l’élection présidentielle, certains ont parlé d’un «bloc de gauche» autour de la Nupes, d’un «bloc centriste» représenté par le vote Emmanuel Macron et enfin d’un «bloc d’extrême droite» en additionnant les suffrages s’étant portés sur Marine Le Pen et Éric Zemmour. D’autres ont agrégé le vote pour Valérie Pécresse au vote Macron, ou bien au vote Le Pen. Ce genre de considérations relèvent de la pure taxinomie et n’ont aucun pouvoir explicatif. Car de deux choses l’une: soit il s’agit par le terme de «bloc» ou de «pôle» d’évoquer des relations concrètes entre différents votes, et alors on désigne une alliance électorale dûment formée, ce qui correspond bien à la Nupes mais pas aux autres formations en lice ; soit on postule une unité sous-jacente aux discours des acteurs politiques, et alors il faut la trouver dans une analyse serrée des propositions ou des électorats. 

Ces deux blocs sont toujours visibles dans les urnes. Les cadres ont voté pour le président sortant à 35 % au premier tour et 77 % au second, les retraités à 38 % puis 68 %. En sens inverse, 36 % des ouvriers et des employés ont choisi Marine Le Pen le 10 avril, et respectivement 67 % et 57 % deux semaines plus tard. 

À nouveau, les deux candidats porteurs de la sociologie électorale la plus contrastée entre eux se sont affrontés lors de ces élections. C’est aussi bien vrai en termes de niveau de revenu que de diplôme. Comme en 2017, il faut ajouter aussitôt deux choses. Tout d’abord, ce qui est criant à la présidentielle est beaucoup moins évident aux élections législatives, tout simplement parce que manque alors non plus le quart mais la moitié des inscrits, et que les catégories populaires sont largement absentes. Ensuite, qu’il y ait une polarisation évidente entre deux pôles ne signifie pas que l’ensemble du corps électoral s’y range dès le premier tour, loin de là. Au premier tour de 2022, 49 % des suffrages exprimés se sont portés sur des candidats autres que les deux finalistes.

Voir encore:

Elections législatives 2022 : jeunes, ouvriers… Visualisez le profil des abstentionnistes du second tour

Si l’abstention au second tour des élections législatives, dimanche, a atteint un niveau élevé, elle n’a toutefois pas concerné toutes les couches de la population de la même manière. Découvrez en trois graphiques le profil sociologique des abstentionnistes.

Lise Kiennemann
France Télévisions
20/06/2022

Elle n’a pas dépassé son record de 2017, mais l’abstention a atteint un niveau élevé au second tour des élections législatives, dimanche 19 juin. Plus de la moitié des électeurs (53,77%) ne se sont pas rendus aux urnes. Mais qui sont les abstentionnistes ? Age, revenus, appartenance politique… Franceinfo dresse en trois graphiques le profil sociologique de cet électorat qui ne s’est pas déplacé pour le scrutin.

Chez les 18-24 ans, sept électeurs sur 10 ont boudé les urnes

Comme au premier tour, l’abstention a d’abord concerné de manière disproportionnée les jeunes, selon l’estimation Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et les chaînes parlementaires.

Au lendemain du premier tour, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, avait lancé sur France 2 un appel à la mobilisation des jeunes, les exhortant à « se mêl[er] un peu de leurs affaires ». Force est de constater qu’il n’y a pas eu de sursaut massif de la participation de la part de cette tranche d’âge.

Dimanche, 71% des 18-24 ans et 66% des 25-34 ans n’ont pas voté, contre 69% sept jours plus tôt. « La jeune génération est un peu blasée à l’égard des élections et de la démocratie », expliquait sur franceinfo Olivier Galland, sociologue et directeur de recherche émérite au CNRS, qui notait une préférence de la jeunesse « pour des formes d’actions protestataires », comme des manifestations ou « l’affichage d’opinions sur les réseaux sociaux ».

Entre le premier et le second tour, l’abstention a progressé dans toutes les tranches d’âge, à l’exception de celle des 25-34 ans qui a enregistré une diminution de l’abstention : 66% des électeurs de cette classe d’âge se sont abstenus au second tour, contre 71% au premier tour.

Plus les électeurs sont jeunes, plus ils s’abstiennent. Seuls les plus de 60 ans affichent une abstention inférieure à 50%. « C’est la génération des ‘baby boomers’ qui vote le plus, notamment parce qu’ils croient encore en la politique », décryptait sur franceinfo Vincent Tiberj, chercheur en sociologie électorale à Sciences Po Bordeaux.

Les deux tiers des ouvriers se sont abstenus

L’abstention est une question d’âge, mais aussi de diplômes et de revenus. Les électeurs les moins diplômés sont ceux qui se sont le plus abstenus au second tour : 58% des titulaires du baccalauréat ne sont pas allés voter, contre 54% des diplômés d’un bac+2 et 51% des détenteurs d’un bac+3 ou plus.

Ces différences se retrouvent également si l’on compare la participation en fonction des revenus. Plus le niveau de vie de l’électeur augmente, moins l’abstention est importante.

Les professions les moins qualifiées sont ainsi celles qui se sont le moins déplacées, dimanche. L’abstention atteint 67% chez les ouvriers et 64% chez les employés, contre 59% chez les professions intermédiaires et 54% chez les cadres. L’abstention entre les deux tours du scrutin s’est en particulier accrue chez les ouvriers, enregistrant au second tour un taux supérieur de cinq points à celui du premier tour.

Plus de la moitié des électeurs de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon ne se sont pas déplacés

Les différents courants politiques ne sont pas exposés de la même manière à l’abstention. Les électeurs de l’extrême droite et de la gauche radicale ont davantage boudé les urnes, selon cette même étude. L’abstention a ainsi dépassé les 50% parmi ceux qui ont accordé leur voix à Eric Zemmour, Marine Le Pen ou à Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle.

Le sursaut de participation que Jean-Luc Mélenchon a appelé de ses vœux pour le second tour ne s’est là encore pas produit, puisque l’abstention a augmenté chez ses partisans. A l’inverse, moins de 40% des électeurs d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse ont boudé les urnes, soit une légère baisse par rapport au premier tour.

Voir enfin:

Le FN, René Girard et la théorie du bouc émissaire

Vincent Coussedière

Le Figaro
18/12/2015

FIGAROVOX/TRIBUNE – Vincent Coussedière estime que le Front national est en passe de fracturer un système qui l’a érigé en bouc-émissaire.


Vincent Coussedière est agrégé de philosophie et auteur d’Éloge du populisme (Elya éditions).

Les «élites» françaises, sous l’inspiration et la domination intellectuelle de François Mitterrand, on voulu faire jouer au Front National depuis 30 ans, le rôle, non simplement du diable en politique, mais de l’Apocalypse. Le Front National représentait l’imminence et le danger de la fin des Temps. L’épée de Damoclès que se devait de neutraliser toute politique «républicaine».

Cet imaginaire de la fin, incarné dans l’anti-frontisme, arrive lui-même à sa fin. Pourquoi? Parce qu’il est devenu impossible de masquer aux français que la fin est désormais derrière nous. La fin est consommée, la France en pleine décomposition, et la république agonisante, d’avoir voulu devenir trop bonne fille de l’Empire multiculturel européen. Or tout le monde comprend bien qu’il n’a nullement été besoin du Front national pour cela. Plus rien ou presque n’est à sauver, et c’est pourquoi le Front national fait de moins en moins peur, même si, pour cette fois encore, la manœuvre du «front républicain», orchestrée par Manuel Valls, a été efficace sur les électeurs socialistes. Les Français ont compris que la fin qu’on faisait incarner au Front national ayant déjà eu lieu, il avait joué, comme rôle dans le dispositif du mensonge généralisé, celui du bouc émissaire, vers lequel on détourne la violence sociale, afin qu’elle ne détruise pas tout sur son passage. Remarquons que le Front national s’était volontiers prêté à ce dispositif aussi longtemps que cela lui profitait, c’est-à-dire jusqu’à aujourd’hui. Le parti anti-système a besoin du système dans un premier temps pour se légitimer.

Nous approchons du point où la fonction de bouc émissaire, théorisée par René Girard (1) va être entièrement dévoilée et où la violence ne pourra plus se déchaîner vers une victime extérieure. Il faut bien mesurer le danger social d’une telle situation, et la haute probabilité de renversement qu’elle secrète: le moment approche pour ceux qui ont désigné la victime émissaire à la vindicte du peuple, de voir refluer sur eux, avec la vitesse et la violence d’un tsunami politique, la frustration sociale qu’ils avaient cherché à détourner.

Les élections régionales sont sans doute un des derniers avertissements en ce sens.

Y-a-t-il une solution pour échapper à une telle issue? Avouons que cette responsabilité est celle des élites en place, ayant entonné depuis 30 ans le même refrain. A supposer cependant que nous voulions les sauver, nous pourrions leur donner le conseil suivant: leur seule possibilité de survivre serait d’anticiper la violence refluant sur elles en faisant le sacrifice de leur innocence. Elles devraient anticiper la colère d’un peuple qui se découvre de plus en plus floué, et admettre qu’elles ont produit le système de la victime émissaire, afin de détourner la violence et la critique à l’égard de leur propre action. Pour cela, elles devraient cesser d’ostraciser le Front national, et accepter pleinement le débat avec lui, en le réintégrant sans réserve dans la vie politique républicaine française. Pour cela, elles devraient admettre de déconstruire la gigantesque hallucination collective produite autour du Front national, hallucination revenant aujourd’hui sous la forme inversée du Sauveur. Ce faisant, elles auraient tort de se priver au passage de souligner la participation du Front national au dispositif, ce dernier s’étant prêté de bonne grâce, sous la houlette du Père, à l’incarnation de la victime émissaire.

