Il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. (…) Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. (…) Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Pierre Bourdieu
ll ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes. Christiane Taubira
On ne va pas s’allier avec le FN, c’est un parti de primates. Il est hors de question de discuter avec des primates. Claude Goasguen (UMP, Paris, 2011)
Ne laissez pas la grande primate de l’extrême goitre prendre le mouchoir … François Morel (France inter)
Moi, je revendique la stigmatisation de Marine Le Pen. Manuel Valls
La Palestine est l’Afrique du Sud de notre génération. Si nous n’intervenons pas avec audace et courage pour mettre fin au projet impérialiste qui s’appelle Israël, nous sommes condamnés. Patrisse Cullors (cofondatrice de Black Lives Matter, Harvard, 2015)
Le racisme anti-Noirs continue aujourd’hui au Maghreb. La couleur de peau est toujours associée à un statut inférieur. Des tribus pratiquaient l’esclavagisme dans tout le Maghreb et c’est resté dans l’imaginaire collectif. [Mais il y a peu de recherches sur la question] Certains craignent d’être accusés de faire le jeu de l’Occident. Mehdi Alioua (sociologue marocain)
Parmi les réactions suscitées par la diffusion de la vidéo de CNN montrant une vente aux enchères de migrants subsahariens en Libye, la dénonciation d’un racisme anti-Noirs persistant dans les pays du Maghreb figure en bonne place. Si les situations n’y sont pas comparables à la barbarie observée en Libye, les communautés noires continuent toutefois d’y être victimes de mépris, de discriminations, voire d’agressions. En Algérie, il existe une forte présence de migrants subsahariens qui y restent de quelques mois à quelques années, comme une pause sur leur route vers l’Europe. Selon les associations locales, ils seraient près de 100 000. Vivant dans les périphéries des grandes villes, privés de statut légal, ces habitants « fantômes » occupent souvent des emplois à la journée dans le secteur de la construction. En octobre 2015, l’histoire de Marie-Simone, une migrante camerounaise d’une trentaine d’années, avait fait la « une » de la presse. Victime d’un viol collectif à Oran (ouest), elle avait eu le plus grand mal à se faire soigner et à porter plainte. En mars 2016, à Ouargla (centre), c’est le meurtre d’un Algérien poignardé par un migrant nigérien qui avait dégénéré en une véritable chasse aux migrants. Et les exemples ne manquent pas. (…) Au Maroc, de nombreux témoignages font aussi état d’un racisme latent. Celui-ci va de faits divers extrêmement violents – en 2014, trois migrants ont été tués à Boukhalef, un quartier périphérique de Tanger – à un racisme diffus. « Dans la rue, certains nous appellent Ebola », racontait un Camerounais rencontré en septembre à Tétouan (nord). (…) En Mauritanie, plus au sud, le racisme ne vise pas les migrants de passage mais une partie des citoyens mauritaniens, rappelant la situation d’un pays où les Maures blancs concentrent la majorité des pouvoirs au détriment des Haratine, descendants d’esclaves, et des Négro-Africains. L’esclavage y a été interdit en 1981. Son interdiction a même été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la pratique reste courante. Mais c’est certainement dans la Tunisie post-révolutionnaire que l’évolution est la plus sensible. « Pendant longtemps, le sujet des Tunisiens noirs, traités comme des citoyens de seconde zone, a été un tabou », rappelle Houda Mzioudet, chercheuse et spécialiste des minorités en Tunisie. (…) En 2016, l’agression de trois étudiants congolais en plein centre-ville de Tunis avait à son tour créé un vif émoi. Aujourd’hui, la Tunisie s’apprête à adopter une loi criminalisant la discrimination raciale. « Ce serait la première loi de ce type dans le monde arabe », souligne Houda Mzioudet. Le Monde
La France comprend trois foyers d’expression de l’antisémitisme très forts. Le premier, ce sont les proches du Front National et les électeurs de Marine Le Pen […] Le deuxième groupe, c’est parmi les Français musulmans […] Et puis le troisième groupe ce sont les proches du Front de gauche et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon 2012, où là aussi on trouve, à un degré moindre, et sur des ajustements ou, je dirais des agencements différents, l’expression d’un antisémitisme fort. (…) On a [dans ce groupe] une adhésion beaucoup plus forte que la moyenne à des préjugés qui relèvent de cet antisémitisme anticapitaliste et antiglobalisation. Cette idée que les juifs contrôlent l’économie. Qu’il y a un capitalisme cosmopolite, que le monde de la finance est un monde cosmopolite. Dominique Reynié
En octobre 2004, dans son rapport intitulé Chantier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Jean-Christophe Rufin notait une diminution du rôle de l’extrême droite dans la responsabilité des violences antisémites et, en revanche, une augmentation de celui d’une frange de la jeunesse issue de l’immigration. (…) L’intérêt de la seconde enquête est de vérifier l’hypothèse d’un nouvel antisémitisme, avancée il y a presque quinze ans par Pierre-André Taguieff et reprise par Jean-Christophe Rufin dans son rapport de 2004. Il s’agit donc de savoir si les musulmans vivant en France sont plus ou moins susceptibles que la moyenne de la population nationale à partager des préjugés contre les Juifs, voire à développer une vision antisémite. (…) Enfin, pour comprendre ce regain des mauvaises pensées, il faut compter avec l’influence majeure d’un nouvel acteur, le Web, dont le rôle est rapidement devenu déterminant dans le domaine de l’information mais aussi de l’engagement politique, de la mobilisation militante et de la prise de parole en général et de type protestataire en particulier. La force du Web est décuplée par ses vertus apparentes et pour partie réelles: égalitarisme, spontanéisme, authenticité, immédiateté, universalité… Mais ce nouvel espace public est fortement porté par la possibilité singulière d’émettre des messages, des opinions, de les recevoir, de les partager, sans avoir nécessairement à décliner son identité, c’est-à-dire sans devoir engager sa responsabilité. Dans toute l’histoire de la liberté de la presse et de la liberté d’opinion, c’est une situation inédite. Ces outils offrent aux antisémites et aux racistes un statut d’extraterritorialité et, finalement, une impunité de fait, qui ne permet plus aux États de droit ni d’assurer la défense des valeurs humanistes ni de punir ceux qui se rendent coupables de les transgresser. (…) Il y a les opinions et il y a les agressions. En France, jamais nous n’avons réussi à descendre au-dessous de la barre de 400 actes antisémites par an depuis le début des années 2000, et l’année 2014 connaît une augmentation impressionnante (+ 91 %). Ainsi, de janvier à juillet 2014, comparativement à la même période en 2013, on a relevé 527 actes antisémites contre 276. La moitié des actes racistes sont des actes contre les Juifs, qui représentent probablement moins de 1 % de la population. Sur le Web, on note l’installation d’un antisémitisme déchaîné. Au cours de l’été 2014, lors des manifestations contre l’intervention israélienne dans la bande de Gaza, des slogans «Mort aux Juifs !» ont été entendus à Paris, place de la République; à Sarcelles, ces cris ont débouché sur la mise à sac de commerces au motif qu’ils appartenaient à des Juifs. Une synagogue a été attaquée. Il en va de même pour les actes atroces commis récemment: l’assassinat, en 2006, d’Ilan Halimi par le gang de Youssouf Fofana; celui, en 2012, de Jonathan Sandler et des enfants Gabriel Sandler, Arieh Sandler et Myriam Monsonego par Mohammed Merah, également meurtrier des malheureux Imad Ibn Ziaten, Mohamed Legouad et Abel Chennouf; puis, en 2014, la tuerie de Bruxelles perpétrée par Mehdi Nemmouche. Ne confondons pas ces drames avec des faits sans cause. Ils sont de notre époque et nous disent donc nécessairement de quoi elle est faite. (…) Parmi les informations que nous apporte cette enquête, l’un des points à retenir est certainement le fait que 16 % seulement des personnes interrogées se disent d’accord avec l’affirmation selon laquelle, en France, «il y a plus de problèmes d’antisémitisme que de problèmes de racisme». Autrement dit, 59 % des personnes estiment le contraire, ce qui s’oppose à l’évidence des données sur les agressions antisémites. En France, les actes antisémites constituent 50 % de tous les actes racistes, tandis que la communauté juive représente moins de 1 % de la population nationale. Il faut donc noter que, du point de vue du public, les agressions antisémites ne suscitent pas l’écho et la mémorisation auxquelles on pourrait s’attendre compte tenu de la nature des faits et de leur gravité (…) Selon notre enquête, de tous les partis politiques et des publics qu’ils fédèrent autour d’eux, les sympathisants du Front national et les électeurs de Marine Le Pen constituent l’univers politique et partisan où l’on trouve, et de très loin, le plus d’opinions antisémites et xénophobes. Les sympathisants du FN et ses électeurs ressemblent davantage au discours du fondateur du parti qu’au discours plus policé que sa nouvelle présidente s’efforce de mettre en scène. (…) Les musulmans répondants sont deux à trois fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés contre les Juifs. La proportion est d’autant plus grande que la personne interrogée déclare un engagement plus grand dans la religion. Ainsi, lorsque 19 % de l’ensemble des personnes interrogées indiquent adhérer à l’idée selon laquelle «les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de la politique», le taux grimpe à 51 % pour l’ensemble des musulmans. Cette question permet d’illustrer les effets de la pratique religieuse sur l’adhésion aux items antisémites: en effet, l’adhésion à cet item est de 37 % chez les personnes qui déclarent une «origine musulmane», de 49 % chez les musulmans croyants» et de 63 % chez les «musulmans croyants et pratiquants». (…) l’idée selon laquelle le sionisme « est une organisation internationale qui vise à influencer le monde», si typique de la vision antisémite, suscite un niveau d’approbation très élevé parmi les musulmans interrogés (44 %), contre 16 % en moyenne de la population âgée de 16 ans et plus. On voit encore ici que la proportion croît avec le degré d’implication religieuse. L’existence d’un complot sioniste est de 30 % chez ceux qui déclarent une «origine musulmane», de 42 % chez les « musulmans croyants » et de 56% chez les «musulmans croyants et pratiquants ». (…) Les préjugés contre les Juifs sont plus répandus au sein de la mouvance du Front de gauche que dans l’ensemble de lasociété française, mais ils sont moins répandus que dans la mouvance du Front national. Dominique Reynié
Pourquoi la question n’est-elle presque jamais posée : ′′ Quels sont les droits du peuple palestinien ? ′′Et pourquoi semblons-nous prendre note de la violence en Israël et en Palestine uniquement lorsque des roquettes tombent sur Israël ? (…) le conflit d’aujourd’hui n’a pas commencé avec ces roquettes. Les familles palestiniennes dans le quartier de Jérusalem de Sheikh Jarrah vivent sous la menace d’expulsion depuis de nombreuses années, naviguant dans un système juridique conçu pour faciliter leur déplacement forcé. Et au cours des dernières semaines, les colons extrémistes ont intensifié leurs efforts pour les expulser. Et, tragiquement, ces expulsions ne sont qu’une partie d’un système plus large d’oppression politique et économique. Depuis des années, nous avons assisté à une aggravation de l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et à un blocus continu sur Gaza qui rend la vie de plus en plus intolérable. (…) nous avons vu le gouvernement de Benjamin Netanyahu travailler à marginaliser et diaboliser les citoyens palestiniens d’Israël, à mener des politiques de colonisation conçues pour exclure la possibilité d’une solution à deux États et adopter des lois qui engendrent les inégalités systémiques entre les citoyens juifs et palestiniens israéliens. (…) Israël reste la seule autorité souveraine au pays d’Israël et de Palestine, et plutôt que de se préparer à la paix et à la justice, il a enraciné son contrôle inégal et antidémocratique. Plus d’une décennie de sa règle de droite en Israël, M. Netanyahu a cultivé un nationalisme raciste de plus en plus intolérant et autoritaire. Dans son effort effréné pour rester au pouvoir et éviter les poursuites judiciaires pour corruption, M. Netanyahu a légitimé ces forces, dont Itamar Ben Gvir et son parti extrémiste du pouvoir juif, en les faisant entrer dans le gouvernement. (…) les mensonges racistes qui attaquent les Palestiniens dans les rues de Jérusalem soient maintenant représentés à la Knesset. Ces tendances dangereuses ne sont pas propres à Israël. Partout dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et ici aux États-Unis, nous avons vu la montée de mouvements nationalistes autoritaires similaires. Ces mouvements exploitent la haine ethnique et raciale pour construire le pouvoir pour une minorité de corrompus plutôt que la prospérité, la justice et la paix pour le plus grand nombre. Ces quatre dernières années, ces mouvements avaient un ami à la Maison Blanche. En même temps, nous assistons à la montée d’une nouvelle génération d’activistes qui veulent construire des sociétés basées sur les besoins humains et l’égalité politique. Nous avons vu ces militants dans les rues américaines l’été dernier à la suite du meurtre de George Floyd. Nous les voyons en Israël. Nous les voyons dans les territoires palestiniens. Avec un nouveau président, les États-Unis ont maintenant la possibilité de développer une nouvelle approche du monde – fondée sur la justice et la démocratie. (…) Au Moyen-Orient, où nous fournissons une aide de près de 4 milliards de dollars par an à Israël, nous ne pouvons plus être des apologistes du gouvernement de droite de Netanyahu et son comportement antidémocratique et raciste. (…) Cette approche doit reconnaître qu’Israël a le droit absolu de vivre dans la paix et la sécurité, tout comme les Palestiniens.(…) Nous devons reconnaître que les droits palestiniens sont importants. Les vies palestiniennes comptent.Bernie Sanders
St Louis sent me here to save lives. That means we oppose our money going to fund militarised policing, occupation and systems of violent oppression and trauma. We are anti-war, we are anti-occupation, and we are anti-apartheid. Period. Congresswoman Cori Bush
The shift is dramatic; it’s tectonic. There is a non-white population, particularly among Democrats, who are very sensitive to the treatment of fellow non-whites. They see Israel as an aggressor. They don’t know Israel’s early history and odds-defying triumph over adversity. They know post-Intifada; they know the various wars, the asymmetrical bombing that have taken place, the innocent civilians that have been killed. We’ve seen a steady growth in support for Palestinians, but it’s never really been a high-intensity issue. It’s becoming that. It’s becoming a major wedge issue, particularly among Democrats, driven by non-white voters and younger voters, by progressives in general. John Zogby
This moment is different. And it may prove a transformational one in the Palestinian struggle for freedom. Before the world’s attention shifted toward pushing for a cease-fire, Palestinians in Gaza, the West Bank, Jerusalem, inside Israel and in the diaspora had all mobilized simultaneously in a way unseen for decades. They are all working toward the same goal: breaking free from the shackles of Israel’s system of oppression. Reacting to growing Israeli restrictions in Jerusalem and the impending expulsion of Palestinians from their homes in the Jerusalem neighborhood of Sheikh Jarrah, Palestinians across the land who identified with the experience of being dispossessed by Israel rose up, together. Even now, as bombs fall on Gaza, they continue to do so. Palestinians are protesting in huge numbers in cities and towns throughout the land; hundreds of thousands took part in a general strike. With this unified movement, Palestinians have shown Israel that they cannot be ignored. (…) The energy of this moment represents an opportunity to wed Palestinian aspirations with a growing global consensus. According to a 2018 poll by the University of Maryland, 64 percent of Americans would support equal rights in a single state if the two-state solution fails. That number climbs to 78 percent among Democrats. Among scholars and experts on the Middle East, one recent poll found, 66 percent say there is a one-state reality. There is also a growing shift in mainstream organizations that have been hesitant to call for greater change: The Carnegie Endowment for International Peace recently released a report calling for a break from the two-state approach. Many diplomats and analysts around the world I have spoken to in recent years understand that the two-state solution is dead. Israel has killed it. When I ask why they don’t call for equal rights for Palestinians to end what is increasingly obviously a de facto apartheid system, they point out the official Palestinian position remains for a separate state. (…) The Palestinians have moved on, and many people in America and around the world are ready to do so, too. Yousef Munayyer (Arab Center Washington DC)
This is unprecedented. For decades, Jews have been able to walk around safely in most major cities without fear, without even considering hiding their kippot or Star of David necklaces. Jews used to be most afraid of being attacked by blacks, but over time that has become much less of an issue with the exception of the recent uptick of attacks in Brooklyn. Antisemitism has always been there but it definitely lessened. ADL statistics has seen it go down steadily since the 90s. But this is different than even the ’60s. Now Jews have to worry about gangs who are targeting them because they are Jews. Why have these Arab gangs suddenly become so emboldened to form posses to attack Jews? Because of the first group. The fine distinctions that Leftist Israel haters try to make between anti-Zionism and antisemitism are completely invisible to Arabs. They hate Israel because, not despite the fact, it is filled with Jews. Antisemitism is the entire source of the conflict. Their parents and preachers don’t teach them to hate Zionists but Jews. They look at their Jewish allies as tools and as dhimmis, not as role models. The attackers find strength in numbers, they see that they have the Left on their side, they are riled up by thousands of lies about Israel by speaker after speaker and tweet after tweet, they get validation from members of Congress and other liars and bigots who say that Israel is guilty of genocide and apartheid and ethnic cleansing, they are primed to violence from lurid and often faked photos of dead kids, they are whipped up into a frenzy from the hypnotic anti-Israel and antisemitic chants. And they are in large cities with lots of identifiable Jews all around, who must pay for these crimes. It is a recipe for violence. The Arab gangs are engaged in what they know best: terrorism. After all, the point of terrorism isn’t the attacks themselves but the feat that the attacks create among the targets. These Arabs are importing terror from their Middle Eastern cousins, doing everything they can to frighten Jews. They feel, correctly, that they have reached a critical mass with fellow Arabs in their respective Western countries. Crucially, they are being given cover by the secular Left, publishing articles that justify terror and the idea that Palestinians are justified in doing anything they want to Jews because all’s fair in « resistance. » Arabs are sensitive to being shamed. They have not acted like this before in America because the idea of wanton violence against Jews was shameful. Now, and their Leftist allies give them intellectual cover – and they will never, ever shame them. The Leftist anti-Zionists could shame them into stopping their attacks. They could make it clear that they want nothing to do with the antisemites. They could stand up and say that they will not be allies with Jew-haters and will not march with bigots. They could demand that mosques and Muslim leaders clearly denounce the attacks (they certainly will not do that on their own.) But these people who claim to speak truth to power will never, ever call out violence by Arabs They refuse to do that, because they are all about solidarity and allyship and, let’s face it, they don’t want to say anything negative about people of color who want to attack Jews. The Leftist enablers also know that the Arabs would turn on them next if they say anything negative about their antisemitism. Instead, the « progressives » issue weak statements against antisemitism and then return to their « From the river to the sea » chants to incite the next round of attacks. The only solution is to shame the attackers. The only people who can do that are tacitly condoning the attacks. This is a nearly perfect storm that is bringing up an entirely new class of Jew-hatred to America. Elder of zion
Vous ne pouvez pas étudier l’Histoire sur Instagram. Il n’y a tout simplement pas assez d’espace (…) Et si le Canada tirait 4 000 roquettes sur l’Amérique ? Ou le Mexique ? (…) C’est une autre chose que j’ai entendue ces deux dernières semaines, des mots comme ‘occupants’ et ‘colonisateurs’ et ‘apartheid’, dont je ne pense pas que les gens comprennent l’histoire. Les Juifs sont présents dans cette région du monde depuis environ 1200 avant l’ère commune, bien avant que le premier musulman ou le premier Arabe n’ait foulé la terre. (…) Bella Hadid et ses amies s’enfuiraient en hurlant vers Tel Aviv si elles devaient vivre un jour à Gaza. Bill Maher
One of the frustrations I had while I was off is that I was watching this war go on in Israel … and it was frustrating to me because there was no one on liberal media to defend Israel, really. We’ve become this country now that we’re kind of one-sided on this issue. And I’d also like to say off the bat I don’t think kids understand, and when I say kids I mean the younger generations – you can’t learn history from Instagram! ‘There’s just not enough space. (…) Well, Gaza fired 4,000 rockets into Israel. What would you say Israel should have done instead of what they did?’ (…) But they purposely put the rockets in civilian places. That’s their strategy. (..) The Jews have been in that area of the world since about 1200 B.C., way before the first Muslim or Arab walked the Earth. … I mean, Jerusalem was their capital. So if it’s who got there first, it’s not even close. (…) The Jews were the ones who were occupied by everybody; the Romans took over at some point and then the Persians and the Byzantines and then the Ottomans. So yes, there was colonization going on there. Beginning in the 19th century, they started to return to Palestine, which was never an Arab country. There was never a country called Palestine that was a distinct Arab country. Doesn’t it behoove the people who rejected the half a loaf and continue to attack … Hamas’s charter says they just want to wipe out Israel. Their negotiation position is ‘You all die. The two-state solution has been on the table a number of times. There could be an Arab capital in East Jerusalem now if Yasser Arafat had accepted that in 2003. He did not.’I mean, they have rejected this and went to war time and time agai. And, you know, as far as Gaza goes, it’s amazing to me that the progressives think that they’re being progressive by taking that side of it, the Bella Hadids of the world, these influencers. I just want to say in February of this year, a Hamas court ruled that a unmarried woman cannot travel in Gaza without the permission of a male guardian. Really? That’s where the progressives are? Bella Hadid and her friends would run screaming to Tel Aviv if they had to live in Gaza for one day. Bill Maher
Il est extrêmement important de comprendre le Hamas, le Hezbollah, comme des mouvements sociaux progressistes, de gauche, et qui font partie d’une gauche globale; cela ne nous empêche pas d’être critiques à l’égard de certaines dimensions de ces deux mouvements. Judith Butler (Berkeley, 2006)
Ce devait arriver tôt ou tard. La révolution identitaire, née dans les campus aux États-Unis avant de gagner la sphère publique et de déchirer les Américains, vient de franchir un pas de plus: avec la guerre de Gaza, elle a forcé les portes de la géopolitique en transposant les postulats de la «cancel culture» dans le domaine des relations internationales. La convergence des luttes entre le «wokisme» et le Hamas a de quoi laisser perplexe. L’un représente tout ce que l’autre abhorre et réciproquement. Les partisans de la rectitude politique vivent à des années-lumière d’une organisation terroriste, fondamentaliste, qui vouerait à la damnation éternelle la théorie du genre, les confessions intersectionnelles, la subordination de la nature à la culture ou la liberté de choisir son sexe. Certains esprits, pourtant, n’ont pas ménagé leurs efforts pour découvrir une parenté entre les guerriers de la gauche morale et les combattants islamistes du Moyen-Orient. (…) L’islamisme radical et la culture «woke» appartiennent à deux planètes différentes, mais il est certains traits familiers que l’un reconnaîtrait aisément chez l’autre. La volonté de subordonner la loi aux impératifs de la religion, dans un cas, de la morale dans l’autre. Une manière de concevoir la justice — et de l’appliquer — hors des règles du droit. Le refus aussi de la délibération, de la confrontation des opinions, puisque le dogme religieux, pas plus que les certitudes morales, ne sauraient être un objet de discussion. Enfin, l’essentialisation de l’autre, ici les sionistes et les Juifs, là les dominants blancs enfermés dans leur déterminisme. La critique d’Israël est depuis longtemps un trait constitutif de la gauche progressiste aux États-Unis. À mesure que la politique identitaire imprégnait la vie publique, il était inévitable qu’elle finisse un jour par pénétrer dans l’enceinte du Capitole et qu’une vision alternative du conflit israélo-palestinien rompe le consensus longtemps très favorable à l’État hébreu. Et c’est le Parti démocrate, dont l’aile radicale ne cesse de gagner du terrain, qui allait lui servir de relais. Le dernier cycle des violences au Proche-Orient a permis de vérifier cet infléchissement historique. Telle représentante démocrate à la Chambre qualifiait Israël d’ «État-apartheid», une autre d’ «État terroriste», une troisième dénonçait l’«injustice systémique» qu’il inflige aux Palestiniens. Beaucoup moins prévisible était la redéfinition d’un conflit national bientôt centenaire dans les termes de la justice raciale: Gaza n’était qu’un avatar de la tuerie de Ferguson (un jeune Noir abattu en 2014 par un policier blanc) et de la mort de George Floyd. À Londres, des manifestants scandaient «Palestine can’t breathe» (les mots de Georges Floyd avant de mourir) et «Palestinian Lives Matter». Pour les activistes de Black Lives Matter et leurs soutiens démocrates, l’incrimination d’Israël, comme celle du racisme blanc en Amérique ou ailleurs, participe du même combat moral, de la même libération globale de la parole. Cette assimilation singulière a obtenu en quelques jours un écho extraordinaire, de Washington à Hollywood, ralliant des sportifs, des artistes, des vedettes de la mode, des influenceurs dont l’audience sur les réseaux sociaux est énorme. Et son pouvoir d’intimidation paraît d’autant plus redoutable qu’il est formaté dans le langage familier de la justice victimaire. (…) c’est un wilsonisme de l’indignation diversitaire que la démocratie américaine exporte un peu partout, dont l’État hébreu est l’une des principales cibles. (…) Les morts et les destructions à Gaza mobilisent des passions et des foules que d’autres tragédies d’une ampleur incomparable n’arrivent à remuer: ni la boucherie de la population syrienne par son président, ni les dizaines de milliers de victimes de la guerre au Yémen, ni la répression implacable des minorités musulmanes en Chine — laquelle n’a entraîné aucune attaque contre les quartiers chinois en Europe ou en Amérique. (…) Dans ce monde où chacun est assigné à son «identité originelle», les relations entre les communautés sont conçues en termes de rapports de domination, oppresseurs d’un côté, opprimés de l’autre, les premiers renvoyés à leur iniquité «systémique», les seconds à leur immuable condition victimaire. Nietzsche parlait de la loi du plus fort. La révolution identitaire consacre, elle, la raison du plus faible. La justice est du côté des faibles du fait de leur faiblesse. Et l’État d’Israël est condamnable du fait de sa puissance, comme l’est le «pouvoir blanc» en Amérique, coupable de sa supposée supériorité «systémique». La solidarité qu’éprouvent les militants de Black Lives Matter pour les Palestiniens procède de cette même dualité de la domination et de la sujétion. Et elle ne se laisse guère embarrasser par la réalité qui contrarie ses présomptions. Le Hamas a beau se réclamer de la charia, piétiner les droits des femmes, ou lancer 3500 roquettes visant des civils en Israël, il ne perd rien de l’immunité morale que lui confère son statut d’opprimé. Ici comme ailleurs, identitaires et racialistes se barricadent derrière le mur protecteur de l’ignorance volontaire, un «safe space» où l’on peut éviter de connaître ce que votre sensibilité vous intime de ne pas savoir. Curieuse époque. Les accords d’Abraham ont réconcilié l’État d’Israël avec nombre de pays arabes, au moment même où, en Occident, le gouvernement de la morale le voue à la proscription. Ran Halévi
On s’en souvient peut-être encore: interpellé par Donald Trump en débat lors des élections présidentielles américaines, qui lui demandait de condamner la mouvance «antifa», Joe Biden a répondu un peu étrangement en déclarant que ce qu’on appelle «antifa» ne serait pas une mouvance, encore moins une organisation, mais une idée. On a trouvé, au cours des dernières années, de nombreuses figures politiques pour répondre la même chose. Elles se drapent souvent dans la vertu en demandant comment on peut s’opposer à ceux qui s’opposent au fascisme. Ce n’était pourtant pas la première fois que Donald Trump s’inquiétait de la vigueur de cette mouvance, au point d’avoir laissé entendre qu’il la décréterait terroriste. (…) les «antifas» ont pris beaucoup de place ces dernières années, quand leurs milices se sont emparées des rues américaines, en radicalisant plusieurs émeutes au nom de la «justice raciale», au point de les pousser, à la manière d’un mouvement agitateur, jusqu’à l’émeute. (…) Mais si les «antifas» ne sont pas rassemblés autour d’une structure ferme centralisée, on aurait tort de les croire désorganisés. Au cœur de leur «antifascisme», on trouve une définition fantasmée du fascisme, qui n’a à peu près rien à voir avec le fascisme historique. Le fascisme se confond, à lire cette propagande, avec la démocratie libérale et le capitalisme, qui serviraient surtout à le masquer. De manière imagée, on dira que le fascisme est intrinsèquement lié, pour eux, à la structure même des sociétés occidentales. Partout, ils fantasment le racisme et le suprémacisme blanc. C’est ce qu’oublient souvent ceux qui parlent de cette mouvance avec complaisance. En reconnaissant aux «antifas» le droit de brandir l’étendard de l’antifascisme sans le leur contester, ils endossent la définition qu’ils en donnent, et leur accordent, quoique implicitement, une fonction légitime dans l’organisation de la cité. Ce qui distingue les «antifas», c’est un usage revendiqué de la violence. Leurs théoriciens parlent franchement: il s’agit de créer un environnement où les idées qu’ils réprouvent ne pourront plus s’exprimer. Il s’agit d’une violence sinon autorisée, à tout le moins tolérée par les pouvoirs publics, comme en témoigne Ngo, qui montre à quel point les activistes et émeutiers «antifas» sont rarement punis pour leurs actes, et sont même souvent relâchés lorsqu’ils sont pour un temps arrêtés. À Portland et à Seattle, ces dernières années, les «antifas» se sont emparés d’un morceau de territoire, décrétés ZAD libérée des États-Unis, et transformés en quelques jours en bidonvilles totalitaires. Les autorités municipales se montrèrent globalement tolérantes envers ceux qui occupaient des territoires de leurs villes. Les «antifas», jamais, ne risquent la dissolution. (…)Une étrange rumeur veut que les «antifas», derrière leurs cagoules, soient composés de jeunes gens issus de la bourgeoisie, qui iraient s’encanailler en jouant à la révolution. Le portrait est beaucoup plus complexe. Si on en trouve dans leurs rangs, ces derniers attirent surtout des jeunes esprits psychiquement troublés, socialement fragilisés, à la manière d’un lumpenprolétariat identitaire de la postmodernité. Ils trouvent dans l’engagement «antifa» une forme de rédemption révolutionnaire: dès lors qu’il enfile sa cagoule et défonce sa première vitrine, le jeune converti se sent promu dans l’avant-garde révolutionnaire. La mouvance «antifa» désinhibe les pulsions violentes refoulées par la civilisation, en plus de prétendre les ennoblir. Leurs théoriciens affichent leur dessein: il s’agit de terroriser leurs ennemis en les agressant, physiquement, s’il le faut, tout en présentant leurs actions comme des gestes d’autodéfense contre «l’extrême droite». En fait, ils se comportent comme une milice visant à créer un climat de terreur pour rendre impossible l’expression d’une dissidence contre l’idéologie diversitaire. (…) sans même en être conscients, ils servent l’air du temps, abattent ses ennemis, les molestent, un peu comme la SA de notre époque troublée. Mathieu Bock-Côté
La traite négrière ne fut pas l’apanage des Européens en Amérique ; les navigateurs arabes ont aussi contribué à l’effrayant commerce, laissant dans leur sillage de somptueux métissages musicaux, tarab de Zanzibar, chants nubiens d’Egypte ou fakirs errants indiens. Aussi beau que le blues, le jazz, la samba ou la salsa, nés également de l’esclavage, de l’autre côté de l’Atlantique.Télérama
Dangereuses et répétées, les élucubrations d’un Dieudonné, relatives aux rapports entre traite des Noirs et Shoah, suscitent un émoi justifié. Peut-être ne s’est-on pas suffisamment penché sur les raisons facilitant un tel détournement de l’histoire négrière. Pourquoi est-il apparemment si facile de dire n’importe quoi à propos de cet épisode si tragique de l’histoire de l’humanité ? La raison fondamentale réside dans le fait qu’il ne constitue toujours pas un véritable objet d’histoire. Aprement discutées à partir de la fin du XVIIIe siècle, à l’époque où abolitionnistes et négriers s’affrontaient, les traites négrières devinrent un enjeu politique avant même d’être érigées en objet historique. De cette époque demeure une tendance à ne les appréhender qu’à partir d’une approche morale. Le racisme, la colonisation, le tiers-mondisme, le fait que nombre de pays d’Afrique noire dérivent aujourd’hui aux marges lointaines du monde riche n’ont fait que renforcer l’approche moralisante. Au poncif raciste blanc – l’Occident civilisé face aux sauvages noirs – a succédé l’image tout aussi déformée de bourreaux uniquement blancs face à des Noirs uniquement victimes. Mais l’inversion ainsi opérée n’a nullement remis en cause la manière, essentiellement morale, d’appréhender les traites négrières. Dans l’affaire, les errements d’une certaine gauche tiers-mondiste ont été aussi préjudiciables que ceux de mouvements antérieurs, que certains qualifieraient aujourd’hui de « réactionnaires ». Analyser les traites du passé à travers le prisme d’une vision à la fois contemporaine et moralisante des rapports Nord-Sud est en effet tout aussi dangereux. Un piège dans lequel Yves Benot, qui nous a malheureusement quittés cette année, était tombé. Comparant certains de ses textes, on pourrait croire que les marchandises de la traite occidentale (en direction des Amériques) et celles de la traite orientale (en direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient) étaient assez comparables. Le jugement (c’en est un) auquel il aboutissait était pourtant complètement opposé. La traite occidentale était rangée dans la catégorie des échanges inégaux, et même complètement inégaux, la seconde ressortissait quasiment du type de l’échange équitable. Le danger d’une telle démarche est de comparer pour juger, et non pour comprendre, tâche du scientifique. Il est d’ouvrir la porte à une sorte de compétition dont l’objectif serait de déterminer quel trafic est le plus abominable, quelles souffrances sont les plus importantes, et, finalement, quels « responsables » sont à placer sur le banc des accusés. Avec l’affaire Dieudonné, nous sommes précisément dans la tentative d’établir une putative échelle de Richter des souffrances et des responsabilités, avec une sorte de « challenge » entre la tragédie négrière et celle de la Shoah. (…) Que faudrait-il faire pour éviter que des mensonges aussi grossiers que ceux de Dieudonné (car les juifs ne sont nullement « responsables » des traites négrières) puissent trouver un écho ? En premier lieu, il faudrait comprendre que ces traites ne renvoient pas seulement à une question de morale. Comprendre qu’il s’agit d’une histoire complexe, loin de tout manichéisme, constituerait également un grand progrès. (…) Ce qui permet de battre en brèche de nombreux clichés. Il en va ainsi de l’idée selon laquelle ces traites seraient entièrement solubles dans le fameux « trafic triangulaire » Afrique-Europe-Amériques. On sait maintenant que le premier port atlantique, en importance, fut Rio de Janeiro, et non Liverpool. Si les Portugais, les Anglais et les Français dominèrent la traite atlantique au XVIIIe siècle, ce fut le tour des Brésiliens au siècle suivant. Or, du Brésil à l’Afrique, et retour, il n’est aucun triangle. Au total, 11 millions d’Africains furent déportés vers les Amériques entre 1450 et 1867. Les traites orientales, elles, conduisirent à la déportation d’environ 17 millions de personnes (avec une marge d’erreur de plus ou moins 25 %) entre les années 650 et 1920. A quoi il faut ajouter les traites internes, destinées à alimenter en captifs les sociétés esclavagistes de l’Afrique noire précoloniale. On pense que 14 millions de personnes furent ainsi également déportées, toujours de 650 à 1920. Le fameux « trafic triangulaire » ne renvoie donc qu’à une partie de l’une des trois traites négrières de l’histoire. Complexité et nuances sont aussi de mise du côté des acteurs de ces traites, largement organisées sur le mode de l’échange, marchand ou tributaire. Au mythe d’esclaves razziés par les Européens doit se substituer l’idée d’un commerce entre négriers occidentaux, orientaux et noirs, chacun cherchant à trafiquer au mieux de ses intérêts. D’où l’inanité d’un autre poncif, celui de la « pacotille » relatif aux marchandises de traite. Ce terme est aujourd’hui synonyme de chose de faible valeur. Dans le passé, du côté occidental, il définissait un ensemble de produits, sans préjuger de leur valeur. Parmi ceux-ci, nombreux étaient relativement chers, comme les textiles. D’autres, apparemment insignifiants, comme les cauris, pouvaient jouer un rôle essentiel. Ces coquilles de gastéropodes furent massivement introduites en Afrique noire précoloniale où elles remplissaient un rôle d’équivalent monétaire. C’est aussi en fonction de leur valeur d’usage en Afrique noire que les marchandises de traite doivent être estimées. Dans l’affaire, les courtiers noirs n’étaient nullement des êtres naïfs acceptant de déporter des hommes contre des babioles, comme des racistes blancs du XIXe siècle ont pu souhaiter le faire croire. Jamais n’importe quelle marchandise ne pourra évidemment valoir la vie d’un seul homme. Mais se réduire à une perception morale des traites négrières, c’est se condamner à ne rien comprendre des logiques ayant permis leur essor. (…) Il est aussi important de saisir que les Occidentaux, Orientaux ou Africains d’aujourd’hui ne sont nullement responsables des crimes commis par quelques-uns de leurs ancêtres, et qu’il ne sert à rien de monter certaines communautés les unes contre les autres. Comme l’écrivait Edouard Glissant, à propos de l’esclavage, le travail de mémoire ne doit pas conduire au ressassement du passé. C’est à une mémoire-dépassement de ce passé qu’il faut œuvrer. Olivier Pétré-Grenouilleau
Jusqu’ici – mais la vulgate perdure – les synthèses à propos de l’Afrique se limitaient ordinairement à une seule traite: la traite européenne atlantique entre l’Afrique et les Amériques, du XVe siècle à la première partie du XIXe siècle. En fait, jusqu’à la seconde moitié de ce siècle puisque l’abolition ne met pas fin à la traite qui se poursuit illégalement. Or, le trafic ne s’est borné ni à ces quatre siècles convenus ni à l’Atlantique. La traite des Africains noirs a été pratiquée dans l’Antiquité et au Moyen Age; elle s’est prolongée jusqu’au XXe siècle et se manifeste encore sous divers avatars en ce début de XXIe siècle; elle s’est étendue à l’océan indien et au-delà; elle a été le fait non seulement des Européens, mais des Arabes et des Africains eux-mêmes. Pourtant, le programme de « La Route de l’esclave », élaboré par l’UNESCO et qui visait à briser le silence historique et scientifique observé sur la traite, véhicule, pour des raisons idéologiques (sous la pression des représentants du monde et des états africains), les mêmes distorsions. En effet, l’emploi du singulier (« La Route ») exclut de la reconnaissance et de la construction mémorielle aussi bien la traite interne à l’Afrique, la plus occultée, que les routes transsaharienne et orientale et montre à quel point l’histoire des traites est aujourd’hui un enjeu politique, en raison principalement des réparations que seul le Nord, parmi les régions impliquées, se devrait de verser. Roger Botte
The academy is a different place today than it was only a year ago and was different a year ago than it was five years before. Terror and dread fill academic workers, professors, and staff alike, and it is everywhere. (…) These two sentiments, dread married to virtue, constitute to my mind the affective embodiment of progressive ideology prevalent among white liberals as developed in its most privileged space: academia. They are typical. They are two faces of the same coin: flip and you see dread, flip again and you see virtue. (…) Progressive liberals are blind to the fact that there is a regime take-over apace everywhere in academic institutions. A new ruling elite is taking over academic institutions by using its “minority status” to exercise a “soft” coup and is appealing to the minoritarianism of progressive ideology to legitimize its coup—or, if you like, to “manufacture consent.” I will call the adherents of this ideology the “progressoriat.” The reason that challenging any aspect of this dominant ideology is taboo is because it leaves you vulnerable to the charge that you are uncomfortable with the project of empowering minorities—not just the transfers of power from traditional elites to historically disadvantaged groups that has already begun to take place in the academy, but further transfers of power. The only acceptable response when confronted by any aspect of the ideology that has facilitated this coup is to enthusiastically endorse it—to celebrate it. If you’re not a minority, anything less risks being interpreted as dread at the prospect of your own imminent loss of status—or, if you are, as evidence that your soul has been “colonized” by white supremacists. As I said, virtue as the other side of dread. The position of the progressoriat in relation to this coup is akin to that of communist activists in relation to a communist takeover. At first they see it as representing what they always fought for; then with time they find themselves having to decide whether its first atrocity is to be criticized or understood as necessary; then, when the next atrocity takes place, they feel they must tolerate it because they didn’t object to the first atrocity and, before long, a time comes when any objection can only be made at a huge cost to themselves. The unfolding history of the new coup is being written every day across the domain of academic institutions in the US as the progressoriat watch muffled, hesitant objecting in private, and then, when someone makes their reservations public, finding themselves at risk of being suspended or losing their jobs. The new elite taking over academic institutions has at its disposal an arsenal of tools to perpetuate its rule. It not only postures as representative of others in the way communists did—the “intelligentsia” representing the worker or the peasant in the latter’s case and representing victim groups in the former’s. The new elite can also represent itself as victims, an opportunity even communists would have baulked at. Members of the new elite have no hesitation at weaponizing their feelings, silencing opponents by claiming they’ve offended them. And, of course, such claims are readily accepted by the progressoriat because of their acceptance that minorities are necessarily oppressed. In this way, the new power elite can present itself as being victims, as well as representing victims. In other words, it has the power to make itself The Cause. This is why the insistence on the ubiquity of unconscious bias is important: it allows the new elite to consolidate their status by continually self-referencing as victims. Bias being everywhere means that the new ruling class, in spite of having seized power, can continue to present themselves as being oppressed. By constantly claiming to be offended, triggering Pavlovian apologies and vows to “do better” from the progressoriat, who appear to have endless reservoirs of self-abnegation, the new elite establishes rituals that renew its rule and solicit ongoing consent to this rule. The ranks of this new ruling class are refreshed by immigrant academics who come to understand themselves in the way progressivism understands them: as minorities who can also act victim-like if they want—a precious endowment in the cultural academic market. Intersectionality awaits to welcome them and give them a warm hug. They can be treated on principle as black-adjacent. To do that, they quickly learn that they have to concede leadership to their black colleagues as having the greatest claim to victimhood. If they don’t play the victim card, they throw away valuable currency when it comes to shinning up the academy’s greasy pole. A colleague of mine commented that I was wasting precious victimhood resources by refusing to sign the statement by non black faculty: Muslim, Palestinian, woman, dadidadida. This is the cleverness of minoritarian rule: a coalition of minorities that, collectively, form a majority but that is nevertheless always able to invoke its minoritatian status to preserve its power. Power is presented as the absence of power to preserve actual power. The progressoriat are unable to talk about their impending demise because they have already used their own institutional power over decades to drive away conservatives. They turned their academic institution into a partisan echo chamber. Residing in an echo chamber only increases your moral certitude. Now they are being given a taste of their own brutal medicine. Meantime, the new elite is acting ruthlessly and impatiently and is only happy with declarations of complete submission. Any sign of hesitation on the part of a signatory—”Maybe we should talk about free speech too?”—is met with expressions of exasperation by the all-powerful members of the victim minority faculty. No hesitation or nuance is allowed: nothing but unequivocal loyalty oaths. The progressoriat can only repeat, “I believe in the cause. I believe. I believe. Believe me I believe.” If this echoes a Maoist take-over, that’s because it is. It passes the sniff test. Student activists sniffing a transfer of power are pushing it as far as they can, understanding it as part of a general generational take-over of elite institutions. Today’s students show little interest in free speech and appear more interested in moral point-scoring, especially graduate students. Polls show young academics pumped up more on moral steroids than intellectual ones. Why stop when you are winning? The situation is in flux which opens the door for moral entrepreneurs to up the ante. Some enterprising students at Georgetown Law complained to Slate magazine that the dean allowed the Federalist Society to host an event on a multi-racial working class by “three white men.” Moral entrepreneurship means that what it is to be racist is being redefined daily with someone’s demise—an ongoing post-fact articulation of the definition of “bias”—and why not declare conservatism racist while you’re at it? The new elite in academia is part of a more general phenomenon of the rise of the technocrats who have found a home in the Democratic Party so that academic institutions, who produce these technocrats, are now the direct and unmediated suppliers of a political class whose educated credentials are its claim to rule. Academia has not only become without rival the incubating center of ruling class entitlement—and acts as a result as an extended arm of the Democratic Party—but it has also refashioned itself after the party. Like the latter, the academy acts like a council of elders managing various ethnic tribes residing under its jurisdiction. Note the rush to get out a statement when a minority group has been under assault: a group of sex workers are shot by a sex addict and the President of Harvard rushes out a statement opposing anti-Asian racism (and blaming Trump) because the killer was white and the victims Asians. So did Biden. Technocrats of virtue responding to lobbies of virtue. The rise of the technocrat is itself reflective of the shift in US liberalism to diversity liberalism. Global capital disenfranchised the white working class by moving its investments overseas and replacing it with a diverse workforce recruited globally through lax enforcement of immigration rules. Technocratic managerialism armed with diversity liberalism is the way global capital rules. Because the white working class has lost power in the process it has to be continually depicted as having earned its demise. It has earned it by being morally compromised: in Hillary Clinton’s words, “the basket of deplorables.” Black elites coming to power as part of this shift feel comfortable exercising class dominance by deriding the white working class as racist. The continual invocation of the storming of the capitol as an expression of white supremacy is par for the course. In Bobos In Paradise: The New Upper Class and How They Got there (2000), David Brooks describes the displacement of the WASPs as the dominant ethnic group in the US with the introduction in the early 60s of “merit” as the primary criterion of admission to universities, especially the Ivies. The new criterion was introduced by WASPs themselves, thus paving the way to their own demise and conceding power to a new emergent group that found its own flourishing within “merit”: the high-performing Jew. This led, a generation later, according to Brooks, to the rise of the Bobos (the bourgeois bohemians) as the new cultural and economic elite. They were bourgeois because they had acquired great riches given the demand for educated labor in the new global economy they had helped create—but they were also bohemian because they imbibed the modernist progressivist values of their Ivy League professors. In other words, like their predecessors, they laid the groundwork for their own destruction by embracing the ideology that evolved into the identity politics of the 90s. The academic Bobos are now being displaced. Like the WASPs before them, they have written the script of their own demise—in their case, through a dedicated investment in the rise of the minority academic. The progressive ideology they subscribed to left them with no tools to resist their impending fall. What should we call the new elite? The Bobus—the bourgeois bureaucrats? They are bourgeois because they’ve benefitted from the rise in demand for their representative labor in the market of diversity liberalism; and bureaucratic because they have devised the rules enshrining various speech codes and policies that buttress their power. The bohemian questioning of conventional morality, and the drive for experimentation, have been replaced by the stern bureaucrat enforcing a new morality, with its demand for penance for past sins. When I protested to the faculty diversity trainer, a law professor from the West Coast, that the real minority at Georgetown Law are the conservative students who have been telling me about how isolated and beleaguered they feel, especially with the flood of emails from the administration when Trump was in office denouncing racism, without defining what it is or indeed giving a single account of a racist incident, she quipped, “They don’t have to be at Georgetown. They can go to Notre Dame!Lama Abu Odeh
Quand cet incident a eu lieu, mes étudiants voulaient en parler, certains ont demandé pourquoi cette enseignante avait été contrainte à la démission. Je leur ai dit que notre conversation était enregistrée, et qu’il fallait faire attention, que nous sommes dans une société où l’on doit prendre garde à ce que l’on dit, et que j’étais désolée de cet état de choses. Les professeurs ne sont pas protégés par la direction de l’université. Un incident comme celui de Georgetown est un message adressé à chaque professeur: voici ce qui peut vous arriver si vous dites ce qu’il ne faut pas. Et une fois que vous serez qualifié de raciste, personne ne vous soutiendra. Tout le monde dans les universités est terrifié. Toute votre existence professionnelle est entre leurs mains, votre carrière peut s’arrêter du jour au lendemain, vous pouvez tout perdre. Lama Abu-Odeh (professeur de droit à Georgetown)
C’est une nouvelle élite dirigeante qui s’empare des institutions universitaires en utilisant son statut de minorité contre laquelle les libéraux progressistes sont impuissants à lutter, même quand leurs principes fondamentaux sont foulés aux pieds. Un de mes collègues a fait remarquer que je gaspillais de précieuses ressources de victimisation en refusant de signer la déclaration des professeurs non noirs en tant que musulmane, palestinienne, femme, blablabla. C’est là toute l’ingéniosité du régime minoritaire: une coalition de minorités qui, collectivement, forment une majorité, mais qui est néanmoins toujours en mesure d’invoquer son statut de minorité pour préserver son pouvoir. Le pouvoir est présenté comme l’absence de pouvoir pour préserver le pouvoir réel. Lama Abu-Odeh (professeur de droit à Georgetown)
Ces nouveaux militants ne ressemblent pas aux activistes traditionnels, tel que je l’étais moi-même comme étudiant, quand je militais pour l’égalité des droits ou en faveur de la paix. Ce mouvement s’attaque à des individus. Ses mécanismes sont ceux des persécuteurs. Je ne vois rien de progressiste là-dedans. Les réseaux sociaux ont un effet accélérateur et ils renforcent une mentalité de meute: la foule est anonyme. Ils ne demandent pas non plus beaucoup d’énergie: ces prétendus activistes restent chez eux derrière leur écran. Parce qu’on a posté quelque chose sur internet, on a l’impression d’avoir agi dans la réalité. Mais c’est aussi redoutablement efficace: les gens sont contraints au silence. Un professeur qui perd son poste, et ce sont des centaines qui se taisent. Dans les universités, les gens ont peur, le pouvoir appartient à ceux qui crient le plus fort. Ce qui me trouble le plus, c’est que ce mouvement possède des caractéristiques quasi religieuses et absolutistes. Il n’y a pas de pardon ni de rédemption, juste la damnation. Paul reste Saul et Marie-Madeleine reste une prostituée pour l’éternité. Et le mouvement n’en est qu’à ses débuts. Daniel Kovalik (université de Pittsburgh)
Si on écoute comment des jeunes se parlent entre eux, même très jeunes, justement souvent ceux issus de l’immigration, ils s’interpellent sur le mode de l’assignation identitaire. « Le « rebeu » pour l’arabe, « le renoi » pour le noir, lorsque ce n’est pas « le negro », le « céfran » pour le Français, le « feuj » pour le juif, etc. On prend cela avec légèreté, un côté rigolade, telle la culture banale des quartiers, mais cela peut être très violent. En réalité, il y a là une tendance à renvoyer chacun à ses origines, à la couleur, à la nationalité ou à la religion des uns et des autres. Et cela n’est pas sans conséquence. Il suffit d’aller sur un Forum comme celui, féminin, dédié au mariage entre « arabe et noir » pour s’en rendre compte, voir les dégâts bien réels de ces assignations, qui expriment des fonctionnements communautaires et même communautaristes puissants, interdisant le mélange. (…) Il y a ainsi de nombreux témoignages qui s’enchaînent, avec des échanges qui révèlent très bien certaines fractures de notre société, qui à ne pas être mises en lumière se perpétuent sur notre territoire, avec des situations hors droit, discriminatoires qui peuvent être terribles, et devraient être dénoncées et combattues comme intolérables. « T’es arabe et tu sors avec une Noire ? T’as pété les plombs ! » titrait une courte enquête sur le sujet de l’Obs, qui développait : « Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l’intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation. » Les choses se précisent dans les témoignages : « « Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s’apprécient. Mais la limite, c’est l’amitié. Un mariage, c’est niet. Chacun à sa place. » Ou encore, sous un jour plus cru : « Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l’autre. Genre un Noir est mieux qu’un Arabe ou l’inverse, qu’un Algérien est mieux qu’un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d’une religion ou d’une couleur de peau. » On nous dit encore que les uns et les autres « ne sont pas disposés à accepter le métissage » et même que « Si elle ne ramène pas quelqu’un à la maison, j’ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. » Cela laissant supposer le risque d’un mariage forcé, en reflet d’une Mission à l’égalité de la Région Ile de France qui a pu à un moment alerter sur la recrudescence de ce type de pratique. Mesure-t-on bien ce que cela signifie de rupture avec un mode de vie, une liberté qui en France aujourd’hui est fondée sur l’autonomie de la personne ? La rupture avec le processus d’intégration que cela signifie ? Et ce que cela indique comme enjeu concernant la maîtrise des flux migratoires, afin de créer les conditions d’une intégration réussie de ceux qui arrivent sur notre sol ? Ce qui donc exige le respect de nos valeurs et principes républicains, hors de quoi nous ne pouvons aller que vers de graves difficultés. (…) Nous sommes dans une situation où la question du racisme et des discriminations est dominée par l’idéologie de groupuscules tels que les indigènes de la République et autres décoloniaux, qui s’auto-assignent au statut de racisés, militent pour un séparatisme selon les différences largement relayé par bien des élites médiatiques acquises au modèle anglo-saxon du multiculturalisme. Selon cette idéologie, le racisme ou les discriminations ne pourraient s’appliquer qu’au regard de rapports de domination hérités, reproduits, en droite ligne du colonialisme ou encore, de l’esclavage, et donc, impliquant la seule responsabilité des blancs. Cette vision fantasmatique, qui sert les dessins d’un véritable projet politique, élude la question de la lutte universelle contre tout sentiment raciste, d’où qu’il vienne. On n’est pas sérieux sur ce sujet, à mettre en accusation permanente l’Etat républicain d’un racisme systémique sous l’influence de l’affaire George Floyd, comme s’y était aussi égaré l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, pendant que dans l’ombre de ces logiques communautaires des discriminations massives s’opèrent. La République n’a jamais toléré sous sa bannière ni l’esclavage ni la traite (Première abolition 1794, Première République, seconde abolition définitive 1848, Seconde République). Comme l’historien Marc Ferro le voyait dans son ouvrage majeur « le livre noir du colonialisme », qui nous a malheureusement récemment quitté, bien des altermondialistes qui n’hésitent pas à dénoncer la traite occidentale détournent le regard lorsqu’il est question de la même pratique dans l’histoire du monde arabo-musulman. Une certaine gauche ne s’en sort pas. N’oublions pas que derrière cela, il y a aussi une bonne dose de tension avec notre société, et des risques de radicalisation régulièrement soulignés par les enquêtes menées sur le sujet, indiquant que le communautarisme en est le terreau principal. Comment ne pourrait-il pas y avoir risque d’affrontement avec une partie de notre société, alors que des pratiques traditionnelles ou religieuses qui lui sont totalement contraires ne sont pas nommées, et donc, pas contrées, corrigées. Il faut ici sortir du déni, et cela devient de plus en plus urgent et vital. La loi « contre le séparatisme » rebaptisée « confortant le respect des principes républicains », prévoit bien l’interdiction des certificats de virginité délivrés par des professionnels de santé, ce qui est une bonne chose, précédant souvent des mariages arrangés voire forcés. Mais cela ne saurait suffire pour s’attaquer réellement à des systèmes organisés qui ne disent pas leur nom. Curieusement, certains articles sur l’événement, s’ils rendent compte du caractère raciste des faits, c’est sans donner l’information que l’individu qui a agressé le livreur parce qu’il était noir, s’est réclamé d’être algérien. Ce qui n’est pourtant pas banal et souligne un enjeu intercommunautaire qui ainsi risque de passer sous les radars. Le racisme n’est pas une opinion !», a réagi Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et la Licra s’est mise sur le dossier, tout en dénonçant cet acte odieux. (…) Dans l’enquête de l’Obs sur ce refus du métissage entre « communautés », à travers le refus de l’union entre descendants d’immigrés souvent français nés sur le sol de France, comme entre personnes noires et arabes, un témoignage vient souligner un aspect laissé dans l’ombre de l’histoire : « Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l’Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l’esclavage. » Il se trouve précisément, que lors de l’agression du livreur, celui-ci aurait été pris à parti par l’auteur se présentant comme algérien, selon un témoin, comme suit : « Il l’a traité d’esclave. » et plus encore « pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail » Une référence récurrente. On oublie un peu vite que l’esclavage et la traite d’origine arabo-musulmane furent considérables sur une très longue période, et que cela peut rester très ancré dans des rapports des uns envers les autres, dont l’héritage a du mal de toute évidence à évoluer. Un aspect de l’histoire qui d’ailleurs est rayé de la connaissance commune, à la faveur d’une loi dite Taubira qui a qualifié de « crime contre l’humanité » la traite et l’esclavage d’origine occidentale (environ 11 millions d’êtres humains), mais rien sur les autres traites, que ce soit celle exercée entre tribus africaines (environ 14 millions) ou encore celle propre à la domination arabo-musulmane de l’Afrique pendant des siècles (environ 17 millions). Il est évident que tant que l’on occultera l’histoire pour de très mauvaises raisons politiques sinon au nom d’on ne sait quelle mauvaise conscience, certains comportements, certaines traditions d’un autre âge, perdureront. Faire un véritable travail de prévention passe ici par l’école, l’éducation. Ce qu’il faut, c’est lever les tabous dans ce domaine, en enseignant l’esclavage et la traite, comme un phénomène historique qui a traversé bien des sociétés, mais qui n’a pas été aboli partout, et que seuls les régimes démocratiques en protègent, en en interdisant le retour. Cela passe par en finir avec ce relativisme culturel qui s’appuie sur l’idée de la reconnaissance de la « diversité » comme sacrée, désignée comme nouvelle dimension fondamentale des droits humains, de façon abstraite, pour mettre toutes les sociétés sur le même plan. Guylain Chevrier
Attention: un racisme systémique peut en cacher un autre !
A l’heure où s’installent dans les espaces jusqu’ici feutrés et privilégiés des universités américaines …
Dignes des plus belles années du bolchévisme ou de la révolution culturelle chinoise …
Sous couvert d’une ingénieuse coalition de minorités qui finissent, tout en invoquant constamment leur statut de minorité, par faire majorité …
Rien de moins qu’une police de la pensée et le plus pervers des terrorismes intellectuels…
Faisant passer l’Etat d’Israël de la réconciliation historique avec le Monde arabe, que lui avaient valu les Accords d’Abraham de Trump, à la plus vile condamnation en Occident …
Quelle meilleure démonstration plus près de chez nous à Cergy …
Les insultes racistes proférées à Cergy par un homme se décrivant comme algérien à l’encontre d’un livreur noir ont été largement reprises sur les réseaux sociaux.
Guylain Chevrier
Atlantico
1er juin 2021
Atlantico : Les insultes racistes proférées à Cergy par un homme se décrivant comme algérien à l’encontre d’un livreur noir qu’il a violemment agressé, ont été largement reprises sur les réseaux sociaux. Un cas révélateur d’une situation réelle mais qui semble peu évoquée dans les médias. Au-delà de cette affaire, le racisme intercommunautaire est-il important dans la société française ? Où et dans quelle mesure le trouve-t-on ?
Guylain Chevrier : Si on écoute comment des jeunes se parlent entre eux, même très jeunes, justement souvent ceux issus de l’immigration, ils s’interpellent sur le mode de l’assignation identitaire. « Le « rebeu » pour l’arabe, « le renoi » pour le noir, lorsque ce n’est pas « le negro », le « céfran » pour le Français, le « feuj » pour le juif, etc. On prend cela avec légèreté, un côté rigolade, telle la culture banale des quartiers, mais cela peut être très violent. En réalité, il y a là une tendance à renvoyer chacun à ses origines, à la couleur, à la nationalité ou à la religion des uns et des autres. Et cela n’est pas sans conséquence. Il suffit d’aller sur un Forum comme celui, féminin, dédié au mariage entre « arabe et noir » pour s’en rendre compte, voir les dégâts bien réels de ces assignations, qui expriment des fonctionnements communautaires et même communautaristes puissants, interdisant le mélange.
Extrait « Salem, je suis musulmane d’origine algérienne et sa fait 5 ans que je suis avec un musulman d’origine malienne. Notre histoire est très sincère et sérieuse, nous voulons faire notre vie ensemble mais le souci est que mon père n’accepte pas que je puisse me marier avec un noir, je compte faire le mariage religieux en prenant l’imam comme tuteur (c’est autoriser en cas de refus de la part du ‘vrai’ tuteur) mais sans la bénédiction de mon père c’est dur, il ne veut plus me parler ainsi que ma famille et je le vis mal… » Il y a ainsi de nombreux témoignages qui s’enchaînent, avec des échanges qui révèlent très bien certaines fractures de notre société, qui à ne pas être mises en lumière se perpétuent sur notre territoire, avec des situations hors droit, discriminatoires qui peuvent être terribles, et devraient être dénoncées et combattues comme intolérables.
« T’es arabe et tu sors avec une Noire ? T’as pété les plombs ! » titrait une courte enquête sur le sujet de l’Obs, qui développait : « Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l’intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation. » Les choses se précisent dans les témoignages : « « Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s’apprécient. Mais la limite, c’est l’amitié. Un mariage, c’est niet. Chacun à sa place. » Ou encore, sous un jour plus cru : « Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l’autre. Genre un Noir est mieux qu’un Arabe ou l’inverse, qu’un Algérien est mieux qu’un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d’une religion ou d’une couleur de peau. » On nous dit encore que les uns et les autres « ne sont pas disposés à accepter le métissage » et même que « Si elle ne ramène pas quelqu’un à la maison, j’ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. » Cela laissant supposer le risque d’un mariage forcé, en reflet d’une Mission à l’égalité de la Région Ile de France qui a pu à un moment alerter sur la recrudescence de ce type de pratique.
Mesure-t-on bien ce que cela signifie de rupture avec un mode de vie, une liberté qui en France aujourd’hui est fondée sur l’autonomie de la personne ? La rupture avec le processus d’intégration que cela signifie ? Et ce que cela indique comme enjeu concernant la maîtrise des flux migratoires, afin de créer les conditions d’une intégration réussie de ceux qui arrivent sur notre sol ? Ce qui donc exige le respect de nos valeurs et principes républicains, hors de quoi nous ne pouvons aller que vers de graves difficultés.
Ce sujet demeure-t-il encore tabou ? S’il est admis de faire des recherches sur le racisme dans la société française, n’est-il pas difficile d’évoquer des cas de racisme entre des communautés décrites par une certaine gauche comme des minorités dominées ?
Nous sommes dans une situation où la question du racisme et des discriminations est dominée par l’idéologie de groupuscules tels que les indigènes de la République et autres décoloniaux, qui s’autoassignent au statut de racisés, militent pour un séparatisme selon les différences largement relayé par bien des élites médiatiques acquises au modèle anglo-saxon du multiculturalisme. Selon cette idéologie, le racisme ou les discriminations ne pourraient s’appliquer qu’au regard de rapports de domination hérités, reproduits, en droite ligne du colonialisme ou encore, de l’esclavage, et donc, impliquant la seule responsabilité des blancs. Cette vision fantasmatique, qui sert les dessins d’un véritable projet politique, élude la question de la lutte universelle contre tout sentiment raciste, d’où qu’il vienne.
On n’est pas sérieux sur ce sujet, à mettre en accusation permanente l’Etat républicain d’un racisme systémique sous l’influence de l’affaire Georges Floyd, comme s’y était aussi égaré l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, pendant que dans l’ombre de ces logiques communautaires des discriminations massives s’opèrent. La République n’a jamais toléré sous sa bannière ni l’esclavage ni la traite (Première abolition 1794, Première République, seconde abolition définitive 1848, Seconde République). Comme l’historien Marc Ferro le voyait dans son ouvrage majeur « le livre noir du colonialisme », qui nous a malheureusement récemment quitté, bien des altermondialistes qui n’hésitent pas à dénoncer la traite occidentale détournent le regard lorsqu’il est question de la même pratique dans l’histoire du monde arabo-musulman. Une certaine gauche ne s’en sort pas.
N’oublions pas que derrière cela, il y a aussi une bonne dose de tension avec notre société, et des risques de radicalisation régulièrement soulignés par les enquêtes menées sur le sujet, indiquant que le communautarisme en est le terreau principal. Comment ne pourrait-il pas y avoir risque d’affrontement avec une partie de notre société, alors que des pratiques traditionnelles ou religieuses qui lui sont totalement contraires ne sont pas nommées, et donc, pas contrées, corrigées. Il faut ici sortir du déni, et cela devient de plus en plus urgent et vital. La loi « contre le séparatisme » rebaptisée « confortant le respect des principes républicains », prévoit bien l’interdiction des certificats de virginité délivrés par des professionnels de santé, ce qui est une bonne chose, précédant souvent des mariages arrangés voire forcés. Mais cela ne saurait suffire pour s’attaquer réellement à des systèmes organisés qui ne disent pas leur nom.
Curieusement, certains articles sur l’événement, s’ils rendent compte du caractère raciste des faits, c’est sans donner l’information que l’individu qui a agressé le livreur parce qu’il était noir, s’est réclamé d’être algérien. Ce qui n’est pourtant pas banal et souligne un enjeu intercommunautaire qui ainsi risque de passer sous les radars. Le racisme n’est pas une opinion !», a réagi Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et la Licra s’est mise sur le dossier, tout en dénonçant cet acte odieux.
Ce racisme est-il toujours lié à une réalité historique sur laquelle un travail de fond doit être fait ?
Dans l’enquête de l’Obs sur ce refus du métissage entre « communautés », à travers le refus de l’union entre descendants d’immigrés souvent français nés sur le sol de France, comme entre personnes noires et arabes, un témoignage vient souligner un aspect laissé dans l’ombre de l’histoire : « Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l’Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l’esclavage. » Il se trouve précisément, que lors de l’agression du livreur, celui-ci aurait été pris à parti par l’auteur se présentant comme algérien, selon un témoin, comme suit : « Il l’a traité d’esclave. » et plus encore « pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail » Une référence récurrente. On oublie un peu vite que l’esclavage et la traite d’origine arabo-musulmane furent considérables sur une très longue période, et que cela peut rester très ancré dans des rapports des uns envers les autres, dont l’héritage a du mal de toute évidence à évoluer. Un aspect de l’histoire qui d’ailleurs est rayé de la connaissance commune, à la faveur d’une loi dite Taubira qui a qualifié de « crime contre l’humanité » la traite et l’esclavage d’origine occidentale (environ 11 millions d’êtres humains), mais rien sur les autres traites, que ce soit celle exercée entre tribus africaines (environ 14 millions) ou encore celle propre à la domination arabo-musulmane de l’Afrique pendant des siècles (environ 17 millions). Il est évident que tant que l’on occultera l’histoire pour de très mauvaises raisons politiques sinon au nom d’on ne sait quelle mauvaise conscience, certains comportements, certaines traditions d’un autre âge, perdureront.
