Musique: Ni rouge ni mort (Why you probably never heard of one-of-a-kind Jean-Pax Méfret: « chanteur engagé « with over 300 songs and 50-plus year career, former Figaro journalist and staunch anti-communist with a populist and military-like following, deeply patriotic and devout Christian with a pied noir background and a very strong nostalgia for Algeria)

8 juin, 2021

Rudi Dutschke - Lieber rot als tot | StaatsReport | Flickr

Musique : l'indémodable Jean-Pax

Puisque la guitare est devenue une arme […] Puisque l’un de vous a chanté Potemkine Moi je viens chanter Soljenytsine […] Je chante contre le Grand Soir […] Je chante pour l’Occident. Jean-Pax Méfret
Je viens le dire très fort, ma devise, c’est ni rouge, ni mort ! J’ n’ai pas l’frisson du pacifisme Face aux armées du communisme, pour qu’il n’y ai plus d’autres Boeings, je crie « Bienvenue aux Pershings » ! Jean-Pax Méfret
Quand les droits des hommes sont en danger, c’est toujours vers l’ouest que le peuple s’évade, garde ça en mémoire, camarade, quand tu vas défiler pour la paix, et demande aux Afghans, camarade, toi qui parle pour les peuples opprimés car le sang des enfants tués à la grenade a la couleur de tes idées. Jean-Pax Méfret
Sous les pavés, ‘y a la plage, elle aimait bien cette image, elle ne chantait que des chansons de Dylan, elle ne parlait que de la guerre du Vietnam, San Francisco, Katmandou, Woodstock, Hanoï et Moscou, c’était sa géographie, ses frontières, toute sa vie, quand les maisons bleues accrochées aux collines la faisaient planer jusqu’au mont de Palestine, manipulation sur fond de mélodie, la nuit, sur l’île Saint-Louis, fini, le temps du Népal, plus d’ oeillets au Portugal là-bas, en Mer de Chine, les boat-people sont nés sous Ho Chi Minh, Mai 68, c’est loin d’ici… Jean-Pax Méfret
Il tremblait pour sa carcasse devant le fusil des rebelles, sur le quai d’une gare, certains chantaient le déserteur A Saint-Lazare. Lui il avait l’esprit ailleurs, (…) pour ses enfants C’est un mot qui ne veut rien dire, pour ses parents, c’est un bien cruel souvenir, pour ses amis, c’est une carte de combattant, mais ça reste pour lui « trente-six mois à vingt ans »… Jean-Pax Méfret
Dans son coeur, il y a de la vaillance, ça ne s’entend pas, mais il est toujours là, prêt à se lever pour la France, le vieux soldat, Ca lui fait mal, toutes ces insultes, cracher sur la France que l’on traite de pute, ça lui fait mal, le drapeau brûlé, le drapeau souillé, la mémoire tachée, ça lui fait mal, il l’a mauvaise, lorsque l’on siffle la Marseillaise, ça lui fait mal, voir son pays livré au mépris, il en est meurtri, le respect, il veut du respect, juste du respect, le respect, Il faut dire que ça n’arrive qu’en France … Jean-Pax Méfret
Vous brouillez les radios, vous régentez l’école, vous jouez aux prolos, j’en connais qui rigolent. Jean-Pax Méfret
Garçon, si par hasard sur ton livre d’histoire Tu tombes sur ce nom: Camérone! Garçon, regarde bien cette page d’histoire Et n’oublies pas ce nom: Camérone! Le ciel de feu du Mexique A jamais se souviendra De ce combat héroïque Garçon, sur le chemin qui conduit à la gloire Tu dois trouver ce nom: Camérone! Garçon, si ton destin exige une victoire N’oublies jamais ce nom: Camérone! Pour l’honneur de la légion, Sachant qu’ils allaient mourir Jusqu’au bout de leur mission, Fiers de tomber pour l’empire. Ils étaient 62, face à 2000 cavaliers,  Le soleil baissa les yeux lorsqu’ils furent exterminés… Jean-Pax Méfret
Au grand matin du mois de juin, Lorsque dans Sainte-Mère-Eglise Sont entrés les Américains, Ils sont tombés du ciel Comme s’ils avaient des ailes, Ils apportaient un air de liberté. Ils venaient de Virginie, D’Oklahoma, du Tennessee, Le jour le plus long les attendait ici, Tous unis pour nous délivrer, Sur la Normandie, Faut jamais oublier… Qu’un jour à Sainte-Mère-Eglise, Sont entrés les Américains ! Jean-Pax Méfret
Derrière lui, le rideau de pierre, Les miradors, les VoPos armés, Les tilleuls ne forment plus la frontière, Il y a un mur à Berlin, professeur Müller, Il s’avance, dans le décor sinistre, De cette ville de prisonniers, Et il se dit que, si la Vierge existe C’est elle seule qui pourra les sauver, Chez nous, soyez Reine, Nous sommes à vous, Il y a 20 ans qu’on l’appelle « camarade », Mais il sait bien que ce n’est qu’un mot. Jean-Pax Méfret
Je viens d’un pays qui n’existe plus, je viens d’un paradis perdu. Jean-Pax Méfret
Des petites filles de 10 ans m’ont chanté “Professeur Muller”, qui leur a fait découvrir l’histoire du mur de Berlin. Et les garçons m’ont tous parlé du “Jour J”, ma chanson sur le débarquement américain en Normandie. Un jeune m’a même dit que j’avais été son meilleur prof d’histoire.  Jean-Pax Méfret
Pour un jeune soldat de 18, 19 ans, voir Jean-Pax Méfret, ça valait des courriers de la famille. Dominique (militaire à Beyrouth dans les années 1980)
On n’a plus Johnny mais on a encore Jean-Pax !  Spectateur
On avait besoin qu’il y ait des voix qui disent autre chose. Quand vous aperceviez un de ses disques chez quelqu’un, c’était presque un signe de reconnaissance. Bernard Lehideux (cadre du Parti républicain et du Modem)
On est tellement heureux de voir qu’on n’est pas seul, que c’est une grande famille. Isabelle
[Ma première chanson] C’était après l’exécution du lieutenant Roger Degueldre. J’avais 16 ans, j’étais en prison, à Rouen, dans le quartier des activistes, j’y suis resté entre mai 1961 et septembre 1962, j’ai été le plus jeune détenu de France – pour cause d’Algérie française – en compagnie des plus grands seigneurs de l’armée française : les officiers avaient mis leurs décorations sur la porte de leur cellule. C’est dans cette atmosphère, quand j’ai appris l’exécution de Degueldre, c’est à ce moment que j’ai composé, en son honneur, ma première chanson.  (…) Je remonte à Paris, où je suis libre, sans rien. Enfin si : avec mon casier judiciaire. On est quelques copains pieds-noirs, on se regroupe, on commence à chanter le soir dans les cafés. Une Américaine tombe amoureuse de moi. J’habite avec elle Place du Tertre, ça ne s’invente pas. Je commence à chanter, je rencontre un garçon qui s’appelle Jean-Claude Camus, qui sera l’impresario de Johnny et de beaucoup d’autres. Je me fais faire une carte de visite : « secrétaire artistique de Jean-Claude Camus ». Je compose quelques chansons, cinq disques paraissent chez Decca, dont un titre, “La prière”, qui retient l’attention et obtient en 1965 le grand prix Âge tendre et tête de bois. J’ai 20 ans. À l’époque j’ai pris un pseudonyme : Jean-Noël Michelet. Jean est mon prénom. Noël le prénom de mon père. Quant à Michelet, c’est le nom de la rue centrale d’Alger. (…)  je mène une vie de galère (…) J’enchaîne les petits boulots. Notre réseau pieds-noirs est un soutien. Mon premier journal, dirigé par le colonel Pierre Battesti, président de l’Anfanoma, s’appelle France-Horizon, c’est le mensuel des Rapatriés d’Algérie. Plus tard, je serai journaliste d’investigation à Minute, puis à L’Aurore (où je suis grand reporter et spécialiste de politique étrangère). J’atterris enfin au Figaro puis au Figaro magazine où je serai directeur des magazines régionaux et responsable des grands dossiers. Je n’ai jamais vraiment fait de politique politicienne, je suis dans l’action, dans l’engagement, mais pas dans les idées. Je préfère les grands sentiments aux grandes idées. (…) Spirituellement, ce qui m’a marqué, (…), ce sont les veillées scoutes, c’est aussi la vie des grands missionnaires, et, dans les grands reportages que j’ai eu l’occasion de mener, la souffrance des enfants et puis l’impuissance de populations entières, incapables de sortir de leur misère. En Afrique, ce sont ces gens qui croient, quand vous arrivez que le Blanc peut tout. Le Christ permet de supporter tout ça… (…)  Ma foi a toujours été là mais j’ai moins de pudeur à la manifester. J’ai longtemps pensé qu’il fallait la garder pour soi. C’était familial : ma mère me mettait des médailles dans la doublure de ma veste. Chez moi, on n’entamait pas le pain, sans faire une croix dessus avec le couteau. Et en même temps, en Algérie, on respectait toutes les religions, on participait aux fêtes des uns et des autres. Les partisans de l’Algérie française n’ont jamais profané de mosquées. (…) Il est vrai que pour les Arabes la guerre était religieuse. Le FLN déjà avait interdit aux populations de fumer et de boire, sous peine de couper le nez et les lèvres… La chirurgie esthétique a fait des progrès énormes à cette triste occasion… Mais nous n’avons pas encore tout vu en France ! En Algérie, des Bataclan, il y en avait tous les jours ! Jean-Pax Méfret
[Les chrétiens d’Orient] c’est un sujet encore trop tu. J’ai hésité avant d’en faire une chanson. (…) Après, j’ai décidé de faire un disque autour du récit des chrétiens d’Orient. Ce n’est pas la première fois que j’écris un récit. Déjà dans mon album Camerone je glissais un livret afin d’expliquer aux auditeurs l’histoire de la bataille de Camerone. Imaginez la scène: soixante-deux légionnaires ont résisté face à deux mille Mexicains. Refusant de se rendre, ils se sont battus jusqu’au bout. Dès lors, chaque année les légionnaires fêtent cet événement et louent le courage de leurs prédécesseurs le 30 avril. Je crois que le vrai défi, c’est la foi. «Sommes-nous condamnés à subir le même sort que les chrétiens d’Orient?» tel est le problème. De toute évidence, leur martyre pourrait très bien annoncer le nôtre. Partout dans le monde les chrétiens sont persécutés, c’est pourquoi, nous, de tradition et de culture chrétienne, devons relever ce défi. C’est autrement plus ambitieux que de lutter contre le communisme: notre époque est encore plus exigeante. (…) À l’occasion des attentats de Londres en 2005, j’ai fait une chanson qui s’appelle «Au nom d’Allah» où je demande si le terrorisme islamiste agit vraiment au nom d’Allah. Quand je l’ai chantée à l’Olympia j’ai raconté avant l’histoire du capitaine Kheliff, cet officier de l’armée française musulman qui a sauvé des pieds noirs lors du massacre d’Oran du 5 juillet 1962 en enfreignant ses ordres et qui, une fois en France, a créé une association des anciens combattants musulmans. Il faut bien savoir qu’en Algérie, tous les anciens combattants musulmans se faisaient égorger par le FLN après l’indépendance. Kheliff a aussi créé une mosquée à Lyon. Cette histoire, racontée avant «Au nom d’Allah», visait à éviter les amalgames qu’aurait pu engendrer ma chanson. En effet, il faut reconnaître qu’il y a une vraie diversité au sein du monde musulman et que ces jeunes des banlieues, délaissés par la société, ne connaissant pas vraiment leur religion. J’ai du mal à voir quoique ce soit de «divin» dans les actes terroristes, c’est quelque chose de plus humain, de plus misérable. Mais tôt ou tard, nous allons être confrontés à cette violence et nous avons le devoir de nous y préparer. Figure du contre-exemple: l’Angleterre et son modèle communautariste étaient une pépinière pour les radicaux. De fait, dès le début des années 2000 nous avions fait les gros titres sur cette menace islamiste, nourrie par des prêcheurs à Londres. Ces derniers appelaient déjà la mort des chrétiens, nous avions déjà senti le danger. Mais paradoxalement, cette haine pour les chrétiens nous rappelle aussi notre héritage, notre identité chrétienne puisqu’ils nous appellent «les croisés». Ils nous obligent à retrouver nos racines. Peut-être aussi oublient-ils qu’avant d’être musulman, l’orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien? On oublie trop souvent que la première église fut construite à Antioche. Tout comme l’Algérie qui fut d’abord chrétienne avant les invasions arabes. Saint-Augustin et sa mère, la bien-aimée Monique, en sont la plus parfaite illustration. [la Légion Étrangère, l’Algérie et les Chouans] Ce sont des causes dont on parle peu et qui forment un ensemble de valeurs. Je suis pied-noir, l’Histoire de l’Algérie m’a marqué. Ma musique parle de grands faits d’Histoire parfois oubliés: Budapest, le mur de Berlin… Je pense être le seul à chanter en m’inspirant de ces événements. À part moi, personne n’a chanté la révolution hongroise par exemple. L’originalité de ces thèmes est aussi ce qui me définit. Je ne fais pas de chansons d’amour ou alors, si je parle d’amour, c’est pour dire que je ne suis pas du genre à chanter des chansons d’amour. (…) Je ne sais pas si je suis un chanteur de droite, mais je suis sûr de ne pas être un chanteur de gauche! Être de gauche pour les chanteurs, c’est parfois une volonté artistique, voire un snobisme. Pourtant il faut savoir que les chanteurs du siècle dernier n’étaient pas automatiquement de gauche. En tout cas, ils ne l’étaient pas sur le mode «grandes consciences» d’aujourd’hui, ils faisaient moins la leçon: regardez Boris Vian, je l’aime beaucoup. Moi, je ne voulais pas travailler dans la chanson à l’origine: mon objectif était de remettre au goût du jour des faits qui étaient ignorés. Je n’ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des situations. Il n’y a rien de mieux que la chanson pour faire découvrir ces faits. J’ai appris récemment que des élèves d’une banlieue parisienne, visitant le musée du débarquement américain en Normandie, avaient chanté ma chanson sur le débarquement: «Ils sont tombés du ciel comme s’ils avaient des ailes/ Ils ont apporté un air de liberté.» Une chanson s’écoute toujours plus facilement qu’un cours d’Histoire, c’est une autre manière de transmettre. (…) Je m’étonne toujours que l’on me présente comme le chanteur d’Occident alors que je viens d’orient. À l’époque, c’était parce que je m’opposais au communisme. On aurait mieux fait de parler de «chanteur du monde libre». Je ne pense pas qu’il y ait eu de combats plus forts que celui opposant les deux blocs pendant la Guerre Froide. Dans «Ni rouge ni mort» j’explique les raisons de mon opposition au communisme, le danger qu’il représentait avec notamment l’armée rouge! On oublie que le mur de Berlin, c’étaient des dalles dressées, prêtes à tout moment à être aplaties vers l’ouest pour faire passer les chars! C’était à mon sens un vrai combat pour la liberté que la lutte contre le communisme et les goulags dont personne ne parlait. On a tout de même eu un parti communiste français qui prenait ses ordres à Moscou. D’ailleurs, je trouve inouï qu’il y ait encore en France un parti communiste. Rouges de honte, ils ont changé de nom dans toutes les nations occidentales mais pas en France! (…) Je n’étais pas dans l’OAS. Quand j’ai été arrêté l’OAS n’existait même pas. Mais on peut dire que j’étais pour l’Algérie Française. Je suis né là-bas. Mes ancêtres du côté de ma mère ont fait partie des déportés de la première commune en 1848 que l’on a exilés en Kabylie. L’Algérie, à ce titre, n’était pas un pays de droite. D’ailleurs, c’étaient les bastions communistes, ayant des quartiers populaires, qui étaient les plus virulents lors de la guerre d’Algérie. Mon père lui n’était pas du pays: il était venu afin de préparer le débarquement américain. Il travaillait pour l’OSS qui étaient les services secrets américains. C’est là qu’il a rencontré ma mère. Pour revenir à mon parcours, lors du putsch de 1961, les autorités avaient besoin de voix pour lire les messages et, comme j’avais une voix radiophonique, j’ai été invité à travailler à la RTF Télévision d’Alger qui était pro-Algérie Française. Et donc j’ai été accusé de participation à un mouvement insurrectionnel, d’intelligence avec les chefs de l’insurrection, d’attentat contre l’autorité de l’État: vingt-cinq chefs d’inculpation en tout. Je suis donc passé directement des frères maristes à la prison d’Alger, puis à la Santé à Paris, enfermé pendant dix-huit mois. Ce fut une épreuve pour ma mère, bien qu’elle partageât mes convictions comme beaucoup. Je suis persuadé que ce n’était pas un combat politique, ou alors circonscrit à l’antigaullisme. De nos jours, c’est d’ailleurs une vérité reconnue et acceptée: de Gaulle a trahi les pieds-noirs. Cependant je ne suis pas non plus opposé à l’aura du Général. Si j’avais eu 16 ans en 1940 je pense que je me serai engagé dans la Résistance. Le problème donc n’est pas politique, le problème, c’est l’Algérie. Comprenez: les gens souhaitaient simplement rester là où ils étaient nés. C’était finalement plus une guerre franco-française que contre les Algériens. Les autorités françaises se sont complètement engagées contre les partisans de l’Algérie française. Le 26 mars 1962, l’armée française n’a pas hésité à mitrailler la foule, faisant 80 morts et 200 blessés, ce dont plus personne ne se souvient aujourd’hui. (…) [retourné] Non, jamais, je n’ai pas envie. Dans une chanson j’ai chanté «Je viens d’un pays qui n’existe plus». (…) [comme journaliste] J’ai commencé au journal l’Aurore dans la rubrique «faits divers», puis dans celle concernant les affaires étrangères où j’ai couvert les conflits. J’ai ainsi pu décrypter toutes les guerres d’Amérique centrale puis celles du Liban. Ensuite, je suis resté quelque temps au Figaro Magazine dirigé par Louis Pauwels. La grande époque! Je n’entends pas le journalisme comme une éducation de la pensée mais plutôt comme une révélation de faits sur des affaires. J’ai eu la chance de traiter des grosses affaires comme l’arrestation d’Escobar. Tout en étant journaliste je continuais de chanter, j’ai gagné le grand prix de l’émission télévisée Âge tendre et tête de bois avec «La Prière». (…) Je suis persuadé que croire en quelque chose est primordial dans la vie d’un homme, que c’est une force intérieure. Croire au Christ, c’est encore plus fort. Quant à «La Force», curieusement je n’ai jamais mis un point d’honneur à écrire une chanson dédiée au Christ, l’envie m’est venue naturellement. Le titre provient de la supplication «Donne-moi la force» qui ponctue les cantiques dans la Bible. La lecture de l’Histoire des chrétiens d’Orient et du massacre des Arméniens, de ces gens jetés vers la mort qui s’accrochent à la pensée de Dieu, m’a inspiré cette chanson. (…) Je crois que nous avions besoin d’un changement, un changement radical pour bouleverser l’ordre établi. Je salue ce rafraîchissement du personnel politique. Mais je ne crois ni au miracle Macron, ni que son système peut tenir sur la durée. Aujourd’hui ce qui est exaspérant, c’est la médiocrité de la droite, la gauche n’est pas mieux, mais il m’est désespérant de voir une droite sans repère et frileuse quand il faut défendre ses idées. Jean-Pax Méfret
Méfret peut servir d’analyseur à plusieurs titres. D’abord, il donne de voir fonctionner une forme de chanson politique : plus que la conviction, l’illustration, la construction d’un univers politique par l’appui sur des éléments métapolitiques faisant sens avec cet univers. Ensuite, historiquement, enraciné dans l’Algérie française, évoluant vers un fort anticommunisme en raison de l’évolution du contexte géopolitique, vivant un combat presque apocalyptique dans la France dirigée par le Parti socialiste, il montre l’existence, voire la vivacité, d’un populisme républicain dont on peut se demander s’il ne pourrait se retrouver chez d’autres personnalités, hebdomadaires ou organisations de droite dans les années 1980 (Alain Griotteray, Figaro Magazine, CNI, MIL, UNI). Il amène à s’interroger aussi sur la possible fonction d’interface que peut jouer ce républicanisme particulier dans les relations de la droite avec l’extrême droite, voire sa contribution à la vulgarisation de thèmes qui ont fait le succès de cette dernière à partir de 1984. Enfin, utilisant les formes musicales issues des années 1950-1960, se distinguant de la mouvance skinhead des années 1970, il précède le rock identitaire français des années 1990-2000, engagé de manière beaucoup plus explicite, lié à une génération née après 1970-1975 et à une politisation accompagnée par le poids du Front national. Paul Airiau

Attention: un chanteur rebelle peut en cacher un autre !

Chanteur aux disques introuvables, vendus par correspondance, non diffusés à la radio, voire interdits dans les casernes, journaliste ayant travaillé à Minute, L’Aurore, au Figaro Magazine ou à Valeurs actuelles, chanteur anticommuniste des pieds-noirs et des trouffions, de l’Algérie française et de l’Occident, invité à la fête des Bleu-blanc-rouge du FN ou pour SOS Chrétiens d’Orient, ayant participé en 1961 à l’occupation de la radio d’Alger lors du putsch des généraux, agent de liaison de l’OAS, prisonnier politique dès l’âge de 16 ans, dénonciateur du Mur de Berlin, du goulag, de l’internement des refuniks, du génocide khmer rouge, de l’extermination des chouans, chantre des GI’s du Débarquement,  des Harkis abandonnés, des soldats français oubliés sur les champs de bataille …

Au lendemain d’un anniversaire du Débarquement

Sans parler des bouchers de Tiananmen d’il y a  32 ans…

Que le président américain ne s’est même pas donné la peine d’évoquer …

Et à l’heure où après l’assassinat politique du président Trump et le hold up électoral du 8 novembre …

Les  génuflexions de Joe Biden face à l’Iran ou ses supplétifs palestiniens …

Viennent comme pour les mois d’émeutes des Black Lives Matter et des antifas

De relancer la violence à Gaza et en Israël

Et d’imposer, au sein même du gouvernement israélien nouvel assassinat politique, à la fois l’éviction de Netanyahou et l’entrée du loup islamique dans la bergerie

Pendant qu’entre la censure politique et les attaques ou pannes à répétition

L’expression publique semble de plus en plus fragile …

Mais qu’en France, sur fond, entre attentats, égorgements ou même décapitations, d’islamisation rampante de nombre de nos quartiers …

Et après l’assassinat politique de Fillon il y a quatre ans, notre propre lot de surenchère et de violence politique

Un philosophe bien-pensant tel que Raphaël Enthoven

Se voit contraint de choisir Marine Le Pen contre la basse démagogie d’un Jean-Luc Mélenchon

Peut-on imaginer meilleur contenu …

Pour l’étiquette ô combien galvaudée de chanteur rebelle …

Contre la pensée autrefois d’avant-garde devenue aujourd’hui pire des bien-pensances ..

Que cette réapparition sur le plateau de Cnews ce matin …

De cette sorte d’ovni dans la chanson française

Face au communisme d’un Ferrat ou l’antimilitarisme d’un Vian et d’un Le Forestier

Combinant anticommunisme et antisoviétisme, rejet de la gauche et des compagnons de route, défense du peuple et des pays martyrs, nostalgie de l’Algérie française et christianisme revendiqué …

Mais défendant aussi des valeurs d’un autre temps telles que vérité, engagement pour les valeurs, grandeur militaire

Et bien qu’en partie décalé de son public plutôt d’extrême droite et plutôt militaire …

Promoteur d’un populisme et d’un attachement à l’histoire de France tout à fait unique …

Et passeur pour plusieurs générations d’adolescents comme d’adultes de toute une culture politique …

Et surtout, à  l’instar d’un Camus ou d’un Aron opposé à Sartre ……

D’une rare lucidité et connaissance de l’histoire contemporaine ?

Jean-Pax Méfret, le chanteur qui fait taper des mains Zemmour et Madelin

Ses textes parlent aux nostalgiques de l’Indochine ou encore de l’Algérie française. Parmi les fans qui assistaient au concert de l’artiste au Casino de Paris les 13 et 14 janvier, on pouvait croiser quelques personnalités.
François Krug
Le Monde
19 janvier 2018

Le polémiste Eric Zemmour est en plein selfie avec des jeunes qui viennent de le reconnaître. Quelques mètres plus haut, on a déjà croisé l’ancien ministre de l’économie Alain Madelin ou le directeur des rédactions du Figaro Alexis Brézet. Ce samedi 13 janvier au soir, il y a du beau monde devant le Casino de Paris. Le lendemain après-midi sur le même trottoir, des familles bourgeoises côtoient des bikers, d’anciens soldats baraqués dans des blousons de cuir aux couleurs du Veterans Motorcycle Club.

« Diên Biên Phu » repris en chœur

Tous viennent fêter un chanteur aux disques introuvables, non diffusés à la radio. A son dernier passage à Paris, en 2012, il a rempli l’Olympia. Les billets pour ses deux concerts au Casino de Paris, une salle de 1 500 places, se sont vite envolés. Dans la queue, un blagueur fait rire un prêtre en soutane : « On n’a plus Johnny mais on a encore Jean-Pax ! »

Jean-Pax Méfret, 73 ans, monte sur scène sous les vivats. Le public enchaîne les standing ovations, reprend en chœur Diên Biên Phu (« Ils attendaient/Dans la cuvette/Le tout dernier/Assaut des Viets… »). Quand la sonnerie aux morts conclut Le Vieux Soldat, la salle se lève, le garde-à-vous pas loin. Même les plus jeunes connaissent les paroles du Chanteur de l’Occident, sorti en 1975 (« Je viens chanter l’espoir/Je chante contre le Grand Soir… »). Pour introduire Djebel Amour, un de ses nombreux hommages à l’Algérie française, le chanteur évoque « le gouvernement socialiste de l’époque » mais recadre vite les spectateurs qui huent : « C’est pas un meeting ! »

Ne dites pas à Jean-Pax Méfret qu’il est chanteur. Son vrai métier, insiste-t-il quand on le rencontre, c’est le journalisme. Il a travaillé à Minute, L’Aurore et surtout Le Figaro Magazine, couvrant tous les terrains de guerre. Il a brièvement repris du service il y a quelques années pour Valeurs actuelles. Ne lui dites pas non plus qu’il est de droite, même s’il en a séduit les courants musclés et même extrêmes sur plusieurs générations : il assure se méfier de la politique.

Il a chanté à la fête des Bleu-blanc-rouge du FN dans les années 1980 ou plus récemment pour SOS Chrétiens d’Orient, association proche de l’extrême droite ? « Il suffit de voir la liste des chanteurs qui ont participé à la Fête de l’Humanité sans être communistes », répond-il. Devoir convaincre qu’il est « profondément républicain » et « contre le nationalisme » le blesse :

« A partir du moment où des gens adhèrent à mes chansons, je ne demande pas autre chose. S’ils ont des idées extrémistes, moi, je n’y adhère pas. »

Hommages aux pieds-noirs et à l’OAS

Adolescent, il participe en 1961 à l’occupation de la radio d’Alger lors du putsch des généraux et découvre la prison. Agent de liaison de l’Organisation armée secrète (OAS), il est à nouveau arrêté l’année suivante, et découvre cette fois la Santé à Paris, puis la prison de Rouen. Au milieu des années 1960, il enregistre plusieurs 45-tours chez Decca et participe au télé-crochet de l’époque, « Age tendre et tête de bois ». Entre twist et ballades mélancoliques sur l’Algérie, il se cherche. Il opte pour la chanson engagée, enregistrant sur des labels confidentiels des hommages aux pieds-noirs et à l’OAS.

« Quand je l’ai connu, j’étais en terminale. Je l’ai entendu chanter des chansons anticommunistes chez des copains », raconte Anne Méaux. La future communicante des grands patrons et de la campagne de François Fillon milite alors à l’extrême droite. Elle n’aurait raté pour rien au monde ce retour sur scène : « C’est un homme libre qui n’a jamais renié ses valeurs. » Au tournant des années 1980, la petite bande entourant Jean-Pax Méfret se cotise pour financer ses disques. « On avait besoin qu’il y ait des voix qui disent autre chose, se souvient Bernard Lehideux, devenu plus tard cadre du Parti républicain et du Modem. Quand vous aperceviez un de ses disques chez quelqu’un, c’était presque un signe de reconnaissance. »

Vendus par correspondance, ses titres resteront confidentiels mais, dans les casernes ou les écoles catholiques, les chansons circuleront, piratées sur des cassettes. Aujourd’hui, Jean-Pax Méfret est distribué par Diffusia, qui édite aussi des « Vies de saints » et des récits militaires mis en musique. Sur son site, elle annonce combattre pour « la survie même de notre identité ». Le chanteur peut compter sur la fidélité d’une bonne partie des troufions. Dominique, 60 ans, ancien du 3e régiment parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) de Carcassonne, se souvient de la visite du reporter à Beyrouth, au début des années 1980 : « Pour un jeune de 18, 19 ans, voir Jean-Pax Méfret, ça valait des courriers de la famille. »

A la sortie du Casino de Paris, une dizaine de fans attendent le chanteur. Jean-Pierre, 66 ans, est venu d’Aix-en-Provence. « A l’époque, il y avait une petite notion d’interdit à cause de ses liens avec l’OAS, raconte cet ancien militaire. Dans ma caserne, quand on écoutait Jean-Pax Méfret, il ne s’agissait pas que nos officiers l’entendent. » Sa fille Isabelle, 43 ans, est venue de Nîmes. Elle affirme voter à gauche et se souvient de ces copains de classe qui traitaient son chanteur préféré de « facho ». Ce soir, elle ne cache pas son émotion : « On est tellement heureux de voir qu’on n’est pas seul, que c’est une grande famille. »

Voir aussi:

Jean-Pax Méfret : « Le martyre des Chrétiens d’Orient pourrait annoncer le nôtre »

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Il chantait contre le communisme et pour l’Algérie française. Le « chanteur d’Occident » prête aujourd’hui sa voix aux Chrétiens d’Orient, à qui il consacre un nouveau disque. Il a accordé un entretien au Figarovox. Vous allez (encore) le traiter de réac.


Jean-Pax Méfret est un journaliste, écrivain et auteur-compositeur-interprète français. Il a donné à nombre de ses chansons un fort contenu historique et politique. Il a récemment sorti un album: Noun, dédié aux chrétiens d’Orient dont il jouera quelques morceaux le jeudi 29 juin 2017 lors de la soirée caritative du Val-de-Grâce organisée par l’association SOS Chrétiens d’Orient.


