Repentance: C’est la faute à Jésus, imbécile ! (Between Mother Teresa and John Wayne: The moral double bind which the West and the world currently face is simply a contemporary manifestation of the tension that for centuries has hounded cultures under biblical influence)

28 mai, 2016
Time1993cherchez-femmehiroshima-pourquoi-le-japon-prefere-quobama-ne-sexcuse-pas-web-tete-021973685430ObamaGreetingsYairGolanHeroPolicemanbatmanvsupermanOn vit la vie en regardant en avant mais on ne peut la comprendre qu’en regardant en arrière. Kierkegaard
La mission de Jésus est tellement sienne qu’elle ne se trouve pas prête comme préfabriquée… mais de telle manière qu’il a dû avec toute sa responsabilité libre la former à partir de lui-même, et même, en un sens véritable, l’inventer. Urs von Balthasar
Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. (…) Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les asservissent. Il n’en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. Jésus (Matthieu 20:16-27)
Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Jésus (Matthieu 5: 43-45)
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Caïphe (Jean 11: 50)
Une nation ne se régénère que sur un monceau de cadavres. Saint-Just
L’arbre de la liberté doit être revivifié de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans. Jefferson
Qu’un sang impur abreuve nos sillons! Rouget de Lisle
Ils disent: nous avons mis à mort le Messie, Jésus fils de Marie, l’apôtre de dieu. Non ils ne l’ont point tué, ils ne l’ont point crucifié, un autre individu qui lui ressemblait lui fut substitué, et ceux qui disputaient à son sujet ont été eux-mêmes dans le doute, ils n’ont que des opinions, ils ne l’ont pas vraiment tué. Mais Dieu l’a haussé à lui, Dieu est le puissant, Dieu est le sage. Le Coran (Sourate IV, verset 157-158)
Où est Dieu? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué – vous et moi! Nous tous sommes ses meurtriers! Mais comment avons-nous fait cela? Comment avons-nous pu vider la mer? Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon tout entier? Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
« Dionysos contre le « crucifié » : la voici bien l’opposition. Ce n’est pas une différence quant au martyr – mais celui-ci a un sens différent. La vie même, son éternelle fécondité, son éternel retour, détermine le tourment, la destruction, la volonté d’anéantir pour Dionysos. Dans l’autre cas, la souffrance, le « crucifié » en tant qu’il est « innocent », sert d’argument contre cette vie, de formulation de sa condamnation. (…) L’individu a été si bien pris au sérieux, si bien posé comme un absolu par le christianisme, qu’on ne pouvait plus le sacrifier : mais l’espèce ne survit que grâce aux sacrifices humains… La véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l’espèce – elle est dure, elle oblige à se dominer soi-même, parce qu’elle a besoin du sacrifice humain. Et cette pseudo-humanité qui s’institue christianisme, veut précisément imposer que personne ne soit sacrifié. Nietzsche
Je condamne le christia­nisme, j’élève contre l’Église chrétienne la plus terrible de toutes les accusa­tions, que jamais accusateur ait prononcée. Elle est la plus grande corruption que l’on puisse imaginer, elle a eu la volonté de la dernière corruption possible. L’Église chrétienne n’épargna sur rien sa corruption, elle a fait de toute valeur une non-valeur, de chaque vérité un mensonge, de chaque intégrité une bassesse d’âme (…) L’ « égalité des âmes devant Dieu », cette fausseté, ce prétexte aux rancunes les plus basses, cet explosif de l’idée, qui finit par devenir Révo­lution, idée moderne, principe de dégénérescence de tout l’ordre social — c’est la dynamite chrétienne… (…) Le christianisme a pris parti pour tout ce qui est faible, bas, manqué (…) La pitié entrave en somme la loi de l’évolution qui est celle de la sélection. Elle comprend ce qui est mûr pour la disparition, elle se défend en faveur des déshérités et des condamnés de la vie. Par le nombre et la variété des choses manquées qu’elle retient dans la vie, elle donne à la vie elle-même un aspect sombre et douteux. On a eu le courage d’appeler la pitié une vertu (— dans toute morale noble elle passe pour une faiblesse —) ; on est allé plus loin, on a fait d’elle la vertu, le terrain et l’origine de toutes les vertus. Nietzsche
A l’origine, la guerre n’était qu’une lutte pour les pâturages. Aujourd’hui la guerre n’est qu’une lutte pour les richesses de la nature. En vertu d’une loi inhérente, ces richesses appartiennent à celui qui les conquiert. Les grandes migrations sont parties de l’Est. Avec nous commence le reflux, d’Ouest en Est. C’est en conformité avec les lois de la nature. Par le biais de la lutte, les élites sont constamment renouvelées. La loi de la sélection naturelle justifie cette lutte incessante en permettant la survie des plus aptes. Le christianisme est une rébellion contre la loi naturelle, une protestation contre la nature. Poussé à sa logique extrême, le christianisme signifierait la culture systématique de l’échec humain. Hitler
Jésus a tout fichu par terre. Le Désaxé (Les braves gens ne courent pas les rues, Flannery O’Connor)
Depuis que l’ordre religieux est ébranlé – comme le christianisme le fut sous la Réforme – les vices ne sont pas seuls à se trouver libérés. Certes les vices sont libérés et ils errent à l’aventure et ils font des ravages. Mais les vertus aussi sont libérées et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore. Le monde moderne est envahi des veilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitude.  G.K. Chesterton
La Raison sera remplacée par la Révélation. À la place de la Loi rationnelle et des vérités objectives perceptibles par quiconque prendra les mesures nécessaires de discipline intellectuelle, et la même pour tous, la Connaissance dégénérera en une pagaille de visions subjectives (…) Des cosmogonies complètes seront créées à partir d’un quelconque ressentiment personnel refoulé, des épopées entières écrites dans des langues privées, les barbouillages d’écoliers placés plus haut que les plus grands chefs-d’œuvre. L’Idéalisme sera remplacé par Matérialisme. La vie après la mort sera un repas de fête éternelle où tous les invités auront 20 ans … La Justice sera remplacée par la Pitié comme vertu cardinale humaine, et toute crainte de représailles disparaîtra … La Nouvelle Aristocratie sera composée exclusivement d’ermites, clochards et invalides permanents. Le Diamant brut, la Prostituée Phtisique, le bandit qui est bon pour sa mère, la jeune fille épileptique qui a le chic avec les animaux seront les héros et héroïnes du Nouvel Age, quand le général, l’homme d’État, et le philosophe seront devenus la cible de chaque farce et satire. Hérode (Pour le temps présent, oratorio de Noël, W. H. Auden, 1944)
Just over 50 years ago, the poet W.H. Auden achieved what all writers envy: making a prophecy that would come true. It is embedded in a long work called For the Time Being, where Herod muses about the distasteful task of massacring the Innocents. He doesn’t want to, because he is at heart a liberal. But still, he predicts, if that Child is allowed to get away, « Reason will be replaced by Revelation. Instead of Rational Law, objective truths perceptible to any who will undergo the necessary intellectual discipline, Knowledge will degenerate into a riot of subjective visions . . . Whole cosmogonies will be created out of some forgotten personal resentment, complete epics written in private languages, the daubs of schoolchildren ranked above the greatest masterpieces. Idealism will be replaced by Materialism. Life after death will be an eternal dinner party where all the guests are 20 years old . . . Justice will be replaced by Pity as the cardinal human virtue, and all fear of retribution will vanish . . . The New Aristocracy will consist exclusively of hermits, bums and permanent invalids. The Rough Diamond, the Consumptive Whore, the bandit who is good to his mother, the epileptic girl who has a way with animals will be the heroes and heroines of the New Age, when the general, the statesman, and the philosopher have become the butt of every farce and satire. »What Herod saw was America in the late 1980s and early ’90s, right down to that dire phrase « New Age. » (…) Americans are obsessed with the recognition, praise and, when necessary, the manufacture of victims, whose one common feature is that they have been denied parity with that Blond Beast of the sentimental imagination, the heterosexual, middle-class white male. The range of victims available 10 years ago — blacks, Chicanos, Indians, women, homosexuals — has now expanded to include every permutation of the halt, the blind and the short, or, to put it correctly, the vertically challenged. (…) Since our newfound sensitivity decrees that only the victim shall be the hero, the white American male starts bawling for victim status too. (…) European man, once the hero of the conquest of the Americas, now becomes its demon; and the victims, who cannot be brought back to life, are sanctified. On either side of the divide between Euro and native, historians stand ready with tarbrush and gold leaf, and instead of the wicked old stereotypes, we have a whole outfit of equally misleading new ones. Our predecessors made a hero of Christopher Columbus. To Europeans and white Americans in 1892, he was Manifest Destiny in tights, whereas a current PC book like Kirkpatrick Sale’s The Conquest of Paradise makes him more like Hitler in a caravel, landing like a virus among the innocent people of the New World. Robert Hughes (24.06.2001)
La vérité biblique sur le penchant universel à la violence a été tenue à l’écart par un puissant processus de refoulement. (…) La vérité fut reportée sur les juifs, sur Adam et la génération de la fin du monde. (…) La représentation théologique de l’adoucissement de la colère de Dieu par l’acte d’expiation du Fils constituait un compromis entre les assertions du Nouveau Testament sur l’amour divin sans limites et celles sur les fantasmes présents en chacun. (…) Même si la vérité biblique a été de nouveau  obscurcie sur de nombreux points, (…) dénaturée en partie, elle n’a jamais été totalement falsifiée par les Églises. Elle a traversé l’histoire et agit comme un levain. Même l’Aufklärung critique contre le christianisme qui a pris ses armes et les prend toujours en grande partie dans le sombre arsenal de l’histoire de l’Eglise, n’a jamais pu se détacher entièrement de l’inspiration chrétienne véritable, et par des détours embrouillés et compliqués, elle a porté la critique originelle des prophètes dans les domaines sans cesse nouveaux de l’existence humaine. Les critiques d’un Kant, d’un Feuerbach, d’un Marx, d’un Nietzsche et d’un Freud – pour ne prendre que quelques uns parmi les plus importants – se situent dans une dépendance non dite par rapport à l’impulsion prophétique. Raymund Schwager
The gospel revelation gradually destroys the ability to sacralize and valorize violence of any kind, even for Americans in pursuit of the good. (…) At the heart of the cultural world in which we live, and into whose orbit the whole world is being gradually drawn, is a surreal confusion. The impossible Mother Teresa-John Wayne antinomy Times correspondent (Lance) Morrow discerned in America’s humanitarian 1992 Somali operation is simply a contemporary manifestation of the tension that for centuries has hounded those cultures under biblical influence. Gil Bailie
L’éthique de la victime innocente remporte un succès si triomphal aujourd’hui dans les cultures qui sont tombées sous l’influence chrétienne que les actes de persécution ne peuvent être justifiés que par cette éthique, et même les chasseurs de sorcières indonésiens y ont aujourd’hui recours. La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Dans la Bible, c’est la victime qui a le dernier mot et cela nous influence même si nous ne voulons pas rendre à la Bible l’hommage que nous lui devons. René Girard
Je crois que le moment décisif en Occident est l’invention de l’hôpital. Les primitifs s’occupent de leurs propres morts. Ce qu’il y a de caractéristique dans l’hôpital c’est bien le fait de s’occuper de tout le monde. C’est l’hôtel-Dieu donc c’est la charité. Et c’est visiblement une invention du Moyen-Age. René Girard
Notre monde est de plus en plus imprégné par cette vérité évangélique de l’innocence des victimes. L’attention qu’on porte aux victimes a commencé au Moyen Age, avec l’invention de l’hôpital. L’Hôtel-Dieu, comme on disait, accueillait toutes les victimes, indépendamment de leur origine. Les sociétés primitives n’étaient pas inhumaines, mais elles n’avaient d’attention que pour leurs membres. Le monde moderne a inventé la « victime inconnue », comme on dirait aujourd’hui le « soldat inconnu ». Le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales, notre souci des victimes et notre attention à ne pas nous fabriquer de boucs émissaires, ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent. René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
Dans la foi musulmane, il y a un aspect simple, brut, pratique qui a facilité sa diffusion et transformé la vie d’un grand nombre de peuples à l’état tribal en les ouvrant au monothéisme juif modifié par le christianisme. Mais il lui manque l’essentiel du christianisme : la croix. Comme le christianisme, l’islam réhabilite la victime innocente, mais il le fait de manière guerrière. La croix, c’est le contraire, c’est la fin des mythes violents et archaïques. René Girard
Tu vois, ce que nous appelons Dieu dépend de notre tribu, Clark Joe, parce que Dieu est tribal; Dieu prend parti! Aucun homme dans le ciel n’est intervenu quand j’étais petit pour me délivrer du poing et des abominations de papa. J’ai compris depuis longtemps que Si Dieu est tout puissant, il ne peut pas être tout bienveillant. Et s’il est tout bienveillant, il ne peut pas être tout puissant. Et toi non plus ! Lex Luthor
Cette sorte de pouvoir est dangereux. (…) Dans une démocratie, le bien est une conversation et non une décision unilatérale. Sénatrice Finch (personnage de Batman contre Superman)
La bonne idée de ce nouveau film des écuries DC Comics, c’est de mettre en opposition deux conceptions de la justice, en leur donnant vie à travers l’affrontement de deux héros mythiques. (…) Superman et Batman ne sont pas des citoyens comme les autres. Ce sont tous les deux des hors-la-loi qui œuvrent pour accomplir le Bien. Néanmoins, leur rapport à la justice n’est pas le même: l’un incarne une loi supérieure, l’autre cherche à échapper à l’intransigeance des règles pour mieux faire corps avec le monde. Le personnage de Superman évoque une justice divine transcendante, ou encore supra-étatique. À plusieurs reprises, le film met en évidence le défaut de cette justice surhumaine, trop parfaite pour notre monde. Superman est un héros kantien, pour qui le devoir ne peut souffrir de compromission. Cette rigidité morale peut alors paradoxalement conduire à une vertu vicieuse, trop sûre d’elle même. On reprochait au philosophe de Königsberg sa morale de cristal, parfaite dans ses intentions mais prête à se briser au contact de la dure réalité. Il en va de même pour Superman et pour sa bonne volonté, qui vient buter sur la brutalité de ses adversaires et sur des dilemmes moraux à la résolution impossible. Le personnage de Batman incarne quant à lui une justice souple, souterraine, infra-étatique et peut-être trop humaine. Le modèle philosophique le plus proche est celui de la morale arétique du philosophe Aristote. Si les règles sont trop rigides, il faut privilégier, à la manière du maçon qui utilise comme règle le fil à plomb qui s’adapte aux contours irréguliers, une vertu plus élastique. Plutôt que d’obéir à des impératifs catégoriques, le justicier est celui qui sait s’adapter et optimiser l’agir au cas particulier. Paradoxalement, cette justice de l’ombre peut aller jusqu’à vouloir braver l‘interdit suprême ; le meurtre; puisque Batman veut en finir avec Superman. (…) De la même façon, le film pose dès le départ, à travers les discours d’une sénatrice, le problème critique du recours au super-héros. Ce dernier déresponsabilise l’homme, court-circuite le débat démocratique et menace par ses super-pouvoirs toute possibilité d’un contre-pouvoir. Les « Watchmen », adaptation plus subtile de l’oeuvre de Alan Moore par le même Zack Snyder posait déjà la question : « Who watches the Watchmen ? » Le Nouvel Obs
Benzema est un grand joueur, Ben Arfa est un grand joueur. Mais Deschamps, il a un nom très français. Peut-être qu’il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. Personne dans sa famille n’est mélangé avec quelqu’un, vous savez. Comme les Mormons en Amérique. Eric Cantona
 As often as not in Israel, military leaders and security officials are to the left of the public and their civilian leadership. (…) At a ceremony marking Holocaust Remembrance Day earlier this month, Yair Golan, Israel’s deputy chief of staff, compared trends in Israeli society to Germany in the 1930s. When Mr. Netanyahu rebuked him—correctly—for defaming Israel and cheapening the memory of the Holocaust, Mr. Ya’alon leapt to the general’s defense and told officers that they should feel free to speak their minds in public. Hence his ouster. At stake here is no longer the small question about Sgt. Azariah, where the military establishment is in the right. It’s the greater question of civilian-military relations, where Israel’s military leaders are dead wrong. A security establishment that feels no compunction about publicly telling off its civilian masters is on the road to becoming a law unto itself—the Sparta of Mr. Tyler’s imagination, albeit in the service of leftist goals.(…) It was Israel’s security establishment, led by talented former officers such as Yitzhak Rabin and Ehud Barak, that led Israelis down the bloody cul-de-sac formerly called the peace process. If their views are no longer regarded as sacrosanct, it’s a sign of Israel’s political maturity, not decline. There’s a larger point here, relevant not only to Israel, about the danger those who believe themselves to be virtuous pose to those who merely wish to be free. In the Middle East, the virtuous are often the sheikhs and ayatollahs, exhorting the faithful to murder for the sake of God. In the West, the virtuous are secular elites imposing what Thomas Sowell once called “the vision of the anointed” on the benighted masses. Mr. Lieberman is nobody’s idea of an ideal defense minister. And both he and his boss are wrong when it comes to the shameful case of Sgt. Azariah. But those who believe that Israel must remain a democracy have no choice but to take Mr. Netanyahu’s side. Bret Stephens
La scène est surréaliste. Montrant le contre-champ des images qui ont circulé toute la journée et sur lesquelles ont peut voir un véhicule de police incendié par des casseurs en marge de la manifestation « anti-flic » ce mercredi 18 mai à Paris, la séquence permet de mesurer la violence qui s’est abattue sur ces policiers (…). Avant que le véhicule disparaisse dans les flammes, on peut le voir arriver sur le quai de Valmy, alors que la circulation est perturbée par les manifestants. La patrouille se retrouve donc bloquée, sans issue, constituant une cible de choix pour les casseurs les plus déterminés. Un individu attaque à coups de pieds la vitre côté conducteur, alors que divers projectiles commencent à pleuvoir. Les jeunes encagoulés vont alors ensuite entreprendre de se servir d’objets plus lourds, comme des bornes anti-stationnement, pour attaquer le véhicule. À force de coups répétés, la vitre arrière se brise et l’un d’eux entreprend de jeter un objet enflammé dans l’habitacle, alors toujours occupé par les policiers. Quand le conducteur du véhicule sort, il est pris à partie par un manifestant qui lui assène plusieurs coups de bâtons. L’agent de police garde son calme, esquivant les coups jusqu’à tourner les talons. Huffington Post
Je serais ravi de les rencontrer pour les remercier d’être dans ce pays, et présenter mes excuses auprès d’eux au nom du Parti républicain pour Donald Trump. Bob Bennett
Une chose m’effraie. C’est de relever les processus nauséabonds qui se sont déroulés en Europe en général et plus particulièrement en Allemagne, il y a 70, 80 et 90 ans. Et de voir des signes de cela parmi nous en cette année 2016. La Shoah doit inciter à une réflexion fondamentale sur la façon dont on traite ici et maintenant l’étranger, l’orphelin et la veuve.  Il n’y a rien de plus simple que de haïr l’étranger, rien de plus simple que de susciter les peurs et d’intimider… Yaïr Golan (chef d’état major de l’armée israélienne)
L’ensemble du musée célèbre une forme d’année « zéro » du Japon, passé soudain, en août 1945, du statut d’agresseur brutal de l’Asie à celui de victime. Non loin de là, dans le mémorial pour les victimes de la bombe atomique, construit au début des années 2000 par le gouvernement, quelques lignes expliquent vaguement « qu’à un moment, au XXe siècle, le Japon a pris le chemin de la guerre » et que « le 8 décembre 1941, il a initié les hostilités contre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres ». Nulle évocation de la colonisation brutale de la région par les troupes nippones au début des années trente. Rien sur les massacres de civils et les viols de masse commis en Chine, à Nankin. Pas une ligne sur le sort des milliers de jeunes femmes asiatiques transformées en esclaves sexuelles pour les soldats nippons dans la région. Aucune mise en perspective permettant aux visiteurs japonais de tenter un travail de mémoire similaire à celui réussi en Allemagne dès la fin du conflit. Les enfants japonais n’ont pas d’équivalent de Dachau à visiter. Beaucoup ont, un temps, espéré que Barack Obama bouleverserait cette lecture, qui a été confortée par des années d’un enseignement et d’une culture populaire expliquant que le pays et son empereur, Hirohito, avaient été entraînés malgré eux par une poignée de leaders militaires brutaux. Le dirigeant allait, par un discours de vérité, forcer le Japon à se regarder dans le miroir. Mais le président américain a déjà annoncé qu’il ne prononcerait pas à Hiroshima les excuses symboliques qui auraient pu contraindre les élites nippones à entamer une introspection sur leur vision biaisée de l’histoire. Le responsable devrait essentiellement se concentrer sur un discours plaidant pour un monde sans armes nucléaires, au grand soulagement du Premier ministre nippon, Shinzo Abe, qui estime que son pays a, de toute façon, suffisamment demandé pardon et fait acte de contrition. (…) S’ils craignent que la venue du président américain à Hiroshima n’incite le Japon à se cloîtrer dans cette amnésie et cette victimisation, les partisans d’un réexamen du passé nippon veulent encore croire que la seule présence de Barack Obama alimentera un débat sur la capacité de Tokyo à entamer une démarche similaire auprès de ses grands voisins asiatiques et de son allié américain. Déjà, mercredi soir, des médias ont embarrassé Shinzo Abe en le questionnant publiquement sur son éventuelle visite du site américain de Pearl Harbor, à Hawaii. Le 7 décembre 1941, cette base américaine fut attaquée par surprise par l’aéronavale japonaise et 2.403 Américains furent tués au cours du raid, qui reste vécu comme un traumatisme aux Etats-Unis. Les médias sud-coréens et chinois vont, eux, défier le Premier ministre japonais d’oser venir dans leur pays déposer des fleurs sur des monuments témoins de l’oppression nippone d’autrefois. A quand une visite de Shinzo Abe à Nankin, demanderont-ils. Jamais, répondra le gouvernement conservateur. En déstabilisant Pékin, qui nourrit sa propagande des trous de mémoire de Tokyo, un tel geste symbolique témoignerait pourtant d’une maturité du Japon plus marquée et lui donnerait une aura nouvelle dans l’ensemble de l’Asie-Pacifique. Yann Rousseau
Formuler des excuses pour un chef d’Etat reste très compliqué, Barack Obama ne serait sans doute pas hostile à l’idée d’exprimer des regrets pour les souffrances infligées, mais d’un point de vue diplomatique, s’excuser revient à ouvrir un débat historique qui n’a jamais existé. Lorsque la guerre s’est terminée, une sorte de compromis a été établi entre les Américains et les Japonais, visant à ne plus évoquer le mal fait dans les deux camps. Guibourg Delamotte
I’m not too proud of Hollywood these days with the immorality that is shown in pictures, and the vulgarity. I just have a feeling that maybe Hollywood needs some outsiders to bring back decency and good taste to some of the pictures that are being made. Ronald Reagan (1989)
An advertent and sustained foreign policy uses a different part of the brain from the one engaged by horrifying images. If Americans had seen the battles of the Wilderness and Cold Harbor on TV screens in 1864, if they had witnessed the meat-grinding carnage of Ulysses Grant’s warmaking, then public opinion would have demanded an end to the Civil War, and the Union might well have split into two countries, one of them farmed by black slaves. (…) The Americans have ventured into Somalia in a sort of surreal confusion, first impersonating Mother Teresa and now John Wayne. it would help to clarify that self-image, for to do so would clarify the mission, and then to recast the rhetoric of the enterprise. Lance Morrow (1993)
It is never too soon to learn to identify yourself as a victim. Such, at least, is the philosophy of today’s college freshman orientation, which has become a crash course in the strange new world of university politics. Within days of arrival on campus, « new students » (the euphemism of choice for « freshmen ») learn the paramount role of gender, race, ethnicity, class and sexual orientation in determining their own and others’ identity. Most important, they are provided with the most critical tool of their college career: the ability to recognize their own victimization. Heather Mac Donald (24.09.1992)
All the patched clothes seen around town recently were not a result of the present recession, nor yet of nostalgia for the Great Depression of the 1930’s, when patching clothes was a necessity. Today’s patches are all about status and style.Christian Francis Roth’s clothes have intricate patch inserts that are part of Mr. Roth’s designs. Patched jeans have been around since the 1960’s. The newer ones are imitating Mr. Roth’s more expensive designs with appliqued patches that don’t cost as much. And not to be confused with those styles are the rap-style patches with fringed — or frayed — edges on denim clothes. New York Times
Bailie livre une sorte d’Apocalypse — « révélation » où il ne s’agit pas tant de montrer la violence que de la dire — de la dire dans des termes irrécusables alors que, précisément, toute l’histoire de l’humanité pourrait se résumer en cette tentative pour taire la violence, pour nier qu’elle fonde toute société, et qu’elle doit être dépassée. Choix de taire ou de dire, choix de sacraliser ou de démasquer pour toujours. Un livre qui (…) révèle avec tant de clarté et de lucidité les « choses cachées » depuis la fondation du monde : il nous révèle dans un aujourd’hui pressant des choix qui nous concernent. Il traque le sens qui se cache au coeur des monstres sacrés ( ! ) de la littérature ou des faits retentissants de notre actualité. Impossible d’échapper à l’interpellation, de ne pas re-considérer toutes ces « choses » et surtout ce sujet — la violence — qui fait tellement partie de notre quotidien qu’on en oublie son vrai visage. (…) un cheminement révélateur pour parcourir des sentiers que nous empruntons : la littérature, la philosophie, la politique, la culture, l’information, bref, tout ce qui fait de nous des membres de cette humanité convoquée pour une lecture violente de notre heure. (…) La Violence révélée propose une analyse de la crise anthropologique, culturelle et historique que traversent les sociétés contemporaires, à la lumière de l’oeuvre de René Girard. Dans La Violence et le sacré, puis Des choses cachées depuis la fondation du monde, Girard avait montré le rôle essentiel de la violence pour les sociétés : un meurtre fondateur est à l’origine de la société. Girard met en évidence la logique victimaire : pour assurer la cohésion, le groupe désigne un bouc émissaire et défoule la violence sur lui — violence qui devient sacrée puisque ritualisée. Le meurtre et le sacrifice rituel renforcent les liens de la communauté qui échappe ainsi au chaos de la violence désorganisée. La violence sur le bouc émissaire a donc une fonction cathartique. Elle reste de la violence mais elle est dépouillée de son effet anarchique et destructeur. Les mythes garderaient mémoire de ce sacrifice mais tairaient la violence faite à la victime en la rationalisant : « le mythe ferme la bouche et les yeux sur certains événements » [p. 50]. Voilà donc le grand « mensonge », relayé par les rituels, des religions archaïques qui sont incapables de découvrir le mécanisme victimaire qui les fonde. Un autre concept girardien fondamental est celui du « désir mimétique ». Les passions (jalousie, envie, convoitise, ressentiment, rivalité, mépris, haine) qui conduisent à des comportements violents trouvent leur origine dans ce désir mimétique. Dans l’acceptation girardienne du terme, le désir représente l’influence que les autres ont sur nous ; le désir, « c’est ce qui arrive aux rapports humains quand il n’y a plus de résolution victimaire, et donc plus de polarisations vraiment unanimes, susceptibles de déclencher cette résolution » [Girard, cité p. 128]. La « mimesis », souvent traduite par « imitation » (ce qui est inexact, ainsi que le souligne Bailie, car ce terme comporte une dimension volontaire alors que ce n’est pas conscient) est cette « propension qu’a l’être humain à succomber à l’influence des désirs positifs, négatifs, flatteurs ou accusateurs exprimés par les autres » [p. 68]. Personne n’échappe à cette logique. D’où l’effet de foule qui exacerbe les comportements mimétiques. La rivalité qui naît de la mimesis — on désire ce que désire l’autre — oblige à résoudre le conflit en le déplaçant sur une victime. Or le Christianisme démonte le schéma sacrificiel en révélant l’innocence de la victime : la Croix révèle et dénonce la violence sacrificielle. Elle met à nu l’unanimité fallacieuse de la foule en proie au mimétisme collectif et la violence contagieuse : la foule, elle, « ne sait pas ce qu’elle fait », pour reprendre les paroles du Christ en croix. Jésus propose une voie hors de la logique des représailles et de la vengeance en invitant à « tendre l’autre joue ». La non-violence révèle à la violence sa propre nature et la désarme. A partir des concepts girardiens, Bailie examine les conséquences de la révélation évangélique pour la société humaine. Il entreprend l’exploration systématique de l’histoire de l’humanité et sa tentative pour sortir du schéma de la violence sacrificielle. Son hypothèse centrale est que « la compassion d’origine biblique pour les victimes paralyse le système du bouc émissaire dont l’humanité dépend depuis toujours pour sa cohésion sociale. Mais la propension des êtres humains à résoudre les tensions sociales aux dépens d’une victime de substitution reste » [p. 75]. Ce que les Ecritures « doivent accomplir, c’est une conversion du coeur de l’homme qui permettra à l’humanité de se passer de la violence organisée sans pour autant s’abîmer dans la violence incontrôlée, dans la violence de l’Apocalypse » [p. 31]. Or qu’en est-il ? La Bible, en proposant la compassion pour les victimes, a permis « l’éclosion de la première contre-culture du monde, que nous appelons la ‘‘culture occidentale’’ » [p. 150]. La Bible, notre « cahier de souvenirs » [p. 214], est une chronique des efforts accomplis par l’homme pour renoncer aux formes primitives de religion et aux rituels sacrificiels, et s’extirper des structures de la violence sacrée. Ainsi, avec Abraham, le sacrifice humain est abandonné ; les commandements de Moise indiquent la voie hors du désir mimétique (« tu ne convoiteras pas » car c’est la convoitise qui mène à la rivalité et la violence). Baillie s’attarde sur le récit biblique car pour lui il contient une valeur anthropologique essentielle ; il permet en effet d’observer « les structures et la dynamique de la vie culturelle et religieuse conventionnelles de l’humanité et d’être témoin de la façon dont ces structures s’effondrent sous le poids d’une révélation incompatible avec elles » [p. 186]. Peut-être peut-on parler de prototype de l’avènement de l’humanité à elle-même. Dans la Bible, la révélation est en cours et l’on peut mesurer les conséquences déstabilisantes sur le peuple de cette révélation. Pas un hasard, donc, que le Christ se soit incarné dans la tradition hébraïque déjà aux prises avec la révélation. (…) Les Evangiles, donc, ont rendu moralement et culturellement problématique le recours au système sacrificiel. Toutefois, « les passions mimétiques qu’il pouvait jadis contrôler ont pris de l’ampleur, jusqu’à provoquer la crise sociale, psychologique et spirituelle que nous connaissons » [p. 131]. L’Occident, en effet, est sorti du schéma de la violence sacrificielle, mais son impossibilité à embrasser le modèle proposé par l’Evangile a pour conséquence la descente dans la violence première. La distinction morale entre « bonne violence » et « mauvaise violence » n’est plus « un impératif catégorique » [p. 81]. Puisque nous vivons dans un monde où la violence a perdu son prestige moral et religieux, « La violence a gagné en puissance destructrice » [p. 70] : elle a perdu «  son pouvoir de fonder la culture et de la restaurer » [p. 72]. L’effondrement de la distinction cruciale entre violence officielle et violence officieuse se révèle par exemple dans le fait que les policiers ne sont plus respectés (Bailie oppose cela à la scène finale de Lord of the Flies où les enfants sont arrêtés dans leur frénésie de violence par la simple vue de l’officier de marine : son « autorité morale » bloque le chaos). Donc, puisque le violence a perdu son aura religieuse, « la fascination que suscite sa contemplation n’entraîne plus le respect pour l’institution sacrée qui en est à l’origine. Au contraire, le spectacle de la violence servira de modèle à des violences du même ordre » [p. 104]. De la violence thérapeutique, on risque fort de passer à une violence gratuite, voire ludique. A l’instar du Christ qui utilise les paraboles pour « révéler les choses cachées depuis la fondation du monde  » [p.  24], Bailie utilise des citations tirées de la presse contemporaine « de façon à montrer quelles formes prend la révélation de la violence dans le monde d’aujourd’hui » [p. 24]. Bailie note plusieurs résurgences du « religieux », dans le culte du nationalisme par exemple. Le nationalisme fournit en effet une forme de transcendance sociale qui renforce le sentiment communautaire, et devient un « ersatz de sacré » [p. 277] qui conduit encore à la violence sur des « boucs émissaires ». Il note aussi comment la rhétorique de la guerre légitime (mythifie même) la violence. Ainsi ce général salvadorien chargé du massacre de femmes et d’enfants en 1981 s’adresse à son armée en ces termes : « Ce que nous avons fait hier et le jour d’avant, ça s’appelle la guerre. C’est ça, la guerre […] Que les choses soient claires, il est hors de question qu’on vous entende gémir et vous lamenter sur ce que vous avez fait […] c’est la guerre, messieurs. C’est ça la guerre » [p. 280]. La philosophie même, pour Bailie, participerait du sacré mais n’en serait peut-être que le simulacre car « elle a érigé des formes de rationalité dont la tâche a été d’empêcher la prise de conscience de la vérité » [p. 271]. D’ou son impasse en tant que vraie transcendance. Dans le combat entre les forces du sacrificiel et de la violence collective, et la « déconstruction à laquelle se livre l’Evangile » [p. 282], qu’en est-il de l’autre protagoniste du combat, celui qui représente la révélation évangélique ? Sa puissance est d’un autre ordre. Bailie la voit à l’oeuvre, par exemple, dans deux moments, le chant d’une victime sur la montagne de la Cruz, et la prière d’un Juif à Buchenwald : « Paix à tous les hommes de mauvaise volonté  ! Qu’il y ait une fin à la vengeance, à l’exigence de châtiments et de représailles » [p. 284]. Et Bailie de conclure : « si nous ne trouvons le repos auprès de Dieu, c’est notre propre inquiétude qui nous servira de transcendance » [p. 284]. Le texte de l’Apocalypse « révèle » ce que les hommes risquent de faire « s’ils continuent, dans un monde désacralisé et sans garde-fou sacrificiel, de tenir pour rien la mise en garde évangélique contre la vengeance » [p. 32]. La seule façon d’éviter que l’Apocalypse ne devienne une réalité est d’accueillir l’impératif évangélique de l’amour. Pour Girard, « l’humanité est confrontée à un choix […] explicite et même parfaitement scientifique entre la destruction totale et le renoncement total à la violence » [p. 32]. A sa suite, Bailie identifie deux alternatives : soit un retour à la violence sacrée dans un contexte religieux non biblique, soit une révolution anthropologique que la révélation chrétienne a générée. Il s’agira donc d’arriver à résister au mal pour en empêcher la propagation : « la seule façon d’éviter la transcendance fictive de la violence et de la contagion sociale est une autre forme de transcendance religieuse au centre de laquelle se trouve un dieu qui a choisi de subir la violence plutôt que de l’exercer » [p. 84]. Marie Liénard

Vous avez dit double contrainte ?

Premier réseau social du monde contraint de s’excuser d’avoir censuré la photo en bikini d’un mannequin clairement obèse, sénateur américain implorant le pardon des musulmans de la planète entière pour la proposition de moratorium migratoire du candidat de son propre parti face à la menace du terrorisme islamiste, président israélien accusé de dérive belliciste face à la folie meurtrière de ses voisins djihadistes par ses propres généraux, policier français astreint à une abnégation quasi-christique face à des militants d’extrême-gauche prêts à l’incinérer vivant, sélectionneur de l’équipe de France de football suspecté de port de nom trop français, superhéros sommés de répondre des conséquences du moindre de leurs  actes…

En ces temps tellement étranges …

Qu’on n’en remarque même plus l’incroyable singularité …

Où le président de la plus grande puissance de la planète se voit à la fois reproché de ne pas s’être excusé pour Hiroshima et Nagasaki …

Et secrètement remercié de n’avoir pas ce faisant impliqué ses hôtes dans  la ronde sans fin des excuses …

Comment ne pas voir …

Avec la véritable et hélas méconnue mise à jour de l’Apocalypse qu’avait faite il y a plus de vingt ans le girardien Gil Bailie (La violence révélée : l’humanité à l’heure du choix) …

Et derrière l’apparemment irrépressible montée du chaos que nous connaissons …

L’influence délétère et bimillénaire de « l’immortelle flétrissure de l’humanité » et de cette « rebellion contre la loi naturelle » qu’avaient si bien repérée Nietzsche et son émule Hitler

A savoir ce maudit christianisme qui avec les conséquences potentiellement apocalyptiques que l’on sait …

Est en train d’imposer bientôt à la planète entière comme l’avait aussi prédit Auden

Son irresponsable et incontrôlable inversion de toutes les hiérarchies et de toutes les valeurs ?

La Violence révélée : l’humanité à l’heure du choix
Gil Bailie
Traduction Claude Chastagner
Castelnau-le-Lez : Climats, 2004.
25 euros, 290 pages + notes, ISBN 2-84158-254-X.

Marie Liénard
Ecole polytechnique

Le titre ne laisse rien présager de la richesse de l’ouvrage. Il semble en effet sacrifier à l’effet d’une mode qui a rendu la thématique de la violence omniprésente. Certes l’avant-propos de René Girard attire l’attention. On garde en mémoire la révolution opérée par La Violence et le sacré (1972) dont les concepts fondateurs — désir mimétique et bouc émissaire — font presque partie du langage courant. Le sous-titre, l’humanité à l’heure du choix, laisse entendre une certaine urgence — et intrigue.

Bailie livre une sorte d’Apocalypse — « révélation » où il ne s’agit pas tant de montrer la violence que de la dire — de la dire dans des termes irrécusables alors que, précisément, toute l’histoire de l’humanité pourrait se résumer en cette tentative pour taire la violence, pour nier qu’elle fonde toute société, et qu’elle doit être dépassée. Choix de taire ou de dire, choix de sacraliser ou de démasquer pour toujours.

Un livre qui bouscule, intellectuellement d’abord. Un livre difficile, comme nous en avertit Girard dans son avant-propos. Difficile, ensuite, en ce qu’il révèle avec tant de clarté et de lucidité les « choses cachées » depuis la fondation du monde : il nous révèle dans un aujourd’hui pressant des choix qui nous concernent. Il traque le sens qui se cache au coeur des monstres sacrés ( ! ) de la littérature ou des faits retentissants de notre actualité. Impossible d’échapper à l’interpellation, de ne pas re-considérer toutes ces « choses » et surtout ce sujet — la violence — qui fait tellement partie de notre quotidien qu’on en oublie son vrai visage.

On ne peut que regretter que ce rendez-vous ne parvienne aux lecteurs non anglophones que neuf ans après la parution du livre aux Etats-Unis sous le titre Violence Unveiled: Humanity at the Crossroads en 1995 (The Crossroad Publishing Company). Par ailleurs, on se plait à imaginer ce que l’auteur aurait à dire — révéler — des récents événements, de l’après 11 septembre en particulier.

Pour moi, donc, un livre incontournable pour quiconque s’intéresse à aujourd’hui — à l’aujourd’hui d’un monde dans lequel nous sommes « embarqués », dirait Pascal. Livre à laisser et à reprendre, sans doute. Mais un cheminement révélateur pour parcourir des sentiers que nous empruntons : la littérature, la philosophie, la politique, la culture, l’information, bref, tout ce qui fait de nous des membres de cette humanité convoquée pour une lecture violente de notre heure.

Le livre contient 14 chapitres suivis de notes (pas de bibliographie). Dans l’avant-propos, René Girard avertit que « La Violence révélée parle de la crise spirituelle que traverse notre époque » [p. 11], et qu’il s’agit d’un « livre magnifique sur le christianisme et sur la culture contemporaire … un superbe ouvrage de critique littéraire » [p. 12]. L’éditeur Frédéric Joly le présente comme un « ouvrage de critique sociale profondément original » [p. 6]. Finalement, seul le lecteur, avec ses convictions et ses intérêts, pourra se situer avec justesse.

La Violence révélée propose une analyse de la crise anthropologique, culturelle et historique que traversent les sociétés contemporaires, à la lumière de l’oeuvre de René Girard. Dans La Violence et le sacré, puis Des choses cachées depuis la fondation du monde, Girard avait montré le rôle essentiel de la violence pour les sociétés : un meurtre fondateur est à l’origine de la société. Girard met en évidence la logique victimaire : pour assurer la cohésion, le groupe désigne un bouc émissaire et défoule la violence sur lui — violence qui devient sacrée puisque ritualisée. Le meurtre et le sacrifice rituel renforcent les liens de la communauté qui échappe ainsi au chaos de la violence désorganisée. La violence sur le bouc émissaire a donc une fonction cathartique. Elle reste de la violence mais elle est dépouillée de son effet anarchique et destructeur. Les mythes garderaient mémoire de ce sacrifice mais tairaient la violence faite à la victime en la rationalisant : « le mythe ferme la bouche et les yeux sur certains événements » [p. 50]. Voilà donc le grand « mensonge », relayé par les rituels, des religions archaïques qui sont incapables de découvrir le mécanisme victimaire qui les fonde.

Un autre concept girardien fondamental est celui du « désir mimétique ». Les passions (jalousie, envie, convoitise, ressentiment, rivalité, mépris, haine) qui conduisent à des comportements violents trouvent leur origine dans ce désir mimétique. Dans l’acceptation girardienne du terme, le désir représente l’influence que les autres ont sur nous ; le désir, « c’est ce qui arrive aux rapports humains quand il n’y a plus de résolution victimaire, et donc plus de polarisations vraiment unanimes, susceptibles de déclencher cette résolution » [Girard, cité p. 128]. La « mimesis », souvent traduite par « imitation » (ce qui est inexact, ainsi que le souligne Bailie, car ce terme comporte une dimension volontaire alors que ce n’est pas conscient) est cette « propension qu’a l’être humain à succomber à l’influence des désirs positifs, négatifs, flatteurs ou accusateurs exprimés par les autres » [p. 68]. Personne n’échappe à cette logique. D’où l’effet de foule qui exacerbe les comportements mimétiques. La rivalité qui naît de la mimesis — on désire ce que désire l’autre — oblige à résoudre le conflit en le déplaçant sur une victime.

Or le Christianisme démonte le schéma sacrificiel en révélant l’innocence de la victime : la Croix révèle et dénonce la violence sacrificielle. Elle met à nu l’unanimité fallacieuse de la foule en proie au mimétisme collectif et la violence contagieuse : la foule, elle, « ne sait pas ce qu’elle fait », pour reprendre les paroles du Christ en croix. Jésus propose une voie hors de la logique des représailles et de la vengeance en invitant à « tendre l’autre joue ». La non-violence révèle à la violence sa propre nature et la désarme.

A partir des concepts girardiens, Bailie examine les conséquences de la révélation évangélique pour la société humaine. Il entreprend l’exploration systématique de l’histoire de l’humanité et sa tentative pour sortir du schéma de la violence sacrificielle. Son hypothèse centrale est que « la compassion d’origine biblique pour les victimes paralyse le système du bouc émissaire dont l’humanité dépend depuis toujours pour sa cohésion sociale. Mais la propension des êtres humains à résoudre les tensions sociales aux dépens d’une victime de substitution reste » [p. 75]. Ce que les Ecritures « doivent accomplir, c’est une conversion du coeur de l’homme qui permettra à l’humanité de se passer de la violence organisée sans pour autant s’abîmer dans la violence incontrôlée, dans la violence de l’Apocalypse » [p. 31]. Or qu’en est-il ?

La Bible, en proposant la compassion pour les victimes, a permis « l’éclosion de la première contre-culture du monde, que nous appelons la ‘‘culture occidentale’’ » [p. 150]. La Bible, notre « cahier de souvenirs » [p. 214], est une chronique des efforts accomplis par l’homme pour renoncer aux formes primitives de religion et aux rituels sacrificiels, et s’extirper des structures de la violence sacrée. Ainsi, avec Abraham, le sacrifice humain est abandonné ; les commandements de Moise indiquent la voie hors du désir mimétique (« tu ne convoiteras pas » car c’est la convoitise qui mène à la rivalité et la violence). Baillie s’attarde sur le récit biblique car pour lui il contient une valeur anthropologique essentielle ; il permet en effet d’observer « les structures et la dynamique de la vie culturelle et religieuse conventionnelles de l’humanité et d’être témoin de la façon dont ces structures s’effondrent sous le poids d’une révélation incompatible avec elles » [p. 186]. Peut-être peut-on parler de prototype de l’avènement de l’humanité à elle-même. Dans la Bible, la révélation est en cours et l’on peut mesurer les conséquences déstabilisantes sur le peuple de cette révélation.

Pas un hasard, donc, que le Christ se soit incarné dans la tradition hébraïque déjà aux prises avec la révélation. Bailie relit le Nouveau Testament en montrant comment le Christ déjoue le mécanisme de victimisation mimétique. Face à la Trinité divine, Bailie décrit une trinité diabolique : « diabolos », « satan », « skandalov » [p. 225]. Il rappelle l’étymologie du diable (celui qui divise), de Satan (celui qui accuse) et de « scandale » (offense, obstacle). Le diabolos sème la discorde en déclenchant les passions mimétiques ; le satan, c’est l’accusateur — celui qui désigne le bouc émissaire ; le scandalov, c’est le piège de l’indignation qui peut engendrer précisément ce qui l’avait provoquée. Or le Christ désamorce en proposant pardon, miséricorde et amour. Bailie propose une lecture extrêmement intéressante du passage de la femme adultère (en particulier du rapport de Jésus à la foule : en l’obligeant à sortir de l’anonymat, il désamorce la contagion violente) ; de la différence entre le ministère de Jean et celui du Christ, de la multiplication des Pains (« Jésus ouvrit leur coeur et, en retour, la foule ouvrit ses sacs » [p.  230]) ; Jésus invite à « sortir du cocon culturel » [p. 238]) ; de Barabbas , le « fils du père » face au Christ, «  le fils du Père » [p. 239]. Le récit évangélique annonce comment passer du logos de la violence au Logos d’amour.

Les Evangiles, donc, ont rendu moralement et culturellement problématique le recours au système sacrificiel. Toutefois, « les passions mimétiques qu’il pouvait jadis contrôler ont pris de l’ampleur, jusqu’à provoquer la crise sociale, psychologique et spirituelle que nous connaissons » [p. 131]. L’Occident, en effet, est sorti du schéma de la violence sacrificielle, mais son impossibilité à embrasser le modèle proposé par l’Evangile a pour conséquence la descente dans la violence première. La distinction morale entre « bonne violence » et « mauvaise violence » n’est plus « un impératif catégorique » [p. 81]. Puisque nous vivons dans un monde où la violence a perdu son prestige moral et religieux, « La violence a gagné en puissance destructrice » [p. 70] : elle a perdu «  son pouvoir de fonder la culture et de la restaurer » [p. 72]. L’effondrement de la distinction cruciale entre violence officielle et violence officieuse se révèle par exemple dans le fait que les policiers ne sont plus respectés (Bailie oppose cela à la scène finale de Lord of the Flies où les enfants sont arrêtés dans leur frénésie de violence par la simple vue de l’officier de marine : son « autorité morale » bloque le chaos). Donc, puisque le violence a perdu son aura religieuse, « la fascination que suscite sa contemplation n’entraîne plus le respect pour l’institution sacrée qui en est à l’origine. Au contraire, le spectacle de la violence servira de modèle à des violences du même ordre » [p. 104]. De la violence thérapeutique, on risque fort de passer à une violence gratuite, voire ludique.

A l’instar du Christ qui utilise les paraboles pour « révéler les choses cachées depuis la fondation du monde  » [p.  24], Bailie utilise des citations tirées de la presse contemporaine « de façon à montrer quelles formes prend la révélation de la violence dans le monde d’aujourd’hui » [p. 24]. Bailie note plusieurs résurgences du « religieux », dans le culte du nationalisme par exemple. Le nationalisme fournit en effet une forme de transcendance sociale qui renforce le sentiment communautaire, et devient un « ersatz de sacré » [p. 277] qui conduit encore à la violence sur des « boucs émissaires ». Il note aussi comment la rhétorique de la guerre légitime (mythifie même) la violence. Ainsi ce général salvadorien chargé du massacre de femmes et d’enfants en 1981 s’adresse à son armée en ces termes : « Ce que nous avons fait hier et le jour d’avant, ça s’appelle la guerre. C’est ça, la guerre […] Que les choses soient claires, il est hors de question qu’on vous entende gémir et vous lamenter sur ce que vous avez fait […] c’est la guerre, messieurs. C’est ça la guerre » [p. 280]. La philosophie même, pour Bailie, participerait du sacré mais n’en serait peut-être que le simulacre car « elle a érigé des formes de rationalité dont la tâche a été d’empêcher la prise de conscience de la vérité » [p. 271]. D’ou son impasse en tant que vraie transcendance.

Dans le combat entre les forces du sacrificiel et de la violence collective, et la « déconstruction à laquelle se livre l’Evangile » [p. 282], qu’en est-il de l’autre protagoniste du combat, celui qui représente la révélation évangélique ? Sa puissance est d’un autre ordre. Bailie la voit à l’oeuvre, par exemple, dans deux moments, le chant d’une victime sur la montagne de la Cruz, et la prière d’un Juif à Buchenwald : « Paix à tous les hommes de mauvaise volonté  ! Qu’il y ait une fin à la vengeance, à l’exigence de châtiments et de représailles » [p. 284].

Et Bailie de conclure : « si nous ne trouvons le repos auprès de Dieu, c’est notre propre inquiétude qui nous servira de transcendance » [p. 284]. Le texte de l’Apocalypse « révèle » ce que les hommes risquent de faire « s’ils continuent, dans un monde désacralisé et sans garde-fou sacrificiel, de tenir pour rien la mise en garde évangélique contre la vengeance » [p. 32]. La seule façon d’éviter que l’Apocalypse ne devienne une réalité est d’accueillir l’impératif évangélique de l’amour. Pour Girard, « l’humanité est confrontée à un choix […] explicite et même parfaitement scientifique entre la destruction totale et le renoncement total à la violence » [p. 32]. A sa suite, Bailie identifie deux alternatives : soit un retour à la violence sacrée dans un contexte religieux non biblique, soit une révolution anthropologique que la révélation chrétienne a générée. Il s’agira donc d’arriver à résister au mal pour en empêcher la propagation : « la seule façon d’éviter la transcendance fictive de la violence et de la contagion sociale est une autre forme de transcendance religieuse au centre de laquelle se trouve un dieu qui a choisi de subir la violence plutôt que de l’exercer » [p. 84].

Bailie est amené, au cours de son exposé, à traiter de plusieurs phénomènes contemporains. Son analyse offre ainsi un éclairage stimulant sur la place de la superstition et de ses nouvelles formes dans nos sociétés (il rejoindrait en cela des remarques de Carl Sagan dans A Candle in the Dark par exemple), ou le culte des stars et autres célébrités télévisuelles. La lecture qu’il fait de l’intervention en Somalie [pp. 33-36] — et de la réaction du public américain aux victimes somaliennes puis américaines  — éclaire, indirectement, la situation iraquienne ; l’opinion publique américaine, après s’être enthousiasmée pour « free the Iraki people », a fait preuve du même retournement. La décision du gouvernement américain de ne pas montrer les images que Michael Moore montrera dans son film ne relève pas seulement de la censure ou du balisage du journalisme de guerre, ou même d’une « politique du mensonge », comme le suggèrerait l’analyse de Baillie. Par ailleurs, son hypothèse peut arriver à rendre compte du choc moral ressenti au cours d’une exécution publique, même si on sait que la victime est coupable, à cause de « l’innocence structurelle » de la victime isolée [p. 100]. Enfin son analyse de la portée mythique de la rhétorique de la guerre invite à reconsidérer la « War on Terror » et les discours qui se rattachent aux interventions militaires. Lynn Spigel suggère ainsi dans American Quarterly de juin 2004 : « Whatever one thinks about Bush’s speech, it is clear that the image of suffering female victims was a powerful emotional ploy through which he connected his own war plan to a sense of moral righteousness and virtue » [« Entertainment Wars », p. 248].

D’autre part, à l’heure où la référence religieuse dans la Constitution européenne a donné l’occasion de réfléchir à ce qui fondait l’Occident, le livre de Bailie offre quelques pistes de réflexion. Dans un autre registre, les questions soulevées par la définition girardienne du désir nous interpellent au moment où l’on parle d’individualisme et de développement personnel (et du coaching qui y est associé). D’autre part, en mettant à nu les désordres engendrés par le désir mimétique et ses corollaires (envie et ambition par exemple) Bailie jette un éclairage pertinent sur la logique de la performance et de la compétitivité de nos sociétés : on mesure déjà le potentiel destructeur de cette dynamique dans un contexte économique où le profit est devenu le seul impératif catégorique.

Enfin, l’ouvrage propose des remarques intéressantes — même si elles sont un peu rapides — pour considérer le rapport entre sexualité et violence [p. 206] ; question au coeur, entre autres, du débat sur la pornographie et son évolution vers des contenus très violents.

Dans son avant-propos, Girard introduit le livre en indiquant qu’il s’agit « d’une pièce essentielle d’un combat intellectuel et spirituel aux conséquences capitales pour notre avenir » [p.  11]. Comme tout combat, il est animé, parfois emporté dans la logique de sa propre légitimité. Cette passion amène par moments l’auteur à des redites : maladresse ? geste pédagogique envers un lecteur qu’il risque de perdre, ou qui risque de se perdre ? volonté de convaincre ? En tout cas, signe d’une pensée « au travail », selon son expression.

Dans les remerciements, Bailie mentionne sa rencontre avec Howard Thurman qui lui aurait dit : « Ne te demande pas ce dont le monde a besoin. Demande-toi ce qui te fait vivre et te fait agir, parce que ce dont le monde a besoin, c’est de gens vivants » [p. 15]. La lecture de ce livre nous invite à être des « gens vivants » — vivants dans le choix à faire entre la fascination et le dégoût, ou l’accueil d’une révélation qui nous dévoile la violence pour la dévisager et faire entendre son cri sans chercher à la faire taire. Ainsi, enfin, nous saurons ce que nous faisons…

Voir aussi:

The Fraying Of America
Robert Hughes
Time

June 24, 2001

Just over 50 years ago, the poet W.H. Auden achieved what all writers envy: making a prophecy that would come true. It is embedded in a long work called For the Time Being, where Herod muses about the distasteful task of massacring the Innocents. He doesn’t want to, because he is at heart a liberal. But still, he predicts, if that Child is allowed to get away, « Reason will be replaced by Revelation. Instead of Rational Law, objective truths perceptible to any who will undergo the necessary intellectual discipline, Knowledge will degenerate into a riot of subjective visions . . . Whole cosmogonies will be created out of some forgotten personal resentment, complete epics written in private languages, the daubs of schoolchildren ranked above the greatest masterpieces. Idealism will be replaced by Materialism. Life after death will be an eternal dinner party where all the guests are 20 years old . . . Justice will be replaced by Pity as the cardinal human virtue, and all fear of retribution will vanish . . . The New Aristocracy will consist exclusively of hermits, bums and permanent invalids. The Rough Diamond, the Consumptive Whore, the bandit who is good to his mother, the epileptic girl who has a way with animals will be the heroes and heroines of the New Age, when the general, the statesman, and the philosopher have become the butt of every farce and satire. »What Herod saw was America in the late 1980s and early ’90s, right down to that dire phrase « New Age. » A society obsessed with therapies and filled with distrust of formal politics, skeptical of authority and prey to superstition, its political language corroded by fake pity and euphemism. A nation like late Rome in its long imperial reach, in the corruption and verbosity of its senators, in its reliance on sacred geese (those feathered ancestors of our own pollsters and spin doctors) and in its submission to senile, deified Emperors controlled by astrologers and extravagant wives. A culture that has replaced gladiatorial games, as a means of pacifying the mob, with high-tech wars on television that cause immense slaughter and yet leave the Mesopotamian satraps in full power over their wretched subjects.

Mainly it is women who object, for due to the prevalence of their mystery- religions, the men are off in the woods, affirming their manhood by sniffing one another’s armpits and listening to third-rate poets rant about the moist, hairy satyr that lives inside each one of them. Meanwhile, artists vacillate between a largely self-indulgent expressiveness and a mainly impotent politicization, and the contest between education and TV — between argument and persuasion by spectacle — has been won by TV, a medium now more debased in America than ever before, and more abjectly self-censoring than anywhere in Europe.

The fundamental temper of America tends toward an existential ideal that can probably never be reached but can never be discarded: equal rights to variety, to construct your life as you see fit, to choose your traveling companions. It has always been a heterogeneous country, and its cohesion, whatever cohesion it has, can only be based on mutual respect. There never was a core America in which everyone looked the same, spoke the same language, worshipped the same gods and believed the same things.

America is a construction of mind, not of race or inherited class or ancestral territory. It is a creed born of immigration, of the jostling of scores of tribes that become American to the extent to which they can negotiate accommodations with one another. These negotiations succeed unevenly and often fail: you need only to glance at the history of racial relations to know that. The melting pot never melted. But American mutuality lives in recognition of difference. The fact remains that America is a collective act of the imagination whose making never ends, and once that sense of collectivity and mutual respect is broken, the possibilities of American-ness begin to unravel.

If they are fraying now, it is at least in part due to the prevalence of demagogues who wish to claim that there is only one path to virtuous American- ness: paleoconservatives like Jesse Helms and Pat Robertson who think this country has one single ethic, neoconservatives who rail against a bogey called multiculturalism — as though this culture was ever anything but multi! — and pushers of political correctness who would like to see grievance elevated into automatic sanctity.

BIG DADDY IS TO BLAME

Americans are obsessed with the recognition, praise and, when necessary, the manufacture of victims, whose one common feature is that they have been denied parity with that Blond Beast of the sentimental imagination, the heterosexual, middle-class white male. The range of victims available 10 years ago — blacks, Chicanos, Indians, women, homosexuals — has now expanded to include every permutation of the halt, the blind and the short, or, to put it correctly, the vertically challenged.

Forty years ago, one of the epic processes in the assertion of human rights started unfolding in the U.S.: the civil rights movement. But today, after more than a decade of government that did its best to ignore the issues of race when it was not trying to roll back the gains of the ’60s, the usual American response to inequality is to rename it, in the hope that it will go away. We want to create a sort of linguistic Lourdes, where evil and misfortune are dispelled by a dip in the waters of euphemism. Does the cripple rise from his wheelchair, or feel better about being stuck in it, because someone back in the early days of the Reagan Administration decided that, for official purposes, he was « physically challenged »?

Because the arts confront the sensitive citizen with the difference between good artists, mediocre ones and absolute duffers, and since there are always more of the last two than the first, the arts too must be politicized; so we cobble up critical systems to show that although we know what we mean by the quality of the environment, the idea of quality in aesthetic experience is little more than a paternalist fiction designed to make life hard for black, female and gay artists.

Since our newfound sensitivity decrees that only the victim shall be the hero, the white American male starts bawling for victim status too. Hence the rise of cult therapies teaching that we are all the victims of our parents, that whatever our folly, venality or outright thuggishness, we are not to be blamed for it, since we come from « dysfunctional families. » The ether is jammed with confessional shows in which a parade of citizens and their role models, from LaToya Jackson to Roseanne Arnold, rise to denounce the sins of their parents. The cult of the abused Inner Child has a very important use in modern America: it tells you that nothing is your fault, that personal grievance transcends political utterance.

The all-pervasive claim to victimhood tops off America’s long-cherished culture of therapeutics. Thus we create a juvenile culture of complaint in / which Big Daddy is always to blame and the expansion of rights goes on without the other half of citizenship: attachment to duties and obligations. We are seeing a public recoil from formal politics, from the active, reasoned exercise of citizenship. It comes because we don’t trust anyone. It is part of the cafard the ’80s induced: Wall Street robbery, the savings and loan scandal, the wholesale plunder of the economy, an orgy released by Reaganomics that went on for years with hardly a peep from Congress — events whose numbers were so huge as to be beyond the comprehension of most people.

Single-issue politics were needed when they came, because they forced Washington to deal with, or at least look at, great matters of civic concern that it had scanted: first the civil rights movement, and then the environment, women’s reproductive rights, health legislation, the educational crisis. But now they too face dilution by a trivialized sense of civic responsibility. What are your politics? Oh, I’m antismoking. And yours? Why, I’m starting an action committee to have the suffix -man removed from every word in every book in the Library of Congress. And yours, sir? Well, God told me to chain myself to a fire hydrant until we put a fetus on the Supreme Court.

In the past 15 years the American right has had a complete, almost unopposed success in labeling as left-wing ordinary agendas and desires that, in a saner polity, would be seen as ideologically neutral, an extension of rights implied in the Constitution. American feminism has a large repressive fringe, self- caricaturing and often abysmally trivial, like the academic thought police who recently managed to get a reproduction of Goya’s Naked Maja removed from a classroom at Pennsylvania State University; it has its loonies who regard all sex with men, even with consent, as a politicized form of rape. But does this in any way devalue the immense shared desire of millions of American women to claim the right of equality to men, to be free from sexual harassment in the workplace, to be accorded the reproductive rights to be individuals first and mothers second?

The ’80s brought the retreat and virtual disappearance of the American left as a political, as distinct from a cultural, force. It went back into the monastery — that is, to academe — and also extruded out into the art world, where it remains even more marginal and impotent. Meanwhile, a considerable and very well-subsidized industry arose, hunting the lefty academic or artist in his or her retreat. Republican attack politics turned on culture, and suddenly both academe and the arts were full of potential Willie Hortons. The lowbrow form of this was the ire of figures like Senator Helms and the Rev. Donald Wildmon directed against National Endowment subventions for art shows they thought blasphemous and obscene, or the trumpetings from folk like David Horowitz about how PBS should be demolished because it’s a pinko-liberal-anti- Israel bureaucracy.

THE BATTLES ON CAMPUS

The middle-to-highbrow form of the assault is the ongoing frenzy about political correctness, whose object is to create the belief, or illusion, that a new and sinister McCarthyism, this time of the left, has taken over American universities and is bringing free thought to a stop. This is flatly absurd. The comparison to McCarthyism could be made only by people who either don’t know or don’t wish to remember what the Senator from Wisconsin and his pals actually did to academe in the ’50s: the firings of tenured profs in mid- career, the inquisitions by the House Committee on Un-American Activities on the content of libraries and courses, the campus loyalty oaths, the whole sordid atmosphere of persecution, betrayal and paranoia. The number of conservative academics fired by the lefty thought police, by contrast, is zero. There has been heckling. There have been baseless accusations of racism. And certainly there is no shortage of the zealots, authoritarians and scramblers who view PC as a shrewd career move or as a vent for their own frustrations.

In cultural matters we can hardly claim to have a left and a right anymore. Instead we have something more akin to two puritan sects, one masquerading as conservative, the other posing as revolutionary but using academic complaint as a way of evading engagement in the real world. Sect A borrows the techniques of Republican attack politics to show that if Sect B has its way, the study of Milton and Titian will be replaced by indoctrination programs in the works of obscure Third World authors and West Coast Chicano subway muralists, and the pillars of learning will forthwith collapse. Meanwhile, Sect B is so stuck in the complaint mode that it can’t mount a satisfactory defense, since it has burned most of its bridges to the culture at large.

In the late ’80s, while American academics were emptily theorizing that language and the thinking subject were dead, the longing for freedom and . humanistic culture was demolishing European tyranny. Of course, if the Chinese students had read their Foucault, they would have known that repression is inscribed in all language, their own included, and so they could have saved themselves the trouble of facing the tanks in Tiananmen Square. But did Vaclav Havel and his fellow playwrights free Czechoslovakia by quoting Derrida or Lyotard on the inscrutability of texts? Assuredly not: they did it by placing their faith in the transforming power of thought — by putting their shoulders to the immense wheel of the word. The world changes more deeply, widely, thrillingly than at any moment since 1917, perhaps since 1848, and the American academic left keeps fretting about how phallocentricity is inscribed in Dickens’ portrayal of Little Nell.

The obsessive subject of our increasingly sterile confrontation between the two PCs — the politically and the patriotically correct — is something clumsily called multiculturalism. America is a place filled with diversity, unsettled histories, images impinging on one another and spawning unexpected shapes. Its polyphony of voices, its constant eddying of claims to identity, is one of the things that make America America. The gigantic, riven, hybridizing, multiracial republic each year receives a major share of the world’s emigration, legal or illegal.

To put the argument for multiculturalism in merely practical terms of self- interest: though elites are never going to go away, the composition of those elites is not necessarily static. The future of American ones, in a globalized economy without a cold war, will rest with people who can think and act with informed grace across ethnic, cultural, linguistic lines. And the first step in becoming such a person lies in acknowledging that we are not one big world family, or ever likely to be; that the differences among races, nations, cultures and their various histories are at least as profound and as durable as the similarities; that these differences are not divagations from a European norm but structures eminently worth knowing about for their own sake. In the world that is coming, if you can’t navigate difference, you’ve had it.

Thus if multiculturalism is about learning to see through borders, one can be all in favor of it. But you do not have to listen to the arguments very long before realizing that, in quite a few people’s minds, multiculturalism is about something else. Their version means cultural separatism within the larger whole of America. They want to Balkanize culture.

THE AUTHORITY OF THE PAST

This reflects the sense of disappointment and frustration with formal politics, which has caused many people to look to the arts as a field of power, since they have power nowhere else. Thus the arts become an arena for complaint about rights. The result is a gravely distorted notion of the political capacity of the arts, just at the moment when — because of the pervasiveness of mass media — they have reached their nadir of real political effect.

One example is the inconclusive debate over « the canon, » that oppressive Big Bertha whose muzzle is trained over the battlements of Western Civ at the black, the gay and the female. The canon, we’re told, is a list of books by dead Europeans — Shakespeare and Dante and Tolstoy and Stendhal and John Donne and T.S. Eliot . . . you know, them, the pale, patriarchal penis people. Those who complain about the canon think it creates readers who will never read anything else. What they don’t want to admit, at least not publicly, is that most American students don’t read much anyway and quite a few, left to their own devices, would not read at all. Their moronic national baby-sitter, the TV set, took care of that. Before long, Americans will think of the time when people sat at home and read books for their own sake, discursively and sometimes even aloud to one another, as a lost era — the way we now see rural quilting bees in the 1870s.

The quarrel over the canon reflects the sturdy assumption that works of art are, or ought to be, therapeutic. Imbibe the Republic or Phaedo at 19, and you will be one kind of person; study Jane Eyre or Mrs. Dalloway, and you will be another. For in the literary zero-sum game of canon-talk, if you read X, it means that you don’t read Y. This is a simple fancy.

So is the distrust of the dead, as in « dead white male. » Some books are deeper, wider, fuller than others, and more necessary to an understanding of our culture and ourselves. They remain so long after their authors are dead. Those who parrot slogans like « dead white male » might reflect that, in writing, death is relative: Lord Rochester is as dead as Sappho, but not so moribund as Bret Easton Ellis or Andrea Dworkin. Statistically, most authors are dead, but some continue to speak to us with a vividness and urgency that few of the living can rival. And the more we read, the more writers we find who do so, which is why the canon is not a fortress but a permeable membrane.

The sense of quality, of style, of measure, is not an imposition bearing on literature from the domain of class, race or gender. All writers or artists carry in their mind an invisible tribunal of the dead, whose appointment is an imaginative act and not merely a browbeaten response to some notion of authority. This tribunal sits in judgment on their work. They intuit their standards from it. From its verdict there is no appeal. None of the contemporary tricks — not the fetishization of the personal, not the attempt to shift the aesthetic into the political, not the exhausted fictions of avant-gardism — will make it go away. If the tribunal weren’t there, every first draft would be a final manuscript. You can’t fool Mother Culture.

That is why one rejects the renewed attempt to judge writing in terms of its presumed social virtue. Through it, we enter a Marxist never-never land, where all the most retrograde phantoms of Literature as Instrument of Social Utility are trotted forth. Thus the Columbia History of the American Novel declares Harriet Beecher Stowe a better novelist than Herman Melville because she was « socially constructive » and because Uncle Tom’s Cabin helped rouse Americans against slavery, whereas the captain of the Pequod was a symbol of laissez-faire capitalism with a bad attitude toward whales.

With the same argument you can claim that an artist like William Gropper, who drew those stirring cartoons of fat capitalists in top hats for the New Masses 60 years ago, may have something over an artist like Edward Hopper, who didn’t care a plugged nickel for community and was always painting figures in lonely rooms in such a way that you can’t be sure whether he was criticizing alienation or affirming the virtues of solitude.

REWRITING HISTORY

It’s in the area of history that PC has scored its largest successes. The reading of history is never static. There is no such thing as the last word. And who could doubt that there is still much to revise in the story of the European conquest of North and South America that historians inherited? Its basic scheme was imperial: the epic advance of civilization against barbarism; the conquistador bringing the cross and the sword; the red man shrinking back before the cavalry and the railroad. Manifest Destiny. The notion that all historians propagated this triumphalist myth uncritically is quite false; you have only to read Parkman or Prescott to realize that. But after it left the histories and sank deep into popular culture, it became a potent myth of justification for plunder, murder and enslavement.

So now, in reaction to it, comes the manufacture of its opposite myth. European man, once the hero of the conquest of the Americas, now becomes its demon; and the victims, who cannot be brought back to life, are sanctified. On either side of the divide between Euro and native, historians stand ready with tarbrush and gold leaf, and instead of the wicked old stereotypes, we have a whole outfit of equally misleading new ones. Our predecessors made a hero of Christopher Columbus. To Europeans and white Americans in 1892, he was Manifest Destiny in tights, whereas a current PC book like Kirkpatrick Sale’s The Conquest of Paradise makes him more like Hitler in a caravel, landing like a virus among the innocent people of the New World.

The need for absolute goodies and absolute baddies runs deep in us, but it drags history into propaganda and denies the humanity of the dead: their sins, their virtues, their failures. To preserve complexity, and not flatten it under the weight of anachronistic moralizing, is part of the historian’s task.

You cannot remake the past in the name of affirmative action. But you can find narratives that haven’t been written, histories of people and groups that have been distorted or ignored, and refresh history by bringing them in. That is why, in the past 25 years, so much of the vitality of written history has come from the left. When you read the work of the black Caribbean historian C.L.R. James, you see a part of the world break its long silence: a silence not of its own choosing but imposed on it by earlier imperialist writers. You do not have to be a Marxist to appreciate the truth of Eric Hobsbawm’s claim that the most widely recognized achievement of radical history « has been to win a place for the history of ordinary people, common men and women. » In America this work necessarily includes the histories of its minorities, which tend to break down complacent nationalist readings of the American past.

By the same token, great changes have taken place in the versions of American history taught to schoolchildren. The past 10 years have brought enormous and hard-won gains in accuracy, proportion and sensitivity in the textbook treatment of American minorities, whether Asian, Native, black or ^ Hispanic. But this is not enough for some extremists, who take the view that only blacks can write the history of slavery, only Indians that of pre- European America, and so forth.

That is the object of a bizarre document called the Portland African- American Baseline Essays, which has never been published as a book but, in photocopied form, is radically changing the curriculums of school systems all over the country. Written by an undistinguished group of scholars, these essays on history, social studies, math, language and arts and science are meant to be a charter of Afrocentrist history for young black Americans. They have had little scrutiny in the mainstream press. But they are popular with bureaucrats like Thomas Sobol, the education commissioner in New York State — people who are scared of alienating black voters or can’t stand up to thugs like City College professor Leonard Jeffries. Their implications for American education are large, and mostly bad.

WAS CLEOPATRA BLACK?

The Afrocentrist claim can be summarized quite easily. It says the history of the cultural relations between Africa and Europe is bunk — a prop for the fiction of white European supremacy. Paleohistorians agree that intelligent human life began in the Rift Valley of Africa. The Afrocentrist goes further: the African was the cultural father of us all. European culture derives from Egypt, and Egypt is part of Africa, linked to its heart by the artery of the Nile. Egyptian civilization begins in sub-Saharan Africa, in Ethiopia and the Sudan.

Hence, argued the founding father of Afrocentrist history, the late Senegalese writer Cheikh Anta Diop, whatever is Egyptian is African, part of the lost black achievement; Imhotep, the genius who invented the pyramid as a monumental form in the 3rd millennium B.C., was black, and so were Euclid and Cleopatra in Alexandria 28 dynasties later. Blacks in Egypt invented hieroglyphics, and monumental stone sculpture, and the pillared temple, and the cult of the Pharaonic sun king. The habit of European and American historians of treating the ancient Egyptians as other than black is a racist plot to conceal the achievements of black Africa.

No plausible evidence exists for these claims of Egyptian negritude, though it is true that the racism of traditional historians when dealing with the cultures of Africa has been appalling. Most of them refused to believe African societies had a history that was worth telling. Here is Arnold Toynbee in A Study of History: « When we classify mankind by color, the only one of the primary races . . . which has not made a single creative contribution to any of our 21 civilizations is the black race. »

No black person — indeed, no modern historian of any race — could read such bland dismissals without disgust. The question is, How to correct the record? Only by more knowledge. Toynbee was writing more than 50 years ago, but in the past 20 years, immense strides have been made in the historical scholarship of both Africa and African America. But the upwelling of research, the growth of Black Studies programs, and all that goes with the long-needed expansion of the field seem fated to be plagued by movements like Afrocentrism, just as there are always cranks nattering about flying saucers on the edges of Mesoamerican archaeology.

To plow through the literature of Afrocentrism is to enter a world of claims about technological innovation so absurd that they lie beyond satire, like those made for Soviet science in Stalin’s time. Afrocentrists have at one time or another claimed that Egyptians, alias Africans, invented the wet-cell battery by observing electric eels in the Nile; and that late in the 1st millennium B.C., they took to flying around in gliders. (This news is based not on the discovery of an aircraft in an Egyptian tomb but on a silhouette wooden votive sculpture of the god Horus, a falcon, that a passing English businessman mistook some decades ago for a model airplane.) Some also claim that Tanzanians 1,500 years ago were smelting steel with semiconductor technology. There is nothing to prove these tales, but nothing to disprove them either — a common condition of things that didn’t happen.

THE REAL MULTICULTURALISM

Nowhere are the weaknesses and propagandistic nature of Afrocentrism more visible than in its version of slave history. Afrocentrists wish to invent a sort of remedial history in which the entire blame for the invention and practice of black slavery is laid at the door of Europeans. This is profoundly unhistorical, but it’s getting locked in popular consciousness through the new curriculums.

It is true that slavery had been written into the basis of the classical world. Periclean Athens was a slave state, and so was Augustan Rome. Most of their slaves were Caucasian. The word slave meant a person of Slavic origin. By the 13th century slavery spread to other Caucasian peoples. But the African % slave trade as such, the black traffic, was an Arab invention, developed by traders with the enthusiastic collaboration of black African ones, institutionalized with the most unrelenting brutality, centuries before the white man appeared on the African continent, and continuing long after the slave market in North America was finally crushed.

Naturally this is a problem for Afrocentrists, especially when you consider the recent heritage of Black Muslim ideas that many of them espouse. Nothing in the writings of the Prophet forbids slavery, which is why it became such an Arab-dominated business. And the slave traffic could not have existed without the wholehearted cooperation of African tribal states, built on the supply of captives generated by their relentless wars. The image promulgated by pop- history fictions like Roots — white slavers bursting with cutlass and musket into the settled lives of peaceful African villages — is very far from the historical truth. A marketing system had been in place for centuries, and its supply was controlled by Africans. Nor did it simply vanish with Abolition. Slave markets, supplying the Arab emirates, were still operating in Djibouti in the 1950s; and since 1960, the slave trade has flourished in Mauritania and the Sudan. There are still reports of chattel slavery in northern Nigeria, Rwanda and Niger.

But here we come up against a cardinal rule of the PC attitude to oppression studies. Whatever a white European male historian or witness has to say must be suspect; the utterances of an oppressed person or group deserve instant credence, even if they’re the merest assertion. The claims of the victim do have to be heard, because they may cast new light on history. But they have to pass exactly the same tests as anyone else’s or debate fails and truth suffers. The PC cover for this is the idea that all statements about history are expressions of power: history is written only by the winners, and truth is political and unknowable.

The word self-esteem has become one of the obstructive shibboleths of education. Why do black children need Afrocentrist education? Because, its promoters say, it will create self-esteem. The children live in a world of media and institutions whose images and values are created mainly by whites. The white tradition is to denigrate blacks. Hence blacks must have models that show them that they matter. Do you want your children to love themselves? Then change the curriculum. Feed them racist claptrap a la Leonard Jeffries, about . how your intelligence is a function of the amount of melanin in your skin, and how Africans were sun people, open and cooperative, whereas Europeans were ice people, skulking pallidly in caves.

It is not hard to see why these claims for purely remedial history are intensifying today. They are symbolic. Nationalism always wants to have myths to prop itself up; and the newer the nationalism, the more ancient its claims. The invention of tradition, as Eric Hobsbawm has shown in detail, was one of the cultural industries of 19th century Europe. But the desire for self-esteem does not justify every lie and exaggeration and therapeutic slanting of evidence that can be claimed to alleviate it. The separatism it fosters turns what ought to be a recognition of cultural diversity, or real multiculturalism, tolerant on both sides, into a pernicious symbolic program. Separatism is the opposite of diversity.

The idea that European culture is oppressive in and of itself is a fallacy that can survive only among the fanatical and the ignorant. The moral and intellectual conviction that inspired Toussaint-Louverture to focus the rage of the Haitian slaves and lead them to freedom in 1791 came from his reading of Rousseau and Mirabeau. When thousands of voteless, propertyless workers the length and breadth of England met in their reading groups in the 1820s to discuss republican ideas and discover the significance of Shakespeare’s Julius Caesar, they were seeking to unite themselves by taking back the meanings of a dominant culture from custodians who didn’t live up to them.

Americans can still take courage from their example. Cultural separatism within this republic is more a fad than a serious proposal; it is not likely to hold. If it did, it would be a disaster for those it claims to help: the young, the poor and the black. Self-esteem comes from doing things well, from discovering how to tell a truth from a lie and from finding out what unites us as well as what separates us. The posturing of the politically correct is no more a guide to such matters than the opinions of Simon Legree.

Voir également:

Welcome, Freshman! Oppressor or Oppressed?

Heather Mac Donald

The Wall Street Journal

Sep. 29, 1992

It is never too soon to learn to identify yourself as a victim. Such, at least, is the philosophy of today’s college freshman orientation, which has become a crash course in the strange new world of university politics. Within days of arrival on campus, « new students » (the euphemism of choice for « freshmen ») learn the paramount role of gender, race, ethnicity, class and sexual orientation in determining their own and others’ identity. Most important, they are provided with the most critical tool of their college career: the ability to recognize their own victimization.

An informal survey shows that two themes predominate at freshmen orientation programs – oppression and difference — foreshadowing the leitmotifs of the coming four years. Orientations present a picture of college life in which bias lurks around every corner. This year, for example, the University of California at Berkeley changed the focus of its freshman orientation from « stereotyping » to « racism, homophobia, status-ism, sexism, and age-ism. » According to Michele Frasier, assistant director of the new student program at Berkeley, the program organizers « wanted to talk more specifically about specific issues the students will face ». The objective of the emphasis on discrimination is « to make students aware [of the] issues they need to think about, so they’re not surprised when they face them. »

Various Forms of ‘Isms’

Dartmouth’s assistant dean of freshmen, Tony Tillman, offered no less bleak a vision of the academic community. A mandatory program for freshmen, « Social Issues, » presented skits on « the issues first year students face, » which he defined as « the various forms of ‘isms’: sexism, racism, classism, etc. » If the content of the skits overlapped, such overlap was, according to Mr. Tillman, unavoidable. The experience of discrimination cannot be compartmentalized: « It’s not as if today, I have a racist experience, tomorrow, a sexist [one] . In any one day, one may be up against several issues. Some issues of sexism have a racist foundation, and vice versa. »

The point of the program (and, indeed, of much of the subsequent education at Dartmouth and other schools) is to « try to weave a common thread » through these various instances of oppression. If one can’t fit oneself into the victim role, however, today’s freshmen orientation offers an alternative: One can acknowledge oneself as the oppressor. Columbia University brought in a historian from the National Museum of American History in Washington to perform, in effect, an ideological delousing of the students. Her mission, as she said in her speech, was to help students recognize their own beliefs that foster inequality. By describing the stereotypes in American society that support racism and prejudice, she hoped to give students a chance to « re-evaluate [and] learn new things. »

Learning to see yourself as a victim is closely tied to seeing yourself as different. At Columbia, freshmen heard three of their classmates read essays on what being different–gay, black and Asian American – had meant in their lives. According to assistant dean Michael Fenlon, « the goal is to initiate an awareness of difference and the implications of difference for the Columbia community. And this is not a one-shot program. We expect it will continue through their four years here, not just in the classrooms, but in the residence halls, on the playing fields, and in every aspect of student life. »

« Faces of Community, » a program organized by Stanford’s « multicultural educator, » presented freshmen with a panel of students and staff who each embodied some officially recognized difference. James Wu, orientation coordinator of Stanford’s Residential Education program, says that the « Faces » program « gives students a sense that everyone’s different. » At Bowdoin, the assistant to the president for multicultural programs hosted a brown-bag lunch for freshmen entitled « Defining Diversity: Your Role in Racial-Consciousness Raising, Cultural Differences, and Cross-Cultural Social Enhancers. » Oberlin shows its new students a performance piece on « differences in race, ethnicity, sexuality, gender, and culture, » and follows up with separate orientation programs for Asian-Americans, blacks, Latinos, and gay, lesbian and bisexual students.

The presupposition behind the contemporary freshman initiation is the need for political re-education. Columbia’s assistant dean for freshmen, Kathryn Balmer, explained that « you can’t bring all these people together and say, ‘Now be one big happy community,’ without some sort of training…. It isn’t an ideal world, so we need to do some education. » That students have somehow managed for years to form a college community in the absence of such « education » has apparently escaped administrative attention.

Stanford’s outgoing multicultural educator, Greg Ricks, revealed the dimensions of the task: « White students need help to understand what it means to be white in a multicultural community. We have spent a lot of money and a lot of time trying to help students of color, and women students, and gay and disabled students to figure out what it means for them. But for the white heterosexual male who feels disconnected and marginalized by multiculturalism, we’ve got to do a lot of work here. »

* * *

Obsessive Emphasis on Difference If all this sounds more appropriate for a war-crimes trial than for the first year of college, the incoming student can at least look forward to one unexpected area of freedom at Duke. According to President Brodie, « gender » is a « preference » that should be respected. Anyone who feels oppressed by their chromosomes can apparently simply « prefer » to be of the opposite sex. »

Today’s freshman orientations, prelude to the education to come, raise one of the great unexplained mysteries of our time: how the obsessive emphasis on « difference » and victimization will lead to a more unified, harmonious culture. Students who have been taught from day one to identify themselves and their peers with one or another oppressed or oppressing group are already replicating those group divisions in their intellectual and social lives.

* * *

Ms. Mac Donald is a lawyer living in New York.

Voir encore:

Hiroshima : pourquoi le Japon préfère qu’Obama ne s’excuse pas

Barack Obama a choisi de ne pas prononcer d’excuses, au grand soulagement de Shinzo Abe et des élites japonaises, tant cette tragédie occulte encore aujourd’hui le vrai rôle du Japon pendant la guerre.
Yann Rousseau
Les Echos

Au Japon, c’est la saison des voyages scolaires. Jeudi, à la veille de la visite historique de Barack Obama, premier président américain en exercice à venir dans la ville martyre, des milliers d’élèves de primaire et de secondaire se pressaient dans les allées du musée de la Paix d’Hiroshima pour tenter d’appréhender le drame.