Faire un véritable travail de prévention passe ici par l’école, l’éducation. Ce qu’il faut, c’est lever les tabous dans ce domaine, en enseignant l’esclavage et la traite, comme un phénomène historique qui a traversé bien des sociétés, mais qui n’a pas été aboli partout, et que seuls les régimes démocratiques en protègent, en en interdisant le retour. Cela passe par en finir avec ce relativisme culturel qui s’appuie sur l’idée de la reconnaissance de la « diversité » comme sacrée, désignée comme nouvelle dimension fondamentale des droits humains, de façon abstraite, pour mettre toutes les sociétés sur le même plan. Ce dont il découle que considérer que telle société est moins développée qu’une autre en raison d’une forte fécondité liée à des croyances religieuses ou à la polygamie, pratiques appauvrissant la population, ce serait du racisme. C’est absurde. Ne pas vouloir le voir c’est laisser se reproduire certains aspects néfastes des cultures dont certaines traditions derrière le mot diversité qui cache des régressions que l’on ne prévient ainsi pas. C’est seulement lorsque l’on se considère comme des égaux que l’on peut se mélanger et donc, entre individus de droit et non, si on se considère d’abord comme relevant de telle ou telle prédestination identitaire. C’est même la meilleure arme contre le racisme. L’ONU elle-même qui défend bien plus les droits des minorités que l’égalité des droits a aussi ici ses responsabilités.
On doit mettre la conquête de l’égalité des droits et les responsabilités qu’elle engage, au titre des devoirs communs, au sommet de nos valeurs, comme acquis fondamental, bien universel devant l’histoire ! Voilà ce qui devrait pouvoir dessiner un destin commun à l’humanité par-delà les différences. Peut-être alors, pourrons-nous déjouer ces logiques préjudiciables pour la vie de bien des individus, ainsi que pour notre nation et plus généralement pour l’émancipation de tous, et espérer que le monde puisse devenir celui de citoyens libres et responsables.
« Si on écoute comment des jeunes se parlent entre eux, même très jeunes, justement souvent ceux issus de l’immigration, ils s’interpellent sur le mode de l’assignation identitaire. « Le « rebeu » pour l’arabe, « le renoi » pour le noir, lorsque ce n’est pas « le negro », le « céfran » pour le Français, le « feuj » pour le juif, etc. On prend cela avec légèreté, un côté rigolade, telle la culture banale des quartiers, mais cela peut être très violent. En réalité, il y a là une tendance à renvoyer chacun à ses origines, à la couleur, à la nationalité ou à la religion des uns et des autres. Et cela n’est pas sans conséquence. Il suffit d’aller sur un Forum comme celui, féminin, dédié au mariage entre « arabe et noir » pour s’en rendre compte, voir les dégâts bien réels de ces assignations, qui expriment des fonctionnements communautaires et même communautaristes puissants, interdisant le mélange. (…) Il y a ainsi de nombreux témoignages qui s’enchaînent, avec des échanges qui révèlent très bien certaines fractures de notre société, qui à ne pas être mises en lumière se perpétuent sur notre territoire, avec des situations hors droit, discriminatoires qui peuvent être terribles, et devraient être dénoncées et combattues comme intolérables. « T’es arabe et tu sors avec une Noire ? T’as pété les plombs ! » titrait une courte enquête sur le sujet de l’Obs, qui développait : « Amine, franco-marocain, aime Sadio, franco-malienne. Dans leur cité, l’intolérance de leurs familles les oblige à cacher leur relation. » Les choses se précisent dans les témoignages : « « Les Arabes et les Noirs vivent ensemble dans les blocs, s’apprécient. Mais la limite, c’est l’amitié. Un mariage, c’est niet. Chacun à sa place. » Ou encore, sous un jour plus cru : « Certains anciens de chez nous pensent que leur communauté vaut mieux que l’autre. Genre un Noir est mieux qu’un Arabe ou l’inverse, qu’un Algérien est mieux qu’un Marocain. Ils transmettent ça à leurs enfants. Ça va au-delà d’une religion ou d’une couleur de peau. » On nous dit encore que les uns et les autres « ne sont pas disposés à accepter le métissage » et même que « Si elle ne ramène pas quelqu’un à la maison, j’ai peur que ses parents ne commencent à lui forcer la main. Toutes ses sœurs, même les deux petites, sont mariées. » Cela laissant supposer le risque d’un mariage forcé, en reflet d’une Mission à l’égalité de la Région Ile de France qui a pu à un moment alerter sur la recrudescence de ce type de pratique. Mesure-t-on bien ce que cela signifie de rupture avec un mode de vie, une liberté qui en France aujourd’hui est fondée sur l’autonomie de la personne ? La rupture avec le processus d’intégration que cela signifie ? Et ce que cela indique comme enjeu concernant la maîtrise des flux migratoires, afin de créer les conditions d’une intégration réussie de ceux qui arrivent sur notre sol ? Ce qui donc exige le respect de nos valeurs et principes républicains, hors de quoi nous ne pouvons aller que vers de graves difficultés. (…) Nous sommes dans une situation où la question du racisme et des discriminations est dominée par l’idéologie de groupuscules tels que les indigènes de la République et autres décoloniaux, qui s’autoassignent au statut de racisés, militent pour un séparatisme selon les différences largement relayé par bien des élites médiatiques acquises au modèle anglo-saxon du multiculturalisme. Selon cette idéologie, le racisme ou les discriminations ne pourraient s’appliquer qu’au regard de rapports de domination hérités, reproduits, en droite ligne du colonialisme ou encore, de l’esclavage, et donc, impliquant la seule responsabilité des blancs. Cette vision fantasmatique, qui sert les dessins d’un véritable projet politique, élude la question de la lutte universelle contre tout sentiment raciste, d’où qu’il vienne. On n’est pas sérieux sur ce sujet, à mettre en accusation permanente l’Etat républicain d’un racisme systémique sous l’influence de l’affaire George Floyd, comme s’y était aussi égaré l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, pendant que dans l’ombre de ces logiques communautaires des discriminations massives s’opèrent. La République n’a jamais toléré sous sa bannière ni l’esclavage ni la traite (Première abolition 1794, Première République, seconde abolition définitive 1848, Seconde République). Comme l’historien Marc Ferro le voyait dans son ouvrage majeur « le livre noir du colonialisme », qui nous a malheureusement récemment quitté, bien des altermondialistes qui n’hésitent pas à dénoncer la traite occidentale détournent le regard lorsqu’il est question de la même pratique dans l’histoire du monde arabo-musulman. Une certaine gauche ne s’en sort pas. N’oublions pas que derrière cela, il y a aussi une bonne dose de tension avec notre société, et des risques de radicalisation régulièrement soulignés par les enquêtes menées sur le sujet, indiquant que le communautarisme en est le terreau principal. Comment ne pourrait-il pas y avoir risque d’affrontement avec une partie de notre société, alors que des pratiques traditionnelles ou religieuses qui lui sont totalement contraires ne sont pas nommées, et donc, pas contrées, corrigées. Il faut ici sortir du déni, et cela devient de plus en plus urgent et vital. La loi « contre le séparatisme » rebaptisée « confortant le respect des principes républicains », prévoit bien l’interdiction des certificats de virginité délivrés par des professionnels de santé, ce qui est une bonne chose, précédant souvent des mariages arrangés voire forcés. Mais cela ne saurait suffire pour s’attaquer réellement à des systèmes organisés qui ne disent pas leur nom. Curieusement, certains articles sur l’événement, s’ils rendent compte du caractère raciste des faits, c’est sans donner l’information que l’individu qui a agressé le livreur parce qu’il était noir, s’est réclamé d’être algérien. Ce qui n’est pourtant pas banal et souligne un enjeu intercommunautaire qui ainsi risque de passer sous les radars. Le racisme n’est pas une opinion !», a réagi Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et la Licra s’est mise sur le dossier, tout en dénonçant cet acte odieux. (…) Dans l’enquête de l’Obs sur ce refus du métissage entre « communautés », à travers le refus de l’union entre descendants d’immigrés souvent français nés sur le sol de France, comme entre personnes noires et arabes, un témoignage vient souligner un aspect laissé dans l’ombre de l’histoire : « Faut dire aussi que dans nos bleds, il y a certains préjugés. Au Maroc, l’Afrique noire renvoie parfois à des choses négatives. La pauvreté, la maladie et même, pour certains, l’esclavage. » Il se trouve précisément, que lors de l’agression du livreur, celui-ci aurait été pris à parti par l’auteur se présentant comme algérien, selon un témoin, comme suit : « Il l’a traité d’esclave. » et plus encore « pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail » Une référence récurrente. On oublie un peu vite que l’esclavage et la traite d’origine arabo-musulmane furent considérables sur une très longue période, et que cela peut rester très ancré dans des rapports des uns envers les autres, dont l’héritage a du mal de toute évidence à évoluer. Un aspect de l’histoire qui d’ailleurs est rayé de la connaissance commune, à la faveur d’une loi dite Taubira qui a qualifié de « crime contre l’humanité » la traite et l’esclavage d’origine occidentale (environ 11 millions d’êtres humains), mais rien sur les autres traites, que ce soit celle exercée entre tribus africaines (environ 14 millions) ou encore celle propre à la domination arabo-musulmane de l’Afrique pendant des siècles (environ 17 millions). Il est évident que tant que l’on occultera l’histoire pour de très mauvaises raisons politiques sinon au nom d’on ne sait quelle mauvaise conscience, certains comportements, certaines traditions d’un autre âge, perdureront. Faire un véritable travail de prévention passe ici par l’école, l’éducation. Ce qu’il faut, c’est lever les tabous dans ce domaine, en enseignant l’esclavage et la traite, comme un phénomène historique qui a traversé bien des sociétés, mais qui n’a pas été aboli partout, et que seuls les régimes démocratiques en protègent, en en interdisant le retour. Cela passe par en finir avec ce relativisme culturel qui s’appuie sur l’idée de la reconnaissance de la « diversité » comme sacrée, désignée comme nouvelle dimension fondamentale des droits humains, de façon abstraite, pour mettre toutes les sociétés sur le même plan. Ce dont il découle que considérer que telle société est moins développée qu’une autre en raison d’une forte fécondité liée à des croyances religieuses ou à la polygamie, pratiques appauvrissant la population, ce serait du racisme. C’est absurde. Ne pas vouloir le voir c’est laisser se reproduire certains aspects néfastes des cultures dont certaines traditions derrière le mot diversité qui cache des régressions que l’on ne prévient ainsi pas. C’est seulement lorsque l’on se considère comme des égaux que l’on peut se mélanger et donc, entre individus de droit et non, si on se considère d’abord comme relevant de telle ou telle prédestination identitaire. C’est même la meilleure arme contre le racisme. L’ONU elle-même qui défend bien plus les droits des minorités que l’égalité des droits a aussi ici ses responsabilités. On doit mettre la conquête de l’égalité des droits et les responsabilités qu’elle engage, au titre des devoirs communs, au sommet de nos valeurs, comme acquis fondamental, bien universel devant l’histoire ! Voilà ce qui devrait pouvoir dessiner un destin commun à l’humanité par-delà les différences. Peut-être alors, pourrons-nous déjouer ces logiques préjudiciables pour la vie de bien des individus, ainsi que pour notre nation et plus généralement pour l’émancipation de tous, et espérer que le monde puisse devenir celui de citoyens libres et responsables. »
ENQUÊTE – Le moindre «écart de langage» d’un professeur permet à certains militants de le clouer au pilori et de ruiner sa carrière. S’estimant persécutées, les minorités américaines prennent le pouvoir sur les campus. Les réseaux sociaux renforcent une mentalité de meute.
Adrien Jaulmes
Le Figaro
30/05/2021
À la fin de l’un de ses cours à la faculté de droit de l’université Georgetown, à Washington DC, au mois de février dernier, la professeur Sandra Sellers discute avec un collègue, David Batson. Pour cause de pandémie, le cours a eu lieu via le logiciel de vidéo- conférence Zoom et les deux professeurs sont restés connectés après que les étudiants sont déjà partis. «Tu sais quoi? dit Sellers à son collègue, j’ai horreur de dire ça, mais je finis par avoir cette angoisse chaque semestre, parce que beaucoup de mes étudiants avec les plus mauvaises notes sont des Noirs.» «Ça arrive presque tous les semestres, poursuit-elle. Et c’est toujours pareil, on va me dire: “Oh, allez! Vous savez, vous en avez aussi de très bons.” Mais il y en a aussi généralement qui sont tout simplement en bas du classement.» Batson ne répond pas, mais opine de la tête. Plus personne n’est connecté, mais le système continue à enregistrer leur conversation. L’accès à la vidéo est cependant limité, par mot de passe, aux étudiants de la faculté.
Deux semaines plus tard, début mars, un extrait filmé de leur dialogue est publié sur Twitter par un étudiant. Il déclenche un scandale qui se répand à toute vitesse sur le campus. L’association des étudiants noirs de la faculté de droit réagit en publiant sur Facebook un communiqué réclamant la sanction immédiate des deux professeurs. «Nous ne demandons rien de moins que le licenciement immédiat de Sandra Sellers. Pas de suspension. Pas d’enquête. L’université doit prendre des mesures rapides et définitives face à un racisme flagrant et éhonté. (…) Ces déclarations racistes révèlent non seulement les véritables convictions de Sellers sur les étudiants noirs, mais elles illustrent également les préjugés conscients et inconscients systématiquement présents dans la notation des étudiants en droit à Georgetown et dans les facultés de droit du pays. La différence, c’est que Sellers s’est fait prendre et que son racisme a été diffusé aux yeux du monde entier.»
Le doyen de la faculté de droit, Bill Treanor, réagit aussitôt. «Nous prenons cette situation avec le plus grand sérieux. J’ai regardé une vidéo de cette conversation et je trouve le contenu odieux, écrit-il dans un communiqué. J’ai informé le professeur Sellers que je mettais fin à son contrat avec la faculté de droit de Georgetown avec effet immédiat… Le professeur Batson a été placé en congé administratif en attendant l’enquête du Bureau de la diversité, de l’équité et de l’action positive, dont les résultats guideront nos prochaines étapes. Jusqu’à la fin de l’enquête, le professeur Batson ne participera plus au cours dans lequel l’incident s’est produit.»
«Les mots seuls ne suffiront pas, je le sais, à nous faire avancer, poursuit le doyen. Pourtant, je veux commencer par présenter des excuses aux étudiants, au corps enseignant, au personnel et aux anciens élèves qui ont été touchés par cet incident. J’attends plus de cette école de droit que ce que nous avons vu dans cette vidéo. Nous pouvons faire mieux et nous le ferons.»
Âgée de 62 ans, experte juridique spécialisée dans la médiation et la négociation de litiges en matière de propriété intellectuelle, Sandra Sellers fait acte de contrition. «Je suis profondément désolée pour mes remarques blessantes et déplacées, écrit-elle en annonçant son départ. Bien que la vidéo soit un extrait d’une discussion plus longue… cela ne diminue en rien l’insensibilité dont j’ai fait preuve. Je ne ferais jamais rien pour blesser intentionnellement mes étudiants ou la faculté de droit de Georgetown et j’aimerais pouvoir retirer mes paroles. Indépendamment de mon intention, j’ai causé un préjudice irréparable et j’en suis vraiment désolée. Pour cette raison, je démissionne immédiatement et volontairement de mon poste de professeur auxiliaire.»
L’Association des étudiants noirs exige aussi des «excuses publiques du professeur David Batson pour son incapacité à condamner de manière adéquate les déclarations de Sellers». Elle les obtient: «Je comprends que j’ai manqué l’occasion de répondre de manière plus directe au contenu inapproprié de ces remarques, écrit Batson. Je m’en excuse sincèrement. Cette expérience m’a donné, et j’espère à d’autres, une occasion inestimable de reconsidérer les actions à entreprendre lorsque nous sommes confrontés à des remarques sensibles.»
«Suprématie blanche sous-jacente»
Le doyen annonce une série de nouvelles mesures: la mise en place dès la rentrée d’une «formation à la non-discrimination» et l’«allocation d’une bourse aux membres du corps enseignant qui souhaitent travailler pendant l’été à l’élaboration de matériel pédagogique traitant de la justice raciale, des inégalités raciales, ainsi que des expériences et de l’action des groupes traditionnellement marginalisés». Mais, surtout, il annonce que les étudiants auront désormais la possibilité de signaler «de façon confidentielle auprès du Bureau de la diversité institutionnelle, de l’équité et de l’action positive» d’éventuels incidents racistes.
Comme de nombreux autres campus américains, l’université Georgetown a expérimenté l’un des effets de la fameuse «cancel culture», ou «culture de l’annulation». Sur les bords du Potomac, dans la vieille ville de Georgetown, cette institution fondée par les jésuites en 1789 est l’une des premières universités catholiques dans ce pays où les établissements les plus prestigieux sont protestants. Elle accueille 12.000 étudiants, venus y vivre une expérience «qui prépare la future génération des citoyens globaux à prendre la direction et faire une différence dans le monde de demain», selon la brochure de l’université.
Les choses n’en restent pas là. Dans les semaines qui suivent, un professeur noir appelle les autres professeurs «non-noirs» à prendre parti plus clairement dans cette affaire. Une déclaration est aussitôt rédigée, dans laquelle les signataires «reconnaissent leur responsabilité en tant que membres non noirs du corps enseignant à s’engager dans un travail constant d’examen et de révision de leurs propres préjugés». Ils «reconnaissent également les nombreux cas où la notion de suprématie blanche, sous-jacente aux idées de mérite, peut contaminer l’évaluation des performances» des étudiants. Presque tous les professeurs de la faculté de droit de Georgetown signent la déclaration.
Lama Abu-Odeh a refusé. Cette professeur de droit d’origine palestino-jordanienne fait partie des rares voix à s’être élevées contre le sort fait à sa collègue, et aussi contre le climat d’intimidation imposé par les associations de militants antiracistes. «Quand cet incident a eu lieu, mes étudiants voulaient en parler, certains ont demandé pourquoi cette enseignante avait été contrainte à la démission, explique-t-elle. Je leur ai dit que notre conversation était enregistrée, et qu’il fallait faire attention, que nous sommes dans une société où l’on doit prendre garde à ce que l’on dit, et que j’étais désolée de cet état de choses.»
«Les professeurs ne sont pas protégés par la direction de l’université, poursuit-elle. Un incident comme celui de Georgetown est un message adressé à chaque professeur: voici ce qui peut vous arriver si vous dites ce qu’il ne faut pas. Et une fois que vous serez qualifié de raciste, personne ne vous soutiendra. Tout le monde dans les universités est terrifié. Toute votre existence professionnelle est entre leurs mains, votre carrière peut s’arrêter du jour au lendemain, vous pouvez tout perdre.»
Lama Abu-Odeh a signé depuis dans la revue en ligne Quillette une lettre ouverte où elle dénonce une «révolution culturelle» en marche à l’université Georgetown. Elle décrypte l’incident comme une prise du pouvoir par «une nouvelle élite dirigeante qui s’empare des institutions universitaires en utilisant son statut de minorité» et contre laquelle les libéraux progressistes sont impuissants à lutter, même quand leurs principes fondamentaux sont foulés aux pieds. «Un de mes collègues a fait remarquer que je gaspillais de précieuses ressources de victimisation en refusant de signer la déclaration des professeurs non noirs en tant que musulmane, palestinienne, femme, blablabla, note-t-elle. C’est là toute l’ingéniosité du régime minoritaire: une coalition de minorités qui, collectivement, forment une majorité, mais qui est néanmoins toujours en mesure d’invoquer son statut de minorité pour préserver son pouvoir. Le pouvoir est présenté comme l’absence de pouvoir pour préserver le pouvoir réel.»
Daniel Kovalik, professeur de droit à l’université de Pittsburgh et militant de gauche traditionnel, se dit effaré par ce nouveau phénomène, auquel il a consacré un récent ouvrage, Cancel this Book (non traduit). «Ces nouveaux militants ne ressemblent pas aux activistes traditionnels, tel que je l’étais moi-même comme étudiant, quand je militais pour l’égalité des droits ou en faveur de la paix. Ce mouvement s’attaque à des individus. Ses mécanismes sont ceux des persécuteurs. Je ne vois rien de progressiste là-dedans», explique ce spécialiste des droits de l’homme. «Les réseaux sociaux ont un effet accélérateur, ajoute-t-il, et ils renforcent une mentalité de meute: la foule est anonyme. Ils ne demandent pas non plus beaucoup d’énergie: ces prétendus activistes restent chez eux derrière leur écran. Parce qu’on a posté quelque chose sur internet, on a l’impression d’avoir agi dans la réalité. Mais c’est aussi redoutablement efficace: les gens sont contraints au silence. Un professeur qui perd son poste, et ce sont des centaines qui se taisent. Dans les universités, les gens ont peur, le pouvoir appartient à ceux qui crient le plus fort.»
«Ce qui me trouble le plus, conclut Daniel Kovalik, c’est que ce mouvement possède des caractéristiques quasi religieuses et absolutistes. Il n’y a pas de pardon ni de rédemption, juste la damnation. Paul reste Saul et Marie-Madeleine reste une prostituée pour l’éternité. Et le mouvement n’en est qu’à ses débuts.»
Sandra Sellers, an adjunct professor at Georgetown University’s Law Center, was forced to resign because she was caught on video saying to her colleague and co-teacher David Batson: “I hate to say this… I ended up having this, you know, angst every semester that a lot of my lower ones are blacks. Happens almost every semester. And it’s like, ‘Oh, come on!’ You know? Got some really good ones but there’s usually some that are just plain at the bottom. It drives me crazy. Of course there are the good ones… but come on…” Batson appeared in the video nodding embarrassedly.
The video was a class recording which is only accessible to students in the class and is password protected. The conversation took place after students had logged out and the professors, unaware that the recording of the class ran for 10 minutes after the end of class time, thought they were having a private conversation. A student (not enrolled in the class) posted the video on Twitter and it instantly got thousands of retweets. In response, the dean acted by first referring the culprit professors to the university’s Equity and Diversity Committee for investigation and then, after the Black Law Student Association of Georgetown (BLSA) issued a statement declaring what was said was racist and demanding that Sellers be fired, he terminated Professor Sellers’s contract. Batson was placed on administrative leave pending an investigation by the Diversity Committee, which will also investigate whether the professors’ alleged bias affected the grades they gave their students. He later resigned. The dean described the conversation between him and Sellers as “abhorrent.”
What was interesting was what ensued afterwards. The black faculty at Georgetown Law issued a statement denouncing what Sellers said, describing it as “grounded in white supremacist thought.” The statement argued that Sellers’s comments amounted to a stereotype about black students that inevitably had a negative effect on their performance and called for revisiting all the grades awarded by her. The statement insisted that her comments were not “unique” as the “legacy of white supremacy is insidious” and called on professors who “operate from unspoken white supremacist notions… to examine their own flawed thought patterns and correct them.” A black professor called for non-black faculty to issue a statement “not necessarily in support of the letter already written, but from the position of their privilege within racialized spaces like the classroom” and wondered “in what numbers would such a letter be supported and with what reservations?” Quickly and on cue, a statement by the non-black faculty was drafted in which the signatories “acknowledge[d] [their] responsibility as non-Black faculty members to engage in the constant work of examining and revising [their] own flawed premises.” They also “acknowledge[d] the many levels at which [they] must confront ongoing white supremacist notions underlying ideas of merit that may contaminate assessment and performance.” This sentiment was repeated four times in the statement, each time drafted slightly differently but making the same point. Close to every member of Georgetown Law’s non-black faculty (and others) signed the letter.
I, and a few others, withheld our signatures.
In the face of this overwhelming support by the non-black faculty, two white professors of the boomer generation with plenty of progressive credentials pushed back.
One agreed with the general framing of the incident as described in the statement by the black faculty but worried about the precedent of firing a professor for expressing her views to a colleague in what she had good reason to think was a private conversation, especially as this firing was in violation of Georgetown’s policies on secondary use of videos recording class content. Georgetown’s policy prohibits secondary use of these videos by anyone for any purpose whatsoever, with primary use being confined to students enrolled in the relevant class.
This was followed by another email in which this professor expressed exasperation at the twin statements on the grounds that they handed the political Right an easy target from a culture war perspective and suggested a more earnest effort was needed to address the question of poor performance by minorities at Georgetown Law. If they were performing badly, then surely the faculty needed to figure out ways to better serve them. He called for putting aside the narrow conception of merit which underpinned the poor evaluation of some students, linked as it is to filling vacancies at rich law firms, and suggested instead training students to acquire a range of skills for different types of employment.
The other professor who pushed back complained that the two statements relied overmuch on the notion of “unconscious bias” which presupposed the problem is linked to the shortcomings of particular individuals, when, in fact, “structural racism” is to blame. She expressed sorrow for the destruction of the career of Professor Sellers without due process and insisted that structural racism would not be cured by diversity training but required the thoughtful use of additional resources for “unprepared low performing students”. She went on to advocate that we redesign our courses so that they’re more reflective of the experiences of minority groups. While she began her email by describing the torment she went through on whether to “sign or not sign” the statement by the non-black faculty, the male professor expressed his opinion without, in his words, “sugar coating it,” and described the statement by non-black faculty as a form of “virtue signaling.”
Both of these statements were met by silence.
The silence to my mind is telling. It speaks of the lack of resources within progressive thinking that could be drawn upon to resist the trend that has bedeviled American academia over the past few years. The academy is a different place today than it was only a year ago and was different a year ago than it was five years before. Terror and dread fill academic workers, professors, and staff alike, and it is everywhere. Neither the call for distinguishing between unconscious bias and structural racism; nor for dismantling “merit” so that “minorities” succeed, seem able to do the work the authors of these emails want them to do. They fail to deliver responses of the kind, “Let’s just talk about this. Maybe the problem is overdetermined and is not reducible to ‘unconscious bias.’” What they beget instead is a combination of dread and virtuous self-congratulation. These two sentiments, dread married to virtue, constitute to my mind the affective embodiment of progressive ideology prevalent among white liberals as developed in its most privileged space: academia. They are typical. They are two faces of the same coin: flip and you see dread, flip again and you see virtue.
Both of the push-back statements by the rebel academics take it for granted that many of the assumptions made by those within the progressive camp, as represented by the two statements, are correct. One idea, which neither challenges, is that “minorities” are in a bad place in contemporary America simply in virtue of being minorities. Having agreed with this foundational premise, the two dissenters assume that debate is possible on how best to go about fixing the problem. But the problem is the ideology that frames the question in this way.
Progressive liberals are blind to the fact that there is a regime take-over apace everywhere in academic institutions. A new ruling elite is taking over academic institutions by using its “minority status” to exercise a “soft” coup and is appealing to the minoritarianism of progressive ideology to legitimize its coup—or, if you like, to “manufacture consent.” I will call the adherents of this ideology the “progressoriat.”
The reason that challenging any aspect of this dominant ideology is taboo is because it leaves you vulnerable to the charge that you are uncomfortable with the project of empowering minorities—not just the transfers of power from traditional elites to historically disadvantaged groups that has already begun to take place in the academy, but further transfers of power. The only acceptable response when confronted by any aspect of the ideology that has facilitated this coup is to enthusiastically endorse it—to celebrate it. If you’re not a minority, anything less risks being interpreted as dread at the prospect of your own imminent loss of status—or, if you are, as evidence that your soul has been “colonized” by white supremacists. As I said, virtue as the other side of dread.
The position of the progressoriat in relation to this coup is akin to that of communist activists in relation to a communist takeover. At first they see it as representing what they always fought for; then with time they find themselves having to decide whether its first atrocity is to be criticized or understood as necessary; then, when the next atrocity takes place, they feel they must tolerate it because they didn’t object to the first atrocity and, before long, a time comes when any objection can only be made at a huge cost to themselves. The unfolding history of the new coup is being written every day across the domain of academic institutions in the US as the progressoriat watch muffled, hesitant objecting in private, and then, when someone makes their reservations public, finding themselves at risk of being suspended or losing their jobs.
The new elite taking over academic institutions has at its disposal an arsenal of tools to perpetuate its rule. It not only postures as representative of others in the way communists did—the “intelligentsia” representing the worker or the peasant in the latter’s case and representing victim groups in the former’s. The new elite can also represent itself as victims, an opportunity even communists would have baulked at. Members of the new elite have no hesitation at weaponizing their feelings, silencing opponents by claiming they’ve offended them. And, of course, such claims are readily accepted by the progressoriat because of their acceptance that minorities are necessarily oppressed. In this way, the new power elite can present itself as being victims, as well as representing victims. In other words, it has the power to make itself The Cause. This is why the insistence on the ubiquity of unconscious bias is important: it allows the new elite to consolidate their status by continually self-referencing as victims. Bias being everywhere means that the new ruling class, in spite of having seized power, can continue to present themselves as being oppressed. By constantly claiming to be offended, triggering Pavlovian apologies and vows to “do better” from the progressoriat, who appear to have endless reservoirs of self-abnegation, the new elite establishes rituals that renew its rule and solicit ongoing consent to this rule.
The ranks of this new ruling class are refreshed by immigrant academics who come to understand themselves in the way progressivism understands them: as minorities who can also act victim-like if they want—a precious endowment in the cultural academic market. Intersectionality awaits to welcome them and give them a warm hug. They can be treated on principle as black-adjacent. To do that, they quickly learn that they have to concede leadership to their black colleagues as having the greatest claim to victimhood. If they don’t play the victim card, they throw away valuable currency when it comes to shinning up the academy’s greasy pole. A colleague of mine commented that I was wasting precious victimhood resources by refusing to sign the statement by non black faculty: Muslim, Palestinian, woman, dadidadida. This is the cleverness of minoritarian rule: a coalition of minorities that, collectively, form a majority but that is nevertheless always able to invoke its minoritatian status to preserve its power. Power is presented as the absence of power to preserve actual power.
The progressoriat are unable to talk about their impending demise because they have already used their own institutional power over decades to drive away conservatives. They turned their academic institution into a partisan echo chamber. Residing in an echo chamber only increases your moral certitude. Now they are being given a taste of their own brutal medicine. Meantime, the new elite is acting ruthlessly and impatiently and is only happy with declarations of complete submission. Any sign of hesitation on the part of a signatory—”Maybe we should talk about free speech too?”—is met with expressions of exasperation by the all-powerful members of the victim minority faculty. No hesitation or nuance is allowed: nothing but unequivocal loyalty oaths. The progressoriat can only repeat, “I believe in the cause. I believe. I believe. Believe me I believe.”
If this echoes a Maoist take-over, that’s because it is. It passes the sniff test.
Student activists sniffing a transfer of power are pushing it as far as they can, understanding it as part of a general generational take-over of elite institutions. Today’s students show little interest in free speech and appear more interested in moral point-scoring, especially graduate students. Polls show young academics pumped up more on moral steroids than intellectual ones. Why stop when you are winning? The situation is in flux which opens the door for moral entrepreneurs to up the ante. Some enterprising students at Georgetown Law complained to Slate magazine that the dean allowed the Federalist Society to host an event on a multi-racial working class by “three white men.” Moral entrepreneurship means that what it is to be racist is being redefined daily with someone’s demise—an ongoing post-fact articulation of the definition of “bias”—and why not declare conservatism racist while you’re at it?
The new elite in academia is part of a more general phenomenon of the rise of the technocrats who have found a home in the Democratic Party so that academic institutions, who produce these technocrats, are now the direct and unmediated suppliers of a political class whose educated credentials are its claim to rule. Academia has not only become without rival the incubating center of ruling class entitlement—and acts as a result as an extended arm of the Democratic Party—but it has also refashioned itself after the party. Like the latter, the academy acts like a council of elders managing various ethnic tribes residing under its jurisdiction. Note the rush to get out a statement when a minority group has been under assault: a group of sex workers are shot by a sex addict and the President of Harvard rushes out a statement opposing anti-Asian racism (and blaming Trump) because the killer was white and the victims Asians. So did Biden. Technocrats of virtue responding to lobbies of virtue.
The rise of the technocrat is itself reflective of the shift in US liberalism to diversity liberalism. Global capital disenfranchised the white working class by moving its investments overseas and replacing it with a diverse workforce recruited globally through lax enforcement of immigration rules. Technocratic managerialism armed with diversity liberalism is the way global capital rules. Because the white working class has lost power in the process it has to be continually depicted as having earned its demise. It has earned it by being morally compromised: in Hillary Clinton’s words, “the basket of deplorables.” Black elites coming to power as part of this shift feel comfortable exercising class dominance by deriding the white working class as racist. The continual invocation of the storming of the capitol as an expression of white supremacy is par for the course.
In Bobos In Paradise: The New Upper Class and How They Got there (2000), David Brooks describes the displacement of the WASPs as the dominant ethnic group in the US with the introduction in the early 60s of “merit” as the primary criterion of admission to universities, especially the Ivies. The new criterion was introduced by WASPs themselves, thus paving the way to their own demise and conceding power to a new emergent group that found its own flourishing within “merit”: the high-performing Jew. This led, a generation later, according to Brooks, to the rise of the Bobos (the bourgeois bohemians) as the new cultural and economic elite. They were bourgeois because they had acquired great riches given the demand for educated labor in the new global economy they had helped create—but they were also bohemian because they imbibed the modernist progressivist values of their Ivy League professors. In other words, like their predecessors, they laid the groundwork for their own destruction by embracing the ideology that evolved into the identity politics of the 90s.
The academic Bobos are now being displaced. Like the WASPs before them, they have written the script of their own demise—in their case, through a dedicated investment in the rise of the minority academic. The progressive ideology they subscribed to left them with no tools to resist their impending fall. What should we call the new elite? The Bobus—the bourgeois bureaucrats? They are bourgeois because they’ve benefitted from the rise in demand for their representative labor in the market of diversity liberalism; and bureaucratic because they have devised the rules enshrining various speech codes and policies that buttress their power. The bohemian questioning of conventional morality, and the drive for experimentation, have been replaced by the stern bureaucrat enforcing a new morality, with its demand for penance for past sins.
When I protested to the faculty diversity trainer, a law professor from the West Coast, that the real minority at Georgetown Law are the conservative students who have been telling me about how isolated and beleaguered they feel, especially with the flood of emails from the administration when Trump was in office denouncing racism, without defining what it is or indeed giving a single account of a racist incident, she quipped, “They don’t have to be at Georgetown. They can go to Notre Dame!”
TRIBUNE – Pour les nouveaux militants de la gauche identitaire américaine, l’État d’Israël est condamnable du fait même de sa force, à l’instar du «privilège blanc» (sic) aux États-Unis. Désormais, «c’est un wilsonisme de l’indignation diversitaire que la démocratie américaine exporte un peu partout», analyse le directeur de recherche au CNRS.
Ran Halévi
Ran Halévi est directeur de recherche au CNRS et professeur au Centre de recherches politiques Raymond-Aron.
Ce devait arriver tôt ou tard. La révolution identitaire, née dans les campus aux États-Unis avant de gagner la sphère publique et de déchirer les Américains, vient de franchir un pas de plus: avec la guerre de Gaza, elle a forcé les portes de la géopolitique en transposant les postulats de la «cancel culture» dans le domaine des relations internationales.
La convergence des luttes entre le «wokisme» et le Hamas a de quoi laisser perplexe. L’un représente tout ce que l’autre abhorre et réciproquement. Les partisans de la rectitude politique vivent à des années-lumière d’une organisation terroriste, fondamentaliste, qui vouerait à la damnation éternelle la théorie du genre, les confessions intersectionnelles, la subordination de la nature à la culture ou la liberté de choisir son sexe. Certains esprits, pourtant, n’ont pas ménagé leurs efforts pour découvrir une parenté entre les guerriers de la gauche morale et les combattants islamistes du Moyen-Orient. Telle Judith Butler, icône intellectuelle de la radicalité critique, au cours d’un séminaire antiguerre tenu à Berkeley en 2006: «Il est extrêmement important de comprendre le Hamas, le Hezbollah, comme des mouvements sociaux progressistes, de gauche, et qui font partie d’une gauche globale; cela ne nous empêche pas d’être critiques à l’égard de certaines dimensions de ces deux mouvements.» On imagine l’hilarité qu’auraient provoquée ces pieuses paroles chez les intéressés à Gaza ou à Beyrouth.
L’islamisme radical et la culture «woke» appartiennent à deux planètes différentes, mais il est certains traits familiers que l’un reconnaîtrait aisément chez l’autre. La volonté de subordonner la loi aux impératifs de la religion, dans un cas, de la morale dans l’autre. Une manière de concevoir la justice — et de l’appliquer — hors des règles du droit. Le refus aussi de la délibération, de la confrontation des opinions, puisque le dogme religieux, pas plus que les certitudes morales, ne sauraient être un objet de discussion. Enfin, l’essentialisation de l’autre, ici les sionistes et les Juifs, là les dominants blancs enfermés dans leur déterminisme.
La critique d’Israël est depuis longtemps un trait constitutif de la gauche progressiste aux États-Unis. À mesure que la politique identitaire imprégnait la vie publique, il était inévitable qu’elle finisse un jour par pénétrer dans l’enceinte du Capitole et qu’une vision alternative du conflit israélo-palestinien rompe le consensus longtemps très favorable à l’État hébreu. Et c’est le Parti démocrate, dont l’aile radicale ne cesse de gagner du terrain, qui allait lui servir de relais. Le dernier cycle des violences au Proche-Orient a permis de vérifier cet infléchissement historique. Telle représentante démocrate à la Chambre qualifiait Israël d’ «État-apartheid», une autre d’ «État terroriste», une troisième dénonçait l’«injustice systémique» qu’il inflige aux Palestiniens.
Beaucoup moins prévisible était la redéfinition d’un conflit national bientôt centenaire dans les termes de la justice raciale: Gaza n’était qu’un avatar de la tuerie de Ferguson (un jeune Noir abattu en 2014 par un policier blanc) et de la mort de George Floyd. À Londres, des manifestants scandaient «Palestine can’t breathe» (les mots de Georges Floyd avant de mourir) et «Palestinian Lives Matter».
Pour les activistes de Black Lives Matter et leurs soutiens démocrates, l’incrimination d’Israël, comme celle du racisme blanc en Amérique ou ailleurs, participe du même combat moral, de la même libération globale de la parole. Cette assimilation singulière a obtenu en quelques jours un écho extraordinaire, de Washington à Hollywood, ralliant des sportifs, des artistes, des vedettes de la mode, des influenceurs dont l’audience sur les réseaux sociaux est énorme. Et son pouvoir d’intimidation paraît d’autant plus redoutable qu’il est formaté dans le langage familier de la justice victimaire. Autrefois, les néoconservateurs américains voulaient installer à coups de canon la démocratie dans le monde arabe. Ce «wilsonisme botté», selon le mot de Pierre Hassner, a fait long feu. Aujourd’hui, c’est un wilsonisme de l’indignation diversitaire que la démocratie américaine exporte un peu partout, dont l’État hébreu est l’une des principales cibles.
À l’appel de cinq paroisses du XXe arrondissement et du diocèse de Paris, des fidèles s’étaient réunis samedi pour commémorer l’exécution de religieux lors de la Commune en mai 1871. Un homme a été hospitalisé.
Elisabeth Pierson
Samedi boulevard du Ménilmontant, les quelque trois cents fidèles catholiques réunis pour honorer la mémoire de martyrs catholiques de la Commune ont été hués et violemment agressés. Le rassemblement, qui réunissait cinq paroisses de l’est parisien et plusieurs associations diocésaines, devait s’étaler sur 4 km jusqu’à la paroisse Notre-Dame des Otages, le lieu même où, il y a 150 ans, 49 «otages», parmi lesquels dix religieux, avaient été fusillés par les fédérés, athéistes militants et anticléricaux.
«L’objectif était purement religieux, il n’y avait aucune revendication politique dans notre démarche», explique Monseigneur Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris. Des familles, des personnes âgées, de jeunes scouts et enfants de chœur, quelques poussettes avec des bébés, «une simple procession familiale et bon enfant», rapporte de son côté l’un des organisateurs au Figaro. Le point de départ avait été fixé au square de la Roquette, lieu de l’exécution de Mgr Georges Darboy, archevêque de Paris, le 24 mai 1871.
À peine la procession entamée, les fidèles commencent à se faire siffler et invectiver par des passants. «C’était d’abord des gens assis aux terrasses, des promeneurs, rien de trop méchant», rapporte l’organisateur. «On est de bonne composition, on a laissé passer». Mais devant le cimetière du Père Lachaise, la tension monte lorsque le cortège rencontre des «manifestants communards», munis de drapeaux rouges, qui tentent de couvrir le chant des fidèles par des slogans menaçants : «Tout le monde déteste les Versaillais ! À mort les fachos !». Des manifestants dont le rassemblement était prévu au même endroit, un peu plus tôt dans l’après-midi. «Une malheureuse conjecture», note Monseigneur Jachiet. L’atmosphère devient rapidement «oppressante», rapportent plusieurs participants au Figaro. «On se serait cru 150 ans en arrière, c’est surréaliste», raconte l’organisateur.
«Ils voulaient en découdre»
Tandis que la procession persévère, elle est de nouveau interrompue quelques centaines de mètres plus loin, lorsqu’un groupe d’une vingtaine de jeunes cagoulés arrive à son tour. «Ceux-là voulaient clairement en découdre, c’étaient des antifas», précise l’organisateur. «Ils nous ont arraché les bannières des mains, ont mis à terre le drapeau du Souvenir français qu’ils ont piétiné, asséné des coups de poing aux paroissiens», rapporte l’organisateur. «Ils nous jetaient des poubelles, des bouteilles, même des barrières grillagées», raconte l’une des manifestantes. Deux sexagénaires tombent au sol, un fidèle est sérieusement blessé au crâne. Il a été hospitalisé.
Les quelques agents de sécurité prévus par le diocèse et l’Ordre de Malte sont rapidement débordés. À l’avant du cortège, le seul policier envoyé par la préfecture appelle des renforts et tente de s’interposer entre les agresseurs et les fidèles, armé de sa bombe lacrymogène. «Il n’y a jamais de problèmes lors des processions catholiques, ce qui explique sans doute le faible effectif prévu par la préfecture», fait valoir Alexandra Kozak, paroissienne du quartier.
Les fidèles mettent un terme à la procession et se réfugient dans l’église la plus proche, Notre-Dame de la Croix. «On a attendu en priant, jusqu’à ce que la police nous exfiltre», raconte l’organisteur, qui évoque des enfants et mères de famille «sous le choc».
«Ce qui s’est passé est déplorable», a réagi Karine Dalle, responsable communication du diocèse de Paris auprès du Figaro. Conscient de toucher à un sujet «hautement sensible», et constatant que le programme de la journée avait été relayé sur des comptes et groupes Facebook d’extrême-gauche, le diocèse avait pourtant choisi de renforcer la sécurité de la marche. «Mais on ne s’attendait pas à une telle réaction, pour une procession purement religieuse», estime-t-elle, précisant qu’une plainte contre X va être déposée. Déjà quelques jours auparavant, la basilique de Montmartre, perçue pour certains comme une atteinte au souvenir des victimes de la Commune, avait fait l’objet d’une intrusion des partisans de cette page de l’histoire qui soulève encore les passions.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a quant à lui réagi sur Twitter dans la soirée dimanche à ce qu’il a qualifié de «prise à partie par des individus violents», ajoutant que «la liberté de culte doit pouvoir s’exercer en toute sérénité» dans le pays.
CHRONIQUE – Le journaliste américain Andy Ngo témoigne, au péril de sa vie, d’une mouvance qui cultive l’art de l’activisme clandestin dans Unmasked. Inside Antifa’s Plan to Destroy Democracy.
Mathieu Bock-Côté
Le Figaro
05/03/2021
On s’en souvient peut-être encore: interpellé par Donald Trump en débat lors des élections présidentielles américaines, qui lui demandait de condamner la mouvance «antifa», Joe Biden a répondu un peu étrangement en déclarant que ce qu’on appelle «antifa» ne serait pas une mouvance, encore moins une organisation, mais une idée. On a trouvé, au cours des dernières années, de nombreuses figures politiques pour répondre la même chose. Elles se drapent souvent dans la vertu en demandant comment on peut s’opposer à ceux qui s’opposent au fascisme. Ce n’était pourtant pas la première fois que Donald Trump s’inquiétait de la vigueur de cette mouvance, au point d’avoir laissé entendre qu’il la décréterait terroriste.
C’est un fait: les «antifas» ont pris beaucoup de place ces dernières années, quand leurs milices se sont emparées des rues américaines, en radicalisant plusieurs émeutes au nom de la «justice raciale», au point de les pousser, à la manière d’un mouvement agitateur, jusqu’à l’émeute. Mais qui sont-ils? Il fallait, pour répondre sérieusement à cette question, un véritable travail d’enquête, qu’a mené le journaliste américain Andy Ngo. Il l’a fait au péril de sa vie, comme il en témoigne dans Unmasked. Inside Antifa’s Plan to Destroy Democracy (édité par Center Street). Il en revient avec un ouvrage passionnant à propos d’une mouvance qui cultive l’art de l’activisme clandestin. Mais si les «antifas» ne sont pas rassemblés autour d’une structure ferme centralisée, on aurait tort de les croire désorganisés.
Au cœur de leur «antifascisme», on trouve une définition fantasmée du fascisme, qui n’a à peu près rien à voir avec le fascisme historique. Le fascisme se confond, à lire cette propagande, avec la démocratie libérale et le capitalisme, qui serviraient surtout à le masquer. De manière imagée, on dira que le fascisme est intrinsèquement lié, pour eux, à la structure même des sociétés occidentales. Partout, ils fantasment le racisme et le suprémacisme blanc. C’est ce qu’oublient souvent ceux qui parlent de cette mouvance avec complaisance. En reconnaissant aux «antifas» le droit de brandir l’étendard de l’antifascisme sans le leur contester, ils endossent la définition qu’ils en donnent, et leur accordent, quoique implicitement, une fonction légitime dans l’organisation de la cité.
La mouvance « antifa » désinhibe les pulsions violentes refoulées par la civilisation, en plus de prétendre les ennoblir
Ce qui distingue les «antifas», c’est un usage revendiqué de la violence. Leurs théoriciens parlent franchement: il s’agit de créer un environnement où les idées qu’ils réprouvent ne pourront plus s’exprimer. Il s’agit d’une violence sinon autorisée, à tout le moins tolérée par les pouvoirs publics, comme en témoigne Ngo, qui montre à quel point les activistes et émeutiers «antifas» sont rarement punis pour leurs actes, et sont même souvent relâchés lorsqu’ils sont pour un temps arrêtés. À Portland et à Seattle, ces dernières années, les «antifas» se sont emparés d’un morceau de territoire, décrétés ZAD libérée des États-Unis, et transformés en quelques jours en bidonvilles totalitaires. Les autorités municipales se montrèrent globalement tolérantes envers ceux qui occupaient des territoires de leurs villes. Les «antifas», jamais, ne risquent la dissolution.
Ngo, au fil de son enquête, débusque les mythes entourant cette mouvance. Une étrange rumeur veut que les «antifas», derrière leurs cagoules, soient composés de jeunes gens issus de la bourgeoisie, qui iraient s’encanailler en jouant à la révolution. Le portrait est beaucoup plus complexe. Si on en trouve dans leurs rangs, ces derniers attirent surtout des jeunes esprits psychiquement troublés, socialement fragilisés, à la manière d’un lumpenprolétariat identitaire de la postmodernité. Ils trouvent dans l’engagement «antifa» une forme de rédemption révolutionnaire: dès lors qu’il enfile sa cagoule et défonce sa première vitrine, le jeune converti se sent promu dans l’avant-garde révolutionnaire. La mouvance «antifa» désinhibe les pulsions violentes refoulées par la civilisation, en plus de prétendre les ennoblir.
Leurs théoriciens affichent leur dessein: il s’agit de terroriser leurs ennemis en les agressant, physiquement, s’il le faut, tout en présentant leurs actions comme des gestes d’autodéfense contre «l’extrême droite». En fait, ils se comportent comme une milice visant à créer un climat de terreur pour rendre impossible l’expression d’une dissidence contre l’idéologie diversitaire. Andy Ngo veut voir dans les «antifas» une menace pour l’ordre établi, à la manière d’un courant révolutionnaire classique. C’est peut-être là qu’il erre. Ni demain ni après-demain, les voyous encagoulés ne s’empareront du pouvoir. Il faut renverser la perspective: sans même en être conscients, ils servent l’air du temps, abattent ses ennemis, les molestent, un peu comme la SA de notre époque troublée.
Nourri par l’histoire et les difficultés sociales, aggravé parfois par les autorités, le rejet des populations noires reste prégnant en Afrique du Nord
Charlotte Bozonnet
Le Monde
23 novembre 2017
Parmi les réactions suscitées par la diffusion de la vidéo de CNN montrant une vente aux enchères de migrants subsahariens en Libye, la dénonciation d’un racisme anti-Noirs persistant dans les pays du Maghreb figure en bonne place. Si les situations n’y sont pas comparables à la barbarie observée en Libye, les communautés noires continuent toutefois d’y être victimes de mépris, de discriminations, voire d’agressions.
En Algérie, il existe une forte présence de migrants subsahariens qui y restent de quelques mois à quelques années, comme une pause sur leur route vers l’Europe. Selon les associations locales, ils seraient près de 100 000. Vivant dans les périphéries des grandes villes, privés de statut légal, ces habitants « fantômes » occupent souvent des emplois à la journée dans le secteur de la construction.
En octobre 2015, l’histoire de Marie-Simone, une migrante camerounaise d’une trentaine d’années, avait fait la « une » de la presse. Victime d’un viol collectif à Oran (ouest), elle avait eu le plus grand mal à se faire soigner et à porter plainte. En mars 2016, à Ouargla (centre), c’est le meurtre d’un Algérien poignardé par un migrant nigérien qui avait dégénéré en une véritable chasse aux migrants. Et les exemples ne manquent pas.
Les autorités algériennes sont récemment revenues sur la tolérance dont elles avaient fait preuve vis-à-vis de la migration subsaharienne depuis 2012 et le début des troubles au nord du Mali. En décembre 2016, 1 200 personnes ont été renvoyées du pays. D’autres rafles et expulsions ont depuis été menées dans les grandes villes du pays. Emmenés en bus jusqu’à Tamanrasset, à 2 000 km au sud d’Alger, ils ont ensuite été relâchés de l’autre côté de la frontière, côté nigérien, parfois en plein désert.
Au Maroc, de nombreux témoignages font aussi état d’un racisme latent. Celui-ci va de faits divers extrêmement violents – en 2014, trois migrants ont été tués à Boukhalef, un quartier périphérique de Tanger – à un racisme diffus. « Dans la rue, certains nous appellent Ebola », racontait un Camerounais rencontré en septembre à Tétouan (nord).
Tensions entre migrants subsahariens et jeunes Marocains, à Casablanca, le 24 novembre. FADEL SENNA / AFP
La partie nord du royaume est un territoire de passage pour les Subsahariens qui veulent tenter la traversée vers l’Europe : soit par la mer, soit en essayant de franchir les barrières qui séparent le continent africain des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Contraints de se cacher dans des conditions très dures, beaucoup sont victimes de bastonnades lorsqu’ils sont pris, puis envoyés dans des villes du sud du Maroc pour tenter de les éloigner.
En Mauritanie, plus au sud, le racisme ne vise pas les migrants de passage mais une partie des citoyens mauritaniens, rappelant la situation d’un pays où les Maures blancs concentrent la majorité des pouvoirs au détriment des Haratine, descendants d’esclaves, et des Négro-Africains. L’esclavage y a été interdit en 1981. Son interdiction a même été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la pratique reste courante.
« Le racisme anti-Noirs continue aujourd’hui au Maghreb. La couleur de peau est toujours associée à un statut inférieur. Des tribus pratiquaient l’esclavagisme dans tout le Maghreb et c’est resté dans l’imaginaire collectif », souligne le sociologue marocain Mehdi Alioua, président du Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants (Gadem). « L’esclavage, la chosification du corps est la forme la plus extrême du racisme », poursuit-il, en référence à la vidéo de CNN.
L’universitaire déplore toutefois le manque de recherches sur cette question. Le sujet du racisme anti-Noirs dans les pays nord-africains est peu documenté, par manque de moyens et certainement aussi à cause d’une forme d’autocensure. « Certains craignent d’être accusés de faire le jeu de l’Occident. La conséquence de cette absence de connaissances, c’est que, parfois, on sous-estime ce racisme, parfois, on le surestime », poursuit M. Alioua, qui précise toutefois que le débat avance : « A chaque fois qu’une campagne de sensibilisation est lancée, elle reçoit plutôt un bon écho au sein de la population, et ce dans tous les pays du Maghreb. »
Au Maroc, l’augmentation du nombre de migrants subsahariens ces dernières années a eu un effet ambivalent, provoquant tout à la fois plus de frustrations parmi la population – certains estimant, sur fond de difficultés économiques, que les migrants ont plus d’aides que les nationaux –, mais permettant en même temps de démocratiser la problématique et d’accroître la dynamique de soutien aux migrants.
En Algérie aussi, les associations se sont emparées ces dernières années de la situation des Subsahariens. Leïla Beratto, correspondante de RFI, travaille sur le sujet depuis des années. « Cette discrimination est liée à l’histoire de l’Algérie où des Noirs ont été les esclaves de riches familles à la peau claire, mais elle s’explique aussi par les différences culturelles entre Algériens et Subsahariens, qui se connaissent mal », note la journaliste.
L’un des facteurs déterminant de l’accueil réside dans l’attitude des autorités. Début juillet, Ahmed Ouyahia – devenu le 15 août premier ministre d’Algérie – avait affirmé que les migrants sont « une source de criminalité, de drogue et de plusieurs autres fléaux ». Quelques jours plus tard, le ministre des affaires étrangères, Abdelkader Messahel, parlait, quant à lui, d’« une menace pour la sécurité » du pays. « Dans ces conditions, le travail de sensibilisation sur le terrain est rendu encore plus difficile », souligne Leïla Beratto.
Le Maroc a connu, de son côté, un changement important de sa politique migratoire impulsé par le roi Mohammed VI depuis 2013. Alors que le royaume faisait face à de lourdes critiques pour son traitement des migrants, deux opérations de régularisations massives ont été lancées : la première, en 2014, a permis de régulariser 25 000 sans-papiers, la deuxième n’est pas achevée mais quelque 26 000 demandes ont été déposées. Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de l’ambitieuse politique africaine du royaume.
En Mauritanie, la lutte contre l’esclavage et les discriminations est devenue un thème incontournable de la vie politique, même si les militants de ce mouvement font régulièrement l’objet d’arrestations et de condamnations. Biram Ould Dah Ould Abeid, figure de ce combat, fut ainsi l’un des quatre candidats à l’élection présidentielle de juin 2014 face au président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz.
Mais c’est certainement dans la Tunisie post-révolutionnaire que l’évolution est la plus sensible. « Pendant longtemps, le sujet des Tunisiens noirs, traités comme des citoyens de seconde zone, a été un tabou », rappelle Houda Mzioudet, chercheuse et spécialiste des minorités en Tunisie.
Si leur nombre exact est difficile à déterminer, les Tunisiens noirs ou d’origine noire représenteraient 10 à 15 % de la population, surtout concentrés dans le sud du pays. En 2013, une marche pour la défense de leurs droits avait été organisée à Djerba. En 2016, l’agression de trois étudiants congolais en plein centre-ville de Tunis avait à son tour créé un vif émoi. Aujourd’hui, la Tunisie s’apprête à adopter une loi criminalisant la discrimination raciale. « Ce serait la première loi de ce type dans le monde arabe », souligne Houda Mzioudet.