FIGAROVOX. – Vous dédiez votre dernier disque «Noun» aux chrétiens d’Orient, est-ce vous avez l’impression que c’est un sujet dont on ne parle pas assez?

Jean-Pax MÉFRET. – Oui c’est un sujet encore trop tu. J’ai hésité avant d’en faire une chanson. C’est, au volant de ma voiture, en allant donner un concert à Fréjus que j’ai trouvé une mélodie, immédiatement enregistrée sur mon portable. Pour l’anecdote, j’ai terminé d’écrire les derniers vers dans la loge, quelques minutes avant d’entrer sur scène: «Ils meurent victimes de leur Foi/ Ils tombent à l’ombre de la Croix:/ Dans un silence qui fait douter du cœur des hommes». Après, j’ai décidé de faire un disque autour du récit des chrétiens d’Orient. Ce n’est pas la première fois que j’écris un récit. Déjà dans mon album Camerone je glissais un livret afin d’expliquer aux auditeurs l’histoire de la bataille de Camerone. Imaginez la scène: soixante-deux légionnaires ont résisté face à deux mille Mexicains. Refusant de se rendre, ils se sont battus jusqu’au bout. Dès lors, chaque année les légionnaires fêtent cet événement et louent le courage de leurs prédécesseurs le 30 avril.

À votre époque, le combat principal était contre le communisme, aujourd’hui quelle est la menace?

Je crois que le vrai défi, c’est la foi. «Sommes-nous condamnés à subir le même sort que les chrétiens d’Orient?» tel est le problème. De toute évidence, leur martyre pourrait très bien annoncer le nôtre. Partout dans le monde les chrétiens sont persécutés, c’est pourquoi, nous, de tradition et de culture chrétienne, devons relever ce défi. C’est autrement plus ambitieux que de lutter contre le communisme: notre époque est encore plus exigeante.

Le problème c’est l’islamisme?

À l’occasion des attentats de Londres en 2005, j’ai fait une chanson qui s’appelle «Au nom d’Allah» où je demande si le terrorisme islamiste agit vraiment au nom d’Allah. Quand je l’ai chantée à l’Olympia j’ai raconté avant l’histoire du capitaine Kheliff, cet officier de l’armée française musulman qui a sauvé des pieds noirs lors du massacre d’Oran du 5 juillet 1962 en enfreignant ses ordres et qui, une fois en France, a créé une association des anciens combattants musulmans. Il faut bien savoir qu’en Algérie, tous les anciens combattants musulmans se faisaient égorger par le FLN après l’indépendance. Kheliff a aussi créé une mosquée à Lyon.

Avant d’être musulman, l’orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien.

Cette histoire, racontée avant «Au nom d’Allah», visait à éviter les amalgames qu’aurait pu engendrer ma chanson. En effet, il faut reconnaître qu’il y a une vraie diversité au sein du monde musulman et que ces jeunes des banlieues, délaissés par la société, ne connaissant pas vraiment leur religion. J’ai du mal à voir quoique ce soit de «divin» dans les actes terroristes, c’est quelque chose de plus humain, de plus misérable. Mais tôt ou tard, nous allons être confrontés à cette violence et nous avons le devoir de nous y préparer. Figure du contre-exemple: l’Angleterre et son modèle communautariste étaient une pépinière pour les radicaux. De fait dès le début des années 2000 nous avions fait les gros titres sur cette menace islamiste, nourrie par des prêcheurs à Londres. Ces derniers appelaient déjà la mort des chrétiens, nous avions déjà senti le danger. Mais paradoxalement, cette haine pour les chrétiens nous rappelle aussi notre héritage, notre identité chrétienne puisqu’ils nous appellent «les croisés». Ils nous obligent à retrouver nos racines. Peut-être aussi oublient-ils qu’avant d’être musulman, l’orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien? On oublie trop souvent que la première église fut construite à Antioche. Tout comme l’Algérie qui fut d’abord chrétienne avant les invasions arabes. Saint-Augustin et sa mère, la bien-aimée Monique, en sont la plus parfaite illustration.

Entre la Légion Étrangère, l’Algérie et les Chouans, l’Histoire prend une très grande place dans votre œuvre. Quelle est l’unité entre toutes ces périodes évoquées?

Ce sont des causes dont on parle peu et qui forment un ensemble de valeurs. Je suis pied-noir, l’Histoire de l’Algérie m’a marqué. Ma musique parle de grands faits d’Histoire parfois oubliés: Budapest, le mur de Berlin… Je pense être le seul à chanter en m’inspirant de ces événements. À part moi, personne n’a chanté la révolution hongroise par exemple. L’originalité de ces thèmes est aussi ce qui me définit. Je ne fais pas de chansons d’amour ou alors, si je parle d’amour, c’est pour dire que je ne suis pas du genre à chanter des chansons d’amour.

Peut-on dire que vous êtes un chanteur de droite?

Je n’ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des situations.

Je ne sais pas si je suis un chanteur de droite, mais je suis sûr de ne pas être un chanteur de gauche! Être de gauche pour les chanteurs, c’est parfois une volonté artistique, voire un snobisme. Pourtant il faut savoir que les chanteurs du siècle dernier n’étaient pas automatiquement de gauche. En tout cas, ils ne l’étaient pas sur le mode «grandes consciences» d’aujourd’hui, ils faisaient moins la leçon: regardez Boris Vian, je l’aime beaucoup. Moi, je ne voulais pas travailler dans la chanson à l’origine: mon objectif était de remettre au goût du jour des faits qui étaient ignorés. Je n’ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des situations. Il n’y a rien de mieux que la chanson pour faire découvrir ces faits. J’ai appris récemment que des élèves d’une banlieue parisienne, visitant le musée du débarquement américain en Normandie, avaient chanté ma chanson sur le débarquement: «Ils sont tombés du ciel comme s’ils avaient des ailes/ Ils ont apporté un air de liberté.» Une chanson s’écoute toujours plus facilement qu’un cours d’Histoire, c’est une autre manière de transmettre.

On vous appelle le chanteur d’Occident, c’est comme ça que vous vous voyez?

Je m’étonne toujours que l’on me présente comme le chanteur d’Occident alors que je viens d’orient. À l’époque, c’était parce que je m’opposais au communisme. On aurait mieux fait de parler de «chanteur du monde libre». Je ne pense pas qu’il y ait eu de combats plus forts que celui opposant les deux blocs pendant la Guerre Froide. Dans «Ni rouge ni mort» j’explique les raisons de mon opposition au communisme, le danger qu’il représentait avec notamment l’armée rouge! On oublie que le mur de Berlin, c’étaient des dalles dressées, prêtes à tout moment à être aplaties vers l’ouest pour faire passer les chars! C’était à mon sens un vrai combat pour la liberté que la lutte contre le communisme et les goulags dont personnes ne parlait. On a tout de même eu un parti communiste français qui prenait ses ordres à Moscou. D’ailleurs, je trouve inouï qu’il y ait encore en France un parti communiste. Rouges de honte, ils ont changé de nom dans toutes les nations occidentales mais pas en France!

À bien des égards on peut dire que vous avez eu plusieurs vies. Comment passe-t-on de l’OAS à journaliste puis à chanteur?

Je n’étais pas dans l’OAS (Organisation de l’Armée secrète, NDLR). Quand j’ai été arrêté l’OAS n’existait même pas. Mais on peut dire que j’étais pour l’Algérie Française. Je suis né là-bas. Mes ancêtres du côté de ma mère ont fait partie des déportés de la première commune en 1848 que l’on a exilés en Kabylie. L’Algérie, à ce titre, n’était pas un pays de droite. D’ailleurs c’étaient les bastions communistes, ayant des quartiers populaires, qui étaient les plus virulents lors de la guerre d’Algérie. Mon père lui n’était pas du pays: il était venu afin de préparer le débarquement américain. Il travaillait pour l’OSS qui étaient les services secrets américains. C’est là qu’il a rencontré ma mère.

C’est une vérité reconnue et acceptée : de Gaulle a trahi les pieds-noirs.

Pour revenir à mon parcours, lors du putsch de 1961, les autorités avaient besoin de voix pour lire les messages et, comme j’avais une voix radiophonique, j’ai été invité à travailler à la RTF Télévision d’Alger qui était pro-Algérie Française. Et donc j’ai été accusé de participation à un mouvement insurrectionnel, d’intelligence avec les chefs de l’insurrection, d’attentat contre l’autorité de l’État: vingt-cinq chefs d’inculpation en tout. Je suis donc passé directement des frères maristes à la prison d’Alger, puis à la Santé à Paris, enfermé pendant dix-huit mois. Ce fut une épreuve pour ma mère, bien qu’elle partageât mes convictions comme beaucoup. Je suis persuadé que ce n’était pas un combat politique, ou alors circonscrit à l’antigaullisme. De nos jours, c’est d’ailleurs une vérité reconnue et acceptée: de Gaulle a trahi les pieds-noirs. Cependant je ne suis pas non plus opposé à l’aura du Général. Si j’avais eu 16 ans en 1940 je pense que je me serai engagé dans la Résistance. Le problème donc n’est pas politique, le problème c’est l’Algérie. Comprenez: les gens souhaitaient simplement rester là où ils étaient nés. C’était finalement plus une guerre franco-française que contre les Algériens. Les autorités françaises se sont complètement engagées contre les partisans de l’Algérie française. Le 26 mars 1962, l’armée française n’a pas hésité à mitrailler la foule, faisant 80 morts et 200 blessés, ce dont plus personne ne se souvient aujourd’hui.

Vous y êtes retourné?

Non, jamais, je n’ai pas envie. Dans une chanson j’ai chanté «Je viens d’un pays qui n’existe plus».

Comment êtes-vous devenu journaliste?

J’ai commencé au journal l’Aurore dans la rubrique «faits divers», puis dans celle concernant les affaires étrangères où j’ai couvert les conflits. J’ai ainsi pu décrypter toutes les guerres d’Amérique centrale puis celles du Liban. Ensuite je suis resté quelque temps au Figaro Magazine dirigé par Louis Pauwels. La grande époque! Je n’entends pas le journalisme comme une éducation de la pensée mais plutôt comme une révélation de faits sur des affaires. J’ai eu la chance de traiter des grosses affaires comme l’arrestation d’Escobar. Tout en étant journaliste je continuais de chanter, j’ai gagné le grand prix de l’émission télévisée Âge tendre et tête de bois avec «La Prière».

Dans votre dernier album il y a une chanson, «La Force», qui s’adresse au Christ. Quelle est la place de la Foi dans votre vie et dans votre œuvre?

Je suis persuadé que croire en quelque chose est primordial dans la vie d’un homme, que c’est une force intérieure. Croire au Christ c’est encore plus fort. Quant à «La Force», curieusement je n’ai jamais mis un point d’honneur à écrire une chanson dédiée Christ, l’envie m’est venue naturellement. Le titre provient de la supplication «Donne-moi la force» qui ponctue les cantiques dans la Bible. La lecture de l’Histoire des chrétiens d’Orient et du massacre des Arméniens, de ces gens jetés vers la mort qui s’accrochent à la pensée de Dieu, m’a inspiré cette chanson. Dans un passage, je dis que je vois «Briller les âmes des compagnons qui sont morts dans les flammes». Ce parallèle m’a beaucoup ému, ce qui m’est assez rare quand il s’agit de mes écrits. De fait, je n’ai pas pour habitude d’écouter mes propres chansons. Celle-là, pourtant, il m’arrive de la réécouter.

Aujourd’hui ce qui est exaspérant c’est la médiocrité de la droite.

Comment qualifieriez-vous la situation politique actuelle en France?

Je crois que nous avions besoin d’un changement, un changement radical pour bouleverser l’ordre établi. Je salue ce rafraîchissement du personnel politique. Mais je ne crois ni au miracle Macron, ni que son système peut tenir sur la durée. Aujourd’hui ce qui est exaspérant c’est la médiocrité de la droite, la gauche n’est pas mieux, mais il m’est désespérant de voir une droite sans repère et frileuse quand il faut défendre ses idées.

Jean-Pax Méfret, chanteur anticommuniste et républicain populiste

Paul Airiau

Histoire et politique

Résumé :

Journaliste et chanteur engagé à droite, Jean-Pax Méfret traduit en chanson les tensions idéologiques et géopolitiques des années 1980. Son univers politique est typé : anticommunisme et antisoviétisme, rejet de la gauche au pouvoir après 1981, défense du peuple opprimé par les puissants, nostalgie de l’Algérie française. Il défend aussi des valeurs métapolitiques : vérité, engagement pour des valeurs, gloire militaire. Il peut être rapproché d’une forme de populisme républicain. Bien qu’en partie décalé de son public plutôt d’extrême droite et plutôt militaire, il participe à la politisation d’adolescents et à l’entretien d’une culture politique chez les adultes.

La chanson politique en France, depuis le XIXe siècle, relève davantage de la contestation ou de la subversion de l’ordre établi que de la conservation ou de la réaction politiques [1] . Rares furent les chansons politiques de droite largement diffusées, notamment à partir des années 1960, même si certains chanteurs populaires sont réputés de droite, comme Michel Sardou [2] . Aussi peut-on se pencher sur Jean-Pax Méfret, dont l’itinéraire, du combat pour l’Algérie française au début des années 1960 à la chanson bientôt politique dans les années 1970 et au Figaro Magazine dans les années 1980, en fait une figure originale d’une droite populiste et un témoin significatif des mutations idéologiques de la fin du XXe siècle français.

Matricielle est en effet dans l’identité de Jean-Pax Méfret sa naissance à Alger en 1944 [3] . Son père, installé à Marseille, passé en Algérie en 1942 comme résistant lié à l’OSS, y rencontre sa mère, issue d’une famille franco-italienne. Méfret grandit dans le quartier populaire de Belcourt, socialisé dans le catholicisme et le patriotisme. Les « événements » le font anti-indépendantiste. S’il accueille avec joie de Gaulle en 1958, il se retrouve aux côtés des insurgés des barricades en janvier 1960, fréquente le Front de l’Algérie française et devient agent de renseignement et de liaison de l’OAS après le putsch d’avril 1961 ; il est interné quelques semaines pour avoir occupé la radio-télévision d’Alger. Arrêté en février 1962, libéré à l’automne, il achève ses études et se lance dans le journalisme et la chanson pour les rapatriés [4] . Promu par Decca en 1964 comme chanteur-auteur-compositeur, avec deux 45 tours et quatre chansons, sous le nom de Jean-Noël Michelet, il participe à l’émission « Âge tendre et têtes de bois » dont il remporte en juin 1965 le prix du public, puis enregistre en 1966 six nouveaux titres en deux 45 tours et connaît une certaine médiatisation [5] .

Decca aurait-elle tenté d’exploiter le filon « rapatriés » ouvert par Enrico Macias en 1962 ? Peut-être. Mais sa carrière ne décolle pas après 1966 [6] . Avec l’amnistie des partisans de l’Algérie française, sa chanson se politise nettement : trois 45 tours en 1968, dont Messages prisons exil où sa musique accompagne les propos de six anciens dirigeants de l’OAS, et en 1969 un 45 tours d’hommage au Lieutenant Roger Degueldre, un des chefs des commandos Delta de l’OAS, devenu une figure martyrielle des milieux d’Algérie française en raison des conditions de son exécution en 1962 – la salve ne fait que le blesser et il faut six coups de grâce pour l’achever. Journaliste à France Horizon, organe de l’ANFANOMA, association de rapatriés, il entre en 1970 à l’hebdomadaire Minute, passe à L’Aurore en 1974 comme grand reporter de politique intérieure puis internationale, et participe aux tentatives de suppléments dominicaux du Figaro. De 1980 à 2000, il est grand reporter au Figaro Magazine. Inséré dans une presse de droite libérale relancée par Robert Hersant, il n’oublie pas la chanson. En 1974, sous son nom, Le Chanteur de l’Occident (45 tours chez Barclay, diffusion Decca) bénéficie d’une certaine couverture médiatique, profitant de L’Archipel du goulag [7] .

Puis, de 1980 à 1986, il enregistre une cinquantaine de compositions. L’essentiel se concentre en 1980-1982, avec 32 titres : Vous allez me traiter de réac (1980, 33 tours et cassette de dix morceaux), trois 45 tours consacrés à l’Algérie (1980, sept compositions reprises en cassette), trois 45 tours d’une série intitulée « Combats » (six chansons dont une reprise, partiellement éditées en cassette), Faits divers (1982, 33 tours et cassette de neuf titres) dont est extrait le 45 tours Solidarité. Un album réunit les versions espagnoles de certaines chansons. La production est plus étalée ensuite (20 morceaux) : Ni rouge ni mort (1984, 33 tours et cassettes de dix compositions), un maxi-45 tours Calédonie  (1985, deux chansons), Pour mémoire (1986, 33 tours et cassette de huit titres). Après 1986, il compose peu (neuf chansons) et propose essentiellement des compilations [8] . Internet renouvelle le lien avec son public, grâce à un site lancé par un fan en 1999, agréé par lui en 2000, et connaissant sa troisième version en 2007. Cela le conduit à donner un concert parisien en 2004, puis d’autres jusqu’en 2008 [9] . Trois livres lui valent une certaine médiatisation au milieu des années 2000 : une biographie de Bastien-Thiry, un récit de jeunesse et une enquête sur l’affaire Markovic [10] 

L’essentiel de sa carrière musicale se déroule ainsi dans la première partie des années 1980. C’est donc sur les chansons de cette période que se focalisera l’analyse : déclinant anticommunisme, populisme et mémoire pied-noire sur les musiques des années 1960-1980, elles sont les plus significatives politiquement. La considération de caractéristiques communes à toutes les chansons préludera à une étude plus circonstanciée de l’anticommunisme et de sa déclinaison à la France, avant d’aborder les dimensions métapolitiques de l’univers de Méfret, le tout permettant alors de le situer précisément sur l’échiquier politique. Enfin, une approche de la diffusion et de la réception pourra conclure l’analyse.

Des thèmes

Le Chanteur de l’Occident “1980” le clame : « Puisque la guitare est devenue une arme […] Puisque l’un de vous a chanté Potemkine Moi je viens chanter Soljenytsine […] Je chante contre le Grand Soir […] Je chante pour l’Occident. » « Les démagos » vilipende les responsables de la levée du « soleil noir » et du « sang qui coule sur nos têtes » car il a sa source « dans [leur] esprit ». Si les intellectuels et les chanteurs engagés à gauche sont dénoncés comme meurtriers, seules trois allusions visent des chanteurs précis : Jean Ferrat pour Potemkine (dans Le Chanteur de l’Occident), Boris Vian pour Le Déserteur (dans Djebel Amour), et Maxime Le Forestier pour San Francisco (dans L’Île Saint-Louis) [11] . L’univers de Méfret est ainsi circonscrit : l’anticommunisme qui conduit à combattre les intellectuels homicides complices du totalitarisme soviétique et de tout régime anti-occidental.

A cet anticommunisme revendiqué s’ajoutent la lutte contre la gauche et pour les pays martyrs (Liban, Cambodge) ; l’Algérie ; les histoires exemplaires d’individus, et la grandeur militaire ; les sujets de société, des inspirations diverses et des notes personnelles. Ces thèmes se recoupent parfois – combat politique et anticommunisme, qui dominent les deux premiers albums, la grandeur militaire imprégnant l’Algérie et les destins –, certains ont une connotation politique sous-jacente (drogue, violence urbaine). Au final, combat politique, anticommunisme et Algérie sont les sujets principaux, dans le prolongement des engagements de Méfret et du contexte des années 1970-1980. Celui-ci rend aussi compte des sujets de société liés aux difficultés socio-économiques, ce qui conduit à un éparpillement de l’inspiration en 1986, avec la diminution des tensions idéologiques et internationales et l’affirmation de la droite depuis le début des années 1980.

Le caractère politique donne aux chansons une dimension pamphlétaire de martèlement des convictions politiques, pour un tiers à un quart d’entre elles. Mais, bien plus efficacement, les idées sont véhiculées par des récits d’une vie ou d’un épisode significatif prenant toute leur dimension une fois contextualisés. L’assimilation au personnage et la sympathie visent à convaincre en utilisant la sphère existentielle et émotive. Ce procédé appuie un manichéisme latent : Bien et Mal s’opposent dans un combat sans merci où la vie et la mort sont en jeu. Y est fréquemment associé le rapport entre « maintenant » et « autrefois », « ici » et « ailleurs ». Typique est Djebel Amour. Un ancien combattant d’Algérie se heurte à l’incompréhension de ses amis et de ses parents, comme trente ans auparavant quand on « chantait Le Déserteur à Saint-Lazare », alors que pour lui, cela représente « dix-huit mois à vingt ans », matérialisés dans « une rose des sables Qu’il pose sur la table Et il a le cœur lourd ».

La guitare est-elle « devenue une arme » ? Cette phrase est en effet chantée sur une mélodie de piano… Cependant, présente, la guitare crée le pathos, afin de convaincre sans utiliser la raison (Dien Bien Phû), ou assure un rythme (Les Barricades). Ce dernier prédomine, avec la guitare basse, la batterie et les percussions – l’exemple accompli en est Parole d’homme. A partir de 1985, la musique se rapproche de la « chanson FM ». Méfret suit en partie l’évolution des genres musicaux : son premier album contenait Goulag, un disco, alors sur son déclin. Il demeure ainsi loin des formes issues du rock à partir de la fin des années 1960 et en partie utilisées par la contestation socio-politique (hard-rock, punk). Il se glisse dans les musiques commercialement dominantes, entre « variétés », chanson d’auteur et pop-rock mainstream.

De l’anticommunisme au populisme

Anticommunisme : le thème est omniprésent. Il est abordé, avec l’URSS, par son aspect meurtrier, répressif et liberticide, ou par le biais de faits et d’événements symboliques. Le goulag est chanté trois fois (Le Camp 36, Sibérie, Goulag). Prenons quelques citations : « Les commissaires politiques ont estimé qu’il était fou » (car il chantait Yesterday des Beatles : Le Camp 36) ; « L’eau est sale Elle sort d’un égout », « Dehors ils ont creusé sa fosse La croix porte son numéro », on récite dans les camps « Je vous salue Staline » (Goulag) ; « Les femmes Avec des barbelés Tressent des colliers et des bagues Elles font les bijoux du Goulag » (Sibérie). Utilisation politique de la psychiatrie, internement pour avoir remis en cause le système soviétique, isolement sans contacts avec l’extérieur, souffrance, conditions de vie terribles, travail dur, mort qui fait définitivement sombrer dans l’anonymat, ultime négation de la personne, le goulag incarne le communisme annihilant liberté, droit et justice. Lieu de la perversion parfaite, de la déification du tyran, la résistance y demeure cependant possible : par la foi, l’inventivité et l’espérance matérialisée dans l’Ouest, « le paradis qui existe là-bas ».

Autre lieu symbolique, Berlin est traité dramatiquement avec Veronika, récit de la rencontre d’une jeune Allemande de l’Est, morte en tentant de franchir le Mur, symbole de ceux qui veulent se libérer du communisme et refusent la partition de la ville. Cette variation sur un topos, l’homme de l’Ouest rencontrant la femme de l’Est, faite à la première personne, renforce l’assomption existentielle de la déchirure qu’est le Mur, accentuée par l’insertion du « As a free man I take pride in these words : Ich bin ein Berliner » de John Kennedy à Berlin le 26 juin 1963, la fin de la chanson lui faisant écho. Professeur Müller propose une évasion spirituelle de Berlin, par la musique et la prière, Dieu devenant le seul recours dans un monde menteur et factice. Budapest affirme le caractère foncièrement liberticide du communisme en rapprochant la Hongrie de 1956 de la Pologne de 1981, où, dans les prisons, « On se tourne vers la terre française En criant “Solidarité” ». Cuba est traitée par le biais de l’humour. Dans Miss America, la fille de purs militants castristes, qui rêve des Etats-Unis et de devenir Miss America, « tiendra le drapeau » lors des fêtes officielles, pied de nez secret à Castro.

L’anticommunisme débouche dans un combat politique en France même, abordé à égalité par le pamphlet et le récit exemplaire. Parmi ces derniers, Antoine et L’Enfant du flic dénoncent l’antimilitarisme et la haine de la police. D’un côté, l’ancien combattant d’Algérie, clochardisé, castré par les fellaghas ; de l’autre, les enfants de policiers attaqués par leurs camarades sous l’œil indifférent de l’ « instit’ qui a fait 68 » et « tire sur son shit ». La Manif’ et L’Île Saint-Louis opposent l’espoir de mai 1981 à son impossible réalisation : l’électrice de gauche, blessée lors d’une manifestation, finit par considérer qu’on l’a trompée, que les chansons de mai 1968 ont « perdu leur magie ». Quant aux pamphlets, leur violence n’a d’égale que leur virulence : « Garde ça en mémoire camarade Quand tu vas défiler pour la paix Le sang des enfants tués à la grenade A la couleur de tes idées » (Camarade). Et pour n’être Ni rouge ni mort, il faut s’armer avec les missiles nucléaires Pershing II. Cet anticommuniste atteint les socialistes au pouvoir. Solidarité et Libertés dénoncent un totalitarisme larvé (« Vous brouillez les radios Vous régentez l’école »), l’hypocrisie (« Vous jouez au prolo J’en connais qui rigolent ») et la responsabilité du PS dans ses difficultés, en liant le combat de Solidarnosc, l’aspiration à la liberté et la situation française.

Méfret mène donc une lutte dont la violence répond à celle prêtée aux adversaires : non pas débattre, mais se battre. Cette violence verbale, au service du combat politique, répond en fait à une violence sociale, qui est le trait principal des années 1980. Elle est toujours abordée par le biais de l’histoire d’une victime, dans Faire-part, Faits divers, La Colère et L’Enfant otage. Des gens simples, ouvriers, retraités, anonymes, en situation de faiblesse accentuée parfois par leur solitude et leur état (une personne âgée dans son appartement, un collégien face à une bande, une jeune femme sur un quai de gare, un enfant otage de braqueurs de banque), sont la proie d’agresseurs, des hommes en groupe volant, cassant, rackettant, torturant, violant. La violence est gratuite et injuste. Ainsi, l’ouvrier de Faits divers est tué la veille des vacances parce que « le loubard le plus moche » a parié « dix sacs Il a les foies le bourgeois Il ne passera pas ». Elle est aussi mesquine : elle obtient un plaisir facile, le viol, et un peu d’argent. Flash présente dans ce cadre le cas particulier de raconter l’histoire d’une droguée exploitée par un dealer.

Méfret dénonce ainsi « la peur sur la zone », dont sont responsables des marginaux, des hommes politiques et des fonctionnaires inactifs (La Colère). La justice rendue par soi-même (dans Faits divers, le fils tue le meurtrier de son père) et la révolte politique enracinée dans une colère croissante sont légitimées. Les citoyens livrés à l’insécurité par l’incurie politique, les couches populaires souffrant de l’irresponsable politique socialiste après 1981, les nations privées de liberté par le communisme, les pieds-noirs abandonnés par des gouvernants inconséquents, tous petites gens, victimes innocentes, peuvent et vont se soulever, demander des comptes aux responsables de la situation et se libérer. Sous des modalités diverses s’affirme ainsi une catégorie centrale, le « peuple ». Pensé comme consistant, il est construit par la mise en avant d’une situation de victime appelée à se révolter pour construire un ordre nouveau, sûr et libre. Le populisme se révèle bien ici modalité particulière d’organisation du politique [12] .

L’engagement, valeur métapolitique enracinée dans l’expérience algérienne ?

La violence légitime répond ainsi à la violence imposée et subie, les chansons pamphlétaires n’en étant qu’une expression. Mais la lutte est rarement couronnée de succès, comme si l’essentiel était de combattre, la réaction exprimant l’existence, manifestant une dignité que rien ne peut abolir. Le combat devenant le mode de témoignage du spirituel, peu importe qu’il soit gagné ou ait lieu physiquement. Car le combat premier est celui de l’esprit contre le Mal : le chanteur de Camp 36 est interné dans un hôpital psychiatrique, le moribond de Goulag demande le Credo. Le combat, donc l’engagement, étant essentiel, les chansons de destin et de grandeur militaire prennent un sens nouveau, entre résurrection politique et mythification cosmique : d’un côté la France se réconcilie avec son armée grâce à Kolwezi, et Le Jour J exalte les soldats alliés du 6 juin 1944 ; de l’autre, à Camerone, « Le soleil baissa les yeux [lorsque les légionnaires] furent exterminés [13] . » La résistance désespérée devient accomplissement exemplaire. Les « gosses de dix-huit ans Pour la France Meurent en chantant » à Dien Bien Phû, Camerone est le modèle pour un « petit » qui veut « marcher sur le chemin qui mène à la gloire ». Mais l’on ne revient pas sans blessure de la guerre, puisque Le Fou, traumatisé en Indochine, est incompris même des prostituées, et l’échec est récurrent. Cependant, transformant les morts en symboles (Le Béret amarante), il permet de témoigner efficacement, ce qui en fait une réussite.

Cet engagement total, lié à une exaltation des destins, est aussi esthétisé, ainsi dans Le Camp des solitaires où la radicalité absolue d’une camaraderie renversant tout sur son passage, et Les Oies sauvages ou Le Messager, qui transfigure Jean-Paul II. Car Méfret veut susciter un désir tendu de tout l’être. Mais cette esthétisation de la militance est balancée par l’irréversibilité des catégories morales : il faut choisir le bien, la liberté, la patrie, l’honneur. Pourtant, un certain désenchantement pointe finalement, exprimé à travers la situation libanaise. Le Béret amarante relate le départ volontaire d’un jeune homme parti accomplir son « destin », son appui aux Phalanges chrétiennes, sa mort finale. Cinq ans plus tard, Beyrouth est sans illusion : « Soldat de la paix on l’appelle Soldat cible serait moins trompeur », dans une ville en ruines où la violence des adultes a perverti les enfants.