Ils ont vu les statues de cire, à taille réelle, représentant des enfants brûlés vifs dans les trois secondes qui ont suivi l’explosion, le 6 août 1945, de la bombe atomique « Little Boy » au-dessus de la ville. Plus loin, des restes de peau et d’ongles prélevés par une mère sur le cadavre de son fils. Et des images atroces, en noir et blanc, de corps irradiés. Dans le dernier couloir, ils ont signé un livret appelant la communauté internationale à renoncer aux armes nucléaires. Enfin, ils sont ressortis effarés par la violence et l’inhumanité du drame qu’a vécu leur nation il y a soixante et onze ans. A aucun moment, ils n’auront été exposés aux causes du drame.

L’ensemble du musée célèbre une forme d’année « zéro » du Japon, passé soudain, en août 1945, du statut d’agresseur brutal de l’Asie à celui de victime. Non loin de là, dans le mémorial pour les victimes de la bombe atomique, construit au début des années 2000 par le gouvernement, quelques lignes expliquent vaguement « qu’à un moment, au XXe siècle, le Japon a pris le chemin de la guerre » et que « le 8 décembre 1941, il a initié les hostilités contre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres ».

Pas d’excuses, pas d’introspection

Nulle évocation de la colonisation brutale de la région par les troupes nippones au début des années trente. Rien sur les massacres de civils et les viols de masse commis en Chine, à Nankin. Pas une ligne sur le sort des milliers de jeunes femmes asiatiques transformées en esclaves sexuelles pour les soldats nippons dans la région. Aucune mise en perspective permettant aux visiteurs japonais de tenter un travail de mémoire similaire à celui réussi en Allemagne dès la fin du conflit. Les enfants japonais n’ont pas d’équivalent de Dachau à visiter.

Beaucoup ont, un temps, espéré que Barack Obama bouleverserait cette lecture, qui a été confortée par des années d’un enseignement et d’une culture populaire expliquant que le pays et son empereur, Hirohito, avaient été entraînés malgré eux par une poignée de leaders militaires brutaux. Le dirigeant allait, par un discours de vérité, forcer le Japon à se regarder dans le miroir. Mais le président américain a déjà annoncé qu’il ne prononcerait pas à Hiroshima les excuses symboliques qui auraient pu contraindre les élites nippones à entamer une introspection sur leur vision biaisée de l’histoire. Le responsable devrait essentiellement se concentrer sur un discours plaidant pour un monde sans armes nucléaires, au grand soulagement du Premier ministre nippon, Shinzo Abe, qui estime que son pays a, de toute façon, suffisamment demandé pardon et fait acte de contrition.

Il est vrai que plusieurs responsables politiques japonais ont, au fil des décennies, formulé des excuses fortes pour les exactions commises par l’armée impériale avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais autant de dirigeants ont fait douter, ces dernières années, de la sincérité de ces regrets. Plusieurs membres de l’actuel gouvernement ont eux aussi flirté avec un révisionnisme malsain. Des ministres proches de la droite nationaliste continuent aussi de se rendre plusieurs fois par an au sanctuaire shinto de Yasukuni, à Tokyo, considéré à Pékin et Séoul comme le symbole odieux du passé militariste du Japon. Ils y honorent les 2,5 millions de morts pour le Japon dans les derniers grands conflits, mais aussi 14 criminels de guerre condamnés pour leurs exactions dans la région lors de la Seconde Guerre mondiale. Et l’exécutif n’émet jamais de communiqué clarifiant sa position sur ces visites controversées.

Amnésie et victimisation

S’ils craignent que la venue du président américain à Hiroshima n’incite le Japon à se cloîtrer dans cette amnésie et cette victimisation, les partisans d’un réexamen du passé nippon veulent encore croire que la seule présence de Barack Obama alimentera un débat sur la capacité de Tokyo à entamer une démarche similaire auprès de ses grands voisins asiatiques et de son allié américain. Déjà, mercredi soir, des médias ont embarrassé Shinzo Abe en le questionnant publiquement sur son éventuelle visite du site américain de Pearl Harbor, à Hawaii. Le 7 décembre 1941, cette base américaine fut attaquée par surprise par l’aéronavale japonaise et 2.403 Américains furent tués au cours du raid, qui reste vécu comme un traumatisme aux Etats-Unis.

Les médias sud-coréens et chinois vont, eux, défier le Premier ministre japonais d’oser venir dans leur pays déposer des fleurs sur des monuments témoins de l’oppression nippone d’autrefois. A quand une visite de Shinzo Abe à Nankin, demanderont-ils. Jamais, répondra le gouvernement conservateur. En déstabilisant Pékin, qui nourrit sa propagande des trous de mémoire de Tokyo, un tel geste symbolique témoignerait pourtant d’une maturité du Japon plus marquée et lui donnerait une aura nouvelle dans l’ensemble de l’Asie-Pacifique.

Voir de plus:

Hiroshima : Obama a-t-il tort de ne pas s’excuser pour la bombe atomique ?
Metronews
23-05-2016

POLITIQUE – A quatre jours de sa visite à Hiroshima, le président américain a prévenu qu’il ne s’excuserait pas pour le mal causé par le bombardement de la ville à l’arme atomique en 1945. Guibourg Delamotte, maître de conférences en sciences politiques au département Japon à Inalco, nous explique les raisons de ce refus.

Barack Obama a-t-il raison de ne pas s’excuser pour Hiroshima ?

Barack Obama se rendra à Hiroshima ce vendredi à l’issue d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du G7 organisé à Ise-Shima, dans le centre du Japon. Il sera le premier président américain en exercice à mettre les pieds dans la ville ravagée par l’attaque nucléaire américaine du 6 août 1945. Ce matin-là, à 8h15, un bombardier américain, l’Enola Gay, larguait au-dessus d’Hiroshima la première bombe atomique de l’histoire, tuant 75 000 personnes d’un coup.

Aussi symbolique soit aujourd’hui le geste de Barack Obama, il n’en reste pas moins refréné. Le chef d’Etat a en effet prévenu dans une déclaration à la chaîne japonaise NHK qu’il ne présenterait pas d’excuses. « Non, car je pense qu’il est important de reconnaître qu’en pleine guerre, les dirigeants doivent prendre toutes sortes de décisions ». Et de poursuivre : »C’est le rôle des historiens de poser des questions et de les examiner mais je sais, ayant moi-même été à ce poste depuis sept ans et demi, que tout dirigeant prend des décisions très difficiles, en particulier en temps de guerre ».

►Les Japonais aussi disposaient d’un « outil nucléaire »

De nombreux historiens ont pourtant établi, au fil des décennies, que la bombe atomique n’avait pas joué de rôle majeur pour gagner la Seconde guerre mondiale, le Japon ayant à l’époque, déjà décidé de capituler. Qu’en est-il vraiment ?

Contacté par metronews, Guibourg Delamotte, maître de conférences en sciences politiques au département Japon à Inalco, rappelle que les Japonais disaient également disposer « d’un outil nucléaire » à cette époque. D’autre part, « les effets de la bombe nucléaire sur la santé n’étaient pas encore connus. Les Américains eux-mêmes sous-estimaient les risques et restaient à quelques centaines de mètres des essais réalisés dans le désert, avec pour seule protection des lunettes de soleil ».

►Pourquoi Barack Obama ne s’excuse-t-il pas ?

« Formuler des excuses pour un chef d’Etat reste très compliqué », explique Guibourg Delamotte. « Barack Obama ne serait sans doute pas hostile à l’idée d’exprimer des regrets pour les souffrances infligées, mais d’un point de vue diplomatique, s’excuser revient à ouvrir un débat historique qui n’a jamais existé. Lorsque la guerre s’est terminée, une sorte de compromis a été établi entre les Américains et les Japonais, visant à ne plus évoquer le mal fait dans les deux camps ». Les Américains laissaient les Japonais tranquilles, en échange de quoi ces derniers ne demandaient pas d’excuses.

►A-t-il tort de ne pas le faire ?

Selon une enquête réalisée par l’agence japonaise Kyodo, 78,3%  des 115 survivants des attaques atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki ne demandent pas d’excuses. « La visite du président américain constitue un geste de réconciliation symbolique et une reconnaissance du mal fait aux Japonais par les Américains », estime la spécialiste. Et de conclure : « Ne pas s’excuser est une sage décision diplomatique ».

Voir également:

Obama à Hiroshima : si, si, les USA s’excusent parfois, du bout des lèvres
Le président américain l’a annoncé : il ne s’excusera pas pour Hiroshima. Les Américains n’aiment pas la repentance. Cela leur est pourtant arrivé de présenter des excuses, tardivement et sans publicité.
Pascal Riché
Nouvel Obs

23 mai 2016

La visite d’un président américain à Hiroshima, le 27 mai prochain, est une première historique. Mais Barack Obama n’ira pas plus loin : il ne s’excusera pas au nom des Etats-Unis. Il l’a déclaré à la télévision japonaise NHK, en expliquant que dans le brouillard de la guerre, les leaders prenaient des décisions très difficiles.
Les Américains détestent l’exercice des excuses, cela n’entre pas dans le cadre dessiné par leurs ambitions universalistes : la grande puissance modèle, gardienne des valeurs démocratiques et humanistes, ne peut avoir commis de crimes. S’excuser n’est jamais neutre pour l’identité d’un pays : c’est une entaille portée à la narration qu’on essaye d’imposer.

Il est toutefois arrivé aux Etats-Unis, à quelques rares reprises, de présenter des excuses d’Etat. La plupart du temps à reculons et sans tambour ni trompette.

1. Le massacre des indiens

Il a fallu attendre avril 2009 pour qu’un début de repentance soit officiellement exprimé. Et encore : ces excuses n’ont pas été claironnées, elles n’ont pas été clamées lors d’une cérémonie devant les chefs des tribus indiennes réunies sur la colline du Capitole. Elles ont été camouflées dans un recoin des 67 pages de la loi portant sur le budget de la Défense pour 2010.

Les médias n’ont même pas été invités à assister à la signature, par Barack Obama le 19 décembre 2009, de cette résolution par laquelle le peuple américain s’excuse des « violences » et des « mauvais traitements » subies par les peuples natifs. Une repentance en catimini.

2. L’esclavage

Il aura fallu attendre 143 ans après l’abolition de l’esclavage pour que les Etats-Unis formulent des excuses. Mais sans grande publicité, sans signature présidentielle et en deux temps. En 2008, avant l’élection présidentielle qui a porté Obama à la Maison Blanche, la chambre des représentants a voté une première résolution ; puis, après l’investiture d’Obama, le Sénat a a son tour voté un texte allant dans le même sens.

Les deux n’ont pas été fusionnés et le président n’a pas eu à les signer. Ces textes n’ont donc, pour reprendre une comparaison faite par The Atlantic,  « pas plus de poids que des résolutions félicitant l’équipe victorieuse du Super Bowl ».

Auparavant, Bill Clinton avait exprimé pour la première fois des « regrets » et George W. Bush, à Gorée, avait qualifié l’esclavage « d’un des plus grands crime de l’histoire« , mais sans aller plus loin.

3. Les camps d’internement de Japonais

En 1988, le Congrès a voté une résolution pour présenter des excuses concernant les rafles de japonais après Pearl Harbour en 1942. Toutes les familles japonaises ou d’origine japonaise, devenues subitement suspectes, avaient été jetées dans des camps d’internement sans autre forme de procès. La majorité des parlementaires républicains a voté contre cette résolution qui déplore une « injustice fondamentale », présente des « excuses au nom du peuple américain » et prévoit une indemnisation pour les survivants et descendants des victimes. Mais la très grande majorité des démocrates a voté pour et Ronald Reagan l’a signée le 10 août, en s’en félicitant malgré les réserves de son camp : « Je pense que c’est une belle journée ».

4. les recherches sur la syphilis

Un médecin prélève du sang sur des « cobayes » à Tuskegee (Archives nationales)

Ces excuses aussi sont passées par un discours présidentiel. Bill Clinton, en 1997 a demandé pardon pour l’étude Tuskegee sur la syphilis. Un monstrueux programme de recherche sur l’évolution de la maladie, engagé dans les années 30 et se poursuivant sur plusieurs décennies, qui passait par des expérimentations sur des métayers noirs d’Alabama atteints de la maladie. On leur refusait tout traitement comme la pénicilline, tout en leur faisant croire qu’ils étaient soignés. Le scandale a fini par éclater dans les années 1970 mais il a fallu encore attendre 20 ans avant d’obtenir des excuses de la Maison Blanche :

« Le peuple américain est désolé, pour les pertes, pour les années de souffrance. Vous n’aviez rien fait de mal, vous avez été gravement victimes d’une mauvaise action. Je présente des excuses et je suis désolé qu’elles aient mis tant de temps à venir ».

Par ailleurs, en octobre 2010, Barack Obama s’est excusé publiquement, auprès du peuple du Guatemala, pour les recherches sur la syphilis pratiquées dans les années 1940 sur 1.500 citoyens de ce pays. Ces cobayes avaient été sciemment infectés par le virus de la Syphilis afin d’étudier l’efficacité de la pénicilline.

5. Les coups d’Etat et les coups tordus à l’étranger

Sur ces sujets là, très sensibles, les Etats-Unis sont très avares de repentance. En 1993, Bill Clinton s’est excusé, au nom des Etats-Unis, pour le coup d’Etat à Hawai en 1893. La reine Lili’uokalani, suspectée de vouloir prendre trop d’indépendance vis-à-vis des occidentaux, avait été déposée à la suite d’un débarquement américain.

Bill Clinton signe les excuses américaines pour avoir organisé un coup d’Etat en 1893 à Hawai (Willima J.Clinton Library)

Mais c’est une exception à la règle. Les Etats-Unis ne se sont jamais excusé d’avoir aidé les dictatures en Amérique latine dans les années 70. Du bout des lèvres, le 24 mars 2016, à Buenos Aires, devant la liste des noms des victimes de la dictature militaire gravés sur le mur du Parc de la Mémoire, Barack Obama a admis que les Etats-Unis « avaient tardé à défendre les droits de l’homme en Argentine et dans d’autres pays ». De même, on attend toujours les excuses américaines pour avoir soutenu l’apartheid en Afrique du Sud, envoyé du napalm au Vietnam. Ou lâché des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.

Mais des excuses vis-à-vis d’un autre pays sont des opérations qui se discutent à deux, et celui qui « coince » n’est pas toujours celui auquel on pense. En 2011, il était déjà question d’une visite d’Obama à Hiroshima et d’excuses publiques. Mais comme on peut le lire dans un télégramme diplomatique dévoilé par Wikileaks, le gouvernement japonais a alors nettement repoussé l’idée, qui risquait notamment selon lui de renforcer dans son opinion publique le camp des antinucléaires.

Voir de plus:

Dying GOP Senator spends his last days apologizing to Muslims for Trump

This story epitomizes how hysterical and thoughtless the public discourse is nowadays. Trump is presented by the late Bob Bennett and the Daily Beast as an “Islamophobe” — someone with an irrational hatred of or fear of Islam and Muslims. In reality, he hasn’t said anything about Islam at all except that clearly there is a “problem,” and there obviously is. He has called for a temporary moratorium on Muslim immigration as an attempt to stop Islamic jihadis from entering the country. Did Bennett address that problem? Not from the looks of this story. Did Bennett propose an alternative method for keeping jihadis out of the country? No, and neither have any of the others who have likened Trump to Hitler for suggesting this. We are apparently just supposed to allow Muslims into the country without question, and accept that there will be jihad mass murder attacks in the U.S., because the alternative — appearing “racist,” even though Islam is not a race — is far worse. Death before political incorrectness.

“Dying GOP Senator Apologizes to Muslims for Donald Trump,” by Tim Mak, Daily Beast, May 18, 2016:

Bob Bennett spent his last days letting Muslims know how sorry he was that an Islamophobe had become his party’s all-but-certain nominee.

Former GOP senator Bob Bennett lay partially paralyzed in his bed on the fourth floor of the George Washington University Hospital. He was dying.

Not 48 hours had passed since a stroke had complicated his yearlong fight against pancreatic cancer. The cancer had begun to spread again, necessitating further chemotherapy. The stroke had dealt a further blow that threatened to finish him off.

Between the hectic helter-skelter of nurses, doctors, and well wishes from a long-cultivated community of friends and former aides, Bennett faced a quiet moment with his son Jim and his wife Joyce.

It was not a moment for self-pity.

Instead, with a slight slurring in his words, Bennett drew them close to express a dying wish: “Are there any Muslims in the hospital?” he asked.

“I’d love to go up to every single one of them to thank them for being in this country, and apologize to them on behalf of the Republican Party for Donald Trump,” Bennett told his wife and son, both of whom relayed this story to The Daily Beast.

The rise of Donald Trump had appalled the three-term Utah senator, a Republican who fell victim to the tea-party wave of the 2010 midterms. His vote for the Troubled Asset Relief Program, or TARP, had alienated many conservative activists in his state, who chose lawyer Mike Lee as the GOP nominee for Senate instead.

But as Bennett reflected on his life and legacy in mid-April, following the stroke, he wasn’t focused on the race that ended his political career. Instead, he brought up the issue of Muslims in America—over and over again.

He mentioned it briefly in a hospital interview with the Deseret News, a Utah news outlet. “There’s a lot of Muslims here in this area. I’m glad they’re here,” the former senator told the newspaper in April, describing them as “wonderful.”

“In the last days of his life this was an issue that was pressing in his mind… disgust for Donald Trump’s xenophobia,” Jim Bennett said. “At the end of his life he was preoccupied with getting things done that he had felt was left undone.”

Trump’s proposal to ban Muslim immigrants from America had outraged the former senator, his wife Joyce said, triggering his instincts to do what he could on a personal level. They ultimately did not canvass the hospital, but Bennett had already made an effort in his last months of life.

As they traveled from Washington to Utah for Christmas break, Bennett approached a woman wearing a hijab in the airport.

“He would go to people with the hijab [on] and tell them he was glad they were in America, and they were welcome here,” his wife said. “He wanted to apologize on behalf of the Republican Party.”

“He was astonished and aghast that Donald Trump had the staying power that he had… He had absolutely no respect for Donald Trump, and I think got angry and frustrated when it became clear that the party wasn’t going to steer clear of Trumpism,” his son relayed.

Bennett’s Mormon faith also played into his beliefs on Trump and Muslims: the billionaire’s proposal to ban Muslims prompted the LDS Church to issue a statement in support of religious freedom, quoting its founder saying he would “die in defending the rights… of any denomination who may be unpopular and too weak to defend themselves.”

“That was something my father felt very keenly—recognizing the parallel between the Mormon experience and the Muslim experience. [He] wanted to see these people treated with kindness, and not ostracized,” Jim Bennett said….

He died Wednesday, May 4.

Voir de même:

Israël : des généraux de Tsahal se mettent le pays à dos

En comparant l’atmosphère en Israël à celle de l’Allemagne des années 1930, le chef d’état-major de l’armée a mis en colère le gouvernement et l’opinion.

Danièle Kriegel

 Le Point
09/05/2016

PHOTO. Facebook s’excuse pour avoir censuré l’image d’un mannequin grande taille

24/05/2016
RÉSEAUX SOCIAUX – Facebook a dû faire machine arrière après avoir interdit la photographie d’un mannequin aux formes généreuses en bikini dans une publicité australienne destinée à promouvoir l’image positive du corps, jugeant que le corps en question était montré sous un jour « indésirable« . Le réseau social a ensuite présenté ses excuses aux organisateurs expliquant avoir mal jaugé la publicité.

Facebook avait, dans un premier temps, bloqué la publicité de l’association de Melbourne « Cherchez la femme » pour un événement baptisé « graisse et féminisme », disant que la photo contrevenait à ses règlements.

Une publicité qui ne répondait pas « à leurs critères »

Lorsque les organisateurs se sont inquiétés de la décision, Facebook a expliqué que la publicité ne répondait pas à leurs critères en matière de santé et de fitness car « l’image dépeint un corps ou des parties du corps d’une manière indésirable ». « Les publicités de ce type ne sont pas permises car elles entraînent chez ceux qui les voient une mauvaise image d’eux-mêmes », écrit Facebook à l’une des organisatrices de l’événement Jessamy Gleeson, qui a publié sur internet une capture d’écran de la lettre.

Mme Gleeson s’est dit abasourdie que Facebook « ne sache apparemment pas que des rondes, des femmes qui se décrivent comme grosses, peuvent se sentir très bien dans leur peau ». Elle a appelé les internautes à « crier fort contre quiconque tenterait de nous dire que certains corps sont plus désirables que d’autres ».

« Facebook n’a pas tenu compte du fait que notre événement va aborder l’image corporelle positive, qui peut concerner tous les types de corps, mais dans notre cas en l’occurrence les gros corps », ajoute-t-elle.

Voir aussi:
T’as vu ?

Pour Facebook, un mannequin grande taille ne peut pas être une icône de pub

WEB Facebook a bloqué la promotion d’un message en raison d’une photo jugée «inopportune»…

Le message en question était censé promouvoir un panel de discussion nommé « Le féminisme et les gros ». Plutôt raccord, donc. Mais Facebook a considéré que la pub montrait le corps « de manière inopportune ». Il a donc bloqué la diffusion du message auprès d’un large public, ce que permet le réseau social contre rémunération, sans pour autant le supprimer. « Les publicités ne doivent pas faire la promotion d’un état de santé ou d’un poids parfait ou à l’inverse non désirable », justifie ainsi l’entreprise dans un message à l’adresse de Cherchez la Femme. Avant de préciser : « Les pubs comme celle-ci ne sont pas admises parce qu’elles mettent les spectateurs mal à l’aise. »

Une réponse trollissime

De quoi faire « enrager » le groupe australien, contacté par The Telegraph. D’autant que Facebook lui conseille d’utiliser à la place une image « d’une activité pertinente [au regard du sujet], comme la course ou le vélo ». « Facebook ignore le fait que notre événement consiste à discuter du corps… et conclut que nous mettons les femmes mal à l’aise en postant la photo d’un mannequin grande taille », soupire un porte-parole de Cherchez la Femme.

Prenant le réseau social au mot, le groupe a changé la photo de son post promotionnel. Sur sa nouvelle image, un vélo… chevauché par une femme ronde.

Voir encore:

Le fonc­tion­naire âgé de 29 ans a fait preuve d’un sang-froid incroyable alors que sa vie était en danger. Les inter­nautes lui rendent hommage.

 Luca Andreolli

VSD

19 mai 2016

Hier, une mani­fes­ta­tion assez inédite s’est tenue à Paris. Les syndi­cats de police ont appelé les repré­sen­tants des forces de l’ordre à dénon­cer la « haine anti-flics » qui semble se répandre dans les diffé­rents cortèges orga­ni­sés contre la loi Travail depuis des semaines. Cette contre-offen­sive poli­cière fait direc­te­ment écho au slogan « Tout le monde déteste la police », crié à tue-tête par les mani­fes­tants les plus véhé­ments. L’idée était ainsi d’ap­pe­ler « au soutien de la popu­la­tion » et à la condam­na­tion des groupes orga­ni­sés de « casseurs » qui sévissent dans les rues de France. Ce coup de commu­ni­ca­tion bien orches­tré a été renforcé par la viru­lence de jeunes mani­fes­tants, qui ont, quant à eux, tenu à se réunir en marge du rassem­ble­ment poli­cier, malgré les inter­dic­tions formu­lées par la préfec­ture.

Et une fois de plus, la situa­tion a dégé­néré. Preuve de la gravité des faits commis, une enquête a même été ouverte pour « tenta­tive d’ho­mi­cide volon­taire » suite à l’at­taque d’une voiture de police, qui a débou­ché sur l’inter­pel­la­tion de cinq personnes. La scène a déjà fait le tour du monde et choqué l’opi­nion publique. Elle a été filmée par une caméra embarquée, offrant un point de vue simi­laire à celui des assaillants. La séquence a été postée sur Youtube et a été vision­née plus de 245 000 fois. Elle a donné lieu à de nombreuses réuti­li­sa­tions, notam­ment sur Twit­ter, où des inter­nautes ont isolé quelques courts passages pour en faire des GIF ou des Vine, c’est-à-dire des vidéos de quelques secondes.

Dans ce flot de conte­nus très expli­cites, on découvre une violence inouïe. Une voiture de poli­ciers se retrouve isolée dans une rue proche de la place de la Répu­blique, où déboulent des dizaines de mani­fes­tants hostiles. Beau­coup sont masqués par des écharpes ou des cagoules. Les insultes pleuvent et les coups sur la carlingue commencent à défer­ler. À l’in­té­rieur, les deux fonc­tion­naires (un homme et une femme) sont en très fâcheuse posture. Mais ils ne peuvent rien faire, étant bloqués par la file de voitures qui les précèdent. Soudain, un casseur assène un violent coup de pied dans la vitre du conduc­teur, qui explose en mille morceaux. Un autre se préci­pite pour s’en prendre direc­te­ment au poli­cier coincé à l’in­té­rieur. Puis, c’est au tour de la plage arrière d’être prise d’as­saut.

Plusieurs projec­tiles sont utili­sés pour malme­ner les forces de l’ordre, notam­ment des bornes anti-station­ne­ment. Un objet incen­diaire est fina­le­ment balancé à l’in­té­rieur du véhi­cule, qui commence à prendre feu. Le conduc­teur semble alors char­ger son arme, avant de sortir pour sauver sa peau. On découvre une carrure impo­sante se déga­ger de ce brasier. Mais pas las d’har­ce­ler les poli­ciers, un casseur se présente avec un long bâton pour frap­per de nouveau le fonc­tion­naire. Celui-ci ne se démonte pas pour autant. Il somme son agres­seur de s’ar­rê­ter. Ce dernier, décon­te­nancé par le gaba­rit de son oppo­sant, semble esquis­ser un geste de recul, mais tente malgré tout d’as­sé­ner d’autres coups. Le poli­cier choi­sit de parer chaque tenta­tive, sans attaquer, en se conten­tant simple­ment d’avan­cer de quelques pas pour dissua­der le casseur de conti­nuer. Il est fina­le­ment secouru par des collègues et s’échappe calme­ment et sans se retour­ner, lais­sant la voiture s’em­bra­ser derrière lui.

Une preuve de courage et un sang-froid unani­me­ment salués depuis par de nombreux Twit­tos, qui ont notam­ment utilisé le mot dièse #KungFuFigh­ting. Quant au « héros » du jour, peu d’in­for­ma­tions sur lui ont filtré. Le préfet de Paris, Bernard Cadot, a simple­ment précisé que le poli­cier de 29 ans était un adjoint de sécu­rité, membre de « la brigade du péri­phé­rique », et que l’agres­sion dont il a été victime s’est produite en rentrant d’in­ter­ven­tion. Même s’il a échappé au pire et ne souffre que de bles­sures super­fi­cielles, il a néan­moins passé la nuit en obser­va­tion à l’hô­pi­tal Bégin de Saint-Mandé. Le ministre de l’In­té­rieur, Bernard Caze­neuve, lui a d’ailleurs visite pour « louer son courage abso­lu­ment formi­dable, comme la plupart des poli­ciers qui sont mobi­li­sés dans la période ».

Voir aussi:

Equipe de France : Cantona accuse Deschamps d’être trop français
Valeurs actuelles
26 Mai 2016

Accusations. L’ancien joueur de l’équipe de France, Eric Cantona, a attaqué violemment le sélectionneur des Bleus Didier Deschamps. Il lui reproche un nom « très français » et une famille qui n’est « pas mélangée, comme les Mormons ». Il l’accuse de n’avoir pas convoqué dans le groupe les attaquants Karim Benzema et Hatem Ben Arfa en raison de leurs origines.

Eric Cantona n’a pas sa langue dans sa poche, même quand il s’agit de jeter des accusations pour le moins étranges. Dans une interview au Guardian, l’ancienne star de Manchester United s’en est pris à Didier Deschamps, le sélectionneur de l’équipe de France : « Benzema est un grand joueur, Ben Arfa est un grand joueur. Mais Deschamps, il a un nom très français. Peut-être qu’il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. Personne dans sa famille n’est mélangé avec quelqu’un, vous savez. Comme les Mormons en Amérique. Je ne suis pas surpris qu’il ait utilisé la situation de Benzema pour ne pas le prendre. Surtout après que Valls ait dit qu’il ne devrait pas jouer pour la France. Ben Arfa est peut-être le meilleur joueur en France aujourd’hui, mais il a des origines. Je suis autorisé à m’interroger à propos de ça ».
Des propos à peine surprenants pour l’ancien joueur de l’équipe de France, habitué des sorties hasardeuses et investi dans la lutte contre le racisme. Plus tard dans l’interview, il en a rajouté lorsqu’on lui a demandé si les choix de Didier Deschamps étaient racistes : « Peut-être non, peut-être oui. Pourquoi pas ? Une chose est sûre, Benzema et Ben Arfa sont deux des meilleurs joueurs français et ne seront pas à l’Euro. Et pour sûr, Benzema et Ben Arfa ont des origines nord-africaines. Donc le débat est ouvert ».

En équipe de France, d’autres excellents joueurs
Eric Cantona fait preuve de mauvaise foi dans ses propos. Si Karim Benzema n’est pas sélectionné malgré son excellent niveau, c’est en raison de son implication dans un chantage à la sextape à l’encontre de l’un de ses anciens coéquipiers en bleu, Mathieu Valbuena. L’attaquant du Real Madrid, s’il n’est plus sous contrôle judiciaire, reste mis en examen dans cette affaire. Quant à Hatem Ben Arfa, il sort effectivement d’une saison brillante avec son club de Nice. Mais la concurrence en attaque est très rude chez les Bleus. Affirmer que ces deux joueurs sont les meilleurs joueurs français est discutable. Antoine Griezmann joue par exemple la finale de la Ligue des champions samedi prochain, et a pris une place de leader dans l’une des meilleures équipes d’Europe, l’Atletico Madrid. On peut également citer des joueurs comme Paul Pogba ou Blaise Matuidi, deux joueurs français très cotés qui participeront à l’Euro.

Voir encore:

Comment Jésus a pris conscience de sa mission
Marcel Neusch
La Croix
21/12/2011

C’est dans la confrontation de sa foi avec les expériences de la foi dans l’Ancien Testament que Jésus a discerné peu à peu la mission qui est la sienne.

LE DRAME INTERIEUR DE JESUS de Raymund Schwager, préface de Christoph Theobald, traduit de l’allemand par Robert Kremer, Salvator, 222 p., 22 €

Que pouvons-nous savoir sur Jésus ? Depuis les travaux d’Albert Schweitzer, au début du XXe siècle, tout essai d’une « biographie » de Jésus semblait voué à l’échec. L’historien serait-il condamné au silence ? Ce n’est pas l’avis de Raymund Schwager (1935-2004). Sans doute, les données historiques sont minces, mais elles ne sont pas nulles. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas sur le terrain de l’histoire que se situe le récit de cette « vie de Jésus » que nous livre le théologien suisse. Sans négliger l’histoire, il essaie de montrer que c’est au contact de l’Écriture que Jésus a progressivement acquis la conscience de sa mission et de sa destinée. Sa vocation a connu une lente maturation.

Si cette biographie fait sa part belle à l’imagination, elle ne cède pourtant pas à l’arbitraire. En réalité, sa méthode est théologique. Elle cherche à éclairer la vie de Jésus à la lumière de l’Ancien Testament. Pour justifier ce choix, Schwager invoque ce qu’il désigne comme « le principe de base inhérent à la grande tradition théologique », selon lequel tout l’Ancien Testament trouve son accomplissement dans le Christ. « Partant de ce présupposé, précise-il, il doit être fondamentalement légitime de retracer l’expérience, le message et le destin de Jésus sur l’arrière-plan des expériences de foi de l’Ancien Testament, et en confrontation avec elles. »

À ce principe s’ajoute la prise au sérieux de l’incarnation. Dans sa condition humaine, Jésus n’avait pas la science infuse de ce qu’il devait faire. C’est peu à peu qu’il a compris ce que le Père attendait de lui. À cet égard, Schwager se réfère à Urs von Balthasar, dont il a placé en exergue cet énoncé pour le moins audacieux : « La mission de Jésus est tellement sienne qu’elle ne se trouve pas prête comme préfabriquée… mais de telle manière qu’il a dû avec toute sa responsabilité libre la former à partir de lui-même, et même, en un sens véritable, l’inventer. » Ainsi s’éclaire le titre donné à l’ouvrage, un drame en cinq actes, qui va de l’appel des disciples à l’effusion de l’Esprit, en passant par l’activité de Jésus, sa mort et sa résurrection.

Cette corrélation entre l’expérience spirituelle du « Jésus » de Schwager et les expériences de foi d’Israël n’a rien de forcé. La figure de Jésus y gagne en authenticité humaine, sans réduction de sa divinité. Peut-on s’y fier ? Dans sa préface, Christoph Theobald se veut rassurant. Au lecteur « qui sortirait quelque peu inquiet de la lecture de cet ouvrage », il déclare que « cette histoire théologique de la “foi” de Jésus respecte “totalement” les données du “dogme” chrétien ». Œuvre de fiction, elle ne quitte jamais le sol de l’Évangile. Paru en allemand il y a vingt ans, d’une écriture brillante, ce Drame de Jésus n’est pas seulement fidèle à la foi chrétienne, mais Jésus y gagne en force et en beauté.

Voir encore:

Le drame intérieur de Jésus
Raymund Schwager
Le drame intérieur de Jésus
Trad. de l’allemand par R. Kremer. Salvator, 2011, 222 pages, 24 €.

Vingt ans après sa parution en allemand, le livre de Raymund Schwager est accessible au lecteur francophone grâce à la traduction de Robert Kremer. Le jésuite suisse qui a longtemps enseigné la théologie à Innsbruck nous donne une « biographie théologique » de Jésus de Nazareth en s’inspirant de la théorie du bouc émissaire chère à René Girard. L’auteur manifeste de l’intérêt pour Jésus comme lecteur des Écritures de son peuple. Reprenant une thèse de Urs von Balthasar, il souligne que la mission de Jésus en Galilée ne devait pas être fabriquée d’avance mais qu’elle a dû être exercée avec une réelle responsabilité qui laisse la place à une certaine invention. Raymund Schwager utilise, à la suite de Balthasar, le vocabulaire du drame. L’ouvrage se déroule en cinq actes précédés d’un temps d’attente. Les deux premiers s’attachent à la vie publique de Jésus, le troisième à la Passion, le quatrième au Ressuscité et le cinquième à l’Esprit et à la nouvelle vigne. L’auteur se risque à un récit de fiction de la vie de Jésus dans laquelle la compétence et l’imagination ont libre cours. Chaque lecteur pourra se laisser emporter par ce récit et laisser surgir ses propres interrogations devant un texte très original.

Evelyne Maurice

Voir enfin:

Je condamne le christia­nisme
Friedrich Nietzsche

L’Antréchrist

(1895)

Je termine ici et je prononce mon jugement. Je condamne le christia­nisme, j’élève contre l’Église chrétienne la plus terrible de toutes les accusa­tions, que jamais accusateur ait prononcée. Elle est la plus grande corruption que l’on puisse imaginer, elle a eu la volonté de la dernière corruption possible. L’Église chrétienne n’épargna sur rien sa corruption, elle a fait de toute valeur une non-valeur, de chaque vérité un mensonge, de chaque intégrité une bassesse d’âme.

Qu’on ose encore me parler de ses bienfaits « humanitaires ». Supprimer une misère était contraire à sa plus profonde utilité, elle vécut de misères, elle créa des misères pour s’éterniser… Le ver du péché par exemple : une misère dont l’Église seulement enrichit l’huma­nité ! — L’ « égalité des âmes devant Dieu », cette fausseté, ce prétexte aux rancunes les plus basses, cet explosif de l’idée, qui finit par devenir Révo­lution, idée moderne, principe de dégénérescence de tout l’ordre social — c’est la dynamite chrétienne… les bienfaits « humanitaires » du christia­nisme ! Faire de l’humanitas une contradiction, un art de pollution, une aversion, un mépris de tous les instincts bons et droits ! Cela serait pour moi des bienfaits du christianisme ! — Le parasitisme, seule pratique de l’Église, buvant, avec son idéal d’anémie et de sainteté, le sang, l’amour, l’espoir en la vie ; l’au-delà, négation de toute réalité ; la croix, signe de ralliement pour la conspiration la plus souterraine qu’il y ait jamais eue, — conspiration contre la santé, la beauté, la droiture, la bravoure, l’esprit, la beauté d’âme, contre la vie elle-même…

Je veux inscrire à tous les murs cette accusation éternelle contre le chris­tianisme, partout où il y a des murs, — j’ai des lettres qui rendent voyants même les aveugles… J’appelle le christianisme l’unique grande calamité, l’unique grande perversion intérieure, l’unique grand instinct de haine qui ne trouve pas de moyen assez venimeux, assez clandestin, assez souterrain, assez petit — je l’appelle l’unique et l’immortelle flétrissure de l’humanité…


Déclaration de Marrakech: Les vrais musulmans, c’est les djihadistes, imbécile !

24 mai, 2016
marrakesh

Tableau du 14e siècle de la défaite de la tribu juive des Banu Nadir

 

Millionaire-Jew

On peut parler aujourd’hui d’invasion arabe. C’est un fait social. Combien d’invasions l’Europe a connu tout au long de son histoire ! Elle a toujours su se surmonter elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures. Pape François
Si les ordres du Guide suprême sont exécutés, avec les capacités et l’équipement dont nous disposons, nous raserons le régime sioniste en moins de huit minutes. Ahmad Karimpour (conseiller senior de l’unité d’élite des Gardiens de la révolution al-Quds)
The election of a Pakistani bus driver’s son as the mayor of London was greeted with celebration on Saturday in Pakistan, from where Sadiq Khan’s parents emigrated to Britain in the 1960s. News of Khan’s win in the British capital featured on the front pages of all major Pakistani newspapers on Saturday, while also causing a stir on social media. ‘Congratulations @SadiqKhan 4 being elected mayor of London,’ tweeted Bilawal Bhutto, leader of the opposition Pakistan People’s Party and son of former prime minister Benazir Bhutto. ‘British Pakistanis need a role model,’ he added.Rival opposition leader and former cricketer Imran Khan – whose ex-wife Jemima is the sister of Sadiq Khan’s principal opponent Zac Goldsmith – also tweeted his congratulations to the new mayor. Supporters of the ruling Pakistan Muslim League Nawaz are shown celebrating the victory of Sadiq Khan Elsewhere on social media most Pakistanis appeared to greet Khan’s win with pride, with messages marking the recent successes of other high-profile British Muslims – including former One Direction member Zayn Malik, who also has Pakistani heritage – going viral on Saturday. Some could not resist pointing out the irony of the jubilant reaction in the deeply conservative country. ‘Pakistani: Sadiq Khan won! Reporter: So you’d vote for a minority immigrant son of a bus driver as Mayor of Karachi? Pakistani: Are you mad?’ tweeted newspaper columnist Bina Shah. Khan has told media that he has relatives in the port megacity of Karachi, where his grandparents reportedly migrated after the partition of India and the creation of Pakistan in 1947, as well as Faisalabad in Punjab and the capital, Islamabad. Dailymail
Le responsable religieux français que je suis, ne peut demeurer silencieux devant une telle atteinte à la foi de nombre de fidèles, qui ont accompagné la destinée du Temple de Jérusalem, de Salomon le bâtisseur à Jésus chassant les marchands ; je ne peux rester indifférent devant une telle offense à l’Histoire et à l’honneur. Que l’Unesco, dont la mission est de promouvoir la paix, la sécurité et les libertés fondamentales en «resserrant par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations» s’inscrive dans une dénégation aberrante, en adoptant une résolution qui laisse entendre que les juifs n’auraient aucun droit de regard sur le Mur occidental (appelé dans la résolution de l’Unesco place albraque), voire qu’ils n’auraient pas construit le Temple de Jérusalem, ne manque pas de laisser pantois les honnêtes observateurs. Il y a là injure à ce que nous rapportent les textes sacrés, la Bible et ses 867 mentions de Jérusalem, comme les Évangiles, mais aussi à l’Histoire. D’innombrables voyageurs aussi érudits que Pierre Loti, qui n’était pourtant pas un parangon de philosémitisme, ou Chateaubriand, pour ne citer qu’eux, témoignent, s’il en était besoin, de l’enracinement ancestral du judaïsme dans ces lieux: «C’est vendredi soir, le moment traditionnel où, chaque semaine, les juifs vont pleurer en un lieu spécial concédé par les Turcs, sur les ruines de ce Temple de Salomon…» (Chateaubriand, 1811). En citant ces écrivains, je ne fais que me référer modestement aux Témoignages sur Israël dans la littérature française, ouvrage publié en 1938 par le grand rabbin Jacob Kaplan, qui a su souligner le rôle exceptionnel de passeurs de mémoire qu’ont joué les auteurs français dans l’histoire du peuple juif. Certes, on ne devrait être que moyennement surpris par la position de l’Unesco, quand on sait que le tombeau des Patriarches et la tombe de Rachel ont été récemment classés par la même organisation comme des lieux de culte exclusivement musulmans. Mais dénier aux juifs, ainsi qu’aux chrétiens qui se sont appuyés sur la construction du Temple pour élever les cathédrales, aux francs-maçons qui en ont fait le symbole de leur humanisme, et enfin aux non-croyants, l’appartenance à ces lieux historiques et inspirés est faire insulte à la mémoire et à l’intelligence collectives de l’humanité. C’est d’ailleurs aussi faire insulte à l’islam, car cette foi s’enracine dans celles qui l’ont précédée. Or, s’il n’y a pas de Temple, pourquoi ce lieu particulier pour une mosquée? Il se trouve que si, en France, nos synagogues, nos églises, nos temples et nos mosquées sont tournés vers l’Orient, c’est que ces lieux suivent l’appel de Jérusalem, celui du Temple. Une telle attitude est sans aucun doute préoccupante pour l’avenir de l’Unesco, malgré tout le respect qu’on peut avoir pour les objectifs poursuivis par ses fondateurs et l’estime portée à sa directrice générale. Que la France ajoute son paraphe à ceux des pays qui approuvent cette position est proprement révoltant pour le patriote que je suis. Le principe de laïcité, inscrit dans notre Constitution, aurait dû interdire de prendre aussi ouvertement parti pour des tenants extrémistes, aveuglés par des considérations bien éloignées de la miséricorde divine. Haïm Korsia (Grand Rabbin de France)
Throughout the Letter the critics reject the legitimacy and authority of al-Baghdadi and ISIS and denounce their doctrines, policies and practices. They detail many atrocities perpetrated by the organization and express in many ways their view that ISIS deviates from Islam, which is a merciful religion. Nevertheless the critics express some appreciation of ISIS’ basically good intentions  and of the courage and dedication of its members. For the most part the critics rely on Islamic sources, sometimes giving their own  interpretations to the same texts used by ISIS. Occasionally they commit the same methodological errors that they point out in  critiquing ISIS’ argumentations.  The critics make no reference to the fact that ISIS insists not only on legitimizing itself but also on building an Islamic state according to Islamic models. First, ISIS describes al-Baghdadi’s qualifications in accordance with the classical requirements from a caliph.  Second, ISIS avoids emulation of nation state models, reviving instead early and classical Islamic institutions. Among them are the  bay’a    (the contract between the ruler and the community), the laws for the seizure of war booty, the poll tax ( jizya ), the Koranic  punishments for specific crimes ( hudud ), Shari’a courts, and courts for complaints against state officials ( mazalim ). Al-Baghdadi  sometimes punishes or even executes judges when their decrees displease him, but so did pre-modern Muslim rulers. The monetary system too reverted to the seventh century. During 2015, ISIS minted copper, silver and gold coins emulating the coins of the early caliphate. 66  Most of the horrendous practices too have precedents in the conduct of the Prophet and his Companions and  were common at their time. Taking young girls as sex slaves, executing people by beheading, and offering polytheists the choice  between conversion and the sword are amply documented in the biographies of the Prophet, the Companions and the Islamic law  books. Some of ISIS crimes perhaps have no precedent in the Prophet’s conduct, but ISIS finds Islamic justifications for them too.  Interestingly, the Taliban of Pakistan challenge the legitimacy of al-Baghdadi on religious grounds, with arguments that are sometimes parallel, and sometimes different from, those recorded in this Letter. Like the latter the Taliban argue that the lack of consensus on al-Baghdadi and the discord that he causes delegitimize his rule. They also contend that he is not eligible to be caliph to  begin with because he lacked religious and political leadership prior to his self-nomination. In contrast to the Letter, the Taliban  accuse al-Baghdadi, among other things, of being  insufficiently  strict in imposing Islamic rule, namely of failing to strictly implement the Koranic punishments, to collect the legal alms ( zakat ), to levy the poll-tax and to invite infidels to convert (regardless  of the fact that all these are, in fact, practiced by ISIS). The Taliban also accuses al-Baghdadi of killing a great number of jihad  fighters (they omit mention of murdered civilians). The Taliban, who declare that jihad will never stop and act accordingly, also  blames ISIS for failing to defend Islam and to provide peace and security. 67  This accusation is of course ironic, coming from the  Taliban. Al-Baghdadi, however, might argue that he is working on achieving peace and security, since these can only be provided  under true Islamic rule, which he is fighting to establish (see p. 5-6 above). The Taliban’s accusations are probably a response to an  ISIS fatwa published in its Magazine  Dabiq  ( July 2015) that invalidated Mullah Omar’s caliphate on religious grounds. Among  other things, the fatwa stated that Mullah Omar cannot be caliph because he is not a member of the Quraysh tribe, as required  by the Shari’a; that he is a regional leader, not a universal caliph, and that the contract ( bay’a ) between him and his supporters did  not name him caliph. 68 Both al-Baghdadi and his critics see themselves as adhering to, and practicing Islam in its correct form. Both rely on Islamic sacred  sources. However, the reading and interpretation of the sources are always and of necessity selective. The reason for this is the fact  that they contain various, often contradictory rulings, reflecting both disagreements among Muslims and developments over time.  Was this not the case, history would not have witnessed endless quarrels among Muslims, each faction claiming that it is the only  one that follows the right path. Various techniques and interpretations were developed over time to solve the problem of contradictions. The result is a panoply of options to choose from, on each and every issue. Emulating the Prophet and making Allah’s word reign supreme are ideals directly derived from classical Sunni Islamic consensus,  doubtlessly shared by many non-radical, even moderate, Muslims. However, it is obvious that most of the Muslims are not driven  to commit atrocities in the name of these core ideals. They practice their religion without emulating each and every act performed  in the seventh century. Prof. Ella Landau-Tasseron (November 19, 2015)

A l’heure où, entre invasion arabe revendiquée,  élection à nouveau qualifiée d’historique du premier maire musulman de la plus grande ville d’Europe contre « le millionnaire juif« , journées du hijab dans nos grandes écoles, interdiction des crèches dans nos mairies et apologie du terrorisme sur tapis rouge à Cannes, la laïcité à sens unique occidentale continue à littéralement dévorer ses enfants …

Et où de l’autre côté de l’Atlantique, l’on s’extasie devant ces imams qui osent critiquer l’Etat islamique …

Pendant que fidèles à eux-mêmes les mollahs nous promettent la destruction d’Israël en moins de huit minutes …

Retour, avec les sites Atlantico et  MEMRI, sur la dernière déclaration en date d’un certain nombre de dignitaires islamiques …

A savoir la fameuse Déclaration de Marrakech de janvier dernier qui après la non moins fameuse fatwa anti-Etat islamique de novembre …

Est censée rassurer les sociétés occidentales sur le sort des minorités non-islamiques en terre dite islamique …

Et qui en fait nous ressort, avec la même débauche de citations sélectives des mêmes textes, la bonne vieille rengaine du « vrai islam n’a rien à voir avec tout ça » ….

Sans jamais vraiment s’attaquer au véritable problème:

L’incontournable fait que les vrais musulmans, qui veulent retourner à la pratique et aux textes originaux non recontaminés par l’Occident judéo-chrétien, ce sont les djihadistes !

Pourquoi l’aveuglement occidental est la plus grande force de l’islam : illustration avec la « Déclaration de Marrakech »

Alors que de nombreux dignitaires, personnalités, intellectuels et chefs religieux musulmans se sont réunis à Marrakech en janvier dernier pour évoquer le sort réservé aux minorités non-musulmanes, la Déclaration qui s’en est suivie n’est pas pour rassurer les sociétés occidentales sur la compatibilité de l’islam avec leur mode de vie.
Jean Lafontaine
Atlantico
4 Mai 2016

La revivification de l’islam de Mahomet par les groupes dits « islamistes » (bien qu’aucune définition ne soit jamais donnée) pose un problème majeur au monde musulman dans sa relation au monde occidental, celui-ci étant imprégné par des valeurs qu’il pense universelles et qui le conduisent à être relativement attentif au sort des minorités non-musulmanes dans les pays musulmans.

Le traitement terrible appliqué à ces minorités non-musulmanes conformément à un certain nombre de textes sacrés musulmans authentiques a conduit la communauté musulmane à réagir au niveau international par la rédaction en janvier 2016 d’une déclaration, la « Déclaration de Marrakech sur les Droits des Minorités Religieuses dans le Monde Islamique« , dont on peut se demander si malheureusement le principal effet tangible n’est pas in fine de dédouaner l’islam de sa responsabilité au regard des horreurs que l’on commet en son nom.

Cette Déclaration est le fruit d’une rencontre organisée conjointement par le ministère des Habous et des Affaires islamiques (Maroc) et le Forum pour la Promotion de la Paix dans les Sociétés Musulmanes (Émirats Arabes Unis), tenue à Marrakech du 25 au 27 janvier 2016. Plus de 300 personnalités, oulémas, intellectuels, ministres, muftis, et chefs religieux musulmans, de différents rites et tendances, s’y sont réunis, ainsi que les représentants des instances et des organisations islamiques et internationales de plus de 120 pays.

En voici le texte :

Il est intéressant d’analyser les arguments que le Collège des oulémas oppose à la doctrine des groupes dits « islamistes » dans la section « Rappel des principes universels et des valeurs fédératrices (ou consensuelles) prônées par l’Islam« . Malheureusement, la contrainte de longueur qui m’est imposée dans le cadre de cet article nécessite de limiter certains développements.

Passons sur les arguments d’autorité niant la « légitimité scientifique (intellectuelle) ou politique » des islamistes, le recours à la notion de « science » dans le domaine religieux étant d’ailleurs particulièrement incongru même si l’islam est très friand de prétendues « preuves » qu’il faut apporter pour être « véridique » (cf. la phraséologie musulmane et autres éléments de langage), celles-ci étant naturellement « évidentes », ce qui permet de couper court à toute discussion puisque l’évidence est par nature indiscutable et ne nécessite aucune démonstration.

Passons également sur l’argument de la calomnie qui consiste à accuser sur la base de propos ou de faits imaginaires. Il ne s’agit pas de cela ici puisque l’immense difficulté rencontrée par la communauté musulmane est bien que les textes sur lesquels s’appuient les pratiques criminelles évoquées existent bel et bien, qu’ils sont même tout à fait authentiques et que leur existence est parfaitement reconnue par tous les musulmans qui ont lu leurs propres textes sacrés. Mahomet a-t-il appelé à étendre l’islam par les armes avec le jihad ? Incontestablement. A-t-il exterminé une bonne part des juifs de Médine ? Assurément, à en lire les textes musulmans eux-mêmes. A-t-il appelé à tuer tous les juifs ? Oui, à lire tout simplement certains hadiths dont l’authenticité a été soigneusement validée par les érudits musulmans au terme d’une procédure de vérification longue et détaillée. Etc. Aussi, l’argument récurrent de la « stigmatisation » est une illustration de la méthodologie de la « victimisation » régulièrement utilisée par l’islam dans les pays occidentaux pour évacuer un débat lorsque le contre-argumentaire proposée par la communauté musulmane est notoirement insuffisant.

En remettant au goût du jour l’islam de Mahomet, qui a prôné ouvertement le jihad (combat armé dans le sentier d’Allah) contre les non-musulmans, l’État Islamique et les autres groupes dits « islamistes » appliquent effectivement des méthodes de guerre et un choix de modèle social dont ont à souffrir les minorités non-musulmanes en terre d’islam. Il est néanmoins bon de rappeler que le statut des non-musulmans en terre d’islam n’a jamais été, par sa nature même, particulièrement réjouissant, toute la culture musulmane étant fondée sur un communautarisme strict et sur la supériorité de la communauté musulmane sur toutes les autres : 

pour les juifs et les chrétiens (gens du Livre), il s’agit du statut de « dhimmi« , qu’on traduit par « protégé » car ceux-ci, sous réserve d’accepter de se soumettre à l’autorité religieuse musulmane qui leur est imposée, voient leur vie préservée moyennant, entre autres, le paiement d’impôts spécifiques (la jizya) destinés au financement de la communauté musulmane : il s’agit clairement d’un statut de citoyen de seconde zone avec des droits inférieurs à ceux accordés aux musulmans ;

pour les autres non-musulmans, c’est la conversion ou la mort.

D’ailleurs, il a fallu attendre au XXème siècle les traités qui ont suivi la Première Guerre mondiale pour que ce statut disparaisse dans l’empire ottoman sous la pression occidentale.

Le Collège mentionne ensuite un certain nombre de versets à l’appui de son argumentaire : que peut-on en dire ?

  • Les références relatives à la diversité des communautés humaines

Le discours relatif aux hommes en tant que communauté universelle s’inscrit en islam dans le rattachement de tous les hommes à leur créateur, Allah : les hommes sont « honorés » comme étant les créatures d’Allah et supérieures à toutes les autres créatures terrestres. Toutefois, cela n’induit en rien l’idée que toutes les communautés humaines se valent, puisque le Coran dit précisément le contraire : « Vous [les musulmans] formez la meilleure communauté qui ait surgi parmi les hommes : vous ordonnez le convenable, vous interdisez ce qui est blâmable et vous croyez en Allah. Si les gens du Livre [juifs et chrétiens] croyaient, ce serait meilleur pour eux. Parmi eux, certains croient, mais la plupart d’entre eux sont des pervers. » (sourate 3, verset 110). Ou encore : « Ne perdez pas courage, ne vous affligez pas alors que vous êtes les supérieurs, si vous êtes de vrais musulmans. » (sourate 3 verset 139)

Le Coran se borne en réalité à constater que, dans le monde voulu par Allah, certains hommes sont musulmans et d’autres non. Cela ne correspond absolument pas à une neutralité religieuse qui mettrait au même niveau toutes les religions ou croyances. L’islam est la religion parfaite voulue par Allah (cf. sourate 5, verset 3) ; les musulmans doivent en permanence chercher à étendre l’islam partout où ils le peuvent (d’où la notion de territoire de « guerre », dar-al-harb, territoire non-musulman). L’existence d’un monde mécréant n’est là finalement que pour éprouver la foi du croyant musulman.

Pour résumer, la liberté religieuse en islam n’existe pas ! Ce qui est d’ailleurs amplement démontré par le fait que l’apostasie (abandon de l’islam) est très sévèrement punie conformément à la recommandation de Mahomet (hadith authentique) : « Celui qui change pour une autre la vraie religion [l’islam], qu’on le tue.« 

Il faut d’ailleurs savoir que le Conseil Français du Culte Musulman, que certains veulent ériger en représentant institutionnel de l’islam de France, refuse toujours aujourd’hui aux musulmans de France la liberté d’apostasier ! Comment peut-on dans ces conditions parler d’une compatibilité de l’islam avec les droits de l’homme tels que l’Occident les conçoit ?

  • « Nulle contrainte en religion » (Al-Baqara, 256)

Cet argument traditionnel exploite la mauvaise connaissance de l’islam par l’Occident : quand les Occidentaux comprendront-ils enfin que ce verset fait partie des versets abrogés par le jihad déclenché par Mahomet ? 

Ce verset, précisément situé dans la biographie de Mahomet (Sira d’Ibn Ishâq/Ibn Hîcham du IXème siècle) à l’époque où Mahomet cherchait à convertir les juifs à sa propre religion peu après son installation à Médine, correspond à la période où Mahomet faisait preuve de tolérance pour des raisons de stricte tactique politique. Ce n’est qu’après avoir constaté l’impossibilité de convertir les juifs qu’il a décidé de s’en débarrasser, jusqu’à les exterminer.

Le jihad (une multitude de versets y renvoie comme le verset 193 de la sourate 2, le verset 29 de la sourate 9, etc.) a mis fin à la tolérance vis-à-vis des non-musulmans ce qui explique qu’il n’y a en réalité pas de contradiction dans le Coran. Tout cela est très clair et très simple, et tous les imams le savent. 

Ce qui n’empêche toutefois pas la cécité occidentale de continuer à être abondamment exploitée, notamment en raison du fait que pour un esprit occidental, souvent imprégné (consciemment ou inconsciemment) par le christianisme (ou par le bouddhisme), un propos religieux sacré a forcément une valeur intemporelle et universelle : ce qui est une profonde erreur dans le cas de l’islam compte tenu de la règle de l’abrogation (cf. sourate 13, verset 39 ou sourate 16, verset 101).

  • « Ô vous qui croyez ! Entrez tous dans la paix » (Al-Baqara, 208) 

Si l’on met de côté la question du jihad –ce qui est déjà notoirement problématique–, on peut émettre l’idée que la paix serait la devise de l’islam mais seulement au sens où celui qui croit est en principe sur le bon chemin pour acquérir cette paix (le salut par l’islam). Or dire cela ne dit rien sur le sort des incrédules (ou mécréants) : l’invitation à « entrer dans la paix » ne s’adresse qu’à ceux qui croient, c’est-à-dire aux musulmans. À l’inverse, les incrédules sont voués par une multitude de versets du Coran au châtiment de la fournaise, à la Géhenne, dans des conditions épouvantables (par ex. le verset 88 de la sourate 16 : « Ceux qui ne croient pas et obstruent le chemin vers Allah, Nous leur infligerons châtiment sur châtiment en punition de la corruption qu’ils sèment sur terre. »). La paix musulmane n’a donc pas grand-chose à voir avec la paix universelle qu’on peut souhaiter à tous, croyants ou mécréants. 

Le Collège mentionne ensuite un certain nombre de versets à l’appui de son argumentaire : que peut-on en dire ?

  • Les références relatives à la diversité des communautés humaines

Le discours relatif aux hommes en tant que communauté universelle s’inscrit en islam dans le rattachement de tous les hommes à leur créateur, Allah : les hommes sont « honorés » comme étant les créatures d’Allah et supérieures à toutes les autres créatures terrestres. Toutefois, cela n’induit en rien l’idée que toutes les communautés humaines se valent, puisque le Coran dit précisément le contraire : « Vous [les musulmans] formez la meilleure communauté qui ait surgi parmi les hommes : vous ordonnez le convenable, vous interdisez ce qui est blâmable et vous croyez en Allah. Si les gens du Livre [juifs et chrétiens] croyaient, ce serait meilleur pour eux. Parmi eux, certains croient, mais la plupart d’entre eux sont des pervers. » (sourate 3, verset 110). Ou encore : « Ne perdez pas courage, ne vous affligez pas alors que vous êtes les supérieurs, si vous êtes de vrais musulmans. » (sourate 3 verset 139)

Le Coran se borne en réalité à constater que, dans le monde voulu par Allah, certains hommes sont musulmans et d’autres non. Cela ne correspond absolument pas à une neutralité religieuse qui mettrait au même niveau toutes les religions ou croyances. L’islam est la religion parfaite voulue par Allah (cf. sourate 5, verset 3) ; les musulmans doivent en permanence chercher à étendre l’islam partout où ils le peuvent (d’où la notion de territoire de « guerre », dar-al-harb, territoire non-musulman). L’existence d’un monde mécréant n’est là finalement que pour éprouver la foi du croyant musulman.

Pour résumer, la liberté religieuse en islam n’existe pas ! Ce qui est d’ailleurs amplement démontré par le fait que l’apostasie (abandon de l’islam) est très sévèrement punie conformément à la recommandation de Mahomet (hadith authentique) : « Celui qui change pour une autre la vraie religion [l’islam], qu’on le tue.« 

Il faut d’ailleurs savoir que le Conseil Français du Culte Musulman, que certains veulent ériger en représentant institutionnel de l’islam de France, refuse toujours aujourd’hui aux musulmans de France la liberté d’apostasier ! Comment peut-on dans ces conditions parler d’une compatibilité de l’islam avec les droits de l’homme tels que l’Occident les conçoit ?

  • « Nulle contrainte en religion » (Al-Baqara, 256)

Cet argument traditionnel exploite la mauvaise connaissance de l’islam par l’Occident : quand les Occidentaux comprendront-ils enfin que ce verset fait partie des versets abrogés par le jihad déclenché par Mahomet ? 

Ce verset, précisément situé dans la biographie de Mahomet (Sira d’Ibn Ishâq/Ibn Hîcham du IXème siècle) à l’époque où Mahomet cherchait à convertir les juifs à sa propre religion peu après son installation à Médine, correspond à la période où Mahomet faisait preuve de tolérance pour des raisons de stricte tactique politique. Ce n’est qu’après avoir constaté l’impossibilité de convertir les juifs qu’il a décidé de s’en débarrasser, jusqu’à les exterminer.

Le jihad (une multitude de versets y renvoie comme le verset 193 de la sourate 2, le verset 29 de la sourate 9, etc.) a mis fin à la tolérance vis-à-vis des non-musulmans ce qui explique qu’il n’y a en réalité pas de contradiction dans le Coran. Tout cela est très clair et très simple, et tous les imams le savent. 

Ce qui n’empêche toutefois pas la cécité occidentale de continuer à être abondamment exploitée, notamment en raison du fait que pour un esprit occidental, souvent imprégné (consciemment ou inconsciemment) par le christianisme (ou par le bouddhisme), un propos religieux sacré a forcément une valeur intemporelle et universelle : ce qui est une profonde erreur dans le cas de l’islam compte tenu de la règle de l’abrogation (cf. sourate 13, verset 39 ou sourate 16, verset 101).

  • « Ô vous qui croyez ! Entrez tous dans la paix » (Al-Baqara, 208) 

Si l’on met de côté la question du jihad –ce qui est déjà notoirement problématique–, on peut émettre l’idée que la paix serait la devise de l’islam mais seulement au sens où celui qui croit est en principe sur le bon chemin pour acquérir cette paix (le salut par l’islam). Or dire cela ne dit rien sur le sort des incrédules (ou mécréants) : l’invitation à « entrer dans la paix » ne s’adresse qu’à ceux qui croient, c’est-à-dire aux musulmans. À l’inverse, les incrédules sont voués par une multitude de versets du Coran au châtiment de la fournaise, à la Géhenne, dans des conditions épouvantables (par ex. le verset 88 de la sourate 16 : « Ceux qui ne croient pas et obstruent le chemin vers Allah, Nous leur infligerons châtiment sur châtiment en punition de la corruption qu’ils sèment sur terre. »). La paix musulmane n’a donc pas grand-chose à voir avec la paix universelle qu’on peut souhaiter à tous, croyants ou mécréants. 

Voir aussi:

Déclaration de Marrakech : Un pas vers une solution ou vers plus de confusion ?

Alberto M. Fernandez *

MEMRI

16 février 2016

Du 25 au 27 janvier 2016, plusieurs centaines de chefs religieux musulmans du monde entier et cinquante observateurs non musulmans se sont réunis dans la magnifique ville de Marrakech, sous le patronage du roi du Maroc, pour débattre et promouvoir la « Déclaration de Marrakech » sur les « Droits des minorités religieuses dans les pays à majorité musulmane ».

Marrakech, lieu populaire pour les déclarations et les accords, a été le site d’autres déclarations sur des sujets tels que la prévention de la corruption et la lutte contre le trafic illégal de la faune et la flore sauvages. Elle a aussi été le site d’une autre conférence internationale défendant la tolérance religieuse au Moyen-Orient, en novembre 2011. [1]

Même si elle s’est tenue sous les auspices du Maroc, la réunion de janvier 2016 était organisée en réalité par le « Forum de promotion de la paix dans les sociétés musulmanes », basé à Abou Dhabi. Ce forum est l’un des projets dirigés par le cheikh d’origine mauritanienne Abdallah Bin Bayyah. [2] L’objectif très louable du forum est de développer « une vision à long terme pour éradiquer le narratif extrémiste en utilisant le Narratif primaire qui aspire à s’imposer par un retour aux sources de l’islam, fondées sur la promotion de la paix et de la compassion humaine ». [3]

S’il fait partie du courant dominant de l’establishment musulman au Moyen-Orient, Bin Bayyah est une figure quelque peu controversée aux Etats-Unis, en particulier du fait de ses relations anciennes avec des organisations et des causes islamistes défendues par cheikh Yousouf Al-Qaradawi. [4] Le soutien ardent de Qaradawi aux Frères musulmans, notamment ces dernières années, composait avec un antisémitisme professé ouvertement [5], ce que ce religieux soutenu par le Qatar a toujours rejeté. [6]

Bin Bayyah a rompu tout lien avec l’Union internationale des savants musulmans (UISM) de Qaradawi en 2013. Il a été cité par le président [américain Barack] Obama lors d’un discours à l’ONU en 2014 comme un modèle à suivre contre l’extrémisme. [7] Sa fatwa contre l’Etat islamique a également été citée comme un document à diffuser par le centre médiatique de contre-terrorisme fondé en juillet 2015 par les Etats-Unis et les Emirats arabes unis. [8]

Pour tout vous dire, j’ai rencontré une fois cheikh Bin Bayyah à Washington D.C., alors que je travaillais pour le Département d’Etat. C’est un gentleman très courtois, tout à fait conforme à l’image des religieux musulmans haut placés que l’on rencontre fréquemment dans le monde arabe. A cette occasion, il a été stupéfait de constater qu’au cours des nombreux rendez-vous qu’il a eus dans la soirée, parmi de nombreux visiteurs musulmans américains d’origine sud-asiatique, les deux seuls visiteurs qui se sont entretenus avec lui en arabe étaient tous deux non musulmans : moi-même et un chrétien arabo-américain, qui était lui aussi un représentant du gouvernement.

Le cheikh âgé a également joué un rôle essentiel dans la Déclaration de New Mardin en 2010, qui visait à aborder l’un des principaux piliers du mouvement djihadiste salafiste tafkiri, les fatwas d’Ibn Taymiyya au 14e siècle. La condamnation par Ibn Taymiyya, religieux très virulent de l’école hanbalite, des mongols ilkhanides semi-islamisés comme ne valant pas mieux que les infidèles [kouffar] a posé les fondements qui ont permis aux extrémistes tafkiris du 20e siècle et au-delà de déclarer que tout musulman qui ne partage pas leurs opinions est un infidèle méritant la mort. Ibn Taymiyya était aussi une source intellectuelle d’antichiisme virulent, adoptée par les partisans modernes de ce qui allait devenir l’Etat islamique. [9]

Si la Conférence sur la Déclaration de New Mardin a été critiquée pour son organisation déficiente et son manque de rigueur intellectuelle, il n’est pas étonnant que sa révision des écrits d’Ibn Taymiyya ait suscité une réaction amère, en arabe, de la part de religieux pro-Al-Qaïda comme Akram Hijzai et Hamd Al-Ali. [10] S’il semble qu’elle n’ait pas vraiment entravé l’ascension du terrorisme djihadiste salafiste, la conférence a toutefois généré profusion de couvertures médiatiques positives en Occident, notamment grâce à l’étudiant médiagénique de Bin Bayyah, le converti américain Hamza Youssouf Hanson. [11]

A de nombreux égards, Marrakech est une répétition de Mardin à plus grande échelle, cherchant à « utiliser les textes musulmans laïcs pour réfuter les arguments religieux actuels des groupes islamistes ». [12] Dans le cas de Marrakech 2016, le document en question est celui intitulé « Charte de Médine », prétendument rédigé par le prophète Mahomet pour les habitants musulmans et juifs de la ville. [13] Les organisateurs de la conférence ont reconnu avec franchise que leur but était « de faire revivre les desseins et objectifs de la Charte de Médine, en tenant compte des traités internationaux et en utilisant des études de cas novatrices et éclairées qui constituent de bons exemples d’efforts tournés vers le pluralisme ». [14]  

Certes, le sujet de la protection des droits des minorités religieuses dans les pays à majorité musulmane ne pouvait tomber à un meilleur moment. La montée de l’Etat islamique depuis 2014, et notamment son traitement des minorités yézidies et chrétiennes en Irak et en Syrie, et en Libye par la branche locale de l’EI, ont placé cette question sur le devant de l’actualité internationale. [15] De telles actions de l’Etat islamique ont directement contribué à développer des sentiments de colère à l’encontre de la diaspora musulmane en Occident.

Mais l’EI utilise un discours islamiste bien plus large, fondé sur une lecture sélective des textes sacrés de l’islam, appelant à la violence contre les minorités religieuses, notamment les chrétiens, qui remonte à plusieurs décennies. [16] Cette toile de fond est bien présente à l’esprit des rédacteurs de la Déclaration de Marrakech, qui ont observé [sans toutefois mentionner l’EI, Al-Qaïda ou le salafisme] que la situation au Moyen-Orient « avait permis à des groupes criminels de rendre des édits attribués à l’islam, qui constituaient en fait une distorsion de ses principes et objectifs fondamentaux, de telle sorte que la population dans son ensemble avait été gravement atteinte ». [17]

Si Bin Bayyah est actif sur ce front depuis des années, la conférence peut aussi être largement considérée comme faisant partie d’une série d’initiatives soutenues ou financées par les EAU, pour lutter contre l’extrémisme islamiste. Cela inclut le Centre Sawab et le Centre d’excellence Hedayah CVE, l’action contre les Frères musulmans et leurs partisans, et les lois contre les crimes et la discrimination raciste. [18] Marrakech 2016 s’inscrit aussi clairement dans la suite de la campagne de sensibilisation des chrétiens de 2007 « A Common Word », également signée par Bin Bayyah. [19]

Et si les Emirats arabes unis ont été en première ligne du combat contre l’extrémisme islamiste, le Royaume du Maroc n’est pas loin derrière et a également attiré les foudres de l’Etat islamique. Une campagne vidéo de janvier 2016 contre les gouvernements d’Afrique du Nord incluait une attaque longue et cinglante contre l’islam marocain traditionnellement tolérant, mentionnant les « 100 000 sanctuaires polythéistes » que l’EI a l’intention de détruire. Les attaques contre les soufis marocains sont presque aussi importantes que celles dirigées contre le gouvernement marocain. [20]

La Déclaration stipule clairement qu’il « est inconcevable d’employer la religion dans le but de restreindre les droits des minorités religieuses dans les pays musulmans ». L’une de ses faiblesses, toutefois, est qu’elle ne comporte pas de mesures concrètes [et immédiates] à prendre. Il y a bien un appel potentiellement significatif aux érudits musulmans pour qu’ils adoptent une nouvelle jurisprudence, qui intègre un concept de citoyenneté pluraliste et tolérant. Il y a une demande de révision des programmes scolaires d’éliminer les contenus défendant l’extrémisme. Il y a les appels habituels aux dirigeants politiques et « éduqués, artistiques et créatifs » pour renforcer la compréhension religieuse et le respect des droits des minorités.

Un paragraphe intéressant, bien que controversé et peu réaliste, semble blâmer les victimes ou appeler à revenir à un passé idéalisé et complexe depuis longtemps disparu, en demandant aux « différents groupes religieux liés par le même tissu national de remédier à leur état d’amnésie mutuelle sélective qui occulte les souvenirs d’une existence commune et partagée sur la même terre ; nous les appelons à reconstruire le passé en faisant revivre cette tradition de convivialité ».

On peut se demander quelle partie de ces siècles partagés de « convivialité partagée » doivent être retrouvés. L’histoire des minorités religieuses sous domination musulmane est incroyablement complexe et diverse. Et si elle peut être – en certains lieux et époques spécifiques – comparée favorablement à la domination chrétienne des minorités religieuses en Occident, elle comprend aussi sa part de brutalité et de massacres hideux. Les minorités étaient parfois favorisées en tant que groupes, ou faisaient l’objet d’une oppression sauvage [comme les Juifs étaient traités par les souverains chrétiens occidentaux pendant des siècles], selon les caprices passagers ou le zèle accru du calife ou du sultan au pouvoir.[21] Ce paragraphe comporte pour le moins une bouffée d’évocation joyeuse des Ahl al-Dhimmah, ou de nostalgie pour le statut des minorités religieuses sous domination musulmane.[22]

Le texte de la Déclaration de Marrakech 2016, publié en anglais le 27 janvier [le 30 janvier, il n’existait apparemment pas de version en arabe ni de vidéos de l’assemblée à la disposition du public] a été très vite salué par le pasteur texan Bob Robert, qui l’a qualifié de « première étape considérable » et a fait remarquer avec enthousiasme, mais de manière inexacte, qu’il n’y « avait pas eu de telle déclaration depuis la Charte de Médine du prophète Mahomet, c’est pourquoi elle est tellement importante ».[23] Le Cardinal à la retraite de l’église catholique romaine Theodore E. McCarrick, ancien archevêque de Washington D.C., s’est exprimé devant les observateurs interconfessionnels présents :

« J’ai eu le privilège d’entendre la déclaration de notre réunion finale. C’est vraiment un document exceptionnel, qui aura une influence sur notre époque et sur l’Histoire. C’est un document que notre monde a attendu, qui fait honneur aux érudits musulmans qui l’ont élaboré. En tant que membre d’un des peuples du Livre, je vous remercie pour ce document et je remercie le Seigneur qui a donné à ses fidèles le courage de le préparer. Je serai honoré de le soutenir en tant qu’observateur. » [24] 

Les personnes plus proches de la vie active au Moyen-Orient ont réagi de manière plus optimiste. Bien qu’il n’ait pu assister en personne à la conférence, le patriarche catholique chaldéen de Bagdad, Louis Sako, a offert une vision plus concrète, immédiate et terre-à-terre de la vie dans les régions d’Irak contrôlées par le gouvernement, dans une déclaration diffusée lors de la conférence, citant [sans évoquer les déprédations bien connues de l’EI] :

« Le refus des entrepreneurs musulmans de construire des maisons, des monastères, etc. pour les chrétiens, qu’ils considèrent comme des infidèles ; le collage d’affiches, y compris dans les lieux publics, demandant aux filles chrétiennes de porter le voile, à l’exemple de Marie ; un juge de Bagdad ayant renvoyé un chrétien du tribunal sous prétexte que les chrétiens ne peuvent témoigner devant les tribunaux irakiens ; et des milices à Bagdad ayant confisqué des maisons, des terres et d’autres biens appartenant à des chrétiens. » [25]

D’autres observateurs ont noté la présence encourageante de chrétiens syriens et irakiens, d’un yézidi et d’un druze, mais aussi la « difficulté de soutenir » les assertions des représentants saoudien et pakistanais déniant toute discrimination religieuse dans leurs pays respectifs. [26] Présent également, le rabbin orthodoxe David Rosen, membre du conseil d’administration du Centre de dialogue international du Roi Abdallah (KAICIID).[27]

Un autre expert catholique du Moyen-Orient, le frère Jean Druel, s’est demandé « ce qui se passerait lorsque quelqu’un violera cette charte ? », tout en louant la tentative de réinterpréter la Charte de Médine dans un contexte contemporain et observant que cette tentative déplairait aux salafistes. [28]

Il s’agit là d’un travers essentiel de la présente Déclaration. Comment un document plus connu pour son existence sur le papier et que comme modèle pratique pourrait-il servir de contrepoids moderne à l’extrémisme ? Les salafistes djihadistes se réfèrent de la même façon aux documents fondateurs et formateurs de l’islam et y trouvent d’abondantes justifications à leur extrémisme et leur violence, prêtes à être sélectionnées et appliquées au monde contemporain.

L’EI traite délibérément les minorités selon le modèle des débuts de l’islam, s’inspirant du « Pacte d’Omar » aux conséquences historiques bien plus importantes, conclu avec les populations chrétiennes conquises.[29] Certains érudits ont même émis des doutes sur l’authenticité de la Charte de Médine, suggérant qu’il pourrait s’agir d’une compilation de deux documents et contestant notamment les parties qui mentionnent le traitement des Juifs de Médine, à savoir la partie de la Charte qui lui confère sa dimension interreligieuse. Ils font observer que les Juifs de Médine n’ont pas été traités comme des tribus individuelles, mais comme des associés des tribus arabes. De fait, les trois tribus juives ne sont même pas mentionnées par leur nom.[30]

La Charte de Médine étant traditionnellement datée de l’an 622 de notre ère, il vaudrait la peine d’observer comment les minorités religieuses étaient traitées à son époque contemporaine  présumée, sous la domination de Mahomet. Les documents historiques tels quels ne sont pas encourageants. Le sort des tribus juives de Médine est un récit bien conté, que l’on trouve encore dans de nombreux manuels scolaires arabes. Les Banu Nadir et les Banu Qaynuqa ont été expulsés massivement pour avoir violé les termes de leur « contrat » deux ans après [l’adoption de] la Charte de Médine. De manière peu étonnante, l’un des éléments de la Charte et du traitement des Banu Qaynuqa et des Banu Nadir correspond au concept de responsabilité/punition collective rencontré fréquemment dans le discours islamiste ordinaire jusqu’à ce jour.[31]

La liquidation de la troisième tribu juive, les Banu Qurayza, est une autre histoire fameuse, que l’on trouve dans les manuels scolaires de CM2 de l’EI. [32] Cette tribu a été accusée de rébellion après la Bataille de la Tranchée (en l’an 627 – cinq ans après la Charte de Médine) et fut autorisée à choisir un médiateur au sein d’une tribu musulmane arabe traditionnellement alliée des Banu Qurayza. Ce médiateur, Saad Ibn Muadh, homme très apprécié du prophète Mahomet, a décrété que tous les hommes de cette tribu juive  devaient être décapités et les femmes et les enfants vendus comme esclaves.

L’extermination de cette tribu a été effectivement citée par l’EI comme modèle pour le massacre d’une tribu musulmane sunnite arabe syrienne en 2004.[33] Preuve de la puissance du souvenir de ces événements, la décision de Saad Ibn Muadh concernant les Banu Qurayza il y a 14 siècles a été récemment citée, il y a quelques mois à Gaza, comme modèle pour en finir avec les Juifs au cours de « l’Intifada des couteaux ».[34] Le prédicateur salafiste américain Yasir Qadhi a également utilisé en 2013 la peine de mort prononcée par Ibn Muadh comme un enseignement positif sur les principes de leadership.[35]

Il est aisé de trouver dans le passé une laideur similaire à de nombreuses traditions religieuses, et nous ne parlons pas tant ici de l’histoire elle-même, mais de perceptions très largement partagées sur l’histoire. Mais un narratif peut-il se fonder sur la nature prétendument tolérante de la Charte de Médine, tout en s’écartant du traitement punitif supposé des Juifs de Médine ? Des visions ressuscitées d’une « convivialité traditionnelle » peuvent-elles être ainsi défendues, lorsque l’on voit la manière dont les djihadistes utilisent tant les textes islamiques attestés que leur lecture sélective des événements pour justifier leur violence ?

Au regard du renforcement de l’intolérance alimentée par l’islamisme dans de nombreux pays à majorité musulmane, tout appel à la tolérance et à un meilleur traitement des minorités religieuses doit être accueilli de manière positive sans la moindre ambiguïté. En dépit de l’absence des mots « égalité » et droits « individuels » dans la Déclaration de Marrakech de 2016, c’est un pas dans la bonne direction. Difficile de croire, cependant, en l’absence de toute acceptation par les Etats musulmans [y compris certains, comme l’ont affirmé les représentants anonymes de l’Arabie saoudite et du Pakistan, qui ont déjà soutenu qu’ils ne pratiquaient aucune discrimination] que ces mots auront des conséquences immédiates.

Si la réforme des programmes scolaires et la reformulation du fiqh [jurisprudence] sont des objectifs louables, leur importance est relative comparée à l’urgence immédiate que constituent la communauté yézidie martyrisée et dépossédée, la communauté chrétienne de Mossoul dévalisée sous la menace des armes de tous ses biens et les anciennes communautés de la région contraintes de quitter un Moyen-Orient où elles n’ont plus d’avenir, privées de stabilité économique et de sécurité personnelle. [36] Une fois que les manuels scolaires auront finalement été purgés et que la jurisprudence sera rénovée, que restera-t-il de ces communautés encore vivantes ?

En outre, comment de telles conférences, repues de figures compromises, souvent issues des élites de régimes discrédités, peuvent-elles influer sur le discours de la population, en particulier celui de la jeunesse déjà aliénée ? Les déclarations du clergé islamique établi et des gouvernements au cours des dernières décennies ont déjà échoué à empêcher l’émergence d’Al-Qaïda et de l’EI, et l’ascension quasiment inexorable de différents types d’islamisme. La solution évidente n’est-elle pas la défense de codes civils et d’Etats laïcs ? [37] 

Si le recours à la Charte de Médine comme outil pour combattre les islamistes sur leur propre terrain est un concept intéressant et audacieux, il semble insuffisant. Au bout du compte, l’inspiration tirée d’une version idéalisée de l’histoire islamique ne remplacera pas les droits individuels et le recours à la loi pour pleinement garantir ces droits. Si une « constitution » vieille de 1 400 ans qui semble n’avoir jamais été vraiment appliquée aide à garantir ces droits et cette application de la loi, cela serait excellent.

Sinon, la Déclaration de Marrakech de 2016 rejoindra de nombreuses déclarations bienveillantes, pleines de bonnes intentions, qui ont fait quelques gros titres gentils et éphémères chez les personnes enthousiastes mais mal informées, rien de plus. On ne peut qu’espérer que les organisateurs et les Etats qui soutiennent  et encouragent de telles initiatives les transforment rapidement en une politique publique véritable, dans une région qui semble renoncer à tous les droits de ses habitants, et des membres des minorités en particulier. 

* Alberto M. Fernandez est le vice-président de MEMRI. 

Notes :

[1] Religionsforpeace.org/publications/marrakech-declarationn.

[2] « Why American Needs To Know This Man », Souheila Al-Jadda and Amina Chaudary, The Islamic Monthly, 4 mars 2014.

[3] Marrakeshdeclaration.org/organizers.html

[4] « Exclusive: Banned Cleric’s Outspoken Deputy Visits White House », Steven Emerson et John Rossomando, IPT News, 26 juin 2013.

[5] Youtube.com/watch?v=HStliOnVl6Q, 10 février 2009.

[6] Youtube.com/watch?v=il5xam68ams, 29 décembre 2010.

[7] « Prominent Muslim Sheikh Issues Fatwa Against ISIS Violence », Dina Temple-Raston, NPR, 25 septembre 2014.

[8] http://www.thenational.ae/world/middle-east/abu-dhabi-counter-terrorism-centre-to-battle-isils-online-lies#page2

[9] « Zarqawi’s Anti-Shi’a Legacy: Original or Borrowed? », Nibras Kazimi, Hudson Institute, 1er novembre 2006.

[10] « Ibn Taymiyya’s ‘New Mardin Fatwa’. Is genetically modified Islam (GMI) carcinogenic? », Yahya Michot, Hartford Seminary, 2011.

[11] « Ibn Taymiyya’s ‘New Mardin Fatwa’. Is genetically modified Islam (GMI) carcinogenic? », Yahya Michot, Hartford Seminary, 2011.

[12] « Muslim scholars recast jihadists’ favourite fatwa », Tom Heneghan, Reuters, 31 mars 2010.

[13] Constitution.org/cons/medina/con_medina.htm

[14] Marrakeshdeclaration.org/about.html

[15] « The ISIS Caliphate and the Churches », Alberto M. Fernandez, The Middle East Media Research Institute, 27 août 2015.

[16] Kepel, Gilles, Muslim Extremism in Egypt, the Prophet and the Pharaoh. London: Al-Saqi Books, 1985.

[17] Marrakeshdeclaration.org/marrakesh-declaration.html

[18] « New UAE law: 10 years’ jail for hate crimes and discrimination », Gulf News, 20 juillet 2015.

[19] Acommonword.com

[20] « ISIS Launches Campaign Urging North African Muslims, Al-Qaeda Members To Join Its Rank, Target Local Governments », MEMRI Jihad and Terrorism Threat Monitor Project, 21 janvier 2016.