Celui qui vous dit « Gorée est une île », celui-là a menti, cette île n’est pas une île, elle est continent de l’esprit. Jean-Louis Roy
Ce sanctuaire africain qui est la Maison des Esclaves fut capitale de souffrances et de larmes car des innocents sont morts ici, victimes du temps de la honte. Si ces murs pouvaient parler, ils en diraient long. Heureusement qu’ils se sont tus à jamais ; et moi, je fais parler ces murs. Joseph N’diyae
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.G.K. Chesterton
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
Nous sommes entrés dans un mouvement qui est de l’ordre du religieux. Entrés dans la mécanique du sacrilège : la victime, dans nos sociétés, est entourée de l’aura du sacré. Du coup, l’écriture de l’histoire, la recherche universitaire, se retrouvent soumises à l’appréciation du législateur et du juge comme, autrefois, à celle de la Sorbonne ecclésiastique.Françoise Chandernagor
Le capital de la France s’est égaré dans les iles productrices de sucre. De quelle démence absolue, de quel aveuglement témoigne une pareille conduite ! Ne pouvons-nous conclure avec raison que la plus grande faveur qu’un ennemi – ou plutôt un ami – pourrait faire à la France, ce serait de s’emparer de ses colonies et, de cette façon, d’arrêter cette misérable de capital ? Si les esclaves noirs chassaient les Européens des Antilles, ils seraient nos meilleurs amis, car les capitaux de la nation trouveraient l’emploi qu’ils auraient dû trouver depuis longtemps. A en croire le sens commun, la possession d’une telle province doit être estimée comme une cause de pauvreté et de faiblesse, non de richesse et de force. Ce n’est pas seulement le capital français employé dans les iles sucrières qui est détourné directement de l’agriculture; on peut en dire autant de tout le capital qui est employé dans le commerce extérieur. La possession d’iles sucrières, aussi riches et aussi prospères que celles de la France et de l’Angleterre, éblouit l’esprit humain, qui n’est apte à voir qu’un côté des choses; il ne considère ici que la navigation, la réexportation, le profit commercial, une grande circulation; il ne voit pas le revers de la médaille, de capitaux détournés du pays, d’une façon nuisible. (…) On ne voit pas que la culture de la Martinique a pour rançon les landes de Bordeaux, la culture de Saint-Domingue les déserts de la Bretagne, la richesse de la Guadeloupe la misère de la Sologne. Si vous acquérez les richesses provenant de l’Amérique au prix de la pauvreté et de la misère de provinces entières, êtes-vous assez aveugles pour penser que le bilan se chiffre par un bénéfice ? Tous les arguments que j’ai employés contre les iles sucrières françaises sont applicables à celles de l’Angleterre; les unes et les autres, je les considère comme des obstacles à la prospérité des deux royaumes, et, autant que puisse valoir l’expérience de la perte de l’Amérique du nord, je suis autorisé par ce fait si grand, si important, à penser qu’un pays peut perdre le monopole d’un empire éloigné, et, par l’effet même de cette perte imaginaire, devenir plus riche, plus puissant et plus prospère. Arthur Young (1788)
Puisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience. Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté, parce qu’il était nègre, de le rérduire à l’état de bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître pour un homme. Or il n’est pas ici d’échappatoire, ni de tricherie, ni de « passage de ligne » qu’il puisse envisager : un Juif, blanc parmi les blancs, peut nier qu’il soit juif, se déclarer un homme parmi les hommes. Le nègre ne peut nier qu’il soit nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Ainsi est-il acculé à l’authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse le mot de « nègre » qu’on lui a jeté comme une pierre, il se revendique comme noir, en face du blanc, dans la fierté. L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés dans le même combat doit être précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme antiraciste est le seul chemin qui puisse mener à l’abolition des différences de race. Jean-Paul Sartre (Orphée noir, 1948)
[La négrologie, c’est] deux choses. D’une part, la négritude, en clair la réaction d’une avant-garde d’étudiants africains établis dans les années 1930 en Occident aux préjugés dont ils étaient la cible. Une réaction aujourd’hui convertie en riposte de masse renvoyant à l’expéditeur un racisme qui colle à la peau pour s’attribuer des valeurs immuables, irréductibles à l’universel. C’est la crispation identitaire d’Africains qui se sentent relégués à la marge de la modernité. La négrologie, c’est d’autre part une série de mythes dérivés de faits historiques avérés – la traite esclavagiste et le colonialisme – selon lesquels tous les malheurs du continent plongent leurs racines dans ces tragédies: ainsi, les Africains seraient victimes, et jamais acteurs, de leur destin. (…) La couverture de l’Afrique au jour le jour s’en tient à un lexique recevable par le grand public, qui dépolitise et, de fait, travestit les réalités. C’est une écriture à double fond. J’ai voulu rompre avec cette duplicité de la bonne conscience. (…) Partie avec d’énormes handicaps, laissée pour compte après des décennies de paternalisme et de tutelle, l’Afrique a subi au lendemain de la chute du mur de Berlin les effets de guerres dévastatrices, de l’effondrement de l’Etat et du naufrage des rêves qui la propulsaient vers l’avant par l’éducation ou l’essor matériel. Malgré les efforts consentis par leurs parents, seuls 27% des écoliers vont au bout du cycle élémentaire. Ce traumatisme fait de la jeune génération – plus de la moitié des Africains ont moins de 15 ans – une génération de desperados. Le présent, pour eux, n’a pas d’avenir. (…) Quand j’écris l’Afrique meurt, je pense: des Africains meurent. Voyez, sur le front du sida, le Sud-Africain Thabo Mbeki: voilà un jeune président très bien formé, respectable, mais enkysté dans l’idée d’une renaissance africaine nécessairement précédée d’une épreuve analogue à la grande peste du XIVe siècle en Europe. Il croit à l’existence d’un «sida africain» qui frapperait en particulier l’homme noir. Cette vision a coûté la vie à des dizaines, sinon des centaines, de milliers de malades, privés de traitements appropriés. (…) Un de mes souvenirs les plus troublants d’étudiant étranger débarquant à Paris, c’est qu’à l’université mes condisciples noirs étaient notés de façon très indulgente. Le corps professoral estimait que ces enfants de notables formaient un précieux réseau d’influence. Ce type d’attitude, mélange de bienveillance et de calcul, constitue à mes yeux la pire forme du racisme. Si nous ne sortons pas de cette prison cutanée, comment ceux qui furent victimes de conduites racistes en sortiraient-ils? L’opinion réagit de façon anormale. Au cours des cinq années écoulées, la crise du Congo-Kinshasa a coûté la vie à plus de 3 millions de personnes. Où sont les intellectuels européens? Où sont les reportages? Pourquoi ce silence? Parce qu’on digère mieux les morts africains que les autres. Un seul émissaire étranger de haut niveau a assisté en 1995 aux cérémonies du premier anniversaire du génocide rwandais: la vice-Premier ministre ougandaise. L’ambassadeur de France avait pris congé. Peut-on imaginer cela en d’autres temps et sous d’autres cieux? Il paraît normal de mourir en masse en Afrique, puisque tout y est « primitif et sauvage ». Ce continent n’a pourtant pas le monopole de la cruauté. (…) L’Occident n’a jamais abandonné sa quête de l’homme fort. Qui est au roi nègre ce que la « bonne gouvernance » est à la corruption: une litote. Les Américains ont cherché des leaders providentiels endurcis par le maquis. Meles Zenawi en Ethiopie, Yoweri Museveni en Ouganda. Modèles voués à l’échec, puisque rien n’a été entrepris au niveau des institutions. A la clef, des individus isolés, en lévitation au-dessus de leur société. Tout autant que les dinosaures Omar Bongo (Gabon) ou Gnassingbé Eyadéma (Togo), mais plus féroces dans la répression. (…) La politique africaine de la France a été infiniment paternaliste. Pourquoi ses élites récusent-elles le constat de l’effondrement de l’Etat en Afrique? A gauche: parce qu’il conduirait à l’apologie d’une tutelle. A droite: parce qu’il discrédite quarante ans de coopération. Comment justifier quatre décennies d’assistance militaire au spectacle du naufrage de l’armée ivoirienne? (…) [L’Afrique] est riche de son sous-sol et, en ce sens, bénie des dieux. L’Afrique est riche, mais les Africains sont pauvres. Sortons de ce discours qui veut que les fléaux naturels orchestrent la fatalité. Les carences en termes d’organisation, les blocages sociaux, les échecs de l’instruction, la faiblesse des rendements: tout cela fait l’essentiel du malheur du continent. Si l’on remplaçait les 15 millions d’Ivoiriens par autant de Belges ou d’Irlandais, nul doute que la Côte d’Ivoire « tournerait ». (…) Tout passe d’abord par la vérité. Il faut un amour sans pitié pour l’Afrique. En France ou aux Etats-Unis, les Africains insérés dans un tissu social différent incarnent des figures de réussite. Alors que leur société d’origine opprime l’individu au nom d’un carcan collectif dévoyé, présenté comme authentiquement africain. L’exigence d’honnêteté ne peut souffrir d’exception culturelle. (…) Face à l’ethnie, l’Occident est partagé entre le fétichisme et la diabolisation. Tous les maux du continent seraient dus à son caractère tribal. A mes yeux, l’ethnie est le mensonge de l’Afrique, au même titre que la nation est celui de l’Europe. Comme les récits qui fondent notre idée nationale sont apocryphes, ceux qui définissent l’ethnie relèvent de l’imaginaire. Que dire de ces fadaises sur « le réveil des vieux démons »? A rebours, le tribalisme est l’expression la plus moderne qui soit de l’Afrique. Reste que, même fausse, une idée massivement admise devient une réalité. On meurt encore sur des barrages pour appartenir à la mauvaise tribu. (…) En Afrique noire, ce prosélytisme ([des sectes évangéliques] est bien plus puissant que son alter ego islamique. Voilà la preuve que l’homme africain déconcerté cherche une autre identité. Quand on entre en religion, on révolutionne sa vie. La nouvelle foi permet de s’affranchir de la règle communautaire initiale, au profit d’une promesse d’avenir meilleur. Et au risque du charlatanisme. (…) Les Ivoiriens s’entretuent, mais accusent la terre entière: la France bien sûr, et parfois leurs voisins. Jamais ils ne portent de regard critique sur eux-mêmes, le concept d’ivoirité, l’exploitation des immigrés sahéliens dans les plantations, le paternalisme autoritaire du défunt Félix Houphouët-Boigny. C’est ce mythe de l’éternelle victime qui a tué Jean Hélène. Un policier croit être dans le sens de l’Histoire en l’abattant. Pour transférer ainsi toute la haine de soi sur l’autre, pour abdiquer toute maîtrise de son destin, il faut être parvenu à un haut degré d’aliénation. Stephen Smith
La préfecture a jusqu’au « lundi 7 septembre à 12h » pour édicter un nouvel arrêté excluant les communes et « les périodes horaires » qui ne sont pas caractérisées « par une forte densité de population » ou « des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion » du coronavirus. Faute de nouvel arrêté, l’actuel « sera automatiquement suspendu. (…) L’arrêté en cause, qui était valable jusqu’au 30 septembre, « porte une atteinte immédiate à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer » dans les communes concernées. (…) Il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il existerait en permanence et sur la totalité des (communes concernées) une forte concentration de population ou des circonstances particulières susceptibles de contribuer à l’expansion de la covid-19. Tribunal administratif de Strasbourg
Ces gens jargonnent beaucoup et se prennent pour des intellectuels. Pour eux, la France est toujours coloniale. Ils considèrent que les Arabes et les Noirs sont encore aujourd’hui des indigènes et ne répondent pas aux mêmes droits que les autres citoyens. Ce groupuscule a étendu son réseau d’influence dans les banlieues grâce au relais des mairies, surtout communistes et d’extrême gauche, en infiltrant les sphères du pouvoir grâce aux facultés et à la sympathie des universitaires, puis dans les médias qui reprennent aujourd’hui ses éléments de langage comme les mots “racisé” ou “privilège blanc”. Ils sont très actifs et visibles sur le terrain médiatique à travers, notamment, le comité La Vérité pour Adama. C’est terrible car ils ont pour objectif de détruire ce pays, colonial à leurs yeux, que représente la République. Anne-Sophie Nogaret
Adama Traoré n’est pas la victime du racisme et d’un contrôle d’identité au faciès. Il a été arrêté par des gendarmes, dont deux étaient noirs, dans le cadre d’une affaire de délinquance et non pas en raison de sa couleur de peau. Je ne veux pas nier l’existence du racisme, mais il n’est pas l’apanage de la police, ni celui des Blancs. Ce genre de théorie crée du séparatisme et nuit à l’unité du pays. Si j’étais blanche, je serais hors de moi en entendant que je suis forcément une privilégiée, raciste et nantie. Par ailleurs, je refuse de marcher dans les rues de Paris pour défendre un délinquant accusé de viol sur un jeune codétenu. Prendre la famille Traoré comme modèle est une insulte faite aux Noirs. Il avait deux épouses. La polygamie est illégale dans notre pays et je considère cette pratique comme de la maltraitance pour les gamins qui la subissent. La très nombreuse fratrie Traoré a un casier judiciaire très chargé et ne donne rien d’autre qu’une image déplorable des jeunes de quartier. Quels sont leurs projets? Je ne peux pas répondre, mais je suis sûre d’une chose: ces gens ne sont pas dans une démarche constructive mais à l’inverse guerrière et vengeresse pour mettre le chaos dans le pays. Ce n’est pas ce que je veux pour notre jeunesse. Rachida Hamdan
C’est un indigénisme avec l’islamisme en embuscade. Youcef Brakni pilote la tête d’Assa Traoré. Les indigénistes ont compris que le comité La Vérité pour Adama est le report politiquement correct de leurs idées identitaires et racistes. Ces idées progressent et ils tissent leur toile grâce au réseau d’influence de l’intelligentsia et à la passerelle construite avec une bourgeoisie gauchiste qui aime à s’encanailler avec le lumpenprolétariat des cités sans n’y avoir jamais mis les pieds. Ces gens rêvent de révolution en mangeant des petits-fours et se fichent bien en réalité de la condition des Noirs et des Arabes dans les banlieues. Nous sortons juste de trois mois de confinement pour raisons sanitaires et, grâce à eux, on ne parle que de racisme alors que la crise économique est devant nous et que tout ceci ne fait que l’aggraver. Universitaire chercheuse
Le projet de ces activistes vise à remplacer l’égalité républicaine par la reconnaissance juridique des minorités. Ils veulent une photo figée de l’Histoire au nom de la diversité qui serait leur seule réalité. Ils sont en conflit avec une pensée rationnelle. L’homme se développe par l’expérience qui a permis son émancipation. C’est ainsi que la République a dépassé la contradiction du colonialisme grâce à ses valeurs et en apportant à chacun les mêmes droits sans distinction. Ces gens refusent cette pensée du progrès, c’est la raison pour laquelle ils cassent tout. Guylain Chevrier
Danièle Obono, député de la France Insoumise, proche du «Parti des indigènes de la République» (PIR) vient d’être nommée au sein du Conseil d’administration de l’UFR de Science politique de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Cette instance fixe au quotidien les orientations des enseignements et des recherches proposés aux étudiants. Depuis plusieurs années, les activistes en tous «genres» tentent d’infiltrer l’Université afin de poser un vernis «scientifique» sur leurs engagements les plus radicaux. Les militants du genre furent les pionniers. Et désormais, les études de genre prospèrent et se répandent d’amphithéâtres en amphithéâtres. L’université a ainsi servi de caisse de résonance aux adeptes de l’écriture inclusive, aux avocats de la fluidité des genres et des toilettes neutres … Avec Danièle Obono, c’est une autre idéologie qui fait de l’entrisme. Une idéologie aux antipodes de notre tradition humaniste. La députée de Paris s’est, en effet, faite l’avocate des thèses «décolonialistes» prônées par le Parti des indigènes de la République. Ce groupuscule extrémiste avait publié en 2016 des messages de soutien aux organisateurs d’un attentat contre des civils à Tel Aviv! «L’Antisionisme», revendiqué par sa porte-parole Houria Bouteldja dissimule mal un réel antisémitisme. Selon elle, «les juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe». Sic! A l’occasion des 10 ans des Indigènes de la République, Danièle Obono avait encensé le parti indigéniste, qualifiant même le discours de sa porte-parole Houria Bouteldja de «très beau et très juste». En réalité, l’idéologie que Danièle Obono défend, repose sur des fondements racialistes. Elle va jusqu’à prôner la non-mixité raciale et sexuelle (!) dans les réunions politiques ou syndicales, en somme un apartheid inversé. Ce genre d’inepties tend malheureusement à se développer, comme ce fut le cas durant le blocus de Tolbiac, les étudiants avaient déjà pris l’initiative d’organiser des Assemblées Générales interdites aux hommes blancs. Re-Sic! Elle s’est également «distinguée» dans son soutien à un texte de Rap dont les paroles font froid dans le dos: «Nique la France, et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes. Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes, (…) ton pays est puant, raciste et assassin». Doit-on s’attendre à ce que ce genre de colique verbale soit désormais au programme de l’UFR? (…) L’argent public qui finance la recherche publique doit-il servir à diffuser une propagande «bolcho-trotsko-marxiste» comme se définit Danièle Obono, ou pire à soutenir l’offensive des «décolonialistes». En réalité, cette nomination n’entache pas seulement l’image de l’UFR de Science politique. Demain, ce seront l’ensemble des diplômes et des recherches de l’Université Paris 1 qui seront suspects. Nous demandons donc au Président de Paris 1 et au conseil d’administration de l’université de dénoncer cette nomination. Sinon, le risque c’est de voir l’université Française devenir le cheval de Troie de tous les courants nés au sein de la gauche radicale américaine la plus folle. Guilhem Carayon et Olivier Vial
Je n’ai pas pleuré Charlie. J’ai pleuré, un peu, beaucoup, dans la nuit de samedi à dimanche. (…) En pensant aux ami-e-s et aux camarades qui sont devenu-e-s Charlie. En ressentant l’insupportable violence politique, idéologique, symbolique de l’omniprésente et omnipotente injonction. En lisant la liste interminable des terroristes venu-e-s des quatre coins de la planète et derrière lesquel-le-s allaient défiler ces Charlie. (…) J’ai pleuré en pensant à la signature de l’organisation à laquelle j’appartiens, dont je suis encore formellement une des dirigeantes, apposée à côté de celle de l’UMP pour appeler à cette manif en proclamant « Nous sommes Charlie : Défendons les valeurs de la République ! » (…) En lisant le tract du PCF/Front de gauche appelant noir sur blanc à l’unité nationale. (…) J’ai pleuré en pensant à tous les reculs, toutes les défaites, tous les choix et les décisions politiques des 10-15 dernières années qui nous ont amenés à ce point. (…) A toutes les fois où ma gauche s’est refusée de parler d’islamophobie, de ne serait-ce que prononcer le mot. Toutes les fois où elle s’est refusée à se mobiliser contre les lois islamophobes. Toutes les fois où des camarades ont défendu, mordicus, les caricatures racistes de Charlie Hebdo ou les propos de Caroline Fourest au nom de la « liberté d’expression » (des Blanc-he-s/dominant-e-s) ou de la laïcité « à la Française ». Mais se sont opportunément tu-e-s quand l’Etat s’est attaqué à Dieudonné, voire ont appelé et soutenu sa censure… Toutes les fois où des « camarades » nous ont sommé-e-s, nous les « islamo-gauchistes », de montrer patte blanche et d’affirmer avant toute autre chose que nous luttions bien contre l’antisémitisme. Toutes les fois que d’autres nous ont carrément, à mots plus ou moins couverts, traité-e-s d’antisémites. J’ai pleuré en me rappelant le jour où je me suis devenue Noire. Et celui où je suis devenue « intersectionnelle ». La première fois que j’ai été face à face avec le racisme et les privilèges de Blanc-he-s de celles et ceux que je considérais dans leur majorité comme mes « camarades ». L’instant où je me suis rendue compte qu’il y avait bien un « eux » et un « nous » et que j’étais aussi « eux », ces « Autres », et pas tout le temps « nous ». Le moment où je me suis fait dire que j’étais, à la rigueur, « légitime » pour m’occuper de tels sites, assemblées, thématiques et autres commissions mais certainement pas pour représenter ma sensibilité dans certaines instances de direction ou à la tribune de meetings ou de manifs. (…) Aujourd’hui, j’organise. La (re)mobilisation antiraciste. En commençant par soutenir l’appel à manifester le 18 janvier prochain, jour du sommet à Washington entre ministres européens et états-unien « contre le terrorisme » et de la manif islamophobe d’extrême-droite à Paris. Manifester contre l’islamophobie, l’antisémitisme, tous les racismes. Manifester contre l’union sacrée nationale d’Hollande-Valls-Sarkozy, et contre l’union sacrée internationale de la « guerre de civilisation contre le terrorisme ». Danièle Obono (11.01.2015)
Il paraît ‘Qu’on-Peut-Pu-Rien-Dire’ #BienPensance.Heureusement on peut encore écrire de la merde raciste dans un torchon illustrée par les images d’une députée française noire africaine repeinte en esclave… L’extrême-droite, odieuse, bête et cruelle. Bref, égale à elle-même. Ça fait trois ans qu’on alerte sur le fait qu’il y a un processus de racialisation, de racisme dans ce pays. Cette image est une insulte à mes ancêtres, ma famille et mon mouvement politique. Une souillure indélébile. J’ai mal à ma République. Et je suis plus déterminée que jamais à lutter contre le #racisme, pour la liberté, l’égalité et la fraternité.Danièle Obono
A travers moi, c’est la République qui est souillée. Danièle Obono
Cette fiction avait pour but de montrer l’atrocité de l’esclavage commis par des Africains au XVIIIème siècle. Personne ne l’a compris, c’était donc une erreur. Mais nous accuser de racisme, cela est et sera toujours pour nous insupportable. Geoffroy Lejeune
Devant l’émoi suscité par le dernier épisode de notre fiction estivale, nous tenons à apporter quelques précisions. Nous avons bien conscience de la mauvaise foi de certains, mais nous devons, pour les autres, éclaircir nos intentions. Tout l’été, Valeurs actuelles a publié chaque semaine un « Roman-fiction » dont le concept était simple ; plonger une personnalité contemporaine dans une période passée, afin de faire resurgir par ce contraste certaines inepties de notre époque. Il y eut ainsi François Fillon au temps de la Révolution, Éric Zemmour à Waterloo ou encore Didier Raoult dans les tranchées de 1914. Le dernier épisode était consacré à la députée de la France Insoumise Danièle Obono, que nous avons fait « voyager » dans l’univers atroce de l’esclavage africain du XVIIIe siècle. Notre intention, transparente, était la suivante : là où les indigénistes et les déconstructeurs de l’Histoire veulent faire payer le poids de cette insoutenable traite aux seuls Européens, nous voulions rappeler qu’il n’existât pas d’unité africaine, et que la complexité de la réalité, sa dureté, était à raconter. Nous avons choisi cette élue car elle participe selon nous, par ses prises de position répétées, à cette entreprise idéologique de falsification de l’Histoire. Notre texte n’a rien de raciste. Sans quoi nous n’en aurions pas publié une ligne. Évidemment. Il est commode pour nos adversaires de nous imputer cette accusation, que rien n’étaie dans le contenu. Chacun pourra juger par lui-même de l’opportunité d’une telle fiction, mais personne n’y trouvera une banalisation de l’esclavage ou une quelconque stigmatisation. Évidemment. Les images néanmoins, et d’autant plus quand elles sont isolées sur les réseaux sociaux, renforcent la cruauté inhérente au sujet même. Il s’agit de dessins accompagnant cette fiction, et tout comme l’esclavage lui-même, les images de l’esclavage sont d’une ignominie sans nom. Si nous contestons fermement les accusations dont nos contempteurs nous accablent, nous avons suffisamment de clairvoyance pour comprendre que la principale intéressée, madame Danièle Obono, ait pu se sentir personnellement blessée par cette fiction. Nous le regrettons et lui présentons nos excuses. À l’avenir nous maintiendrons la vigilance absolue dont doit faire preuve un journal comme Valeurs actuelles, attaqué quotidiennement. De même que nous continuerons de marcher à rebours de l’air du temps quand il nous semble faire fausse route. Valeurs actuelles
Valeurs actuelles a publié jeudi dernier l’ultime épisode de son « roman de l’été ». Le personnage central de cette fiction, par le texte et par l’image, était Danièle Obono, députée de La France Insoumise. Celle-ci était ramenée à l’Afrique du temps de l’esclavage. Il s’agissait évidemment de dénoncer les horreurs des pratiques des esclavagistes, mais ce texte comme ses illustrations ont donné lieu à une incompréhension et à une interprétation que nous regrettons profondément. Il s’est donc agi d’une grave erreur. Nous la reconnaissons humblement, et nous renouvelons surtout à Danièle Obono les excuses de notre journal et de sa rédaction. Elle a exprimé la révolte et la blessure que lui ont inspiré ce texte et ses illustrations. Nous nous inclinons devant ses sentiments et exprimons avec force les regrets que nous lui devons. Le racisme, l’antisémitisme, la haine, et les extrémismes en général sont étrangers à notre culture et à celle de la France. Nous les rejetons comme antinomiques aux valeurs de notre publication depuis toujours. Porteuse d’un média d’opinion engagé, notre rédaction travaille à tout moment avec rigueur et passion pour défendre ses valeurs et ses convictions. Nous continuerons à le faire, sans nous en écarter. C’est pourquoi nous rejetons formellement les accusations portées à notre encontre qui ne reflètent en rien les idées que nous incarnons.Valeurs actuelles
En tant que citoyen, j’estime que ce qu’a fait Valeurs actuelles est indigne de notre époque. Jusque-là, la présence sur LCI de Geoffroy Lejeune pouvait se justifier dans les débats d’idées, où tous les courants s’expriment. Mais cet excès de Valeurs actuelles contrevient à notre ligne et à nos valeurs. Il ne sera plus chroniqueur sur LCI. C’est la décision qui a été prise ce week-end par Fabien Namias [directeur général adjoint de LCI] et Thierry Thuillier [directeur général]. Nous faisons une télévision construite sur le débat d’idées, dans le respect, et pas une télévision d’opinion à la Fox, sur la polémique. Ce parti pris ralentit peut-être la progression d’audience de la chaîne, mais LCI ne déviera pas de cela. Gilles Pélisson (TF1)
C’est avant tout un outil pédagogique, pour répondre à la non-visibilité de la traite négrière dans les manuels scolaires. Nous vivons dans un monde d’images, et cette Marche permet de symboliser l’esclavage.André-Joseph Gélie
Demain, la Journée nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage ne sera toujours pas célébrée de façon unitaire à Nantes. Une trentaine de comédiens enchaînés et en haillons ont en effet pris part, dès hier, à une « Marche des esclaves » dans les rues de la ville, qui a fait sa fortune au XVIIIe siècle sur le « commerce triangulaire ». Ils étaient encadrés par deux négriers européens, qui criaient « Avancez, bande de nègres ! » entre deux coups de fouet et de bâton. « C’est avant tout un outil pédagogique, pour répondre à la non-visibilité de la traite négrière dans les manuels scolaires », explique André-Joseph Gélie, qui a initié l’événement en 2006. « Nous vivons dans un monde d’images, et cette Marche permet de symboliser l’esclavage. » Hier, les « esclaves » ont ainsi marqué l’arrêt devant l’Hôtel de ville… où l’initiative est jugée « indécente ». « C’est comme si on demandait aux Juifs de théâtraliser leur marche vers les fours crématoires », s’emporte Octave Cestor, conseiller municipal en charge des « relations entre Nantes, l’Afrique et les Caraïbes ». « Nous sommes, en plus, dans une ville qui assume son passé… Ces personnes devraient avoir le courage d’aller à Bordeaux, La Rochelle ou Saint-Malo. Ces villes ne font rien alors qu’elles ont, elles aussi, un passé négrier. » 20 minutes
Est-il pire d’être représentée en esclave qu’en comploteur, en assassin ou en usurier ? Apparemment oui. Comme si les esclaves n’étaient pas des victimes. Victimes de qui, à propos ? Le personnage mis en scène par Valeurs Actuelles est aux prises avec les marchands d’esclaves africains. Et c’est peut-être là que le bât blesse vraiment. Chacun sait que les fournisseurs de la traite transatlantique étaient des Africains, mais certains n’aiment pas qu’on le rappelle. La représentation de l’esclavage n’a pas toujours suscité l’indignation à Nantes. Du temps où Jean-Marc Ayrault en était le maire, la ville avait sa propre fiction historique. Une « Marche des esclaves » a été organisée chaque année à partir de 2006 avec l’accord de la municipalité. Jouer le rôle d’un esclave était alors considéré comme honorifique. Cependant, la manifestation de 2011, encadrée par une « Brigade anti-négrophobie », est allée trop loin. « Une trentaine de comédiens enchaînés et en haillons ont pris part à une ‘Marche des esclaves’ dans les rues de la ville, qui a fait sa fortune au XVIIIe siècle sur le ‘commerce triangulaire’, racontait alors 20 Minutes. Ils étaient encadrés par deux négriers européens, qui criaient ‘’Avancez, bande de nègres !’’ entre deux coups de fouet et de bâton. » C’était trop. « C’est comme si on demandait aux Juifs de théâtraliser leur marche vers les fours crématoires », avait protesté Octave Cestor, conseiller municipal d’origine antillaise, très engagé dans la commémoration de l’esclavage à Nantes. L’année suivante, l’inauguration du Mémorial de l’abolition de l’esclavage avait permis aux socialistes nantais d’imposer des cérémonies d’inspiration plus sobre.Breizh
Guezo fut également un administrateur extrêmement avisé. Grâce aux revenus de la traite, il put abaisser les impôts, stimulant ainsi l’économie agricole et marchande (…) Il fut très aimé et sa mort subite dans une bataille contre les Yorubas fut une véritable tragédie.Wikipedia
C’est une coutume établie parmi les Nègres de rendre esclaves tous les captifs qu’ils font à la guerre. On sait de manière à n’en pouvoir douter qu’un grand nombre de captifs pris à la guerre seraient exposés à être massacrés cruellement si les vainqueurs ne trouvaient pas s’en défaire en les vendant aux Européens.William Snelgrave
The whole story is phony. Although it functioned as a commercial center, Goree Island was never a key departure point for slaves. Most Africans sold into slavery in the Senegal region would have departed from thriving slave depots at the mouths of the Senegal River to the north and the Gambia River to the south. During about 400 years of the Atlantic slave trade, when an estimated 10 million Africans were taken from Africa, maybe 50,000 slaves — not 20 million as claimed by the Slave House curator — might have spent time on the island. Even then, they would not have been locked in chains in the Slave House. Built in 1775-1778 by a wealthy merchant, it was one of the most beautiful homes on the island; it would not have been used as a warehouse for slaves other than those who might have been owned by the merchant. Likewise, the widely accepted story that the door of no return was the final departure point for millions of slaves is not true. There are too many rocks to allow boats to dock safely. Philip Curtin (Johns Hopkins University)
The Slave House offers a distorted account of the island’s history, created with tourists in mind. (…) Joseph Ndiaye offers a strong, powerful, sentimental history. I am a historian. I am not allowed to be sentimental. (…) The slaves did not pour through that door. The door is a symbol. The history and memory needs to have a strong symbol. You either accept it or you don’t accept it. It’s difficult to interpret a symbol. Abdoulaye Camara (Goree Island Historical Museum)
Goree’s fabricated history boils down to an emotional manipulation by government officials and tour companies of people who come here as part of a genuine search for cultural roots. Lonely Planet
Walking around the dimly lit dungeons [sic], you can begin to imagine the suffering of the people held here. It is this emotive illustration that really describes La Maison des Esclaves as a whole – its historical significance in the slave trade may not have been huge, but the island’s symbolic role is immense. The island’s precise status as a slave-trading station is hotly debated. Of the 20 million slaves that were taken from Africa, the general belief is that only around 300 per year may have gone through Gorée (historians and academics dispute the exact number and some argue that no slaves passed through this specific house); and, even then, the famous doorway would not have been used – ships could not get near the dangerous rocks and the town had a jetty a short distance away. But the number of slaves transported from here isn’t what matters in the debate around Gorée. The island and museum stands as a melancholy reminder of the suffering the Atlantic slave trade inflicted on African people. Lonely Planet
This portal — called the door of no return — is one of the most powerful symbols of the Atlantic slave trade, serving as a backdrop for high-profile visits to Africa by Pope John Paul II, President Clinton and his successor, President Bush, and a destination for thousands of African Americans in search of their roots. More than 200,000 people travel to this rocky island off the coast of Dakar each year to step inside the dark, dungeonlike holding rooms in the pink stucco Slave House and hear details of how 20 million slaves were chained and fattened for export here. Many visitors are moved to tears. But whatever its emotional or spiritual power, Goree Island was never a major shipping point for slaves, say historians, who insist no slaves were ever sold at Slave House, no Africans ever stepped through the famous door of no return to waiting ships. « The whole story is phony, » says Philip Curtin, a retired professor of history at Johns Hopkins University who has written more than two dozen books on Atlantic slave trade and African history. (…) Curtin’s assessment is widely shared by historians, including Abdoulaye Camara, curator of the Goree Island Historical Museum, which is a 10-minute walk from the Slave House. (…) But when the respected French newspaper Le Monde published an article in 1996 refuting the island’s role in the slave trade, Senegalese authorities were furious. Several years ago at an academic conference in Senegal, some Senegalese accused Curtin of « stealing their history, » he says. No one is quite sure where the Slave House got its name, but both Camara and Curtin credit Boubacar Joseph Ndiaye, the Slave House’s curator since the early 1960s, with promoting it as a tourist attraction. Ndiaye is famous in Senegal for offering thousands of visitors chilling details of the squalid conditions of the slaves’ holding cells, the chains used to shackle them and their final walk through the door of no return. (…) That said, Camara believes Ndiaye has played an important role in offering the descendants of slaves an emotional shrine to commemorate the sacrifices of their ancestors. (…) Some tour books have begun warning visitors about the questions surrounding the island, including Lonely Planet’s West Africa guidebook, which concludes (…) None of the controversy appears to have diminished the island’s attraction as a tourist destination. The ferry that carries visitors from Dakar to the island is regularly packed with tourists and school groups. The Seattle Times
Les espaces voûtés de Gorée établis sous les rez-de-chaussée surélevés des habitations, dans des maisons construites dans le dernier quart du XVIIIe siècle ou le premier quart du XIXe siècle sont très tôt considérés comme des « captiveries », des « cabanons à esclaves » ou aussi de simples entrepôts. En 1918, le Père Briault nous donne une aquarelle d’un « ancien cabanon à esclaves » établi dans l’actuel presbytère. Selon le Guide du tourisme de 1926, une excursion à l’île de Gorée à partir de Dakar s’impose pour « visiter les anciennes « captiveries » où étaient parqués les esclaves en attendant le retour des négriers, venus à Gorée charger le « bois d’ébène ». Dans un article sur « Gorée la moribonde » paru en 1928, la revue L’Illustration nous présente une reproduction photographique d’une des maisons à cour portant la légende : « au rez-de-chaussée logement des esclaves ; au premier étage, salle à manger du traitant ». En 1929, le docteur P. Brau décrit les « cachots antiques, longs et étroits, [des maisons de Gorée qui] puent encore la chair esclave torturée… [Ils ont pu ensuite servir d’entrepôts] à d’autres lots de marchandises moins fragiles, mais non moins âprement discutées : les boucauts de lard salé et les tonnelets d’eaux-de-vie…15 ». Dès 1932, dans son guide de visite Gorée, capitale déchue, Robert Gaffiot nous dessine la cour de l’une de ces anciennes « maisons négrières ». Il précise dans la légende du dessin l’usage de cette maison où « les esclaves étaient parqués dans le bas-enclos, à l’obscurité, sous les pièces réservées à l’habitation des trafiquants. Le couloir central dessert, à droite et à gauche, une douzaine de longues et étroites cellules, dans lesquelles les malheureux étaient entassés et, bien souvent, enchaînés. L’autre extrémité du couloir donne sur la mer : le « négrier » avait ainsi toute facilité pour faire disparaître les cadavres de ceux qui ne pouvaient subir jusqu’au bout le supplice de cette vie atroce ». Un autre militaire de la marine française, le docteur Pierre-André Cariou, dans son guide non publié Promenade à Gorée, rédigé à partir des années 1940-1943, reprend l’historique et la description de la Maison des Esclaves. Le docteur assombrit encore le tableau dressé dix ans plus tôt par Robert Gaffiot pour l’ancienne maison négrière. En 1951, l’historien et archéologue de l’Institut Français d’Afrique noire (IFAN) Raymond Mauny dénonce, sans en apporter les preuves, les excès de l’interprétation de Gaffiot et de Cariou, notamment les considérations sur la fonction de la porte donnant sur la mer, reprenant en partie le témoignage d’un témoin oculaire contemporain, le chevalier de Boufflers, mais qui semblerait plutôt s’appliquer au site de Saint-Louis. En face de cette Maison dite des esclaves « aux sinistres cellules », l’IFAN complète et redouble le discours pédagogique à l’intention du touriste par l’installation d’un Musée historique de l’Afrique occidentale française, dans une « belle maison de la fin du XVIIIe siècle » édifiée selon Pierre-André Cariou par un [autre] « négrier » dont les cellules du rez-de-chaussée auraient servi, selon le dit docteur de « cachots » aux esclaves. Cette maison, dite de Victoria Albis, est achetée grâce à des crédits votés lors de la célébration du centenaire de l’abolition de l’esclavage (1848) puis réhabilitée et inaugurée le 4 juin 1954. (…) Dès 1948, à l’occasion du centenaire de l’abolition de l’esclavage, Raymond Mauny propose de consacrer un musée spécifique sur l’esclavage à Gorée et de valoriser, selon lui, « l’un des principaux points où s’effectuait la traite sur la côte occidentale d’Afrique. (…) Après les indépendances, dans la continuité de l’œuvre initiée par le colonisateur, l’État du Sénégal reprend à son compte le discours mémoriel. En 1962, le président Léopold Sédar Senghor nomme Boubacar Joseph Ndiaye, ancien sous-officier de l’armée coloniale française, comme « gardien » de la Maison des Esclaves, régularisant ainsi une situation de fait. La vigueur du discours de ce guide, sans doute inspiré à l’origine par celui du Docteur Cariou, son charisme et la voix imposante de ce « gardien de la mémoire de la traite négrière », l’ont désigné peu à peu comme une sorte de « musée vivant », connu à l’échelle internationale. Gorée doit en grande partie son statut d’île-mémoire de la Traite atlantique à l’éloquence de Joseph Ndiaye, « conservateur » de la Maison des Esclaves. (…) Son récit constitue une re-mémoration de la traite négrière à travers une mise en scène alliant parole, geste et démonstration à l’aide des chaînes en fer reconstituées, avec lesquelles les esclaves étaient attachés. (…) La fonction de ce discours est significative dans la fabrication d’une mémoire liée à la traite atlantique des esclaves, avec une mise en scène et une représentation imagée de la condition de l’esclave appuyées par des citations, des maximes et des proverbes. La réception du discours du « conservateur » se perçoit à travers les diverses réactions observées après la visite du musée et consignées dans le livre d’or. Nombreux sont les guides goréens qui puisent encore une bonne partie de leurs connaissances dans le discours de Joseph Ndiaye. Les réactions observées traduisent des chocs émotionnels qui peuvent déboucher parfois sur des actes spontanés. Le recueillement devant la « porte du voyage sans retour » constitue un acte symbolique qui s’accompagne parfois de rituels, de prières, d’offrandes, de sacrifices, de libations. La signification et la place de l’île dans l’imaginaire de la diaspora noire permettent de mesurer l’impact de cette communauté, en quête d’une identité perdue, dans la cristallisation d’une mémoire de la traite atlantique autour de Gorée. (…) Des contestations naissent sur l’exactitude historique du récit propagé aux visiteurs de la Maison des Esclaves. Dès 1972, le philosophe et chercheur africain Ki-Zerbo, dans son ouvrage « Histoire d’Afrique Noire », s’inquiète de la tournure que peut prendre la défense d’un tel récit qui peut constituer un point de rupture dans la diaspora noire entre l’Afrique et le monde afro des Caraïbes et des Amériques. Deux décennies plus tard, la principale critique émane de deux chercheurs et conservateurs de l’IFAN, Abdoulaye Camara et le père jésuite Joseph Roger de Benoist. Leurs argumentaires sont repris par le journaliste Emmanuel de Roux dans un article paru à Paris dans le journal Le Monde du 27 décembre 1996 sous le titre « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ». L’article remet en cause la fonction de la Maison des Esclaves ainsi que le rôle de l’île de Gorée dans le commerce des esclaves. Le journaliste relate la visite du lieu par son « conservateur » Joseph Ndiaye. « Ce dernier raconte avec émotion l’histoire de cette esclaverie construite par les Hollandais au XVIIIe siècle, pivot de la traite à Gorée qui vit défiler des centaines de millions d’Africains, enchaînés, vers le Nouveau Monde40 ». Contrairement aux affirmations de Joseph Ndiaye, Emmanuel de Roux donne la paternité de la maison aux Français, nie l’existence des cellules qui étaient réservées aux esclaves en attente d’embarcation et minimise le nombre d’esclaves ayant transité sur l’île. En conclusion, l’histoire de cette maison présentée par le conservateur ne serait qu’une légende reprise par Joseph Ndiaye, « qui a mis une douzaine d’années à forger un mythe qui, aujourd’hui, a force de loi». La réaction de l’État est vive et rapide. Les 7 et 8 avril 1997, un séminaire réunissant l’ensemble des spécialistes sénégalais et africanistes sur le thème : « Gorée dans la traite atlantique : mythes et réalités » est convoqué dans l’urgence pour riposter à l’imposture. Dix ans après cette attaque « révisionniste », en 2006, le récit du « conservateur » de la Maison des Esclaves est encore contesté par les descendants de certaines signares qui tiennent un autre discours mémoriel et prônent une autre histoire. Dans son ouvrage, Céleste ou le temps des signares, Jean-Luc Angrand nie l’existence d’esclaveries dans les maisons de Gorée : « Il est évident que cette maison comme les autres maisons de Gorée n’ont jamais contenu d’esclaves de traite, les signares étant en général réfractaires à la déportation des esclaves aux Amériques. Les seuls captifs qui existaient dans les maisons de Gorée étaient les captifs de case (domestiques). […] L’idée pathétique de porte par laquelle seraient passés des esclaves embarquant pour l’Amérique n’était rien qu’une histoire destinée à impressionner les touristes de la fin du XXe siècle». Cette vision de la fonction des supports mémoriels ne prend pas en compte la vraie nature du discours commémoratif car comme l’ont bien montré en 1997 Ibrahima Thioub et Hamady Bocoum « Le discours qui commémore cette fonction de l’île n’a jamais prétendu obéir aux règles universitaires de production du savoir et, en conséquence, ne peut être mesuré à cette aune». En 2009, dans sa récente étude sur la déconstruction du syndrome de Gorée, Ibrahima Seck montre comment l’existence de supports matériels contribue à la cristallisation des mémoires dans certains lieux, témoins de cette période. L’idée d’une « porte du voyage sans retour » n’existe pas seulement à Gorée mais aussi dans les différents points d’embarquement des navires négriers sur la côte occidentale de l’Afrique. « Au Ghana, Elmina a aussi sa porte du non retour alors qu’il s’agit en réalité d’une meurtrière. À Ouidah, où la traite ne s’est pas accompagnée de l’impressionnante monumentalité visible sur l’ancienne Côte de l’or, le programme de la Route de l’esclave de l’UNESCO a érigé un monument sous la forme d’un énorme portail face à la mer pour donner un support matériel au symbolisme du voyage sans retour». Il est clair que Gorée a influencé les autres sites qui ont entrepris un travail de remémoration tel qu’il est recommandé par l’UNESCO depuis 1995. Cette vision romantique de Joseph Ndiaye est transmise par des méta-récits nationalistes ou pan-africanistes dont la réalité est caricaturée d’une manière manichéenne. Ce discours laisse peu de place à une « histoire » plus complexe, « archéologique », des Africains libres, aux esclaves de case ou aux esclaves domestiques ou aux captifs face aux Africains enchaînés, aux esclaves de traite ou de transit, aux signares et aux métis et à celles des Européens expatriés, des commerçants aux militaires. L’indépendance une fois acquise, le premier président Léopold Sédar Senghor développe avec le mouvement de la Négritude une orientation culturaliste pour la société sénégalaise, sans rompre avec la francophonie qu’il inscrit dans l’héritage historique du Sénégal et apporte une nouvelle lecture sur la place de Gorée par rapport à la diaspora noire. À partir des années 1980, et pendant deux décennies, le président Abdou Diouf suit la politique de sauvegarde et de mise en valeur de Gorée mise en place par l’UNESCO et veut étendre le message de l’île-mémoire au monde entier par l’érection d’un grand mémorial de l’esclavage. Durant la dernière décennie de la présidence d’Abdoulaye Wade, l’État est moins présent sur le site de Gorée ; il est occupé à élever à Dakar d’autres infrastructures dont un monument de la Renaissance africaine et un parc culturel dans lequel sera édifié un musée des Civilisations noires, idée émise en 1971 par le président Senghor. Le passé de l’île de Gorée et le souvenir des souffrances et des traumatismes subis par l’Afrique et ses diasporas à travers l’esclavage et la traite atlantique, revisité, joue un rôle de premier plan dans l’affirmation de la politique dite « d’enracinement et d’ouverture » chère au président Léopold Sédar Senghor. Le concept de Négritude s’impose comme idéologie du nouvel État indépendant sénégalais qui s’ouvre sur le monde afro-américain. Le président du nouvel État du Sénégal, Léopold Sédar Senghor choisit l’île de Gorée comme un des supports physiques de démonstration de son concept sur la Négritude, sans lien direct avec l’esclavage. (…) Gorée est un laboratoire idéal pour le projet post-colonial de la Négritude. Lieu d’échanges culturels, artistiques, littéraires et scientifiques regroupant l’Afrique et sa Diaspora, le Festival est le lieu de rencontres, colloques, expositions, chants, danses, spectacles qui rythment la vie quotidienne des populations de Dakar et de Gorée. Le lancement du Festival a lieu en présence d’André Malraux. Le choix de Gorée pour abriter une des manifestations de ce Festival répond à une volonté du pouvoir politique qui entend faire de l’île un lieu privilégié pour une communion des peuples du monde à travers le dialogue des cultures. Un spectacle « son et lumière », les « Féeries de Gorée » est monté pour l’occasion : il retrace les grands moments de l’histoire du Sénégal et particulièrement de l’île de Gorée et de son rôle dans l’histoire de l’esclavage. La Maison des Esclaves est restaurée à l’occasion de ce festival. À l’heure où le tourisme de mémoire émerge autour des lieux chargés d’histoire et notamment à ceux liés à des faits tragiques, le Sénégal concentre ce type de démarche presque exclusivement sur la commémoration de l’esclavage et l’île de Gorée. Des agences américaines proposent aux touristes noirs américains des « Black-History Tours », leur permettant d’aller se recueillir sur la terre de leurs ancêtres, plus particulièrement à Gorée, et de méditer sur leur tragique destin. « Ainsi, après avoir été, entre l’Afrique et les Amériques noires, le trait d’union symbolique de la désolation, Gorée devient-elle peu à peu un symbole d’espoir, vers où, de plus en plus nombreux, convergent aujourd’hui, en une sorte de pèlerinage, les descendants des déportés de jadis, en quête de leurs racines et tous ceux qui entendent puiser dans son histoire les raisons d’une nouvelle solidarité des peuples ». Depuis 2005, la mairie de Gorée organise un festival dans le cadre de la promotion des activités culturelles : le Gorée Diaspora Festival. Cette manifestation internationale constitue un moment de retrouvailles entre la population goréenne et la diaspora. À travers cette manifestation, l’institution municipale vise trois objectifs majeurs : permettre aux membres de la diaspora de retrouver l’identité perdue sur cette île-souvenir, les faire participer à la sauvegarde de la mémoire et orienter le devenir de Gorée d’un statut de terre d’esclaves vers celle d’un carrefour de dialogue interculturel. En ouvrant ainsi la porte du retour, la commune entend faire rayonner Gorée sur la scène internationale. Cette manifestation constitue un moment de festivités, de recueillement et de souvenir : festivals, rencontres cinématographiques, concerts, expositions, musiques, visite de la Maison des Esclaves, randonnée maritime, etc. Le festival inclut aussi un volet éducatif avec l’organisation de séminaires et d’ateliers de formation, de conférences et de colloques dont les thèmes portent sur l’esclavage, la traite négrière et sa mémoire, le dialogue des peuples et des cultures. Hamady Bocoum and Bernard Toulier
La Maison des esclaves est devenu un élément du patrimoine de l’humanité, surtout depuis que l’Unesco a classé l’ensemble de l’île dans cette rubrique. Le problème, c’est que tout est faux, ou presque, comme l’expliquent Abdoulaye Camara et le Père de Benoist, un jésuite, historien, chercheur à l’IFAN. La maison, parfaitement identifiée, n’a rien de hollandais. Elle a été construite par les Français, en 1783, pour Anna Colas, une signare riche dame métisse quand la traite tirait à sa fin. Les pièces du bas ont peut-être servi de logements à des esclaves domestiques mais sûrement pas à la traite. C’étaient essentiellement des entrepôts à marchandises. L’esclaverie, car elle a existé, se situait non loin du fort qui abrite aujourd’hui le Musée historique. Elle a disparu. Enfin, Gorée n’a jamais été un centre très actif pour la traite (deux cents à cinq cents esclaves par an, si l’on en croit les chiffres du savant jésuite), par rapport aux comptoirs de la Côte des esclaves (l’actuel Bénin), du golfe de Guinée ou de l’Angola. La légende de la Maison aux esclaves doit tout à l’indéniable talent de Joseph N’Diaye, qui a mis une douzaine d’années à forger un mythe qui, aujourd’hui, a force de loi. Emmanuel de Roux
Cette histoire de maison des esclaves de Gorée a été inventée par Pierre André Cariou, médecin chef breton de la marine française dans les années 1950. Il n’a pas cherché à la falsifier, mais a émis des suppositions, qu’il a intégrées dans un roman historique non édité « Promenade à Gorée » (manuscrit disponible à la BNF Mitterrand) et dans le circuit touristique qu’il proposait aux rares touristes de l’île de Gorée; souvent des amis et familles qui venaient visiter les marins militaires français hospitalisés à l’hôpital de la Marine. À l’origine de ce qui allait devenir la plus importante escroquerie mémorielle de l’histoire, un petit garçon qui servait de « boy » à Cariou, l’adolescent Joseph N’Diaye. Joseph N’Diaye devenu adulte prit la suite de Cariou dans les années 1970. Dans les années 1980 sorti le film « Racines » avec la figure inoubliable de « Kounta Kinté » l’Africain; les Américains noirs, qui vivaient souvent une sorte d’amnésie volontaire quant à leurs souffrances passées, furent pris d’une envie légitime de retourner voir mama africa. Le seul pays qui disposait d’un véritable ministère de la Culture à l’époque, fabuleux héritage de l’ère Senghor, était le Sénégal. Les fonctionnaires orientèrent naturellement les Tours Operator black vers Gorée, où une personne qui n’était pas fonctionnaire faisait visiter une maison aux rares touristes… Joseph N’Diaye. Rapidement, ce business devint une affaire juteuse pour les réceptifs sénégalais, les TO américains (souvent créés par des Sénégalais des USA) et le gouvernement qui prit peu à peu conscience de l’importance économique de cette affaire. D’autres aussi, les enseignants sénégalais de l’université de Dakar, furent de grands bénéficiaires du « Gorée Business » comme je l’ai nommé. En effet, ils obtinrent de nombreux stages, invitations à des conférences aux Amériques rémunérés grâce aux inventions racontées par tonton Joseph. Certains obtinrent des emplois dans les universités américaines (Colombia University), d’autres à la direction du patrimoine dépendant du ministère de la Culture en profitèrent notamment en détournant les nombreux dons financiers offert pour la sauvegarde de Gorée… Au point que l’Unesco, agacée par ces détournement, ne cautionna plus aucune campagne de sauvegarde du patrimoine bâti. Cela ne pouvait pas durer. Dans les années 1980, un historien américain, Philipp Curtin, intrigué par les soi-disants 20 millions de victimes parties de Gorée, publia une étude statistique rappelant que ce chiffre était celui de l’ensemble de la traite partie de toute la côte d’Afrique, de la Mauritanie à l’Angola. Curtin indiqua aussi que de Gorée partirent entre 900 à 1500 personnes et que le Sénégal représentait 5% de la traite. Panique à Dakar et chez leurs complices sénégalais des USA; heureusement pour eux, la presse, non informée, ne diffusa pas l’information… Dans les années 2000, se fut le tour d’Abdoulaye Camara, enseignant en histoire à l’Université de Dakar, de dénoncer l’affaire à un journaliste du Monde, qui la publia alors. Mais l’article fut étouffé car la bande du Gorée Business comptait alors de puissantes relations amicales en France, Laurence Attali (sœur de Jacques), Catherine Clément (romancière) et la Fondation Danièle Mitterrand. Malgré tout Ki Zerbo philosophe béninois protesta contre l’arnaque dans un article de presse. En 2006 finalement sortit la seule étude scientifique démontrant à partir d’archives qu’il s’agissait bel et bien d’une arnaque: la mienne. Cette études indiquait qu’il y avait non pas une mais deux captiveries; toutes deux démolies mais parfaitement repérables grâce aux plans de cadastres du XVIIIe siècle conservés aux archives BNF Richelieux à Paris. Cette étude démontre aussi que les principaux points de départs des victimes furent Saint Louis au Sénégal et la Gambie. Cette étude obligea Wikipedia à rectifier le tir, malgré le sabotage permanent de mes contributions pendant plus de trois ans organisé par les membres de ce qu’il est convenu d’appeler « le Gorée Business ». Ironie du sort, la population « créole » du XVIIIe siècle, comme démontré par cette étude, constitua le principal frein à la traite des esclaves avec celle de Dakar; cela explique le faible nombre de victimes parties de Gorée. Encore plus « amusant » la femme métisse/créole qui a construit cette maison, Anna Colas Pépin, fut une résistante à la traite comme ses « consœurs » qui dirigeaient l’île de Gorée du XVIIIe au XIXe siècle, car ils s’agissait d’une micro-civilisation matriarcale métisse/créole…Jean Luc Angrand
L’histoire de la maison des esclaves de Gorée serait, à l’en croire, une invention dans les années 1950, du docteur Pierre André Cariou, de son état médecin chef de la marine française. Les hypothèses émises par ce dernier seraient contenues dans un manuscrit conservé à la BNF. On aurait souhaité disposer de plus d’informations à propos dudit manuscrit (par exemple son numéro de référence ou son code pour le retrouver plus aisément). Et pourquoi ne pas citer nommément des passages du texte en question pour étayer davantage son propos. En l’absence de telles précautions, son opinion reste pour le moins superficielle et nous laisse un rien circonspect. (…) Revenant ainsi sur le contexte ayant favorisé le développement de ce « business », c’est-à-dire la sortie du film Racines, Jean-Luc Angrand évoque le rôle majeur des Tour-operator tenus par des Sénégalais installés aux USA sans jamais fournir concrètement ni un nom d’organisme touristique ni celui d’un ressortissant sénégalais. Toutes choses entretenant le flou le plus absolu. « Les Tours Operators n’ont jamais été l’objectif de Gorée, éclaire en revanche François Vergès, ancienne présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage. Il ne faut pas tout confondre. C’est comme si on disait, il y a des voyages organisés à Auschwitz, et donc cela enlève le caractère véridique de ce qui s’y est passé ». Il est évident que Gorée tire son statut de haut lieu mémoriel des dividendes de notoriétés qui attirent touristes et pèlerins. « Il faut lutter pour que Gorée ne devienne pas un endroit mercantile, prévient François Vergès. C’est comme à Roben Island, il y avait un projet de le transformer en endroit mercantile, tout le monde a protesté. Et cela s’est arrêté. Est-ce que ce monsieur (Angrand) empêche qu’il y ait des voyages organisés à Lourdes ou à Saint-Michel ? C’est sélectif comme réflexion ». Sélectif puis accusateur sans véritable référence. En effet, Jean-Luc Angrand accuse les enseignants de l’Université de Dakar d’avoir couvert et amplifié ce qu’il appelle « un mensonge » afin d’en tirer des prébendes financières et ou promotionnelles. Mais de quels professeurs s’agit-il ? Ne peut-il être plus concis dans sa dénonciation ? Il évoque l’obtention de postes dans la prestigieuse University of Columbia. On n’ose croire qu’il parle de Souleymane Bachir Diagne ou de Mamadou Diouf. Le premier, normalien, agrégé et docteur en philosophie cité par le Nouvel Observateur parmi l’un des plus grands penseurs de notre époque. Le second, historien de formation, docteur en histoire de la Sorbonne et auteur de plusieurs ouvrages. Pareil parcours ne saurait-il suffire pour être recruté par un institut américain fut-il Columbia University. Dans la deuxième partie de sa diatribe (…) quand il convoque les travaux de Philippe Curtin dans les années 1980, il se garde bien de mentionner le titre de ou des ouvrages dont il a recours. Chose plutôt surprenante pour qui connaît l’immensité de la production de ce chercheur. Dans le même ordre d’idées, on s’attendait à ce qu’il nous livre au moins des noms d’historiens sénégalais ou africains dignes de ce nom ayant soutenu que de Gorée sont partis vingt millions d’esclaves. Idée absolument saugrenue même pour le néophyte en histoire qui n’ignore point qu’une partie de la longue côte atlantique africaine (Togo-Bénin-Nigeria) était justement appelée côte des esclaves en raison de l’intensité du trafic. Ainsi pour Françoise Vergès, « il est évident que l’Ile de Gorée ne pouvait pas prendre autant d’esclaves que Ouidah (Bénin) ou d’autres forteresses sur la côte africaine. Des historiens africains avaient reconnu depuis longtemps que Gorée a participé à la traite mais n’était pas un grand centre, ni un lieu de baraquements ». Alors que la « civilisationniste » Maboula Soumahoro préfère évoquer le départ d’esclaves de la région de Sénégambie. Des « Slaves Castel », on en trouve dans cette région comme au Ghana ou au Bénin. Si des esclaves ne sont pas partis de Gorée, ils sont partis de toute la région ouest africaine donc cela ne change rien à la situation. Je ne comprends pas tellement cette position de nier ce caractère à Gorée ». Autre incompréhension, M. Angrand cite Abdoulaye Camara, enseignant à l’UCAD. Lequel aurait voulu et dénoncé l’imposture dans le journal Le Monde mais l’affaire fut étouffée par le lobby dit « goréen ». On ne peut qu’être interloqué par cette information n’apportant au demeurant rien de concret à son argumentaire. L’incompréhension se porte sur deux facteurs principaux : D’abord pourquoi Jean-Luc Angrand ne fait-il pas siennes les conclusions d’Abdoulaye Camara et les reproduire ici (du moins une partie) pour donner davantage de densité et de crédibilité à son article ? Ensuite, comment se fait-il que cet enseignant-chercheur de l’UCAD se tourne vers le quotidien Le Monde pour publier ses résultats (encore qu’il ne nous fournit ni le numéro ni la date) ? Alors qu’il existe en Afrique même et partout au monde une myriade de revues d’histoire susceptibles de vulgariser ses travaux. Ou faut-il croire ceux-ci n’étaient pas à la hauteur ? Par ailleurs, on est en droit de demeurer interrogatif quant à la soumission de la gazette française pour étouffer cette affaire. Pour qui connaît l’histoire de ce journal né au lendemain de la deuxième guerre mondiale et ses multiples prises à partie avec l’Etat française, la chose parait peu probante. Restant dans sa volonté constante de fournir des preuves du bienfondé de sa théorie, Angrand fait appel à la rescousse une production de Joseph Ki-Zerbo. Mais là également, il commet une erreur factuelle rédhibitoire en présentant ce dernier comme un philosophe béninois alors qu’il est de notoriété publique que l’homme est historien de spécialité et Burkinabé de nationalité. D’autre part, il ne nous dit point où, quand et sur quel support ce penseur a publié son article. (…) Pour conclure sa réflexion, il propose son argument béton à savoir son étude sur la question. Il la présente, « sans prétention », comme le seul vrai travail scientifique en l’espèce (lui qui n’est pas véritablement connu dans la communauté des historiens). Toutefois, il ne dit mot sur le titre de ladite étude ni la publication où elle est apparue avant d’être intégrée dans son livre. Celui-ci, soutient-il, mérite d’être enseigné à l’université en raison de la distinction reçue de la part de l’académie des sciences d’Outre-mer. Rappelons que de tels trophées ne sont pas toujours gages d’excellence. Aussi l’ouvrage très polémique d’Olivier Pétré-Grenouilleau : les traites négrières (Gallimard, 2004) reçut-il le prix du livre d’histoire du Sénat et celui de l’essai de l’académie française avec à chaque fois des jurys composés de non spécialistes. Le seul membre du premier jury ayant quelques clignotants en ce domaine fut Marc Ferro, grand connaisseur de l’Urss de son état. En matière d’histoire de l’Outre-mer, son seul fait d’armes est d’avoir dirigé un ouvrage collectif : le livre noir du colonialisme (Robert Lafont, 2003). En fait le succès du travail de Pétré-Grenouilleau provient de deux facteurs précis. Il a permis de découvrir un point majeur en l’occurrence la diversité des traites négrières. Et d’autre part il est apparu comme une forme d’absolution des Européens qui n’étaient opportunément plus les seuls méchants négriers. Responsabilité qu’ils partageaient dorénavant avec les Arabes et les Africains eux-mêmes. Ce sont donc ces deux points qui justifient les nombreux satisfécits dont Olivier Pétré-Grenouilleau a bénéficié en dépit des sérieuses lacunes que contient son essai. Ce dernier fait pratiquement un blackout total (vingt pages sur plus de trois cent soixante) sur le trafic de l’Atlantique sud mené par les Hispano-portugais, c’est-à-dire la droiture. Laquelle a été encore plus importante que le très connu commerce triangulaire se faisant plus au nord. De plus cet historien reprend par devers lui des chiffres fantaisistes quant au nombre de déportés dans le cadre du trafic transaharien et de l’océan indien. Fantaisiste car n’offrant pas contrairement aux échanges de l’ouest des sources bien chiffrées et quantifiables. Moussa Diop
Cet article de presse [de Momar Mbaye, Docteur en histoire de l’Université de Rouen et Moussa Diop, journaliste] est une bien amusante rhétorique faite par des enseignants sénégalais qui tentent de sauver leurs « têtes » après une bonne vingtaine d’années de baratin. Toute les affirmations contenues dans mon article de presse du Hufffingtonpost sont sourcées; mon principal adversaire monsieur Hamady Bocoum Directeur National du Patrimoine Sénégalais vient de reconnaître à demi mots dans un article de la revue du patrimoine français In Situ du mois d’Avril 2103v(sur internet) le bien fondé de mes travaux de recherches (en partie dûs à Hubert Dupuy); essayant au passage de mettre sur le dos de l’état français l’origine de cette arnaque mémorielle. Hamady Bocoum ment très mal car dans le même article il indique par inadvertance que le représentant de l’état français de l’époque, le Professeur Mauny (1951) niait toute véracité à cette invention du Médecin Chef de la Marine Pierre André Cariou; lui même peut être inspiré par Robert Gaffiot auteur de Gorée Capital déchue (1933). Gaffiot inventeur ou co-inventeur avec Cariou du Mythe (à creuser). La faute n’est pas, comme je l’ai dit, d’avoir débuté le mythe puisque ce sont deux Français qui l’ont inventé à l’usage des familles de militaires français hospitalisés à l’hôpital de la Marine française bien avant l’indépendance (avant guerre) mais bien d’en avoir fait, un fait historique reconnu par l’état sénégalais après l’indépendance tout en permettant au « griot mémoriel » Joseph Ndiaye d’en rajouter des couches. Une historiette jamais reconnue par le professeur Théodore Monod fondateur de l’IFAN et son assistant le professeur Mauny représentant l’état français avant l’indépendance. Il n’y a donc pas de complot « blanc » contre Gorée…n’est-ce pas ? Les escrocs de l’Université de Dakar n’ont pas hésité à tourner en ridicule le vrai travail de mémoire allant même jusqu’à cacher depuis plus de vingt ans la vraie captiverie de Gorée encore existante, aux pèlerins antillais, noirs-américains et autres. Captiverie dont j’ai révélé l’existence depuis l’année 2006 malgré des menaces physiques à mon encontre de la part du pseudo conservateur Eloi Coly. Vos collègues universitaires corrompus du Gorée Business (malhonnête) refusent de la faire ouvrir car cela leur ferait perdre le contrôle probablement de la pompe à fric et ils seraient obligés de s’expliquer auprès de leurs nombreux amis noirs aux Antilles et USA à qui ils ont fait prendre une vessie pour une lanterne. Enfin, peut-être ont-ils peur de subir les foudres des fondations et états qui ont donné de l’argent pour « sauver Gorée » porte sans retour de l’esclavage d’où furent partis selon le griot mémoriel Joseph Ndiaye 10, 15, 20 millions de victimes (les chiffres qu’il donnait variaient probablement en fonction de la température de l’air ou de la direction du vent)… Autre faute gravissime fut de laisser Joseph Ndiaye mettre en place un discours fonctionnel dans la maison d’Anna Colas Pépin (maison des esclaves) dont le seul but fut de tirer des larmes aux Antillais et noirs américains pour en obtenir toujours plus de pognon…c’est dégueulasse. Enfin, autre faute, laisser Joseph Ndiaye raconter tout et surtout n’importe quoi sur l’histoire patrimoniale de cette maison; dates de constructions fausses, usage du rez-de-chaussée qui n’a jamais été une captiverie transformée en cellules avec la cerise sur le gâteau « une cellule des récalcitrants » (un gag mémoriel). Quelle honte pour l’Université de Dakar que d’avoir laissé un ignorant ridiculiser l’Afrique et le travail des historiens noirs qui font leur boulot correctement; comme Abdoulaye Camara (inspiré tout comme Roger de Benoist par des informations fournies par monsieur Hubert Dupuy) que vous dénigrez dans votre article; tout cela pour enrichir les amis, la famille qui contrôle le Gorée business (malhonnête). Je ne suis pas contre un Gorée Business, tout comme il y a un Mecque Business et un Lourdes Business, mais encore faut il que ce qui est proposé au bout soit honnête alors au nom des mes amis antillais, noirs américains je vous SOMME par la présente d’ouvrir immédiatement la vraie captiverie de Gorée et d’indiquer aux touristes les vrais chiffres de déportés !!!!!. Voici le plan de cadastres de Gorée datant du XVIII siècle avec l’indication de la vraie captiverie (il en avait une seconde dans le fort St François qui est rasé de nos jours); essayez svp de rattraper vos erreurs graves en faisant le boulot correctement pour éviter aux négationnistes de se moquer de nous, les Africains. Il faut maintenant déconstruire/reconstruire; faisons le ensemble avec la participation désormais indispensable de nos frères et sœurs historiens antillais et américains.Jean-Luc Angrand
La Maison des esclaves de l’île de Gorée figure dans tous les guides. Pas un touriste ne manquera la visite de ce monument au sinistre passé. Il sera accueilli dans la cour de ce bâtiment ocre rouge par un cicerone inspiré, Joseph N’Diaye, un ancien sous-officier. Ce dernier raconte avec émotion l’histoire de cette « esclaverie » construite par les Hollandais au XVIIe siècle, pivot de la traite à Gorée qui vit défiler des centaines de milliers d’Africains, enchaînés, vers le Nouveau Monde.
Les différentes cellules sont détaillées : celles des hommes, celles des femmes et celles des enfants, le cachot pour les rebelles et la porte pour le « voyage sans retour » qui s’ouvre sur l’océan. Un escalier à double révolution conduit aux appartements des négriers. La fondation France-Liberté, de Danièle Mitterrand, comme en atteste une plaque, a financé une partie de la rénovation de l’édifice. La Maison des esclaves est devenu un élément du patrimoine de l’humanité, surtout depuis que l’Unesco a classé l’ensemble de l’île dans cette rubrique. Le problème, c’est que tout est faux, ou presque, comme l’expliquent Abdoulaye Camara et le Père de Benoist, un jésuite, historien, chercheur à l’IFAN. La maison, parfaitement identifiée, n’a rien de hollandais. Elle a été construite par les Français, en 1783, pour Anna Colas, une signare riche dame métisse quand la traite tirait à sa fin. Les pièces du bas ont peut-être servi de logements à des esclaves domestiques mais sûrement pas à la traite. C’étaient essentiellement des entrepôts à marchandises.
L’esclaverie, car elle a existé, se situait non loin du fort qui abrite aujourd’hui le Musée historique. Elle a disparu. Enfin, Gorée n’a jamais été un centre très actif pour la traite (deux cents à cinq cents esclaves par an, si l’on en croit les chiffres du savant jésuite), par rapport aux comptoirs de la Côte des esclaves (l’actuel Bénin), du golfe de Guinée ou de l’Angola. La légende de la Maison aux esclaves doit tout à l’indéniable talent de Joseph N’Diaye, qui a mis une douzaine d’années à forger un mythe qui, aujourd’hui, a force de loi.
LA CERTIFICATION DES LIEUX DE MEMOIRES DE LA SHOAH NOIRE
Petite note sur la fausse « Maison des esclaves de Gorée »
Jean Luc Angrand
Historien franco-sénégalais
16 novembre 2012
Cette histoire de maison des esclaves de Gorée a été inventé par Pierre André Cariou, médecin chef breton de la marine française dans les années 1950. Il n’a pas cherché à la falsifier, mais a émis des suppositions, qu’il a intégrées dans un roman historique non édité « Promenade à Gorée » (manuscrit disponible à la BNF Mitterand) et dans le circuit touristique qu’il proposait aux rares touristes de l’île de Gorée; souvent des amis et familles qui venaient visiter les marins militaires français hospitalisés à l’hôpital de la Marine.
À l’origine de ce qui allait devenir la plus importante escroquerie mémorielle de l’histoire, un petit garçon qui servait de « boy » à Cariou, l’adolescent Joseph N’Diaye.
Joseph N’Diaye devenu adulte prit la suite de Cariou dans les années 1970. Dans les années 1980 sorti le film « Racines » avec la figure inoubliable de « Kounta Kinté » l’africain; les Américains noirs, qui vivaient souvent une sorte d’amnésie volontaire quant à leurs souffrances passées, furent pris d’une envie légitime de retourner voir mama africa.
Le seul pays qui disposait d’un véritable ministère de la Culture à l’époque, fabuleux héritage de l’ère Senghor, était le Sénégal. Les fonctionnaires orientèrent naturellement les Tours Operator black vers Gorée, où une personne qui n’était pas fonctionnaire faisait visiter une maison aux rares touristes… Joseph N’Diaye.
Rapidement, ce business devint une affaire juteuse pour les réceptifs sénégalais, les TO américains (souvent créés par des Sénégalais des USA) et le gouvernement qui prit peu à peu conscience de l’importance économique de cette affaire.
D’autres aussi, les enseignants sénégalais de l’université de Dakar, furent de grands bénéficiaires du « Gorée Business » comme je l’ai nommé.
En effet, ils obtinrent de nombreux stages, invitations à des conférences aux Amériques rémunérés grâce aux inventions racontées par tonton Joseph. Certains obtinrent des emplois dans les universités américaines (Colombia University), d’autres à la direction du patrimoine dépendant du ministère de la Culture en profitèrent notamment en détournant les nombreux dons financiers offert pour la sauvegarde de Gorée… Au point que l’Unesco, agacée par ces détournement, ne cautionna plus aucune campagne de sauvegarde du patrimoine bâti.
Cela ne pouvait pas durer.
Dans les années 1980, un historien américain, Philipp Curtin, intrigué par les soi-disants 20 millions de victimes parties de Gorée, publia une étude statistique rappelant que ce chiffre était celui de l’ensemble de la traite partie de toute la côte d’Afrique, de la Mauritanie à l’Angola. Curtin indiqua aussi que de Gorée partirent entre 900 à 1500 personnes et que le Sénégal représentait 5% de la traite.
Panique à Dakar et chez leurs complices sénégalais des USA; heureusement pour eux, la presse, non informée, ne diffusa pas l’information…
Dans les années 2000, se fut le tour d’Abdoulaye Camara, enseignant en histoire à l’Université de Dakar, de dénoncer l’affaire à un journaliste du Monde, qui la publia alors. Mais l’article fut étouffé car la bande du Gorée Business comptait alors de puissantes relations amicales en France, Laurence Attali (sœur de Jacques), Catherine Clément (romancière) et la Fondation Danièle Mitterrand. Malgré tout Ki Zerbo philosophe béninois protesta contre l’arnaque dans un article de presse.
En 2006 finalement sortit la seule étude scientifique démontrant à partir d’archives qu’il s’agissait bel et bien d’une arnaque: la mienne. Cette études indiquait qu’il y avait non pas une mais deux captiveries; toutes deux démolies mais parfaitement repérables grâce aux plans de cadastres du XVIIIe siècle conservés aux archives BNF Richelieux à Paris. Cette étude démontre aussi que les principaux points de départs des victimes furent Saint Louis au Sénégal et la Gambie. Cette étude obligea Wikipedia à rectifier le tir, malgré le sabotage permanent de mes contributions pendant plus de trois ans organisé par les membres de ce qu’il est convenu d’appeler « le Gorée Business ».
Ironie du sort, la population « créole » du XVIIIe siècle, comme démontré par cette étude, constitua le principal frein à la traite des esclaves avec celle de Dakar; cela explique le faible nombre de victimes parties de Gorée.
Encore plus « amusant » la femme métisse/créole qui a construit cette maison, Anna Colas Pépin, fut une résistante à la traite comme ses « consœurs » qui dirigeaient l’île de Gorée du XVIIIe au XIXe siècle, car ils s’agissait d’une micro-civilisation matriarcale métisse/créole…
L’étude dont je suis l’auteur fut intégrée dans mon livre « Céleste ou le temps des signares« , seul livre certifié qui puisse servir en université car primé par une académie dépendant de l’éducation nationale française: l’Académie des Science d’Outre-mer.
Voilà donc pourquoi je propose désormais « la certification des lieux de mémoires », c’est-à-dire que tous les lieux de mémoires en Afrique soient désormais certifiés par plusieurs universités, des Amériques (Caraïbes, Etats-Unis), d’Europe et d’Afrique. Avec cette méthode, on éviterait que ne se reproduise des arnaques comme la fausse « maison des esclaves de Gorée ».
AFRIQUE – Toute vérité est une suite d’erreurs rectifiées. Si l’affaire de la maison des esclaves est réellement une grosse escroquerie il est bon de le savoir et de le diffuser mais encore faut-il que cette « vérité » soit révélée en s’appuyant sur une argumentation et des preuves ne souffrant d’aucune once de doute.
Grande note sur les manquements de Jean-Luc Angrand (à propos de la maison de la maison des esclaves de Gorée)
Moussa Diop
Huffpost
24/05/2013 | Actualisé 05/10/2016
L’Île de Gorée et sa symbolique maison des esclaves sont des lieux mémoriels qui permettent de se souvenir de l’une des pages les plus douloureuses de l’histoire de l’humanité à savoir la traite des noirs qui eut lieu du XVI au XIXè siècle (au bas mot). C’est un fait. Gorée résiste autant aux déferlantes attaques des eaux de l’océan sur ses parois insulaires mais solides qu’à celles trop souvent légères, pour ne pas dire révisionnistes, de Jean-Luc Angrand. Nous, Momar Mbaye, Docteur en histoire de l’Université de Rouen et Moussa Diop, journaliste, correspondant du quotidien sénégalais Le Soleil à Paris et diplômé en histoire, nous sommes d’abord questionnés sur le sérieux de l’article de Jean-Luc Angrand intitulé « Petite note sur la fausse ‘maison des esclaves de Gorée’« . Au delà de la notification des manquements dans sa démarche, nous apportons des réponses sur le sujet. Nous avons jugé utile de recueillir également le témoignage de Françoise Vergès, alors présidente du comité pour la mémoire de l’esclavage et Maboula Soumahoro, Docteur en langues, culture et civilisation du monde anglophone.
Reconnaissons avant tout que l’objectif que se fixe Monsieur Angrand n’est en soi nullement répréhensible ou condamnable. Bien au contraire la controverse et le débat nourrissent la science. On dira, pour reprendre le mot de Nietzsche, que c’est de la contradiction que l’esprit devient fécond.
Jean-Luc Angrand se définit comme un historien franco-sénégalais, il ne respecte pas toujours un certain nombre de règles exigées par la discipline historique. Parmi celles-ci figurent en première place le sérieux et la rigueur exemplaires dans l’analyse et l’exploitation des sources sous-tendant toute affirmation. Et sous ce rapport, nous constatons que l’écrit de Mr Angrand n’est pas toujours exempt de tels manquements. Aussi, point par point, nous tenterons de mettre en évidence de telles insuffisances.
L’histoire de la maison des esclaves de Gorée serait, à l’en croire, une invention dans les années 1950, du docteur Pierre André Cariou, de son état médecin chef de la marine française. Les hypothèses émises par ce dernier seraient contenues dans un manuscrit conservé à la BNF. On aurait souhaité disposer de plus d’informations à propos dudit manuscrit (par exemple son numéro de référence ou son code pour le retrouver plus aisément). Et pourquoi ne pas citer nommément des passages du texte en question pour étayer davantage son propos. En l’absence de telles précautions, son opinion reste pour le moins superficielle et nous laisse un rien circonspect.