Ces dimensions se retrouvent toutes dans les chansons sur l’Algérie, avec des tonalités particulières. Les Barricades (de janvier 1960) et Le Loup de guerre (un officier parachutiste devenu mercenaire) unissent nombre d’éléments de la mythologie Algérie française : l’abandon par le gouvernement, les pieds-noirs patriotes se défendant légitimement, les soldats rebelles par honneur (le mercenaire voulut rester fidèle « au serment qu’on lui fit prêter ») réduits à survivre comme ils le peuvent, les parachutistes. S’y ajoute la vie marquée à jamais. Le mercenaire, devenu machine à tuer dans les guerres idéologiques, passant du Biafra indépendantiste aux milices chrétiennes du Liban, sans oublier la guérilla antimarxiste en Angola ou anti-islamiste au Soudan, est spirituellement misérable, comme l’ancien conscrit incompris de Djebel Amour que « Ses souvenirs […] entraînent, ses souvenirs […] enchaînent ». Ces victimes, marquées par leur engagement sans retour, ont vécu une tragédie, « le temps du malheur » : l’indépendance algérienne (Santa Cruz). Les notations personnelles se font alors plus fortes, Méfret devenant acteur de ce qu’il chante. L’exode crée la douloureuse nostalgie difficilement exprimable de la terre aimée (Le Pain de la misère, Un Noël à Alger, Santa Cruz). Le scandale, la révolte, « la colère », font interpeller Dieu pour tenter de comprendre (La Prière). Seule la statue de la Vierge d’Oran rapatriée en France demeure un point d’ancrage (Santa Cruz), alors que la geste pied-noire est magnifiée (L’Hymne des Pieds-Noirs, La Médaille – avec dénonciation de l’antimilitarisme).

Il est alors possible de penser que l’échec du combat pour l’Algérie française devient la matrice du positionnement métapolitique et politique de Méfret. Les pieds-noirs, victimes qui se sont battues envers et contre tout et dont les souffrances sont la promesse d’un renversement à venir, anticipent et permettent de penser ceux qui souffrirent du communisme et les gens de peu ignorés des puissants.

Un chanteur populiste et républicain

De quel univers politique relève alors Méfret ? En 1982, il se présente implicitement comme « nationaliste français [14] ». A partir de 2003, son site internet affirme qu’il « n’appartient à aucun parti politique. Il est avant tout attaché aux valeurs traditionnelles de la République dans le respect des droits, mais aussi des devoirs des hommes et des citoyens. Jean-Pax Méfret est d’abord un non-conformiste qui chante “vrai” [15] . » Tendance populiste, non-conformisme revendiqué, esthétique de l’engagement, anticommunisme, Algérie française, République des droits et des devoirs : tout pousse vers l’extrême droite.

Mais, entre 1999 et 2002, il s’est rapproché de Démocratie libérale d’Alain Madelin [16] ; et surtout, le nationalisme xénophobe est totalement absent. La descriptive « main d’ébène » du dealer de Flash est seule face aux légionnaires « Français par le sang versé » (Kolwezi) et à l’absence de l’immigration extra-européenne, question nettement politique depuis le début des années 1980. Le patriotisme, où l’armée incarne la nation, est républicain : La Marseillaise est « morceau d’histoire française » (Budapest), le casque bleu risque sa vie pour « Marianne » (Beyrouth). Au plan économique, ni libéralisme du Front national, ni organicisme corporatiste, ni allusion aux débats des années 1980 sur la politique industrielle, les nationalisations et les privatisations. Seules les conséquences des difficultés sont traitées, avec le suicide d’un chômeur dans Faire-part. Les grands combats, défaites et références de l’extrême droite et des contre-révolutions royalistes ou catholiques sont absents [17] . Sauf l’Algérie. Car domine l’origine algéroise : milieu populaire, patriote, rapproché de l’armée par la Guerre d’Algérie, éloigné des responsables politiques et radicalement opposé à la gauche socialiste et communiste – une sorte de Barrès pied-noir, le Barrès d’après-1919 où ont disparu les ennemis extérieurs, battus, et intérieurs, intégrés par le sacrifice militaire, la « nostalgérie » représentant l’enracinement.

Ce populiste républicain anticommuniste s’inscrit dans les conflits géopolitiques et idéologiques des années 1960-1980. Multiples sont les références à l’actualité internationale : révolution portugaise (1974) dans L’Île Saint-Louis, Soljenitsyne (1974-1975) dans Le Chanteur de l’Occident, guérilla bolivienne dans Feliciano, accords d’Helsinki (1975) dans Le Chanteur de l’Occident, Kampuchéa démocratique (1975-1978) dans Et la musique s’est arrêtée et Les Démagos, révolution iranienne dans Les Démagos et révolte katangaise (1978) dans Parole d’homme, boat people fuyant le Viêtnam dans L’Île Saint-Louis, syndicat libre polonais Solidarnosc (1980-1981) dans Solidarité et Budapest, dissidence d’Andreï Sakharov dans Le Chanteur de l’Occident, renouveau de la tension Est-Ouest (invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979, crise des euromissiles de 1981 à 1984, Boeing des Korean Airlines abattu par la chasse soviétique dans la nuit du 1er-2 septembre 1983) dans Camarade et Ni Rouge ni mort, guerre civile libanaise (1975-1986, avec l’assassinat du président Béchir Gemayel le 14 septembre 1982 et les attentats contre la Force multinationale de sécurité le 23 octobre 1983) dans Le Béret amarante et Beyrouth. Pour la France domine la donne politique issue de la présidentielle de 1981 : « changement » après le 10 mai dans L’Île Saint-Louis et Solidarité, congrès du PS à Valence qui demande un renouvellement des cadres de l’administration (23-25 octobre 1981, avec référence au discours de Paul Quilès du 23), naissance des « radios libres » autorisées de manière dérogatoire (1982) et projets éducatifs du ministre Alain Savary (1984) dans Solidarité, et, anecdotiquement, l’Îlot Châlon, lieu de squat et de trafic de drogue parisien avant sa rénovation (décidée en 1984) dans Flash. Les revendications kanakes de 1984 à 1989 permettent de croiser anticommunisme et patriotisme dans Calédonie, le FLNKS se revendiquant du marxisme.

Méfret participe donc du renouvellement des droites et d’un révisionnisme intellectuel à partir du milieu des années 1970. La poussée monétariste ne s’accompagne pas d’une rénovation politique ou culturelle, malgré les tentatives de Valéry Giscard d’Estaing. La Nouvelle Droite tente de s’affirmer, profitant du lancement par Hersant en 1978 du Figaro Magazine, où confluent plusieurs pensées de droite, unies par leur volonté nette d’en découdre avec les gauches [18] . 1981 accentue le mouvement, en plaçant la droite dans l’opposition, violente et active, au Parlement et dans la presse – notamment dans les journaux du groupe Hersant, visé en 1983-1984 par une loi « anti-concentration » âprement débattue. La désidéologisation de l’exercice socialiste du pouvoir, avec le tournant de la rigueur en 1983, la pratique de la désinflation compétitive après 1988, le difficile renoncement de la droite gaulliste au dirigisme économique, le réchauffement des relations Est-Ouest après 1986, atténuent les polémiques à visée identitaire. Les conflits se déplacent vers des thèmes plus « sociétaux » ou partiellement nationaux, comme l’indépendantisme kanak, ce que Méfret traduit à sa manière [19] .

De manière plus marginale, ses chansons n’interviennent pas dans les tensions agitant le monde rapatrié dans la décennie 1980. Mais il participe à la construction de la mythologie pied-noire : religion populaire dans Santa Cruz avec la statue de la Vierge d’Oran installée désormais à Nîmes, patriotisme et fierté de la participation à la libération de la métropole lors de la Seconde Guerre mondiale et revendiqués dans La Médaille et L’Hymne des pieds-noirs, pieds-noirs définis comme des pionniers sans s’interroger sur la colonisation dans L’Hymne des pieds-noirs, « nostalgérie » recomposant, par le biais de l’exil, en un peuple solidaire un monde qui fut et demeure traversé de failles politico-sociales – entre grands colons et petits artisans et employés urbains, entre partisans du Parti socialiste, des partis centristes ou de droite modérée, et ceux du Front national [20] .

Diffusion et réception [21]

Un univers aussi circonscrit et au message politique si fort jusque dans les voies indirectes qu’il emprunte, et dont l’expression dépendait assez largement des circonstances même s’il s’y trouve des éléments métapolitiques en partie intemporels, pouvait-il connaître le succès dans les années 1980 face à la chanson de divertissement, qui représente plus que l’écrasante majorité de la production et marginalise radicalement, au moins en France, toute forme de chanson militante ? La diffusion à la radio ou à la télévision, avec pour cette dernière quatre passages retrouvés dont deux en 1975, fut donc faible [22] . Les concerts occasionnels, à l’occasion de reportages ou de manifestations politiques, comme les journées d’Amitié française du Centre Charlier, les fêtes Bleu Blanc Rouge du Front national, servent aussi à la popularisation. Mais la diffusion repose largement sur le contact individuel et non sur une commercialisation de masse appuyée sur la médiatisation radio-télévisée – Méfret dénonce une censure [23] . Les disques et cassettes, achetés par exemple par le biais de la SERP de Jean-Marie Le Pen, sont écoutés entre amis ou camarades, prêtés, dupliqués – comme les CD ensuite. Ce fonctionnement réticulaire se double d’une transmission familiale, accentuée dans les années 2000, les rééditions, les nouvelles productions et le site Internet permettant une relance de la diffusion.

La spécificité des thèmes explique ce type de diffusion et la réceptivité sélective en fonction des milieux. Le monde militaire est un vivier très important, avec 16% des messages du site jean-pax.com en avril 2005, des années 1980 aux années 2000, plus peut-être parmi les militaires en opération que parmi les encasernés. Sont ensuite atteints les proches des soldats et des adolescents idéalisant l’armée – lycéens militaires, certaines unités scoutes de zones de classes moyennes supérieures, ainsi l’ouest des Yvelines. Le monde pied-noir est plus discret. Nationalistes, royalistes et catholiques contre-révolutionnaires accueillent un renouvellement pop-rock des chansons de droite, jusqu’à présent royalistes, vendéennes, chouannes, fascistes, antibolcheviques, militaires [24] . Ces publics sont plus ou moins segmentés, y compris au plan socio-économique : les militaires, plus souvent soldats ou sous-officiers, appartiennent davantage à un milieu populaire, de formation inférieure au baccalauréat. Ils sont fédérés par l’aspect militaro-esthétique et la contestation de la gauche, et se positionnent massivement à droite ou à l’extrême droite. La dimension populiste et républicaine n’est presque jamais perçue. L’univers politique de Méfret est ainsi partiellement décalé de celui de ses auditeurs.

Les chansons ont une fonction mobilisatrice et identificatoire, illustrant des idées ou des références déjà acceptées et défendues. Chantées à plusieurs, pour affirmer une communauté de vues ou de vie, rarement discutées, ou écoutées solitairement, elles ne diffèrent pas de la musique habituellement écoutée [25] , tout en ayant une portée politique, construisant un anticommunisme et une défense de l’Algérie française, et métapolitique, alimentant une esthétique de l’engagement et une valorisation de l’honneur. Chez les adolescents, illustrant musicalement un univers politique, elles participent à la politisation. Chez les adultes, elles entretiennent cet univers dans la durée. Ici réside leur efficacité, plus que dans un retournement ou une opposition politiques ponctuels [26] . Aussi Méfret peut-il être, à ce titre, l’objet d’un investissement important, avec l’initiation des enfants et amis, l’achat de tous les disques, des livres, la recherche d’informations.

Ainsi, Méfret peut servir d’analyseur à plusieurs titres. D’abord, il donne de voir fonctionner une forme de chanson politique : plus que la conviction, l’illustration, la construction d’un univers politique par l’appui sur des éléments métapolitiques faisant sens avec cet univers. Ensuite, historiquement, enraciné dans l’Algérie française, évoluant vers un fort anticommunisme en raison de l’évolution du contexte géopolitique, vivant un combat presque apocalyptique dans la France dirigée par le Parti socialiste, il montre l’existence, voire la vivacité, d’un populisme républicain dont on peut se demander s’il ne pourrait se retrouver chez d’autres personnalités, hebdomadaires ou organisations de droite dans les années 1980 (Alain Griotteray, Figaro Magazine, CNI, MIL, UNI). Il amène à s’interroger aussi sur la possible fonction d’interface que peut jouer ce républicanisme particulier dans les relations de la droite avec l’extrême droite, voire sa contribution à la vulgarisation de thèmes qui ont fait le succès de cette dernière à partir de 1984. Enfin, utilisant les formes musicales issues des années 1950-1960, se distinguant de la mouvance skinhead des années 1970, il précède le rock identitaire français des années 1990-2000, engagé de manière beaucoup plus explicite, lié à une génération née après 1970-1975 et à une politisation accompagnée par le poids du Front national [27] .

Notes :

[1] Sur le rapport entre chanson et politique : Chansons en politique : journée d’étude du 29 novembre 2002, Paris, Bibliothèque nationale de France, coll. « Conférences de la Bibliothèque nationale de France », 2003, 5 CD (dont Marc-Olivier Baruch, « Histoire, chanson et politique : remarques en forme de synthèse », CD 4, Anthony Pecqueux, « Chansons politiques : tendances actuelles », CD 5) ; « La politique en chanson », Mots. Les langages du politique, n° 70, novembre 2002 (http://mots.revues.org).

Approche plus factuelle dans Daniel Pantchenko, « Vous avez dit “chanson engagée” ? », Textes et documents pour la classe, n° 894, « La chanson française », 15-30  avril 2005 (http://www.cndp.fr/revueTDC/894-72891.htm, consulté le 3 février 2009) ; Chantons l’affiche. Quarante années de notre histoire illustrées par l’affiche et la chanson, documents réunis par Bernard Champelovier, Chambéry, Editions Jean-Jacques Rousseau, 1996 (Méfret, p. 15, 121, 125) ; Serge Dillaz, La Chanson française de contestation des barricades de la Commune à celles de mai 1968, Paris, Seghers, 1973 ; Le Choc du mois, n° 14, « Chanson française : engagez-vous », juillet 2007.

Pour les chansons sur les colonies : Alain Ruscio, Que la France était belle au temps des colonies… : anthologie de chansons coloniales et exotiques, Paris, Maisonneuve et Larose, coll. « Actualité de l’histoire », 2001 (Méfret, p. 283, 284) ; Claude Liauzu, Josette Liauzu, Quand on chantait les colonies, Paris, Editions Syllepse, coll. « Histoire : enjeux et débats », 2002 (Méfret, p. 149, 171-172).

[2] Polémique de Louis-Jean Calvet, Jean-Claude Klein, Faut-il brûler Sardou ?, Paris, Editions Savelli, 1978.

[3] « Regarde les hommes changer », Europe 1, 20 juin 2007.

[4] Il avait participé à un radio-crochet en 1960 ; le catalogue BN Opale Plus lui attribue un « slow-rock », « Chérie », en 1956.

[5] « Âge tendre et têtes de bois », ORTF, 10 novembre 1964, 10 juin 1965. Il participe au concert télévisé « MusicHall de France » (9 avril 1966) et à « Jeunesse oblige » (19 juillet 1966, où il côtoie Rika Zaraï, Serge Lama et Michel Polnareff).

[6] Valérie Esclangon-Morin, Les Rapatriés d’Afrique du Nord de 1956 à nos jours, avant-propos de Claude Liauzu, Paris, L’Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes », 2007, p. 337-338.

[7] Selon Renaud, il participe avec lui à un « Midi Première » (déclaration à « Les enfants de la télé », Antenne 2, 25 mars 1995). Selon les archives de l’Inathèque, Méfret chante dans « IT1 Magazine » de Yves Mourousi (TF1, 11 mai 1975), Renaud participe à « Midi Première » de Danielle Gilbert (TF1, 17 mai 1975) : « Rapport du Chef de chaîne », TF1, 11, 17 mai 1975 et « Conducteurs Actualités », TF1, 11 mai 1975. Un reportage sur Méfret est diffusé dans « FR3 Dernière » le 21 juin 1975 (« Rapport Chef de chaîne » de FR3, dactyl., 21 juin 1975, avec surcharges manus. : « Occident » remplacé par « Occitan », Inathèque).

[8] 1995 : Les années froides (double-CD, 40 titres), Algérie – Nostalgie (double-CD, neuf morceaux) ; 1999 : Le soir du neuf novembre ; 2002 : Méfret chante Saint-Cyr (CD de deux compositions) et Quand les souvenirs reviennent (CD collector de trois titres et un récit) ; 2003 : Là-bas (CD de neuf chansons  sur l’Algérie), deux double-CD reprenant les 33 tours, un quintuple-CD reprenant ces double-CD et les versions espagnoles ; 2004 : Sainte Mère Eglise (CD collector de trois titres), Chansons d’histoire militaire, (CD de dix chansons) ; 2006 : Guerres de Vendée (CD de cinq morceaux et récits).

[9] http://www.jean-pax.com . Début du concert de 2004 sur http://www.dailymotion.fr  Exemple de mise en valeur par Internet : http://pagesperso-orange.fr/jeunepiednoir/jpn.wst/Jean-Pax_Mefret.htm [lien consulté le 3 février 2009]. Le concert d’Issy-les-Moulineaux du 11 octobre 2008 a été édité en DVD par la société Diffusia.

[10] Tous publiés à Paris chez Pygmalion : Bastien-Thiry, jusqu’au bout de l’Algérie française, 2002 (rééd. 2007 : Jusqu’au bout de l’Algérie française : Bastien-Thiry) ; 1962, l’été du malheur, 2007 ; Une sale affaire. Markovic, Marcantoni, Delon, Pompidou et les autres, 2007.

[11] La présence de Le Forestier peut s’expliquer par Le parachutiste (1972) ; selon Le Forestier, Méfret se présentait comme l’anti-Le Forestier (L.-J. Calvet, J.-C. Klein, Faut-il…, op. cit.). Miss Cuba pourrait répondre à Cuba si (1967) de Ferrat.

[12] Ernesto Laclau, On Populist Reason, London, Verso, 2005, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Ricard, La raison populiste, Paris, Editions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2008 ; Pierre-André Taguieff, L’Illusion populiste : essai sur les démagogies de l’âge démocratique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », nouvelle éd. revue et augmentée, 2007 ; Guy Hermet, Les populismes dans le monde. Une histoire sociologique, XIXe-XXe siècles Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 2001 ; Yves Demy, Yves Surel, Par le peuple, pour le peuple. Le populisme et les démocraties, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 2001 ; Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 56, « Les populismes », novembre-décembre 1997. Intéressante comparaison : Christian Le Bart, « La figure du peuple dans les chansons de Renaud. De l’exploitation à l’aliénation », Mots. Les langages du politique, n° 70, « La politique en chanson », novembre 2002 (http://mots.revues.org/index9763.html, lien consulté le 3 février 2009).

[13] Le 30 avril 1863, lors de la guerre du Mexique, le capitaine Danjou et 62 soldats de la Légion étrangère, encerclés par deux mille Mexicains dans le hameau de Camerone, refusent de se rendre. Survécurent cinq soldats. L’anniversaire de la bataille est devenu la fête traditionnelle de la Légion.

[14] « Passez donc me voir », Antenne 2, 2 janvier 1982.

[15] http://www.jean-pax.com/page=faq (sans changements entre 2005 et 2007).

[16] Il chante « Le soir du 9 novembre » lors de la célébration de la chute du mur de Berlin organisée par Démocratie libérale (9 novembre 1999), et compose Aux couleurs de la vie qui clôt les meetings de la campagne présidentielle de Madelin en 2002 (« Décibels », France Culture, 6 mai 2002)

[17] Seules allusions : le phalangiste José Antonio Primo de Rivera dans Le Chanteur de l’Occident (1975), les Guerres de Vendée (2006). Les Oies sauvages renvoie aux missions de l’armée de l’air en Afrique, non à l’arrière-plan nationaliste allemand.

[18] Séverine Nikel, Culture, valeurs et art de vivre dans « Le Figaro Magazine », mémoire de DEA d’histoire du XXe siècle, sous la direction de Michel Winock, IEP de Paris, 1993, 134 f.

[19] Jean-Marie Donegani, Marc Sadoun, « 1958-1992. Le jeu des institutions », François Bourricaud, « 1945-1992. La crise des référents », dans Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites. 1. Politique, avant-propos de Jean-François Sirinelli, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2006 (1992), p. 426-481, 567-598.

[20] Daniel Leconte, Les pieds-noirs. Histoire et portrait d’une communauté, Paris, Seuil, coll. « L’Histoire immédiate », 1980 ; Joëlle Hureau, La mémoire des pieds-noirs, Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2001 (Olivier Orban, 1987) ; Jeanine Verdès-Leroux, Les Français d’Algérie de 1830 à aujourd’hui. Une page d’histoire déchirée, Paris, Fayard, 2001 ; Eric Savarèse, L’invention des pieds-noirs, Paris, Séguier, coll. « Les Colonnes d’Hercule », 2002, p. 147-179 ; Valérie Esclangon-Morin, Les rapatriés…, op. cit., p. 326-330. La pochette de L’Hymne des pieds-noirs est la seule allusion à la colonisation (une photographie d’un groupe de pieds-noirs, d’officiers et d’Algériens décorés, à la fin du XIXe siècle).

[21] Sont utilisés des éléments collectés par contacts amicaux avec une dizaine de personnes ayant écouté Méfret durant leur adolescence, envoi d’un questionnaire en mai 2005 à des personnes ayant posté des messages sur le site http://www.jean-pax.com (32 réponses, pas toutes complètes), exploitation du livre d’or de http://www.jean-pax.com (au 18 avril 2005, 542 messages), consultation de forums Internet évoquant Méfret. La représentativité est biaisée : utilisation d’Internet, connaissance des sites parlant de Méfret, postage d’un avis ou témoignage.

[22] Télévision : reportage dans « FR3 Dernière », 21 juin 1975 , « Passez donc me voir » de Philippe Bouvard, Antenne 2, 2 janvier 1982 : interview et chant en direct de « Un Noël à Alger » ; « Chantez-le moi » de Jean-François Kahn, Antenne 2, 21 mars 1982 : vidéo de « Solidarité ». Radio : Radio France Melun, Radio France Belfort, RTL, Radio Solidarité – cette radio, fondée en août 1981 par des militants et hommes politiques de droite, s’engagea nettement contre la gauche au pouvoir ; rapides éléments à http://www.schoop.fr/histos/solidarite.php, lien consulté le 3 février 2009).

[23] « FR3 Dernière », 21 juin 1975 ; « Passez donc me voir », 2 janvier 1982.

[24] « La première fois que j’ai entendu “le chanteur de l’Occident” un midi à la télé sur TF1, j’ai pensé : enfin une chanson engagée qui dit la Vérité, cela change de tout ce tissu d’âneries gauchistes » (Paul, 8 décembre 2002, témoignage présent dans le livre d’or du site http://www.jean-pax.com en 2005, disparu dans la version de 2007).

Les catholiques contre-révolutionnaires s’opposent à la Révolution pour des raisons religieuses, et, même s’ils ont souvent une préférence pour la monarchie, s’accommodent de tout régime conforme au droit public ecclésiastique (reconnaissance de la souveraineté de Dieu, législation civile inspirée par le catholicisme).

[25] Dans les trente-deux réponses au questionnaire sont mentionnés chanson et variété francophones (Brel, Brassens, Sardou, Halliday, Fersen), rock, « musiques du monde », classique ; le rap est absent.

[26] « En mission à Nouméa, j’ai appris à connaître les chansons de Jean Pax par une personnalité ministérielle qui en 1988 nous a réuni pour nous avertir qu’il y avait des documents subversifs qui circulaient sous le manteau » (Yvan Rednak, 11 octobre 2004, témoignage présent dans le livre d’or du site http://www.jean-pax.com en 2005, disparu dans la version de 2007) ; « Respect a Mr Mefret [sic] de la part d’un vieux gaucho que JPM a su faire reflechir [sic]. Je […] suis moins “stalinien” dans ma façon de penser la gauche. ! » (Alexis, 8 mars 2005, témoignage présent dans le livre d’or du site http://www.jean-pax.com en 2005, disparu dans la version de 2007).

[27] Enquêtes militantes : Rock Haine Roll. Origine, histoire et acteurs du Rock Identitaire Français. Une tentative de contre-culture d’extrême droite, Paris, Éditions No Pasaran, 2004 ; Ras l’front, Sur les terres du rock identitaire français. Acte II, dossier n° 2, sans date.

Paul Airiau

Agrégé et docteur en histoire, maître de conférences à l’IEP de Paris et enseignant dans le secondaire, Paul Airiau croise l’histoire religieuse à l’histoire politique (L’antisémitisme catholique aux XIXe et XXe siècles, Paris, Berg International, 2000 ; Cent ans de laïcité française, 1905-2005, Paris, Presses de la Renaissance, 2005) et culturelle (« Le prêtre catholique : masculin, neutre, autre ? », dans Hommes et masculinités de 1789 à nos jours, Paris, Editions Autrement, 2007, p. 192-207 ; « Catholicisme et actualisation du merveilleux médiéval. Le cas de J. R. R. Tolkien et Louis Bouyer », dans Fantasy : le merveilleux médiéval aujourd’hui, Paris, Bragelonne, 2007, p. 131-142 ; « Catholiques français versus rock’n’roll », dans L’Église et la culture, Montpellier, Centre régional d’histoire des mentalités, université Paul Valéry – Montpellier III, 1996, p. 233-264).

Entretien avec Jean-Pax Méfret

Jean-Pax Méfret, le chanteur d’Occident, qui a bercé notre adolescence de cinquantenaires, sort un nouvel album : deux chansons poignantes, l’une sur le martyre des chrétiens d’Orient, “Noun”, l’autre en forme de prière, intitulée sobrement : “La force”. Mais d’où vient cette voix ? De quelle histoire poignante est-elle l’écho irremplaçable ?

Vous avez toujours chanté, Jean-Pax, mais à quelle occasion avez-vous composé votre première chanson ?

C’était après l’exécution du lieutenant Roger Degueldre. J’avais 16 ans, j’étais en prison, à Rouen, dans le quartier des activistes, j’y suis resté entre mai 1961 et septembre 1962, j’ai été le plus jeune détenu de France – pour cause d’Algérie française – en compagnie des plus grands seigneurs de l’armée française : les officiers avaient mis leurs décorations sur la porte de leur cellule. C’est dans cette atmosphère, quand j’ai appris l’exécution de Degueldre, c’est à ce moment que j’ai composé, en son honneur, ma première chanson. Elle commençait ainsi : « Dans le quartier des activistes, derrière une porte de fer, un officier parachutiste vient de coiffer son béret vert ». Qui est cet officier ? On le comprend très vite : « En entonnant la Marseillaise, il lève la tête et sourit aux onze balles, toutes françaises, qui luttent pour lui ôter la vie ».

Voix chaude, passionnée, comme au premier jour : Jean-Pax aujourd’hui est encore là bas, dans la prison de Rouen, là où s’est élaborée la poésie rude de son existence… Je lui parle des matons, qui gardaient comme un criminel l’adolescent qu’il était encore.

Ils en avaient vu d’autre. C’était des professionnels, qui vous disaient : « J’ai gardé des résistants ; j’ai gardé des collabos ; maintenant je garde l’OAS ». Je me souviens, beaucoup plus tard, je travaillais à L’Aurore comme reporter et on me demande un sujet sur les émeutes dans les prisons. Je vais à Caen. Les gardiens étaient tous alignés dans la cour, pour montrer le visage de l’ordre au journaliste en visite. J’en reconnais un, de belles joues rouges comme des pommes, pas d’erreur. Je m’avance vers lui et un court dialogue s’engage : « – Vous vous souvenez de moi ? – Vous étiez à Rouen… – Oui – Méfret ! Ça alors ». Lui était un maton sympa. Mais quelques-uns restaient dans la doctrine. Nous étions des méchants pour eux. Je me souviens, une fois, nous étions réunis dans une salle, dans laquelle nous apportions un tabouret léger, pour écrire. J’oublie mon tabouret, je demande à aller le chercher et je m’entends répondre : « Mettez-vous à genoux. Pour écrire, c’est la position qui vous convient le mieux ». Un autre, à qui je demandais de ne pas être enchaîné avec la racaille des droit commun, me répondit durement : « C’est ceux que tu appelles la racaille qui devraient refuser d’être enchaînés avec toi ». Heureusement, en prison ma mère venait me voir deux fois par semaine, six kilomètres à pied. Elle a conservé mes lettres et me piquait les siennes. Après sa mort, j’ai retrouvé l’échange de missives, souvent légendées. À ce moment, j’étais assez dur et intransigeant. Je me souviens d’un mot d’elle, écrivant en marge : « Que peut répondre une mère à la souffrance de son enfant ? ». Quant à mon père, il n’était pas là… Il travaillait au SDECE, au service 7. Il a d’ailleurs été décoré, en particulier pour son action contre le trafic d’armes en Algérie. Il disait souvent, sans illusion : « On m’a décoré pour avoir gardé l’Algérie à la France et on met mon fils en prison pour la même raison ».

Que faites-vous en sortant de prison ?

Ma mère avait trouvé refuge chez les Pivert, une famille catholique de Rouen, qui, par conviction, logeait plusieurs femmes d’officiers détenus. J’ai donc été assigné à résidence chez les Pivert. Désormais, je peux suivre des cours, mais uniquement par correspondance. Que faire ? Je me souviens de ce Noël 1962, où, avec quelques camarades, et des autorisations administratives circonstanciées, j’ai organisé mon premier spectacle. Le préfet Chaussade avait été coopératif. J’avais composé pour la circonstance un poème récité sur fond sonore : « Toi Rouen, ville sainte par ton histoire, ville hérissée de clochers pointés vers le ciel, semblant symboliser l’ultime appel de Jeanne vers Dieu, témoin de son sort cruel. Écoute Rouen, cet humble et court hommage à la continuité de ton histoire ». Et encore : « Le souffle et la main de Jeanne t’ont-ils inspiré, Rouen, pour que dans leur malheur et désespoir, ces damnés de la grandeur puissent encore te dire : Merci Rouen ».

L’allusion aux détenus politiques, « damnés de la grandeur », est claire. Jean-Pax récite. Il déclame un peu. Sans note. Ces premiers textes, comme tous les autres, sont gravés dans sa mémoire, comme s’ils étaient marqués du sceau de sa trop précoce solitude. Je lui demande d’où lui vient ce souffle…

Je ne m’en suis pas rendu compte. “La Force” par exemple [sa dernière chanson en forme de prière], c’est direct. Mais dans beaucoup de chansons, on sent cette inspiration divine. Il y a sans doute mes années chez les maristes à Alger et puis les veillées scoutes, mon passage à la troupe Général de Sonis…

Que se passe-t-il une fois que vous en avez fini avec cette assignation à résidence ?