[21] An-Na’im, Abdullahi A. « Religious Minorities under Islamic Law and the Limits of Cultural Relativism, » Human Rights Quarterly. Vol. 9, No. 1, Février 1987, pp. 1-18.

[22] Youtube.com/watch?v=RN4x8TvK8Xw, 13 juin 2014.

[23] « A Muslim Declaration on Religious Minorities: An Interview w/ Pastor Bob Roberts in Marrakesh, Morocco », Ed Stetzer, Christianity Today, 28 janvier 2016.

[24] « Muslim leaders reiterate support for minority rights in Islamic nations », Catholic News Service, 27 janvier 2016.

[25] « Chaldean patriarch details acts of discrimination against Christians », Catholic News Service, 28 janvier 2016.

[26] « La déclaration de Marrakech, un texte qui fera date pour les minorités religieuses? », Loup Besmond De Senneville et Anne Bénédicte, La Croix, 29 janvier 2016.

[27] « ‘Move Beyond Discussion to Implementation’: KAICIID SG Urges Audiences at Conference on the Rights of Religious Minorities », PR Newswire, 28 janvier 2016.

[28] « La déclaration de Marrakech, un texte qui fera date pour les minorités religieuses? », Loup Besmond De Senneville et Anne Bénédicte, La Croix, 29 janvier 2016.

[29] « Medieval Sourcebook: Pact of Umar, 7th Century? », Paul Halsall, Forham University, janvier 1996.

[30] « Reflections On The ‘Constitution Of Medina’: An Essay On Methodology And Ideology In Islamic Legal History », Anver Emon, UCLA Journal of Islamic & Near Eastern Law, Printemps/Eté 2002.

[31] Youtube.com/watch?v=ya3mVKODSyQ, 1er février 2011.

[32] Twitter.com/VPAFernandez, 29 octobre 2015.

[33] « Massacre And Media: ISIS And The Case Of The Sunni Arab Shaitat Tribe », Alberto M. Fernandez, The Middle East Media Research Institute, 23 juin 2015.

[34] « Rafah Cleric Brandishes Knife in Friday Sermon, Calls upon Palestinians to Stab Jews, » MEMRI TV Clip #5098, 9 octobre 2015.

[35] Youtube.com/watch?v=UZE1N56fswY, 11 juin 2013.

[36] « Is This the End of Christianity in the Middle East? », Eliza Griswald, The New York Times, 22 juillet 2015.

[37] « Former Iraqi MP Sayyed Ayad Jamal Al-Din in a TV Debate about Separation of Religion and State: The Combination of the Koran and the Sword Is More Dangerous tan Nuclear Technology », The Middle East Media Research Institute, 28 novembre 2010

Voir encore:

Muslim Leaders Wage Theological Battle, Stoking ISIS’ Anger

Laurie Goodstein

The New York Times

May 8, 2016

As the military and political battle against the Islamic State escalates, Muslim imams and scholars in the West are fighting on another front — through theology.

Imam Suhaib Webb, a Muslim leader in Washington, has held live monthly video chats to refute the religious claims of the Islamic State, also known as ISIS or ISIL. In a dig at the extremists, he broadcast from ice cream parlors and called his talks “ISIS and ice cream.”

Sheikh Hamza Yusuf, an American Muslim scholar based in Berkeley, Calif., has pleaded with Muslims not to be deceived by the “stupid young boys” of the Islamic State. Millions have watched excerpts from his sermon titled “The Crisis of ISIS,” in which he wept as he asked God not to blame other Muslims “for what these fools amongst us do.”

It is a religious rumble that barely makes headlines in the secular West since it is carried out at mosques and Islamic conferences and over social media.

The Islamic State, however, has taken notice.

The group recently threatened the lives of 11 Muslim imams and scholars in the West, calling them “apostates” who should be killed. The recent issue of the Islamic State’s online propaganda magazine, Dabiq, called them “obligatory targets,” and it said that supporters should use any weapons on hand to “make an example of them.”

The danger is real enough that the F.B.I. has contacted some of those named in the Islamic State’s magazine “to assist them in taking proper steps to ensure their safety,” said Andrew Ames, a spokesman for the F.B.I.’s field office in Washington.

The death threats are a sign that Muslim religious leaders have antagonized the Islamic State, according to analysts who are studying the militant group. Their growing influence also contradicts those who claim that Muslim leaders have been silent in the fight against violent extremism.

“This is what hurts ISIS the most. It is Muslims speaking out,” said Mubin Shaikh, a Canadian who once joined an extremist Islamist group and now advises governments on countering radicalization. “Fear-mongering is what ISIS is trying to do, whether to silence these people or to silence others as a deterrent.”

Several of the targeted Muslim leaders said in interviews that, while they were taking the threat seriously, they had no intention of backing off. They have hired security guards and fortified their workplaces, and some keep guns at home.

“It’s an honor to be denounced by ISIS,” said Imam Webb, who frequently engages young Muslims over social media, whether on YouTube, Facebook, Periscope or Snapchat. “I consider it one of my greatest accomplishments in life.”

“It has only reinvigorated me,” he said, “to provide the antivenom to the poison of ISIS.”

These Muslim leaders say they are responding to fellow believers who are looking for a religiously based rebuke to violent movements that claim to be acting in the name of Islam. They say that extremist groups like the Islamic State are a threat not just to civil society and security, but to the future of their faith.
10 Steps to Start Your Study of Islām by Suhaib Webb Video by Suhaib Webb

Sheikh Yasir Qadhi, who is based in Tennessee and runs a popular Islamic educational institute, thundered against the Islamic State in a Friday sermon at one of Europe’s largest mosques in March, only three days after the group’s suicide bombers had attacked the Brussels airport and train station.

“None of our senior scholars of any school — any school — has justified these deeds,” Sheikh Qadhi said at the East London Mosque.

He argued that the terrorist attacks of recent years had clearly violated Islamic teaching because they “cause more harm than good,” bringing more bombs, more drones and more chaos to Muslim communities, he said.

“Who has benefited? Please use the intelligence that Allah gave you,” he said. “These radical groups have harmed the image of Islam infinitely more than all of the foreign policy of Western lands combined.”

These scholars ridicule the Islamic State’s claim to have created a “caliphate” ruled by a successor to the Islamic prophet, Muhammad. Instead, in a highly effective bit of rebranding, they call the Islamic State Kharijites, a reviled group of Muslims who killed women and children and rebelled against the caliphs in the seventh century.

The imams named by the Islamic State are based in the United States, Canada, Britain and Australia. They represent a broad spectrum of Islamic thought — from spiritual Sufis to puritanical Salafis, and even the more militant “Salafi Jihadis.”

To the Islamic State’s propagandists, it does not matter that the imams are fervent Muslims or critics of American foreign policy: They are all “unbelievers,” just like the Shiite Muslims, Christians and Yazidis that the Islamic State has killed by the thousands in Iraq, Libya, Syria and elsewhere.

This is not the first time that the Islamic State has targeted Muslim leaders in the United States, but this is the longest list yet. It includes Sheikh Hisham Kabbani, a Lebanese Sufi now based mostly in Michigan who has been warning for years about rising extremism.

The list also includes Salafi-oriented preachers such as Bilal Philips, a Canadian convert who has been barred from several countries because of allegations that he preaches extremism; Tawfique Chowdhury, an Australian doctor who founded organizations and charities that propagate orthodox views of Islam; and Abu Basir al-Tartusi, a Syrian preacher based in London who has spoken in support of Al Qaeda, according to news reports.

Cole Bunzel, a scholar at Princeton University studying Islamic history and jihadist ideology, said, “What ISIS is saying is that even if you support Al Qaeda, even if you’re a supporter of someone like Tartusi, you’re still not on team Islam.”

The Islamic State’s magazine also targeted American Muslims in government, such as Representative Keith Ellison of Minnesota; Huma Abedin, a longtime top aide to Hillary Clinton; and Mohamed Elibiary, a Texas Republican and former adviser to the Department of Homeland Security.

Several terrorism experts said that an attack on any of these people was more likely to happen abroad than in the United States, but that all it would take is one deluded or mentally unbalanced “lone wolf.”

In March, a popular Saudi preacher, Sheikh Aaidh al-Qarni, was shot and wounded by a gunman in the Philippines, soon after the Islamic State’s online magazine had put him on a list of “apostate” Saudi scholars. Sheikh Qarni, who writes Islamic inspirational books and has nearly 13 million followers on Twitter, had just given a lecture at Western Mindanao State University, and his assailant was an engineering student.

The effort to undermine the Islamic State using religion is not just a Western phenomenon. In January, Muslim leaders from around the world gathered in Morocco and produced the Marrakesh Declaration, which denounces Muslim oppression of religious minorities. The Organization of Islamic Cooperation, which represents 57 Muslim countries, recently endorsed the declaration.

Sheikh Hamza will soon air a television series in the Middle East, “Rihla With Sheikh Hamza Yusuf” (rihla is “quest” in Arabic). The show applies traditional Islamic scholarship to contemporary challenges in the Muslim world, and it includes strong messages against extremism — which Sheikh Hamza said amounts to “swatting the hornet’s nest again.” It is likely to be seen in Iraq and Syria, the Islamic State’s strongholds, he said.

Sheikh Qadhi, however, said that, based on several frightening experiences recently in Tennessee, he has more to fear from right-wing Muslim-haters than from adherents of the Islamic State.

“I’m not scared of ISIS in America,” he said. “I feel very safe in every mosque I go to. But I am scared of other people in this land who are very ignorant and bigoted.”

He said he had gotten used to being vilified by both sides: “The right wing is calling me a stealth jihadist. And ISIS is calling me a sellout. We challenge both of their narratives, even as their narratives feed into each other.”

Voir par ailleurs:

Le grand rabbin de France dénonce la résolution de l’Unesco
France
9 mai 20166

TRIBUNE – Le grand rabbin de France* s’étonne que la France ait voté pour la résolution de l’Unesco qui condamne non seulement la politique de l’État hébreu à Jérusalem, mais qui, surtout, rebaptise le mur des Lamentations et les autres lieux symboliques du judaïsme de noms arabes.

On ne peut être que profondément choqué lorsqu’on apprend que notre pays, la France, pays des Lumières et de la laïcité, a apposé sa signature au bas de la résolution adoptée par le Conseil exécutif de l’Unesco le 16 avril dernier, sur le point intitulé «Palestine occupée».

Il ne s’agit pas pour moi – ce n’est ni mon rôle ni mon ambition – d’évoquer les conflits politiques et territoriaux qui occupent et déchirent les États du Proche-Orient. Mais le responsable religieux français que je suis, ne peut demeurer silencieux devant une telle atteinte à la foi de nombre de fidèles, qui ont accompagné la destinée du Temple de Jérusalem, de Salomon le bâtisseur à Jésus chassant les marchands ; je ne peux rester indifférent devant une telle offense à l’Histoire et à l’honneur.

Que l’Unesco, dont la mission est de promouvoir la paix, la sécurité et les libertés fondamentales en «resserrant par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations» s’inscrive dans une dénégation aberrante, en adoptant une résolution qui laisse entendre que les juifs n’auraient aucun droit de regard sur le Mur occidental (appelé dans la résolution de l’Unesco place albraque), voire qu’ils n’auraient pas construit le Temple de Jérusalem, ne manque pas de laisser pantois les honnêtes observateurs.

Il y a là injure à ce que nous rapportent les textes sacrés, la Bible et ses 867 mentions de Jérusalem, comme les Évangiles, mais aussi à l’Histoire. D’innombrables voyageurs aussi érudits que Pierre Loti, qui n’était pourtant pas un parangon de philosémitisme, ou Chateaubriand, pour ne citer qu’eux, témoignent, s’il en était besoin, de l’enracinement ancestral du judaïsme dans ces lieux: «C’est vendredi soir, le moment traditionnel où, chaque semaine, les juifs vont pleurer en un lieu spécial concédé par les Turcs, sur les ruines de ce Temple de Salomon…» (Chateaubriand, 1811). En citant ces écrivains, je ne fais que me référer modestement aux Témoignages sur Israël dans la littérature française, ouvrage publié en 1938 par le grand rabbin Jacob Kaplan, qui a su souligner le rôle exceptionnel de passeurs de mémoire qu’ont joué les auteurs français dans l’histoire du peuple juif.

Certes, on ne devrait être que moyennement surpris par la position de l’Unesco, quand on sait que le tombeau des Patriarches et la tombe de Rachel ont été récemment classés par la même organisation comme des lieux de culte exclusivement musulmans.

Mais dénier aux juifs, ainsi qu’aux chrétiens qui se sont appuyés sur la construction du Temple pour élever les cathédrales, aux francs-maçons qui en ont fait le symbole de leur humanisme, et enfin aux non-croyants, l’appartenance à ces lieux historiques et inspirés est faire insulte à la mémoire et à l’intelligence collectives de l’humanité. C’est d’ailleurs aussi faire insulte à l’islam, car cette foi s’enracine dans celles qui l’ont précédée. Or, s’il n’y a pas de Temple, pourquoi ce lieu particulier pour une mosquée? Il se trouve que si, en France, nos synagogues, nos églises, nos temples et nos mosquées sont tournés vers l’Orient, c’est que ces lieux suivent l’appel de Jérusalem, celui du Temple.

Une telle attitude est sans aucun doute préoccupante pour l’avenir de l’Unesco, malgré tout le respect qu’on peut avoir pour les objectifs poursuivis par ses fondateurs et l’estime portée à sa directrice générale. Que la France ajoute son paraphe à ceux des pays qui approuvent cette position est proprement révoltant pour le patriote que je suis. Le principe de laïcité, inscrit dans notre Constitution, aurait dû interdire de prendre aussi ouvertement parti pour des tenants extrémistes, aveuglés par des considérations bien éloignées de la miséricorde divine.

La France, l’une des nations qui a le plus largement contribué à la clairvoyance et à la mesure de notre civilisation, ne peut pas ne pas être offusquée par le déni de réalité que constitue la résolution votée. Elle ne peut pas ne pas voir, dans la répétition, l’insistance, la litanie maladive des termes «Israël, puissance occupante» tout au long du texte, le révélateur des vrais mobiles de ses auteurs. Elle aurait dû, sans conteste, retenir sa plume. Aussi est-il de ma responsabilité de dénoncer cette avanie comme un écho au prophète Isaïe (LXII, 1): «Pour Jérusalem, je ne me tairai point.»

Le ministre des Affaires étrangères m’a assuré de la constance de la position de notre pays et de l’évidence de la connaissance que possèdent nos représentants et nos diplomates des faits historiques incontestables. Jean-Marc Ayrault, dont j’ai pu mesurer la solidité des convictions, devra le réaffirmer de façon forte et claire lors de son prochain voyage en Israël, mi-mai.

Nous avons fait part de notre souhait et réitérons notre demande que cette position soit également clairement réaffirmée par notre pays, notamment lors de la 40e session du Comité du patrimoine mondial qui se tiendra à Istanbul du 10 au 20 juillet prochain. En restant vigilants, nous souhaitons aussi aider l’Unesco à retrouver le sens premier et profond de la charte qui la fonde et de l’espoir qu’elle porte pour tous.

* Membre de l’Institut

Haïm Korsia – Grand Rabbin de France


Josephine Baker Day/65e: La seule femme – et Française ! – à avoir eu droit à son discours aux côtés de Monsieur I have a dream lui-même (How colonial Paris totem of primeval sex turned March on Washington only woman speaker gave the world its first Rainbow tribe theme park)

20 mai, 2016

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JosephineGuerreJosephineDCEmmanuel Macron a décidé de panthéoniser Joséphine Baker, la femme "qui a eu tous les courages"Joséphine Baker crée en Dordogne une "capitale de la fraternité"91 Les Milandes Photos and Premium High Res Pictures - Getty ImagesJosephine Baker and the 'rainbow tribe' in the kitchen at Les MilandesJosephine-Baker-and-Beyonce

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Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
Comment savoir si nous ne sommes pas en train de distraire le public de la même façon que les zoos humains le faisaient ? Intervenant local d’Exhibit B
Comment être certain que ce n’est pas seulement par curiosité de voir des Noirs que viennent les Blancs ? Intervenant local d’Exhibit
What interests me about human zoos is the way people were objectified. Once you objectify people, you can do the most terrible things to them. But what we are doing here is nothing like these shows, where black people were brought from all over Africa and displayed in villages. I’m interested in the way these zoos legitimised colonial policies. But other than that, they are just a catalyst. (…)  It’s very difficult to get it right. The performers are not asked to look with any anger at all. They must work with compassion. (…) People have said, ‘White boy, you are messing with my culture. You have no right to tell the story of our spiritual practices or our history, because you are getting it all wrong.’ And I can’t defend those works today in the same way I could back then. For all I know, I could look back at Exhibit B in 10 years and say, ‘Oh my God, I am doing exactly what they are accusing me of.’ But that’s the risk you take. It comes with the territory. Brett Bailey
Qu’une exposition au Musée du quai Branly s’attache à nommer les créateurs de la cour royale d’Abomey est important du point de vue de la connaissance historique. Mais surtout d’un point de vue politique et moral, parce que c’est l’une des premières fois qu’une telle tentative est osée en France. Le temps de l’indistinction et de l’anonymat s’achèverait-il enfin? (…) Le temps de l’art « nègre » ou « africain » finit; celui des artistes africains commence. Le Monde
Cette nouvelle et passionnante approche peut s’appliquer aux artistes d’Abomey, parce que les collections françaises sont d’une exceptionnelle richesse. Elles le sont parce que la France a envahi et détruit le royaume d’Abomey en deux guerres, en 1890 et en 1892, et forcé le roi Béhanzin à l’exil. Ses palais ont été pillés et c’est le produit de ces pillages que l’on étudie avec tant d’intérêt. Le Monde
Vous savez, plus l’Etat et nos adversaires se radicalisent, plus on se radicalise. Sihama Assbague
Le programme est construit autour de l’axe du racisme d’Etat et des outils pour y faire face et construire des résistances. Les ateliers et formations serviront à la transmission de connaissances et de pratiques aussi bien pour les militant.e.s d’organisations que pour les personnes voulant s’impliquer de façon plus ponctuelles. Camp d’été décolonial
La logique folle et prétendument «anti-système» qui préside à l’organisation de ce type d’événement [L’organisation de «Paroles non-blanches à Paris 8] est exactement la même qui conduit les identitaires d’extrême droite à l’affirmation d’une France «blanche»: les extrêmes, chacun à leur manière, organisent le séparatisme et véhiculent la même logique d’apartheid. Sous couvert d’antiracisme, notre pays risque de voir émerger des «Ku Klux Klan inversés» où le seul critère qui vaille sera la couleur de peau. Encore une fois, les identitaires testent la République et, par glissements successifs, tentent d’affaiblir ses fondements et ses valeurs. (…) Si nous nous taisons aujourd’hui, alors dans quelques semaines, dans quelques mois, nous verrons apparaître des conférences interdites aux blancs et aux juifs, des écoles privées réservées aux « colored people ». Avec de prétendus héritiers de cette nature, Rosa Parks va se retourner dans sa tombe. Alain Jakubowicz
Cette transformation des luttes remonte aux années 1970 aux États-Unis avec une radicalisation du mouvement des droits civiques, qui va se transformer en mouvements beaucoup plus violents, comme les Blacks Panters. Cette radicalité va déteindre sur tous les mouvements gauchistes qui vont revendiquer la lutte au nom d’un critère identitaire. Cette dérive identitaire, qui consiste à penser que certains critères de notre identité sont surdéterminants est commune à l’extrême droite et à l’extrême-gauche, qui s’entretiennent dans une surenchère. C’est le signe d’une déstructuration complète de la politique. Laurent Bouvet
Le principe de «non-mixité» provient directement des études féministes et postcoloniales des universités américaines. Elle doit permettre aux «opprimés» de s’«auto-émanciper» sans l’aide, jugée «paternaliste» des «oppresseurs». Elle se pratique aussi bien dans les milieux dit «antiracistes» que dans les mouvements féministes. Ainsi la commission «féminisme» de Nuit Debout revendique ouvertement la non-mixité. Sont exclus de certains débats les hommes cisgenres (hétérosexuels). Les militantes débattent dans un secteur délimité par des ficelles tendues que n’ont pas le droit de franchir les hommes. (…)«La non-mixité choisie, ce n’est pas pour se retrouver entre femmes mais entre personnes socialement dominées et opprimées, explique au Monde Matt, une des organisatrices de «Féminisme debout». «Il faut des espaces pour que les dominés puissent prendre conscience ensemble des pratiques d’oppression et s’exprimer, sans la présence des dominants.» Eugénie Bastié
Si le fait colonial — premier contact de masse entre l’Europe et le reste du monde — induit encore aujourd’hui une relation complexe entre Nous et les Autres ; ces exhibitions en sont le négatif tout aussi prégnant, car composante essentielle du premier contact, ici, entre les Autres et Nous. Un autre importé, exhibé, mesuré, montré, disséqué, spectularisé, scénographié, selon les attentes d’un Occident en quête de certitudes sur son rôle de « guide du monde », de « civilisation supérieure ». Aussi naturellement que le droit de « coloniser », ce droit d’« exhiber » des « exotiques » dans des zoos, des cirques ou des villages se généralise de Hambourg à Paris, de Chicago à Londres, de Milan à Varsovie… Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire
Le concept de « zoo humain » est apparu au début des années 2000 pour décrire une attitude culturelle qui a prévalu au temps des empires coloniaux (États-Unis inclus) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, attitude qui perdure aujourd’hui mais sous d’autres formes. Il a été popularisé par la publication en 2002 de l’ouvrage Zoos humains ; De la Vénus Hottentote aux reality show, sous la direction de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire, historiens français spécialistes du phénomène colonial. Sous prétexte d’exotisme, les expositions coloniales, et d’une manière générale, les expositions universelles, ont été l’occasion de présenter aux publics des métropoles occidentales un échantillon des divers peuples non-occidentaux, chacun mis en situation forcée dans leur environnement reconstitué. Le phénomène d’exhibition apparaît dès l’Antiquité (les Grecs ont leurs sauvages, les Égyptiens ramènent des nains du Soudan pour les exhiber) mais le phénomène de spectacle se développe surtout avec les Grandes découvertes. Christophe Colomb ramène en 1492 six Indiens qu’il présente à la cour d’Espagne. En 1550, des Indiens Tupinamba défilent à Rouen devant Henri II, en 1644 des Groenlandais sont enlevés pour être exposés au roi Frédéric III de Danemark. Les ambassadeurs siamois (en) sont présentés comme un spectacle exotique sous Louis XIV en 1686, comme le Tahitien Omai à la cour d’Angleterre en 17743. Le premier « zoo humain », en Amérique, semble avoir été celui de Moctezuma à Mexico, qui, en plus d’exhiber de vastes collections d’animaux, montrait aussi des êtres humains présentant des difformités : albinos, nains, bossus. À partir du XIXe siècle, ces exhibitions ne sont plus réservées aux élites et se démocratisent, devenant extrêmement populaires, sur le modèle des grands spectacles de foire, avec notamment le développement d’attractions calquées sur le plan de la scénographie, sur celui du zoo itinérant des cirques Barnums, puis allant délibérément réinvestir des zoos existants. Les exemples les plus éloquents sont celui du pygmée congolais Ota Benga placé dans le zoo du Bronx en 1906, des Amérindiens employés lors des Wild West Shows) et du « freak show » où furent exhibés William Henry Johnson, et surtout Saartjie Baartman, surnommée la « Vénus hottentote », dont l’exposition marqua un tournant : l’exotisme laisse alors la place au racialisme, lequel s’appuie sur un discours « scientifique ». Une véritable industrie du spectacle se met en place dès cette époque : au bout du compte, plus d’un milliard quatre cent millions de visiteurs ont pu voir 35 000 figurants dans le monde, entre 1800 à 1958, depuis les petites manifestations de cirque jusqu’aux grandes expositions coloniales et universelles pouvant mobiliser plusieurs millions de spectateurs. À la suite de l’exposition coloniale de 1931 organisée à Paris, qui montrait entre autres des villages indigènes reconstitués où leurs habitants étaient obligés d’être leur propres acteurs sous l’œil curieux de millions de visiteurs, des personnalités issues de communautés religieuses et et d’organismes sociaux divers se mobilisèrent et permirent de mettre fin à ces exhibitions que l’on jugeait malsaines. « Le scandale ne tarda pas à éclater. En ce qui concerne les Kanaks, des plaintes se multiplièrent, d’abord de la part des Kanaks eux-mêmes, relayées par tous les familiers de la Nouvelle-Calédonie, les « hommes d’Église, des Calédoniens de Paris et même une bonne partie des Européens de Nouvelle-Calédonie », parmi lesquels on compte le pasteur Maurice Leenhardt, le père Bazin et les Maristes, puis par la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, et par le pasteur Soulier, député de Paris. Par contre, « la presse politique demeura en revanche à peu près muette, à l’image de L’Humanité ». Il en fut de même pour Le Canard enchaîné. Seul le PCF, farouche opposant au colonianisme, organisa aux buttes-Chaumont une contre exposition, mais qui n’eut aucun succès. (…) Depuis 1999, avec entre autres l’émission Big Brother, la télévision est devenu le principal vecteur de création de zoos humains contemporains : c’est la thèse que défendent des chercheurs comme Nicolas Bancel, avec son équipe, mais aussi Olivier Razac. Le principe de ces télés réalité est d’enfermer un groupe d’hommes et de femmes observés en direct par le biais des caméras d’une chaîne de télévision. Les « acteurs » de ces shows sont le plus souvent des jeunes peu éduqués, issus de régions ou de milieux « stigmatisés ». (…) En 2014, Brett Bailey présente Exhibit B, une série de tableaux vivants qui évoquent les zoos humains. L’installation-performance de l’artiste sud-africain, qui tourna dans plus de 15 pays européens, a entraîné à Londres puis à Paris une polémique, certaines personnes jugeant l’œuvre raciste et déshumanisante. Le 28 novembre 2013, la télévision nationale japonaise (NHK) a été condamnée à payer 1 000 000 de yens à la fille d’une membre de l’ethnie Paiwan de Taiwan, qui avait été envoyée par le Japon à l’exposition anglo-japonaise de 1910 ; le juge a estimé que l’emploi répété de l’expression « Zoo humain » (…) dans le programme documentaire Asia no Ittokoku d’avril 2009 était diffamant à l’égard d’elle-même et sa descendance. Wikipedia
La France est le seul pays au monde à utiliser le mot «nègre» dans le sens d’esclave littéraire. Ce terme, dont la connotation raciste est tellement qu’évidente que plus personne n’ose l’utiliser au sens littéraire qu’avec des guillemets, fait en effet allusion au statut d’esclave du collaborateur surexploité qui fait le travail d’un autre. Il est apparu au XVIIIe siècle, au moment où la France surexploitait ses colonies en y déportant des millions d’Africains qui mouraient en quelques années. En ce sens, il véhicule la glorification la plus éhontée de l’esclavage et du racisme le plus primaire, car l’expression «nègre littéraire» est également un terme de mépris, correspondant au mépris qu’on vouait aux esclaves et qui s’attache encore trop souvent aux personnes à la peau noire, bien longtemps après que l’esclavage a été aboli. L’expression «nègre» au sens de collaborateur littéraire a été répandue en France en 1845 par Maison Alexandre Dumas & Cie, fabrique de romans, un pamphlet raciste du prêtre défroqué Jean-Baptiste Jacquot qui se faisait appeler Eugène de Mirecourt. Ce texte ordurier et calomnieux, qui visait Alexandre Dumas, a valu à son auteur, à la demande d’Alexandre Dumas, d’être condamné à six mois de prison et à une forte amende, alors que n’existait même pas encore le délit de diffamation à caractère raciste. Mirecourt éprouvait évidemment une jouissance particulière à utiliser le mot «nègre» à propos d’Alexandre Dumas, homme à la peau colorée et fils d’esclave. On a vu récemment réapparaître la même jouissance dans les textes de journalistes racistes qui défendaient le recours à Gérard Depardieu pour interpréter le rôle de Dumas et prenaient un plaisir évident à colporter les thèses de Mirecourt selon lesquelles Dumas n’aurait pas été capable d’écrire ses livres sans l’aide d’hommes à la peau blanche. On sait que ces débordements, qui font appel aux instincts les plus abjects des Français, ont eu pour effet direct de faire monter de plus de deux points les intentions de vote pour le Front national aux élections régionales. Ces dérives doivent à présent cesser. Près de dix ans après que la France a déclaré l’esclavage crime contre l’humanité, il n’est plus supportable que l’expression de «nègre» soit encore utilisée au sens d’esclave dans un film destiné au grand public, alors que l’usage est d’avoir désormais recours au terme de «plume», de «collaborateur», d’écrivain fantôme ou de «ghost writer». Il me semble qu’au XXIe siècle, il est plus que temps de faire entrer dans la tête des Français que le mot « nègre » ne peut plus, en aucun cas, être utilisé impunément pour désigner un être humain qu’on exploite d’une manière ou d’une autre et qui serait méprisé du fait de cette exploitation. Je demande donc au producteur et au distributeur du film The Ghost Writer d’appliquer aux sous-titres et à la version française la même doctrine que celle qu’ils ont appliquée au titre et de s’abstenir de véhiculer gratuitement en France un racisme qui n’est pas dans l’esprit de l’œuvre dont est tiré le film. Faute de rectification immédiate dans ce sens, j’en appelle toutes celles et tous ceux qui luttent contre le racisme a ne pas aller voir ce film et à lui appliquer le même boycott qu’à L’Autre Dumas qui a été un échec retentissant dès la première semaine. Claude Ribbe
Faut-il se débarrasser du mot « nègre » ? Cette question en appelle d’autres : quel mot « nègre » ? Celui de Théodore Canot ou celui de l’abbé Grégoire ? Celui qu’employait Maurice Barrès, celui utilisé par Simone de Beauvoir, ou encore celui que s’est approprié Aimé Césaire ? Expiera-t-on le passé esclavagiste de la France en se débarrassant d’un mot et de tous ses dérivés ? Rappelons que les Noirs ne sont pas plus noirs que les Blancs sont blancs, et que le premier homme à avoir associé une couleur à la peau des Africains ne l’a pas fait innocemment. Le noir n’est pas n’importe quelle couleur. Notre langue est truffée d’expressions héritées des brutalités de l’Histoire. Peut-on mettre fin aux atrocités du passé tout en continuant à parler leur langue ? Claude Ribbe a le mérite d’engager cette réflexion. Peut-être cherche-t-il un peu trop vite à la clore. David Caviglioli
It isn’t unusual for British or Canadian books to change titles when entering the American market. It happened to JK Rowling – Harry Potter has no « philosopher’s » stone in the USA; and to Alice Munro, whose fabulous collection of short stories went from Who Do You Think You Are? in Canada to The Beggar Maid in the USA. « Negroes » would not fly, or be allowed to fly, in American bookstore. At first, I was irritated, but gradually I’ve come to make my peace with the new title, Someone Knows My Name. Perhaps the best way to examine the issue is to examine the evolution of the word « Negro » in America. I descend (on my father’s side) from African-Americans. My own father, who was born in 1923, fled the United States with my white mother the day after they married in 1953. As my mother is fond of saying, at the time even federal government cafeterias were segregated. It was no place for an interracial couple to live. My parents, who became pioneers of the human rights movement in Canada, used the word Negro as a term of respect and pride. My American relatives all used it to describe themselves. I found it in the literature I began to consume as a teenager: one of the most famous poems by Langston Hughes, for example, is The Negro Speaks of Rivers. When my own father was appointed head of the Ontario Human Rights Commission in 1973, the Toronto Globe and Mail’s headline noted that a « Negro » had been appointed. The term was in vogue right into the 1970s. For a time, the word « Negro » took a back seat in popular language culture to newer terms, such as « Afro-American », « African-Canadian », « people of colour » (a term I have always disliked, for its pomposity) or just plain « black. » (…) In the last 20 or so years in urban America, we have witnessed more changes in racial terminology. For one thing, and regrettably in my view, many hip-hop artists have re-appropriated the word « nigger », tried to tame it, and use it so vocally and frequently as to strip it of its hateful origins. We are all products of our generation. Given that I was born in 1957 and taught to ball my fists against anybody using that N-word, I can’t quite get my head around using it these days in any kind of peaceful or respectful manner. Just as the very word « nigger » has risen in popular usage over the last decade or two, however, the word « Negro » has become viscerally rude. In urban America, to call someone a Negro is to ask to for trouble. It suggests that the designated person has no authenticity, no backbone, no individuality, and is nothing more than an Uncle Tom to the white man. (…) I used The Book of Negroes as the title for my novel, in Canada, because it derives from a historical document of the same name kept by British naval officers at the tail end of the American Revolutionary War. It documents the 3,000 blacks who had served the King in the war and were fleeing Manhattan for Canada in 1783. Unless you were in The Book of Negroes, you couldn’t escape to Canada. My character, an African woman named Aminata Diallo whose story is based on this history, has to get into the book before she gets out. In my country, few people have complained to me about the title, and nobody continues to do so after I explain its historical origins. I think it’s partly because the word « Negro » resonates differently in Canada. If you use it in Toronto or Montreal, you are probably just indicating publicly that you are out of touch with how people speak these days. But if you use it in Brooklyn or Boston, you are asking to have your nose broken. When I began touring with the novel in some of the major US cities, literary African-Americans kept approaching me and telling me it was a good thing indeed that the title had changed, because they would never have touched the book with its Canadian title. I’d rather have the novel read under a different title than not read at all, so perhaps my editor in New York made the right call. After all, she lives in the country, and I don’t. I just have one question. Now that the novel has won the Commonwealth writers’ prize, if it finds a British publisher, what will the title be in the UK? Lawrence Hill
The Book of Negroes is this British, military document, this ledger that the British navy keeps that’s recording details about thousands of blacks who are fleeing Manhattan at the end of the war—the Revolutionary war … and coming to Nova Scotia. This document was just absolutely stunning and riveting and it’s pretty well forgotten. I’m sure there are not more than 50 Canadians who have looked at it. So it’s sitting there waiting to be loved and waiting to be discovered. (…) Some parts of it were totally seductive in their power because the documents spoke for themselves so richly, (…) It’s a history that’s sensational and that’s almost completely unknown and that seems to be what has drawn readers to the story. It’s the story of the black Loyalists who came to Canada after fighting for the British in the American Revolutionary War and who were treated so miserably in Nova Scotia that they turned around and left and went to Africa, forming the first exodus of Africans back to Africa in the history of the world. This was a story I really needed to tell and wanted to tell. … It’s not about attributing blame; it’s about recognizing the drama and the sadness in our own history and bringing it to life. Lawrence Hill
The Eiffel Tower looked very different from the Statue of Liberty, but what did that matter? What was the good of having the statue without the liberty? Joséphine Baker
Un jour j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris. Joséphine Baker
When I was a child and they burned me out of my home, I was frightened and I ran away.  Eventually I ran far away.  It was to a place called France.  Many of you have been there, and many have not.  But I must tell you, ladies and gentlemen, in that country I never feared.  It was like a fairyland place. And I need not tell you that wonderful things happened to me there. (…) when I was young in Paris, strange things happened to me.  And these things had never happened to me before.  When I left St. Louis a long time ago, the conductor directed me to the last car.  And you all know what that means. But when I ran away, yes, when I ran away to another country, I didn’t have to do that.  I could go into any restaurant I wanted to, and I could drink water anyplace I wanted to, and I didn’t have to go to a colored toilet either, and I have to tell you it was nice, and I got used to it, and I liked it, and I wasn’t afraid anymore that someone would shout at me and say, “Nigger, go to the end of the line.”  But you know, I rarely ever used that word.  You also know that it has been shouted at me many times. So over there, far away, I was happy, and because I was happy I had some success, and you know that too. Then after a long time, I came to America to be in a great show for Mr. Ziegfeld, and you know Josephine was happy.  You know that.  Because I wanted to tell everyone in my country about myself.  I wanted to let everyone know that I made good, and you know too that that is only natural. But on that great big beautiful ship, I had a bad experience.  A very important star was to sit with me for dinner, and at the last moment I discovered she didn’t want to eat with a colored woman.  I can tell you it was some blow. (…) And when I got to New York way back then, I had other blows—when they would not let me check into the good hotels because I was colored, or eat in certain restaurants.  And then I went to Atlanta, and it was a horror to me.  And I said to myself, My God, I am Josephine, and if they do this to me, what do they do to the other people in America? You know, friends, that I do not lie to you when I tell you I have walked into the palaces of kings and queens and into the houses of presidents.  And much more. But I could not walk into a hotel in America and get a cup of coffee, and that made me mad.  And when I get mad, you know that I open my big mouth.  And then look out, ‘cause when Josephine opens her mouth, they hear it all over the world. So I did open my mouth, and you know I did scream, and when I demanded what I was supposed to have and what I was entitled to, they still would not give it to me. So then they thought they could smear me, and the best way to do that was to call me a communist.  And you know, too, what that meant.  Those were dreaded words in those days, and I want to tell you also that I was hounded by the government agencies in America, and there was never one ounce of proof that I was a communist.  But they were mad.  They were mad because I told the truth.  And the truth was that all I wanted was a cup of coffee.  But I wanted that cup of coffee where I wanted to drink it, and I had the money to pay for it, so why shouldn’t I have it where I wanted it? (…) Ladies and gentlemen, my friends and family, I have just been handed a little note, as you probably say.  It is an invitation to visit the President of the United States in his home, the White House. I am greatly honored.  But I must tell you that a colored woman—or, as you say it here in America, a black woman—is not going there. It is a woman.  It is Josephine Baker. This is a great honor for me.  Someday I want you children out there to have that great honor too.  And we know that that time is not someday.  We know that that time is now. Josephine Baker
I want you to find me a little baby, a pure-bred Japanese, a little boy of two years I can adopt. I will adopt five small boys of two years each,” including a “dark-skinned black” from South Africa, “an Indian from Peru, a Nordic and an Israelite. These small children will be like brothers, live together as a symbol of democracy. Josephine Baker
I will make every effort so that each shows the utmost respect for the opinions and beliefs of the other. I want to show people of colour that not all whites are cruel and mean. I will prove that human beings can respect each other if given the chance. Josephine Baker
 We knew that we were brothers from different countries. [We] had the sense that we had to show the world that the union of races, religions, whatever, was possible. Jarry Bouillon
La famille était un véritable projet pour maman. Elle voulait créer des oppositions : le juif et le musulman, le chrétien et l’animiste, etc.  Akio Bouillon
 Pour éviter des attirances charnelles plus tard, maman et papa avaient décidé de se cantonner à un sexe. Pour Marianne, puis Stellina, elle a transgressé la règle. Brian Bouillon
Bien que peu au courant des exploits de leur mère, ses enfants vivent une enfance hors normes. Quand ils jouent dans la piscine des Milandes, c’est avec Dalida, Bécaud ou Hervé Vilard. Quand ils voyagent, ils sont accueillis par le maréchal Tito, Jackie Kennedy, le pape Paul VI ou la reine de Suède. «  Je revois encore Koffi tirer la barbe de Fidel Castro à Cuba », s’amuse Brian, qui était dans la même classe qu’Albert de Monaco au lycée. Quant à Akio, il se souvient comme si c’était hier de l’enterrement de JFK à Washington. Emportée par une attaque cérébrale le 12 avril 1975, Joséphine Baker a droit à des funérailles nationales. Il y a deux ans, Régis Debray demandait même son entrée au Panthéon. France Dimanche
Après la Deuxième Guerre mondiale, n’ayant pas d’enfant, Joséphine Baker (1906-1975) forme le projet de constituer une famille de toutes les couleurs : « un enfant jaune, un blanc, un noir et un rouge », et de les élever dans la fraternité et l’universalisme. En fait, dans les années 1950, avec son mari Jo Bouillon, elle adopte douze enfants de nationalités, cultures et religions variées : Teruya et Akio ramenés du Japon, Jari (Finlande), Luis (Colombie), Jean-Claude, Moïse et Noël (France), Brahim -devenu Brian- et Marianne (Algérie), Koffi (Côte d’Ivoire), Mara (Venezuela), Stellina (Maroc). (…) En faisant grandir en frères et sœurs tous ces enfants au sein de la « Tribu Arc-en-ciel » comme elle la nommait, Joséphine Baker veut prouver « que toutes les races peuvent vivre ensemble dans une harmonie parfaite ». Son idéal la pousse à transformer le château des Milandes où vit la famille en « Village de la fraternité ». Sur des routes de la Dordogne, des panneaux publicitaires guident les touristes vers le « Village du monde », la « Capitale de la fraternité »… (…) Tous les enfants de la fratrie sont élevés dans le respect de leurs origines et de leurs religions, ce qui suppose plusieurs précepteurs capables de leurs enseigner leurs cultures respectives. A l’adolescence, des troubles de l’identité et des problèmes d’intégration touchent ces enfants de star très médiatisés. Difficultés qui ne semblent pas avoir mis en cause la fraternité et la solidarité créées entre les enfants. Yves Denéchère
À partir de 1953, près de 30 ans après ses premiers succès sur la scène parisienne, la chanteuse et danseuse Joséphine Baker adopte 12 enfants de différents pays, de la Finlande au Venezuela. Elle installe ce qu’elle appelle sa «tribu arc-en-ciel» dans un château du XVe siècle dans le sud de la France et fait payer l’entrée aux touristes qui venaient les entendre chanter, visiter leur maison ou les regarder jouer à saute-mouton dans leur jardin. Ce chapitre méconnu de la vie de Baker est inconfortable. (…) Outre le château, la propriété compte un motel, une boulangerie, des cafés, un club de jazz, un mini-golf et un musée de cire racontant la vie de Baker. (…) l’endroit est exagéré, mais son ostentation est une déclaration politique. Les Milandes, avec son décor de conte de fées, annonce au monde que des filles afro-américaines nées pauvres peuvent transcender la nation et la race et trouver la richesse et le bonheur. Au centre des attractions se trouvent les enfants adoptés de Baker, de Finlande, du Japon, de France, de Belgique, du Venezuela. Au cours de leurs jeunes années, les 10 garçons et les deux filles ont grandi devant le public. Juste en existant en tant que famille multiraciale et multinationale, ils démontrent la croyance de Baker en la possibilité de l’égalité. Ils chantent pour des visiteurs payants, apparaissent dans des publicités dans les journaux, accordent des interviews à la presse curieuse et jouent dans une cour à la vue (…) « d’un mur de visages, regardant et prenant des photos ». Vous pouvez voir pourquoi ce chapitre de l’histoire de Baker provoque le rire. Premièrement, il y a un profond malaise à son rassemblement sans vergogne d’enfants pour jouer son propre récit racial utopique. Deuxièmement, nous pensons comprendre ce qui se passe ici ; nous voyons les premières incarnations des excentricités des célébrités de notre propre temps. Dans la grande famille adoptive, on voit Angelina ou Madonna; dans le parc à thème des célébrités, nous voyons le Neverland Ranch de Michael Jackson. (…) À quoi ressemblerait la Tribu Arc-en-ciel si on la prenait au sérieux ? (…) Baker a toujours été une militante, mettant sa renommée internationale au service du mouvement des droits civiques aux États-Unis. Lorsqu’elle visite les États-Unis dans les années 1950, elle exige qu’elle soit autorisée à séjourner dans les meilleurs hôtels et à jouer devant un public non discriminé. Autre élément de contexte : The Rainbow Tribe n’était pas le premier, ni le seul projet de ce genre. (…) les familles nombreuses, publiques et transraciales étaient un phénomène de la guerre froide aux États-Unis. À une époque où les Américains craignaient de répandre l’influence communiste en Asie, en Afrique et en Amérique latine, ces « U.N. familles », mettant en vedette des membres de tous les continents, montrait que « tout le monde, vraiment, pouvait être intégré au système occidental ». (…) la famille d’Helen et Carl Doss, un couple religieux (…) a adopté neuf enfants, dont beaucoup étaient originaires de pays asiatiques ; l’histoire de la romancière Pearl S. Buck, qui a adopté sept enfants de races différentes et est devenue un défenseur public de l’adoption interraciale ; même les débuts de l’infâme révérend Jim Jones, qui a adopté un groupe interracial qu’il a surnommé la Rainbow Family et qui a formé le noyau de son culte utopique. Comme ces groupes, Baker’s Rainbow Tribe était le produit d’une planification minutieuse pour une valeur symbolique. Les enfants ont été renommés et élevés dans différentes traditions religieuses afin qu’ils puissent être plus typiques des types raciaux et nationaux que Baker avait décidé de représenter dans la tribu. Certains enfants ont reçu de nouvelles histoires. Baker voulait un enfant israélien, mais le ministre israélien des Affaires sociales a refusé (lui disant : « Nous ne pouvons pas autoriser le retrait d’un enfant d’Israël alors que de grands efforts sont déployés pour amener des enfants en Israël »). Intrépide, Baker a adopté un orphelin français, l’a nommé Moïse (français pour « Moïse »), et a décidé qu’il serait élevé juif. En habillant les enfants de fortes identités nationales, ethniques et religieuses, Baker pouvait faire valoir politiquement la capacité humaine à s’entendre malgré les différences. (…) La performance était pourtant difficile à tenir. Alors que ses enfants adoptifs vieillissaient, Baker a manqué d’argent et a été forcée de vendre Les Milandes. (…) Baker a lutté contre des problèmes de santé et est devenu moins pertinent pour le mouvement américain des droits civiques alors qu’il devenait très visible à la fin des années 1960.Elle se produisait toujours, mais tout type d’horaire rigoureux était une contrainte, et sa carrière ne pouvait pas générer assez d’argent pour faire vivre la grande famille qu’elle avait créée. Alors que les finances de Baker s’effondraient, elle a déménagé la tribu arc-en-ciel à Monaco pour vivre dans une maison moins grandiose payée par l’amie et mécène de Baker, la princesse Grace. Ici, les enfants, qui entrent maintenant dans l’adolescence et, dans certains cas, irritent leur vie publique, ont commencé à résister à l’autorité de Baker. Baker a cherché des moyens de confier les enfants à d’autres. Bouillon, le mari de Baker au moment des adoptions, était maintenant son dernier ex; certains des enfants sont allés vivre avec lui. D’autres sont allés dans des pensionnats. Baker a envoyé un petit groupe – dont Marianne (adoptée en France), dont les amours d’adolescence ont conduit Baker à la distraction – pour vivre avec un fan de longue date de Baker au Royaume-Uni. de Finlande) était gay, elle l’a réprimandé devant ses frères et sœurs avant de l’envoyer vivre avec Bouillon à Buenos Aires. Mais (…) les adultes adoptés se souviennent généralement de leur enfance aux Milandes avec tendresse. Quant à leurs relations avec leur mère, ils rechignent à faire des commentaires. Interviewé par Der Spiegel en 2009, Jarry a déclaré : « Elle était trop possessive. Nous n’avions pas le droit de nous développer comme nous le voulions. Akio (adopté du Japon) a offert une évaluation plus charitable : « C’était une grande artiste, et c’était notre mère. Les mères font des erreurs. Personne n’est parfait. Rebecca Onion
Long before Angelina Jolie, Mia Farrow and Madonna made headlines with their adoptive families, 1920s star Josephine Baker tried to combat racism by adopting 12 children of various ethnic backgrounds from around the world. Today the members of her « rainbow tribe » are still searching for their identity. (…) Misfortune often begins with visions, and Josephine Baker had her own vision. She did something that many celebrities would later emulate: She adopted children from poor countries to give them the opportunity of a better life. Adoption is supposed to be an opportunity for children like Maddox, a boy that actress Angelina Jolie adopted in Cambodia, and Mercy, a girl from Malawi the singer Madonna recently adopted after the country’s highest court approved the contested adoption — even though Mercy still has a father in her native village. Madonna told the court that she could offer Mercy a better life — a common argument. The stars want to set an example and use their celebrity status to do good. Sometimes it’s about big ideas, promoting understanding among nations or putting an end to racism. Perhaps Josephine Baker began adopting children as a way to compensate for her own unhappy childhood. (…) In 1926, she bent over in her banana skirt, practically nude, in a revue at the Folies-Bergère in Paris. The audience was ecstatic. It was the roaring 20s, and in Europe’s cities, where people celebrated with abandon, Josephine Baker, as a nude, exotic woman, satisfied their lust for pleasure. Baker was a sex symbol, a role she relished, sleeping with men and women — thousands, as she would later say. But none of this love-making gave her what she wanted most. She married a third time, but she still couldn’t get pregnant. She was infertile. She threw herself into her work, discovering a new passion in World War II. She supported the French resistance movement, and was given a uniform and awarded many decorations. By then, Baker was rich and famous, and yet there was still a gaping hole in her life. The war ended. Baker, now in her 40s, was no longer a sex symbol. She needed a new role. Like Madonna decades later, she felt the need to constantly reinvent herself. In 1947, Baker married her fourth husband, French orchestra leader Jo Bouillon. She bought a Renaissance castle in Périgord, the Château des Milandes, with more than 30 rooms, surrounded by 400 hectares (1,000 acres) of land. She was practically royalty by then, but she was still black. When she visited the United States, she could only enter some hotels through a back entrance. She was determined to fight this racism. And now she owned a chateau. A plan began to take shape in Baker’s mind. In early 1954, she gave a talk in Copenhagen. She wanted to make a gesture of humanity, she said, explaining that she wanted to « adopt five little boys » — one from each continent. (…) Baker (…) took them to Château des Milandes, where more than 100 employees were hired to transform the estate into a center of brotherliness, and a place where celebrities and weekend guests could meet. The main attraction would be Baker’s new family, in its splendid array of skin colors. Baker called the family her « Rainbow Tribe. » It was front-page news. Baker’s husband, Jo Bouillon, managed her affairs at Les Milandes and struggled to raise the children. His wife was constantly on tour, bringing home a new child from practically every trip. But she was only interested in adopting boys, fearing that romantic attachments could develop between the children. (…) A rotating assortment of nannies looked after the children until Baker fired them. She would occasionally storm around the estate, furiously ordering gardeners to replant shrubs, only to slap them afterwards for having done so. She redecorated the chateau, hosted wild parties and took off again. Child number eight, a white boy from France, arrived in 1957. Baker told the press that he was from Israel. She had been missing a Jew in her tribe. In photos taken at the time, the chateau looks more like an orphanage than a real home. The children slept in a room in the attic, in eight small beds lined up in a row. Whenever Baker returned home, even if it happened to be at 3 a.m., she would wake the children and demand affection. (…) On the surface, the children seemed to have a dream childhood. They were living in a castle, like children in a fairy tale. They played with knights’ armor tucked into nooks along the spiral steps to the tower, romped in the gardens, built tree houses and frolicked with the dogs. (…) Every year at Christmas, the presents were piled high to the ceiling in the castle. Monstrous, says Jarry. It was Baker’s way of showing affection for the children. Their duty, in return, was to allow themselves to be shown off to the public. On the occasional Sunday when she was there, Baker would dress the children in white and have them line up in the courtyard, where tourists and the press were waiting behind a fence to take pictures. Jarry says that he and the other children sometimes felt like pet monkeys. Child number 10, a small indigenous boy from Venezuela, came in 1959. The global mother needed to complete her collection. (…) Baker was a star. She had influential friends, like Princess Grace of Monaco, and she had money. Not all of her children were orphans. In some cases, she simply bought babies from their destitute parents. (…) It had all become too much for Baker’s husband. After years of her escapades and their arguments, Bouillon left the chateau, and in 1963 he moved to Buenos Aires. Without him and his business acumen, the estate was doomed to financial ruin. The children lost their father figure, the only person who had given them some structure in Baker’s chaotic world. (…) Baker traveled the world with the children. They met the pope and vacationed with Cuban leader Fidel Castro. The situation at the chateau spun out of control. All the employees, private tutors, monkeys and other animals she had acquired were eating up Baker’s fortune. She managed to fend off bankruptcy for a few more years, stubbornly living her dream, an aging regent who tolerated no back talk and treated the children like subjects. She wrote reports about them, described their characters in detail and drafted plans for their future. Akio was to become a diplomat, Jari a hotelier. Another child was supposed to be a doctor. But none of them were to be artists. She even banned music instruction. After they had received their education and training, the children were to return to the countries where they had come from and make themselves useful there, as Baker’s envoys and as the loyal executors of her ideas. None of the children stuck to the plan. (…) She lost the chateau in 1969, and when she refused to leave she was carried out against her will. She sat on the steps in the rain for two days, covered with only a plaid wool blanket. The photo quickly appeared in newspapers around the world. Baker wanted to make sure that the children would never search for their biological families, and in some cases she even withheld information. (…) Sometimes Bouillon flips through magazines and sees the photos of today’s rainbow tribes, of Madonna with her children from Malawi, of Brad Pitt and Angelina Jolie, traveling around the world with their six small children and their nannies, in the glare of the media spotlight. But he doesn’t feel taken aback by the images. In fact, they make him feel proud. « It’s great, » he says. « These stars are following in my mother’s footsteps. » Of course, he adds, the paparazzi are a problem, as is their constant quest for pictures of the children. But when Jolie adopts a baby from the Third World, says Bouillon, there is also a higher principle at work. « When these children grow up, they’ll understand. » (…) Josephine Baker — the bisexual revue star, darling of gays and drag queens, civil rights activist — banished her son because he loved men. (…) Jean-Claude Baker, 66, was one of Josephine’s companions — a gay man, like many of her friends. They performed together in the last years of her life. She called him her 13th child; he took on her name. But the two had a falling-out before her death. He still lives in her world today. He has named his restaurant after her and decorated it with images of her. He has also written the most detailed biography of Baker to date. Like many who were very close to her, he seems caught in her shadow. Merlind Theile
Before Josephine Baker was 20 years old, she was a totem of primeval sex. On the high-end stages of Paris, wearing a banana skirt or a ring of palm fronds, she arched, shimmied, twisted and smiled all at once. The “wicked Josephine Baker”, as one writer archly described her, was a “lubricious idol”, the embodiment of “carnal splendour” who “drives males to despair”. The poet EE Cummings, a member of the “Lost Generation” of writers drifting across Europe in the Twenties, remembered her as a “wand of golden flesh” to be loved, loathed and feared. At the peak of this sexualised celebrity, she would stroll down the Champs-Élysées with a cheetah on a leash, two exotic creatures, objects of obsession and dread, spectacularly out of place amid the neoclassical buildings that lined the grand boulevard. Baker used her race as a fetish to lure white audiences, got rich fast and became a superstar. Late in life, she decided to change her image and change the world. She did something so unexpected and so dramatic that it still resonates today. In 1953, after a decade of planning, Josephine Baker built a family from scratch. She set out to adopt a cadre of what she imagined as racially diverse children from around the world, bringing them to south-west France in what was the start of an extraordinary experiment. Out of the French countryside, she created a vast theme park-cum-circus – complete with hotels, a collective farm, rides and, of course, singing and dancing – that would focus on the family of the future, which she vaingloriously named the “Rainbow Tribe”. Baker trained the children to be racial exemplars, to represent specific continents, religions and histories. She dispatched them as walking, talking and sometimes costumed icons of racial typecasting, over the sprawling campus surrounding Les Milandes, her name for the 15th-century castle at the centre of this enterprise. And she used them, collectively, as a blunt instrument in her war against racism and prejudice. No one had seen a black woman adopt a white child before. No one had seen a black woman adopt 12 children. Or raise them in a castle. Or house them in a theme park. Or use them in advertisements. Or portray them as soldiers in a struggle for justice. (…) The creation of such a mixed family required diversity that could be easily seen and understood. This was no time for subtlety or nuance. What Baker needed were representative types, human metaphors who could be displayed together for visual contrast, and whose play together could make a bigger point about common humanity and the roots of racism. (…),Baker’s original plans had included a Jewish child, and she laboured to procure one, but these plans got scrambled. Bouillon and Baker ultimately adopted a French orphan – “a dark-skinned baby”, Bouillon recalled — assigned him a Jewish identity and named him Moïse. In 1956, Marianne and Brahim, both from Algeria, arrived. “Look at them, Jo,” Baker exclaimed, composing improbable backstories for them. “He’s a Berber, probably the son of a wet nurse; she undoubtedly is a colonialist’s daughter.” Baker chose to raise one as a Muslim and the other as a Catholic, a perfect example of her use of hardline means to secure utopian ends. (…) All 12 children, in the end, would be stereotypes brought to life. (…) The colourful spectacle of Les Milandes was meant to be seen. Outside, Baker built up the grounds, installed car parks, established facilities for guests and set up an advertising campaign. She installed games and rides for children, and inscribed the entire place with her personality and celebrity. The result was an enclosed, self-contained theme park, a vision of an alternate world in which magic and fantasy were real and thematically organised around a positive vision of the racial future. The entire point of visiting Les Milandes was to see the children. They seemed like outsized Disney characters, performing scripted and rehearsed roles for a public they would never truly meet, escorted around the park by their parents. (…) Visitors came in their thousands, though not, Baker was disappointed to learn, in numbers large enough to ensure the long-term profitability of Les Milandes. (…) Baker did nothing to hide her orchestration of their performance from the children. (…) For Jarry, speaking to the German magazine Der Spiegel in 2009, this meant that the children often felt like “pet monkeys”.  (…) Most of the children were sent to their homelands after Les Milandes. (…) Baker envisioned the family as a United Nations, rich with linguistic, religious, racial and national diversity. Her emphasis was always on extraordinary variety, a diversity that went far beyond skin tone. But by the Seventies, her family was a political liability. Her parenting seemed to trivialise the children, to turn them into rich adornments for their mother. To activists, it was no longer clear what problems were best addressed by the gaudy spectacle of the Rainbow Tribe. The age of idealistic marches was over, and the age of riots, deteriorating cityscapes and white flight had arrived. It wasn’t just that the civil rights consensus had been fractured or that de Gaulle was gone; it was, instead, that the world was drifting toward a future in which Josephine Baker and the Rainbow Tribe seemed like a quaint reminder of the past. Matthew Pratt Guterl

Attention: un zoo humain peut en cacher un autre !

Vénus d’ébène et danse sauvage, plumes et ceinture de bananes, sirène des tropiques et léopard, égérie des cubistes et art nègre, Revue nègre et Renaissance Nègre, Théâtre des Champs Elysées et Folies Bergère, jazz et charleston, mata hari et croix de guerre, fausses couches et hystérectomie, château de Dordogne et gouffre financier,  entrées payantes pour venir lorgner, 40 ans avant Angelina Jolie et Madonna, sa petite tribu-arc-en-ciel de petits orphelins, funérailles nationales télévisées et église de la Madeleine …

En cette 65e Journée Josephine Baker

Dans notre série étranges destinées inversées

Où y compris pour désigner des réalité historiques certains mots se voient systématiquement éradiqués du langage …

En attendant notre premier camp décolonial

Qui se souvient …

Que la petite bête curieuse de 19 ans qui avait toute dénudée dans sa ceinture de sauvageonne …

Conquis le Tout-Paris des Années folles et de l’Exposition coloniale …

Assoiffé, loin de ses anciens esclaves parqués eux discrètement dans les DOMTOM, de jazz et de musiques noires …

Et qui avait finit par ouvrir dans un petit château de Dordogne son propre contre-zoo de la diversité …

Avait aussi été dans une terre natale qui l’avait finalement rejetée

Engoncée près de 40 ans plus tard dans son uniforme des FFI et ses décorations d’ancien combattant …

La seule femme – et la seule Française ! – à avoir eu droit à son discours

Aux côtés de Monsieur I have a dream lui-même ?

Joséphine Baker : “40 ans après sa mort, maman dérange toujours”

Stars inoubliables

Benoît Franquebalme

France Dimanche

26 octobre 2015

La mythique meneuse de “ La revue nègre ”, Joséphine Baker est morte en 1975 d’une attaque cérébrale mettant un terme à une vie de combats et laissant orphelins ses douze enfants adoptés. Souvenirs de deux de ses fils.

Ils nous ont donné rendez-vous à ­l’hôtel Scribe. Quoi de plus normal ? En janvier 1969, ruinée, Joséphine Baker avait installé sa famille dans cet établissement luxueux situé près de l’Opéra Garnier à Paris. À l’époque, la chanteuse et sa tribu viennent d’être expulsées du château des Milandes, leur propriété du Périgord. Magnanime, le Scribe invite l’artiste et ses douze enfants adoptifs.

Grace de Monaco, amie de la chanteuse, leur offrira plus tard l’hospitalité sur le Rocher.

Placés en internat la semaine, les frères et sœurs se retrouvent au Scribe le week-end. « Ici, maman faisait partie des meubles », sourit Akio, dans un couloir du 2e étage, baptisé « étage Joséphine Baker » où trône une grande fresque de la star. « Quand ils ont appris qu’elle était ruinée, ils ont fait un geste. »

La mythique meneuse de La revue nègre commença en effet à fréquenter le Scribe dans les années 50. L’hôtel jouxte l’Olympia où elle connut de si nombreux triomphes.

Confortablement installés dans le bar du palace, Brian (59 ans) et Akio (62 ans) sont là pour nous parler de leur mère, morte il y a quarante ans. Mais par où commencer ?

Née misérable dans le Missouri, Joséphine débarque à Paris en 1925 pour danser dans la scandaleuse Revue nègre. Cinq ans plus tard, elle conquiert définitivement la France en chantant J’ai deux amours (« mon pays et Paris »).

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’ex-maîtresse de Simenon, Hemingway et Colette devient une grande résistante, ce qui lui vaudra plus tard d’être faite chevalier de la Légion d’honneur. Après la guerre, ­l’artiste reprend ses droits (elle était encore sur les planches de Bobino quelques jours avant sa mort) et fonde son incroyable famille.

Ayant subi une ablation de l’utérus pendant le conflit, Joséphine Baker sait qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfants. Avec son mari, le chef d’orchestre Jo Bouillon, ils décident donc de se composer une « tribu arc-en-ciel », pour vivre pleinement leur idéal de fraternité universelle.

Akio est leur premier fils adoptif : « En tournée au Japon en 1954, maman a visité un orphelinat et m’y a trouvé, alors âgé de 18 mois, raconte cet employé de banque. Je ne connais pas mes parents biologiques. Je sais juste que je suis mi-japonais, mi-je-ne-sais-pas-quoi ! » Joséphine rentre en France avec Akio et Teruya, qu’elle a aussi adopté.

Sacré caractère
Dans les dix années suivantes, ils sont rejoints par, dans l’ordre : Jari (Finlande), Luis (Colombie), Jean-Claude, Moïse et Noël (France), Brian et Marianne (Algérie), Koffi (Côte d’Ivoire), Mara (Venezuela) et Stellina (Maroc). Ouf !

« Normalement, les enfants découvrent leurs cadets à la maternité, explique Akio. Moi, je les rencontrais à la gare de Souillac près des Milandes ! La famille était un véritable projet pour maman. Elle voulait créer des oppositions : le juif et le musulman, le chrétien et l’animiste, etc. »

« Moi, je suis né Brahim en Algérie en 1956, poursuit Brian, devenu comédien. Elle a appris que mes parents étaient morts dans des combats entre Français et fellaghas et que j’étais venu au monde le même jour qu’elle. J’avais 6 mois, j’ai souri, elle m’a pris. »

Aux Milandes en 1957, Joséphine Baker et son mari Jo Bouillon, entourés par leur ‘tribu arc-en-ciel » dont Akio, l’aîné et Brian dans les bras de sa mère, entre Jo et Joséphine.

Vous l’aurez noté, les huit premiers membres de la fratrie sont des garçons. Rien d’innocent à cela. « Pour éviter des attirances charnelles plus tard, maman et papa avaient décidé de se cantonner à un sexe, raconte Brian. Pour Marianne, puis Stellina, elle a transgressé la règle. »

Il faut dire que Joséphine Baker – dont Maurice Chevalier disait à Mistinguett : « C’est ta bête noire » – avait un sacré caractère ! Jugeant la carrière artistique trop aléatoire, elle ne dit rien de son passé et de son métier à ses petits, espérant qu’ils deviendront notaires ou avocats.

« Elle s’est plutôt bien débrouillée car je suis le seul artiste, note Brian. Les autres sont hôtelier, inspecteur des impôts, assureur, secrétaire médicale… » À eux douze, ils ont donné naissance à quatorze petits-enfants, dont une Joséphine qui va se marier l’été prochain.

Bien que peu au courant des exploits de leur mère, ses enfants vivent une enfance hors normes. Quand ils jouent dans la piscine des Milandes, c’est avec Dalida, Bécaud ou Hervé Vilard. Quand ils voyagent, ils sont accueillis par le maréchal Tito, Jackie Kennedy, le pape Paul VI ou la reine de Suède.

« Je revois encore Koffi tirer la barbe de Fidel Castro à Cuba », s’amuse Brian, qui était dans la même classe qu’Albert de Monaco au lycée. Quant à Akio, il se souvient comme si c’était hier de l’enterrement de JFK à Washington.

Emportée par une attaque cérébrale le 12 avril 1975, Joséphine Baker a droit à des funérailles nationales. Il y a deux ans, Régis Debray demandait même son entrée au Panthéon. « C’est une mauvaise idée, elle l’aurait refusée, tranche Akio. Ce qui est sûr, c’est qu’elle dérange toujours ceux qui combattent ses idéaux. »

En revanche, les deux frères travaillent actuellement à une adaptation pour le cinéma (ou la télévision) de la vie de leur mère. Dans le passé, on a parlé de Beyoncé ou Sonia Rolland pour interpréter Joséphine Baker. Aujourd’hui, ses petits-enfants rêvent plutôt de Rihanna. Une chose est sûre, le mythe reste intact…

Voir aussi:

Vivre un idéal de fraternité universelle : la « Tribu Arc-en-ciel » de Joséphine Baker / Yves Denéchère

Vivre un idéal de fraternité universelle : la « Tribu Arc-en-ciel » de Joséphine Baker / Yves Denéchère. In « Frères et sœurs du Moyen Âge à nos jours« , colloque international organisé par le laboratoire France Méridionale et Espagne: histoire des sociétés, du Moyen Âge à l’époque contemporaine (Framespa) de l’Université Toulouse II-Le Mirail et par le le Centre de recherches historiques de l’Ouest (Cerhio), Toulouse : Université Toulouse II-Le Mirail, 22-23 mars 2012. (Ce colloque de Toulouse constitue la seconde partie d’un double colloque international dont la première partie s’est tenue à Rennes, les 1er et 2 décembre 2011).
Session 4 : Fratrie/fraternité, le lien rêvé, 23 mars 2012.

Après la Deuxième Guerre mondiale, n’ayant pas d’enfant, Joséphine Baker (1906-1975) forme le projet de constituer une famille de toutes les couleurs : « un enfant jaune, un blanc, un noir et un rouge », et de les élever dans la fraternité et l’universalisme. En fait, dans les années 1950, avec son mari Jo Bouillon, elle adopte douze enfants de nationalités, cultures et religions variées : Teruya et Akio ramenés du Japon, Jari (Finlande), Luis (Colombie), Jean-Claude, Moïse et Noël (France), Brahim -devenu Brian- et Marianne (Algérie), Koffi (Côte d’Ivoire), Mara (Venezuela), Stellina (Maroc). Deux filles font donc partie de la fratrie, malgré la volonté initiale de n’avoir que des garçons afin d’éviter tout problème de relation entre frères et sœurs d’adoption. De Belgique, Joséphine ramène une petite Rama d’origine Hindoue pour sa sœur Margaret qui s’occupe de toute la famille. Deux générations de frères et sœurs cohabitent donc, l’une biologique, l’autre constituée au fil des adoptions successives.

En faisant grandir en frères et sœurs tous ces enfants au sein de la « Tribu Arc-en-ciel » comme elle la nommait, Joséphine Baker veut prouver « que toutes les races peuvent vivre ensemble dans une harmonie parfaite ». Son idéal la pousse à transformer le château des Milandes où vit la famille en « Village de la fraternité ». Sur des routes de la Dordogne, des panneaux publicitaires guident les touristes vers le « Village du monde », la « Capitale de la fraternité »… Après la vente dramatique des Milandes, grâce à la princesse de Monaco, la Tribu Arc-en-ciel va trouver refuge sur la Côte d’Azur.

Tous les enfants de la fratrie sont élevés dans le respect de leurs origines et de leurs religions, ce qui suppose plusieurs précepteurs capables de leurs enseigner leurs cultures respectives. A l’adolescence, des troubles de l’identité et des problèmes d’intégration touchent ces enfants de star très médiatisés. Difficultés qui ne semblent pas avoir mis en cause la fraternité et la solidarité créées entre les enfants. Devenus adultes, les « enfants Arc-en-ciel » ont témoigné des plus belles années de la Tribu, que ce soit dans les médias ou par des livres, ce qui permet d’analyser le lien créé entre eux.

Voir également:

JOSEPHINE BAKER
Enfance pauvre

Joséphine Baker, de son vrai nom Freda Joséphine McDonald, naît le 3 juin 1906, à Saint Louis (Missouri). Elle est métisse noire et amérindienne ; ses parents avaient monté un numéro de chant et de danse. Mais, un an après la naissance de Joséphine, son père quitte le domicile familial ; sa mère, Carrie, aura ensuite trois autres enfants, qu’elle élèvera avec Joséphine dans la pauvreté et la sévérité. Après avoir été placée à huit ans dans une famille blanche pour y travailler, Joséphine s’assume dès l’âge de treize ans en gagnant son pain comme serveuse. Parallèlement, elle s’intéresse à la danse, et remporte son premier concours à l’âge de dix ans. Elle rejoint le Jones Family Band, un groupe de musiciens de rue. Les Jones sont embauchés pour combler le vide à l’entracte du spectacle des Dixie Steppers, une troupe en tournée à Saint Louis. Joséphine fait ses premiers pas sur une vraie scène et le directeur des Dixie Steppers l’embauche… comme habilleuse. La jeune fille suit la troupe à travers le pays et apprend réellement le métier du spectacle. En 1921, elle saisit une opportunité : remplaçant une danseuse blessée, elle intègre la revue pour tenir des emplois de «girl » comique. Mais son très jeune âge la freine encore dans ses ambitions : aussi décide-t-elle de tenter sa chance à New York. Elle finit par intégrer le spectacle Shuffle Along, une comédie musicale à succès intégralement interprétée par des Noirs. Multipliant les singeries, Joséphine Baker impose un personnage à la fois comique et sexy : de 1922 à 1924, elle a atteint une vraie notoriété.

La Revue Nègre

En 1925, c’est la grande occasion qui va permettre à Joséphine Baker d’entrer dans la légende : le Théâtre des Champs-Elysées, à la recherche de nouveaux spectacles, met sur pied la « Revue Nègre », interprétée par des artistes noirs américains (dont Sidney Bechet), qui apportent à la scène française le jazz, le ragtime et la fougue d’une musique que l’on n’appelle pas encore « afro-américaine ». Joséphine, désireuse de passer au-delà des emplois de girl comique, se laisse convaincre de s’expatrier. Le 2 octobre 1925, la Revue Nègre, mélange d’imagerie coloniale et de folklore américain, signe le début de Joséphine Baker sur une scène parisienne : vêtue d’une ceinture de bananes qui restera légendaire, elle danse de manière frénétique sur un air de Charleston – musique alors largement inconnue en France. La nouveauté totale de cette apparition dans l’événement artistique de 1925 apporte à la chanteuse une célébrité éclatante : elle est aussitôt l’attraction des cercles artistiques et intellectuels parisiens, allant jusqu’à faire figure d’« égérie des cubistes ». La danse extrêmement suggestive – et pour l’époque, à la limite de l’obscène – de Joséphine Baker, sa coupe de cheveux à la garçonne, en font à la fois une sorte d’emblème du féminisme et de la modernité, en même temps qu’un objet scénique résolument non identifié en France.

Les Folies Bergère

Elle se signale également par une vie privée quelque peu mouvementée, qui inspirera à son secrétaire, le futur écrivain Georges Simenon, un roman quelque peu égrillard. La Revue Nègre réalise une tournée européenne, à l’issue de laquelle sa vedette va tout simplement laisser tomber la troupe : Joséphine Baker a en effet décroché un contrat de meneuse de revue aux Folies-Bergère. Désormais star absolue de la scène parisienne, Joséphine se rend célèbre par ses apparitions sur la scène des Folies-Bergère. Représentée sur d’innombrables illustrations (portraits, cartes postales), la star à la ceinture de bananes, désormais plus emplumée au dernier degré, est devenue une image incontournable des Années Folles. Sur les conseils de son manager Giuseppe « Pepito » Abatino, Joséphine Baker entretient sa popularité par une tournée européenne qui suscite quelque controverse du fait des tenues légères de la vedette. Revenue à Paris, elle est engagée comme meneuse de revue au Casino de Paris, où  elle fait sensation en promenant sur scène, en laisse, un impressionnant léopard. Elle s’impose en rivale très sérieuse pour Mistinguett sur la scène parisienne. Parallèlement, Joséphine se diversifie et se lance dans la chanson : la célèbre chanson « J’ai deux amours », composée par Vincent Scotto, est un grand succès de l’année 1931.

Avec Jean Gabin

Passer du statut de danseuse à celui de chanteuse lui permet d’abandonner progressivement celui de «petite sauvage » pour une image de diva plus prestigieuse et gratifiante. Elle tourne plusieurs films, mais se révèle une comédienne assez médiocre : sur le plateau du film Zouzou, pour pallier à ses insuffisances, le metteur en scène Marc Allégret fait la part belle au partenaire de Joséphine, un jeune premier nommé Jean Gabin, qui bénéficiera très nettement de cette exposition. Mais Joséphine Baker va connaître une rude rebuffade en 1936 : désireuse de s’imposer dans son pays natal, elle participe aux Ziegfeld Follies, mais les critiques sont désastreuses. Privée, aux yeux des américains, de l’exotisme qu’elle représente pour les européens, Joséphine n’est plus qu’une «négresse aux dents de lapin» et son accent, devenu hybride après tant d’années à l’étranger, déconcerte quelque peu. Malgré le succès d’un club qu’elle ouvre en parallèle à New York, elle finit par rentrer en France pour un nouvel engagement comme meneuse de revue aux Folies-Bergère. Elle acquiert la nationalité française en épousant Jean Lion, un riche marchand de sucre dont elle se séparera assez rapidement.

La Légion d’Honneur

En 1939, à la déclaration de guerre, Joséphine Baker est engagée comme agent de renseignement, chargée de surveiller la haute société, par les services secrets français. Réfugiée au Maroc durant l’Occupation, elle continue de transmettre des messages, parfois cachés dans des partitions musicales, pour le compte de la France Libre et de l’Armée de l’air. Elle se verra décerner la Légion d’Honneur pour ses services. En 1947, elle épouse le chef d’orchestre Jo Bouillon et achète avec lui un château en Dordogne, le Domaine des Milandes. En 1951, elle obtient enfin le succès dans son pays natal, avec une série de concerts où elle avait exigé que soit autorisée la mixité raciale du public. Très engagée contre les discriminations, Joséphine Baker, fantasque, se laissera cependant aller peu après à des déclarations politiques malencontreuses qui lui fermeront un temps le public des Etats-Unis.

Les Milandes

Joséphine Baker recueille et élève aux Milandes des enfants de toutes origines, qu’elle appelle sa « tribu arc-en-ciel ». Mais le domaine se révèlera malheureusement au fil des années un gouffre financier, où Joséphine Baker engloutira l’essentiel de sa fortune. En désaccord sur la gestion du domaine, Jo Bouillon et son épouse finissent par se séparer. Joséphine multiplie les concerts pour payer ses dettes et renflouer son domaine. Un temps considérée comme has been, elle se produit régulièrement à l’Olympia dans les années 1950-60 et s’impose, diva toujours vaillante, auprès d’une nouvelle génération de spectateurs. Elle obtient un grand succès en 1959 avec la revue Paris mes amours, qui permet à « The Fabulous Joséphine Baker » de retourner se produire aux Etats-Unis. Mais le stress de la gestion des Milandes et l’éducation de ses très nombreux enfants adoptifs a son effet sur la santé de Joséphine, qui ne cesse de se produire à un rythme accéléré pour éviter de devoir vendre son domaine. Elle obtiendra le soutien de personnalités comme Bruno Coquatrix ou Dalida pour maintenir les Milandes à flot mais finira par en être expulsée en 1969. Elle rebondit grâce à son activité artistique : elle se produit à La Goulue, au bal de la Croix-Rouge Monégasque. Avec l’aide de Grace de Monaco, elle s’installe à Roquebrune avec sa tribu. En 1973, elle se produit avec succès au Carnegie Hall de New York. Le 8 avril 1975, elle entame à Bobino, devant un parterre de personnalités et un public venu en masse, un spectacle célébrant ses cinquante ans de carrière. Mais cette apothéose sera brève : le 12 avril 1975, s’étant endormie pour une sieste, elle ne se réveille pas et meurt d’une hémorragie cérébrale. Ses funérailles, suivies par la télévision, attirent un immense cortège.

Diva aujourd’hui statufiée, Joséphine Baker aura contribué à introduire en Europe, de manière fracassante, la musique noire américaine et une forme de sensualité débridée alors inédite pour le grand public. Au-delà de l’image d’Epinal du régime de bananes, Joséphine Baker aura été, plus encore qu’une chanteuse et danseuse excentrique, une authentique personnalité, dont la portée humaine éclipse le mérite artistique. Elle aura été néanmoins au confluent des modes et des imageries, incarnant une vision idéalisée du nègre, puis une nostalgie du glamour hollywoodien, sans cesser avant tout, de représenter jusqu’au bout, un type de femme de spectacle libre et magistral.

Voir encore:

Would the perfect family contain a child from every race?
Josephine Baker thought so – and adopted a ‘rainbow tribe’ of children to prove her point. This is the story of an extraordinary 20th-century experiment
Matthew Pratt Guterl
The Telegraph
19 Apr 2014

Before Josephine Baker was 20 years old, she was a totem of primeval sex. On the high-end stages of Paris, wearing a banana skirt or a ring of palm fronds, she arched, shimmied, twisted and smiled all at once. The “wicked Josephine Baker”, as one writer archly described her, was a “lubricious idol”, the embodiment of “carnal splendour” who “drives males to despair”. The poet EE Cummings, a member of the “Lost Generation” of writers drifting across Europe in the Twenties, remembered her as a “wand of golden flesh” to be loved, loathed and feared. At the peak of this sexualised celebrity, she would stroll down the Champs-Élysées with a cheetah on a leash, two exotic creatures, objects of obsession and dread, spectacularly out of place amid the neoclassical buildings that lined the grand boulevard.

Baker used her race as a fetish to lure white audiences, got rich fast and became a superstar. Late in life, she decided to change her image and change the world. She did something so unexpected and so dramatic that it still resonates today.

In 1953, after a decade of planning, Josephine Baker built a family from scratch. She set out to adopt a cadre of what she imagined as racially diverse children from around the world, bringing them to south-west France in what was the start of an extraordinary experiment. Out of the French countryside, she created a vast theme park-cum-circus – complete with hotels, a collective farm, rides and, of course, singing and dancing – that would focus on the family of the future, which she vaingloriously named the “Rainbow Tribe”. Baker trained the children to be racial exemplars, to represent specific continents, religions and histories. She dispatched them as walking, talking and sometimes costumed icons of racial typecasting, over the sprawling campus surrounding Les Milandes, her name for the 15th-century castle at the centre of this enterprise. And she used them, collectively, as a blunt instrument in her war against racism and prejudice.

No one had seen a black woman adopt a white child before. No one had seen a black woman adopt 12 children. Or raise them in a castle. Or house them in a theme park. Or use them in advertisements. Or portray them as soldiers in a struggle for justice.

In early 1953, Le Monde reported that Baker was on the verge of becoming “the mother of a family of all colours”. Speaking to the press from Monte Carlo, Baker described her new family of adopted children, drawn to France from around the world, but especially from the global south — south-east Asia, north and west Africa, and Latin America. Describing Baker as “an ardent proselyte of the antiracial struggle”, the paper emphasised the political function of the family, noting that the children would be “raised like brothers”, though each would “maintain the language, the dress, the customs and the religion of his/her country”.

“I will make every effort so that each shows the utmost respect for the opinions and beliefs of the other,” Baker claimed. “I want to show people of colour that not all whites are cruel and mean. I will prove that human beings can respect each other if given the chance.”

Baker’s autobiography suggests that the decision to adopt had nothing to do with radical politics, at least at first. As her former husband Jo Bouillon explained later, she was on a tour of the Americas after the war when her quest to have a child came to an end. The tour had been a triumphant return to the stage, and she had danced and sung her way from Argentina to Peru. “I think I’m pregnant, Jo!” she said one day, bursting with excitement. Bouillon, worried about her health, tried to cancel the tour, but Baker, ever the self-sacrificing star, reminded him that “a contract’s a contract” before adding that she felt “marvellous”.

The talk of babies had put Bouillon in a reflective mood. There were so many needy children in the world, he mused. “Why not adopt?” Baker asked, newly pregnant but also plotting her future quest for more. “Why not, chérie,” the agreeable Bouillon responded, saying: “What we can’t manufacture, we’ll find ready made.”

The innocent dream of a fairy-tale prince (or princess) and his adopted sibling, Bouillon tells us, ended in Mexico. There, Baker enjoyed a day of singing with children who were members of a travelling French choir. “That night the pains began,” he remembered, and by morning, “her hopes of motherhood had been destroyed, probably for good”.

By the end of 1953, Baker had settled the first of her children into her restored chateau in Castelnaud-Fayrac. The eager partnership of her husband, the pliant and accompanying bandleader Bouillon, made it easier for her to adopt.

Writing to her friend Miki Sawada in May that year, Baker outlined her plans to visit Japan in July. Sawada had become involved in the care and adoption of war orphans – chiefly mixed-race children, assumed to be outcasts in Japan because of their impure birth – and, in 1948, she founded the Elizabeth Saunders Home, named after an Englishwoman who had served as a governess in her family.

After addressing some logistics of the trip, Baker got to the heart of the matter: she wanted Sawada to find her a son. “I want you,” she said, with great specificity, “to find me a little baby, a pure-bred Japanese, a little boy of two years I can adopt.” She continued: “I will adopt five small boys of two years each,” including a “dark-skinned black” from South Africa, “an Indian from Peru, a Nordic and an Israelite. These small children will be like brothers, live together as a symbol of democracy.”

A short while later, she was in Sawada’s orphanage, surrounded by “children with straight black hair and dancing, slanting eyes”. Drawn to one young child who was “as supple as a little fish”, she asked about his background and was told that he was Korean and had been “found beneath an open umbrella that sheltered him from the elements”. The child, named Akio, was carrying a decorative plaque “engraved with the precepts of Buddhism”. “You won’t regret it,” Sawada told her, endorsing the selection. “He’s a sweet, loving child.”

Then, turning to leave, Baker spied “a grave-face baby” sitting by a tree. “He was tiny, much smaller than Akio, with solemn eyes,” she remembered. Struck by something in the child’s gaze, she announced: “I’ll take him, too.” Named Teruya, he was part Japanese and of the Shinto religion, a complement to the half-Korean, Buddhist Akio. (Once back in France, however, Baker would change his name to Janot, which she found easier to pronounce.)

As she presented the pair to Bouillon at the Souillac rail station, she was asked by her husband: “Which one is it?” “Both,” she answered. “You were right to order a double helping,” Bouillon replied. After taking a moment to catch his breath, he said: “This way we’ll be twice as happy.”

Soon after adopting Akio and Janot, Josephine found herself on a lecture tour in Scandinavia and hoping for a third child. Miraculously, a “towheaded, chubby, pink- and-white baby boy”, in an orphanage, “kicked back his covers and held his arms out to me”. She had good timing, too, she wrote, because it seemed that the boy was only days away from being turned out of the orphanage.

Another child had been saved. Baker renamed him Jarry and had him baptised a Protestant, then brought him back to Les Milandes. She had great plans to educate the children in their native tongues, but that proved difficult. When Jarry was reunited with his Finnish-speaking birth mother years later, they needed to speak through a translator. Baker’s autobiography gives the story of Jarry’s adoption a veneer of truth. His story, though, was messier than she knew.