Ce déficit de précision constitue à bien des égards la marque de fabrique de l’article de l' »historien » Angrand.
Revenant ainsi sur le contexte ayant favorisé le développement de ce « business », c’est-à-dire la sortie du film Racines, Jean-Luc Angrand évoque le rôle majeur des Tour-operator tenus par des Sénégalais installés aux USA sans jamais fournir concrètement ni un nom d’organisme touristique ni celui d’un ressortissant sénégalais. Toutes choses entretenant le flou le plus absolu. « Les Tours Operators n’ont jamais été l’objectif de Gorée, éclaire en revanche François Vergès, ancienne présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage. Il ne faut pas tout confondre. C’est comme si on disait, il y a des voyages organisés à Auschwitz, et donc cela enlève le caractère véridique de ce qui s’y est passé ».
Il est évident que Gorée tire son statut de haut lieu mémoriel des dividendes de notoriétés qui attirent touristes et pèlerins. « Il faut lutter pour que Gorée ne devienne pas un endroit mercantile, prévient François Vergès. C’est comme à Roben Island, il y’avait un projet de le transformer en endroit mercantile, tout le monde a protesté. Et cela s’est arrêté. Est-ce que ce monsieur (Angrand) empêche qu’il y ait des voyages organisés à Lourdes ou à Saint-Michel ? C’est sélectif comme réflexion ». Sélectif puis accusateur sans véritable référence. En effet, Jean-Luc Angrand accuse les enseignants de l’Université de Dakar d’avoir couvert et amplifié ce qu’il appelle « un mensonge » afin d’en tirer des prébendes financières et ou promotionnelles. Mais de quels professeurs s’agit-il ? Ne peut-il être plus concis dans sa dénonciation ? Il évoque l’obtention de postes dans la prestigieuse University of Columbia. On n’ose croire qu’il parle de Souleymane Bachir Diagne ou de Mamadou Diouf.
Le premier, normalien, agrégé et docteur en philosophie cité par le Nouvel Observateur parmi l’un des plus grands penseurs de notre époque. Le second, historien de formation, docteur en histoire de la Sorbonne et auteur de plusieurs ouvrages. Pareil parcours ne saurait-il suffire pour être recruté par un institut américain fut-il Columbia University.
Dans la deuxième partie de sa diatribe Jean-Luc Angrand met en exergue des penseurs qui sont sensés apporter de la ressource à sa thèse. Pourquoi pas ? Mais là aussi il pèche par sa légèreté et le manque de rigueur de son raisonnement. Ainsi, quand il convoque les travaux de Philippe Curtin dans les années 1980, il se garde bien de mentionner le titre de ou des ouvrages dont il a recours. Chose plutôt surprenante pour qui connaît l’immensité de la production de ce chercheur. Dans le même ordre d’idées, on s’attendait à ce qu’il nous livre au moins des noms d’historiens sénégalais ou africains dignes de ce nom ayant soutenu que de Gorée sont partis vingt millions d’esclaves. Idée absolument saugrenue même pour le néophyte en histoire qui n’ignore point qu’une partie de la longue côte atlantique africaine (Togo-Bénin-Nigeria) était justement appelée côte des esclaves en raison de l’intensité du trafic.
Ainsi pour Françoise Vergès, « il est évident que l’Ile de Gorée ne pouvait pas prendre autant d’esclaves que Ouidah (Bénin) ou d’autres forteresses sur la cote africaine. Des historiens africains avaient reconnu depuis longtemps que Gorée a participé à la traite mais n’était pas un grand centre, ni un lieu de baraquements ». Alors que la « civilisationniste » Maboula Soumahoro préfère évoquer le départ d’esclaves de la région de Sénégambie. Des « Slaves Castel », on en trouve dans cette région comme au Ghana ou au Bénin. Si des esclaves ne sont pas partis de Gorée, ils sont partis de toute la région ouest africaine donc cela ne change rien à la situation. Je ne comprends pas tellement cette position de nier ce caractère à Gorée ».
Autre incompréhension, M. Angrand cite Abdoulaye Camara, enseignant à l’UCAD. Lequel aurait voulu et dénoncé l’imposture dans le journal Le Monde mais l’affaire fut étouffée par le lobby dit « goréen ». On ne peut qu’être interloqué par cette information n’apportant au demeurant rien de concret à son argumentaire. L’incompréhension se porte sur deux facteurs principaux : D’abord pourquoi Jean-Luc Angrand ne fait-il pas siennes les conclusions d’Abdoulaye Camara et les reproduire ici (du moins une partie) pour donner davantage de densité et de crédibilité à son article ? Ensuite comment se fait-il que cet enseignant-chercheur de l’UCAD se tourne vers le quotidien Le Monde pour publier ses résultats (encore qu’il ne nous fournit ni le numéro ni la date) ? Alors qu’il existe en Afrique même et partout au monde une myriade de revues d’histoire susceptibles de vulgariser ses travaux. Ou faut-il croire ceux-ci n’étaient pas à la hauteur ?
Par ailleurs, on est en droit de demeurer interrogatif quant à la soumission de la gazette française pour étouffer cette affaire. Pour qui connaît l’histoire de ce journal né au lendemain de la deuxième guerre mondiale et ses multiples prises à partie avec l’Etat française, la chose parait peu probante. Restant dans sa volonté constante de fournir des preuves du bienfondé de sa théorie, Angrand fait appel à la rescousse une production de Joseph Ki-Zerbo. Mais là également, il commet une erreur factuelle rédhibitoire en présentant ce dernier comme un philosophe béninois alors qu’il est de notoriété publique que l’homme est historien de spécialité et Burkinabé de nationalité. D’autre part, il ne nous dit point où, quand et sur quel support ce penseur a publié son article.
Pareille omission constitue, si besoin en est, une preuve supplémentaire de son manque de rigueur.
Pour conclure sa réflexion, il propose son argument béton à savoir son étude sur la question. Il la présente, « sans prétention », comme le seul vrai travail scientifique en l’espèce (lui qui n’est pas véritablement connu dans la communauté des historiens). Toutefois, il ne dit mot sur le titre de ladite étude ni la publication où elle est apparue avant d’être intégrée dans son livre.
Celui-ci, soutient-il, mérite d’être enseigné à l’université en raison de la distinction reçue de la part de l’académie des sciences d’Outre-mer. Rappelons que de tels trophées ne sont pas toujours gages d’excellence. Aussi l’ouvrage très polémique d’Olivier Pétré-Grenouilleau : les traites négrières (Gallimard, 2004) reçut-il le prix du livre d’histoire du Sénat et celui de l’essai de l’académie française avec à chaque fois des jurys composés de non spécialistes. Le seul membre du premier jury ayant quelques clignotants en ce domaine fut Marc Ferro, grand connaisseur de l’Urss de son état. En matière d’histoire de l’Outre-mer, son seul fait d’armes est d’avoir dirigé un ouvrage collectif : le livre noir du colonialisme (Robert Lafont, 2003). En fait le succès du travail de Pétré-Grenouilleau provient de deux facteurs précis. Il a permis de découvrir un point majeur en l’occurrence la diversité des traites négrières. Et d’autre part il est apparu comme une forme d’absolution des Européens qui n’étaient opportunément plus les seuls méchants négriers. Responsabilité qu’ils partageaient dorénavant avec les Arabes et les Africains eux-mêmes.
Ce sont donc ces deux points qui justifient les nombreux satisfécits dont Olivier Pétré-Grenouilleau a bénéficié en dépit des sérieuses lacunes que contient son essai. Ce dernier fait pratiquement un blackout total (vingt pages sur plus de trois cent soixante) sur le trafic de l’Atlantique sud mené par les Hispano-portugais, c’est-à-dire la droiture. Laquelle a été encore plus importante que le très connu commerce triangulaire se faisant plus au nord. De plus cet historien reprend par devers lui des chiffres fantaisistes quant au nombre de déportés dans le cadre du trafic transaharien et de l’océan indien. Fantaisiste car n’offrant pas contrairement aux échanges de l’ouest des sources bien chiffrées et quantifiables.
En définitive si cet ouvrage aussi déficitaire sur le plan scientifique a pu recevoir autant de lauriers c’est en raison de son côté rassurant pour l’Occident.
Du coup sommes-nous en droit de nous questionner sur les motivations ayant présidé aux distinctions du livre de Monsieur Angrand, si d’aventure ce texte recelait des imperfections aussi notoires que celles que avons relevées dans son article.
Nous concluons notre critique en rappelant ces mots de Gaston Bachelard ; toute vérité est une suite d’erreurs rectifiées. Donc si l’affaire de la maison des esclaves est réellement une grosse escroquerie il est bon de le savoir et de le diffuser mais encore faut-il que cette « vérité » soit révélée en s’appuyant sur une argumentation et des preuves ne souffrant d’aucune once de doute. Ce qui est loin d’être le cas avec ce cher Monsieur Angrand.
Réponse de : Jean Luc ANGRAND Historien (franco-sénégalais) aux humoristes Momar Mbaye, Docteur en histoire de l’Université de Rouen et Moussa Diop, journaliste, membres actif du Gorée Business suite à leurs article dilatoire dans le Huffingtonpost.
Cet article de presse est une bien amusante rhétorique faite par des enseignants sénégalais qui tentent de sauver leurs « têtes » après une bonne vingtaine d’années de baratin. Toute les affirmations contenues dans mon article de presse du Hufffingtonpost sont sourcé; mon principal adversaire monsieur Hamady Bocoum Directeur National du Patrimoine Sénégalais vient de reconnaître à demi mots dans un article de la revue du patrimoine français In Situ du mois d’Avril 2103(sur internet) le bien fondé de mes travaux de recherches (en partie dû à Hubert Dupuy); essayant au passage de mettre sur le dos de l’état français l’origine de cette arnaque mémorielle.
Hamady Bocoum ment très mal car dans le même article il indique par inadvertance que le représentant de l’état français de l’époque, le Professeur Mauny (1951) niait toute véracité à cette invention du Médecin Chef de la Marine Pierre André Cariou; lui même peut être inspiré par Robert Gaffiot auteur de Gorée Capital déchue(1933). Gaffiot inventeur ou co-inventeur avec Cariou du Mythe (à creuser). La faute n’est pas comme je l’ai dit d’avoir débuté le mythe puisque ce sont deux français qui l’on inventés à l’usage des familles de militaires français hospitalisés à l’hôpital de la Marine française bien avant l’indépendance (avant guerre) mais bien d’en avoir fait, un fait historique reconnu par l’état sénégalais après l’indépendance tout en permettant au « griot mémoriel » Joseph Ndiaye dans rajouter des couches.
Une historiette jamais reconnue par le professeur Théodore Monod fondateur de l’IFAN et son assistant le professeur Mauny représentant l’état français avant l’indépendance. Il n’y a donc pas de complot « blanc » contre Gorée…n’est-ce pas ?
Les escrocs de l’Université de Dakar n’ont pas hésité à tourner en ridicule le vrai travail de mémoire allant même jusqu’à cacher depuis plus de vingt ans la vraie captiverie de Gorée encore existante, aux pèlerins antillais, noirs américains et autres. Captiverie dont j’ai révélé l’existence depuis l’année 2006 malgré des menaces physique à mon encontre de la part du pseudo conservateur Eloi Coly.
Vos collègues universitaires corrompus du Gorée Business (malhonnête) refusent de la faire ouvrir car cela leurs ferait perdre le contrôle probablement de la pompe à fric et ils seraient obligé de s’expliquer auprès de leurs nombreux amis noirs aux Antilles et USA à qui ils ont fait prendre une vessie pour une lanterne. Enfin peut être ont ils peur de subir les foudres des fondations et états qui ont donné de l’argent pour « sauver Gorée » porte sans retour de l’esclavage d’où fut parti selon le griot mémoriel Joseph Ndiaye 10, 15, 20 millions de victimes (les chiffres qu’il donnait variés probablement en fonction de la température de l’air ou de la direction du vent)…
Autre faute gravissime fut de laisser Joseph Ndiaye mettre en place un discourt fonctionnel dans la maison d’Anna Colas Pépin (maison des esclaves) dont le seul but fut de tirer des larmes aux antillais et noirs américains pour en obtenir toujours plus de pognons…c’est dégueulasse. Enfin autre faute, laisser Joseph Ndiaye raconter tout et surtout n’importe quoi sur l’histoire patrimoniale de cette maison; dates de constructions fausses, usage du rez-de-chaussé qui n’a jamais été une captiverie transformé en cellules avec la Cerise sur le gâteau « une cellule des récalcitrants » (un gag mémoriel).
Quelle honte pour l’Université de Dakar que d’avoir laissé un ignorant ridiculiser l’Afrique et le travail des historiens noirs qui font leurs boulots correctement; comme Abdoulaye Camara (inspiré tout comme Roger de Benoist par des informations fournis par monsieur Hubert Dupuy) que vous dénigrez dans votre article; tout cela pour enrichir les amis, la famille qui contrôle le Gorée business (malhonnête).
Je ne suis pas contre un Gorée Business, tout comme il y a un Mecque Bussines et un Lourde Business mais encore faut il que ce qui est proposée au bout soit honnête alors au nom des mes amis antillais, noirs américains je vous SOMMES par la présente d’ouvrir immédiatement la vraie captiverie de Gorée et d’indiquer aux touristes les vrais chiffres de déportés !!!!!. Voici le plan de cadastres de Gorée datant du XVIII siècle avec l’indication de la vraie captiverie (il en avait une seconde dans le fort St François qui est rasé de nos jours); essayez svp de rattraper vos erreurs graves en faisant le boulot correctement pour éviter aux négationnistes de ce moquer de nous, les africains. Il faut maintenant déconstruire/reconstruire faisons le ensemble avec la participation désormais indispensable de nos frères et sœurs historiens antillais et américains :
GOREE ISLAND, Senegal — Standing in a narrow doorway opening onto the Atlantic Ocean, tour guide Aladji Ndiaye asked a visitor to this Senegalese island’s Slave House to imagine the millions of shackled Africans who stepped through it, forced onto overcrowded ships that would carry them to lives of slavery in the Americas. »After walking through the door, it was bye-bye, Africa, » says Ndiaye, pausing before solemnly pointing to the choppy waters below. « Many would try to escape. Those who did died. It was better we give ourselves to the sharks than be slaves. »
This portal — called the door of no return — is one of the most powerful symbols of the Atlantic slave trade, serving as a backdrop for high-profile visits to Africa by Pope John Paul II, President Clinton and his successor, President Bush, and a destination for thousands of African Americans in search of their roots.
More than 200,000 people travel to this rocky island off the coast of Dakar each year to step inside the dark, dungeonlike holding rooms in the pink stucco Slave House and hear details of how 20 million slaves were chained and fattened for export here. Many visitors are moved to tears.
But whatever its emotional or spiritual power, Goree Island was never a major shipping point for slaves, say historians, who insist no slaves were ever sold at Slave House, no Africans ever stepped through the famous door of no return to waiting ships.
« The whole story is phony, » says Philip Curtin, a retired professor of history at Johns Hopkins University who has written more than two dozen books on Atlantic slave trade and African history.
Although it functioned as a commercial center, Goree Island was never a key departure point for slaves, Curtin says. Most Africans sold into slavery in the Senegal region would have departed from thriving slave depots at the mouths of the Senegal River to the north and the Gambia River to the south, he says.
During about 400 years of the Atlantic slave trade, when an estimated 10 million Africans were taken from Africa, maybe 50,000 slaves — not 20 million as claimed by the Slave House curator — might have spent time on the island, Curtin says.
Even then, they would not have been locked in chains in the Slave House, Curtin says. Built in 1775-1778 by a wealthy merchant, it was one of the most beautiful homes on the island; it would not have been used as a warehouse for slaves other than those who might have been owned by the merchant.
Likewise, Curtin adds, the widely accepted story that the door of no return was the final departure point for millions of slaves is not true. There are too many rocks to allow boats to dock safely, he says.
Curtin’s assessment is widely shared by historians, including Abdoulaye Camara, curator of the Goree Island Historical Museum, which is a 10-minute walk from the Slave House.
The Slave House, says Camara, offers a distorted account of the island’s history, created with tourists in mind.
But when the respected French newspaper Le Monde published an article in 1996 refuting the island’s role in the slave trade, Senegalese authorities were furious. Several years ago at an academic conference in Senegal, some Senegalese accused Curtin of « stealing their history, » he says.
No one is quite sure where the Slave House got its name, but both Camara and Curtin credit Boubacar Joseph Ndiaye, the Slave House’s curator since the early 1960s, with promoting it as a tourist attraction.
Ndiaye is famous in Senegal for offering thousands of visitors chilling details of the squalid conditions of the slaves’ holding cells, the chains used to shackle them and their final walk through the door of no return.
« Joseph Ndiaye offers a strong, powerful, sentimental history. I am a historian. I am not allowed to be sentimental, » Camara says.
That said, Camara believes Ndiaye has played an important role in offering the descendants of slaves an emotional shrine to commemorate the sacrifices of their ancestors.
« The slaves did not pour through that door. The door is a symbol. The history and memory needs to have a strong symbol, » Camara says. « You either accept it or you don’t accept it. It’s difficult to interpret a symbol. »
Some tour books have begun warning visitors about the questions surrounding the island, including Lonely Planet’s West Africa guidebook, which concludes: « Goree’s fabricated history boils down to an emotional manipulation by government officials and tour companies of people who come here as part of a genuine search for cultural roots. »
None of the controversy appears to have diminished the island’s attraction as a tourist destination. The ferry that carries visitors from Dakar to the island is regularly packed with tourists and school groups.
At the Slave House, the visitors’ book is crowded with entries by tourists expressing a powerful mix of anger, sadness and hope at what they’ve experienced — no matter if it is fact or fiction.
« The black Africans will never forget this shameful act until kingdom come, » penned a visitor from Ghana.
Obama, speaking to reporters after the rare moment of solemnity, said it had been « very powerful » for him to see the world-famous site, which helped him “fully appreciate the magnitude of the slave trade” and “get a sense in an intimate way” of the hardships slaves faced. He called the trip a reminder that « we have to remain vigilant when it comes to the defense of human rights. »
« This is a testament to when we’re not vigilant in defense of human rights, what can happen, » he said. « Obviously, for an African American, an African American president, to be able to visit this site, gives me even greater motivation in terms of human rights around the world. »
The door was the point out of which many, perhaps millions, of African slaves took the final step from their home continent and onto the slave ships that would bring them to the new world, if they even survived the journey. Or that’s the story according to Goree Island official history, anyway. The truth may actually be far more complicated.
No one doubts the vast scale or horrific consequences of the trans-Atlantic slave trade, which destroyed countless communities in Africa, tore families apart, forced millions into bondage and killed perhaps one in 10 just during their voyage across the ocean. But it turns out that Senegal’s famous Door of No Return might not actually have played a very significant role in that story. And the wide gulf between the myth of the door and its reality may actually be, in itself, a revealing symbol of our relationship to this dark chapter in world history. What Obama really saw at Goree Island’s famous, pink-walled building may not have been a monument to slavery’s history so much as its haunting legacy and ineffable memory.
If you ask the stewards of this museum on Goree Island what happened there, they’ll likely refer you to the plaques on the wall, which say that millions of slaves passed through the building that Obama visited Thursday, now called the House of Slaves. That’s been the story for years. In 1978, the United Nations cultural body formally named it as a world heritage site, explaining that « From the 15th to the 19th century, it was the largest slave-trading centre on the African coast. » When Nelson Mandela visited in 1991, a tour guide told him that a hole beneath some stairs had been used as a cruel holding cell for disobedient slaves; Mandela insisted on crawling inside. It was also visited by Pope John Paul II, Presidents Bill Clinton and George W. Bush and many African heads of state.
But if you ask Africa scholars, they’ll tell you a very different story. « There are literally no historians who believe the Slave House is what they’re claiming it to be, or that believe Goree was statistically significant in terms of the slave trade, » Ralph Austen, who as a professor emeritus at the University of Chicago has written several academic articles on the subject, told the Associated Press.
Historical studies, according to Austen and other academics who spoke to the AP, suggest that 33,000 slaves were transferred from Goree Island – a huge number to be sure, but a tiny fraction of what the island’s official history claims. And, of those, perhaps zero were moved from the House of Slaves or out of its Door of No Return. « Historians say the door faced the ocean so that the inhabitants of the house could chuck their garbage into the water, » the AP says. « No slaves ever boarded a ship through it. » The historian Ana Lucia Araujo told the news agency, « It’s not a real place from where real people left in the numbers they say.”
Historians first uncovered the apparent truth about Goree in the 1990s. But almost 20 years later, the site’s emotional power is still strong – as is its prominent place in a history that it actually had very little to do with. But that might be about something much bigger than just the persistence of myth or the challenge in overturning a too-good-to-be-true story.
As academics downplayed the historical role of Goree in past centuries, a very different kind of scholar began to study its significance today, for Africans and members of the African diaspora. Katharina Schramm, in a book on the role of history in African ideologies today, called the Door of No Return a symbol of « the cultural amnesia and sense of disconnection that slavery and the Middle Passage stand for. » The door, she wrote, has become increasingly associated not just with its largely fictional past but with its very real present as a place of historical « healing and closure, » sometimes now described as a « Door of Return » out of slavery’s shadow.
Dionne Brand, a Canadian poet and novelist who often writes about race, explored the symbolic power of Goree’s sites at length in a 2002 book on identity and history, « A Map to the Door of No Return: Notes to Belonging. » She wrote that the door, whatever its role in past centuries, is today « a place to return to, a way of being » for people, like her, struggling to confront the role of slavery in her family’s past. Dionne writes, in a passage that might have resonated with Obama as he looked through the door and over the Atlantic:
The door signifies the historical moment which colours all moments in the Diaspora. It accounts for the ways we observe and are observed as people, whether it’s through the lens of social injustice or the lens of human accomplishments. The door exists as an absence. A thing in fact which we do not know about, a place we do not know. Yet it exists as the ground we walk. Every gesture our bodies make somehow gestures toward this door. What interest me primarily is probing the Door of No Return as consciousness. The door casts a haunting spell on personal and collective consciousness in the Diaspora. Black experience in any modern city or town in the Americas is a haunting. One enters a room and history follows; one enters a room and history precedes. History is already seated in the chair in the empty room when one arrives. Where one stands in a society seems always related to this historical experience. Where one can be observed is relative to that history. All human efforts seem to emanate from this door.
Historians, since realizing the banal truth of Goree Island in the 1990s, have been struggling with how, or whether, to reconcile their accounting with the island’s power today, how to square what actually happened at this house in Senegal with the Door of No Return as it is today felt and perceived by visitors from Nelson Mandela to Obama. If no slaves ever actually stepped through the door, can it still be a symbol of the slave trade, which did in fact reshape entire continents? Of slavery’s still-unfolding legacy? At what point does the symbolism overshadow the reality?
In 1995, as an early iteration of this still-going debate raged on an e-mail listserv for Africa scholars, the scholar John Saillant, then of Brown University, argued that Goree could still matter, even if it turned out that millions of slaves hadn’t really moved through it. « We can understand Goree as important & interesting without extravagant claims about numbers, » he wrote.
Demain, la Journée nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage ne sera toujours pas célébrée de façon unitaire à Nantes. Une trentaine de comédiens enchaînés et en haillons ont en effet pris part, dès hier, à une « Marche des esclaves » dans les rues de la ville, qui a fait sa fortune au XVIIIe siècle sur le « commerce triangulaire ». Ils étaient encadrés par deux négriers européens, qui criaient « Avancez, bande de nègres ! » entre deux coups de fouet et de bâton.
« Indécent » pour Octave Cestor « C’est avant tout un outil pédagogique, pour répondre à la non-visibilité de la traite négrière dans les manuels scolaires », explique André-Joseph Gélie, qui a initié l’événement en 2006. « Nous vivons dans un monde d’images, et cette Marche permet de symboliser l’esclavage. » Hier, les « esclaves » ont ainsi marqué l’arrêt devant l’Hôtel de ville… où l’initiative est jugée « indécente ». « C’est comme si on demandait aux Juifs de théâtraliser leur marche vers les fours crématoires », s’emporte Octave Cestor, conseiller municipal en charge des « relations entre Nantes, l’Afrique et les Caraïbes ». « Nous sommes, en plus, dans une ville qui assume son passé… Ces personnes devraient avoir le courage d’aller à Bordeaux, La Rochelle ou Saint-Malo. Ces villesne font rien alors qu’elles ont, elles aussi, un passé négrier. »
FIGAROVOX/TRIBUNE – Guilhem Carayon s’inquiète de la nomination de Danièle Obono à la Sorbonne. Il y voit une offensive du parti indigéniste à l’Université et craint que les thèses racialistes ne se développent au sein de l’enseignement supérieur.
Guilhem Carayon et Olivier Vial
Cette tribune est écrite par Guilhem Carayon, responsable de l’UNI Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Elle est cosignée par Olivier Vial, président de l’UNI.
Danièle Obono, député de la France Insoumise, proche du «Parti des indigènes de la République» (PIR) vient d’être nommée au sein du Conseil d’administration de l’UFR de Science politique de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Cette instance fixe au quotidien les orientations des enseignements et des recherches proposés aux étudiants.
Depuis plusieurs années, les activistes en tous «genres» tentent d’infiltrer l’Université afin de poser un vernis «scientifique» sur leurs engagements les plus radicaux. Les militants du genre furent les pionniers. Et désormais, les études de genre prospèrent et se répandent d’amphithéâtres en amphithéâtres. L’université a ainsi servi de caisse de résonance aux adeptes de l’écriture inclusive, aux avocats de la fluidité des genres et des toilettes neutres …
Avec Danièle Obono, c’est une autre idéologie qui fait de l’entrisme. Une idéologie aux antipodes de notre tradition humaniste. La député de Paris s’est, en effet, faite l’avocate des thèses «décolonialistes» prônées par le Parti des indigènes de la République.
Ce groupuscule extrémiste avait publié en 2016 des messages de soutien aux organisateurs d’un attentat contre des civils à Tel Aviv! «L’Antisionisme», revendiqué par sa porte-parole Houria Bouteldja dissimule mal un réel antisémitisme. Selon elle, «les juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe». Sic!
A l’occasion des 10 ans des Indigènes de la République, Danièle Obono avait encensé le parti indigéniste, qualifiant même le discours de sa porte-parole Houria Bouteldja de «très beau et très juste». En réalité, l’idéologie que Danièle Obono défend, repose sur des fondements racialistes. Elle va jusqu’à prôner la non-mixité raciale et sexuelle (!) dans les réunions politiques ou syndicales, en somme un apartheid inversé. Ce genre d’inepties tend malheureusement à se développer, comme ce fut le cas durant le blocus de Tolbiac, les étudiants avaient déjà pris l’initiative d’organiser des Assemblées Générales interdites aux hommes blancs. Re-Sic!
Elle s’est également «distinguée» dans son soutien à un texte de Rap dont les paroles font froid dans le dos: «Nique la France, et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes. Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes, (…) ton pays est puant, raciste et assassin». (*) Doit-on s’attendre à ce que ce genre de colique verbale soit désormais au programme de l’UFR?
Alors, comment a-t-on pu intégrer Danièle Obono dans un conseil qui détermine les orientations de l’enseignement des Science politique dans l’université symbole des libertés intellectuelles depuis le Moyen-Âge? Comment peut-on avoir choisi une personnalité aussi radicale, discréditant par ses engagements anti-humanistes l’image et le prestige de La Sorbonne?
L’argent public qui finance la recherche publique doit-il servir à diffuser une propagande «bolcho-trotsko-marxiste» comme se définit Danièle Obono, ou pire à soutenir l’offensive des «décolonialistes».
En réalité, cette nomination n’entache pas seulement l’image de l’UFR de Science politique. Demain, ce seront l’ensemble des diplômes et des recherches de l’Université Paris 1 qui seront suspects. Nous demandons donc au Président de Paris 1 et au conseil d’administration de l’université de dénoncer cette nomination ;
Sinon, le risque c’est de voir l’université Française devenir le cheval de Troie de tous les courants nés au sein de la gauche radicale américaine la plus folle.
(*) Nique la France, Zone d’expression populaire, 2009
ENQUÊTE – L’affaire Floyd est une opportunité pour les militants indigénistes et communautaristes qui se sont emparés ces dernières semaines de cette émotion légitime pour porter leurs revendications et imbiber un peu plus la société de leur doctrine.
Nadjet Cherigui
Le calvaire de George Floyd, cet Afro-Américain agonisant durant huit minutes et quarante-six secondes sous le genou d’un policier blanc, a ébranlé le monde entier et suscité une vague d’indignation sans précédent. Son martyre a traversé l’Océan pour importer dans l’Hexagone une problématique que certains voudraient similaire en comparant cette dramatique affaire de Minneapolis avec celle d’Adama Traoré, ce jeune homme de 24 ans, originaire du quartier de Boyenval, à Beaumont-sur-Oise, et mort en juillet 2016 après son interpellation par les gendarmes.
Depuis quatre ans, le comité La Vérité pour Adama, par la voix d’Assa Traoré, sa sœur, n’a de cesse de désigner les gendarmes comme racistes et responsables de la mort du jeune homme. Devenu porte-drapeau de la mobilisation contre les violences policières, le comité a organisé des manifestations à Paris les 2 et 13 juin derniers et veut se faire l’écho en France du mouvement américain Black Lives Matter.
Des revendications disparates
Pour Sami Biasoni, coauteur avec Anne-Sophie Nogaret de l’ouvrage Français malgré eux, publié aux Éditions de l’Artilleur, la comparaison du cas d’Adama Traoré avec celui de George Floyd s’apparenterait plutôt à une stratégie opportuniste pour porter en réalité d’autres revendications: «L’affaire Floyd est tombée au bon moment pour les membres du comité La Vérité pour Adama. Elle leur a permis d’accomplir un véritable coup de force médiatique, en réunissant à Paris près de 15.000 personnes portant des revendications très disparates passant de l’antiracisme au militantisme contre les violences policières. Cela démontre aussi une véritable faiblesse de notre société et la remise en cause de l’unité nationale après les nombreuses manifestations des néoféministes, des environnementalistes, des “gilets jaunes”, etc. Il faut, insiste l’auteur, noter également l’influence des thèses défendues par les activistes indigénistes derrière le comité La Vérité pour Adama.»
Ce mouvement indigéniste auquel fait référence Sami Biasoni est actif sur le terrain des manifestations (aux côtés notamment d’organisations comme la très sulfureuse Ligue de défense noire africaine). Né en 2005, il s’appuie sur une littérature universitaire issue de Michel Foucault, Pierre Bourdieu ou l’ethnopsychiatrie. Les Indigènes de la République n’ont de cesse, depuis leur création, de dénoncer la France comme un État dont le racisme serait institutionnalisé. Cette pensée est théorisée par des personnalités comme le sociologue Saïd Bouamama ou Houria Bouteldja. Cette dernière s’est distinguée lors d’une allocution publique en affirmant au micro «Mohammed Merah, c’est moi», exprimant ainsi sa compassion pour le terroriste dont la folie haineuse avait fait sept morts, dont trois enfants, et six blessés lors des tueries de Toulouse et Montauban en 2012.
Actifs dans les banlieues
«Ces gens jargonnent beaucoup et se prennent pour des intellectuels, déplore Anne-Sophie Nogaret, l’autre auteur de Français malgré eux. Pour eux, la France est toujours coloniale. Ils considèrent que les Arabes et les Noirs sont encore aujourd’hui des indigènes et ne répondent pas aux mêmes droits que les autres citoyens. Ce groupuscule a étendu son réseau d’influence dans les banlieues grâce au relais des mairies, surtout communistes et d’extrême gauche, en infiltrant les sphères du pouvoir grâce aux facultés et à la sympathie des universitaires, puis dans les médias qui reprennent aujourd’hui ses éléments de langage comme les mots “racisé” ou “privilège blanc”. Ils sont très actifs et visibles sur le terrain médiatique à travers, notamment, le comité La Vérité pour Adama. C’est terrible car ils ont pour objectif de détruire ce pays, colonial à leurs yeux, que représente la République.»
Rachida Hamdan est connue pour sa bonne humeur contagieuse et son sourire indéboulonnable. Depuis le local de son association, elle veut dire aujourd’hui sa colère contre la famille Traoré et son comité. Une indignation exprimée sans filtre sur les réseaux sociaux, mais aussi auprès des jeunes dans ces quartiers qu’elle connaît bien à Saint-Denis. La présidente de l’association dyonisienne Les Résilientes, qui se veut universaliste et laïque, crie au mensonge. «Adama Traoré n’est pas la victime du racisme et d’un contrôle d’identité au faciès, martèle Rachida Hamdan. Il a été arrêté par des gendarmes, dont deux étaient noirs, dans le cadre d’une affaire de délinquance et non pas en raison de sa couleur de peau. Je ne veux pas nier l’existence du racisme, mais il n’est pas l’apanage de la police, ni celui des Blancs. Ce genre de théorie crée du séparatisme et nuit à l’unité du pays. Si j’étais blanche, je serais hors de moi en entendant que je suis forcément une privilégiée, raciste et nantie. Par ailleurs, je refuse de marcher dans les rues de Paris pour défendre un délinquant accusé de viol sur un jeune codétenu. Prendre la famille Traoré comme modèle est une insulte faite aux Noirs.»
Une théorie identitaire
Cette militante féministe insiste pour souligner la polygamie du père, d’origine malienne, de cette famille de 10 enfants.«Il avait deux épouses, s’étrangle-t-elle. La polygamie est illégale dans notre pays et je considère cette pratique comme de la maltraitance pour les gamins qui la subissent. La très nombreuse fratrie Traoré a un casier judiciaire très chargé et ne donne rien d’autre qu’une image déplorable des jeunes de quartier.»
Rachida Hamdan, activiste infatigable de la cause des femmes et de la défense des valeurs républicaines, est très souvent attaquée par les islamistes ou les indigénistes qu’elle connaît trop bien dans la ville de Saint-Denis. Elle en est convaincue, le comité La Vérité pour Adama est aujourd’hui piloté par cette nébuleuse d’activistes «racialistes».Selon elle, la lutte contre les violences policières n’est pour ces militants qu’un écran de fumée. Elle relève notamment l’omniprésence de Youcef Brakni, porte-parole du comité. L’homme est aussi l’organisateur du Printemps des quartiers en 2012. Cet événement majeur de la cause réunissait à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, les personnalités les plus influentes de la sphère indigéniste.
«Quels sont leurs projets? s’interroge la militante. Je ne peux pas répondre, mais je suis sûre d’une chose: ces gens ne sont pas dans une démarche constructive mais à l’inverse guerrière et vengeresse pour mettre le chaos dans le pays. Ce n’est pas ce que je veux pour notre jeunesse.» Le nom de Youcef Brakni, ancien membre du Mouvement islamique de libération et farouche opposant à l’IVG, revient aussi dans la bouche de cette universitaire chercheuse qui veut rester anonyme et connaît bien le mouvement indigéniste ; elle décrit à travers ce personnage «un indigénisme avec l’islamisme en embuscade». «Youcef Brakni pilote la tête d’Assa Traoré, affirme-t-elle. Les indigénistes ont compris que le comité La Vérité pour Adama est le report politiquement correct de leurs idées identitaires et racistes. Ces idées progressent et ils tissent leur toile grâce au réseau d’influence de l’intelligentsia et à la passerelle construite avec une bourgeoisie gauchiste qui aime à s’encanailler avec le lumpenprolétariat des cités sans n’y avoir jamais mis les pieds. Ces gens rêvent de révolution en mangeant des petits-fours et se fichent bien en réalité de la condition des Noirs et des Arabes dans les banlieues. Nous sortons juste de trois mois de confinement pour raisons sanitaires et, grâce à eux, on ne parle que de racisme alors que la crise économique est devant nous et que tout ceci ne fait que l’aggraver.»
Reconnaissance des minorités
«Dénationaliser l’histoire de France», cette autre idée défendue par les indigénistes signifie-t-elle que ces militants ambitionnent de repenser le récit national ou de remettre en cause l’héritage de grandes figures historiques? La multiplication des actes de vandalisme sur les statues de Victor Schœlcher et de Charles de Gaulle qualifiés de racistes interroge.
Guylain Chevrier, docteur en histoire et enseignant, s’insurge contre ces phénomènes. «Le projet de ces activistes vise à remplacer l’égalité républicaine par la reconnaissance juridique des minorités. Ils veulent une photo figée de l’Histoire au nom de la diversité qui serait leur seule réalité. Ils sont en conflit avec une pensée rationnelle. L’homme se développe par l’expérience qui a permis son émancipation. C’est ainsi que la République a dépassé la contradiction du colonialisme grâce à ses valeurs et en apportant à chacun les mêmes droits sans distinction. Ces gens refusent cette pensée du progrès, c’est la raison pour laquelle ils cassent tout.»
On aurait donc mal compris le texte de Valeurs actuelles sur Danièle Obono. «Ce n’est pas un texte raciste», a tenté de plaider, en réponse à la condamnation unanime de son dernier fait de gloire journalistique, le directeur du magazine d’extrême droite, Geoffroy Lejeune. On aurait manqué, nous autres ignares, de perspicacité, de hauteur de vue, de connaissance de l’histoire.
Texte anonyme
Car il se serait seulement agi de rappeler que l’esclavage avait bénéficié de complicités de trafiquants africains – une vieille coutume de l’extrême droite est de minorer la responsabilité des Occidentaux dans l’affaire en mettant en avant celle de certains Noirs. Si cet infâme article imaginant la députée de La France insoumise dans un village tchadien du XVIIIe siècle donne la nausée, ce ne serait pas parce qu’il est bêtement à vomir, mais parce que l’esclavage est une horreur, dont Valeurs aurait tenu à nous rappeler l’affreuse réalité. Rien à voir, donc, avec les préjugés ou les obsessions du magazine, a affirmé Geoffroy Lejeune, qu’on a pourtant senti plus péteux que jamais à la télévision ce week-end.
Publier un texte anonyme sur une femme noire contenant des phrases comme «Danièle fut échangée avec des Toubous prévenus par un tam-tam» ou «elle était pour sa part heureuse d’être trop âgée pour subir ce douloureux écartèlement des lèvres permettant d’y glisser ces plateaux de bois qui leur donnaient ce profil qui l’effrayait malgré elle» n’aurait rien de raciste pour le directeur de l’hebdomadaire. C’est raciste, absolument. On imagine le sourire de l’auteur au moment d’écrire ces lignes, ravi d’adresser un clin d’œil complice, bien entendu, à son lecteur… Interrogé par Libé sur l’identité de ce mystérieux rédacteur, nommé «Harpalus», Geoffroy Lejeune répond : «Je ne veux pas le dire car c’est inutile. J’assume la responsabilité dans cette histoire.»
Qui lit Valeurs actuelles de temps à autre sait parfaitement à quoi s’en tenir avec cet ex-magazine conservateur roupillant, qui a dérivé vers la radicalité à partir de 2012, sous la direction d’Yves de Kerdrel (qui a condamné publiquement le texte sur Danièle Obono). Son successeur nommé en 2016, Geoffroy Lejeune, qui rêve d’union des droites par l’extrême et a promu Zemmour «homme de l’année» en «une» début août, a poussé les feux plus loin encore, dans une direction militante, plus convaincue par la cause. Le fait est que le jeune patron de Valeurs, bientôt 32 ans, se sent assez fort pour imprimer des articles aussi répugnants que ce «voyage» de Danièle Obono dans l’Afrique esclavagiste – notons au passage que l’odyssée s’achève par une rédemption trouvée dans un monastère de bénédictines.
Interview d’Emmanuel Macron
Comment l’injustifiable a-t-il été rendu possible? Geoffroy Lejeune ne peut pourtant pas s’appuyer sur un bilan commercial étincelant : la «diffusion payée individuelle» de son journal, propriété de l’industriel Iskandar Safa, est tombée de 114 000 exemplaires en moyenne en 2016 à 76 000 en 2019. Ni sur les succès électoraux des candidats qu’il a soutenus, tel François-Xavier Bellamy, en déroute aux européennes. D’où vient alors l’incroyable assurance de Valeurs ? Nul doute que l’interview «exclusive» accordée par Emmanuel Macron en octobre dernier au magazine a beaucoup contribué à ce processus d’autolégitimation et d’autopersuasion.
Mais c’est aussi l’accueil réservé à cet hebdomadaire pas du tout comme les autres dans les médias audiovisuels qui a joué. Chose impensable il y a dix ans, les journalistes de Valeurs ont envahi les plateaux et studios. La nouvelle garde, composée de Charlotte d’Ornellas, Tugdual Denis, Louis de Raguenel ou Raphaël Stainville, squatte les émissions de débats construites sur la culture du clash, à l’invitation de chaînes très conciliantes. Ex-éditorialiste politique numéro 1 de LCI, Geoffroy Lejeune vient d’être appelé par Cyril Hanouna à la table des chroniqueurs de Balance ton post !. On arrête quand le délire ?
Selon le Global Slavery Index (Indice mondial de l’esclavage) créé par la Walk Free Foundation en 2013, le nombre de personnes concernées par l’esclavage moderne est estimé à 30 millions. 3 critères sont pris en compte pour ce calcul : l’esclavage, le travail forcé ou le trafic d’être humain. Méconnu, ce « crime caché » concentre 22 des 29,8 millions d’esclaves dans seulement 10 pays (dont 14 millions en Inde).
Carte de l’esclavage dans le monde, cliquez dessus pour l’agrandir. Source : Walk Free
Jetez un œil aux dix pays où l’esclavage est le plus répandu par nombre d’habitant.
10. Gabon
Le Gabon est à la fois un pays de destination et de transit pour les victimes de l’esclavage moderne. Hommes et femmes de tous âges sont contraints à diverses formes d’esclavage moderne dans ce pays d’Afrique. Les filles sont le plus souvent victimes de la traite à la servitude domestique (ou dans les restaurants et les marchés) ou le travail sexuel alors que les garçons sont victimes de la traite pour le travail manuel. Les mariages d’enfants et mariages forcés sont monnaie courante.
Selon l’UNICEF, l’absence de réglementation sur les travailleurs immigrés clandestins combinée à l’accroissement de la pauvreté, ont provoqué une augmentation massive de la traite des enfants dans tout le pays au cours des 10 dernières années. L’agence estime que 200 000 enfants non accompagnés sont introduits clandestinement au sein de la région pour y travailler chaque année.
9. Gambie
En Gambie, il y a de nombreux cas de mendicité forcée, de servitude domestique et de prostitution, y compris le tourisme pédophile. Les femmes, les filles et les garçons sont victimes de la traite en direction de la Gambie pour l’exploitation sexuelle commerciale. Selon l’UNICEF, près de 60 000 enfants en Gambie sont exposés à cette forme d’esclavage, notamment les orphelins et enfants de la rue.
8. Côte d’Ivoire
Les femmes et enfants asservis en Côte-d’Ivoire sont souvent soumis au travail forcé et à la prostitution. Un grand nombre d’enfants sont forcés à travailler dans les mines, la pêche, l’agriculture, la construction, le travail domestique et à la vente de rue ainsi que le cirage de chaussures.
7. Bénin
Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, les femmes et les enfants impliqués contre leur gré dans le commerce sexuel, le travail domestique et le travail forcé sont les principales victimes de l’esclavage moderne. Le Bénin compte environ 80 000 esclaves… L’Organisation Internationale pour les Migrations (IOM) affirme que plus de la moitié sont des enfants. La plupart travaillent dans les plantations de coton ou de noix de cajou ou comme domestiques dans les maisons.
6. Moldavie
Avec environ 33 000 esclaves, la Moldavie est principalement un pays d’origine pour l’esclavage moderne. Les émigrants moldaves sont asservis dans d’autres pays voisins comme l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne, la Biélorussie et ailleurs. Les moldaves ont été victimes de la traite à des fins de prélèvement d’organes.
5. Népal
Au Népal, les pratiques esclavagistes modernes comprennent le travail forcé et la prostitution. On estime que 259 000 Népalais sont asservis, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. Une économie paralysée, la corruption endémique et la discrimination ethnique et sexuelle institutionnalisée ont créé des conditions permettant à l’esclavage de prospérer depuis la fin de 10 ans de guerre civile au Népal en 2006.
4. Inde
Bien que l’Inde occupe la quatrième place en terme d’esclaves par habitants, c’est surtout le pays avec le plus grand nombre de personnes réduites à l’esclavage dans le monde. Presque toutes les formes d’esclavage sont répandues, allant de la servitude pour dettes inter-générationnelle au commerce du sexe, du travail des enfants au mariage forcé… Avec environ 13,9 millions d’esclaves, l’Inde abrite près de la moitié de la population asservie sur terre.
3. Pakistan
L’esclavage moderne au Pakistan est principalement caractérisé par la servitude pour dettes. La Banque asiatique de développement estime que 1,8 million de pakistanais sont liés à cette forme d’esclavage, bien que certaines ONG en dénombrent beaucoup plus (jusqu’à 4,5 millions). Beaucoup de Pakistanais migrent vers les pays du Golfe, l’Iran, la Turquie, l’Afrique du Sud et ailleurs à la recherche de travail, où ils sont en proie à des agents de travail sans scrupules qui retiennent leur passeports et ne paient pas leur salaires.
2. Haïti
L’esclavage des enfants est un problème très répandu dans la nation caribéenne d’Haïti. Le pays figure à la deuxième place de ce classement avec près de 209 000 esclaves, dont le problème est alimenté par une forte pauvreté, un manque d’accès aux services sociaux et un système pour le travail des enfants connu sous le nom de restavek, dans lequel les enfants pauvres des zones rurales sont envoyés pour travailler avec les familles des villes.
1. Mauritanie
La Mauritanie se classe à la pire place de ce classement concernant la « prévalence de l’esclavage ». Jusqu’à 20% de la population est considérée comme esclave. La chose la plus horrible est certainement que le statut d’esclave se transmet à travers les générations. En 1981, la Mauritanie avait pourtant abolie l’esclavage…
Les patrimoines de la traite négrière et de l’esclavage
In situ
20 | 2013
« Celui qui vous dit « Gorée est une île » / Celui-là a menti / Cette île n’est pas une île / Elle est continent de l’esprit » (Jean-Louis Roy, 1999)2(fig. n°1). Cet écrivain et diplomate francophone canadien, imprégné du discours des lieux, oppose la matérialité tangible de ce petit bout de terre établi au large de la presqu’île du Cap-Vert, à la portée symbolique de cette île-mémoire, « expression focale de la traite négrière ».
Nous ne reviendrons pas ici sur l’état des connaissances concernant l’histoire de l’esclavage et de la traite en Sénégambie et à Gorée. Dès les années 1970-80, les premiers travaux de synthèse sont menés par le professeur MBaye Gueye3. En 1997, un article du journal Le Monde mettant en cause la place de Gorée dans la traite atlantique et la fonction de la Maison des Esclaves dans « l’économie symbolique de la mémoire collective » suscite un séminaire sur Gorée et l’esclavage, dirigé par l’Institut Fondamental d’Afrique Noire Cheikh Anta Diop de Dakar4. Cette vive riposte « nationale », relayée par une démarche des historiens africains dans le cadre de la mondialisation en 2001, est supportée depuis 2007 par un programme d’études et de recherches domicilié à l’université de Dakar5.
Nous nous attacherons ici à l’observation de la « fabrique » de ce patrimoine mémoriel, depuis la période coloniale jusqu’à nos jours à travers les discours des différents acteurs, chercheurs et historiens, gestionnaires et conservateurs, hommes d’État et responsables de collectivités ou de communautés, responsables d’organisations non gouvernementales ou journalistes, aux différentes échelles locales, nationales ou internationales, à travers les sources archivistiques ou architecturales et les archives vivantes des mémoires-militantes. Ces observations pluridisciplinaires nécessitent un croisement des moyens d’investigation et d’interprétation des sources à travers divers continents.
Comment le site a-t-il été « inventé » et le « centre historique » protégé, comme témoin de l’esclavage et de son abolition dans le cadre d’une mise en tourisme de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.) ? Comment l’État du Sénégal s’est-il approprié cette « greffe coloniale » sur la construction mémorielle et la gestion du cadre bâti qui est devenu depuis 1978 un site de portée patrimoniale international, avec son inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO6 ?
Depuis quelques décennies, Gorée est au centre d’un véritable pèlerinage célébrant la diaspora des afro-descendants qui impose une surenchère compétitive et aux intérêts divergents de construction de musées, d’édification de mémoriaux et de routes touristiques de l’esclavage pour capter les retombées de ce nouveau tourisme dit « culturel »7. Quelles en sont les conséquences perceptibles sur le patrimoine et la transmission de la mémoire ?
En 1926, le discours colonial exposé dans le Guide du tourisme en Afrique Occidentale Française présente les Français comme des libérateurs et des civilisateurs « [qui] abolirent l’esclavage et rassemblèrent la terre africaine8 ». Le touriste est appelé à découvrir, « sous les préjugés négriers et sous les rêveries humanitaires, le caractère paysan des hommes de la savane9 ».
Au cours des années 1930, l’agence économique de l’Afrique-Occidentale-Française (A-O-F) procède à la mise en valeur touristique des territoires coloniaux et un syndicat d’initiative et de tourisme de l’AOF est installé à Dakar. En 1936, la revue à grand tirage L’Illustration consacre un numéro spécial à « L’œuvre de la France en Afrique occidentale », avec un supplément sur le tourisme. Elle décrit « l’inexprimable et inépuisable attrait » de cette « nature ardente », inquiétante hier, mais accueillante aujourd’hui : « l’AOF est la banlieue tropicale de l’Europe »10. La même année Air-France inaugure une ligne aérienne vers Dakar11.
Les espaces voûtés de Gorée établis sous les rez-de-chaussée surélevés des habitations, dans des maisons construites dans le dernier quart du XVIIIe siècle ou le premier quart du XIXe siècle sont très tôt considérés comme des « captiveries », des « cabanons à esclaves » ou aussi de simples entrepôts. En 1918, le Père Briault nous donne une aquarelle d’un « ancien cabanon à esclaves » établi dans l’actuel presbytère12. Selon le Guide du tourisme de 1926, une excursion à l’île de Gorée à partir de Dakar s’impose pour « visiter les anciennes « captiveries » où étaient parqués les esclaves en attendant le retour des négriers, venus à Gorée charger le « bois d’ébène »13. Dans un article sur « Gorée la moribonde » paru en 1928, la revue L’Illustration nous présente une reproduction photographique d’une des maisons à cour portant la légende : « au rez-de-chaussée logement des esclaves ; au premier étage, salle à manger du traitant »14. En 1929, le docteur P. Brau décrit les « cachots antiques, longs et étroits, [des maisons de Gorée qui] puent encore la chair esclave torturée… [Ils ont pu ensuite servir d’entrepôts] à d’autres lots de marchandises moins fragiles, mais non moins âprement discutées : les boucauts de lard salé et les tonnelets d’eaux-de-vie…15 ». Dès 1932, dans son guide de visite Gorée, capitale déchue, Robert Gaffiot nous dessine la cour de l’une de ces anciennes « maisons négrières ». Il précise dans la légende du dessin l’usage de cette maison où « les esclaves étaient parqués dans le bas-enclos, à l’obscurité, sous les pièces réservées à l’habitation des trafiquants. Le couloir central dessert, à droite et à gauche, une douzaine de longues et étroites cellules, dans lesquelles les malheureux étaient entassés et, bien souvent, enchaînés. L’autre extrémité du couloir donne sur la mer : le « négrier » avait ainsi toute facilité pour faire disparaître les cadavres de ceux qui ne pouvaient subir jusqu’au bout le supplice de cette vie atroce16 ». Un autre militaire de la marine française, le docteur Pierre-André Cariou, dans son guide non publié Promenade à Gorée, rédigé à partir des années 1940-1943, reprend l’historique et la description de la Maison des Esclaves. Le docteur assombrit encore le tableau dressé dix ans plus tôt par Robert Gaffiot pour l’ancienne maison négrière17. En 1951, l’historien et archéologue de l’Institut Français d’Afrique noire (IFAN) Raymond Mauny18 dénonce, sans en apporter les preuves, les excès de l’interprétation de Gaffiot19 et de Cariou, notamment les considérations sur la fonction de la porte donnant sur la mer, reprenant en partie le témoignage d’un témoin oculaire contemporain, le chevalier de Boufflers, mais qui semblerait plutôt s’appliquer au site de Saint-Louis20.
En face de cette Maison dite des esclaves « aux sinistres cellules », l’IFAN complète et redouble le discours pédagogique à l’intention du touriste par l’installation d’un Musée historique de l’Afrique occidentale française, dans une « belle maison de la fin du XVIIIe siècle » édifiée selon Pierre-André Cariou par un [autre] « négrier » dont les cellules du rez-de-chaussée auraient servi, selon le dit docteur de « cachots » aux esclaves. Cette maison, dite de Victoria Albis, est achetée grâce à des crédits votés lors de la célébration du centenaire de l’abolition de l’esclavage (1848) puis réhabilitée et inaugurée le 4 juin 195421. La présentation, œuvre d’Abdoulaye Ly et de Raymond Mauny, repose sur des bases géographiques et historiques, incluant des cartes ethniques et géographiques de l’AOF. L’une des six salles d’exposition est consacrée à l’esclavage et à son abolition, reprenant ainsi l’orthodoxie de la pensée coloniale22.
À l’exemple des sites de la métropole, la promotion touristique est diversifiée, exploitant les ressources de cette « île-mémoire » et de cette « île-musée ». Le circuit de visites mis au point dans les années 1940-1950 est jalonné de deux institutions gérées par l’IFAN : le musée historique et le musée de la Mer (inauguré en 1959, ouvert au public en 1960)23. Gorée est aussi le laboratoire d’essai pour la protection et la restauration des sites et monuments de l’AOF où seront également impliqués les hommes de science, chercheurs et archéologues de l’IFAN, contribuant ainsi à la promotion d’une politique culturelle coloniale.
Les dispositions juridiques en vigueur en métropole vont quasi systématiquement être appliquées dans les colonies avec la loi du 31 décembre 1913 relative au classement et à la protection des monuments historiques. Cette initiative sera poursuivie avec notamment le décret du 25 août 1937 portant sur la protection des monuments naturels et des sites de caractère historique, légendaire ou pittoresque des colonies, pays de protectorats et territoires sous mandat relevant du ministère des Colonies24. Le pilotage de l’application de cette loi, régulièrement réajustée, est confié à la Commission supérieure des Monuments historiques et des Arts indigènes qui est représentée à Dakar par un délégué permanent assermenté désigné par le Gouverneur général. Le dispositif colonial connaîtra une ultime retouche avec la loi n° 56.1106 du 3 novembre 1956 dont le Sénégal indépendant s’inspirera, très largement, pour préparer la loi 71-12 du 25 janvier 1971 fixant le régime des monuments historiques et des sites archéologiques.
En 1937, quelques jours seulement après la promulgation de l’arrêté de protection par le gouverneur général de l’AOF, André Villard, archiviste-bibliothécaire du Gouvernement général de l’AOF, saisit l’occasion pour proposer le classement de l’île de Gorée, à l’exception de ses terrains militaires, avec restauration des édifices et espaces spécifiques : « Le jardin, la maison dite des Esclaves, l’église, la maison Boufflers, la maison des Donjons, le quartier de la pointe Nord et la rue Bambara et autres points à désigner […]25 ». Mais avant même l’adoption de la proposition de classement, les maisons de Gorée sont mises à mal lors de la bataille navale de Dakar entre le 23 et le 25 septembre 1940. Entre 1940 et 1952, une première campagne de restauration et de réhabilitation est mise en place par les autorités militaires de la marine, sans doute soucieuses d’effacer rapidement les traces de l’affrontement avec les alliés, et en déficit de logements. Elle touche près de 90 bâtiments. Les réseaux d’approvisionnement en eau et en électricité sont également modernisés26. La proposition d’André Villard est adoptée le 15 novembre 1944, et le classement est étendu à l’île tout entière27.
En 1942, Monod plaide en faveur de la sauvegarde de Gorée qui avait particulièrement souffert des bombardements de 1940 et dont de nombreuses maisons étaient déjà en ruine auparavant28. « On ne saurait en effet envisager de gaieté de cœur la destruction, ou même une mutilation trop poussée d’un ensemble légué par le passé et dont il est notre devoir de conserver au moins les parties les plus typiques ou les plus curieuses, pour l’instruction ou le déduit de nos successeurs qui nous en voudront, à juste titre, si nous ne leur abandonnons qu’une île de Gorée dépouillée de ce qui fait son cachet et définitivement « banalisée »29 ». Pour le pouvoir colonial, l’île de Gorée et ses monuments sont d’abord les témoins d’une présence européenne ancienne et forte qui présentent les mêmes critères « scientifiques » de préservation historiques et archéologiques que les monuments métropolitains. L’argumentaire de sauvegarde de l’île reprend les critères habituels en vigueur en Occident pour la protection « monumentale » ; on notera l’absence d’argumentation en faveur de la fonction « commerciale » de ce comptoir colonial destiné à la traite.
Dès 1948, à l’occasion du centenaire de l’abolition de l’esclavage, Raymond Mauny propose de consacrer un musée spécifique sur l’esclavage à Gorée et de valoriser, selon lui, « l’un des principaux points où s’effectuait la traite sur la côte occidentale d’Afrique. […] Nos descendants regretteront le vandalisme de notre époque de fer qui ne sait pas respecter le passé. Mais au fait qu’attend-t-on pour restaurer, protéger, aménager en musée de Gorée, l’une au moins de ces esclaveries ? Ça parle les vieilles pierres… Il serait bon, parfois de les écouter raconter un passé dont on se réjouit qu’il soit révolu. […] L’AOF est pauvre en sites historiques, ne l’oublions pas : il est d’autant plus nécessaire et urgent de sauvegarder le peu que le passé nous a légué [… et de sauvegarder ces] quelques maisons et pans de murs de basalte qui constituent ses plus anciens titres de noblesse qui disparaissent chaque jour30 ».
Ainsi, le pouvoir colonial a jeté les prémices d’une politique de patrimonialisation basée sur le développement touristique d’un circuit de visites, l’ouverture de musées et la mise en valeur de monuments historiques, sans négliger le caractère marin du site.
Après les indépendances, dans la continuité de l’œuvre initiée par le colonisateur, l’État du Sénégal reprend à son compte le discours mémoriel En 1962, le président Léopold Sédar Senghor nomme Boubacar Joseph Ndiaye32, ancien sous-officier de l’armée coloniale française, comme « gardien » de la Maison des Esclaves, régularisant ainsi une situation de fait33. La vigueur du discours de ce guide, sans doute inspiré à l’origine par celui du Docteur Cariou, son charisme et la voix imposante de ce « gardien de la mémoire de la traite négrière », l’ont désigné peu à peu comme une sorte de « musée vivant », connu à l’échelle internationale. Gorée doit en grande partie son statut d’île-mémoire de la Traite atlantique à l’éloquence de Joseph Ndiaye, « conservateur » de la Maison des Esclaves.
En 1978, Joseph Ndiaye exprime l’origine de son engagement. « Je suis revenu des guerres européennes et indochinoises profondément marqué par les choses que j’avais vues là-bas. Je suis devenu un nationaliste… Un nationaliste engagé…34 ». Son récit constitue une re-mémoration de la traite négrière à travers une mise en scène alliant parole, geste et démonstration à l’aide des chaînes en fer reconstituées, avec lesquelles les esclaves étaient attachés. « Ce sanctuaire africain qui est la Maison des Esclaves fut capitale de souffrances et de larmes car des innocents sont morts ici, victimes du temps de la honte. Si ces murs pouvaient parler, ils en diraient long. Heureusement qu’ils se sont tus à jamais ; et moi, je fais parler ces murs35 ». Il poursuit son discours sur une description fonctionnelle des pièces de la maison. Sous le rez-de-chaussée surélevé, les « cellules » abritent les esclaves. « Il y avait parfois dans cette maison 100 à 150 esclaves répartis dans les différentes cellules de 2 m 60 de carré et qui pouvaient contenir chacune 15 à 20 esclaves qui étaient assis dos contre le mur avec des chaînes les maintenant au cou et au bras. Les enfants étaient séparés de leurs parents, les jeunes filles des femmes…36 ».
La fonction de ce discours est significative dans la fabrication d’une mémoire liée à la traite atlantique des esclaves, avec une mise en scène et une représentation imagée de la condition de l’esclave appuyées par des citations, des maximes et des proverbes37. La réception du discours du « conservateur » se perçoit à travers les diverses réactions observées après la visite du musée et consignées dans le livre d’or38. Nombreux sont les guides goréens qui puisent encore une bonne partie de leurs connaissances dans le discours de Joseph Ndiaye. Les réactions observées traduisent des chocs émotionnels qui peuvent déboucher parfois sur des actes spontanés. Le recueillement devant la « porte du voyage sans retour » constitue un acte symbolique qui s’accompagne parfois de rituels, de prières, d’offrandes, de sacrifices, de libations. La signification et la place de l’île dans l’imaginaire de la diaspora noire permettent de mesurer l’impact de cette communauté, en quête d’une identité perdue, dans la cristallisation d’une mémoire de la traite atlantique autour de Gorée.
Des contestations naissent sur l’exactitude historique du récit propagé aux visiteurs de la Maison des Esclaves. Dès 1972, le philosophe et chercheur africain Ki-Zerbo, dans son ouvrage « Histoire d’Afrique Noire », s’inquiète de la tournure que peut prendre la défense d’un tel récit qui peut constituer un point de rupture dans la diaspora noire entre l’Afrique et le monde afro des Caraïbes et des Amériques39. Deux décennies plus tard, la principale critique émane de deux chercheurs et conservateurs de l’IFAN, Abdoulaye Camara et le père jésuite Joseph Roger de Benoist. Leurs argumentaires sont repris par le journaliste Emmanuel de Roux dans un article paru à Paris dans le journal Le Monde du 27 décembre 1996 sous le titre « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ». L’article remet en cause la fonction de la Maison des Esclaves ainsi que le rôle de l’île de Gorée dans le commerce des esclaves. Le journaliste relate la visite du lieu par son « conservateur » Joseph Ndiaye. « Ce dernier raconte avec émotion l’histoire de cette esclaverie construite par les Hollandais au XVIIIe siècle, pivot de la traite à Gorée qui vit défiler des centaines de millions d’Africains, enchaînés, vers le Nouveau Monde40 ». Contrairement aux affirmations de Joseph Ndiaye, Emmanuel de Roux donne la paternité de la maison aux Français, nie l’existence des cellules qui étaient réservées aux esclaves en attente d’embarcation et minimise le nombre d’esclaves ayant transité sur l’île. En conclusion, l’histoire de cette maison présentée par le conservateur ne serait qu’une légende reprise par Joseph Ndiaye, « qui a mis une douzaine d’années à forger un mythe qui, aujourd’hui, a force de loi41 ». La réaction de l’État est vive et rapide. Les 7 et 8 avril 1997, un séminaire réunissant l’ensemble des spécialistes sénégalais et africanistes sur le thème : « Gorée dans la traite atlantique : mythes et réalités » est convoqué dans l’urgence pour riposter à l’imposture42.
Dix ans après cette attaque « révisionniste », en 2006, le récit du « conservateur » de la Maison des Esclaves est encore contesté par les descendants de certaines signares qui tiennent un autre discours mémoriel et prônent une autre histoire. Dans son ouvrage,Céleste ou le temps des signares, Jean-Luc Angrand niel’existence d’esclaveries dans les maisons de Gorée : « Il est évident que cette maison comme les autres maisons de Gorée n’ont jamais contenu d’esclaves de traite, les signares étant en général réfractaires à la déportation des esclaves aux Amériques. Les seuls captifs qui existaient dans les maisons de Gorée étaient les captifs de case (domestiques). […] L’idée pathétique de porte par laquelle seraient passés des esclaves embarquant pour l’Amérique n’était rien qu’une histoire destinée à impressionner les touristes de la fin du XXe siècle43 ». Cette vision de la fonction dessupports mémoriels ne prend pas en compte la vraie nature du discours commémoratif car comme l’ont bien montré en 1997 Ibrahima Thioub et Hamady Bocoum « Le discours qui commémore cette fonction de l’île n’a jamais prétendu obéir aux règles universitaires de production du savoir et, en conséquence, ne peut être mesuré à cette aune44 ».
En 2009, dans sa récente étude sur la déconstruction du syndrome de Gorée, Ibrahima Seck montre comment l’existence de supports matériels contribue à la cristallisation des mémoires dans certains lieux, témoins de cette période. L’idée d’une « porte du voyage sans retour » n’existe pas seulement à Gorée mais aussi dans les différents points d’embarquement des navires négriers sur la côte occidentale de l’Afrique. « Au Ghana, Elmina a aussi sa porte du non retour alors qu’il s’agit en réalité d’une meurtrière. À Ouidah, où la traite ne s’est pas accompagnée de l’impressionnante monumentalité visible sur l’ancienne Côte de l’or, le programme de la Route de l’esclave de l’UNESCO a érigé un monument sous la forme d’un énorme portail face à la mer pour donner un support matériel au symbolisme du voyage sans retour45 ». Il est clair que Gorée a influencé les autres sites qui ont entrepris un travail de remémoration tel qu’il est recommandé par l’UNESCO depuis 1995.
Cette vision romantique de Joseph Ndiaye est transmise par des méta-récits nationalistes ou pan-africanistes dont la réalité est caricaturée d’une manière manichéenne46. Ce discours laisse peu de place à une « histoire » plus complexe, « archéologique », des Africains libres, aux esclaves de case ou aux esclaves domestiques ou aux captifs face aux Africains enchaînés, aux esclaves de traite ou de transit, aux signares et aux métis et à celles des Européens expatriés, des commerçants aux militaires47.
L’indépendance une fois acquise, le premier président Léopold Sédar Senghor développe avec le mouvement de la Négritude une orientation culturaliste pour la société sénégalaise, sans rompre avec la francophonie qu’il inscrit dans l’héritage historique du Sénégal et apporte une nouvelle lecture sur la place de Gorée par rapport à la diaspora noire. À partir des années 1980, et pendant deux décennies, le président Abdou Diouf suit la politique de sauvegarde et de mise en valeur de Gorée mise en place par l’UNESCO et veut étendre le message de l’île-mémoire au monde entier par l’érection d’un grand mémorial de l’esclavage. Durant la dernière décennie de la présidence d’Abdoulaye Wade, l’État est moins présent sur le site de Gorée ; il est occupé à élever à Dakar d’autres infrastructures dont un monument de la Renaissance africaine et un parc culturel dans lequel sera édifié un musée des Civilisations noires, idée émise en 1971 par le président Senghor48.