Il faut bien avouer que nos élites du PS comme de Les Républicains ne prennent pas ce chemin, démontrant soit qu’elles n’ont strictement rien compris à ce qui se passe dans ce pays depuis 30 ans, soit qu’elles l’ont au contraire trop bien compris, et ne peuvent plus en assumer le dévoilement, soit qu’elles espèrent encore prospérer ainsi. Il n’est pas sûr non plus que le Front national soit prêt à reconnaître sa participation au dispositif. Il y aurait intérêt pourtant pour pouvoir accéder un jour à la magistrature suprême. Car si un tel aveu pourrait lui faire perdre d’un côté son «aura» anti-système, elle pourrait lui permettre de l’autre, une alliance indispensable pour dépasser au deuxième tour des présidentielles le fameux «plafond de verre». Il semble au contraire après ces régionales que tout changera pour que rien ne change. Deux solutions qui ne modifient en rien le dispositif mais le durcissent au contraire se réaffirment.

La première solution, empruntée par le PS et désirée par une partie des Républicains, consiste à maintenir coûte que coûte le discours du front républicain en recherchant un dépassement du clivage gauche/droite. Une telle solution consiste à aller plus loin encore dans la désignation de la victime émissaire, et à s’exposer à un retournement encore plus dévastateur. Car le Front national aura un boulevard pour dévoiler qu’il a été la victime émissaire d’une situation catastrophique dont tout montre de manière de plus en plus éclatante qu’il n’y est strictement pour rien. En ce sens, si à court terme, la déclaration de Valls sur le Front national, fauteur de guerre civile, a semblé efficace, elle s’avérera sans doute à plus ou moins long terme, comme le stade ultime de l’utilisation du dispositif de la victime émissaire, avant que celui-ci ne s’écroule sur ses promoteurs mêmes. Car sans même parler des effets dévastateurs que pourrait avoir, a posteriori, un nouvel attentat, sur une telle déclaration, comment ne pas remarquer que les dernières décisions du gouvernement sur la lutte anti-terroriste ont donné rétrospectivement raison à certaines propositions du Front national? On voit mal alors comment on pourrait désormais lui faire porter le chapeau de ce dont il n’est pas responsable, tout en lui ôtant le mérite des solutions qu’il avait proposées, et qu’on n’a pas hésité à lui emprunter!

La deuxième solution, défendue par une partie de Les Républicains suivant en cela Nicolas Sarkozy, consiste à assumer des préoccupations communes avec le Front national, tout en cherchant à se démarquer un peu par les solutions proposées. Mais comment faire comprendre aux électeurs un tel changement de cap et éviter que ceux-ci ne préfèrent l’original à la copie? Comment les électeurs ne remarqueraient-ils pas que le Front national, lui, n’a pas changé de discours, et surtout, qu’il a précédé tout le monde, et a eu le mérite d’avoir raison avant les autres, puisque ceux-ci viennent maintenant sur son propre terrain? Comment d’autre part concilier une telle proximité avec un discours diabolisant le Front national et cherchant l’alliance au centre?

Curieuses élites, qui ne comprennent pas que la posture «républicaine», initiée par Mitterrand, menace désormais de revenir comme un boomerang les détruire. Christopher Lasch avait écrit La révolte des élites, pour pointer leur sécession d’avec le peuple, c’est aujourd’hui le suicide de celles-ci qu’il faudrait expliquer, dernière conséquence peut-être de cette sécession.

(1) René Girard: La violence et le sacré

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Publié par jcdurbant


Mois des fiertés: Du passé faisons table rase ! (Devinez pourquoi, au moment où notre civilisation est de plus en plus diabolisée, de plus en plus d’entre nous nous sentons de plus en plus honteux de nous-mêmes et de notre propre pays ?)