One-year-old Jarry had been placed in the orphanage as a temporary matter, a consequence of an infant sister at home who was ill. Baker had been guided to the orphanage by a wealthy friend and driven there by Jarry’s birth father, an ambitious chauffeur in the midst of a marital dispute with his wife. “My father arranged everything,” Jarry later said. He tricked his wife into signing release papers for the boy, presented the infant to Baker as an ideal type and pocketed the cash for the transaction. He made sure that young Jarry was in just the right place at just the right time, ready to kick off those covers and hold out those arms. “I leant over the blue-eyed Finn,” Baker remembered, “certain that he was the one.” Hoodwinked to make her “choice”, she had unwittingly stolen away a child.

The creation of such a mixed family required diversity that could be easily seen and understood. This was no time for subtlety or nuance. What Baker needed were representative types, human metaphors who could be displayed together for visual contrast, and whose play together could make a bigger point about common humanity and the roots of racism. “She wanted a doll,” Jean-Claude Baker, a later addition to the Tribe, said.

Soon Luis joined the family from Colombia. Then, in late 1955, the younger Jean-Claude (originally Phillippe) and Moïse arrived. Baker’s original plans had included a Jewish child, and she laboured to procure one, but these plans got scrambled. Bouillon and Baker ultimately adopted a French orphan – “a dark-skinned baby”, Bouillon recalled — assigned him a Jewish identity and named him Moïse.

In 1956, Marianne and Brahim, both from Algeria, arrived. “Look at them, Jo,” Baker exclaimed, composing improbable backstories for them. “He’s a Berber, probably the son of a wet nurse; she undoubtedly is a colonialist’s daughter.” Baker chose to raise one as a Muslim and the other as a Catholic, a perfect example of her use of hardline means to secure utopian ends.

Then Koffi came from Côte d’Ivoire and Mara from Venezuela. Poor Noël, found in a rubbish dump on Christmas Eve, was brought to Les Milandes in 1959. And the last was little Stellina, the child of a Moroccan émigré to Paris, arriving in 1964. All 12 children, in the end, would be stereotypes brought to life. “Akio,” Bouillon later said, summarising the children once they were adults, was a typical Korean, “almond-eyed, sensitive, serious”. Jarry was possessed of “Nordic fairness and stamina”. Jean-Claude (or Phillippe), “our blond Frenchman”, was “blessed with innate equilibrium”. Brahim, “the son of an Arab”, and Marianne, the granddaughter of a pied-noir, captured the two sides at war in Algeria. Luis, the Colombian, was already married with children by that time, a fecund Latin through and through.

The colourful spectacle of Les Milandes was meant to be seen. Outside, Baker built up the grounds, installed car parks, established facilities for guests and set up an advertising campaign. She installed games and rides for children, and inscribed the entire place with her personality and celebrity. The result was an enclosed, self-contained theme park, a vision of an alternate world in which magic and fantasy were real and thematically organised around a positive vision of the racial future.

The entire point of visiting Les Milandes was to see the children. They seemed like outsized Disney characters, performing scripted and rehearsed roles for a public they would never truly meet, escorted around the park by their parents. “We were living in that castle by ourselves, all together,” Jarry said, “and then suddenly everything is open and everyone is on top of my mother and talking to me.”

Visitors came in their thousands, though not, Baker was disappointed to learn, in numbers large enough to ensure the long-term profitability of Les Milandes.

If a family is a collection of individuals, Baker’s assemblage presented itself as something quite distinct. But it also worked differently. “I was one in the family,” Jarry remembered. “There was no independence. It was everybody or nobody.” In Monaco, years after Les Milandes, when the older boys wanted to see a movie, they had to choose a film that would also satisfy five-year-old Stellina.

Baker did nothing to hide her orchestration of their performance from the children. One morning, she brought them into the dorm for a family meeting. “I adopted you because I cannot have children,” she began. “I united all of you,” Jarry recalled her saying, because “in the world they are always fighting between countries and races, coloured, white and black”. Going around the room, she told each child the reason for their adoption, citing abandonment or, in Jarry’s case, the divorce of his parents. “That is why I want you to be a family,” she continued, turning them into stakeholders in her project. “We knew that we were brothers from different countries,” Jarry said. “[We] had the sense that we had to show the world that the union of races, religions, whatever, was possible.”

For Jarry, speaking to the German magazine Der Spiegel in 2009, this meant that the children often felt like “pet monkeys”. Sometimes they would be at the big metal gates of the chateau. Sometimes they would sneak away to a lower tier of the garden, though there was often a wall of faces above, watching and taking pictures. Sometimes they would be with their mother inside the brasserie, greeting their public through a glass door. “We grew in Les Milandes like a regular family,” Jarry said. “We had fights. When you are kid, when you are obliged to do things, you go out with your mother and father, and suddenly you have all these people taking pictures, you get tired.” Being a “family” was one thing, he said, but “show business” was different. At Les Milandes, he said, the family was show business. And it was endlessly tiring.

Most of the children were sent to their homelands after Les Milandes. Koffi’s return to Côte d’Ivoire was supposed to last for two years. Arriving from France, he was labelled a “faux noir”, his only connection to the cultures and peoples of his homeland coming from books. Mara, for his part, had not been back to Venezuela since he was two months old. On the flight to Caracas, Baker explained soberly that if Mara wanted “to stay with them” – with his family – she would understand. Landing at the newly opened La Chinita airport, Mara found the runway mobbed with relatives and friends of relatives. Like Koffi, he walked away from the experience with a profound sense of the vast distance between his life and that of his birth family. He noted the “obvious poverty” of his relatives and his shock at their repeated requests for money. “You can’t blame them,” Baker explained, “they’re desperate.”

Jarry’s story was different. When he was discovered one afternoon in the bathtub with another boy, Baker marched the teenager out in front of the Tribe. Raising the problem of “contamination”, she asked for a family vote on whether he could stay, since queerness was a serious crime for Baker. And then, the court martial complete, she shipped him off to Buenos Aires.

The tumultuous Seventies featured a rebelliousness of affect and aesthetic, slogans and symbols. Knowing this, Baker policed her children’s sexuality, homing in on the clothing, moustaches and long hair of the boys. However, they refused to bend to her will. She imported male authority figures, without any luck. She declined to discuss her own youthful rebellions. She drew lines in the sand, fought for authority on every issue and engaged in extreme parental brinkmanship. And eventually, after one too many arguments and fights, she just plain old “gave up”.

Baker envisioned the family as a United Nations, rich with linguistic, religious, racial and national diversity. Her emphasis was always on extraordinary variety, a diversity that went far beyond skin tone. But by the Seventies, her family was a political liability. Her parenting seemed to trivialise the children, to turn them into rich adornments for their mother. To activists, it was no longer clear what problems were best addressed by the gaudy spectacle of the Rainbow Tribe. The age of idealistic marches was over, and the age of riots, deteriorating cityscapes and white flight had arrived. It wasn’t just that the civil rights consensus had been fractured or that de Gaulle was gone; it was, instead, that the world was drifting toward a future in which Josephine Baker and the Rainbow Tribe seemed like a quaint reminder of the past.

‘Josephine Baker and the Rainbow Tribe’ by Matthew Pratt Guterl (Harvard University Press, RRP £21.95) is available to order from Telegraph Books at £19.95 + £1.35 p&p.

Voir de plus:

Adopting the World

Josephine Baker’s Rainbow Tribe

Merlind Theile

Der Spiegel online

10/02/2009

Long before Angelina Jolie, Mia Farrow and Madonna made headlines with their adoptive families, 1920s star Josephine Baker tried to combat racism by adopting 12 children of various ethnic backgrounds from around the world. Today the members of her « rainbow tribe » are still searching for their identity.

He is trying to describe what it was like to grow up here, to trace the vestiges of his childhood, but not much of that remains in this chateau that was once his home.

Today Akio Bouillon, a slight, affable man of Japanese origin, can only serve as a guide through an exhibit that pays tribute to his dead mother. In the former living room, a dozen of her robes are now displayed on headless mannequins, and in the study lies a semi-nude wax figure of Bouillon’s mother, with a string of flowers draped around the neck. The « banana skirt » that made her famous hangs in a glass case; strips of gold material in the shape of bananas are attached to a narrow belt. His mother was the singer and entertainer Josephine Baker.

Bouillon, her oldest adopted son, turned 57 in July. He walks across creaking floorboards and into Baker’s bathroom, with its black tiles and Dior bottles, and then into a series of rooms filled with photos, posters and her jewelry. Somewhere in this labyrinth is the small room where Bouillon slept as a child. Today, the bed is cordoned off from the hallway with a velvet rope, and a sign admonishes visitors not to touch anything.

He stands in front of the bed, smiles faintly and says that it was a nice childhood, for him and his 11 siblings.

Bouillon points to a poster on the wall, made from an old, black-and-white photo. It depicts little Akio, age 6, smiling at the camera, holding a white cat on his arm.

It is the only image visitors see of Baker’s 12 adopted children, and Bouillon is the only one of them who still travels, once a year, to Château des Milandes in France’s southwestern Périgord region. One of his brothers has already died, and the other 10 siblings avoid the chateau, which was purchased by strangers long ago. They don’t want their photos to be exhibited here. They are tired of being put on display.

Vision of a Better Life

Jarry Baker, the third adopted son, hasn’t been to the chateau in two decades. Now 55, he is a short, blonde man of Finnish descent with reddish cheeks. He moved far away, to New York, because it was the place where he could be himself.

Every day at noon, he takes the train from New Jersey to the Port Authority station in Manhattan, and walks a few blocks to « Chez Josephine » on 42nd Street, where he works as a waiter. The restaurant pays tribute to his dead mother, with pictures, photos and posters on its walls. The restaurant is near Broadway, and many of its customers are artists and gays.

Jarry Baker, who is also gay, likes the place. He was the opposite of what his adoptive mother had expected, and that was his undoing.

Misfortune often begins with visions, and Josephine Baker had her own vision. She did something that many celebrities would later emulate: She adopted children from poor countries to give them the opportunity of a better life.

Adoption is supposed to be an opportunity for children like Maddox, a boy that actress Angelina Jolie adopted in Cambodia, and Mercy, a girl from Malawi the singer Madonna recently adopted after the country’s highest court approved the contested adoption — even though Mercy still has a father in her native village. Madonna told the court that she could offer Mercy a better life — a common argument. The stars want to set an example and use their celebrity status to do good. Sometimes it’s about big ideas, promoting understanding among nations or putting an end to racism.

Looking for a Way Out

Perhaps Josephine Baker began adopting children as a way to compensate for her own unhappy childhood. Her life offered her many reasons to yearn for fame and family. Her mother, a black laundress from St. Louis, Missouri, was impregnated by a white man, and she kept his identity a secret. In the United States in 1906, a relationship, let alone marriage, with Josephine’s father would have been unthinkable.

The mother had three more children and raised them on her own. From the age of eight, Josephine had to work, for example in kitchens where she cleaned and washed dishes. At 11, she witnessed race riots directed against African-Americans in which dozens of people were murdered, the sort of thing that was not uncommon in the southern United States at the time. When she was 13, her mother found her a husband so that she would be taken care of.

But Josephine wanted a way out of her life in St. Louis. She had taught herself to dance and sing as a child, and she wanted to be on stage.

She joined a vaudeville troupe at 14, and at 15 she married her second husband, William Baker, the son of a Philadelphia restaurant owner.

She would later keep his name, because she wanted to be known as Josephine Baker. She worked hard, danced on Broadway and was determined to become a star.

The Lust for Pleasure

In 1926, she bent over in her banana skirt, practically nude, in a revue at the Folies-Bergère in Paris. The audience was ecstatic. It was the roaring 20s, and in Europe’s cities, where people celebrated with abandon, Josephine Baker, as a nude, exotic woman, satisfied their lust for pleasure.

Baker was a sex symbol, a role she relished, sleeping with men and women — thousands, as she would later say. But none of this love-making gave her what she wanted most. She married a third time, but she still couldn’t get pregnant. She was infertile.

She threw herself into her work, discovering a new passion in World War II. She supported the French resistance movement, and was given a uniform and awarded many decorations. By then, Baker was rich and famous, and yet there was still a gaping hole in her life.

The war ended. Baker, now in her 40s, was no longer a sex symbol. She needed a new role. Like Madonna decades later, she felt the need to constantly reinvent herself.

In 1947, Baker married her fourth husband, French orchestra leader Jo Bouillon. She bought a Renaissance castle in Périgord, the Château des Milandes, with more than 30 rooms, surrounded by 400 hectares (1,000 acres) of land.

Fighting Racism

She was practically royalty by then, but she was still black. When she visited the United States, she could only enter some hotels through a back entrance.

She was determined to fight this racism. And now she owned a chateau. A plan began to take shape in Baker’s mind.

In early 1954, she gave a talk in Copenhagen. She wanted to make a gesture of humanity, she said, explaining that she wanted to « adopt five little boys » — one from each continent.

When Baker traveled to Japan in the spring to pick up her first child, Akio had been in an orphanage for 18 months. He had been abandoned in Yokohama shortly after birth, on a rainy day in September 1952. A woman had walked into a small shop carrying a bundle in her arms and asked if she could leave the baby there for a moment so that she could get an umbrella.

Baker adopted Akio and another baby and took them to Château des Milandes, where more than 100 employees were hired to transform the estate into a center of brotherliness, and a place where celebrities and weekend guests could meet. The main attraction would be Baker’s new family, in its splendid array of skin colors. Baker called the family her « Rainbow Tribe. » It was front-page news.

In that same year, she adopted her third child, a 12-year-old Finnish boy from Helsinki with pale skin and light-blonde hair. His name was Jari, but he would later call himself Jarry after she rejected him.

Child number four was a black baby from Columbia. Child number five: a white baby from France.

Growing Family

Baker’s husband, Jo Bouillon, managed her affairs at Les Milandes and struggled to raise the children. His wife was constantly on tour, bringing home a new child from practically every trip. But she was only interested in adopting boys, fearing that romantic attachments could develop between the children.

Then, in 1956, came the sixth and seventh children: a male baby and the first female infant, both from Algeria.

Enough, Bouillon told his wife. Who is going to raise them all? he asked.

A rotating assortment of nannies looked after the children until Baker fired them. She would occasionally storm around the estate, furiously ordering gardeners to replant shrubs, only to slap them afterwards for having done so. She redecorated the chateau, hosted wild parties and took off again.

Child number eight, a white boy from France, arrived in 1957. Baker told the press that he was from Israel. She had been missing a Jew in her tribe.

Demanding Affection

In photos taken at the time, the chateau looks more like an orphanage than a real home. The children slept in a room in the attic, in eight small beds lined up in a row. Whenever Baker returned home, even if it happened to be at 3 a.m., she would wake the children and demand affection.

Jari, the Finn, was a quiet boy, but Akio, the eldest, was the quietest of them all, not speaking at all until he was four.

Today, he knows quite a lot about the trauma of adopted children, and about the special care they need, especially if they are from faraway countries. They are doubly homeless from the beginning, not knowing where they belong, and some crumble under the strain. They are more susceptible to addiction and emotional disorders than children who grow up with their biological parents.

Every adopted child needs the full attention of his or her new parents. By this time, Baker had eight children, and there were more to come.

The ninth child, a black baby from the Ivory Coast, came in 1958.

A Dream Childhood?

On the surface, the children seemed to have a dream childhood. They were living in a castle, like children in a fairy tale. They played with knights’ armor tucked into nooks along the spiral steps to the tower, romped in the gardens, built tree houses and frolicked with the dogs. Akio remembers that he and his brothers often caught flying beetles and tied them to strings to keep them from flying away. The children carried them around like balloons.

Every year at Christmas, the presents were piled high to the ceiling in the castle. Monstrous, says Jarry. It was Baker’s way of showing affection for the children. Their duty, in return, was to allow themselves to be shown off to the public.

On the occasional Sunday when she was there, Baker would dress the children in white and have them line up in the courtyard, where tourists and the press were waiting behind a fence to take pictures. Jarry says that he and the other children sometimes felt like pet monkeys.

Child number 10, a small indigenous boy from Venezuela, came in 1959. The global mother needed to complete her collection.

Financial Ruin

Today there are regulations governing international adoptions. Before a child is given up for adoption, authorities must verify that all options to keep the child from being removed from the country have been exhausted. This is always seen as the better solution.

The situation was different half a century ago. Besides, Baker was a star. She had influential friends, like Princess Grace of Monaco, and she had money. Not all of her children were orphans. In some cases, she simply bought babies from their destitute parents. For example, to adopt blonde Jari, the diminutive Finn, she simply paid his parents in Helsinki a few thousand dollars and the deal was sealed.

In 1960, she got child number 11: a white infant from France.

It had all become too much for Baker’s husband. After years of her escapades and their arguments, Bouillon left the chateau, and in 1963 he moved to Buenos Aires. Without him and his business acumen, the estate was doomed to financial ruin. The children lost their father figure, the only person who had given them some structure in Baker’s chaotic world.

In 1964, child number 12, the last child, was acquired: a little girl from Morocco.

Vacations with Castro

Baker traveled the world with the children. They met the pope and vacationed with Cuban leader Fidel Castro.

The situation at the chateau spun out of control. All the employees, private tutors, monkeys and other animals she had acquired were eating up Baker’s fortune. She managed to fend off bankruptcy for a few more years, stubbornly living her dream, an aging regent who tolerated no back talk and treated the children like subjects.

She wrote reports about them, described their characters in detail and drafted plans for their future. Akio was to become a diplomat, Jari a hotelier. Another child was supposed to be a doctor. But none of them were to be artists. She even banned music instruction. After they had received their education and training, the children were to return to the countries where they had come from and make themselves useful there, as Baker’s envoys and as the loyal executors of her ideas.

None of the children stuck to the plan.

Teenage Rebellion

They rebelled when they reached puberty. Baker had acquired 10 sons, with only seven years separating the youngest and the oldest, and they turned into a horde of hyperactive teenagers — going out at night, falling in love, staying away for days at a time, rattling around the neighborhood on their mopeds, getting drunk, taking drugs, stealing and wearing hippy clothes that their mother didn’t like. But her slaps no longer intimidated them. They were as wild and unruly as a pack of young wolves, and Baker had little experience as a mother.

She lost the chateau in 1969, and when she refused to leave she was carried out against her will. She sat on the steps in the rain for two days, covered with only a plaid wool blanket. The photo quickly appeared in newspapers around the world.

The children went to boarding schools or, like Akio and Jari, moved to Buenos Aires to live with their adoptive father, whose surname most of them have kept. Akio had a falling out with his mother a few months before Baker’s sudden death in 1975. His Christmas present had arrived too late, causing an argument that the two would never resolve. Akio was the only child not to attend the funeral in Monaco, which was hosted by Princess Grace.

‘Nobody’s Perfect’

Akio now lives in an apartment building on the outskirts of Paris, works in a bank, smokes large numbers of cigarillos and likes to watch animated films. He relates information about streets and squares as we walk through the city. He often walks around aimlessly, without any destination in mind, he says.

And he is often alone. He was in a relationship with an alcoholic for 15 years, until she finally left him, and he has been single since then. He knows nothing about his Japanese mother. Baker wanted to make sure that the children would never search for their biological families, and in some cases she even withheld information.

A Japanese journalist who recently investigated Akio’s story found the woman who had worked in the small shop in Yokohama where he was left as a baby in 1952. He gave Bouillon the information and suggested that the woman might know something about his biological mother. All he had to do was contact her, perhaps by writing her a letter. Bouillon has been carrying around the address for a year now. He says he doesn’t know how to begin the letter.

Did Baker do the right thing? « She was a great artist, and she was our mother, » says Akio Bouillon. « Mothers make mistakes. Nobody’s perfect. »

Bouillon says that his mother proved that people of different skin colors could live together as equals. « I love my brothers and sisters, » says Bouillon. They all keep in touch by telephone. He says he feels closest to Jarry, because they were together when their adoptive father died in 1984.

Ordinary Lives

The last time all 12 children were together in one place was in 1976, shortly after the death of their famous mother. Even in the last year of her life, Baker, to earn money, performed on a Paris stage, wearing a sequined dress and a towering feather headdress.

The children never wanted to be celebrities. They live ordinary lives — working as gardeners, greengrocers or insurance agents. Child number eight died of cancer 10 years ago. Child number 11 became schizophrenic and now lives in an institution. Some of the siblings married and had children, while others remained single.

None of them adopted children.

« We are completely normal people, » says Akio Bouillon. He and his siblings want to feel like a family, not a project.

Media Spotlight

Sometimes Bouillon flips through magazines and sees the photos of today’s rainbow tribes, of Madonna with her children from Malawi, of Brad Pitt and Angelina Jolie, traveling around the world with their six small children and their nannies, in the glare of the media spotlight. But he doesn’t feel taken aback by the images. In fact, they make him feel proud.

« It’s great, » he says. « These stars are following in my mother’s footsteps. » Of course, he adds, the paparazzi are a problem, as is their constant quest for pictures of the children. But when Jolie adopts a baby from the Third World, says Bouillon, there is also a higher principle at work. « When these children grow up, they’ll understand. »

Bouillon feels that his adoptive mother made a great and enduring contribution, and that our impression of Josephine Baker should not be clouded by her weaknesses. She was, as he says, a child of her time, a time when even stricter morals applied. That helps to explain why she and Jari didn’t get along, he says.

The Banished Son

Jarry Baker is sitting in Chez Josephine in New York, talking about his dead mother, a subject that makes him visibly uncomfortable. Although it is still morning and the air-conditioned room is cold, Baker’s cheeks are flushed and his hands are trembling.

« She was too possessive, » he says. « We weren’t allowed to develop the way we wanted to. » He knew he was gay by the time he was seven or eight. When Jari was 15, Baker caught him in the bathtub with another boy. She called together the family, reprimanded him in front of everyone else and sent him to live with his father in Buenos Aires. She was afraid that he could infect his brothers.

Josephine Baker — the bisexual revue star, darling of gays and drag queens, civil rights activist — banished her son because he loved men.

When asked whether he has forgiven her, Jarry Baker waves his hand dismissively and says: « Yes, who cares. She didn’t want us to grow. Maybe she was afraid that we would out-grow her. » At times he seems almost thankful for having been rejected by his mother. « It was like being liberated. »

Caught in Baker’s Shadow

In New York, restaurateur Jean-Claude Baker gave him a job and a place to stay. Most of all, Jarry was now living somewhere where he could openly kiss his lover on the street. He doesn’t mind working in the restaurant, says Baker. In fact, he says, he is pleased that the owner is preserving Josephine’s memory.

Jean-Claude Baker, 66, was one of Josephine’s companions — a gay man, like many of her friends. They performed together in the last years of her life. She called him her 13th child; he took on her name. But the two had a falling-out before her death.

He still lives in her world today. He has named his restaurant after her and decorated it with images of her. He has also written the most detailed biography of Baker to date. Like many who were very close to her, he seems caught in her shadow.

Child of a Rainbow Tribe

On a hot Sunday in July in New York, the city’s annual Gay Pride Parade slowly makes its way south along Fifth Avenue. At the front of the parade are lesbians on their Harleys, followed by gay police officers, firefighters and doctors, and above it all flies the rainbow flag, the symbol of the gay and lesbian movement.

Jarry Baker, the child of a rainbow tribe, stands on the sidewalk with a flag in his hand. He likes watching the parade — not every year, as he did at the start, but once in a while. He watches the floats, listens to the music and waves to the hooting, beaming parade-goers as they pass by.

He doesn’t know how much longer he will stay in New York. He says he would like to move to Australia or New Zealand and set up a farm. Then he says that he’d like to return to Argentina. And then, later, he says that he feels very comfortable in Finland, where he has family.

A Finnish journalist tracked down Jarry Baker’s mother and his siblings and flew with him to Helsinki. It was 14 years ago. Jarry says that they got along marvelously, and that he felt close to them. He has visited them twice since then. Three visits in 14 years.

The last of the floats pass by. « Those people look so happy, » says Jarry Baker, as he stands on the sidewalk, looking down the street at the parade, waving his rainbow flag.

Translated from the German by Christopher Sultan

Voir encore:

Josephine Baker’s Rainbow Tribe

To prove that racial harmony was possible, the dancer adopted 12 children from around the globe—and charged admission to watch them coexist.

Rebecca Onion
Slate
April 18 2014

Beginning in 1953, almost 30 years after her first successful performances on the Paris stage, the singer and dancer Josephine Baker adopted 12 children from different countries, ranging from Finland to Venezuela. She installed what she called her “Rainbow Tribe” in a 15th-century chateau in the South of France and charged admission to tourists who came to hear them sing, to tour their home, or to watch them play leapfrog in their garden.

This little-known chapter in Baker’s life is an uncomfortable one. “I would begin to tell the story of Josephine Baker, and people would start to laugh,” says Matthew Pratt Guterl, the author of a new book on Baker’s later life, Josephine Baker and the Rainbow Tribe. “And I would start to wonder what that laughter signified.” Guterl, a professor of Africana studies and American studies at Brown University, has in essence written two books in one: the story of Baker’s family, and a meditation on the meaning of that laughter.

Baker was born in St. Louis but moved to France in 1925. Her danse sauvage, famously performed in a banana skirt, brought her international fame. During World War II, she worked for the Red Cross and gathered intelligence for the French Resistance. After the war, married to her fourth husband, Jo Bouillon, she struggled to conceive a child. Meanwhile, her career waned. Guterl’s book is about this period of Baker’s life, as she built her large adopted family, became ever more active on behalf of the nascent civil rights movement in the United States, and re-emerged into fame.

Baker purchased her estate, known as Les Milandes, after marrying Bouillon in 1947. In addition to the chateau, the property boasted a motel, a bakery, cafés, a jazz club, a miniature golf course, and a wax museum telling the story of Baker’s life. As Guterl makes clear, the place was over-the-top, but its ostentation was a political statement. Les Milandes, with its fairy-tale setting, announced to the world that African-American girls born poor could transcend nation and race and find wealth and happiness.

At the center of the attractions were Baker’s adopted children, from Finland, Japan, France, Belgium, Venezuela. During their school-age years, the 10 boys and two girls grew up in public. Just by existing as a multiracial, multinational family, they demonstrated Baker’s belief in the possibility of equality. They sang songs for paying visitors, appeared in print advertisements, gave interviews to curious press, and played in a courtyard in full view of what Guterl describes as “a wall of faces, watching and taking pictures.”

You can see why this chapter of Baker’s story provokes laughter. First, there’s a deep discomfort at her unapologetic marshaling of children to act out her own utopian racial narrative. Second, we think we understand what’s going on here; we see early incarnations of celebrity eccentricities from our own time. In the big adoptive family, we see Angelina or Madonna; in the celebrity theme park, we see Michael Jackson’s Neverland Ranch. “The language of the strange and famous is readily available to us,” Guterl writes in the book’s prologue. “This same easy familiarity makes it harder to understand Les Milandes, not easier, because we rarely allow celebrity egocentrism to be serious or important.”

What would the Rainbow Tribe look like if we took it seriously? Guterl steps back, seeing the Tribe from Baker’s point of view. Baker was always an activist, wielding her international fame in the service of the civil rights movement in the United States. When she visited the States in the 1950s, she demanded that she be allowed to stay at the best hotels and play to integrated audiences.

Another bit of context: The Rainbow Tribe wasn’t the first, or the only, project of its kind. As Guterl notes, large, public, transracial families were a Cold War phenomenon in the United States. At a time when Americans worried about spreading communist influence in Asia, Africa, and Latin America, these “U.N. families,” featuring members from all continents, showed that “everyone, really, could be brought into the Western system.”

Guterl points to 1951 Life magazine coverage of the family of Helen and Carl Doss, a religious couple who adopted nine children, many of whom were from Asian countries; the story of the novelist Pearl S. Buck, who adopted seven children of different races and became a public advocate for interracial adoption; even the early history of the infamous Rev. Jim Jones, who adopted an interracial group that he nicknamed the Rainbow Family and that formed the core of his utopian cult.

Like these groups, Baker’s Rainbow Tribe was the product of careful planning for symbolic value. Children were renamed and raised in different religious traditions so they could be more typical of the racial and national types that Baker had decided should be represented in the Tribe. Some kids received new backstories. Baker wanted an Israeli child, but the Israeli welfare minister refused (telling her, “We cannot sanction taking a child away from Israel when great efforts are being made to bring children to Israel”). Undaunted, Baker adopted a French orphan, named him Moïse (French for “Moses”), and decided that he would be raised Jewish.

By dressing the children up in strong national, ethnic, and religious identities, Baker could make a political point about the human capacity to get along despite differences. In reading the historical record—Baker’s correspondence, contemporary media coverage, other documentation—Guterl found it hard to discern the children’s individuality. “Their voices were significantly less important,” he writes, “than their performance as an ensemble, their presentation as part of a single object.”

The performance was difficult to sustain, however. As her adoptive children aged, Baker ran out of money and was forced to sell Les Milandes. The last few chapters of Guterl’s book, which tell the story of what happened to the Tribe as they grew older, are tinged with tragedy. Baker struggled with health problems and became less relevant to the American civil rights movement as it moved into high visibility in the late 1960s. She still performed, but any kind of rigorous schedule was a strain, and her career couldn’t generate enough money to sustain the large family she had created.

As Baker’s finances crumbled, she moved the Rainbow Tribe to Monaco to live in a less grand home paid for by Baker’s friend and patron Princess Grace. Here the kids, now entering their teenage years and, in some cases, chafing at their public lives, began to resist Baker’s authority. Baker looked for ways to farm the children out to others. Bouillon, Baker’s husband at the time of the adoptions, was now her latest ex; some of the kids went to live with him. Others went to boarding schools. Baker sent a small group—including Marianne (adopted from France), whose teenage love affairs drove Baker to distraction—to live with a longtime Baker fan in the U.K. In perhaps the saddest and most puzzling outcome, when Baker found out that Jarry (adopted from Finland) was gay, she chastised him in front of his siblings before sending him away to live with Bouillon in Buenos Aires.

But Guterl’s is not a book to read if you want to revel in the downfall of what seems like an ill-conceived experiment. The author, who told me that he grew up in a large, multiracial adopted family himself, is close to the subject matter. “This was a very hard book to write,” he told me. While Guterl did interview three members of the Tribe, he resists offering up all of the gory details.

In Guterl’s book, and in other interviews they’ve given, the grown-up adoptees generally remember their childhoods at Les Milandes with fondness. As for their relationships with their mother, they are reluctant to comment. Interviewed by Der Spiegel in 2009, Jarry said, “She was too possessive. We weren’t allow to develop the way we wanted to.” Akio (adopted from Japan) offered a more charitable assessment: “She was a great artist, and she was our mother. Mothers make mistakes. Nobody’s perfect.”

Voir enfin:

(1963) Josephine Baker, “Speech at the March on Washington”
Josephine Baker is remembered by most people as the flamboyant African American entertainer who earned fame and fortune in Paris in the 1920s.  Yet through much of her later life, Baker became a vocal opponent of  segregation and discrimination, often initiating one-woman protests against racial injustice.  In 1963, at the age of 57, Baker flew in from France, her adopted homeland, to appear before the largest audience in her career, the 250,000 gathered at the March on Washington.  Wearing her uniform of the French Resistance, of which she was active in World War II, she was the only woman to address the audience.  What she said appears below.

Friends and family…you know I have lived a long time and I have come a long way.  And you must know now that what I did, I did originally for myself.  Then later, as these things began happening to me, I wondered if they were happening to you, and then I knew they must be.  And I knew that you had no way to defend yourselves, as I had.

And as I continued to do the things I did, and to say the things I said, they began to beat me.  Not beat me, mind you, with a club—but you know, I have seen that done too—but they beat me with their pens, with their writings.  And friends, that is much worse.

When I was a child and they burned me out of my home, I was frightened and I ran away.    Eventually I ran far away.  It was to a place called France.  Many of you have been there, and many have not.  But I must tell you, ladies and gentlemen, in that country I never feared.  It was like a fairyland place.

And I need not tell you that wonderful things happened to me there.  Now I know that all you children don’t know who Josephine Baker is, but you ask Grandma and Grandpa and they will tell you.  You know what they will say.  “Why, she was a devil.”  And you know something…why, they are right.  I was too.  I was a devil in other countries, and I was a little devil in America too.

But I must tell you, when I was young in Paris, strange things happened to me.  And these things had never happened to me before.  When I left St. Louis a long time ago, the conductor directed me to the last car.  And you all know what that means.

But when I ran away, yes, when I ran away to another country, I didn’t have to do that.  I could go into any restaurant I wanted to, and I could drink water anyplace I wanted to, and I didn’t have to go to a colored toilet either, and I have to tell you it was nice, and I got used to it, and I liked it, and I wasn’t afraid anymore that someone would shout at me and say, “Nigger, go to the end of the line.”  But you know, I rarely ever used that word.  You also know that it has been shouted at me many times.

So over there, far away, I was happy, and because I was happy I had some success, and you know that too.

Then after a long time, I came to America to be in a great show for Mr. Ziegfeld, and you know Josephine was happy.  You know that.  Because I wanted to tell everyone in my country about myself.  I wanted to let everyone know that I made good, and you know too that that is only natural.

But on that great big beautiful ship, I had a bad experience.  A very important star was to sit with me for dinner, and at the last moment I discovered she didn’t want to eat with a colored woman.  I can tell you it was some blow.

And I won’t bother to mention her name, because it is not important, and anyway, now she is dead.

And when I got to New York way back then, I had other blows—when they would not let me check into the good hotels because I was colored, or eat in certain restaurants.  And then I went to Atlanta, and it was a horror to me.  And I said to myself, My God, I am Josephine, and if they do this to me, what do they do to the other people in America?

You know, friends, that I do not lie to you when I tell you I have walked into the palaces of kings and queens and into the houses of presidents.  And much more. But I cold not walk into a hotel in America and get a cup of coffee, and that made me mad.  And when I get mad, you know that I open my big mouth.  And then look out, ‘cause when Josephine opens her mouth, they hear it all over the world.

So I did open my mouth, and you know I did scream, and when I demanded what I was supposed to have and what I was entitled to, they still would not give it to me.

So then they thought they could smear me, and the best way to do that was to call me a communist.  And you know, too, what that meant.  Those were dreaded words in those days, and I want to tell you also that I was hounded by the government agencies in America, and there was never one ounce of proof that I was a communist.  But they were mad.  They were mad because I told the truth.  And the truth was that all I wanted was a cup of coffee.  But I wanted that cup of coffee where I wanted to drink it, and I had the money to pay for it, so why shouldn’t I have it where I wanted it?

Friends and brothers and sisters, that is how it went.  And when I screamed loud enough, they started to open that door just a little bit, and we all started to be able to squeeze through it.  Not just the colored people, but the others as well, the other minorities too, the Orientals, and the Mexicans, and the Indians, both those here in the United States and those from India.

Now I am not going to stand in front of all of you today and take credit for what is happening now.  I cannot do that.  But I want to take credit for telling you how to do the same thing, and when you scream, friends, I know you will be heard.  And you will be heard now.

But you young people must do one thing, and I know you have heard this story a thousand times from your mothers and fathers, like I did from my mama.  I didn’t take her advice.  But I accomplished the same in another fashion.  You must get an education.  You must go to school, and you must learn to protect yourself.  And you must learn to protect yourself with the pen, and not the gun.  Then you can answer them, and I can tell you—and I don’t want to sound corny—but friends, the pen really is mightier than the sword.

I am not a young woman now, friends.  My life is behind me.  There is not too much fire burning inside me.  And before it goes out, I want you to use what is left to light that fire in you.  So that you can carry on, and so that you can do those things that I have done.  Then, when my fires have burned out, and I go where we all go someday, I can be happy.

You know I have always taken the rocky path.  I never took the easy one, but as I get older, and as I knew I had the power and the strength, I took that rocky path, and I tried to smooth it out a little.  I wanted to make it easier for you.  I want you to have a chance at what I had.  But I do not want you to have to run away to get it.  And mothers and fathers, if it is too late for you, think of your children.  Make it safe here so they do mot have to run away, for I want for you and your children what I had.

Ladies and gentlemen, my friends and family, I have just been handed a little note, as you probably say.  It is an invitation to visit the President of the United States in his home, the White House.

I am greatly honored.  But I must tell you that a colored woman—or, as you say it here in America, a black woman—is not going there. It is a woman.  It is Josephine Baker.

This is a great honor for me.  Someday I want you children out there to have that great honor too.  And we know that that time is not someday.  We know that that time is now.

I thank you, and may god bless you.  And may He continue to bless you long after I am gone.

Sources:

Stephen Papich, Remembering Josephine (New York: The Bobbs-Mererill Company, Inc.: 1976), 210-213.

– See more at: http://www.blackpast.org/1963-josephine-baker-speech-march-washington#sthash.uepYA0eM.dpuf

Voir par ailleurs:

Raciste, « Exhibit B » ? Visite guidée d’une œuvre controversée

L’oeuvre de Brett Bailey sur le colonialisme et les zoos humains fait polémique. Mercredi soir, au 104, les spectateurs ont ressenti une véritable gifle.
L’Obs

11 décembre 2014

Ce soir, je suis « Numéro 16″. Comme les autres spectateurs d' »Exhibit B », le spectacle du sud-africain Brett Bailey sur le thème des zoos humains et du colonialisme, je suis devenue un chiffre le temps de la représentation. En silence, j’attends que l’on me convoque pour découvrir l’oeuvre – accueillie au Centquatre du 7 au 12 décembre – qui a fait l’objet de nombreuses critiques et fantasmes depuis son retour en France fin novembre. Une œuvre qualifiée de raciste à l’encontre de la communauté noire, par ses détracteurs, qui ont vainement tenté d’obtenir son interdiction en justice.

Le dispositif de sécurité déployé à l’entrée du Centquatre depuis le début des représentations – en concertation avec la préfecture de police de Paris – plonge le spectateur dans une ambiance anxiogène avant même qu’il ne mette un pied dans l’espace culturel du XIXe arrondissement. Quatre personnes se relayent pour amener le public de la grille d’entrée jusqu’au sous-sol, où a lieu la représentation. Il faut alors se séparer de ses affaires au vestiaire et passer par un détecteur de métaux, semblable à ceux que l’on trouve dans les aéroports.

Derrière, un petit groupe d’une vingtaine de personnes attend les instructions dans la froideur d’une pièce tout en béton. « Sur chaque chaise il y a un numéro. Asseyez-vous sur une chaise et attendez que l’on appelle votre numéro. » J’avance à tâtons dans un bunker obscur, prête à découvrir cette œuvre. L’expérience commence.

« Vous ne pourrez pas revenir en arrière »
La voix solennelle, une femme d’une trentaine d’années, explique à un public intimidé le déroulement de la représentation.

Ne faites pas attention à la personne qui se tiendra derrière vous. Vous pouvez prendre tout le temps qu’il vous faudra. Seul contrainte : vous ne pourrez pas revenir en arrière. »
Le spectateur-numéro évolue à son rythme de performance en performance dans une lumière tamisée. Chaque « tableau vivant » est pensé comme une oeuvre à part entière, racontant les corps d’hommes et de femmes meurtris par l’histoire.

Larmes, visages figés, malaise
La première performance frappe comme une gifle. Sur la droite, dès l’entrée, un homme et une femme sont mis en scène, immobiles, parmi des têtes d’animaux empaillés. Leur regard glaçant, presque défiant, est difficilement soutenable.

Arrivée à la troisième installation vivante, une spectatrice d’une trentaine d’années a les larmes aux yeux. A chaque ligne descriptive qu’elle lit devant l’œuvre, l’effroi fige un peu plus son visage. La violence du silence des acteurs contraste avec les horreurs décrites sur les pancartes.

Parfois même deux mots suffisent. « #Objet trouvé », peut-on sobrement lire devant une performance d’une femme assise sur une chaise, les mains sur les genoux, le regard toujours transperçant.

Les spectateurs sont muets eux aussi, comme abasourdis par ce qu’ils voient.

Une dizaine de performances s’enchaînent sans que l’on puisse s’y habituer. Chaque instant passé devant un acteur est un échange. Certains restent même des dizaines de minutes devant une performance, qu’ils finissent par quitter douloureusement. Des chants namibiens interprétés par des acteurs, invisibles jusqu’à la dernière pièce, occupent l’espace sonore.

Les Noirs ne sont pas en cage
Au fur et à mesure que l’on découvre « Exhibit B », les arguments avancés par ses détracteurs s’effondrent. L’esthétisme de l’oeuvre ne laisse aucun doute sur l’aspect artistique du travail de Brett Bailey, à 1.000 lieux de celui d’un historien.

Pas une seule cage, si ce n’est un grillage ouvert qui entoure le spectateur sur une des performances. Pas d’approximation historique non plus, mais des panneaux explicatifs qui replacent chaque oeuvre dans son contexte. Les Noirs d' »Exhibit B » ne sont pas des sous-hommes mis en cage et réduits au silence. Les acteurs incarnent ces corps autrefois meurtris et déshumanisés, avec une présence telle, qu’il est impossible de considérer qu’ils puissent êtres passifs.

D’ailleurs, s’ils sont silencieux durant la représentation, ils expriment à l’écrit leur démarche artistique, leur analyse de l’oeuvre et les raisons qui les ont poussé à jouer pour « Exhibit B », sur des feuilles disposées dans la pièce qui clôture la représentation. Les descendants des colonisés ne sont pas privés de leur histoire, mais ont au contraire une opportunité de l’incarner pour mieux en mesurer le poids. «  »Exhibit B » est un processus de guérison », explique un acteur noir.

Le spectateur, resté à son tour silencieux pendant toute la performance, peut aussi s’exprimer à la fin du spectacle. Dans la même salle, les visiteurs se servent en papier et en stylos pour laisser couler leur pensée librement et anonymement. « Pour la première fois je me suis rendue compte de la souffrance causée », peut-on lire sur une des feuilles.

Il faut voir « Exhibit B » avant de prendre position
A la sortie, les spectateurs restent muets pendant plusieurs secondes, incapables de verbaliser l’expérience qu’ils viennent de vivre. Après avoir repris leurs esprits, un petit groupe débat. Ils ont entre 13 et 25 ans et font partis du conseil local des jeunes d’Aubervilliers. Tous sont touchés et émus par ce qu’ils viennent de voir.

« Moi qui suis Sri Lankaise d’origine, je suis choquée d’avoir vu le nom d’un Sri Lankais dans la liste des esclaves tués », raconte Subhatha T., une lycéenne de 18 ans.

L’apartheid : on a un petit peu étudié ça en anglais. Mais là c’est différent, on se rend vraiment compte que ça a existé. On se retrouve dans des conditions proches du réel », explique Sheima, 16 ans.
« J’ai appris beaucoup de choses et puis ce n’est pas une question de blanc ou noir, c’est universel », renchérit Samy 24 ans. Le jeune homme considère qu’interdire ce spectacle reviendrait à se voiler la face.

Clément, un graphiste breton de 29 ans venu avec des amis, reconnait avoir ressenti une gêne :

Je me suis positionné en Blanc. J’avais honte. »
« Le spectacle m’a dérangée », affirme quant à elle Khadi Cissaka, une étudiante en marketing et négociations de 21 ans. La jeune femme ajoute :

En tant que Noire, on a du mal à se dire que l’on a fait l’objet d’études destinées à prouver que l’on était moins intelligents que les Blancs. Que l’on a été déshumanisés à ce point. »
« Je comprends les détracteurs », poursuit Khadi. « Moi-même j’y allais avec un peu d’appréhension. Mais je suis partie du principe qu’il fallait que je voie l’oeuvre avant de me rallier à une cause ». L’étudiante conclut :

Je ne pense pas que ceux qui sont contre « Exhibit B » puissent le rester une fois sortis de l’exposition. »

Voir encore:

Edinburgh’s most controversial show: Exhibit B, a human zoo
South Africa’s fearless theatre-maker Brett Bailey has made a career out of tackling the most difficult aspects of race. His new show features black people in cages, in reference to real 19th-century human zoos – and even some of the performers are uneasy about it
Brett Bailey human zoo show Exhibit B

John O’Mahony

The Guardian

11 August 2014

It’s the first Edinburgh rehearsal of Exhibit B and there’s mutiny in the air. The work, a highly controversial installation by the South African theatre-maker Brett Bailey, is based on the grotesque phenomenon of the human zoo, in which African tribespeople were displayed for the titillation of European and American audiences under the guise of “ethnological enlightenment”.

The zoos, which blossomed in the 19th century and continued right up to the first world war, sometimes took place in entirely transplanted tribal villages, but also in the freak show context of local fairs, where the infamous Hottentot Venus, as Sara Baartman was called, was poked and gawked at because of her large buttocks and “exotic” physical form. Perhaps the most extreme case was that of the Congolese pygmy Ota Benga who, in 1906, was put on display at the Bronx zoo in New York alongside the apes and giraffes. Bailey’s installation aims to subvert the premise of the zoos by replacing its exhibits with powerful living snapshots depicting racism and colonialism: a black woman chained to the bed of a French colonial officer; a Namibian Herero woman scraping brain tissue out of human skulls; the slowly revolving silhouette of Baartman.

The only problem is that the young black performers, cast locally at every stop along the tour, aren’t quite getting it. “How do you know we are not entertaining people the same way the human zoos did?” asks one. “How can you be sure that it’s not just white people curious about seeing black people?” adds another. As the temperature in the room begins to rise, the group cries out in unison: “How is this different?”

As a director who has courted controversy at almost every step of his career, Bailey is no stranger to this kind of confrontation. A white South African from an affluent background, his only early contact with his black countrymen was as servants. But after the collapse of apartheid in 1994, he trekked off alone into the rural Xhosa villages where Nelson Mandela had grown up. Living for three months among sangoma shamans, he drew on African ritual and music as the inspiration for his first works: Ipi Zombie, in 1996, based on a witchhunt that followed the death of 12 black schoolboys in a minibus crash; and iMumbo Jumbo, a year later, about the quest of an African chieftain to recover the skull of his ancestor from a Scottish trophy-hunter.

His 2001 work Big Dada, which drew comparisons between the regimes of Robert Mugabe and Idi Amin, marked a shift into darker, grainier territory; and in 2006, with the unflinching Orfeus, he bussed his audience off to a post-colonial underworld of sweatshops and human trafficking. That was when he began to shun conventional spaces. “Theatres feel to me pretty antiseptic,” he says. “Working in a deserted factory or a Nazi concentration camp, the associations are deeper and wider.”

All this has led to a reputation as “Africa’s most fearless theatre-maker”, and eventually to Exhibit B, which will fill the vast cloistered space of the Edinburgh University library, not just with searing visions of past racism, but also with contemporary tableaux that Bailey calls “found objects”. These are representations of refugees and asylum-seekers that link today’s “deportation centres, racial profiling and reduction of people to numbers” to the dehumanising ethos of the human zoos.

Already seen in various European capitals, the work has proved incendiary, particularly in Berlin, where it caused fury among leftwing anti-racism campaigners, who questioned the authority of a white director to tackle the story of black exploitation. Bailey seems to relish the entire spectrum of reaction: “I’m creating a journey that’s embracing and immersive, in which you can be delighted and disturbed, but I’d like you to be disturbed more than anything.”

Back in the rehearsal room, sporting a striped beanie hat and a very pointy, ginger-flecked beard, the director looks somewhere between a new-age wizard and a children’s TV presenter. His entrance is suitably dramatic, sweeping into the room unannounced to fix each performer in turn with a gimlet-eyed gaze. There follows a gruelling programme of psychological exercises to perfect the show’s single dramatic device: the steely stare that each performer locks on to the spectator. “It’s very difficult to get it right,” he explains. “The performers are not asked to look with any anger at all. They must work with compassion.”

All the while, Bailey is an uneasy, almost abrasive presence, making unhelpful comments about the revealing nature of the costumes and spouting the n-word provocatively in his clipped South African intonation. “He’s a badass! He gets it done,” says Cole Verhoeven, a previous performer, hinting that his spikiness may be a strategy to weed out the non-committal. “His intention is clear. And our intentions had to be clear in order to do the work with any authenticity.”

But when one of the female performers breaks down in tears due to the intensity of the process, Bailey is quick to move in with gentle reassurance. And as the mutinous insubordination and squabbling reach fever pitch, his response is firm and decisive. “What interests me about human zoos,” he tells the group, “is the way people were objectified. Once you objectify people, you can do the most terrible things to them. But what we are doing here is nothing like these shows, where black people were brought from all over Africa and displayed in villages. I’m interested in the way these zoos legitimised colonial policies. But other than that, they are just a catalyst.”

To craft each living image in the installation, Bailey conducted intensive research, sometimes taking three months or more to build a single tableau from photos, letters, biographies, official documents, paintings. One of the most harrowing, titled A Place in the Sun, was extrapolated from an account he came across of a French colonial officer who kept black women chained to his bed, exchanging food for sexual services. “It’s a picture of unimaginable suffering,” says Bailey. “She is sitting there looking in the mirror and waiting to be raped. It’s the only way she can feed her family.”

Perhaps the most chilling, though, is Dutch Golden Age, which combined Bailey’s interest in still-life paintings with a court document detailing the horrific punishments meted out to escaped slaves. “Among the overflowing bowls of fruit,” says Bailey, “we have a slave forced to wear a perforated metal mask covering his face and a pin going through his tongue. It is about the silencing of marginalised black voices, the silencing of histories.”

And it was while sifting through thousands of photographs in the Namibian National Archives that Bailey found the subject that would be the climax of his work – the four singing decapitated heads of Nama tribesmen. “After the heads were cut off,” says Bailey, “they were mounted on these strange little tripods that were custom-made. Then I found these songs that referenced the genocide of the 1920s. So it became a set of four heads singing songs and lamentations.”

Bailey does not consider any of the pieces complete without the addition of the spectator – the labels on each work even mention “spectator/s” as one of their “materials”. And they have found audience interaction to be a profound element. “We were playing a festival in Poland,” says Berthe Njole, who had the part of Sara Baartman. “A bunch of guys came in. They were laughing and making comments about my boobs and my body. They didn’t realise I was a human being. They thought I was a statue. Later, they returned and each one apologised to me in turn.”

Bailey is unsure how the piece will go down in the UK, which has its own long and chequered colonial history. Cole Verhoeven certainly believes in Bailey’s right to ruffle feathers in telling these uncomfortable stories. “Exhibit B is monumental,” he says. “And Brett’s whiteness perhaps gives him a degree of distance necessary for wading around in this intensely painful material.”

But, looking back at some of his earlier work, Bailey is now the first to admit that pushing too hard and being too bold is an occupational hazard. “People have said, ‘White boy, you are messing with my culture. You have no right to tell the story of our spiritual practices or our history, because you are getting it all wrong.’ And I can’t defend those works today in the same way I could back then. For all I know, I could look back at Exhibit B in 10 years and say, ‘Oh my God, I am doing exactly what they are accusing me of.’ But that’s the risk you take. It comes with the territory.”

• Exhibit B is at the Playfair Library Hall, University of Edinburgh, until 25 August; then at the Barbican, London EC2, 23-27 September.

Voir de plus:

Why I’m not allowed my book title
It’s called The Book of Negroes in Canada – but Americans won’t buy that term

Lawrence Hill

The Guardian

20 May 2008

It isn’t unusual for British or Canadian books to change titles when entering the American market. It happened to JK Rowling – Harry Potter has no « philosopher’s » stone in the USA; and to Alice Munro, whose fabulous collection of short stories went from Who Do You Think You Are? in Canada to The Beggar Maid in the USA.

But I didn’t think it would happen to me. When my novel, The Book of Negroes, came out last year with HarperCollins Canada, I was assured by my American publisher that the original title would be fine by them. However, several months later, I got a nervous email from my editor in New York.
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She mentioned that the book cover would soon be going to the printer and that the title had to change. « Negroes » would not fly, or be allowed to fly, in American bookstore. At first, I was irritated, but gradually I’ve come to make my peace with the new title, Someone Knows My Name.

Perhaps the best way to examine the issue is to examine the evolution of the word « Negro » in America. I descend (on my father’s side) from African-Americans. My own father, who was born in 1923, fled the United States with my white mother the day after they married in 1953. As my mother is fond of saying, at the time even federal government cafeterias were segregated. It was no place for an interracial couple to live.

My parents, who became pioneers of the human rights movement in Canada, used the word Negro as a term of respect and pride. My American relatives all used it to describe themselves. I found it in the literature I began to consume as a teenager: one of the most famous poems by Langston Hughes, for example, is The Negro Speaks of Rivers. When my own father was appointed head of the Ontario Human Rights Commission in 1973, the Toronto Globe and Mail’s headline noted that a « Negro » had been appointed.

The term was in vogue right into the 1970s. For a time, the word « Negro » took a back seat in popular language culture to newer terms, such as « Afro-American », « African-Canadian », « people of colour » (a term I have always disliked, for its pomposity) or just plain « black. »

In the last 20 or so years in urban America, we have witnessed more changes in racial terminology. For one thing, and regrettably in my view, many hip-hop artists have re-appropriated the word « nigger », tried to tame it, and use it so vocally and frequently as to strip it of its hateful origins. We are all products of our generation.
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Given that I was born in 1957 and taught to ball my fists against anybody using that N-word, I can’t quite get my head around using it these days in any kind of peaceful or respectful manner. Just as the very word « nigger » has risen in popular usage over the last decade or two, however, the word « Negro » has become viscerally rude. In urban America, to call someone a Negro is to ask to for trouble. It suggests that the designated person has no authenticity, no backbone, no individuality, and is nothing more than an Uncle Tom to the white man.

I used The Book of Negroes as the title for my novel, in Canada, because it derives from a historical document of the same name kept by British naval officers at the tail end of the American Revolutionary War. It documents the 3,000 blacks who had served the King in the war and were fleeing Manhattan for Canada in 1783. Unless you were in The Book of Negroes, you couldn’t escape to Canada. My character, an African woman named Aminata Diallo whose story is based on this history, has to get into the book before she gets out.

In my country, few people have complained to me about the title, and nobody continues to do so after I explain its historical origins. I think it’s partly because the word « Negro » resonates differently in Canada. If you use it in Toronto or Montreal, you are probably just indicating publicly that you are out of touch with how people speak these days. But if you use it in Brooklyn or Boston, you are asking to have your nose broken. When I began touring with the novel in some of the major US cities, literary African-Americans kept approaching me and telling me it was a good thing indeed that the title had changed, because they would never have touched the book with its Canadian title.

I’d rather have the novel read under a different title than not read at all, so perhaps my editor in New York made the right call. After all, she lives in the country, and I don’t. I just have one question. Now that the novel has won the Commonwealth writers’ prize, if it finds a British publisher, what will the title be in the UK?

Voir de même:

La supercherie antiraciste

Lutter contre le racisme, c’est défendre l’universalité de nos valeurs, l’unité du genre humain. A l’exact opposé de l’offensive antirépublicaine actuellement à l’œuvre.

Alain Jakubowicz, Président de la Licra

Libération

11 avril 2016

Il y a encore trente ans, la cartographie de la haine était simple à établir : le racisme et l’antisémitisme étaient d’extrême droite. D’un côté, les héritiers de la Résistance, et de l’autre, ceux de Vichy. L’antiracisme avait son propre «mur de Berlin».

Depuis, le monde a changé, les murs sont tombés, les fronts se sont multipliés. Le mouvement antiraciste est resté figé dans des réflexes et des pratiques datées. Faute d’avoir mesuré ces changements profonds, il a manqué la mise à jour de son logiciel et son adaptation aux nouvelles frontières de la haine. A contrario de ses adversaires, il n’a pas su s’adapter à la révolution numérique. Il a tardé à comprendre que l’extrême droite n’avait plus le monopole du racisme et de l’antisémitisme et a laissé le champ libre à l’expression de nouvelles radicalités. Ce retard à l’allumage tient aussi à la mystification, qui s’est présentée à l’opinion sous les traits d’un antiracisme adapté aux identités plurielles – issues de l’immigration, marquées par la mémoire de l’esclavage, la colonisation – et affilié à la gauche. C’est sous ce masque pervers que la haine a, par effraction, trouvé refuge.

Le 4 avril, Libération consacrait justement son numéro aux «Visages contestés de l’antiracisme». L’éditorial de Laurent Joffrin a parfaitement analysé «le piège grossier» qui nous est tendu. Pourtant, à la faveur de cette «plongée chez les nouveaux antiracistes», on comprend facilement comment l’appropriation d’un combat peut conduire à son détournement et à sa dénaturation. Si l’on n’y prend pas garde, on risque d’attribuer sans discernement à ces faussaires des brevets d’antiracisme. Le moment est venu de bien nommer les choses, de cesser de faire capituler le langage devant des évidences et dire clairement que ces gens-là ne sont rien d’autre que des racistes et des antisémites. Il est temps de rappeler que la politisation de l’antiracisme est une imposture et une impasse derrière laquelle se cachent «l’anticapitaliste, l’anticolonialisme, l’anti-impérialisme», «l’antisionisme», «la lutte des races sociales». Elle porte en elle les ferments d’un nouveau totalitarisme, reconstruisant des murs que nous avions détruits de haute lutte.

Le racisme et l’antisémitisme ont changé. Face à nous désormais, des cumulards de la haine des juifs, des homosexuels, des Blancs et, d’une certaine manière, des femmes. Désigner «le Blanc» comme symbole dominateur d’un prétendu «racisme d’Etat» qui sévirait en France, c’est être raciste. Quitter une réunion féministe en raison du trop grand nombre «de meufs blanches et assimilationnistes», c’est aussi être raciste. Revendiquer le communautarisme et accueillir à bras ouverts le fondamentalisme religieux pour «guérir la France de l’islamophobie», c’est offrir à l’extrême droite un boulevard pour promouvoir une conception contre-nature de la laïcité.

Une offensive antirépublicaine est à l’œuvre. Elle est puissante car elle bénéficie de la montée des populismes et des communautarismes qui exploitent, chacun de leur côté, le business de la peur et du repli identitaire. Ces deux extrémismes sont les deux faces d’une même pièce, celle de la haine qui conduit à la division et à l’affrontement. Elle appelle la même réprobation et les mêmes réponses.

Etre antiraciste, c’est défendre l’universalité de nos valeurs et l’unité du genre humain. C’est défendre le caractère indivisible de la Nation. Il n’existe pas d’antiracisme à la découpe ou à la carte. Etre antiraciste, c’est savoir être «de la couleur de ceux qu’on persécute» (Lamartine). L’idée qu’il faudrait être concerné par une discrimination pour la combattre est la négation même du combat antiraciste. Le silence assourdissant de ces prétendus «nouveaux visages» face à la condamnation de l’antisémitisme est l’aveu de leur supercherie «antiraciste». Il suffit de les voir applaudir les charlatans du négationnisme ou théoriser le «philosémitisme de l’Etat» pour s’en rendre compte.

Le mouvement antiraciste, le vrai, a désormais fait son aggiornamento en allant, pour reprendre Jaurès, vers son idéal en comprenant le réel. Sur les réseaux sociaux et sur le terrain, aux côtés des victimes, de toutes les victimes, black, blanc, ou beur, juive, athée, chrétienne, musulmane, de banlieue, des beaux quartiers ou d’un village rural, hétérosexuelle ou homosexuelle. Qu’on se le dise une fois pour toutes : l’antiracisme est universel, il vaut pour tous ou il ne vaut rien.

Alain Jakubowicz Président de la Licra

Voir enfin:

« La non-mixité racisée » : un racisme qui ne dit pas son nom

Alain Jakubowicz

14 April 2016

Je dénonçais mardi dans une tribune publiée dans Libération « les nouveaux visages du racisme et de l’antisémitisme ». Nous y sommes. Cette semaine, un nouveau palier a encore été franchi par ces pseudos-antiracistes. En effet, depuis lundi 11 avril se tient à Saint-Denis dans les murs de l’Université Paris 8 un événement au nom évocateur : « Paroles non-blanches : rencontres autour des questions de race. Travail et mobilisation » organisé par le collectif « Groupe de réflexion non-mixité racisée ». Au programme, une obsession de « la blanchité des médias » et de « l’islamophobie », le prétendu « racisme d’Etat », de la République et de l’Ecole, le tout baignant dans une sémantique coloniale absolument délirante.

La logique folle et prétendument « anti-système » qui préside à l’organisation de ce type d’événement est exactement la même qui conduit les identitaires d’extrême-droite à l’affirmation d’une France « blanche » : les extrêmes, chacun à leur manière, organisent le séparatisme et véhiculent la même logique d’apartheid. Sous couvert d’antiracisme, notre pays risque de voir émerger des « Ku Klux Klan inversés » où le seul critère qui vaille sera la couleur de peau.

Encore une fois, les identitaires testent la République et, par glissements successifs, tentent d’affaiblir ses fondements et ses valeurs. L’initiative de ce groupuscule n’est pas acceptable et doit nous faire prendre conscience de la gravité de la situation. Si nous nous taisons aujourd’hui, alors dans quelques semaines, dans quelques mois, nous verrons apparaître des conférences interdites aux blancs et aux juifs, des écoles privées réservées aux « colored people ». Avec de prétendus héritiers de cette nature, Rosa Parks va se retourner dans sa tombe.


Droits de l’homme: Attention, une religion peut en cacher une autre ! (When Western secularism devours its own children)

6 mai, 2016
VraiGénieles-droits-de-lhomme-contre-le-peuple-198x300Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. (…) Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme. René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste , en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. (…) Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui réassume et « radicalise » le souci des victimes pour le paganiser. (…) Comme les Eglises chrétiennes ont pris conscience tardivement de leurs manquements à la charité, de leur connivence avec l’ordre établi, dans le monde d’hier et d’aujourd’hui, elles sont particulièrement vulnérables au chantage permanent auquel le néopaganisme contemporain les soumet. René Girard
On peut parler aujourd’hui d’invasion arabe. C’est un fait social. Combien d’invasions l’Europe a connu tout au long de son histoire ! Elle a toujours su se surmonter elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures. Pape François
Que t’est-il arrivé, Europe humaniste, paladin des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté ? Que t’est-il arrivé, Europe terre de poètes, de philosophes, d’artistes, de musiciens, d’hommes de lettres ? Que t’est-il arrivé, Europe mère de peuples et de nations, mère de grands hommes et de grandes femmes qui ont su défendre et donner leur vie pour la dignité de leurs frères ? (… ) Une Europe fatiguée et vieillie, stérile et sans vitalité, où les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive ; une Europe en déclin qui semble avoir perdu sa capacité génératrice et créative. Une Europe qui est en train de ‘se retrancher’ au lieu de privilégier des actions qui promeuvent de nouveaux dynamismes dans la société ; des dynamismes capables d’impliquer et de mettre en mouvement tous les acteurs sociaux (groupes et personnes) dans la recherche de solutions nouvelles aux problèmes actuels. Pape François
L’UNESCO est atteinte de deux maux qui risquent de la perdre: le reniement et le déni. Reniement de sa raison d’être en fermant les yeux sur l’éducation à la haine de certains de ses Etats membres, déni de l’histoire en amputant le peuple juif de son identité historique et culturelle. (…) L’Organisation se renie, se fait parjure lorsqu’elle ferme les yeux sur la propagation de la haine dans les manuels scolaires de la plupart des pays arabo-musulmans et de la Palestine. (…) Comment donner crédit à une Organisation qui tout en développant des programmes d’éducation à la paix et à la tolérance accepte que ses Etats-membre profèrent la haine? En rejoignant l’UNESCO les pays signataires ont adhéré aux fondements éthiques de l’Organisation tout en s’engageant à les mettre en œuvre notamment par l’éducation. (…) Reniement de ses valeurs lorsqu’il s’agit des pays arabo-musulmans, mais intransigeance lorsque Israël censure des contenus éducatifs qui appellent à sa destruction. (…) Maison des cultures du monde, de la pensée critique, du dialogue, l’UNESCO, dont un des grands programmes est consacré aux sciences sociales et humaines, joue dangereusement à réviser l’histoire, à se complaire dans un déni de réalité. Dans la pure tradition des révisionnistes, elle a fini par dénier tout lien entre le peuple juif et Jérusalem. Fin octobre 2015, par la décision 185 EX/15, elle a classé le caveau des Patriarches et la tombe de Rachel comme sites musulmans et palestiniens, et exigé qu’Israël les retire de son patrimoine national. Mais elle vient de franchir un pas supplémentaire dans le négationnisme. Le mois d’avril 2016 pourra être retenu dans son histoire comme le jour où le Conseil Exécutif, en grand falsificateur, a dénié tout lien entre les juifs, le Mont du Temple et le mur Occidental. Cette résolution 199 EX/19 a été adoptée par 33 pays, et parmi eux la France (mais pas l’Allemagne, l’Angleterre, l’Irlande du Nord ni les Etats-Unis, qui ont voté contre). Ainsi nos «Lumières» s’estompent sous un épais voile de fumée. Et l’on se demande s’il ne faudrait pas recommander aux Etats-membres de l’UNESCO de promouvoir maintenant une résolution visant carrément à supprimer dans l’Histoire de l’humanité (éditions Unesco) tous les passages relatifs à la présence juive à Jérusalem et dans le royaume de Judée. Conscience intellectuelle des Nations, l’UNESCO est devenue une organisation sous influence, s’inscrivant dans la pure tradition des totalitarismes du XXème siècle. Perdant ainsi sa légitimité, a-t-elle encore sa raison d’être? Bernard Hadjadj
Le révisionnisme historique va faire son entrée dans l’un des plus prestigieux festivals de cinéma au monde. Le film « Munich: A Palestinian Story » du réalisateur Nasri Hadjadj, libanais d’origine arabe palestinienne, va être projeté lors du prochain Festival de Cannes. Il ne fait toutefois pas partie du programme officiel du festival mais sera projeté en marge, dans le cadre d’un Festival du Film arabe , sous les couleurs de la « Palestine ». Le réalisateur affirme vouloir « montrer cet attentat selon la version palestinienne »!! A titre d’exemple, le film décrit les terroristes comme des « combattants de la liberté » et explique que « tout s’est terminé lorsque les forces de sécurité allemandes ont donné l’assaut, tuant cinq Palestiniens et onze sportifs israéliens ». Nasri Hadjadj explique « vouloir montrer pourquoi un tel attentat s’est produit » (avec les réponses que l’on peut imaginer), et décrit son film comme « la première réalisation documentaire palestinienne sur ces événements, qui jettera de la lumière sur beaucoup de zones d’ombres… LPHinfo
Il est impossible de ne pas être sensible à l’histoire de Khan, qu’on partage ou non ses idées: fils d’un conducteur de bus pakistanais, il a grandi dans une council house (un HLM) et fait son chemin dans l’école d’Etat, gratuite, jusqu’à devenir avocat spécialiste des droits de l’homme. Sa «success story» est exemplaire. Ensuite, la campagne de Khan a elle-même énormément mis l’accent non seulement sur son origine sociale, mais aussi religieuse. Ses prospectus ont parfaitement joué sur ce registre, et ont fait pleurer dans les chaumières comme il se doit. Et je dis cela sans condescendance: je suis la première, à la vue de ces prospectus, à avoir admiré le parcours et l’homme, et senti la force de la méritocratie à l’œuvre… On voit ici la puissance du storytelling moderne. En face de Khan, vous trouviez un conservateur, fils de milliardaire – les commentateurs sceptiques ne manquent pas de le rappeler dès qu’ils le peuvent -, formé à Eton, l’école privée la plus emblématique, arborant toujours le même costume bleu distingué, sa «classe» se lisant sur son visage et dans le moindre de ses gestes. Deux images du Royaume-Unis se sont opposées dans cette bataille, jusqu’à la caricature. (…) dans le même temps, l’ «identitarisation» relative de cette élection a excédé beaucoup d’électeurs. De fait, le soupçon est toujours présent que la gauche joue trop sur les identités, et cela peut avoir des effets négatifs. Par exemple, une petite minorité, au sein du Labour, montre une certaine tolérance à l’égard de l’antisémitisme. Les récentes déclarations de Ken Livingstone, l’ancien maire de la ville, qui a fait de Hitler un sioniste, l’ont bien montré. Même si Khan a aussitôt condamné Livingstone, l’épisode a été dévastateur pour le Labour et a quelque peu nui à la campagne de Khan, d’autant qu’il y a dix ans, Khan et Livingstone avaient des opinions bien plus proches, notamment sur Israël. La politique identitaire est toujours à double tranchant. Les activités professionnelles de Khan – il était avocat spécialiste des droits de l’homme – l’ont, dit-il, mené à côtoyé des représentants de l’islam radical, voire à dialoguer avec eux lors de débats. Mais comment distinguer ses obligations professionnelles d’une possible tolérance indue? (…)  En 2004, il a par exemple participé, en tant que candidat à la députation pour le Labour, à une conférence avec cinq extrémistes islamistes, organisée par Friends of Al-Aqsa, un groupe pro-palestinien qui a publié des travaux du révisionniste (selon les termes du Guardian) Paul Eisen. A cet événement, les femmes devaient emprunter une entrée distincte des hommes! La même année, président des affaires juridiques du Muslim Council of Britain, il a participé à la défense de l’intellectuel musulman Dr Yusuf Al-Qaradawi et nié le fait que celui-ci soit un extrémiste. Il est pourtant l’auteur d’un livre, The Lawful and Prohibited in Islam, où il justifie la violence domestique à l’égard des femmes et soutient les opérations martyres contre les Israéliens. Cependant, pendant la campagne électorale, Khan n’a cessé de condamner l’extrémisme, et demandé la suspension de Livingstone après ses remarques antisémites. Il est aussi haï par certains radicaux car il soutient le mariage gay. Ce changement d’attitude est-il pure tactique ou est-il sincère? Inversement, sa supposée proximité ancienne avec certains radicaux était-elle sincère, où là encore tactique? Dans tous les cas, je ne crois pas que Khan cautionne l’extrémisme. En revanche, il représente une voix assez commune à gauche – surtout dans ce que j’appelle «la gauche du ressentiment» représentée par Corbyn, que Khan a d’ailleurs soutenu en septembre dernier pour son élection à la tête du Labour: celle qui consiste à expliquer les attitudes des extrémistes et des terroristes par la seule et unique faute de l’Occident. Ainsi en 2006, élu député, Khan était l’un des signataires d’une lettre au Guardian qui attribuait la responsabilité des attentats terroristes – comme celui du 7 juillet 2005 à Londres – à la politique étrangère britannique, notamment son soutient à Israël. Cette position et l’ambiguïté passée de Khan ont forcément créé un soupçon en sa défaveur. (…) En Grande-Bretagne, en apparence, tout se passe bien. Les musulmans modérés sont tout à fait intégrés. Ce qui est assez problématique – comme dans d’autres villes européennes -, c’est l’existence de quartiers entiers où le séparatisme identitaire est visible. C’est le cas dans l’Est de London, notamment dans le borough de Tower Hamlets. 30% de la population y est musulmane, concentrée dans des council houses. En 2014, l’ancien maire, Lutfur Rahman, a été limogé après des soupçons de fraude et de favoritisme communautaire. A Tower Hamlets, beaucoup de femmes sont voilées de pied en cap, suivies de près par leurs maris. La difficulté qui en découle est à la fois anecdotique et majeure: vous ne pourriez pas, si vous en aviez envie, engager la conversation avec elles, car ce voile crée une barrière. Situation rare en France, elle est très fréquente ici. Et pourtant ce quartier abrite l’une des meilleures universités de Londres, Queen Mary University, qui brasse des étudiants du monde entier. Les populations se côtoient donc sans se parler, sans se connaître. Difficile d’y voir un multiculturalisme heureux – ni malheureux d’ailleurs: c’est bien plutôt un multiculturalisme de l’indifférence. Le multiculturalisme commence cependant à perdre de son lustre. Deux séries d’affaires retentissantes, depuis 2014, ont bouleversé le pays: d’abord celle du «Trojan Horse» en 2014 et 2015, où furent découvertes des tentatives concertées de mettre en œuvre, dans plusieurs écoles de Birmingham, une philosophie et des pratiques islamistes ou salafistes. Pire, on a mis a jour dans les dernières années de nombreux cas d’abus sexuels sur mineurs, perpétrés par des «gangs» dont les membres étaient d’origine musulmane. Ce fut le cas à Rotherham entre 1997 and 2013, où 1400 jeunes filles ont été violées. Cinq hommes d’origine Pakistanaise ont été condamnés. On a découvert des horreurs similaires à Rochdale, Derby et Telford. Le cas le plus récent est celui d’Oxford, où un groupe de sept hommes, entre 2006 et 2012, a exploité sexuellement 300 mineures, avec une violence parfois épouvantable. La multiplicité des cas est frappante. Surtout, tous les membres des gangs étaient à chaque fois d’origine musulmane, et les jeunes filles – âgées parfois de 12 ans – blanches. C’est pourquoi depuis 2014, date où les premiers rapports officiels ont été publiés, on s’interroge sur une éventuelle motivation ethnique des agresseurs. Par ailleurs, dans de nombreux cas, on a constaté que la police et les conseils locaux avaient tardé à prendre au sérieux les plaintes des victimes, quand ils ne leur riaient pas tout simplement au nez. Aujourd’hui, les autorités émettent sérieusement l’hypothèse que cette timidité et ce déni pourraient provenir de la crainte de la police et des conseils locaux de se voir, à l’époque, accusés de racisme. Ces épisodes sont absolument dramatiques, et en même temps, ils sont peut-être le début d’une prise de conscience salutaire que la tolérance multiculturelle s’est muée, dans certains cas, en aveuglement. Laetitia Strauch-Bonart
Le programme de la haine de soi et de son pays est aujourd’hui devenu la pensée officielle, imposée par le politiquement correct de la religion des droits de l’homme. Les droits de l’homme, inventés par l’Occident pour protéger ses citoyens contre les risques d’arbitraire du pouvoir, sont devenus depuis un demi-siècle une religion séculière suicidaire pour les Occidentaux. Jean-Louis Harouel
Qu’elles veuillent l’admettre ou non, les sociétés occidentales sont chrétiennes. La laïcité est une invention spécifiquement chrétienne. Le christianisme a inventé la distinction du sacré et du profane, du religieux et du politique, du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Cette distinction est la marque spécifique et le fondement même de la civilisation chrétienne. C’est ce qui rend celle-ci profondément différente des autres civilisations, à commencer par celle qui se pose actuellement comme sa grande rivale : la civilisation islamique. (…) La disjonction chrétienne du politique et du religieux constitue la source du succès de l’Occident. C’est d’elle qu’est née la liberté de l’individu, laquelle est à l’origine non seulement des libertés publiques européennes mais encore de la dynamique occidentale. C’est en effet à la désintrication du spirituel et du temporel, à la dissociation du sacré et du profane, qu’il faut rapporter l’invention par l’Europe occidentale – et non par d’autres grandes civilisations – du progrès technique et du développement économique, dont bénéficie aujourd’hui une grande partie de l’humanité. L’avènement de la science et de la technique moderne est certes un miracle européen, mais plus profondément encore un miracle chrétien. (…) Sans le christianisme, nous piocherions tous la terre comme dans les civilisations anciennes. Celui qui est aujourd’hui ingénieur, cadre commercial, haut fonctionnaire ou général, n’a pas conscience que, sans le progrès technique et le développement économique permis par lui, il serait presque fatalement un paysan vivant durement et pauvrement. (…) Bien que le thème soit relativement peu présent dans la pensée actuelle, le lien entre le christianisme et l’invention du développement économique se rencontre chez plusieurs auteurs importants. Dès les années 1930-1940, le grand historien anglais Christopher Dawson insistait sur l’« importance primordiale [du] facteur religieux » comme explication de la suprématie matérielle des nations occidentales sur le reste du monde. Le fait « qu’un petit groupe de peuples de l’Europe occidentale ait pu acquérir dans un laps de temps relativement court le pouvoir de transformer le monde et de s’émanciper de la dépendance millénaire qui maintenait l’homme soumis aux forces naturelles » ne résultait pas « d’un héritage propre  à un type biologique particulier ». Dawson était parvenu à la conclusion que c’était la religion chrétienne qui constituait la cause de « l’évolution particulière de l’homme d’Occident». Jean-Louis Harouel
Le fait que ce soit la civilisation chrétienne occidentale et non la civilisation musulmane qui ait inventé le progrès technique et le développement économique est d’autant plus étonnant que la première souffrait au départ d’un très lourd handicap par rapport à la seconde, laquelle partait avec une colossale avance. En effet, elle a directement bénéficié d’un prodigieux capital intellectuel, auquel la chrétienté occidentale n’a eu accès que bien plus difficilement et beaucoup plus tard. Car l’islam s’est emparé de la partie restée riche et hautement civilisée du monde antique, tandis que sa partie occidentale européenne avait été appauvrie et désorganisée par les crises politiques et économiques ainsi que par deux siècles de conquête par les barbares. Le christianisme s’est trouvé pour une bonne part cantonné dans la partie barbarisée et déculturée du monde romain. Il se trouvait dans une situation peu enviable au regard de celle de l’islam, qui avait raflé en quelques années toute une série de provinces romaines en bon état de marche, avec leurs élites du savoir et leur vie intellectuelle intactes. Le pouvoir impérial arabe s’est substitué au pouvoir de l’empereur romain d’Orient dans des territoires restés riches et intellectuellement actifs. (…) Mais l’islam ne va pas aller au-delà. Le savoir antique tant européen qu’asiatique fut pour lui un point de départ et un point d’arrivée, dans une version médiévale qui l’enrichit quelque peu. Des « progrès significatifs » furent obtenus dans des domaines « qui n’exigeaient aucune base théorique », tels que « certains aspects de l’astronomie et de la médecine ». Du moins dans un premier temps, car graduellement « même cette forme de progrès cessa ».  (…) Le spectaculaire décollage de l’Occident eut pour conséquence le déclassement de la civilisation musulmane – tout comme d’ailleurs celui des autres grandes civilisations telles que la Chine et l’Inde. Contrairement à l’idée communément admise, il ne semble pas y avoir eu de crise du monde islamique. Il s’est seulement trouvé dépassé par une civilisation chrétienne occidentale qui a connu un progrès fulgurant. Au sein du monde musulman, on a mis beaucoup de temps à en prendre conscience et à l’admettre. Selon Bernard Lewis, il faut attendre pour cela le voyage effectué en Prusse en 1790 par l’ambassadeur ottoman Azmi Effendi : « Le premier, il écrit que la faiblesse de son pays n’est pas due à une décadence morale et religieuse comme le prétendent les mémorialistes ottomans, mais à la force acquise par les Européens. » Il n’y a pas eu de crise du monde musulman, mais une stagnation, une immobilité, conforme à son génie. Cette fixité est à mettre en rapport, souligne Jacques Ellul, avec le fait que « la doctrine tout entière de l’Islam (y compris sa pensée religieuse) a pris un aspect juridique ». Or, « le juridique a une orientation très nette : fixer ». L’immobilité du monde musulman évoque la stabilité millénaire de la civilisation égyptienne, qui fascinait tant Platon. L’islam a manifesté une exceptionnelle aptitude à se mobiliser pour conquérir, et pour conserver ses conquêtes. L’islam est une civilisation conquérante, guerrière, normative. Par la conquête, l’islam a raflé un prodigieux patrimoine matériel et intellectuel. Il en a joui – ce fut la fameuse civilisation islamique classique –, mais il ne l’a guère développé. Il n’y a pas eu de déclin islamique, mais un déclassement islamique. Alors qu’une civilisation progresse spectaculairement comme l’a fait la civilisation chrétienne occidentale, quand les autres civilisations restent immobiles, c’est comme si elles reculaient. Jean-Louis Harouel
 Si on vise ainsi des héritages du christianisme alors même que l’islamisme vient encore de tuer en France, c’est tout simplement parce que le christianisme ne fait absolument pas peur et que l’islam fait très peur. Si on voulait vraiment protéger efficacement la laïcité – ou plus précisément la sécularisation de la société –, on s’en prendrait au foulard islamique (hidjab) qui inonde l’espace public et apporte ainsi une immense visibilité à l’islam. (…) Or, maintenant qu’il est très implanté en Europe et un peu aux États-Unis, l’islam prétend imposer aux Occidentaux cette interdiction de la liberté de pensée et d’expression. (…) l’islam prétend intimider les pouvoirs publics et les médias occidentaux. Il les contraint à une forte auto-censure afin de ne pas offusquer les musulmans. C’est ainsi que la municipalité d’Oxford a abandonné l’usage du mot « Noël » dans les documents émanant d’elle. Ce faisant, les Occidentaux se comportent en dhimmi, en inférieurs qui s’inclinent devant l’islam. Il est décidément moins dangereux de s’en prendre aux vestiges pittoresques et inoffensifs de notre civilisation chrétienne. (…) C’est une stratégie catastrophique. C’est une erreur de considérer l’islam seulement comme une religion. C’est une erreur de définir sa place dans les sociétés occidentales du point de vue de la seule liberté religieuse. À la fois religion et régime politique, l’islam forme un ensemble de règles prétendument divines dont beaucoup sont de nature juridique. Contenu dans la charia, ce code de droit institue l’infériorité juridique des femmes ainsi que celle des non-musulmans, et il cautionne l’esclavage. Si bien que, sur les marchés d’esclaves du califat auto-proclamé d’Irak et de Syrie, on peut acheter une esclave chrétienne pour quelques dizaines d’euros, en toute conformité à la loi divine. Système total, l’islam rejette l’idée de la disjonction du politique et du religieux, principe d’origine chrétienne né du fameux : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Fondatrice de ce qui est appelé en France la laïcité, cette disjonction a été la source d’où a pu naître la liberté de l’individu, avec toutes ses conséquences positives : esprit critique et liberté de l’esprit, tolérance, progrès intellectuel et pensée scientifique, progrès technique et enrichissement de la société. Tout cela est issu de la dualité chrétienne entre les pouvoirs temporel et spirituel. Au contraire, pour l’islam, le sacré englobe le profane. La légitimité de l’État résulte exclusivement de son action au service de l’islam. Et dans les pays musulmans où a été instaurée une sécularisation de l’État – Turquie, Indonésie –, elle est aujourd’hui menacée par une forte réislamisation des esprits. Les religions ont des effets très différents sur la sécularité de la société. Celle-ci n’est nullement menacée par les clochers et les croix des cimetières, les pardons bretons et les bénédictions de navires, les saintes vierges et les calvaires des villages, ni par les jours fériés correspondant à des fêtes chrétiennes. D’ailleurs, la disjonction du politique et du religieux étant une invention chrétienne, la croix pourrait légitimement être revendiquée comme un emblème de la laïcité, et plus généralement de la sécularité des sociétés occidentales. (…) La prodigieuse réussite scientifique, technique, économique et sociale de l’Europe n’aurait pas pu avoir lieu si elle n’avait pas chassé de son sol les dominations musulmanes qui s’y étaient établies par la conquête (Sicile, Italie du Sud, Espagne, France méridionale, Balkans) et repoussé les grandes offensives militaires musulmanes, en dernier lieu devant Vienne voici trois siècles. C’est parce que l’Europe a su rester chrétienne qu’elle a construit des sociétés laïques, libres, tolérantes, économiquement développées, à haut niveau de vie moyen et socialement généreuses. Ces sociétés sont le produit historique de la civilisation chrétienne européenne. Jean-Louis Harouel
Angela Merkel est atteinte, à son tour du syndrome de la Castafiore : « Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir ! ». Chaleureusement félicitée, l’autre jour, par Barack Obama pour sa politique migratoire, voilà la chancelière allemande qui s’enhardit dans ses prêches moraux contre les populistes. Mardi, au lycée français de Berlin, elle a répondu ceci, à une question d’un élève qui l’interrogeait sur la montée du FN : « Je vais essayer de contribuer à ce qu’évidemment d’autres forces soient plus fortes que le Front national, pour autant qu’on puisse le faire de l’étranger ». Sur la montée de l’afD dans son propre pays, elle a dit : « Nous avons assez de bons arguments pour nous confronter » à eux « sans avoir l’écume à la bouche ». La Belle contre la Bête. Le problème est que Merkel, persuadée de représenter le Bien au point de s’ingérer dans la politique intérieure française, ne voit pas qu’elle est elle-même à la source, avec d’autres « humanistes » fascinés par l’Autre, de ce qu’elle dénonce. Le populisme n’est, en effet, que la réponse des peuples abandonnés par leurs élites aveuglées. (…) En disant non au FN mais oui aux Turcs, la chancelière a ainsi contribué à affermir le pouvoir, autoritaire et dominateur, du sultan Erdogan, qui en est à dicter ses conditions à l’Union européenne, déracinée et soumise. Ce mercredi, la commission européenne a proposé d’entériner une exemption de visas pour les citoyens turcs, sous certaines conditions, en échange d’une rétention des réfugiés sur le sol turc. La Turquie étant devenue la plateforme migratoire du monde musulman depuis qu’elle a elle-même supprimé les visas avec l’Egypte, les pays du Maghreb, la Syrie ou l’Irak, la suite de cet accord est imprévisible. Reste que l’inversion des forces est telle, depuis l’ouverture irréfléchie de Merkel aux migrants, que ce n’est plus la Turquie qui demande son intégration dans l’Europe, mais l’Europe qui quémande la protection d’Ankara. Ivan Rioufol

Attention: une religion peut en cacher une autre !