Le préfet, dont j’ai déjà parlé, m’avait accordé la permission d’aller à Marseille voir ma grand-mère. J’arrive de Rouen. Ma grand-mère n’est plus à l’adresse qu’elle nous avait indiquée. Je suis dans la rue. Je dors à l’Armée du salut et le lendemain, je rencontre la maman d’une petite amie : « Viens manger à la maison ». Elle insiste pour me raccompagner et découvre que je suis à l’Armée du salut. Ambiance ! Je remonte à Paris, où je suis libre, sans rien. Enfin si : avec mon casier judiciaire. On est quelques copains pieds-noirs, on se regroupe, on commence à chanter le soir dans les cafés. Une Américaine tombe amoureuse de moi. J’habite avec elle Place du Tertre, ça ne s’invente pas. Je commence à chanter, je rencontre un garçon qui s’appelle Jean-Claude Camus, qui sera l’impresario de Johnny et de beaucoup d’autres. Je me fais faire une carte de visite : « secrétaire artistique de Jean-Claude Camus ». Je compose quelques chansons, cinq disques paraissent chez Decca, dont un titre, “La prière”, qui retient l’attention et obtient en 1965 le grand prix Âge tendre et tête de bois. J’ai 20 ans. À l’époque j’ai pris un pseudonyme : Jean-Noël Michelet. Jean est mon prénom. Noël le prénom de mon père. Quant à Michelet, c’est le nom de la rue centrale d’Alger. Quelle était ma prière ? « Sainte Marie, seul dans la nuit, j’allais vers l’infini sans argent, j’allais vers le néant. Mais toi, alors que j’étais là sur la route dans le froid, tu es venue vers moi, toi au détour d’un chemin, cachée par les buissons, tu m’attendais. Moi pourtant je n’étais rien de plus qu’un jeune homme perdu dans l’abime du chagrin. Moi ne sachant plus pourquoi je retrouvais la foi, je me suis prosterné devant toi, sainte Marie seul dans la nuit, je suis là, je te prie sans un bagage et sans argent »…

Vous êtes en train de nous dire que vous menez la vie de Bohême…

Je dirais, et j’ai chanté cela aussi, je mène une vie de galère : « Je suis né les pieds dans l’eau et la tête au soleil. On voulait me faire taire je suis toujours debout ». J’enchaîne les petits boulots. Notre réseau pieds-noirs est un soutien. Mon premier journal, dirigé par le colonel Pierre Battesti, président de l’Anfanoma, s’appelle France-Horizon, c’est le mensuel des Rapatriés d’Algérie. Plus tard, je serai journaliste d’investigation à Minute, puis à L’Aurore (où je suis grand reporter et spécialiste de politique étrangère). J’atterris enfin au Figaro puis au Figaro magazine où je serai directeur des magazines régionaux et responsable des grands dossiers. Je n’ai jamais vraiment fait de politique politicienne, je suis dans l’action, dans l’engagement, mais pas dans les idées. Je préfère les grands sentiments aux grandes idées.

C’est sans doute pour cela que vous aimez le Christ…

Je m’appelle Jean-Pax Marie Ange : mon prénom est un chrisme. Vous savez, puisque vous en parlez, il n’est pas sûr que je ne finisse pas moine. J’y ai vraiment pensé, et il n’y a pas longtemps encore. Je me souviens, tout jeune, j’ai connu un officier, rentrant au monastère. Toute sa compagnie l’avait accompagné. Son geste m’a beaucoup frappé. Spirituellement, ce qui m’a marqué, je vous l’ai dit, ce sont les veillées scoutes, c’est aussi la vie des grands missionnaires, et, dans les grands reportages que j’ai eu l’occasion de mener, la souffrance des enfants et puis l’impuissance de populations entières, incapables de sortir de leur misère. En Afrique, ce sont ces gens qui croient, quand vous arrivez que le Blanc peut tout. Le Christ permet de supporter tout ça… J’ai une amie à Lourmarin qui est peintre. Elle a fait un tableau du Christ, qui m’a beaucoup inspiré pour ma chanson “La force”. Voir le monde tel qu’il est, cela vous donne envie de prier. La vie spirituelle c’est peut-être de l’évasion. Cela l’a toujours été pour moi, un peu plus maintenant. Ma foi a toujours été là mais j’ai moins de pudeur à la manifester. J’ai longtemps pensé qu’il fallait la garder pour soi. C’était familial : ma mère me mettait des médailles dans la doublure de ma veste. Chez moi, on n’entamait pas le pain, sans faire une croix dessus avec le couteau. Et en même temps, en Algérie, on respectait toutes les religions, on participait aux fêtes des uns et des autres. Les partisans de l’Algérie française n’ont jamais profané de mosquées.

Et pourtant les Algériens ont fait la guerre, eux, pour des raisons religieuses…

Il est vrai que pour les Arabes la guerre était religieuse. Le FLN déjà avait interdit aux populations de fumer et de boire, sous peine de couper le nez et les lèvres… La chirurgie esthétique a fait des progrès énormes à cette triste occasion… Mais nous n’avons pas encore tout vu en France ! En Algérie, des Bataclan, il y en avait tous les jours !

Propos recueillis par l’abbé G. de Tanoüarn

Un nouvel album de Jean-Pax Méfret : Noun éd. Diffusia 20 € (commandes ici ).

Voir également:

Méfret : le chanteur d’Occident

Le 6 juillet 1962, le lieutenant Roger Degueldre est fusillé au fort d’Ivry. Le soir,dans la petite chapelle de la prison de Rouen, à la messe des morts dite en mémoire…

Le 6 juillet 1962, le lieutenant Roger Degueldre est fusillé au fort d’Ivry. Le soir,dans la petite chapelle de la prison de Rouen, à la messe des morts dite en mémoire du lieutenant, le détenu Jean-Pax Méfret entonne le De profundis.Depuis la veille, le drapeau vert et blanc au croissant rouge flotte sur Alger. L’Algérie française est morte. Méfret n’a pas 18 ans. C’était il y a longtemps, presque dans un autre monde, celui que réveille Jean-Pax Méfret dans 1962, l’été du malheur, bouleversante alchimie de souvenirs personnels et d’un immense drame collectif.

Jean-Pax? le prénom qu’il reçut à sa naissance le 9 septembre 1944 à Alger. Un père marseillais résistant venu en Algérie pour préparer le débarquement américain de 1942. Une mère pied-noir, d’une famille installée depuis le XIXe siècle. Les Méfret habitent Belcourt, un faubourg populaire d’Alger. C’est là que grandit Jean-Pax, entre les maristes, les scouts et les copains musulmans, entre la ville et le bled. Des couleurs, des odeurs, des saveurs, des paysages,des attitudes,une attention aux gens modestes, le goût des petits bonheurs de la vie qui irradient la mémoire de Méfret.

Première fêlure, à la rentrée 1955, son ami de classe, un Chaoui des Aurès, est absent. Les temps changent : massacres, tel celui d’El-Alia, et attentats ensanglantent le pays. Jean- Pax en est le témoin direct. Élevé dans le culte de la France, il s’accroche à de Gaulle, l’acclame sur le Forum le 4 juin 1958. Son désespoir sera à la hauteur de ses espérances. En janvier 1960, pendant les “Barricades”, l’adolescent s’introduit dans le camp retranché d’Ortiz. Lors du putsch du 22 avril 1961, il participe à l’occupation de la radio d’Alger, rebaptisée Radio France. Arrêté, à peine libéré, le voilà agent de liaison de l’OAS. Deuxième arrestation le 13 février 1962, transfert en métropole, la Santé, puis Rouen. Sorti de prison à l’automne de la même année, assigné à résidence, il poursuit ses études et monte un groupe musical pour distraire les rapatriés parqués dans des centres d’accueil.

Chez Decca, il sort cinq disques sous le nom de Jean-Noël Michelet (le prénom de son père et le nom d’une grande rue d’Alger), gagne en 1965 le grand prix Âge tendre et têtes de bois, l’émission qui découvre les nouveaux talents. En 1968, le chanteur Jean-Pax voit le jour avec la Prière du pied-noir et l’Hymne des pieds-noirs, des chansons engagées en faveur de l’amnistie des prisonniers politiques et des exilés. Silence radio. Mais les disques se vendent, les succès s’enchaînent, le Chanteur d’Occident sert de mot de passe entre amis. Avec des paroles simples, soutenu par un remarquable accompagnement musical, Jean-Pax chante des histoires d’où sourd une émotion intense. Une bouffée d’air frais. Méfret crève les baudruches des démagos de tous poils. Loin de ruminer des défaites, il exalte le courage, le respect de soi et des autres, l’énergie, l’honneur, la force de la parole donnée, la foi aussi.

À partir de 1970, le journalisme.Pour l’Aurore,puis pour le Figaro Magazine, Méfret couvre la plupart des conflits de la fin du siècle, se spécialise dans les enquêtes politico-criminelles et les grands dossiers. Pourtant, il ne délaisse pas la chanson. Encouragé par des amis, il crée sa propre société de production. En octobre 2004, plusieurs milliers de spectateurs l’acclament au Kino, à Paris.Surprise:des jeunes gens fredonnent ses airs. Ses chansons ont franchi une génération et lui ont échappé. Un sentiment déjà ressenti à Berlin- Est. À la veille de la chute du Mur, de jeunes Allemands se rassemblaient, bougie à la main, en chantant Professeur Müller.

1962, l’été du malheur, Pygmalion, 216 pages, 19 euros

Prochain concert le 6 octobre, à Carnoux-en-Provence. Rés. : 04.42.73.30.21. Pour commander les disques : http://www.jean-pax.com.

MOI, JE VIENS CHANTER SOLJENITSYNE (Puisqu’il faut le dire en chanson et que la guitare est devenue une arme, je chante contre le grand soir et pour l’occident, )
https://www.youtube.com/watch?v=Aj5poDXMBdw

Puisqu’il faut le dire en chanson
Puisque la guitare est devenue une arme
Je viens chanter l’espoir
Je chante contre le grand soir
Je viens chanter pour l’occident
Puisque l’un de vous a chanté Potemkine
Moi je viens chanter Soljenitsyne
Je dénonce les camps
Les camps du temps présent
Ignorés par les nouveaux bien-pensants
Même si l’un de vous parle de calomnie
Moi je chante les accords d’Helsinki
Je chante pour Sakharov et contre les tyrans
Qui lancent leurs Antonovs
Sur le pays afghan
Vous n’avez pas le monopole du mot liberté
Vous n’avez pas le monopole du mot vérité
Budapest en Hongrie,
Prague en Tchécoslovaquie,
Les juifs en Sibérie, le mur de Berlin,
Et maintenant Kaboul
Sont là pour témoigner
Puisqu’il faut choisir entre deux camps
Puisqu’il faut s’engager en chantant
Moi je chante l’espoir
Je chante contre le grand soir
Je suis un chanteur d’occident
Alors chante l’espoir
Chante contre le grand soir
Chante fort, chante pour l’occident
Chante chante, chante pour l’occident

Chante chante, chante pour l’occident

JE SUIS BERLINOIS (Veronika, Jean-Pax Méfret, 1980)
 
Elle avait des cheveux blonds fous, Veronika
Des yeux bleus tristes et un air doux, Veronika
A Berlin Est elle balayait les allées
Lorsque je l’ai rencontrée
Je me suis approché d’elle, Veronika
J’ai trouvé qu’elle était belle, Veronika
Sous ses gants de laine usée, j’ai caressé
Les petits doigts froids, comme ce mur droit
Souviens toi John Kennedy
Une journée de juin l’a dit
Devant le mur hérissé de barbelés
Il s’est écrié: « Moi, je suis Berlinois! »
Lorsqu’il parle humanité je pense a toi
Qui vivait de l’autre coté de ce mur là
Et qui rêvait un jour d’aller respirer
Le parfum de la liberté
Elle avait des cheveux blonds fous, Veronika
Les yeux bleus tristes et un air doux, Veronika
A Berlin Est elle balayait les allées
Elle a voulu s’évader
Aujourd’hui il ne reste rien de Veronika
Un peu de terre, une petite croix de bois
La rose rouge et l’œillet sont fanés
Près de ce mur droit, de ce mur froid
La rose rouge et l’œillet sont fanés
Près de ce mur droit, de ce mur froid
Je suis Berlinois
 
LE SANG QUI COULE SUR PHNOM PENH A PRIS SA SOURCE DANS VOS ESPRITS
 
https://www.youtube.com/watch?v=F5gwP6wwJvY

 

Depuis que ma mémoire existe,
Je vous ai entendus vanter
Toutes les solutions marxistes
Au nom des peuples à libérer.
Mais quand le jour maudit arrive
Que vos régimes sont au pouvoir,
Le pays part à la dérive,
Et puis se lève le soleil noir.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Le sang qui coule sur Phnom-Penh
A pris sa source dans vos esprits.
Vous avez fait germer la haine
En soutenant Khomeiny.
Vous êtes tous responsables
De ces horizons sans espoirs,
Et vos consciences de coupables
Portent la tâche du soleil noir.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Avant de reprendre vos plumes,
Pour creuser de nouveau abimes,
Traversez les rideaux de brume,
Venez dénombrer vos victimes.
Ca vous évitera d’écrire
Pour faire pardonner vos mouroirs.
Je n’savais pas que ce serait pire
Lorsque se lève le soleil noir.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Vous allez me traiter de réac’
Vous allez dire que je suis facho.
Mais vous n’ me filez pas le trac,
Vous, les pros de la démago,
Je sais ce que valent vos mots.
Moi, je ne suis pas un réac’
Moi, je ne suis pas un facho.
Et je ne crains pas vos attaques,
Vous, les pros de la démago,
Soldats de l’armée des Charlots.
Je sais ce que valent vos mots,

Soldats de l’armée des Charlots.

L’Île Saint-Louis

Elle fume toujours des Camel
Quand elle remonte Saint Michel.
Elle a les yeux qui s’ennuient
Aux reflets de l’île Saint-Louis.
Sous les pavés, ‘y a la plage :
Elle aimait bien cette image
Quand elle désertait la fac
Pour courir rue Gay-Lussac.

Elle ne chantait que des chansons de Dylan,
Elle ne parlait que de la guerre du Vietnam,
Elle transformait les restos en amphis,
La nuit, sur l’île Saint-Louis.

San Francisco, Katmandou,
Woodstock, Hanoï et Moscou,
C’était sa géographie,
Ses frontières, toute sa vie.

Quand les maisons bleues accrochées aux collines
La faisaient planer jusqu’au mont de Palestine,
Manipulation sur fond de mélodie,
La nuit, sur l’île Saint-Louis.

Je l’ai rencontrée hier,
Elle marchait en solitaire.
Elle avait un peu vieilli,
Elle avait beaucoup compris.

Fini, le temps du Népal,
Plus d’ oeillets au Portugal,
Là-bas, en Mer de Chine,
Les boat-people sont nés sous Ho Chi Minh.

Elle a tout raté, elle revient de Corrèze,
Elle a tout laissé, elle n’écoute plus Joan Baez,
Certaines chansons ont perdu leur magie,
Fait gris sur l’île Saint-Louis.

Paradis artificiel,
Elle s’en va de Saint Michel.
Elle veut d’autres harmonies.
Mai 68, c’est loin d’ici…

 

Djebel Amour

En ce temps-là,
Dans un village loin d’ici,
Jeune soldat
L’avait un peu peur pour sa vie.
Drôle de bidasse !
Qui avançait dans le Djebel.
Il tremblait pour sa carcasse
Devant le fusil des rebelles.

Sur le quai d’une gare,
Certains chantaient le déserteur
A Saint-Lazare.
Lui il avait l’esprit ailleurs,

Il regardait
Une femme et un petit garçon
Qui ne comprenait pas
Les mots de la chanson.

Alors, il pose sur la table
Une rose des sables
Et il a le coeur lourd.

Car tous ses souvenirs l’entrainent,
Ses souvenirs l’enchaînent
A ce Djebel Amour.

Ca fait longtemps
Qu’il est revenu d’Algérie,
Y’a des moments
Qui marquent à jamais une vie.

Et quelques soirs,
Quand il traine un peu au comptoir,
Il peut pas s’empêcher
D’raconter son histoire.

Pour ses enfants
C’est un mot qui ne veut rien dire,
Pour ses parents
C’est un bien cruel souvenir,

Pou ses amis
C’est une carte de combattant.
Mais ça reste pour lui
« Trente-six mois à vingt ans ».
Alors, il pose sur la table
Une rose des sables
Et il a le coeur lourd.

Car tous ses souvenirs l’entrainent,
Ses souvenirs l’enchaînent
A ce Djebel Amour.

C’est une fille
Au bout d’un quai.
Un pays qui s’en va,
Un cadeau emporté.

Ce n’est qu’une rose des sables
Qu’il pose sur la table.
Quand il a le coeur lourd.

Et puis les souvenirs l’entrainent,
Ses souvenirs l’enchaînent
A ce Djebel Amour.

Le Jour J

Au grand matin du mois de juin,
Julien préparait le troupeau ;
Dans la cuisine, Marie-Martine
Venait d’allumer les fourneaux.

La vieille Louise était assise,
Elle réchauffait ses pauvres mains.
Lorsque dans Sainte-Mère-Eglise
Sont entrés les Américains.

Ils sont tombés du ciel
Comme s’ils avaient des ailes,
Ils apportaient un air de liberté.
Ils venaient de Virginie,
D’Oklahoma, du Tennessee,
Le jour le plus long les attendait ici.

Les Écossais se distinguaient
Marchant au son des cornemuses,
Dans les marais, les SAS anglais,
Progressaient souvent par la ruse.

Et les balises, dans la nuit grise,
Regroupaient tous les Canadiens,
Tandis qu’à Sainte-Mère-Eglise,
Avançaient les américains.

Ils sont tombés du ciel
Comme s’ils avaient des ailes,
lls apportaient un air de liberté.
Ils venaient de Géorgie,
De l’Iowa, du Kentucky
Le jour le plus long les attendait ici.

Soldats des armées alliées
Tous unis pour nous délivrer,
Sur la Normandie,
Se levait le Jour J.

La vieille Louise était assise,
Elle réchauffait ses pauvres mains.
Lorsque dans Sainte-Mère-Eglise
Sont entrés les Américains.

Ils sont tombés du ciel
Comme s’ils avaient des ailes,
Ils apportaient un air de liberté.

Soldats des armées alliées
Tous unis pour nous délivrer.
Sur la Normandie,
Faut jamais oublier…
Qu’un jour à Sainte-Mère-Eglise,
Sont entrés les Américains !

Professeur Muller

Chaque soir, revenant de l’école
Il passe par Alexander platz
Personne n’écoute ses paroles
Quand il s’engage allée Karl Marx
Derrière lui, le rideau de pierre
Les miradors, les VoPos armés
Les tilleuls ne forment plus la frontière
Il y a un mur à Berlin, professeur Müller
Il s’avance, dans le décor sinistre
De cette ville de prisonniers
Et il se dit que, si la Vierge existe
C’est elle seule qui pourra les sauver
Chez nous, soyez Reine
Nous sommes à vous
Il y a 20 ans qu’on l’appelle « camarade »
Mais il sait bien que ce n’est qu’un mot
à l’image de toutes ces façades
Aux balcons vides, aux volets clos
Dans sa chambre, il oublie ses misères
Sur son violon au bois usé
Le vieil homme s’évade par la prière
La nuit s’achève loin des barbelés
Soyez la Madonne
Qu’on prie à genoux
Les tilleuls ne forment plus la frontière
Il y a un mur à Berlin, professeur Müller
Chaque soir, revenant de l’école
Il passe par Alexander platz
Les tilleuls ne forment plus la frontière
Il y a un mur à Berlin, professeur Müller

Camerone

Garçon, si par hasard sur ton livre d’histoire
Tu tombes sur ce nom:
Camérone!
Garçon, regarde bien cette page d’histoire
Et n’oublies pas ce nom:
Camérone!
Le ciel de feu du Mexique
A jamais se souviendra
De ce combat héroïque
Dans les murs de l’acienda.
Dans ce décor gigantesque,
La terre se désaltérait
Du sang qui courrait, dantesque,
Sur la prairie qui brûlait.
A Camérone! (bis)
Garçon, sur le chemin qui conduit à la gloire
Tu dois trouver ce nom:
Camérone!
Garçon, si ton destin exige une victoire
N’oublies jamais ce nom:
Camérone!
Pour l’honneur de la légion,
Sachant qu’ils allaient mourir
Jusqu’au bout de leur mission,
Fiers de tomber pour l’empire.
Ils étaient 62, face à 2000 cavaliers
Le soleil baissa les yeux lorsqu’ils furent exterminés
A Camérone! (bis)
Ce nom qui sonne et qui résonne,
Ce nom qui tonne et qui t’étonne…
Camérone!

Ni rouge ni mort

Forces du Pacte de Varsovie :
Six millions d’hommes, tenue kaki
Pour que l’Europe reste libre,
Il faut rétablir l’équilibre.
Pendant qu’les écolos défilent,
Ils dressent leurs barrières de missiles.
Je ne crois pas aux idées molles
De sécurité sur parole.A moins de trois cent kilomètres,
Ils rêvent de devenir nos maîtres.
Sur ordre du Kremlin,
Ils peuvent franchir le Rhin,
Et si c’est pour demain,
Tu peux me dire ce qu’il faut faire ?Alors je viens le dire très fort,
Ma devise, c’est ni rouge, ni mort !
J’ n’ai pas l’frisson du pacifisme
Face aux armées du communisme.
Ils ont des milliers de canons
Pointés dans notre direction.
Et tous leurs SS 20,
Et tous leurs sous-marins,
Bombardiers nucléaires,
Tu peux me dire c’est pour quoi faire ?
A moins de trois cent kilomètres,
Ils rêvent de devenir nos maîtres.
Sur ordre du Kremlin,
Ils peuvent franchir le Rhin,
Et si c’est pour demain,
Tu peux me dire ce qu’il faut faire ?
Camarade
Révolution bolchevique :
De terribles statistiques,
C’est vrai… c’est vrai.Douze millions de victimes
Pour imposer un régime,
C’est vrai… c’est vrai.Les ouvriers, les moujiks
Sous la violence étatique
L’ère de la grande famine
Sous le règne de Lénine
C’est vrai… c’est vrai.Au nom du Parti unique,
Plus de vie démocratique,
C’est vrai… c’est vrai.Dissidents et refuzniks
En hôpitaux psychiatriques ,
C’est vrai… c’est vrai.Et dans tous leurs satellites,
Ils forcent les plébiscites
En envoyant les blindés
Ecraser la dignité,Garde ça en mémoire, camarade
Quand les droits des hommes sont en danger
C’est toujours vers l’ouest que le peuple s’évade
Sur les allées des libertés
C’est vrai… c’est vraiDes camps pour les terroristes
Derrière les frontières marxistes
C’est vrai… c’est vrai.Des conseillers militaires
Pour « guerre révolutionnaire »
C’est vrai… c’est vrai.Des « Fronts de libération »
Pour servir leurs ambitions
Et sous couvert d’humanisme,
Ils marquent leur expansionnisme.Garde ça en mémoire, camarade
Quand tu vas défiler pour la paix,
L’armée rouge qui marche sur la grande esplanade
Est programmée pour attaquer.
C’est vrai… c’est vrai
C’est vrai… c’est vrai.Et demande aux Afghans, camarade
Toi qui parle pour les peuples opprimés
Car le sang des enfants tués à la grenade
A la couleur de tes idées.Solidarité

Salut, les tout-puissants,
Les livreurs de promesses,
Les hommes du changement,
C’est à vous qu’je m’adresse.
Ecoutez, solidarité !

Les enfants du 10 mai,
Qui sont né sous l’orage,
Commencent à déchanter,
Ils brûlent vos images.

Ecoutez, solidarité !

Je n’suis pas de vot’ camp,
Ca vous vous en doutez,
Laissez-moi cependant
Un instant m’exprimer.

Ecoutez, solidarité !
Liberté ! Solidarité !
Liberté !

A tous ceux qui refusent
Le pouvoir d’un parti,
Radeau de la Méduse
Sur les flots du mépris,

Je dirai : Solidarité !

Aux victimes des vengeances
Que l’on hisse sur les charettes
Des furieux de Valence
Qui réclamaient des têtes,

Je dirai : Solidarité !

Solidaire des exclus
De ce sinistre bal,
Où les roses ne sont plus
Que d’étranges fleurs du Mal,

Je dirai : Solidarité !
Liberté ! Solidarité !

Interdit d’interdire,
C’est encore sur les murs,
Y fallait pas l’écrire,
Maint’nant y a des bavures,

Ecoutez, solidarité !
Liberté ! Solidarité !
Liberté !
Vous brouillez les radios,
Vous régentez l’école,
Vous jouez aux prolos,
J’en connais qui rigolent.

Ecoutez, solidarité !

Il n’y a pas si longtemps,
Vous semiez des leçons,
Il vous faut maintenant
Récolter les moissons.

Ecoutez, solidarité !

Faites gaffe au populo,
Il en a ras la casquette,
Y a pas qu’les aristos
Qui sont pas à la fête,

Ecoutez, solidarité !
Liberté ! Solidarité !
Liberté !

Miss America

Son père est un vieux révolutionnaire.
Avec le Che, il a pris le maquis.
Sa mère est dans la milice auxiliaire.
Elle lit Lénine, le soir, à la bougie.
Tout ça pour dire que dans cette famille,
Ca bloque un peu au niveau des idées,
Tout ça pour dire, au nom de la faucille,
Qu’ils sont marteaux, complètement sonnés.

Ils ont une fille qui s’appelle Maria,
Elle rêve d’être Miss America.
Qu’est-ce qu’il va dire, Fidel, quand il saura?
Qu’est-ce qu’il va faire pour empêcher tout ça?

Elle a la peau couleur de pain d’épices,
la mer des Caraïbes dans les yeux.
Elle sait rouler le tabac sur ses cuisses.
Pour les Cubains, c’est un cadeau des Dieux.

Oui, mais la fille qui s’appelle Maria,
Elle rêve d’être Miss America.
Y’en a qui disent que c’est la CIA.
Elle porte des jeans, boit du Coca-Cola.
Le jour de la grande fête nationale,
C’est elle qui doit porter le drapeau.
Et des faubourg, jusqu’à la capitale,
Y’a la rumeur qui prévient l’Maximo

Oui, mais la fille qui s’appelle Maria,
Elle rêve d’être Miss America.
Elle se trémousse en dansant la salsa.
Elle dit qu’elle rêve d’être Miss USA.

 

Le vieux Soldat

Dans ses yeux, il y a de la souffrance,
ça ne se voit pas.
Dans son coeur, il y a de la vaillance,
ça ne s’entend pas.
Ses bras ont perdu leur puissance,
mais il est toujours là,
prêt à se lever pour la France,
le vieux soldat.

Derrière lui, il y a une existence,
que je n’te raconte pas.
ça commence dans la Résistance,
c’est loin déjà.
Il sortait à peine de l’enfance,
en ce temps là,
quand les nazis crevaient la France,
et c’est pour ça

Ca lui fait mal, toutes ces insultes,
cracher sur la France que l’on traite de pute.
Ca lui fait mal, le drapeau brûlé, le drapeau souillé
la mémoire tachée.

Ca lui fait mal, il l’a mauvaise,
lorsque l’on siffle la Marseillaise
Ca lui fait mal, voir son pays livré au mépris,
il en est meurtri.
Le respect, il veut du respect,
juste du respect, le respect.

Les symboles ont de l’importance,
pour cet homme là.
La vision de toutes les offenses,
Fait du dégât.
Il faut dire que ça n’arrive qu’en France,
Toutes ces souffrances, là.
Il vient défier l’irrévérence,
le vieux soldat.

 

Le pays qui n’existe plus

Même s’il y a toujours mon village
Où les enfants du quinzième âge
sautaient les feux de la Saint Jean.
Même s’il y a toujours le cimetière
où les filles faisaient des prières
et repartaient en se signant.
Je ne le reconnaîtrai plus
Ils ont changé le nom des rues !

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.

Même s’il y a toujours mon école
Où j’ai vécu des années folles,
lorsque j’étais adolescent.
Même s’il y a toujours les arcades
pleine des odeurs de grenades
et des cris des manifestants.
Le drapeau que l’on voit flotter
Il n’a plus les mêmes reflets !

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.

Le terrain vague de mon enfance
Les carrioles et les oliviers.
Mes souvenirs, mon existence
passent leur temps à se croiser.
C’est une étrange destinée.

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.

C’est une étrange destinée.
Oh eh…

Je viens d’un pays qui n’existe plus
Je viens d’un paradis perdu.