11 juin, 2022

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Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. G.K. Chesterton
FO et la CGT dans le carré de tête, je ne m’y retrouve pas … On sait déjà ce qui va faire l’ouverture du 20 Heures, ce sont les drag queens et les types avec des chaînes. Or ils ne représentent pas le gay moyen, celui qui comme moi vit normalement depuis dix ans avec son copain. Olivier Robert (ancien patron du Carré, rue du Temple à Paris)
Le mois des fiertés se situe en juin il y a plus de 50 ans aux États-Unis. Plus précisément en 1969 avec l’interruption de la police à Stonewall Inn. En effet, Stonewall Inn était un bar gay de New York. À la suite de cette interruption, un groupe de personnes composé de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres se sont rebellées contre l’autorité. Juste un an plus tard (1979), toujours à New York, Brenda Howard (activiste américain luttant pour les droits bisexuels, entre autres luttes) organise la première marche des fiertés. En effet, Brenda devient une figure importante pour le mouvement LGBT et fait du mois de juin le mois des fiertés. Après plus de 50 ans, le mois des fiertés et la marche de la Gay Pride continue à être célébrée même si la société accepte de plus en plus l’homosexualité. Aujourd’hui, cette marche continue à se faire pour plusieurs raisons, l’une étant de continuer à lutter pour l’égalité, l’autre pour honorer les discriminations passées. Mais aussi pour soutenir les discriminations actuelles, car elles continuent malheureusement d’exister. (…) Avant la création de l’actuel drapeau LGBT, Hitler avait créé le premier symbole d’identification des homosexuels. Effectivement, c’était un triangle rose qu’ils devaient porter sur leurs vêtements, un emblème qui, à l’époque, servait aux nazis pour pouvoir distinguer les homosexuels dans les rues. À l’occasion de la huitième Gay Pride (25 juin 1978) et à seulement 27 ans, Gilbert Baker eut l’idée de coudre un drapeau composé de huit couleurs : le rose, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, le bleu et le violet. Ces couleurs allaient les unes avec les autres avec une orientation horizontale. Un drapeau plein de symbolisme, puisque chaque couleur a été choisie pour une raison : le rose représentait la sexualité, le rouge faisait référence à la vie, l’orange était symbole de la guérison (en termes de santé), le jaune représentait le soleil, le vert a été choisi pour symboliser la nature, le turquoise faisait référence à l’art et à la magie, le bleu dénotait l’harmonie et la sérénité, et finalement le violet était présent pour représenter l’esprit humain. Puisque dans la Bible, l’arc-en-ciel est un symbole important, avec cette combinaison de couleurs, ce que Gilbert Baker voulait était de transmettre une promesse de paix. Mais aussi il voulait permettre aux homosexuels d’avoir un moyen de se reconnaître entre eux par un plus beau symbole qu’ils n’avaient initialement. (…) Aujourd’hui, ce drapeau créé en 1978 reste le symbole du mois des fiertés et de la communauté LGBT : lesbienne, gay, bi, trans. La même communauté que maintenant, ajoute Q de Queer, I d’Intersexo, A d’Asexual et le signe + pour tous les autres, actualisant ainsi son nom d’identification à LGBTQIA+. Revenant à l’ordre chronologique de l’histoire de ce drapeau, en 1979, soit un an après sa création,  la couleur rose et la turquoise ont disparu. Cette décision a été prise par les industries de fabrication des drapeaux. Les industries ne voyaient pas le coût du colorant de ces deux couleurs en particulier rentable. Ainsi, depuis 1979, le fameux drapeau LGBT passe de huit couleurs à seulement six couleurs horizontales : rouge, orange, jaune, vert, bleu et violet. Femivoz
Les hommes aiment les hommes. Ils nous expliquent tout le temps combien ils aiment les femmes, mais on sait toutes qu’ils nous bobardent. Ils s’aiment, entre eux (…). A force de les entendre se plaindre que les femmes ne baisent pas assez, n’aiment pas le sexe comme il faudrait, ne comprennent jamais rien, on ne peut s’empêcher de se demander : qu’est-ce qu’ils attendent pour s’enculer ? Allez-y. Si ça peut vous rendre plus souriants, c’est que c’est bien. Virginie Despentes
Coucher avec une autre femme quand on est une femme, c’est comme trouver un très bon ostéopathe. Anne Akrich
Le phénomène de contagion sociale fait référence à un type d’influence exercée spécifiquement par les «pairs», qui vous encouragent à imiter un certain comportement. Dans le cas de la dysphorie de genre, les «influenceurs» en ligne jouent un grand rôle dans la propagation du sentiment de malaise vis-à-vis de son propre corps, et encouragent l’idée selon laquelle n’importe quel symptôme d’échec à être parfaitement féminine signifie qu’une fille est probablement transgenre. Les amis jouent également un grand rôle dans la diffusion et l’encouragement de ce sentiment – à la fois la propension à s’identifier comme transgenre et l’incitation à obtenir des traitements hormonaux ou des chirurgies de réassignement sexuel. (…) Nous n’avons pas de médecine centralisée aux États-Unis et un patient n’a pas besoin d’un diagnostic de dysphorie de genre d’un professionnel de la santé psychologique pour obtenir des hormones dans une clinique de genre («gender clinic»: établissements spécialisés dans le changement de sexe, NDLR). Ces deux facteurs rendent difficile l’obtention d’une comptabilité précise de ce pic soudain. Mais voici ce que nous savons: depuis 2007, l’Amérique est passée de deux cliniques de genre à bien plus de 50. Entre 2016 et 2017, le nombre de chirurgies de genre sur des personnes nées femmes a quadruplé aux États-Unis. Historiquement, seulement 0,01% de la population américaine était atteinte de dysphorie de genre, mais en 2018, 2% des lycéens américains disaient être transgenres et la plupart d’entre eux semblent être des femmes. (…) La dysphorie de genre traditionnelle commence dans la petite enfance et a toujours été, dans une très large majorité, ressentie par des hommes. Les adultes transgenres qui souffrent véritablement de dysphorie de genre (et j’en ai interviewé beaucoup) n’ont pas choisi cette identité pour se faire des amis, et n’y sont pas non plus arrivés après avoir subi l’influence des réseaux sociaux. Ils ont simplement éprouvé un malaise sévère dans leur sexe biologique aussi longtemps qu’ils s’en souviennent. (…) Les réseaux sociaux accélèrent cette tendance de la même manière qu’ils le font avec des choses comme l’anorexie – des adolescentes en véritable souffrance partagent cette souffrance avec des amies et la diffusent. Comme je l’explique dans le livre, cela a à voir avec les modes d’amitié que les filles partagent – leur tendance à assumer la souffrance de leurs amis, à être en accord avec leurs croyances, au point même de suspendre la réalité pour se mettre de leur côté. Et ainsi, elles s’encouragent dans leur dysphorie, se poussant mutuellement aux hormones et aux chirurgies. (…) Toute procédure médicale inutile constitue un dommage irréversible. Pour autant, je ne pense pas que toute transition médicale est dommageable ; de fait, j’ai interviewé de nombreux adultes transgenres qui attestent avoir été aidés par leur transition. Mais parmi ces adolescentes prises dans une contagion sociale, encouragées à prendre des hormones et à subir des chirurgies avec peu de surveillance médicale, beaucoup ont provoqué une altération permanente de leur corps qu’elles sont susceptibles de regretter. Ce sont ces dommages irréversibles que je dénonce. (…) La liberté d’expression est difficile car un petit nombre d’activistes radicaux utilisent les réseaux pour punir les dissidents et leur faire honte. Ils poursuivent toute personne qui exprime son scepticisme quant à la possibilité d’une transition médicale pour tout le monde, à la demande, sans aucune surveillance appropriée – mais ils font de même pour d’autres questions. (…) Je ne pensais pas pouvoir admirer J. K. Rowling davantage que je ne le faisais déjà. J’avais tort. Elle ne fait pas seulement partie des rares auteurs vivants dont nous lirons certainement encore les œuvres dans cent ans, elle est aussi une femme de grands principes et de décence qui a su lever la voix quand il le fallait au nom des femmes et des jeunes filles. Le fait que les gens soient traînés dans la boue pour avoir donné une définition sensée de «la femme» entraîne des conséquences terribles – comme tous les mensonges ont tendance à le faire. Prenons les prisons pour femmes par exemple: désormais des hommes biologiques violents y ont accès à condition qu’ils s’identifient comme femmes. En Californie, là où je vis, nous l’autorisons. Il s’agit d’une grave violation des droits fondamentaux des femmes détenues, et j’espère qu’elle donnera lieu à une contestation constitutionnelle devant nos tribunaux. Si forcer des prisonnières à vivre dans des quartiers confinés avec des hommes biologiques n’est pas une punition «cruelle et inhabituelle», je ne sais pas ce que c’est. Abigail Shrier
Alors que les demandes de changement de sexe chez les mineurs sont «en très forte augmentation» en France, dans le sillage des pays anglo-saxons, l’Académie de médecine alerte sur le «nombre croissant de jeunes adultes transgenres souhaitant “détransitionner”». Pointant un «risque de surestimation diagnostique réel», la société savante a appelé fin février à une «grande prudence médicale» chez l’enfant et l’adolescent, «compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population et des nombreux effets indésirables, voire des complications graves, que peuvent provoquer certaines des thérapeutiques disponibles». Ypomoni, un collectif de parents qui milite «pour une approche éthique des questions de genre» et qui «grossit de semaine en semaine», rapporte «des histoires qui se ressemblent toutes: ados harcelés, agressés sexuellement, haut potentiel intellectuel (HPI), autistes, consultations expédiées, certificats de complaisance…» Et dans certains cas, les familles n’hésitent plus à se tourner vers la justice. Pour étayer son propos, l’Académie de médecine s’est appuyée sur la décision de l’hôpital universitaire Karolinska de Stockholm d’interdire, l’an dernier, l’usage des bloqueurs d’hormones. En France, il est autorisé, comme les prescriptions d’hormones du sexe opposé, avec l’accord des parents et sans conditions d’âge. Quant aux traitements chirurgicaux – notamment la mastectomie (ablation des seins), autorisée en France dès l’âge de 14 ans, – et ceux portant sur l’appareil génital externe (vulve, pénis) après la majorité, elle souligne leur «caractère irréversible». Et appelle à prolonger «autant que faire se peut» la phase de prise en charge psychologique. «Il n’y a pas d’âge pour débuter une transition», estime a contrario le guide publié par l’association OUTrans. Effet de mode, inquiétant phénomène d’embrigadement ou conquête de nouvelles frontières de l’identité? Les cas d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui pensent ne pas être «nés dans le bon genre» et veulent changer socialement ou médicalement de sexe se sont multipliés ces dernières années. Le rapport «relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans», remis en janvier au ministère de la Santé, confirme un «nombre croissant depuis dix ans de mineurs en interrogation de genre et en demande de transition». «Les consultations spécialisées sont saturées», indique ce document, rédigé avec l’appui de l’Igas, qui appelle «à accueillir sans a priori les questionnements d’identité de genre», mais aussi à prendre en compte «les facteurs de survulnérabilité» chez les adolescents trans comme la déscolarisation, les comportements suicidaires, les troubles psychiques et les troubles du spectre autistiques. En mai, le suicide d’un élève transgenre de 15 ans dans son lycée, au Mans, a suscité l’émotion. «Pour nous l’épidémie est là: c’est une épidémie de suicides», s’inquiète Simon Jutant, juriste de l’association Acceptess-T, spécialisée dans la défense des droits des personnes transgenres, et co-auteur du rapport. Chez les adultes, le nombre de personnes prises en charge médicalement (admises en affection longue durée) pour transidentité a été multiplié par dix en dix ans, pour atteindre environ 9000 personnes en 2020, selon des chiffres de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), cités dans le rapport. «70% des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans», précise le document. Épouvantée par l’ampleur du phénomène, Blandine, une enseignante, a créé avec un groupe de militantes féministes le podcast Rebelles du genre, afin de donner la parole à des «détransitionneuses». Pour elle, le discours actuel sur le genre signe l’apparition d’une «nouvelle oppression» sur les femmes. «Le phénomène trans touche plus les jeunes filles aujourd’hui, notamment celles qui ne rentrent pas dans les stéréotypes de genre. De plus, cette volonté de changer de sexe est souvent liée à la volonté d’échapper à un passé de violences sexuelles, de harcèlement. La difficulté de s’accepter comme lesbienne, à faire face à la lesbophobie peut également jouer un rôle», pointe-t-elle. «Aujourd’hui, l’accès au parcours de transition est un peu plus ouvert qu’autrefois et moins contraignant, ce qui explique cette augmentation des demandes, considère pour sa part Simon Jutant. De même, lorsque l’on a arrêté de contrarier les gauchers, leur nombre a augmenté d’un coup.» En France, le phénomène a explosé «durant le confinement», insiste la militante de Rebelles du genre, avec un effet de «contagion» sur les réseaux sociaux. «Isolées de la vie réelle, des jeunes filles se sont convaincues en ligne, en quelques semaines, qu’elles étaient des garçons. Des adolescentes m’ont raconté qu’elles étaient en permanence connectées à des forums de communautés trans qui jouent sur la victimisation. Elles avaient l’impression de rejoindre le camp du bien, des opprimés, et se voyaient acclamées quand elles se déclaraient non-binaires». Même constat pour l’association SOS Éducation, qui demande «que l’École reste en dehors du militantisme trans-affirmatif, dans l’intérêt supérieur des enfants»: «L’emprise des idéologies militantes trans-affirmatives fait croire à de plus en plus de jeunes en questionnement que le changement de sexe est la seule solution pour échapper à la souffrance identitaire qu’ils traversent, s’effraie-t-elle. Aveuglés par les réseaux sociaux, pris dans les mailles d’un dispositif associatif sectaire, le risque est qu’ils s’engagent, en marge de leur famille, mais adoubés à l’école, dans des transitions irréversibles. Les pays qui ont pratiqué ces expériences sur des enfants font marche arrière face aux vies brisées. Pourquoi l’Éducation nationale n’en tient-elle pas compte? Qui assumera la responsabilité d’avoir laissé des enfants sous influence devenir des “regretteurs”, des femmes à barbe stériles, volontairement mutilées?» Pour Blandine, «passé la période de l’adolescence, un certain nombre de ces jeunes se rendent compte qu’ils ont fait fausse route ; mais c’est une démarche très difficile de revenir en arrière». Les études scientifiques internationales ne relèvent jusqu’à présent que de faibles pourcentages de «détransitionneurs», entre 1 et 2 %. «Une minorité parmi la minorité», commente Simon Jutant, mais «qu’il faut entendre». «La vague est à venir», prévient de son côté la militante de Rebelle du genre. «Aujourd’hui, les “détransitionneuses” sont encore peu nombreuses car il faut généralement plusieurs années avant de se rendre compte que l’on s’est trompé. » Stéphane Kovacs et Agnès Leclair
Tous les sondages sur la sexualité en France, du rapport Simon de 1972 à l’Enquête sur la sexualité en France menée en 2008 par Nathalie Bajos et Michel Bozon — la plus complète à ce jour — indiquent que le nombre d’homosexuels exclusifs est stable, aux alentours de 4,5%. Un fait de nature — et pas de culture, contrairement à ce qu’affirment tous ces ignares.  (…) Évidemment, dans le IVe arrondissement de Paris, ils sont plus nombreux, et savent trouver une oreille à l’Hôtel de ville, où le lobby LGBT a ses entrées… Et ils tentent de convaincre les adolescents qui errent — c’est de leur âge — entre des désirs contradictoires. C’est que l’homosexualité ou la transsexualité sont aujourd’hui « tendance », comme on dit, et de nombreux jeunes succombent à un effet de mode, importé d’Amérique, qui les pousse, à un âge d’incertitudes, à se revendiquer autres que ce qu’ils sont. « Oui, ma fille est lesbienne » / « Oui, mon père est gay », clame le ministère… Au point que l’école peut procéder à un changement d’état-civil sur un mineur sans en référer aux parents. Les effets à terme de cette mode peuvent être terrifiants, comme le raconte le Figaro dans un article récent. Une fois qu’une gamine s’est fait enlever les seins et l’utérus en croyant qu’au fond elle était un homme parce qu’elle préférait les femmes, il n’y a pas de retour possible. Quant aux traitements hormonaux pris pour compléter la chirurgie, eux aussi ont des effets permanents à long terme. D’autant que l’effet de mode passé, nombre de ces « trans » auto-proclamés rentrent dans le rang et dans leur sexe biologique. On appelle cela des désisteuses. Et la gamine malheureuse interviewée sur le sujet regrette franchement le « lavage de cerveau » opéré par certaines organisations. Abigail Shrier a fait paraître un ouvrage, Dommages irréversibles, sur le sujet — « un ouvrage transphobe », selon l’American Booksellers Association. Cela confirme les propos de l’auteur, qui parle dans Le Point de la « terreur » que font régner sur les campus les militants LGBT. J’avoue par ailleurs ne pas bien comprendre ce qui dans l’homosexualité mérite de générer une quelconque « fierté » — c’est le nom générique des marches organisées çà et là pour glorifier les LGBT. La dernière a eu lieu le 4 juin Saint-Denis. Les organisateurs attendaient entre 5 et 10 000 participants. Ils furent un petit millier : le LGBT n’est pas « tendance » dans les banlieues musulmanes. Mais au nom de l’intersectionnalité des luttes, on n’y fera pas attention, si on te pète la gueule à Saint-Denis, ce n’est pas la même chose qu’un fasciste qui casse du gay au faubourg Saint-Germain. À Saint-Denis, c’est culturel, mon pote… Comme les viols à Hambourg ou au Caire, probablement. Pour avoir eu quelques étudiants maghrébins homosexuels des deux sexes, je sais les contorsions et les ruses qu’ils pratiquaient pour que leur « communauté » ne sache rien de leur vie. Et si vous voulez savoir comment on traite les homosexuels dans certaines régions d’Afrique — au Mali par exemple… Je ne vois pas où est la fierté. On peut être fier de ses accomplissements — et si demain le ministère de l’Éducation lance une campagne sur le thème « Oui, ma fille est polytechnicienne » / « Oui, mon fils est docteur en Droit », j’applaudirai des deux mains. Je ne me flatte pas de ne pas attraper de coups de soleil ou d’avoir besoin de très peu de sommeil — c’est pratique, mais je n’y suis pour rien, c’est une caractéristique génétique. On vaut par ce que l’on fait — et pas par ce que l’on est, parce que l’on n’est rien, en dehors de ce que l’on fait. La vraie audace serait de lancer des affiches sur le thème « Oui, ma coloc vote Zemmour ! », « Oui, mon petit-fils aime Gérard Darmanin ! » — aussi extrême que puisse paraître cette dernière situation. Je me fiche des orientations sexuelles de mes contemporains — ou de leurs options religieuses, qui devraient être réservées elles aussi au domaine privé —, tant que je ne suis pas partie prenante. Je n’exhibe pas les miennes, étant entendu que ce qui se fait entre adultes consentants ne regarde personne en dehors des intéressés. Vouloir à toute force défiler avec une étoile rose, c’est faire du nazisme à l’envers — tout comme il existe du racisme à l’envers. Et forcer sa nature relève du crétinisme le plus profond.  Jean-Paul Brighelli