A l’heure où entre journées du hijab dans nos grandes écoles, interdiction des crèches dans nos mairies et apologie du terrorisme sur tapis rouge à Cannes, nos élites redoublent d’efforts pour délégitimer nos traditions judéochrétiennes et « accomoder » nos sociétés aux usages musulmans …

Et où après celle du premier président américain d’origine afro-musulman de l’histoire, c’est devant l’élection du premier maire musulman d’une grande capitale occidentale que les mêmes nous somment à présent de nous émerveiller …

Pendant qu’entre l’abandon de l’Irak aux mains des djihadistes et l’appel à l’accueil illimité de leurs victimes, des responsables politiques ou religieux qui ont tant fait pour déstabiliser l’Europe se permettent à présent de dénoncer les réactions des populations autochtones qu’ils ont eux-mêmes provoquées

Et qu’après la géographie, c’est à l’histoire d’une des plus anciennes civilisations et seule véritable démocratie du Moyen-Orient que l’on s’en prend désormais sur fond d’épuration religieuse généralisée

Comment ne pas voir avec le l’éditorialiste Ivan Rioufol et l’universitaire Jean-Louis Harouel…
Que les droits de l’homme « inventés par l’Occident pour protéger ses citoyens contre les risques d’arbitraire du pouvoir sont devenus », face à un islam en plein essor à nouveau, une véritable « religion séculière suicidaire » ?
Angela Merkel est atteinte, à son tour du syndrome de la Castafiore : « Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir ! ». Chaleureusement félicitée, l’autre jour, par Barack Obama pour sa politique migratoire, voilà la chancelière allemande qui s’enhardit dans ses prêches moraux contre les populistes. Mardi, au lycée français de Berlin, elle a répondu ceci, à une question d’un élève qui l’interrogeait sur la montée du FN : « Je vais essayer de contribuer à ce qu’évidemment d’autres forces soient plus fortes que le Front national, pour autant qu’on puisse le faire de l’étranger ». Sur la montée de l’afD dans son propre pays, elle a dit : « Nous avons assez de bons arguments pour nous confronter » à eux « sans avoir l’écume à la bouche ». La Belle contre la Bête. Le problème est que Merkel, persuadée de représenter le Bien au point de s’ingérer dans la politique intérieure française, ne voit pas qu’elle est elle-même à la source, avec d’autres « humanistes » fascinés par l’Autre, de ce qu’elle dénonce. Le populisme n’est, en effet, que la réponse des peuples abandonnés par leurs élites aveuglées. Comme le démontre efficacement l’universitaire Jean-Louis Harouel (1) : « Le programme de la haine de soi et de son pays est aujourd’hui devenu la pensée officielle, imposée par le politiquement correct de la religion des droits de l’homme.« . Or Harouel l’assure, avec raison : « Les droits de l’homme, inventés par l’Occident pour protéger ses citoyens contre les risques d’arbitraire du pouvoir, sont devenus depuis un demi-siècle une religion séculière suicidaire pour les Occidentaux ».
Merkel est un des gourous de cette secte devenue dangereuse. En disant non au FN mais oui aux Turcs, la chancelière a ainsi contribué à affermir le pouvoir, autoritaire et dominateur, du sultan Erdogan, qui en est à dicter ses conditions à l’Union européenne, déracinée et soumise. Ce mercredi, la commission européenne a proposé d’entériner une exemption de visas pour les citoyens turcs, sous certaines conditions, en échange d’une rétention des réfugiés sur le sol turc. La Turquie étant devenue la plateforme migratoire du monde musulman depuis qu’elle a elle-même supprimé les visas avec l’Egypte, les pays du Maghreb, la Syrie ou l’Irak, la suite de cet accord est imprévisible. Reste que l’inversion des forces est telle, depuis l’ouverture irréfléchie de Merkel aux migrants, que ce n’est plus la Turquie qui demande son intégration dans l’Europe, mais l’Europe qui quémande la protection d’Ankara. Merci Merkel ?
(1)  Les droits de l’homme contre le peuple ; Desclée de Brouwer, à paraître le 19 mai

Pourquoi la société française ferait mieux d’assumer son héritage chrétien plutôt que de vouloir combattre l’islam radical par le laïcisme

L’Association des maires de France a récemment publié un manifeste pour la laïcité, dans lequel la religion chrétienne est attaquée. La tendance au durcissement de la laïcité consiste donc à s’en prendre aux plus discrets et pourtant aux fondements de nos racines.

Jean-Louis Harouel

Pater Noster

Atlantico
22 Novembre 2015

Atlantico : Pourquoi viser ainsi des héritages du christianisme alors que c’est avec une partie de l’islam que la laïcité semble rencontrer actuellement une remise en question ?

Jean-Louis Harouel : Si on vise ainsi des héritages du christianisme alors même que l’islamisme vient encore de tuer en France, c’est tout simplement parce que le christianisme ne fait absolument pas peur et que l’islam fait très peur. Si on voulait vraiment protéger efficacement la laïcité – ou plus précisément la sécularisation de la société –, on s’en prendrait au foulard islamique (hidjab) qui inonde l’espace publique et apporte ainsi une immense visibilité à l’islam.

L’islam fait peur, et c’est en premier chef aux musulmans qu’il fait peur. Sauf rarissimes exceptions, des intellectuels d’origine musulmane n’ont pas osé se dresser ouvertement contre l’islam. C’est trop dangereux. Le Coran (XVI, 108) et plusieurs hadiths frappent les coupables d’apostasie de sanctions pouvant aller jusqu’à la mort. Or le musulman qui refuse de s’acquitter de l’obligation légale de la prière est réputé apostat et donc passible de la mort. On ne peut, sans risquer sa vie, rejeter l’islam et encore moins l’insulter, comme l’ont fait tant d’Européens avec les dogmes et les rites chrétiens. Une mécanique répressive de nature terroriste protège l’islam contre la liberté de l’esprit.

Même chez les musulmans les plus libéraux, la liberté de penser et de communiquer sa pensée  pose problème. La Déclaration sur les droits de l’homme en islam n’autorise en effet la liberté d’expression qu’à condition de ne rien exprimer qui soit « en contradiction avec les impératifs de la Charia ».

Or, maintenant qu’il est très implanté en Europe et un peu aux États-Unis, l’islam prétend imposer aux Occidentaux cette interdiction de la liberté de pensée et d’expression. Car la loi divine – la charia – ordonne aux non-musulmans de parler de l’islam avec respect. Lourde de menaces, cette injonction s’adressait jadis aux dhimmi, aux chrétiens et aux juifs tolérés dans le monde islamique sur le mode de l’infériorité juridique et de l’humiliation. Aujourd’hui, l’islam prétend intimider les pouvoirs publics et les médias occidentaux. Il les contraint à une forte auto-censure afin de ne pas offusquer les musulmans. C’est ainsi que la municipalité d’Oxford a abandonné l’usage du mot « Noël » dans les documents émanant d’elle. Ce faisant, les Occidentaux se comportent en dhimmi, en inférieurs qui s’inclinent devant l’islam.

 Il est décidément moins dangereux de s’en prendre aux vestiges pittoresques et inoffensifs de notre civilisation chrétienne.

Est-ce une bonne stratégie de réduire l’influence de la tradition chrétienne sur la société pour faire rentrer l’islam dans la laïcité ?

C’est une stratégie catastrophique. C’est une erreur de considérer l’islam seulement comme une religion. C’est une erreur de définir sa place dans les sociétés occidentales du point de vue de la seule liberté religieuse. À la fois religion et régime politique, l’islam forme un ensemble de règles prétendument divines dont beaucoup sont de nature juridique. Contenu dans la charia, ce code de droit institue l’infériorité juridique des femmes ainsi que celle des non-musulmans, et il cautionne l’esclavage. Si bien que, sur les marchés d’esclaves du califat auto-proclamé d’Irak et de Syrie, on peut acheter une esclave chrétienne pour quelques dizaines d’euros, en toute conformité à la loi divine.

Système total, l’islam rejette l’idée de la disjonction du politique et du religieux, principe d’origine chrétienne né du fameux : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Fondatrice de ce qui est appelé en France la laïcité, cette disjonction a été la source d’où a pu naître la liberté de l’individu, avec toutes ses conséquences positives : esprit critique et liberté de l’esprit, tolérance, progrès intellectuel et pensée scientifique, progrès technique et enrichissement de la société. Tout cela est issu de la dualité chrétienne entre les pouvoirs temporel et spirituel.

Au contraire, pour l’islam, le sacré englobe le profane. La légitimité de l’État résulte exclusivement de son action au service de l’islam. Et dans les pays musulmans où a été instaurée une sécularisation de l’État – Turquie, Indonésie –, elle est aujourd’hui menacée par une forte réislamisation des esprits.

Les religions ont des effets très différents sur la sécularité de la société. Celle-ci n’est nullement menacée par les clochers et les croix des cimetières, les pardons bretons et les bénédictions de navires, les saintes vierges et les calvaires des villages, ni par les jours fériés correspondant à des fêtes chrétiennes. D’ailleurs, la disjonction du politique et du religieux étant une invention chrétienne, la croix pourrait légitimement être revendiquée comme un emblème de la laïcité, et plus généralement de la sécularité des sociétés occidentales.

On ne peut que souhaiter le maintien de la prédominance en Europe des signes religieux chrétiens. Ce sera l’indice que la sécularisation de la société engendrée par le christianisme y résiste encore.

En revanche, tout est à craindre d’un islam rendu redoutable à l’Europe par son poids démographique. La multiplication des signes islamiques dans l’espace public et la satisfaction des revendications vestimentaires, alimentaires et autres des musulmans sont lourdes de menaces pour la laïcité de l’État et la préservation de sociétés sécularisées.

Qu’avons-nous à perdre à gommer toutes les spécificités culturelles de notre société liées au christianisme ? Dans quelle mesure l’imprègnent-elles ?

Nous avons tout à perdre à gommer ces spécificités, d’autant que le vide qui en résulterait serait immédiatement investi par l’islam. Nier ces spécificités reviendrait à nier ce que nous sommes.  Dans la très longue durée, ce qui caractérise fondamentalement l’Europe, c’est son refus de l’islam pour rester un continent chrétien. Si l’Europe était devenue musulmane, le cours de l’histoire en eût été totalement changé. Le monde serait resté sous-développé, le progrès scientifique et technique ne serait jamais intervenu, il n’y aurait pas eu de développement économique ni intellectuel de l’humanité. Il n’y aurait pas eu de liberté individuelle, de liberté de l’esprit. Car tout cela a résulté de la dualité chrétienne entre les pouvoirs temporel et spirituel, et c’est en Europe occidentale que cette dualité s’est le plus pleinement accomplie. Si l’Europe était devenue musulmane, il n’y aurait certainement jamais eu de Révolution industrielle et d’invention du développement.

La prodigieuse réussite scientifique, technique, économique et sociale de l’Europe n’aurait pas pu avoir lieu si elle n’avait pas chassé de son sol les dominations musulmanes qui s’y étaient établies par la conquête (Sicile, Italie du Sud, Espagne, France méridionale, Balkans) et repoussé les grandes offensives militaires musulmanes, en dernier lieu devant Vienne voici trois siècles. C’est parce que l’Europe a su rester chrétienne qu’elle a construit des sociétés laïques, libres, tolérantes, économiquement développées, à haut niveau de vie moyen et socialement généreuses. Ces sociétés sont le produit historique de la civilisation chrétienne européenne.

C’est parce que l’Europe est demeurée chrétienne qu’elle a pu édifier une civilisation intellectuelle et technique apportant une connaissance du réel et une action sur lui qui ont révolutionné la condition humaine. Et non seulement la science née de la civilisation européenne a permis un développement sans équivalent de la puissance et de la richesse matérielles, mais encore elle a su jeter sur sa propre civilisation aussi bien que sur les autres civilisations un regard curieux et objectif qui a permis la construction d’un immense savoir universel. L’Europe a inventé aussi bien l’histoire moderne que l’anthropologie, l’archéologie ou la sociologie. Chose sans précédent, la science européenne a voulu connaître et comprendre les autres civilisations. C’est ainsi que, pour la civilisation née du creuset de l’Europe chrétienne, l’art musulman ou l’art hindou sont un objet d’étude et de dilection, au même titre que son propre patrimoine artistique.

Nous autres, Européens, nous sommes tous – athées, agnostiques, anti-cléricaux et anti-chrétiens compris – le produit historique de près de deux millénaires de chrétienté. Pour ce qui est de l’histoire, de la civilisation, des valeurs, il est bien évident que l’Europe est un héritage chrétien et ne peut le nier à peine de se renier entièrement, de perdre totalement son sens. Si l’Union européenne s’était souciée de la réalité, elle aurait placé, au centre du cercle d’étoiles de son drapeau, une croix pareille à celle du drapeau suisse : une croix qui, pas plus que celle-ci ne serait un signe religieux, mais bien l’emblème de l’histoire et de la civilisation de l’Europe.

Voir aussi:

La laïcité, cette invention spécifiquement chrétienne

Le christianisme a inventé la distinction du sacré et du profane, du religieux et du politique, du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Cette distinction est le fondement même de la civilisation chrétienne, ce qui la distingue des autres. Extraits de « Le vrai génie du christianisme » (1/2).

Bonnes feuilles
Atlantico
24 Novembre 2012

« Qu’elles veuillent l’admettre ou non, les sociétés occidentales sont chrétiennes. La laïcité est une invention spécifiquement chrétienne. Le christianisme a inventé la distinction du sacré et du profane, du religieux et du politique, du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Cette distinction est la marque spécifique et le fondement même de la civilisation chrétienne. C’est ce qui rend celle-ci profondément différente des autres civilisations, à commencer par celle qui se pose actuellement comme sa grande rivale : la civilisation islamique.

La disjonction chrétienne du politique et du religieux constitue la source du succès de l’Occident. C’est d’elle qu’est née la liberté de l’individu, laquelle est à l’origine non seulement des libertés publiques européennes mais encore de la dynamique occidentale. C’est en effet à la désintrication du spirituel et du temporel, à la dissociation du sacré et du profane, qu’il faut rapporter l’invention par l’Europe occidentale – et non par d’autres grandes civilisations – du progrès technique et du développement économique, dont bénéficie aujourd’hui une grande partie de l’humanité. L’avènement de la science et de la technique moderne est certes un miracle européen, mais plus profondément encore un miracle chrétien.

1. L’identité chrétienne des sociétés occidentales

Le thème des racines chrétiennes de l’Europe n’a pas bonne presse dans l’intelligentsia. Leur évocation suscite, comme l’a noté Jean de Boishue, « une levée de boucliers » de la part de ceux « qui tiennent le christianisme pour une espèce de maladie infantile ». Pourtant, la présence du christianisme dans les sociétés européennes est encore plus forte que cela. Ce n’est pas seulement du passé qu’il s’agit, mais bel et bien du présent. Ce n’est pas seulement de nos racines chrétiennes qu’il s’agit, mais – hic et nunc – de la nature chrétienne de nos valeurs, qui relèvent de manière évidente d’un christianisme sécularisé.

Nous verrons à la fin de ce livre que la sécularisation de ces valeurs d’origine évangélique et surtout la volonté de les traduire en règles de droit n’ont pas été sans les dénaturer, produisant ainsi de graves effets pervers funestes pour les nations concernées6. Mais, pour l’heure, il ne s’agit que d’identifier le caractère indubitablement chrétien des pays européens.

 Le christianisme, matrice des valeurs de l’Occident

Il est désormais bien connu que le christianisme a été historiquement la matrice des valeurs de la modernité démocratique : individualisme, égalité, solidarité, valorisation de la femme, droits de l’homme, etc. Ce sont là des valeurs inventées par le christianisme, qui ont été ensuite sécularisées au fur et à mesure que le monde occidental devenait « laïc et désenchanté », si bien que Luc Ferry considère que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 24 août 1789 « n’est bien souvent pas autre chose que du christianisme laïcisé et rationalisé ». C’est d’ailleurs ce que pensaient déjà à la fin du XIXe siècle les fondateurs de la laïcité française.

 […]

 Le christianisme est à l’origine du développement économique intervenu depuis deux siècles, et donc de l’enrichissement du monde. Certes, rien n’est plus loin des intentions manifestées par le Christ, rien n’est plus éloigné de son refus d’agir sur le monde. Le christianisme est une religion sans projet terrestre, qui n’a en conséquence jamais eu la volonté d’apporter le progrès technique, l’enrichissement de la société, l’élévation des niveaux de vie, le bien-être matériel. Et pourtant, historiquement, il a apporté tout cela.

Sans le christianisme, nous piocherions tous la terre comme dans les civilisations anciennes. Celui qui est aujourd’hui ingénieur, cadre commercial, haut fonctionnaire ou général, n’a pas conscience que, sans le progrès technique et le développement économique permis par lui, il serait presque fatalement un paysan vivant durement et pauvrement. Le grand économiste français Jean Fourastié l’a noté cum grano salis : « Le haut fonctionnaire d’aujourd’hui […], s’il se pense vivant en 1820 […], ne pense pas un seul instant [que], vivant dans une société pauvre, il aurait eu au moins neuf chances sur dix d’être paysan pauvre. » Au lieu de quoi, du fait de l’enrichissement de la société, il est cadre, car « c’est une loi du progrès
technique de multiplier les cadres ».

Le lien historique entre christianisme occidental et développement

Bien que le thème soit relativement peu présent dans la pensée actuelle, le lien entre le christianisme et l’invention du développement économique se rencontre chez plusieurs auteurs importants. Dès les années 1930-1940, le grand historien anglais Christopher Dawson insistait sur l’« importance
primordiale [du] facteur religieux » comme explication de la suprématie matérielle des nations occidentales sur le reste du monde. Le fait « qu’un petit groupe de peuples de l’Europe occidentale ait pu acquérir dans un laps de temps relativement court le pouvoir de transformer le monde et de s’émanciper de la dépendance millénaire qui maintenait l’homme soumis aux forces naturelles » ne résultait pas « d’un héritage propre  à un type biologique particulier ». Dawson était parvenu à la conclusion que c’était la religion chrétienne qui constituait la cause de « l’évolution particulière de l’homme d’Occident».

Voir également:

Le décollage de l’Occident a entraîné le déclassement de la civilisation musulmane
Jean-Louis Harouel explique comment le monde musulman s’est trouvé dépassé par une civilisation chrétienne occidentale qui a connu un progrès fulgurant. Extrait de « Le vrai génie du christianisme » (2/2).
Gagnant-perdant
Jean-Louis Harouel
Atlantico
25 Novembre 2012

Le fait que ce soit la civilisation chrétienne occidentale et non la civilisation musulmane qui ait inventé le progrès technique et le développement économique est d’autant plus étonnant que la première souffrait au départ d’un très lourd handicap par rapport à la seconde, laquelle partait avec une colossale avance. En effet, elle a directement bénéficié d’un prodigieux capital intellectuel, auquel la chrétienté occidentale n’a eu accès que bien plus difficilement et beaucoup plus tard. Car l’islam s’est emparé de la partie restée riche et hautement civilisée du monde antique, tandis que sa partie occidentale européenne avait été appauvrie et désorganisée par les crises politiques et économiques ainsi que par deux siècles de conquête par les barbares. Le christianisme s’est trouvé pour une bonne part cantonné dans la partie barbarisée et déculturée du monde romain. Il se trouvait dans une situation peu enviable au regard de celle de l’islam, qui avait raflé en quelques années toute une série de provinces romaines en bon état de marche, avec leurs élites du savoir et leur vie intellectuelle intactes. Le pouvoir impérial arabe s’est substitué au pouvoir de l’empereur romain d’Orient dans des territoires restés riches et intellectuellement actifs.

Au même moment, le christianisme du Haut Moyen Âge vit sur les ruines du monde antique. La civilisation urbaine a quasiment disparu. L’une des villes mérovingiennes les plus importantes, Reims, n’a que 6.000 habitants. Parallèlement, l’héritage intellectuel antique est quasi perdu. Le christianisme occidental est un monde sinistré, qui repart de très bas, alors que l’islam s’est emparé de la partie du monde gréco-romain restée à un haut niveau de civilisation, avec une civilisation urbaine restée florissante. L’empire islamique va bénéficier de tout cela, l’entretenir, vivre sur ce fabuleux capital intellectuel et scientifique, le compléter et l’enrichir ponctuellement, principalement en complétant la science de la Grèce par celle de la Perse et celle de l’Inde (les fameux chiffres « arabes », etc.).

[…]

Mais l’islam ne va pas aller au-delà. Le savoir antique tant européen qu’asiatique fut pour lui un point de départ et un point d’arrivée, dans une version médiévale qui l’enrichit quelque peu. Des « progrès significatifs » furent obtenus dans des domaines « qui n’exigeaient aucune base théorique », tels que « certains aspects de l’astronomie et de la médecine ». Du moins dans un premier temps, car graduellement « même cette forme de progrès cessa ».

[…]

Le spectaculaire décollage de l’Occident eut pour conséquence le déclassement de la civilisation musulmane – tout comme d’ailleurs celui des autres grandes civilisations telles que la Chine et l’Inde. Contrairement à l’idée communément admise, il ne semble pas y avoir eu de crise du monde islamique. Il s’est seulement trouvé dépassé par une civilisation chrétienne occidentale qui a connu un progrès fulgurant. Au sein du monde musulman, on a mis beaucoup de temps à en prendre conscience et à l’admettre. Selon Bernard Lewis, il faut attendre pour cela le voyage effectué en en Prusse en 1790 par l’ambassadeur ottoman Azmi Effendi : « Le premier, il écrit que la faiblesse de son pays n’est pas due à une décadence morale et religieuse comme le prétendent les mémorialistes ottomans, mais à la force acquise par les Européens. »

Il n’y a pas eu de crise du monde musulman, mais une stagnation, une immobilité, conforme à son génie. Cette fixité est à mettre en rapport, souligne Jacques Ellul, avec le fait que « la doctrine tout entière de l’Islam (y compris sa pensée religieuse) a pris un aspect juridique ». Or, « le juridique a une orientation très nette : fixer »117. L’immobilité du monde musulman évoque la stabilité millénaire de la civilisation égyptienne, qui fascinait tant Platon. L’islam a manifesté une exceptionnelle aptitude à se mobiliser pour conquérir, et pour conserver ses conquêtes. L’islam est une civilisation conquérante, guerrière, normative. Par la conquête, l’islam a raflé un prodigieux patrimoine matériel et intellectuel. Il en a joui – ce fut la fameuse civilisation islamique classique –, mais il ne l’a guère développé. Il n’y a pas eu de déclin islamique, mais un déclassement islamique. Alors qu’une civilisation progresse spectaculairement comme l’a fait la civilisation chrétienne occidentale, quand les autres civilisations restent immobiles, c’est comme si elles reculaient.

Voir encore:

Ce que révèle l’élection de Sadiq Khan à la mairie de Londres
Alexandre Devecchio
Le Figaro
06/05/2016
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Sadiq Khan, candidat travailliste à la mairie de Londres, est devenu le premier maire musulman d’une grande capitale occidentale. Essayiste française, Laetitia Strauch-Bonnart habite à Londres. Elle décrypte les raisons d’une victoire très symbolique.
Laetitia Strauch-Bonart a été chercheuse dans un think tank français. Elle vit à Londres où elle prépare un PhD en histoire sur les penseurs conservateurs et les questions morales après 1945. Vous avez dit conservateur? est son premier essai.

Sadiq Khan, candidat travailliste à la mairie de Londres est devenu le premier maire musulman d’une grande capitale occidental. Cela est-il un symbole important en Grande-Bretagne?

Laetitia Strauch Bonnart: Cette victoire reflète le profond changement démographique qui s’est opéré en Grande-Bretagne et surtout à Londres depuis les dernières décennies, puisque les musulmans représentent aujourd’hui 12,4% de la population de la capitale, une proportion qui croît d’ailleurs bien plus vite que celle des autres communautés.

Cependant, le fait même de se concentrer sur l’identité religieuse de Khan pose problème: c’est réduire la politique à une «politique d’identités», où l’origine et l’appartenance comptent davantage que les programmes politiques. C’est aussi penser que les électeurs se déterminent en fonction de ces identités, alors que la victoire de Khan a certainement d’autres facteurs, à commencer par la faiblesse de son principal opposant conservateur, Zac Goldsmith. En réalité, dans les derniers mois, la focalisation du débat électoral sur les questions d’origine, voulue ou non, a empêché d’évoquer les vraies questions importantes pour la ville, à commencer par l’immobilier et le manque criant de logements pour une population en constante croissante. Aucun des candidats principaux, que ce soit Khan ou Goldsmith, n’a proposé le semblant d’une solution crédible à ce sujet!

Sadiq Khan est le fils d’un conducteur de bus pakistanais. Ses origines culturelles et sa religion ont-elles joué un rôle dans cette élection? Lequel?

En effet, elles ont joué un rôle, même s’il reste difficile à quantifier. Il est impossible de ne pas être sensible à l’histoire de Khan, qu’on partage ou non ses idées: fils d’un conducteur de bus pakistanais, il a grandi dans une council house (un HLM) et fait son chemin dans l’école d’Etat, gratuite, jusqu’à devenir avocat spécialiste des droits de l’homme. Sa «success story» est exemplaire. Ensuite, la campagne de Khan a elle-même énormément mis l’accent non seulement sur son origine sociale, mais aussi religieuse. Ses prospectus ont parfaitement joué sur ce registre, et ont fait pleurer dans les chaumières comme il se doit. Et je dis cela sans condescendance: je suis la première, à la vue de ces prospectus, à avoir admiré le parcours et l’homme, et senti la force de la méritocratie à l’œuvre… On voit ici la puissance du storytelling moderne. En face de Khan, vous trouviez un conservateur, fils de milliardaire – les commentateurs sceptiques ne manquent pas de le rappeler dès qu’ils le peuvent -, formé à Eton, l’école privée la plus emblématique, arborant toujours le même costume bleu distingué, sa «classe» se lisant sur son visage et dans le moindre de ses gestes. Deux images du Royaume-Unis se sont opposées dans cette bataille, jusqu’à la caricature.

Sauf qu’on ne peut pas fonder son choix politique, à mon sens, sur ces seuls éléments. Or curieusement, l’origine semble avoir aujourd’hui un effet important sur les opinions des électeurs, et un effet en ciseaux: catalyseur de sympathie quand elle est modeste, elle est de plus en plus critiquée quand elle est aisée. Autrefois, l’appartenance à l’establishment aurait suffi pour faire élire Golsmith, et c’est une bonne chose que ce ne soit plus le cas, car en l’occurrence son programme n’était pas suffisamment solide. Cependant, ses origines ont clairement joué en sa défaveur, beaucoup lui reprochant simplement d’être fils de milliardaire. Pour plaire aujourd’hui, il vaut mieux un héritage de déshérité, une histoire personnelle faite de difficultés et d’ascension sociale. Qu’on trouve cela ridicule ou non, c’est l’esprit du temps, et Goldsmith n’est pas du bon côté!

Dans l’ensemble, cependant, les origines de Khan ont joué un rôle autant négatif que positif. Elles lui ont apporté du soutien et de la sympathie chez les électeurs et les médias de gauche ; dans le même temps, l’ «identitarisation» relative de cette élection a excédé beaucoup d’électeurs. De fait, le soupçon est toujours présent que la gauche joue trop sur les identités, et cela peut avoir des effets négatifs. Par exemple, une petite minorité, au sein du Labour, montre une certaine tolérance à l’égard de l’antisémitisme. Les récentes déclarations de Ken Livingstone, l’ancien maire de la ville, qui a fait de Hitler un sioniste, l’ont bien montré. Même si Khan a aussitôt condamné Livingstone, l’épisode a été dévastateur pour le Labour et a quelque peu nui à la campagne de Khan, d’autant qu’il y a dix ans, Khan et Livingstone avaient des opinions bien plus proches, notamment sur Israël. La politique identitaire est toujours à double tranchant.

Sadiq Khan a été accusé d’affinité avec les islamistes. Est-ce le cas? Ce soupçon a-t-il pu jouer en sa défaveur?

Il est très difficile de répondre à cette question. Les activités professionnelles de Khan – il était avocat spécialiste des droits de l’homme – l’ont, dit-il, mené à côtoyé des représentants de l’islam radical, voire à dialoguer avec eux lors de débats. Mais comment distinguer ses obligations professionnelles d’une possible tolérance indue?

On observe surtout un changement d’attitude depuis dix ans. En 2004, il a par exemple participé, en tant que candidat à la députation pour le Labour, à une conférence avec cinq extrémistes islamistes, organisée par Friends of Al-Aqsa, un groupe pro-palestinien qui a publié des travaux du révisionniste (selon les termes du Guardian) Paul Eisen. A cet événement, les femmes devaient emprunter une entrée distincte des hommes! La même année, président des affaires juridiques du Muslim Council of Britain, il a participé à la défense de l’intellectuel musulman Dr Yusuf Al-Qaradawi et nié le fait que celui-ci soit un extrémiste. Il est pourtant l’auteur d’un livre, The Lawful and Prohibited in Islam, où il justifie la violence domestique à l’égard des femmes et soutient les opérations martyres contre les Israéliens.

Cependant, pendant la campagne électorale, Khan n’a cessé de condamner l’extrémisme, et demandé la suspension de Livingstone après ses remarques antisémites. Il est aussi haï par certains radicaux car il soutient le mariage gay. Ce changement d’attitude est-il pure tactique ou est-il sincère? Inversement, sa supposée proximité ancienne avec certains radicaux était-elle sincère, où là encore tactique? Dans tous les cas, je ne crois pas que Khan cautionne l’extrémisme. En revanche, il représente une voix assez commune à gauche – surtout dans ce que j’appelle «la gauche du ressentiment» représentée par Corbyn, que Khan a d’ailleurs soutenu en septembre dernier pour son élection à la tête du Labour: celle qui consiste à expliquer les attitudes des extrémistes et des terroristes par la seule et unique faute de l’Occident. Ainsi en 2006, élu député, Khan était l’un des signataires d’une lettre au Guardian qui attribuait la responsabilité des attentats terroristes – comme celui du 7 juillet 2005 à Londres – à la politique étrangère britannique, notamment son soutient à Israël. Cette position et l’ambiguïté passée de Khan ont forcément créé un soupçon en sa défaveur.

Londres est-elle la ville du multiculturalisme heureux?

Oui et non! Tout dépend ce que vous entendez par multiculturalisme. Si vous pensez à la diversité des nationalités représentées à Londres, il y a en effet quelque chose d’admirable dans cette ville et sa capacité à faire vivre ensemble des personnes d’origines différentes.

Mais quand on parle multiculturalisme en Europe aujourd’hui, on le prend dans un sens plus politisé, celui de la complexe relation entre la population d’origine, chrétienne ou athée à coloration chrétienne, et les populations plus ou moins récentes de confession musulmane. En Grande-Bretagne, en apparence, tout se passe bien. Les musulmans modérés sont tout à fait intégrés. Ce qui est assez problématique – comme dans d’autres villes européennes -, c’est l’existence de quartiers entiers où le séparatisme identitaire est visible. C’est le cas dans l’Est de London, notamment dans le borough de Tower Hamlets. 30% de la population y est musulmane, concentrée dans des council houses. En 2014, l’ancien maire, Lutfur Rahman, a été limogé après des soupçons de fraude et de favoritisme communautaire. A Tower Hamlets, beaucoup de femmes sont voilées de pied en cap, suivies de près par leurs maris. La difficulté qui en découle est à la fois anecdotique et majeure: vous ne pourriez pas, si vous en aviez envie, engager la conversation avec elles, car ce voile crée une barrière. Situation rare en France, elle est très fréquente ici. Et pourtant ce quartier abrite l’une des meilleures universités de Londres, Queen Mary University, qui brasse des étudiants du monde entier. Les populations se côtoient donc sans se parler, sans se connaître. Difficile d’y voir un multiculturalisme heureux – ni malheureux d’ailleurs: c’est bien plutôt un multiculturalisme de l’indifférence.

L’insécurité culturelle que traverse la France est-elle aussi une réalité en Grande-Bretagne?

Les Britanniques ne parleraient jamais, comme nous le faisons, d’ «insécurité culturelle». A mon sens, l’insécurité culturelle à la française vient autant du sentiment d’une menace extérieure que d’une perte de confiance dans notre propre modèle. Les Britanniques, malgré la présence de cette «gauche du ressentiment», sont moins enclins au dénigrement de soi. Ensuite, leur interprétation des faits diverge de la nôtre. Beaucoup de Britanniques ne voient aucun mal à la séparation que je viens de vous décrire – pour eux, il s’agit simplement de l’expression de la volonté de certains musulmans attachés à leurs traditions. Tant qu’ils respectent la loi, pourquoi leur en vouloir? Pendant longtemps, la mise en garde vis-à-vis d’une supposée trop faible intégration des musulmans est restée l’apanage des conservateurs britanniques les plus traditionalistes.

Le multiculturalisme commence cependant à perdre de son lustre. Deux séries d’affaires retentissantes, depuis 2014, ont bouleversé le pays: d’abord celle du «Trojan Horse» en 2014 et 2015, où furent découvertes des tentatives concertées de mettre en œuvre, dans plusieurs écoles de Birmingham, une philosophie et des pratiques islamistes ou salafistes.

Pire, on a mis a jour dans les dernières années de nombreux cas d’abus sexuels sur mineurs, perpétrés par des «gangs» dont les membres étaient d’origine musulmane. Ce fut le cas à Rotherham entre 1997 and 2013, où 1400 jeunes filles ont été violées. Cinq hommes d’origine Pakistanaise ont été condamnés. On a découvert des horreurs similaires à Rochdale, Derby et Telford. Le cas le plus récent est celui d’Oxford, où un groupe de sept hommes, entre 2006 et 2012, a exploité sexuellement 300 mineures, avec une violence parfois épouvantable.

La multiplicité des cas est frappante. Surtout, tous les membres des gangs étaient à chaque fois d’origine musulmane, et les jeunes filles – âgées parfois de 12 ans – blanches. C’est pourquoi depuis 2014, date où les premiers rapports officiels ont été publiés, on s’interroge sur une éventuelle motivation ethnique des agresseurs. Par ailleurs, dans de nombreux cas, on a constaté que la police et les conseils locaux avaient tardé à prendre au sérieux les plaintes des victimes, quand ils ne leur riaient pas tout simplement au nez. Aujourd’hui, les autorités émettent sérieusement l’hypothèse que cette timidité et ce déni pourraient provenir de la crainte de la police et des conseils locaux de se voir, à l’époque, accusés de racisme. Ces épisodes sont absolument dramatiques, et en même temps, ils sont peut-être le début d’une prise de conscience salutaire que la tolérance multiculturelle s’est muée, dans certains cas, en aveuglement.

Voir enfin:

Laïcité : l’AMF demande plus de neutralité aux maires
Bernard Gorce
La Croix
18/11/2015

L’association des maires de France (AMF) présente ce mercredi 18 novembre un « vade-mecum » qui entend éclairer les élus sur leurs relations avec les cultes et leurs réponses aux demandes religieuses.

L’association des maires de France (AMF) présente en fin de matinée, ce 18 novembre, les suites de son travail lancé il y a un an sur la laïcité. Leur « vade-mecum » se veut un mode d’emploi très pratique à l’intention de tous les élus dans lequel sont abordées des questions aussi variées que sensibles, comme les tenues scolaires ou la présence des élus aux cérémonies religieuses.

En juin dernier, le président de l’AMF François Baroin (LR) et le vice président André Laignel (PS) avaient déjà formulé des propositions en faveur de la laïcité, à partir des réflexions d’un groupe de travail dirigé par leurs confrères Gilles Platret (LR) et Patrick Molinoz (PRG).

Lors de cette présentation, les responsables avaient tenu des propos très fermes sur la laïcité, n’appréhendant le fait religieux et la présence des cultes que sous l’angle de la défiance. « Ces dernières années, il y a eu toute une série d’accommodements avec la laïcité qui ont conduit à une dérive, expliquait André Laignel (PS) premier vice-président de l’AMF. Certains de nos collègues sont perdus, ils ont besoin d’être confortés. »

Les élus invités à ne pas manifester leurs croyances

Dans cet esprit, le document présenté aujourd’hui formule un certain nombre de prescriptions très précises. Par exemple, le vade-mecum suggère aux élus quelle attitude adopter à titre personnel : « L’AMF invite les élus, dans leur action publique, à s’abstenir de faire montre de leurs propres convictions religieuses ou philosophiques (…) Dans ce cadre, la participation à des cérémonies religieuses, en tant qu’élu, devra se faire dans le strict respect de la neutralité républicaine, c’est-à-dire sans manifestation de sa propre croyance ou non croyance ».

Le document va loin dans les détails : ainsi il rappelle que le fait de ne pas se déchausser dans une mosquée peut représenter « une offense grave vis-à-vis de cette religion » et donc une « entorse à la laïcité ». Le port d’une kippa dans une synagogue relève en revanche d’un « simple usage », précise le document.

Une passion de Bach

L’association invite aussi les maires à respecter la pluralité de l’offre culturelle : ainsi, « la programmation culturelle d’une commune peut naturellement comporter des moments artistiques à connotation religieuse (exemple, en matière musicale : un concert de musique soufie, de musique juive, de Gospel ou une messe de la passion de Bach.) mais à condition de respecter équilibre et diversité. »

Le document met en garde les maires contre de « potentielles entorses à la laïcité dans le cadre du soutien apporté à des manifestations considérées comme traditionnelles (processions, tromenies (Les pardons en Bretagne NDLR), baptêmes de navire, bénédiction de bâtiments…) ».

Une loi contre les crèches dans les mairies

Enfin sur le dossier de l’installation de crèches de noël dans les bâtiments publics, qui a donné lieu ces derniers mois à plusieurs décisions de justice contradictoires, l’AMF prend une position de principe : leur présence dans l’enceinte des mairies n’est pas « compatible avec la laïcité ».

Sur ce point, constatant qu’une jurisprudence « non concordante (…) nuit à la compréhensionde la laïcité », l’AMF a interpellé le ministre de l’intérieur, en charge des cultes et estime souhaitable « une clarification législative ».

Des « tenues homogènes » dans les écoles

À côté de ces prescriptions, l’AMF formule aussi plusieurs demandes : elle alerte l’Ordre des médecins du problème de certificats médicaux de complaisance délivrés pour permettre à des filles de ne pas participer à certaines activités. Le Vade-mecum « suggère qu’il soit éventuellement fait appel à un avis du médecin scolaire ».

L’association, relevant la difficulté des maires « devant la déscolarisation d’un certain nombre d’enfants, et surtout de filles, dont le nombre irait croissant » a « alerté les pouvoirs publics » pour demander un renforcement des contrôles sur « ce phénomène très préoccupant ».

Le document précise aussi que l’AMF a « évoqué avec le ministre en charge de l’éducation nationale l’idée du port de tenues homogènes marquant l’appartenance à l’établissement scolaire ».

Enfin, concernant la petite enfance, l’AMF a saisi la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) et l’association des départements de France (ADF). Elle s’inquiète d’une application différente des règles de la laïcité pour les assistants maternels selon qu’ils exercent dans une crèche familiale publique (le devoir de neutralité s’impose), une crèche privée ou à domicile (l’obligation de neutralité ne s’exerce pas).

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PLUSIEURS NOUVEAUX OUTILS POUR LES COMMUNES

– Créé à l’automne 2014, le groupe de travail laïcité de l’Amf compte une quarantaine de membres. Le vade-mecum est consultable sur le site www.amf.asso.fr (onglet « dossier »).

– Le Centre national de la fonction publique territoriale a réalisé en juin, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et l’Observatoire de la laïcité, un ouvrage intitulé « Les fondamentaux de la laïcité et les collectivités territoriales » : sur le site www.cnfpt.fr (onglet « s’informer »)

– L’observatoire de la laïcité vient de réactualiser un guide intitulé « laïcité et collectivités locales ». Sur le site  : http://www.gouvernement.fr/observatoire-de-la-laicite (onglet « documents »).

L’Association des maires de France relativise la portée de son « vade-mecum » de la laïcité
M.M avec AFP
La Croix
27/11/2015

L’Association des maires de France (AMF) a tenu à préciser le 26 novembre que son « vade-mecum », vivement critiqué et traitant notamment de la présence des crèches de Noël dans les bâtiments publics, visait « simplement à aider les maires » et qu’il ne comportait « aucune valeur contraignante ».

« Sur ce dossier sensible et complexe (la laïcité, ndlr), la démarche de l’Association des maires de France (AMF) vise simplement à aider les maires en leur donnant toutes les informations possibles et à les alerter sur d’éventuels risques juridiques », a précisé l’association présidée par François Baroin (Les Républicains) dans un communiqué du 26 novembre.

Ces précisions de l’AMF interviennent au lendemain d’une montée au créneau de plusieurs élus LR et de l’extrême droite suite à la publication d’un « vade-mecum » répertoriant les bonnes pratiques en matière de laïcité et demandant davantage de neutralité aux maires.

Ainsi, Xavier Bertrand, tête de liste aux régionales en Nord-Pas-De-Calais Picardie, ou l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer, se sont élevés contre ce texte. « Nous n’avons pas à nous excuser de qui nous sommes », avait notamment déclaré M. Bertrand.

De son côté le maire de Nice Christian Estrosi (LR) avait défendu sa sainte famille vivante sur une place de la ville, au nom d’une « tradition immémoriale ». Au pays des santons, le député LR du Vaucluse Julien Aubert a déposé des propositions de loi pour « défendre le folklore provençal et l’installation des crèches de Noël », au moyen de dispositions devant compléter la loi de 1905. Le député-maire LR d’Ajaccio Laurent Marcangeli évoquant une « tradition séculaire » fera aussi installer une crèche à la mairie.

Une jurisprudence ‘discordante’

À l’extrême droite le maire de Béziers (Hérault) Robert Ménard, proche du FN, avait promis une crèche de la Nativité « encore plus belle » que l’an passé.

Et les maires varois FN de Cogolin, Fréjus et du Luc-en-Provence, respectivement Marc-Etienne Lansade, David Rachline et Patricia Zirilli, avaient annoncé mercredi leur départ de l’AMF qui, selon ces élus, « bafoue la culture et les traditions » françaises.

Une pétition a été lancée par le député Républicain Hervé Mariton pour demander le retrait du vade-mecum. De son côté, Jean-Frédéric Poisson, du parti démocrate-chrétien, a affirmé que la pétition de sa formation politique en faveur de la présence des crèches dans les mairies avait recueilli près de 89000 signatures.

Mais si l’AMF relativise la portée de ses conseils, pas question pour autant de revenir sur le fond. Dans son communiqué, l’Association rappelle qu’elle évoquait dans son vade-mecum « la nécessité d’appliquer la règle définie à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui proscrit “tout signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit” », et ainsi que « la présence de crèches de Noël dans l’enceinte des mairies n’est pas », de son point de vue, « compatible avec la laïcité ».

Le texte « n’a bien évidemment aucune valeur contraignante, chaque conseil municipal étant libre de ses choix », explique le communiqué, il avait vocation à « nourrir un important débat sur la laïcité prévue en ouverture » du 98e congrès de l’AMF.

L’association des maires de France souligne une fois encore que la jurisprudence est « discordante sur ce sujet », ce pourquoi elle avait « interpellé le ministre de l’Intérieur (le 1er juillet 2015) sur l’hétérogénéité actuelle des jurisprudences qui nuit à la compréhension de la règle par les élus et les citoyens. »

Voir par ailleurs:

Résolution de l’UNESCO sur le Mont du Temple : la France complice d’un mensonge

  • Bernard Hadjadj
  • Le Figaro
  • 02/05/2016

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le conseil exécutif de l’UNESCO a adopté une nouvelle résolution condamnant la politique de l’Etat hébreu. La France a voté pour. Un des anciens directeurs de l’organisation, Bernard Hadjadj s’étonne de cette prise de position.


Bernard Hadjadj est directeur de l’UNESCO à la retraite.


L’UNESCO est atteinte de deux maux qui risquent de la perdre: le reniement et le déni. Reniement de sa raison d’être en fermant les yeux sur l’éducation à la haine de certains de ses Etats membres, déni de l’histoire en amputant le peuple juif de son identité historique et culturelle.

On commencera par rappeler la profession de foi de l’UNESCO à travers le préambule de son Acte constitutif et l’article premier de sa Charte:

«Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix.»

«L’Organisation se propose de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples.»

L’Organisation se renie, se fait parjure lorsqu’elle ferme les yeux sur la propagation de la haine dans les manuels scolaires de la plupart des pays arabo-musulmans et de la Palestine.

En Arabie saoudite, à la question (manuel sur le monothéisme, niveau 10, p.10): «Est-il permis d’aimer les juifs et les chrétiens»? La réponse est rédigée comme suit: «Il est interdit de se lier d’amitié avec les infidèles, de les soutenir ou de les aider par un quelconque moyen

Les ouvrages scolaires en Palestine ne sont pas en reste. On y retrouve tous les mythes antisémites. Par exemple, dans un manuel dédié à l’étude du Coran [Grade 11 (1996) p. 116]:

«… pour cette raison, les juifs ont été connus parmi les peuples comme étant avides, avares, lâches, faibles, envieux et humiliés. Si vous pénétrez profondément dans leur âme, vous y découvrirez hostilité, haine, penchant pour la corruption…»

Comment donner crédit à une Organisation qui tout en développant des programmes d’éducation à la paix et à la tolérance accepte que ses Etats-membre profèrent la haine? En rejoignant l’UNESCO les pays signataires ont adhéré aux fondements éthiques de l’Organisation tout en s’engageant à les mettre en œuvre notamment par l’éducation.

La toute première priorité de l’Organisation aurait dû être de s’assurer du respect de sa raison d’être en veillant au contenu éducatif des manuels scolaires de tous ses Etats membres. Hélas, il n’en a rien été, ce qui a ainsi contribué à décrédibiliser une organisation porteuse pourtant de nobles idéaux.

Reniement de ses valeurs lorsqu’il s’agit des pays arabo-musulmans, mais intransigeance lorsque Israël censure des contenus éducatifs qui appellent à sa destruction. Israël est ainsi condamnée em ces termes par la résolution 38C/72 et la décision 197 EX/33 concernant les institutions éducatives et culturelles dans les territoires arabes occupés:

«Le Conseil Exécutif prend note avec une vive préoccupation de la censure pratiquée par Israël sur les programmes d’enseignement scolaires et universitaires palestiniens à Jérusalem-Est, et prie instamment les autorités israéliennes de mettre immédiatement fin à cette censure.»

Maison des cultures du monde, de la pensée critique, du dialogue, l’UNESCO, dont un des grands programmes est consacré aux sciences sociales et humaines, joue dangereusement à réviser l’histoire, à se complaire dans un déni de réalité.

Dans la pure tradition des révisionnistes, elle a fini par dénier tout lien entre le peuple juif et Jérusalem. Fin octobre 2015, par la décision 185 EX/15, elle a classé le caveau des Patriarches et la tombe de Rachel comme sites musulmans et palestiniens, et exigé qu’Israël les retire de son patrimoine national. Mais elle vient de franchir un pas supplémentaire dans le négationnisme. Le mois d’avril 2016 pourra être retenu dans son histoire comme le jour où le Conseil Exécutif, en grand falsificateur, a dénié tout lien entre les juifs, le Mont du Temple et le mur Occidental. Cette résolution 199 EX/19 a été adoptée par 33 pays, et parmi eux la France (mais pas l’Allemagne, l’Angleterre, l’Irlande du Nord ni les Etats-Unis, qui ont voté contre). Ainsi nos «Lumières» s’estompent sous un épais voile de fumée. Et l’on se demande s’il ne faudrait pas recommander aux Etats-membres de l’UNESCO de promouvoir maintenant une résolution visant carrément à supprimer dans l’Histoire de l’humanité (éditions Unesco) tous les passages relatifs à la présence juive à Jérusalem et dans le royaume de Judée.a

Conscience intellectuelle des Nations, l’UNESCO est devenue une organisation sous influence, s’inscrivant dans la pure tradition des totalitarismes du XXème siècle. Perdant ainsi sa légitimité, a-t-elle encore sa raison d’être?


Edward Saïd: Celui qui ferma les yeux de l’Occident sur la triste réalité de l’islamisme (The continuation of antisemitism by other means: 40 years of Said and you get Ken Livingstone)

2 mai, 2016
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La danse des sept voiles a peut-être son origine dans le mythe de la déesse Ishtar et du dieu Tammuz qui appartiennent aux croyances assyriennes et babyloniennes. Selon ce mythe, après la mort de Tammuz, l’amant d’Ishtar, la déesse s’approcha des portes des enfers et voulut à tout prix que le gardien les ouvrît. Le gardien la laissa pénétrer dans le monde souterrain, en n’ouvrant qu’une porte à chaque fois. À chacune d’entre elles, Ishtar devait se dépouiller d’un vêtement, si bien qu’elle se retrouva nue après avoir passé enfin la septième porte. (…) En anglais, l’expression « faire la danse des sept voiles » est une métaphore qui désigne la révélation progressive d’une information, où l’on va d’étape en étape, quitte à faire languir ses interlocuteurs. Wikipedia
Bentley notes that the Babylonian goddess Ishtar « performed the first documented striptease » when she descended into the underworld in search of Tammuz. Ishtar had to « relinquish her jewels and robes at each of the seven gates to the underworld until she stands naked in the ‘land of no return.’ Oscar Wilde assigned this symbolic descent to the underworld of the unconscious, a ceremony that equates stripping naked to being in a state of truth, the ultimate unveiling, to Salome. » Wilde’s concept of « seven veils » is believed to be derived from the popularity of what were known as veil dances at the time. These were westernised versions of imagined Middle Eastern styles of dance. The dancer Loïe Fuller was especially associated with such dances. In 1886, Fuller appeared at New York’s Standard Theater in a show called The Arabian Nights. Wikipedia
C’est vendredi soir, le moment traditionnel où, chaque semaine, les juifs vont pleurer, en un lieu spécial concédé par les Turcs, sur les ruines de ce temple de Salomon, qui « ne sera jamais rebâti ». Et nous voulons passer, avant la nuit, par cette place des Lamentations. Après les terrains vides, nous atteignons maintenant d’étroites ruelles, jonchées d’immondices, et enfin une sorte d’enclos, rempli du remuement d’une foule étrange qui gémit à voix basse et cadencée. Déjà commence le vague crépuscule. Le fond de cette place, entourée de sombres murs, est fermé, écrasé par une formidable construction salomonienne, un fragment de l’enceinte du Temple, tout en blocs monstrueux et pareils. Et des hommes en longues robes de velours, agités d’une sorte de dandinement général, comme les ours des cages, nous apparaissent là vus de dos, faisant face à ce débris gigantesque, heurtant du font ces pierres et murmurant une sorte de mélopée tremblotante. L’un d’eux, qui doit être quelque chantre ou rabbin, semble mener confusément ce chœur lamentable. Mais on le suit peu ; chacun, tenant en main sa bible hébraïque, exhale à sa guise ses propres plaintes.Les robes sont magnifiques : des velours noirs, des velours bleus, des velours violets ou cramoisis, doublés de pelleteries précieuses. Les calottes sont toutes en velours noir, – bordées de fourrures à longs poils qui mettent dans l’ombre les nez en lame de couteau et les mauvais regards. Les visages, qui se détournent à demi pour nous examiner, sont presque tous d’une laideur spéciale, d’une laideur à donner le frisson : si minces, si effilés, si chafouins, avec de si petits yeux sournois et larmoyants, sous des retombées de paupières mortes… Des teints blancs et roses de cire malsaine, et, sur toutes les oreilles, des tire-bouchons de cheveux, qui pendent comme les « anglaises » de 1830, complétant d’inquiétantes ressemblances de vieilles dames barbues. Il y a des vieillards surtout, des vieillards à l’expression basse, rusée, ignoble. Mais il y a aussi quelques tout jeunes, quelques tout petits Juifs, frais comme des bonbons de sucre peint, qui portent déjà deux papillotes comme les grands, et qui se dandinent et pleurent de même, une bible à la main. […] En pénétrant dans ce cœur de la juiverie, mon impression est surtout de saisissement, de malaise et presque d’effroi. Nulle part je n’avais vu pareille exagération du type de nos vieux marchands d’habits, de guenilles et de peaux de lapin ; nulle part, des nez si pointus, si longs et si pâles. C’est chaque fois une petite commotion de surprise et de dégoût, quand un de ces vieux dos, voûtés sous le velours et la fourrure, se retourne à demi, et qu’une nouvelle paire d’yeux me regarde furtivement de côté, entre des papillotes pendantes et par-dessous des verres de lunettes. Vraiment, cela laisse un indélébile stigmate, d’avoir crucifié Jésus ; peut-être faut-il venir ici pour s’en convaincre, mais c’est indiscutable, il y a un signe particulier inscrit sur ces fronts, il y a un sceau d’opprobre dont toute cette race est marquée. […] Et il y en a deux ou trois, de ces vieux, qui versent de vraies larmes, qui ont posé leur Bible dans les trous des pierres, pour avoir les mains libres et les agiter au-dessus de leur tête en geste de malédiction. […]  En soi, cela est unique, touchant et sublime : après tant de malheurs inouïs, après tant de siècles d’exil et de dispersion, l’attachement inébranlable de ce peuple à une patrie perdue ! Pour un peu, on pleurerait avec eux, – si ce n’était des Juifs, et si on ne se sentait le cœur étrangement glacé par toutes leurs abjectes figures. […] Ce soir est, paraît-il, un soir spécial pour mener deuil, car cette place est presque remplie. Et, à tout instant, il en arrive d’autres, toujours pareils, avec le même bonnet à poils, le même nez, les mêmes anglaises sur les tempes ; et aussi sordides et aussi laids, dans d’aussi belles robes. Ils passent, tête baissée sur leur bible ouverte, et tout en faisant mine de lire leurs jérémiades, nous jettent, de côté et en dessous, un coup d’œil comme une piqûre d’aiguille ; – puis vont grossir l’amas des vieux dos de velours qui se pressent le long de ces ruines du Temple : avec ce bourdonnement, dans le crépuscule, on dirait un essaim de ces mauvaises mouches, qui parfois s’assemblent, collées à la base des murailles. […] Quand nous nous en allons, remontant vers la ville haute par d’affreuses petites ruelles déjà obscures, nous en croisons encore, des robes de velours et des longs nez, qui se dépêchent de descendre, rasent les murs pour aller pleurer en bas. Un peu en retard, ceux-là, car la nuit tombe ; – mais, vous savez les affaires !… Et au-dessus des noires maisonnettes et des toits proches, apparaît au loin, éclairé des dernières lueurs du couchant, l’échafaudage des antiques petites coupoles dont le mont Sion est couvert. En sortant de ce repaire de la juiverie, où l’on éprouvait malgré soi je ne sais quelles préoccupations puériles de vols, de mauvais œil et de maléfices, c’est un soulagement de revoir, au lieu des têtes basses, les belles attitudes arabes, au lieu des robes étriquées, les amples draperies nobles. Puis, le canon tonne au quartier turc et c’est, ce soir, la salve annonciatrice de la lune nouvelle, la fin du ramadan. Et Jérusalem, pour un temps, va redevenir sarrasine dans la fête religieuse du baïram. Pierre Loti (1895)
L’Asie souffre, mais sa souffrance menace l’Europe : l’éternelle frontière toute hérissée persiste entre l’Est et l’Ouest, presque sans changement depuis l’Antiquité classique. Edward Saïd
L’Asie a les prophètes ; l’Europe a les docteurs (…) Toute révélation vient d’orient et, transmise à l’occident, s’appelle tradition. Edgar Quinet
Mieux vaut les critiques d’un seul que l’assentiment de mille. Sima Qian (145-90 av. JC)
In the country of Tibet are special properties in respect of their air and water, their mountains and plains. A man there laughs and rejoices continually. Mu’jam al-Buldän (13th century)
Nous vous bénissons, nous bénissons les Mourabitoun (hommes) et les Mourabitat (femmes). Nous saluons toutes gouttes de sang versées à Jérusalem. C’est du sang pur, du sang propre, du sang qui mène à Dieu. Avec l’aide de Dieu, chaque djihadiste (shaheed) sera au paradis, et chaque blessé sera récompensé. Nous ne leur permettrons aucune avancée. Dans toutes ses divisions, Al-Aqsa est à nous et l’église du Saint Sépulcre est notre, tout est à nous. Ils n’ont pas le droit de les profaner avec leurs pieds sales, et on ne leur permettra pas non plus. Mahmoud Abbas
J’ai une prémonition qui ne me quittera pas: ce qui adviendra d’Israël sera notre sort à tous. Si Israël devait périr, l’holocauste fondrait sur nous. Eric Hoffer
Si Israël est un occupant dans son pays, le christianisme, qui tire sa légitimité de l’histoire d’Israël, l’est aussi comme le serait tout autre État infidèle. Bat Ye’or
Le révisionnisme historique va faire son entrée dans l’un des plus prestigieux festivals de cinéma au monde. Le film « Munich: A Palestinian Story » du réalisateur Nasri Hadjadj, libanais d’origine arabe palestinienne, va être projeté lors du prochain Festival de Cannes. Il ne fait toutefois pas partie du programme officiel du festival mais sera projeté en marge, dans le cadre d’un Festival du Film arabe , sous les couleurs de la « Palestine ». Le réalisateur affirme vouloir « montrer cet attentat selon la version palestinienne »!! A titre d’exemple, le film décrit les terroristes comme des « combattants de la liberté » et explique que « tout s’est terminé lorsque les forces de sécurité allemandes ont donné l’assaut, tuant cinq Palestiniens et onze sportifs israéliens ». Nasri Hadjadj explique « vouloir montrer pourquoi un tel attentat s’est produit » (avec les réponses que l’on peut imaginer), et décrit son film comme « la première réalisation documentaire palestinienne sur ces événements, qui jettera de la lumière sur beaucoup de zones d’ombres… LPHinfo
A travers la région (à quelques exceptions), des minorités non-islamiques – c’est-à-dire généralement des minorités chrétiennes – sont chassées par l’abus physique, la discrimination légale, le meurtre et la destruction ou la confiscation des maisons, des entreprises et des églises. Appelons ça nettoyage religieux. C’est une stratégie politique susceptible de donner à terme à l’Iran, l’Irak, l’Egypte et les terres saintes de la Palestine une homogénéité culturelle qui n’a jamais existé dans l’histoire humaine, avant ou après le Christ. Il y a des douzaines de groupes chrétiens avec de riches histoires, s’étendant du Syriaque antique et des églises syro-chaldéennes qui parlent toujours la langue (l’araméen) de Jésus Christ aux églises coptes en Egypte qui préservent la langue des pharaons. . . Il y a des fidèles de Jean-Baptiste en Irak et en Iran. Les Zoroastriens de l’Iran remontent peut-être à 3.000 ans. C’était sous leur puissance et influence que le grand roi de Perse, Cyrus, a mis un terme à la captivité babylonienne des enfants d’Israel. » L’Islam fondamentaliste les met tous sous pression. Beaucoup plient bagage tout simplement. L’oppression des chrétiens coptes de l’Egypte, qui constituent 10% de la population, est brutale. Pendant la semaine de Pâques en avril dernier à Alexandrie, des musulmans armés de couteaux ont attaqué des fidèles de plusieurs églises coptes… Comme d’habitude, les fonctionnaires égyptiens locaux empêchent les Coptes de reconstruire leurs églises… En Terre sainte, les populations chrétiennes de Bethlehem, Nazareth et Jérusalem ont émigré sous la coercition après des décennies où le gouvernement palestinien s’est entendu pour extorquer la propriété des propriétaires fonciers chrétiens. L’exode (et la chute des taux de natalité) des chrétiens dans le Moyen-Orient est un phénomène bien documenté et analysé depuis le siècle dernier … Les fondamentalistes islamiques ont accru et étendu leurs agressions anti-minorité – au Soudan, en Somalie, au Nigéria, en Indonésie et au Pakistan (où des membres de la minorité musulmane d’Ahmadi ont été abattus comme apostats). Le Moyen-Orient est purgé d’une diversité historiquement enrichissante dont l’existence à long terme est pratiquement condamnée. Ce qui restera est une menace homogène et auto-proclamée pour le reste du monde… les pathologies et les méthodes dirigées contre des minorités non protégées seront employées ensuite contre d’autres musulmans et gouvernements. Il n’est pas exagéré de suggérer que les violences contre ces chrétiens locaux sont perçues avec raison comme l’avenir de ce qui attend le reste du monde. Daniel Henninger
Ce qui vient de se passer à l’UNESCO tient du meurtre symbolique, ce qui n’est pas rien car c’est une fois qu’on a déshumanisé quelqu’un qu’on peut l’abattre en toute moralité, avec, ici, la garantie de la supposée «communauté internationale» et de l’agence chargée de prendre soin du «patrimoine de l’humanité»… Dans sa résolution du 16 avril 2016, le Conseil exécutif de l’UNESCO avalise une réécriture de l’histoire. On y apprend en effet que les Juifs (et pas seulement les Israéliens) sont des intrus et des étrangers dans le Pays d’Israël, qu’ils n’ont aucun lieu saint à Jérusalem, qu’il n’y a jamais eu de Temple sur le Mont du Temple (l’»esplanade des mosquées» chère à l’A.F.P.), que le tombeau des Patriarches et le mausolée de Rachel sur la route de Bethléem sont des lieux saints musulmans, et, suprême ethnocentrisme, que le «mur des Lamentations» est un lieu saint musulman, le mur d’où la jument de Mahomet s’est «envolée» vers La Mecque… Dans la nouvelle doctrine palestinienne, en effet, c’est toute la montagne et ses alentours qui constituent la «mosquée El Aksa» et pas seulement la mosquée de ce nom.Tout le Mont du Temple, y compris le «mur des lamentations» sont revendiqués comme un lieu de culte exclusivement musulman, c’est à dire interdit aux non musulmans. La présence physique des Juifs dans toutes ces enceintes profanerait leur pureté islamique: Mahmoud Abbas a fustigé il y a quelques semaines «les pieds sales» des Juifs qui foulent le Mont du Temple. L’affabulation historique est si épaisse qu’elle se transforme même en théorie du complot: Israël se voit accusé d’installer de fausses tombes juives dans des cimetières musulmans pour empêcher les musulmans d’y enterrer leurs morts! (…) C’est qu’il y a là une dimension théologique propre à l’islam dans son ensemble qui voit dans le Coran le livre originel de la révélation de sorte que les livres judéo-chrétiens ne peuvent être que sa falsification. Le récit de la Bible hébraïque qui nous rapporte l’histoire d’Israël en Terre d’Israël, la royauté et les temples de Salomon et de Néhémie à Jérusalem (autant pour les chrétiens: les pérégrinations de Jésus durant l’époque du Deuxième Temple) serait entièrement faux et biaisé. Et Jésus n’était-il pas un «Palestinien»? C’est toute une réécriture de l’histoire selon l’islam qui se joue aujourd’hui sous la dictée de l’Organisation de la Conférence Islamique, un imposant bloc d’une soixantaine d’Etats, aux directives de laquelle les puissances occidentales, parties prenantes de son programme «alliance des civilisations», se sont honteusement soumises sous le couvert du mythe de l’»âge d’or» andalou: une réécriture que l’Union Européenne met en œuvre jusque dans les manuels d’histoire de ses pays membres. Le plus grand scandale de la décision de l’UNESCO, c’est qu’il se trouve une majorité de pays pour s’aligner derrière la résolution concoctée. Qu’est-ce qui a pu motiver le vote de pays occidentaux? Soumise aux 58 membres du Conseil exécutif, la résolution compte parmi les pays qui l’ont adoptée la France, l’Espagne, la Suède, la Russie et la Slovénie, des «amis» d’Israël. Dans les votes négatifs, on recense seulement six Etats: l’Estonie, l’Allemagne, la Lithuanie, les Pays Bas, le Royaume Uni et les Etats-Unis. Une remarque s’impose: les pays d’origine protestante sont nombreux dans le camp qui a voté négativement alors que France, Espagne, Slovénie relèvent d’un univers qui fut catholique romain. Ce sont là des univers religieux dans lesquels l’»Ancien Testament» a été reconnu (protestants) ou escamoté (catholiques), des pays où la philosophie politique de la démocratie s’est inspirée d’Athènes (la réaction anti-catholique du XIX° siècle) ou de Jérusalem et de Moïse (la philosophie politique protestante des XVI° et XVII° siècles)… Les pays «contre» sont également des pays où l’identité collective et culturelle reste encore forte dans ce sens où ils n’ont pas (encore?) cédé à la réécriture «politiquement correcte» de leur histoire pour complaire aux directives de l’ «Alliance des civilisations». On atteint ici au plan des fondamentaux des civilisations, le politique touchant au métaphysique et au méta-historique… Shmuel Trigano
Said not only taught an entire generation of Arabs the wonderful art of self-pity (if only those wicked Zionists, imperialists and colonialists would leave us alone, we would be great, we would not have been humiliated, we would not be backward) but intimidated feeble Western academics, and even weaker, invariably leftish, intellectuals into accepting that any criticism of Islam was to be dismissed as orientalism, and hence invalid. (…) Relativism, and its illegitimate offspring, multiculturalism, are not conducive to the critical examination of Islam. Said wrote a polemical book, Orientalism (1978), whose pernicious influence is still felt in all departments of Islamic studies, where any critical discussion of Islam is ruled out a priori. For Said, orientalists are involved in an evil conspiracy to denigrate Islam, to maintain its people in a state of permanent subjugation and are a threat to Islam’s future. These orientalists are seeking knowledge of oriental peoples only in order to dominate them; most are in the service of imperialism. Said’s thesis was swallowed whole by Western intellectuals, since it accords well with the deep anti-Westernism of many of them. This anti-Westernism resurfaces regularly in Said’s prose, as it did in his comments in the Guardian after September 11th. The studied moral evasiveness, callousness and plain nastiness of Said’s article, with its refusal to condemn outright the attacks on America or show any sympathy for the victims or Americans, leave an unpleasant taste in the mouth of anyone whose moral sensibilities have not been blunted by political and Islamic correctness. In the face of all evidence, Said still argues that it was US foreign policy in the Middle East and elsewhere that brought about these attacks. Ibn Warraq
Amid all this intellectual and moral confusion, Ian Buruma and Avishai Margalit have deftly proposed the notion of « Occidentalism. » This is a play on « Orientalism, » the formulation advanced by the late Edward Said, whereby a society or its academics and intellectuals can be judged by their attitude to the « other. » Avishai Margalit is a professor at the Hebrew University of Jerusalem and has been very much identified with the secular and internationalist wing of the Israeli peace camp. Ian Buruma is known to a large audience for his witty and profound studies of Asia, Germany and England. Both authors had in common a friendship with, and a strong admiration for, Isaiah Berlin. … The authors demonstrate that there is a long history of anti-Western paranoia in the intellectual tradition of the « East, » but that much of this is rooted in non-Muslim and non-Oriental thinking. Indeed, insofar as the comparison with fascism can be made, it can be derived from some of the very origins and authors that inspired fascism itself. In many areas of German, Russian and French culture, one finds the same hatred of « decadence, » the same cultish worship of the pitiless hero, the same fascination with the infallible « leader, » the same fear of a mechanical civilization as opposed to the « organic » society based on tradition and allegiance. Christopher Hitchens
Il faut rappeler d’abord que le savoir moderne sur l’Orient est né de la force. L’Europe agit sur la scène théâtrale mondiale. Elle a conscience d’être un acteur qui prend la parole et domine la scène de manière conquérante. Cette conscience de supériorité, nous ne la trouvons pas chez les Orientaux. Aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, il y a eu, dans le monde arabo-islamique, une conscience locale concernant les problèmes intérieurs; cette conscience ne se prend pas pour une parole qui se diffuse et s’exporte. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas des énergies et des débats internes. Mais en tant que culture et pouvoir du mot qui résistent à la conquête, ces énergies n’existaient pas. Bonaparte a emmené dans ses bagages une équipe de savants et d’intellectuels pour mieux assimiler la logique non évidente, intérieure du peuple et de la société à conquérir. Il y a une conscience de l’identité conquérante nourrie et soutenue par une série de personnages conquérants dans l’histoire occidentale (Alexandre, César, Marc-Antoine, Auguste…). Bonaparte ne fait que poursuivre une tradition bien ancrée dans la conscience et l’histoire occidentales. Il partait en Égypte comme un nouvel Alexandre, un peu pour justifier les observations faites par Talleyrand, à propos  » des avantages à retirer des colonies nouvelles « . (…) Et pour moi cela reste inexplicable. Je ne comprends pas encore comment, pour ne parler que du monde arabe, l’Occident a réussi à le dominer. L’instinct de domination est inscrit dans l’histoire de l’Occident et non dans celle de l’Orient. Je peux l’expliquer, mais en me référant à mon histoire de Palestinien : je revois encore les immigrants juifs venant d’Europe nous repousser et s’infiltrer dans nos terres et foyers. Bien sûr il y avait une forte résistance, mais ce qui a manqué c’était la résistance systématique et dans le détail. Rappelez-vous la phrase de Weizmann :  » Another acre, another goat  » ( » Petit à petit « ). À cette politique du  » petit à petit « , très systématique et très étudiée, les Arabes n’avaient pas de réponse. Ils résistaient de manière générale ; ils ont refusé la conquête et n’ont jamais admis le fait accompli, et nous le voyons encore aujourd’hui chez les Palestiniens. Ce n’est que depuis la guerre de 1967 que la résistance palestinienne s’est adaptée à ce genre de conquête et de politique. (…) Malheureusement, je ne crois pas que j’aurais écrit ce livre si j’étais resté dans le monde arabe. Il fallait, pour en arriver à ce livre, une distance et une désorientation. C’est le livre d’un exilé. Il fallait être entre les cultures et non dans les cultures. J’ai essayé de faire l’inventaire du processus par lequel nous, Orientaux, sommes devenus  » orientaux « , c’est-à-dire image et fantasme de l’Occident. J’ai essayé de reconquérir cette partie de notre identité qui était construite, manipulée et possédée par les autres. En tant qu’universitaire américain qui enseigne la littérature anglaise et comparée, j’ai essayé de faire un travail de critique qui dépasse les limites de la  » littéralité  » pour démontrer l’affiliation entre l’écriture, les institutions de la société et le pouvoir. Donc ce livre est adressé à tous ceux de mes compatriotes, tous ceux qui ont vécu la domination politique et culturelle et qui, peut-être, ignorent les mécanismes cachés ou trop immédiats (invisibles) de la domination. Je vise les intellectuels du monde arabe qui parlent trop globalement et en général de l’Occident… et qui sont aussi fascinés par cet Occident… Je vise aussi les intellectuels occidentaux, qui se mettent à élaborer les idéologies dominantes dans leur spécialité universitaire, qui font l’éloge de la  » science  » sans avoir suffisamment la conscience critique. Je tiens beaucoup plus à ce que Marx appelle  » les armes de la critique  » qu’aux institutions de la science qui me semblent toujours prises dans une complicité mystifiée avec leurs racines sociales. (…) Ce qui est totalement négatif, pour moi, c’est la position de l’orientalisme en tant que science, et l’orientaliste en tant que spectateur d’un objet inerte, qui ne peut aboutir qu’à la situation que j’ai décrite dans mon livre. Mais ce que je veux sauver de l’orientalisme, c’est le travail de collaboration entre les hommes et les cultures, pour aboutir à une découverte collective et non à des résultats privilégiant une race sur une autre. (…) Ceux-là manifestent un esprit anticolonial et antiraciste dans leur travail. J’admire beaucoup l’érudition prodigieuse qui est basée sur un humanisme philologique. D’un autre côté, j’admire l’esprit critique et pertinent des jeunes orientalistes qui, dans leur travail, ont réagi contre les idées reçues de cette discipline. Ce que j’estime le plus, c’est surtout la conscience critique qui se réfléchit et doute. Je pense que le véritable esprit chercheur est celui qui ne cherche pas des absolus, et qui reconnaît le fait que toute interprétation implique des circonstances existentielles de travail scientifique. Il n’y a pas d’interprétation scientifique à la manière d’une science de la nature. Les sciences humaines ne sont pas des sciences naturelles. Il n’y a pas LA science qui concerne toute l’humanité. Il y a des sciences et des interprétations qui luttent entre elles pour des positions d’efficacité dominantes et  » véridiques « . Cela ne veut pas dire que toutes les interprétations sont égales, ni que toutes les interprétations sont intéressées et vulgaires. (…) [la critique de Maxime Rodinson] est une simplification et même une perversion de ce que j’ai écrit. Je suppose que personne ne puisse nier le fait que la  » science  » surgit de la société et que les circonstances (la quotidienneté de la science) sont toujours là. L’histoire de l’orientalisme et les résultats administratifs et coloniaux ont toujours été dissimulés par la rhétorique de la science. Je ne veux pas dire que la science n’est que ces circonstances et sa provenance. Ce que je dis est que la science n’est jamais absolue, mais toujours liée forcément aux besoins de la société et aux désirs de l’individu. Peut-être que Rodinson a une recette pour purger la science de sa gangue sociale. (…) Ce qui caractérise l’intellectuel arabe contemporain, c’est une tendance à traduire la pensée occidentale en des langages locaux. Si vous prenez la carrière des hommes de la Nahda (Renaissance), il y a un effort conscient de moderniser le monde arabo-islamique selon les lois postulées par l’Occident. C’est l’effort de Boustani et de Mohamed Abdou de répondre à l’Occident et de transformer l’islam pour qu’il puisse être perçu dans un rapport d’égalité avec la modernité définie par l’Occident. Je pense que cette tentative est terminée. À présent ce qu’on voit, c’est un islam qui réagit contre l’Occident (Khomeiny) ; c’est la partie la plus dramatique et la plus visible de ce qui se passe. Justement, ce phénomène justifie les craintes traditionnelles et culturelles de l’Occident d’islam militant a toujours fait peur). La notion de Jihad (guerre sainte) a été aussi montée en épingle. Mais, sous cette surface, il y a un islam que j’appellerais investigateur, qui commence à se manifester à travers les efforts de plusieurs penseurs, écrivains et poètes ; il redéfinit la réalité actuelle du monde islamique. Edward Saïd
De tous les orientalistes, c’est Bernard Lewis, le plus célèbre, qui fera l’objet de ses plus virulentes attaques. En caricaturant : Lewis, en historien, explique que l’islam, après un millénaire de puissance, est entré dans une phase de déclin inexorable par fermeture sur lui-même et par incapacité à prendre le train de la modernité politique et technologique occidentale. Il porte seul la responsabilité de ce déclin et personne d’autre que lui-même ne l’en sortira, conclut le maître de Princeton. Faux ! rétorque Said en « analyste du discours ». D’abord parce que l’islam comme catégorie sui generis n’existe pas – d’ailleurs, « Orient et Occident ne correspondent à aucune réalité stable en tant que faits naturels » -, ensuite parce que le pseudo-« monde arabo-musulman » est aussi celui que les Occidentaux, en particulier par le colonialisme, en ont fait. La vision biaisée des « orientalistes », conclut-il, ne sert que les intérêts néo-impérialistes des puissances occidentales, Etats-Unis en tête. Le Monde
Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d’un autre, le multiculturalisme se présente comme l’horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie. La gauche européenne, en général, y voit d’ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique. (…) Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu’on constate qu’une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l’histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu’on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d’une déliaison sociale majeure. Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s’amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c’est qu’on y résiste exagérément, c’est que les nations historiques, en refusant de s’y convertir, l’empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire. Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l’école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l’exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l’utopie diversitaire. (…) c’est le même logiciel idéologique qui est à l’œuvre. Il repose sur l’historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d’une culture commune, dans la mesure où elle n’y voit qu’une culture dominante au service d’une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu’on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité. En un mot, si l’idéologie multiculturaliste s’adapte à chaque pays où elle s’implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c’est qu’il s’agit d’une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l’expérience historique occidentale. Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s’est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s’est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l’Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d’un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l’idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l’idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l’empire américain. C’est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder. Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d’être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d’autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s’en réclamer, d’autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble. Le drame de cette contestation, c’est qu’elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu’il fallait combattre de toutes les manières possibles. D’ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d’une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d’une manière ou d’une autre, à l’État-nation. On ne sortira pas de l’hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé. (…) partout en Occident, la question de l’Islam force les pays à se poser deux questions fondamentales: qu’avons-nous en propre, au-delà de la seule référence aux droits de l’homme, et comment intégrer une population qui est culturellement très éloignée, bien souvent, des grands repères qui constituent le monde commun en Occident? Cela force, à terme, et cela de manière assez étonnante, plusieurs à redécouvrir la part chrétienne oubliée de notre civilisation. Non pas à la manière d’une identité confessionnelle militante, évidemment, mais tout simplement sous la forme d’une conscience de l’enracinement. Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu’ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l’héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime. (…) la question de l’islam nous pousse à redécouvrir des pans oubliés de notre identité, même si cette part est aujourd’hui essentiellement culturalisée. L’islamisme a un certain génie stratégique: il mise sur les droits consentis par les sociétés occidentales pour les retourner contre elles. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres dans la société plurielle: il prétend s’inscrire dans la logique du multiculturalisme, à travers lui, il banalise ses revendications. Il instrumentalise les droits de l’homme pour poursuivre l’installation d’un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propres principes. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres qui réclame qu’on l’accommode, sans quoi il jouera la carte victimaire de la discrimination. C’est très habile. À travers cela, il avance, il gagne du terrain et nous lui cédons. Devant cela, nous sommes moralement désarmés. Il faudrait pourtant se rappeler, dans la mesure du possible, que lorsqu’on sépare la démocratie libérale de ses fondements historiques et civilisationnels, elle s’effrite, elle se décompose. La démocratie désincarnée et dénationalisée est une démocratie qui se laisse aisément manipuler par ses ennemis déclarés. Mathieu Bock-Côté
La fascination a pu opérer de plusieurs manières. Depuis quatorze siècles, d’une certaine façon, l’Occident est fasciné par l’islam, parce que celui-ci a été longtemps son rival, son concurrent, son ennemi souvent, le plus proche au niveau des mondes culturels globaux. L’islam s’est présenté, dès ses débuts, comme le grand rival de l’Europe chrétienne, en lui enlevant la domination sur un grand nombre de régions dans le monde… L’Oriental, ennemi farouche, mais situé sur le même plan au Moyen Age, homme avant tout sous son déguisement pour le XVIIIe siècle et l’idéologie de la Révolution Française qui en était issue, devient un être à part, muré dans sa spécificité qu’on veut bien d’ailleurs condescendre à exalter. C’est la naissance du concept de l’homo islamicus qui est encore loin d’être ébranlé… Maxime Rodinson (La fascination de l’islam, 1980)
La guerre entre les pays de l’islam et les pays chrétiens sous leurs étendards religieux respectifs dure depuis le début de l’islam, il y a plus de quatorze siècles. Le conflit a même parfois été plus dur qu’aujourd’hui. Prenez les croisades, les guerres coloniales, entre autres… Actuellement, la tendance est à tout réduire au facteur national. Mais c’est une erreur. Un exemple : le film du cinéaste égyptien Youssef Chahine sur l’expédition en Egypte de Bonaparte en 1799. Chahine nous présente les choses avec la vision nationaliste contemporaine : les Arabes qui habitaient l’Egypte se révoltèrent contre l’intrusion des étrangers. En vérité, c’était davantage une indignation de musulmans. De musulmans, plus que d’Arabes… Le fait national agissait de manière complexe, caché, mais les contemporains considéraient les événements d’un point de vue religieux : les infidèles viennent nous attaquer. (…) C’est ainsi depuis le début : l’islam fut considéré dès sa formation au VIIe siècle comme une hérésie chrétienne. Des individus sous la direction d’un faux prophète proclament des faussetés sur la nature de Dieu, les obligations des fidèles, le rôle de Jésus… (…) Quand deux mondes s’affrontent, tout joue. L’argent, le pouvoir, la foi… Quelle motivation l’emporte sur l’autre ? C’est indémêlable. Ce qui s’est passé à New York n’est pas isolable de la lutte Orient-Occident dans sa globalité. (…) Qu’est-ce que l’Occident pour les musulmans ? Un monde chrétien, donc un monde d’infidèles, d’incroyants, de gens qui disent des horreurs sur le prophète Mahomet. Ils doivent être combattus par la parole si c’est possible, et sinon, dans certaines circonstances, par le glaive. Cette haine a aussi une dimension patriotique si l’on peut dire. Tant que l’Occident ne vous dérange pas, ça va. Mais aussitôt qu’il veut ou paraît vouloir imposer ses valeurs… Au nom de ses valeurs à soi, le spectre resurgit. Aujourd’hui, on regarde les choses avec plus de modération, mais depuis une cinquantaine d’années à peine. Le concile Vatican II, en 1965, a considéré qu’il y avait des valeurs précieuses dans l’islam. Mais les papes récents ont eu beaucoup de difficulté à imposer cette version des choses. (…) Le décalage de la prospérité joue évidemment un grand rôle. Les musulmans subissent l’influence des modes et des représentations européennes, non sans humiliation. (…) Cela a commencé bien avant (la colonisation]. Dès le… VIIe siècle. Les musulmans n’en ont pas toujours conscience, mais ils se sont imposés les premiers en Europe comme concurrents, avec des aspirations dominatrices. La plupart des pays musulmans actuels étaient alors chrétiens – l’Egypte, la Syrie, la Turquie… Pendant longtemps, les musulmans ont été les plus forts, les plus riches, les plus civilisés. (…) Au bout de plusieurs siècles, par la force, mais aussi par les idées et le commerce (…) L’Occident chrétien a définitivement emporté la partie quand, à partir des années 1800, sa domination technologique a été écrasante. En fait, quand les canons et les fusils occidentaux se sont mis à tirer plus vite… Maxime Rodinson
Il est possible de parler de regards européens sur l’islam comme du développement, en Occident, d’une curiosité, puis d’une connaissance articulée qui, progressant avec le temps, a conduit à une meilleure compréhension de civilisations lointaines – et, pensait-on un peu, à un rapprochement entre les peuples. La vigoureuse récusation lancée par Edward Saïd dans son Orientalism (1978), qui analyse cette connaissance comme un instrument de domination, dans le cadre d’un projet colonial, invite à une remise en question. Nous souhaitons le faire, sans suivre la thèse d’Edward Saïd cependant, mais en montrant que les termes mêmes de la réflexion – l’opposition entre un observateur et un « objet » observé – ne vont pas de soi. A partir d’une large enquête conduite dans le cadre de l’élaboration d’un Dictionnaire historique et critique des orientalistes de langue française (pour paraître chez Karthala), nous voulons rétablir un peu la réalité des processus de connaissance (et de domination), et montrer qu’il y a une inextricable  imbrication entre observateurs et observés. Les représentations ne se construisent pas de façon unilatérale, comme dans un rêve, mais dans une relation où des discours tenus, des images produites, des choses alternativement exhibées ou cachée, conduisent à l’affirmation d’une identité collective, à la construction d’un patrimoine, aux rapports réfléchis entre une tradition locale et une modernité mondialisée. Même s’ils se présentent sous la forme d’essences intemporelles, occultant les processus anthropologiques dont ils sont les produits transitoires (hier comme objet d’une science irénique, aujourd’hui inscrits dans un  « choc des civilisations »), les objets sociaux et leurs images sont des formations réactives et rétrospectives terriblement inscrites dans l’Histoire, et la dénonciation de certains « regards européens » occupe désormais une part importante dans leur construction. François Pouillon (CHSIM-EHESS)
L’orientalisme n’est pas apparu avec le colonialisme. Il se développe aux XVIIe et XVIIIe siècles dans le cadre des études bibliques et de l’érudition académique classique. Au XIXe, quand triomphe le colonialisme, la recherche universitaire n’y occupe d’abord qu’une place modeste. Et ce n’est pas principalement dans les métropoles impériales, la France et l’Angleterre : dans ce domaine, c’est l’érudition allemande qui a la première place. Pour le reste, les “drogmans”, intermédiaires locaux avec les institutions et les voyageurs européens, et plus généralement, les intellectuels autochtones vont continuer, au XXe siècle encore, à jouer un rôle fondamental. Si les écoles française et anglaise ont pris en effet toute leur place, c’est selon des histoires et des rythmes significativement différents – ce qui n’est pas sans faire problème. Par ailleurs, il faut souligner que le développement d’un courant orientaliste dans les registres de la peinture, de la musique, des arts décoratifs, de la culture en général, ne suit pas les mêmes chronologies. Globalement, il apparaît que, dans l’étude de l’orientalisme, une part trop importante a été faite jusqu’ici aux intellectuels, aux écrivains, aux universitaires. Les spécialistes du monde arabe et musulman n’ont finalement eu qu’un rôle minime dans le développement du racisme et du sionisme. François Pouillon
Il est dommage, pour le public francophone, que l’essai consacré par Simon Leys à l’orientalisme tel qu’Edward Said l’envisageait, n’ait été publié qu’en anglais, en 1984. En résumé, Leys y reprochait à l’auteur palestinien naturalisé américain de ne voir, dans l’orientalisme, qu’une « conspiration colonialo-impérialiste ». Tout en ironisant sur le fait que, si l’on devait un jour découvrir que c’est la CIA qui a financé les meilleures études sur la poésie des Tang et la peinture des Song, cela aurait moins le mérite de rehausser l’image de l’agence de renseignement américaine, Simon Leys demandait plus sérieusement pourquoi l’orientalisme, et plus généralement la curiosité pour une culture « autre », ne pouvaient pas être tout simplement considérés sous l’angle de l’admiration et de l’émerveillement, pour conduire à une meilleure connaissance des autres et de soi, et par conséquent à une prise de conscience des limites de sa propre civilisation. Philippe Paquet 
In the late 1970s Edward Said created a small sensation in a variety of disciplines with his now well-known book Orientalism. Said maintained that the West had constructed an “Orient,” a largely imagined and stereotyped realm whose construction as a violent, sensual, objectified “other” was meant to accord with and left the entire colonial enterprise. Said argued that the seemingly “objective” construction of the Orient was, in fact, the product of the specific context from which it had been viewed (…) Found guilty in this Orientalist enterprise were not only novelists and colonial officials but just about everyone else remotely involved, including philologists and archeologists. Said’s argument was scathingly parodied by Simon Leys in a critique in which he conceded the point that everyone is influenced in some degree by his or her environment (…) The point, of course, is that although one is subject to influences, these can still be understood in a variety of (often contradictory) ways and may or may not have the meaning Said finds overriding on the individual level. There is no doubt that there are biases and stereotypes (both positive and negative) that operate among people. However, the manner in which these might be manifested in a given individual cannot simply be reduced to a function of that individual’s class, nation, and so forth. As a result, the critique of stereotypical images of Asia that has been spawned by Orientalism is in many instances the product of a large-scale decontextualization: The non-Western precedents for these stereotypes—including those of Tibet itself—are wholly ignored. Most people are familiar with one or another of the Chinese stereotypes of Tibetans and other Inner Asians as “barbarians.” An interesting stereotype about tea and its power over Tibetans and Mongols evolved in Ming and Qing times, on the basis of which the directors of Chinese statecraft proposed controlling them by cutting off their imports of Chinese tea. This idea carried over into foreign policy dealings with the British “other” during the late eighteenth century, when it was maintained that the British would find their lives endangered were they to go for a few days without Chinese tea and rhubarb. Might we term this “Occidentalism”? As it grew, the anti-Orientalist argument came to encompass critiques and attacks on alleged purveyors of both negative stereotypes of the Orient and its inhabitants (dirty, violent, poor, dishonest, etc.) and positive ones (spiritual, hard-working, noble, close to nature, ecological, etc.). These latter images, of course, present the romanticized version of the Orient, and although considered positive stereotypes, are nevertheless still held to be a construction based primarily on Western psychological needs. For a number of years this basic outline of the anti-Orientalist argument has held: The “Orient” is a Western construct meant to further imperial our Western psychological needs. It has even entered into the Western view of Tibet. (…) It is self-evident that there are any number of stereotypes about the East that are part of our environment; however, their variety and roles cannot be simplified and apportioned as the “anti-Orientalists” would have it. As Sen makes clear, both positive and negative stereotypes have been at work in creating modern notions about India among Westerners and non-Westerners alike, as well as Indians. And in fact it has become increasingly recognized that ostensibly “Western” stereotypes and images of Asia are more universal than was previously acknowledged. The issue is not whether these stereotypical ideas exist as such, or whether they exert an influence on one peoples’ view of another or on a peoples’ self-image; the issue is whether they need to be understood in the reductionist, deterministic manner that is in evidence in much that has been written about them. Which brings us back now to our original subject, the notion of the Dalai Lamas as almost uniquely men of peace, love, and compassion. It goes without saying that there are a variety of stereotypical notions associated with Tibet. But as with India, it is no longer possible to dismiss these simply as Western constructs. They have come to play a significant role in the Tibetan presentation of Tibet, particularly among Tibetans in exile. This is perhaps a natural development out of Tibetan participation in intellectual, political, and other facets of modern international life. It is, so to speak, an assimilation of viewpoints that have currency and legitimacy in the modern world, viewpoints that very much want to see a cloistered realm far away where people devote themselves uniquely to spiritual pursuits and not to the aspects of life that breed strife and discord. But these sorts of stereotypical images are not (with due respect to the anti-Orientalists) singularly Western—or even singularly modern. Starting, say, with the Taohuayuan ji of Tao Yuanming, one can make a respectable list of non-Western expressions of comparable yearnings for hidden realms of peace. In its popular presentation to much of the modern world, the complex mix of ideas and doctrines in Tibetan Buddhism is often reduced (of late, by the Tibetan exile community) to an essential emphasis on love and compassion. As a result, a more balanced picture of the role of Tibetan Buddhism in the political world over the centuries has been lost to large numbers of people along the way. One might almost imagine that Tibetan Buddhism is a rather suicidal sort of faith, one whose adherents would rather see it perish than lift a hand in violence. That, frankly, has not been the case in Tibetan history. It was not the position of the Fifth Dalai Lama, who supported the use of military force in defense of Gelugpa interests. (And we may note that during his time the survival of Tibetan Buddhism in general was not at issue, just the welfare and authority of Ganden Phodrang). It was certainly not the position of the Thirteenth Dalai Lama, who actively sanctioned armed Tibetan attacks on the Qing forces in Lhasa that were attempting to assert Qing rule in Tibet just before the dynasty’s collapse. Ultimately the reduction of Tibetan Buddhism, as far as its modern, international image is concerned, to a doctrine of nonviolence of the absolutist sort must be seen in light of the Tibetan exile assimilation of common images about the East, in much the same way as was the case with the generation of Gandhi and Nehru. (…) If we are to understand the institution of the Dalai Lama, we must accept that values and policies practiced by the Dalai Lamas cannot be wholly separated from their contemporary and historical milieu—though it must be emphasized again that we need not adopt a reductionist or ideological approach in order to understand or perceive the workings of such influences. The notion of the Dalai Lamas and the Tibetan Buddhist faith remaining untouched by the currents of time and history, with the former preaching peace and nonviolence to all peoples at all times, is part of a fanciful image of Tibet that unfortunately persists. The historical record contradicts it rather clearly; continuing attempts to present it as historical reality can only impede our understanding of Tibetan history, past and present. Elliot Sperling
Unless one chooses to focus on the evolution of specific conceptual tradition … “internal consistency” is precisely what is hard to find in the variety of Western conceptions of, in this instance, India. For there are several fundamentally contrary ideas and images of India, and they have quite distinct roles in the Western understanding of the country, and also in influencing the manner in which Indians see themselves. Amartya Sen
No one has ever devised a method of detaching the scholar from the circumstances of life, from the fact of his involvement (conscious or unconscious) with a class, a set of beliefs, a social position, or from the mere activity of being a member of a society … I doubt that it is controversial, for example, to say that an Englishman in India or Egypt in the later nineteenth century took an interest in those countries that was never far from their status as British colonies. To say this may seem quite different from saying that all academic knowledge about India and Egypt is somehow tinged and impressed with, violated by, gross political fact —and yet that is what I am saying in this study of Orientalism. For if it is true that no production of knowledge in the human sciences can ever ignore or disclaim its author’s involvement as a human subject in his own circumstances, then it must also be true that for a European or American studying the Orient there can be no disclaiming the main circumstances of his actuality: that he comes up against the Orient as a European or American first, as an individual second. And to be a European or an American in such a situation is by no means an inert fact. It meant and means being aware, however dimly, that one belongs to a power with definite interests in the Orient, and more important, that one belongs to a part of the earth with a definite history of involvement in the Orient since almost the time of Homer. Edward Said
Edward Said’s main contention is that “no production of knowledge in the human sciences can ever ignore or disclaim the author’s involvement as a human subject in his own circumstances.” Translated into plain English, this would seem to mean simply that no scholar can escape his original condition: his own national, cultural, political, and social prejudices are bound to be reflected in his work. Such a commonsense statement hardly warrants any debate. Actually, Said’s own book is an excellent case in point; Orientalism could obviously have been written by no one but a Palestinian scholar with a huge chip on his shoulder and a very dim understanding of the European academic tradition (here perceived through the distorted prism of a certain type of American university with its brutish hyperspeculization, nonhumanistic approach, and close, unhealthy links with government). Said seems to include “sinology” implicitly in his concept of “orientalism.” (I insist on the word seems; the point remains obscure, like a great many other points in his book.) Said’s contention is that whenever an orientalist makes a statement in his own specialised area, this statement accrues automatically to the broader picture of a mythical “East.” I do not know whether this is true for scholars involved with Near and Middle East studies, but it certainly does not apply to sinologists. The intellectual and physical boundaries of the Chinese world are sharply defined; they encompass a reality that is so autonomous and singular that no sinologist in his right mind would ever dream of extending any sinological statement to the non-Chinese world. For a serious sinologist (or for any thinking person, for that matter) concepts such as “Asia” or “the East” have never contained any useful meaning. No sinologist would ever consider himself an orientalist. (Some sinologists, it is true, may occasionally be seen participating in one of those huge fairs that are periodically held under the name of “International Orientalist Congress,” but this is simply because similar junkets undertaken under the mere auspices of the Club Méditerranée would not be tax-deductible.) Orientalism is a colonialist-imperialist conspiracy. Quite possibly. To some extent, it may also be true for sinology. Who knows? One day it will perhaps be discovered that the best studies on Tang poetry and on Song painting have all been financed by the CIA — a fact that should somehow improve the public image of this much-maligned organisation. Orientalists hate and despise the Orient; they deny its intellectual existence and try to turn it into a vacuum. (…) The notion of an “other” culture is of questionable use, as it seems to end inevitably in self-congratulation, or hostility and aggression. Why could it not equally end in admiration, wonderment, increased self-knowledge, relativisation and readjustment of one’s own values, awareness of the limits of one’s own civilisation? Actually, most of the time, all of these seem to be the natural outcome of our study of China (and it is also the reason why Chinese should be taught in Western countries as a fundamental discipline of the humanities at the secondary-school level, in conjunction with, or as an alternative to, Latin and Greek). Joseph Needham summed up neatly what is the common feeling of most sinologists: “Chinese civilisation presents the irresistible fascination of what is totally ‘other,’ and only what is totally ‘other’ can inspire the deepest love, together with a strong desire to know it.” From the great Jesuit scholars of the sixteenth century down to the best sinologists of today, we can see that there was never a more powerful antidote to the temptation of Western ethnocentrism than the study of Chinese civilisation. (It is not a coincidence that Said, in his denunciation of “illiberal ethnocentrism,” found further ammunition for his good fight in the writings of a sinologist who was attacking the naïve and arrogant statement of a French philosopher describing Thomistic philosophy as “gathering up the whole of human tradition.” Indignant rejection of such crass provincialism will always come most spontaneously to any sinologist).  “Interesting work is more likely to be produced by scholars whose allegiance is to a discipline defined intellectually and not to a field like Orientalism, [which is] defined either canonically, imperially, or geographically.” The sinological field is defined linguistically; for this very reason, the concept of sinology is now being increasingly questioned (in fact, in the John King Fairbank Center for Chinese Studies at Harvard, I recently heard it used as a term of abuse). Perhaps we ought to rejoice now as we see more historians, philosophers, students of literature, legal scholars, economists, political scientists and others venturing into the Chinese field, equipped with all the intellectual tools of their original disciplines. Still, this new trend is encountering one stubborn and major obstacle that is not likely ever to disappear: no specialist, whatever his area of expertise, can expect to contribute significantly to our knowledge of China without first mastering the Chinese literary language. To be able to read classical and modern Chinese it is necessary to undergo a fairly long and demanding training that can seldom be combined with the acquisition and cultivation of another discipline. For this reason, sinology is bound to survive, in fact, if not necessarily in name, as one global, multidisciplinary, humanistic undertaking, based solely upon a specific language prerequisite. Actually, this situation, imposed by the nature of things, does have its advantages. Chinese civilisation has an essentially holistic character that condemns all narrowly specialised approaches to grope in the dark and miss their target — as was well illustrated a few years ago by the spectacular blunders of nearly all the “contemporary China” specialists. (In this respect, it is ironic to note that it was precisely the so-called Concerned Asian Scholars — on whom Said set so much store in his book, as he saw in them the only chance of redemption for the orientalist establishment — that failed most scandalously in their moral responsibilities toward China and the Chinese people during the Maoist era.) Simon Leys