Le passé de l’île de Gorée et le souvenir des souffrances et des traumatismes subis par l’Afrique et ses diasporas à travers l’esclavage et la traite atlantique, revisité, joue un rôle de premier plan dans l’affirmation de la politique dite « d’enracinement et d’ouverture » chère au président Léopold Sédar Senghor49. Le concept de Négritude s’impose comme idéologie du nouvel État indépendant sénégalais qui s’ouvre sur le monde afro-américain. Le président du nouvel État du Sénégal, Léopold Sédar Senghor choisit l’île de Gorée comme un des supports physiques de démonstration de son concept sur la Négritude, sans lien direct avec l’esclavage.
En 1966, le président Léopold Sédar Senghor50 exprime sa vision culturelle et politique dans l’organisation, à Dakar, du premier Festival mondial des arts nègres projeté lors des congrès des artistes et écrivains noirs de Paris (1956) et de Rome (1959)51. « Le premier festival mondial des arts nègres a très précisément pour objet de manifester, avec les richesses de l’art nègre traditionnel, la participation de la Négritude à la Civilisation de l’Universel52 » (fig. n°6). Gorée est un laboratoire idéal pour le projet post-colonial de la Négritude. Lieu d’échanges culturels, artistiques, littéraires et scientifiques regroupant l’Afrique et sa Diaspora, le Festival est le lieu de rencontres, colloques, expositions, chants, danses, spectacles qui rythment la vie quotidienne des populations de Dakar et de Gorée53. Le lancement du Festival a lieu en présence d’André Malraux54.
Le choix de Gorée pour abriter une des manifestations de ce Festival répond à une volonté du pouvoir politique qui entend faire de l’île un lieu privilégié pour une communion des peuples du monde à travers le dialogue des cultures. Un spectacle « son et lumière », les « Féeries de Gorée » est monté pour l’occasion : il retrace les grands moments de l’histoire du Sénégal et particulièrement de l’île de Gorée et de son rôle dans l’histoire de l’esclavage55. La Maison des Esclaves est restaurée à l’occasion de ce festival.
Les années suivant cette première rencontre mondiale des arts nègres sont marquées par un afflux de touristes afro-américains au Sénégal. À l’heure où le tourisme de mémoire émerge autour des lieux chargés d’histoire et notamment à ceux liés à des faits tragiques, le Sénégal concentre ce type de démarche presque exclusivement sur la commémoration de l’esclavage et l’île de Gorée56. Des agences américaines proposent aux touristes noirs américains des « Black-History Tours », leur permettant d’aller se recueillir sur la terre de leurs ancêtres, plus particulièrement à Gorée, et de méditer sur leur tragique destin. « Ainsi, après avoir été, entre l’Afrique et les Amériques noires, le trait d’union symbolique de la désolation, Gorée devient-elle peu à peu un symbole d’espoir, vers où, de plus en plus nombreux, convergent aujourd’hui, en une sorte de pèlerinage, les descendants des déportés de jadis, en quête de leurs racines et tous ceux qui entendent puiser dans son histoire les raisons d’une nouvelle solidarité des peuples57 ».
Depuis 2005, la mairie de Gorée organise un festival dans le cadre de la promotion des activités culturelles : le Gorée Diaspora Festival. Cette manifestation internationale constitue un moment de retrouvailles entre la population goréenne et la diaspora58. À travers cette manifestation, l’institution municipale vise trois objectifs majeurs : permettre aux membres de la diaspora de retrouver l’identité perdue sur cette île-souvenir, les faire participer à la sauvegarde de la mémoire et orienter le devenir de Gorée d’un statut de terre d’esclaves vers celle d’un carrefour de dialogue interculturel. En ouvrant ainsi la porte du retour, la commune entend faire rayonner Gorée sur la scène internationale. Cette manifestation constitue un moment de festivités, de recueillement et de souvenir : festivals, rencontres cinématographiques, concerts, expositions, musiques, visite de la Maison des Esclaves, randonnée maritime, etc. Le festival inclut aussi un volet éducatif avec l’organisation de séminaires et d’ateliers de formation, de conférences et de colloques dont les thèmes portent sur l’esclavage, la traite négrière et sa mémoire, le dialogue des peuples et des cultures.
En 1968, l’État sénégalais signe avec le groupe « Euretudes » une convention de mission globale d’aménagement touristique de l’île de Gorée. Dans les termes de cette convention, apparaît une volonté manifeste de sauvegarder le caractère authentique de l’île. « S’agissant d’un lieu dont l’histoire comporte une signification profonde pour les populations du Sénégal, la nature des activités et les aménagements susceptibles d’être implantés dans l’île de Gorée devront tenir compte de ce fait et s’inscrire parfaitement dans son cadre particulier59 ». Sous réserve de vérifications, cette étude aurait été confiée à l’architecte Jacques Couelle, qui veut faire de Gorée « l’Acropole du monde noir »60. « Je veux faire de Gorée un véritable bijou […] Ce n’est pas pour rien qu’on m’a nommé l’architecte des îles… Il faut un poète pour une île de rêve. Il faut recréer un univers poétique, suspendu […] recréer une élite de cœur et pas une élite de gens riches, recréer un style et un esprit XVIIIe siècle. Celui qui n’aime pas le passé n’a pas droit au futur. J’accomplis une œuvre de piété. J’agis comme un apôtre, un artiste […] Le projet ne sera exécuté qu’avec l’accord des 800 Goréens ; eux-aussi font partie du décor ». Pour cela, il prévoyait le doublement de la superficie du port, la création d’un plan d’eau sur le Castel, l’importation de milliers d’oiseaux non migrateurs et la reconstitution sur la partie haute de l’île d’un immense village troglodytique. Ce projet n’a heureusement pas été réalisé61.
Cette première mission, à vocation essentiellement touristique, fut rapidement suivie par une autre mission de recensement des principaux sites archéologiques du Sénégal. En partenariat avec l’Unesco et sur la demande des autorités sénégalaises, une mission technique de préservation et de mise en valeur fut organisée sur tout le territoire national. Dans son inventaire sur le patrimoine historique national, Cyr Descamps souligne l’urgence de la protection et de la restauration des sites de Gorée et de Saint-Louis qui regorgent de souvenirs légendaires et historiques devenus aujourd’hui des lieux de pèlerinage. D’après ce chercheur, Gorée « est certainement le lieu le plus chargé d’histoire de toute la côte Ouest-africaine. […]. Toutes les maisons sont de style ancien, une des plus remarquables est la célèbre Maison des esclaves (…)62 ». L’expert recommande de valoriser ce patrimoine tout en respectant son caractère authentique.
Ces différentes initiatives de mise en valeur culturelle et touristique de l’île, associant ou non son passé de lieu de mémoire de l’esclavage, se concentrent essentiellement sur une politique de rénovation et de sauvegarde du patrimoine immobilier, élaborées par l’État du Sénégal en relation avec de nombreux partenaires et par le maintien de multiples musées aux conceptions encore largement héritées de l’époque coloniale et qui posent problème à la Direction du patrimoine culturel et à l’IFAN Ch. A. Diop.
L’UNESCO insiste sur la protection et la sauvegarde des patrimoines culturels et naturels qui peuvent être une alternative pour appuyer le décollage économique des jeunes États indépendants. Dès 1976, le Sénégal ratifie la Convention de 1972 sur la protection du patrimoine culturel et naturel de l’UNESCO63. Parallèlement, le gouvernement sénégalais procède au classement parmi les Monuments historiques de l’île de Gorée, s’inspirant des lois de sauvegarde de l’héritage colonial. Ainsi, en novembre 1975, le site est inscrit sur l’Inventaire des monuments historiques du Sénégal (arrêté N° 012771 du 17 novembre 1975), conformément à la loi qui « fixe le régime des monuments historiques et celui des fouilles et découvertes » (loi n°71.12 du 25 janvier 1971, décret d’application n°73.746 du 8 août 1973).
Réunie à Washington du 5 au 8 septembre 1978, la seconde session du Comité du patrimoine mondial chargé de la mise en œuvre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel inscrit sur la Liste du patrimoine mondial l’île de Gorée parmi les douze premiers sites. Gorée a été inscrite sur la seule base du critère VI de la convention de 197264. L’inscription de l’île sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité est naturellement une reconnaissance du rôle et de la place de Gorée dans l’économie de la Traite atlantique. Cette inscription a été précédée de multiples missions d’experts, français ou belges, envoyés par l’UNESCO à la demande du gouvernement du Sénégal, afin d’élaborer des études préliminaires pour la sauvegarde du patrimoine architectural.
La mission effectuée en 1974 par A. Grégoire porte sur les monuments historiques de l’île de Gorée et de Saint-Louis du Sénégal. Elle s’inscrit dans la suite de l’expertise de Descamps des années 1969-1970. Grégoire dresse l’inventaire des bâtiments historiques, propose des mesures pour la présentation et la réhabilitation du site, ainsi qu’une évaluation globale des coûts65. L’année suivante, une seconde mission réalisée dans le cadre de l’aide aux États-membres pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel est conduite par Jean-Pierre Frapolli et Maurice Clerc et précise l’expertise précédente. Elle dresse un plan directeur de rénovation, avec ses aspects juridiques et financiers, en vue des projets de développement touristique que la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) envisage de financer au Sénégal66. En 1977, une troisième mission menée par Michel Parent nuance notamment les conclusions de l’expertise précédente avec des mises en garde sur le développement excessif des équipements touristiques suscitées par l’arrivée de la BIRD67. L’année suivante, une quatrième mission menée par Pierre-André Lablaude inclut la réhabilitation du site historique de Gorée dans un large projet touristique de l’ensemble de la Petite Côte68.
En novembre 1978, lors de la 20e session de la Conférence générale de l’UNESCO, le directeur général est autorisé à entreprendre, en collaboration avec le gouvernement sénégalais, les études techniques nécessaires pour mettre au point un plan d’action détaillé concernant la protection, la préservation, la restauration et la mise en valeur du patrimoine architectural de l’île et pour définir les modalités de sa promotion sous la forme d’une campagne internationale. Il prévoit la sauvegarde de tous les aspects du patrimoine architectural présentant un intérêt historique ou artistique, ainsi qu’une animation culturelle ayant pour objet de les mettre en valeur. À partir de 1979, un comité de sauvegarde veille officiellement au respect de la convention (conformité des ouvrages de réhabilitation, sécurité du bien, etc.).
Toutes ces études et démarches préalables conduisent à l’élaboration d’un Plan d’Action pour la Sauvegarde du patrimoine architectural de Gorée, présenté par l’UNESCO et approuvé en Conseil des Ministres du gouvernement sénégalais le 4 décembre 198069. Ce plan prévoit notamment la création [non réalisée] d’un « musée sur la Traite et un centre d’archivage et d’étude sur les Noirs dans le monde » à la maison Cinquèz (à l’angle de la rue de la Pointe et de la rue Dakar, vers le fort d’Estrée), ainsi que le développement de l’Université des Mutants. La restauration de neuf bâtiments historiques est prévue, affectés à des activités socio-culturelles, tel que l’école du Soudan projetée en auberge de jeunesse. Estimé à un coût total de 4 millions de dollars, ce plan de sauvegarde entrevoit, en plus de la restauration des bâtiments, le recrutement temporaire de deux experts associés (architecte-restaurateur) et un consultant dans la muséographie70. Le montant de la contribution internationale s’élevait à 315 000 dollars. Le Sénégal aurait quant à lui financé pour l’équivalent de plus de 2,3 millions de dollars dont un certain nombre de travaux d’infrastructures et de rénovation non prévus au plan de rénovation de l’UNESCO.
En marge des restaurations et des aménagements, le Sénégal s’engage à concevoir une campagne de sensibilisation de l’opinion publique pour la préservation de l’île. En contrepartie, l’UNESCO publie une brochure71, une affiche72 (fig. n°7), un dossier de presse, l’émission de timbres… et réalise une exposition photographique à Gorée et au siège de l’UNESCO.
Le 22 décembre 1980, à la veille de la démission du président Léopold Sédar Senghor, le directeur général de l’UNESCO et sénégalais Amadou Mahtar M’Bow lance un appel en faveur de la sauvegarde de Gorée pour accompagner l’exécution du Plan de sauvegarde de l’île de Gorée approuvé à Dakar quelques jours plus tôt. « Le patrimoine architectural de Gorée doit être sauvé autant pour préserver la haute valeur culturelle de l’île que pour assurer à tous ses habitants des conditions de vie et des activités à la mesure de leurs espoirs ». En effet, « à travers les diverses périodes qu’elle a traversées, Gorée a préservé une cohérence architecturale qui réunit les apports culturels les plus dissemblables – nordiques et méditerranéens, islamiques et chrétiens – pour les fondre dans une unité dictée à la fois par l’exiguïté de l’espace, l’exposition aux vents du grand large, l’homogénéité du matériau de construction et, enfin, peut-être surtout, les courants d’une histoire tourmentée qui avait fait de chaque demeure un entrepôt d’esclaves en même temps qu’une position de défense. Gorée offre une heureuse symbiose du passé et du présent, de l’histoire et du quotidien, de l’harmonie des formules visibles et de l’empreinte dramatique du souvenir. C’est pourquoi elle constitue désormais un de ces lieux uniques où peut se retremper la mémoire des jeunes générations d’Afrique et des Amériques, en même temps que se renouvellent les sources de leur inspiration. Un tel endroit, poursuit-il, s’il appartient à l’imaginaire vivant de l’Afrique et des Amériques, appartient, dans une égale mesure, à la conscience du monde. Il peut devenir une terre de méditation, un haut lieu de réflexion et de recueillement, où les hommes, plus conscients des tragédies de leur histoire, apprendront mieux le sens de la justice et celui de la fraternité73 ». Le discours, repris des rapports antérieurs des experts de l’UNESCO où « chaque demeure est un entrepôt d’esclaves » est donc accrédité officiellement par ledit organisme international et rejoint le récit de Joseph Ndiaye.
Sur le rôle et la place de Gorée dans la traite atlantique, Amadou Mahtar M’Bow ajoute : « Dans des caves humides et sombres, ou dans des cachots de torture pour ceux qui se révoltaient, les déportés séjournaient durant des semaines, dans l’attente du voyage sans retour. Là, au moment d’embarquer, chaque esclave était marqué au fer rouge, à l’emblème de son propriétaire. Puis les esclaves étaient entassés dans les cales, où beaucoup d’entre eux devaient périr avant l’arrivée à destination. Mais l’Amérique, dont la colonisation a été à l’origine de cette tragique déportation, allait être également le cadre de grandes luttes libératrices qui, peu à peu, y mettront fin. Préparée par le triomphe de la Révolution haïtienne à Vertières en 1803, et proclamée au Congrès de Vienne en 1815, l’abolition officielle de la traite négrière produisit ses effets sur Gorée ».
En 1981, sous la nouvelle présidence d’Abdou Diouf et toujours avec le soutien de l’UNESCO, l’effort de restauration et de préservation se poursuit. Plusieurs édifices sont ainsi restaurés et rénovés pour être affectés à de nouvelles fonctions. Outre la France, d’autres pays de la communauté internationale se mobilisent pour la restauration de quelques bâtiments74. Des travaux d’aménagement portent également sur la restauration du kiosque à musique, des fontaines et de la Batterie de l’Embarcadère, le pavage des rues principales, l’aménagement du marché des produits de l’artisanat et de la place des restaurants. En 1982, Pierre André Lablaude enregistre l’état d’avancement et la réception des premières restaurations et fixe le programme des travaux à venir, dont celui sur les études concernant la rénovation de l’ancien Palais du Gouverneur (Relais de l’Espadon) en équipement hôtelier75.
Localement, la mise en œuvre de la campagne de sauvegarde est confiée au Bureau d’architecture des Monuments historiques (BAMH) qui a parfois recours à l’expertise de l’Institut Fondamental de l’Afrique Noire (IFAN) pour la conduite des opérations de rénovation et de restauration du patrimoine architectural76 selon une direction bicéphale des travaux. Intervenant parallèlement à l’aménagement d’un nouveau Musée historique au Fort d’Estrée (1977-1989), l’anthropologue d’origine belge Guy Thilmans aurait opéré ainsi à la Maison des Esclaves, en 1981-1982, pour des travaux de restauration des façades de la Maison des Esclaves77.
Les manquements aux règles de restauration de l’UNESCO qui prônent un retour à l’authenticité, sont-ils dus aux campagnes de restauration du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, à celles de 1966, de 1981-1982, de 1990-199178 ou de 2010-2011 et aux difficultés d’adaptation d’une habitation privée en musée ouvert au public ? Malgré le manque de documentation et de relevés précis des états avant restauration, la comparaison entre les aquarelles d’Adolphe Hastrel de 183979 (fig. n°8, 9, 10, 11), les premières photographies et l’état actuel (fig. n°12, 13) est édifiante. Pour l’expert Lablaude, la restauration en 1982 des chapiteaux de la galerie est effectuée selon « des proportions erronées et particulièrement maladroites…80 ». La disparition de la base des piliers de cette galerie et du garde-corps central au profit d’un mur plein est sans doute antérieure aux interventions des spécialistes. Mais la suppression des pièces des avant-corps latéraux avec leurs fenêtres aux volets persiennés de couleur verte et leurs baies d’aération ainsi que la mauvaise proportion des cintres des baies du rez-de-chaussée, l’augmentation du nombre des ouvertures sur les façades des bâtiments latéraux, et l’application d’un badigeon à l’ocre rouge soutenu qui a remplacé celui à la chaux, de couleur blanc cassé ou très légèrement ocré, semblent bien relever de campagnes plus récentes. Les façades actuelles portent les traces de nombreux changements. Côté rue, un édicule surmonte la porte d’entrée et toutes les baies ont subi de notables modifications. Côté mer, la constatation est identique : agrandissement de la terrasse supérieure, baies bouchées, percements d’ouvertures… jusqu’à la construction d’une terrasse sur les rochers, accessible à partir de la Porte du voyage sans retour qui aurait pour effet de prévenir l’érosion marine81. Enfin, il est vraisemblable que le toit en tuile à deux versants (fig. n°14) a succédé à une terrasse recouverte par une chape en béton coquillier dénommée argamasse qui se laisse deviner par la présence des gargouilles d’évacuation des eaux, visibles en 183982.
En 1992, dix ans après le lancement de la campagne internationale de sauvegarde, l’UNESCO publie un article sur « Gorée, l’île aux esclaves », dans lequel on peut lire que trois bâtiments seulement ont été restaurés et qu’un quatrième est en cours de consolidation83. Les différents examens de l’état de conservation de l’île menés par le Comité du patrimoine mondial depuis les années 1990 évoquent les travaux réalisés et ceux en cours, et félicitent régulièrement les autorités sénégalaises de leur implication ; mais ils soulignent aussi certains problèmes comme l’occupation illégale et anarchique du site du Castel, toujours préoccupante aujourd’hui et à l’origine d’innombrables désordres architecturaux qui menacent l’authenticité et l’intégrité du site. La 27e session du Comité signale qu’entre 2000 et 2001 le site a subi une pression d’aménagement urbain causée par un projet de construction hôtelière dont les travaux furent interrompus avant la modification irréversible du site84. À cette occasion, un souci récurrent est évoqué. Les lacunes de gestion seraient imputables à l’absence d’un gestionnaire basé sur l’île. La nomination d’un gestionnaire du site, recommandée par l’UNESCO pour tous les sites du patrimoine mondial, conformément aux articles 4 et 5 de la Convention de 1972, est effective depuis deux ans.
Au programme initial sur le Plan de sauvegarde de Gorée, lancé en 1980, l’île de Gorée va bénéficier indirectement d’un autre programme de l’UNESCO sur « La Route de l’esclavage ».
Depuis 1994, un programme conjoint avec l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) est lancé à Ouidah (Bénin) : « La Route de l’esclave », une des multiples routes interculturelles de l’UNESCO lancées par le sénégalais Doudou Diene, alors directeur de la Division du dialogue interculturel et interreligieux85. L’objectif de ce programme est l’identification, la restauration et la promotion des sites, bâtiments et lieux de mémoire de la traite négrière qui jalonnent le parcours de la traite. Tout en privilégiant le tourisme culturel, ce programme représente un véritable enjeu de mémoire, car il intègre la dimension économique, historique et éthique du tourisme.
En 2004, dans le cadre du lancement de l’année internationale de la commémoration et de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, le Directeur général de l’UNESCO situe ce devoir de mémoire : « Institutionnaliser la mémoire, empêcher l’oubli, rappeler le souvenir d’une tragédie longtemps occultée ou méconnue et lui restituer la place qui doit être la sienne dans la conscience des hommes, c’est en effet répondre à un devoir de mémoire86 ». L’UNESCO s’engage à institutionnaliser la mémoire pour empêcher l’oubli et vulgariser l’histoire de l’esclavage à travers différentes manifestations commémoratives : journées du souvenir, activités de remémoration et de vulgarisation, colloques, festivals, séminaires, ateliers, mémoriaux, expositions. En 2005, l’UNESCO publie une étude sur la mise en tourisme des sites liés à la traite négrière et à l’esclavage en Sénégambie87.
Dans le cadre de ce programme, la promotion de Gorée est largement soutenue par les autorités sénégalaises. Ainsi, en 2001, le musée maritime de Liverpool88 organise une exposition au musée de la Maison des Esclaves, considérée comme une « esclaverie-témoin ». Cette exposition sur la Traite, réalisée en collaboration avec la Direction du Patrimoine historique du ministère de la Culture du Sénégal, par l’ambassade de Grande-Bretagne au Sénégal, est financée par le British Council et Shell Sénégal89. En 2006, on retrouve encore la Direction du Patrimoine historique qui parraine au Village des Arts de Dakar une exposition de l’artiste plasticien Lamine Barro sur « Gorée sur la route de l’esclavage, de la mémoire au pardon »90.
Ce programme sur La Route de l’esclave va sans doute faciliter l’éclosion finale du vieux projet sénégalais de construction d’un mémorial (toujours en attente de réalisation en 2011). Les autorités sénégalaises nourrissaient depuis longtemps l’idée d’ériger un monument en souvenir de la traite des esclaves. Dès 1975, lors d’une visite en Martinique, le président Senghor avait invité les artistes de la communauté afro-américaine à l’édification d’un monument en hommage à l’Afrique91. Le projet de monument à ériger sur l’île de Gorée devait être un trait d’union entre l’Afrique et sa diaspora. Ce monument symboliserait le départ des Africains vers les Amériques en jetant un pont entre les deux continents. Il devait se présenter sous la forme d’« un groupe de personnes qui semblent se lever au-dessus du socle de la sculpture comme pour lancer un appel à ceux qui sont partis à bord des bateaux négriers ; à l’autre extrémité se dresse un homme qui, lui, semble crier : Afrique, lève toi ! Toi, Nègre de là-bas, rejoins-nous !92 ».
En 1986, le président Abdou Diouf reprend le projet d’érection d’un mémorial dédié à l’Afrique et à sa diaspora. Il soumet officiellement l’idée de réaliser un projet de dimension internationale lors du sommet historique de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis Abéba. Cinq ans plus tard, une Fondation est créée auprès du ministère de la Culture du Sénégal, présidée par l’ancien directeur général de l’UNESCO, le sénégalais Amadou-Mahtar Mbow pour coordonner les actions internationales de promotion et rechercher les financements. Le 29 juin 1992, la première pierre du Mémorial Gorée-Almadies est posée par le président de la république du Sénégal, à l’occasion du 28e sommet de l’OUA et en présence notamment de Federico Mayor, directeur général de l’UNESCO. Ce geste permet de dynamiser à nouveau la campagne pour la sauvegarde de Gorée lancée par l’UNESCO dix ans plus tôt, de répondre aux sollicitations de nombreux intellectuels, artistes et intellectuels noirs, notamment ceux du continent américain. Le choix du site des Almadies se justifie par sa position avancée sur l’Atlantique, orientée en direction des communautés noires américaines vivant de l’autre côté de l’Océan et le désir de ne pas entacher l’environnement de l’île (où il est quand même prévu dès l’origine d’ériger une réplique…). L’UNESCO inscrit ce projet dans le programme sur la Route de l’Esclave, ce qui devait faciliter la recherche de financements internationaux.
En 1996, un concours international pour la construction de ce mémorial est lancé. Le cahier des charges est préparé par l’International Union of Architects (UIA) qui organise un concours international d’architecture. Deux cents quatre-vingt dix concurrents de 66 pays (au total 900 dossiers) participent au concours. Le programme, d’une surface d’environ 12 000 m2, portait sur la conception du mémorial, d’un musée dédié à la navigation, d’un centre d’études et de recherche doté des équipements les plus performants et d’une structure administrative. Les espaces verts devaient faire l’objet d’un traitement spécifique, notamment celui d’un circuit de visite « la procession des civilisations », partie intégrante du lieu93.
Le lauréat désigné en novembre 1997 est l’architecte italien Ottavio Di Blasi94. Il a été choisi par un jury réuni à Dakar sous la présidence de Harry G. Robinson III, vice-président de l’Université Howard de Washington (États-Unis) et représentant du Directeur général de l’UNESCO. « Le projet du lauréat reflète l’esprit, la voix et le symbolisme de l’Afrique. Par sa forme africaine authentique et puissante, il exprime une identité clairement lisible, tant pour le Musée que pour le mémorial. La relation avec la mer s’établit par l’ancrage de l’élément dominant du programme (l’aiguille) sur la falaise et la position de l’autre élément (la coque) sur pilotis au-dessus de la mer. La fracture créée par ce contraste est l’élément majeur de l’approche qui a présidé à la conception du projet. La structure de modules en nid d’abeilles est l’élément typologique dominant. Un système mécanique est intégré à la construction et conçu pour réduire les effets du soleil. La mer est utilisée pour abaisser la température de l’air ambiant95 ». Après avoir été exposée à Dakar, la maquette restera longtemps au siège de l’UNESCO à Paris. Ce mémorial – nouvelle « arche d’alliance » pour le président Abdou Diouf – honore la mémoire des victimes de la traite négrière et symbolise la tolérance et le dialogue entre les civilisations96.
Malgré des appels répétés à la mobilisation internationale, la Fondation ne trouve pas les finances nécessaires à sa réalisation, estimées à 60 milliards de francs CFA97. Le président Diouf inaugure rapidement le 31 décembre 1999 une réplique réduite, perchée sur le sommet de l’île de Gorée (fig. n°15). Le coordinateur du projet est le poète Amadou Lamine Sall, aidé par l’architecte du BAMH Mamadou Berthet et l’ingénieur Mamadou Lamine Adama Diallo, avec l’entrepreneur Fougerolles. La présence de cette réplique, sur le site du Castel de Gorée, projetée dès l’origine du projet, est remise en cause au lendemain des élections présidentielles par le nouveau ministère de la Culture. En 2010, l’UNESCO déclare que « la réplique du mémorial de Gorée sur le Castel est un exemple éloquent de ce qu’il ne faut pas faire pour la préservation de l’intégrité du site et d’un commun accord avec l’UNESCO, il a été convenu de procéder à la requalification de cet ouvrage98 ».
Parmi les nombreux projets en cours, il faut signaler un projet de construction pour un nouveau mémorial de Gorée « en hommage à des millions d’Africains enlevés » qui réapparaît en avril 2011, un an avant les nouvelles élections présidentielles99. Le projet, promu par le groupe financier Swist Invest, est signé d’un architecte-designer tchèque Martin Guadev100, aidé par le studio Sipek. Il reprend une partie du programme du concours UIA/UNESCO de 1996, avec des références post-modernes plus explicites. Le bâtiment d’accueil est une réplique de la Maison des esclaves de Gorée et le visiteur est conduit par la « porte du voyage sans retour » sur une jetée formée par un navire prêt à appareiller, aux cales chargées d’esclaves enchaînés. On retrouve comme commissaire à sa réalisation Amadou Lamine Sall, avec l’architecte Mamadou Berthet et de nouvelles personnalités comme le sculpteur Ousmane Sow. À ce jour, ce projet diffusé sur internet et régulièrement agité n’a pas connu un début de réalisation malgré un tapage médiatique constant101.
L’indépendance du Sénégal marque l’accroissement des institutions muséales sur l’île. Le musée historique de l’IFAN est déplacé au fort d’Estrée à partir de 1977. Son précédent emplacement était trop exigu pour permettre sa transformation en une institution muséale à la mesure du grand dessein qui prend forme à cette période. Le président Léopold Sédar Senghor lui affecte la batterie de la pointe Nord (fort d’Estrée), à la demande du professeur Amar Samb, directeur de l’IFAN. Les travaux de restauration du fort d’Estrée sont supervisés par le Bureau d,Architecture des Monuments Historiques (BAMH)102. La restauration et l’aménagement muséographique sont réalisés par Guy Thilmans, chercheur à l’IFAN103. Cet établissement ne présente plus l’histoire de l’Afrique occidentale comme précédemment, mais se concentre sur la seule histoire du Sénégal, de la Préhistoire aux royaumes qui ont précédé la présence française, en passant par la traite des noirs et les résistances anti-coloniales (fig. n°16). Il ouvre en 1989.
En face de la Maison des Esclaves, dans l’ancienne villa de la riche signare Victoria Albis, est installé le premier musée dédié aux femmes sur le continent africain104. Ce musée privé, le premier sur l’île de Gorée, est issu d’un projet conçu dès 1987 par le cinéaste Ousmane William Mbaye à la suite de plusieurs expositions de diverses productions artisanales, économiques et culturelles d’associations sénégalaises. Ouvert en 1994 sous la direction d’Annette Mbaye d’Emeville, on y trouve des objets usuels, des outils agricoles, des instruments de musique, des poteries, des vanneries, ainsi que des photographies permettant de mieux comprendre la vie quotidienne de la femme dans le pays. Le musée est sous le parrainage posthume d’Henriette-Bathily105. C’est aussi un centre d’apprentissage, où les femmes viennent s’éduquer, recevoir une formation à l’artisanat et travailler106.
Le musée de la mer107, aménagé dans une ancienne maison de la compagnie des Indes du XVIIIe siècle, est rénové en 1995. À cette occasion, le laboratoire de biologie marine est déménagé, en partie, à l’IFAN Cheickh Anta Diop. Aujourd’hui, le bâtiment central abrite les expositions, tandis que le bâtiment secondaire conserve les cuves et les spécimens laissés sur place lors du déménagement du laboratoire. Ce dernier fait office de laboratoire de conservation. Le musée offre une plus grande place à l’homme dans ses relations avec la mer : la mer source de vie, mais aussi source d’événements dramatiques. Il a pour mission de promouvoir la connaissance de la mer, de ses facteurs et de ses fonctionnements, et de sensibiliser à la préservation de l’environnement marin108. Aujourd’hui le musée est à nouveau fermé en raison d’une forte dégradation. Les efforts sont en cours avec de nombreux partenaires pour le financement de sa réhabilitation109.
À partir de ce bilan sur les musées de Gorée, l’actuelle direction du patrimoine recherche aujourd’hui une meilleure cohérence et un discours plus adapté à l’île-mémoire de la traite atlantique. Cet esprit de témoin vivant de la mémoire de l’esclavage qui se retrouve à la Maison des Esclaves pourrait être relayé dans les autres structures muséales présentes sur l’île afin de clarifier les relations entre mémoire de l’esclavage et mémoire de la traite atlantique, entre les esclaves qui restaient à Gorée et les captifs qui partaient en Amérique. Sans pour autant modifier leurs thématiques actuelles, les autres structures pourraient évoluer vers une plus grande imprégnation dans l’ambiance des mémoires de la traite atlantique. La désaffection relative des autres musées, par rapport à la Maison des Esclaves, semblerait plutôt être un problème de perception des attentes de la part des visiteurs qu’un problème d’incohérence du discours intrinsèque. Ce problème pourrait être résolu par un effort d’adaptation qui, dans chacune des structures existantes, a déjà une base bien réelle. Le musée de la femme Henriette-Bathily développe un discours sur la femme africaine (son rôle social, économique, culturel et politique). La fonction d’animation et la portée sociologique sont indéniables. Cependant, bien que situé sur le lieu de mémoire de la traite atlantique, celui-ci traite trop marginalement de la condition de la femme dans la traite. Il serait peut-être souhaitable, toujours d’après la direction du Patrimoine au vu de l’importante documentation existante sur la femme, de sa captivité au voyage sans retour, et jusqu’à ses conditions de vie dans les plantations, de développer un peu plus ce discours pour se renouveler et être plus en conformité avec les attentes des visiteurs.
Réputé pour sa collection de 750 espèces de poissons et 700 espèces de mollusques, le musée de la mer présente également les écosystèmes et l’habitat de la région. Bien que son discours muséographique parle aussi de la traversée, la vocation première de laboratoire de recherche avec ses remarquables collections de biologie marine n’a pas pu s’accommoder avec la vocation muséale de la traite développée à Gorée, et l’écart est devenu de plus en plus important depuis que Gorée est inscrite au patrimoine mondial. Pour cela, la direction propose de dissocier les deux axes muséographiques en concevant un centre pour le laboratoire de recherche de l’IFAN Cheikh Anta Diop, et un musée centré sur la traversée, les navigations en général y compris en Afrique, les conditions de la traversée et la vie dans les cales des bateaux négriers. Devant la porte du voyage sans retour de la Maison des Esclaves, un projet d’installation d’une cale grandeur nature d’un bateau négrier, serait à l’étude.
Enfin, le musée historique présente l’histoire du Sénégal. De ce fait, il documente assez bien certains épisodes de la traite. Pour autant, le discours muséographique sur le passé de la nation semblerait trop ambitieux pour demeurer à Gorée. Des réflexions sont aujourd’hui en cours pour doter le Sénégal d’un véritable musée national à Dakar. Quant au musée de Gorée, la direction du patrimoine pense qu’il devrait se concentrer sur la présentation exhaustive et illustrée de la production historique, documentaire et archivistique sur la traite atlantique. Ce musée pourrait aussi aider à rendre l’image de Gorée plus conforme à la diversité qui régna en ces lieux, en réalisant des fresques et des reconstitutions sur la vie de la population goréenne.
Le discours symbolique, forgé dès l’époque coloniale à partir d’une « Maison des Esclaves » et d’une « porte du voyage sans retour », repris et amplifié par Joseph Ndiaye, doit être progressivement renouvelé. Comme à Ouidah et dans les autres lieux de célébration du pèlerinage de ce tourisme mémoriel, la « route de l’esclave » est jalonnée de représentations abstraites ou le plus souvent imagées110. La voile en béton d’un bateau négrier, dominant la réplique d’un grand mémorial avorté est érigée depuis 1999 au sommet de l’île-mémoire, malgré les protestations tardives de l’UNESCO. Une statue des esclaves libérés, offerte en 2003 par les Guadeloupéens pour célébrer l’abolition de l’esclavage, est aujourd’hui installée dans le jardin précédant l’accès à la Maison des esclaves (fig. n°17). Les nouveaux projets en cours des mémoriaux et des musées renouvellent et amplifient le discours. Deux projets associent à cette « porte du voyage sans retour » de la Maison des esclaves ou de sa reconstitution, la représentation des cales d’un navire négrier avec leurs esclaves enchaînés. Les critères patrimoniaux d’authenticité et de respect de l’environnement, prônés par l’UNESCO risquent à nouveau de voler en éclat111.
Depuis plusieurs décennies, avant ou après l’Indépendance du Sénégal, l’île de Gorée est un forum permanent où le patrimoine, les mémoires et l’histoire112, les commémorations et les mémoriaux, les discours muséaux, les souvenirs et les représentations, imaginées, entretenues ou construites sur la Traite atlantique sont soumis à une remise en cause perpétuelle, s’adaptant aux découvertes et aux connaissances historiques et aux messages culturels, idéologiques et politiques délivrés par les communautés patrimoniales, l’État du Sénégal et l’UNESCO.
L’histoire de l’esclavage et de celle de la traite atlantique à Gorée, qui ne se limite pas à l’histoire d’un simple « échange commercial » entre producteurs et acheteurs dans un temps donné, inclut et dépasse l’histoire d’un passé raconté et la place de ce passé dans l’imaginaire présent des Sénégalais, c’est-à-dire ce « présent du passé » qu’est la mémoire, collective, sur lequel prend appui une grande partie du patrimoine113.
Notes
1 – Nous remercions Ibrahima Thioub, Xavier Ricou, Cyr Descamps et Dominique Moiselet pour leur aide précieuse dans l’élaboration de cet article. L’article, terminé en décembre 2011, ne tient pas compte des derniers développements de l’actualité et du résultat des recherches en cours. Voir notamment KANE, Moustapha. Histoire de la construction d’un lieu de mémoire de la traite atlantique des esclaves : Gorée de 1944 à nos jours. Dakar, UCAD.
2 – Inscription relevée sur une plaque érigée le 8 novembre 1999 à Gorée à l’entrée du jardin de plantes grasses « canarien » par la Maison africaine de la poésie internationale en présence du Président de la République du Sénégal et du Premier Ministre du Canada.
3 – GUEYE, Mbaye. L’esclavage au Sénégal du XVIIe au XIXe siècle. Nantes, thèse de doctorat de 3e cycle, 1969 ; L’Afrique et l’esclavage. Une étude sur la traite négrière. Martinsart, 1983.
4 – DE ROUX, Emmanuel. « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ». Le Monde, 27 décembre 1996. SAMB, Djibril (dir.). Gorée et l’esclavage, Actes du Séminaire sur Gorée dans la traite atlantique : mythes et réalités, Gorée, 7-8 avril 1997. Dakar : IFAN-CAD, Initiations et Études Africaines, 38, juillet 1997.
5 – Les esclavages et les traites : communautés, frontières et identités. Pôle d’Excellence Régional (PER) domicilié au Département d’Histoire de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université Cheikh Anta Diop. http://peresclave.over-blog.com/categorie-10204481.html [consulté le 25/04/2011]. En 2011, le PER est devenu le Centre Africain de Recherches sur les Traites et les Esclavages (CARTE). http://www.carte-ucad.org/fr [consulté le 26/02/2013]. Sur la traite négrière et l’esclavage, voir notamment les orientations bibliographiques données par : le département d’histoire de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar (UCAD), http://www.histoire-ucad.org/archives/index.php/remository.html?func=select&id=34 [consulté le 25/04/2011] ; l’UNESCO, http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001887/188769m.pdf [consulté le 25/04/2011]. Pour un état des lieux et des savoirs sur Gorée, voir : CAMARA, Abdoulaye, BENOIST, Joseph-Roger (de). Histoire de Gorée. Maisonneuve et Larose, 2003, p. 153-155 (bibliographie). Un inventaire du patrimoine immobilier de Gorée, conduit par la Direction du Patrimoine historique classé du ministère de la culture du Sénégal, est en cours depuis 2007.
7 – Voir en Afrique les nombreux projets mémoriels et concurrentiels en oeuvre ou en gestation en Gambie, Ghana, Bénin, Congo, … mis en oeuvre avec l’aide de l’UNESCO depuis 1994 : http://www.unesco.org/africa/portal/culture_4.html [consulté le 26/02/2012].
8 – Guide du tourisme en Afrique Occidentale Française et au territoire du Togo sous mandat français. Paris : Agence économique de l’Afrique occidentale Française, 5e éd., 1939 (1ère éd. 1926), p. 10.
9 – « Au XVIIIe siècle […], l’Afrique […] fournit la main d’œuvre esclave nécessaire à l’exploitation des Îles de l’Océan Indien, des Antilles et de l’Amérique. Il y a là un transport de force odieux mais tout à fait méconnu. Les philosophes blâment l’esclavage et la traite mais tout en accréditant la légende du sauvage africain heureux dans sa vertueuse sauvagerie et tout en profitant d’une civilisation matérielle qui comprend les produits coloniaux, ils ne mettent pas l’Afrique à l’honneur du travail. Et il faudra encore de longues années pour que l’on découvre, sous les préjugés négriers et sous les rêveries humanitaires, le caractère paysan des hommes de la savane. ». Guide du tourisme en Afrique Occidentale Française et au territoire du Togo sous mandat français. Paris : Agence économique de l’Afrique occidentale Française, 5e éd., 1939 (1ère éd. 1926), p. 9.
10 – « L’œuvre de la France en Afrique Occidentale ». L’Illustration, 29 février 1936, 94ème année, n°4852, p. 253-256 et supplément p. XIII-XXV. Description de « l’île des esclaves », p. 257-258.
11 – Le 31 mai 1936, la compagnie Air-France inaugure son premier service hebdomadaire entre la France et le Sénégal en trimoteur Dewoitine 338. Ces avions transportaient 15 passagers à la vitesse de 275 km/h. Cette remarquable aventure humaine et technologique participe également du patrimoine en partage entre la France, l’Afrique et l’Amérique. Pour cette raison, le Sénégal a introduit l’Aéropostale sur sa Liste indicative en vue d’une inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO dans la catégorie des biens en série.
12 – Renseignement aimablement communiqué par Xavier Ricou (avril 2011).
13 – Guide du tourisme en Afrique Occidentale Française et au territoire du Togo sous mandat français. Paris : Agence économique de l’Afrique occidentale Française, 5e éd. (1ère éd. 1926), 1939, p. 66.
14 – L’Illustration, n°4435, 3 mars 1928. Renseignement aimablement communiqué par Xavier Ricou.
15 – BRAU, P. (Dr). « L’île du sortilège ». Bull. Comité d’Études historiques et scientifiques de l’Afrique Occidentale Française, t. XI, n°4, oct.-déc. 1928, tiré à part, p. 63.
16 – GAFFIOT, Robert. Gorée, capitale déchue. Paris : L. Fournier, 1933, p. 93. GAFFIOT, Robert. Gorée, toute petite île. Arc-et-Senans : Éditions de l’Aile, 1933, p. 11. Dessin portant la légende : « Cour d’une ancienne maison négrière ». Ce dessin, signé de la main de l’auteur Robert Gaffiot (R.G.), représente la cour de l’actuelle Maison des Esclaves. Il ne porte pas [encore] son appellation postérieure qui serait donc apparue entre 1933 et 1936. Dans ses deux ouvrages Gaffiot n’emploie pas l’expression de « porte de non retour », l’auteur ne précise pas s’il s’agit de la reprise d’une « tradition », orale ou écrite antérieure.
17 – CARIOU, Pierre-André. Promenade à Gorée (Sénégal), manuscrit dactylographié, 1951-1952. L’auteur dépose trois exemplaires du manuscrit à Paris : aux Archives d’Outre-Mer, à la Bibliothèque nationale de France et aux Archives de la Marine. Aujourd’hui, l’exemplaire des Archives de la Marine est conservé à la bibliothèque des Archives d’Outre-Mer à Aix-en-Provence (CAOM) : – copie du manuscrit provisoire, [s.l.n.d.] [dactylographié], (288-6 p.). Aix-en-Provence : Centre des Archives d’Outre-Mer, 24Miom/57 ; – [s.l., s.n.] 1978, 1 vol. (274, 64, [19], 12) : nombr. pl. h. t., plans et cartes h. t. et dépl., 1 plan dépl. en coul. in fine. Aix-en-Provence : Centre des Archives d’Outre-Mer, BIB SOM d4506 ; – s.l., 1978, 1. vol. (12, 274, 64, 19). Paris : Bibliothèque nationale de France, cote FOL- O3M- 1456. Dans l’exemplaire déposé aujourd’hui à la BnF, cette somme dactylographiée comprend un avertissement, une reproduction de l’article « Notice sur Gorée » écrit par le Dr Cariou (publiée dans La presqu’île du Cap-Vert. Dakar : IFAN, 1949, p. 273-282), le manuscrit Promenade à Gorée (274 p.), une bibliographie (64 p.) et des annexes (quatre partitions de chants goréens, 19 p.). La note d’avertissement nous indique que l’auteur a rédigé l’ouvrage sous la forme d’une conférence en 1951-1952, avec révision en 1977. Il n’aurait pas édité ce manuscrit sous le prétexte que sa « Notice sur Gorée » avait déjà été publiée au préalable dans La presqu’île du Cap-Vert (Dakar : IFAN, 1949), le Guide sur musée historique de l’AOF à Gorée (MAUNY, Raymond. Dakar : IFAN, 1955), et enfin Dakar et le Sénégal (Paris : Hachette, les Guides Bleus illustrés, 1972). Cariou est présent à Gorée au moment du bombardement de 1940 et aurait quitté l’île vers 1943. Durant son séjour, il amasse une documentation considérable sur l’île qu’il complète par la lecture des sources d’archives de la métropole. Le plan de Gorée qui accompagne le manuscrit porte la date de 1944. Il semblerait que ce soit cette « histoire » de la Maison des Esclaves écrite par Cariou qui ait servi de trame originelle au discours de l’ancien conservateur Joseph Ndiaye. En 1993, les auteurs du nouveau guide de l’île de Gorée sont plus nuancés et retiennent pour l’usage des petites pièces du rez-de-chaussée de la Maison des Esclaves une fonction mixte de « chambres » pour les « esclaves domestiques » et de « cellules » pour les esclaves de traite. (CAMARA, Abdoulaye, BENOIST, Joseph-Roger (de). Gorée. Guide de l’île et du Musée historique. Dakar : IFAN-Cheik Anta Diop, 1993, p. 12-13).
18 – Raymond Mauny débarque à Dakar le 13 décembre 1937 et y rencontre le professeur Théodore Monod, directeur de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN), créé le 19 août 1936. Mauny est d’abord affecté dans les services du Gouvernement général. Durant la guerre, il prospecte notamment des sites préhistoriques autour de Dakar. En 1947, il est détaché de l’administration, puis intégré comme assistant à l’IFAN en 1949. Il s’occupe notamment de la protection des sites et des monuments historiques, et de ses prolongements en matière touristique, ainsi que de la mise en place des musées de Gorée, Dakar et Bamako. Pendant quinze ans (1947-1962), il dirige la section archéologie-préhistoire de l’IFAN. (BRASSEUR, Gérard. « Raymond Mauny ». 2000 ans d’histoire africaine. Le sol, la parole, l’écrit. Mélanges en hommage à Raymond Mauny. Paris : L’Harmattan, 1981, t. 1, p. 1-3).
19 Malgré son apport considérable au développement des recherches en AOF, notament dans le domaine de l’archéologie, Mauny est resté profondément conservateur, voire nihiliste. Il a systématiquement nié les apports de l’Afrique aux progrès techniques de l’humanité (invention du fer par exemple), contesté les contacts anciens avec la toute proche Méditerrannée. Ses positions ambigues lui valurent, au lendemain de la seconde guerre mondiale, d’être accusé de collaboration avec l’ennemi, ce qui lui valut une comparution devant la Chambre Civique du Parquet Général de l’AOF en son Audience du 4 décembre 1945. Il sera heureusement acquitté.
20 – MAUNY, Raymond. Guide de Gorée. Dakar : IFAN, Initiations Africaines : VII, 1951, p. 28 : « Quoi qu’en aient dit certains auteurs, il est bien peu probable que les négriers aient utilisé cette porte donnant sur la mer pour faire disparaître les cadavres. Le commerce des esclaves au XVIIIe siècle se faisait au grand jour ; les négriers n’avaient nul besoin de « faire disparaître » des cadavres comme de vulgaires criminels, alors qu’ils jouissaient de la considération due à d’honnêtes commerçants. Et par ailleurs, drôle de façon de procéder, si l’on voulait passer inaperçu, que de jeter un cadavre à la mer à quelques mètres de sa maison… et à portée de ses narines, au surcroît ! Les esclaves étaient embarqués par chaloupes dans l’Anse, au grand jour, et s’il en mourait, ils étaient enterrés dans les lieux de sépulture que l’on retrouve partout dans l’île ». Cette affirmation toute cartésienne doit être relativisée par le récit d’un témoin contemporain qui connaît bien les sites de traite de Gorée et de Saint-Louis, le chevalier de Boufflers. « Dans ce temps çi l’air du Sénégal est le pire de tous. Imagine que nous sentons de nos chambres, et surtout de la mienne, les exhalaisons des cadavres des captifs qui meurent par douzaines dans les cachots, et que les marchands, par économie, font jeter à l’eau pendant la nuit avec des boulets aux pieds. Les boulets se détachent à la longue, et les corps flottent entre deux eaux et vont s’arrêter sur le rivage, dans des endroits où l’on ne peut souvent pas arriver à pied ni en bateau. Ils restent entre les mangliers [= palétuviers et non « mangiers », selon Cyr Descamps] et ils y pourrissent à leur aise. Nous faisons des règlements pour parer à cela ; mais l’infection qui règne actuellement nous montre qu’ils ne sont pas suivis. » (Lettre datée du 9 juin 1786). PRAT, Paul. Lettres du chevalier de Boufflers à la comtesse de Sabran. Paris : Plon, 1891, p. 148-149.
21 – CAMARA, Abdoulaye, BENOIST, Joseph-Roger (de). Histoire de Gorée. Paris : Maisonneuve et Larose, 2003, p. 100-102. A.N. Sénégal, 4P 1442, Institut Français d’Afrique Noire (IFAN) à Dakar, aménagement, construction du musée de Gorée. Pièces écrites et plans, 1949-1953.
22 – MAUNY, Raymond. Guide du Musée historique de l’A.O.F. à Gorée. Dakar : IFAN, catalogue, n°XIII, 1955, p. 11-21. Dans la salle consacrée à l’esclavage et son abolition, sont exposées une maquette du brick négrier nantais La Joséphine (1824), établie d’après les plans du Musée de la Marine à Paris, et des reproductions de documents relatifs à la traite et au transport des esclaves.
23 – Le Musée de la Mer correspond au savoir développé autour du laboratoire de biologie marine par l’IFAN. Il vient compléter ce dispositif touristique muséal et apporter une note exotique de villégiature balnéaire, en contrepoint du tourisme mémoriel. On y organise des expositions reflétant les interactions multiples entre les cultures ouest-africaines et les écosystèmes marins tout en faisant découvrir les instruments modernes d’océanographie.
24 – Décret du 25 janvier 1937 portant protection des monuments naturels et des sites de caractère historique, légendaire ou pittoresque, des colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat relevant du ministère des Colonies. Arrêté n°2805 du 16 octobre 1937 pour l’AOF (Journal officiel de l’AOF, p. 1063).
25 – Lettre d’André Villard au gouverneur général de l’AOF datée du 21 octobre 1937. Archives IFAN, C2/1.
26 – DELCOURT, Jean. Gorée, six siècles d’histoire. Dakar : Clairafrique, 1984, p. 96. À proximité de Dakar, Gorée est considérée comme une villégiature balnéaire et la Marine y installe une maison de repos.
27 – Arrêté du 15 novembre 1944 portant l’inscription sur la liste des monuments naturels et des sites de l’île de Gorée tout entière. Journal officiel de l’AOF, 9 décembre 1944, p. 834. Arrêté complémentaire du 15 février 1951 déclarant Gorée « site historique » et prévoyant une commission spéciale pour examiner les demandes d’autorisation de travaux. Journal officiel de l’AOF, 15 février 1951, p. 234, art. 36/1 à 36/3.
28 – Plan publié par Robert Gaffiot. La légende indique que l’état des habitations fut levé par le sergent Castel en 1932. Il représente les espaces où les maisons sont encore en état, les maisons en ruines et enfin l’emplacement des maisons ayant disparu. (GAFFIOT, Robert. Gorée, toute petite île. Doubs : Arcs-et-Senans, 1933, plan hors-texte).
29 – Lettre de Théodore Monod adressée au Gouverneur général de Dakar et dépendances datée du 8 juillet 1942. Archives IFAN, n°812. (CAMARA, Abdoulaye, BENOIST, Joseph-Roger de. Histoire de Gorée, 2003, p. 135).
30 – MAUNY, Raymond. « En marge du centenaire de l’abolition de l’esclavage, l’île de Gorée ». Paris-Dakar, n° 3732, 22 avril 1948, p. 29.
31 – Ancienne esclaverie construite au XVIIIe siècle, (CAMARA, Abdoulaye, BENOIST, Joseph-Roger de. Histoire de Gorée, 2003, p. 110).
35 – Reportage documentaire sur l’île de Gorée, TF1, émission réalisée en mai 2005.
36 – Reportage documentaire sur l’île de Gorée, TF1, émission réalisée en mai 2005.
37 – Ndiaye, Boubacar Joseph. La maison des esclaves de Gorée. L’esclavage, ses origines et ses répercussions en Afrique ; Gorée historique et traite des noirs à Gorée. Dakar : Maison des Esclaves de Gorée, 1986.
38 – « J’ai été tellement ému par ce que j’ai vu et entendu que j’en ai pleuré, car je viens de comprendre combien la traite négrière était inhumaine, combien mes ancêtres ont souffert depuis leur mise en captivité, leur séjour dans les esclaveries du littoral africain et dans les bateaux qui les ont transportés en Amérique. J’ai eu l’impression d’avoir remonté le temps et vécu moi-même leur calvaire ». Extrait du livre d’or du musée, d’après DIOP, Boubacar Boris, TOBNER, Odile, VERSCHAVE, François-Xavier. Négrophobie. Paris : Les Arènes, 2005).
40 – De Roux, Emmanuel. « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ». Le Monde, 27 décembre 1996.
41 – De Roux, Emmanuel. « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ». Le Monde, 27 décembre 1996.
42 – Samb, Djibril (dir). Gorée et l’esclavage, Actes du Séminaire sur « Gorée dans la traite atlantique : mythes et réalités », Gorée, 7-8 avril 1997. Dakar : IFAN-CAD, Initiations et Études Africaines, 38, juillet 1997. Voir aussi : SMITH, Stephen. Nécrologie, Pourquoi l’Afrique meurt. Paris : Hachette-Plurielles, 2004. DUARTE, Florence. Esclavage : la thèse qui choque Dakar : http://www.senegalaisement.com/senegal/esclavage_senegal.php [consulté le 01/06/2011].
43 – ANGRAND, Jean-Luc. Céleste ou le temps des signares. Paris : Éditions Anne Pépin, 2006, p. 48. Voir la critique de l’ouvrage par Xavier Ricou qui souligne à juste titre l’absence de sources, des informations lacunaires, des erreurs. http://www.senegalmetis.com/Senegalmetis/Celeste.html [consulté le 20/06/2011].
44 – THIOUB, Ibrahima, BOCOUM, Hamady. « Gorée et les mémoires de la Traite atlantique ». Dans SAMB, Djibril (dir.). Gorée et l’esclavage, Actes du Séminaire sur Gorée dans la traite atlantique : mythes et réalités, Gorée, 7-8 avril 1997. Dakar : IFAN-CAD, Initiations et Études Africaines, 38, juillet 1997, p. 200.
45 – SECK, Ibrahima. « Esclavage et traite des esclaves dans les manuels de l’enseignement secondaire du Sénégal : des programmes de domestication coloniale aux programmes dits d’enracinement et d’ouverture ». Revue Historiens-Géographes du Sénégal, n°8. Dakar : Faculté des Sciences et Technologies de l’Éducation et de la Formation, UCAD, 2009, p. 75. Bénin, Ouidah, Porte du non retour, http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Ouidah_Porte_du_Non_retour.jpg [consulté le 17/06/2011].
46– NDIAYE, Boubacar Joseph. Il fut un jour à Gorée… l’esclavage raconté à nos enfants. Paris : Lafon, 2006.
47– THIAW, Ibrahima. « L’archéologie de l’île de Gorée au Sénégal. Chaque maison a une histoire ». Dans SANSONE, Livio, SOUMONNI, Élisée, BARRY, Boubacar (dir.). La construction transatlantique d’identités noires. Entre Afrique et Amériques. Paris : Karthala, 2010, p. 41-56 [trad. française de l’ouvrage paru en anglais en 2008, issu du colloque tenu à Gorée en 2002] ; THIAW, Ibrahima. « L’espace entre les mots et les choses : mémoire historique et culture matérielle à Gorée (Sénégal) ». THIAW, Ibrahima (dir.). Espaces, culture matérielle et identités en Sénégambie. Dakar : CODESRIA, 2010, p. 18-40.
48 – La non implication dans le discours mémoriel ne signifie pas cependant désintérêt pour la préservation de l’île. De nombreux édifices ont été réhabilités et un important programme de protection de Gorée contre l’érosion marine sera élaboré et une recherche de financement entreprise. De même la requalification du Palais Roume en Auberge du Penseur a également été proposée par le Président Wade, sans connaître un début d’exécution.
49 – Poète, écrivain, homme politique, Léopold Sédar Senghor reprend la notion sur la Négritude, introduite par Aimé Césaire dès 1935, en la définissant ainsi : « La Négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture ». Fervent défenseur de la culture, la Négritude est pour lui « l’ensemble des valeurs culturelles de l’Afrique noire ». VAILLANT, Janet G. Vie de Léopold Sédar Senghor. Noir, Français et Africain. Paris : Karthala, 2006. DIAGNE, Bachir « In Praise of the Post-racial. Negritude beyond Negritude ». Third Text, Vol. 24, Issue 2, March, 2010, p. 241-248.
52– Léopold Sédar Senghor, 19 mars 1966, allocution radiodiffusée.
53 – Le premier Festival Mondial des Arts Nègres. Bruxelles : Marci, 1966. Le président du Festival Alioune Diop préside également l’Association du Festival Mondial des Arts Nègres. Trente-sept pays participent à ce premier festival, dont trente pays africains. Grâce au soutien financier du gouvernement du Sénégal et de la Société Africaine de Culture, ce festival s’organise autour de plusieurs manifestations : – un colloque sur « Fonction et signification sur l’Art Nègre dans la vie du peuple et pour le peuple (30 mars-8 avril) » (Condé-sur-Noireau : Présence Africaine, 1967) ; – un spectacle tous les soirs par des artistes, danseurs, musiciens de chaque pays participant au Festival ; – une exposition « L’Art Nègre, Sources Évolution Expansion » (Dakar-Paris, 1966.).
55 – À la demande des Sénégalais, le ministère français de la Coopération met à leur disposition Jean Mazel, qui a déjà réalisé en 1958 le spectacle de Marrakech. Le scénario est monté à partir des recherches menées par le département de l’IFAN sur l’histoire de Gorée. Ce scénario devait servir de canevas à un texte d’Aimé Césaire qui fut remplacé par Jean Brière, un Haïtien installé au Sénégal depuis 1964. Archives Nationales du Sénégal, FMAN 33 : Commission des spectacles. Spectacle féerique de Gorée. Opéra populaire en huit tableaux créé à l’occasion du premier Festival mondial des arts nègres. 1-24 avril 1966, Dakar. D’après Cyr Descamps, le spectable aurait été conçu en collaboration avec Charles Carrère.
56 – Dans les premières séquences du film Little Senegal de Richard Bouchareb, les touristes noirs américains sont saisis par l’émotion lors de la visite de la Maison des Esclaves. BOUCHAREB, Richard. Little Senegal, Tadrart Film, 2000, 1h38, long métrage algérien, français, allemand.
57 – Extrait de l’« Appel du Directeur général pour la sauvegarde de Gorée, 22 décembre 1980 ». Les Nouvelles de l’Unesco, n°41, 5 janvier 1981, p. 1-3. L’engouement des Américains pour la généalogie remonte à 1976, avec la parution de l’ouvrage de HALEY, Max. Roots. The Saga of an American Family, repris dans les séries télévisées Roots de 1977 et 1979. L’île de Gorée y est présentée comme « gataway to Roots ». Sur la marchandisation touristique de l’île de Gorée : EBRON, Paulla A. « Tourists as pilgrims: Commercial fashioning of transatlantic politics « . American Ethnologist, nov. 1999, 26, 4, p. 910-932. http://www.nyu.edu/classes/bkg/tourist/ebron-africa.pdf [consulté le 26/02/2013]
59 – Île de Gorée. Zone urbaine de Dakar. Paris : Eurétudes, 1968. Le programme d’aménagement insiste sur cinq recommandations essentielles : la restauration et l’amélioration de l’urbanisme général du site par la création d’un complexe hôtelier moderne sur le Castel, le développement du centre de pêche sportive par une extension de la capacité d’accueil des installations au niveau du Relais de l’Espadon, la réalisation d’un équipement portuaire favorisant l’amélioration de la liaison maritime avec la ville de Dakar et enfin l’édification de nouvelles maisons d’un type particulier.
62 – Descamps, Cyr. Préservation et mise en valeur du patrimoine national (décembre 1969 – janvier 1970). Paris : UNESCO, 1970.
63– Convention et recommandations de l’UNESCO relatives à la protection du patrimoine culturel. Paris : UNESCO, 1983.
64 – Le critère VI de 1972 est d’« être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle ». En 1977, le critère d’inscription de l’île de Gorée mentionne qu’elle : « … occupe une place de choix dans le patrimoine sénégalais en tant que vestige de choc de deux civilisations différentes, et le témoin d’une expérience humaine sans précédent dans l’histoire des peuples. En effet, Gorée est pour la conscience universelle, le symbole de la traite négrière avec son cortège de souffrance, de larme et de mort. L’attention que les autorités sénégalaises portent à cette île ne se réfère pas à un désir de s’attarder sur le passé à jamais enfoui, mais à une volonté de faire de l’île de Gorée l’archétype de la souffrance de l’homme noir à travers les âges à l’instar de tant d’autres lieux tristement célèbres où l’aveuglement et la haine ont naguère sévi. De plus, par-delà cet aspect historique, l’île de Gorée constitue en elle-même un ensemble architectural digne d’intérêt dont la conservation tel quel, est une des priorités du programme sénégalais de protection du patrimoine […] » (Formulaire de proposition d’inscription n° CC-77/WS/64. Dans GONODOU, Alain, ASSOMO, Lazare Éloundou. État de conservation de l’île de Gorée, rapport de mission ICOMOS (28 mars – 3 avril 2004). Centre du patrimoine mondial – ICOMOS, 2004, p. 7, en ligne : http://whc.unesco.org/archive/2004/mis-26-2004.pdf [consulté le 25/04/2011]).
66– FRAPOLLI, Jean-Pierre, CLERC, Maurice. Plan directeur de rénovation de l’île de Gorée. Aspects juridiques et financiers du programme de rénovation de l’île. Paris : UNESCO, 1975. http://unesdoc.unesco.org/images/0001/000161/016127fb.pdf [consulté le 25/07/2011].
67 – PARENT, Michel. L’avenir de Gorée. Paris : UNESCO, 1977, FMR/ CCT/ CH/ 77/ 184.
68– LABLAUDE, Pierre-André. Réhabilitation du site historique de l’île de Gorée. Projet touristique de la Petite Côte. Sénégal. Paris : UNESCO, 1978.FMR/CC/CH/78/260(BIRD) ; 9988.SEN/21.
70 – Il s’agit de Michel Van der Meerschen (depuis le classement de l’île en 1978, jusqu’en 1982), puis de Françoise Descamps et Dirk Defraeije (en poste à partir de 1982).
76 – Godonou, Alain, Assomo, Lazare Éloundou. État de conservation de l’île de Gorée, rapport de mission ICOMOS (28 mars – 3 avril 2004). Centre du patrimoine mondial – ICOMOS, 2004, p. 7. http://whc.unesco.org/archive/2004/mis-26-2004.pdf [consulté le 25/04/2011].
77 – Ce sont des « travaux de réparation consécutifs à l’effondrement d’un mur porteur au rez-de-chaussée »… « Les restaurations effectuées concernent certains éléments décoratifs supposés avoir disparu ». (Camara, Abdoulaye, Benoist, Joseph-Roger (de). Histoire de Gorée. Paris : Maisonneuve et Larose, 2003, p. 110).
78– En 1990-1991, une nouvelle campagne de restauration de la Maison des esclaves a été entreprise avec l’aide financière du Comité France-Liberté. Les travaux devaient permettre de reconstituer à l’étage « une pièce d’habitation d’époque, décorée de meubles et d’objets pour la plupart d’origine », et de présenter une exposition de documents sur la vie quotidienne à Gorée au XVIIIe siècle.
79 – Adolphe d’Hastrel de Rivedoux, peintre, aquarelliste, lithographe, embrasse la carrière militaire et devient capitaine d’artillerie dans la marine. Au cours de ses périples, il fait escale au Sénégal en 1836 et y séjourne à nouveau en 1839. Lors de ce dernier passage, il réalise notamment une série d’aquarelles d’une grande précision sur Gorée, qu’il reproduira lui-même dans un album lithographique qu’il publie près de dix ans plus tard sous le titre « Colonie française du Sénégal ». Deux aquarelles nous donnent un état de la Maison dite des esclaves en 1839. Une vue de la cour intérieure de la Maison dite d’Anna Colas (ou Annacolas Pépin), portant la date du 20 février 1839. La vue a été inversée lors de la reprise lithographique effectuée par d’Hastrel lui-même. Une première épreuve de travail porte la mention en bas à gauche : À Gorée 20 février 1839 et à droite, après la signature [illisible]. Cette lithographie porte ensuite le titre : Une habitation à Gorée (Maison d’Anna Colas) pour être insérée comme la planche n°8 de l’album imprimé par Auguste Bry à Paris sur la « Colonie française du Sénégal », s.d. [vers 1848]. La façade sur l’actuelle rue Saint-Germain figure sur un second dessin aquarellé, daté du jour suivant, le 21 février 1839. La lithographie de l’aquarelle est signée par Théodore du Moncel et figure dans l’album sous le n°3. Le revers de l’aquarelle porte une esquisse de la rue Saint-Germain, vue du côté opposé. MAUNY, Raymond. « Aquarelles et dessins de d’Hastrel relatifs au Sénégal (1839) ». Dans Notes africaines, n°52, octobre 1951, p. 113-116 ; RICOU, Xavier. Trésors de l’iconographie du Sénégal colonial. Marseille : Riveneuve, 2007, p. 112-113. http://fr.wikipedia.org/wiki/Adolphe_d%27Hastrel [consulté le 02/08/2011]. http://www.senegalmetis.com/Senegalmetis/Signare_E4-6_dHastrel6.html [consulté le 02/08/2011]. Aquarelle achetée en 1951 par l’IFAN et qui aurait disparu. http://www.senegalmetis.com/Senegalmetis/Signare_E7_dHastrel3.html [consulté le 02/08/2011]. Aquarelle, collection Marie-José Crespin.
80 – UNESCO. Rapport Lablaude, Préservation et restauration de l’île de Gorée. 1982, p. 14.