Racisme intercommunautaire: Pendant 800 ans, on vous a vendus comme du bétail (Beware: one systemic racism may hide another)

1 juin, 2021

Biden's old playbook won't end Israeli-Palestinian violence – Ya LibnanIl y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. (…) Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. (…) Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Pierre Bourdieu
ll ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes. Christiane Taubira
Pendant 800 ans, on vous a vendus comme du bétail. Employé algérien de restaurant (Cergy, France)
Tout le monde déteste les Versaillais ! À mort les fachos ! Manifestants communards (Paris)
On se serait cru 150 ans en arrière, c’est surréaliste. Monseigneur Denis Jachiet
On ne va pas s’allier avec le FN, c’est un parti de primates. Il est hors de question de discuter avec des primates. Claude Goasguen (UMP, Paris, 2011)
Ne laissez pas la grande primate de l’extrême goitre prendre le mouchoir … François Morel (France inter)
Moi, je revendique la stigmatisation de Marine Le Pen. Manuel Valls
La Palestine est l’Afrique du Sud de notre génération. Si nous n’intervenons pas avec audace et courage pour mettre fin au projet impérialiste qui s’appelle Israël, nous sommes condamnés. Patrisse Cullors (cofondatrice de Black Lives Matter, Harvard, 2015)
Le racisme anti-Noirs continue aujourd’hui au Maghreb. La couleur de peau est toujours associée à un statut inférieur. Des tribus pratiquaient l’esclavagisme dans tout le Maghreb et c’est resté dans l’imaginaire collectif. [Mais il y a peu de recherches sur la question] Certains craignent d’être accusés de faire le jeu de l’Occident. Mehdi Alioua (sociologue marocain)
Parmi les réactions suscitées par la diffusion de la vidéo de CNN montrant une vente aux enchères de migrants subsahariens en Libye, la dénonciation d’un racisme anti-Noirs persistant dans les pays du Maghreb figure en bonne place. Si les situations n’y sont pas comparables à la barbarie observée en Libye, les communautés noires continuent toutefois d’y être victimes de mépris, de discriminations, voire d’agressions. En Algérie, il existe une forte présence de migrants subsahariens qui y restent de quelques mois à quelques années, comme une pause sur leur route vers l’Europe. Selon les associations locales, ils seraient près de 100 000. Vivant dans les périphéries des grandes villes, privés de statut légal, ces habitants « fantômes » occupent souvent des emplois à la journée dans le secteur de la construction. En octobre 2015, l’histoire de Marie-Simone, une migrante camerounaise d’une trentaine d’années, avait fait la « une » de la presse. Victime d’un viol collectif à Oran (ouest), elle avait eu le plus grand mal à se faire soigner et à porter plainte. En mars 2016, à Ouargla (centre), c’est le meurtre d’un Algérien poignardé par un migrant nigérien qui avait dégénéré en une véritable chasse aux migrants. Et les exemples ne manquent pas. (…) Au Maroc, de nombreux témoignages font aussi état d’un racisme latent. Celui-ci va de faits divers extrêmement violents – en 2014, trois migrants ont été tués à Boukhalef, un quartier périphérique de Tanger – à un racisme diffus. « Dans la rue, certains nous appellent Ebola », racontait un Camerounais rencontré en septembre à Tétouan (nord). (…) En Mauritanie, plus au sud, le racisme ne vise pas les migrants de passage mais une partie des citoyens mauritaniens, rappelant la situation d’un pays où les Maures blancs concentrent la majorité des pouvoirs au détriment des Haratine, descendants d’esclaves, et des Négro-Africains. L’esclavage y a été interdit en 1981. Son interdiction a même été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la pratique reste courante. Mais c’est certainement dans la Tunisie post-révolutionnaire que l’évolution est la plus sensible. « Pendant longtemps, le sujet des Tunisiens noirs, traités comme des citoyens de seconde zone, a été un tabou », rappelle Houda Mzioudet, chercheuse et spécialiste des minorités en Tunisie. (…) En 2016, l’agression de trois étudiants congolais en plein centre-ville de Tunis avait à son tour créé un vif émoi. Aujourd’hui, la Tunisie s’apprête à adopter une loi criminalisant la discrimination raciale. « Ce serait la première loi de ce type dans le monde arabe », souligne Houda Mzioudet. Le Monde
La France comprend trois foyers d’expression de l’antisémitisme très forts. Le premier, ce sont les proches du Front National et les électeurs de Marine Le Pen […] Le deuxième groupe, c’est parmi les Français musulmans […] Et puis le troisième groupe ce sont les proches du Front de gauche et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon 2012, où là aussi on trouve, à un degré moindre, et sur des ajustements ou, je dirais des agencements différents, l’expression d’un antisémitisme fort. (…) On a [dans ce groupe] une adhésion beaucoup plus forte que la moyenne à des préjugés qui relèvent de cet antisémitisme anticapitaliste et antiglobalisation. Cette idée que les juifs contrôlent l’économie. Qu’il y a un capitalisme cosmopolite, que le monde de la finance est un monde cosmopolite. Dominique Reynié
En octobre 2004, dans son rapport intitulé Chantier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Jean-Christophe Rufin notait une diminution du rôle de l’extrême droite dans la responsabilité des violences antisémites et, en revanche, une augmentation de celui d’une frange de la jeunesse issue de l’immigration. (…) L’intérêt de la seconde enquête est de vérifier l’hypothèse d’un nouvel antisémitisme, avancée il y a presque quinze ans par Pierre-André Taguieff et reprise par Jean-Christophe Rufin dans son rapport de 2004. Il s’agit donc de savoir si les musulmans vivant en France sont plus ou moins susceptibles que la moyenne de la population nationale à partager des préjugés contre les Juifs, voire à développer une vision antisémite. (…) Enfin, pour comprendre ce regain des mauvaises pensées, il faut compter avec l’influence majeure d’un nouvel acteur, le Web, dont le rôle est rapidement devenu déterminant dans le domaine de l’information mais aussi de l’engagement politique, de la mobilisation militante et de la prise de parole en général et de type protestataire en particulier. La force du Web est décuplée par ses vertus apparentes et pour partie réelles: égalitarisme, spontanéisme, authenticité, immédiateté, universalité… Mais ce nouvel espace public est fortement porté par la possibilité singulière d’émettre des messages, des opinions, de les recevoir, de les partager, sans avoir nécessairement à décliner son identité, c’est-à-dire sans devoir engager sa responsabilité. Dans toute l’histoire de la liberté de la presse et de la liberté d’opinion, c’est une situation inédite. Ces outils offrent aux antisémites et aux racistes un statut d’extraterritorialité et, finalement, une impunité de fait, qui ne permet plus aux États de droit ni d’assurer la défense des valeurs humanistes ni de punir ceux qui se rendent coupables de les transgresser. (…) Il y a les opinions et il y a les agressions. En France, jamais nous n’avons réussi à descendre au-dessous de la barre de 400 actes antisémites par an depuis le début des années 2000, et l’année 2014 connaît une augmentation impressionnante (+ 91 %). Ainsi, de janvier à juillet 2014, comparativement à la même période en 2013, on a relevé 527 actes antisémites contre 276. La moitié des actes racistes sont des actes contre les Juifs, qui représentent probablement moins de 1 % de la population. Sur le Web, on note l’installation d’un antisémitisme déchaîné. Au cours de l’été 2014, lors des manifestations contre l’intervention israélienne dans la bande de Gaza, des slogans «Mort aux Juifs !» ont été entendus à Paris, place de la République; à Sarcelles, ces cris ont débouché sur la mise à sac de commerces au motif qu’ils appartenaient à des Juifs. Une synagogue a été attaquée. Il en va de même pour les actes atroces commis récemment: l’assassinat, en 2006, d’Ilan Halimi par le gang de Youssouf Fofana; celui, en 2012, de Jonathan Sandler et des enfants Gabriel Sandler, Arieh Sandler et Myriam Monsonego par Mohammed Merah, également meurtrier des malheureux Imad Ibn Ziaten, Mohamed Legouad et Abel Chennouf; puis, en 2014, la tuerie de Bruxelles perpétrée par Mehdi Nemmouche. Ne confondons pas ces drames avec des faits sans cause. Ils sont de notre époque et nous disent donc nécessairement de quoi elle est faite. (…) Parmi les informations que nous apporte cette enquête, l’un des points à retenir est certainement le fait que 16 % seulement des personnes interrogées se disent d’accord avec l’affirmation selon laquelle, en France, «il y a plus de problèmes d’antisémitisme que de problèmes de racisme». Autrement dit, 59 % des personnes estiment le contraire, ce qui s’oppose à l’évidence des données sur les agressions antisémites. En France, les actes antisémites constituent 50 % de tous les actes racistes, tandis que la communauté juive représente moins de 1 % de la population nationale. Il faut donc noter que, du point de vue du public, les agressions antisémites ne suscitent pas l’écho et la mémorisation auxquelles on pourrait s’attendre compte tenu de la nature des faits et de leur gravité (…) Selon notre enquête, de tous les partis politiques et des publics qu’ils fédèrent autour d’eux, les sympathisants du Front national et les électeurs de Marine Le Pen constituent l’univers politique et partisan où l’on trouve, et de très loin, le plus d’opinions antisémites et xénophobes. Les sympathisants du FN et ses électeurs ressemblent davantage au discours du fondateur du parti qu’au discours plus policé que sa nouvelle présidente s’efforce de mettre en scène. (…) Les musulmans répondants sont deux à trois fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés contre les Juifs. La proportion est d’autant plus grande que la personne interrogée déclare un engagement plus grand dans la religion. Ainsi, lorsque 19 % de l’ensemble des personnes interrogées indiquent adhérer à l’idée selon laquelle «les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de la politique», le taux grimpe à 51 % pour l’ensemble des musulmans. Cette question permet d’illustrer les effets de la pratique religieuse sur l’adhésion aux items antisémites: en effet, l’adhésion à cet item est de 37 % chez les personnes qui déclarent une «origine musulmane», de 49 % chez les musulmans croyants» et de 63 % chez les «musulmans croyants et pratiquants». (…) l’idée selon laquelle le sionisme « est une organisation internationale qui vise à influencer le monde», si typique de la vision antisémite, suscite un niveau d’approbation très élevé parmi les musulmans interrogés (44 %), contre 16 % en moyenne de la population âgée de 16 ans et plus. On voit encore ici que la proportion croît avec le degré d’implication religieuse. L’existence d’un complot sioniste est de 30 % chez ceux qui déclarent une «origine musulmane», de 42 % chez les « musulmans croyants » et de 56% chez les «musulmans croyants et pratiquants ». (…) Les préjugés contre les Juifs sont plus répandus au sein de la mouvance du Front de gauche que dans l’ensemble de la société française, mais ils sont moins répandus que dans la mouvance du Front national. Dominique Reynié
Pourquoi la question n’est-elle presque jamais posée : ′′ Quels sont les droits du peuple palestinien ? ′′Et pourquoi semblons-nous prendre note de la violence en Israël et en Palestine uniquement lorsque des roquettes tombent sur Israël ? (…) le conflit d’aujourd’hui n’a pas commencé avec ces roquettes. Les familles palestiniennes dans le quartier de Jérusalem de Sheikh Jarrah vivent sous la menace d’expulsion depuis de nombreuses années, naviguant dans un système juridique conçu pour faciliter leur déplacement forcé. Et au cours des dernières semaines, les colons extrémistes ont intensifié leurs efforts pour les expulser. Et, tragiquement, ces expulsions ne sont qu’une partie d’un système plus large d’oppression politique et économique. Depuis des années, nous avons assisté à une aggravation de l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et à un blocus continu sur Gaza qui rend la vie de plus en plus intolérable. (…) nous avons vu le gouvernement de Benjamin Netanyahu travailler à marginaliser et diaboliser les citoyens palestiniens d’Israël, à mener des politiques de colonisation conçues pour exclure la possibilité d’une solution à deux États et adopter des lois qui engendrent les inégalités systémiques entre les citoyens juifs et palestiniens israéliens. (…) Israël reste la seule autorité souveraine au pays d’Israël et de Palestine, et plutôt que de se préparer à la paix et à la justice, il a enraciné son contrôle inégal et antidémocratique. Plus d’une décennie de sa règle de droite en Israël, M. Netanyahu a cultivé un nationalisme raciste de plus en plus intolérant et autoritaire. Dans son effort effréné pour rester au pouvoir et éviter les poursuites judiciaires pour corruption, M. Netanyahu a légitimé ces forces, dont Itamar Ben Gvir et son parti extrémiste du pouvoir juif, en les faisant entrer dans le gouvernement. (…) les mensonges racistes qui attaquent les Palestiniens dans les rues de Jérusalem soient maintenant représentés à la Knesset. Ces tendances dangereuses ne sont pas propres à Israël. Partout dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et ici aux États-Unis, nous avons vu la montée de mouvements nationalistes autoritaires similaires. Ces mouvements exploitent la haine ethnique et raciale pour construire le pouvoir pour une minorité de corrompus plutôt que la prospérité, la justice et la paix pour le plus grand nombre. Ces quatre dernières années, ces mouvements avaient un ami à la Maison Blanche. En même temps, nous assistons à la montée d’une nouvelle génération d’activistes qui veulent construire des sociétés basées sur les besoins humains et l’égalité politique. Nous avons vu ces militants dans les rues américaines l’été dernier à la suite du meurtre de George Floyd. Nous les voyons en Israël. Nous les voyons dans les territoires palestiniens. Avec un nouveau président, les États-Unis ont maintenant la possibilité de développer une nouvelle approche du monde – fondée sur la justice et la démocratie. (…) Au Moyen-Orient, où nous fournissons une aide de près de 4 milliards de dollars par an à Israël, nous ne pouvons plus être des apologistes du gouvernement de droite de Netanyahu et son comportement antidémocratique et raciste. (…) Cette approche doit reconnaître qu’Israël a le droit absolu de vivre dans la paix et la sécurité, tout comme les Palestiniens.(…) Nous devons reconnaître que les droits palestiniens sont importants. Les vies palestiniennes comptent. Bernie Sanders
St Louis sent me here to save lives. That means we oppose our money going to fund militarised policing, occupation and systems of violent oppression and trauma. We are anti-war, we are anti-occupation, and we are anti-apartheid. Period. Congresswoman Cori Bush
The shift is dramatic; it’s tectonic. There is a non-white population, particularly among Democrats, who are very sensitive to the treatment of fellow non-whites. They see Israel as an aggressor. They don’t know Israel’s early history and odds-defying triumph over adversity. They know post-Intifada; they know the various wars, the asymmetrical bombing that have taken place, the innocent civilians that have been killed. We’ve seen a steady growth in support for Palestinians, but it’s never really been a high-intensity issue. It’s becoming that. It’s becoming a major wedge issue, particularly among Democrats, driven by non-white voters and younger voters, by progressives in general. John Zogby
This moment is different. And it may prove a transformational one in the Palestinian struggle for freedom. Before the world’s attention shifted toward pushing for a cease-fire, Palestinians in Gaza, the West Bank, Jerusalem, inside Israel and in the diaspora had all mobilized simultaneously in a way unseen for decades. They are all working toward the same goal: breaking free from the shackles of Israel’s system of oppression. Reacting to growing Israeli restrictions in Jerusalem and the impending expulsion of Palestinians from their homes in the Jerusalem neighborhood of Sheikh Jarrah, Palestinians across the land who identified with the experience of being dispossessed by Israel rose up, together. Even now, as bombs fall on Gaza, they continue to do so. Palestinians are protesting in huge numbers in cities and towns throughout the land; hundreds of thousands took part in a general strike. With this unified movement, Palestinians have shown Israel that they cannot be ignored. (…) The energy of this moment represents an opportunity to wed Palestinian aspirations with a growing global consensus. According to a 2018 poll by the University of Maryland, 64 percent of Americans would support equal rights in a single state if the two-state solution fails. That number climbs to 78 percent among Democrats. Among scholars and experts on the Middle East, one recent poll found, 66 percent say there is a one-state reality. There is also a growing shift in mainstream organizations that have been hesitant to call for greater change: The Carnegie Endowment for International Peace recently released a report calling for a break from the two-state approach. Many diplomats and analysts around the world I have spoken to in recent years understand that the two-state solution is dead. Israel has killed it. When I ask why they don’t call for equal rights for Palestinians to end what is increasingly obviously a de facto apartheid system, they point out the official Palestinian position remains for a separate state. (…) The Palestinians have moved on, and many people in America and around the world are ready to do so, too. Yousef Munayyer (Arab Center Washington DC)
This is unprecedented. For decades, Jews have been able to walk around safely in most major cities without fear, without even considering hiding their kippot or Star of David necklaces. Jews used to be most afraid of being attacked by blacks, but over time that has become much less of an issue with the exception of the recent uptick of attacks in Brooklyn. Antisemitism has always been there but it definitely lessened. ADL statistics has seen it go down steadily since the 90s. But this is different than even the ’60s. Now Jews have to worry about gangs who are targeting them because they are Jews. Why have these Arab gangs suddenly become so emboldened to form posses to attack Jews? Because of the first group. The fine distinctions that Leftist Israel haters try to make between anti-Zionism and antisemitism are completely invisible to Arabs. They hate Israel because, not despite the fact, it is filled with Jews. Antisemitism is the entire source of the conflict. Their parents and preachers don’t teach them to hate Zionists but Jews. They look at their Jewish allies as tools and as dhimmis, not as role models. The attackers find strength in numbers, they see that they have the Left on their side, they are riled up by thousands of lies about Israel by speaker after speaker and tweet after tweet, they get validation from members of Congress and other liars and bigots who say that Israel is guilty of genocide and apartheid and ethnic cleansing, they are primed to violence from lurid and often faked photos of dead kids, they are whipped up into a frenzy from the hypnotic anti-Israel and antisemitic chants. And they are in large cities with lots of identifiable Jews all around, who must pay for these crimes. It is a recipe for violence. The Arab gangs are engaged in what they know best: terrorism. After all, the point of terrorism isn’t the attacks themselves but the feat that the attacks create among the targets. These Arabs are importing terror from their Middle Eastern cousins, doing everything they can to frighten Jews. They feel, correctly, that they have reached a critical mass with fellow Arabs in their respective Western countries. Crucially, they are being given cover by the secular Left, publishing articles that justify terror and the idea that Palestinians are justified in doing anything they want to Jews because all’s fair in « resistance. » Arabs are sensitive to being shamed. They have not acted like this before in America because the idea of wanton violence against Jews was shameful. Now, and their Leftist allies give them intellectual cover – and they will never, ever shame them. The Leftist anti-Zionists could shame them into stopping their attacks. They could make it clear that they want nothing to do with the antisemites. They could stand up and say that they will not be allies with Jew-haters and will not march with bigots. They could demand that mosques and Muslim leaders clearly denounce the attacks (they certainly will not do that on their own.) But these people who claim to speak truth to power will never, ever call out violence by Arabs They refuse to do that, because they are all about solidarity and allyship and, let’s face it, they don’t want to say anything negative about people of color who want to attack Jews. The Leftist enablers also know that the Arabs would turn on them next if they say anything negative about their antisemitism. Instead, the « progressives » issue weak statements against antisemitism and then return to their « From the river to the sea » chants to incite the next round of attacks. The only solution is to shame the attackers. The only people who can do that are tacitly condoning the attacks. This is a nearly perfect storm that is bringing up an entirely new class of Jew-hatred to America. Elder of zion
Vous ne pouvez pas étudier l’Histoire sur Instagram. Il n’y a tout simplement pas assez d’espace (…) Et si le Canada tirait 4 000 roquettes sur l’Amérique ? Ou le Mexique ? (…) C’est une autre chose que j’ai entendue ces deux dernières semaines, des mots comme ‘occupants’ et ‘colonisateurs’ et ‘apartheid’, dont je ne pense pas que les gens comprennent l’histoire. Les Juifs sont présents dans cette région du monde depuis environ 1200 avant l’ère commune, bien avant que le premier musulman ou le premier Arabe n’ait foulé la terre. (…) Bella Hadid et ses amies s’enfuiraient en hurlant vers Tel Aviv si elles devaient vivre un jour à Gaza. Bill Maher
One of the frustrations I had while I was off is that I was watching this war go on in Israel … and it was frustrating to me because there was no one on liberal media to defend Israel, really. We’ve become this country now that we’re kind of one-sided on this issue. And I’d also like to say off the bat I don’t think kids understand, and when I say kids I mean the younger generations – you can’t learn history from Instagram! ‘There’s just not enough space. (…) Well, Gaza fired 4,000 rockets into Israel. What would you say Israel should have done instead of what they did?’ (…) But they purposely put the rockets in civilian places. That’s their strategy. (..) The Jews have been in that area of the world since about 1200 B.C., way before the first Muslim or Arab walked the Earth. … I mean, Jerusalem was their capital. So if it’s who got there first, it’s not even close. (…) The Jews were the ones who were occupied by everybody; the Romans took over at some point and then the Persians and the Byzantines and then the Ottomans. So yes, there was colonization going on there. Beginning in the 19th century, they started to return to Palestine, which was never an Arab country. There was never a country called Palestine that was a distinct Arab country. Doesn’t it behoove the people who rejected the half a loaf and continue to attack … Hamas’s charter says they just want to wipe out Israel. Their negotiation position is ‘You all die. The two-state solution has been on the table a number of times. There could be an Arab capital in East Jerusalem now if Yasser Arafat had accepted that in 2003. He did not.’I mean, they have rejected this and went to war time and time agai. And, you know, as far as Gaza goes, it’s amazing to me that the progressives think that they’re being progressive by taking that side of it, the Bella Hadids of the world, these influencers. I just want to say in February of this year, a Hamas court ruled that a unmarried woman cannot travel in Gaza without the permission of a male guardian. Really? That’s where the progressives are? Bella Hadid and her friends would run screaming to Tel Aviv if they had to live in Gaza for one day. Bill Maher
Il est extrêmement important de comprendre le Hamas, le Hezbollah, comme des mouvements sociaux progressistes, de gauche, et qui font partie d’une gauche globale; cela ne nous empêche pas d’être critiques à l’égard de certaines dimensions de ces deux mouvements. Judith Butler (Berkeley, 2006)
Ce devait arriver tôt ou tard. La révolution identitaire, née dans les campus aux États-Unis avant de gagner la sphère publique et de déchirer les Américains, vient de franchir un pas de plus: avec la guerre de Gaza, elle a forcé les portes de la géopolitique en transposant les postulats de la «cancel culture» dans le domaine des relations internationales. La convergence des luttes entre le «wokisme» et le Hamas a de quoi laisser perplexe. L’un représente tout ce que l’autre abhorre et réciproquement. Les partisans de la rectitude politique vivent à des années-lumière d’une organisation terroriste, fondamentaliste, qui vouerait à la damnation éternelle la théorie du genre, les confessions intersectionnelles, la subordination de la nature à la culture ou la liberté de choisir son sexe. Certains esprits, pourtant, n’ont pas ménagé leurs efforts pour découvrir une parenté entre les guerriers de la gauche morale et les combattants islamistes du Moyen-Orient. (…) L’islamisme radical et la culture «woke» appartiennent à deux planètes différentes, mais il est certains traits familiers que l’un reconnaîtrait aisément chez l’autre. La volonté de subordonner la loi aux impératifs de la religion, dans un cas, de la morale dans l’autre. Une manière de concevoir la justice — et de l’appliquer — hors des règles du droit. Le refus aussi de la délibération, de la confrontation des opinions, puisque le dogme religieux, pas plus que les certitudes morales, ne sauraient être un objet de discussion. Enfin, l’essentialisation de l’autre, ici les sionistes et les Juifs, là les dominants blancs enfermés dans leur déterminisme. La critique d’Israël est depuis longtemps un trait constitutif de la gauche progressiste aux États-Unis. À mesure que la politique identitaire imprégnait la vie publique, il était inévitable qu’elle finisse un jour par pénétrer dans l’enceinte du Capitole et qu’une vision alternative du conflit israélo-palestinien rompe le consensus longtemps très favorable à l’État hébreu. Et c’est le Parti démocrate, dont l’aile radicale ne cesse de gagner du terrain, qui allait lui servir de relais. Le dernier cycle des violences au Proche-Orient a permis de vérifier cet infléchissement historique. Telle représentante démocrate à la Chambre qualifiait Israël d’ «État-apartheid», une autre d’ «État terroriste», une troisième dénonçait l’«injustice systémique» qu’il inflige aux Palestiniens. Beaucoup moins prévisible était la redéfinition d’un conflit national bientôt centenaire dans les termes de la justice raciale: Gaza n’était qu’un avatar de la tuerie de Ferguson (un jeune Noir abattu en 2014 par un policier blanc) et de la mort de George Floyd. À Londres, des manifestants scandaient «Palestine can’t breathe» (les mots de Georges Floyd avant de mourir) et «Palestinian Lives Matter». Pour les activistes de Black Lives Matter et leurs soutiens démocrates, l’incrimination d’Israël, comme celle du racisme blanc en Amérique ou ailleurs, participe du même combat moral, de la même libération globale de la parole. Cette assimilation singulière a obtenu en quelques jours un écho extraordinaire, de Washington à Hollywood, ralliant des sportifs, des artistes, des vedettes de la mode, des influenceurs dont l’audience sur les réseaux sociaux est énorme. Et son pouvoir d’intimidation paraît d’autant plus redoutable qu’il est formaté dans le langage familier de la justice victimaire. (…) c’est un wilsonisme de l’indignation diversitaire que la démocratie américaine exporte un peu partout, dont l’État hébreu est l’une des principales cibles. (…) Les morts et les destructions à Gaza mobilisent des passions et des foules que d’autres tragédies d’une ampleur incomparable n’arrivent à remuer: ni la boucherie de la population syrienne par son président, ni les dizaines de milliers de victimes de la guerre au Yémen, ni la répression implacable des minorités musulmanes en Chine — laquelle n’a entraîné aucune attaque contre les quartiers chinois en Europe ou en Amérique. (…) Dans ce monde où chacun est assigné à son «identité originelle», les relations entre les communautés sont conçues en termes de rapports de domination, oppresseurs d’un côté, opprimés de l’autre, les premiers renvoyés à leur iniquité «systémique», les seconds à leur immuable condition victimaire. Nietzsche parlait de la loi du plus fort. La révolution identitaire consacre, elle, la raison du plus faible. La justice est du côté des faibles du fait de leur faiblesse. Et l’État d’Israël est condamnable du fait de sa puissance, comme l’est le «pouvoir blanc» en Amérique, coupable de sa supposée supériorité «systémique». La solidarité qu’éprouvent les militants de Black Lives Matter pour les Palestiniens procède de cette même dualité de la domination et de la sujétion. Et elle ne se laisse guère embarrasser par la réalité qui contrarie ses présomptions. Le Hamas a beau se réclamer de la charia, piétiner les droits des femmes, ou lancer 3500 roquettes visant des civils en Israël, il ne perd rien de l’immunité morale que lui confère son statut d’opprimé. Ici comme ailleurs, identitaires et racialistes se barricadent derrière le mur protecteur de l’ignorance volontaire, un «safe space» où l’on peut éviter de connaître ce que votre sensibilité vous intime de ne pas savoir. Curieuse époque. Les accords d’Abraham ont réconcilié l’État d’Israël avec nombre de pays arabes, au moment même où, en Occident, le gouvernement de la morale le voue à la proscription. Ran Halévi
On s’en souvient peut-être encore: interpellé par Donald Trump en débat lors des élections présidentielles américaines, qui lui demandait de condamner la mouvance «antifa», Joe Biden a répondu un peu étrangement en déclarant que ce qu’on appelle «antifa» ne serait pas une mouvance, encore moins une organisation, mais une idée. On a trouvé, au cours des dernières années, de nombreuses figures politiques pour répondre la même chose. Elles se drapent souvent dans la vertu en demandant comment on peut s’opposer à ceux qui s’opposent au fascisme. Ce n’était pourtant pas la première fois que Donald Trump s’inquiétait de la vigueur de cette mouvance, au point d’avoir laissé entendre qu’il la décréterait terroriste. (…) les «antifas» ont pris beaucoup de place ces dernières années, quand leurs milices se sont emparées des rues américaines, en radicalisant plusieurs émeutes au nom de la «justice raciale», au point de les pousser, à la manière d’un mouvement agitateur, jusqu’à l’émeute. (…) Mais si les «antifas» ne sont pas rassemblés autour d’une structure ferme centralisée, on aurait tort de les croire désorganisés. Au cœur de leur «antifascisme», on trouve une définition fantasmée du fascisme, qui n’a à peu près rien à voir avec le fascisme historique. Le fascisme se confond, à lire cette propagande, avec la démocratie libérale et le capitalisme, qui serviraient surtout à le masquer. De manière imagée, on dira que le fascisme est intrinsèquement lié, pour eux, à la structure même des sociétés occidentales. Partout, ils fantasment le racisme et le suprémacisme blanc. C’est ce qu’oublient souvent ceux qui parlent de cette mouvance avec complaisance. En reconnaissant aux «antifas» le droit de brandir l’étendard de l’antifascisme sans le leur contester, ils endossent la définition qu’ils en donnent, et leur accordent, quoique implicitement, une fonction légitime dans l’organisation de la cité. Ce qui distingue les «antifas», c’est un usage revendiqué de la violence. Leurs théoriciens parlent franchement: il s’agit de créer un environnement où les idées qu’ils réprouvent ne pourront plus s’exprimer. Il s’agit d’une violence sinon autorisée, à tout le moins tolérée par les pouvoirs publics, comme en témoigne Ngo, qui montre à quel point les activistes et émeutiers «antifas» sont rarement punis pour leurs actes, et sont même souvent relâchés lorsqu’ils sont pour un temps arrêtés. À Portland et à Seattle, ces dernières années, les «antifas» se sont emparés d’un morceau de territoire, décrétés ZAD libérée des États-Unis, et transformés en quelques jours en bidonvilles totalitaires. Les autorités municipales se montrèrent globalement tolérantes envers ceux qui occupaient des territoires de leurs villes. Les «antifas», jamais, ne risquent la dissolution. (…)Une étrange rumeur veut que les «antifas», derrière leurs cagoules, soient composés de jeunes gens issus de la bourgeoisie, qui iraient s’encanailler en jouant à la révolution. Le portrait est beaucoup plus complexe. Si on en trouve dans leurs rangs, ces derniers attirent surtout des jeunes esprits psychiquement troublés, socialement fragilisés, à la manière d’un lumpenprolétariat identitaire de la postmodernité. Ils trouvent dans l’engagement «antifa» une forme de rédemption révolutionnaire: dès lors qu’il enfile sa cagoule et défonce sa première vitrine, le jeune converti se sent promu dans l’avant-garde révolutionnaire. La mouvance «antifa» désinhibe les pulsions violentes refoulées par la civilisation, en plus de prétendre les ennoblir. Leurs théoriciens affichent leur dessein: il s’agit de terroriser leurs ennemis en les agressant, physiquement, s’il le faut, tout en présentant leurs actions comme des gestes d’autodéfense contre «l’extrême droite». En fait, ils se comportent comme une milice visant à créer un climat de terreur pour rendre impossible l’expression d’une dissidence contre l’idéologie diversitaire. (…) sans même en être conscients, ils servent l’air du temps, abattent ses ennemis, les molestent, un peu comme la SA de notre époque troublée. Mathieu Bock-Côté
La traite négrière ne fut pas l’apanage des Européens en Amérique ; les navigateurs arabes ont aussi contribué à l’effrayant commerce, laissant dans leur sillage de somptueux métissages musicaux, tarab de Zanzibar, chants nubiens d’Egypte ou fakirs errants indiens. Aussi beau que le blues, le jazz, la samba ou la salsa, nés également de l’esclavage, de l’autre côté de l’Atlantique. Télérama
Dangereuses et répétées, les élucubrations d’un Dieudonné, relatives aux rapports entre traite des Noirs et Shoah, suscitent un émoi justifié. Peut-être ne s’est-on pas suffisamment penché sur les raisons facilitant un tel détournement de l’histoire négrière. Pourquoi est-il apparemment si facile de dire n’importe quoi à propos de cet épisode si tragique de l’histoire de l’humanité ? La raison fondamentale réside dans le fait qu’il ne constitue toujours pas un véritable objet d’histoire. Aprement discutées à partir de la fin du XVIIIe siècle, à l’époque où abolitionnistes et négriers s’affrontaient, les traites négrières devinrent un enjeu politique avant même d’être érigées en objet historique. De cette époque demeure une tendance à ne les appréhender qu’à partir d’une approche morale. Le racisme, la colonisation, le tiers-mondisme, le fait que nombre de pays d’Afrique noire dérivent aujourd’hui aux marges lointaines du monde riche n’ont fait que renforcer l’approche moralisante. Au poncif raciste blanc – l’Occident civilisé face aux sauvages noirs – a succédé l’image tout aussi déformée de bourreaux uniquement blancs face à des Noirs uniquement victimes. Mais l’inversion ainsi opérée n’a nullement remis en cause la manière, essentiellement morale, d’appréhender les traites négrières. Dans l’affaire, les errements d’une certaine gauche tiers-mondiste ont été aussi préjudiciables que ceux de mouvements antérieurs, que certains qualifieraient aujourd’hui de « réactionnaires ». Analyser les traites du passé à travers le prisme d’une vision à la fois contemporaine et moralisante des rapports Nord-Sud est en effet tout aussi dangereux. Un piège dans lequel Yves Benot, qui nous a malheureusement quittés cette année, était tombé. Comparant certains de ses textes, on pourrait croire que les marchandises de la traite occidentale (en direction des Amériques) et celles de la traite orientale (en direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient) étaient assez comparables. Le jugement (c’en est un) auquel il aboutissait était pourtant complètement opposé. La traite occidentale était rangée dans la catégorie des échanges inégaux, et même complètement inégaux, la seconde ressortissait quasiment du type de l’échange équitable. Le danger d’une telle démarche est de comparer pour juger, et non pour comprendre, tâche du scientifique. Il est d’ouvrir la porte à une sorte de compétition dont l’objectif serait de déterminer quel trafic est le plus abominable, quelles souffrances sont les plus importantes, et, finalement, quels « responsables » sont à placer sur le banc des accusés. Avec l’affaire Dieudonné, nous sommes précisément dans la tentative d’établir une putative échelle de Richter des souffrances et des responsabilités, avec une sorte de « challenge » entre la tragédie négrière et celle de la Shoah. (…) Que faudrait-il faire pour éviter que des mensonges aussi grossiers que ceux de Dieudonné (car les juifs ne sont nullement « responsables » des traites négrières) puissent trouver un écho ? En premier lieu, il faudrait comprendre que ces traites ne renvoient pas seulement à une question de morale. Comprendre qu’il s’agit d’une histoire complexe, loin de tout manichéisme, constituerait également un grand progrès. (…) Ce qui permet de battre en brèche de nombreux clichés. Il en va ainsi de l’idée selon laquelle ces traites seraient entièrement solubles dans le fameux « trafic triangulaire » Afrique-Europe-Amériques. On sait maintenant que le premier port atlantique, en importance, fut Rio de Janeiro, et non Liverpool. Si les Portugais, les Anglais et les Français dominèrent la traite atlantique au XVIIIe siècle, ce fut le tour des Brésiliens au siècle suivant. Or, du Brésil à l’Afrique, et retour, il n’est aucun triangle. Au total, 11 millions d’Africains furent déportés vers les Amériques entre 1450 et 1867. Les traites orientales, elles, conduisirent à la déportation d’environ 17 millions de personnes (avec une marge d’erreur de plus ou moins 25 %) entre les années 650 et 1920. A quoi il faut ajouter les traites internes, destinées à alimenter en captifs les sociétés esclavagistes de l’Afrique noire précoloniale. On pense que 14 millions de personnes furent ainsi également déportées, toujours de 650 à 1920. Le fameux « trafic triangulaire » ne renvoie donc qu’à une partie de l’une des trois traites négrières de l’histoire. Complexité et nuances sont aussi de mise du côté des acteurs de ces traites, largement organisées sur le mode de l’échange, marchand ou tributaire. Au mythe d’esclaves razziés par les Européens doit se substituer l’idée d’un commerce entre négriers occidentaux, orientaux et noirs, chacun cherchant à trafiquer au mieux de ses intérêts. D’où l’inanité d’un autre poncif, celui de la « pacotille » relatif aux marchandises de traite. Ce terme est aujourd’hui synonyme de chose de faible valeur. Dans le passé, du côté occidental, il définissait un ensemble de produits, sans préjuger de leur valeur. Parmi ceux-ci, nombreux étaient relativement chers, comme les textiles. D’autres, apparemment insignifiants, comme les cauris, pouvaient jouer un rôle essentiel. Ces coquilles de gastéropodes furent massivement introduites en Afrique noire précoloniale où elles remplissaient un rôle d’équivalent monétaire. C’est aussi en fonction de leur valeur d’usage en Afrique noire que les marchandises de traite doivent être estimées. Dans l’affaire, les courtiers noirs n’étaient nullement des êtres naïfs acceptant de déporter des hommes contre des babioles, comme des racistes blancs du XIXe siècle ont pu souhaiter le faire croire. Jamais n’importe quelle marchandise ne pourra évidemment valoir la vie d’un seul homme. Mais se réduire à une perception morale des traites négrières, c’est se condamner à ne rien comprendre des logiques ayant permis leur essor. (…) Il est aussi important de saisir que les Occidentaux, Orientaux ou Africains d’aujourd’hui ne sont nullement responsables des crimes commis par quelques-uns de leurs ancêtres, et qu’il ne sert à rien de monter certaines communautés les unes contre les autres. Comme l’écrivait Edouard Glissant, à propos de l’esclavage, le travail de mémoire ne doit pas conduire au ressassement du passé. C’est à une mémoire-dépassement de ce passé qu’il faut œuvrer.  Olivier Pétré-Grenouilleau
Jusqu’ici – mais la vulgate perdure – les synthèses à propos de l’Afrique se limitaient ordinairement à une seule traite: la traite européenne atlantique entre l’Afrique et les Amériques, du XVe siècle à la première partie du XIXe siècle. En fait, jusqu’à la seconde moitié de ce siècle puisque l’abolition ne met pas fin à la traite qui se poursuit illégalement. Or, le trafic ne s’est borné ni à ces quatre siècles convenus ni à l’Atlantique. La traite des Africains noirs a été pratiquée dans l’Antiquité et au Moyen Age; elle s’est prolongée jusqu’au XXe siècle et se manifeste encore sous divers avatars en ce début de XXIe siècle; elle s’est étendue à l’océan indien et au-delà; elle a été le fait non seulement des Européens, mais des Arabes et des Africains eux-mêmes. Pourtant, le programme de « La Route de l’esclave », élaboré par l’UNESCO et qui visait à briser le silence historique et scientifique observé sur la traite, véhicule, pour des raisons idéologiques (sous la pression des représentants du monde et des états africains), les mêmes distorsions. En effet, l’emploi du singulier (« La Route ») exclut de la reconnaissance et de la construction mémorielle aussi bien la traite interne à l’Afrique, la plus occultée, que les routes transsaharienne et orientale et montre à quel point l’histoire des traites est aujourd’hui un enjeu politique, en raison principalement des réparations que seul le Nord, parmi les régions impliquées, se devrait de verser. Roger Botte
The academy is a different place today than it was only a year ago and was different a year ago than it was five years before. Terror and dread fill academic workers, professors, and staff alike, and it is everywhere. (…) These two sentiments, dread married to virtue, constitute to my mind the affective embodiment of progressive ideology prevalent among white liberals as developed in its most privileged space: academia. They are typical. They are two faces of the same coin: flip and you see dread, flip again and you see virtue. (…) Progressive liberals are blind to the fact that there is a regime take-over apace everywhere in academic institutions. A new ruling elite is taking over academic institutions by using its “minority status” to exercise a “soft” coup and is appealing to the minoritarianism of progressive ideology to legitimize its coup—or, if you like, to “manufacture consent.” I will call the adherents of this ideology the “progressoriat.” The reason that challenging any aspect of this dominant ideology is taboo is because it leaves you vulnerable to the charge that you are uncomfortable with the project of empowering minorities—not just the transfers of power from traditional elites to historically disadvantaged groups that has already begun to take place in the academy, but further transfers of power. The only acceptable response when confronted by any aspect of the ideology that has facilitated this coup is to enthusiastically endorse it—to celebrate it. If you’re not a minority, anything less risks being interpreted as dread at the prospect of your own imminent loss of status—or, if you are, as evidence that your soul has been “colonized” by white supremacists. As I said, virtue as the other side of dread. The position of the progressoriat in relation to this coup is akin to that of communist activists in relation to a communist takeover. At first they see it as representing what they always fought for; then with time they find themselves having to decide whether its first atrocity is to be criticized or understood as necessary; then, when the next atrocity takes place, they feel they must tolerate it because they didn’t object to the first atrocity and, before long, a time comes when any objection can only be made at a huge cost to themselves. The unfolding history of the new coup is being written every day across the domain of academic institutions in the US as the progressoriat watch muffled, hesitant objecting in private, and then, when someone makes their reservations public, finding themselves at risk of being suspended or losing their jobs. The new elite taking over academic institutions has at its disposal an arsenal of tools to perpetuate its rule. It not only postures as representative of others in the way communists did—the “intelligentsia” representing the worker or the peasant in the latter’s case and representing victim groups in the former’s. The new elite can also represent itself as victims, an opportunity even communists would have baulked at. Members of the new elite have no hesitation at weaponizing their feelings, silencing opponents by claiming they’ve offended them. And, of course, such claims are readily accepted by the progressoriat because of their acceptance that minorities are necessarily oppressed. In this way, the new power elite can present itself as being victims, as well as representing victims. In other words, it has the power to make itself The Cause. This is why the insistence on the ubiquity of unconscious bias is important: it allows the new elite to consolidate their status by continually self-referencing as victims. Bias being everywhere means that the new ruling class, in spite of having seized power, can continue to present themselves as being oppressed. By constantly claiming to be offended, triggering Pavlovian apologies and vows to “do better” from the progressoriat, who appear to have endless reservoirs of self-abnegation, the new elite establishes rituals that renew its rule and solicit ongoing consent to this rule. The ranks of this new ruling class are refreshed by immigrant academics who come to understand themselves in the way progressivism understands them: as minorities who can also act victim-like if they want—a precious endowment in the cultural academic market. Intersectionality awaits to welcome them and give them a warm hug. They can be treated on principle as black-adjacent. To do that, they quickly learn that they have to concede leadership to their black colleagues as having the greatest claim to victimhood. If they don’t play the victim card, they throw away valuable currency when it comes to shinning up the academy’s greasy pole. A colleague of mine commented that I was wasting precious victimhood resources by refusing to sign the statement by non black faculty: Muslim, Palestinian, woman, dadidadida. This is the cleverness of minoritarian rule: a coalition of minorities that, collectively, form a majority but that is nevertheless always able to invoke its minoritatian status to preserve its power. Power is presented as the absence of power to preserve actual power. The progressoriat are unable to talk about their impending demise because they have already used their own institutional power over decades to drive away conservatives. They turned their academic institution into a partisan echo chamber. Residing in an echo chamber only increases your moral certitude. Now they are being given a taste of their own brutal medicine. Meantime, the new elite is acting ruthlessly and impatiently and is only happy with declarations of complete submission. Any sign of hesitation on the part of a signatory—”Maybe we should talk about free speech too?”—is met with expressions of exasperation by the all-powerful members of the victim minority faculty. No hesitation or nuance is allowed: nothing but unequivocal loyalty oaths. The progressoriat can only repeat, “I believe in the cause. I believe. I believe. Believe me I believe.” If this echoes a Maoist take-over, that’s because it is. It passes the sniff test. Student activists sniffing a transfer of power are pushing it as far as they can, understanding it as part of a general generational take-over of elite institutions. Today’s students show little interest in free speech and appear more interested in moral point-scoring, especially graduate students. Polls show young academics pumped up more on moral steroids than intellectual ones. Why stop when you are winning? The situation is in flux which opens the door for moral entrepreneurs to up the ante. Some enterprising students at Georgetown Law complained to Slate magazine that the dean allowed the Federalist Society to host an event on a multi-racial working class by “three white men.” Moral entrepreneurship means that what it is to be racist is being redefined daily with someone’s demise—an ongoing post-fact articulation of the definition of “bias”—and why not declare conservatism racist while you’re at it? The new elite in academia is part of a more general phenomenon of the rise of the technocrats who have found a home in the Democratic Party so that academic institutions, who produce these technocrats, are now the direct and unmediated suppliers of a political class whose educated credentials are its claim to rule. Academia has not only become without rival the incubating center of ruling class entitlement—and acts as a result as an extended arm of the Democratic Party—but it has also refashioned itself after the party. Like the latter, the academy acts like a council of elders managing various ethnic tribes residing under its jurisdiction. Note the rush to get out a statement when a minority group has been under assault: a group of sex workers are shot by a sex addict and the President of Harvard rushes out a statement opposing anti-Asian racism (and blaming Trump) because the killer was white and the victims Asians. So did Biden. Technocrats of virtue responding to lobbies of virtue. The rise of the technocrat is itself reflective of the shift in US liberalism to diversity liberalism. Global capital disenfranchised the white working class by moving its investments overseas and replacing it with a diverse workforce recruited globally through lax enforcement of immigration rules. Technocratic managerialism armed with diversity liberalism is the way global capital rules. Because the white working class has lost power in the process it has to be continually depicted as having earned its demise. It has earned it by being morally compromised: in Hillary Clinton’s words, “the basket of deplorables.” Black elites coming to power as part of this shift feel comfortable exercising class dominance by deriding the white working class as racist. The continual invocation of the storming of the capitol as an expression of white supremacy is par for the course. In Bobos In Paradise: The New Upper Class and How They Got there (2000), David Brooks describes the displacement of the WASPs as the dominant ethnic group in the US with the introduction in the early 60s of “merit” as the primary criterion of admission to universities, especially the Ivies. The new criterion was introduced by WASPs themselves, thus paving the way to their own demise and conceding power to a new emergent group that found its own flourishing within “merit”: the high-performing Jew. This led, a generation later, according to Brooks, to the rise of the Bobos (the bourgeois bohemians) as the new cultural and economic elite. They were bourgeois because they had acquired great riches given the demand for educated labor in the new global economy they had helped create—but they were also bohemian because they imbibed the modernist progressivist values of their Ivy League professors. In other words, like their predecessors, they laid the groundwork for their own destruction by embracing the ideology that evolved into the identity politics of the 90s. The academic Bobos are now being displaced. Like the WASPs before them, they have written the script of their own demise—in their case, through a dedicated investment in the rise of the minority academic. The progressive ideology they subscribed to left them with no tools to resist their impending fall. What should we call the new elite? The Bobus—the bourgeois bureaucrats? They are bourgeois because they’ve benefitted from the rise in demand for their representative labor in the market of diversity liberalism; and bureaucratic because they have devised the rules enshrining various speech codes and policies that buttress their power. The bohemian questioning of conventional morality, and the drive for experimentation, have been replaced by the stern bureaucrat enforcing a new morality, with its demand for penance for past sins. When I protested to the faculty diversity trainer, a law professor from the West Coast, that the real minority at Georgetown Law are the conservative students who have been telling me about how isolated and beleaguered they feel, especially with the flood of emails from the administration when Trump was in office denouncing racism, without defining what it is or indeed giving a single account of a racist incident, she quipped, “They don’t have to be at Georgetown. They can go to Notre Dame! Lama Abu Odeh
Quand cet incident a eu lieu, mes étudiants voulaient en parler, certains ont demandé pourquoi cette enseignante avait été contrainte à la démission. Je leur ai dit que notre conversation était enregistrée, et qu’il fallait faire attention, que nous sommes dans une société où l’on doit prendre garde à ce que l’on dit, et que j’étais désolée de cet état de choses. Les professeurs ne sont pas protégés par la direction de l’université. Un incident comme celui de Georgetown est un message adressé à chaque professeur: voici ce qui peut vous arriver si vous dites ce qu’il ne faut pas. Et une fois que vous serez qualifié de raciste, personne ne vous soutiendra. Tout le monde dans les universités est terrifié. Toute votre existence professionnelle est entre leurs mains, votre carrière peut s’arrêter du jour au lendemain, vous pouvez tout perdre. Lama Abu-Odeh (professeur de droit à Georgetown)
C’est une nouvelle élite dirigeante qui s’empare des institutions universitaires en utilisant son statut de minorité contre laquelle les libéraux progressistes sont impuissants à lutter, même quand leurs principes fondamentaux sont foulés aux pieds. Un de mes collègues a fait remarquer que je gaspillais de précieuses ressources de victimisation en refusant de signer la déclaration des professeurs non noirs en tant que musulmane, palestinienne, femme, blablabla. C’est là toute l’ingéniosité du régime minoritaire: une coalition de minorités qui, collectivement, forment une majorité, mais qui est néanmoins toujours en mesure d’invoquer son statut de minorité pour préserver son pouvoir. Le pouvoir est présenté comme l’absence de pouvoir pour préserver le pouvoir réel. Lama Abu-Odeh (professeur de droit à Georgetown)
Ces nouveaux militants ne ressemblent pas aux activistes traditionnels, tel que je l’étais moi-même comme étudiant, quand je militais pour l’égalité des droits ou en faveur de la paix. Ce mouvement s’attaque à des individus. Ses mécanismes sont ceux des persécuteurs. Je ne vois rien de progressiste là-dedans. Les réseaux sociaux ont un effet accélérateur et ils renforcent une mentalité de meute: la foule est anonyme. Ils ne demandent pas non plus beaucoup d’énergie: ces prétendus activistes restent chez eux derrière leur écran. Parce qu’on a posté quelque chose sur internet, on a l’impression d’avoir agi dans la réalité. Mais c’est aussi redoutablement efficace: les gens sont contraints au silence. Un professeur qui perd son poste, et ce sont des centaines qui se taisent. Dans les universités, les gens ont peur, le pouvoir appartient à ceux qui crient le plus fort. Ce qui me trouble le plus, c’est que ce mouvement possède des caractéristiques quasi religieuses et absolutistes. Il n’y a pas de pardon ni de rédemption, juste la damnation. Paul reste Saul et Marie-Madeleine reste une prostituée pour l’éternité. Et le mouvement n’en est qu’à ses débuts. Daniel Kovalik (université de Pittsburgh)
Si on écoute comment des jeunes se parlent entre eux, même très jeunes, justement souvent ceux issus de l’immigration, ils s’interpellent sur le mode de l’assignation identitaire. « Le « rebeu » pour l’arabe, « le renoi » pour le noir, lorsque ce n’est pas « le negro », le « céfran » pour le Français, le « feuj » pour le juif, etc. On prend cela avec légèreté, un côté rigolade, telle la culture banale des quartiers, mais cela peut être très violent. En réalité, il y a là une tendance à renvoyer chacun à ses origines, à la couleur, à la nationalité ou à la religion des uns et des autres. Et cela n’est pas sans conséquence. Il suffit d’aller sur un Forum comme celui, féminin, dédié au mariage entre « arabe et noir » pour s’en rendre compte, voir les dégâts bien réels de ces assignations, qui expriment des fonctionnements communautaires et même communautaristes puissants, interdisant le mélange. (…) Il y a ainsi de nombreux témoignages qui s’enchaînent, avec des échanges qui révèlent très bien certaines fractures de notre société, qui à ne pas être mises en lumière se perpétuent sur notre territoire, avec des situations hors droit, discriminatoires qui peuvent être terribles, et devraient être dénoncées et combattues comme intolérables. « T’es arabe et tu sors avec une Noire ? T’as pété les plombs ! » titrait une courte enquête sur le sujet de l’Obs, qui développait : « Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l’intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation. » Les choses se précisent dans les témoignages : « « Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s’apprécient. Mais la limite, c’est l’amitié. Un mariage, c’est niet. Chacun à sa place. » Ou encore, sous un jour plus cru : « Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l’autre. Genre un Noir est mieux qu’un Arabe ou l’inverse, qu’un Algérien est mieux qu’un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d’une religion ou d’une couleur de peau. » On nous dit encore que les uns et les autres « ne sont pas disposés à accepter le métissage » et même que « Si elle ne ramène pas quelqu’un à la maison, j’ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. » Cela laissant supposer le risque d’un mariage forcé, en reflet d’une Mission à l’égalité de la Région Ile de France qui a pu à un moment alerter sur la recrudescence de ce type de pratique. Mesure-t-on bien ce que cela signifie de rupture avec un mode de vie, une liberté qui en France aujourd’hui est fondée sur l’autonomie de la personne ? La rupture avec le processus d’intégration que cela signifie ? Et ce que cela indique comme enjeu concernant la maîtrise des flux migratoires, afin de créer les conditions d’une intégration réussie de ceux qui arrivent sur notre sol ? Ce qui donc exige le respect de nos valeurs et principes républicains, hors de quoi nous ne pouvons aller que vers de graves difficultés. (…) Nous sommes dans une situation où la question du racisme et des discriminations est dominée par l’idéologie de groupuscules tels que les indigènes de la République et autres décoloniaux, qui s’auto-assignent au statut de racisés, militent pour un séparatisme selon les différences largement relayé par bien des élites médiatiques acquises au modèle anglo-saxon du multiculturalisme. Selon cette idéologie, le racisme ou les discriminations ne pourraient s’appliquer qu’au regard de rapports de domination hérités, reproduits, en droite ligne du colonialisme ou encore, de l’esclavage, et donc, impliquant la seule responsabilité des blancs. Cette vision fantasmatique, qui sert les dessins d’un véritable projet politique, élude la question de la lutte universelle contre tout sentiment raciste, d’où qu’il vienne. On n’est pas sérieux sur ce sujet, à mettre en accusation permanente l’Etat républicain d’un racisme systémique sous l’influence de l’affaire George Floyd, comme s’y était aussi égaré l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, pendant que dans l’ombre de ces logiques communautaires des discriminations massives s’opèrent. La République n’a jamais toléré sous sa bannière ni l’esclavage ni la traite (Première abolition 1794, Première République, seconde abolition définitive 1848, Seconde République). Comme l’historien Marc Ferro le voyait dans son ouvrage majeur « le livre noir du colonialisme », qui nous a malheureusement récemment quitté, bien des altermondialistes qui n’hésitent pas à dénoncer la traite occidentale détournent le regard lorsqu’il est question de la même pratique dans l’histoire du monde arabo-musulman. Une certaine gauche ne s’en sort pas. N’oublions pas que derrière cela, il y a aussi une bonne dose de tension avec notre société, et des risques de radicalisation régulièrement soulignés par les enquêtes menées sur le sujet, indiquant que le communautarisme en est le terreau principal. Comment ne pourrait-il pas y avoir risque d’affrontement avec une partie de notre société, alors que des pratiques traditionnelles ou religieuses qui lui sont totalement contraires ne sont pas nommées, et donc, pas contrées, corrigées. Il faut ici sortir du déni, et cela devient de plus en plus urgent et vital. La loi « contre le séparatisme » rebaptisée « confortant le respect des principes républicains », prévoit bien l’interdiction des certificats de virginité délivrés par des professionnels de santé, ce qui est une bonne chose, précédant souvent des mariages arrangés voire forcés. Mais cela ne saurait suffire pour s’attaquer réellement à des systèmes organisés qui ne disent pas leur nom. Curieusement, certains articles sur l’événement, s’ils rendent compte du caractère raciste des faits, c’est sans donner l’information que l’individu qui a agressé le livreur parce qu’il était noir, s’est réclamé d’être algérien. Ce qui n’est pourtant pas banal et souligne un enjeu intercommunautaire qui ainsi risque de passer sous les radars. Le racisme n’est pas une opinion !», a réagi Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et la Licra s’est mise sur le dossier, tout en dénonçant cet acte odieux. (…) Dans l’enquête de l’Obs sur ce refus du métissage entre « communautés », à travers le refus de l’union entre descendants d’immigrés souvent français nés sur le sol de France, comme entre personnes noires et arabes, un témoignage vient souligner un aspect laissé dans l’ombre de l’histoire : « Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l’Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l’esclavage. » Il se trouve précisément, que lors de l’agression du livreur, celui-ci aurait été pris à parti par l’auteur se présentant comme algérien, selon un témoin, comme suit : « Il l’a traité d’esclave. » et plus encore « pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail » Une référence récurrente. On oublie un peu vite que l’esclavage et la traite d’origine arabo-musulmane furent considérables sur une très longue période, et que cela peut rester très ancré dans des rapports des uns envers les autres, dont l’héritage a du mal de toute évidence à évoluer. Un aspect de l’histoire qui d’ailleurs est rayé de la connaissance commune, à la faveur d’une loi dite Taubira qui a qualifié de « crime contre l’humanité » la traite et l’esclavage d’origine occidentale (environ 11 millions d’êtres humains), mais rien sur les autres traites, que ce soit celle exercée entre tribus africaines (environ 14 millions) ou encore celle propre à la domination arabo-musulmane de l’Afrique pendant des siècles (environ 17 millions). Il est évident que tant que l’on occultera l’histoire pour de très mauvaises raisons politiques sinon au nom d’on ne sait quelle mauvaise conscience, certains comportements, certaines traditions d’un autre âge, perdureront. Faire un véritable travail de prévention passe ici par l’école, l’éducation. Ce qu’il faut, c’est lever les tabous dans ce domaine, en enseignant l’esclavage et la traite, comme un phénomène historique qui a traversé bien des sociétés, mais qui n’a pas été aboli partout, et que seuls les régimes démocratiques en protègent, en en interdisant le retour. Cela passe par en finir avec ce relativisme culturel qui s’appuie sur l’idée de la reconnaissance de la « diversité » comme sacrée, désignée comme nouvelle dimension fondamentale des droits humains, de façon abstraite, pour mettre toutes les sociétés sur le même plan. Guylain Chevrier