Attention: un négationnisme peut en cacher un autre !

A l’heure où prolongeant l’actuelle épuration ethnique du Moyen-Orient avec le soutien de la France, de l’Espagne et de la Suède, l’UNESCO apporte une nouvelle pierre cette fois terminologique à l’entreprise islamique de négation, au profit d’une religion qui lui est plus de mille ans postérieure, de rien de moins que l’existence du temple juif de Jérusalem …

Et où à la veille de l’élection peut-être du premier maire musulman de sa capitale, la Grande-Bretagne découvre enfin le degré d’antisémitisme auquel est arrivé sa gauche …

Pendant qu’entre Nuit debout,  camp décolonial et apologie du terrorisme, une France tout juste sortie de ses frayeurs terroristes redécouvre les prétendues vertus de l’anticapitalisme et du multiculturalisme les plus délirants …

Comment ne pas repenser …

A l’occasion de la sortie de la biographie de « celui qui ouvrit les yeux de l’Occident sur la triste réalité du maoïsme » …

A l’un des textes qui aura le plus fait pour lancer les aberrations actuelles de la « diversité » …

Et que ne manqua pas de dénoncer en son temps le sinologue belge de Canberra  …

A savoir ce pur produit de l’université américaine que fut le fameux « Orientalisme » d’Edward Saïd de 1978 …

Qui réduisit non seulement l’Orient à sa seule composante arabo-musulmane …

Mais l’Occident à son seul « instinct » supposé de « domination » …

Et partant tout « discours occidental » à sa seule fonction de légitimation de l’entreprise impériale et coloniale …

Réussit à jeter, en une sorte de danse des sept voiles inversée, le voile sur quelque 14 siècles de bellicisme musulman ?

Simon Leys, un système antitotalitaire
Entretien avec son biographe Philippe Paquet
Daoud Boughezala
est rédacteur en chef de Causeur
Causeur
30 avril 2016

Dans une biographie monstre, Philippe Paquet retrace l’itinéraire de celui qui ouvrit les yeux de l’Occident sur la triste réalité du maoïsme. On y découvre un Simon Leys empreint de foi catholique, passionné par ses premières amours que sont la navigation, le dessin, la peinture… et pourvu d’un sens de l’humour à toute épreuve.
Journaliste à La Libre Belgique et sinologue, Philippe Paquet est l’auteur d’une biographie de Mme Chiang Kai-shek. Il côtoya Simon Leys durant la dernière partie de sa vie, lui faisant lire la première mouture du livre éponyme qu’il lui a consacré, Simon Leys. Navigateur entre les mondes (Flammarion, 2016).

Daoud Boughezala : Séduit par le maoïsme dans sa prime jeunesse, Pierre Rickmans alias Simon Leys (1935-2014) n’aura séjourné que quelques mois en chine, en 1955 puis en 1972. Comment a-t-il pu devenir le meilleur interprète de la Révolution culturelle sans l’observer de l’intérieur ?
Philippe Paquet : C’est effectivement un paradoxe que l’un des meilleurs connaisseurs de la Chine communiste n’y ait séjourné que brièvement – mais le pays était largement fermé aux étrangers à l’époque, en particulier à ceux qui ne se montraient pas spécialement complaisants à l’égard du régime. Simon Leys n’en était, toutefois, pas très éloigné lorsqu’éclata la Révolution culturelle. Il se trouvait à Hong Kong, alors colonie britannique : un poste d’observation privilégié puisque, en raison de sa situation géographique (à proximité de la ville de Canton) et politique (une enclave occidentale sur le continent chinois), c’était le lieu de passage obligé pour ceux qui visitaient la Chine. On y disposait des sources d’informations les plus variées : la presse de Chine populaire et de Taïwan (partisane, sans doute, mais toujours très bien renseignée), les publications locales en chinois et en anglais, les bulletins des agences de renseignements étrangères, etc. Et puis il y avait les contacts personnels que Leys, parlant couramment le chinois, pouvaient établir : beaucoup d’intellectuels chinois s’étaient établis à Hong Kong et, avec la Révolution chinoise, un grand nombre de réfugiés allaient y affluer. Simon Leys pourrait obtenir d’eux une masse d’informations, qui faisait défaut à ceux qui analysaient les événements de l’Europe ou des Etats-Unis.

Si je résume la lecture leysienne de la Révolution culturelle, celle-ci n’a de culturelle et de révolutionnaire que le nom puisqu’il s’agissait pour Mao de recouvrer le pouvoir. Comment l’avait-il perdu ?
Mao conservait son prestige en tant que père de la révolution et de la « Chine nouvelle », mais, après l’échec du Grand Bond en avant, lancé en 1958, il avait été largement confiné dans un rôle de demi-dieu, tenu à l’écart de la gestion effective du pays, notamment dans le domaine économique. Le Grand Bond en avant, qui entendait hisser en très peu de temps la Chine au niveau des puissances industrielles, s’était soldé par un désastre. Au début des années 1960, l’économie chinoise était ruinée, en particulier le secteur agricole. Une famine sans précédent décima la population ; les estimations les plus récentes, chinoises notamment, parlent de trente-cinq millions de morts au moins… Malgré quoi, Mao ne pouvait supporter cette mise à l’écart. Il ne pouvait concevoir la Chine sans lui. Il ne pouvait imaginer ne pas avoir les pleins pouvoirs pour la diriger. Alors que ses adversaires politiques (les « pragmatiques », comme Liu Shaoqi ou Deng Xiaoping) donnaient la priorité à l’économie, le Grand Timonier entendit restaurer la primauté du politique, à travers la « lutte des classes ». Il fallait de nouveau être « plus rouge qu’expert ». C’est le sens de la « révolution culturelle » – une expression que Simon Leys plaça toujours entre guillemets, parce qu’elle n’était pas, à ses yeux, une « révolution », pas plus qu’elle n’était « culturelle ».

Rétrospectivement, on a peine à se figurer l’opprobre dont Leys a été couvert pour avoir simplement décrit la réalité du maoïsme. Le catholique conservateur Pierre Rickmans est devenu Simon Leys grâce à l’édition des Habits neufs du président Mao par le situationniste René Viénet. Avant sa popularisation par les Nouveaux philosophes, l’antitotalitarisme se cantonnait-il aux marges du spectre politique ?
Il faut le croire puisque Simon Leys eut toutes les peines du monde à se faire éditer, non seulement pour Les Habits neufs du président Mao, mais aussi pour Ombres chinoises qui lui fera suite en 1974. C’est une maison marginale de « l’ultra-gauche », Champ libre, qui publia finalement Les Habits neufs, ce qui, estimait Leys, était peut-être moins étonnant qu’il n’y paraît à première vue. Le livre, remarquait-il, dénonce Mao « d’un point de vue de gauche », en exposant son caractère « féodal-rétrograde », et cette analyse était, selon lui, inacceptable pour la gauche française orthodoxe et incompréhensible pour la droite.

Au temps du maoïsme triomphant, dans les années 1970, comment expliquez-vous « cet aveuglement volontaire qui conduisit tant d’intellectuels occidentaux à prendre les vessies chinoises pour des lanternes rouges », selon votre expression, alors même que la Révolution culturelle était en partie dirigée contre les intellectuels ? 

Pour être honnête, on ne se l’explique pas. Pareil égarement est sans doute unique dans l’histoire des idées. L’éloignement de la Chine, tant sur le plan de la distance que de l’exotisme, permet sans doute d’expliquer en partie pourquoi il était a priori difficile de comprendre ce qui s’y passait. La barrière de la langue constitue probablement un obstacle supplémentaire, bien que la plupart des textes sur lesquels les maoïstes étrangers fondèrent leur idolâtrie étaient disponibles dans des traductions. Enfin, il faut reconnaître, à la décharge des admirateurs de la Chine maoïste, que, sur le papier, les idéaux professés à Pékin pouvaient résonner positivement sous nos latitudes. Dans une France confrontée à la guerre d’Algérie, puis aux convulsions de Mai 68, prôner la paix, l’harmonie, l’égalité, ne pouvait que sembler extrêmement séduisant. Cela dit, il n’était pas impossible de voir clair, d’interpréter la réalité chinoise correctement. Tout le monde ne s’est pas trompé à l’époque, à Paris ou ailleurs, même si Leys put compter sur les doigts d’une main ceux qui eurent le courage de le défendre en partageant son analyse.

Dans des pages assez drôles, vous revenez notamment sur les tribulations des auteurs de la revue Tel Quel en Chine. Au contraire du maolâtre Sollers, Roland Barthes a-t-il alors pris conscience des bizarreries maoïstes ?
On ne peut pas vraiment dire cela quand on lit le compte rendu qu’il fit, dans le journal Le Monde, de son périple en Chine lors de l’équipée Tel Quel. Trouver la Chine « fade » et « paisible » (sic) alors qu’elle était encore plongée dans la Révolution culturelle et qu’on y menait la fameuse campagne « contre Lin Biao et Confucius » (dont le thème, dirait Barthes, « sonnait comme un grelot »), trahissait au minimum une singulière incompréhension des événements. S’il trouva effectivement la Chine de Mao pour le moins « bizarre » (ce qu’atteste la publication posthume de son carnet de voyage), Barthes ne la dénonça pas pour autant avec la clairvoyance qu’on attendrait d’un grand intellectuel, en particulier d’un sémiologue capable, par définition, d’effectuer divers degrés de lecture d’une réalité donnée.

Sans l’expertise du sémiologue, mais avec la lucidité d’un bilingue honnête, Leys a dénoncé la caricature de la culture confucéenne chinoise, souvent réduite à une doctrine de l’obéissance. Partant, pourquoi a-t-il croisé le fer avec Edward Said, contestant sa déconstruction de l’orientalisme en tant que catégorie essentialiste forgée par l’Occident ?
Il est dommage, pour le public francophone, que l’essai consacré par Simon Leys à l’orientalisme tel qu’Edward Said l’envisageait, n’ait été publié qu’en anglais, en 1984. En résumé, Leys y reprochait à l’auteur palestinien naturalisé américain de ne voir, dans l’orientalisme, qu’une « conspiration colonialo-impérialiste ». Tout en ironisant sur le fait que, si l’on devait un jour découvrir que c’est la CIA qui a financé les meilleures études sur la poésie des Tang et la peinture des Song, cela aurait moins le mérite de rehausser l’image de l’agence de renseignement américaine, Simon Leys demandait plus sérieusement pourquoi l’orientalisme, et plus généralement la curiosité pour une culture « autre », ne pouvaient pas être tout simplement considérés sous l’angle de l’admiration et de l’émerveillement, pour conduire à une meilleure connaissance des autres et de soi, et par conséquent à une prise de conscience des limites de sa propre civilisation.

Cela pourrait être la définition de la traduction, art dans lequel Leys excellait. Au XIXe siècle, le meilleur traducteur chinois de La Dame aux camélias et d’autres chefs d’œuvre de la littérature européenne dans la Chine du XIXe siècle ne parlait d’autre langue que le mandarin. Comment se fait-ce ?
Simon Leys a consacré la moitié de sa vie à la traduction. Il a par ailleurs écrit un remarquable essai sur les exigences de ce métier (« L’expérience de la traduction littéraire », repris dans L’Ange et le cachalot), texte dans lequel il fait cette constatation, a priori paradoxale, qu’il ne faut pas nécessairement connaître la langue de départ pour être un bon traducteur. Il en veut pour exemple le cas de Lin Shu, ce lettré de la dynastie des Qing qui, sans connaître aucune langue étrangère, traduisit en chinois quelque deux cents romans européens, de Goethe à Shakespeare et de Tolstoï à Hugo. Sa méthode était aussi simple qu’efficace. Un ami, versé dans la langue de l’auteur à traduire, lui faisait la lecture de l’ouvrage en question, et Lin Shu recomposait ensuite le récit en chinois. Cette version n’épousait, certes, pas le texte original au plus près, mais elle était fidèle à l’intrigue et à l’esprit de l’œuvre. La version de La Dame aux camélias donnée par Lin Shu enthousiasma ainsi plusieurs générations de lecteurs chinois et jusqu’à Mao lui-même (qui en parla à François Mitterrand !).

Puisque vous ré-exhumez cette figure tutélaire, que reste-t-il  aujourd’hui de Mao à la Chine, qui semble avoir tourné le dos à son passé communiste ?
Mao est devenu ce que Simon Leys avait prédit : une icône. Son effigie orne encore tous les billets de banque de la République populaire de Chine, alors que le pays a viré au capitalisme (ou plutôt à « l’économie socialiste de marché », comme le disent pudiquement les dirigeants du parti communiste chinois). Son portrait géant, accroché à la porte Tian’anmen, devant la place du même nom, paraît toujours veiller sur la nation, tandis que chauffeurs de bus et de taxis accrochent des médaillons à son image sur leur tableau de bord, à côté d’autres saints protecteurs empruntés au bouddhisme et au taoïsme. S’agissant d’un homme qui aspirait à éradiquer les croyances religieuses, la revanche de l’Histoire ne manque pas de piquant.

Persona non grata en Chine continentale – on comprend aisément pourquoi ! – Simon Leys a vécu en Australie les quarante dernières années de sa vie. S’est-il autant épanoui dans ce pays de la fin de l’Histoire parce qu’il pouvait y assouvir sa passion pour la mer ?
Simon Leys était profondément reconnaissant à l’Australie de l’avoir accueilli, de lui avoir donné les moyens d’assouvir ses passions, et d’abord de lui avoir fourni, en 1970, son premier emploi stable et décemment rémunéré, grâce à un poste d’enseignant et de chercheur à l’Université nationale d’Australie à Canberra (il avait jusque-là vécu d’expédients). L’Australie procura, je pense, cinq avantages au moins à Simon Leys. Premièrement, comme je viens de le souligner, la possibilité d’une carrière universitaire en sinologie (et les universités australiennes avaient des ressources considérables dans ce domaine). Deuxièmement, un cadre de vie agréable pour un ménage avec quatre enfants (ce n’était plus l’appartement exigu de Hong Kong, mais une maison avec jardin…). Troisièmement, pour un homme passionné par la mer et initié dès son plus jeune âge à la navigation à voile (il en apprit les techniques à l’école des Glénans), la possession d’un bateau. Quatrièmement, à l’époque des fureurs maoïstes, une retraite aussi éloignée qu’il était possible des cénacles parisiens et des sollicitations médiatiques qu’il n’aimait guère. Cinquièmement, et c’est probablement la chose la plus importante, l’opportunité de devenir un écrivain de langue anglaise. Leys n’était pas peu fier d’être aussi reconnu et apprécié en anglais qu’en français.

Voir aussi:

ORIENTALISM AND SINOLOGY*

Simon Leys

EDWARD Said’s main contention is that “no production of knowledge in the human sciences can ever ignore or disclaim the author’s involvement as a human subject in his own circumstances.” Translated into plain English, this would seem to mean simply that no scholar can escape his original condition: his own national, cultural, political and social prejudices are bound to be reflected in his work. Such a common-sense statement hardly warrants debate. Actually, Said’s own book is an excellent case in point; Orientalism could obviously have been written by no one but a Palestinian scholar with a huge chip on his shoulder and a very dim understanding of the European academic tradition (here perceived through the distorted prism of a certain type of American university, with its brutish hyper-specialisation, non-humanistic approach, and close, unhealthy links with government).[1]

My task here is not to write a review of Orientalism (thank God!), but merely to see whether Said’s arguments present any relevance for Chinese studies.

Said seems to include “sinology” implicitly in his concept of “orientalism.” (I insist on the word seems; the point remains obscure, like a great many other points in his book.) Said’s contention is that whenever an orientalist makes a statement in his own specialised area, this statement accrues automatically to the broader picture of a mythical “East.” I do not know whether this is true for scholars involved with Near and Middle East studies, but it certainly does not apply to sinologists. The intellectual and physical boundaries of the Chinese world are sharply defined; they encompass a reality that is so autonomous and singular that no sinologist in his right mind would ever dream of extending any sinological statement to the non-Chinese world. For a serious sinologist (or for any thinking person, for that matter) concepts such as “Asia” or “the East” have never contained any useful meaning. No sinologist would ever consider himself an orientalist. (Some sinologists, it is true, may occasionally be seen participating in one of those huge fairs that are periodically held under the name of “International Orientalist Congress,” but this is simply because similar junkets undertaken under the mere auspices of the Club Méditerranée would not be tax-deductible.)

Orientalism is a colonialist-imperialist conspiracy.[2] Quite possibly. To some extent, it may also be true for sinology. Who knows? One day it will perhaps be discovered that the best studies on Tang poetry and on Song painting have all been financed by the CIA — a fact that should somehow improve the public image of this much-maligned organisation.

Orientalists hate and despise the Orient; they deny its intellectual existence and try to turn it into a vacuum. Whether most sinologists love China or hate it is largely irrelevant. One important fact is absolutely evident: Western sinology in its entirety is a mere footnote appended to the huge sinological corpus that Chinese intellectuals have been building for centuries to this day. The Chinese are our first guides and teachers in the exploration of their culture and history; fools who ignore this evidence do so at their own risk and pay dearly for it. Further, it should be noted that today a significant proportion of the leading sinologists in the Western academic world are Chinese; through their teaching and research, they play a decisive role in Western sinology.

The notion of an “other” culture is of questionable use, as it seems to end inevitably in self-congratulation, or hostility and aggression. Why could it not equally end in admiration, wonderment, increased self-knowledge, relativisation and readjustment of one’s own values, awareness of the limits of one’s own civilisation? Actually, most of the time, all of these seem to be the natural outcome of our study of China (and it is also the reason why Chinese should be taught in Western countries as a fundamental discipline of the humanities at the secondary-school level, in conjunction with, or as an alternative to, Latin and Greek). Joseph Needham summed up neatly what is the common feeling of most sinologists: “Chinese civilisation presents the irresistible fascination of what is totally ‘other,’ and only what is totally ‘other’ can inspire the deepest love, together with a strong desire to know it.” From the great Jesuit scholars of the sixteenth century down to the best sinologists of today, we can see that there was never a more powerful antidote to the temptation of Western ethnocentrism than the study of Chinese civilisation. (It is not a coincidence that Said, in his denunciation of “illiberal ethnocentrism,” found further ammunition for his good fight in the writings of a sinologist who was attacking the naïve and arrogant statement of a French philosopher describing Thomistic philosophy as “gathering up the whole of human tradition.” Indignant rejection of such crass provincialism will always come most spontaneously to any sinologist.)

“Interesting work is more likely to be produced by scholars whose allegiance is to a discipline defined intellectually and not to a field like Orientalism, [which is] defined either canonically, imperially, or geographically.” The sinological field is defined linguistically; for this very reason, the concept of sinology is now being increasingly questioned (in fact, in the John King Fairbank Center for Chinese Studies at Harvard, I recently heard it used as a term of abuse). Perhaps we ought to rejoice now as we see more historians, philosophers, students of literature, legal scholars, economists, political scientists and others venturing into the Chinese field, equipped with all the intellectual tools of their original disciplines. Still, this new trend is encountering one stubborn and major obstacle that is not likely ever to disappear: no specialist, whatever his area of expertise, can expect to contribute significantly to our knowledge of China without first mastering the Chinese literary language. To be able to read classical and modern Chinese it is necessary to undergo a fairly long and demanding training that can seldom be combined with the acquisition and cultivation of another discipline. For this reason, sinology is bound to survive, in fact, if not necessarily in name, as one global, multidisciplinary, humanistic undertaking, based solely upon a specific language prerequisite. Actually, this situation, imposed by the nature of things, does have its advantages. Chinese civilisation has an essentially holistic character that condemns all narrowly specialised approaches to grope in the dark and miss their target — as was well illustrated a few years ago by the spectacular blunders of nearly all the “contemporary China” specialists. (In this respect, it is ironic to note that it was precisely the so-called Concerned Asian Scholars — on whom Said set so much store in his book, as he saw in them the only chance of redemption for the orientalist establishment — that failed most scandalously in their moral responsibilities toward China and the Chinese people during the Maoist era.)

“We should question the advisability of too close a relationship between the scholar and the state.” You bet we should! On this point I could not agree more with Said — yet it is hardly an original conclusion. The very concept of the “university” has rested for some 700 years on the absolute autonomy and freedom of all academic and scholarly activities from any interference and influence of the political authorities. It is nice to see that Said is now rediscovering such a basic notion; I only deplore that it took him 300 pages of twisted, obscure, incoherent, ill-informed and badly written diatribe to reach at last one sound and fundamental truism.

1984

*Reply to an inquiry launched by the Asian Studies Association of Australia: scholars involved in different areas of Asian studies were invited to comment on the relevance of Edward Said’s Orientalism (New York: Pantheon, 1979) to the problems entailed in the approaches and methods of their respective fields.

Voir aussi:

Si Bernard Lewis et Edward Said parvenaient à se parler, le Proche-Orient ne serait pas au bord de la guerre. Proposition téméraire? Le premier, Britannique de 86 ans, est professeur émérite à Princeton, où il est arrivé en 1974. Le second, Palestinien né en 1935 dans une famille chrétienne, enseigne depuis une quarantaine d’années à Columbia, Manhattan. Lewis et Said ont passé une bonne partie de leur vie à ausculter le monde arabo-musulman. Mais ils n’en ont débattu entre eux qu’une fois, alors que Princeton et Columbia, c’est la porte à côté. Les deux auteurs n’ont l’un pour l’autre que détestation et mépris. Et dans cette haine recuite, il y a la coupure de deux mondes, Occident/Orient. Edward Said est déchiré entre les deux, et l’incompréhension le rend fou: il souffre du regard biaisé des Américains sur les siens, là-bas, du côté de Jérusalem ou de Bagdad. Bernard Lewis, trop vieux sage, n’est pas si torturé: il approuve la possible intervention militaire des Etats-Unis contre l’Irak.

Les deux professeurs ne se parlent pas, mais ils polémiquent. Leur dernier échange sans communication a été provoqué par le court essai de Bernard Lewis, What Went Wrong?, écrit avant le 11 septembre 2001, publié au début de cette année en anglais, et que Gallimard vient de traduire sous un titre atténué, Que s’est-il passé? C’est un livre qui fait mal. La question de Lewis est en fait plus crue: d’où vient la stagnation du monde arabo-musulman? Des chercheurs de la région, dans un rapport des Nations unies publié après l’essai du professeur de Princeton, s’interrogent de la même manière, trouvent des causes dans la société proche-orientale, et proposent quelques remèdes. Bernard Lewis, lui, s’intéresse d’abord aux explications que les Arabes et les musulmans ont données eux-mêmes de cet immobilisme et de ces «échecs».

Les empires naissent et s’éteignent, ce n’est pas nouveau, mais l’affaissement de l’ensemble constitué par les Arabes à partir du VIIe siècle est une énigme immense. Cet empire-là a duré mille ans, et ce fut un pôle civilisateur d’une très grande créativité, intellectuelle, artistique, scientifique, ce que les Occidentaux ont souvent de la peine à admettre. C’était une société plutôt ouverte, plus tolérante que l’Europe du Moyen Age.

En 1683, l’échec de la deuxième tentative de prendre Vienne fut un tournant. Ce qui s’est passé ensuite – vu du dehors – ce sont des errements en cascade, le renfermement stérile et la soumission aux puissances étrangères. L’étranger! C’est l’explication que Bernard Lewis lit dans le discours arabe. Le malheur est venu du dehors: invasion mongole, domination turque, extension coloniale britannique et française, impérialisme américain. Ce lamento – qui est bien ce qu’on entend – n’a jamais convaincu Lewis. C’est l’état de faiblesse du monde arabe qui a entraîné les conquêtes, dit-il, non pas l’inverse. L’essor iranien s’est fait sous les Mongols. Les puissances coloniales n’ont pas fait qu’asservir et réduire. Et comment expliquer cette différence, demande l’octogénaire de Princeton: Hongkong et Singapour, naguère ports de l’empire britannique, sont aujourd’hui ce qu’ils sont; Aden, qui avait le même statut, aussi.

Les causes du déclin sont ailleurs. La seule vraie modernisation s’est faite dans l’appareil de répression des régimes arabo-musulmans, avance Bernard Lewis. Et ce que redoutent le plus ces tyrannies locales, dit-il, c’est par exemple la fin du conflit en Palestine, utile dérivatif, ou la démocratie en Irak, menace contagieuse. Mais le professeur sait aussi que la volonté de sortir de cet enfermement travaille le grand corps musulman. Faut-il plus de religion, un retour aux sources, comme le pensent les islamistes? Ou au contraire la séparation du politique et du religieux, la fin de la soumission des femmes, des espaces de liberté? L’exemple à suivre, pour Lewis, c’est la Turquie, que le Britannique a passé sa vie à étudier.

Dans What Went Wrong?, trois mots terribles décrivent le monde arabo-musulman tel que l’auteur le voit: «pauvre, faible, ignorant». Dans un entretien, il a ajouté que la misère palestinienne, en Cisjordanie et à Gaza, n’est pas due à l’occupation israélienne, mais au terrorisme. Vraiment, professeur? Même sans un tel dérapage, Edward Said se serait déchaîné contre l’essai. Lewis, pour le professeur de Columbia, est l’exemple même de l’orientaliste dont il a fait le procès dans un livre fameux: le savant occidental qui occulte la réalité, réinvente l’objet de son étude, recrée l’Orient à sa convenance. Lewis et ses pairs, dit le Palestinien, ne veulent pas voir que l’Islam est pluriel, qu’il ne peut pas être réduit à une catégorie fantasmatique, et ils sont sourds aux aspirations des Arabes et des musulmans à la justice et à la dignité. Dans sa colère, Said n’épargne rien à son aîné: il est trop vieux, il est dépassé, il ne lit plus… Mais au bout de son pamphlet (publié dans Harper’s en juillet), demeure cette question – celle de Lewis: comment en sortir? Avant qu’il ne soit trop tard, Princeton et Columbia devraient organiser une rencontre…

Grande-Bretagne: scandale antisémite à gauche

L’info antiraciste

jeudi 28 avril 2016

Actualisation 30 avril:

Enfin une prise de conscience?
Le chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn a déclaré vendredi 29 avril qu’il allait ouvrir une enquête indépendante sur les allégations d’antisémitisme au sein de son propre parti, dirigée par Shami Chakrabarti, ancienne chef du groupe « Liberty » pour la promotion des droits de l’Homme.
Selon le journal britannique Guardian, Chakrabarti s’entretiendra avec des représentants de la communauté juive, ainsi qu’avec des représentants d’autres minorités au cours des deux prochains mois. Le but est de de proposer au parti un rapport  qui inclura des moyens de combattre l’antisémitisme, ainsi que d’autres formes de préjugés.A suivre avec attention.

Memorial 98

En Grande-Bretagne, nouvelle irruption antisémite à gauche,  au prétexte de « combat antisioniste ».

Des voix au sein du parti travailliste (Labour) s’inquiètent fréquemment d’une dérive antisémite de certains secteurs du parti. Ces derniers glissent en effet régulièrement d’une mise en cause légitime de la politique des gouvernements israéliens vers l’appel à la destruction d’Israël puis à la mise en cause des Juifs stigmatisés comme « sionistes » et à une banalisation des crimes nazis.
Cette fois-ci c’est le récidiviste Ken Livingstone, ancien maire de Londres, qui se manifeste à nouveau. Il a été suspendu jeudi 27 avril du Parti travailliste pour avoir déclaré que Hitler  » soutenait le sionisme … » Il dit ainsi:  » …  Quand Hitler a gagné les élections en 1932, sa politique était que les juifs devraient être déplacés vers Israël. Il soutenait le sionisme avant de devenir fou et de finir par tuer six millions de juifs ».
Ainsi la Shoah ne serait qu’un accident inattendu, dû à la soudaine « folie » du dirigeant nazi .
Livingstone reprend ainsi les formules négationnistes les plus extrêmes, qui englobent la nazisme et ses chefs dans le « complot sioniste » et nient les projets antisémites inscrits dans la substance même du nazisme.
Le même Livingstone avait comparé en 2005 un journaliste juif à « un gardien de camp de concentration » et commis d’autres déclarations antisémites.

Le contexte dans lequel Livingstone a tenu ces propos montre clairement qu’il s’agit pour lui d’ utiliser une diversion antisémite et négationniste, sous prétexte de « débat historique »  . Il prétendait se porter au secours d’une députée travailliste, Naz Shah, suspendue le 27 avril de participation aux instances du Labour Party par Jeremy Corbyn qui le préside,  pour avoir posté en 2014 des commentaires  antisémites.

Avant qu’elle ne soit élue, Naz Shah avait partagé sur Facebook un montage montrant l’État d’Israël incrusté dans une carte des États-Unis sous le titre : « Solution pour le conflit israélo-palestinien : relocalisez Israël aux États-Unis », suivi du commentaire : « problème résolu ».

Le montage ajoutait  notamment que : « les prix du pétrole vont baisser, l’inflation va baisser, le monde entier sera heureux ».
Shah ajoutait  : «  Vous économisez 3 milliards de livres de frais bancaires que vous transférez chaque année » Elle avait également posté un commentaire parfaitement négationniste disant : « N’oubliez jamais que tout ce que Hitler a fait en Allemagne était légal. »

Livingstone  a tenté de la défendre en justifiant que: « ses remarques étaient exagérées, mais elle n’est pas antisémite ». Or Naz Shah a elle-même reconnu que ses propos étaient choquants. Elle a présenté des excuses à la Chambre des communes en disant: « J’accepte et je comprends que les mots que j’ai utilisé ont bouleversé et blessé la communauté juive et je le regrette profondément. L’antisémitisme est du racisme, point final »

Mais il apparaît déjà que Naz Shah a également publié d’autres déclarations antisémites, non incluses dans sa mise au point. Il s’agit notamment d’un tweet en août 2014, avec un lien vers un blog qui revendique que le sionisme a été utilisé pour « encourager » les Juifs à « exercer une influence politique au plus haut niveau de la fonction publique ».
Les révélations britanniques sonnent comme un avertissement particulièrement grave, montrant une diffusion de thèses antisémites, complotistes et négationnistes, au motif de défendre la cause palestinienne. Cette dernière se trouve au contraire salie et affaiblie par la tonalité antisémite de ces « soutiens ».
On constate aussi une  tolérance inexcusable à l’égard de positions racistes antisémites au sein de partis de gauche, puisque des mesures ne sont prises que suite à des révélations et scandales, alors que la direction du Labour était bien alertée et informée des horreurs diffusées.
Après des scandales récents semblables au sein de la gauche en Espagne et en Grèce , un grand « ménage » et une vigilance approfondie sont nécessaires afin de combattre ce fléau.
Voir encore:
Quand une résolution de l’UNESCO réécrit l’histoire de Jérusalem
Shmuel Trigano
Le Figaro
02/05/2016
FIGAROVOX/ANALYSE – Une résolution de l’UNESCO affirme la prévalence des musulmans et des palestiniens sur le site de la Mosquée El Aqsa et nie tout lien entre ce site et le Peuple Juif. Pour Shmuel Trigano, il s’agit d’une réécriture de l’histoire selon l’islam.Spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain, Shmuel Trigano est Professeur émérite des UniversitésCe qui vient de se passer à l’UNESCO tient du meurtre symbolique, ce qui n’est pas rien car c’est une fois qu’on a déshumanisé quelqu’un qu’on peut l’abattre en toute moralité, avec, ici, la garantie de la supposée «communauté internationale» et de l’agence chargée de prendre soin du «patrimoine de l’humanité»…Les dessous d’une ré-écriture de l’histoireDans sa résolution du 16 avril 2016, le Conseil exécutif de l’UNESCO avalise une réécriture de l’histoire. On y apprend en effet que les Juifs (et pas seulement les Israéliens) sont des intrus et des étrangers dans le Pays d’Israël, qu’ils n’ont aucun lieu saint à Jérusalem, qu’il n’y a jamais eu de Temple sur le Mont du Temple (l’»esplanade des mosquées» chère à l’A.F.P.), que le tombeau des Patriarches et le mausolée de Rachel sur la route de Bethléem sont des lieux saints musulmans, et, suprême ethnocentrisme, que le «mur des Lamentations» est un lieu saint musulman, le mur d’où la jument de Mahomet s’est «envolée» vers La Mecque… Dans la nouvelle doctrine palestinienne, en effet, c’est toute la montagne et ses alentours qui constituent la «mosquée El Aksa» et pas seulement la mosquée de ce nom.Tout le Mont du Temple, y compris le «mur des lamentations» sont revendiqués comme un lieu de culte exclusivement musulman, c’est à dire interdit aux non musulmans. La présence physique des Juifs dans toutes ces enceintes profanerait leur pureté islamique: Mahmoud Abbas a fustigé il y a quelques semaines «les pieds sales» des Juifs qui foulent le Mont du Temple. L’affabulation historique est si épaisse qu’elle se transforme même en théorie du complot: Israël se voit accusé d’installer de fausses tombes juives dans des cimetières musulmans pour empêcher les musulmans d’y enterrer leurs morts!Et Jésus n’était-il pas un «Palestinien»? C’est toute une réécriture de l’histoire selon l’islam qui se joue aujourd’hui sous la dictée de l’Organisation de la Conférence Islamique …
Il est intéressant de noter que la résolution a été proposée par des Etats arabes réputés «modérés», si l’on excepte l’Algérie, (un pays dont le code de la nationalité a décrété au lendemain de l’indépendance que pour être citoyen algérien il fallait être musulman): le Maroc, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, et la Tunisie (si «démocratique» selon la presse française!). C’est qu’il y a là une dimension théologique propre à l’islam dans son ensemble qui voit dans le Coran le livre originel de la révélation de sorte que les livres judéo-chrétiens ne peuvent être que sa falsification. Le récit de la Bible hébraïque qui nous rapporte l’histoire d’Israël en Terre d’Israël, la royauté et les temples de Salomon et de Néhémie à Jérusalem (autant pour les chrétiens: les pérégrinations de Jésus durant l’époque du Deuxième Temple) serait entièrement faux et biaisé. Et Jésus n’était-il pas un «Palestinien»? C’est toute une réécriture de l’histoire selon l’islam qui se joue aujourd’hui sous la dictée de l’Organisation de la Conférence Islamique, un imposant bloc d’une soixantaine d’Etats, aux directives de laquelle les puissances occidentales, parties prenantes de son programme «alliance des civilisations», se sont honteusement soumises sous le couvert du mythe de l’»âge d’or» andalou: une réécriture que l’Union Européenne met en œuvre jusque dans les manuels d’histoire de ses pays membres.Au delà du politique…Le plus grand scandale de la décision de l’UNESCO, c’est qu’il se trouve une majorité de pays pour s’aligner derrière la résolution concoctée. Qu’est-ce qui a pu motiver le vote de pays occidentaux? Soumise aux 58 membres du Conseil exécutif, la résolution compte parmi les pays qui l’ont adoptée la France, l’Espagne, la Suède, la Russie et la Slovénie, des «amis» d’Israël. Dans les votes négatifs, on recense seulement six Etats: l’Estonie, l’Allemagne, la Lithuanie, les Pays Bas, le Royaume Uni et les Etats-Unis.

Une remarque s’impose: les pays d’origine protestante sont nombreux dans le camp qui a voté négativement alors que France, Espagne, Slovénie relèvent d’un univers qui fut catholique romain. Ce sont là des univers religieux dans lesquels l’»Ancien Testament» a été reconnu (protestants) ou escamoté (catholiques), des pays où la philosophie politique de la démocratie s’est inspirée d’Athènes (la réaction anti-catholique du XIX° siècle) ou de Jérusalem et de Moïse (la philosophie politique protestante des XVI° et XVII° siècles)… Les pays «contre» sont également des pays où l’identité collective et culturelle reste encore forte dans ce sens où ils n’ont pas (encore?) cédé à la réécriture «politiquement correcte» de leur histoire pour complaire aux directives de l’ «Alliance des civilisations». On atteint ici au plan des fondamentaux des civilisations, le politique touchant au métaphysique et au méta-historique…

Israël: le canari dans la mine pour l’Occident? Sans oublier l’Etat-nation démocratique!

Voir de plus:

Sinology and Simon Leys
Alan Baumler
12/15/2013

New York Review of Books Classics has re-printed Simon Leys’ The Hall of Uselessness: Selected Essays. This makes him the first Sinologist to crack the NYRB Classics list as one of the masters of world literature, this despite the fact that the original book of these essays only came out in 2011. Leys write about all sorts of things, from Orwell to Cervantes to Zhou Enlai, but his chief claim to fame, at least for me, was his caustic criticism of westerners who had been taken in by the Maoist myth.

Why read this book? Well, he writes well, both in the sense of being able to describe things and in the sense of knowing exactly when to stick the knife in. From the piece on Zhou En-lai

Alone among the Maoist leaders, Zhou Enlai had cosmopolitan sophistication, charm, wit and style. He certainly was one of the greatest and most successful comedians of our century. He had a talent for telling blatant lies with angelic suavity….Everyone loved him. He repeatedly and literally got away with murder. No wonder politicians from all over the world unanimously worshipped him…

..no interlocutors ever appeared to small, too dim or too irrelevant not to warrant a special effort on his part to charm them, to wow, them..He was..the ultimate Zelig of politics, showing tolerance, urbanity and a spirit of compromise to urbane Western liberals, eating fire and spitting hatred to suit the taste of embittered Third World leaders; displaying culture and refinement with artists; being pragmatic with pragmatists, philosophical with philosophers, and Kissingerian with Kissinger.
Most China scholars don’t write like that, but Leyes is not a China scholar, he is a Sinologist, and while he is certainly a scholar he is rightly sceptical about the modern academic world. You can see this pretty clearly the essay on Said’s Orientalism. In this essay Leys was trying to figure out if Said’s work had any relevance for China folk. This is a topic that has been hashed out a bit. Said did not make it clear what the “east” was for him, and while ome East Asia folk use and talk about the idea others don’t.

What is Leys’ take?

Edward Said’s main contention is that “no production of knowledge in the human sciences can ever ignore or disclaim the author’s involvement as a human subject in his own circumstances.” Translated into plain English, this would seem to mean simply that no scholar can escape his original condition: his own national, cultural, political and social prejudices are bound to be reflected in his work. Such a common-sense statement hardly warrants debate. Actually Said’s own book is an excellent case it point: Orientalism could obviously have been written by no one but a Palestinian scholar with a huge chip on his shoulder and a very dim understanding of the European academic tradition (here perceived through the distorted prism of a certain type of American university, with its brutish hyper-specialization, non-humanistic approach, and close, unhealthy links with government.)1
In general East Asia folk seems to be less afraid of getting the Orientalist cooties than Middle East people, and and Leys helps explain why. Part of Orientalism is worrying that you are essentializing the “timeless East” and while Leys has no patience with anyone foolish enough to lump everything from Syria to Shandong into an “East” he points out that ”Western sinology in its entirety is a mere footnote appended to the huge sinological corpus that Chinese intellectuals have been building for centuries to this day.” Although Leys does not point it out, if you want essentialization of Chinese culture 漢學 is a good place to look, and if you want to understand China Chinese scholars are the first people you should talk to.

For Leys the study of China is not part of euro-american empire2 or ‘othering’, but part of humanistic education. “Chinese should be taught in Western countries as a fundamental discipline of the humanities at the secondary-school level, in conjunction with, or as an alternative to, Latin and Greek.” Actually, if we wanted to put good old fashioned Classical Studies back in American High Schools I would guess making them Chinese classical studies would be the way to do it. More likely to be useful in Shenzhen.

While I like reading Leys his flavor of Sinology sometimes leaves me cold. In his essay on Confucius he claims that the Analects was written withing 75 years of Confucius’s death and shows a single voice. He compares those who claim that the text was compiled over a much longer period to those scholars who question the Gospels, and here he enlists the novelist Julien Gracq.

Gracq first acknowledged the impressive learning of one of these scholars as well as a devastating logic of his reasoning; but he confessed that, in the end, he still found himself left with one fundamental objection: for all his formidable erudition, the scholar in question simply had no ear-he could not hear what should be so obvious to any sensitive reader-that, underlying the text of the Gospels, there is a masterly and powerful unity of style which derives from one unique and inimitable voice.
I think he is wrong there, both about Jesus and about Confucius, but far worse is the footnote to his claim that in the Analects “there are very few stylistic anachronisms: the language and syntax of most of the fragments is coherent and pertains to the same period.” The note reads “On these problems of chronology and textual analysis, see E. Bruce Brooks, The Original Analects (Columbia University Press, 1998)” This is a pretty serious failure of scholarly courtesy, first in erasing Brooks’ co-author, but more importantly enlisting him in support of the claim that Analects is a coherent text.3 What’s the point in reading books and citing them if you are just going to make up things about what is in them? I would like to think it is possible to be both a scholar and a sensitive reader, but Leys is not helping me here.

This goes farther than just sloppy scholarship. Leys wants to uncover the real Confucius under the distortions of “Imperial Confucianism [which] only extolled those statements from the Master that prescribed submission to the established authorities.” This seems wrong to me and more importantly leaves you uninterested in the period from the Han to the present when the ru were always intertwined with the state. Leys’ condemnations of the dupes of Maoism are always fun to read, and lord knows he was fighting the good fight4 when he took them on. While he has some real insights on the period, he is not a very good guide to the Mao era, which for him was grotesque and alien. Grotesque certainly; In “The China Experts” he skewers Edward Friedman, Han Suyin and Ross Terrill.

Perhaps we should not be too harsh on the these experts; the fraternity recently suffered a traumatic experience and is still in a state of shock. Should fish suddenly start to talk, I suppose that ichthyology would also have to undergo a dramatic revision of its basic approach. A certain type of “instant sinology” was indeed based on the assumption that the Chinese people were as different from us in their fundimental aspirations, and as unable to communicate with us, as the inhabitants of the oceanic depths; and when they eventually rose to the surface and began to cry out sufficiently loudly for their message to get through to the general public there was much consternation among the China pundits.
Leys gives us lots of examples of China pundits (mostly Terrill) swallowing the most absurd nonsense about how the Chinese loved Chairman Mao. The problem of course, is that the Chinese did love Chairman Mao. You can’t start a Cultural Revolution memoir without explaining your youthful loyalty to the red, red sun of Chairman Mao, and you can’t treat Mao period as something alien to China. How can you write about people becoming disillusioned unless you can explain how they became believers in the first place?  Leys’ China is as much a place to find Simon Leys as a place to find Chinese people, (just like Europeans used to do with Greece and Rome) and while I like reading him on Said or Terrill, I suspect he would not be as helpful for reading Mark Edward Lewis or Elizabeth Perry.

Yes, I am quoting a lot, but Leys is a hard guy to paraphrase. [ ]
Almost the only mention of East Asia in Said is an approving comment on the Concerned Asian Scholars, who he praised for their condemnation of American imperialism in Asia while for Said they ‘failed most scandalously in their moral responsibilities toward China and the Chinese people.’ [ ]
Which seems the obvious way to read that note for me. [ ]
at some risk to his reputation in academic circles, which does not seem to have worried him [ ]

Voir encore:

“Orientalism” and Aspects of Violence in the Tibetan Tradition¹
Elliot Sperling
Department of Central Eurasian Studies
Indiana University

The dragon year of 1640-41, as described by the Fifth Dalai Lama in his autobiography, was marked by some rather unsettling events. Problems the Gelugpa (dGe lugs pa) sect had been experiencing in the Tsang (gTsang) region were ominous in view of the fact that the sect’s political position was still not fully secure. The Dalai Lama noted that in the Tiger Year (1638-39) the regions’ ruler, the Tsangpa Desi (gTsang pa sde srid), had instigated a variety of problems for the monastery of Tashilhunpo (bKra shis Ihun po). People reported seeing a tired, worn-out Panchen Lama, the monastery’s chief hierarch, bemoaning the state of affairs. All sorts of talk about the situation had arisen; people traveling to the Tsongon (mTsho sngon) region in the northeastern reaches of the Tibetan Plateau reported what they had seen and heard of all this to the leader of the Qosot Mongols, Gusri Qan, who was also the most powerful among the patrons and supporters of the Dalai Lama and the Gelugpa. Gusri Qan was incensed. Suddenly, the Dalai Lama records, word came that he was en route to Central Tibet but had taken a route via Beri (Bi ri), in Kham (Khams), where the Gelugpa were also opposed by the local ruler.² A military response to the travails of the Gelugpa was clearly imminent.

In the summer a number of Mongols from Khams began arriving in the Lhasa area. Sidi Batur, one of Gusri Qan’s officers, brought a letter from the Mongol king and spoke with the Dalai Lama, who noted in his autobiography:

For our part, [I stated,] “Relying on that particular virtue which encompasses the bodhisattva—i.e., thinking of oneself and others in an equal manner—has not held back strife. Thus, though we might [continue] to act in accord with this sort of pretense, nothing other than shame before others would come of it.”³
Furthermore, in relation to the actions of the Tsangpa, he said “Though we might take revenge, I, the last of those of Chongye (Phyongs rgyas), the cleric occupying the seat of the omniscient ones, would not appear as a disobedient monk.”⁴ The Dalai Lama then ordered that Beri should be destroyed and that strife (that is, opposition) would not be tolerated.

Another incident throws further light on the Fifth Dalai Lama’s thinking with regard to the use of military force to protect the interests of his government and his sect. In early 1660 he was confronted with a situation that he himself described as one of chaotic strife rooted in a rebellion in Tsang. Asserting that he was acting for the sake of beings in the area of Nyangme (Nyang smad), he sent out instructions that were direct and clear:

[Of those in] the band of enemies who have despoiled the duties entrusted to them:
Make the male lines like trees that have had their roots cut;
Make the female lines like brooks that have dried up in winter;
Make the children and grandchildren like eggs smashed against rocks;
Make the servants and followers like heaps of grass consumed by fire;
Make their dominion like a lamp whose oil has been exhausted;
In short, annihilate any traces of them, even their names.⁵

With his own pen the Fifth Dalai Lama made clear his role in the events just described. With regard to the first of these, he was explicit about authorizing the activities of Gusri Qan, through warfare, which made Ganden Phodrang (Dga’ Idan pho brang) the unquestioned center of authority in Tibet. With regard to the second, his instructions evince a clear determination to unleash severe military retribution against those who had risen against his authority. One may say with some confidence that the Fifth Dalai Lama does not fit the standard image that many people today have of a Dalai Lama, particularly the image of a Nobel Peace Prize laureate.

I have purposely couched these remarks in provocative terms in order to emphasize the point that we cannot simplistically mix the actions and standards of different eras. This would seem to be obvious, yet it happens all the time. For partisan reasons one often finds discussions of historical figures from centuries ago framed around arguments relating to human rights values, democracy, and so forth, which were not part of the intellectual atmosphere of the period at issue.⁶ While this is often done with a harshly critical goal in mind, the opposite also occurs, whereby polemical needs lead people into various lines of argumentation in order to prove that such and such a figure, institution, or state organization from earlier times in fact accorded with the standards of our own time and place (with the implication often being that the standards and values in question are positive and admirable ones). Thus my comment juxtaposing the actions of the Fifth Dalai Lama and the image of the Nobel Laureate; for we can in fact find modern writers projecting current ideas concerning the nonviolence associated with the present Dalai Lama back onto previous Dalai Lamas. This in turn makes it seem as if nonviolence of the Gandhian sort were one of the basic hallmarks of Tibetan Buddhism in general, not only in the religious and philosophical sphere, but in the political sphere as well.⁷

I should not be misunderstood here; kindness and compassion toward sentient beings are a significant part of Tibetan Buddhism, as is, of course, the idea of working for the benefit of sentient beings. These are not, however, identical with Gandhian ahimsa; nor are they all there is to Tibetan Buddhism in practice; among those ideas that have played a role in the political history of Tibet are notions about protecting the doctrine. These ideas and the methods for realizing them have, in fact, been of crucial significance in making Tibetan Buddhism a vehicle for power in the arena of world history, first for Tangut emperors, then for Mongol, Chinese, and Manchu rulers: Tibetan Buddhism, from this perspective, was a means toward the attainment of power—in defense of and for the spread of the doctrine, to be sure. It was clearly used by Zhang Rinpoche (1123/24-1193/94), whose disciples made war on his behalf and are said to have experienced religious visions in the midst of battle.⁸ Yuan-dynasty Chinese writers recorded that when the armies of Qubilai swept into southern China, above them in the sky could be seen Mahakala, a result of the propitiation rites performed by the Sakyapa (Sa skya pa) cleric sGa A-gnyan dam-pa.⁹

In spite of this, however, we can easily find descriptions of Tibetan Buddhism that take the present Dalai Lama’s views on nonviolence—phrased, significantly, with the Gandhian term ahimsa—and make of them a Buddhist value that has dominated Tibetan political history and the institution of the Dalai Lama for centuries. Thus we come up with simplistic accounts that describe the Mongol adoption of Tibetan Buddhism in the thirteenth century solely in terms of the moral attraction that Buddhism held for the Mongol emperors. This is not to say that morality is not a part of Tibetan Buddhism, but the account we are often given of the conversion of the Mongols is a rather skewed reading of what actually transpired. The Fifth Dalai Lama has been described as having brought about the pacification of the Mongols four centuries later through his charismatic teaching of Buddhism. Lost in such descriptions is the fact that militant Mongol imperial ambitions were only quashed through the bloody extirpation of the Jungar Mongols in the mid-eighteenth century by the armies of Qianlong, who was revered by Tibetans in his own lifetime as an emanation of Manjusri.¹⁰ Such nonviolent readings of Tibetan history seem designed to create a historical tradition for the present Dalai Lama’s views on the primacy of ahimsa.¹¹

Why is there a need to create this sort of tradition? Given contemporary ideas and expectations, it’s easy to see the utility of presenting Tibetan Buddhism to the present-day world as an eternal store of teachings on nonviolence and peace. Nevertheless, Tibetan Buddhism and the Dalai Lama are in and of the world, and (along with our perception of them) have to a certain degree been influenced by general currents in thought in the last decades of this century. They have not stood apart from or above all other things. The present Dalai Lama’s views on non­violence, laudable as they may be, cannot simply be ascribed to a largely unchanged, centuries-old tradition.

To clarify this it is necessary to digress a bit. In the late 1970s Edward Said created a small sensation in a variety of disciplines with his now well-known book Orientalism. Said maintained that the West had constructed an “Orient,” a largely imagined and stereotyped realm whose construction as a violent, sensual, objectified “other” was meant to accord with and left the entire colonial enterprise. Said argued that the seemingly “objective” construction of the Orient was, in fact, the product of the specific context from which it had been viewed:

No one has ever devised a method of detaching the scholar from the circumstances of life, from the fact of his involvement (conscious or unconscious) with a class, a set of beliefs, a social position, or from the mere activity of being a member of a society … I doubt that it is controversial, for example, to say that an Englishman in India or Egypt in the later nineteenth century took an interest in those countries that was never far from their status as British colonies. To say this may seem quite different from saying that all academic knowledge about India and Egypt is somehow tinged and impressed with, violated by, gross political fact —and yet that is what I am saying in this study of Orientalism. For if it is true that no production of knowledge in the human sciences can ever ignore or disclaim its author’s involvement as a human subject in his own circumstances, then it must also be true that for a European or American studying the Orient there can be no disclaiming the main circumstances of his actuality: that he comes up against the Orient as a European or American first, as an individual second. And to be a European or an American in such a situation is by no means an inert fact. It meant and means being aware, however dimly, that one belongs to a power with definite interests in the Orient, and more important, that one belongs to a part of the earth with a definite history of involvement in the Orient since almost the time of Homer.¹²
Found guilty in this Orientalist enterprise were not only novelists and colonial officials but just about everyone else remotely involved, including philologists and archeologists.

Said’s argument was scathingly parodied by Simon Leys in a critique in which he conceded the point that everyone is influenced in some degree by his or her environment:

Edward Said’s main contention is that “no production of knowledge in the human sciences can ever ignore or disclaim the author’s involvement as a human subject in his own circumstances.” Translated into plain English, this would seem to mean simply that no scholar can escape his original condition: his own national, cultural, political, and social prejudices are bound to be reflected in his work. Such a commonsense statement hardly warrants any debate. Actually, Said’s own book is an excellent case in point; Orientalism could obviously have been written by no one but a Palestinian scholar with a huge chip on his shoulder and a very dim understanding of the European academic tradition (here perceived through the distorted prism of a certain type of American university with its brutish hyperspeculization, nonhumanistic approach, and close, unhealthy links with government).¹³
The point, of course, is that although one is subject to influences, these can still be understood in a variety of (often contradictory) ways and may or may not have the meaning Said finds overriding on the individual level. There is no doubt that there are biases and stereotypes (both positive and negative) that operate among people. However, the manner in which these might be manifested in a given individual cannot simply be reduced to a function of that individual’s class, nation, and so forth. As a result, the critique of stereotypical images of Asia that has been spawned by Orientalism is in many instances the product of a large-scale decontextualization: The non-Western precedents for these stereotypes—including those of Tibet itself—are wholly ignored.¹⁴ Most people are familiar with one or another of the Chinese stereotypes of Tibetans and other Inner Asians as “barbarians.” An interesting stereotype about tea and its power over Tibetans and Mongols evolved in Ming and Qing times, on the basis of which the directors of Chinese statecraft proposed controlling them by cutting off their imports of Chinese tea.¹⁵ This idea carried over into foreign policy dealings with the British “other” during the late eighteenth century, when it was maintained that the British would find their lives endangered were they to go for a few days without Chinese tea and rhubarb.¹⁶ Might we term this “Occidentalism”?

As it grew, the anti-Orientalist argument came to encompass critiques and attacks on alleged purveyors of both negative stereotypes of the Orient and its inhabitants (dirty, violent, poor, dishonest, etc.) and positive ones (spiritual, hard-working, noble, close to nature, ecological, etc.). These latter images, of course, present the romanticized version of the Orient, and although considered positive stereotypes, are nevertheless still held to be a construction based primarily on Western psychological needs. For a number of years this basic outline of the anti-Orientalist argument has held: The “Orient” is a Western construct meant to further imperial our Western psychological needs. It has even entered into the Western view of Tibet.¹⁷

In an interesting article that appeared in 1993 Amartya Sen, writing about India, pointed out that:

[U]nless one chooses to focus on the evolution of specific conceptual tradition … “internal consistency” [which Said found underlying “Orientalist” images] is precisely what is hard to find in the variety of Western conceptions of, in this instance, India. For there are several fundamentally contrary ideas and images of India, and they have quite distinct roles in the Western understanding of the country, and also in influencing the manner in which Indians see themselves.¹⁸
It is self-evident that there are any number of stereotypes about the East that are part of our environment; however, their variety and roles cannot be simplified and apportioned as the “anti-Orientalists” would have it. As Sen makes clear, both positive and negative stereotypes have been at work in creating modern notions about India among Westerners and non-Westerners alike, as well as Indians. And in fact it has become increasingly recognized that ostensibly “Western” stereotypes and images of Asia are more universal than was previously acknowledged. The issue is not whether these stereotypical ideas exist as such, or whether they exert an influence on one peoples’ view of another or on a peoples’ self-image; the issue is whether they need to be understood in the reductionist, deterministic manner that is in evidence in much that has been written about them.

Which brings us back now to our original subject, the notion of the Dalai Lamas as almost uniquely men of peace, love, and compassion. It goes without saying that there are a variety of stereotypical notions associated with Tibet. But as with India, it is no longer possible to dismiss these simply as Western constructs. They have come to play a significant role in the Tibetan presentation of Tibet, particularly among Tibetans in exile. This is perhaps a natural development out of Tibetan participation in intellectual, political, and other facets of modern international life. It is, so to speak, an assimilation of viewpoints that have currency and legitimacy in the modern world, viewpoints that very much want to see a cloistered realm far away where people devote themselves uniquely to spiritual pursuits and not to the aspects of life that breed strife and discord. But these sorts of stereotypical images are not (with due respect to the anti-Orientalists) singularly Western—or even singularly modern. Starting, say, with the Taohuayuan ji of Tao Yuanming, one can make a respectable list of non-Western expressions of comparable yearnings for hidden realms of peace.

In its popular presentation to much of the modern world, the complex mix of ideas and doctrines in Tibetan Buddhism is often reduced (of late, by the Tibetan exile community) to an essential emphasis on love and compassion. As a result, a more balanced picture of the role of Tibetan Buddhism in the political world over the centuries has been lost to large numbers of people along the way. One might almost imagine that Tibetan Buddhism is a rather suicidal sort of faith, one whose adherents would rather see it perish than lift a hand in violence. That, frankly, has not been the case in Tibetan history. It was not the position of the Fifth Dalai Lama, who supported the use of military force in defense of Gelugpa interests. (And we may note that during his time the survival of Tibetan Buddhism in general was not at issue, just the welfare and authority of Ganden Phodrang). It was certainly not the position of the Thirteenth Dalai Lama, who actively sanctioned armed Tibetan attacks on the Qing forces in Lhasa that were attempting to assert Qing rule in Tibet just before the dynasty’s collapse.¹⁹ Ultimately the reduction of Tibetan Buddhism, as far as its modern, international image is concerned, to a doctrine of nonviolence of the absolutist sort must be seen in light of the Tibetan exile assimilation of common images about the East, in much the same way as was the case with the generation of Gandhi and Nehru.

A fairly clear clue to this is found in the two versions of the Fourteenth Dalai Lama’s autobiography My Land and My People (1962) and Freedom in Exile (1990). In both works the Dalai Lama writes of the influence he felt from Gandhi’s life and philosophy when he visited the Rajghat. In the later version he specifically notes that the visit left him convinced that nonviolence was the only path for political action. While in the earlier one he states that he was determined never to associate himself with acts of violence, what “associate” means in this context must be tempered by further remarks in both versions of his autobiography. In the second the Dalai Lama tells of his escape and of the protection afforded him by armed guerillas—freedom fighters, he calls them—including at least two CIA-trained fighters. However, in the first he is more specific about his interests and concern for these Tibetan soldiers:

In spite of my beliefs, I very much admired their courage and their determination to carry on the grim battle they had started for our freedom, culture, and religion. I thanked them for their strength and bravery, and also, more personally, for the protection they had given me … By then I could not in honesty advise them to avoid violence. In order to fight they had sacrificed their homes and all the comforts and benefits of a peaceful life. Now they could see no alternative but to go on fighting, and I had none to offer.²⁰
While the mention of Gandhi in both versions reveals the influence of a general, modern attitude to the Indian leader prevalent throughout the world at the time of the Dalai Lama’s visit to the Rajghat, the quote from the earlier autobiography reveals a sentiment largely in line with more traditional Tibetan (and even Tibetan Buddhist) attitudes on political violence. The influences that have led the Dalai Lama to threaten to resign his leadership role if Tibetans act violently toward Chinese in Tibet were not yet there;²¹ indeed, one can hardly imagine the Dalai Lama making such a statement to the soldiers who guided him to safety in 1959.

Frankly, the adoption of ahimsa as an overriding principle represented a significant change in attitude from that of previous Dalai Lamas and from the policies of Ganden Phodrang. Most likely, the Dalai Lama came to adhere to it in a gradual manner. Only in India, in a milieu in which stereotypical ideas about the Orient and India were part of the intellectual environment, did it take on the centrality that people now associate with it. The Dalai Lama, as a human being in the world, certainly was influenced by this new environment that postulated nonviolence as one of the primary virtues—if not the highest of them—that an “Oriental” sage could espouse.

This is not necessarily to imply anything cynical or manipulative about the Dalai Lama’s adoption of nonviolence as a leading principle. This is simply to place the Dalai Lama in history as a human being and as a party to intellectual and other currents that flow through the modern world. It is the assimilation of images and stereotypes espoused by Westerners and non-Westerners (including Tibetan exiles) that has placed the Dalai Lama within a constructed myth of eternal holy men practicing eternal virtues and eternal verities.

Kindness, compassion, nonviolence: All these have their place in Tibetan life and Tibetan Buddhist doctrine. But prior to the last three or more decades their centrality was nothing like what one sees now. Dalai Lamas have certainly counseled against violence and bloodshed in the past. But they have also found it necessary to sanction force to protect their perceived interests. There are instances in which Tibetan Buddhists have historically sanctioned force in the protection and advancement of the doctrine. This aspect of Tibetan Buddhist doctrine, including the empowerment of worldly monarchs who act to protect and advance the doctrine, is part of the political history of Tibet and of Tibet’s relations with neighboring peoples. It is important to remember that Tibetan Buddhism has not always been opposed to the use of violent force under any circumstances. What one sees in recent years, a Dalai Lama threatening to abandon his leadership position if Tibetans use any violence against Chinese, is unprecedented. The extent to which this is so can be appreciated by the fact that it is generally acknowledged that the period since Tibet’s annexation by the PRC has constituted a grave crisis for Tibet and Tibetan civilization, far greater than the threats occasioned by the Tsangpa rulers and their allies in the seventeenth century or even by Zhao Erfeng’s occupation force in Lhasa in 1910-12, at which times both the Fifth and Thirteenth Dalai Lamas saw force as necessary.

A further interesting fact that I might add at this point relates to the Thirteenth Dalai Lama’s reaction to a letter from Gandhi in which the Indian leader—mistakenly making a typical “Orientalist” assumption!—had expressed the hope that the Tibetans would diligently practice the Buddha’s teaching of ahimsa. The Dalai Lama replied that he had no idea about what the word ahimsa meant as either an English or mantra term and that he needed further clarification of the term. Knowing of Gandhi’s activities in general, though, he did tell him about Buddhism’s concept of saving people from suffering.²² If one takes his actions as a guide, however, it is obvious that the Thirteenth Dalai Lama did not consider the use of violent force to be at odds with this idea. Clearly, one can assume that he felt the use of force was sometimes necessary to prevent greater suffering. The corollary to this would then be that refraining from violence under such circumstances can actually engender even greater agonies.

Gandhian ahimsa as a primary Tibetan Buddhist tenet is a new phenomenon. Certainly we cannot speak of it as the overriding principle of political action for all previous Dalai Lamas. If we are to understand the institution of the Dalai Lama, we must accept that values and policies practiced by the Dalai Lamas cannot be wholly separated from their contemporary and historical milieu—though it must be emphasized again that we need not adopt a reductionist or ideological approach in order to understand or perceive the workings of such influences. The notion of the Dalai Lamas and the Tibetan Buddhist faith remaining untouched by the currents of time and history, with the former preaching peace and nonviolence to all peoples at all times, is part of a fanciful image of Tibet that unfortunately persists. The historical record contradicts it rather clearly; continuing attempts to present it as historical reality can only impede our understanding of Tibetan history, past and present.  ■
Notes
¹ A longer version of this paper was originally presented in a lecture at the Amnye Machen Institute in Dharamsala in 1994. It will be published in the near future in Lungta.

² Ngag-dbang blo-bzang rgya-mtsho, Za-hor-gyi ban-de Ngag-dbang blo-bzang rgya-mtsho’i ‘di snang-‘khrul-ba’i rol-rtsed rtogs-brjod-kyi tshul-du bkod-pa du-kü-la’i gos-bzang, vol. 1 (Lhasa: 1989), p. 192.

³ Ibid, p. 193: rang-ngos-kyi cha bdag-gzhan mnyam-brje’i byang-chub-kyi sems dang Idan-pa’i yon-tan khyad-par-can-la brten-nas bde-gzar bshol-ba min-pas de-‘dra’i o-zob byas-kyang gzhan khrel-ba-las mi-yong/.

⁴ Ibid, pp. 193-94: gal-te dgra-sha blangs-kyang nga ‘Phyongs-rgyas-pa’i mi-mjug [194] thams-cad mkhyen-pa’i gdan-sar bsdad-pa’i btsun-pa zhig ban-log-pa mi-‘char.

⁵ rGyal-dbang lnga-pa, Rgya-Bod-Hor-Sog-gi mchog-dman bar-pa-rnams-la ‘phrin-yig snyan-ngag-tu bkod-pa rab-snyan rgyud-mang (Xining, 1993), p. 225: gnyer-du gtad-pa’i dam-nyams dgra-tshogs-kyi/pho-brgyud shing-sdong rtsa-ba bcad-ltar thong/ mo-brgyud dgun-gyi chu-phran skems-ltar thong/ bu-tsha sgo-nga brag-la brdabs-ltar thong/ g.yog-‘khor rtsa-phung me-yis bsregs-ltar thong/ mnga’-thang snum-zad mar-me bzhin-du thong/ mdor-na ming dang rjes-tsam med-par mdzod/ (the full text of the letter is on pp. 223-25).

Note by Elliot Sperling, Feb. 4, 2016: “Rather than indicating military action, as the original article mistakenly implied, the missive from the 5th Dalai Lama was addressed to a protector deity and sought the punishments that are mentioned therein via divine means. I’m grateful to Samten Karmay for pointing this out and to Sean Jones for spurring further inquiry. ES”

⁶ E.g., some (but not all) of the polemics surrounding the five-hundredth anniversary of Columbus’ 1492 Atlantic crossing typify this. Cf. Sale, 1990, and its review by Wills, 1990.

⁷ The most recent expression of these views is given by Thurman, 1995: 38-40, where the Fifth Dalai Lama is credited with having created in Tibet a “unilaterally disarmed society.”

⁸ dPa’-bo gtsug-lag phreng-ba, Dam-pa’i chos-kyi ‘khor-lo bsgyur-ba-rnams-kyi byung-ba gsal-byed-pa mkhas-pa’i dga’-ston (Beijing: 1986), p. 808: “[T]here were many among his disciples in whom Mahamudra insight was born on the battle lines. The officer Dar-ma gzhon-nu had a vision of Samvara (bDe-mchog) on the battle lines.” Cf. Martini 1990: 7.

⁹ See Franke, 1984: 161-62.

10 On the Jungar campaign, particularly the war of extermination in 1757, see Courant, 1912: 106-12. Note the reference, p. 108, to monks taking part in the fighting on the side of the Jungars. See too the reference to the campaigns in Thu’u-bkwan Blo-bzang chos-kyi nyi-ma, ICang-skya Rol-pa’i rdo-rje’i rnam-thar [Khyab-bdag rdo-rje sems-dpa’i ngo-bo dpal-ldan bla-ma dam-pa ye-shes bstan-pa’i sgron-me dpal bzang-po’i rnam-par thar-pa mdo-tsam brjod-pa dge-ldan bstan-pa’i mdzes-rgyan] (Lanzhou, 1989: 363-64). See also the positive comments and reactions of Thu’u-bkwan and ICang-skya Rol-pa’i rdo-rje to the rather bloody Manchu conquest of rGyal-rong in the 1770s, taken from the same work and cited by Martin, 1990a: 8-12.

¹¹ Again, for the most recent expression of these views, see Thurman, 1995: 36-38.

¹² Said, 1979: 10-11.

¹³ Leys, 1985: 95-96.

¹⁴ The best-known whipping boy in this context, the Western notion of Tibet as Shangri-la, is a good example, with antecedents going back several centuries. In the thirteenth century already we find an Arabic description of Tibet that notes: “In the country of Tibet are special properties in respect of their air and water, their mountains and plains. A man there laughs and rejoices continually.” See the translation from the Mu’jam al-Buldän in Dunlop, 1973: 313.

¹⁵ For a modern version of this belief, see Gu Daquan, 1982: 49. An early Ming formulation of this idea can be found in Gu Zucheng et al., 1982: 107-8.

¹⁶ Peyrefitte, 1992: 526.

¹⁷ See, for example, the formulation of Bishop, 1989, particularly pp. 191-239.

¹⁸ Sen, 1993: 27-28.

¹⁹ Cf. Bell, 1987: 140-42.

²⁰ Dalai Lama, 1964: 190.

²¹ See “Dalai Lama Interviewed,” AFP report in FBIS-CHI-89-047, March 13, 1989, pp. 24-25: “If the militant types become more influential and go out of my control and won’t listen to my ideas, then my alternative is I withdraw. I oppose violence.”

²² See Tsering, 1984: 11-12.

Voir encore:

Les vrais discours de l’orientalisme
IMA

Robert Irwin, historien britannique, écrivain, critique littéraire au Times Literary Supplement, était l’invité de ce trimestre. Il était présenté par François Pouillon, lui-même spécialiste du monde arabe et islamique, et directeur d’études à l’EHESS, comme une figure majeure des études arabes, relativement méconnu en France, où l’on connaît davantage son œuvre de romancier – Arabian nightmare est paru en français chez Phébus, sous le titre Nocturne oriental –.

Son dernier ouvrage, For Lust of Knowing (2006), veut récuser la thèse fameuse d’Edward Saïd, énoncée voilà trente ans dans son livre Orientalism, et selon laquelle le « discours orientaliste » tenu par les savants européens de ces derniers siècles se serait mis au service de l’entreprise impériale et coloniale. Robert Irwin, lui, considère que l’activité de recherche, d’observation, d’analyse à laquelle des générations successives de voyageurs et de savants européens se sont livrées sur le « terrain » des pays arabes, mais aussi d’autres régions du Moyen-Orient, et dont les résultats constituent aujourd’hui une vaste bibliothèque, était fondamentalement motivée par le « désir de savoir » (la libido sciendi, dira plus tard un intervenant du public).