82 – RICOU, Xavier. « Gorée, ville métisse ». Dans CAMARA, Abdoulaye et BENOIST, Joseph Roger de. Histoire de Gorée. Paris : Maisonneuve et Larose, 2003, p. 92.
83 – Les trois établissements sont : la Maison du Soudan, devenue un centre d’étude ; la Capitainerie du port, servant provisoirement d’annexe à l’Université des Mutants ; la Maison Victoria Albis, accueillant des expositions, ainsi que les locaux du Bureau d’architecture des monuments historiques et la résidence de l’expert de l’UNESCO envoyé à Gorée. HAARDT, Caroline. « Gorée, l’île aux esclaves ». Courrier de l’UNESCO, octobre 1992, p. 48-50.
84 – UNESCO, 27ème session du Comité du Patrimoine mondial : État de conservation des biens inscrits sur la liste du patrimoine en péril, référence WHC-03/27.COM/7B, 2003, p. 27, en ligne http://whc.unesco.org/archive/2003/whc03-27com-07bf.pdf [consulté le 06/04/2011].
86 – MATSUURA, Koichiro. « Discours prononcé lors du lancement de l’année internationale de la commémoration de la lutte de l’esclavage et de son abolition à Cape Coast (Ghana) en 2004 ». Bulletin d’information de l’Unesco, numéro spécial, 2004.
88– Le Musée maritime de Merseyside à Liverpool, point de départ du trafic de la traite anglaise abrite depuis 1994 une Transatlantique Slavery Gallery, qui est devenue en 2007 un musée international permanent consacré à la traite transatlantique. http://www.liverpoolmuseums.org.uk/ism/.
89 – « Gorée, La Maison des Esclaves, Sénégal ». Dakar : Foreign and Commonwealth Office/ National Museum galleries on Merseyside/The britisch Council, s. d. [2001 ?], [Brochure exposition].
91– Le Soleil, 26 novembre 1976. Cette idée du président Senghor a été reprise une génération plus tard par le président Wade pour la construction de sa statue géante de La Renaissance africaine.
101 – Le projet de 2011 réapparaît en novembre 2012, porté ( ?) par le ministre de la culture avec l’aide d’Amadou Lamine Sall. Le symbole du navire est repris, dessiné par le studio tchèque Helika. http://www.helika.cz/#/projekty/aktualni/1619 [consulté le 27/02/2013].
102 – Thiam, Alassane, Thilmans, Guy. « Gorée l’île musée, Création d’un musée historique ». Museum, volume XXXII, n° 3, p. 119-129.
103– Gorée, Guide de l’île et du musée historique. IFAN : Musée Historique, 1993. Pour l’histoire du musée historique : DESCAMPS, Cyr et CAMARA, Abdoulaye. « Le Musée Historique : cinquante ans de présence à Gorée (1954-2004) ». Senegalia. Études sur le patrimoine ouest-africain. Saint-Maur-des-Fossés, Sépia, 2006, p. 150-160.
106 – En avril 2011, ce Musée de la Femme était fermé depuis quelques mois.t. Deux ans plus tard, la décision de délocaliser ce musée sur le continent est effective . Les expositions sont en cours de démontage.
107 – MONOD, Théodore. « Le musée de la mer, Gorée, Sénégal ». Museum international, vol. 14, déc. 1961, p. 1-11.
109 – Parmi les partenaires il faut citer l’Association des amis du musée, et le projet Chélonée.
110 – TOULIER, Bernard. « Architecture coloniale, identités culturelles et patrimoine en Afrique francophone ». Dans ANDRIEUX, Jean-Yves (dir.). Patrimoine, sources et paradoxes de l’identité. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 117-142.
111 – LABLAUDE, Pierre-André. « À Gorée au Sénégal : l’île aux esclaves ». Monuments Historiques, n°162, fév.-mars 1989, p. 88-92. L’auteur prône une « pratique [patrimoniale] métissée, parfois lointaine des préceptes rigides d’une Charte de Venise vieillie et perçue de plus en plus comme attardée dans une guerre de tranchée post-viollet-le-ducienne, à la dialectique trop exclusivement européenne ».
112 – BOCOUM, Hamady. « Gorée et les mémoires de la Traite atlantique ». Dans Samb, Djibril (dir.). « Gorée et l’esclavage », Actes du Séminaire sur « Gorée dans la traite atlantique : mythes et réalités ». Gorée, 7-8 avril 1997. Dakar : IFAN-CAD, Initiations et Études Africaines, 38, juillet 1997, p. 200.
113 – FRANK, Robert. « La mémoire et l’histoire ». Dans VOLDMAN, Danièle (dir.). La Bouche de la vérité ? « La recherche historique et les sources orales ». Les cahiers de l’Institut d’histoire du temps présent, n°21, nov. 1992, p. 65-72.
Une épidémie est un phénomène social qui comporte quelques aspects médicaux. Rudolf Virchow
Le spectacle d’un souverain pontife, héritier du « N’ayez pas peur » de Jean Paul II et personnellement rompu à l’exercice, si éminemment catholique, du baiser aux fiévreux, eczémateux et autres lépreux des bidonvilles de Buenos Aires, qui se distancie du peuple chrétien, ne communique plus que par Internet, ordonne que l’on vide les bassins d’eau bénite et fait son chemin de croix, sur le parvis de la basilique, devant une place Saint-Pierre déserte. Effacée, l’image juive du Messie qui attend, aux portes de Rome, au milieu des scrofuleux. Oublié, le baiser de Jésus au lépreux qui, de Flaubert à Mauriac, a inspiré tant de belles pages. Aux oubliettes Violaine, la « jeune fille pure » de Claudel qui, s’il écrivait aujourd’hui cette Annonce faite à Marie, s’il osait sanctifier cette héroïne lumineuse, embrassant exprès un lépreux et réenfantée par ce baiser, passerait pour irresponsable, criminel contre la société, mauvais citoyen. Impensable, cette image troublante et belle, gardée de mon enfance, d’un général de Gaulle en visite à Tahiti, deux ans avant son retour au pouvoir : sa voiture est bloquée par un cortège de lépreux ; il descend ; serre la main de chacun ; prend dans ses bras une enfant ; étreint l’organisateur de cette étrange manifestation ; ne dit rien ; redémarre. Bernard-Henri Lévy
Un conciliateur, c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile en espérant qu’il sera le dernier à être mangé. Churchill
Qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi, des Noirs ? Ce sont des hommes comme les autres. Je ne suis pas raciste. Roland Gary
La glorification d’une race et le dénigrement corollaire d’une autre ou d’autres a toujours été et sera toujours une recette de meurtre. (…) Quiconque avilit les autres s’avilit soi-même. James Baldwin
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.G.K. Chesterton
Debout ! les damnés de la terre ! Debout ! les forçats de la faim ! La raison tonne en son cratère, C’est l’éruption de la fin. Du passé faisons table rase, Foule esclave, debout ! debout ! Le monde va changer de base : Nous ne sommes rien, soyons tout ! C’est la lutte finale Groupons-nous, et demain, L’Internationale, Sera le genre humain. Eugène Pottier (1871)
Te rends-tu compte que le passé a été aboli jusqu’à hier ? S’il survit quelque part, c’est dans quelques objets auxquels n’est attaché aucun mot, comme ce bloc de verre sur la table. Déjà, nous ne savons littéralement presque rien de la Révolution et des années qui la précédèrent. Tous les documents ont été détruits ou falsifiés, tous les livres récrits, tous les tableaux repeints. Toutes les statues, les rues, les édifices, ont changé de nom, toutes les dates ont été modifiées. Et le processus continue tous les jours, à chaque minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe qu’un présent éternel dans lequel le Parti a toujours raison. Je sais naturellement que le passé est falsifié, mais il me serait impossible de le prouver, alors même que j’ai personnellement procédé à la falsification. La chose faite, aucune preuve ne subsiste. La seule preuve est à l’intérieur de mon cerveau et je n’ai aucune certitude qu’un autre être humain quelconque partage mes souvenirs. De toute ma vie, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de tenir la preuve réelle et concrète. Des années après. Winston (1984, George Orwell)
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
Les Flagellants (nommés disciplinati ou battuti au Moyen Âge) étaient des groupes ambulants de fidèles qui se donnaient la discipline collectivement en public. Leur mouvement atteignit son apogée durant le XIIIe siècle et le XIVe siècle en Europe occidentale. Ceux qui y prenaient part pensaient que la pratique de la flagellation leur permettrait d’expier leurs péchés, atteignant ainsi la perfection, de manière à être acceptés au royaume des cieux après l’Apocalypse. Ils allaient en procession par les villes, nus jusqu’à la ceinture et armés d’un fouet dont ils se flagellaient publiquement, en chantant des cantiques, pour expier leurs péchés.(…) Les circonstances dans lesquelles les premières manifestations massives de flagellants ont eu lieu sont significatives. À la suite de la famine de 1258 et de ce qu’on supposera être une manifestation de la peste en 1259, la situation de l’Italie était particulièrement difficile à l’époque. (…) Le mouvement des flagellants avait repris des proportions considérables en 1349. Ceci était dû à l’une des plus grandes épidémies de peste du Moyen Âge : la dite Peste noire (introduite par des hordes mongoles en 1346-1347). Celle-ci fut interprétée, dans la perspective médiévale, comme un châtiment divin contre les pêchés commis par les humains. Les processions de flagellants étaient mises en avant comme un effort pour détourner ce châtiment. La zone de développement du mouvement se situa principalement en Europe centrale, de la Pologne à l’Allemagne et jusqu’aux Pays-Bas et à la France. Les flagellants se déplaçaient entre villes par bandes de cinquante à cinq cents hommes ou plus. Plusieurs régions furent prises l’une après l’autre d’une grande agitation où le mouvement prenait une grande importance avant de s’éteindre peu à peu. (…) Les Juifs furent aussi victimes des mêmes persécutions que les clercs, mais sur une tout autre échelle. Durant le grand massacre des Juifs qui suivit la Peste Noire (cf par exemple le Pogrom de Strasbourg), les flagellants jouèrent un rôle considérable. Les premiers massacres ont eu lieu en fin mars 1349 lorsqu’une partie de la population porta des accusations d’empoisonnement des puits contre les Juifs. Une seconde vague de terreur fut déclenchée par la propagande des flagellants quatre mois plus tard en juillet 1349. Des groupes de flagellants pénétrèrent à Francfort où ils se ruèrent sur le quartier juif et massacrèrent des juifs avec l’aide de la population locale. Les autorités municipales étaient si troublées par cet incident qu’elles expulsèrent les pénitents de la ville et renforcèrent les portes afin que cela ne se reproduise pas.Wikipedia
Les aspirations nationales doivent être respectées, les peuples ne peuvent être dominés et gouvernés que par leur propre consentement. L’auto-détermination n’est pas simplement un mot, c’est un principe d’action impératif que les hommes d’État ignoreront désormais à leurs risques et périls. Woodrow Wilson
La paix à laquelle nous invitent les Anglo-Américains n’est rien moins qu’un statu quo destiné à servir leurs intérêts… La vraie nature du conflit actuel est une lutte entre des puissances établies et des puissances non encore établies… Au début, l’Angleterre et la France colonisèrent des régions du monde « moins civilisées » et ont entretenu une situation de monopole sur leur exploitation. La conséquence fut que l’Allemagne et les nations venues après furent laissées sans terre à acquérir ni espace pour s’agrandir.(…) Si leur politique prévaut, le Japon qui est un petit pays sans ressource et incapable de consommer ses propres productions n’aura pas d’autre choix que de détruire ce statu quo pour espérer survivre, exactement comme l’Allemagne… Nous devons exiger tous les pouvoirs pour ouvrir les portes de leurs colonies aux autres, de sorte que toutes les nations puissent avoir un accès égal aux marchés et aux ressources naturelles des zones colonisées. Il est également impératif que le Japon insiste sur l’éradication des discriminations raciales. Prince Konoe
Je veux bien admettre l’égalité des Japonais en tant que nation, et aussi l’égalité des individus d’homme à homme. Mais je ne peux admettre les conséquences auxquelles nous devrons faire face si nous vous ouvrons notre pays. Ce n’est pas que nous ne les tenons pour être inférieurs à nous mais simplement parce que nous ne les voulons pas. Économiquement, ce sont des facteurs perturbants parce qu’ils acceptent des salaires bien inférieurs au minimum pour lequel nos compatriotes acceptent de travailler. Peu importe s’ils se mélangent bien avec notre peuple. Nous ne voulons donc pas qu’ils puissent épouser nos femmes. Ceci est une opinion personnelle. Je ne veux pas vous offenser. Notre législation n’est pas dirigée spécialement contre les Japonais. Les sujets britanniques en Inde subissent cela de la même manière. Il est impossible que nous puissions formuler une modification à votre amendement parce qu’aucune modification concevable ne saura jamais satisfaire chacun d’entre nous. W. M. Hughes
Versailles’ mixed legacy is even further complicated by a little-known attempt by Japan, one of the emerging players at the table, to move the world forward on the issue of racial equality. Japan asked for, and nearly got approved, a clause in the treaty that would have affirmed the equality of all nations, regardless of race. For all of the history forged, some historians believe the great powers missed a pivotal opportunity to fashion a much different 20th century. A driving force behind that vision for the future and the lofty ambitions of the treaty was U.S. President Woodrow Wilson, the lead negotiator at the Paris Peace Conference. In 1918, a few months before he set sail for Paris, Wilson addressed Congress to lay out his now-famous principle of self-determination, an idea that would guide the Versailles negotiations and the final treaty that emerged: « National aspirations must be respected; peoples may now be dominated and governed only by their own consent. ‘Self-determination’ is not a mere phrase. It is an imperative principle of actions which statesmen will henceforth ignore at their peril. » Looking back, contradictions abound in Wilson’s decree. Japan’s Racial Equality Proposal would have strengthened Wilson’s call for self-governance and equal opportunity. Yet, when the victors signed the treaty, that language was nowhere to be found. « At the bottom of all of this is the idea that certain people of color cannot be trusted and people of color do not deserve a place, not only on the world stage but also in our own communities, » says professor Chris Suh who studies Asian American history. (…) Following its victory in the Russo-Japanese War in 1905 and then its participation as an Allied power during World War I, Japan rose as a mighty player on the world stage. Seeking to solidify that new power, the Japanese delegation at the Versailles negotiations sought to add language about racial equality into the proposed treaty’s preamble. Its immediate goals were to strengthen its diplomatic standing and earn an equal seat at the table. (…) To be clear, historians say the Japanese were not seeking universal racial suffrage or improving the plight of black Americans, for example. But, the added language would have meant that Japanese immigrants coming to the U.S. could be treated the same as white European immigrants. France got behind the proposal. Italy championed it. Greece voted in favor. But Australia pushed back. The British dominion had instituted a White Australia Policy in 1901 limiting all nonwhite immigration. Australian Prime Minister William Morris Hughes strong-armed the rest of the British delegation into opposing the proposed clause and eventually got Wilson’s support too. Wilson came up with a way of killing the proposal without ever openly saying he opposed it. The U.S. president imposed a « unanimity ruling » that effectively squashed the racial equality language even though a majority of the nations supported it. As chairman of the League of Nations Commission, Wilson had approved a number of other issues at the conference without such a unanimous vote. His call for consensus was not a petition for democracy. It was a shrewd calculation. Wilson’s top priority at the conference was seeing the League of Nations created and the treaty ratified. The last thing he wanted was to alienate the British delegation, and he was not willing to let the Racial Equality Proposal derail those efforts. But, in a nod to appease Japan, he supported its demand to keep war-acquired territories like Shantung. Though scholars disagree on the exact reasons for the opposition by Australia and the U.S., many say the key factor was migration. The racial equality clause represented « one of the first attempts to establish … the unprecedented principle of free and open migration, » says Frederick Dickinson, a University of Pennsylvania professor of Japanese history. Japan’s industrialization and falling mortality rates created an overpopulation problem. Following the 1882 Chinese Exclusion Act, which prohibited Chinese laborers from immigrating to America, contractors on the West Coast brought Japanese migrants over to fill their need for inexpensive labor. In 1907, the U.S. and Japan had negotiated the « Gentlemen’s Agreement, » which was designed to address the growing Japanese emigration rate. In it, Japan agreed to curb how many migrants it sent over, if the U.S. would desegregate Asian and white children in San Francisco public schools. Unlike the unilateral Chinese Exclusion Act, the Gentleman’s Agreement gave Japan some say in Japanese immigration to the United States. This agreement didn’t maintain order for long. Anti-Japanese sentiment was spreading up and down the West Coast, and lawmakers there called for stricter legislation. California passed the Alien Land Law of 1913, which prohibited Japanese immigrants from owning land. And so, by the end of World War I and the negotiations in Paris, Americans feared waves of Japanese immigrants. When word of the Japanese proposal reached Washington, pressure mounted from lawmakers to reject the clause. Democratic California Sen. James Phelan sent a telegram to the U.S. delegation in Paris, writing: « Believe western Senators and others will oppose any loophole by which oriental people will possess such equality with white race in United States. It is vital question of self-preservation. » With mounting pressure on the homefront and from Britain and its dominions, Wilson killed the proposal. The Japanese lost their bid for racial equality. Ultimately, the treaty Wilson had staked his presidency on was rejected by Congress. He suffered a stroke later in 1919, did not seek a third term and died three years after leaving office. The same year as Wilson’s death, in 1924, President Calvin Coolidge unilaterally banned all Japanese immigration with the Johnson-Reed Act. (…) The interwar years saw increased Japanese aggression as it attempted to gobble up more land and further assert its power on a global level. Japan became an imperial power consumed with nationalism and militarism. Japan struggled to resettle its burgeoning population. Its invasion of Manchuria, a region in China, in 1931, led to the resettlement of hundreds of thousands of farmers and migrants there. Ishiwara Kanji, the architect of the invasion, called for a « racial paradise » in this newly established puppet state. (…) Beyond the bloodshed in the Pacific, the domestic toll waged on Japanese Americans has lived on in infamy. More than 100,000 Japanese Americans were forcibly relocated from their homes and incarcerated during what has been called Japanese internment. The U.S. later acknowledged that it was on the wrong side of history, betraying its values of justice and liberty: The 1988 Civil Liberties Act, enacted by Congress, said that the government’s actions against Japanese Americans « were motivated largely by racial prejudice, wartime hysteria, and a failure of political leadership. » « Obviously whenever people think of Japanese American discrimination in the United States, the big thing that comes to mind is the World War II incarceration, » says David Inoue, executive director of the Japanese American Citizens League. But the Racial Equality Proposal demonstrates that incarceration camps are not the whole story. He sees this proposal as « part of a whole continuum of discrimination that had begun years before and even we see it continuing today … in other communities that are discriminated against. » NPR
Peut-être que la prise de conscience la plus tragique de la réalité survint lorsqu’il devint clair pour moi que la guerre ne se contentait pas de dévaster les espoirs des pauvres dans le pays. Elle envoyait aussi leurs fils, leurs Frères et leurs maris combattre et mourir dans des proportions extraordinairement élevées par rapport au reste de la Population. Nous prenions de jeunes noirs, estropiés par notre société, et nous les envoyions à 10 000 kilomètres de là pour garantir des libertés en Asie du Sud Est dont ils ne bénéficient pas eux-mêmes dans le sud-ouest de la Géorgie ou dans Harlem Est. Nous avons été placés de manière répétée devant l’ironie cruelle de regarder sur nos écrans des jeunes garçons noirs et blancs tuer et mourir ensemble pour un pays où il ne leur était pas permis de s’asseoir côte à côte dans les mêmes écoles. Nous les avons vus, dans une même solidarité brutale, mettre le feu aux huttes d’un pauvre village, mais nous réalisons qu’ils ne vivraient jamais dans le même bloc à Détroit. Je ne pouvais pas rester silencieux devant une si cruelle manipulation des pauvres. Ma troisième raison provient de mon expérience dans les ghettos du Nord durant ces trois dernières années et notamment, ces trois derniers étés. En marchant parmi les jeunes gens en colère, rejetés et désespérés, je leur ait dit que les cocktails Molotov et les fusils ne résoudraient pas leurs problèmes. J’ai essayé de leur offrir ma plus profonde compassion tout en conservant ma conviction que le changement social le plus significatif vient à travers l’action non violente. Mais, demandaient-ils, et le Vietnam ? Ils demandaient si notre pays n’utilisaient pas lui-même une dose massive de violence pour résoudre ses problèmes, pour apporter les changements qu’il souhaitait. Leurs questions ont fait mouche, et j’ai su que je ne pourrai jamais plus élever ma voix contre la violence des opprimés dans les ghettos sans avoir auparavant parlé haut et clair au plus grand pourvoyeur de violence du monde aujourd’hui – mon propre gouvernement. (…) Si l’âme de l’Amérique était empoisonnée, l’autopsie, en partie, révélerait le mot « Vietnam ». L’âme de l’Amérique ne sera pas sauvée aussi longtemps que le pays détruira les espoirs des hommes à travers le monde. Que pensent les paysans vietnamiens lorsque nous nous allons avec les propriétaires terriens et que nous refusons de traduire en actes nos nombreux discours concernant une réforme agraire ? Que pensent-ils alors que nous essayons nos dernières armes sur eux, tout comme les Allemands ont essayé leurs nouveaux médicaments et tortures dans les camps de concentration en Europe ?Martin Luther King
In recent speeches and statements the Rev. Dr. Martin Luther King Jr. has linked his personal opposition to the war in Vietnam with the cause of Negro equality in the United States. The war, he argues, should be stopped not only because it is a futile war waged for the wrong ends but also because it is a barrier to social progress in this country and therefore prevents Negroes from achieving their just place in American life. This is a fusing of two public problems that are distinct and separate. By drawing them together, Dr. King has done a disservice to both. The moral issues in Vietnam are less clear-cut than he suggests; the political strategy of uniting the peace movement and the civil rights movement could very well be disastrous for both causes. Because American Negroes are a minority and have to overcome unique handicaps of racial antipathy and prolonged deprivation, they have a hard time in gaining their objectives even when their grievances are self-evident and their claims are indisputably just. As Dr. King knows from the Montgomery bus boycott and other civil rights struggles of the past dozen years, it takes almost infinite patience, persistence and courage to achieve the relatively simple aims that ought to be theirs by right. The movement toward racial equality is now in the more advanced and more difficult stage of fulfilling basic rights by finding more jobs, changing patterns of housing and upgrading education. The battle grounds in this struggle are Chicago and Harlem and Watts. The Negroes on these fronts need all the leadership, dedication and moral inspiration that they can summon; and under these circumstances to divert the energies of the civil rights movement to the Vietnam issue is both wasteful and self-defeating. Dr. King makes too facile a connection between the speeding up of the war in Vietnam and the slowing down of the war against poverty. The eradication of poverty is at best the task of a generation. This « war » inevitably meets diverse resistance such as the hostility of local political machines, the skepticism of conservatives in Congress and the intractability of slum mores and habits. The nation could afford to make more funds available to combat poverty even while the war in Vietnam continues, but there is no certainly that the coming of peace would automatically lead to a sharp increase in funds. Furthermore, Dr. King can only antagonize opinion in this country instead of winning recruits to the peace movement by recklessly comparing American military methods to those of the Nazis testing « new medicine and new tortures in the concentration camps of Europe. » The facts are harsh, but they do not justify such slander. Furthermore, it is possible to disagree with many aspects of United States policy in Vietnam without whitewashing Hanoi. As an individual, Dr. King has the right and even the moral obligation to explore the ethical implications of the war in Vietnam, but as one of the most respected leaders of the civil rights movement he has an equally weighty obligation to direct that movement’s efforts in the most constructive and relevant way. There are no simple or easy answers to the war in Vietnam or to racial injustice in this country. Linking these hard, complex problems will lead not to solutions but to deeper confusion. Walter Lippmann (NYT, April 7, 1967)
Le président vient d’utiliser une Bible… et l’une des églises de mon diocèse, sans autorisation, comme décor pour un message contraire aux enseignements de Jésus et à tout ce que nos églises représentent… Je ne peux pas croire ce que mes yeux ont vu […] Je suis scandalisée. Et je veux juste que le monde sache que nous, dans le diocèse de Washington, conformément à Jésus et sa voie d’amour… nous nous éloignons du langage incendiaire de ce président. Nous suivons quelqu’un qui a vécu une vie de non-violence et d’amour sacrificiel […] Nous sommes du côté de ceux qui demandent justice pour la mort de George Floyd et d’innombrables autres. Mgr Mariann Edgar Budde (diocèse épiscopal de Washington)
Budde and Curry are among the pantheon of progressive religious leaders who have long been critical of Trump’s political agenda. The Episcopal Church’s policies include supporting abortion rights, refugee resettlement, an expansion of health care and other issues that Trump has opposed or not embraced. According to the Pew Research Center, 49 percent of Episcopalians are Democrats or lean Democratic, compared with 39 percent of church members who are Republican or lean Republican. (…) Trump’s longtime religious allies, who are far more conservative on both domestic and foreign policy, saw his walk to St. John’s much differently. “What kind of church I need PERMISSION to attend,” tweeted Pastor Mark Burns of South Carolina after Budde and others said Trump should have let them know he was coming. “Jesus welcomes All. » Johnnie Moore, a spokesman for several of Trump’s evangelical religious advisers, tweeted favorably about the incident as well. “I will never forget seeing @POTUS @realDonaldTrump slowly & in-total-command walk from the @WhiteHouse across Lafayette Square to St. John’s Church defying those who aim to derail our national healing by spreading fear, hate & anarchy,” he wrote. “After just saying, ‘I will keep you safe.’ ” (…) Following a tradition set by President Franklin D. Roosevelt, Trump attended a service at St. John’s before his swearing-in ceremony in 2017. He visited the church again that year to mark a national day of prayer for victims of Hurricane Harvey and in 2019 on St. Patrick’s Day. (…) Earlier in the day, Fisher said, he and other clergy were outside the church handing out water bottles and granola bars to protesters, and expressing solidarity with their cause. He said he left the area to be interviewed on television about the damage from the fire the previous night and later watched images of the protest being dismantled “with disbelief.” Fisher, 44, became the rector of St. John’s in June 2019 and has not yet hosted a presidential visit. The church usually draws about 400 people on a typical weekend. But it has been closed since mid-March due to the broad shutdown restrictions in place to combat the novel coronavirus. Damage to the building from Sunday night’s fire and vandalism will cost at least $20,000, Fisher said. But he said the destruction should not become the focus of what has been happening in the streets outside the White House. Fisher said that when people have talked about the church being burned, he has tried to redirect them, saying it was likely one person who does not represent the majority of people protesting. “That has pulled away from the more important message that we have to address racism in this country,” he said. Michelle Boorstein and Sarah Pulliam Bailey
Budde herself is engaged in advocacy for firearms restrictions and even weighed in on changing the name of the city’s floundering NFL franchise. Within the Diocese of Washington, Budde defended a push for “gender-inclusive” language “to avoid the use of gendered pronouns for God.” The Post report noted both Budde and Curry “are among the pantheon of progressive religious leaders who have long been critical of Trump’s political agenda.” I was last present in the now-damaged St. John’s parish house as it hosted a press conference for the Religious Coalition on Reproductive Choice, a progressive lobby that voices approval from religious officials for unrestricted abortion-on-demand, and which counts the Episcopal Church as a member. Post religion reporters Michelle Boorstein and Sarah Pulliam Bailey cite data from the Pew Research Center showing 49 percent of Episcopalians are Democrats or lean Democratic, compared with 39 percent of church members who are Republican or lean Republican. Episcopalians have increasingly found themselves in roles difficult to maintain. Church officials simultaneously embrace leftist causes, while also serving as a boutique chaplaincy to the affluent and as presiders over American civil religion in events of national importance including state funerals. Jeffrey Walton
American history is not all glorious… George Washington was a slave owner. We need to call slave owners out for what they are. Whether we think they were protecting American freedom or not, he wasn’t protecting my freedoms. To me, I don’t care if it’s a George Washington statue or Thomas Jefferson, they all need to come down. Angela Rye (CNN)
Le racisme anti-noir se trouve dans l’ADN même de ce pays. Nikole Hannah-Jones
Je voterais pour Joe Biden même s’il faisait bouillir des bébés et les mangeait. Ce n’était pas mon candidat, mais reprendre la Maison Blanche est si important. (…) Que vous croyiez ou non Tara Reade… vous devriez voter pour Joe Biden s’il est le candidat. … Nous n’avons pas le luxe de ne pas participer aux élections pour nous sentir moralement purs ou pour envoyer un message sur les agressions sexuelles et #BelieveWomen. Cela n’aidera en rien les femmes. Ou n’importe qui d’autre. Katha Pollitt
I know that [concerns over having no law enforcement] comes from a place of privilege. For those of us for whom the system is working, I think we need to step back and imagine what it would feel like to already live in that reality where calling the police may mean more harm is done. Lisa Bender (Minneapolis city council president)
I remember when I was being gang-raped & beaten by a mob in Egypt, would have been great to have a police force to call then. Would that have been my white privilege talking? Lara Logan (CNN)
Over the years, I have repeatedly warned in these columns that the refusal of the political establishment to defend the integrity of the western nation and its culture has opened the way for noxious forces to occupy the vacuum. We’ve seen this in both the spread through the west of jihadi Islam and the rise across Europe of political parties and groups with racist or fascist backgrounds and antecedents. In the current convulsions triggered by the violent death of George Floyd in American police custody, this baleful development has reached a crisis point. As The Times reports today, thuggish groups across the country have begun organising to “protect” monuments and war memorials after statues of Winston Churchill and Queen Victoria were defaced, the Cenotaph in London attacked and other statues, including the one of Sir Francis Drake in Plymouth, vandalised. This isn’t remotely surprising. The establishment is effectively standing back from, or even condoning or actively assisting, a sustained and organised onslaught which is taking place against not just a number of stone images but a culture’s historic memory. The stage is therefore set for a confrontation in which violent thugs from the right pitch themselves against violent thugs from the left – with the political establishment having fled the cultural battleground in order to cower, wringing its hands, at a distance. Following the toppling and dumping in Bristol harbour of the statue of slave trader and philanthropist Edward Colston, an act of vandalism and criminal damage with which the area’s police superintendent sympathised and about which he said the police were right to do nothing, an activist group called “Topple the Racists” has drawn up a list of about 60 memorials associated with slavery or colonialism which it wants destroyed. Falling meekly or even enthusiastically into line, 130 local councils run by the Labour party are to consider which ones they think should be removed on the grounds of “inappropriateness”. In 2001 in Afghanistan, the Taliban pulled down ancient statues including the world’s tallest standing Buddhas. This was greeted with utter horror in the west. It rightly described the outrage as a crime against historical memory, an attempt to destroy a culture by erasing the evidence of its history and replacing that culture by a fanatical dogma that brooked no challenge. Yet now the British establishment is kow-towing to a movement which is behaving like the Taliban, pulling down statues and other artefacts in order to erase aspects of British history as the product of a rotten society that’s institutionally racist and so must be supplanted by another. The death of Floyd, under the the knee of a police officer who pressed down on his neck for almost nine minutes, was shocking and it’s right that this officer and three others involved in this death are being brought to justice. And of course there’s racial prejudice in Britain. But so there is in every single society, in the developing world as well as in the west. Slavery was not invented by the west but has been practised across the world. It was the British and Americans who, having participated in it, eventually abolished it in their societies, while it remains practised in parts of the developing world even today. The smear that the west is institutionally racist is designed to both facilitate and obscure the real agenda of overturning capitalist society because it is white and therefore deemed intrinsically evil – which of course is itself a racist agenda. Yet instead of resisting this ignorant and wicked movement, its appeasers have been literally abasing themselves before the mob. In the past, violent anti-white racism was represented by the black power movement. Despite the support of certain posturing celebrities, black power activists were generally perceived as dangerous, violent, far-left troublemakers. It would have been unthinkable for mainstream British politicians, let alone the police, to give the clenched fist black power salute. That would have been regarded as treasonous insurrection. Yet an updated version of this is precisely what’s been happening in Britain. The new Labour Party leader, Sir Keir Starmer, and his deputy, Angela Rayner, released a picture of themselves supporting Black Lives Matter, the activist group behind many of these demonstrations, by “taking the knee”, the gesture promoted by certain black American footballers to show their contempt for white society and America. (…) These people have all been literally kneeling down in submission to an ideology which is anti-white and anti-west – and at the direction of Black Lives Matter, a racist, anti-white, anti-west violent revolutionary movement whose aim is the overthrow of white western society. These images of the British police symbolically capitulating to the erasure of British history and the defamation of the west have furnished sickening evidence that many of those tasked with protecting society have surrendered instead to cultural terrorism. Meanwhile, anyone who opposes this dogma of black victimology and points out the defamatory lies at its core will be called a racist and their livelihood placed in jeopardy. In America, people are losing their jobs for even questioning any of this. The prominent footballer Drew Brees, who despite publicly opposing racism also opposed taking a knee during the playing of the national anthem on the grounds that he would “never agree with anybody disrespecting the flag of the United States of America”, was forced to apologise in a display of ritual humiliation On Twitter, the malevolent, the moronic and the mentally unhinged are out in force similarly seeking to intimidate, smear and ruin any who stand up to this cultural totalitarianism. And then there’s the deeply sinister Commission for Diversity in the Public Realm set up by London’s mayor, Sadiq Khan, to consider the appropriateness of the capitals’ statues, murals, street names and other memorials. Channelling Mao, the Taleban and the French revolutionary terror, Mayor Khan can surely leave no-one in any doubt that this committee will reduce diversity by aiming selectively to erase those bits of British history of which it disapproves. In Khan’s words: “…our statues, road names and public spaces reflect a bygone era. It is an uncomfortable truth that our nation and city owes a large part of its wealth to its role in the slave trade…” (…) So will this commission erase memorials to all historic British figures with an obnoxious side to their achievements? Will its destroy the statues of the Labour politicians Keir Hardie or Ernest Bevin, or Karl Marx, who were all antisemites? Or the playwright George Bernard Shaw who promoted eugenics? Or the parliamentary titan Oliver Cromwell who massacred the Irish? Or Britain’s greatest Liberal prime minister, William Gladstone, whose family, like so many prominent people in previous, very different era was involved in slavery? That last question already has an answer. Liverpool university has agreed yesterday to rename its Gladstone Hall, which houses student accommodation. Bim Afolami, the Tory MP for Hitchin and Harpenden, tweeted in response: “This is all going completely nuts. When will this stop??” When indeed. As George Orwell wrote in 1984 about a state under totalitarian tyranny: “Every record has been destroyed or falsified, every book rewritten, every picture has been repainted, every statue and street building has been renamed, every date has been altered. And the process is continuing day by day and minute by minute. History has stopped. Nothing exists except an endless present in which the Party is always right. » Or as the future US president Ronald Reagan said even more pertinently in 1975: ‘If fascism ever comes to America, it will come in the name of liberalism”. (…) Bad things happen not just because bad people do them but because otherwise decent people lack the courage to stop them; or because they indulge in fantasies that the agenda is basically good but has been “hijacked” by a few thugs; or that they agree with the ends but purse their lips at the violent means; or because of a myriad other excuses that the spineless and the misguided always provide for “taking a knee” to the destroyers of worlds. Melanie Phillips
La cause du décès a été répertoriée comme ‘arrêt cardio-pulmonaire compliquant l’immobilisation, la contention et la compression du cou par les forces de l’ordre’. Le rapport énumère ensuite ‘d’autres affections importantes: cardiopathies artérioscléreuses et hypertensives; intoxication au fentanyl; consommation récente de méthamphétamine’. En d’autres termes, George Floyd correspond à la description de ce que la loi appelle une victime à la vulnérabilité latente. Selon la doctrine de la victime à la vulnérabilité latente, un suspect est entièrement responsable des blessures qu’il inflige à une victime, même si celle-ci avait une condition préexistante qui la rendait plus susceptible d’être blessée. Mais pour que cette doctrine s’applique, il faut démontrer que le suspect a agi illégalement lorsqu’il a causé le dommage. C’est là que les choses deviennent troubles et commencent à échapper aux limites du récit. Contrairement à la plupart des gens, les policiers savent que « je n’arrive plus à respirer » est la plainte type de l’interpellé qui résiste. De même, peu de non-policiers savent que les suspects menottés peuvent se débattre et s’échapper, en particulier quand les policiers sont confrontés à des spectateurs hostiles. Les avocats de la défense soutiendront, non sans fondement, que Floyd est mort non pas à cause de l’application de force illégitime, mais plutôt que c’est sa propre résistance à la force légitime, exacerbée par ses conditions médicales documentées et sa consommation de drogue, qui a déclenché une crise cardiaque mortelle. Le fentanyl et les méthamphétamines peuvent provoquer et provoquent souvent des arythmies mortelles, même en l’absence du type d’efforts attribués à Floyd dans la plainte. Oui, il est arrivé un moment où Floyd a cessé de lutter et aurait dû être mis en position assise. Est-ce ce non-respect de ce qui a été pendant des décennies la procédure policière standard qui a causé la mort de Floyd, ou est-ce que ses difficultés n’ont cessé que lorsque la crise cardiaque mortelle s’est produite? Ce sont des questions sur lesquelles les experts médicaux des deux côtés vont témoigner au procès, mais pour les condamnations, les procureurs doivent apporter les preuves propres à établir l’intime conviction que Chauvin était bien la cause immédiate de la mort de Floyd et que ses collègues y ont contribué. Dans toute mon expérience de policier, je n’ai jamais vu comme ici les germes d’un doute raisonnable plantés dans les pages mêmes d’une plainte criminelle. Comme je l’ai écrit à propos de Michael Slager il y a quatre ans, il ne s’agit pas de savoir si Chauvin et ses collègues avaient raison ou tort, mais plutôt leur degré de culpabilité. Le meurtre est une accusation grave qui nécessite des preuves sérieuses. Dans l’état actuel des choses, je ne pense pas que les procureurs disposent de telles preuves.Jack Dunphy
We’ve never seen anything like it, at all. … I don’t even know how to put it into context. It’s beyond anything that we’ve ever seen before. When CPD has to turn its attention elsewhere and there’s suddenly this vacuum that opens up, you also unfortunately see a picture like you saw with [last] weekend where you see an absurd amount of carnage, people getting injured and killed. Max Kapustin (senior research director at the Chicago crime lab)
We didn’t find evidence for anti-Black or anti-Hispanic disparity in police use of force across all shootings, and, if anything, found anti-White disparities when controlling for race-specific crime. Researchers at the University of Maryland and Michigan State University
When I look at cities in which the investigation was preceded by a viral event, homicide goes up considerably. Total crime goes up considerably.” What happens is that police effectively pull back. They don’t stop doing their jobs, but they become less proactive and curb their interactions with civilians. In Chicago, there was a 90% drop in police-civilian contacts immediately after the announcement of an investigation, and “Baltimore literally went to zero” after a probe was announced there. In cities where these contacts fell the most, homicides increased the most. Sadly, the decision to launch departmentwide state and federal inquiries into the deaths of Brown, McDonald and Gray resulted in numerous additional deaths. Mr. Fryer said that because of changes in police behavior following investigations in these and other cities, “my estimates show that we lost a thousand more lives, most of them black as well, because of an increase in homicides. I never would have guessed that if police stopped putting in the effort, that homicides would change like this. You hear some people say ‘Oh, we want to police our own neighborhoods, get out.’ No, you don’t want that. I guess I always knew it was a foolish idea, but I didn’t realize it was this deadly. Roland Fryer (Harvard)
Des hommes et des femmes se font massacrer (par la police) quotidiennement en France, pour nulle autre raison que leur couleur de peau. Camélia Jordana
Le privilège, c’est avoir le choix d’y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c’est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l’humeur. Virginie Despentes
Hourra ! Le peuple des États-Unis est en ébullition. Eh ! Vous ! Ceux qui avez trouvé la révolution citoyenne au Soudan trop exotique pour vous concerner, la révolution citoyenne à Beyrouth et à Alger trop arabes, celle du Chili trop latino, celle de Hong-Kong trop asiatique pour vous représenter ! Vous qui ne savez pas qu’il existe des synchronies discrètes mais avérées entre l’Argentine ou le Chili et la France, entre les Caraïbes et l’Île-de-France, entre Dakar et Paris, voyez ! voyez ! L’ère du peuple joue de la grosse caisse à Washington et la révolution citoyenne est dans les rues de New York. La gilet-jaunisation est entrée au cœur de l’Empire. Voici que surgissent des millions de chômeurs, des abandonnés privés de tout accès aux réseaux collectifs sans lesquels la vie est impossible, humiliés à longueur d’année par des flics racistes, manipulés par des politiciens sans conscience. Ils forment désormais un volcan qui vient de faire sa première éruption. Et ce n’est que le début d’une histoire qui va durer. Non, les USA ne sont pas le roc qu’ils donnent à voir. (…) Bon d’accord, je ne retiens pas ce rire moqueur qui me vient. C’est celui d’un « Frenchie surrender », putois notoire et ses French fries. Car c’est ainsi que nous avons été caricaturés aux USA depuis notre refus de participer à leur lamentable deuxième guerre du Golfe. L’état d’esprit anti-français se déchaina alors jusqu’à l’absurde : vider des bouteilles de vin dans les égouts et vouloir rebaptiser les frites, de « French fries » en je ne sais quoi. Oui la rigolade : voir la Maison blanche s’éteindre pour devenir invisible pendant que le président Trump se cache à la cave ! « Salut Trump tu as le bonjour de Cuba, de Venezuela, de Salvador Allende, de Patrice Lumumba, et même du Che » ! Sans oublier Edgard Snowden, Julian Assange et les torturés de Guantanamo, les asphyxiés du waterboarding, le supplice de la baignoire, qui ne serait pas une torture puisque l’actuelle cheffe de la CIA la pratiquait elle-même il y a peu ! À son tour : à la cave ! Le persécuteur des peuples dans le noir ! Ce n’est pas cher payé pour l’instant. Retenez ceci comme un avis d’observateur de longue date : tout ce qui advient aux USA arrive ensuite chez nous dans la décennie qui suit. Parfois plus vite. Qu’il s’agisse des modes, de la politique ou de faits sociaux. Le fin tissu qui nous unit n’est pas seulement économique, militaire ou ce que l’on voudra. Il est continuellement alimenté par les séries télévisées, le cinéma, les matrices narratives, les images de référence. Que cela plaise ou non, qu’on soit d’accord ou pas, il s’agit d’un effet de système profondément ancré. On peut ne pas s’être rendu compte que toutes les social-démocraties européennes répétaient soudainement les mantras clintonistes, ne pas avoir vu Sarkozy répéter en boucle à Rome et à Ryad les absurdités du « choc des civilisations » et ne pas savoir que l’autrice qui écrivait les discours, Emmanuelle Mignon les recopiait directement de Samuel Huntington, ne pas avoir vu le sommet du quai d’Orsay virer néo-conservateur. Mais quand les émeutes urbaines ont éclaté en France, quand on a vu Halloween et Black Friday occuper des millions d’esprits superficiels qui voudraient vivre comme dans une série US ? Non : rien ? Peut-être même qu’il en est encore pour ne pas savoir que Cédric Chouviat est mort d’un geste de policier comme celui commis contre Georges Floyd et que personne n’a été ni suspendu ni inculpé de quoi que ce soit. Et Adama Traoré et… et… Zineb Redouane, vieille dame abattue à sa fenêtre et qui est morte parait-il non de la grenade qu’elle a reçue dans la figure au quatrième étage à Marseille mais d’un arrêt du cœur imprévisible sur la table d’opération !… Peut-être d’autres n’ont-ils pas remarqué que les éborgnements de manifestants ne sont pas des bavures mais un fait désormais universel. Au fond, peu importe. Aucune alerte, aucune mise en garde n’aura jamais rien produit dans notre pays à part des heures de prêchi-prêcha haineux contre toute forme d’opposition et de dénigrement personnalisé contre les fortes têtes pourchassées sans répit les Jérôme Rodriguez, Taha Bouhafs, Drouet, Dufresne, Wamen et ainsi de suite et pour finir avec Camélia Jordana. Je ne sais comment dire combien cela me désole. Car la suite est écrite. Et ceux qui me lisent savent la lire. Aux USA, le fil des révolutions citoyennes est resté net : fermentation politique longue depuis Occupy et les Anonymous, évènement fortuit (la mort de Georges Floyd), union sans parti ni représentant, revendication égalitaire (« la vie des Noirs compte »), mobilisation universaliste, non communautaire pour la première fois depuis longtemps, mot d’ordre polysémique fédérateur (« je ne peux plus respirer »). Oui mais voilà : il s’agit des USA et de la première saison de l’après Covid-19. Elle ouvre la crise sociale monstrueuse qui va déferler. Les USA déjà désemparés, inondés de dollars de planche à billets, sans projet collectif, labourés par les socs contraires du petit peuple social et du petit peuple facho. Les USA paralysés par la gélatine du parti démocrate qui a eu la peau de Sanders pour ce néant qu’est Joe Biden. Les USA où les latinos seront dans une poignée d’années la plus importante minorité devant les afro-américains et les beaux blancs protestants. Les USA où le catholicisme sera bientôt la première religion chrétienne du pays modifiant ainsi la matrice spirituelle d’un pays où la religion est sur chaque billet de banque avec la formule « in God we trust ». Les USA et leur dollar bidon, leur État fédéral bringuebalant. Bref, les USA chancelant vont faire vaciller le monde. Trump voudrait interdire les anti-Fas, pendant que des miliciens d’extrême-droite en armes défilent dans les rues. Ils contrôlent ici ou là et les passants, comme nos identitaires dans le métro de Lyon et dans des bus à Lille pendant que les castors pyromanes pérorent loin de toute réalité « faire barrage ! faire barrage ! ». Les événements nord-américains sont décisifs. Ils nous obligent à faire un point réaliste. Si l’extrême droite « suprémaciste » l’emporte aux USA, ce sera bien autre chose que ce qu’elle a déjà fait en Pologne, Hongrie, Autriche, au Brésil, en Inde ou aux Philippines. Si les nôtres se donnent une expression politique capable d’être majoritaire, tout devient possible dans la civilisation humaine. Ayez grand soin de vous monsieur Bernie Sanders ! L’Histoire ne ferme jamais boutique. Jean-Luc Mélenchon
En réponse aux dérives identitaristes de la gauche américaine, une cinquantaine d’intellectuels essentiellement afro-américains sonnent la révolte. C’est le premier grand coup porté à la gauche racialiste américaine. Depuis les années 1970, ses représentants, universitaires et militants (les deux vont souvent de pair), ne ménagent pas leur peine pour imposer leurs représentations comme grille de lecture exclusive des phénomènes sociaux. Si, depuis lors, leurs idées ont incontestablement progressé, allant jusqu’à irriguer le débat public en France, elles se heurtent aujourd’hui à la résistance d’un projet intellectuel ambitieux. 1776, en référence à la déclaration d’indépendance des États-Unis, est une réponse d’intellectuels essentiellement afro-américains à une initiative commune du New-York Times et de plusieurs historiens noirs, visant à réécrire l’histoire américaine à la lumière de l’esclavage Tout commence au mois d’août 2019, lorsque le quotidien new-yorkais aux opinions très-avancées développe le projet 1619. Dans une édition spéciale de 100 pages, publiée à l’occasion des 400 ans de l’arrivée des esclaves africains en Amérique, le New York Times Magazine propose une relecture de la fondation des États-Unis « telle qu’elle s’est véritablement déroulée » — le ton est donné. Cette vaste entreprise de rééducation idéologique, bouffie de repentance, entend faire de l’arrivée en bateau d’une vingtaine d’esclaves africains à Port Comfort en Virginie (Colonie britannique d’Amérique du Nord, NDLR), « le véritable acte de naissance de l’Amérique ». Dans la classe politique et les cénacles académiques, le projet reçoit un accueil mitigé. De nombreux historiens s’émeuvent d’un détournement voire d’une falsification de l’histoire au nom de l’idéologie raciale. Toutefois, l’influence du Times est telle que ces observations critiques sont remisées à l’arrière-plan. Conçu à l’origine comme un projet médiatique interactif, composé de productions diverses (essais, poésies, photographies, articles…), 1619 se mue en une puissante machine à propagande. Le journal noue ainsi une collaboration avec le très “inclusif” Pulitzer center pour porter ce projet dans les écoles, bibliothèques et musées ; plusieurs centaines de milliers d’exemplaires du magazine et un supplément spécial y ont été distribués gratuitement. Last but no least, l’initiatrice du projet Nikole Hannah-Jones, réalise une tournée nationale de conférences dans les écoles pour expliquer à son jeune public que « le racisme anti-noir se trouve dans l’ADN même de ce pays ». Pendant plusieurs mois, à grand renfort de matraquage publicitaire, 1619 impose son point de vue à la société américaine : l’histoire des États-Unis doit être exclusivement comprise comme une lutte des Blancs pour l’hégémonie et une dévalorisation systémique des noirs. Naturellement, quiconque récuse ce récit mythologique raciste passe pour blasphémateur. Devant la réécriture et la confiscation de l’histoire des États-Unis par des idéologues obnubilés par la question raciale, une cinquantaine d’intellectuels, essentiellement afro-américains, ont décidé de se soulever. En janvier 2020, Robert Woodson, figure chrétienne conservatrice et ancien conseiller de campagne George W. Bush lance le projet 1776 en réponse à 1619. Cette fois, les grands médias ne se pressent pour relayer cette initiative portée en partie par des historiens universitaires. Loin d’eux l’idée de nier le passé esclavagiste des États-Unis, simplement, ils contestent l’idée selon laquelle l’asservissement des noirs constitue l’alpha et l’oméga de l’histoire du pays. Car pour parvenir à une telle conclusion, les promoteurs du projet 1619 ont eu recours à un grand nombre de sophismes et de falsifications. Entre autres contre-vérités, l’on apprend ainsi que, de tout temps, les noirs Américains ont combattu seuls pour leur liberté, que la guerre de Sécession est sans lien avec la libération des esclaves ou encore que le maintien de l’esclavage est le principal moteur de la guerre d’indépendance – cette liste n’est pas exhaustive. Les auteurs du contre-projet 1776 soutiennent a contrario que les inégalités structurelles qui persistent aux États-Unis résultent moins d’un problème de race que d’une logique de classes. Aussi, sont-ils pour le moins hostiles à un mouvement comme Black Lives Matter et les concepts qu’il charrie : appropriation culturelle, privilège blanc, racisme institutionnel, fragilité blanche. Selon eux, cette grille de lecture ethnocentrée est une machine à créer du ressentiment et de la culpabilité, là où la solution se trouve dans la solidarité interraciale. Deux semaines après la mort de George Floyd et les émeutes raciales qui s’en sont ensuivies, la confrontation entre ces deux visions résonne avec une certaine acuité. Au fond, les États-Unis ont désormais le choix entre deux projets de société : le premier, pétri de “bonnes intentions” — donc de racisme compassionnel – considère les afro-américains comme un bloc monolithique d’individus, victimes par essence et mus par les mêmes aspirations. Le second, refuse les assignations identitaires, croit au libre arbitre et défend une vision unitaire de la société. Entre le New York Times et l’universalisme, il faut choisir. Victor-Isaac Anne
Puisque nous en sommes au chapitre de la comptabilité morbide et raciale, la même journaliste révélait le 9 mai qu’en 2018, 2925 noirs étaient tués et que 2600 de leurs meurtriers étaient noirs. Mme Owens précisait également que «les hommes noirs tuaient deux fois plus les blancs que les hommes blancs tuaient des noirs». Puisqu’on doit apparemment sombrer dans ce racialisme permanent et obsessionnel, pourquoi donc les chiffres que je viens de livrer relèveraient-il de l’indicible? Avançons donc plus avant dans ce système pervers et sélectif, et souvenons-nous par exemple de la mort de Tony Timpa. Comme le pauvre George Floyd, il a été étouffé à mort par des flics très rigolards en dépit de ses supplications: «Vous êtes en train de me tuer». Exactement la même abomination. Mais dans ce dernier cas, ni violences, ni pillages. Ni foule médiatique déchaînée. C’est que Tony était blanc. Il faut également évoquer cet anti-trumpisme primaire qui fait que dans les premières heures du chaos, beaucoup ici en France auraient aimé lui faire porter le chapeau. Difficile quand on sait que l’appareil d’État du Minnesota est démocrate et que le mouvement Black Lives Matters est une réaction à la violence policière déplorée sous Obama. Puis-je également, sans offenser le courant médiatique principal, faire observer que les mêmes, il y a quelques jours, taxaient d’extrême-droitistes dangereux ceux qui, en Amérique, au nom de la liberté, refusaient tout confinement? À croire que le virus, malin mais compatissant, respecterait une sainte trêve en permettant les rassemblements en nombre. La même licence aura été accordée aux milliers d’étrangers sans papiers qui ont défilé sans entraves samedi dans les rues de Paris dans un silence médiatique impeccable. Ainsi, en France, lorsque des Français sont massacrés par centaines par le fanatisme ou le racisme, parfois antisémite, de l’islamisme, s’ensuivent des marches blanches forcément «dignes et silencieuses». Point de colères noires avec violences et pillages obligatoires. Je voudrais enfin écrire les lignes qui viennent pour faire réfléchir. Je n’aurais pas la stupidité de vouloir ignorer, au-delà de sa violence, un courant raciste dans la police américaine. Mais à quoi sert une généralisation abusive sauf à déclencher la guerre des races? Ici en France, par un mimétisme stupide, une artiste a évoqué les massacres que la police française commettrait à raison de la couleur de peau. Si on se regarde les choses rationnellement, imagine-t-on la réaction encolérée de certains policiers français qui, pour ne pas être racistes, ne sont pas tous des pianistes distingués? Sartre, dans ses Réflexions sur la question juive, a écrit des lignes pénétrantes sur la propension de l’être injustement caricaturé à vouloir parfois ressembler à sa caricature. Le racialisme pervers gagne chaque jour un peu plus, par mimétisme, la société française. Montre-moi de quelle couleur de peau tu es, et je te dirai si je te hais. La différence raciale devient obsessionnelle. Et le racisme, très équitablement partagé sur la planète, serait pourtant la propriété monopolistique du blanc. Déjà, sur la radio d’État, la racialisation devient un outil d’investigation journalistique. C’est ainsi que le 27 mai, le rédacteur en chef numérique de France Inter écrivait tranquillement: «Nous avons demandé à neuf personnes racisées de réagir aux propos de Camélia Jordana». Et à la suite, les photos et réactions de neuf personnes noires ou maghrébines. Je voudrais, pour conclure, écrire que je ne me fais aucune illusion sur la portée d’un raisonnement qui s’adresse à la raison. Le racialisme sélectif s’adresse aux bas instincts alimentés par cette rage idéologique que suit la foule médiatique déchaînée avec un plaisir hystérique. La race est de retour, via l’antiracisme sélectif gauchisant qui est au XXIe siècle ce que le racisme droitisant était au XIXe siècle. La guerre des races est avancée. Gilles-William Goldnadel
L’émotion doit inspirer la réflexion, mais elle ne peut pas dispenser de la connaissance. Car il y a les chiffres: selon la base de données du Washington Post, deux fois plus de Blancs (2416) que de Noirs (1263) ont été tués par la police depuis le 1er janvier 2015. Certes, comme le souligne très justement le journal Libération, le rapport s’inverse totalement en proportion de la population: les Noirs représentent 13 % de la population américaine, et les Blancs 76 %. Mais dans ce pays où les policiers ont la gâchette d’autant plus facile que les armes sont partout, on ne saurait parler d’un «racisme systémique» ou structurel des forces de l’ordre. Il y a aussi l’histoire: la guerre de Sécession, le mouvement des droits civiques qui a aboli la ségrégation, l’Affirmative Action dans les universités pour asseoir dans les faits l’égalité formelle des droits, l’apologie des minorités par le politiquement correct, les deux mandats à la Maison-Blanche de Barack Obama. Il y a enfin ces autres images: le maire afro-américain de Houston annonçant les obsèques dans sa ville de George Floyd ou encore la maire afro-américaine d’Atlanta apostrophant avec véhémence les émeutiers qui discréditaient la protestation par le pillage des magasins de vêtements ou de matériel informatique. Des élus noirs dirigent aujourd’hui deux anciens bastions du ségrégationnisme. Les suprémacistes ont bien perçu ce grand basculement: s’ils sortent aujourd’hui du bois, s’ils hurlent «You will not replace us!», c’est qu’ils craignent de voir l’Amérique leur échapper et de devenir tôt ou tard minoritaires. (…) Saisis d’une véritable frénésie mimétique, des manifestants, à Paris et dans la plupart des villes françaises, brandissent les mêmes pancartes qu’en Amérique: «I can’t breathe», «No Justice, no Peace», «Black Lives Matter». Il y a certes des racistes dans la police et ils doivent être sévèrement sanctionnés, car, forts du pouvoir que leur confère l’uniforme, ils ne se privent pas de harceler et de nuire. Sur ce point, le ministre de l’Intérieur a raison: on ne saurait tolérer l’intolérable. Mais il faut être d’une insigne mauvaise foi pour en conclure que la police dans notre pays exerce une terreur raciste sur les populations issues de l’immigration africaine ou maghrébine. La réalité, en effet, est tout autre. Dans les quartiers dits populaires, ce sont les policiers qui ont peur: ils sont attirés, comme les pompiers dans des guets-apens, victimes de tirs de mortiers, attaqués à coups de barres de fer, de jets de pierre du haut des toits, ou de plaques d’égouts du haut des passerelles. Lorsque en 2007, à Villiers-le-Bel, des «jeunes» ont tiré sur eux à balles réelles, ils n’ont pas riposté. Résultat: des dizaines de blessés parmi les policiers, aucun parmi les manifestants. Hantée par les émeutes de 2005 qui ont embrasé le pays, leur hiérarchie demande aux hommes de terrain de tout faire pour éviter l’accident ou la bavure: tout faire, c’est-à-dire ne rien faire contre les rodéos urbains ou les matchs de foot sauvages dans les dernières semaines du confinement. Ce qui caractérise notre temps, ce n’est pas l’omniprésence et l’omnipotence de l’État policier, c’est la faiblesse et la démission de l’État dans ce qu’on n’appelle pas pour rien les territoires perdus de la République. Et puis enfin, si racisme institutionnel il y avait, les manifestants crieraient-ils «policiers assassins!» au nez et à la barbe des forces de l’ordre? Si l’État était autoritaire, ou simplement s’il faisait respecter ses lois, des clandestins défileraient-ils dans Paris sans craindre d’être mis en garde à vue, ni a fortiori renvoyés manu militari dans leur pays d’origine? S’ils ne jouissaient pas d’une totale impunité, des rappeurs raconteraient-ils comment Brigitte, femme de flic, se fait gaiement «éclaté la teush» par «tous les jeunes de la cité» ? L’aptitude des êtres humains à se raconter des histoires et à se croire autres qu’ils ne sont, est sans limite. Sous l’effet d’un meurtre atroce commis à Minneapolis, Minnesota, on interviewe avec déférence le membre du groupe La Rumeur qui évoquait, en 2002 «les centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété», et on en vient à prendre pour argent comptant la déclaration éhontée de la chanteuse Camélia Jordana: «Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie. Je ne parle pas des manifestants, mais des hommes et des femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue qui se font massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau.» Des violences policières ont certes émaillé l’année 2019, en réponse à la violence extrême de certains manifestants. Mais qui visaient-elles? Qui ont-elles mutilé ou éborgné? Des «gilets jaunes», c’est-à-dire des Français d’origine française, gentiment désignés sous le nom de «souchiens» par la porte-parole des Indigènes de la République. À l’image de ce qui se passe à Yale, à Columbia ou à Berkeley, la civilisation occidentale est désormais sur la sellette dans la plupart des universités du Vieux Continent. Les Dead White European Males sont pointés du doigt. D’eux et de leur culture vient tout le mal qui s’est répandu sur la terre: l’esclavage, le colonialisme, le sexisme et la LGBTphobie. Étudier cette culture, c’est désormais la mettre en accusation, la déconstruire, ruiner son prestige, pour permettre aux minorités de retrouver leur fierté et à la diversité culturelle de s’épanouir sans entraves. D’où l’écho rencontré par la mort de George Floyd, à Paris, aussi bien qu’à Stockholm ou à Montréal. Les nouvelles générations ont cru reconnaître dans le flegme féroce de l’assassin le visage de l’Occident qu’ils avaient appris à honnir. Mathieu Bock-Côté rappelle dans son dernier livre, que des étudiants du King’s College de Londres, ayant dénoncé «la collection d’hommes blancs de plus de 50 ans portant la barbe» qui formait le grand statuaire à la porte de l’établissement, celui-ci a été remplacé par «un statuaire conforme à l’idéologie diversitaire». Et dans un article de David Haziza, j’apprends que les élèves les plus avancés de Columbia proclamaient tout récemment qu’il fallait en finir avec un programme d’enseignement dont la blanchité, à les en croire, expliquait la persistance des meurtres racistes. Combattre l’hégémonie occidentale à l’intérieur même de l’Occident: tel est, par-delà la révolte contre les violences policières, l’objectif que s’assigne le nouvel antiracisme. (…) L’antiracisme n’est plus, hélas, la défense de l’égale dignité des personnes, mais une idéologie, une vision du monde. Dans cette vision, les traites négrières non occidentales n’ont pas leur place, ni l’antisémitisme arabo-musulman, ni celui d’une partie de la communauté noire américaine, ni les manifestations de Chinois et de Vietnamiens de Paris contre des insultes et des agressions où les Blancs n’avaient aucune part. Le raciste devient celui qui voit ce qu’il voit au lieu de fermer les yeux sur le scandale de l’impensable. Entre la réalité et le système idéologique, on a intérêt, pour ne pas être frappé d’infamie, à choisir le système. L’antiracisme s’est donc transformé de fond en comble et l’hospitalité a changé de sens: à l’heure de la grande migration, il ne s’agit plus d’accueillir les nouveaux venus en les intégrant dans la civilisation européenne, il s’agit d’exposer les tares de cette civilisation pour rendre justice à ceux qu’elle a si longtemps traités par le mépris et exploités sans vergogne. (…) La mauvaise conscience bourgeoise a conduit un grand nombre d’intellectuels à se ranger dans le camp de la classe ouvrière. Ils expiaient ainsi leurs privilèges et trouvaient une rédemption dans le combat pour l’égalité. Dans la gauche radicale d’aujourd’hui, la honte d’être blanc a supplanté la mauvaise conscience bourgeoise mais ce privilège-là colle à la peau. La honte est donc inexpiable. Pour elle, il n’y a pas de rédemption. Et ceux qu’elle affecte mettent un point d’honneur à rester confinés à la date où leur université célèbre la disparition des Blancs de l’espace public en organisant pour eux, ou plutôt contre eux, une «journée d’absence». Le soupçon de condescendance entachant toutes leurs paroles et toutes leurs actions, ils n’ont d’autres issues que de se taire, de s’effacer, ou de réciter indéfiniment le catéchisme qui les condamne. Cet autoracisme est la pathologie la plus consternante et la plus grotesque de notre époque. (…) On parle beaucoup, depuis le début de la pandémie, du monde d’avant et du monde d’après. Mais on oublie, en annonçant cette grande césure, que le monde d’avant était déjà très engagé dans la liquidation culturelle du vieux monde. À la sortie du confinement, le processus se poursuit, et même s’accélère. Alain Finkielkraut