Du passé faisons table rase !

A l’heure où au nom même de la souveraineté …

Le nouveau Führer de Moscou et ses idiots utiles occidentaux tentent d’imposer à  coups de canon son nouvel impérialisme à l’ensemble de ses voisins …

Et où à la veille d’élections intermédiaires annoncées catastrophiques …

Les Démocrates américains reprennent leurs procès de Moscou …

Contre un ancien président dont ils ont non seulement systématiquement subverti l’élection et le mandat …

Mais volé la réélection …

Et en ce mois, désormais planétaire, dit « mois des fiertés » …

Où entre emprise et embrigadement par des idéologies de plus en plus militantes…

Avec l’appui de plus en plus intrusif, à coup de campagnes publicitaires dans nos rues, d’un Etat de plus en plus irresponsable …

Nos jeunes les plus vulnérables se voient embarquées, mode et contagion obligent et entre ablation des seins et de l’utérus, dans des transitions sexuelles toujours plus irréversibles …

Et où  remis en cause à grand renfort d’échange de sextoys et au nom d’un répertoire sexuel plus large, plus jouissif et plus fréquemment utilisé …

Notre système se voit reprocher son obsession de sa propre reproduction …

Devinez pourquoi au moment où notre civilisation est de plus en plus diabolisée …

Sur fond d’immigration de plus en plus hors contrôle …

De plus en plus d’entre nous se sentent de plus en plus honteux …

Non seulement de nous-mêmes mais de notre propre pays ?

Oui, ma petite-fille est trans — et autres slogans officiels 

Jean-Paul Brighelli – 

Causeur 

7 juin 2022 

Chacun fait ce qu’il veut derrière la porte de son domicile. Homosexuels des deux rives et autres LGBT++ ont les mêmes droits que tous les citoyens français. De là à en faire une campagne officielle patronnée par le ministère de la Santé… 

En 1967, dans “Devine qui vient dîner”, Stanley Kramer confrontait avec humour une jeune fille blanche à ses parents, Démocrates bon teint aux idées larges, soudain confrontés au fiancé de leur fille — le magnifique Sidney Poitier, par ailleurs médecin prometteur. Katharine Hepburn et Spencer Tracy n’en revenaient pas. Et le film croula sous les récompenses — sans que personne ne s’interroge sur la probabilité infime qu’un Noir accède au statut de médecin dans l’Amérique de la Ségrégation. 

Imaginons leur tête, quand dans un remake (qui mériterait d’être tourné, cinéastes woke, à vos caméras !), ladite jeune fille (en existe-t-il encore qui se revendiquent comme telles ?) leur amènera un clone de Conchita Wurst. Comme dit l’une des affiches de la campagne du Ministère de la Santé : « Oui, ma petite-fille est trans… » 

Un effet de mode 

Il fut un temps où l’homosexualité était en France un crime puni de mort — et elle l’est toujours dans nombre de pays musulmans. Puis un délit — jusqu’en 1981. Vint un temps où, par une loi de 1993 résumée dans la formule « don’t tell / don’t ask », les homosexuels purent entrer dans les forces armées américaines, à condition de ne pas faire étalage de leurs préférences. Enfin, en 1981 en France, ce ne fut plus un délit — et c’est tant mieux : tous les sondages sur la sexualité en France, du rapport Simon de 1972 à l’Enquête sur la sexualité en France menée en 2008 par Nathalie Bajos et Michel Bozon — la plus complète à ce jour — indiquent que le nombre d’homosexuels exclusifs est stable, aux alentours de 4,5%. Un fait de nature — et pas de culture, contrairement à ce qu’affirment tous ces ignares. Les mêmes qui ont conspué J.K. Rowling quand elle a déclaré qu’une femme était une personne susceptible d’avoir des règles. Une école anglaise qui portait son nom s’est débaptisée pour ne plus rien avoir à faire avec une « transphobe ».  

4,5%. Évidemment, dans le IVe arrondissement de Paris, ils sont plus nombreux, et savent trouver une oreille à l’Hôtel de ville, où le lobby LGBT a ses entrées… Et ils tentent de convaincre les adolescents qui errent — c’est de leur âge — entre des désirs contradictoires. 

C’est que l’homosexualité ou la transsexualité sont aujourd’hui « tendance », comme on dit, et de nombreux jeunes succombent à un effet de mode, importé d’Amérique, qui les pousse, à un âge d’incertitudes, à se revendiquer autres que ce qu’ils sont. « Oui, ma fille est lesbienne » / « Oui, mon père est gay », clame le ministère… Au point que l’école peut procéder à un changement d’état-civil sur un mineur sans en référer aux parents. 

Les effets à terme de cette mode peuvent être terrifiants, comme le raconte le Figaro dans un article récent. Une fois qu’une gamine s’est fait enlever les seins et l’utérus en croyant qu’au fond elle était un homme parce qu’elle préférait les femmes, il n’y a pas de retour possible. Quant aux traitements hormonaux pris pour compléter la chirurgie, eux aussi ont des effets permanents à long terme. 

La terreur trans 

D’autant que l’effet de mode passé, nombre de ces « trans » auto-proclamés rentrent dans le rang et dans leur sexe biologique. On appelle cela des désisteuses. Et la gamine malheureuse interviewée sur le sujet regrette franchement le « lavage de cerveau » opéré par certaines organisations. Abigail Shrier a fait paraître un ouvrage, Dommages irréversibles, sur le sujet — « un ouvrage transphobe », selon l’American Booksellers Association. Cela confirme les propos de l’auteur, qui parle dans Le Point de la « terreur » que font régner sur les campus les militants LGBT. 

J’avoue par ailleurs ne pas bien comprendre ce qui dans l’homosexualité mérite de générer une quelconque « fierté » — c’est le nom générique des marches organisées çà et là pour glorifier les LGBT. La dernière a eu lieu le 4 juin Saint-Denis. Les organisateurs attendaient entre 5 et 10 000 participants. Ils furent un petit millier : le LGBT n’est pas « tendance » dans les banlieues musulmanes. Mais au nom de l’intersectionnalité des luttes, on n’y fera pas attention, si on te pète la gueule à Saint-Denis, ce n’est pas la même chose qu’un fasciste qui casse du gay au faubourg Saint-Germain. À Saint-Denis, c’est culturel, mon pote…  

Comme les viols à Hambourg ou au Caire, probablement. Pour avoir eu quelques étudiants maghrébins homosexuels des deux sexes, je sais les contorsions et les ruses qu’ils pratiquaient pour que leur « communauté » ne sache rien de leur vie. 