Lisant un texte rédigé, Robert Irwin s’est montré sévère à l’égard de l’ouvrage d’Edward Saïd. Il a noté de prime abord que l’idée de départ de ce dernier – que les orientalistes marchaient main dans la main avec les conquérants – n’est pas validée par l’observation des faits. En Inde, par exemple, systématiquement conquise et administrée au XIXème siècle, les savants britanniques sont peu présents. Là comme au Moyen-Orient, on remarque davantage la présence et l’activité des savants allemands. Au demeurant, les études arabes auront longtemps été dominées par une perspective biblique, qui cherchait essentiellement à confirmer par ce détour les vérités du christianisme.

Il convient aussi de prendre garde aux différences de périodisation : l’orientalisme en peinture (et en musique) se déploie au début du XIXème siècle, avec le mouvement romantique, alors que la Grande-Bretagne n’acquiert de positions stratégiques dans le monde arabe, et d’abord en Egypte, que plus tard, dans les années 80 du siècle. Peut-on d’ailleurs parler vraiment, comme le fait Edward Saïd, de « discours orientaliste » unifié, cohérent ? Un discours qui serait de surcroît bâti sur une logique politique… Sans doute non. D’ailleurs, la plus grande partie de la littérature savante sur l’Orient produite aux XVIIème et XVIIIème siècles, et dans une moindre mesure au XIXème, l’était en latin, langue véhiculaire commune à tous les membres de la République des lettres, et bien évidemment impropre à porter un message de type national et impérialiste. Pour autant cette perspective de quête de savoir et de fascination pour un Orient rêvé avant d’être exploré, si elle est loin de s’inscrire dans une logique impérialiste, n’est pas entièrement dénuée de visées politiques. Un auditeur a remarqué à juste titre que les valeurs implicites de la culture classique sont essentiellement politiques, et que la Grande-Bretagne s’est longtemps réclamée du modèle impérial romain pour justifier son expansion et son œuvre de civilisation. Les candidats à un emploi dans l’East India Company, au XIXème siècle, se voyaient proposer un exercice d’explication de textes d’Hérodote ou de Tite-Live…

Il est certes un contre-exemple à cette théorie d’une indifférence des orientalistes aux enjeux proprement stratégiques de leur discipline: c’est celui du livre de Lane : Manners and customs of modern Egyptians, paru au milieu du XIXème siècle, comme une sorte de préparation à l’occupation du pays, survenue quelques années plus tard. Il faut toutefois observer que cet ouvrage, rédigé par un voyageur certes bien informé et plein de curiosité pour la population vivante du pays, mais ni arabisant ni membre d’une quelconque société savante, n’a bénéficié d’aucun soutien officiel du gouvernement britannique et n’a connu d’abord qu’une diffusion restreinte. D’ailleurs les sociétés savantes en Angleterre, et dans une moindre mesure en France, étaient peuplées d’aristocrates et d’ecclésiastiques, les universitaires et spécialistes étant en général allemands, donc assez peu concernés par les projets d’expansion coloniale. Mais les membres aristocrates des sociétés savantes anglaises, ou les savants qui fréquentaient les salons de la haute société parisienne, tel Renan, habitué de celui de la Princesse Mathilde, l’étaient-ils davantage ? Il semble bien que les valeurs promues par la littérature, et plus encore la peinture orientaliste soient celles-là même que pratiquaient les riches protecteurs des savants, ou ces savants eux-mêmes : curiosité, goût de l’aventure, esthétisme, mêlé sans doute d’une certaine condescendance à l’égard des populations locales, en aucun cas de racisme ou d’esprit de conquête.

La richesse et l’ampleur du champ de la recherche – accrue encore considérablement si l’on prend en compte les contributions des orientalistes italiens, polonais, russes… – interdisent que l’on tire des conclusions définitives sur ce mouvement qui est tout autant intellectuel qu’esthétique, et aussi dans une certaine mesure, politico-stratégique. L’auteur de For Lust of knowing avait eu, au moment de la parution d’Orientalism, une correspondance critique avec Edward Saïd, où déjà il défendait ces thèses. Trente ans plus tard, il a le sentiment qu’elles se trouvent largement validées. (LB)

Voir de plus:

L’Orient, rêve de l’Occident
Antoine de Baecque

Le Monde des livres

04.06.2014

Qu’est-ce que l’orien­­talisme, si ce n’est se sentir étranger partout, oriental en Occident, occidental en Orient ? Edward W. Said fut cet ­intellectuel en perpétuel exil. ­Disparu voici une décennie, l’homme (1935-2003) était arabe mais pas musulman (chrétien protestant), il a été élevé en Egypte sans être égyptien (il était palestinien), il a écrit son œuvre en anglais sans être de culture anglaise et a enseigné trente ans à l’université Columbia de New York sans être américain. Il se sentait appartenir à plusieurs univers, différentes langues, maintes cultures en même temps, et cette simultanéité fut chez lui un art du contrepoint à la fois mélancolique, déstabilisant, infiniment ­fécond et inventif.

Avec une claire lucidité, parfois plongeant loin les racines dans une forme de scepticisme inquiet, Said confie dans trois entretiens donnés dans les années 1980-1990 à des revues intellectuelles anglo-saxonnes, réunis en un petit volume chez Payot sous le titre Dans l’ombre de l’Occident, cette place si particulière et essentielle de l’exilé, qui détermine chez lui tout rapport aux autres et aux cultures. Vivants, sentis, pensés, ces dialogues sont davantage encore que de courtes autobiographies en actes. Ils offrent la clé d’une situation personnelle et d’un contexte qui empêchent Said de jamais se « sentir bien », d’être serein, posé, arrivé.

NOUER LES REGARDS

Son pessimisme est terrible : « Je pense que la situation est en train d’empirer, déclare-t-il en 1996. Presque aucun Nord-Américain ne connaît le monde islamique. C’est lointain, principalement désertique, il y a beaucoup de moutons, des chameaux, des gens avec des couteaux entre les dents qui font métier de terroristes… D’un autre côté, (…) tous les Américains sont obsédés par le sexe, ils ont des grands pieds et mangent trop. Le résultat est que là où il devrait y avoir une présence humaine, il y a un vide, et là où il devrait y avoir échange, dialogue, il y a une forme dégradée de non-échange. » Mais c’est un pessimisme qui l’incite justement à combler le vide, à nouer les langues, les regards et les cultures.

Dans son livre fondateur, paru en 1978, L’Orientalisme (Seuil, 2005), l’un des tournants capitaux des sciences humaines du dernier XXe siècle, Said a montré que l’Orient n’a existé que dans le rêve des Occidentaux, de la fin du XVIIIe siècle au monde contemporain. Il met en cause le désintéressement érudit et la mission civilisatrice qui ont construit le savoir académique sur l’Orient, éclairant au contraire la dimension idéologique, colonisatrice du regard occidental. S’il fabrique des connaissances sur l’Orient, voire suscite l’admiration et l’amour de ces civilisations, ce savoir élabore dans le même temps un discours colonial de représentation de l’autre comme sujet inférieur réduit à un stéréotype figé. L’orientalisme invente une fiction : ces valeurs, ces sociétés, ces habitudes, ces œuvres, qualifiées d’orientales, n’ont jamais existé que comme « façon de réifier en dehors d’eux leur “autre” chez les Européens », selon la formule de Tzvetan Todorov, qui présenta au public français, en 1980, la traduction de l’essai de Said.

L’AUTRE ORIENTAL

Il est passionnant de confronter L’Orientalisme de Said à ce qui fut évidemment l’une de ses sources, La Renaissance orientale de Raymond Schwab (1884-1956), magnifique somme d’érudition et de passion racontant les effets culturels de la découverte des civilisations de l’Orient en Europe, parue trente ans auparavant, en 1950. Une réédition de belle facture le permet enfin, alors que le livre de Schwab, homme de lettres, poète, traducteur, était introuvable depuis belle lurette. Said a puisé maints exemples et citations des XVIIIe et XIXe siècles européens dans cette mine qui montre tout ce que cette « seconde ­renaissance » doit, tant pour la linguistique, l’histoire, la philosophie, l’art, l’anthropologie naissante, à l’autre oriental considéré dès lors comme originel. Si cette profondeur orientale intéresse le penseur palestinien, il y adjoint son propre regard : une dimension politique qui souligne, à travers la perspective coloniale, absente chez Raymond Schwab, la volonté de domination de l’Occident masquée sous ce discours orientaliste. Said a dit sa dette et cette mutation qu’il a imposée à la vision de Schwab, et l’on regrettera que cette édition ne reprenne pas le texte que le Palestinien avait écrit lors de la traduction américaine de La Renaissance orientale, en 1984.

A cette idéalisation idéologique de l’Orient, Said oppose non pas une alternative radicale et une identité clairement constituée, fuyant – de par sa biographie, sa manière de vivre, ses choix et ses idées – aussi bien le nationalisme arabe, la révolution tiers-mondiste que le prétendu « choc des civilisations » qui opposerait bloc à bloc la chrétienté et l’islam. Il préfère parler d’hybridation des cultures et des savoirs, d’imbrication de sociétés et de pensées qui n’ont jamais existé de manière isolée. Il n’y a pas d’essence de l’Occident ou de l’Orient, mais des formes profondément mêlées, métissées, qui n’en sont pas moins des témoignages, parfois violemment réducteurs, de domination impériale.

La grande force d’Edward Said, lecteur cultivé, philologue amoureux des textes et néanmoins analyste sans concession des constructions politiques coloniales, fut précisément de pouvoir dire, parallèlement, et la grandeur artistique de textes comme Au cœur des ténèbres (1899), de Conrad, L’Etranger (1942), de Camus, Robinson Crusoé (1719), de Defoe, ou, chez ce grand mélomane, Aïda (1871), de Verdi, et leur soubassement idéologique réducteur. Le volume consacré à Said par la revue de la Sorbonne, Sociétés & Représentations (n° 37, printemps 2014) explore en une douzaine d’articles détaillés cette « conscience inquiète du monde », tout en revenant sur les principaux apports épistémologiques, mais aussi polémiques, de Said, qui était également un intellectuel au combat, engagé pour la cause palestinienne. Cet ensemble, dirigé par Guillaume Bridet et Xavier Garnier, en s’arrêtant sur les différents aspects de la pensée de Said, multiple, complexe, parfois contradictoire, souligne avec beaucoup d’à-propos son rapport musical au monde, défini comme un « art critique du contrepoint », une  « implication dans la rumeur polyphonique ».

SOURCE VIVE

Cette position de l’entre-deux est spécifiquement celle qui a présidé, depuis une trentaine d’années, à la naissance puis au développement des études postcoloniales, d’abord en Amérique, ensuite en Europe et en France – non sans quelques réticences –, champ de pensée et de recherches dont L’Orientalisme de Said est littéralement la source vive. Les études postcoloniales se situent explicitement, épistémologiquement, des deux côtés de cette fracture : il s’agit d’y croiser les deux regards, celui du colonisateur qui a construit une rhétorique justifiant, même et y compris avec humanisme et empathie, son impérialisme, et celui du colonisé, ou ex-colonisé, qui a pu intégrer la culture occidentale pour mieux pouvoir comprendre sa situation dominée et savoir (ou non d’ailleurs) y remédier.

Dans un bel essai autobiographique et intime consacré à son père, Les Voix de l’Orient, Christine Buci-Glucksmann rejoint très justement Said en proposant une lecture tout à la fois sensible et critique, amicale et alternative, passionnée et distante, de cet amour qu’éprouvèrent bon nombre d’Européens pour l’Orient de leurs rêves. Elle y parvient en ­revisitant la vie de celui qui fut interprète de langues orientales et communiqua à sa fille « sa passion de l’Orient ». « Les écrits de Said ont précisé et nuancé [mon rapport à mon père], écrit la philosophe. Plus qu’une simple idéologie d’exclusion, l’orientalisme fut un mythe, une fan­tasmagorie. » C’est en définitive grâce à la vision construite par Edward Said que nous avons pu comprendre l’Orient tel qu’il nous parle : ce qu’il révèle bien davantage des Occidentaux et de leurs constructions imaginaires que des Orientaux et de leurs ­stéréotypes.

Dans l’ombre de l’Occident, d’Edward Said, suivi des Arabes peuvent-ils parler ?, de Seloua Luste Boulbina, traduit de l’anglais par  Léa Gauthier, Payot, « Petite bibliothèque », 208 p., 8,15 €.

La Renaissance orientale, de Raymond Schwab, Payot, 688 p., 32 €.

Les Voix de l’Orient. Le livre du père, de Christine Buci-Glucksmann, Galilée, 110 p., 20 €.

L’Orient au bout du monde
Patrick Boucheron, maître de conférences à l’Université Paris-I et Julien Loiseau, maître de conférences à l’Université Montpellier-III

Le Monde

13.10.2011

C’est une affaire entendue : l’Orient est, en grande partie, l’invention des orientalistes. L’Europe a rêvé et pensé l’Orient dans le temps même où, au XIXe siècle, elle imposait ses empires à la plus grande partie du monde. Ainsi ce que l’on nomme orientalisme n’est rien d’autre que la postérité artistique et savante de l’impérialisme européen – et c’est pourquoi les historiens se sentent fondés, depuis les travaux d’Edward Saïd, à l’envisager avec suspicion.

Celui des Anglais se plaisait de l’Inde à l’Irak, dans l’espace de culture persane ; celui des Français davantage d’Alger à Damas, dans les pays de langue arabe. A mesure que s’accélérait la mise en connexion du monde, c’est l’Orient dans son ensemble qui semblait se figer dans un passé immobile, l’arrimant à une altérité radicale sur laquelle se penchaient philologues, archéologues et ethnographes.

Rarement deux catégories savantes auront été plus éloignées : le monde emporté dans le tourbillon de son unification, l’Orient pris dans la gangue de sa différence. Il suffit pourtant de se retourner de quelques siècles, se placer à l’aube de la première mondialisation, pour constater combien les cartes étaient autrement distribuées, à la fin de ce que nous appelons le Moyen Âge.

Dans les cours princières de l’Italie de la Renaissance, on ne se piquait pas seulement de lire le grec mais également d’apprendre l’arabe, de lire le Coran ou encore ces manuscrits de magie judéo-arabes que le Sicilien Guglielmo Moncada, un juif converti, introduisit à la cour du pape Sixte IV. Cette curiosité n’était certes pas motivée par un goût des autres désintéressé : il y entrait des calculs et des rancoeurs, la volonté de mieux connaître l’adversaire pour le vaincre ou le convaincre. Mais elle n’était pas pour autant réductible au désir de domination. De cet Orient si proche, celui de l’islam, on fréquentait déjà les villes, on prisait les plus beaux objets, dont les monuments et les motifs formaient le décor familier de la peinture vénitienne. Gentile Bellini figurait ainsi des hommes en turban et des femmes en voile dans la foule assistant, sur fond de minarets, à la prédication de saint Marc en Alexandrie. Mais l’Orient plus lointain était également dans tous les esprits. En s’embarquant à l’été 1492 pour un fameux voyage, cinglant plein ouest, Christophe Colomb avait en tête le Livre des merveilles de Marco Polo et pour destination finale les Indes orientales, via Cipango (le Japon) et la cour mongole du grand khan.

Pour ces hommes de la fin du Moyen Age, l’Orient n’était plus seulement l’origine onirique de toute chose, l’emplacement du paradis perdu, mais un horizon nouveau, un espace tellement attractif que l’on cherchait, comme les Portugais dans l’interminable contournement de l’Afrique, de nouvelles voies pour l’atteindre. L’Orient occupait, à proprement parler, le centre du monde. A vouloir le circonscrire cependant, définir ses frontières et lui assigner des noms, on ferait certainement fausse route. L’Orient à l’heure de la première mondialisation n’était pas un lieu, mais une direction, celle que prenaient les empires dans leur rêve de domination universelle. On se souvenait alors que l’empire romain, s’il était borné à l’ouest, n’avait pas de limite à l’est, seulement l’horizon d’une conquête espérée. L’empire byzantin hérita de cette dissymétrie idéologique, et c’est pourquoi la prise de Constantinople par Mehmed II le 29 mai 1453 désorienta, au sens propre, l’Occident.

Et plus encore peut-être qu’une direction imaginaire, l’Orient était pour le monde du XVe siècle un noeud de réseaux bien réels. Réseaux de négoce, qui couraient de la douane d’Aden aux entrepôts de Malacca, se prolongeaient jusqu’aux villes chinoises du bassin du fleuve Bleu, et faisaient retour avec les vents de la mousson d’hiver – entre les mains des nakhudha, les « maîtres des navires » hindous ou musulmans établis dans le petit sultanat indien du Gujarat.

Réseaux de savoir, savoirs techniques des marins de l’océan Indien, savoir-faire des artisans qui façonnaient la porcelaine ou fondaient le métal, savoir lettré des marchands-missionnaires dont le grand succès fut incontestablement l’islam, de Gedi en Afrique orientale à Java et jusqu’aux mosquées de Pékin. Réseaux de pouvoir, enfin, ceux que bâtissaient depuis plusieurs siècles déjà les armées de mercenaires turcs, de l’Egypte mamelouke au sultanat de Delhi, ou ceux, plus éphémères, qui se formaient dans le sillage d’une aventure impériale, comme celle de l’empereur de Chine Yongle dont les navires, armés à Nankin, sillonnèrent les côtes de l’océan Indien et mouillèrent même à Jeddah, le port de La Mecque, en 1433 – l’année où s’achevèrent ces expéditions maritimes. Si cet Orient en réseaux excédait largement le domaine de l’islam, celui-ci en était le principal dénominateur commun, et le sésame : dans les années 1470, le marchand russe Afanasij Nikitine ne recommandait-il pas, pour réussir dans le commerce des Indes, de laisser sa foi au pays et d’invoquer Mahomet ? Voici sans doute l’apport le plus incontestable de la world history, telle qu’elle se développe depuis une trentaine d’années : avoir montré que l’océan Indien, qui constituait alors le second théâtre de l’islamisation du monde, fut le premier espace interconnecté avant l’ère de la mondialisation européenne.

Replacer l’Orient au centre du monde au moment où, pour la première fois, les hommes furent en mesure d’en parcourir la boucle, est sans doute aujourd’hui le meilleur chemin pour réfléchir autrement à l’histoire de la mondialisation. Il en va d’une rupture salutaire avec le récit épique des grandes découvertes et du destin de l’aventure européenne. C’est un fait : le pouls de l’histoire universelle ne bat pas depuis cinq siècles à l’extrémité occidentale du continent Eurasiatique. Le monde n’était pas un objet inerte à « découvrir » ; il n’attendait pas les marins venus d’Europe pour se déployer à la surface des mers. Mais il ne s’agit pas pour autant de substituer à cette épopée un autre grand récit dont l’Orient serait le héros collectif. La Renaissance est le nom que l’Europe a donné à son ambition de penser la totalité du monde, passé et présent réunis ; elle désigne sa prétention à assumer seule la marche à la modernité. Nul besoin par conséquent d’en équilibrer le discours, en cherchant à identifier dans l’histoire de l’Orient d’autres renaissances, dans la Chine des Song ou l’Iran des descendants de Tamerlan, qui expliqueraient de manière tout aussi providentielle la richesse caduque de l’un ou la puissance en devenir de l’autre. De même que la Renaissance ne préfigurait en rien la domination coloniale des empires européens du XIXe siècle, l’Orient à la fin du Moyen Age n’était pas la promesse de notre présent mondialisé. Ainsi la Chine des Ming s’empressa-t-elle d’oublier les aventures océaniques de l’amiral Zheng He et d’en faire disparaître les archives, pour mieux décréter « la fermeture des mers » (haijin) et l’interdiction du commerce maritime.

L’Orient a d’autres vertus heuristiques. De nous dépayser de notre propre passé, de nous en faire ressentir toute l’étrangeté, mais également de décentrer notre regard, de nous faire voir le monde sous d’autres angles, dans d’autres miroirs, à travers d’autres régimes de temps. Regarder le monde depuis l’Orient à la fin du Moyen Age est une invitation joyeuse à renoncer au récit univoque, à la narration unilatérale, pour mieux écouter la rumeur fluctuante des histoires contradictoires. Il n’est pas besoin de leur conférer le ton véhément et impérial qui accompagnait le récit glorieux de l’occidentalisation du monde, et dont l’orientalisme constituait le contrepoint discret. Se défaire enfin du roman oriental est sans doute la meilleure chose qui soit arrivée depuis longtemps à l’histoire, aux historiens et à leurs lecteurs.
Patrick Boucheron, maître de conférences à l’Université Paris-I, est historien du Moyen Age et de la Renaissance, spécialiste de l’Italie, et Julien Loiseau est maître de conférences en histoire de l’islam médiéval à l’Université Montpellier-III. Ensemble, ils ont dirigé et coordonné la publication d’une « Histoire du monde au XVe siècle » (Fayard, 2009).

Rencontres avec l’Islam Un autodafé pour les orientalistes
Jean-Pierre Péroncel-Hugoz

Le Monde

24.10.1980
HENRI GUILLEMIN s’est fait une réputation en remettant en cause tel ou tel personnage historique. Edward Saïd, professeur de littérature anglaise à l’université Columbia, à New-York, s’attaque, lui, à toute une science, vieille de deux siècles, dans sa version moderne : l’orientalisme.

Devant une telle entreprise on incline d’abord au scepticisme. Certes, la discipline visée n’a pas, loin de là, produit que des chefs-d’œuvre, parmi les quelque quatre-vingt mille ouvrages qu’elle a suscités dans les langues européennes depuis 1800 ; mais elle a toute de même contribué à restituer leur passé préislamique à l’Égypte ou à la Mésopotamie, et elle a apporté à l’intelligentsia occidentale une connaissance, certes insuffisante de l’univers arabo-musulman (1), mais mille fois plus large que le savoir sur l’Occident répandu parmi l’élite pensante arabophone – l’  » occidentalisme  » qui, en deux cents ans, n’a donné que quelques centaines d’études, restant un projet.

Puis on se dit : après tout, pourquoi pas ? Rien n’est sacré, ni définitif. De plus, l’auteur a un profil qui peut séduire ; d’origine palestinienne, élevé en Égypte, attentif à la culture française, âgé aujourd’hui d’à peine quarante ans, ne rabâchant pas les vieux clichés marxisants chers à nombre de ses pairs il a en outre la vertu, une fois établi à New-York, de braver, avec le groupe des diplômés arabes américains, le robuste conformisme intellectuel, trop marqué par le sionisme, de cette ville.

De Dante à Kissinger

Et on se lance dans le texte très serré de l’Orientalisme. Dès l’introduction, on bute sur Flaubert, rescapé de Sartre et qui, bien que n’ayant jamais prétendu au titre d’orientaliste, eut l’imprudence de commettre un certains nombre de pages orientales. Cela lui vaut, cette fois, d’inaugurer le jeu de massacre qu’Edward Saïd va mener d’une seule haleine durant quatre cents pages contre les orientalistes, ou assimilés, français et anglo-saxons. Les ébats auxquels Flaubert se livra (à Esneh, en Haute-Égypte, et non pas à Ouadi-Halfa, à la frontière soudanaise, à environ 500 km de là, comme l’écrit E. Saïd), avec l’aimée Koutchouk-Hanem, peuvent servir de  » prototype au rapport de forces entre l’Orient et l’Occident et au discours sur l’Orient que [ce rapport de forces] a permis « . L’orientalisme implique bien  » volonté de savoir et connaissance « , mais cela est gâté par le fait qu’il est  » tout agression, activité, jugement « .

Si Flaubert, malgré sa prétention à vouloir par son art  » ramener l’Orient à la vie « , reste malgré tout, comme Nerval, un  » écrivain de génie « , il est aussi  » l’incorrigible créateur d’un Orient imaginaire  » et sa vision est  » négative « . Avant eux, Dante a eu le tort, dans l’Enfer, d’infliger un  » châtiment (…) particulièrement répugnant  » au prophète  » Maometto « ,  » sans fin fendu en deux du menton à l’anus  » pour avoir été  » seminator di scandalo e di scisma « . Après eux, Kissinger a commis l’erreur de diviser la planète entre des sociétés occidentales  » newtoniennes  » et un tiers -monde qui. selon l’ancien secrétaire d’État américain, n’a pas admis que l’univers réel soit extérieur et non pas intérieur à l’observateur.

Ensuite, Edward Saïd place sur la sellette Chateaubriand, à  » l’esprit de vengeance chrétien  » et qui, sans vergogne,  » s’approprie (l’Orient), le représente et parle pour lui  » ; mais l’auteur de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem a plus de chance que Lamartine,  » Chateaubriand de basse époque « , compromis par un Voyage  » impérialiste  » au Levant… Goethe, Byron et Hugo ne voient tous trois dans l’Orient qu’un  » lieu d’occasions originales  » pour rimer.

Même Marx.

Michelet dit  » exactement le contraire de ce qu’il faut dire  » sur cette partie du monde. L’Anglais Lane, auteur de Manners and Customs of the Modem Egyptians, réédité plusieurs fois depuis 1836 et encore en 1978, traduit sa  » mauvaise foi  » en se déguisant en mahométan. Le réalisme de Renan est  » raciste « . Marx lui-même, que l’on s’étonne de rencontrer dans ces allées bourgeoises, est épingle pour avoir émis des idées  » romantiques et même messianiques  » sur l’Orient. Massignon, enfin, le grand Massignon (1883-1962), a bien laissé des  » interprétations d’une intelligence presque écrasante « , mais son Orient  » hors du commun  » est  » un peu bizarre « .

L’une des principales faiblesses de la thèse d’Edward Saïd est d’avoir mis sur le même plan les créations littéraires inspirées par l’Orient à des écrivains non orientalistes, dont l’art a nécessairement transformé la réalité, et l’orientalisme purement scientifique, le vrai. C’est du reste au sein de celui-ci que quelques rares noms trouvent grâce à ses yeux : l’Anglais Norman Daniel (2) et les Français Jacques Berque, Maxime Rodinson, Yves Lacoste, Roger Arnaldez.

En revanche un nom comme celui de Vincent Monteil, à l’œuvre si ample, si généreuse sur le monde musulman, n’est même pas cité une fois ! Pas plus que ceux d’autres spécialistes contemporains comme Régis Blachère, Henri Corbin, Henri Laoust, Louis Gardet, Robert Mantran, René Raymond, le Père Jacques Jomier, etc. C’est le cas aussi du baron de Slane, qui, au siècle dernier, rappela pourtant au monde l’existence cinq siècles plus tôt d’Ibn Khaldoun, inventeur de la sociologie.

Quelle lacune enfin de ne pas même mentionner l’arabisant Antoine Galland, qui, sous Louis XIV, sauva de l’oubli ce monument de la culture arabe que sont les Mille et Une Nuits, dont la future publication complète en arabe devait être en partie traduite du français !

Quant à Champollion, le temps n’est pas encore venu de lui chercher querelle pour avoir déchiffré les hiéroglyphes, mais son maître, Silvestre de Sacy,  » père de l’orientalisme « , n’est au fond qu’un compilateur  » cérémonieusement didactique « . Et les  » savants  » qui acceptèrent de suivre Bonaparte en Égypte ont droit à des guillemets, car ils inaugurent une période où  » la spécialité de l’orientaliste (sera) mise directement au service de la conquête coloniale « . Ce qu’Edward Saïd ne dit pas – mais le sait-il ? – c’est que cent quatre-vingts ans après cette expédition, on discute encore au Caire pour savoir s’il ne serait pas impie de traduire in extenso dans la langue du Coran, car ils sont consacrés à des  » idoles « , les trente-trois volumes monumentaux de la Description de l’Égypte, publiés en France de 1803 à 1828 et que l’auteur de l’Orientalisme ravale au rang de  » grande appropriation collective d’un pays par un autre « .

Rejeter Ibn Khaldoun ?

Même si tous les orientalistes – qu’il faut désormais appeler des  » spécialistes d’aire culturelle… » – avaient été des auxiliaires de la colonisation, ce qui n’est pas le cas, il crève les yeux qu’il resterait quand même d’eux un énorme apport scientifique pour une meilleure connaissance des sociétés orientales. Si cet apport doit être refusé à cause de son utilisation passée ou actuelle à des fins politiques ou en raison des positions personnelles dépassées de certains orientalistes, il faut brûler également maints voyageurs arabes du Moyen Âge ou le Père Huc et ses pérégrinations sino-tibétaines, les premiers pensant à islamiser, le second à évangéliser ; il convient même de rejeter Ibn Khaldoun à cause de son colonialisme arabe, de sa dureté à l’égard des minoritaires chrétiens et de son racisme à l’endroit des Noirs…

En réalité, même s’il s’en défend, Edward Saïd, bien qu’il soit d’origine chrétienne et de formation américaine, participe – sans nuance, ce qui est grave de la part d’un intellectuel – au grand refus musulman (3) qui, de Fès à Lahore, tente aujourd’hui de faire échapper l’islam tant à l’influence occidentale qu’au regard étranger. Surtout à ce regard.

Au cri sophistiqué de l’universitaire arabe de New-York, accentué encore par la blessure palestinienne, répond le prône du vendredi de n’importe quelle mosquée du Caire en 1980 :  » Les incroyants n’ont pas le droit de venir voir comment nous vivons, comment nous traitons nos femmes, comment nous gouvernons notre patrie islamique…  »
(1) L’orientalisme stricto sensu peut englober l’Asie entière et l’Afrique arabisée, mais Edward Saïd s’est essentiellement consacré à l’orientalisme arabisant.

(2) Auteur d’Islam and the West, il vit aujourd’hui avec sa femme chez les dominicains du Caire.

(3) Edward Saïd relève que Massignon – prémonitoirement ? – se représente  » l’islam [comme] une religion sans cesse impliquée dans des refus « .

L’Orient, fantasme de l’Occident
Tahar Ben Jelloun

Le Monde

08.12.1980

LORSQUE Bonaparte partit à la conquête de l’Égypte, il se fit accompagner d’un groupe de savants chargés d’étudier la culture du peuple soumis. Ainsi l’orientalisme, cette invention des intellectuels occidentaux, s’est épanoui dans le sillage de la domination militaire. Fait culturel, cette science est aussi un phénomène politique s’inscrivant dans la tradition impérialiste. Même si elle a revêtu des formes diverses, allant du racisme de Renan à la défense de l’islam et des Arabes, par Louis Massignon, en passant par la quête onirique de Nerval, le romantisme de Lawrence ou le messianisme de Marx.

Arabe, Palestinien, professeur de littérature anglaise et comparée à Columbia University (New-York), Edward Saïd vient d’étudier et de démonter les rouages du discours orientaliste. Son livre l’Orientalisme ; l’Orient créé par l’Occident (le Seuil) marque une étape importante dans le processus de décolonisation du discours que l’Occident a tenu et tient encore sur les Arabes et l’islam (1).

Pourquoi l’Orient en tant qu’entité n’a-t-il pu se représenter lui-même ? Autrement dit quelles sont les conditions historiques et culturelles qui ont permis à l’orientalisme – en tant que vision coloniale – d’exister et de fonctionner comme rapport à l’autre ?

– Il faut rappeler d’abord que le savoir moderne sur l’Orient est né de la force. L’Europe agit sur la scène théâtrale mondiale. Elle a conscience d’être un acteur qui prend la parole et domine la scène de manière conquérante. Cette conscience de supériorité, nous ne la trouvons pas chez les Orientaux. Aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, il y a eu, dans le monde arabo-islamique, une conscience locale concernant les problèmes intérieurs; cette conscience ne se prend pas pour une parole qui se diffuse et s’exporte.

 » Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas des énergies et des débats internes. Mais en tant que culture et pouvoir du mot qui résistent à la conquête, ces énergies n’existaient pas. Bonaparte a emmené dans ses bagages une équipe de savants et d’intellectuels pour mieux assimiler la logique non évidente, intérieure du peuple et de la société à conquérir. Il y a une conscience de l’identité conquérante nourrie et soutenue par une série de personnages conquérants dans l’histoire occidentale (Alexandre, César, Marc-Antoine, Auguste…). Bonaparte ne fait que poursuivre une tradition bien ancrée dans la conscience et l’histoire occidentales. Il partait en Égypte comme un nouvel Alexandre, un peu pour justifier les observations faites par Talleyrand, à propos  » des avantages à retirer des colonies nouvelles « .

– Si Bonaparte a une tradition qui le pousse vers l’Égypte, ne pensez-vous pas qu’il y a aussi de la part des Orientaux une absence de résistance ou une forme de passivité ?

– C’est vrai. Et pour moi cela reste inexplicable. Je ne comprends pas encore comment, pour ne parler que du monde arabe, l’Occident a réussi à le dominer. L’instinct de domination est inscrit dans l’histoire de l’Occident et non dans celle de l’Orient. Je peux l’expliquer, mais en me référant à mon histoire de Palestinien : je revois encore les immigrants juifs venant d’Europe nous repousser et s’infiltrer dans nos terres et foyers. Bien sûr il y avait une forte résistance, mais ce qui a manqué c’était la résistance systématique et dans le détail. Rappelez-vous la phrase de Weizmann :  » Another acre, another goat  » ( » Petit à petit « ). À cette politique du  » petit à petit « , très systématique et très étudiée, les Arabes n’avaient pas de réponse. Ils résistaient de manière générale ; ils ont refusé la conquête et n’ont jamais admis le fait accompli, et nous le voyons encore aujourd’hui chez les Palestiniens. Ce n’est que depuis la guerre de 1967 que la résistance palestinienne s’est adaptée à ce genre de conquête et de politique.

Exil

– Ne pensez-vous pas qu’il y avait dans le monde arabe une disponibilité, non à être conquis et dominé, mais à recevoir l’Autre ? Il y aurait comme une curiosité naïve, où n’est pas prévu l’aspect dominateur et conquérant ?

– Oui, il y a dans le monde arabe une curiosité paresseuse et un manque de vigilance. L’Orient est ouvert sur le monde extérieur (en tout cas en tant que consommateur d’objets et d’idéologies). Par cette porte entrent aussi bien l’ami que le conquérant. Depuis quelques années pullulent en Occident des centres d’études sur le monde arabe et islamique, alors que dans le monde arabo-islamique, même aujourd’hui, c’est-à-dire en ce moment de conflit latent avec l’Occident, rien de semblable n’existe. Je dirais même que cette curiosité est d’ordre affectif. Mais le monde arabo-islamique ne connaît pas suffisamment les rouages et la logique de l’Occident.

– Mais vous, vous connaissez très bien ce qu’est l’Occident. Votre livre est une analyse pertinente et scientifique de l’hégémonisme européen et de son ethnocentrisme. L’auriez-vous écrit si vous étiez resté en Palestine ou en Égypte ? À qui le destinez-vous ? Comment a-t-il été reçu aussi bien par le public occidental (anglo-saxon) que par les intellectuels et les responsables arabes ?

– Malheureusement, je ne crois pas que j’aurais écrit ce livre si j’étais resté dans le monde arabe. Il fallait, pour en arriver à ce livre, une distance et une désorientation. C’est le livre d’un exilé. Il fallait être entre les cultures et non dans les cultures. J’ai essayé de faire l’inventaire du processus par lequel nous, Orientaux, sommes devenus  » orientaux « , c’est-à-dire image et fantasme de l’Occident. J’ai essayé de reconquérir cette partie de notre identité qui était construite, manipulée et possédée par les autres. En tant qu’universitaire américain qui enseigne la littérature anglaise et comparée, j’ai essayé de faire un travail de critique qui dépasse les limites de la  » littéralité  » pour démontrer l’affiliation entre l’écriture, les institutions de la société et le pouvoir.

 » Donc ce livre est adressé à tous ceux de mes compatriotes, tous ceux qui ont vécu la domination politique et culturelle et qui, peut-être, ignorent les mécanismes cachés ou trop immédiats (invisibles) de la domination. Je vise les intellectuels du monde arabe qui parlent trop globalement et en général de l’Occident…

– … et qui sont aussi fascinés par cet Occident…

– Je vise aussi les intellectuels occidentaux, qui se mettent à élaborer les idéologies dominantes dans leur spécialité universitaire, qui font l’éloge de la  » science  » sans avoir suffisamment la conscience critique. Je tiens beaucoup plus à ce que Marx appelle  » les armes de la critique  » qu’aux institutions de la science qui me semblent toujours prises dans une complicité mystifiée avec leurs racines sociales.

– À la fin de votre livre, on a une impression trop négative.

Dans cette aventure orientaliste il n’y a rien à sauver, pas même Massignon que vous respectez par ailleurs…

– Ce qui est totalement négatif, pour moi, c’est la position de l’orientalisme en tant que science, et l’orientaliste en tant que spectateur d’un objet inerte, qui ne peut aboutir qu’à la situation que j’ai décrite dans mon livre. Mais ce que je veux sauver de l’orientalisme, c’est le travail de collaboration entre les hommes et les cultures, pour aboutir à une découverte collective et non à des résultats privilégiant une race sur une autre.

– Vous dites des choses gentilles sur ceux qui ont perpétué la tradition de Massignon comme Berque, Rodinson et d’autres chercheurs anglo-saxons. Que pensez-vous de cet orientalisme nouvelle manière, c’est-à-à-dire anticolonial ?

– Ceux-là manifestent un esprit anticolonial et antiraciste dans leur travail. J’admire beaucoup l’érudition prodigieuse qui est basée sur un humanisme philologique. D’un autre côté, j’admire l’esprit critique et pertinent des jeunes orientalistes qui, dans leur travail, ont réagi contre les idées reçues de cette discipline. Ce que j’estime le plus, c’est surtout la conscience critique qui se réfléchit et doute. Je pense que le véritable esprit chercheur est celui qui ne cherche pas des absolus, et qui reconnaît le fait que toute interprétation implique des circonstances existentielles de travail scientifique. Il n’y a pas d’interprétation scientifique à la manière d’une science de la nature. Les sciences humaines ne sont pas des sciences naturelles. Il n’y a pas LA science qui concerne toute l’humanité. Il y a des sciences et des interprétations qui luttent entre elles pour des positions d’efficacité dominantes et  » véridiques « . Cela ne veut pas dire que toutes les interprétations sont égales, ni que toutes les interprétations sont intéressées et vulgaires.

En profondeur

– Maxime Rodinson vous reproche de tomber dans  » la voie des deux sciences  » et va jusqu’à citer Lyssenko en vous accusant de faciliter l’existence  » d’une science bourgeoise, d’une science prolétarienne, une science blanche et une science noire, une science occidentale et une science orientale. ( » Libération « , 21 octobre 1980.)

– C’est une simplification et même une perversion de ce que j’ai écrit. Je suppose que personne ne puisse nier le fait que la  » science  » surgit de la société et que les circonstances (la quotidienneté de la science) sont toujours là. L’histoire de l’orientalisme et les résultats administratifs et coloniaux ont toujours été dissimulés par la rhétorique de la science. Je ne veux pas dire que la science n’est que ces circonstances et sa provenance. Ce que je dis est que la science n’est jamais absolue, mais toujours liée forcément aux besoins de la société et aux désirs de l’individu. Peut-être que Rodinson a une recette pour purger la science de sa gangue sociale.

– Pensez-vous que le monde arabe a intériorisé la vision orientaliste ?

– Ce qui caractérise l’intellectuel arabe contemporain, c’est une tendance à traduire la pensée occidentale en des langages locaux. Si vous prenez la carrière des hommes de la Nahda (Renaissance), il y a un effort conscient de moderniser le monde arabo-islamique selon les lois postulées par l’Occident.

 » C’est l’effort de Boustani et de Mohamed Abdou de répondre à l’Occident et de transformer l’islam pour qu’il puisse être perçu dans un rapport d’égalité avec la modernité définie par l’Occident. Je pense que cette tentative est terminée. À présent ce qu’on voit, c’est un islam qui réagit contre l’Occident (Khomeiny) ; c’est la partie la plus dramatique et la plus visible de ce qui se passe. Justement, ce phénomène justifie les craintes traditionnelles et culturelles de l’Occident d’islam militant a toujours fait peur). La notion de Jihad (guerre sainte) a été aussi montée en épingle.

 » Mais, sous cette surface, il y a un islam que j’appellerais investigateur, qui commence à se manifester à travers les efforts de plusieurs penseurs, écrivains et poètes ; il redéfinit la réalité actuelle du monde islamique. Pour ne citer que quelques exemples, les œuvres de l’Iranien Ali Chariati, les écrits du Marocain Laroui, les textes du poète Adonis… participent de ce travail en profondeur. »

(1) Voir  » le Monde des livres « , du 24 octobre 1980.
TAHAR BEN JELLOUN

Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified

Edward Said

Harper’s, July 2002

Discussed in this essay: Islam: A Short History , by Karen Armstrong. Modern Library, 2000. 222 pages. $19.95.

What Went Wrong? Western Impact and Middle Eastern Response , by Bernard Lewis. Oxford University Press, 2002. 180 pages. $23.

The history of trying to come to terms with this somewhat fictionalized (or at least constructed) Islam in Europe and later in the United States has always been marked by crisis and conflict, rather than by calm, mutual exchange. There is the added factor now of commercial publishing, ever on the lookout for a quick bestseller by some adept expert that will tell us all we need to know about Islam, its problems, dangers, and prospects. In my book Orientalism, I argued that the original reason for European attempts to deal with Islam as if it were one giant entity was polemical — that is, Islam was considered a threat to Christian Europe and had to be fixed ideologically, the way Dante fixes Muhammad in one of the lower circles of hell. Later, as the European empires developed over time, knowledge of Islam was associated with control, with power, with the need to understand the « mind » and ultimate nature of a rebellious and somehow resistant culture as a way of dealing administratively with an alien being at the heart of the expanding empires, especially those of Britain and France. During the Cold War, as the United States vied with the Soviet Union for dominance, Islam quickly became a national-security concern in America, though until the Iranian revolution (and even after it, during the Soviet invasion of Afghanistan) the United States followed a path of encouraging and actually supporting Islamic political groups, which by definition were also anti-Communist and tended to be useful in opposing radical nationalist movements supported by the Soviets. After the Cold War ended and the United States became the « world’s only superpower, » it soon became evident that in the search for new world-scale, outside enemies, Islam was a prime candidate, thus quickly reviving all the old religiously based clichés about violent, antimodernist, and monolithic Islam. These clichés were useful to Israel and its political and academic supporters in the United States, particularly because of the emergence http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (1 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM] Edward Said, « Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified, » Harper’s, July 2002 of Islamic resistance movements to Israel’s military occupation of the Palestinian territories and Lebanon. Suddenly a rush of what appeared to be respectably expert material spouted up in the periodical press, most of it purporting to link « Islam » as a whole to such absurdly reductive passions as rage, antimodernism, anti-Americanism, antirationalism, violence, and terror. Quite unsurprisingly, when Samuel Huntington’s vastly overrated article on the clash of civilizations appeared in 1993, the core of its belligerent (and dishearteningly ignorant) thesis was the battle between the « West » and « Islam » (which he sagely warned would become even more dangerous when it was allied with Confucianism). What wasn’t immediately noted at the time was how Huntington’s title and theme were borrowed from a phrase in an essay, written in 1990 by an energetically self-repeating and self-winding British academic, entitled « The Roots of Muslim Rage. » Its author, Bernard Lewis, made his name forty years ago as an expert on modern Turkey, but came to the United States in the mid-seventies and was quickly drafted into service as a Cold Warrior, applying his traditional Orientalist training to larger and larger questions, which had as their immediate aim an ideological portrait of « Islam » and the Arabs that suited dominant pro-imperial and pro- Zionist strands in U.S. foreign policy. It should be noted that Orientalist learning itself was premised on the silence of the native, who was to be represented by an Occidental expert speaking ex cathedra on the native’s behalf, presenting that unfortunate creature as an undeveloped, deficient, and uncivilized being who couldn’t represent himself. But just as it has now become inappropriate for white scholars to speak on behalf of « Negroes, » it has, since the end of classical European colonialism, stopped being fashionable or even acceptable to pontificate about the Oriental’s (i.e., the Muslim’s, or the Indian’s, or the Japanese’s) « mentality. » Except for anachronisms like Lewis. In a stream of repetitious, tartly phrased books and articles that resolutely ignored any of the recent advances of knowledge in anthropology, history, social theory, and cultural studies, he persisted in such « philological » tricks as deriving an aspect of the predilection in contemporary Arab Islam for revolutionary violence from Bedouin descriptions of a camel rising. For the reader, however, there was no surprise, no discovery to be made from anything Lewis wrote, since it all added up in his view to confirmations of the Islamic tendency to violence, anger, antimodernism, as well as Islam’s (and especially the Arabs’) closed-mindedness, its fondness for slavery, Muslims’ inability to be concerned with anything but themselves, and the like. From his perch at Princeton (he is now retired and in his late eighties but still tirelessly pounds out polemical tracts), he seems unaffected by new ideas or insights, even though among most Middle East experts his work has been both bypassed and discredited by the many recent advances in knowledge about particular forms of Islamic experience. With his veneer of English sophistication and perfect readiness never to doubt what he is saying, Lewis has been an appropriate participant in post-September discussion, rehashing his crude simplifications in The New Yorker and the National Review, as well as on the Charlie Rose show. His jowly presence seems to delight his interlocutors and editors, and his http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (2 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM] Edward Said, « Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified, » Harper’s, July 2002 trenchant, if wildly unprovable, anecdotes of Islamic backwardness and antimodernism are eagerly received. His view of history is a crudely Darwinian one in which powers and cultures vie for dominance, some rising, some sinking. Lewis’s notions (they are scarcely ideas) seem also to have a vague Spenglerian cast to them, but he hasn’t got any of Spengler’s philosophic ambition or scope. There isn’t much left to what Lewis says, therefore, than that cultures can be measured in their most appallingly simplified terms (my culture is stronger — i.e., has better trains, guns, symphony orchestras — than yours). For obvious reasons, then, his last book, What Went Wrong? which was written before but published after September 11, has been faring well on the bestseller lists. It fills a need felt by many Americans: to have it confirmed for them why « Islam » attacked them so violently and so wantonly on September 11, and why what is « wrong » with Islam deserves unrelieved opprobrium and revulsion. The book’s real theme, however, is what went wrong with Lewis himself: an actual, rather than a fabricated subject. For the book is in fact an intellectual and moral disaster, the terribly faded rasp of a pretentious academic voice, completely removed from any direct experience of Islam, rehashing and recycling tired Orientalist half (or less than half) truths. Remember that Lewis claims to be discussing all of « Islam, » not just the mad militants of Afghanistan or Egypt or Iran. All of Islam. He tries to argue that it all went « wrong, » as if the whole thing — people, languages, cultures — could really be pronounced upon categorically by a godlike creature who seems never to have experienced a single living human Muslim (except for a small handful of Turkish authors), as if history were a simple matter of right as defined by power, or wrong, by not having it. One can almost hear him saying, over a gin and tonic, « You know, old chap, those wogs never really got it right, did they? » But it’s really worse than that. With few exceptions, all of Lewis’s footnotes and concrete sources (that is, on the rare occasion when he actually refers to something concrete that one could look up and read for oneself) are Turkish. All of them, except for a smattering of Arabic and European sources. How this allows him to imply that his descriptions have relevance, for instance, to all twenty-plus Arab countries, or to Indonesia or Pakistan or Morocco, or to the 30 million Chinese Muslims, all of them integral parts of Islam, is never discussed; and indeed, Lewis never mentions these groups as he bangs on about Islam’s tendency to do this, that, or the other, backed by a tiny group of Turkish sources. Although it is true that he protects himself at first by saying that his polemic « especially but not exclusively » concerns an area he vaguely calls the Middle East, he throws restraint to the winds in all of what follows. Announcing portentously that Muslims have « for a long time » been asking « what went wrong? » he then proceeds to tell us what they say and mean, rarely citing a single name, episode, or period except in the most general way. One would never allow an undergraduate to write so casually as he does that, during the nineteenth century, Muslims were « concerned » about the art of warfare, or that in the twentieth « it became abundantly clear in the Middle East and indeed all over the lands of Islam that things had indeed gone badly wrong. » How he impresses nonexpert Americans with generalities that would never pass http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (3 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM] Edward Said, « Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified, » Harper’s, July 2002 in any other field or for any other religion, country, or people is a sign of how degraded general knowledge is about the worlds of Islam, and how unscrupulously Lewis trades on that ignorance — feeds it, in fact. That any sensible reader could accept such nonsensical sentences as these (I choose them at random) defies common sense: For the whole of the nineteenth and most of the twentieth century the search for the hidden talisman [an invention of Lewis’s, this is the supposed Muslim predilection for trying to find a simple key to « Western » power] concentrated on two aspects of the West — economics and politics, or to put it differently, wealth and power. And what proof is offered of this 200-year « search, » which occupied the whole of Islam? One statement, made at the start of the nineteenth century, by the Ottoman ambassador in Paris. Or consider this equally precise and elegant generalization: During the 1930s, Italy and then, far more, Germany offered new ideological and political models, with the added attraction of being opposed to the Western powers. [Never mind the dangling « being opposed » — Lewis doesn’t bother to tell us to whom the models were offered, in what way, and with what evidence. He trudges on anyway.] These won widespread support, and even after their military defeat in World War II, they continued to serve as unavowed models in both ideology and statecraft. Mercifully, since they are « unavowed models, » one doesn’t need to offer any proof of their existence as models. Naturally Lewis offers none. Or consider, even more sublime, this nugget, which is intended to prove that even when they translated books from European languages, the wretched Muslims didn’t do it seriously or well. Note the brilliant preamble: « A translation requires a translator, and a translator has to know both languages, the language from which he is translating and the language into which he is translating. » (It is difficult for me to believe that Lewis was awake when he wrote this peculiarly acute tautology — or is it only a piercingly clever truism?) Such knowledge, strange as it may seem, was extremely rare in the Middle East until comparatively late. There were very few [sic] Muslims who knew any Christian language; it was considered unnecessary, even to some extent demeaning. For interpreters, when needed for commerce, diplomacy, or war, they relied first on refugees and renegades from Europe and then, when the supply of these dried up, on Levantines. Both groups lacked either the interest or the capacity to do literary translations into Middle-Eastern languages. http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (4 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM] Edward Said, « Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified, » Harper’s, July 2002 And that is it: no evidence, no names, no demonstration or concrete documentation of all these Middle Eastern and Muslim incapacities. To Lewis, what he writes about « Islam » is all so self-evident that it allows him to bypass normal conventions of intellectual discourse, including proof. When Lewis’s book was reviewed in the New York Times by no less an intellectual luminary than Yale’s Paul Kennedy, there was only uncritical praise, as if to suggest that the canons of historical evidence should be suspended where « Islam » is the subject. Kennedy was particularly impressed with Lewis’s assertion, in an almost totally irrelevant chapter on « Aspects of Cultural Change, » that alone of all the cultures of the world Islam has taken no interest in Western music. Quite without any justification at all, Kennedy then lurched on to lament the fact that Middle Easterners had deprived themselves even of Mozart! For that indeed is what Lewis suggests (though he doesn’t mention Mozart). Except for Turkey and Israel, « Western art music, » he categorically states, « falls on deaf ears » in the Islamic world. Now, as it happens, this is something I know quite a bit about, but it would take some direct experience or a moment or two of actual life in the Muslim world to realize that what Lewis says is a total falsehood, betraying the fact that he hasn’t set foot in or spent any significant time in Arab countries. Several major Arab capitals have very good conservatories of Western music: Cairo, Beirut, Damascus, Tunis, Rabat, Amman — even Ramallah on the West Bank. These have produced literally thousands of excellent Western-style musicians who have staffed the numerous symphony orchestras and opera companies that play to sold-out auditoriums all over the Arab world. There are numerous festivals of Western music there, too, and in the case of Cairo (where I spent a great deal of my early life more than fifty years ago) they are excellent places to learn about, listen to, and see Western instrumental and vocal music performed at quite high levels of skill. The Cairo Opera House has pioneered the performance of opera in Arabic, and in fact I own a commercial CD of Mozart’s Marriage of Figaro sung most competently in Arabic. I am a decent pianist and have played, studied, written about, and practiced that wonderful instrument all of my life; the significant part of my musical education was received in Cairo from Arab teachers, who first inspired a love and knowledge of Western music (and, yes, of Mozart) that has never left me. In addition, I should also mention that for the past three years I have been associated with Daniel Barenboim in sponsoring a group of young Arab and Israeli musicians to come together for three weeks in the summer to perform orchestral and chamber music under Barenboim (and in 1999 with Yo- Yo Ma) at an elevated, international level. All of the young Arabs received their training in Arab conservatories. How could Barenboim and I have staffed the West-Ostlicher Diwan workshop, as it is called, if Western music had fallen on such deaf Muslim ears? Besides, why should Lewis and Kennedy use the supposed absence of Western music as a club to beat « Islam » with anyway? Isn’t there an enormously rich panoply of Islamic musics to take account of instead of indulging in this ludicrous browbeating? I have gone into all this detail to give a sense of the unrelieved rubbish of which Lewis’s book is made up. That it should fool even so otherwise alert and critical an historian as Paul http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (5 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM] Edward Said, « Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified, » Harper’s, July 2002 Kennedy is an indication not only of how low most people’s expectations are when it comes to discussions of « Islam » but of the mischievous ideological fictions that pseudo-experts like Bernard Lewis trade in, and with which they hoodwink nonexperts in the aftermath of September 11. Instead of making it possible for people to educate themselves in how complex and intertwined all cultures and religions really are, available public discourse is polluted with reductive clichés that Lewis bandies about without a trace of skepticism or rigor. The worst part of this method is that it systematically dehumanizes peoples and turns them into a collection of abstract slogans for purposes of aggressive mobilization and bellicosity. This is not at all a matter of rational understanding. The study of other cultures is a humanistic, not a strategic or security, pursuit: Lewis mutilates the effort itself and pretends to be delivering truths from on high. In fact, as even the most cursory reading of his book shows, he succeeds only in turning Muslims into an enemy people, to be regarded collectively with contempt and scorn. That this has to do neither with knowledge nor with understanding is enough to dismiss his work as a debased effort to push unsuspecting readers toward thinking of « Islam » as something to judge harshly, to dislike, and therefore to be on guard against. Karen Armstrong is the other best-selling author tossed up by the mass anxiety so well traded on by the media in recent months. Like Lewis, she wrote her book long before the September events, but her publishers have pushed it forward as an answer to the problem of our times. I wish I could say more enthusiastically that in its modest way it is a useful book, but, alas, for too much of the time it ’ s too humdrum for that. Yet her intentions seem decent enough. Most of the book is potted history that chronicles events since Muhammad ’ s birth without much insight or particularly fresh knowledge. The reader would get as much out of a good encyclopedia article on « Islam » as from Armstrong, who seems to be a very industrious if not especially knowledgeable author. Her Arabic is frequently flawed (« madrasahs » for mada ̄ris, for example), her narrative often muddy, and, above all, one reads her prose without much sense of excitement. It is all very dutiful and, like Lewis ’ s book, too frequently suggests great distance and dehumanization rather than closeness to the experience of Islam in all its tremendous variety. Unlike Lewis, however, she is interested in concrete aspects of Islamic religious life, and there she is worth reading. Her book ’ s most valuable section is that in which she discusses the varieties of modern fundamentalism without the usual invidious focus on Islam. And rather than seeing it only as a negative phenomenon, she has an admirable gift for understanding fundamentalism from within, as adherence to a faith that is threatened by a strong secular authoritarianism. As an almost doctrinaire secularist myself, I nevertheless found myself swayed by her sympathetic and persuasive argument in this section, and wished that instead of being hobbled by a rigid chronological approach she had allowed herself to wander among aspects of the spiritual life of Islam that, as a former nun, she has obviously found congenial. Of course one can learn about and understand Islam, but not in general and not, as far too many of our expert authors propose, in so unsituated a way. To understand anything about human history, it is necessary to see it from the point of view of those who made it, not to http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (6 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM] Edward Said, « Impossible Histories: Why the Many Islams Cannot be Simplified, » Harper’s, July 2002 treat it as a packaged commodity or as an instrument of aggression. Why should the world of Islam be any different? I would therefore suggest that one should begin with some of the copious first-person accounts of Islam available in English that describe what it means to be a Muslim, as in Muhammad Asad ’ s extraordinary book The Road to Mecca (a gripping account of how Leopold Weiss, 1900 – 92, born in Lvov, became a Muslim and Pakistan ’ s U.N. representative), or in Malcolm X ’ s account in his memoir, or in Taha Hussein ’ s great autobiography, The Stream of Days. The whole idea would be to open up Islam ’ s worlds as pertaining to the living, the experienced, the connected-to-us, rather than to shut it down, rigidly codifying it and stuffing it into a box labeled « Dangerous — do not disturb. » Above all, « we » cannot go on pretending that « we » live in a world of our own; certainly, as Americans, our government is deployed literally all over the globe — militarily, politically, economically. So why do we suppose that what we say and do is neutral, when in fact it is full of consequences for the rest of the human race? In our encounters with other cultures and religions, therefore, it would seem that the best way to proceed is not to think like governments or armies or corporations but rather to remember and act on the individual experiences that really shape our lives and those of others. To think humanistically and concretely rather than formulaically and abstractly, it is always best to read literature capable of dispelling the ideological fogs that so often obscure people from each other. Avoid the trots and the manuals, give a wide berth to security experts and formulators of the us-versus-them dogma, and, above all, look with the deepest suspicion on anyone who wants to tell you the real truth about Islam and terrorism, fundamentalism, militancy, fanaticism, etc. You ’ d have heard it all before, anyway, and even if you hadn ’ t, you could predict its claims. Why not look for the expression of different kinds of human experience instead, and leave those great non- subjects to the experts, their think tanks, government departments, and policy intellectuals, who get us into one unsuccessful and wasteful war after the other? Return to Vinnie’s Home Page Return to Political Islam Page http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/crisis/said.htm (7 of 7) [1/2/2009 5:45:48 PM]

Orientalism: An Exchange

Edward W. Said and Oleg Grabar, reply by Bernard Lewis
August 12, 1982 Issue
In response to:
The Question of Orientalism from the June 24, 1982 issue

To the Editors:

Insouciant, outrageous, arbitrary, false, absurd, astonishing, reckless—these are some of the words Bernard Lewis [NYR, June 24] uses to characterize what he interprets me as saying in Orientalism (1978). Yet despite these protestations, the sheer length of his diatribe and the four years of gestation he needed to produce it suggest that he takes what I say quite seriously, non-Orientalist though I may be. It is edifying to note that between Lewis and his Princeton co-luminary Clifford Geertz, whose rather trivial arguments against me were presented only a few weeks before, they seem to have unlimited indulgence to display their attitudes in The New York Review of Books (given that Orientalism was already reviewed in its pages three years ago). Lewis’s verbosity scarcely conceals both the ideological underpinnings of his position and his extraordinary capacity for getting everything wrong. Of course, these are familiar attributes of the Orientalists’ breed, some of whom have at least had the courage to be honest in their active denigration of Islamic, as well as other non-European peoples. Not Lewis. He proceeds in his usual mode by suppressing or distorting the truth and by innuendo, methods to which he adds that veneer of omniscient tranquil authority which he supposes is the way scholars talk. The fact is that the present political moment allows him to deliver ahistorical and willful political assertions in the form of scholarly argument, a practice thoroughly in keeping with the least creditable aspects of old-fashioned colonialist Orientalism.

To imply as he does that the branch of Orientalism dealing with Islam and the Arabs is a learned discipline that can be compared with classical philology is as appropriate as comparing Professor Menachem Milson, Israeli Orientalist and civilian governor of the West Bank, with Wilamowitz. On the one hand Lewis wishes to reduce Islamic Orientalism to the status of an innocent and enthusiastic department of scholarship; on the other he wishes to pretend that Orientalism is too complex, various and technical to exist in a form for any non-Orientalist (like myself and many others) to criticize. Lewis’s tactic here is blatantly to suppress a significant amount of history. European interest in Islam derived from fear of a monotheistic, culturally and militarily formidable competitor to Christianity. The earliest scholars of Islam, as numerous historians have shown, were medieval polemicists writing to ward off the threat of Muslim hordes and of apostasy. In one way or another that combination of fear and hostility has persisted to the present day both in scholarly and non-scholarly attention to an Islam which is viewed as belonging to a part of the world, the Orient, counterposed imaginatively, geographically, and historically against Europe and the West.

The most interesting problems about Islamic or Arabic Orientalism are, first, the forms taken by the medieval vestiges persisting in it so tenaciously, and, second, the whole history and sociology of connections between it and the societies that produced it. There are strong affiliations between Orientalism and, for example, the literary imagination as well as the imperial consciousness. What is therefore striking about many periods of European history is the traffic between what scholars and specialists wrote and what poets, novelists, politicans, and journalists then wrote about Islam. In addition—and this is what Lewis neither can nor will deal with—there is a remarkable (but nonetheless intelligible) coincidence between the rise of modern Orientalist scholarship and the acquisition of vast Eastern empires by Britain and France.

Although the relationship of a classical education within British education contemporaneous with the extension of the British empire is more complex than Lewis might suppose, no such glaring coincidence exists in the modern history of classical studies. Much of the information and knowledge about Islam and the Orient that was used by the colonial powers to justify their colonialism derived from Orientalist scholarship. Even if the reverse is not entirely true, a fairly consistent interchange still continues between area scholars like Orientalists and government departments of foreign affairs. In addition, many of the stereotypes of Islamic sensuality, sloth, fatalism, cruelty, degradation and splendor to be found in writers from John Buchan to V.S. Naipaul are also presuppositions underlying the adjoining field of academic Orientalism. In contrast, the trade in clichés between Indology and Sinology on the one hand, and general culture on the other is not as flourishing. Nor is there very much similarity between what obtains in Sinology and Indology and the fact that many professional scholars of Islam spend their lives studying it and still find it an impossible religion and culture to like, much less admire. To say that this is a matter of not espousing “fashionable causes” is not quite to address the question of why, for example, so many Islamic spècialists actively work for, were and still are routinely consulted by governments whose designs in the Islamic world are economic exploitation, domination or outright aggression, or why so many Islamic scholars—like Lewis himself—voluntarily feel that it is part of their duty to mount attacks on modern Arab or Islamic peoples with the pretense that “classical” Islamic culture can nevertheless be the object of disinterested scholarly concern. The spectacle of specialists in the history of medieval Islamic guilds being sent on State Department missions to brief area embassies on US security interests in the Gulf does not spontaneously suggest anything resembling love of Hellas. But it does suggest Lewis and of course Milson, the Orientalists who each in his own way put theory directly into practise.

It is therefore not surprising that the field of Islamic and Arabic Orientalism, always ready to deny its complicity with state power, has never produced a critique of the affiliations I have just been describing, and that Lewis can utter the amazing statement that a criticism of Orientalism would be “meaningless.” It is also not surprising that with a few exceptions most of the negative criticism my work has elicited from “specialists” has been, like Lewis’s, banal description of a barony violated by a crude trespasser. (Incidentally, Lewis is as usual inaccurate in saying that Le Monde reviewed the French translation of Orientalism unfavorably: there are two reviews, one of them favorable. As for the specialist reviews they were mixed and Lewis wrong again. The special issue of Annales on Islam gave it a good review, as did most of the contributors to a symposium on the book in the Journal of Asian Affairs.) The only specialists (again with a few exceptions) who attempted to deal with what I discuss—which is not only the content of Orientalism, but its relationships, affiliations, political tendencies, world-view—were Sinologists, Indologists, and the like: one example is Benjamin Schwartz of Harvard, who used the occasion of his presidential address to the Asian Studies Association not only to disagree with some of my criticism, but also to welcome my arguments intellectually. The Arabists and Islamicists have responded with the aggrieved outrage that is their substitute for self-reflection; most of them use words like malign, dishonor, libel, as if criticism itself were an impermissible violation of their sacrosanct academic preserve. In Lewis’s case the defense he offers is an act of breathtakingly bad faith, since as I shall show, more than most Orientalists he has been a passionate political partisan against Arab causes in such places as the US Congress, Commentary, and elsewhere. The proper response to him must therefore include an account of what politically and sociologically he is all about when he pretends to be defending the “honor” of his field, a defense which, it will be evident enough, is an elaborate confection of ideological half-truths designed to mislead non-specialist readers.

In short, the relationship between Islamic or Arab Orientalism and modern European culture can be studied without at the same time describing every Orientalist who ever lived, every Orientalist tradition, or everything written by Orientalists. It is idiotic to say that Orientalism is a conspiracy or to suggest that “the West” is evil: both are among the egregious fatuities that Lewis has the gall to ascribe to me. On the other hand it is rank hypocrisy to suppress the cultural, political, ideological, and institutional contexts in which people write, think, and talk about the Orient, whether they are scholars or not. And I believe it is extremely important to understand the fact that the reason why Orientalism is opposed by so many thoughtful Arabs and Muslims is that its modern discourse is correctly perceived as a discourse of power. In this discourse, based mainly upon the assumption that Islam is monolithic and unchanging and therefore marketable by “experts’ for powerful domestic political interests, neither Muslims nor Arabs recognize themselves as human beings or their observers as simple scholars. Most of all they see in the discourse of modern Orientalism a chronic tendency to deny, suppress or distort the cultural context of Orientalism in order to maintain the fiction of its scholarly disinterest. It is precisely this tendency that Lewis’s rejoinder to me exemplifies.

Take first his charges of inaccuracy, ignorance or tendentious analysis. He appeals to an audience that is most unlikely to know how deliberately imprecise his points are but is very likely to assume that since Clifford Geertz has told them I am an intemperate left-wing non-Orientalist Christian Palestinian, I cannot be trusted. This is not an epistemological issue but a political one, and Lewis exploits it shamelessly. He says that my knowledge of Arabic and Islam shows astonishing gaps—as if my knowledge of Arabic isn’t beside the point entirely. His example is my alleged mistranslation of the Arabic word tawhid which, borrowing without acknowledgement from H.A.R. Gibb, Lewis says is monotheism. I don’t wish to argue with Lewis or to show that no Muslim, no Islamic scholar, certainly no literate historian of religion would want to reduce as important a word as tawhid as clumsily as Lewis does to one meaning (especially when elsewhere in his polemics Lewis is at pains to show that words have many meanings). I just want to note that in his unseemly haste to attack me Lewis has overlooked the fact that what I said about tawhid occurs in a discussion of Louis Massignon that is footnoted, and that the reference is to Jacques Waardenburg quoting Massignon’s translation of tawhid verbatim. Now ask literally anyone—including Lewis—with any idea at all about Islam whether he or she would trust Massignon or Lewis and Gibb on the question of tawhid, and the matter would be closed. Fortunately, even that isn’t necessary since Lewis’s carelessness in reading English disqualifies him from argument well before we get to Arabic.

Then there is the meaning of thawra, the common modern Arabic term for revolution, and Lewis’s description of it. His discussion of thawra incidentally is one of two occasions in an enormous article in which Lewis reveals that he is writing not just as a defender of Orientalism, but as someone I had criticized in two of my books. His declaration of interest, as so often, is extremely discreet. With bogus learning, Lewis parades meanings of thawra acquired from a superifical survey of sources. His Orientalist account of the word has very little to do with what it means in contemporary usage; thus his method of proceeding is peculiar to a field that studiously places a greater value on what European scholars thought and said than on what users of a language thought and said. One of his examples is that thawra is associated with the act of rising up, after which Lewis affixes to “rising up” a parenthetical instance, “e.g., a camel.” This he says in his defense follows “the standard classical Arabic dictionaries, and would have been immediately recognized by anyone familiar with Arabic lexicography.” Arabic lexicography isn’t the issue here: the real issue is whether Lewis is right to associate rising camels with the contemporary meaning of the term thawra, and whether anyone using the term in Arabic, i.e., a native speaker, would find the rising camel of any relevance. In fact the standard Arabic dictionaries do not all use the camel example, and when they do (e.g., Lisan al Arab of Ibn Manzur, Tahdhib al lugha by al-Azhari, which are among the very earliest dictionaries) the camel is an insignificant illustration, usually given one or two inconspicuous lines out of a total of several pages. More correct than rising up is the association between thawra and anger as a cause for the movement of armies, people, etc. A very important dictionary, Zamakhshiri’s eleventh-century Assas al Balagha, doesn’t even mention the rising camel. So we see that Lewis deliberately chooses an unimportant example first in order to indulge the well-known Orientalist prejudice that all Semitic languages ought to be understood with reference to concrete or desert usages, and second, to score a point against the modern Arabs whose use of thawra is undercut by the word’s undignified origins. In so doing of course he scants actual usage, the elucidation of which is presumably why he wrote the article. Lewis’s master in this procedure is Renan whose hatred of Arabs and Jews was customarily laced with instances revealing the primitive arrested mentality of desert dwellers lurking beneath a superficially modern exterior.

All of Lewis’s scholarly points are of the same kind and don’t require as much disproof. Certainly his contention that I only discuss minor works by minor Orientalists is about as well-founded as his confusion of revolution with a rising camel. When he says that I malign Lane and Sacy he is reading his own insecurity into what I said. For my purposes Lane’s Modern Egyptians was more important than his Lexicon (to which I devote some words) because so many writers, including Flaubert and Nerval, make use of it as a canonical authority on Oriental life; merely to say that the Lexicon is much more important (perhaps because in its first volume Lane cites the camel-thawra connection in a subsidiary verb form) is to say something very arguable indeed. As for Schlegel’s division of languages into Indo-European and Semitic families, I didn’t cite it as something to be objected to, only to show how Schlegel used the distinction—I quote from pp. 97-98 of Orientalism—to utter strictures on, for example, “the dead empty theism of Islam.” Once again Lewis cannot read what I say with anything resembling accuracy.

Certainly I omitted German scholars, although I would have thought Lewis would have been able to understand my reason for doing so, which (to repeat) is that since I was not talking about everything Orientalists did, and since I was interested principally in the relationship between Orientalism and the two major imperialist powers in the Orient, the German school—despite its prodigious output—can best be regarded as elaborating and extending the essential Weltanschauung adumbrated by its French and British predecessors. Lewis is not the first Orientalist to hector me with omitting the Germans, nor is he the first to cite dutifully a lot of names that I don’t mention. Had he had the intellectual rigor to blame me for not discussing Israeli Orientalists, he would have made a good point. Nevertheless, he needs to be reminded again that I didn’t write a biographical dictionary of Orientalists, and that he and his “specialist” colleagues should produce substantive reasons as to why the Germans and all the others should be mentioned. Otherwise we shall have to conclude that lists of names and expressions of outrage are the extent of what Orientalists can utter when they are criticised intellectually.

Lewis’s ideological unwillingness to confront my essential argument extends naturally to his habit of distorting how I state it. The few sentences he reproduces from my account of Silvestre de Sacy are mischievously purged of the crucial phrases I use to describe the man’s enormous efforts and influence: for example, that “Sacy’s achievement was to have produced a whole field.” Far from dating the rise of Orientalism from the late eighteenth century, I specifically date it from 1312 (pp. 49-50). Having mistaken the fourteenth century for the eighteenth, Lewis is scarcely in a position to fault my sense of history. And given his extraordinarily careless way with what he reads it is no wonder that he cannot grasp the self-evident truth that modern knowledge of the Orient was based on the literal capture, transport, and consequent study by Europeans of documents from the Orient. How and where does Lewis suppose that English and French scholars found the texts on which Orientalism as a science was based? Does he seriously believe that we can just pretend as he does that conquest and acquisition played no part in what Raymond Schwab calls “les étapes litérales” of Orientalist history?

The rest of Lewis’s detailed criticisms have a distinctly nasty political tone about them. When he says that I don’t attack the Soviet Orientalists for their attacks on Mohammed, he signals the audience that I may after all be a Soviet apologist. This bit of red-baiting cannot conceal the obvious, that if the Soviet Russian Orientalists attacked Islam they also attacked Christianity, Judaism, as well as all other religions for being opiates of the people. There is a difference between that, however, and invidiously singling out Islam, a practice more common among Western Orientalists. Interestingly Lewis doesn’t mind citing the great Marxist scholar Rodinson, but he opportunistically omits to mention (a) that far from being a routine academic Marxist, Rodinson was a professed Stalinist member of the French CP, (b) that when Rodinson said of my formulations that pushed to the limit they would lead to a kind of Zhdanovism, Rodinson also made it clear that I did not so push my formulations, and (c) that in his book La Fascination de l’Islam and in an interview given to al-Hawadess, Rodinson made it abundantly clear that he was in substantial agreement with my work.

So sloppy a performance somewhat undermines Lewis’s claims to “scholarly validity” and “intellectual precision.” As a defense of Orientalism then what he says must be judged on the political grounds which his rhetoric has insufficiently hidden. Most Arabs and Muslims today would consider Lewis as their ideological and political enemy. That his books have been translated into Arabic is as much a sign of his popularity among Arabs and Muslims as the Hebrew translation of my book The Question of Palestine is a sign of my popularity in Israel. When he claims that my views about Arab scholars show contempt for them he clumsily misses the point I was making, that Western Orientalists don’t feel they have to read Arab journals as much as Arabs feel they must read Western journals; this is the context of my remark about the absence of a “major” Arab journal. As a perfect instance of what I mean there is Clifford Geertz’s study of a Moroccan market. Aside from giving no proof that he knows the spoken or written language of that market place, Geertz affixes twenty-eight pages of double-columned footnotes in extremely fine print as bibliographical and critical support for his description of a Moroccan souk. In none of this is there any mention of Arab scholarship, much less of Arabic literature, anthropological observation, or history. All the references are essentially to European and American sources.

Not content with pretending that he is a defender of the Arabs, Lewis insinuates that as a Christian Arab I must be perceived as demonstrating the insecure minority status I feel as a non-Muslim within the Islamic world. Geertz openly says the same thing, having the bad taste to explain me as a leftwing Christian Palestinian in an omnibus review of several books that makes a point of not saying anything about the racial origins of authors with whose views he is evidently in political and intellectual agreement. That Geertz should also pair me off with Elie Kedourie, whom he describes as a right-wing Iraqi Jew, merely underlines the racist Orientalist habit of reducing the intellectual positions of wogs to their ethnic genealogy, then pairing them off like matched fighting-cocks. (Would it be regarded as within the limits of polemical etiquette were I similarly to comment upon the ethnic origins of my assailants?)

Since Lewis’s apologia and attack in The New York Review of Books borrows verbatim from his congressional testimony (e.g., his ecological homily on the polluted meaning of the word Arabist), it is proper for me to sketch out the reality of his position and of his “scholarly” activities. He is a frequent visitor to Washington where his testimony before the likes of Senator Henry Jackson mixes standard Cold War bellicosity with fervent recommendations to give Israel more, and still more, arms—presumably so that it may go on improving the lot of Muslims and Arabs who fall within the range of its artillery and airpower. He gives university lectures on such subjects as “Media and Techniques of Propaganda in Islam” in which a highlight of the talk is an allusive—Lewis is always allusive—comparison of the opening phrase to the Islamic call to prayer “God is great” (allah akbar) with Sieg Heil and Il Duce, although I hasten to add that to their credit his audiences on such occasions have received his remarks unkindly. He has the nerve to pretend that only the Arabs are sensitive to what is taught in US and European universities, whereas he knows as well as anyone that such groups as the American Jewish Committee have conducted studies which look for bias and political prejudice in exactly the same places. In fact he is quoted as having said—in terms very far from those a disinterested Orientalist scholar might be expected to use—that “if need be they [Jewish scholars of Islam and the Arabs] ought to wage battle from the relative safety of the growing Jewish studies programs.”

But it is when Lewis tries to hide politics beneath the umbrella of academic respectability that he is at his most unscholarly, and most overtly the active policy scientist, lobbyist and propagandist. His lame concession to even-handedness is that at one of his Princeton international seminars he did invite a Sudanese Muslim to debate the proposition with Africans put forward by “some Israeli scholars” that it was Arab nations “who depopulated their [African] countries in time past.” And if that isn’t lobbying enough he ran a seminar in 1978 on the millet system in which the Palestinian Arab “minority” was spoken for by an Israeli professor mellifluously discussing the Palestinians’ behavior without much reference to the legal strictures against them as non-Jews in a Jewish state, and in which the whole concept of millets, as an implied “solution” for the Middle East’s instability, was presented throughout the seminar in ways that strikingly reproduce the Zionist vision of a world divided into racial and ethnic ghettoes.

Thus for the past several years Lewis has been engaged in preaching scholarship and practising politics. It is of course quite natural for scholars to have political views and even to impart those views to their students and colleagues in an honest manner. Lewis is guilty of no such balance or discipline. Politics always overrides everything except the facade of scholarship. Only “the Arabs” among the peoples, he says with characteristic modesty, vituperatively attack Orientalists. Could it perhaps be that “the Arabs” find Orientalists like Lewis particularly hard not to attack, especially when political attack is the real substance of the scholarship such Orientalists offer?

When Lewis writes as a professional Orientalist historian that

unlike countless millions of refugees in Europe, Asia and Africa who were displaced in the aftermath of World War II, the Palestinian refugees were not resettled but kept in their camps for thirty years. To retain the identity imposed on them by the defunct British mandate, and use it to resist absorption into the vast lands and expanding economies of the Arab world, required a great act of will, and was a remarkable achievement of the Palestinian Arab leadership.
We find not history, not scholarship, but direct political violence substituting for reasoned judgement. To say that Palestinian identity is simply the creation of British colonialism—as if Palestinian history prior to 1920 did not exist—is not only to utter a scandalous falsehood based on a typical Orientalist disregard of mere natives: it is also to propose that resettlement and absorption might be possible if the will of the Palestinian Arab leadership were to be broken. Note also that in making no mention of the 600,000 Israeli Palestinians or of the 1.3 million West Bankers and Gazans, Lewis wishes them away; like Rabbi Kahane and Gush Emunin he therefore seems to advocate driving them out into Arab countries. The resemblance between Lewis’s view of the history and desirable future of the question of Palestine and Menachem Milson’s is chilling. Milson of course has the West Bank, Gaza and Lebanon on which to project his ideas, and General Sharon’s tanks and jets to impose them. Lewis’s field of operation is the scholarly equivalent of theirs, although he calls what he does Orientalism.

Edward W. Said
Columbia University

New York, New York

To the Editors:

I have little quarrel with Professor Bernard Lewis’s article on “The Question of Orientalism.” Both in his rebuttals of specific points raised by anti-orientalists and in his general elaboration of the numerous and complex accomplishments of scholars proud to be called orientalists, he is right on nearly every point, inasmuch as he freely acknowledges the unavoidable and human prejudices of some otherwise excellent scholars as well as arbitrary and at times anachronistically silly use of certain labels like Arabist or in fact Orientalist. Most importantly, Professor Lewis is absolutely right in emphasizing the point that there is a level of scholarly accomplishment which knows no ideological, ethnic, national, or cultural frontiers, even if individual practitioners are occasionally guilty of the narrowest prejudices or of misplaced intellectual allegiances.

Yet Professor Lewis does not really ask the fundamental questions which is why the antiorientalist movement has been so successful, in spite of mostly negative reviews by specialists. It obviously corresponds to something which is deeply rooted in the minds of many young and not so young scholars from the Muslim world and it cannot be answered simply by pointing out factual errors or willful misunderstandings. The opening paragraphs of his article proposing a model of revisionist classical studies based on an adaptation to them of what has allegedly happened to Islamic studies are a disingenuous, if amusing, caricature of a phenomenon which is not simply the silly reaction of disgruntled and linguistically or mentally narrow intellectuals. And, while I agree with Professor Lewis that V.S. Naipaul’s book is a very lucid, if depressing, depiction of the world of Islam as it appears to an intelligent outsider, it is still true, I feel, that it is a book which judges from the outside, which does not penetrate into the anguish and the hopes of the believers themselves.

The key point, it seems to me, is that most of us, scholars of the Muslim past, Western orientalists or orientalists de l’intérieur, have separated a completed, discrete, past (the Ottomans, the Mughals, the Umayyads) from the contemporary scene; but many of us have often been tempted to jump from our competence in the past to an explanation of today; how many Western medievalists are called upon to explain contemporary culture? On the other hand, to many younger Muslims and to a number of Westerners who have lived through the upheavals of recent years in the Muslim world, the issue is one of reconciling the turmoils of today with the correct or not images of the past.

In my own field of art and architecture, acute questions have arisen. Why have buildings in the contemporary International Style been imposed so easily on the traditional Islamic architecture of so many cities? Is there something fundamentally Islamic about the past which can be expressed in contemporary terms? Is it a legitimate cause for resentment when interpretations of Islamic forms are based on Western criteria? These are not idle, foolish, or intemperate questions, even if they are sometimes put in unnecessarily truculent terms. They are genuine searches for a self-identity in the contemporary world which are thwarted by an interpretation of the Muslim tradition based on the past. It would be foolish to explain contemporary France in the terms of the passage from the Romanesque to the Gothic, yet this is precisely what is consistently done in dealing with the Muslim world. It is done by non-Muslims as well as by Muslims, in a pattern of mutual influences which may have something to do with the orientalist’s fascination with and knowledge of the past. The attacks on orientalism are in large part the result of the frustration which has arisen in the failure of orientalism to provide answers for contemporary issues. It is, of course, wrong to seek these answers in orientalism, but orientalists have, more frequently than is justified, intimated that they possess these answers.

In short, while Professor Lewis is entirely right in pointing out the scholarly achievements and, in many ways, the intellectual probity and generosity of what we call orientalism, he may have given short shrift to the anxiety, the fears, the expectations of the contemporary Muslim world which are also genuine and respectable feelings, even if expressed at times in sadly and unnecessarily angry terms.

The lesson to be drawn from this debate perhaps should be that orientalists as well as anti-orientalists must define more sharply than they have done so far the exact limits of their competence on the one hand and of the questions they ask, on the other. In this charged atmosphere of today, this may not be a lesson we can easily act upon, but, if there is a strength to traditional scholarship, it is precisely that it can know its limits.

Oleg Grabar
Aga Khan Professor of Islamic Art

Harvard University

Bernard Lewis replies:
It is difficult to argue with a scream of rage. Apparently unwilling to defend his interpretation of Orientalism—a branch of scholarship—on a scholarly level, Mr. Said insists on politicizing the whole question and assigning a political significance not only to his own statements but also to those of any who have the temerity to question his facts and methods.

Mr. Said justifies his injection of polities into the debate by alleging that in my article in The New York Review I had borrowed “verbatim” from my congressional testimony, “e.g.,” in the discussion of the meanings of the word Arabist. The article contains no borrowing, verbatim or otherwise, from congressional testimony. The “e.g.,”—misleading since there is no other case—consists of a few words on the term Arabist, and comes not from congressional testimony but from an article published in a London monthly. True, the article was inserted in the record after my testimony, but this is hardly the same thing. A similar looseness marks his allusion to my testimony “before the likes of Senator Henry Jackson”—Mr. Said’s quaint way of describing a subcommittee of the Senate of which Senator Jackson was at that time chairman. I have also testified before a subcommittee of the Senate of which the chairman was Senator George McGovern—a point which Mr. Said did not mention.

The rest is pure imagination. In neither committee did I discuss, let alone recommend, the sending of arms to Israel or anywhere else. Mr. Said’s implication about “State Department missions” is equally baseless. At no time has the State Department sent me on any mission for any purpose whatsoever, nor have I briefed “area embassies” on US security interests or any other topic. Let me add that I would not regard it as shameful to have done any of these things—unless of course I had given bad advice. But in fact I did none of them. In contrast Mr. Said is generous in alluding to me as a specialist “in the history of medieval Islamic guilds.” I did indeed once write an article on this subject—my very first. I have not returned to the subject since then—apart from providing a fuller version for an Iraqi professor who was anxious to translate and publish this article in an Arabic journal, no doubt in the same spirit of hostility, according to Mr. Said, as inspired the other translations, along with the laudatory prefaces, favorable reviews, and academic honors.

If I answer these “accusations,” it is not because I believe that such actions, if authentic, would be crimes, or even that, if crimes, they would in any way be relevant to the discussion of Mr. Said’s scholarship. They may however serve to illustrate Mr. Said’s way with facts and documents. If he deals so cavalierly with as solid a piece of evidence as the Congressional Record, it is hardly surprising that when he resorts to the curious device of quoting hearsay fragments of lectures and conversations, ripped from context and garbled almost beyond recognition, he is even less reliable. But even Mr. Said—though I concede that his knowledge of Arabic is not relevant—ought to know that “Allahu Akbar” is commonly used as a war cry.