Que font des Blancs qui s’agenouillent devant des Noirs pour leur demander pardon ? Ils se reprochent d’avoir jusque-là bénéficié, à leur insu, de droits qui étaient refusés à leurs frères de couleur. Or, ces « droits », s’il existent, ne sont pas légaux. La ségrégation est révolue depuis longtemps aux Etats-Unis. Les « droits » dont ils parlent sont des usages, des moeurs, des pratiques et toutes les manies d’une société dont les couleurs se sont toujours vécues comme séparables. Il y a peut-être tout à changer dans la société américaine, mais il n’y a rien à abolir ici. L’ennemi n’est pas une loi. L’ennemi est une attitude. Et contrairement à une loi injuste qu’on peut abroger, une attitude est indéfiniment renouvelable. Il y aura toujours des Blancs racistes et des flics violents. De sorte que le sentiment d’un « racisme systémique » trouvera toujours, dans une sortie déplorable ou dans un crime abject, une raison d’être et de s’enflammer. Pour le dire autrement : la faute dont les « Blancs » croient endosser le fardeau est très exactement insoluble. Elle ne se dissout pas dans un changement qu’on pourrait identifier et qui permettrait de passer à autre chose. Au Blanc qu’on accuse (ou qui s’accuse) en tant que blanc d’être le complice de l’oppression systémique des noirs, aucune rédemption n’est promise. La plainte est infinie. (…) Que font des Noirs qui reçoivent, debout, les supplications et les macérations de leurs frères blancs ? Et qui accordent leur pardon à des gens dont le crime n’est pas d’être coupables mais d’être blancs ? Ils accréditent l’idée que leur couleur est une faute. (…) Le but d’un tel pardon n’est pas le pardon. Le but d’un tel « pardon » est d’étendre la culpabilité à l’infini, d’ancrer l’idée que la couleur des autres est une faute universelle (pour le dire comme l’impitoyable loup de La Fontaine : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. – Je n’en ai point. – C’est donc quelqu’un des tiens… ») et d’ajouter à la misère du pénitent la splendeur de leur propre clémence. Qui dit « je te pardonne » au type qui n’est pas coupable ne pardonne rien du tout, mais fabrique de toutes pièces une culpabilité infinie dont lui seul, par la grâce du pardon qu’il adore accorder, se trouve créditeur. (…) Dans ce combat déguisé en déclaration d’amour, les pénitents blancs n’ont pas dit leur dernier mot. Car de même qu’on écrase celui qu’on pardonne, on continue de traiter en enfant celui dont on implore le pardon. Que laissent-ils entendre, ces gentils blancs, en se sentant eux-mêmes coupables des crimes d’un autre blanc ? Qu’ils sont encore, en tant que blancs, responsables des malheurs de la communauté noire, qu’en somme ils sont de mauvais maîtres dont les anciennes victimes ont raison de se sentir irresponsables. Sous la génuflexion des Blancs, c’est la condescendance qui s’exprime. Sous cette pénitence monocolore, c’est encore le paternalisme qui parle. Bref, sous le spectacle merveilleux de gens qui se promettent de s’aimer, sous la contrition des repentants qui reçoivent l’absolution des mains de leurs victimes présumées, on assiste en vérité à la continuation de la guerre, sous d’autres formes, entre des communautés qui se prennent pour des identités. Toutes les conditions de la haine sont réunies dans cette image irénique. Tous les éléments du problème se trouvent à vif dans ce moment qui se vit comme une solution. En tout cas, on est bien loin de Martin Luther King, de sa génuflexion libératrice et, surtout, de « l’armée bi-raciale » qu’il appelle de ses voeux… (…) Le problème en France vient du fait qu’il existe objectivement des discriminations (sociales, morales et ethniques) à l’embauche, à la location ou à l’entrée des boîtes de nuit, mais que, comme par ailleurs, en République, sur le papier, « l’identité » sexuelle, religieuse ou ethnique n’est pas une sorte de handicap qui ouvre l’accès à des droits spécifiques, les gens qui sont victimes de discrimination ont l’impression – et en un sens à juste titre – que l’Etat les abandonne à leur sort. Et ils demandent à la loi de corriger ce qu’elle corrige déjà (mais qu’elle peine à rectifier en profondeur) en faisant du racisme un délit. En somme, ils demandent à la loi d’aller plus loin que l’affirmation abstraite de l’égalité entre tous les citoyens, pour s’en prendre à nos consciences de blancs et en extirper le racisme à la racine. Seulement, pour ce faire, pour qu’ils aient le sentiment que la loi s’attaque au « racisme systémique » en tuant nos « moeurs coloniales », il faudrait supprimer la présomption d’innocence, il faudrait systématiquement condamner pour racisme toute personne refusant un logement ou un emploi à une personne de couleur, imposer une parité sur fond de mélanine, et nantir légalement certains Français de privilèges qu’on refuserait aux autres. Bref, nous cesserions collectivement, et légalement, d’être libres et égaux. Comme tous les extrémismes dopés aux bons sentiments, ces adeptes croient démocratiser notre démocratie en la présentant comme un « Etat totalitaire et esclavagiste », alors qu’en demandant à la loi de corriger des consciences ou de réprimer des réflexes, c’est très exactement une dictature qu’ils appellent de leurs voeux. Si la « communauté juive », par exemple, avait raisonné comme les manifestants du 2 juin, elle aurait vu dans les assassinats de Mireille Knoll, d’Ilan Halimi ou de Sarah Halimi l’expression d’un « antisémitisme systémique », et dans les atermoiements du Parquet la preuve qu’il n’y a aucune différence entre le régime de Vichy et la République. Or si, comme la négrophobie, l’antisémitisme est viscéral et éternel en France, il n’est pas douteux qu’il vaut mieux y être Juif (ou Noir) en 2020 qu’en 1940. Et que, si combat il y a, c’est un combat judiciaire et juridique qu’il faut mener. En France, l’antisémitisme est virulent, mais un policier juif n’est pas vu pour autant par d’autres Juifs comme un « vendu » qui travaille avec « l’Etat antisémite ». (…) Au début de son sketch sur le « CRS arabe », mimant un poivrot franchouillard, Coluche fait valoir qu’ « un bougnoule, c’est toujours un bougnoule, même en CRS ». Quelle différence avec les manifestants qui disent « Un flic, c’est toujours un flic, même noir » ? Comme, sous prétexte de « convergence des luttes », la guerre des races a remplacé, à gauche, la guerre des classes, la police qui a longtemps été présentée comme le bras armé d’un « Etat bourgeois » est devenue, aux yeux des mêmes et de leurs successeurs, le bras armé d’un « Etat raciste ». Un tel dogme a besoin d’un sophisme. Le sophisme est : il y a des crimes racistes dans la police française (ce qui est incontestable), donc LA police française est « systémiquement » raciste (ce qu’une grande majorité d’interpellations démentent). Un tel raisonnement n’est pas un raisonnement, mais l’érection illégitime de cas particuliers en une vérité générale et a priori qui ne voit dans les contre-exemples aucune objection mais qui, en revanche, à chaque drame, s’exclame « je vous l’avais bien dit ! » En cela, il est symptomatique que le comité « Justice et vérité pour Adama » reprenne le nom du « Comité pour la vérité et la justice » crée par les maoïstes François Ewald et Serge July au moment de l’affaire de Bruay-en-Artois. Le but d’Ewald et July, à l’époque, était d’appeler au lynchage, et d’ancrer dans les consciences, à coup de témoignages de procès d’intention (« Il n’y a qu’un bourgeois pour faire ça ») et grâce aux sales méthodes du juge Pascal (qui, opposé au secret de l’instruction, diffusait les photos de l’arrestation du coupable présumé), le sentiment que le notaire Pierre Leroy était « par définition » le meurtrier de Brigitte Dewevre. Or, quel est le but du nouveau comité « vérité et justice » ? D’ancrer dans les consciences, à coup de manifestations aux slogans abstraits (« Pas de justice, pas de paix ! ») le sentiment que la police française est raciste et meurtrière. Chaque fois qu’un comité mélange les termes de « justice » et de « vérité », c’est que la vérité lui déplaît, et qu’il appelle « justice » l’autre vérité, la vérité qu’il exige, que cette « vérité » soit vraie ou non. Reste qu’au-delà de sa sottise, le geste de traiter de collabo un flic noir est, de la part des manifestants, parfaitement contradictoire. Comment peuvent-ils déplorer la sous-représentation des Noirs dans les médias ou dans la fonction publique, tout en tenant un policier noir pour un vendu ou un « bounty » (noir dehors, blanc dedans) ? Là encore, le problème qu’ils posent est insoluble ! Comme une houle qui ne croise aucun récif, une telle plainte – qui laisse le choix entre le sentiment de ne pas être représenté et l’exclusion de ceux dont la carrière invalide ce sentiment – s’est arrangée pour ne rencontrer aucun obstacle sur le chemin de sa colère, et pour balayer comme autant d’apparences trompeuses et de trahisons discrètes l’ensemble des objections qu’elle reçoit. On peut le comprendre : le problème des manifestants n’est pas que la France soit raciste. Leur problème est qu’elle ne l’est pas suffisamment. Et que, loin d’être l’avant-garde d’un monde meilleur, ils sont les fossoyeurs d’une démocratie qui n’a rien contre eux. On a tort, en cela, de qualifier de « débordements » les incidents qui ont émaillé ce rassemblement car, sans être planifiée bien sûr, la violence est inscrite dans l’esprit-même d’un telle manifestation. Pour une raison simple : celui qui manifeste contre un (imaginaire) « Etat raciste » ne vit pas sa propre violence comme un crime mais comme un geste libérateur. En réalité, plus que libératrice, la violence est créatrice. Comme le pardon du Noir au Blanc a aussi pour but de fabriquer l’éternelle culpabilité de ce dernier, la violence du manifestant ne sert qu’à témoigner de la violence qu’il a subie. Plus on casse des vitres, plus cela signifie qu’on est la victime d’un Etat raciste. Comme dit Virginie Despentes dans sa « Lettre à ses amis blancs » : « Comme si la violence ce n’était pas ce qui s’est passé le 19 juillet 2016. Comme si la violence ce n’était pas les frères de Assa Traoré emprisonnés… » C’est l’un des paradoxes, et pas le moindre, de l’hyper-démocratie victimaire où chacun voit ce qu’il veut : la violence réelle est masquée par la violence dont elle se prétend la conséquence… Pour le dire simplement : si je vous agresse, ça veut dire que VOUS êtes coupables et que JE suis victime, et que, pour cette raison, vous devez me comprendre avant de me juger, sous peine d’être un fasciste ! C’est parfait. (…) Madame Jordana a tout à tort, à mon avis, d’en faire une loi, et d’ériger de rares tragédies en considérations générales sur l’âme du flic Français. Le problème n’est pas ce qu’elle dit, mais la valeur de vérité absolue qu’elle donne à ce qui (en ce qui la concerne) n’est même pas un témoignage. Car ce faisant, tout comme les blancs pénitents ou les manifestants du 2 juin, elle raisonne à l’envers : son diagnostic n’est pas un diagnostic mais une vérité a priori qui, pour cette raison, se donne comme infalsifiable. Comment voulez-vous contredire un sentiment ? Comment voulez-vous dire qu’elle a tort à une personne qui prend son impression pour la règle ? Un sentiment qui se prend pour une vérité dégénère inévitablement en dogme. Et un dogme est immunisé contre les objections. En particulier un dogme bien-pensant qui, pour devancer les coups, présente toute objection comme une abjection : si vous dites que Camelia Jordana a tort, c’est que vous fermez les yeux sur la violence que vous ne subissez pas. Bing. Que répondre à ça ? Camelia Jordana s’est proposée de débattre avec le ministre de l’Intérieur en personne, mais elle n’a pas ouvert le débat, elle a tué le débat en le réduisant à la défense (ou l’attaque) d’une opinion péremptoire ! Si, dans les échanges qui ont suivi ce qu’elle a dit, chacun est resté fermement campé sur son catéchisme et, loin de dialoguer, les antipodes n’ont fait qu’affirmer leur détestation mutuelle, c’est que les conditions du débat étaient absentes du débat. Débattre, ce n’est pas présenter ce qu’on croit comme une vérité absolue, pour mettre les autres, ensuite, au défi de nous donner tort. Débattre, c’est douter de ce qu’on croit au point d’écouter un autre discours que le sien. Peine perdue. (…) Si Virginie Despentes se promène dans les rues de Dakar, Bamako ou Kingston, elle aura plus de mal à oublier qu’elle est blanche. Est-ce à dire que le Sénégal, le Mali ou la Jamaïque sont racistes ? Et que les Noirs y sont privilégiés ? Il y a d’autres choses, plus intéressantes, dans sa lettre. D’abord, cette phrase en apparence absurde : « En France nous ne sommes pas racistes mais je ne me souviens pas avoir jamais vu un homme noir ministre. » Les gens qui lui ont répondu en dressant la liste de tous ceux, de Gaston Monerville à Sibeth N’Diaye, dont le parcours contredit Virginie Despentes, commettent deux erreurs. La première est de rentrer dans son jeu, et de compter les noirs ministres (comme on compte les noirs à la télé, ou à la cérémonie des Césars), autrement dit : de transformer la couleur en critère d’évaluation. L’autre erreur est de la prendre au sérieux. Virginie Despentes n’est pas née demain. Elle sait très bien qu’il y a eu et qu’il y a des ministres « noirs » dans un pays où la couleur n’est pas une compétence. Seulement, elle ne les « voit » pas. La couleur de leur peau est masquée par leur costume républicain. Pour le dire simplement : puisqu’être noir empêche d’être ministre dans notre « France raciste », alors en devenant ministre, un noir cesse d’être noir. Comme le jour et la nuit, la fonction de ministre et la noirceur de la peau s’excluent aux yeux de la manichéo-daltonienne. On ne peut pas être l’un et l’autre. En cela, Virginie Despentes est bien fondée à dire qu’elle n’a « jamais vu » de ministre noir. Son erreur n’est pas de dire ce qu’elle sent, mais, comme Camelia Jordana, d’ériger sa propre cécité en perception universelle. (…) ce serait drôle si ce n’était désolant pour Madame El Moaddem, que BFM a traitée comme une vieille chaussette. Mais à toute chose, malheur est bon : une telle mésaventure est aussi l’occasion donnée, pour l’intéressée, de comprendre qu’elle est exactement la victime de la logique identitaire qui lui fait dire, ordinairement, qu’on devrait inviter les « concernés » sur les plateaux de télé, qu’on est mal placé pour parler des problèmes qu’on ne rencontre pas, et qu’en somme, la couleur des gens est en elle-même une compétence. A ce compte-là, dans un monde où la couleur (appelée « identité ») est une garantie de l’opinion, il est normal qu’on désinvite Nassira El Moaddem au profit de Maboula Soumahoro, qui (aux yeux de certains) est une meilleure interprète dans le même rôle. Madame El Moaddem s’indigne qu’on lui dise que sa présence en plateau eût fait « doublon ». Elle a raison. C’est scandaleux. D’autant qu’elle avait certainement d’autres choses à dire que Madame Soumahoro. Mais quand on invite les gens à raison de leur allure et non de leur compétence, on se moque de ce qu’ils ont à dire, et des nuances éventuelles. « Noire, arabe, on s’en fout, tant que ça fait concerné » se dit-on dans les rédacs attentives à draguer une clientèle identitaire… Bref, c’est l’arroseuse arrosée. Madame El Moadden, qui a souvent été la victime du racisme, est pour la première fois peut-être, victime du racialisme. J’avoue ne pas voir la différence entre les deux, mais c’est probablement que je ne suis pas concerné. « Qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi, des Noirs ? disait Gary dans Chien Blanc. Ce sont des hommes comme les autres. Je ne suis pas raciste. » Si les journalistes avaient lu cette phrase, peut-être se seraient-ils mieux conduits ? Raphaël Enthoven
Il n’y a rien de plus douloureux pour moi à ce stade de ma vie que de marcher dans la rue, d’entendre des pas derrière moi, de penser que quelqu’un veut me voler, et en regardant autour de moi, de me sentir soulagé quand c’est un Blanc. Après tout ce que nous avons traversé. Juste penser que nous ne pouvons pas marcher dans nos propres rues, c’est humiliant.Jesse Jackson (1993)
Nous avons tendance à imaginer, contre toute évidence, que la socialisation peut tous nous débarrasser de l’intolérance et nous apprendre un plus grand respect de la différence, si seulement nous avions la volonté, les ressources et la possibilité de fournir les bonnes expériences. (…) Selon cette compréhension de la réalité, les différents peuvent rester aussi différents qu’ils le souhaitent et les intolérants finiront tolérants par les vertus de l’éducation. Mais tous les indicateurs montrent que l’exposition à la différence, les discours sur la différence et le fait d’applaudir la différence – autant de marques de fabrique de la démocratie libérale – sont les meilleurs moyens d’exaspérer ceux qui sont foncièrement intolérants et de garantir l’expression accrue de leurs prédispositions dans des attitudes et des comportements manifestement intolérants. (…) Paradoxalement, il semblerait donc que le meilleur moyen de juguler l’intolérance envers la différence soit d’exhiber nos ressemblances, d’en discuter, de les applaudir. (…) Au bout du compte, rien n’inspire plus la tolérance chez l’intolérant qu’une abondance de croyances, de pratiques, de rituels, d’institutions et de processus communs et fédérateurs. (…) En définitive, rien n’inspire une plus grande tolérance de la part des intolérants qu’une abondance de croyances, pratiques, rituels, institutions et processus communs et unificateurs. Et malheureusement, rien n’est plus sûr de susciter une expression accrue de leurs prédispositions latentes que ‘l’éducation multiculturelle’, les politiques bilingues et la non-assimilation. En fin de compte, notre célébration criante et notre insistance absolue sur l’autonomie individuelle et la diversité sans contrainte poussent ceux qui sont par nature les moins équipés à vivre confortablement dans une démocratie libérale non pas aux limites de leur tolérance, mais à leurs extrêmes intolérants. Karen Stenner
Si vous avez des tirs de policiers qui deviennent viraux en ligne, mais qui ne sont pas suivis d’enquête (…), rien ne change – les niveaux d’activité policière et de criminalité sont à peu près les mêmes. Mais si vous avez des tirs de policiers qui deviennent viraux et qui font l’objet d’une enquête, les activités de la police chutent et la criminalité augmente de façon spectaculaire. Roland Fryer (Harvard)
Trump est le seul à attirer l’attention sur cette violence qui touche majoritairement les Noirs. Cela dit, il surestime le rôle du gouvernement fédéral dans la lutte contre le crime. La police est avant tout une affaire locale. (…) 26% des personnes tuées par la police aux Etats-Unis sont des Afro-Américains, alors qu’ils ne représentent que 13% de la population. Doit-on en déduire que les flics sont racistes? Non. Simplement, ils interviennent avant tout dans les quartiers en proie à la criminalité. Or c’est là que résident les minorités. D’où un risque accru de confrontation avec la population noire ou latino. A Chicago, les Afro-Américains représentent un tiers de la population, mais sont responsables de 75% des fusillades. Ce n’est pas un jugement, juste une statistique. (…) Depuis qu’un jeune Noir a été abattu par la police à Ferguson, en 2014, l’association Black Lives Matter « vend » l’idée que les policiers sont intrinsèquement racistes. Le débat est pollué par le tabou sur la criminalité noire. Alors sommes-nous autorisés à parler des victimes? Les Blacks sont six fois plus souvent victimes d’homicides que les Blancs et les Latinos. En 2016, 20 enfants noirs ont été blessés ou tués à Chicago. S’ils avaient été blancs, le scandale aurait été énorme. Mais comme ce sont des Noirs tués par des Noirs, tout le monde s’en fiche… Heather Mac Donald
Les Blancs et Hispaniques représentent par exemple 58,9% des personnes arrêtées pour «crime grave». Les mêmes couleurs de peau constituent 56,7% des personnes tuées par la police, selon les données du portail statistique Statista, compilant quatre années jusqu’à juin 2020*. Les pourcentages sont proches, tendant à indiquer que les drames lors d’arrestations ne concernent pas spécifiquement les personnes de ces deux ethnies. Les Afro-Américains constituent quant à eux 37,5% des prévenus pour crime grave, et 22,1% des personnes que la police a tuées en voulant procéder à leur arrestation. Le pourcentage de victimes de police est donc plus faible chez les Afro-Américains, par rapport à leur proportion lors des arrestations. Bien sûr, les tirs létaux par les forces de l’ordre recouvrent des situations très différentes (bavures, individus armés ou non, etc.). Nul ne saurait déduire, à l’aune de ces pourcentages, à l’innocence ou la culpabilité présumée d’un policier tueur. Mais si l’on s’en tient aux chiffres de la criminalité et des arrestations, il semble difficile de conclure à un quelconque racisme systémique de la part des forces de l’ordre américaines. (…) la spécialiste Heather MacDonald (…) prend appui sur une analyse judiciaire des données de la police de Philadelphie, ayant établi en 2015 que les policiers blancs étaient moins susceptibles de tirer sur des suspects noirs non-armés que leurs collègues noirs et hispaniques. D’autres études vont en ce sens, comme celle de l’économiste d’Harvard Roland G. Fryer qui concluait en 2016 (puis à nouveau en 2018) à l’absence de preuves d’une «discrimination raciale lors des tirs de police». Pour Heather MacDonald, «toutes les analyses contraires oublient de prendre en compte les taux de crime et le comportement des civils, avant et pendant les interactions avec la police. Luc Lenoir
90% des meurtres de Noirs sont commis par d’autres Noirs, là est le vrai drame! A la violence extrême des délinquants répond celle des policiers, brutaux envers tout le monde sans distinction. C’est la violence globale de ce pays qui est à prendre en compte : n’importe quel retraité de 75 ans peut sortir une arme lors d’un contrôle! Ecoutez le Drill, la musique des gangs juvéniles ethniques des États-Unis. Ce sont des appels au meurtre par des rappeurs rendus fous par un usage massif d’alcool et de Concentrate (marijuana ultra-puissante). Tels sont les angelots qu’affrontent au quotidien les polices des métropoles américaines. Xavier Raufer
La vie de la population noire des États-Unis n’a jamais été facile et ne l’est pas plus aujourd’hui. (…) Mais aux difficultés qu’éprouve cette population, se surajoute l’attitude de la gauche académique et médiatique qui, par pur moralisme, ne s’indigne que des seuls homicides de Noirs commis par la police américaine ou par des Blancs ; considérant donc – absurdement – que les non-Noirs du pays constituent un meurtrier et tout-puissant Ku-Klux-Klan, voué à exterminer les Afro-Américains. Récemment encore, L’Express souligne ainsi que 1,5% des Noirs américains de 20 à 24 ans meurent sous les tirs de la police – fait consternant – mais tait que, constamment et de longue date, ± 90% des Noirs américains sont assassinés par d’autres Noirs. Sans doute y-a-t-il des raisons à cela, mais l’énormité même du pourcentage devrait pousser les commentateurs à exposer cet essentiel fait brut. Or la théorie du”privilège blanc” tient justement à cela : pour qu’elle soit vraie, il faut et il suffit que TOUTE la police et TOUTE la justice des États-Unis soient implicitement ou ouvertement racistes, agissant et jugeant à 100% contre les Noirs. Soulignons ici que cette idéologie du”privilège blanc” n’est pas celle de la population noire en général ; certes, soucieuse de ne pas servir de cible à tout propos, elle est sinon (sous l’influence de ses puissantes Églises) plutôt conservatrice et répressive en matière de sécurité et de justice, maints sondages le montrent. Le « privilège blanc » est plutôt l’apanage de jeunes gens riches, blancs mais torturés de haine de soi et de ludions médiatiques de toutes couleurs. Avant d’examiner les faits et données disponibles, rappelons aussi que depuis une décennie, toute la société américaine, justice et polices incluses, subit l’étouffant tsunami du « politiquement correct »… diversité… inclusif… etc.; tout fait ethnique y éprouvant le sourcilleux contrôle (sans doute bénéfique, vu le passé du pays) de Black Lives Matter et cent groupes analogues; quand cependant, les statistiques ethniques-raciales y restent permises. (…) à l’échelle des États-Unis entiers, de méticuleuses recherches des analystes du ministère fédéral de la Justice et du FBI sur la période 1976-2005, établissent le fait terrible que dans plus de 90% des cas, l’assassin d’un Noir est un autre Noir; et que les jeunes hommes afro-américains ont 20 fois plus de morts que leur proportion dans la pyramide américaine des âges et des ethnies. Et si les choses ont évolué depuis 2005, c’est plutôt en pire. Imaginons que les injonctions médiatico-académiques soient à 100% suivies d’effet et qu’on en finisse, par la prévention ou la répression, avec les meurtres commis par des policiers ou des Blancs racistes: sur cent homicides de Noirs, on en supprimerait 8 ou 9; sinon, la tuerie continuerait comme avant. Est-ce un objectif décent ? Ou faut-il, sur la base de faits réels, traiter ce drame dans sa profondeur humaine ? Xavier Raufer
Après l’hystérie collective du coronavirus, le psychodrame du racisme systémique !
Suite à l’interpellation ayant mal tourné (pour des raisons personnelles et donc non « systémiques »), d’un ancien délinquant multirécidiviste ayant tenté de faire passer un faux billet et ayant résisté à son arrestation …
Après la France et maintenant l‘Espagne, suit périodiquement les épidémies …
Et qui, contre l’évidence des faits mais année électorale oblige, n’a plus que le mot racisme à la bouche …
Alors qu’étude après étude, l’on sait qu’il n’y a pas de discrimination raciale lors des tirs de police et même que les policiers blancs sont moins susceptibles de tirer sur des suspects noirs non-armés que leurs collègues noirs ou hispaniques …
Et que, loin de faire diminuer la violence, la diabolisation de la police qui suit les quelques cas d’usage disproportionné de la force par celle-ci la fait augmenter en poussant lesdits policiers au retrait dans les zones où elles sont le plus nécessaires …
Sans compter, comme l’a montré la psychologue Karen Stenner …
Que loin de mettre un terme à l’intolérance …
Les célébrations de la différence et de la diversité comme ‘l’éducation multiculturelle’, les politiques bilingues ou la non-assimilation ne font que l’exaspérer …
Alors que comme l’avait montré le pasteur Martin Luther King avant de se fourvoyer dans le pacifisme radical …
Oubliant qu’au Vietnam comme au Japon, les races de couleur ont elles aussi leur volonté de puissance …
Ce sont nos ressemblances et l’ensemble des croyances, pratiques, rituels et institutions que nous avons en commun …
Qu’il faudrait, au lieu de les fouler au pied comme nos enfants gâtés à la Kaepernick avec le drapeau national, les mettre en avant … ?
La vie de la population noire des États-Unis n’a jamais été facile et ne l’est pas plus aujourd’hui. Pour s’en persuader, il suffit de visiter les lieux où d’usage elle vit, quartiers où, comme à Chicago, son espoir de vie peut être de trente ans plus bref que dans les secteurs blancs-riches de la ville ; et de voir qu’en 2017 encore, 38% des enfants noirs fréquentent des écoles où moins de 10% des élèves sont blancs (l’apartheid, c’est ça).
Mais aux difficultés qu’éprouve cette population, se surajoute l’attitude de la gauche académique et médiatique qui, par pur moralisme, ne s’indigne que des seuls homicides de Noirs commis par la police américaine ou par des Blancs ; considérant donc – absurdement – que les non-Noirs du pays constituent un meurtrier et tout-puissant Ku-Klux-Klan, voué à exterminer les Afro-Américains.
Récemment encore, L’Express souligne ainsi que 1,5% des Noirs américains de 20 à 24 ans meurent sous les tirs de la police – fait consternant – mais tait que, constamment et de longue date, ± 90% des Noirs américains sont assassinés par d’autres Noirs. Sans doute y-a-t-il des raisons à cela, mais l’énormité même du pourcentage devrait pousser les commentateurs à exposer cet essentiel fait brut. Or la théorie du”privilège blanc” tient justement à cela : pour qu’elle soit vraie, il faut et il suffit que TOUTE la police et TOUTE la justice des États-Unis soient implicitement ou ouvertement racistes, agissant et jugeant à 100% contre les Noirs.
Soulignons ici que cette idéologie du”privilège blanc” n’est pas celle de la population noire en général ; certes, soucieuse de ne pas servir de cible à tout propos, elle est sinon (sous l’influence de ses puissantes Églises) plutôt conservatrice et répressive en matière de sécurité et de justice, maints sondages le montrent. Le « privilège blanc » est plutôt l’apanage de jeunes gens riches, blancs mais torturés de haine de soi et de ludions médiatiques de toutes couleurs.
Avant d’examiner les faits et données disponibles, rappelons aussi que depuis une décennie, toute la société américaine, justice et polices incluses, subit l’étouffant tsunami du « politiquement correct »… diversité… inclusif… etc.; tout fait ethnique y éprouvant le sourcilleux contrôle (sans doute bénéfique, vu le passé du pays) de Black Lives Matter et cent groupes analo-gues; quand cependant, les statistiques ethniques-raciales y restent permises.
Reste que dans la statistique américaine, « race », « ethnicité » ou « origine » ne vont pas de soi, recensements ou sondages opérant par auto-déclaration. On dit par exemple « X personnes se considèrent comme d’origine hispanique », mais un Hispanique peut aussi se déclarer Blanc. Et ceux qu’évidemment, nous dirions métis en Europe, comptent comme Noirs aux États-Unis.
Voici donc, pour éclairer le débat, l’éventail racial donné par le dernier recensement national des États-Unis (1/07/2016):
•Blancs (hors hispaniques): 61,3%
•Hispaniques/Latinos: 17,8%
•Noirs/Afro-Américains: 13,3%
•Asiatiques: 5,7%
•Amérindiens: 1,3%
•Métis, NSP: 0,4%
•Insulaires du Pacifique: 0,2%.
Dernier point méthodologique: nous comptons plus bas des individus, interpellés, mis en cause ou inculpés, ce qui ne préjuge bien sûr pas de leur culpabilité.
Mais aux États-Unis, les Cours fédérales jugeant les serious crimes, homicides, viols, vols avec armes, etc., ont en 2016 condamné 91,2% des inculpés, 8,8% étant innocentés – donc, taux d’adéquation correct1.
Qui plus est, deux taux, élucidation des crimes dans un sens, récidives dans l’autre, renforcent le tableau général mis en cause-culpabilité:
• Taux d’élucidation des crimes graves (« serious crimes ») aux États-Unis en 2017:
•Homicides: 61,6% (chiffre noir, 38,4%)
•Viols: 34,5% (chiffre noir, 65,5%)
•Vols avec armes: 29,7% (chiffre noir, 70,3%)
• Taux de récidive après trois ans:•États-Unis: 68%
•Comparaison avec la France et l’Allemagne: respectivement 48 et 46%.
Surreprésentation des Noirs dans les statistiques criminelles américaines2(FBI-UCR, 2016)
Total des arrestations aux États-Unis (toutes infractions) en 2016: 8 421 481
Total des arrestations pour serious crimes3aux États-Unis en 2016: 408 873,Sur ces 408 873 crimes graves, total des arrestations « par race ou origine »:
•Prévenus se disant, ou déclarés, Blancs et hispaniques: 241 063
•Prévenus se disant, ou déclarés, Afro-Américains: 153 341
•Prévenus … Amérindiens, Asiatiques ou insulaires du Pacifique: 14 416
Homicides, États-Unis et « privilège blanc » criminel 149
Proportion ethnique des inculpés pour les homicides commis aux États-Unis en 2016:
•Blancs et hispaniques: 44,7% du total
•Afro-Américains: 52,6%
•Amérindiens, Asiatiques ou insulaires du Pacifique: 2,7%
Coups de projecteurs sur cette surreprésentation
État de l’Illinois (UCR-Illinois) – Blancs, 64%, Noirs, 14%.2017: 1 010 homicides dans l’État, dont 650 à Chicago.
Pour ces 1 010 homicides, 409 mis en cause; voici leur race, telle que figurant au dossier: Noirs, 271 (66% du total); Blancs, 83; Hispaniques, 54.
État du Connecticut (UCR-Con.) Blancs, 71%; Noirs 10%.105 homicides recensés dans cet État en 2017.
Pourcentage ethnique des homicides élucidés (un coupable a été trouvé puis condamné): Blancs, 28%; Noirs, 58% des mises en examen et 40% des condamna-tions, Asiatique: 1 cas.
Ville de Seattle et King County (Étude du Public Health Department de la ville, homicides par armes à feu, 2010-2016).
Rappel, l’administration locale se situe politique-ment quelque part entre libérale-libertaire et socialiste.Blancs dans le comté, 76%; Noirs, 7%.
69 homicides par armes à feu, 2010 à 2016; mis en cause, 39 Noirs, 56% des inculpés.
Ville de Pittsburgh – Étude du Pittsburgh Police Department (PPD) et de la mairie, 2010 à 2015. Rappel, sur les 5 derniers chefs du PPD, 3 sont Afro-Américains.
Blancs, 65%; Noirs, 26%.2010-2015: sur 100 victimes d’homicides, 85 sont noires.- sur 100 victimes d’homicides non élucidés, 97 sont noires.
2018: victimes des 58 homicides: Noirs, 50, Blancs, 8.Inculpés pour ces 58 homicides: Noirs, 24; Blancs, 7.
Ville de Saint-Louis – Noirs, 49%; Blancs, 43%.
Données du Saint-Louis Police Department, 1er semestre 2019: 110 homicides dont 99 Noirs. Inculpations pour 41 de ces homi-cides: Noirs, 37 (90% du total); Blancs, 4.
Ville de Cincinnati – Blancs, 49%; Noirs, 45%.2018: 63 homicides; victimes noires, 84%; blanches, 14%. Pour ces homicides, 30 inculpations: Noirs, 58%; Blancs, 17%; la race est absente de 25% des dossiers.
2017: 74 homicides; victimes noires, 85%; blanches, 14%. Pour ces homicides, 21 inculpations: Noirs, 71%; Blancs, 5%; la race est absente de 23% des dossiers.
Les Noirs sont-ils spécialement visés par la justice des États-Unis ?5
Individus jugés par une Cour fédérale de justice, année fiscale 2016, caractéristiques démographiques – race ou origine hispanique.
Cas considérés: 63 593 (formant donc 100% du total)
•Blancs: 20,9%,
•Afro-Américains: 19,8%
•Hispaniques-Latinos: 55,7%!!
•Amérindiens, 2,2%
•Asiatiques+Pacifique: 1,3
•NSP: 1%.
Plus largement maintenant, à l’échelle des États-Unis entiers, de méticuleuses recherches des analystes du ministère fédéral de la Justice et du FBI sur la période 1976-2005, établissent le fait terrible que dans plus de 90% des cas, l’assassin d’un Noir est un autre Noir; et que les jeunes hommes afro-américains ont 20 fois plus de morts que leur proportion dans la pyramide américaine des âges et des ethnies. Et si les choses ont évolué depuis 2005, c’est plutôt en pire.
Imaginons que les injonctions médiatico-académiques soient à 100% suivies d’effet et qu’on en finisse, par la prévention ou la répression, avec les meurtres commis par des policiers ou des Blancs racistes: sur cent homicides de Noirs, on en supprimerait 8 ou 9; sinon, la tuerie continuerait comme avant.
Est-ce un objectif décent ? Ou faut-il, sur la base de faits réels, traiter ce drame dans sa profondeur humaine ?
Comparaison avec l’ensemble Angleterre+Pays de Galles (E+W)
Pays anglo-saxon, au système judiciaire proche de celui des États-Unis, mais ne souffrant sans doute pas des mêmes biais culturels.
Homicides, États-Unis et « privilège blanc » criminel 151
Dernier recensement de la population de E+W: Blancs, 83, 35%; Asiatiques, 6,69%, (dont originaires du sous-continent indien, 5,87% et Chinois, 0,82%); Noirs, 2,81%.
Sources :
L’Express+Afp – 6/08/2019 « Aux États-Unis, les noirs encourent plus de risques d’être tués par la police »
Wellcome Open Research – 25/06/2019 « A systematic review of criminal recidivism rates worldwide, 3 years update – Denis Yuknenko, Seena Fazel, dept. of psychiatry, Oxford U.; Shivpriya Sridhar, U-North Carolina, Chapel Hill, NC,
The Guardian – 23 Jun 2019 – ’It’s totally unfair: Chicago, where the rich live 30 years longer than the poor » – (Blancs: ± 90 ans, Noirs, ± 60 ans),
NBC News – 11/03/2019 « White parents are enabling school segregation if it doesn’ hurt their own kids »,Seattle and King County –
Public health – March 2019 « Firearm deaths among residents of King County and Seattle, 2012-1016 »,Federal Justice Statistics, 2015-2016 – January 2019,
State of Connecticut – 2017 « Crime in Connecticut – Annual report of the Uniform Crime Reporting, Dept. of emergency services and public protection, Crimes analysis unit »,
FBI – Uniform Crime Report, 2016 « Crime in the United States »,UK Crime Statistics – Year 2014 « Race and criminal justice system.
Notes
1. Sur 2474 cas en 2016, dernières données disponibles; Cf. « Table 6, Disposition and case-processing time of defendants in cases terminated in US District Courts, FY 2016 ».
2. FBI – Uniform Crime Report – 2016 (compile les statistiques et données de 13 049 services de police divers, la population américaine étant cette année-là de ± 257 113 000 individus. Le tableau ici considéré est « Table 21 – Arrests by race and ethnicity ».
3. – Homicides… coups & blessures ayant entraîné la mort… viols… vols avec armes ou vols violents. Dans tous les cas, il s’agit bien sûr des infractions connues des autorités, hors « chiffre noir ».
4. Nous avons choisi cet échantillon plutôt au nord des États-Unis, les données de sa part méridionale étant parfois encore entachées de tropismes « sudistes ». Au nord, nous avons pris des États et villes à léquilibre racial très divers (de 10% à majorité de Noirs), pour donner une vision large du problème.
5. Federal Justice Statistics – Table 5 – Demographic characteristics of defendants charged in US Federal District court, Fiscal Year 2016 – race or hispanic origin (caractéristiques démographiques des inculpés par une cour fédérale de justice US).
Voir aussi:
Interview
« Non, les flics américains ne sont pas racistes »
Heather Mac Donald, spécialiste de la police et auteur de War on Cops (« Guerre contre les flics », 2016) pourfend la bien-pensance.
Propos recueillis par Axel Gyldén
L’Express
14/03/2017
Heather Mac Donald. J’applaudis. Trump est le seul à attirer l’attention sur cette violence qui touche majoritairement les Noirs. Cela dit, il surestime le rôle du gouvernement fédéral dans la lutte contre le crime. La police est avant tout une affaire locale.
La police est-elle raciste?
H. M. D. 26% des personnes tuées par la police aux Etats-Unis sont des Afro-Américains, alors qu’ils ne représentent que 13% de la population. Doit-on en déduire que les cops [flics] sont racistes? Non. Simplement, ils interviennent avant tout dans les quartiers en proie à la criminalité. Or c’est là que résident les minorités.
D’où un risque accru de confrontation avec la population noire ou latino. A Chicago, les Afro-Américains représentent un tiers de la population, mais sont responsables de 75% des fusillades. Ce n’est pas un jugement, juste une statistique.
L' »effet Ferguson », c’est quoi?
H. M. D. Depuis qu’un jeune Noir a été abattu par la police à Ferguson, en 2014, l’association Black Lives Matter « vend » l’idée que les policiers sont intrinsèquement racistes. Le débat est pollué par le tabou sur la criminalité noire. Alors sommes-nous autorisés à parler des victimes?
Les Blacks sont six fois plus souvent victimes d’homicides que les Blancs et les Latinos. En 2016, 20 enfants noirs ont été blessés ou tués à Chicago. S’ils avaient été blancs, le scandale aurait été énorme. Mais comme ce sont des Noirs tués par des Noirs, tout le monde s’en fiche…
DÉCRYPTAGE – Le mouvement «Black Lives Matter» fonde ses accusations contre les forces de l’ordre sur une analyse biaisée de la délinquance américaine.
Luc Lenoir
Le Figaro
9 juin 2020
Les «cops» américains devront-ils, comme les manifestants, mettre un genou à terre? Ces derniers jours, de nombreux médias ont analysé les données concernant la probabilité d’un homicide policier en fonction de la race de la victime, les statistiques ethniques étant autorisées aux États-Unis. Avec un verdict terrible selon eux : les Noirs auraient de grands risques de mourir d’une balle de police, tandis que les Blancs jouiraient au contraire d’un «privilège» en la matière, comme dans d’autres domaines. Mais peu se sont intéressés à l’analyse de la criminalité, qui donne pourtant logiquement des clés pour juger plus finement du comportement des forces de l’ordre. En jeu, l’accusation par le mouvement Black Lives Matter d’un «racisme systémique» des forces de police américaines.
Dans une note publiée par le portail Cairn en février dernier, le criminologue Xavier Raufer revenait en détail sur les «crimes graves» («serious crimes») constatés outre-atlantique : homicides, coups et blessures ayant entraîné la mort, viols, vols avec armes ou vols violents. Sans négliger les difficultés de certaines communautés afro-américaines, et soulignant d’abord l’état d’«apartheid» dans lequel se trouve le pays, Xavier Raufer souligne une surreprésentation manifeste «des Noirs dans les statistiques criminelles américaines», constat obligatoire pour comprendre ensuite la situation policière du pays. Sur les 408.873 arrestations pour «serious crime» en 2016, 241.063 prévenus se définissaient blancs ou hispaniques, et 153.341 Afro-Américains. Une proportion de 37,5% du total, supérieure aux 13,3% d’Afro-Américains recensés dans la population américaine.
Rapportés à la population, les membres déclarés ou se disant Afro-Américains ont donc davantage de risque de tomber dans la criminalité et d’être arrêtés pour cela (la relation entre mise en cause et culpabilité finale étant avérée dans 91,2% des cas, selon la justice américaine). Dans l’Illinois, les Noirs représentent ainsi 14% de la population, mais 66% des mis en cause pour homicide en 2017. À Seattle et dans le comté de King, on dénombre 6% de Noirs mais 56% parmi les inculpés pour crime. À Pittsburgh, où Xavier Raufer souligne que trois des cinq derniers chefs du Police Department sont eux-mêmes Afro-Américains, il y a 26% de Noirs dans la ville, mais sur les 58 homicides en 2018, 24 inculpés sont noirs contre 7 blancs.
Loin de conclure à une délinquance «des Noirs» sui generis, Xavier Raufer souligne auprès du Figaro que le premier constat préoccupant est celui d’une criminalité touchant principalement les… Afro-Américains : «90% des meurtres de Noirs sont commis par d’autres Noirs, là est le vrai drame!». Concernant le conflit qui oppose les manifestants du mouvement Black Lives Matter à la police, le directeur d’étude au CNAM rétorque que le climat général de violence aux États-Unis concerne toutes les communautés: «A la violence extrême des délinquants répond celle des policiers, brutaux envers tout le monde sans distinction. C’est la violence globale de ce pays qui est à prendre en compte : n’importe quel retraité de 75 ans peut sortir une arme lors d’un contrôle!» Xavier Raufer insiste toutefois sur la culture de violence qui imprègne certaines communautés noires des grandes agglomérations : «écoutez le Drill, la musique des gangs juvéniles ethniques des États-Unis. Ce sont des appels au meurtre par des rappeurs rendus fous par un usage massif d’alcool et de Concentrate (marijuana ultra-puissante). Tels sont les angelots qu’affrontent au quotidien les polices des métropoles américaines».
La police tue-t-elle certains prévenus plus que d’autres?
Mais ces derniers représentent-ils l’ensemble des Noirs arrêtés? La surreprésentation statistique suffit-elle pour donner un blanc-seing à la police, quand elle tue un prévenu? On peut ici comparer l’ethnie des personnes tuées par la police, pour vérifier si telle ou telle communauté est particulièrement visée. Les Blancs et Hispaniques représentent par exemple 58,9% des personnes arrêtées pour «crime grave». Les mêmes couleurs de peau constituent 56,7% des personnes tuées par la police, selon les données du portail statistique Statista, compilant quatre années jusqu’à juin 2020*. Les pourcentages sont proches, tendant à indiquer que les drames lors d’arrestations ne concernent pas spécifiquement les personnes de ces deux ethnies. Les Afro-Américains constituent quant à eux 37,5% des prévenus pour crime grave, et 22,1% des personnes que la police a tuées en voulant procéder à leur arrestation. Le pourcentage de victimes de police est donc plus faible chez les Afro-Américains, par rapport à leur proportion lors des arrestations.
Bien sûr, les tirs létaux par les forces de l’ordre recouvrent des situations très différentes (bavures, individus armés ou non, etc.). Nul ne saurait déduire, à l’aune de ces pourcentages, à l’innocence ou la culpabilité présumée d’un policier tueur. Mais si l’on s’en tient aux chiffres de la criminalité et des arrestations, il semble difficile de conclure à un quelconque racisme systémique de la part des forces de l’ordre américaines.
Une conclusion partagée par la spécialiste Heather MacDonald (chercheuse et auteur du best-seller War on Cops – La Guerre aux Flics, 2016), dans un article du Wall Street Journal. La chercheuse du Manhattan Institute prend appui sur une analyse judiciaire des données de la police de Philadelphie, ayant établi en 2015 que les policiers blancs étaient moins susceptibles de tirer sur des suspects noirs non-armés que leurs collègues noirs et hispaniques. D’autres études vont en ce sens, comme celle de l’économiste d’Harvard Roland G. Fryer qui concluait en 2016 (puis à nouveau en 2018) à l’absence de preuves d’une «discrimination raciale lors des tirs de police».
Une désescalade de la violence est-elle possible?
Pour Heather MacDonald, «toutes les analyses contraires oublient de prendre en compte les taux de crime et le comportement des civils, avant et pendant les interactions avec la police». Et d’appeler au calme : «Les policiers de Minneapolis qui ont arrêté George Floyd doivent répondre de leur utilisation disproportionnée de la force et de leur indifférence cruelle à sa détresse. Les entraînements de police doivent mettre les bouchées doubles sur les tactiques de désescalade». Un constat partagé par Xavier Raufer, qui entrevoit quelques solutions techniques: «Il faudrait engager un dialogue, ne serait-ce que sur le maintien de l’ordre. Interroger les criminels, comprendre ce qui les a fait se tenir tranquille ou sortir de leurs gonds lors de leur arrestation, et adapter les techniques comportementales de la police.» Suffisant pour faire l’économie d’une vraie réflexion sur les divisions communautaires américaines? «Certainement pas», s’inquiète toutefois l’essayiste français, en écho à la conclusion de son homologue américaine : «la mort de Floyd ne doit pas saper la légitimité du maintien de l’ordre aux États-Unis, sans quoi nous continuerons sur un chemin vers le chaos».
*Les chiffres des arrestations datent de 2016, tandis que ceux des tués par la police sont établis entre 2017 et 2020. Néanmoins, les tendances de criminalité par ethnies n’ont pas changé sur l’ensemble de la période.
GRAND ENTRETIEN – Le philosophe voit dans l’actualité qui a suivi la mort de George Floyd le déploiement d’un nouvel antiracisme qui tient moins à promouvoir l’égale dignité des personnes qu’à déconstruire l’hégémonie occidentale dans les pays occidentaux eux-mêmes.
Eugénie Bastié
10 juin 2020
Les images terribles de la mort de George Floyd, tué par un policier américain blanc, ont fait le tour du monde. L’émotion légitime s’est transformée en une «frénésie mimétique» ne tenant plus compte du réel, argumente cependant le philosophe*, qui met en garde contre l’importation de problématiques américaines dans notre pays à l’histoire bien différente. La dénonciation d’un «racisme systémique» et de violences policières racistes oublie que «dans les quartiers dits populaires, ce sont les policiers qui ont peur».
Alain Finkielkraut voit dans le moment présent le déploiement d’un nouvel antiracisme qui tient moins à promouvoir l’égale dignité des personnes qu’à déconstruire l’hégémonie occidentale dans les pays occidentaux eux-mêmes. La notion de «privilège blanc» est une forme d’ «autoracisme» qui perpétue, sous une nouvelle forme, la mauvaise conscience de la classe bourgeoise.
LE FIGARO. – L’homicide de George Floyd par un policier américain, qui a été filmé, a déclenché des émeutes partout aux États-Unis. En réponse, Donald Trump a annoncé sa volonté de rétablir «la loi et l’ordre». Que vous inspire cette Amérique à feu et à sang?
Alain FINKIELKRAUT. – Ce qui nous distingue des hommes d’autrefois, c’est que nous sommes devenus des spectateurs. Nous voyons les événements dont nos prédécesseurs prenaient connaissance par le récit oral ou par la lecture. Ce «nous» ne souffre plus guère d’exceptions: où que nous habitions, nous sommes, par la grâce de l’écran, aux premières loges. L’image de George Floyd méthodiquement asphyxié par un policier de Minneapolis a fait le tour du monde et elle est insoutenable. «I can’t breathe», haletait, suppliant, l’homme noir, tandis que son bourreau blanc, imperturbable et même arrogant, appuyait le genou sur sa nuque jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je comprends les Américains qui sont spontanément descendus dans la rue pour exprimer leur dégoût, leur honte et leur colère. Mais je me pose aussi cette question: la vérité de l’Amérique est-elle tout entière déductible de cette image?
La question noire demeure la grande tragédie de l’histoire américaine, mais elle ne se résume pas à l’assassinat de George Floyd
L’émotion doit inspirer la réflexion, mais elle ne peut pas dispenser de la connaissance. Car il y a les chiffres: selon la base de données du Washington Post, deux fois plus de Blancs (2416) que de Noirs (1263) ont été tués par la police depuis le 1er janvier 2015. Certes, comme le souligne très justement le journal Libération, le rapport s’inverse totalement en proportion de la population: les Noirs représentent 13 % de la population américaine, et les Blancs 76 %. Mais dans ce pays où les policiers ont la gâchette d’autant plus facile que les armes sont partout, on ne saurait parler d’un «racisme systémique» ou structurel des forces de l’ordre. Il y a aussi l’histoire: la guerre de Sécession, le mouvement des droits civiques qui a aboli la ségrégation, l’Affirmative Action dans les universités pour asseoir dans les faits l’égalité formelle des droits, l’apologie des minorités par le politiquement correct, les deux mandats à la Maison-Blanche de Barack Obama.
Il y a enfin ces autres images: le maire afro-américain de Houston annonçant les obsèques dans sa ville de George Floyd ou encore la maire afro-américaine d’Atlanta apostrophant avec véhémence les émeutiers qui discréditaient la protestation par le pillage des magasins de vêtements ou de matériel informatique. Des élus noirs dirigent aujourd’hui deux anciens bastions du ségrégationnisme. Les suprémacistes ont bien perçu ce grand basculement: s’ils sortent aujourd’hui du bois, s’ils hurlent «You will not replace us!», c’est qu’ils craignent de voir l’Amérique leur échapper et de devenir tôt ou tard minoritaires. Ces apeurés forment le cœur de l’électorat de Donald Trump. Et celui-ci, au lieu de parler à la nation tout entière, s’adresse en priorité à eux. Il trahit, en jetant ainsi de l’huile sur le feu, sa mission présidentielle.
La question noire demeure la grande tragédie de l’histoire américaine, mais elle ne se résume pas à l’assassinat de George Floyd.
La crise aux États-Unis a occasionné en France un regain de la dénonciation des violences policières racistes à l’égard des minorités, s’appuyant notamment sur le cas d’Adama Traoré. Faut-il s’inquiéter de l’importation en France des problématiques américaines?
Saisis d’une véritable frénésie mimétique, des manifestants, à Paris et dans la plupart des villes françaises, brandissent les mêmes pancartes qu’en Amérique: «I can’t breathe», «No Justice, no Peace», «Black Lives Matter». Il y a certes des racistes dans la police et ils doivent être sévèrement sanctionnés, car, forts du pouvoir que leur confère l’uniforme, ils ne se privent pas de harceler et de nuire. Sur ce point, le ministre de l’Intérieur a raison: on ne saurait tolérer l’intolérable.
Mais il faut être d’une insigne mauvaise foi pour en conclure que la police dans notre pays exerce une terreur raciste sur les populations issues de l’immigration africaine ou maghrébine. La réalité, en effet, est tout autre. Dans les quartiers dits populaires, ce sont les policiers qui ont peur: ils sont attirés, comme les pompiers dans des guets-apens, victimes de tirs de mortiers, attaqués à coups de barres de fer, de jets de pierre du haut des toits, ou de plaques d’égouts du haut des passerelles. Lorsque en 2007, à Villiers-le-Bel, des «jeunes» ont tiré sur eux à balles réelles, ils n’ont pas riposté. Résultat: des dizaines de blessés parmi les policiers, aucun parmi les manifestants. Hantée par les émeutes de 2005 qui ont embrasé le pays, leur hiérarchie demande aux hommes de terrain de tout faire pour éviter l’accident ou la bavure: tout faire, c’est-à-dire ne rien faire contre les rodéos urbains ou les matchs de foot sauvages dans les dernières semaines du confinement. Ce qui caractérise notre temps, ce n’est pas l’omniprésence et l’omnipotence de l’État policier, c’est la faiblesse et la démission de l’État dans ce qu’on n’appelle pas pour rien les territoires perdus de la République.
L’aptitude des êtres humains à se raconter des histoires et à se croire autres qu’ils ne sont, est sans limite
Et puis enfin, si racisme institutionnel il y avait, les manifestants crieraient-ils «policiers assassins!» au nez et à la barbe des forces de l’ordre? Si l’État était autoritaire, ou simplement s’il faisait respecter ses lois, des clandestins défileraient-ils dans Paris sans craindre d’être mis en garde à vue, ni a fortiori renvoyés manu militari dans leur pays d’origine? S’ils ne jouissaient pas d’une totale impunité, des rappeurs raconteraient-ils comment Brigitte, femme de flic, se fait gaiement «éclaté la teush» par «tous les jeunes de la cité» ?
L’aptitude des êtres humains à se raconter des histoires et à se croire autres qu’ils ne sont, est sans limite. Sous l’effet d’un meurtre atroce commis à Minneapolis, Minnesota, on interviewe avec déférence le membre du groupe La Rumeur qui évoquait, en 2002 «les centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété», et on en vient à prendre pour argent comptant la déclaration éhontée de la chanteuse Camélia Jordana: «Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie. Je ne parle pas des manifestants, mais des hommes et des femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue qui se font massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau.» Des violences policières ont certes émaillé l’année 2019, en réponse à la violence extrême de certains manifestants. Mais qui visaient-elles? Qui ont-elles mutilé ou éborgné? Des «gilets jaunes», c’est-à-dire des Français d’origine française, gentiment désignés sous le nom de «souchiens» par la porte-parole des Indigènes de la République.
Vous avez écrit que l’antiracisme serait «le communisme du XXIe siècle». Cela explique-t-il pourquoi une large partie de l’intelligentsia se rue vers ce nouvel opium?
À l’image de ce qui se passe à Yale, à Columbia ou à Berkeley, la civilisation occidentale est désormais sur la sellette dans la plupart des universités du Vieux Continent. Les Dead White European Males sont pointés du doigt. D’eux et de leur culture vient tout le mal qui s’est répandu sur la terre: l’esclavage, le colonialisme, le sexisme et la LGBTphobie. Étudier cette culture, c’est désormais la mettre en accusation, la déconstruire, ruiner son prestige, pour permettre aux minorités de retrouver leur fierté et à la diversité culturelle de s’épanouir sans entraves. D’où l’écho rencontré par la mort de George Floyd, à Paris, aussi bien qu’à Stockholm ou à Montréal.
Combattre l’hégémonie occidentale à l’intérieur même de l’Occident : tel est l’objectif que s’assigne le nouvel antiracisme
Les nouvelles générations ont cru reconnaître dans le flegme féroce de l’assassin le visage de l’Occident qu’ils avaient appris à honnir. Mathieu Bock-Côté rappelle dans son dernier livre, que des étudiants du King’s College de Londres, ayant dénoncé «la collection d’hommes blancs de plus de 50 ans portant la barbe» qui formait le grand statuaire à la porte de l’établissement, celui-ci a été remplacé par «un statuaire conforme à l’idéologie diversitaire». Et dans un article de David Haziza, j’apprends que les élèves les plus avancés de Columbia proclamaient tout récemment qu’il fallait en finir avec un programme d’enseignement dont la blanchité, à les en croire, expliquait la persistance des meurtres racistes.
Combattre l’hégémonie occidentale à l’intérieur même de l’Occident: tel est, par-delà la révolte contre les violences policières, l’objectif que s’assigne le nouvel antiracisme.
Le XXe siècle et son cortège sanglant semblait avoir fait disparaître la question de la race, au profit de l’utopie cosmopolite. Comment expliquer que celle-ci ait fait son grand retour dans le débat public? L’antiracisme est-il devenu fou?
L’antiracisme n’est plus, hélas, la défense de l’égale dignité des personnes, mais une idéologie, une vision du monde. Dans cette vision, les traites négrières non occidentales n’ont pas leur place, ni l’antisémitisme arabo-musulman, ni celui d’une partie de la communauté noire américaine, ni les manifestations de Chinois et de Vietnamiens de Paris contre des insultes et des agressions où les Blancs n’avaient aucune part. Le raciste devient celui qui voit ce qu’il voit au lieu de fermer les yeux sur le scandale de l’impensable. Entre la réalité et le système idéologique, on a intérêt, pour ne pas être frappé d’infamie, à choisir le système.
L’antiracisme s’est donc transformé de fond en comble et l’hospitalité a changé de sens: à l’heure de la grande migration, il ne s’agit plus d’accueillir les nouveaux venus en les intégrant dans la civilisation européenne, il s’agit d’exposer les tares de cette civilisation pour rendre justice à ceux qu’elle a si longtemps traités par le mépris et exploités sans vergogne.
On voit de plus en plus de «Blancs» s’excuser pour leurs «privilèges». Que vous inspire ce phénomène? Que sous-entend la notion de «racisme systémique»?
La mauvaise conscience bourgeoise a conduit un grand nombre d’intellectuels à se ranger dans le camp de la classe ouvrière. Ils expiaient ainsi leurs privilèges et trouvaient une rédemption dans le combat pour l’égalité. Dans la gauche radicale d’aujourd’hui, la honte d’être blanc a supplanté la mauvaise conscience bourgeoise mais ce privilège-là colle à la peau. La honte est donc inexpiable. Pour elle, il n’y a pas de rédemption. Et ceux qu’elle affecte mettent un point d’honneur à rester confinés à la date où leur université célèbre la disparition des Blancs de l’espace public en organisant pour eux, ou plutôt contre eux, une «journée d’absence». Le soupçon de condescendance entachant toutes leurs paroles et toutes leurs actions, ils n’ont d’autres issues que de se taire, de s’effacer, ou de réciter indéfiniment le catéchisme qui les condamne. Cet autoracisme est la pathologie la plus consternante et la plus grotesque de notre époque.
Pendant plusieurs mois les guerres culturelles et identitaires semblaient avoir été suspendues par la crise du coronavirus, mais elles repartent de plus belle… Est-ce le signe que rien n’a vraiment changé?
On parle beaucoup, depuis le début de la pandémie, du monde d’avant et du monde d’après. Mais on oublie, en annonçant cette grande césure, que le monde d’avant était déjà très engagé dans la liquidation culturelle du vieux monde. À la sortie du confinement, le processus se poursuit, et même s’accélère.
* De l’Académie française. Dernier ouvrage paru: À la première personne (Gallimard, 2019).
« Racisme systémique », « privilège blanc », comité Adama, Despentes… Le philosophe analyse comment « la guerre des races a remplacé, à gauche, la guerre des classes ».
Raphaël Enthoven : Comme souvent, les tribunes de Mélenchon renseignent sur l’humeur du tribun, plus que sur l’état du monde. Or, son humeur est la même depuis 2017. Mauvaise. Ronchon Mélenchon. A dire vrai, en trois ans, après avoir dilapidé d’un coup son capital de sympathie en se prenant pour la République au lieu de se soumettre à la loi, Saint-Jean-Luc est passé de la mauvaise humeur à l’humeur mauvaise de celui qui, voyant s’éloigner l’horizon de sa gloire, se trouve réduit, faute d’incarner l’avenir, à prédire l’apocalypse, applaudir la sédition, défendre des factieux, dénoncer des complots imaginaires, cracher sur des élus, justifier la violence illégitime et répandre, de sa plume, autant qu’il peut, les gouttes d’huile qui lui restent sur un feu dont il n’espère même plus tirer les marrons…
Certains politiques entrent dans l’Histoire parce qu’après avoir accompli de grandes choses, ils sont partis au bon moment. D’autres, à l’inverse, accèdent à la postérité parce qu’après avoir tout échoué, ils persistent à s’accrocher au manche et s’éteignent de leur vivant. Il n’est pas dit que les seconds soient moins légendaires que les premiers. On aurait pu se souvenir de Mélenchon comme d’un héros de la République (parmi d’autres) et il restera comme un avatar (parmi d’autres) de Pierre Poujade ou du général Boulanger. C’est déjà ça.
« Take a knee » est d’abord le geste de Martin Luther King qui prit le temps de la prière, aux cotés d’autres défenseurs des droits civils, le 1er février 1965, devant le Palais de Justice du Comté de Dallas (Alabama). Et il est essentiel de rappeler qu’il prie à cet instant. Autrement dit : qu’il ne se soumet qu’à Dieu. Car en cela, sa révolte est d’abord un amour, son humilité est un courage et sa génuflexion n’est qu’une meilleure façon de redresser la tête. Qui s’agenouille devant Dieu sait aussi s’insurger contre le mal que l’homme fait à l’homme : « Au coeur de ma révolte, écrivait Camus, dormait un consentement. » Au-delà des lois iniques, et d’une justice humaine qui croit se bander les yeux alors qu’elle est aveugle, il y a LA Justice, et le sentiment d’obéir à la nécessité quand on se décide à changer le monde. C’est en consentant à LA justice (divine) que Martin Luther King trouve la force de s’opposer à l’injustice légale. Camus encore (en substance) : c’est parce qu’il dit oui que l’homme révolté est en mesure de dire non. Le geste de Martin Luther King est la belle version d’Antigone (qui refuse la loi des hommes et se sacrifie au nom d’une loi supérieure, en bravant l’injuste interdiction d’enterrer son frère) : sa foi est, pour le meilleur, la source vive d’un courage qui défie l’injustice, qu’aucune menace n’intimide et qu’aucune police n’ébranle.
C’est dans ce sillage, sublime, que s’inscrit Colin Kaepernic qui, aux dépens de sa carrière, choisit (lors d’un match de préparation de la NFL) de s’agenouiller pendant l’hymne américain. La colère dont il témoigne est aux antipodes de la haine : « Je ne suis pas antiaméricain. J’aime les Etats-Unis (…) Je veux aider à rendre l’Amérique meilleure. » En somme, Kaepernic refuse d’aimer son pays aux dépens de la justice elle-même. Camus, toujours : dans les Lettres à un ami allemand, le philosophe écrit « je voudrais pouvoir aimer mon pays tout en aimant la justice. Je ne veux pas pour lui de n’importe quelle grandeur, fût-ce celle du sang ou du mensonge. C’est en faisant vivre la justice que je veux le faire vivre. » De fait, c’est mal aimer son pays que d’en gommer les infamies. C’est trahir sa nation que d’en masquer les crimes. Tout comme Martin Luther King affirmait paradoxalement la liberté en s’agenouillant devant Dieu, Kaepernic défend paradoxalement son pays en dénonçant ses crimes et en s’inclinant devant ses victimes. Son patriotisme est, à tous égards, plus respectable (et plus aimant) que les érections patriotiques d’un président qui croit défendre son pays quand il veut « virer » les « fils de pute » qui osent le critiquer.
C’est le même amour de son pays, exigeant et soucieux de justice, qui porta Willy Brandt à s’agenouiller devant le Mémorial du Ghetto de Varsovie en demandant pardon pour les crimes de l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. A ceci près que, tout comme les policiers américains qui, depuis quelques jours, à travers tout le pays, se mettent à genoux devant les manifestants, le chancelier ouest-allemand s’agenouillait en qualité de « responsable » et non plus de victime.
Aucun Blanc n’est responsable, en tant que Blanc, du crime raciste d’un autre Blanc
Et faites-vous une différence entre les génuflexions de Martin Luther King, de Kaepernic, de Willy Brandt ou des policiers américains, et celle des Blancs qui ont cru bon de s’agenouiller devant les Noirs de leur quartier (ou de leur immeuble) pour leur demander pardon ?
La différence est considérable. Qu’un athlète se sente responsable des injustices dont son statut le préserve, qu’un chancelier se sente responsable des atrocités commises par ses prédécesseurs nazis (et néanmoins élus), qu’un policier ait honte, en tant que policier, de voir un collègue assassiner un homme dans la rue, c’est une évidence. Dans les trois cas, la génuflexion est une élévation, une extension du domaine de la responsabilité aux hommes qui savent souffrir des douleurs qu’ils n’ont pas infligées ou qui leur ont été épargnées.
Mais qu’un Blanc ait honte, en qualité de Blanc, du crime raciste d’un autre Blanc, c’est une connerie. Pour une raison simple : on ne choisit pas la couleur de sa peau. Et, à moins d’avoir joui sans s’en indigner, en tant que Blanc, des privilèges d’une loi raciale (ce qu’on peut dire de certains Afrikaners ou de certains Américains jusque dans les années 60), aucun Blanc n’est responsable, en tant que Blanc, du crime raciste d’un autre Blanc. Il n’y a pas lieu de demander pardon à qui que ce soit, à ce titre.
Pour autant, ceux qui voient là-dedans du « racisme inversé » vont trop vite en besogne. Car l’Histoire existe, et elle doit peser dans l’évaluation d’une image : on ne peut pas mettre sur le même plan des Blancs qui s’agenouillent devant des Noirs et des Noirs qui s’agenouillent devant des Blancs. Des siècles d’esclavage et de tortures ne sont pas comparables à ce genre de cérémonies qui s’achèvent en général par une prière commune, où tout le monde est à genoux. Reste que, sans être le reflet des Noirs que leurs esclavagistes mettaient à genoux, les Blancs pénitents offrent une image détestable, dont la hideur saute aux yeux quand on la dépouille de ses bons sentiments.
C’est-à-dire ?
Que font des Blancs qui s’agenouillent devant des Noirs pour leur demander pardon ? Ils se reprochent d’avoir jusque-là bénéficié, à leur insu, de droits qui étaient refusés à leurs frères de couleur. Or, ces « droits », s’il existent, ne sont pas légaux. La ségrégation est révolue depuis longtemps aux Etats-Unis. Les « droits » dont ils parlent sont des usages, des moeurs, des pratiques et toutes les manies d’une société dont les couleurs se sont toujours vécues comme séparables. Il y a peut-être tout à changer dans la société américaine, mais il n’y a rien à abolir ici. L’ennemi n’est pas une loi. L’ennemi est une attitude. Et contrairement à une loi injuste qu’on peut abroger, une attitude est indéfiniment renouvelable. Il y aura toujours des Blancs racistes et des flics violents. De sorte que le sentiment d’un « racisme systémique » trouvera toujours, dans une sortie déplorable ou dans un crime abject, une raison d’être et de s’enflammer. Pour le dire autrement : la faute dont les « Blancs » croient endosser le fardeau est très exactement insoluble. Elle ne se dissout pas dans un changement qu’on pourrait identifier et qui permettrait de passer à autre chose. Au Blanc qu’on accuse (ou qui s’accuse) en tant que blanc d’être le complice de l’oppression systémique des noirs, aucune rédemption n’est promise. La plainte est infinie.
Comment pouvez-vous dire qu’aucune rédemption n’est promise, alors que l’enjeu est précisément de demander et d’obtenir le pardon des Noirs ?
Que font des Noirs qui reçoivent, debout, les supplications et les macérations de leurs frères blancs ? Et qui accordent leur pardon à des gens dont le crime n’est pas d’être coupables mais d’être blancs ? Ils accréditent l’idée que leur couleur est une faute. Ils se conduisent comme les gens qui disent « je ne déteste pas les homosexuels puisque j’ai en moi une grande faculté de pardon » (Christine Boutin). Le but d’un tel pardon n’est pas le pardon. Le but d’un tel « pardon » est d’étendre la culpabilité à l’infini, d’ancrer l’idée que la couleur des autres est une faute universelle (pour le dire comme l’impitoyable loup de La Fontaine : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. – Je n’en ai point. – C’est donc quelqu’un des tiens… ») et d’ajouter à la misère du pénitent la splendeur de leur propre clémence. Qui dit « je te pardonne » au type qui n’est pas coupable ne pardonne rien du tout, mais fabrique de toutes pièces une culpabilité infinie dont lui seul, par la grâce du pardon qu’il adore accorder, se trouve créditeur.
Donc, c’est une inversion du rapport de forces, qui ne résout pas le problème ?