Et si vous voulez savoir comment on traite les homosexuels dans certaines régions d’Afrique — au Mali par exemple… 

Je ne vois pas où est la fierté. On peut être fier de ses accomplissements — et si demain le ministère de l’Éducation lance une campagne sur le thème « Oui, ma fille est polytechnicienne » / « Oui, mon fils est docteur en Droit », j’applaudirai des deux mains. Je ne me flatte pas de ne pas attraper de coups de soleil ou d’avoir besoin de très peu de sommeil — c’est pratique, mais je n’y suis pour rien, c’est une caractéristique génétique. On vaut par ce que l’on fait — et pas par ce que l’on est, parce que l’on n’est rien, en dehors de ce que l’on fait. La vraie audace serait de lancer des affiches sur le thème « Oui, ma coloc vote Zemmour ! », « Oui, mon petit-fils aime Gérard Darmanin ! » — aussi extrême que puisse paraître cette dernière situation. 

Je me fiche des orientations sexuelles de mes contemporains — ou de leurs options religieuses, qui devraient être réservées elles aussi au domaine privé —, tant que je ne suis pas partie prenante. Je n’exhibe pas les miennes, étant entendu que ce qui se fait entre adultes consentants ne regarde personne en dehors des intéressés. Vouloir à toute force défiler avec une étoile rose, c’est faire du nazisme à l’envers — tout comme il existe du racisme à l’envers. Et forcer sa nature relève du crétinisme le plus profond. 

PS. Bien sûr, les palinodies de Manuel Valls lui ont aliéné nombre de ses supporters. N’empêche que cet homme était, au pouvoir, d’une laïcité intransigeante. Et que Karim Ben Cheikh, le candidat de la NUPES arrivé en tête pour la 9ème circonscription (Maghreb et Afrique de l’Ouest), ne l’est pas forcément autant. 

Voir aussi:

Adolescents transgenres: «Il existe un vrai phénomène de mode aux États-Unis»

Eugénie Bastié

Le Figaro

15/12/2020

ENTRETIEN – Abigail Shrier, journaliste américaine au Wall Street Journal, publie une enquête sur l’engouement que suscitent les enfants et les adolescents transgenres aux États-Unis. Ce phénomène qui touche en particulier les jeunes filles est, selon elle, très préoccupant. Son livre fait l’objet d’attaques et d’appels au boycott outre-Atlantique.

LE FIGARO. – Dans votre livre, Irreversible Damage («Dommage irréversible»), vous parlez de la «contagion sociale» à l’œuvre parmi les jeunes adolescentes qui décident de commencer une transition. Qu’entendez-vous par là? Pourquoi employer le terme de «contagion sociale» ?

Abigail SHRIER. – Le phénomène de contagion sociale fait référence à un type d’influence exercée spécifiquement par les «pairs», qui vous encouragent à imiter un certain comportement. Dans le cas de la dysphorie de genre, les «influenceurs» en ligne jouent un grand rôle dans la propagation du sentiment de malaise vis-à-vis de son propre corps, et encouragent l’idée selon laquelle n’importe quel symptôme d’échec à être parfaitement féminine signifie qu’une fille est probablement transgenre. Les amis jouent également un grand rôle dans la diffusion et l’encouragement de ce sentiment – à la fois la propension à s’identifier comme transgenre et l’incitation à obtenir des traitements hormonaux ou des chirurgies de réassignement sexuel.

Quelle est l’ampleur de ce phénomène aux États-Unis?

Nous n’avons pas de médecine centralisée aux États-Unis et un patient n’a pas besoin d’un diagnostic de dysphorie de genre d’un professionnel de la santé psychologique pour obtenir des hormones dans une clinique de genre («gender clinic»: établissements spécialisés dans le changement de sexe, NDLR). Ces deux facteurs rendent difficile l’obtention d’une comptabilité précise de ce pic soudain. Mais voici ce que nous savons: depuis 2007, l’Amérique est passée de deux cliniques de genre à bien plus de 50. Entre 2016 et 2017, le nombre de chirurgies de genre sur des personnes nées femmes a quadruplé aux États-Unis. Historiquement, seulement 0,01% de la population américaine était atteinte de dysphorie de genre, mais en 2018, 2% des lycéens américains disaient être transgenres et la plupart d’entre eux semblent être des femmes.

Quelle différence faites-vous entre la dysphorie de genre, qui est une réalité, et ce phénomène que vous estimez être de «contagion sociale» ?

La dysphorie de genre traditionnelle commence dans la petite enfance et a toujours été, dans une très large majorité, ressentie par des hommes. Les adultes transgenres qui souffrent véritablement de dysphorie de genre (et j’en ai interviewé beaucoup) n’ont pas choisi cette identité pour se faire des amis, et n’y sont pas non plus arrivés après avoir subi l’influence des réseaux sociaux. Ils ont simplement éprouvé un malaise sévère dans leur sexe biologique aussi longtemps qu’ils s’en souviennent.

En quoi les réseaux sociaux accélèrent-ils cette tendance?

Les réseaux sociaux accélèrent cette tendance de la même manière qu’ils le font avec des choses comme l’anorexie – des adolescentes en véritable souffrance partagent cette souffrance avec des amies et la diffusent. Comme je l’explique dans le livre, cela a à voir avec les modes d’amitié que les filles partagent – leur tendance à assumer la souffrance de leurs amis, à être en accord avec leurs croyances, au point même de suspendre la réalité pour se mettre de leur côté. Et ainsi, elles s’encouragent dans leur dysphorie, se poussant mutuellement aux hormones et aux chirurgies.

En quoi ce phénomène a-t-il des conséquences néfastes? Pourquoi parlez-vous de dommages «irréversibles»?

Toute procédure médicale inutile constitue un dommage irréversible. Pour autant, je ne pense pas que toute transition médicale est dommageable ; de fait, j’ai interviewé de nombreux adultes transgenres qui attestent avoir été aidés par leur transition. Mais parmi ces adolescentes prises dans une contagion sociale, encouragées à prendre des hormones et à subir des chirurgies avec peu de surveillance médicale, beaucoup ont provoqué une altération permanente de leur corps qu’elles sont susceptibles de regretter. Ce sont ces dommages irréversibles que je dénonce.

Depuis que votre livre a été publié, certains militants ont tenté de vous faire taire. Une professeur de Berkeley a même encouragé à «brûler» votre livre. Comment expliquez-vous que la liberté d’expression soit si difficile à ce sujet?

La liberté d’expression est difficile car un petit nombre d’activistes radicaux utilisent les réseaux pour punir les dissidents et leur faire honte. Ils poursuivent toute personne qui exprime son scepticisme quant à la possibilité d’une transition médicale pour tout le monde, à la demande, sans aucune surveillance appropriée – mais ils font de même pour d’autres questions.

La romancière J. K. Rowling, créatrice d’Harry Potter, a été vivement critiquée pour avoir déclaré que les hommes et les femmes sont différents. Que pensez-vous de cette polémique et du fait que l’on ne peut plus définir ce qu’est une femme?

Je ne pensais pas pouvoir admirer J. K. Rowling davantage que je ne le faisais déjà. J’avais tort. Elle ne fait pas seulement partie des rares auteurs vivants dont nous lirons certainement encore les œuvres dans cent ans, elle est aussi une femme de grands principes et de décence qui a su lever la voix quand il le fallait au nom des femmes et des jeunes filles.

Le fait que les gens soient traînés dans la boue pour avoir donné une définition sensée de «la femme» entraîne des conséquences terribles – comme tous les mensonges ont tendance à le faire. Prenons les prisons pour femmes par exemple: désormais des hommes biologiques violents y ont accès à condition qu’ils s’identifient comme femmes. En Californie, là où je vis, nous l’autorisons.

Il s’agit d’une grave violation des droits fondamentaux des femmes détenues, et j’espère qu’elle donnera lieu à une contestation constitutionnelle devant nos tribunaux. Si forcer des prisonnières à vivre dans des quartiers confinés avec des hommes biologiques n’est pas une punition «cruelle et inhabituelle», je ne sais pas ce que c’est.

«Irreversible Damage: The Transgender Craze Seducing Our Daughters», Regnery Publishing, 2020.

Voir également:

La détresse de ces jeunes qui regrettent d’avoir voulu changer de sexe 

Stéphane Kovacs et Agnès Leclair 

Le Figaro 

 30/05/2022  

ENQUÊTE – Alors que les demandes de changement de sexe sont en forte augmentation, familles, enseignants et associations alertent sur son «caractère irréversible». 

Premiers regrets, premières contestations. Alors que les demandes de changement de sexe chez les mineurs sont «en très forte augmentation» en France, dans le sillage des pays anglo-saxons, l’Académie de médecine alerte sur le «nombre croissant de jeunes adultes transgenres souhaitant “détransitionner”». Pointant un «risque de surestimation diagnostique réel», la société savante a appelé fin février à une «grande prudence médicale» chez l’enfant et l’adolescent, «compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population et des nombreux effets indésirables, voire des complications graves, que peuvent provoquer certaines des thérapeutiques disponibles». Ypomoni, un collectif de parents qui milite «pour une approche éthique des questions de genre» et qui «grossit de semaine en semaine», rapporte «des histoires qui se ressemblent toutes: ados harcelés, agressés sexuellement, haut potentiel intellectuel (HPI), autistes, consultations expédiées, certificats de complaisance…» Et dans certains cas, les familles n’hésitent plus à se tourner vers la justice. 