Apart from direct personal abuse Mr. Said offers an unsavory mixture of sneer and smear, bluster and innuendo, and guilt by association. A good example is his use of Professor Milson, whose name occurs no fewer than four times in his “response.” Professor Milson must answer for his own activities, but even on the worst possible interpretation of these activities, they have no bearing as such on the quality of his scholarly work, which is the field of Arabic literature, still less on that of any other Orientalist.

But all this political polemic is basically irrelevant to the matter under discussion, namely the attack on Orientalism. In my article I did not make Mr. Said’s political views or associations a central issue, for the simple reason that his assertions about Orientalism, like my criticism of them, must stand or fall on their scholarly merits. His views and my views may no doubt influence the opinions we form, though obviously this takes place in different ways, but in themselves they prove us neither right nor wrong. I probably disagree with Professor Rodinson (who by the way left the French CP some twenty-five years ago. Why drag that up?) even more than I disagree on political matters with Said. The difference is that I respect Rodinson’s scholarship. Mr. Said seems to be unable to conceive that there may be intellectual disagreements which are not political in origin or purpose and that these disagreements may be discussed in anything but emotional and violent language. Some of us try to maintain a standard of honesty in research and accuracy in exposition, and, even under extreme provocation, to discuss our differences in the language of civilized debate. Incidentally Rodinson, in a recent publication, draws a clear distinction between political opinion and scholarly achievement, and applies the term “ideological cretinism” to those who use the one to judge the other.

Mr. Said tries to meet my point about the uniqueness of the Arab response to Orientalism by looking, not at India or China, but at the American Jewish Committee. If the Committee or other Jewish organizations had complained about the treatment of Hebraic and Judaic subjects by Christian and other non-Jewish scholars, there might have been some parallel. In fact they have not. Their concern has been about the effect on contemporary Middle Eastern studies in the universities of the kind of political warfare exemplified by Mr. Said.

While Mr. Said’s main effort is to shift the discussion from the ground of scholarship to that of politics where he feels more at ease, he does make some attempt to confront a few of the specific issues raised in my article. He deals with some by evasion, some by quibbles, some by confusing the issue, some by fudging or restating his previous positions, some with wild and irrelevant countercharges. The most important points, with one exception, he deals with most effectively by simple silence. In all this he follows very closely on the standards of analysis and exposition established in his book.

A few examples may suffice:

I pointed out that Said had made a wholly false statement about the Princeton seminar on slavery, with which incidentally I was in no way concerned and at which I was not present. He replies with further misrepresentations and unattributed and unidentified quotations about that seminar, and adds others about a different seminar held two years later.

I quoted a few examples of mistranslation from Arabic and German. Mr. Said picks the least important, the word tawhid, and tries to cover it with a smokescreen. There is really no need to invoke the authority of Gibb and other eminent scholars for the definition of the word as “monotheism,” which will be found in any Arabic dictionary old or new. Incidentally, in the passage quoted at second hand from Waardenburg, Massignon was providing not a translation of a term but an interpretation of certain Muslim beliefs.

I noted that while Said condemns British and French scholars for their lack of respect for Islam and links their efforts to imperial domination, he has nothing to say about Soviet scholars who are far worse offenders in this respect and who, one might add, unlike the British and French, are the servants of a state which has not relinquished its Muslim domains but is on the contrary adding to them. Said’s reply is that the Russians also attack Christianity and Judaism—presumably this justifies them, though not Ernest Renan, one of his favorite targets, and gives them license both to insult the Prophet and to conquer Afghanistan. He also accuses me of red-baiting, a term sometimes used to claim virtual immunity from criticism for the Soviets, their friends, and those to whom they extend their protection.

When I observed that Mr. Said neglects or maligns Arab scholarship, including a major work on Orientalism, he replies by accusing me of “pretending” that I am “a defender of the Arabs.” This presumably causes the magical disappearance of Najib al-Aqiqi’s three volumes on Orientalism and thus absolves Mr. Said from what would normally be regarded as an offense in scholarly circles—namely, disregarding a major recent work on the subject of his book. PhD theses have been rejected for less. In this connection I might also mention the Syrian Marxist philosopher Sadiq Jalal al-Azm, who, while relying entirely on Said’s flawed and skewed definition of Orientalism, nevertheless produced, even within that closed system, a devastating critique of Said’s reasoning and conclusions (Khamsin, no. 8, 1981, pp. 5-26).

When I refer to Said’s bizarre sexual interpretation of my remarks on the Arabic term thawra, he replies by quoting several Arabic dictionaries in which the allusion to a camel does not occur—an argument the logic and relevance of which are not immediately apparent.

I accused Mr. Said of having libeled Silvestre de Sacy by saying that he had “doctored” his texts. Mr. Said replies by referring to other phrases in which he described the “man’s enormous efforts and influence.” This is neither a compliment nor an answer. I had assumed that “doctoring” texts was a bad thing, and that to say that a scholar had done so was a very serious charge, in Sacy’s case totally without foundation. Mr. Said prefers to change the subject.

Perhaps the most remarkable is Said’s answer to my charge that he had falsified and rearranged the history of the Middle East to bear the structure of hypothesis that he wished to impose on it. On this question—of central importance—his only reply is to accuse me of misrepresenting the chronology of his treatment of Orientalism, the implication being that my error would equal and, so to speak, cancel out his own. “Far from dating the rise of Orientalism from the late eighteenth century, I specifically date it from 1312.” This answer is a good example of the kind of multilayered distortion by which Said proceeds. What he actually says on the pages quoted is: “In the Christian West, Orientalism is considered to have commenced its formal existence with the decision of the Church Council of Vienne in 1312 to establish a series of chairs in ‘Arabic, Greek, Hebrew, and Syriac at Paris, Oxford, Bologna, Avignon, and Salamenca.’ ” This is documented with a footnote reference to Richard Southern’s Western Views of Islam in the Middle Ages. There is no sense in which this decision can be regarded as the formal beginning of Orientalism. If one speaks of medieval Orientalism in Western Europe, it flourished much earlier; Robert of Ketton’s translation of the Qur’an for example was completed in 1143 and the Vienne decision was not so much the beginning of modern Orientalism as the end of medieval Orientalism—in Southern’s words, “the last salute to a dying ideal.” These chairs were not founded and, to continue Southern’s remarks, “neither the men nor the money was at hand to give substance to the dream, and it faded away without anybody’s noticing.” It was not until the time of the Renaissance and the Reformation that the new kind of Orientalism began to develop in Europe. Mr. Said’s answer to my criticism is further to misstate a misstatement contained in his book.

No one in his right mind would maintain that there is no connection between scholarship—Orientalist or any other—and events in the polities and societies in which the scholars live, just as no one would make such preposterous assertions as those Mr. Said ascribes to his imaginary Orientalists, as for example that “Islam is monolithic and unchanging.” Obviously there is a connection between scholarship and empire, as also between scholarship and commerce, which deserves but has not yet received serious study. Incredibly, Mr. Said challenges his critics to produce “substantive reasons” why the Germans should be “mentioned” in discussing a tradition of scholarship in which they have played a major and perhaps even a preponderant role. If German scholarship is insufficient reason, one might offer another, within his own frame of reference. Mr. Said represents Orientalism as an imperialist byproduct, in which the British and French provided the material and set the tone, and in which the Germans and others did no more than “elaborate” on the “major steps” of their British and French predecessors. But if Arabic studies in Germany, and for that matter in Holland, began as early as in France and earlier than in Britain, and moreover reached at least an equal level of competence and originality, without any imperial Arab connection, his thesis falls to the ground.

Finally I would like to take this opportunity to make two brief corrections to my article. The first relates to Edward Lane. Said did indeed make two passing references to his dictionary, though this hardly invalidates my point. More serious is my own reference to Lane’s Modern Egyptians. Though of minor importance in the academic Orientalist tradition, it is a major contribution to scholarship, and my manner of referring to it did it less than justice. Another point is the possible misunderstanding of my reference to the letters of the late Professor Sheikh Inayatullah published in the Pakistan Times in 1955. Rereading my footnote, it occurs to me that the unwary reader might assume from this that Inayatullah’s letters were part of the agitation. The contrary was the case. Professor Inayatullah was a scholar and a humanist. He was shocked and offended by the campaign, and wrote not to join but to condemn it.

The question under discussion is of profound significance and is part of the larger problem, now receiving some scholarly attention, of the perception of “the Other.” This is not limited to contrasting how one society perceives another with how that other society perceives itself. It is also concerned with the mutual perceptions of the two, as well as with parallel problems in that greater part of the world which is neither Western nor Muslim. The tragedy of Mr. Said’s Orientalism is that it takes a genuine problem of real importance, and reduces it to the level of political polemic and personal abuse.

Voir par ailleurs:

Linda Nochlin and The Imaginary Orient
by Ibn Warraq

In the guest book at the Dahesh Museum which used to be on Madison Avenue, in Upper Manhattan,  [1] there is an entry by a tourist, possibly German, who enthuses about the Orientalist paintings in the collection, saying how much she admired and enjoyed them. Then, almost as an afterthought, as though she has only just remembered to put on her ideological spectacles, she adds words to the effect that, “of course, they were Orientalist works, hence imperialist and reprehensible.” Apparently, she felt guilty for having enjoyed and appreciated Orientalist art. How many other ordinary lovers of paintings, sculpture, drawings, watercolors and engravings have had their natural inclination to enjoy works of Orientalist art damaged, or even destroyed by the influence of Edward Said and his followers? How many people have had their enjoyment of Jane Austen spoiled by Said’s insidious claim that Austen was condoning slavery?

Nowadays when discussing Orientalist art, one often begins with Linda Nochlin’s article The Imaginary Orient,[2] a work obviously influenced by Said’s Orientalism. Nochlin’s article can hardly be called art criticism. It is purely polemic, and, at times, quite hysterical. For her, the important element in any analysis of such art must be “the particular power structure in which these works came into being. For instance, the degree of realism (or lack of it) in individual Orientalist images can hardly be discussed without some attempt to clarify whose [italics in original] reality we are talking about.” We are immediately in the fantasy world of relativism and parallel universes—”whose reality,” indeed. Nochlin assumes that the Orientalist artist must in every case be a symbol of the prevailing political reality, in other words, in the the grip of blind historical forces against which he is helpless, that he must have an imperialistic agenda, and must be a racist. The thought that the artist may indeed be an individual, with his own personal, aesthetic reasons for being in a foreign land, that he possesses freewill, that the artist may actually love the country and its people that he paints, never seems to have occurred to her. For her, he represents the Occident, out to rape the submissive and backward Orient.

It is unfortunate for her ideological argument that she begins with Gérôme’s Snake Charmer, which she claims is “a visual document of nineteenth-century colonialist ideology.” It was placed in Constantinople, capital of the Ottoman Empire and seat of the Caliphate, and, of course, was not a European colony. The fact that so many Orientalist artists were working in parts of the Ottoman Empire, in Turkey itself, or Syria and Palestine and the Holy Land, is a simple refutation of this non-stop nonsense about “colonialist ideology.” Egypt was conquered by the Ottomans in 1517 and remained a Turkish colony until 1798, when the French expedition under Bonaparte arrived with the intention of reinstating the authority of the Ottomans. The French interlude lasted barely three years. In 1801 a joint British-Ottoman expedition ended the French adventure. Between 1801 and 1882, Egypt was not occupied by a European power, and it was certainly not a European colony, and indeed, in a strict sense, it was never a European colony. It was an Ottoman colony for nearly three hundred years. David Roberts, who painted many magnificent scenes of Egypt and her monuments, died in 1864, and so could not have known that country under European occupation. Algeria was under French rule for 132 years, but as we shall see, those artists who went there developed an affection for and commitment to it, artists such as Eugene Fromentin. Morocco and Tunisia were under French rule for a brief period, roughly forty years each, only in the twentieth century.

Nochlin continues, “the watchers huddled against the ferociously detailed tiled wall in the background of Gérôme’s painting are resolutely alienated from us, as is the act they watch with such childish, trancelike concentration. Our gaze is meant to include both the spectacle and its spectators as objects of picturesque delectation.” “Ferociously detailed tiled wall?” What exactly is her complaint? The wall is very skillfully rendered, and Gérôme, like many other Orientalist painters, delighted in depicting sensuous, colorful detail of materials, cloths, carpets, costumes, and ceramics and marble. “Childish, trancelike concentration”: apart from the condescension implicit in “childish,” Nochlin’s finds their gaze “trancelike;” I would describe it rather as “interested,” especially the black figure on the left who leans forward in eager anticipation, with a slight smile on his face.

“Clearly, these black and brown folk are mystified—but then again, so are we. Indeed, the defining mood of the painting is mystery, and it is created by a specific pictorial device. We are permitted only a beguiling rear view of the boy holding the snake. A full frontal view, which would reveal unambiguously both his sex and the fullness of his dangerous performance, is denied us. And the insistent, sexually charged mystery at the center of this painting signifies a more general one: the mystery of the East itself, a standard topos of the Orientalist ideology.”

Notice how Ms Nochlin’s own mystification suddenly, by a sleight of hand, becomes the Orientalists’ topos of “the mystery of the East.” What is the mystery? We cannot see the boy’s genitals. In which case, how does she know he is a he? She finds his buttocks “beguiling,” and apparently is disappointed that she cannot see more. She hates being left in an “ambiguous” state. And why are the spectators—condescendingly described by Nochlin as “black and brown folk”!—mystified, since they do have a full frontal view of his sex and hence of his performance? Sexually charged mystery indeed! In what way would a full frontal view reveal to us a “dangerous performance” that is not obvious from the dorsal view? Perhaps the performance is dangerous simply because it involves a snake, but we do not need a front view to figure that out; any angle will do. It is Nochlin herself who leaps from one canvas to generalize about all the Orient. It is Nochlin herself who is guilty of the very reductionistic, essentialist Orientalist generalization of which she accuses this artist. How can one go from one scene depicting a snake charmer to the claim that this represents the entire East? Perhaps it does for Ms Nochlin. It certainly does not for me or thousands of others.

Nochlin claims that the watchers in the painting are “huddled” against a wall, but huddled implies discomfort. They do not look at all uncomfortable. It is Nochlin who is uncomfortable looking at them. She claims that they are “alienated” from “us,” but the “us” is really an elliptical expression for herself, for Linda Nochlin. Some of the watchers are looking at the boy with the snake, but some appear to be watching an unrendered event behind the flutist. This further undermines Nochlin’s analysis.

“Gérôme suggests that this Oriental world is a world without change.” Gérôme, claims Nochlin, avoids the French presence. But there was no French colonial presence in Turkey where this painting is placed. “The absence of a sense of history, of temporal change, in Gérôme’s painting is intimately related to another striking absence in the work: that of the telltale presence of Western man. There are never any Europeans in “picturesque” views of the Orient like these.” But here Gérôme is not painting a historical subject or scene. All that Nochlin’s extraordinary criticism amounts to is a demand that he paint another picture altogether, whose subject matter is to be dictated by her. Gérôme did indeed paint historical subjects, such as his impressive Napoléon and His General Staff in 1867, now in a private collection.

Of this painting, Lisa Small of the Dahesh Museum wrote, “This particular image combines Gérôme’s two great themes, Orientalism and history, depicting a somber Napoléon retreating from Acre. As [Earl] Shinn [ 1837-1886, editor of one hundred photogravures of Gérôme’s paintings in ten volumes] describes it, the emperor, mounted on his ungainly beast of burden, in this burning and dreary march…with his discontented and defeated army around…experiences, for the first time, the bitterness of disappointed ambition.”[3]

Several points need to be made. First, history was one of Gérôme’s important themes. Second, the subject is Napoléon’s defeat; there is no colonial or imperialistic triumphalism. Many Orientalist painters tackled historical subjects, especially the presence of the French in the Near East and North Africa, though Nochlin insists that the French are always “absent.” Phillipe Julian’s excellent survey defines Orientalism as “a form of Romanticism just as it is a new way of painting history, with which it is often closely linked. The artists found fresh inspiration in political events. Between 1820 and 1830, the independence of Egypt, the liberation of Greece, and the conquest of Algeria brought the Near East and the Middle East into the mainstream of European affairs.”[4] The painting of history is a part of the definition of Orientalism, hence Nochlin’s claim is jejune. Historical works placed in the Orient include: Gérôme’s Oedipe ou le général Bonaparte en Égypte; Antoine-Jean Gros’ The Battle of Aboukir, 1806; Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson’s Revolt in Cairo, 1810; Alexandre Bida’s Massacre des Mamelouks; and Antoine-Jean Gros’ Charge de cavalerie exécutée par général Murat à la bataille d’Aboukir. Many Orientalists painted Napoléon in the Orient, among them, Jean Charles Tardieu, Pierre Narcisse Guérin, Henry Lévy, and Leon Cogniet.[5]

“Indeed,” continues Nochlin, “it might be said that one of the defining features of Orientalist painting is its dependence for its very existence on a presence that is always an absence: the Western colonial or touristic presence.”

If you have ever visited the Taj Mahal, the seventeenth-century Moghul masterpiece in Agra, you have not resisted the temptation to take a photograph of it. If you have taken a photograph, you were anxious not to include some fat Western tourist, in shorts, hat, and sunglasses, with a camera slung ’round his neck, in the frame. You waited until there were no tourists near to spoil the view; such tourists would have looked out of place and as inappropriate as their dress. Orientalist paintings were often commissioned by Europeans or Americans back home, and the latter certainly did not want to buy views that showed tourists. Evidence of this comes from the books of two very gifted modern Indian photographers, Raghu Rai and Raghubir Singh. No Western tourists disfigure their photos. In Raghu Rai’s photo portrait of Calcutta,[6] there are sixty three black and white photos of Calcutta in the 1980s, and its inhabitants.[7] Some are of busy city scenes, others are almost rural, still others are portraits of individuals of the city. Not one single photo shows a Westerner. Indeed, many of them have the genre quality we associate with Orientalist paintings: Women and Kali along Ganga river; A Marwari takes a rickshaw to work; Workers carrying a wooden beam into a sawmill; Transporting potatoes to the vegetable market; Monsoon rains flood the streets, and so on. There are no Western tourists in sight.

Raghu Rai’s book of photographs of the Taj Mahal is pure Orientalism, using this term in a non-pejorative sense. Taken in the 1980s, his photos have a remarkable affinity to the work of the Orientalist painters of the nineteenth century. One shows what may be a camel skeleton lying in a river bed, bearing an uncanny resemblance to Gustave Guillaumet’s Le Sahara in the Musée d’Orsay. There are striking images of decaying monuments, Indian women in colourful traditional costumes, naked children playing on dirt roads, and women carrying copper or metal vessels on their heads.[8]  Similarly, Raghubir Singh shows us a Rajasthan circa 1980[9] a place still non-industrial, made up of hundreds of villages, with few modern comforts, and nary a rastaquouère [10]in sight.
One can imagine what Nochlin’s criticism of an Orientalist work that did show a European in one of their paintings would be: “Of course, Gérôme would have to put in a European to remind us that it is really the European who is the master; there is no space that belongs to the Oriental, it has all been usurped by the colonialist. The Oriental cannot be left alone even in his own home…..”

Nochlin complains of Gérôme’s technique: it is too smooth, she thinks he is trying to hide his art. But Gérôme is famous precisely for his meticulous finish; it is a style of painting shared by other great painters, such as Ingres, with his superb draughtsmanship and precise Neo-Classical linear style, and without thick impasto. As Delacroix put it, “…the sight of a few Ruysdaels, especially a snow effect and a very simple marine where one sees no more than the sea in dull weather, with one or two boats, appeared to me the climax of art, because the art in it is completely concealed. That astounding simplicity…..”[11][Emphasis added] Second, there is the naive assumption that if we can see the broad brush strokes and bright daubs of colour, we can somehow better understand the technique, and this, according to Nochlin, is a good thing. A far more sympathetic analysis of Gérôme is offered by Gerald Ackerman. He seems to be answering Nochlin when he wrote, “[Gérôme’s] compositions are models of effective simplicity. In the famous histories, our eyes are led through the narrative as if this were the natural way to observe. In work after work resonances of shapes and colors occur, almost unsuspected under the objective exactitude of his realism, as in the delicate, First Kiss of the Sun. The brilliance of his coloring is always within a controlled harmony. Each canvas seems to have its own particular color scheme; he does not always bang at the same chromatic chords. But above all Gérôme loved the act of painting, the exercise of his skill. It was not a task for him, even though, as a true academician, he believed that the conception of the idea was the real creative act and that the rest was “execution.” He nevertheless did the “execution” energetically and cheerfully. He never tired out at the corners, and only in old age did he allow pictures of a lesser finish leave his studio. Most of his paintings are meticulously finished with labor that only love could sustain. Gérôme worked with a limited palette, but he knew his pigments profoundly, even using some colors that seemed harsh but which he knew would eventually tone down in harmony with the colors around them. His objectivity may have produced a surface that some find offensive because they think it conceals art—a skill always admired in actors—but it is one of the self-effacing traits of his realism; he was matching the objectivity of his technique to that of his observation.”[12]

In any case, Gérôme’s technique was not followed or copied by all Orientalists. Some were even close to the Impressionists in their style, such Félix Ziem; some Impressionists, in the strict sense, such as Degas, Renoir, and Manet, also painted scenes from the Orient.

Nochlin complains about “a plethora of authenticating details,” especially the “unnecessary ones.” Orientalists are accused of painting an imaginary Orient, and then also accused of “insisting on authenticating details. One cannot have it both ways. Should they have left out the authenticating details? Would that have improved the paintings? And would not these details help dispel the mystery that seems to vex Ms. Nochlin? Surely it is the artist’s prerogative to decide which details are necessary and which not.

“Neglected, ill-repaired architecture functions, in nineteenth-century Orientalist art, as a standard topos for commenting on the corruption of contemporary Islamic society.” Has Nochlin ever been to the Orient? It is her Orient that seems to be imaginary. Even now, one of the most distressing sights, at least for me as someone originally from India, is the physical decay of so many beautiful historical palaces and monuments in contemporary India. It was even worse in the nineteenth century, until a British Viceroy, Lord Curzon, did something about it. The situation was, and is, similar in North Africa, Syria, Egypt, and other Islamic lands. The Orientalists painted what they saw. It is true that ruins do attract the Romantic mind, and have been popular at least since the ruins of ancient Rome were painted by Hubert Robert [1733-1808]. But delight in ruins is an aesthetic attitude, not a political statement.

New York Times journalist Alan Cowell wrote in 1989 that Cairo “oozes decay.”[13] As for Istanbul or Constantinople, Orhan Pamuk’s entire book on the city is about decay, ruin, neglect and poverty. He grieves for “a city that has been in decline for a hundred and fifty years;” he finds melancholic joy “in the crumbling fountains that haven’t worked for centuries; the poor quarters with their forgotten mosques,…the dilapidated little neighbourhood shops packed with despondent unemployed men; the crumbling city walls like so many upended cobblestone streets….”[14] It is ironic and amusing that Edward Said was himself accused of “Orientalism” in the pejorative sense when he complained of the decay in modern-day Cairo.[15]

And, it is well-attested that tiles in Turkish mosques often fell off simply because of the poor quality of the glue used.[16] To capture that dilapidation in paint is not part of the “project of imperialism.” Is not Nochlin’s claim that Orientalists always paint a timeless Orient, “a world without change,” contradicted by her other claim that Orientalists were always painting decay? Decay is a sign of mutability, that things are no longer what they were. Nochlin wants to have it both ways.

Nochlin complains that there are too many lazy natives in Orientalist paintings, not enough people doing their jobs, not enough activity. But she cannot have looked carefully. There is a rich-toned work by Rudolf Ernst in the Dahesh Museum of two men in their workshop, beating into shape copper objects; Charles Wilda’s A Coppersmith, Cairo [1884]; E. Aubry Hunt’s The Farrier, Tangiers; Edwin Lord Weeks and Eugène Girardet painted tailors at work; and there are any number of paintings of the bazaar bustling with activity, such as Germain-Fabius Brest’s View of Constantinople of 1870, now in the museum in Nantes; Albert Pasini’s Bazar at Constantinople; Amadeo Preziosi’s Market Scene in Cairo; Fausto Zonaro’s Barbers Working in a Square in Constantinople. Then there are busy port scenes in numerous paintings such as Carlo Bossoli’s Oriental Port. Dervishes are often portrayed, and they are hardly inactive. There are also paintings of hunting with falcons, guns, on horseback, and so on, as in the works of Eugene Fromentin. And what of the exhilarating sense of movement in Giulio Rosati’s Successful Raiding Expedition?[17]

The absence of certain activities in a painter’s oeuvre cannot possibly be taken to mean that he, the artist, thought the natives were “a lazy bunch of layabouts.” In such a shallow interpretation, from the Dutch and Flemish genre paintings of the seventeenth century one would get the impression that the Dutch spent their entire time in taverns, brothels, and merry-making. There are few paintings of people engaged in any work or craft; exceptions include Metsu’s Interior of a Smithy, and Brekelenham’s Interior of a Tailor’s Shop. Yet we know that seventeenth-century Netherlands was a hive of commercial activity, and extraordinarily successful economically. As the art-historian Wayne Franits notes, there are also few paintings of commercial activities in Dutch ports, but we know how busy the ports were.[18]  Nochlin contemptuously dismisses Delacroix who, she claims, was said to have read Herodotus for descriptions of Oriental debauchery. There are no such descriptions in Herodotus. He gives a sober, not a prurient account, of the well-known institute of temple prostitution, and a sympathetic account of the manners and customs of Orientals.

Nochlin lets fly one baseless charge after another. One wonders if she has bothered to really look at, let alone enjoy, a work of Orientalist art. Here are her final thoughts on Orientalist art: “Works like Gérôme’s, and that of other Orientalists of his ilk, are valuable and well worth investigating not because they share the esthetic values of great art on a slightly lower level, but because as visual imagery they anticipate and predict the qualities of incipient mass culture. As such, their strategies of concealment lend themselves admirably to the critical methodologies, the deconstructive techniques now employed by the best film historians, or by sociologists of advertising imagery or analysis of visual propaganda, rather than those of mainstream art history.” Evidently, for Ms. Nochlin and her ilk, Orientalist art, as John MacKenzie pointed out, “exists on an entirely different plane from that considered by ‘mainstream art history.’”[19] In his brilliant demolition, so far from the fashionable nonsense of ‘deconstruction’ offered by Said and his ilk, MacKenzie takes them to task for their imprecision, especially the cavalier way they talk about “imperialism”. MacKenzie insists, “It will not do to pick and mix artists from different points in the nineteenth century and portray them as locked into a set of racial and imperialist assumptions. The durability of the oriental obsession, from the late eighteenth to the early twentieth centuries must raise doubts that its ‘deconstruction’ can be anything other than highly complex, producing different results at varying periods, as well as opposing dualities among artists and even within the single artist’s work.”[20]

Orientalist art must be seen as a continuation of those aesthetic impulses that began at the dawn of Western painting. Many Orientalist painters and sculptors were motivated by the same artistic desires as those of the Renaissance. Gentile Bellini, Carpaccio and other Venetians, but also Rembrandt and the Flemish Pierre Coeck d’Alost, have been mentioned. Nochlin seems irritated by Gérôme’s Arabic calligraphy, but in fact, a little “mainstream art history” would reveal that from the late thirteenth century onward, Western artists were fascinated by Oriental scripts and used it in many of their works. Many artists, not knowing Oriental languages or scripts, invented pseudo-scripts for decorative purposes and used them on textiles, gilt halos, and frames for religious images: artists such as Duccio, Giotto, Fra Angelico, Andrea Mantegna, Gentile da Fabriano, and so on.[21] The one exception was Pisanello, who copied almost exactly the Arabic script that says, “al-Muayyad Abu Nasr Shaykh,” in his Studies of Costume Worn by the Emperor John VIII Paleologus and Esatern Delegates at the Council of Eastern and Western Churches in Ferrara, 1438, a drawing now in the Louvre. Rosamond Mack points out that “Italians admired the aesthetic qualities of Islamic calligraphy” and used it in patterned textiles. Early Italian painters were confused about Arabic writing, but Mack writes, “the misapprehension was driven by Western veneration of Christianity’s Eastern roots and the desire to possess and preserve that sacred heritage.”

Artistic concerns were paramount: “Artistic concerns also played an important role in the various adaptations of Arabic writing and the Islamic objects on which such writing appeared. Giotto and his contemporaries developed an immediately recognizable version of the Eastern honorific garment to make their representations more vivid and, and in their view, more accurate. The imitation writing on halos and frames was ornamentally sophisticated, consistent with the Eastern garments, and perhaps also emphasized that these were images of a universal faith.”[22] Aesthetic concerns, along with the ubiquitous Western desire for universalism, were the main impelling forces.
Gérôme and other Orientalists were more successful in rendering Arabic script; they also admired the aesthetic qualities of Arabic calligraphy. Referring to the Arabic inscriptions in Gérôme’s Snake Charmer, Nochlin quotes Ettinghausen, a great scholar and expert on Islamic Art, as saying that they could “be easily read.” Then Nochlin adds a contradictory footnote: “Edward Said has pointed out to me in conversation that most of the so-called writing on the back wall of the Snake Charmer is in fact unreadable.” Pace Said, the large frieze at the top of the painting, running from right to left, is perfectly legible. It is the famous verse 256 from Surah II, al-Baqara, The Cow, written in thuluth script, and reads,

There is no compulsion in religion—the right way is indeed clearly distinct from error. So whoever disbelieves in the devil and believes in Allah, he indeed lays hold on the firmest handle which shall never break. And Allah is Hearing, Knowing

Unfortunately, the inscription thereafter is truncated, so that the upper part is lost, but even then one can make out parts of it, probably not a Koranic verse but rather a dedication to a caliph; the name Uthman is just visible, and possibly the word Sultan. The Turkish artists and architects often added a dedication in mosques, and even on coats-of-arms, such inscriptions as, “The ruler of the Ottoman Empire, Sultan Abdülhamit who puts his trust in God.” Or was Gérôme simply copying faithfully a real wall with those very verses? I have learned from Professor Gerald Ackerman that Gérôme executed the painting in his Paris studio, copying a photo from the Topkapi Palace published by Abdullah Frères, the Istanbul photography firm. This discovery makes Nochlin’s remarks even further off the mark.

Many copper vessels, plates, and weapons decorated with silver and gold and produced in Egypt, Turkey, or Morocco, both contemporary and those manufactured a hundred years ago, show what purport to be Arabic scripts or inscriptions, but in fact are gibberish, since the artisan producing such objects is often illiterate, certainly ignorant of Classical Arabic, and the complex rules of Arabic calligraphy.[23]

Let me summarize: Does the frieze represent actual writing? The answer is yes. Is the writing in any sense legible? Here again, the answer is yes. It is not easily legible, but nor are all the stylized inscriptions in, for instance, the Dome of the Rock. It is simply a feature of Islamic calligraphic art, and in this case Gérôme was not inventing the writing. But even if Gérôme had invented the inscriptions, what conclusion would follow? Only that Gérôme did not know Arabic. But neither does Nochlin. If Gérôme’s ignorance of Arabic is an obstacle to painting about the Orient, why isn’t Nochlin’s ignorance of Arabic (or Turkish) an obstacle to writing about Orientalism in art?

There were at least four hundred Orientalist artists of stature[24], British, American, French, Italian, and German, producing thousands of works of quality and artistic merit. It does not do to generalize about artists from so many varied backgrounds, each with his cultural, and above all, aesthetic perspectives, in the calumniating fashion that Nochlin does. It is Nochlin who sees the entire Orient defamed in one painting. It is her generalizations and tendentious readings that are offensive. It is she who is degrading the Orient by such claims, not the artists she misreads and exploits for tendentious ends. These artists often portrayed the essential dignity of that non-European Other, the Oriental.

[1]     Alas, it is no longer there.
[2]     Linda Nochlin. The Imaginary Orient. Art in America, (May 1983), pp.118-131, pp.187-191.
[3]     Lisa Small. Highlights from the Dahesh Museum Collection. Essay and Catalogue.New York:Dahesh Museum, 1999.p.64
[4]     Philippe Julian The Orientalists: European Painters of Eastern Scenes, Oxford:Phaidon 1977, p.28.
[5]     All magnificently illustrated in Gérard-Georges Lemaire. L’Univers des Orientalistes, Paris: Éditions Place Des Victoires, 2000.
[6]     Raghu Rai. Calcutta, New Delhi, India Time Books International, 1989.
[7]     One can view them at http://www.magnumphotos.com/c/htm/FramerT_MAG.aspx?Stat=Portfolio_DocThumb&V=CDocT&E=2K7O3RBQ95I8&DT=ALB
[8]     Raghu Rai, Taj Mahal, Milan: Idealibri, 1995 [Ist edn. 1986].
[9]     Raghubir Singh. Rajasthan:India’s Enchanted Land. New York: Thames and Hudson, New York, 1981.
[10]    French for : flashy foreigner.
[11]    The Journal of Eugene Delacroix. trans, by Walter Pach, New York: Hacker Art Books, 1980, pp.160-161
[12]    Gerald M.Ackerman. Jean-Léon Gérôme. His Life, His Work. Paris: ACR PocheCouleur, 1997 p.188.
[13]    Alan Cowell, Exploring Islamic Cairo, New York Times, January 1, 1989.
[14]    Orhan Pamuk. Istanbul. Memories and the City, New York:Vintage International, 2006 [ Ist. English edn.,2004.]pp.38-39, 42.
[15]    Michael Sprinker ed. Edward Said: A Critical Reader, Oxford: Blackwell, 1993.pp.223-225 ; accused by Valerie Kennedy. Edward Said: A Critical Introduction. Polity Press, 2000, pp.129-131.
[16]    I owe this point to Dr. Elisabeth Puin.
[17]    Examples taken mainly from Caroline Juler. Les Orientalistes de l’École Italienne. Paris: ACT Edition, PocheCouleur,1994.
[18]    Wayne Franits. Dutch Seventeenth-Century Genre painting. New Haven: Yale University Press, 2004,p.1
[19]    John M.MacKenzie. Orientalism. History, theory and the arts. Manchester: Manchester University Press, 2004 [Ist. Edn.1995] p.47.
[20]    Ibid.,p.47
[21]    Rosamond E.Mack.Bazzar to Piazza. Islamic Trade and Italian Art, 1300-1600, 2002,p.51.
[22]    Ibid.,p.71.
[23]    I owe these observations to Dr Elisabeth Puin, who also helped decipher Verse 256.
[24]    One Internet site has listed 1222 Orientalist artists working in the XIX and upto the beginning of the XX Century: http://orientaliste.free.fr/biographies/index.html

Voir de plus:

Mathieu Bock-Côté : «L’homme sans civilisation est nu et condamné au désespoir»
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – A l’occasion de la sortie de son nouveau livre,Mathieu Bock-Côté a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. L’intellectuel québécois y proclame son amour de la France et fait part de son angoisse de voir le multiculturalisme détruire les identités nationales.

Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique vient de paraître aux éditions du Cerf.
Propos recueillis par Alexandre Devecchio
Le Figaro
29.04.2016

En tant que Québécois, quel regard portez-vous sur la société française?

Je m’en voudrais d’abord de ne pas dire que j’aime profondément la France et que j’hérite d’une tradition très francophile, autrefois bien présente chez nous, qui considère encore un peu votre pays comme une mère-patrie. La France, en un mot, ne nous est pas étrangère. Vous me pardonnerez ces premiers mots, mais ils témoignent de mon affection profonde pour un pays avec lequel les Québécois entretiennent une relation absolument particulière. En un mot, j’ai le sort de la France à cœur!

La pénétration de l’idéologie multiculturelle, que vous dénoncez dans votre livre, est-elle en France aussi forte que dans les pays d’Amérique?

Le multiculturalisme prend un visage tout à fait singulier au Canada. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la constitution de 1982, imposé de force au Québec, qui ne l’a jamais signé. Il a servi historiquement à noyer le peuple québécois dans une diversité qui le privait de son statut de nation fondatrice. Pierre Trudeau, le père de Justin Trudeau, était radicalement hostile au peuple québécois, à son propre peuple, qu’il croyait traversé par une tentation ethnique rétrograde. C’était faux, mais c’était sa conviction profonde, et il voulait désarmer politiquement le Québec et le priver de sa prétention à constituer une nation.

Dans l’histoire du Canada, nous étions un peuple fondateur sur deux. Avec le multiculturalisme d’État, on nous a transformés en nuance identitaire parmi d’autres dans l’ensemble canadien. Il faut rappeler ces origines oubliées du multiculturalisme canadien à ceux qui n’en finissent plus d’idéaliser un pays qui a œuvré à oblitérer sa part française.

Je vous donne au passage ma définition du multiculturalisme, valable au-delà du contexte canadien: c’est une idéologie fondée sur l’inversion du devoir d’intégration. Traditionnellement, c’était la vocation de l’immigré de prendre le pli de la société d’accueil et d’apprendre à dire nous avec elle. Désormais, c’est la société d’accueil qui doit se transformer pour accommoder la diversité. La culture nationale perd son statut: elle n’est plus qu’un communautarisme parmi d’autres. Elle devra toutefois avoir la grandeur morale de se dissoudre pour expier ses péchés passés contre la diversité.

Retour au Canada. Au fil du temps, le multiculturalisme canadien s’est autonomisé de sa vocation antiquébécoise et en est venu à représenter paradoxalement le cœur de l’identité canadienne. Il a remplacé ce qu’on pourrait appeler l’identité historique canadienne par une identité idéologique fondée sur la prétention. Ce qui tient lieu d’identité commune au Canada aujourd’hui, et cela plus encore depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, que la France regarde étrangement d’un air enamouré, c’est le sentiment d’être une superpuissance morale, exemplaire pour l’humanité entière, une utopie réussie représentant non seulement un pays admirable, mais la prochaine étape dans le progrès de l’humanité.

L’indépendantiste québécois que je suis a un regard pour le moins sceptique devant cet ultranationalisme canadien qui conjugue la fierté cocardière et l’esprit post-moderne.

Plus largement, au Canada, le multiculturalisme sert de machine à normaliser et à banaliser les différences les plus extrêmes, les moins compatibles avec ce qu’on appellera l’esprit de la civilisation occidentale ou les mœurs occidentales. C’est le pays du communautarisme décomplexé, c’est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.

C’est le pays qui banalise sous le terme d’accommodements raisonnables un relativisme généralisé, qui peut aller très loin. C’est le pays où certains iront même jusqu’à dire que le niqab est peut-être même le symbole par excellence de la diversité canadienne, puisque son acceptation par les élites témoigne de la remarquable ouverture d’esprit de ceux qui le dirigent et des institutions qui le charpentent. Pour le dire autrement, le Canada pratique un multiculturalisme à la fois radicalisé et pacifié.

En France, le multiculturalisme semble moins agressif …

Il domine aussi l’esprit public mais n’est pas nécessairement revendiqué par les élites, qui entretiennent, à travers la référence aux valeurs républicaines, l’idéal d’une nation transcendant sa diversité. On sait bien que la réalité est autre et que la référence républicaine s’est progressivement désincarnée et vidée de sa substance nationale depuis une trentaine d’années.

En fait, la France fait une expérience tragique du multiculturalisme. Elle se délite, se décompose sous nos yeux, et la plupart de mes interlocuteurs, ici, me confessent avoir une vision terriblement pessimiste de l’avenir de leur pays. J’ajoute, et je le dis avec tristesse, que les Français semblent nombreux, lorsque leur pays est attaqué, à se croire responsable du mauvais sort qu’ils subissent, comme s’ils avaient intériorisé pleinement le discours pénitentiel occidental, qui pousse nos nations à s’autoflageller en toutes circonstances.

Le multiculturalisme s’est imposé chez vous par une gauche qui, depuis le passage du socialisme à l’antiracisme, au début des années 1980, jusqu’à la stratégie Terra Nova, en 2012, a été de moins en moins capable de parler le langage de la nation, comme si cette dernière était une fiction idéologique au service d’une majorité tyrannique désirant écraser les minorités.

Il s’est aussi imposé avec l’aide des institutions européennes, qui sont de formidables machines à dénationaliser les peuples européens.

La droite, par ailleurs, toujours prompte à vouloir donner des gages au progressisme, a peu à peu abandonné aussi la nation, ou s’est du moins contentée de la définir de manière minimaliste en en évacuant l’histoire pour retenir seulement les fameuses valeurs républicaines.

Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d’un autre, le multiculturalisme se présente comme l’horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie.

La gauche européenne, en général, y voit d’ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique.

Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu’on constate qu’une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l’histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu’on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d’une déliaison sociale majeure.

Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s’amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c’est qu’on y résiste exagérément, c’est que les nations historiques, en refusant de s’y convertir, l’empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire.

Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l’école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l’exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l’utopie diversitaire.

C’est la tentation autoritaire du multiculturalisme, qui est tenté par ce qu’on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.

Quels sont les points communs et différence avec la France?

L’histoire des deux pays, naturellement n’est pas la même. La France est un vieux pays, une vieille culture, une vieille civilisation qui se représente généralement comme un monde commun à transmettre et non comme une utopie à exporter, même si la révolution française a eu un temps cette tentation.

En un mot, la France a des ressources inouïes pour résister au multiculturalisme même si elle ne les mobilise pas tellement le discours culpabilisateur inhibe les peuples et les convaincs que l’affirmation de leur identité relève de la xénophobie et du racisme.

Mais encore une fois, il faut le dire, c’est le même logiciel idéologique qui est à l’œuvre. Il repose sur l’historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d’une culture commune, dans la mesure où elle n’y voit qu’une culture dominante au service d’une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu’on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité.

En un mot, si l’idéologie multiculturaliste s’adapte à chaque pays où elle s’implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c’est qu’il s’agit d’une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l’expérience historique occidentale.

Vous définissez aussi le multiculturalisme comme la créature de Frankenstein du marxisme. Mais cette idéologie est née dans les pays anglo-saxons de culture libérale. N’est-ce pas paradoxal?

Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s’est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s’est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l’Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d’un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l’idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l’idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l’empire américain. C’est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder.

En France, vieux pays jacobin qui a fait la révolution, le multiculturalisme reste contesté malgré la conversion de la majorité de nos élites …

Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d’être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d’autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s’en réclamer, d’autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.

Le drame de cette contestation, c’est qu’elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu’il fallait combattre de toutes les manières possibles. D’ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d’une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d’une manière ou d’une autre, à l’État-nation.

On ne sortira pas de l’hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé.

Depuis quelques années, on observe également en France la percée d’un féminisme identitaire qui semble tout droit inspiré de Judith Butler. Quelle a été son influence au Québec et plus largement en Amérique du Nord? Ce féminisme est-il une variante du multiculturalisme?

Ce féminisme est dominant dans nos universités et est particulièrement influent au Québec, surtout dans une nouvelle génération féministe très militante qui voit dans la théorie du genre l’expression la plus satisfaisante d’une certaine radicalité théorique qui est pour certains une drogue dure. La théorie du genre, en d’autres mots, est à la mode, très à la mode (et elle l’est aussi plus généralement dans les universités nord-américaines et dans les milieux culturels et médiatiques), et il est mal vu de s’y opposer. Il faut pourtant dire qu’elle est portée par une tentation nihiliste radicale, qui entend tout nier, tout déconstruire, au nom d’une liberté pensée comme pure indétermination. C’est le fantasme de l’autoengendrement. La théorie du genre veut éradiquer le monde historique et reprendre l’histoire à zéro, en quelques sortes, en abolissant la possibilité même de permanences anthropologiques.

On peut certainement y voir une autre manifestation de l’héritage des radical sixties et de l’idéologie diversitaire qui domine généralement les départements de sciences sociales et au nom de laquelle on mène la bien mal nommée lutte contre les discriminations – parce qu’à force de présenter toute différence à la manière d’une discrimination, on condamne toutes les institutions à la déconstruction. Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s’esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu’elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l’air assez à gauche.

Depuis les attentats de janvier 2015, le débat autour de l’islam divise profondément la France. Cette question est-elle aussi centrale en Amérique du Nord? Pourquoi?

Elle est présente, très présente, mais elle est l’est de manière moins angoissante, dans la mesure où les communautarismes ne prennent pas la forme d’une multiplication de Molenbeek, même si la question de l’islam radical et violent inquiète aussi nos autorités et même si nous avons aussi chez certains jeunes une tentation syrienne.

Mais la question du voile, du voile intégral, des accommodements raisonnables, se pose chez nous très vivement – et je note qu’au Québec, on s’inquiète particulièrement du multiculturalisme. Nos sociétés sont toutes visées par l’islamisme. Elles connaissent toutes, aussi, de vrais problèmes d’intégration.

Généralisons un peu le propos: partout en Occident, la question de l’Islam force les pays à se poser deux questions fondamentales: qu’avons-nous en propre, au-delà de la seule référence aux droits de l’homme, et comment intégrer une population qui est culturellement très éloignée, bien souvent, des grands repères qui constituent le monde commun en Occident?

Cela force, à terme, et cela de manière assez étonnante, plusieurs à redécouvrir la part chrétienne oubliée de notre civilisation. Non pas à la manière d’une identité confessionnelle militante, évidemment, mais tout simplement sous la forme d’une conscience de l’enracinement.

Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu’ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l’héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.

Cela ne veut pas dire, évidemment, qu’il faille courir au conflit confessionnel ou à la guerre des religions: ce serait désastreux.

Mais simplement dit, la question de l’islam nous pousse à redécouvrir des pans oubliés de notre identité, même si cette part est aujourd’hui essentiellement culturalisée.

L’islamisme et ses prétentions hégémoniques ne sont-ils pas finalement incompatible avec le multiculturalisme qui suppose le «vivre ensemble»?

L’islamisme a un certain génie stratégique: il mise sur les droits consentis par les sociétés occidentales pour les retourner contre elles. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres dans la société plurielle: il prétend s’inscrire dans la logique du multiculturalisme, à travers lui, il banalise ses revendications. Il instrumentalise les droits de l’homme pour poursuivre l’installation d’un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propres principes. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres qui réclame qu’on l’accommode, sans quoi il jouera la carte victimaire de la discrimination. C’est très habile. À travers cela, il avance, il gagne du terrain et nous lui cédons. Devant cela, nous sommes moralement désarmés.

Il faudrait pourtant se rappeler, dans la mesure du possible, que lorsqu’on sépare la démocratie libérale de ses fondements historiques et civilisationnels, elle s’effrite, elle se décompose. La démocratie désincarnée et dénationalisée est une démocratie qui se laisse aisément manipuler par ses ennemis déclarés. D’ailleurs, au vingtième siècle, ce n’est pas seulement au nom des droits de l’homme mais aussi au nom d’une certaine idée de notre civilisation que les pays occidentaux ont pu se dresser victorieusement contre le totalitarisme. Du général de Gaulle à Churchill en passant par Soljenitsyne, la défense de la démocratie ne s’est pas limitée à la défense de sa part formelle, mais s’accompagnait d’une défense de la civilisation dont elle était la forme politique la plus achevée.

Comment voyez-vous l’avenir de la France. Le renouveau conservateur en germe peut-il stopper l’offensive multiculturaliste de ces 30 dernières années?

On dit que la France a la droite la plus bête du monde. C’est une boutade, je sais, mais elle est terriblement injuste.

Je suis frappé, quant à moi, par la qualité intellectuelle du renouveau conservateur, qui se porte à la fois sur la question identitaire et sur la question anthropologique, même si je sais bien qu’il ne se réclame pas explicitement du conservatisme, un mot qui a mauvaise réputation en France.

Je définis ainsi le conservatisme: une philosophie politique interne à la modernité qui cherche à la garder contre sa tentation démiurgique, contre la tentation de la table-rase, contre sa prétention aussi à abolir l’histoire comme si l’homme devait s’en extraire pour se livrer à un fantasme de toute puissance sociale, où il n’entend plus seulement conserver, améliorer, transformer et transmettre la société, mais la créer par sa pure volonté. Le conservatisme rappelle à l’homme qu’il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C’est une philosophie politique de la finitude.

Réponse un peu abstraite, me direz-vous. Mais pas nécessairement: car on aborde toujours les problèmes politiques à partir d’une certaine idée de l’homme. Si nous pensons l’homme comme héritier, nous nous méfierons de la réécriture culpabilisante de l’histoire qui domine aujourd’hui l’esprit public dans les sociétés occidentales. Ce que j’espère, c’est que la renaissance intellectuelle du conservatisme en France trouve un débouché politiquement, qui normalement, ne devrait pas être étranger à l’héritage du gaullisme. Pour l’instant, ce conservatisme semble entravé par un espace politique qui l’empêche de prendre forme.

Et pour ce qui est du multiculturalisme, on ne peut bien y résister qu’à condition d’assumer pleinement sa propre identité historique, ce qui permet de résister aux discours culpabilisants et incapacitants. Il faut donc redécouvrir l’héritage historique propre à chaque pays et cesser de croire qu’en l’affirmant, on bascule inévitablement dans la logique de la discrimination contre l’Autre ou le minoritaire. Cette reconstruction ne se fera pas en quelques années. Pour user d’une image facile, c’est le travail d’une génération.

Le multiculturalisme peut-il finalement réussir le vieux rêve marxiste de révolution mondiale? La France va-t-elle devenir les Etats-Unis ou le Canada?

À tout le moins, il s’inscrit dans la grande histoire du progressisme radical et porte l’espoir d’une humanité réconciliée, délivrée de ses différences profondes, où les identités pourraient circuler librement et sans entraves dans un paradis diversitaire. On nous présente cela comme une sublime promesse: en fait, ce serait un monde soumis à une terrible désincarnation, où l’homme serait privé de ses ancrages et de la possibilité même de l’enracinement. L’homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n’est pas libre: il est nu et condamné au désespoir.

En un sens, le multiculturalisme ne peut pas gagner: il est désavoué par le réel, par la permanence de l’authentique diversité du monde. Il pousse à une société artificielle de carte postale, au mieux ou à la décomposition du corps politique et au conflit social, au pire. Et il est traversé par une vraie tentation autoritaire, chaque fois. Mais il peut tous nous faire perdre en provoquant un effritement de nos identités nationales, en déconstruisant leur légitimité, en dynamitant leurs fondements historiques.

Et pour la France, permettez-moi de lui souhaiter une chose: qu’elle ne devienne ni les États-Unis, ni le Canada, mais qu’elle demeure la France.

Voir enfin:

Voir également:
Les études littéraires orientalistes d’hier à demain ou les Orients décomposés et recomposés
Inédit. Version écrite d’une conférence prononcée à l’École Doctorale de l’Université d’Alsace à Mulhouse, en juin 2013, dans le cadre d’une journée « Orients » de la formation Erasmus Mundus du doctorat européen.
à la mémoire de Jacques Huré
Daniel Lançon

L’Ouvroir

La Réserve

09 janvier 2016

1. Crise chez les savants (1960-1980)
1La situation contemporaine de l’orientalisme littéraire ne peut se comprendre sans revenir à la crise de la profession d’orientaliste savant au moment des luttes pour l’indépendance au Maghreb et au Proche-Orient. L’enfermement des savants orientalistes dans leurs austères études est alors fortement remis en cause par l’irruption des Orientaux comme sujets de leur histoire. Et c’est très précisément la question de la parole donnée à l’autre qui retient Jacques Berque lors d’un colloque de sociologie musulmane qui se tient à Bruxelles en septembre 1961 :

2Comme notre discipline s’est naturellement développée durant l’ère coloniale, elle encourt un discrédit supplémentaire. La tension en vient parfois au point que certains Orientaux récusent jusqu’au principe de notre connaissance, se refusent à toute intelligibilité qui viendrait du savant étranger. On entend parfois des paroles pénibles. Bien sûr, elles sont palliées par l’attitude inverse, dont nous bénéficions souvent, par bien des gestes de noble accueil, voire par une collaboration internationale qui déjà commence à associer les uns et les autres aux mêmes tâches.

1 « Pour l’étude des sociétés orientales contem…
2 Actes, p. 458-459, cité dans Diogène, n° 44, …
3Sur les vingt orateurs, pas un seul savant d’Orient, il s’en émeut : « Que nous soyons ici réunis à parler de sociétés orientales en l’absence de nos collègues orientaux, il y a là une anomalie […] qui doit être méditée. Car son interprétation nous entraîne, je pense, au-delà de la conjoncture politique, pour nous porter à une remise en cause des méthodes de notre discipline, et, peut-être, de son objet »1. Les conclusions du colloque sont claires, telles qu’énoncées dans les Actes : « La sociologie orientaliste doit viser à s’intégrer aux sociétés orientales, non pas par la connaissance, autrefois liée à l’expansion colonialiste, mais par la construction du dedans »2.

4Peu après, le sociologue égyptien Anouar Albdel-Malek publie une étude, à la fois très documentée et polémique, sous le titre : « L’orientalisme en crise », dans Diogène, la revue de l’Unesco. Le procès des orientalistes y est instruit en quatre points :

3 N° 44, octobre-décembre 1963, p. 113, 112. Re…
Les orientalistes sont restés « européocentriques. » Il rappelle le « procès de l’ignorance occidentale de l’Orient » « maintes fois dressé », « l’hégémonisme des minorités possédantes, mis à nu par Marx et Engels, et l’anthropocentrisme démantelé par Freud s’accompagnant de l’européanocentrisme en matière de sciences humaines et sociales, et plus particulièrement dans celles en rapport direct avec les peuples non européens. » Les orientalistes « considèrent l’Orient et les Orientaux comme « objet » d’étude, frappé d’altérité – comme tout ce qui est autre, qu’il soit « sujet » ou « objet » – mais d’une altérité constitutive, de caractère « essentialiste », et souscrivent à une « typologie ethniciste caractérisée ». Anouar Abdel-Malek déclare ouvertement que « l’essentiel du travail accompli au sein des universités et des sociétés savantes » est « profondément imprégné de postulats, d’habitudes méthodologiques et de concepts historico-philosophiques qui devaient compromettre, souvent, les résultats et la valeur scientifique de travaux ardus » à cause de liens avec des « hommes d’affaires », « militaires », « fonctionnaires coloniaux », « missionnaires », « publicistes » et « aventuriers »3.
4 Idem, p. 105.
« La crise frappe au cœur l’orientalisme : depuis 1945, ce n’est pas seulement le « terrain » qui lui échappe, mais aussi les « hommes », hier encore « objet » d’étude, et désormais, « sujets » souverains »4. Il reprend ici le constat de Jacques Berque.
5 Idem, p. 114.
Les orientalistes sont obsédés par un passé toujours étudié « dans ses aspects culturels – notamment la langue et la religion – détachés de l’évolution sociale. » Ils ne montrent pas assez d’intérêt pour l’histoire contemporaine5.
6 Idem, p. 109, 116, 127.
7 Les réactions à l’article d’Abd el-Malek ne f…
Les orientalistes n’accordent pas assez d’attention aux apports des nouvelles « sciences humaines et sociales » dans un monde de « renaissance des nations et des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. » Anouar Abdel-Malek soutient une redéfinition des relations entre l’orientalisme et chacune des sciences humaines universalisantes (histoire, économie, sociologie, littérature, linguistique…)6 7.
5Le 29ème Congrès international des orientalistes, tenu à Paris pendant l’été 1973, – la première réunion s’était tenue dans la même capitale cent ans plus tôt –, est occasion de vifs débats sur l’avenir de la profession et de polémiques sur la pertinence contemporaine du terme d’orientaliste. Nombre de congressistes sont de plus en plus insatisfaits d’un terme qui n’indique ni discipline ni région. Ils décident que désormais ils se réuniront en « Congrès international des sciences humaines en Asie et en Afrique du nord. »

8 Maxime Rodinson : « Situation, acquis et prob…
6Lorsque Maxime Rodinson publie « Situation, acquis et problèmes de l’orientalisme islamisant » dans les actes du colloque « Orientalisme, africanisme, américanisme » tenu en mai 1974 à Paris, il a pris acte qu’un « certain nombre de pratiques ont été historiquement bloquées sous le nom d’orientalisme » alors même qu’au XIXe siècle celui-ci avait résulté d’une « aspiration à un élargissement de l’humanisme de la Renaissance », on avait « voulu ajouter, aux civilisations modèles classiques » d’autres civilisations, dans un mouvement lié par les sensibilités romantiques et en « réaction à l’universalisme qui dominait la philosophie des lumières. » Il reprend tous les éléments du procès : l’européanocentrisme dont les « inconvénients sont certains », posture associée à « une vision essentialiste et idéaliste des civilisations », la « liaison partielle avec des pratiques politiques impérialistes et avec des visions esthétiques fondées sur l’exotisme » ; la surévaluation « de la croyance à l’omniscience du philologue » face à des connaissances parfois faibles dans le domaine de l’étude culturelle (en situation sociale concrète). Il insiste néanmoins sur la légitime « méfiance » à exercer vis-à-vis de ceux des « spécialistes nationaux » qui « ne sont pas toujours dégagés des démarches archaïques et des idéologies anciennes sous leur forme dogmatique antihistorique, position revivifiée par les idéologies nationalistes nouvelles ». Sa proposition est d’« écouter les savants « nationaux », et collaborer avec eux à égalité quelles que soient les difficultés de cette collaboration » et d’intégrer « les domaines marginalisés ou dédaignés par la recherche classique » dans le « cadre des démarches sociologiques et anthropologiques » de la science la plus moderne. Et « s’insérer, même si c’est là le plus difficile, dans les courants d’idées contemporaines des peuples concernés, dans leurs représentations de leurs propres problèmes, non pour se soumettre servilement à leurs modes ou à leurs tendances idéologiques, mais pour tirer fruit de leurs interrogations »8.

2. Orientalism d’Edward Saïd : controverses et retours sur soi (1980-2003)
9 L’Orientalisme, 1978, 2005, p. 15, 34, 180, 2…
7L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, dont le sous-titre est d’emblée polémique dans la traduction française, synthétise l’ensemble des critiques portées dans les deux précédentes décennies mais en radicalise nombre d’aspects. Edward Saïd considère non seulement la discipline universitaire et savante mais également l’imaginaire européen ayant généré à son avis des discours intrinsèquement liés aux diverses colonisations modernes chez les écrivains et les philosophes et pas seulement les théoriciens de la politique et les administrateurs d’empire (britannique, français mais également américain au XXe siècle). L’orientalisme aurait autoritairement restructuré l’Orient y compris dans « les anthologies de textes tirés de la littérature orientale, les récits de voyages, les fictions orientales. » Enfermés dans leur culture livresque classique, les orientalistes, amateurs comme professionnels, ne se seraient pas intéressé aux individus ni même à la « pluralité humaine. » Les « découvertes érudites, la reconstruction philologique, l’analyse psychologique, la description de paysages ou la description sociologique » auraient été des « moyens » de servir des intérêts impérialistes, de domination occidentale par le biais, notamment, d’un « pouvoir culturel » (« comme dans les orthodoxies et les canons qui régissent le goût, les valeurs, les textes »). D’où cette conclusion violente : « Le savoir sur l’Orient, parce qu’il est né de la force, crée en un sens l’Orient, l’Oriental et son monde »9.

10 Culture and Imperialism, Chatto and Windus, …
11 Cette postface écrite à New York en mars 199…
12 « Postface » (1994), L’Orientalisme, 356.
13 Idem, p. 356.
8Dans Culture et impérialisme en 1992, il reconnaît qu’il a « laissé de côté » « certains livres, articles, auteurs et idées » : « J’ai préféré examiner ce que j’estime important et fondamental : je reconnais d’avance que la sélectivité et le choix délibéré ont régné. J’espère que les lecteurs et critiques de ce livre s’en serviront pour prolonger la recherche et la réflexion sur l’expérience historique de l’impérialisme »10. Cherchant à lutter contre ce qu’il estime être de mauvaises interprétations de ses thèses, Edward Saïd décide à deux reprises d’accompagner les rééditions de son ouvrage d’écrits péritextuels : une « postface », un peu plus de quinze ans après la première publication, en 1994, puis une « préface » en 200311. Ces deux interventions montrent l’inquiétude d’un homme qui estime que certaines lectures de son livre ont trahi sa pensée notamment par le biais des traductions – dont il déclare n’avoir aucune idée pour certaines, « prolifération polymorphe » à laquelle il ne s’attendait pas »12. Son ouvrage serait devenu à ses yeux « toute une série de livres différents », comme un « livre collectif » qui le « dépasse en tant qu’auteur »13.

14 François Pouillon : « Mort et résurrection d…
15 « Postface » (1994), p. 366-367. Edward Saïd…
9Le fait qu’il ait trouvé des « cautions multiples » « extérieures au champ de spécialité : politiques, identitaires, littéraires et idéologiques »14 est certes apprécié par Edward Saïd. Il se dit « heureux et flatté » qu’Orientalism « ait souvent contribué au renouvellement des études des africanistes et des spécialistes de l’Inde, des analyses de l’histoire des masses opprimées, à la reconfiguration de l’anthropologie postcoloniale, des sciences politiques, de l’histoire de l’art, de la critique littéraire, de la musicologie, et aussi de l’ample développement de nouveaux discours sur les minorités et le féminisme »15.

16 Edward Saïd s’était néanmoins adressé des cr…
17 Irwin : « Les vrais discours de l’orientalis…
10Certains commentateurs ne manquent pas de souligner comme étant de l’obstination idéologique le fait qu’Edward Saïd n’ait jamais corrigé ses erreurs factuelles ou comblé les failles de son érudition. Dans The Lust of knowing (Pour le goût du savoir) en 2006, l’arabisant Robert Irwing défend l’entreprise orientaliste savante et plus largement créatrice en revenant sur le parcours de figures orientalistes éminentes depuis l’antiquité. Il adresse de sévères reproches à Edward Saïd qui a installé une périodisation moderniste bien trop restreinte à ses yeux, et n’a pas pris en compte les orientalistes appartenant à des pays qui n’eurent pas d’empires coloniaux, et surtout les personnalités les plus singulièrement libres16. Le même revient dans une conférence prononcée à Paris en 2009, sur les « limites chronologiques et topographiques complètement arbitraires établies par Saïd et ses disciples »17.

18 « Postface » (1994), p. 363, p. 367.
19 Idem, 371, le mot en italiques est en frança…
20 « Préface », L’Orientalisme, p. VI.
21 « Postface », L’Orientalisme, p. 379.
11Edward Saïd a nuancé certaines déclarations de son texte initial, notamment pour ce qui est l’étude des orientalismes littéraires, s’est inquiété que l’on ait pu lire sur le même plan ses analyses de Chateaubriand et de Flaubert par exemple, ou celles concernant Burton18. Pour autant il maintient qu’il existe à son avis « de fortes affiliations entre l’orientalisme et l’imagination littéraire, ainsi que la conscience impériale »19. L’infléchissement de son analyse de « l’intérêt de Goethe pour l’islam et en particulier pour le poète Hafiz – cette passion dévorante »20, est le plus remarquable vers la fin de sa vie. Plus généralement, sa reconnaissance de l’entreprise des créateurs s’inscrit dans le salut qu’il adresse aux « étudiants et les enseignants (qui) ont travaillé assidûment pour étendre le champ des sujets d’étude de manière à inclure la littérature produite par les femmes, les artistes et les penseurs non européens et autres créateurs marginalisés »21.

22 « L’humanisme se nourrit de l’initiative ind…
23 « Préface », L’Orientalisme, p. IX. Dans le …
24 « Préface », L’Orientalisme, p. VII.
12L’oriental exilé en Occident, devenu professeur de littérature anglaise et comparée dans l’institution universitaire américaine, est certes demeuré un intellectuel engagé, mais en est venu à estimer de plus en plus que l’exercice d’un certain « humanisme »22, lié à « nos capacités interprétatives rationnelles » est le dernier barrage devant toutes sortes d’extrémismes. Il lui paraît urgent de « renouer avec la pratique d’un discours mondial laïque et rationnel »23 et en vient à parier pour « l’hospitalité », le chercheur devant « faire activement, en lui-même, une place à l’Autre étranger », ce qui serait la « dimension la plus importante » de sa « mission »24.

3. De quelques chantiers pour la recherche en lettres, sciences humaines et sociales25
26 Edward Said, L’Orientalisme, 2005, p. 182, p…
27 James Clifford : « Les questions théoriques …
28 Voir, à titre d’exemple Ignac Goldziher. Un …
29 L’Orientalisme, 37, 37, 58. Voir L’Orient de…
13Edward Saïd déclare en 1978 qu’une « autre tradition tire sa légitimité du fait particulièrement contraignant de résider en Orient et d’avoir avec lui un contact existentiel véritable […]. Résider en Orient implique jusqu’à un certain point une expérience et un témoignage personnel »26. A-t-il existé des modes de textualisations propres à ces « résidents » ? S’il est vrai que la réalité humaine authentique « est enracinée dans la rencontre orale et le discours réciproque, par opposition aux processus de l’écriture ou de l’imagination visuelle », peut-on opposer simplement « l’expérience à la textualité »27 ? Edward Saïd dit avoir décrit des « moments » et s’être « contenté de suggérer l’existence d’un tout plus vaste, détaillé, marqué de personnages, de textes et d’événements passionnants »28. Tel serait en effet l’enjeu d’une autre histoire. Le même avance l’idée de la possibilité d’une perspective qui soit « libertaire, ni répressive ni manipulatrice » mais n’en étudie pas d’exemples. Saïd cite d’un mot, « l’utopisme », un courant moderne qui traversa le siècle et donc aussi les orientalismes29.

30 Nicole Lapierre : « De la mobilité biographi…
31 Idem, p. 96.
14Il s’agirait alors d’envisager l’étude de l’aventure intellectuelle des résidents occidentaux dans les pays d’Orient de la Renaissance au milieu du XXe siècle, leur marginalité créatrice de « dépaysés » devenus orientalistes de terrain par leurs activités de traduction, d’édition critiques exotériques et ésotériques et leurs médiations culturelles (revues, activités publiques). Certes, ce groupe est hétérogène, composé d’exilés, d’émigrés, d’expatriés, de réfugiés, certes on peut penser ailleurs sans se déplacer et penser à l’identique en résidant ailleurs30, mais l’hypothèse serait que nombre de ces intellectuels ont exercé un autre orientalisme, une pensée et une action inventive entre Occident et Orient, en pays d’Orient. « La diversité des groupes d’appartenance, d’identification et d’intérêt (les classes, mais aussi les générations, les milieux professionnels, les sphères religieuses, les cercles de pensée, etc.), en multipliant les points de vue en compétition, crée une dynamique, suscite des ébranlements réciproques, et favorise l’émergence de conceptions nouvelles et de « synthèses éclectiques » inédites »31.

32 François Pouillon : « Mort et résurrection d…
33 Jean-Claude Vatin : « Après l’orientalisme, …
15Une partie de ces questions est discutée dans l’ouvrage collectif Après l’Orientalisme. L’Orient créé par l’Orient (2011). Sans contester aucunement le procès de l’ancien orientalisme, établi dans les années soixante en France comme nous l’avons vu : « méconnaissance des débats théoriques des sciences sociales », « refus de l’actualité », « incapacité attestée à faire entrer dans le jeu scientifique des ressortissants des sociétés étudiées », « importance quasi religieuse conférée aux textes », essentialisation anhistorique, les auteurs soutiennent que pendant que les études postcoloniales triomphaient en appui sur Orientalism dans le monde anglo-saxon, des chercheurs français en sciences sociales découvraient que la « science coloniale » que l’on disait avoir été l’orientalisme avait été « moins monolithique » que la nouvelle vulgate le disait, qu’il y avait eu une « diversité des auteurs, de leur inscription institutionnelle, de leur rapport au pouvoir, qu’enfin le savoir orientaliste avait été « retravaillé localement dans le cadre des sociétés de la ‘‘périphérie’’«  et que des produits en avaient été « récupérés, réappropriés » dans « le cadre d’enjeux nouveaux, nationaux ou ethniques » contemporains. Ce serait tout l’enjeu à leurs yeux de l’étude de réemploi de « produits matériels », du passage de l’impérial à l’identitaire national, du « transfert de souveraineté, d’héritage sur place, d’institution, de collections, de productions inscrites dans le territoire »32. D’où la nécessité de « revenir aux principaux intéressés, membres des sociétés locales » comme interlocuteurs, de « rendre aux histoires, aux lieux, aux faits, toute leur diversité », de « rendre l’Orient (pluriel) aux Orientaux »33.

16On comprend dès lors la nécessité d’établir de nouveaux corpus, d’éditer des dictionnaires dans lesquels une attention serait portée aux dimensions biographiques (formation, promotion, réseaux personnels, mouvances, solidarités en parallèle à une attention politique des orientalistes), cet inventaire critique devant aboutir à des portraits de transfuges, de passeurs, d’intermédiaires, de « drogmans », de révoltés, de résistants comme de conformistes académiques. Pour autant le récent et premier Dictionnaire des orientalistes de langue française (2008) souffre de la trop grande extensivité de la définition faite au qualificatif d’« orientaliste » car on y retrouve une sélection d’un millier de biographies de savants et de lettrés mais également de créateurs « orientophiles » et d’écrivains francophones orientaux qui ont leur place dans un autre cadre. Quant au pourcentage restreint d’orientalistes orientaux et de savants occidentaux résidents (souvent subalternisés), qui s’y trouvent remis au premier plan depuis la périphérie orientale, il n’appuie pas toujours la thèse de la prise en compte d’autres pratiques de l’orientalisme.

34 Mercedes Volait, Les Fous du Caire, p. 22, 1…
35 Voir à ce propos la récente exposition autou…
17Un très bon exemple de déplacement du regard est par contre fourni par Mercedes Volait dans Les Fous du Caire (2009), ouvrage dans lequel l’auteur présente les « fabrications patrimoniales repérées sur le terrain égyptien », et porte toute son attention non plus seulement aux discours et représentations « mais aussi et surtout à l’univers des pratiques. » Elle réhabilite la « capacité d’initiative individuelle », assume le tournant biographique des sciences sociales ce qui ne peut que retenir les littéraires autant que les historiens. Au-delà d’Orientalism, et dans la lignée des ‘‘subalternistes’’ indiens, elle invite à décliner l’orientalisme au pluriel, à penser l’hybridité de nombre d’acteurs (notamment résidents) par delà tout binarisme Orient/Occident. Elle place l’accent sur la multitude d’acteurs minoritaires et hétérodoxes dans les dispositifs impériaux, et qui furent à la source de la « conscience et de l’apostolat patrimoniaux »34. Elle s’intéresse aux « passions privées », à leurs écrits et actions en Orient et à l’écho de ceux-ci en Occident, voulant déplacer le regard du camp des savants vers celui des amateurs et des dilettantes, des autodidactes néanmoins érudits entretenant des relations complexes avec les milieux académiques, suivant de près les infortunes de telles pratiques dans le destin des acteurs35. Une autre histoire des patrimoines émerge alors, « l’invention » de la conservation apparaissant comme naissant sur les confins des pratiques institutionnelles, portée par des intellectuels excentrés, d’Orient comme d’Occident. Resterait à estimer le degré de transfert d’une telle enquête au plus près des orientalistes de terrain dans tous les domaines du champ.

36 Voir L’Orient dans les revues, l’Orient dans…
18Méthodologiquement, il est un chantier littéraire dont les résultats pourraient s’avérer très fructueux : l’étude des revues des années trente du XIXe siècle à la fin des années soixante du XXe siècle. La « matière » orientale de ces milliers de pages est vaste et les représentations de l’Orient, accueillies dans la connivence intellectuelle et sociale d’une entreprise dialogique, apparaissent dans leur grande hétérogénéité ce qui permet de discuter la validité de la vulgate orientaliste36. La présence ou l’absence du politique est ainsi hautement significative, les réflexions les plus contradictoires étant émises quant à une « politique orientale » à suivre, à encourager (« mission civilisatrice ») ou à dénoncer (situations coloniales). Les débats sont vifs entre revues (ou entre rédacteurs d’une même revue), les relations de convergence ou d’opposition renvoyant à des lectorats certainement bien différents. La revue se révèle souvent le lieu d’accueil de visées modernistes, voire utopistes : celui d’un Orient contemporain, associé à l’Occident nouveau du progrès des Lumières, « régénéré » par lui, d’où néanmoins les inévitables conflits de points de vue autour des modes de relation à avoir avec ces pays d’Orient. Une tension se fait néanmoins rapidement jour après le milieu du XIXe siècle, entre les héritages culturels dont un ensemble de contrées dites « orientales » auraient été les témoins, les dépositaires, les légataires, – mais ne le seraient plus – et l’actualité troublée de ces mêmes pays, présent désorientant autant que désorienté. À cet égard, à partir des années 1880, il ne sera cependant plus seulement question de l’inscription et de la diffusion des seuls discours occidentaux sur l’Orient, par le biais de la traduction d’œuvres ou de paroles rapportées (nécessairement peu nombreuses), mais d’une prise de parole des Orientaux dans des organes de presse. Un pas décisif est accompli lorsqu’une parole se développe au sein de périodiques publiés dans l’Orient turc, syro-libanais ou égyptien, dans les premières décennies du nouveau siècle. Le renversement énonciatif se confirme par l’émergence de revues europhones d’Orient, dans un Orient de futurs états-nations, travaillant souvent à un dégagement des idéologies coloniales dès avant les indépendances politiques, se situant dans le débat d’orientalité de leurs espaces spécifiques.

37 Culture and Imperialism, o. c., p. 14.
38 « Postface » (1994), 2005, p. 357, p. 359.
39 Idem, p. 371.
40 Idem, p. 366. « Nulle part je ne prétends qu…
19Si l’on se déplace enfin vers les thématiques à reconsidérer, il en est une qui pourrait mériter toute l’attention des chercheurs, à nouveaux frais : celle de l’étude des discours occidentaux tenus sur l’Islam, à bonne distance des anciens conflits idéologiques mais également des instrumentalisations actuelles. Il est ainsi significatif que dans l’introduction de Culture et impérialisme qu’il écrit à New-York en 1992, Edward Saïd s’emporte contre ceux qui vantent le bienfait des retours à la « tradition », les « fondamentalistes religieux et nationalistes »37. Il y revient dans sa « Postface » : « En bref, critiquer l’orientalisme, comme je l’ai fait dans mon livre, revient à soutenir l’islamisme et le fondamentalisme musulman », ce que l’auteur n’a pas dit et qu’il conteste à nouveau38. S’il maintient par contre l’idée que « l’intérêt européen pour l’islam ne dérive pas de la curiosité, mais de la crainte de voir la chrétienté exposée à une concurrence monothéiste, culturellement et militairement impressionnante »39, il soutient que la « différence entre les réactions arabes et les autres à L’Orientalisme révèle clairement la mesure dans laquelle des décennies de défaites, de frustrations et d’absence de démocratie ont affecté la vie intellectuelle et culturelle dans les pays arabes »40.

41 Voir, à titre d’exemple, Islamophilies, l’Eu…
20Il serait intéressant d’examiner la reconnaissance de l’Islam en tant que religion et culture, voire civilisation, du milieu du XVIIe siècle, période marquant le début d’une remise en cause de la tradition dévote dans le cadre d’une lecture chrétienne, jusqu’à l’entre-deux-guerres du XXe siècle, moment de naissance d’une conscience contemporaine des altérités en pleine période impérialiste41. Si les positions islamophobes furent légion, il est aisé de démontrer qu’un autre type de position a existé, y compris en pleine période impérialiste, position si ce n’est islamophile du moins ouverte à l’auto-questionnement comme le pratiquèrent les saint-simoniens et les positivistes. Il convient tout particulièrement de s’intéresser aux écrivains et intellectuels – auteurs qui ne furent pas tous des écrivains de premier plan au sens de la hiérarchisation des pratiques littéraires – pour lesquels l’Islam fut une présence, qu’il se soit agi d’un intérêt intellectuel ou plus affectif, d’une recherche rationaliste ou mystique, intérêt souvent non exempt d’ambivalence voire de passion contrariée pour le Coran ou des problématiques comme le cousinage abrahamique, toutes sortes d’attitudes d’accueil ayant existé.

21Les études littéraires orientalistes peuvent désormais s’appuyer sur un demi-siècle de reconsidérations nationales et internationales. Certaines préconisations présentées dès les années soixante sont sans doute encore à mettre en œuvre mais les énergies ne manquent pas.
Notes
1 « Pour l’étude des sociétés orientales contemporaines », Bruxelles, Correspondance d’Orient, n° 5, 1962.

2 Actes, p. 458-459, cité dans Diogène, n° 44, octobre-décembre 1963, p. 137.

3 N° 44, octobre-décembre 1963, p. 113, 112. Repris dans Orientalism. A Reader, p. 47-56 (en anglais), voir notices bibliographiques complètes à la fin de cette étude.

4 Idem, p. 105.

5 Idem, p. 114.

6 Idem, p. 109, 116, 127.

7 Les réactions à l’article d’Abd el-Malek ne font pas attendre en France : lettre adressée à la direction de Diogène par Claude Cahen, historien du monde musulman médiéval à la Sorbonne, « Correspondance », Diogène, n° 49, janvier-mars 1965, et étude de Francesco Gabrieli, « Apologie de l’orientalisme », Diogène, n° 50, avril-juin 1965, reprise dans Orientalism. A Reader, p. 79-85. Sur l’évolution de la situation entre 1955 et 1980, voir Thomas Brisson, 2008.

8 Maxime Rodinson : « Situation, acquis et problèmes de l’orientalisme islamisant », in Le Mal de voir. Éthnologie et orientalisme : politique et épistémologie, critique et autocritique, Cahiers Jussieu, Université Paris VII, n° 2, contributions aux colloques : « Orientalisme, africanisme, américanisme » (mai 1974), et « Ethnologie et politique au Maghreb » (5 juin 1975), U. G. E., 10/18, p. 243-256.

9 L’Orientalisme, 1978, 2005, p. 15, 34, 180, 25, 55.

10 Culture and Imperialism, Chatto and Windus, 1993, tr. fr. 2000, p. 25.

11 Cette postface écrite à New York en mars 1994 paraît dans une réédition américaine d’Orientalism en 1995. Elle est traduite en français par Claude Wauthier dès la réédition de 1997.

12 « Postface » (1994), L’Orientalisme, 356.

13 Idem, p. 356.

14 François Pouillon : « Mort et résurrection de l’orientalisme », in Après l’Orientalisme, p. 21.

15 « Postface » (1994), p. 366-367. Edward Saïd concède en 1994 que « L’Orientalisme donne l’impression d’avoir été écrit à partir d’une très concrète expérience de déprivation personnelle et de désintégration nationale », p. 364.

16 Edward Saïd s’était néanmoins adressé des critiques dès 1978 : « ce livre est loin d’être une histoire complète ou un compte rendu général de l’orientalisme. Je suis bien conscient de cette insuffisance » (37). Il écrivait avoir décrit des « moments » et s’être « contenté de suggérer l’existence d’un tout plus vaste, détaillé, marqué de personnages, de textes et d’événements passionnants », p. 37. Il est ainsi significatif qu’Edward Saïd ait préfacé l’ouvrage fondamental de Raymond Schwab (La Renaissance orientale. Préface de Louis Renou, Paris, Payot, 1950, 526 p, vaste histoire des orientalismes européens (1750-1900) et de leur retentissement dans les littératures) : The Oriental Renaissance : Europe’s rediscovery of India and the East, 1680-1880, Gene Patterson-Black, Victoria Reinking (trad.), New York, Columbia University Press, 1984.

17 Irwin : « Les vrais discours de l’orientalisme », in Après l’Orientalisme, p. 39.

18 « Postface » (1994), p. 363, p. 367.

19 Idem, 371, le mot en italiques est en français dans le texte.

20 « Préface », L’Orientalisme, p. VI.

21 « Postface », L’Orientalisme, p. 379.

22 « L’humanisme se nourrit de l’initiative individuelle et de l’intuition personnelle, et non d’idées reçues et de respect de l’autorité », « Postface », p. IX.

23 « Préface », L’Orientalisme, p. IX. Dans le dernier texte publié de son vivant, en 2003, Humanisme et démocratie (Fayard, 2005), Saïd rappelle que James Clifford avait montré qu’une « grave contradiction se nichait au cœur de [son] livre, à savoir le conflit entre [sa] prédisposition manifeste et avouée pour l’humanisme d’un côté et l’antihumanisme de [son] sujet et de l’approche [qu’il avait] adoptée de l’autre », 33. « Clifford a correctement perçu que, d’une manière ou d’une autre, l’idéologie antihumaniste de cette théorie [i. e. française, foucaldienne] ne m’avait pas affecté, principalement me semble-t-il, parce que je ne voyais pas (et ne vois toujours pas) dans l’humanisme uniquement les tendances totalitaires et essentialistes que Clifford avait identifiées », p. 34-35.

24 « Préface », L’Orientalisme, p. VII.

25 Le séminaire « Orientalismes » créé à l’École Normale Supérieure en janvier 2008, animé par Dominique Combe, Daniel Lançon, Sarga Moussa et Michel Murat, cherche à explorer les voies d’un orientalisme expérientiel et potentiellement dialogique. Voir le site Orientalismes.net

26 Edward Said, L’Orientalisme, 2005, p. 182, p. 183.

27 James Clifford : « Les questions théoriques que soulève L’Orientalisme, en tant qu’étude de cas d’un discours culturel, ne peuvent cependant pas être réglées en opposant simplement l’expérience à la textualité », « Sur L’Orientalisme », o. c., 1996, p. 256.

28 Voir, à titre d’exemple Ignac Goldziher. Un autre orientalisme ? Céline Trautmann-Waller (dir.), Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 2011.

29 L’Orientalisme, 37, 37, 58. Voir L’Orient des saint-simoniens, 2006, 294 p.

30 Nicole Lapierre : « De la mobilité biographique au mouvement des idées, de la condition existentielle d’exilé, d’émigré ou de transfuge social à la dissidence et à la créativité intellectuelles, il n’y a évidemment pas de causalité mécanique, pas d’enchaînement inéluctable, simplement des circonstances favorables », Pensons ailleurs, Paris, Stock, 2004, réédité, Folio/essais, 2006, p. 27.

31 Idem, p. 96.

32 François Pouillon : « Mort et résurrection de l’orientalisme », in Après l’Orientalisme, p. 27, 21, 18, 25, 28, 18, 13, 31-34.

33 Jean-Claude Vatin : « Après l’orientalisme, l’Orient des Orientaux ? », in Après l’orientalisme, p. 7-12.

34 Mercedes Volait, Les Fous du Caire, p. 22, 18, 17, 29.

35 Voir à ce propos la récente exposition autour de la personnalité d’un l’archéologue et aventurier : Visions d’Égypte. Émile Prisse d’Avennes (1807-1879), Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2011, 160 p., et les actes à paraître du colloque L’Égypte d’Émile Prisse d’Avennes, artiste et antiquaire, Mercedes Volait (dir.), Le Caire, IFAO, 2012.

36 Voir L’Orient dans les revues, l’Orient dans les revues, Daniel Lançon (dir.), actes des journées d’étude 2010 et 2011 du séminaire Orientalismes (ENS Ulm), Grenoble, ELLUG, à paraître.

37 Culture and Imperialism, o. c., p. 14.

38 « Postface » (1994), 2005, p. 357, p. 359.

39 Idem, p. 371.

40 Idem, p. 366. « Nulle part je ne prétends que l’orientalisme est malfaisant, ou superficiel, et identique dans le travail de chaque orientaliste. Mais je dis bien que la guilde des orientalistes a été historiquement la complice du pouvoir impérial, et ce serait faire preuve d’une bienveillance béate que de soutenir que cette complicité est sans incidence », p. 369.

41 Voir, à titre d’exemple, Islamophilies, l’Europe moderne et les arts de l’Islam, exposition « Le Génie de l’Orient », Rémi Labrusse (dir.), Paris, Somogy, 2011, 400 p.
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