Attention: un racisme systémique peut en cacher un autre !

A l’heure où s’installent dans les espaces jusqu’ici feutrés et privilégiés des universités américaines …

Dignes des plus belles années du bolchévisme ou de la révolution culturelle chinoise …

Sous couvert d’une  ingénieuse coalition de minorités qui finissent, tout en invoquant constamment leur statut de minorité, par faire majorité …

Rien de moins qu’une police de la pensée et le plus pervers des terrorismes intellectuels…

Appuyés à l’occasion, entre antifas et Black Lives Matter, par leurs véritables sections d’assaut

Maintenant les professeurs, entre séances publiques d’auto-critique et crainte de perdre leur poste, dans une sorte de déni permanent …

Au seul motif, en une sorte de racisme inversé, de leur seule couleur de peau trop claire …

Marque indélébile et inexpiable de leur racisme systémique …

Et au lendemain d’une énième agression du Hamas contre les civils israéliens

Qui à nouveau a montré ce que peut produire sur le terrain et dans le monde réel …

Entre pluie de missiles, pogroms et montée de l’antisémitisme …

A Gaza ou Haifa comme à New York ou Paris …

Véritable « blacklivesmatterisation » de ce conflit comme de tous les autres …
La grille racialiste blancs oppresseurs/colorés opprimés reprise sans aucune discrimination par la nouvelle Administration Biden et ses laquais médiatiques

Faisant passer l’Etat d’Israël de la réconciliation historique avec le Monde arabe, que lui avaient valu les Accords d’Abraham de Trump,  à la plus vile condamnation en Occident