Pour étayer son propos, l’Académie de médecine s’est appuyée sur la décision de l’hôpital universitaire Karolinska de Stockholm d’interdire, l’an dernier, l’usage des bloqueurs d’hormones. En France, il est autorisé, comme les prescriptions d’hormones du sexe opposé, avec l’accord des parents et sans conditions d’âge. Quant aux traitements chirurgicaux – notamment la mastectomie (ablation des seins), autorisée en France dès l’âge de 14 ans, – et ceux portant sur l’appareil génital externe (vulve, pénis) après la majorité, elle souligne leur «caractère irréversible». Et appelle à prolonger «autant que faire se peut» la phase de prise en charge psychologique. «Il n’y a pas d’âge pour débuter une transition», estime a contrario le guide publié par l’association OUTrans. 

«Épidémie de suicides» 

Effet de mode, inquiétant phénomène d’embrigadement ou conquête de nouvelles frontières de l’identité? Les cas d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui pensent ne pas être «nés dans le bon genre» et veulent changer socialement ou médicalement de sexe se sont multipliés ces dernières années. Le rapport «relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans», remis en janvier au ministère de la Santé, confirme un «nombre croissant depuis dix ans de mineurs en interrogation de genre et en demande de transition». «Les consultations spécialisées sont saturées», indique ce document, rédigé avec l’appui de l’Igas, qui appelle «à accueillir sans a priori les questionnements d’identité de genre», mais aussi à prendre en compte «les facteurs de survulnérabilité» chez les adolescents trans comme la déscolarisation, les comportements suicidaires, les troubles psychiques et les troubles du spectre autistiques. En mai, le suicide d’un élève transgenre de 15 ans dans son lycée, au Mans, a suscité l’émotion. «Pour nous l’épidémie est là: c’est une épidémie de suicides», s’inquiète Simon Jutant, juriste de l’association Acceptess-T, spécialisée dans la défense des droits des personnes transgenres, et co-auteur du rapport. Chez les adultes, le nombre de personnes prises en charge médicalement (admises en affection longue durée) pour transidentité a été multiplié par dix en dix ans, pour atteindre environ 9000 personnes en 2020, selon des chiffres de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), cités dans le rapport. «70% des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans», précise le document. 

Épouvantée par l’ampleur du phénomène, Blandine, une enseignante, a créé avec un groupe de militantes féministes le podcast Rebelles du genre, afin de donner la parole à des «détransitionneuses». Pour elle, le discours actuel sur le genre signe l’apparition d’une «nouvelle oppression» sur les femmes. «Le phénomène trans touche plus les jeunes filles aujourd’hui, notamment celles qui ne rentrent pas dans les stéréotypes de genre. De plus, cette volonté de changer de sexe est souvent liée à la volonté d’échapper à un passé de violences sexuelles, de harcèlement. La difficulté de s’accepter comme lesbienne, à faire face à la lesbophobie peut également jouer un rôle», pointe-t-elle. «Aujourd’hui, l’accès au parcours de transition est un peu plus ouvert qu’autrefois et moins contraignant, ce qui explique cette augmentation des demandes, considère pour sa part Simon Jutant. De même, lorsque l’on a arrêté de contrarier les gauchers, leur nombre a augmenté d’un coup.» 

«L’emprise des idéologies militantes» 

En France, le phénomène a explosé «durant le confinement», insiste la militante de Rebelles du genre, avec un effet de «contagion» sur les réseaux sociaux. «Isolées de la vie réelle, des jeunes filles se sont convaincues en ligne, en quelques semaines, qu’elles étaient des garçons. Des adolescentes m’ont raconté qu’elles étaient en permanence connectées à des forums de communautés trans qui jouent sur la victimisation. Elles avaient l’impression de rejoindre le camp du bien, des opprimés, et se voyaient acclamées quand elles se déclaraient non-binaires». Même constat pour l’association SOS Éducation, qui demande «que l’École reste en dehors du militantisme trans-affirmatif, dans l’intérêt supérieur des enfants»: «L’emprise des idéologies militantes trans-affirmatives fait croire à de plus en plus de jeunes en questionnement que le changement de sexe est la seule solution pour échapper à la souffrance identitaire qu’ils traversent, s’effraie-t-elle. 

Aveuglés par les réseaux sociaux, pris dans les mailles d’un dispositif associatif sectaire, le risque est qu’ils s’engagent, en marge de leur famille, mais adoubés à l’école, dans des transitions irréversibles. Les pays qui ont pratiqué ces expériences sur des enfants font marche arrière face aux vies brisées. Pourquoi l’Éducation nationale n’en tient-elle pas compte? Qui assumera la responsabilité d’avoir laissé des enfants sous influence devenir des “regretteurs”, des femmes à barbe stériles, volontairement mutilées?» 

Pour Blandine, «passé la période de l’adolescence, un certain nombre de ces jeunes se rendent compte qu’ils ont fait fausse route ; mais c’est une démarche très difficile de revenir en arrière». Les études scientifiques internationales ne relèvent jusqu’à présent que de faibles pourcentages de «détransitionneurs», entre 1 et 2 %. «Une minorité parmi la minorité», commente Simon Jutant, mais «qu’il faut entendre». «La vague est à venir», prévient de son côté la militante de Rebelle du genre. «Aujourd’hui, les “détransitionneuses” sont encore peu nombreuses car il faut généralement plusieurs années avant de se rendre compte que l’on s’est trompé.» 

 Voir de même:

Je suis un vieux con et j’ai perdu la guerre

Ces évolutions de la société française qui choquent le vieux con que je suis – et quelques autres…

Causeur

9 juin 2022

Je suis un vieux con. Le vieux con se définit généralement comme décalé, plus très en phase avec les évolutions de la société. L’expression « vieux con » ne met pas l’accent sur « con », mais sur « vieux ». A partir d’un certain âge, le vieux lâche prise et devient con parce qu’il ne comprend pas ou n’adhère pas aux signaux que lui envoie la société.

A ma décharge, je connais des plus jeunes qui, comme moi, sont aussi des vieux cons. Comme moi, de jeunes cons s’ébahissent de la campagne de publicité menée par Santé Publique France, établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Sur tous les abribus et sur les murs, des affiches en couleur de personnes qui se serrent chaleureusement l’une contre l’autre proclament : « Oui ma fille est lesbienne » , « Oui ma petite-fille est trans », « Oui ma coloc est lesbienne » ou « Mon père est gay », Chacune des affiches est marquée du slogan : « Face à l’intolérance, à nous de faire la différence. »

Ayant fait très tôt le choix de ne pas me soucier de ce que chacun peut bien faire dans l’intimité de son lit, le vieux con que je suis est interloqué. Pourquoi l’Etat s’acharne-t-il alors à me faire la morale ? Pourquoi cette campagne me place-t-elle en position de délinquant intolérant vis-à-vis de minorités dont le comportement sexuel m’est indifférent ? Pourquoi une succursale de l’Etat m’explique-t-elle que je ne me comporte pas correctement ? Pourquoi dois-je payer des impôts pour être morigéné dans mes trajets quotidiens ?

Le vieux con que je suis aime aussi regarder passer les jolies femmes. Mais depuis un an au moins, j’ai appris à être prudent. Les féministes affirment qu’un regard admiratif peut être considéré comme dégradant, attentatoire à l’intégrité corporelle des femmes équivalent à une tentative de viol. Ce que les jolies femmes d’autrefois prenaient pour un hommage, les jeunes connes d’aujourd’hui l’assimilent à une agression, un rapport de prédation qui rompt le principe d’égalité entre les sexes.

Le vieux con que je suis se sent aussi de plus en plus décalé dans une société qui considère l’homosexualité comme une norme. Je lis ainsi dans le journal Le Monde un article qui pose une question proprement suffocante : « Comment peut-on encore être hétérosexuel ?! Maïa Mazaurette, auteur de l’article, postule que le « vieux con » que je suis est titulaire d’une identité sexuelle factice qu’il lui serait facile de quitter s’il … était moins con. Je suis donc invité à « sortir de l’hétérosexualité » alors qu’il ne me viendrait pas à l’idée d’expliquer à un gay, à un trans ou à toute autre lettre majeure de l’alphabet qu’il ou elle serait « plus épanoui » s’il était hétéro.

Le vieux con n’aime pas du tout non plus que la société soit gouvernée par des victimes professionnelles (racisées, LGBTQ, femmes, noirs, musulmans ….) qui réclament d’entorchonner la tête des femmes au nom de leur liberté religieuse et prônent la suprématie noire au nom de la lutte contre la suprématie blanche.

Mais d’autres évolutions, plus significatives encore, choquent le vieux con que je suis. L’école et l’hôpital étaient, au temps de ma jeunesse, deux institutions fondatrices de la société française. Or aujourd’hui, j’apprends que les infirmières quittent l’hôpital en masse faute d’argent et de considération et que des services entiers ferment faute de médecins pour soigner les malades. J’apprends aussi que l’académie de Versailles compte recruter 1300 profs via un « job dating » de quatre jours ou n’importe qui a été invité à postuler. Une bonne présentation et une bonne élocution ont remplacé les diplômes qu’il était autrefois difficile de conquérir. Qu’est ce que cette école transformée en garderie ?

Le choix du nouveau ministre de l’éducation, Pap Ndiaye sidère aussi le vieux con que je suis. L’éminent Pierre-André Taguieff, historien, philosophe, sociologue s’est senti lui aussi vieux con et a reconnu dans Le Figaro qu’il avait été saisi par « un sentiment de stupéfaction, voire de sidération » à l’annonce de cette nomination. Le nouveau ministre n’est pas plus crétin qu’un autre, mais il s’inscrit dans un courant de pensée dit « décolonial » qui affirme que la société française doit être « décolonisée » parce qu’elle est « blanche », donc « structurellement raciste », que ses natifs bénéficient du « privilège blanc » et que cette « hégémonie blanche » va de pair avec l’« hétéro-patriarcat » sans oublier que pour les décoloniaux, le sionisme est un racisme qui fait d’Israël un « État d’apartheid ». Les décoloniaux – et sans doute aussi Pap Ndiaye croient aussi que les musulmans souffrent de « discriminations systémiques » et sont victimes d’une islamophobie d’État.