Quelle meilleure démonstration plus près de chez nous à Cergy …

Après en plein Paris hier à une procession catholique agressée par une bande d’antifas
De l’ineptie, qui s’impose progressivement partout, de cette nouvelle doxa du seul racisme systémique blanc …
Que ce rare accès de vérité, derrière la furie du moment, de cet employé de restaurant algérien revendiqué …
Rappelant, par le geste et la parole, à un livreur africain …
A la fois la réalité, ordinairement niée, des 800 ans d’esclavage que ses ancêtres arabes revendiqués avaient imposés aux ascendants de celui-ci …
Et dans les coups mêmes qu’il lui infligeait, tout le racisme lui aussi souvent nié
Que, loin des ouvrages savants et des caméras de télévision, cette histoire pouvait encore charrier …
Dans nombre des échanges entre les différentes communautés de ces quartiers dits « sensibles » ?
Les insultes racistes proférées à Cergy par un homme se décrivant comme algérien à l’encontre d’un livreur noir ont été largement reprises sur les réseaux sociaux.
Guylain Chevrier
Atlantico
1er juin 2021
Atlantico : Les insultes racistes proférées à Cergy par un homme se décrivant comme algérien à l’encontre d’un livreur noir qu’il a violemment agressé, ont été largement reprises sur les réseaux sociaux. Un cas révélateur d’une situation réelle mais qui semble peu évoquée dans les médias. Au-delà de cette affaire, le racisme intercommunautaire est-il important dans la société française ? Où et dans quelle mesure le trouve-t-on ?
Guylain Chevrier : Si on écoute comment des jeunes se parlent entre eux, même très jeunes, justement souvent ceux issus de l’immigration, ils s’interpellent sur le mode de l’assignation identitaire. « Le « rebeu » pour l’arabe, « le renoi » pour le noir, lorsque ce n’est pas « le negro », le « céfran » pour le Français, le « feuj » pour le juif, etc. On prend cela avec légèreté, un côté rigolade, telle la culture banale des quartiers, mais cela peut être très violent. En réalité, il y a là une tendance à renvoyer chacun à ses origines, à la couleur, à la nationalité ou à la religion des uns et des autres. Et cela n’est pas sans conséquence. Il suffit d’aller sur un Forum comme celui, féminin, dédié au mariage entre « arabe et noir » pour s’en rendre compte, voir les dégâts bien réels de ces assignations, qui expriment des fonctionnements communautaires et même communautaristes puissants, interdisant le mélange.
Extrait « Salem, je suis musulmane d’origine algérienne et sa fait 5 ans que je suis avec un musulman d’origine malienne. Notre histoire est très sincère et sérieuse, nous voulons faire notre vie ensemble mais le souci est que mon père n’accepte pas que je puisse me marier avec un noir, je compte faire le mariage religieux en prenant l’imam comme tuteur (c’est autoriser en cas de refus de la part du ‘vrai’ tuteur) mais sans la bénédiction de mon père c’est dur, il ne veut plus me parler ainsi que ma famille et je le vis mal… » Il y a ainsi de nombreux témoignages qui s’enchaînent, avec des échanges qui révèlent très bien certaines fractures de notre société, qui à ne pas être mises en lumière se perpétuent sur notre territoire, avec des situations hors droit, discriminatoires qui peuvent être terribles, et devraient être dénoncées et combattues comme intolérables.
« T’es arabe et tu sors avec une Noire ? T’as pété les plombs ! » titrait une courte enquête sur le sujet de l’Obs, qui développait : « Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l’intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation. » Les choses se précisent dans les témoignages : « « Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s’apprécient. Mais la limite, c’est l’amitié. Un mariage, c’est niet. Chacun à sa place. » Ou encore, sous un jour plus cru : « Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l’autre. Genre un Noir est mieux qu’un Arabe ou l’inverse, qu’un Algérien est mieux qu’un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d’une religion ou d’une couleur de peau. » On nous dit encore que les uns et les autres « ne sont pas disposés à accepter le métissage » et même que « Si elle ne ramène pas quelqu’un à la maison, j’ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. » Cela laissant supposer le risque d’un mariage forcé, en reflet d’une Mission à l’égalité de la Région Ile de France qui a pu à un moment alerter sur la recrudescence de ce type de pratique.
Mesure-t-on bien ce que cela signifie de rupture avec un mode de vie, une liberté qui en France aujourd’hui est fondée sur l’autonomie de la personne ? La rupture avec le processus d’intégration que cela signifie ? Et ce que cela indique comme enjeu concernant la maîtrise des flux migratoires, afin de créer les conditions d’une intégration réussie de ceux qui arrivent sur notre sol ? Ce qui donc exige le respect de nos valeurs et principes républicains, hors de quoi nous ne pouvons aller que vers de graves difficultés.
Ce sujet demeure-t-il encore tabou ? S’il est admis de faire des recherches sur le racisme dans la société française, n’est-il pas difficile d’évoquer des cas de racisme entre des communautés décrites par une certaine gauche comme des minorités dominées ?
Nous sommes dans une situation où la question du racisme et des discriminations est dominée par l’idéologie de groupuscules tels que les indigènes de la République et autres décoloniaux, qui s’autoassignent au statut de racisés, militent pour un séparatisme selon les différences largement relayé par bien des élites médiatiques acquises au modèle anglo-saxon du multiculturalisme. Selon cette idéologie, le racisme ou les discriminations ne pourraient s’appliquer qu’au regard de rapports de domination hérités, reproduits, en droite ligne du colonialisme ou encore, de l’esclavage, et donc, impliquant la seule responsabilité des blancs. Cette vision fantasmatique, qui sert les dessins d’un véritable projet politique, élude la question de la lutte universelle contre tout sentiment raciste, d’où qu’il vienne.
On n’est pas sérieux sur ce sujet, à mettre en accusation permanente l’Etat républicain d’un racisme systémique sous l’influence de l’affaire Georges Floyd, comme s’y était aussi égaré l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, pendant que dans l’ombre de ces logiques communautaires des discriminations massives s’opèrent. La République n’a jamais toléré sous sa bannière ni l’esclavage ni la traite (Première abolition 1794, Première République, seconde abolition définitive 1848, Seconde République). Comme l’historien Marc Ferro le voyait dans son ouvrage majeur « le livre noir du colonialisme », qui nous a malheureusement récemment quitté, bien des altermondialistes qui n’hésitent pas à dénoncer la traite occidentale détournent le regard lorsqu’il est question de la même pratique dans l’histoire du monde arabo-musulman. Une certaine gauche ne s’en sort pas.
N’oublions pas que derrière cela, il y a aussi une bonne dose de tension avec notre société, et des risques de radicalisation régulièrement soulignés par les enquêtes menées sur le sujet, indiquant que le communautarisme en est le terreau principal. Comment ne pourrait-il pas y avoir risque d’affrontement avec une partie de notre société, alors que des pratiques traditionnelles ou religieuses qui lui sont totalement contraires ne sont pas nommées, et donc, pas contrées, corrigées. Il faut ici sortir du déni, et cela devient de plus en plus urgent et vital. La loi « contre le séparatisme » rebaptisée « confortant le respect des principes républicains », prévoit bien l’interdiction des certificats de virginité délivrés par des professionnels de santé, ce qui est une bonne chose, précédant souvent des mariages arrangés voire forcés. Mais cela ne saurait suffire pour s’attaquer réellement à des systèmes organisés qui ne disent pas leur nom.
Curieusement, certains articles sur l’événement, s’ils rendent compte du caractère raciste des faits, c’est sans donner l’information que l’individu qui a agressé le livreur parce qu’il était noir, s’est réclamé d’être algérien. Ce qui n’est pourtant pas banal et souligne un enjeu intercommunautaire qui ainsi risque de passer sous les radars. Le racisme n’est pas une opinion !», a réagi Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et la Licra s’est mise sur le dossier, tout en dénonçant cet acte odieux.
Ce racisme est-il toujours lié à une réalité historique sur laquelle un travail de fond doit être fait ?
Dans l’enquête de l’Obs sur ce refus du métissage entre « communautés », à travers le refus de l’union entre descendants d’immigrés souvent français nés sur le sol de France, comme entre personnes noires et arabes, un témoignage vient souligner un aspect laissé dans l’ombre de l’histoire : « Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l’Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l’esclavage. » Il se trouve précisément, que lors de l’agression du livreur, celui-ci aurait été pris à parti par l’auteur se présentant comme algérien, selon un témoin, comme suit : « Il l’a traité d’esclave. » et plus encore « pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail » Une référence récurrente. On oublie un peu vite que l’esclavage et la traite d’origine arabo-musulmane furent considérables sur une très longue période, et que cela peut rester très ancré dans des rapports des uns envers les autres, dont l’héritage a du mal de toute évidence à évoluer. Un aspect de l’histoire qui d’ailleurs est rayé de la connaissance commune, à la faveur d’une loi dite Taubira qui a qualifié de « crime contre l’humanité » la traite et l’esclavage d’origine occidentale (environ 11 millions d’êtres humains), mais rien sur les autres traites, que ce soit celle exercée entre tribus africaines (environ 14 millions) ou encore celle propre à la domination arabo-musulmane de l’Afrique pendant des siècles (environ 17 millions). Il est évident que tant que l’on occultera l’histoire pour de très mauvaises raisons politiques sinon au nom d’on ne sait quelle mauvaise conscience, certains comportements, certaines traditions d’un autre âge, perdureront.
Faire un véritable travail de prévention passe ici par l’école, l’éducation. Ce qu’il faut, c’est lever les tabous dans ce domaine, en enseignant l’esclavage et la traite, comme un phénomène historique qui a traversé bien des sociétés, mais qui n’a pas été aboli partout, et que seuls les régimes démocratiques en protègent, en en interdisant le retour. Cela passe par en finir avec ce relativisme culturel qui s’appuie sur l’idée de la reconnaissance de la « diversité » comme sacrée, désignée comme nouvelle dimension fondamentale des droits humains, de façon abstraite, pour mettre toutes les sociétés sur le même plan. Ce dont il découle que considérer que telle société est moins développée qu’une autre en raison d’une forte fécondité liée à des croyances religieuses ou à la polygamie, pratiques appauvrissant la population, ce serait du racisme. C’est absurde. Ne pas vouloir le voir c’est laisser se reproduire certains aspects néfastes des cultures dont certaines traditions derrière le mot diversité qui cache des régressions que l’on ne prévient ainsi pas. C’est seulement lorsque l’on se considère comme des égaux que l’on peut se mélanger et donc, entre individus de droit et non, si on se considère d’abord comme relevant de telle ou telle prédestination identitaire. C’est même la meilleure arme contre le racisme. L’ONU elle-même qui défend bien plus les droits des minorités que l’égalité des droits a aussi ici ses responsabilités.
On doit mettre la conquête de l’égalité des droits et les responsabilités qu’elle engage, au titre des devoirs communs, au sommet de nos valeurs, comme acquis fondamental, bien universel devant l’histoire ! Voilà ce qui devrait pouvoir dessiner un destin commun à l’humanité par-delà les différences. Peut-être alors, pourrons-nous déjouer ces logiques préjudiciables pour la vie de bien des individus, ainsi que pour notre nation et plus généralement pour l’émancipation de tous, et espérer que le monde puisse devenir celui de citoyens libres et responsables.
« Si on écoute comment des jeunes se parlent entre eux, même très jeunes, justement souvent ceux issus de l’immigration, ils s’interpellent sur le mode de l’assignation identitaire. « Le « rebeu » pour l’arabe, « le renoi » pour le noir, lorsque ce n’est pas « le negro », le « céfran » pour le Français, le « feuj » pour le juif, etc. On prend cela avec légèreté, un côté rigolade, telle la culture banale des quartiers, mais cela peut être très violent. En réalité, il y a là une tendance à renvoyer chacun à ses origines, à la couleur, à la nationalité ou à la religion des uns et des autres. Et cela n’est pas sans conséquence. Il suffit d’aller sur un Forum comme celui, féminin, dédié au mariage entre « arabe et noir » pour s’en rendre compte, voir les dégâts bien réels de ces assignations, qui expriment des fonctionnements communautaires et même communautaristes puissants, interdisant le mélange. (…) Il y a ainsi de nombreux témoignages qui s’enchaînent, avec des échanges qui révèlent très bien certaines fractures de notre société, qui à ne pas être mises en lumière se perpétuent sur notre territoire, avec des situations hors droit, discriminatoires qui peuvent être terribles, et devraient être dénoncées et combattues comme intolérables. « T’es arabe et tu sors avec une Noire ? T’as pété les plombs ! » titrait une courte enquête sur le sujet de l’Obs, qui développait : « Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l’intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation. » Les choses se précisent dans les témoignages : « « Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s’apprécient. Mais la limite, c’est l’amitié. Un mariage, c’est niet. Chacun à sa place. » Ou encore, sous un jour plus cru : « Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l’autre. Genre un Noir est mieux qu’un Arabe ou l’inverse, qu’un Algérien est mieux qu’un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d’une religion ou d’une couleur de peau. » On nous dit encore que les uns et les autres « ne sont pas disposés à accepter le métissage » et même que « Si elle ne ramène pas quelqu’un à la maison, j’ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. » Cela laissant supposer le risque d’un mariage forcé, en reflet d’une Mission à l’égalité de la Région Ile de France qui a pu à un moment alerter sur la recrudescence de ce type de pratique. Mesure-t-on bien ce que cela signifie de rupture avec un mode de vie, une liberté qui en France aujourd’hui est fondée sur l’autonomie de la personne ? La rupture avec le processus d’intégration que cela signifie ? Et ce que cela indique comme enjeu concernant la maîtrise des flux migratoires, afin de créer les conditions d’une intégration réussie de ceux qui arrivent sur notre sol ? Ce qui donc exige le respect de nos valeurs et principes républicains, hors de quoi nous ne pouvons aller que vers de graves difficultés. (…) Nous sommes dans une situation où la question du racisme et des discriminations est dominée par l’idéologie de groupuscules tels que les indigènes de la République et autres décoloniaux, qui s’autoassignent au statut de racisés, militent pour un séparatisme selon les différences largement relayé par bien des élites médiatiques acquises au modèle anglo-saxon du multiculturalisme. Selon cette idéologie, le racisme ou les discriminations ne pourraient s’appliquer qu’au regard de rapports de domination hérités, reproduits, en droite ligne du colonialisme ou encore, de l’esclavage, et donc, impliquant la seule responsabilité des blancs. Cette vision fantasmatique, qui sert les dessins d’un véritable projet politique, élude la question de la lutte universelle contre tout sentiment raciste, d’où qu’il vienne. On n’est pas sérieux sur ce sujet, à mettre en accusation permanente l’Etat républicain d’un racisme systémique sous l’influence de l’affaire George Floyd, comme s’y était aussi égaré l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, pendant que dans l’ombre de ces logiques communautaires des discriminations massives s’opèrent. La République n’a jamais toléré sous sa bannière ni l’esclavage ni la traite (Première abolition 1794, Première République, seconde abolition définitive 1848, Seconde République). Comme l’historien Marc Ferro le voyait dans son ouvrage majeur « le livre noir du colonialisme », qui nous a malheureusement récemment quitté, bien des altermondialistes qui n’hésitent pas à dénoncer la traite occidentale détournent le regard lorsqu’il est question de la même pratique dans l’histoire du monde arabo-musulman. Une certaine gauche ne s’en sort pas. N’oublions pas que derrière cela, il y a aussi une bonne dose de tension avec notre société, et des risques de radicalisation régulièrement soulignés par les enquêtes menées sur le sujet, indiquant que le communautarisme en est le terreau principal. Comment ne pourrait-il pas y avoir risque d’affrontement avec une partie de notre société, alors que des pratiques traditionnelles ou religieuses qui lui sont totalement contraires ne sont pas nommées, et donc, pas contrées, corrigées. Il faut ici sortir du déni, et cela devient de plus en plus urgent et vital. La loi « contre le séparatisme » rebaptisée « confortant le respect des principes républicains », prévoit bien l’interdiction des certificats de virginité délivrés par des professionnels de santé, ce qui est une bonne chose, précédant souvent des mariages arrangés voire forcés. Mais cela ne saurait suffire pour s’attaquer réellement à des systèmes organisés qui ne disent pas leur nom. Curieusement, certains articles sur l’événement, s’ils rendent compte du caractère raciste des faits, c’est sans donner l’information que l’individu qui a agressé le livreur parce qu’il était noir, s’est réclamé d’être algérien. Ce qui n’est pourtant pas banal et souligne un enjeu intercommunautaire qui ainsi risque de passer sous les radars. Le racisme n’est pas une opinion !», a réagi Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et la Licra s’est mise sur le dossier, tout en dénonçant cet acte odieux. (…) Dans l’enquête de l’Obs sur ce refus du métissage entre « communautés », à travers le refus de l’union entre descendants d’immigrés souvent français nés sur le sol de France, comme entre personnes noires et arabes, un témoignage vient souligner un aspect laissé dans l’ombre de l’histoire : « Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l’Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l’esclavage. » Il se trouve précisément, que lors de l’agression du livreur, celui-ci aurait été pris à parti par l’auteur se présentant comme algérien, selon un témoin, comme suit : « Il l’a traité d’esclave. » et plus encore « pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail » Une référence récurrente. On oublie un peu vite que l’esclavage et la traite d’origine arabo-musulmane furent considérables sur une très longue période, et que cela peut rester très ancré dans des rapports des uns envers les autres, dont l’héritage a du mal de toute évidence à évoluer. Un aspect de l’histoire qui d’ailleurs est rayé de la connaissance commune, à la faveur d’une loi dite Taubira qui a qualifié de « crime contre l’humanité » la traite et l’esclavage d’origine occidentale (environ 11 millions d’êtres humains), mais rien sur les autres traites, que ce soit celle exercée entre tribus africaines (environ 14 millions) ou encore celle propre à la domination arabo-musulmane de l’Afrique pendant des siècles (environ 17 millions). Il est évident que tant que l’on occultera l’histoire pour de très mauvaises raisons politiques sinon au nom d’on ne sait quelle mauvaise conscience, certains comportements, certaines traditions d’un autre âge, perdureront. Faire un véritable travail de prévention passe ici par l’école, l’éducation. Ce qu’il faut, c’est lever les tabous dans ce domaine, en enseignant l’esclavage et la traite, comme un phénomène historique qui a traversé bien des sociétés, mais qui n’a pas été aboli partout, et que seuls les régimes démocratiques en protègent, en en interdisant le retour. Cela passe par en finir avec ce relativisme culturel qui s’appuie sur l’idée de la reconnaissance de la « diversité » comme sacrée, désignée comme nouvelle dimension fondamentale des droits humains, de façon abstraite, pour mettre toutes les sociétés sur le même plan. Ce dont il découle que considérer que telle société est moins développée qu’une autre en raison d’une forte fécondité liée à des croyances religieuses ou à la polygamie, pratiques appauvrissant la population, ce serait du racisme. C’est absurde. Ne pas vouloir le voir c’est laisser se reproduire certains aspects néfastes des cultures dont certaines traditions derrière le mot diversité qui cache des régressions que l’on ne prévient ainsi pas. C’est seulement lorsque l’on se considère comme des égaux que l’on peut se mélanger et donc, entre individus de droit et non, si on se considère d’abord comme relevant de telle ou telle prédestination identitaire. C’est même la meilleure arme contre le racisme. L’ONU elle-même qui défend bien plus les droits des minorités que l’égalité des droits a aussi ici ses responsabilités. On doit mettre la conquête de l’égalité des droits et les responsabilités qu’elle engage, au titre des devoirs communs, au sommet de nos valeurs, comme acquis fondamental, bien universel devant l’histoire ! Voilà ce qui devrait pouvoir dessiner un destin commun à l’humanité par-delà les différences. Peut-être alors, pourrons-nous déjouer ces logiques préjudiciables pour la vie de bien des individus, ainsi que pour notre nation et plus généralement pour l’émancipation de tous, et espérer que le monde puisse devenir celui de citoyens libres et responsables. »

<Voir aussi:

Georgetown, fac américaine livrée à la culture de l’annulation

ENQUÊTE – Le moindre «écart de langage» d’un professeur permet à certains militants de le clouer au pilori et de ruiner sa carrière. S’estimant persécutées, les minorités américaines prennent le pouvoir sur les campus. Les réseaux sociaux renforcent une mentalité de meute.
Adrien Jaulmes
Le Figaro
30/05/2021

À la fin de l’un de ses cours à la faculté de droit de l’université Georgetown, à Washington DC, au mois de février dernier, la professeur Sandra Sellers discute avec un collègue, David Batson. Pour cause de pandémie, le cours a eu lieu via le logiciel de vidéo- conférence Zoom et les deux professeurs sont restés connectés après que les étudiants sont déjà partis. «Tu sais quoi? dit Sellers à son collègue, j’ai horreur de dire ça, mais je finis par avoir cette angoisse chaque semestre, parce que beaucoup de mes étudiants avec les plus mauvaises notes sont des Noirs.» «Ça arrive presque tous les semestres, poursuit-elle. Et c’est toujours pareil, on va me dire: “Oh, allez! Vous savez, vous en avez aussi de très bons.” Mais il y en a aussi généralement qui sont tout simplement en bas du classement.» Batson ne répond pas, mais opine de la tête. Plus personne n’est connecté, mais le système continue à enregistrer leur conversation. L’accès à la vidéo est cependant limité, par mot de passe, aux étudiants de la faculté.

Deux semaines plus tard, début mars, un extrait filmé de leur dialogue est publié sur Twitter par un étudiant. Il déclenche un scandale qui se répand à toute vitesse sur le campus. L’association des étudiants noirs de la faculté de droit réagit en publiant sur Facebook un communiqué réclamant la sanction immédiate des deux professeurs. «Nous ne demandons rien de moins que le licenciement immédiat de Sandra Sellers. Pas de suspension. Pas d’enquête. L’université doit prendre des mesures rapides et définitives face à un racisme flagrant et éhonté. (…) Ces déclarations racistes révèlent non seulement les véritables convictions de Sellers sur les étudiants noirs, mais elles illustrent également les préjugés conscients et inconscients systématiquement présents dans la notation des étudiants en droit à Georgetown et dans les facultés de droit du pays. La différence, c’est que Sellers s’est fait prendre et que son racisme a été diffusé aux yeux du monde entier.»

Le doyen de la faculté de droit, Bill Treanor, réagit aussitôt. «Nous prenons cette situation avec le plus grand sérieux. J’ai regardé une vidéo de cette conversation et je trouve le contenu odieux, écrit-il dans un communiqué. J’ai informé le professeur Sellers que je mettais fin à son contrat avec la faculté de droit de Georgetown avec effet immédiat… Le professeur Batson a été placé en congé administratif en attendant l’enquête du Bureau de la diversité, de l’équité et de l’action positive, dont les résultats guideront nos prochaines étapes. Jusqu’à la fin de l’enquête, le professeur Batson ne participera plus au cours dans lequel l’incident s’est produit.»

«Les mots seuls ne suffiront pas, je le sais, à nous faire avancer, poursuit le doyen. Pourtant, je veux commencer par présenter des excuses aux étudiants, au corps enseignant, au personnel et aux anciens élèves qui ont été touchés par cet incident. J’attends plus de cette école de droit que ce que nous avons vu dans cette vidéo. Nous pouvons faire mieux et nous le ferons.»

Âgée de 62 ans, experte juridique spécialisée dans la médiation et la négociation de litiges en matière de propriété intellectuelle, Sandra Sellers fait acte de contrition. «Je suis profondément désolée pour mes remarques blessantes et déplacées, écrit-elle en annonçant son départ. Bien que la vidéo soit un extrait d’une discussion plus longue… cela ne diminue en rien l’insensibilité dont j’ai fait preuve. Je ne ferais jamais rien pour blesser intentionnellement mes étudiants ou la faculté de droit de Georgetown et j’aimerais pouvoir retirer mes paroles. Indépendamment de mon intention, j’ai causé un préjudice irréparable et j’en suis vraiment désolée. Pour cette raison, je démissionne immédiatement et volontairement de mon poste de professeur auxiliaire.»

L’Association des étudiants noirs exige aussi des «excuses publiques du professeur David Batson pour son incapacité à condamner de manière adéquate les déclarations de Sellers». Elle les obtient: «Je comprends que j’ai manqué l’occasion de répondre de manière plus directe au contenu inapproprié de ces remarques, écrit Batson. Je m’en excuse sincèrement. Cette expérience m’a donné, et j’espère à d’autres, une occasion inestimable de reconsidérer les actions à entreprendre lorsque nous sommes confrontés à des remarques sensibles.»

«Suprématie blanche sous-jacente»

Le doyen annonce une série de nouvelles mesures: la mise en place dès la rentrée d’une «formation à la non-discrimination» et l’«allocation d’une bourse aux membres du corps enseignant qui souhaitent travailler pendant l’été à l’élaboration de matériel pédagogique traitant de la justice raciale, des inégalités raciales, ainsi que des expériences et de l’action des groupes traditionnellement marginalisés». Mais, surtout, il annonce que les étudiants auront désormais la possibilité de signaler «de façon confidentielle auprès du Bureau de la diversité institutionnelle, de l’équité et de l’action positive» d’éventuels incidents racistes.

Comme de nombreux autres campus américains, l’université Georgetown a expérimenté l’un des effets de la fameuse «cancel culture», ou «culture de l’annulation». Sur les bords du Potomac, dans la vieille ville de Georgetown, cette institution fondée par les jésuites en 1789 est l’une des premières universités catholiques dans ce pays où les établissements les plus prestigieux sont protestants. Elle accueille 12.000 étudiants, venus y vivre une expérience «qui prépare la future génération des citoyens globaux à prendre la direction et faire une différence dans le monde de demain», selon la brochure de l’université.

Les choses n’en restent pas là. Dans les semaines qui suivent, un professeur noir appelle les autres professeurs «non-noirs» à prendre parti plus clairement dans cette affaire. Une déclaration est aussitôt rédigée, dans laquelle les signataires «reconnaissent leur responsabilité en tant que membres non noirs du corps enseignant à s’engager dans un travail constant d’examen et de révision de leurs propres préjugés». Ils «reconnaissent également les nombreux cas où la notion de suprématie blanche, sous-jacente aux idées de mérite, peut contaminer l’évaluation des performances» des étudiants. Presque tous les professeurs de la faculté de droit de Georgetown signent la déclaration.

Lama Abu-Odeh a refusé. Cette professeur de droit d’origine palestino-jordanienne fait partie des rares voix à s’être élevées contre le sort fait à sa collègue, et aussi contre le climat d’intimidation imposé par les associations de militants antiracistes. «Quand cet incident a eu lieu, mes étudiants voulaient en parler, certains ont demandé pourquoi cette enseignante avait été contrainte à la démission, explique-t-elle. Je leur ai dit que notre conversation était enregistrée, et qu’il fallait faire attention, que nous sommes dans une société où l’on doit prendre garde à ce que l’on dit, et que j’étais désolée de cet état de choses.»

«Les professeurs ne sont pas protégés par la direction de l’université, poursuit-elle. Un incident comme celui de Georgetown est un message adressé à chaque professeur: voici ce qui peut vous arriver si vous dites ce qu’il ne faut pas. Et une fois que vous serez qualifié de raciste, personne ne vous soutiendra. Tout le monde dans les universités est terrifié. Toute votre existence professionnelle est entre leurs mains, votre carrière peut s’arrêter du jour au lendemain, vous pouvez tout perdre.»

Lama Abu-Odeh a signé depuis dans la revue en ligne Quillette une lettre ouverte où elle dénonce une «révolution culturelle» en marche à l’université Georgetown. Elle décrypte l’incident comme une prise du pouvoir par «une nouvelle élite dirigeante qui s’empare des institutions universitaires en utilisant son statut de minorité» et contre laquelle les libéraux progressistes sont impuissants à lutter, même quand leurs principes fondamentaux sont foulés aux pieds. «Un de mes collègues a fait remarquer que je gaspillais de précieuses ressources de victimisation en refusant de signer la déclaration des professeurs non noirs en tant que musulmane, palestinienne, femme, blablabla, note-t-elle. C’est là toute l’ingéniosité du régime minoritaire: une coalition de minorités qui, collectivement, forment une majorité, mais qui est néanmoins toujours en mesure d’invoquer son statut de minorité pour préserver son pouvoir. Le pouvoir est présenté comme l’absence de pouvoir pour préserver le pouvoir réel.»

Daniel Kovalik, professeur de droit à l’université de Pittsburgh et militant de gauche traditionnel, se dit effaré par ce nouveau phénomène, auquel il a consacré un récent ouvrage, Cancel this Book (non traduit). «Ces nouveaux militants ne ressemblent pas aux activistes traditionnels, tel que je l’étais moi-même comme étudiant, quand je militais pour l’égalité des droits ou en faveur de la paix. Ce mouvement s’attaque à des individus. Ses mécanismes sont ceux des persécuteurs. Je ne vois rien de progressiste là-dedans», explique ce spécialiste des droits de l’homme. «Les réseaux sociaux ont un effet accélérateur, ajoute-t-il, et ils renforcent une mentalité de meute: la foule est anonyme. Ils ne demandent pas non plus beaucoup d’énergie: ces prétendus activistes restent chez eux derrière leur écran. Parce qu’on a posté quelque chose sur internet, on a l’impression d’avoir agi dans la réalité. Mais c’est aussi redoutablement efficace: les gens sont contraints au silence. Un professeur qui perd son poste, et ce sont des centaines qui se taisent. Dans les universités, les gens ont peur, le pouvoir appartient à ceux qui crient le plus fort.»

«Ce qui me trouble le plus, conclut Daniel Kovalik, c’est que ce mouvement possède des caractéristiques quasi religieuses et absolutistes. Il n’y a pas de pardon ni de rédemption, juste la damnation. Paul reste Saul et Marie-Madeleine reste une prostituée pour l’éternité. Et le mouvement n’en est qu’à ses débuts.»

Voir encore:

Georgetown’s Cultural Revolution
Lama Abu Odeh
Quillette
April 9, 2021

Sandra Sellers, an adjunct professor at Georgetown University’s Law Center, was forced to resign because she was caught on video saying to her colleague and co-teacher David Batson: “I hate to say this… I ended up having this, you know, angst every semester that a lot of my lower ones are blacks. Happens almost every semester. And it’s like, ‘Oh, come on!’ You know? Got some really good ones but there’s usually some that are just plain at the bottom. It drives me crazy. Of course there are the good ones… but come on…” Batson appeared in the video nodding embarrassedly.

The video was a class recording which is only accessible to students in the class and is password protected. The conversation took place after students had logged out and the professors, unaware that the recording of the class ran for 10 minutes after the end of class time, thought they were having a private conversation. A student (not enrolled in the class) posted the video on Twitter and it instantly got thousands of retweets. In response, the dean acted by first referring the culprit professors to the university’s Equity and Diversity Committee for investigation and then, after the Black Law Student Association of Georgetown (BLSA) issued a statement declaring what was said was racist and demanding that Sellers be fired, he terminated Professor Sellers’s contract. Batson was placed on administrative leave pending an investigation by the Diversity Committee, which will also investigate whether the professors’ alleged bias affected the grades they gave their students. He later resigned. The dean described the conversation between him and Sellers as “abhorrent.”

What was interesting was what ensued afterwards. The black faculty at Georgetown Law issued a statement denouncing what Sellers said, describing it as “grounded in white supremacist thought.” The statement argued that Sellers’s comments amounted to a stereotype about black students that inevitably had a negative effect on their performance and called for revisiting all the grades awarded by her. The statement insisted that her comments were not “unique” as the “legacy of white supremacy is insidious” and called on professors who “operate from unspoken white supremacist notions… to examine their own flawed thought patterns and correct them.” A black professor called for non-black faculty to issue a statement “not necessarily in support of the letter already written, but from the position of their privilege within racialized spaces like the classroom” and wondered “in what numbers would such a letter be supported and with what reservations?” Quickly and on cue, a statement by the non-black faculty was drafted in which the signatories “acknowledge[d] [their] responsibility as non-Black faculty members to engage in the constant work of examining and revising [their] own flawed premises.” They also “acknowledge[d] the many levels at which [they] must confront ongoing white supremacist notions underlying ideas of merit that may contaminate assessment and performance.” This sentiment was repeated four times in the statement, each time drafted slightly differently but making the same point. Close to every member of Georgetown Law’s non-black faculty (and others) signed the letter.

I, and a few others, withheld our signatures.

In the face of this overwhelming support by the non-black faculty, two white professors of the boomer generation with plenty of progressive credentials pushed back.

One agreed with the general framing of the incident as described in the statement by the black faculty but worried about the precedent of firing a professor for expressing her views to a colleague in what she had good reason to think was a private conversation, especially as this firing was in violation of Georgetown’s policies on secondary use of videos recording class content. Georgetown’s policy prohibits secondary use of these videos by anyone for any purpose whatsoever, with primary use being confined to students enrolled in the relevant class.

This was followed by another email in which this professor expressed exasperation at the twin statements on the grounds that they handed the political Right an easy target from a culture war perspective and suggested a more earnest effort was needed to address the question of poor performance by minorities at Georgetown Law. If they were performing badly, then surely the faculty needed to figure out ways to better serve them. He called for putting aside the narrow conception of merit which underpinned the poor evaluation of some students, linked as it is to filling vacancies at rich law firms, and suggested instead training students to acquire a range of skills for different types of employment.

The other professor who pushed back complained that the two statements relied overmuch on the notion of “unconscious bias” which presupposed the problem is linked to the shortcomings of particular individuals, when, in fact, “structural racism” is to blame. She expressed sorrow for the destruction of the career of Professor Sellers without due process and insisted that structural racism would not be cured by diversity training but required the thoughtful use of additional resources for “unprepared low performing students”. She went on to advocate that we redesign our courses so that they’re more reflective of the experiences of minority groups. While she began her email by describing the torment she went through on whether to “sign or not sign” the statement by the non-black faculty, the male professor expressed his opinion without, in his words, “sugar coating it,” and described the statement by non-black faculty as a form of “virtue signaling.”

Both of these statements were met by silence.

The silence to my mind is telling. It speaks of the lack of resources within progressive thinking that could be drawn upon to resist the trend that has bedeviled American academia over the past few years. The academy is a different place today than it was only a year ago and was different a year ago than it was five years before. Terror and dread fill academic workers, professors, and staff alike, and it is everywhere. Neither the call for distinguishing between unconscious bias and structural racism; nor for dismantling “merit” so that “minorities” succeed, seem able to do the work the authors of these emails want them to do. They fail to deliver responses of the kind, “Let’s just talk about this. Maybe the problem is overdetermined and is not reducible to ‘unconscious bias.’” What they beget instead is a combination of dread and virtuous self-congratulation. These two sentiments, dread married to virtue, constitute to my mind the affective embodiment of progressive ideology prevalent among white liberals as developed in its most privileged space: academia. They are typical. They are two faces of the same coin: flip and you see dread, flip again and you see virtue.

Both of the push-back statements by the rebel academics take it for granted that many of the assumptions made by those within the progressive camp, as represented by the two statements, are correct. One idea, which neither challenges, is that “minorities” are in a bad place in contemporary America simply in virtue of being minorities. Having agreed with this foundational premise, the two dissenters assume that debate is possible on how best to go about fixing the problem. But the problem is the ideology that frames the question in this way.

Progressive liberals are blind to the fact that there is a regime take-over apace everywhere in academic institutions. A new ruling elite is taking over academic institutions by using its “minority status” to exercise a “soft” coup and is appealing to the minoritarianism of progressive ideology to legitimize its coup—or, if you like, to “manufacture consent.” I will call the adherents of this ideology the “progressoriat.”

The reason that challenging any aspect of this dominant ideology is taboo is because it leaves you vulnerable to the charge that you are uncomfortable with the project of empowering minorities—not just the transfers of power from traditional elites to historically disadvantaged groups that has already begun to take place in the academy, but further transfers of power. The only acceptable response when confronted by any aspect of the ideology that has facilitated this coup is to enthusiastically endorse it—to celebrate it. If you’re not a minority, anything less risks being interpreted as dread at the prospect of your own imminent loss of status—or, if you are, as evidence that your soul has been “colonized” by white supremacists. As I said, virtue as the other side of dread.

The position of the progressoriat in relation to this coup is akin to that of communist activists in relation to a communist takeover. At first they see it as representing what they always fought for; then with time they find themselves having to decide whether its first atrocity is to be criticized or understood as necessary; then, when the next atrocity takes place, they feel they must tolerate it because they didn’t object to the first atrocity and, before long, a time comes when any objection can only be made at a huge cost to themselves. The unfolding history of the new coup is being written every day across the domain of academic institutions in the US as the progressoriat watch muffled, hesitant objecting in private, and then, when someone makes their reservations public, finding themselves at risk of being suspended or losing their jobs.

The new elite taking over academic institutions has at its disposal an arsenal of tools to perpetuate its rule. It not only postures as representative of others in the way communists did—the “intelligentsia” representing the worker or the peasant in the latter’s case and representing victim groups in the former’s. The new elite can also represent itself as victims, an opportunity even communists would have baulked at. Members of the new elite have no hesitation at weaponizing their feelings, silencing opponents by claiming they’ve offended them. And, of course, such claims are readily accepted by the progressoriat because of their acceptance that minorities are necessarily oppressed. In this way, the new power elite can present itself as being victims, as well as representing victims. In other words, it has the power to make itself The Cause. This is why the insistence on the ubiquity of unconscious bias is important: it allows the new elite to consolidate their status by continually self-referencing as victims. Bias being everywhere means that the new ruling class, in spite of having seized power, can continue to present themselves as being oppressed. By constantly claiming to be offended, triggering Pavlovian apologies and vows to “do better” from the progressoriat, who appear to have endless reservoirs of self-abnegation, the new elite establishes rituals that renew its rule and solicit ongoing consent to this rule.

The ranks of this new ruling class are refreshed by immigrant academics who come to understand themselves in the way progressivism understands them: as minorities who can also act victim-like if they want—a precious endowment in the cultural academic market. Intersectionality awaits to welcome them and give them a warm hug. They can be treated on principle as black-adjacent. To do that, they quickly learn that they have to concede leadership to their black colleagues as having the greatest claim to victimhood. If they don’t play the victim card, they throw away valuable currency when it comes to shinning up the academy’s greasy pole. A colleague of mine commented that I was wasting precious victimhood resources by refusing to sign the statement by non black faculty: Muslim, Palestinian, woman, dadidadida. This is the cleverness of minoritarian rule: a coalition of minorities that, collectively, form a majority but that is nevertheless always able to invoke its minoritatian status to preserve its power. Power is presented as the absence of power to preserve actual power.

The progressoriat are unable to talk about their impending demise because they have already used their own institutional power over decades to drive away conservatives. They turned their academic institution into a partisan echo chamber. Residing in an echo chamber only increases your moral certitude. Now they are being given a taste of their own brutal medicine. Meantime, the new elite is acting ruthlessly and impatiently and is only happy with declarations of complete submission. Any sign of hesitation on the part of a signatory—”Maybe we should talk about free speech too?”—is met with expressions of exasperation by the all-powerful members of the victim minority faculty. No hesitation or nuance is allowed: nothing but unequivocal loyalty oaths. The progressoriat can only repeat, “I believe in the cause. I believe. I believe. Believe me I believe.”

If this echoes a Maoist take-over, that’s because it is. It passes the sniff test.

Student activists sniffing a transfer of power are pushing it as far as they can, understanding it as part of a general generational take-over of elite institutions. Today’s students show little interest in free speech and appear more interested in moral point-scoring, especially graduate students. Polls show young academics pumped up more on moral steroids than intellectual ones. Why stop when you are winning? The situation is in flux which opens the door for moral entrepreneurs to up the ante. Some enterprising students at Georgetown Law complained to Slate magazine that the dean allowed the Federalist Society to host an event on a multi-racial working class by “three white men.” Moral entrepreneurship means that what it is to be racist is being redefined daily with someone’s demise—an ongoing post-fact articulation of the definition of “bias”—and why not declare conservatism racist while you’re at it?

The new elite in academia is part of a more general phenomenon of the rise of the technocrats who have found a home in the Democratic Party so that academic institutions, who produce these technocrats, are now the direct and unmediated suppliers of a political class whose educated credentials are its claim to rule. Academia has not only become without rival the incubating center of ruling class entitlement—and acts as a result as an extended arm of the Democratic Party—but it has also refashioned itself after the party. Like the latter, the academy acts like a council of elders managing various ethnic tribes residing under its jurisdiction. Note the rush to get out a statement when a minority group has been under assault: a group of sex workers are shot by a sex addict and the President of Harvard rushes out a statement opposing anti-Asian racism (and blaming Trump) because the killer was white and the victims Asians. So did Biden. Technocrats of virtue responding to lobbies of virtue.

The rise of the technocrat is itself reflective of the shift in US liberalism to diversity liberalism. Global capital disenfranchised the white working class by moving its investments overseas and replacing it with a diverse workforce recruited globally through lax enforcement of immigration rules. Technocratic managerialism armed with diversity liberalism is the way global capital rules. Because the white working class has lost power in the process it has to be continually depicted as having earned its demise. It has earned it by being morally compromised: in Hillary Clinton’s words, “the basket of deplorables.” Black elites coming to power as part of this shift feel comfortable exercising class dominance by deriding the white working class as racist. The continual invocation of the storming of the capitol as an expression of white supremacy is par for the course.

In Bobos In Paradise: The New Upper Class and How They Got there (2000), David Brooks describes the displacement of the WASPs as the dominant ethnic group in the US with the introduction in the early 60s of “merit” as the primary criterion of admission to universities, especially the Ivies. The new criterion was introduced by WASPs themselves, thus paving the way to their own demise and conceding power to a new emergent group that found its own flourishing within “merit”: the high-performing Jew. This led, a generation later, according to Brooks, to the rise of the Bobos (the bourgeois bohemians) as the new cultural and economic elite. They were bourgeois because they had acquired great riches given the demand for educated labor in the new global economy they had helped create—but they were also bohemian because they imbibed the modernist progressivist values of their Ivy League professors. In other words, like their predecessors, they laid the groundwork for their own destruction by embracing the ideology that evolved into the identity politics of the 90s.

The academic Bobos are now being displaced. Like the WASPs before them, they have written the script of their own demise—in their case, through a dedicated investment in the rise of the minority academic. The progressive ideology they subscribed to left them with no tools to resist their impending fall. What should we call the new elite? The Bobus—the bourgeois bureaucrats? They are bourgeois because they’ve benefitted from the rise in demand for their representative labor in the market of diversity liberalism; and bureaucratic because they have devised the rules enshrining various speech codes and policies that buttress their power. The bohemian questioning of conventional morality, and the drive for experimentation, have been replaced by the stern bureaucrat enforcing a new morality, with its demand for penance for past sins.

When I protested to the faculty diversity trainer, a law professor from the West Coast, that the real minority at Georgetown Law are the conservative students who have been telling me about how isolated and beleaguered they feel, especially with the flood of emails from the administration when Trump was in office denouncing racism, without defining what it is or indeed giving a single account of a racist incident, she quipped, “They don’t have to be at Georgetown. They can go to Notre Dame!”

Lama Abu Odeh is a law professor at Georgetown.

Voir de plus:

Ran Halévi: «“Palestinian Lives Matter”, quand les “woke” américains s’emparent du conflit au Moyen-Orient»

TRIBUNE – Pour les nouveaux militants de la gauche identitaire américaine, l’État d’Israël est condamnable du fait même de sa force, à l’instar du «privilège blanc» (sic) aux États-Unis. Désormais, «c’est un wilsonisme de l’indignation diversitaire que la démocratie américaine exporte un peu partout», analyse le directeur de recherche au CNRS.


Ran Halévi est directeur de recherche au CNRS et professeur au Centre de recherches politiques Raymond-Aron.


Ce devait arriver tôt ou tard. La révolution identitaire, née dans les campus aux États-Unis avant de gagner la sphère publique et de déchirer les Américains, vient de franchir un pas de plus: avec la guerre de Gaza, elle a forcé les portes de la géopolitique en transposant les postulats de la «cancel culture» dans le domaine des relations internationales.

La convergence des luttes entre le «wokisme» et le Hamas a de quoi laisser perplexe. L’un représente tout ce que l’autre abhorre et réciproquement. Les partisans de la rectitude politique vivent à des années-lumière d’une organisation terroriste, fondamentaliste, qui vouerait à la damnation éternelle la théorie du genre, les confessions intersectionnelles, la subordination de la nature à la culture ou la liberté de choisir son sexe. Certains esprits, pourtant, n’ont pas ménagé leurs efforts pour découvrir une parenté entre les guerriers de la gauche morale et les combattants islamistes du Moyen-Orient. Telle Judith Butler, icône intellectuelle de la radicalité critique, au cours d’un séminaire antiguerre tenu à Berkeley en 2006: «Il est extrêmement important de comprendre le Hamas, le Hezbollah, comme des mouvements sociaux progressistes, de gauche, et qui font partie d’une gauche globale; cela ne nous empêche pas d’être critiques à l’égard de certaines dimensions de ces deux mouvements.» On imagine l’hilarité qu’auraient provoquée ces pieuses paroles chez les intéressés à Gaza ou à Beyrouth.

L’islamisme radical et la culture «woke» appartiennent à deux planètes différentes, mais il est certains traits familiers que l’un reconnaîtrait aisément chez l’autre. La volonté de subordonner la loi aux impératifs de la religion, dans un cas, de la morale dans l’autre. Une manière de concevoir la justice — et de l’appliquer — hors des règles du droit. Le refus aussi de la délibération, de la confrontation des opinions, puisque le dogme religieux, pas plus que les certitudes morales, ne sauraient être un objet de discussion. Enfin, l’essentialisation de l’autre, ici les sionistes et les Juifs, là les dominants blancs enfermés dans leur déterminisme.

La critique d’Israël est depuis longtemps un trait constitutif de la gauche progressiste aux États-Unis. À mesure que la politique identitaire imprégnait la vie publique, il était inévitable qu’elle finisse un jour par pénétrer dans l’enceinte du Capitole et qu’une vision alternative du conflit israélo-palestinien rompe le consensus longtemps très favorable à l’État hébreu. Et c’est le Parti démocrate, dont l’aile radicale ne cesse de gagner du terrain, qui allait lui servir de relais. Le dernier cycle des violences au Proche-Orient a permis de vérifier cet infléchissement historique. Telle représentante démocrate à la Chambre qualifiait Israël d’ «État-apartheid», une autre d’ «État terroriste», une troisième dénonçait l’«injustice systémique» qu’il inflige aux Palestiniens.

Beaucoup moins prévisible était la redéfinition d’un conflit national bientôt centenaire dans les termes de la justice raciale: Gaza n’était qu’un avatar de la tuerie de Ferguson (un jeune Noir abattu en 2014 par un policier blanc) et de la mort de George Floyd. À Londres, des manifestants scandaient «Palestine can’t breathe» (les mots de Georges Floyd avant de mourir) et «Palestinian Lives Matter».

Pour les activistes de Black Lives Matter et leurs soutiens démocrates, l’incrimination d’Israël, comme celle du racisme blanc en Amérique ou ailleurs, participe du même combat moral, de la même libération globale de la parole. Cette assimilation singulière a obtenu en quelques jours un écho extraordinaire, de Washington à Hollywood, ralliant des sportifs, des artistes, des vedettes de la mode, des influenceurs dont l’audience sur les réseaux sociaux est énorme. Et son pouvoir d’intimidation paraît d’autant plus redoutable qu’il est formaté dans le langage familier de la justice victimaire. Autrefois, les néoconservateurs américains voulaient installer à coups de canon la démocratie dans le monde arabe. Ce «wilsonisme botté», selon le mot de Pierre Hassner, a fait long feu. Aujourd’hui, c’est un wilsonisme de l’indignation diversitaire que la démocratie américaine exporte un peu partout, dont l’État hébreu est l’une des principales cibles.

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Paris : une procession en mémoire des martyrs catholiques de la Commune attaquée par des antifas

À l’appel de cinq paroisses du XXe arrondissement et du diocèse de Paris, des fidèles s’étaient réunis samedi pour commémorer l’exécution de religieux lors de la Commune en mai 1871. Un homme a été hospitalisé.

Samedi boulevard du Ménilmontant, les quelque trois cents fidèles catholiques réunis pour honorer la mémoire de martyrs catholiques de la Commune ont été hués et violemment agressés. Le rassemblement, qui réunissait cinq paroisses de l’est parisien et plusieurs associations diocésaines, devait s’étaler sur 4 km jusqu’à la paroisse Notre-Dame des Otages, le lieu même où, il y a 150 ans, 49 «otages», parmi lesquels dix religieux, avaient été fusillés par les fédérés, athéistes militants et anticléricaux.

«L’objectif était purement religieux, il n’y avait aucune revendication politique dans notre démarche», explique Monseigneur Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris. Des familles, des personnes âgées, de jeunes scouts et enfants de chœur, quelques poussettes avec des bébés, «une simple procession familiale et bon enfant», rapporte de son côté l’un des organisateurs au Figaro. Le point de départ avait été fixé au square de la Roquette, lieu de l’exécution de Mgr Georges Darboy, archevêque de Paris, le 24 mai 1871.

À peine la procession entamée, les fidèles commencent à se faire siffler et invectiver par des passants. «C’était d’abord des gens assis aux terrasses, des promeneurs, rien de trop méchant», rapporte l’organisateur. «On est de bonne composition, on a laissé passer». Mais devant le cimetière du Père Lachaise, la tension monte lorsque le cortège rencontre des «manifestants communards», munis de drapeaux rouges, qui tentent de couvrir le chant des fidèles par des slogans menaçants : «Tout le monde déteste les Versaillais ! À mort les fachos !». Des manifestants dont le rassemblement était prévu au même endroit, un peu plus tôt dans l’après-midi. «Une malheureuse conjecture», note Monseigneur Jachiet. L’atmosphère devient rapidement «oppressante», rapportent plusieurs participants au Figaro. «On se serait cru 150 ans en arrière, c’est surréaliste», raconte l’organisateur.

«Ils voulaient en découdre»

Tandis que la procession persévère, elle est de nouveau interrompue quelques centaines de mètres plus loin, lorsqu’un groupe d’une vingtaine de jeunes cagoulés arrive à son tour. «Ceux-là voulaient clairement en découdre, c’étaient des antifas», précise l’organisateur. «Ils nous ont arraché les bannières des mains, ont mis à terre le drapeau du Souvenir français qu’ils ont piétiné, asséné des coups de poing aux paroissiens», rapporte l’organisateur. «Ils nous jetaient des poubelles, des bouteilles, même des barrières grillagées», raconte l’une des manifestantes. Deux sexagénaires tombent au sol, un fidèle est sérieusement blessé au crâne. Il a été hospitalisé.

Les quelques agents de sécurité prévus par le diocèse et l’Ordre de Malte sont rapidement débordés. À l’avant du cortège, le seul policier envoyé par la préfecture appelle des renforts et tente de s’interposer entre les agresseurs et les fidèles, armé de sa bombe lacrymogène. «Il n’y a jamais de problèmes lors des processions catholiques, ce qui explique sans doute le faible effectif prévu par la préfecture», fait valoir Alexandra Kozak, paroissienne du quartier.

Les fidèles mettent un terme à la procession et se réfugient dans l’église la plus proche, Notre-Dame de la Croix. «On a attendu en priant, jusqu’à ce que la police nous exfiltre», raconte l’organisteur, qui évoque des enfants et mères de famille «sous le choc».

«Ce qui s’est passé est déplorable», a réagi Karine Dalle, responsable communication du diocèse de Paris auprès du Figaro. Conscient de toucher à un sujet «hautement sensible», et constatant que le programme de la journée avait été relayé sur des comptes et groupes Facebook d’extrême-gauche, le diocèse avait pourtant choisi de renforcer la sécurité de la marche. «Mais on ne s’attendait pas à une telle réaction, pour une procession purement religieuse», estime-t-elle, précisant qu’une plainte contre X va être déposée. Déjà quelques jours auparavant, la basilique de Montmartre, perçue pour certains comme une atteinte au souvenir des victimes de la Commune, avait fait l’objet d’une intrusion des partisans de cette page de l’histoire qui soulève encore les passions.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a quant à lui réagi sur Twitter dans la soirée dimanche à ce qu’il a qualifié de «prise à partie par des individus violents», ajoutant que «la liberté de culte doit pouvoir s’exercer en toute sérénité» dans le pays.

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Mathieu Bock-Côté: «Aux États-Unis, qui sont vraiment les “antifas”»

CHRONIQUE – Le journaliste américain Andy Ngo témoigne, au péril de sa vie, d’une mouvance qui cultive l’art de l’activisme clandestin dans Unmasked. Inside Antifa’s Plan to Destroy Democracy.
Mathieu Bock-Côté
Le Figaro
05/03/2021

On s’en souvient peut-être encore: interpellé par Donald Trump en débat lors des élections présidentielles américaines, qui lui demandait de condamner la mouvance «antifa», Joe Biden a répondu un peu étrangement en déclarant que ce qu’on appelle «antifa» ne serait pas une mouvance, encore moins une organisation, mais une idée. On a trouvé, au cours des dernières années, de nombreuses figures politiques pour répondre la même chose. Elles se drapent souvent dans la vertu en demandant comment on peut s’opposer à ceux qui s’opposent au fascisme. Ce n’était pourtant pas la première fois que Donald Trump s’inquiétait de la vigueur de cette mouvance, au point d’avoir laissé entendre qu’il la décréterait terroriste.

C’est un fait: les «antifas» ont pris beaucoup de place ces dernières années, quand leurs milices se sont emparées des rues américaines, en radicalisant plusieurs émeutes au nom de la «justice raciale», au point de les pousser, à la manière d’un mouvement agitateur, jusqu’à l’émeute. Mais qui sont-ils? Il fallait, pour répondre sérieusement à cette question, un véritable travail d’enquête, qu’a mené le journaliste américain Andy Ngo. Il l’a fait au péril de sa vie, comme il en témoigne dans Unmasked. Inside Antifa’s Plan to Destroy Democracy (édité par Center Street). Il en revient avec un ouvrage passionnant à propos d’une mouvance qui cultive l’art de l’activisme clandestin. Mais si les «antifas» ne sont pas rassemblés autour d’une structure ferme centralisée, on aurait tort de les croire désorganisés.

Au cœur de leur «antifascisme», on trouve une définition fantasmée du fascisme, qui n’a à peu près rien à voir avec le fascisme historique. Le fascisme se confond, à lire cette propagande, avec la démocratie libérale et le capitalisme, qui serviraient surtout à le masquer. De manière imagée, on dira que le fascisme est intrinsèquement lié, pour eux, à la structure même des sociétés occidentales. Partout, ils fantasment le racisme et le suprémacisme blanc. C’est ce qu’oublient souvent ceux qui parlent de cette mouvance avec complaisance. En reconnaissant aux «antifas» le droit de brandir l’étendard de l’antifascisme sans le leur contester, ils endossent la définition qu’ils en donnent, et leur accordent, quoique implicitement, une fonction légitime dans l’organisation de la cité.

La mouvance « antifa » désinhibe les pulsions violentes refoulées par la civilisation, en plus de prétendre les ennoblir

Ce qui distingue les «antifas», c’est un usage revendiqué de la violence. Leurs théoriciens parlent franchement: il s’agit de créer un environnement où les idées qu’ils réprouvent ne pourront plus s’exprimer. Il s’agit d’une violence sinon autorisée, à tout le moins tolérée par les pouvoirs publics, comme en témoigne Ngo, qui montre à quel point les activistes et émeutiers «antifas» sont rarement punis pour leurs actes, et sont même souvent relâchés lorsqu’ils sont pour un temps arrêtés. À Portland et à Seattle, ces dernières années, les «antifas» se sont emparés d’un morceau de territoire, décrétés ZAD libérée des États-Unis, et transformés en quelques jours en bidonvilles totalitaires. Les autorités municipales se montrèrent globalement tolérantes envers ceux qui occupaient des territoires de leurs villes. Les «antifas», jamais, ne risquent la dissolution.

Ngo, au fil de son enquête, débusque les mythes entourant cette mouvance. Une étrange rumeur veut que les «antifas», derrière leurs cagoules, soient composés de jeunes gens issus de la bourgeoisie, qui iraient s’encanailler en jouant à la révolution. Le portrait est beaucoup plus complexe. Si on en trouve dans leurs rangs, ces derniers attirent surtout des jeunes esprits psychiquement troublés, socialement fragilisés, à la manière d’un lumpenprolétariat identitaire de la postmodernité. Ils trouvent dans l’engagement «antifa» une forme de rédemption révolutionnaire: dès lors qu’il enfile sa cagoule et défonce sa première vitrine, le jeune converti se sent promu dans l’avant-garde révolutionnaire. La mouvance «antifa» désinhibe les pulsions violentes refoulées par la civilisation, en plus de prétendre les ennoblir.

Leurs théoriciens affichent leur dessein: il s’agit de terroriser leurs ennemis en les agressant, physiquement, s’il le faut, tout en présentant leurs actions comme des gestes d’autodéfense contre «l’extrême droite». En fait, ils se comportent comme une milice visant à créer un climat de terreur pour rendre impossible l’expression d’une dissidence contre l’idéologie diversitaire. Andy Ngo veut voir dans les «antifas» une menace pour l’ordre établi, à la manière d’un courant révolutionnaire classique. C’est peut-être là qu’il erre. Ni demain ni après-demain, les voyous encagoulés ne s’empareront du pouvoir. Il faut renverser la perspective: sans même en être conscients, ils servent l’air du temps, abattent ses ennemis, les molestent, un peu comme la SA de notre époque troublée.

Voir enfin:

Au Maghreb, le racisme anti-Noirs persiste

Nourri par l’histoire et les difficultés sociales, aggravé parfois par les autorités, le rejet des populations noires reste prégnant en Afrique du Nord

Charlotte Bozonnet

Le Monde

23 novembre 2017

Parmi les réactions suscitées par la diffusion de la vidéo de CNN montrant une vente aux enchères de migrants subsahariens en Libye, la dénonciation d’un racisme anti-Noirs persistant dans les pays du Maghreb figure en bonne place. Si les situations n’y sont pas comparables à la barbarie observée en Libye, les communautés noires continuent toutefois d’y être victimes de mépris, de discriminations, voire d’agressions.

En Algérie, il existe une forte présence de migrants subsahariens qui y restent de quelques mois à quelques années, comme une pause sur leur route vers l’Europe. Selon les associations locales, ils seraient près de 100 000. Vivant dans les périphéries des grandes villes, privés de statut légal, ces habitants « fantômes » occupent souvent des emplois à la journée dans le secteur de la construction.

En octobre 2015, l’histoire de Marie-Simone, une migrante camerounaise d’une trentaine d’années, avait fait la « une » de la presse. Victime d’un viol collectif à Oran (ouest), elle avait eu le plus grand mal à se faire soigner et à porter plainte. En mars 2016, à Ouargla (centre), c’est le meurtre d’un Algérien poignardé par un migrant nigérien qui avait dégénéré en une véritable chasse aux migrants. Et les exemples ne manquent pas.

Les autorités algériennes sont récemment revenues sur la tolérance dont elles avaient fait preuve vis-à-vis de la migration subsaharienne depuis 2012 et le début des troubles au nord du Mali. En décembre 2016, 1 200 personnes ont été renvoyées du pays. D’autres rafles et expulsions ont depuis été menées dans les grandes villes du pays. Emmenés en bus jusqu’à Tamanrasset, à 2 000 km au sud d’Alger, ils ont ensuite été relâchés de l’autre côté de la frontière, côté nigérien, parfois en plein désert.

Au Maroc, de nombreux témoignages font aussi état d’un racisme latent. Celui-ci va de faits divers extrêmement violents – en 2014, trois migrants ont été tués à Boukhalef, un quartier périphérique de Tanger – à un racisme diffus. « Dans la rue, certains nous appellent Ebola », racontait un Camerounais rencontré en septembre à Tétouan (nord).

Tensions entre migrants subsahariens et jeunes Marocains, à Casablanca, le 24 novembre.

La partie nord du royaume est un territoire de passage pour les Subsahariens qui veulent tenter la traversée vers l’Europe : soit par la mer, soit en essayant de franchir les barrières qui séparent le continent africain des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Contraints de se cacher dans des conditions très dures, beaucoup sont victimes de bastonnades lorsqu’ils sont pris, puis envoyés dans des villes du sud du Maroc pour tenter de les éloigner.

En Mauritanie, plus au sud, le racisme ne vise pas les migrants de passage mais une partie des citoyens mauritaniens, rappelant la situation d’un pays où les Maures blancs concentrent la majorité des pouvoirs au détriment des Haratine, descendants d’esclaves, et des Négro-Africains. L’esclavage y a été interdit en 1981. Son interdiction a même été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la pratique reste courante.

« Le racisme anti-Noirs continue aujourd’hui au Maghreb. La couleur de peau est toujours associée à un statut inférieur. Des tribus pratiquaient l’esclavagisme dans tout le Maghreb et c’est resté dans l’imaginaire collectif », souligne le sociologue marocain Mehdi Alioua, président du Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants (Gadem). « L’esclavage, la chosification du corps est la forme la plus extrême du racisme », poursuit-il, en référence à la vidéo de CNN.

L’universitaire déplore toutefois le manque de recherches sur cette question. Le sujet du racisme anti-Noirs dans les pays nord-africains est peu documenté, par manque de moyens et certainement aussi à cause d’une forme d’autocensure. « Certains craignent d’être accusés de faire le jeu de l’Occident. La conséquence de cette absence de connaissances, c’est que, parfois, on sous-estime ce racisme, parfois, on le surestime », poursuit M. Alioua, qui précise toutefois que le débat avance : « A chaque fois qu’une campagne de sensibilisation est lancée, elle reçoit plutôt un bon écho au sein de la population, et ce dans tous les pays du Maghreb. »

Au Maroc, l’augmentation du nombre de migrants subsahariens ces dernières années a eu un effet ambivalent, provoquant tout à la fois plus de frustrations parmi la population – certains estimant, sur fond de difficultés économiques, que les migrants ont plus d’aides que les nationaux –, mais permettant en même temps de démocratiser la problématique et d’accroître la dynamique de soutien aux migrants.

En Algérie aussi, les associations se sont emparées ces dernières années de la situation des Subsahariens. Leïla Beratto, correspondante de RFI, travaille sur le sujet depuis des années. « Cette discrimination est liée à l’histoire de l’Algérie où des Noirs ont été les esclaves de riches familles à la peau claire, mais elle s’explique aussi par les différences culturelles entre Algériens et Subsahariens, qui se connaissent mal », note la journaliste.

L’un des facteurs déterminant de l’accueil réside dans l’attitude des autorités. Début juillet, Ahmed Ouyahia – devenu le 15 août premier ministre d’Algérie – avait affirmé que les migrants sont « une source de criminalité, de drogue et de plusieurs autres fléaux ». Quelques jours plus tard, le ministre des affaires étrangères, Abdelkader Messahel, parlait, quant à lui, d’« une menace pour la sécurité » du pays. « Dans ces conditions, le travail de sensibilisation sur le terrain est rendu encore plus difficile », souligne Leïla Beratto.

Le Maroc a connu, de son côté, un changement important de sa politique migratoire impulsé par le roi Mohammed VI depuis 2013. Alors que le royaume faisait face à de lourdes critiques pour son traitement des migrants, deux opérations de régularisations massives ont été lancées : la première, en 2014, a permis de régulariser 25 000 sans-papiers, la deuxième n’est pas achevée mais quelque 26 000 demandes ont été déposées. Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de l’ambitieuse politique africaine du royaume.

En Mauritanie, la lutte contre l’esclavage et les discriminations est devenue un thème incontournable de la vie politique, même si les militants de ce mouvement font régulièrement l’objet d’arrestations et de condamnations. Biram Ould Dah Ould Abeid, figure de ce combat, fut ainsi l’un des quatre candidats à l’élection présidentielle de juin 2014 face au président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz.

Mais c’est certainement dans la Tunisie post-révolutionnaire que l’évolution est la plus sensible. « Pendant longtemps, le sujet des Tunisiens noirs, traités comme des citoyens de seconde zone, a été un tabou », rappelle Houda Mzioudet, chercheuse et spécialiste des minorités en Tunisie.

Si leur nombre exact est difficile à déterminer, les Tunisiens noirs ou d’origine noire représenteraient 10 à 15 % de la population, surtout concentrés dans le sud du pays. En 2013, une marche pour la défense de leurs droits avait été organisée à Djerba. En 2016, l’agression de trois étudiants congolais en plein centre-ville de Tunis avait à son tour créé un vif émoi. Aujourd’hui, la Tunisie s’apprête à adopter une loi criminalisant la discrimination raciale. « Ce serait la première loi de ce type dans le monde arabe », souligne Houda Mzioudet.


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