Les plus jeunes et moins cons que moi clament haut et fort qu’il faut « attendre » et ne pas préjuger de l’action du nouveau ministre, mais ils ne se demandent pas pourquoi un président qui a dénoncé la colonisation et institué la discrimination positive à l’orée de son premier quinquennat (emplois sans charges pour les jeunes de banlieue) choisit un tel homme-symbole pour présider aux destinées de l’Education Nationale. Moi, je leur réponds : il ne s’agit pas d’assurer la pérennité du système, mais de le communautariser.

Le « vieux con » que je suis est las aussi de voir des jeunes cons comme Alizé, 22 ans, activiste écologiste, interrompre une demi-finale de Roland Garros, et s’attacher au filet d’un court de tennis pour rappeler qu’il reste trois ans pour respecter les absurdes Accords de Paris sur le climat, Accords qui ne servent qu’à appauvrir les pays riches pour enrichir les comptes bancaires des potentats des pays pauvres. Les vieux cons ne supportent plus le pillage et la diabolisation de la civilisation occidentale par l’écologie et l’écolo-islamo-gauchisme.

En réalité, un vieux con comme moi ne souffre pas d’être devenu un vieux con, c’est-à-dire un individu qui a lâché prise et se laisse distancer par une société qui évolue naturellement, tirée par sa jeunesse et l’innovation technologique. J’aurais au contraire adoré accompagner le mouvement, expérimenter, comprendre tester des nouveautés culturelles, techniques ou sociétales. Mais ce n’est pas de cela dont il est question. Les vieux cons aujourd’hui ne perdent pas pied parce qu’ils sont vieux. Ils souffrent – comme les jeunes – de devenir étrangers dans leur pays, ils peinent face à trop d’immigration et sont malheureux qu’un communautarisme islamique mette en pièces la laïcité. Ils souffrent que la civilisation française à laquelle ils se sont assimilés au prix de tellement d’efforts et de ravissements mélangés – le vieux con que je suis est issu de la décolonisation d’un ghetto juif d’Afrique du Nord par les Français– soit dépecée, démantelée, pièce après pièce par tous ceux qui (politiques, universitaires, médias, magistrats…) devraient avoir pour métier et vocation de la défendre.

Le vieux con se sent vieux et con parce qu’il a compris trop tard qu’une guerre était menée contre lui. Il a perdu la guerre parce que ce monde qu’il croyait aussi solide que le Mont Blanc a commencé de partir en morceaux sans qu’il réagisse et qu’aujourd’hui, on ne voit pas quelle force peut enrayer le processus. Le vieux con n’est pas seulement vieux et con, il est aussi très, très triste.

Voir de plus:

Comment peut-on encore être hétérosexuel ?

L’orientation sexuelle ne conditionne pas les pratiques, souligne Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale », qui invite à sortir du cadre rigide de la culture hétérosexuelle et à élargir son répertoire pour une sexualité plus épanouie.

Maïa Mazaurette

Le Monde

05 juin 2022

En 2006, dans son œuvre-culte King Kong Théorie, Virginie Despentes constatait les limites de l’hétérosexualité : « Les hommes aiment les hommes. Ils nous expliquent tout le temps combien ils aiment les femmes, mais on sait toutes qu’ils nous bobardent. Ils s’aiment, entre eux (…). A force de les entendre se plaindre que les femmes ne baisent pas assez, n’aiment pas le sexe comme il faudrait, ne comprennent jamais rien, on ne peut s’empêcher de se demander : qu’est-ce qu’ils attendent pour s’enculer ? Allez-y. Si ça peut vous rendre plus souriants, c’est que c’est bien. »

Seize ans plus tard, l’actualité littéraire aborde encore plus frontalement la question d’une possible impasse des rapports hommes-femmes. Deux essais en ont récemment fait leur objet : Sortir de l’hétérosexualité, de Juliet Drouar (Binge Audio, 2021), et Comment devenir lesbienne en dix étapes, de Louise Morel (Hors d’atteinte, 226 pages, 12 euros). Le même questionnement émerge dans des ouvrages plus généralistes, comme Le Sexe des femmes, d’Anne Akrich (Gallimard, 192 pages, 18,50 euros), où on peut lire cet amusant encouragement : « Coucher avec une autre femme quand on est une femme, c’est comme trouver un très bon ostéopathe. »

Il faut mesurer le chemin écoulé : en 2009, une maison d’édition comme La Musardine proposait les Conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme (par Marie Candoe), puis en 2015 les Conseils d’un gay pour faire l’amour à un homme (par Erik Rémès). L’homosexualité était utilisée pour rassembler les hétérosexuels. Aujourd’hui, il s’agirait plutôt de faire sécession !

Satisfaction sexuelle

Sommes-nous donc face à un énième signal de la fin du vivre-ensemble (et soyons fous, de la civilisation) ? Pas si sûr. La critique du système hétérosexuel se double d’une attente immédiate et concrète : avoir une vie plus douce… et une sexualité plus épanouie. Si vous le voulez bien, je vais volontairement laisser de côté dans cette chronique les aspects sociétaux liés à l’homosexualité – et notamment la LGBTphobie – pour me concentrer uniquement sur la satisfaction sexuelle. Comme vous allez le constater, les chantres de la plénitude homosexuelle disposent de solides arguments.

Commençons par l’orgasme : si les hommes gays et hétérosexuels l’atteignent à peu près à la même fréquence, ce n’est pas le cas des femmes lesbiennes (qui y arrivent 86 % du temps) et des hétérosexuelles (66 % du temps, selon les Archives of Sex Behaviour, 2018). Un différentiel identique s’observe dans les enquêtes françaises : 19 % des femmes hétéros disent avoir « souvent » du mal à atteindre l’orgasme, mais 0 % des lesbiennes. 99 % de ces dernières trouvent leur partenaire actuelle très attentive à leur plaisir, contre 88 % des hétéros… ce qui reste, tout de même, un bon score (source : IFOP/Online Séduction, 2019).

Du côté du nombre de partenaires, les hétérosexuels sont à la traîne : à Paris par exemple, 80 % des homosexuels ont eu plus de 10 partenaires dans leur vie… mais seulement 37 % des hétérosexuels. Même écart chez les femmes : 44 % des lesbiennes ont eu plus de 10 partenaires, mais 23 % des hétérosexuelles (IFOP/Cam4, 2017).

Abordons maintenant la fréquence et l’amplitude des pratiques : en 2014, un couple hétérosexuel avait 1,4 rapport par semaine en moyenne… mais un couple homosexuel en avait 1,7. Les gays et lesbiennes ont une plus grande expérience des coups d’un soir, du sexe à plusieurs, des pratiques anales et des sextoys : victoire à plate couture, sur toute la ligne (enquête Marianne/IFOP, 2014).

Des préférences qui évoluent

Tout serait donc parfait chez les homos ? Pas vraiment. Par exemple, on trouve plus d’insatisfaction sentimentale chez les lesbiennes (37 %) que chez les hétérosexuelles (27 %, selon l’IFOP/The Poken Company, 2021). Quant aux gays, moins satisfaits sexuellement que leurs copains hétéros, ils sont plus nombreux à avoir déjà simulé un orgasme – 48 %, contre 25 % des hétéros, selon une enquête Zavamed.

Alors, bien sûr, j’entends certains mauvais esprits me rétorquer que cette avalanche de chiffres ne sert à rien, puisqu’on ne peut pas « devenir » gay ou lesbienne. Une telle « conversion », surtout par opportunisme sexuel, serait tout aussi aberrante que l’imposition forcée de l’hétérosexualité à coups de prétendues « thérapies de conversion » (qui sont désormais interdites). Cela fait des décennies que les militants de la cause LGBT nous le répètent : l’orientation sexuelle ne se décide pas.

Et pourtant, on voit ponctuellement apparaître des contre-discours (par exemple chez certaines militantes féministes) : soit d’ordre politique (on pourrait aligner son désir sur ses valeurs), soit d’ordre pratique (en essayant, on découvre que ses certitudes hétérosexuelles sont finalement très flexibles). Sans rejouer un énième match nature contre culture, on se contentera de constater que certaines préférences évoluent. Ou même que de temps en temps, elles se laissent modeler.

Remettre en cause l’hétéronormativité

Faut-il donc se débarrasser de l’hétérosexualité ? Non, et d’ailleurs, ce n’est absolument pas la position que défendent les penseuses dont j’ai cité les essais. Ce qui est remis en cause, c’est l’hétéronormativité, c’est-à-dire le cadre extrêmement rigide par lequel la culture hétérosexuelle aligne ses codes sur la reproduction – un pénis, un vagin, une pénétration. Rien n’empêche de coucher avec une personne de l’autre sexe, sans adhérer à un cadre hétéronormé – et d’ailleurs, il y a fort à parier que ça (vous ?) arrive fréquemment. Quand le cunnilingus ou le chevillage (l’acte pour une femme de pénétrer un homme avec un gode-ceinture) s’invitent dans des pratiques hétéros, quand une femme prend le dessus, quand on renonce à la pénétration obligatoire, quand on s’échange ses sextoys, c’est déjà une subversion… et c’est déjà une manière de rester hétéro dans le choix de ses partenaires, tout en sortant de l’hétérosexualité comme système.

Non seulement l’orientation sexuelle ne conditionne pas les pratiques, mais elle ne conditionne pas la communication entre les corps. On entend parfois dire qu’il est plus simple de coucher avec quelqu’un qui nous ressemble, au prétexte que l’autre fonctionnerait comme un « double ». Attention à ce genre de raccourcis, qui gomme les différences individuelles tout en rappelant certaines théories réactionnaires.

Si la remise en question de l’hétérosexualité est certainement méritée, surtout quand on la frotte aux statistiques, elle ne justifie ni l’idéalisation d’une homosexualité qui reste très malmenée dans la société ni l’auto-apitoiement hétérosexuel. Au contraire, le fait que certains et certaines d’entre nous bénéficient d’un répertoire sexuel plus large, plus jouissif et plus fréquemment utilisé devrait inspirer les personnes hétérosexuelles. Et leur donner envie de relever le défi.

La chronique de Maïa Mazaurette adopte un rythme mensuel, vous la retrouverez désormais le premier dimanche du mois.

Voir encore:

La Gay Pride divise le Marais
Emmanuelle Mougne
Le Parisien
30 juin 2007

TANDIS que Madrid célèbre l’Europride, les homosexuels défileront aujourd’hui de Montparnasse à la Bastille, pour leur traditionnelle Gay Pride, maintenant appelée Marche des fiertés homosexuelles avec pour mot d’ordre « Egalité, ne transigeons pas». Comme les années précédentes, trois minutes de silence contre le sida seront observées à 16 heures tout le long du cortège.

Mais, alors que la communauté homosexuelle est de mieux en mieux intégrée, des fissures apparaissent ici et là au sein du milieu gay et certains désertent la manifestation annuelle. Ainsi Olivier Robert, ancien patron du Carré (rue du Temple), Bernard Bousset, patron de l’Open Café (rue des Archives), et Gilles Pigot, qui possède le Tilt, un sauna de la rue Sainte-Anne, tous trois membres du Syndicat national des entreprises gays (SNEG) ne se rendront pas aujourd’hui au défilé. Pêle-mêle, ils accusent la Gay Pride d’être devenue « trop festive », « trop commerciale » ou « trop politique ».

« FO et la CGT dans le carré de tête, je ne m’y retrouve pas », lance ainsi Olivier… Qui n’adhère pas plus au côté spectacle : « On sait déjà ce qui va faire l’ouverture du 20 Heures, ce sont les drag queens et les types avec des chaînes, dit-il. Or ils ne représentent pas le gay moyen, celui qui comme moi vit normalement depuis dix ans avec son copain. »

Bruno Lalanne, qui dirige le Cud et qui participe pour la première fois à la Gay Pride avec un char au nom de son établissement, revendique au contraire cette double appartenance : « Le côté festif appartient à notre identité, dit-il.

Ce qui n’empêche pas les revendications car il reste des combats à mener, notamment autour de l’amélioration du pacs ou de la lutte contre l’homophobie. Alors comme cette année j’ai lesmoyens, j’y participe avec mon char… (NDLR : un char coûte de 10 000 à 15 000 ). »

Quant à Alain Piriou, porte-parole de l’inter-associative lesbienne, gaie, bi et transexuelle, organisatrice de la marche, il prend les critiques avec philosophie. « Le fait même qu’on nous reproche à la fois d’être trop festif ou trop politique prouve que nous avons sans doute atteint un point d’équilibre. » Et il assène : « Le succès de la marche est notre meilleure défense. Et si ce succès est lié à l’afflux d’hétérosexuels, tant mieux. Cela prouve que notre combat contre la discrimination avance. »

Voir enfin:

Pourquoi le mois des fiertés se fête en juin ?

Femivoz

Le mois des fiertés se situe en juin il y a plus de 50 ans aux États-Unis. Plus précisément en 1969 avec l’interruption de la police à Stonewall Inn. En effet, Stonewall Inn était un bar gay de New York. À la suite de cette interruption, un groupe de personnes composé de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres se sont rebellées contre l’autorité.

Juste un an plus tard (1979), toujours à New York, Brenda Howard (activiste américain luttant pour les droits bisexuels, entre autres luttes) organise la première marche des fiertés. En effet, Brenda devient une figure importante pour le mouvement LGBT et fait du mois de juin le mois des fiertés.

Après plus de 50 ans, le mois des fiertés et la marche de la Gay Pride continue à être célébrée même si la société accepte de plus en plus l’homosexualité. Aujourd’hui, cette marche continue à se faire pour plusieurs raisons, l’une étant de continuer à lutter pour l’égalité, l’autre pour honorer les discriminations passées. Mais aussi pour soutenir les discriminations actuelles, car elles continuent malheureusement d’exister.

LA COMMUNAUTÉ TRANSIDENTITAIRE

L’origine du terme trans identité remonte au début du XXe siècle. Depuis sa naissance, ce mot est utilisé quand nous voulons faire référence à la différence entre le genre que nous avons quand nous sommes nés et celui que nous voulons vraiment avoir. Par conséquent, chaque fois que ce terme était utilisé, trois questions étaient en jeu à la fois : des questions médicales, juridiques et sociales.

Si nous nous arrêtons un moment sur la première des questions ci-dessus, il faut savoir que les premiers changements de sexe se situent dans le premier tiers du XXe siècle. Moment où les progrès médicaux et chirurgicaux commencent à les rendre possibles. Notamment cela marque un avant et un après pour la communauté LGBT, autrement dit, si nous voulons parler de visibilité trans, nous devrons nous situer en 1960.

Ensuite, en Allemagne, c’est en 1910 que Magnus Hirschfield décrit les personnes transsexuelles comme celles qui ressentent une différence entre leur sexe anatomique et leur sentiment d’appartenance. En somme, selon Hirschfield, la première mastectomie en 1912 est réalisée sur une personne en pleine transition, mais ce n’est qu’en 1930 que la première vaginoplastie de la main de Félix Abraham est réalisée. En même temps, les opérations de changement de sexe commencent au Danemark.

DIFFÉRENCE ENTRE TERMES

Cependant, jusqu’en 1953, il n’y a pas de différence entre les termes “transexualité” et “homosexualité”. Cette différence est établie par Harry Benjamin avec la création officielle de la définition de la transsexualité comme “le sentiment d’appartenance au sexe opposé et le désir corrélatif d’une transformation corporelle“. Cependant, en Allemagne, ils ont préféré continuer à utiliser le terme “travesti”.

Des années plus tard, grâce aux révélations de presse d’April Ashley, le concept de “transsexualité” gagne en visibilité en France. Au contraire, le Conseil d’ordre des médecins n’a pas approuvé l’accompagnement dans les opérations pour les personnes transsexuelles.

Cependant, en 1972, la Suède et les Pays-Bas commencent à construire des Gender Clinics. Des cliniques qui avait le but d’offrir des soins payés aux personnes demandant une réassignation chirurgicale. Pour ce faire, ils s’inspirent d’un modèle déjà implanté aux États-Unis.

Ainsi, c’est à partir des années 1990, mais surtout en 2000, que naissent de nombreuses associations. Des associations qui commencent leur marche dans le but de lutter pour la reconnaissance juridique des personnes trans. Mais surtout des associations qui luttent pour un changement de mentalité vis-à-vis de la société. D’ailleurs, l’aspect juridique commence à s’améliorer avec la création des premiers droits en faveur de ces personnes.

MOIS DES FIERTÉS : ORIGINE ET EXPLICATION DU DRAPEAU LGBT

Avant la création de l’actuel drapeau LGBT, Hitler avait créé le premier symbole d’identification des homosexuels. Effectivement, c’était un triangle rose qu’ils devaient porter sur leurs vêtements, un emblème qui, à l’époque, servait aux nazis pour pouvoir distinguer les homosexuels dans les rues.

À l’occasion de la huitième Gay Pride (25 juin 1978) et à seulement 27 ans, Gilbert Baker eut l’idée de coudre un drapeau composé de huit couleurs : le rose, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, le bleu et le violet. Ces couleurs allaient les unes avec les autres avec une orientation horizontale.

Un drapeau plein de symbolisme, puisque chaque couleur a été choisie pour une raison : le rose représentait la sexualité, le rouge faisait référence à la vie, l’orange était symbole de la guérison (en termes de santé), le jaune représentait le soleil, le vert a été choisi pour symboliser la nature, le turquoise faisait référence à l’art et à la magie, le bleu dénotait l’harmonie et la sérénité, et finalement le violet était présent pour représenter l’esprit humain.

Puisque dans la Bible, l’arc-en-ciel est un symbole important, avec cette combinaison de couleurs, ce que Gilbert Baker voulait était de transmettre une promesse de paix. Mais aussi il voulait permettre aux homosexuels d’avoir un moyen de se reconnaître entre eux par un plus beau symbole qu’ils n’avaient initialement

NOUVELLES VERSIONS DU DRAPEAU LGBT

Aujourd’hui, ce drapeau créé en 1978 reste le symbole du mois des fiertés et de la communauté LGBT : lesbienne, gay, bi, trans. La même communauté que maintenant, ajoute Q de Queer, I d’Intersexo, A d’Asexual et le signe + pour tous les autres, actualisant ainsi son nom d’identification à LGBTQIA+.

Revenant à l’ordre chronologique de l’histoire de ce drapeau, en 1979, soit un an après sa création,  la couleur rose et la turquoise ont disparu. Cette décision a été prise par les industries de fabrication des drapeaux. Les industries ne voyaient pas le coût du colorant de ces deux couleurs en particulier rentable. Ainsi, depuis 1979, le fameux drapeau LGBT passe de huit couleurs à seulement six couleurs horizontales : rouge, orange, jaune, vert, bleu et violet.

Enfin, au fil des ans, le drapeau arc-en-ciel de Gilbert Baker a été réutilisé pour créer d’autres drapeaux symboliques.

Pour conclure, les drapeaux plus connus sont :

  • Le drapeau de Philadelphie créé en 2017 dans le but de lutter contre les discriminations envers les bars gays de la ville.
  • Le drapeau Progress Pride flag créé en 2018 par Daniel Quasar. Celui-ci a les mêmes couleurs que la première, mais ajoute le blanc, le bleu clair et le rose.
  • La plus actuelle est la Progress Pride flag 2021. Une nouvelle variante qui comprend également un drapeau intersectoriel pour tous ceux qui sont souvent oubliés.

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