Pas seulement. Dans ce combat déguisé en déclaration d’amour, les pénitents blancs n’ont pas dit leur dernier mot. Car de même qu’on écrase celui qu’on pardonne, on continue de traiter en enfant celui dont on implore le pardon. Que laissent-ils entendre, ces gentils blancs, en se sentant eux-mêmes coupables des crimes d’un autre blanc ? Qu’ils sont encore, en tant que blancs, responsables des malheurs de la communauté noire, qu’en somme ils sont de mauvais maîtres dont les anciennes victimes ont raison de se sentir irresponsables. Sous la génuflexion des Blancs, c’est la condescendance qui s’exprime. Sous cette pénitence monocolore, c’est encore le paternalisme qui parle. Bref, sous le spectacle merveilleux de gens qui se promettent de s’aimer, sous la contrition des repentants qui reçoivent l’absolution des mains de leurs victimes présumées, on assiste en vérité à la continuation de la guerre, sous d’autres formes, entre des communautés qui se prennent pour des identités. Toutes les conditions de la haine sont réunies dans cette image irénique. Tous les éléments du problème se trouvent à vif dans ce moment qui se vit comme une solution. En tout cas, on est bien loin de Martin Luther King, de sa génuflexion libératrice et, surtout, de « l’armée bi-raciale » qu’il appelle de ses voeux…
Chaque fois qu’un comité mélange les termes de « justice » et de « vérité », c’est que la vérité lui déplaît…
Le comité Adama a importé l’émotion suscitée par la mort de George Floyd en organisant une manifestation de 20 000 personnes devant le Palais de Justice, interdite pour des motifs sanitaires. Au-delà des cas distincts d’Adama Traoré et George Floyd, les situations en France et aux Etats-Unis sont-elles comparables ?
Il faut faire la différence entre les gens qui, de bonne foi, redoutent que la France ne devienne l’Amérique, et défilent (à bon droit) dans le but de conjurer cette possibilité, et certains organisateurs de la manifestation qui, en toute mauvaise foi, aimeraient que ce soit le cas, et rêvent que les situations soient identiques. Car elles ne le sont pas.
D’abord, quoiqu’on pense du « plaquage ventral », en l’absence d’images, et face à des expertises contradictoires, nul n’est en mesure, techniquement, à l’heure où nous discutons, d’affirmer qu’Adama Traoré a subi un sort comparable au martyre de George Floyd. Dans ces conditions, crier que c’est la « même chose », c’est faire offense à la mémoire des deux, en instrumentalisant la mort du premier, et en minorant, de fait, le calvaire du second.
Mais surtout : même si c’était le cas, même si Adama Traoré était tombé, comme c’est arrivé à Malik Oussekine, sur des policiers manifestement meurtriers, il n’y aurait pas moins de différences entre les Etats-Unis, où le communautarisme et l’attribution de droits spécifiques répondent au racisme (comme si le favoritisme rectifiait la haine, alors qu’il l’alimente), et notre sublime République, dont la raison d’être est de ne pas entrer dans ce jeu de miroirs, et dont la survie dépend de la capacité à ne pas céder à un engrenage où la haine répond à la haine, et l’identitarisme répond au racisme.
Le problème en France vient du fait qu’il existe objectivement des discriminations (sociales, morales et ethniques) à l’embauche, à la location ou à l’entrée des boîtes de nuit, mais que, comme par ailleurs, en République, sur le papier, « l’identité » sexuelle, religieuse ou ethnique n’est pas une sorte de handicap qui ouvre l’accès à des droits spécifiques, les gens qui sont victimes de discrimination ont l’impression – et en un sens à juste titre – que l’Etat les abandonne à leur sort. Et ils demandent à la loi de corriger ce qu’elle corrige déjà (mais qu’elle peine à rectifier en profondeur) en faisant du racisme un délit. En somme, ils demandent à la loi d’aller plus loin que l’affirmation abstraite de l’égalité entre tous les citoyens, pour s’en prendre à nos consciences de blancs et en extirper le racisme à la racine. Seulement, pour ce faire, pour qu’ils aient le sentiment que la loi s’attaque au « racisme systémique » en tuant nos « moeurs coloniales », il faudrait supprimer la présomption d’innocence, il faudrait systématiquement condamner pour racisme toute personne refusant un logement ou un emploi à une personne de couleur, imposer une parité sur fond de mélanine, et nantir légalement certains Français de privilèges qu’on refuserait aux autres. Bref, nous cesserions collectivement, et légalement, d’être libres et égaux. Comme tous les extrémismes dopés aux bons sentiments, ces adeptes croient démocratiser notre démocratie en la présentant comme un « Etat totalitaire et esclavagiste », alors qu’en demandant à la loi de corriger des consciences ou de réprimer des réflexes, c’est très exactement une dictature qu’ils appellent de leurs voeux.
Si la « communauté juive », par exemple, avait raisonné comme les manifestants du 2 juin, elle aurait vu dans les assassinats de Mireille Knoll, d’Ilan Halimi ou de Sarah Halimi l’expression d’un « antisémitisme systémique », et dans les atermoiements du Parquet la preuve qu’il n’y a aucune différence entre le régime de Vichy et la République. Or si, comme la négrophobie, l’antisémitisme est viscéral et éternel en France, il n’est pas douteux qu’il vaut mieux y être Juif (ou Noir) en 2020 qu’en 1940. Et que, si combat il y a, c’est un combat judiciaire et juridique qu’il faut mener. En France, l’antisémitisme est virulent, mais un policier juif n’est pas vu pour autant par d’autres Juifs comme un « vendu » qui travaille avec « l’Etat antisémite ».
Vous faites référence à la vidéo virale du policier noir que certains manifestants du 2 juin ont traité de « bounty » et de « vendu »…
Au début de son sketch sur le « CRS arabe », mimant un poivrot franchouillard, Coluche fait valoir qu’ « un bougnoule, c’est toujours un bougnoule, même en CRS ». Quelle différence avec les manifestants qui disent « Un flic, c’est toujours un flic, même noir » ? Comme, sous prétexte de « convergence des luttes », la guerre des races a remplacé, à gauche, la guerre des classes, la police qui a longtemps été présentée comme le bras armé d’un « Etat bourgeois » est devenue, aux yeux des mêmes et de leurs successeurs, le bras armé d’un « Etat raciste ». Un tel dogme a besoin d’un sophisme. Le sophisme est : il y a des crimes racistes dans la police française (ce qui est incontestable), donc LA police française est « systémiquement » raciste (ce qu’une grande majorité d’interpellations démentent). Un tel raisonnement n’est pas un raisonnement, mais l’érection illégitime de cas particuliers en une vérité générale et a priori qui ne voit dans les contre-exemples aucune objection mais qui, en revanche, à chaque drame, s’exclame « je vous l’avais bien dit ! »
En cela, il est symptomatique que le comité « Justice et vérité pour Adama » reprenne le nom du « Comité pour la vérité et la justice » crée par les maoïstes François Ewald et Serge July au moment de l’affaire de Bruay-en-Artois. Le but d’Ewald et July, à l’époque, était d’appeler au lynchage, et d’ancrer dans les consciences, à coup de témoignages de procès d’intention (« Il n’y a qu’un bourgeois pour faire ça ») et grâce aux sales méthodes du juge Pascal (qui, opposé au secret de l’instruction, diffusait les photos de l’arrestation du coupable présumé), le sentiment que le notaire Pierre Leroy était « par définition » le meurtrier de Brigitte Dewevre. Or, quel est le but du nouveau comité « vérité et justice » ? D’ancrer dans les consciences, à coup de manifestations aux slogans abstraits (« Pas de justice, pas de paix ! ») le sentiment que la police française est raciste et meurtrière. Chaque fois qu’un comité mélange les termes de « justice » et de « vérité », c’est que la vérité lui déplaît, et qu’il appelle « justice » l’autre vérité, la vérité qu’il exige, que cette « vérité » soit vraie ou non.
Reste qu’au-delà de sa sottise, le geste de traiter de collabo un flic noir est, de la part des manifestants, parfaitement contradictoire. Comment peuvent-ils déplorer la sous-représentation des Noirs dans les médias ou dans la fonction publique, tout en tenant un policier noir pour un vendu ou un « bounty » (noir dehors, blanc dedans) ? Là encore, le problème qu’ils posent est insoluble ! Comme une houle qui ne croise aucun récif, une telle plainte – qui laisse le choix entre le sentiment de ne pas être représenté et l’exclusion de ceux dont la carrière invalide ce sentiment – s’est arrangée pour ne rencontrer aucun obstacle sur le chemin de sa colère, et pour balayer comme autant d’apparences trompeuses et de trahisons discrètes l’ensemble des objections qu’elle reçoit.
On peut le comprendre : le problème des manifestants n’est pas que la France soit raciste. Leur problème est qu’elle ne l’est pas suffisamment. Et que, loin d’être l’avant-garde d’un monde meilleur, ils sont les fossoyeurs d’une démocratie qui n’a rien contre eux. On a tort, en cela, de qualifier de « débordements » les incidents qui ont émaillé ce rassemblement car, sans être planifiée bien sûr, la violence est inscrite dans l’esprit-même d’un telle manifestation. Pour une raison simple : celui qui manifeste contre un (imaginaire) « Etat raciste » ne vit pas sa propre violence comme un crime mais comme un geste libérateur. En réalité, plus que libératrice, la violence est créatrice. Comme le pardon du Noir au Blanc a aussi pour but de fabriquer l’éternelle culpabilité de ce dernier, la violence du manifestant ne sert qu’à témoigner de la violence qu’il a subie. Plus on casse des vitres, plus cela signifie qu’on est la victime d’un Etat raciste. Comme dit Virginie Despentes dans sa « Lettre à ses amis blancs » : « Comme si la violence ce n’était pas ce qui s’est passé le 19 juillet 2016. Comme si la violence ce n’était pas les frères de Assa Traoré emprisonnés… » C’est l’un des paradoxes, et pas le moindre, de l’hyper-démocratie victimaire où chacun voit ce qu’il veut : la violence réelle est masquée par la violence dont elle se prétend la conséquence… Pour le dire simplement : si je vous agresse, ça veut dire que VOUS êtes coupables et que JE suis victime, et que, pour cette raison, vous devez me comprendre avant de me juger, sous peine d’être un fasciste ! C’est parfait.
Virginie Despentes érige sa propre cécité en perception universelle
Camelia Jordana n’a pas tort de dire qu’il arrive, en France, d’être massacré par la police pour « nulle autre raison que sa couleur de peau ». Car une telle chose est déjà arrivée. Et arrivera de nouveau. Rarement. En revanche, Madame Jordana a tout à tort, à mon avis, d’en faire une loi, et d’ériger de rares tragédies en considérations générales sur l’âme du flic Français. Le problème n’est pas ce qu’elle dit, mais la valeur de vérité absolue qu’elle donne à ce qui (en ce qui la concerne) n’est même pas un témoignage. Car ce faisant, tout comme les blancs pénitents ou les manifestants du 2 juin, elle raisonne à l’envers : son diagnostic n’est pas un diagnostic mais une vérité a priori qui, pour cette raison, se donne comme infalsifiable. Comment voulez-vous contredire un sentiment ? Comment voulez-vous dire qu’elle a tort à une personne qui prend son impression pour la règle ? Un sentiment qui se prend pour une vérité dégénère inévitablement en dogme. Et un dogme est immunisé contre les objections. En particulier un dogme bien-pensant qui, pour devancer les coups, présente toute objection comme une abjection : si vous dites que Camelia Jordana a tort, c’est que vous fermez les yeux sur la violence que vous ne subissez pas. Bing. Que répondre à ça ? Camelia Jordana s’est proposée de débattre avec le ministre de l’Intérieur en personne, mais elle n’a pas ouvert le débat, elle a tué le débat en le réduisant à la défense (ou l’attaque) d’une opinion péremptoire ! Si, dans les échanges qui ont suivi ce qu’elle a dit, chacun est resté fermement campé sur son catéchisme et, loin de dialoguer, les antipodes n’ont fait qu’affirmer leur détestation mutuelle, c’est que les conditions du débat étaient absentes du débat. Débattre, ce n’est pas présenter ce qu’on croit comme une vérité absolue, pour mettre les autres, ensuite, au défi de nous donner tort. Débattre, c’est douter de ce qu’on croit au point d’écouter un autre discours que le sien. Peine perdue.
Si Virginie Despentes se promène dans les rues de Dakar, Bamako ou Kingston, elle aura plus de mal à oublier qu’elle est blanche. Est-ce à dire que le Sénégal, le Mali ou la Jamaïque sont racistes ? Et que les Noirs y sont privilégiés ?
Il y a d’autres choses, plus intéressantes, dans sa lettre. D’abord, cette phrase en apparence absurde : « En France nous ne sommes pas racistes mais je ne me souviens pas avoir jamais vu un homme noir ministre. » Les gens qui lui ont répondu en dressant la liste de tous ceux, de Gaston Monerville à Sibeth N’Diaye, dont le parcours contredit Virginie Despentes, commettent deux erreurs. La première est de rentrer dans son jeu, et de compter les noirs ministres (comme on compte les noirs à la télé, ou à la cérémonie des Césars), autrement dit : de transformer la couleur en critère d’évaluation. L’autre erreur est de la prendre au sérieux. Virginie Despentes n’est pas née demain. Elle sait très bien qu’il y a eu et qu’il y a des ministres « noirs » dans un pays où la couleur n’est pas une compétence. Seulement, elle ne les « voit » pas. La couleur de leur peau est masquée par leur costume républicain. Pour le dire simplement : puisqu’être noir empêche d’être ministre dans notre « France raciste », alors en devenant ministre, un noir cesse d’être noir. Comme le jour et la nuit, la fonction de ministre et la noirceur de la peau s’excluent aux yeux de la manichéo-daltonienne. On ne peut pas être l’un et l’autre. En cela, Virginie Despentes est bien fondée à dire qu’elle n’a « jamais vu » de ministre noir. Son erreur n’est pas de dire ce qu’elle sent, mais, comme Camelia Jordana, d’ériger sa propre cécité en perception universelle.
L’autre chose passionnante de cette lettre (dont je m’indigne que son auteure ne l’ait pas rédigée en écriture inclusive), c’est la comparaison qu’ose l’écrivaine entre Assa Traoré et Antigone. A première vue, elle n’a pas tort. Comme Antigone (qui brave la loi pour ensevelir son frère Polynice), Assa Traoré brave les institutions pour honorer la mémoire de son frère, le « premier homme » (Adama). Sauf que les deux situations et les deux héroïnes ne sont pas comparables. Du tout. Polynice, frère d’Antigone, n’est pas une (possible) victime de la police mais la victime de son propre frère, Etéocle, avec qui il s’est entretué devant les murs de Thèbes. Et nul ne menace, jusqu’à nouvel ordre, de « murer vivante » Assa Traoré si elle persiste à contredire la dernière expertise en date, comme Antigone fut murée vivante pour avoir enseveli son frère malgré l’interdiction de son oncle Créon, le roi de Thèbes. Enfin, comme le rappelle Despentes, « Antigone n’est plus seule. Elle a levé une armée. La foule scande : Justice pour Adama… » Mais Antigone à la tête d’une armée, ce n’est plus Antigone, c’est (peut-être) Créon !
« Qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi, des Noirs ? disait Gary dans Chien Blanc. Ce sont des hommes comme les autres. Je ne suis pas raciste »
Ancienne directrice du Bondy Blog, Nassira El Moaddem s’est plainte à la suite de sa désinvitation d’un plateau de télévision parce qu’elle faisait « doublon » avec une autre militante antiraciste, Maboula Soumahoro. N’est-ce pas une illustration de la logique identitaire à l’oeuvre aujourd’hui ?
Oui, ce serait drôle si ce n’était désolant pour Madame El Moaddem, que BFM a traitée comme une vieille chaussette. Mais à toute chose, malheur est bon : une telle mésaventure est aussi l’occasion donnée, pour l’intéressée, de comprendre qu’elle est exactement la victime de la logique identitaire qui lui fait dire, ordinairement, qu’on devrait inviter les « concernés » sur les plateaux de télé, qu’on est mal placé pour parler des problèmes qu’on ne rencontre pas, et qu’en somme, la couleur des gens est en elle-même une compétence. A ce compte-là, dans un monde où la couleur (appelée « identité ») est une garantie de l’opinion, il est normal qu’on désinvite Nassira El Moaddem au profit de Maboula Soumahoro, qui (aux yeux de certains) est une meilleure interprète dans le même rôle. Madame El Moaddem s’indigne qu’on lui dise que sa présence en plateau eût fait « doublon ». Elle a raison. C’est scandaleux. D’autant qu’elle avait certainement d’autres choses à dire que Madame Soumahoro. Mais quand on invite les gens à raison de leur allure et non de leur compétence, on se moque de ce qu’ils ont à dire, et des nuances éventuelles. « Noire, arabe, on s’en fout, tant que ça fait concerné » se dit-on dans les rédacs attentives à draguer une clientèle identitaire… Bref, c’est l’arroseuse arrosée. Madame El Moadden, qui a souvent été la victime du racisme, est pour la première fois peut-être, victime du racialisme. J’avoue ne pas voir la différence entre les deux, mais c’est probablement que je ne suis pas concerné. « Qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi, des Noirs ? disait Gary dans Chien Blanc. Ce sont des hommes comme les autres. Je ne suis pas raciste. » Si les journalistes avaient lu cette phrase, peut-être se seraient-ils mieux conduits ?
Justement, que peut nous apprendre Chien blanc, le roman de Romain Gary sur le racisme et l’antiracisme ?
Tout. Toutes les idées, toutes les aberrations et tous les protagonistes de l’époque que nous vivons se retrouvent dans ce chef-d’oeuvre de Gary, qui revient sur les émeutes raciales en Amérique à la fin des années 60.
Les Blancs paternalistes et pénitents qui portent comme une tare la couleur de leur peau et n’ont pas assez de genoux pour se soumettre ni de cendres à se mettre sur la tête y feront connaissance avec leurs ancêtres, « libéraux engagés dans la lutte pour les droits civiques » qui organisent des réunions dans la maison d’un professeur d’art dramatique dont l’enjeu est d’informer les blancs riches (à qui on soutire de l’argent) du « degré atteint par la haine des blancs dans le psychisme des enfants noirs » et où, pour ce faire, on fait venir des enfants noirs qu’une dame blanche oblige à dire, à contre-coeur, devant des militants blancs émerveillés, qu’elle est une « sale blanche », une « diablesse aux yeux bleus », et qu’il la « hait plus que tout « . Les mêmes trouveront en Jean Seberg (avec qui Romain Gary est marié et vit dans une villa à Los Angeles) leur Sainte-Patronne : car tous les jours, dans sa villa, Seberg accueille et subventionne des cohortes de groupuscules racialistes qui lui font les poches tout en la persuadant qu’elle ne donnera jamais assez.
Les gens qui prennent la France pour l’Amérique gagneront à suivre le Narrateur, que son parcours conduit des émeutes sanglantes en Californie aux gentilles barricades de Mai 68, pour comprendre que toutes les grenouilles ne deviennent pas des boeufs.
Les théoriciens de la convergence des luttes et les sociologues avides d’excuser les prédations en cas d’émeutes raciales ou sociales trouveront dans la description de la « société de provocation » un hymne à leurs certitudes : « J’appelle société de provocation toute société d’abondance qui se livre à l’exhibitionnisme constant de ses richesses et pousse à la consommation par la publicité… tout en laissant en marge une fraction importante de la population… » Comment s’étonner, se demande Gary, si « un jeune noir du ghetto, cerné de Cadillac et de magasins de luxe, bombardé par une publicité frénétique » finit par se ruer à la première occasion sur « les étalages béants derrière les vitres brisées » ?
Enfin, les gens qui traitent de « vendus » les policiers noirs, qui confondent George Floyd et Adama Traoré, les doctrinaires d’un « Etat systémiquement raciste », bref, les gens qui croient qu’on corrige le racisme en inversant le rapport de forces entre deux communautés trouveront leur ancêtre véritable en la personne de Keys, le gardien de zoo dont tout le travail consiste, par la peur, à transformer un chien dressé pour tuer les noirs en un chien dressé pour tuer les blancs. C’est même l’humanité tout entière qui trouve un reflet sans appel dans la tragédie du berger Allemand Batka à qui son maître, Gary, veut apprendre à « mordre tout le monde » et « pas seulement les noirs », alors que Keys veut en faire un « chien noir. » Or, c’est Keys qui l’emporte, et au lieu de mordre (et d’aimer) tout le monde, Batka se met à mordre uniquement les Blancs. A l’issue de ces métamorphoses, ne sachant plus où donner des dents, et à l’image d’une République qu’on croit pacifier en la présentant comme une dictature, le chien meurt de douleur et d’indécision devant la porte de l’ancien maître qu’il n’arrive pas à vouloir mordre. Voici l’oeuvre de Keys. Et après lui, de tous les militants qui communautarisent le rapport de forces et croient que la haine autorise la haine : « Des Noirs comme vous, dit Gary, qui trahissent leurs frères en nous rejoignant dans la haine, perdent la seule bataille qui vaille la peine d’être gagnée. »
En réponse aux dérives identitaristes de la gauche américaine, une cinquantaine d’intellectuels essentiellement afro-américains sonnent la révolte.
C’est le premier grand coup porté à la gauche racialiste américaine. Depuis les années 1970, ses représentants, universitaires et militants (les deux vont souvent de pair), ne ménagent pas leur peine pour imposer leurs représentations comme grille de lecture exclusive des phénomènes sociaux. Si, depuis lors, leurs idées ont incontestablement progressé, allant jusqu’à irriguer le débat public en France, elles se heurtent aujourd’hui à la résistance d’un projet intellectuel ambitieux. 1776, en référence à la déclaration d’indépendance des États-Unis, est une réponse d’intellectuels essentiellement afro-américains à une initiative commune du New-York Times et de plusieurs historiens noirs, visant à réécrire l’histoire américaine à la lumière de l’esclavage.
Une falsification de l’histoire
Tout commence au mois d’août 2019, lorsque le quotidien new-yorkais aux opinions très-avancées développe le projet 1619. Dans une édition spéciale de 100 pages, publiée à l’occasion des 400 ans de l’arrivée des esclaves africains en Amérique, le New York Times Magazine propose une relecture de la fondation des États-Unis « telle qu’elle s’est véritablement déroulée » — le ton est donné.
Cette vaste entreprise de rééducation idéologique, bouffie de repentance, entend faire de l’arrivée en bateau d’une vingtaine d’esclaves africains à Port Comfort en Virginie (Colonie britannique d’Amérique du Nord, NDLR), « le véritable acte de naissance de l’Amérique ». Dans la classe politique et les cénacles académiques, le projet reçoit un accueil mitigé. De nombreux historiens s’émeuvent d’un détournement voire d’une falsification de l’histoire au nom de l’idéologie raciale. Toutefois, l’influence du Times est telle que ces observations critiques sont remisées à l’arrière-plan. Conçu à l’origine comme un projet médiatique interactif, composé de productions diverses (essais, poésies, photographies, articles…), 1619 se mue en une puissante machine à propagande. Le journal noue ainsi une collaboration avec le très “inclusif” Pulitzer center pour porter ce projet dans les écoles, bibliothèques et musées ; plusieurs centaines de milliers d’exemplaires du magazine et un supplément spécial y ont été distribués gratuitement. Last but no least, l’initiatrice du projet Nikole Hannah-Jones, réalise une tournée nationale de conférences dans les écoles pour expliquer à son jeune public que « le racisme anti-noir se trouve dans l’ADN même de ce pays ».
Pendant plusieurs mois, à grand renfort de matraquage publicitaire, 1619 impose son point de vue à la société américaine : l’histoire des États-Unis doit être exclusivement comprise comme une lutte des Blancs pour l’hégémonie et une dévalorisation systémique des noirs. Naturellement, quiconque récuse ce récit mythologique raciste passe pour blasphémateur.
Projet contre projet
Devant la réécriture et la confiscation de l’histoire des États-Unis par des idéologues obnubilés par la question raciale, une cinquantaine d’intellectuels, essentiellement afro-américains, ont décidé de se soulever. En janvier 2020, Robert Woodson, figure chrétienne conservatrice et ancien conseiller de campagne George W. Bush lance le projet 1776 en réponse à 1619. Cette fois, les grands médias ne se pressent pour relayer cette initiative portée en partie par des historiens universitaires.
Loin d’eux l’idée de nier le passé esclavagiste des États-Unis, simplement, ils contestent l’idée selon laquelle l’asservissement des noirs constitue l’alpha et l’oméga de l’histoire du pays. Car pour parvenir à une telle conclusion, les promoteurs du projet 1619 ont eu recours à un grand nombre de sophismes et de falsifications. Entre autres contre-vérités, l’on apprend ainsi que, de tout temps, les noirs Américains ont combattu seuls pour leur liberté, que la guerre de Sécession est sans lien avec la libération des esclaves ou encore que le maintien de l’esclavage est le principal moteur de la guerre d’indépendance – cette liste n’est pas exhaustive.
Les auteurs du contre-projet 1776 soutiennent a contrario que les inégalités structurelles qui persistent aux États-Unis résultent moins d’un problème de race que d’une logique de classes. Aussi, sont-ils pour le moins hostiles à un mouvement comme Black Lives Matter et les concepts qu’il charrie : appropriation culturelle, privilège blanc, racisme institutionnel, fragilité blanche. Selon eux, cette grille de lecture ethnocentrée est une machine à créer du ressentiment et de la culpabilité, là où la solution se trouve dans la solidarité interraciale.
Deux semaines après la mort de George Floyd et les émeutes raciales qui s’en sont ensuivies, la confrontation entre ces deux visions résonne avec une certaine acuité. Au fond, les États-Unis ont désormais le choix entre deux projets de société : le premier, pétri de “bonnes intentions” — donc de racisme compassionnel – considère les afro-américains comme un bloc monolithique d’individus, victimes par essence et mus par les mêmes aspirations. Le second, refuse les assignations identitaires, croit au libre arbitre et défend une vision unitaire de la société. Entre le New York Times et l’universalisme, il faut choisir.
When I traveled to Africa back in 1970, it was partly because I had been more and more seduced by this great looming idea of America’s characterological evil. It was such a summary judgment, and, at the time, still new and audacious. It had not existed in the original civil rights movement of the 1950s and early 1960s. Martin Luther King Jr. had never charged America with an inherent and intractable evil. He had lived in good faith with America, believing in reform and the innate goodwill of the American character, even as he also lived under constant threat of assassination. Still, when his assassination actually came to pass—with almost macabre predictability—young blacks, like myself (and many whites as well), saw it as a final straw. The evil character of America would always prevail over decency.
I came of age—in my early twenties—precisely when this idea began to take hold. Suddenly it was everywhere among the young. Belief in America’s evil was the new faith that launched you into a sophistication that your parents could never understand. And in linking you to the disaffection of your generation, it made youth itself into a group identity that bore witness to the nation’s evil and that, simultaneously, embraced a new “counterculture” innocence. Coming out of this identity, you owed nothing to your parent’s conventional expectations for your life. You could go to medical or law school if you wanted, but you could also roll in the mud at Woodstock, do drugs, or join a commune.
A result of this generation’s explicit knowledge of America’s historical evils was to make social and political morality a more important measure of character than private morality. In the 1950s, your private morality was the measure of your character; in the 1960s, your stance against war, racism, and sexism became far more important measures—so important that you were granted a considerable license in the private realm. Sleep with whomever you wanted, explore your sexuality, expand your mind with whatever drug you liked, forgo marriage, follow your instincts and impulses as inner truths, enjoy hedonism as a kind of radical authenticity. The only important thing was that you were dissociated from American evil. Dissociation from this evil became a pillar of identity for my generation.
But I was from the working class. I had put myself through college. I couldn’t afford to bank my life on the dramatic notion that America was characterologically evil unless it was actually true. Africa was a continent full of new countries that had banked their fate on precisely this view of their former oppressors. I wanted to see some of these countries then led by a generation of charismatic men who had won hard-fought revolutions against their Western oppressors—Jomo Kenyatta of Kenya, Kwame Nkrumah of Ghana, and Léopold Sédar Senghor of Senegal. They were all seen as redeemers— redeemers—the selfless founding fathers of newly independent nations. And, having thrown off the yoke of colonialism, there was the expectation that their countries would begin to flourish.
But in fact, they were not flourishing. We left Algeria in the middle of the night and landed the next morning on the other side of the Sahara Desert in Lagos, Nigeria, where we—along with all the passengers on our flight—were held at gunpoint in the airport for several hours for mysterious reasons having to do with the Biafran War. Finally, we made it to Nkrumah’s Ghana, which only looked more and more bedraggled and directionless—a sharp contrast to the revolutionary glory that Kwame Nkrumah had projected around the world. (Kwame was fast becoming a popular name for male babies among black Americans.) Food was scarce and unrelievedly bad even in the American hotel in the capital city of Accra. You saw chickens pecking for food in open sewers, and then at dinner, you wondered at the gray meat on your plate smothered in nondescript brown gravy. Then there were ten days in Dakar, Senegal, where Senghor, the father of “negritude,” was president. But it wasn’t “negritude” that made Dakar a little more bearable than Accra. There were still some French there, and it was their fast-fading idea of Dakar as an African Paris that meant better food and the hint of café society.
The Africa we saw was, at best, adrift. The Africans themselves—as opposed to the Middle Eastern and European shopkeepers and middlemen—looked a little abandoned. Today I would say they were stuck in placelessness. They obviously didn’t want to go back to their colonial past, yet, except for a small, educated elite, they had no clear idea of how to move into the future. They had wanted self-determination, but they had not been acculturated to modernity. How does one do self-determination without fully understanding the demands of the modern world?
In Dakar, an enterprising middle-aged man—someone who would surely have owned his own business had he been born in America—appeared every day outside our hotel trying to sell us the same malformed and unfinished wooden sculpture. Every day a different story and a different price attached to this “sculpture.” The man was charming and quick, but I also sensed anger and impatience just beneath the surface. He scared me a little. One morning, out of sheer frustration, I gave him five dollars (a lot of money then), but then walked away without taking the sculpture. Within a minute, I felt a tug on my sleeve. Angrily, he pushed the money and the ugly little sculpture back into my hands—as if to be rid of not only me but also a part of himself he couldn’t stand. Then he stormed off. I had hurt his pride, and I felt terrible. I chased him down, gave him the money again, and took the sculpture (which I have to this day). His umbrage was still visible, but he accepted the deal.
In 1970, I had no way of understanding an encounter like this. Now a few things are clear. I was conspicuously American. My voluminous Afro only drove that point home. Thus I was an emissary from modernity itself. When I gave him money without taking his sculpture, I didn’t just devalue him and his culture; I virtually mocked his historical circumstance by reminding him of what he already knew: that he was outside of history, that he was not of the modern world and had nothing really to offer me that I wanted or needed. Yes, the world by then knew that African art could be world-class. Picasso, among others, had brought its genius to the West. But he would not have known about Picasso or even much about the art of woodcarving within his own culture. He wanted to be a tradesman, a businessman. But his ignorance even of what he was selling sabotaged his entrepreneurialism. So when I gave him money but rejected his statue, I treated him like a beggar to whom one gives alms, not like a businessman.
And wouldn’t a man like this—and the millions like him all across Africa, the Middle East, and the Third World generally—soon be in need of a politics to fight back with. Wouldn’t he need a political identity that lessened the sting of his individual humiliation by making him a member of an aggrieved collective? Wouldn’t some ideology or other—nationalism, cultural nationalism, pan-Africanism, some version of Marxism, negritude, Islamism, jihadism, any idea of “unity” that merges the individual with the group—come into play to console individual alienation by normalizing it, by making it a collective rather than individual experience? Your humiliation does not reflect on you. You languish outside of history—hawking shapeless pieces of ebony on the streets of Dakar—because you belong to a people who were pushed out of history and exploited, first by colonialism and then by neocolonialism.
Placelessness literally demands a political identity that collectivizes people, one that herds them into victim-focused identities and consoles them with a vague myth of their own human superiority. Léopold Senghor, the first president of newly independent Senegal and the father of “negritude,” said, “Far from seeing in one’s blackness inferiority, one accepts it; one lays claim to it with pride; one cultivates it lovingly.” Marcus Garvey, a popular racialist black American leader in the 1920s, said, “Negroes, teach your children that they are the direct descendants of the greatest and proudest race who ever peopled the earth.” The Islamic extremism that so threatens the world today operates by the same formula: devout followers of Allah are superior to their decadent former oppressors (mere infidels) in the West. The feminism that came out of the 1960s argued that if women were victimized by male chauvinism, they were also superior to men in vital ways. (“If women ruled the world there would be no wars” was a feminist mantra in the 1970s.)
All these identities assign a “place” against the experience of placelessness by giving the formerly oppressed an idea both of their victimization and their superiority. This “places” them back into the world and into the flow of history. You are somebody, these identities say. You were simply overwhelmed by your oppressor’s determination to exploit you. Thus the consoling irony at the heart of victimization: you possess inherent human supremacy to those who humiliated you.
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But there is a price for this consolation: all these victim-focused identities are premised on a belief in the characterological evil of America and the entire white Western world. This broad assumption is the idea that makes them work, which makes for that sweet concoction of victimization and superiority. So the very people who were freed by America’s (and the West’s) acknowledgment of its past wrongs then made that acknowledgment into a poetic truth that they could build their identities in reaction to. Once America’s evil became “poetic” (permanently true), the formerly oppressed could make victimization an ongoing feature of their identity—despite the fact that their actual victimization had greatly declined.
And think of all the millions of people across the world who can find not only consolation in such an identity but also self-esteem, actual entitlements, and real political power—and not just the poor and dark-skinned people of the world but also the Park Avenue feminist, the black affirmative-action baby from a well-heeled background, and white liberals generally who seek power through an identification with America’s victims. Today, all these identities are leverage in a culture contrite over its past.
The point is that these identities—driven by the need for “place,” esteem, and power—keep the idea of American/ Western characterological evil alive as an axiomatic truth in the modern world, as much a given as the weather. In other words, this charge of evil against the white West is one of the largest and most influential ideas of our age—and this despite the dramatic retreat of America and the West from these evils. The scope and power of this idea—its enormous influence in the world—is not a measure of its truth or accuracy; it is a measure of the great neediness in the world for such an idea, for an idea that lets the formerly oppressed defend their esteem, on the one hand, and pursue power in the name of their past victimization, on the other. It is also an idea that gave a contrite white America (and the Western world) new and essentially repentant liberalism.
In this striking vision of the white Western world as characterologically evil, both the former dark-skinned victims of this evil and its former white perpetrators found a common idea out of which to negotiate a future. This vision restored esteem to the victims (simply by acknowledging that they were victims rather than inferiors) and gave them a means to power; likewise, it opened a road to redemption and power for the former white perpetrators. This notion of America’s characterological evil became the basis of a new social contract in America.
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Not much of this was clear to me in 1970 as we traveled through Africa. But one thing did become clearer as the trip progressed. Back home, I had been flirting with real radicalism—not radicalism to the point of violence, but radicalism nonetheless. For me that meant living a life that would presume America’s evil and that would be forever disdainful toward and subversive of traditional America. It meant I would be a radical liberal living in bad faith with my country—“in it but not of it,” as we used to say back then. So here in my early twenties I genuinely wondered if the subversive life wasn’t the only truly honorable life. Wouldn’t it be “selling out” (the cardinal sin of the counterculture) to look past America’s evil and cast my fate in the mainstream?
On some level I knew, even at the time, that the trip to Africa was an attempt to resolve this dilemma. I wanted to see real radicalism in the faces of people in a society where it had actually come to hold sway. I wanted to see what it looked like as a governing reality in a real society. And this is pretty much what I accomplished on that trip. I didn’t understand placelessness at the time, or the pursuit of esteem through grandiose identities. But, beginning with our encounter with the Black Panthers in Algiers, I knew that I was seeing what I needed to see. And I began to feel a growing certainty within myself. My dilemma was resolving itself. The more we traveled—a month and a half in all—the firmer my certainty became. And when we at last boarded the plane in Dakar headed for New York, I felt at peace. I was clear. The American mainstream would be my fate.
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The clarity I found that trip was based on one realization: I learned that America, for all its faults failings, was not intractably evil. In the Black Panther villa in Algiers, on those balmy afternoons eating the local shrimp, I spent time with the people who banked their entire lives on America’s inherent evil—and on the inherent evil of capitalism. On one level, they were glamorous figures, revolutionaries ensconced in a lavish villa provided by the new radical government of Algeria. The impression was of a new and more perfect world order just around the corner, and these special people with the moral imagination to see it coming would soon be marching in victory.
Yet I could see that as human beings they were homesick and in despair. As revolutionaries, they were impotent and hopelessly lost. It was like seeing a pretty woman whose smile unfolds to reveal teeth black with rot. They had no future whatsoever, and so they were chilling to behold. We had all grown up in segregation. We all had war stories. And we all had legitimate beefs against America. But to embrace the idea that America and capitalism were permanent oppressors was self-destructive and indulgent. It cut us off from both the past and the future. It left us in the cul-de-sac of placelessness, though I could not have described this way at the time. But I could see even then that someone like DC had gotten himself into the same cul-de-sac as the street hawker selling chunks of wood as art in Dakar. They were both languishing in a truly existential circumstance. And they were both consoled by a faith in the evil of America and the West.
Looking back, I now think of DC as a cautionary tale, an essentially softhearted man who had allowed himself to be captured by a bad idea—that his country was irretrievably evil. Unlike most other Black Panthers, he ended up living and long—if strained—life. Soon after I met him, the Algerian government began to tire of supporting the Black Panthers in their fast-fading glory while so many Algerians languished in poverty. At the end of July 1972, another American black, George Wright, along with four other men and women, hijacked a plane in America en route to Miami and then extorted a $1 million ransom from the Federal Bureau of Investigation. The hijackers ordered the pilots to take them to Boston and then Algeria. Eldridge Cleaver wanted the money and wrote an open letter to Houari Boumediene, the president of Algeria, in effect asking the government to continue supporting the cause of black American liberation. But the Algerian government recovered the ransom money and returned it to American authorities. Algeria’s romance with the black American revolutionaries was over.
DC, who by then had made hay of his French lessons, made his way to France, where he lived for the rest of his life in exile from America and the San Francisco Bay Area that he so loved. Wanted always by the FBI, he lived an underground life even in France. He worked as a house painter in Paris and did other odd jobs. He ended up in Camps-sur-l’Agly, France, where, at the age of seventy-four, after a day spent working in his garden, he apparently died in his sleep.
I was lucky. After one of my radical kitchen-table rants against America toward the end of the 1960s, my father—the son of a man born in slavery—had said to me: “You know, you shouldn’t underestimate America. This is a strong country.” I protested, started on racism once again. He said, “No, it’s strong enough to change. You can’t imagine the amount of change I’ve seen in my own lifetime.
Over the years, I have repeatedly warned in these columns that the refusal of the political establishment to defend the integrity of the western nation and its culture has opened the way for noxious forces to occupy the vacuum.
We’ve seen this in both the spread through the west of jihadi Islam and the rise across Europe of political parties and groups with racist or fascist backgrounds and antecedents.
In the current convulsions triggered by the violent death of George Floyd in American police custody, this baleful development has reached a crisis point.
As The Times reports today, thuggish groups across the country have begun organising to “protect” monuments and war memorials after statues of Winston Churchill and Queen Victoria were defaced, the Cenotaph in London attacked and other statues, including the one of Sir Francis Drake in Plymouth, vandalised.
This isn’t remotely surprising. The establishment is effectively standing back from, or even condoning or actively assisting, a sustained and organised onslaught which is taking place against not just a number of stone images but a culture’s historic memory.
The stage is therefore set for a confrontation in which violent thugs from the right pitch themselves against violent thugs from the left – with the political establishment having fled the cultural battleground in order to cower, wringing its hands, at a distance.
Following the toppling and dumping in Bristol harbour of the statue of slave trader and philanthropist Edward Colston, an act of vandalism and criminal damage with which the area’s police superintendent sympathised and about which he said the police were right to do nothing, an activist group called “Topple the Racists” has drawn up a list of about 60 memorials associated with slavery or colonialism which it wants destroyed. Falling meekly or even enthusiastically into line, 130 local councils run by the Labour party are to consider which ones they think should be removed on the grounds of “inappropriateness”.
In 2001 in Afghanistan, the Taliban pulled down ancient statues including the world’s tallest standing Buddhas. This was greeted with utter horror in the west. It rightly described the outrage as a crime against historical memory, an attempt to destroy a culture by erasing the evidence of its history and replacing that culture by a fanatical dogma that brooked no challenge.
Yet now the British establishment is kow-towing to a movement which is behaving like the Taliban, pulling down statues and other artefacts in order to erase aspects of British history as the product of a rotten society that’s institutionally racist and so must be supplanted by another.
The death of Floyd, under the the knee of a police officer who pressed down on his neck for almost nine minutes, was shocking and it’s right that this officer and three others involved in this death are being brought to justice.
And of course there’s racial prejudice in Britain. But so there is in every single society, in the developing world as well as in the west. Slavery was not invented by the west but has been practised across the world. It was the British and Americans who, having participated in it, eventually abolished it in their societies, while it remains practised in parts of the developing world even today.
The smear that the west is institutionally racist is designed to both facilitate and obscure the real agenda of overturning capitalist society because it is white and therefore deemed intrinsically evil – which of course is itself a racist agenda.
Yet instead of resisting this ignorant and wicked movement, its appeasers have been literally abasing themselves before the mob.
In the past, violent anti-white racism was represented by the black power movement. Despite the support of certain posturing celebrities, black power activists were generally perceived as dangerous, violent, far-left troublemakers. It would have been unthinkable for mainstream British politicians, let alone the police, to give the clenched fist black power salute. That would have been regarded as treasonous insurrection.
Yet an updated version of this is precisely what’s been happening in Britain. The new Labour Party leader, Sir Keir Starmer, and his deputy, Angela Rayner, released a picture of themselves supporting Black Lives Matter, the activist group behind many of these demonstrations, by “taking the knee”, the gesture promoted by certain black American footballers to show their contempt for white society and America.
In similar fashion, no less than the chief constable of Kent “took the knee” along with numerous other police officers – some as the direct result of mass bullying. At Oriel college, Oxford, which for years has been resisting a campaign to remove its statue of Cecil Rhodes, demonstrators renewing their campaign chanted “Kneel, kneel, kneel” – and a police officer duly sank down on one knee.
These people have all been literally kneeling down in submission to an ideology which is anti-white and anti-west – and at the direction of Black Lives Matter, a racist, anti-white, anti-west violent revolutionary movement whose aim is the overthrow of white western society.
These images of the British police symbolically capitulating to the erasure of British history and the defamation of the west have furnished sickening evidence that many of those tasked with protecting society have surrendered instead to cultural terrorism.
Meanwhile, anyone who opposes this dogma of black victimology and points out the defamatory lies at its core will be called a racist and their livelihood placed in jeopardy.
In America, people are losing their jobs for even questioning any of this. The prominent footballer Drew Brees, who despite publicly opposing racism also opposed taking a knee during the playing of the national anthem on the grounds that he would “never agree with anybody disrespecting the flag of the United States of America”, was forced to apologise in a display of ritual humiliation.
On Twitter, the malevolent, the moronic and the mentally unhinged are out in force similarly seeking to intimidate, smear and ruin any who stand up to this cultural totalitarianism.
And then there’s the deeply sinister Commission for Diversity in the Public Realm set up by London’s mayor, Sadiq Khan, to consider the appropriateness of the capitals’ statues, murals, street names and other memorials.
Channelling Mao, the Taleban and the French revolutionary terror, Mayor Khan can surely leave no-one in any doubt that this committee will reduce diversity by aiming selectively to erase those bits of British history of which it disapproves. In Khan’s words: “…our statues, road names and public spaces reflect a bygone era. It is an uncomfortable truth that our nation and city owes a large part of its wealth to its role in the slave trade…”
So the Mayor of London now stands revealed as someone who hates his nation. For if it was indeed created, as he so misleadingly claims, by a great evil then how can it be anything other than evil itself? Feeling at last the wind in his sails supplied by the rage and contempt of the mob on the streets, he intends to abolish the nation’s birthright to the evidence of its own past and construct its future in the image he will determine.
So will this commission erase memorials to all historic British figures with an obnoxious side to their achievements? Will its destroy the statues of the Labour politicians Keir Hardie or Ernest Bevin, or Karl Marx, who were all antisemites?
Or the playwright George Bernard Shaw who promoted eugenics? Or the parliamentary titan Oliver Cromwell who massacred the Irish? Or Britain’s greatest Liberal prime minister, William Gladstone, whose family, like so many prominent people in previous, very different era was involved in slavery?
That last question already has an answer. Liverpool university has agreed yesterday to rename its Gladstone Hall, which houses student accommodation. Bim Afolami, the Tory MP for Hitchin and Harpenden, tweeted in response: “This is all going completely nuts. When will this stop??”
When indeed. As George Orwell wrote in 1984 about a state under totalitarian tyranny: “Every record has been destroyed or falsified, every book rewritten, every picture has been repainted, every statue and street building has been renamed, every date has been altered. And the process is continuing day by day and minute by minute. History has stopped. Nothing exists except an endless present in which the Party is always right.”
Or as the future US president Ronald Reagan said even more pertinently in 1975: ‘If fascism ever comes to America, it will come in the name of liberalism”.
Well, here it is, on both sides of the pond.
Bad things happen not just because bad people do them but because otherwise decent people lack the courage to stop them; or because they indulge in fantasies that the agenda is basically good but has been “hijacked” by a few thugs; or that they agree with the ends but purse their lips at the violent means; or because of a myriad other excuses that the spineless and the misguided always provide for “taking a knee” to the destroyers of worlds.
George Floyd moved to Minnesota to start a new life shortly after being released from prison in Texas, but his pursuit of a better life ended tragically when he died during a violent arrest, according to court records obtained by DailyMail.com.
Floyd was left gasping for breath when a white officer kneeled on his neck for eight minutes while arresting him for allegedly paying with a fake $20 bill at a convenience store on Monday evening.
All four cops involved in his arrest have been fired as outraged citizens across the country demand they be charged over the father-of-two’s death.
None of the officers could have been aware of Floyd’s more than a decade-old criminal history at the time of the arrest.
The 46-year-old moved to the city in 2014 and worked as a bouncer at a local restaurant, leaving behind his past in the Houston area.
Floyd had made changes to his lifestyle and a recent video has emerged of him pleading with younger generations to make good choices and to stop gun violence.
He had been there himself years ago, first being arrested in his 20s for theft and then a later arrest for armed robbery before he turned his life around.
George Floyd moved to Minnesota to start a new life shortly after being released from prison in Texas, but his pursuit of a better life ended tragically when he died during a violent arrest, according to court records obtained by DailyMail.com
Floyd had been sentenced to five years in prison in 2009 for aggravated assault stemming from a robbery where Floyd entered a woman’s home, pointed a gun at her stomach and searched the home for drugs and money, according to court records
Floyd had at least five stints in jail. In one of the charging documents, officials noted Floyd had two convictions in the 1990s for theft and delivery of a controlled substance, but it is not clear if Floyd served any time for either of those offenses
All four cops involved in his arrest have been fired as outraged citizens across the country demand they be charged over the father-of-two’s death. None of the officers could have been aware of Floyd’s more than a decade-old criminal history at the time of the arrest
Floyd had moved to Minneapolis in 2014 to start fresh and find a job but was left gasping for breath when a white officer knelt on his neck for eight minutes while arresting Floyd for allegedly paying with a fake $20 bill at a convenience store on Monday evening
The final straw for Floyd came after serving five years in prison in 2009 for aggravated assault stemming from a robbery in 2007 where he entered a woman’s home, pressed a gun into her stomach and searched the home for drugs and money, according to court records.
Floyd pleaded guilty to the robbery where another suspect posed as a worker for the local water department, wearing a blue uniform in an attempt to gain access to the woman’s home, according to the charging document.
But when the woman opened the door, she realized he was not with the water department and attempted to close the door, leading to a struggle.
At that time, a Ford Explorer pulled up to the home and five other males exited the car and went up to the front door.
The report states the largest of the group, who the victim later identified as Floyd, ‘forced his way inside the residence, placed a pistol against the complainant’s abdomen, and forced her into the living room area of the residence.
‘This large suspect then proceeded to search the residence while another armed suspect guarded the complainant, who was struck in the head and sides by this second armed suspect with his pistol while she screamed for help.’
Not finding any drugs or money at the house, the men took jewelry and the woman’s cell phone and fled in their car. A neighbor who witnessed the robbery took down the car’s license plate number.
Later, police tracked down the car and found Floyd behind the wheel. He was later identified by the woman as the large suspect who placed a gun against her stomach and forced her into her living room, the document states.
The 46-year-old was working as a bouncer at a local restaurant and known in local music circles, leaving behind his past in the Houston area where he had just been released from jail
Floyd served 10 months at Harris County jail for a theft offense
Floyd pleaded guilty to the first degree felony and was sentenced in April 2009 to five years in prison.
Prior to that, Floyd was sentenced to 10 months in state jail for possession of cocaine. He had been charged in December 2005 for having less than one gram of the controlled substance.
However, a few months later the charge was updated to possession with intent to deliver a controlled substance, amending the amount Floyd allegedly had to more than four grams of cocaine.
But according to court records, Floyd was able to have the charge reverted back to possession of cocaine less than a gram.
Floyd had two other cocaine offenses, receiving an eight month-sentence stemming from an October 2002 arrest and was sentenced to 10 months from a 2004 arrest.
Floyd was arrested in April 2002 for criminal trespassing and was sentenced to 30 days in jail.
He did another stint for theft with a firearm in August 1998. He served 10 months at Harris County jail.
In one of the charging documents, officials noted Floyd had two convictions in the 1990s for theft and delivery of a controlled substance, but it is not clear if Floyd served any time for either of those offenses.
Despite his checkered past, it seems that Floyd had turned his life around before his death on Monday. A heartbreaking video emerged online of Floyd encouraging the younger generation to put an end to gun violence
Floyd was arrested in April 2002 for criminal trespassing and was sentenced to 30 days in jail
After his last arrest in 2007, Floyd moved to Minneapolis in 2014 shortly after his prison release.
Christopher Harris, one of Floyd’s lifelong friends, said Floyd moved to the city to start over to find a job, telling the Atlanta Journal Constitution: ‘He was looking to start over fresh, a new beginning. He was happy with the change he was making.’
Indeed, it seems that Floyd had turned his life around before his death on Monday.
A heartbreaking video emerged online of Floyd encouraging the younger generation to put an end to gun violence.
The undated video was circulated on Twitter on Wednesday as protesters descended on the streets of Minneapolis for a second night calling for the arrest of the cops involved in his death.
Floyd is seen addressing the camera directly as he speaks out about the need for gun violence to end.
‘It’s clearly the generation after us that’s so lost, man,’ he says before telling them to ‘come home’.
Christopher Harris, one of Floyd’s lifelong friends, said Floyd moved to the city to start over to find a job, telling the Atlanta Journal Constitution: ‘He was looking to start over fresh, a new beginning. He was happy with the change he was making’
Floyd, a father of two, died after a white police officer knelt on his neck for eight minutes in an incident that was captured on video and has sparked violent protests and riots in the city that left one looter dead.
In widely circulated footage of his arrest, Floyd was seen on the ground with his hands cuffed behind his back as white officer Derek Chauvin pinned him to the pavement until he lost consciousness and later died.
Minneapolis Mayor Jacob Frey said on Thursday that he considers Floyd’s death to be a murder.
‘I’m not a prosecutor, but let me be clear. The arresting officer killed someone,’ he told CBS.
‘He’d be alive today if he were white.’ The facts that I’ve seen, which are minimal, certainly lead me down the path that race was involved.’
Hourra ! Le peuple des États-Unis est en ébullition. Eh ! Vous ! Ceux qui avez trouvé la révolution citoyenne au Soudan trop exotique pour vous concerner, la révolution citoyenne à Beyrouth et à Alger trop arabes, celle du Chili trop latino, celle de Hong-Kong trop asiatique pour vous représenter ! Vous qui ne savez pas qu’il existe des synchronies discrètes mais avérées entre l’Argentine ou le Chili et la France, entre les Caraïbes et l’Île-de-France, entre Dakar et Paris, voyez ! voyez ! L’ère du peuple joue de la grosse caisse à Washington et la révolution citoyenne est dans les rues de New York. La gilet-jaunisation est entrée au cœur de l’Empire. Voici que surgissent des millions de chômeurs, des abandonnés privés de tout accès aux réseaux collectifs sans lesquels la vie est impossible, humiliés à longueur d’année par des flics racistes, manipulés par des politiciens sans conscience. Ils forment désormais un volcan qui vient de faire sa première éruption. Et ce n’est que le début d’une histoire qui va durer.
Non, les USA ne sont pas le roc qu’ils donnent à voir. Remontent en moi les souvenirs. Ma génération a pu voir les USA quitter leur ambassade à Saïgon dans une totale débandade, jeter à la mer hélicoptères et avions par-dessus bord de leurs navires de guerre parce que leurs collaborateurs locaux avaient tout envahi. Nous avons vu les USA qui avaient promis de « ramener le Vietnam à l’âge de la pierre » selon l’expression de l’abject général Westmorland, les USA vaincus à plate couture par l’inflexible patriotisme du petit peuple et de ses bodoïs, gazés, napalmisés, massacrés en masse et en détail. Le peuple américain peut tout lui aussi.
Bon d’accord, je ne retiens pas ce rire moqueur qui me vient. C’est celui d’un « Frenchie surrender », putois notoire et ses French fries. Car c’est ainsi que nous avons été caricaturés aux USA depuis notre refus de participer à leur lamentable deuxième guerre du Golfe. L’état d’esprit anti-français se déchaina alors jusqu’à l’absurde : vider des bouteilles de vin dans les égouts et vouloir rebaptiser les frites, de « French fries » en je ne sais quoi. Oui la rigolade : voir la Maison blanche s’éteindre pour devenir invisible pendant que le président Trump se cache à la cave ! « Salut Trump tu as le bonjour de Cuba, de Venezuela, de Salvador Allende, de Patrice Lumumba, et même du Che » ! Sans oublier Edgard Snowden, Julian Assange et les torturés de Guantanamo, les asphyxiés du waterboarding, le supplice de la baignoire, qui ne serait pas une torture puisque l’actuelle cheffe de la CIA la pratiquait elle-même il y a peu ! À son tour : à la cave ! Le persécuteur des peuples dans le noir ! Ce n’est pas cher payé pour l’instant.
Retenez ceci comme un avis d’observateur de longue date : tout ce qui advient aux USA arrive ensuite chez nous dans la décennie qui suit. Parfois plus vite. Qu’il s’agisse des modes, de la politique ou de faits sociaux. Le fin tissu qui nous unit n’est pas seulement économique, militaire ou ce que l’on voudra. Il est continuellement alimenté par les séries télévisées, le cinéma, les matrices narratives, les images de référence. Que cela plaise ou non, qu’on soit d’accord ou pas, il s’agit d’un effet de système profondément ancré. On peut ne pas s’être rendu compte que toutes les social-démocraties européennes répétaient soudainement les mantras clintonistes, ne pas avoir vu Sarkozy répéter en boucle à Rome et à Ryad les absurdités du « choc des civilisations » et ne pas savoir que l’autrice qui écrivait les discours, Emmanuelle Mignon les recopiait directement de Samuel Huntington, ne pas avoir vu le sommet du quai d’Orsay virer néo-conservateur. Mais quand les émeutes urbaines ont éclaté en France, quand on a vu Halloween et Black Friday occuper des millions d’esprits superficiels qui voudraient vivre comme dans une série US ? Non : rien ? Peut-être même qu’il en est encore pour ne pas savoir que Cédric Chouviat est mort d’un geste de policier comme celui commis contre Georges Floyd et que personne n’a été ni suspendu ni inculpé de quoi que ce soit. Et Adama Traoré et… et… Zineb Redouane, vieille dame abattue à sa fenêtre et qui est morte parait-il non de la grenade qu’elle a reçue dans la figure au quatrième étage à Marseille mais d’un arrêt du cœur imprévisible sur la table d’opération !… Peut-être d’autres n’ont-ils pas remarqué que les éborgnements de manifestants ne sont pas des bavures mais un fait désormais universel.
Au fond, peu importe. Aucune alerte, aucune mise en garde n’aura jamais rien produit dans notre pays à part des heures de prêchi-prêcha haineux contre toute forme d’opposition et de dénigrement personnalisé contre les fortes têtes pourchassées sans répit les Jérôme Rodriguez, Taha Bouhafs, Drouet, Dufresne, Wamen et ainsi de suite et pour finir avec Camélia Jordana. Je ne sais comment dire combien cela me désole. Car la suite est écrite. Et ceux qui me lisent savent la lire.
Aux USA, le fil des révolutions citoyennes est resté net : fermentation politique longue depuis Occupy et les Anonymous, évènement fortuit (la mort de Georges Floyd), union sans parti ni représentant, revendication égalitaire (« la vie des Noirs compte »), mobilisation universaliste, non communautaire pour la première fois depuis longtemps, mot d’ordre polysémique fédérateur (« je ne peux plus respirer »). Oui mais voilà : il s’agit des USA et de la première saison de l’après Covid-19. Elle ouvre la crise sociale monstrueuse qui va déferler. Les USA déjà désemparés, inondés de dollars de planche à billets, sans projet collectif, labourés par les socs contraires du petit peuple social et du petit peuple facho. Les USA paralysés par la gélatine du parti démocrate qui a eu la peau de Sanders pour ce néant qu’est Joe Biden. Les USA où les latinos seront dans une poignée d’années la plus importante minorité devant les afro-américains et les beaux blancs protestants. Les USA où le catholicisme sera bientôt la première religion chrétienne du pays modifiant ainsi la matrice spirituelle d’un pays où la religion est sur chaque billet de banque avec la formule « in God we trust ». Les USA et leur dollar bidon, leur État fédéral bringuebalant. Bref, les USA chancelant vont faire vaciller le monde. Trump voudrait interdire les anti-Fas, pendant que des miliciens d’extrême-droite en armes défilent dans les rues. Ils contrôlent ici ou là et les passants, comme nos identitaires dans le métro de Lyon et dans des bus à Lille pendant que les castors pyromanes pérorent loin de toute réalité « faire barrage ! faire barrage ! ».
Les événements nord-américains sont décisifs. Ils nous obligent à faire un point réaliste. Si l’extrême droite « suprémaciste » l’emporte aux USA, ce sera bien autre chose que ce qu’elle a déjà fait en Pologne, Hongrie, Autriche, au Brésil, en Inde ou aux Philippines. Si les nôtres se donnent une expression politique capable d’être majoritaire, tout devient possible dans la civilisation humaine. Ayez grand soin de vous monsieur Bernie Sanders ! L’Histoire ne ferme jamais boutique.
Voir par ailleurs:
Dr. King’s Error
Walter Lippman
NYT
April 7, 1967
In recent speeches and statements the Rev. Dr. Martin Luther King Jr. has linked his personal opposition to the war in Vietnam with the cause of Negro equality in the United States. The war, he argues, should be stopped not only because it is a futile war waged for the wrong ends but also because it is a barrier to social progress in this country and therefore prevents Negroes from achieving their just place in American life.
This is a fusing of two public problems that are distinct and separate. By drawing them together, Dr. King has done a disservice to both. The moral issues in Vietnam are less clear-cut than he suggests; the political strategy of uniting the peace movement and the civil rights movement could very well be disastrous for both causes.
Because American Negroes are a minority and have to overcome unique handicaps of racial antipathy and prolonged deprivation, they have a hard time in gaining their objectives even when their grievances are self-evident and their claims are indisputably just. As Dr. King knows from the Montgomery bus boycott and other civil rights struggles of the past dozen years, it takes almost infinite patience, persistence and courage to achieve the relatively simple aims that ought to be theirs by right.
The movement toward racial equality is now in the more advanced and more difficult stage of fulfilling basic rights by finding more jobs, changing patterns of housing and upgrading education. The battle grounds in this struggle are Chicago and Harlem and Watts. The Negroes on these fronts need all the leadership, dedication and moral inspiration that they can summon; and under these circumstances to divert the energies of the civil rights movement to the Vietnam issue is both wasteful and self-defeating. Dr. King makes too facile a connection between the speeding up of the war in Vietnam and the slowing down of the war against poverty. The eradication of poverty is at best the task of a generation. This « war » inevitably meets diverse resistance such as the hostility of local political machines, the skepticism of conservatives in Congress and the intractability of slum mores and habits. The nation could afford to make more funds available to combat poverty even while the war in Vietnam continues, but there is no certainly that the coming of peace would automatically lead to a sharp increase in funds.
Furthermore, Dr. King can only antagonize opinion in this country instead of winning recruits to the peace movement by recklessly comparing American military methods to those of the Nazis testing « new medicine and new tortures in the concentration camps of Europe. » The facts are harsh, but they do not justify such slander. Furthermore, it is possible to disagree with many aspects of United States policy in Vietnam without whitewashing Hanoi.
As an individual, Dr. King has the right and even the moral obligation to explore the ethical implications of the war in Vietnam, but as one of the most respected leaders of the civil rights movement he has an equally weighty obligation to direct that movement’s efforts in the most constructive and relevant way.
There are no simple or easy answers to the war in Vietnam or to racial injustice in this country. Linking these hard, complex problems will lead not to solutions but to deeper confusion.
Episcopal Diocese of Washington Bishop Mariann Budde has worked her way into a froth over a photo opportunity by President Trump.Lafayette Square across from the White House was cleared Monday evening of Black Lives Matter protesters (with the use of either tear gas or smoke canisters, depending on which report you read) seemingly for the purpose of facilitating Trump’s walk to St. John’s Episcopal Church for the photo op. Reports from the Washington Post describe Trump briefly standing in front of the church with Bible in hand, but neither entering the building nor speaking with anyone nor opening the Bible, which apparently signaled something at merely being raised like a talisman.Workers install temporary plywood to protect windows from damage at the parish house of St. John’s Episcopal Church in Washington, D.C. on Tuesday, June 2, 2020 (Photo: Jeff Walton/IRD)
“I am outraged,” Budde told the Post about Trump’s posturing in an interview a short time later, pausing between words to emphasize her anger as her voice slightly trembled. She had nothing critical to say about the burning of one of her churches, which according to the parish vestry incurred about $20,000 in damages, mostly to the church nursery.
“This evening, the President of the United States stood in front of St. John’s Episcopal Church, lifted up a bible, and had pictures of himself taken. In so doing, he used a church building and the Holy Bible for partisan political purposes,” Tweeted Episcopal Church Presiding Bishop Michael Curry. “This was done in a time of deep hurt and pain in our country, and his action did nothing to help us or to heal us.”
The prominent St. John’s Parish House located on Lafayette Square had been briefly set afire the night before, after peaceful protesters headed home for a District of Columbia curfew.
Some who remained in defiance of the curfew threw rocks at windows in the adjacent U.S. Department of Veterans Affairs building and spray painted a nearby statue of Revolutionary War hero Tadeusz Kościuszko with profanity. Most of the damage appeared directed at a small building that houses park bathrooms. A number of storefronts in the downtown, Georgetown and Tenleytown neighborhoods were also vandalized, including a hair salon and a looted sandwich shop owned by Pakistani immigrants directly below IRD’s downtown offices.
A brief walk around the St. John’s building this afternoon showed graffiti had largely been removed and windows were proactively boarded up to prevent any further damage. A pole with an American flag had been yanked off the building and thrown into a fire by protesters, but little else was noticeably amiss.
Would Budde have given a similar pass if right-wing protesters had done the same? the bishop of Washington doesn’t shrink from activism. Budde herself is engaged in advocacy for firearms restrictions and even weighed in on changing the name of the city’s floundering NFL franchise. Within the Diocese of Washington, Budde defended a push for “gender-inclusive” language “to avoid the use of gendered pronouns for God.”
The Post report noted both Budde and Curry “are among the pantheon of progressive religious leaders who have long been critical of Trump’s political agenda.” I was last present in the now-damaged St. John’s parish house as it hosted a press conference for the Religious Coalition on Reproductive Choice, a progressive lobby that voices approval from religious officials for unrestricted abortion-on-demand, and which counts the Episcopal Church as a member.
Post religion reporters Michelle Boorstein and Sarah Pulliam Bailey cite data from the Pew Research Center showing 49 percent of Episcopalians are Democrats or lean Democratic, compared with 39 percent of church members who are Republican or lean Republican.
Episcopalians have increasingly found themselves in roles difficult to maintain. Church officials simultaneously embrace leftist causes, while also serving as a boutique chaplaincy to the affluent and as presiders over American civil religion in events of national importance including state funerals.
For his part, President Trump is in close proximity to the Episcopal Church: his youngest son was baptized at an Episcopal parish and attends a private Episcopal high school (Trump himself is Presbyterian and his wife Melania is Roman Catholic). The Trump family typically attends services at Bethesda-by-the-sea Episcopal Church when in Palm Beach, Florida, minutes from Mar-a-Lago.
Budde draws a distinction between those engaged in peaceful protest, opportunistic looters and violent organized provocateurs like Antifa. Would she do the same if the partisan affiliations were flipped?
The danger of selective outrage is in exposing one’s self as another partisan instead of acting like a senior shepherd.
The Right Rev. Mariann Budde, the Episcopal bishop of Washington, was seething.
President Trump had just visited St. John’s Episcopal Church, which sits across from the White House. It was a day after a fire was set in the basement of the historic building amid protests over the death of George Floyd in the custody of Minneapolis police.
Before heading to the church, where presidents have worshiped since the days of James Madison, Trump gave a speech at the White House emphasizing the importance of law and order. Federal officers then used force to clear a large crowd of peaceful demonstrators from the street between the White House and the church, apparently so Trump could make the visit.
“I am outraged,” Budde said in a telephone interview a short time later, pausing between words to emphasize her anger as her voice slightly trembled.
She said she had not been given any notice that Trump would be visiting the church and did not approve of the manner in which the area was secured for his appearance.
“I am the bishop of the Episcopal Diocese of Washington and was not given even a courtesy call, that they would be clearing [the area] with tear gas so they could use one of our churches as a prop,” Budde said.
She excoriated the president for standing in front of the church — its windows boarded up with plywood — holding up a Bible, which Budde said “declares that God is love.”
“Everything he has said and done is to inflame violence,” Budde of the president. “We need moral leadership, and he’s done everything to divide us.”
In a written statement, Presiding Bishop Michael Curry, head of the Episcopal denomination, accused Trump of using “a church building and the Holy Bible for partisan political purposes.”
“This was done in a time of deep hurt and pain in our country, and his action did nothing to help us or to heal us,” Curry wrote.
“The prophet Micah taught that the Lord requires us to ‘do justice, love mercy and walk humbly with our God,’ ” he continued, calling on Trump and others in power to be moral. “For the sake of George Floyd, for all who have wrongly suffered, and for the sake of us all, we need leaders to help us to be ‘one nation, under God, with liberty and justice for all.’ ”
Budde and Curry are among the pantheon of progressive religious leaders who have long been critical of Trump’s political agenda. The Episcopal Church’s policies include supporting abortion rights, refugee resettlement, an expansion of health care and other issues that Trump has opposed or not embraced. According to the Pew Research Center, 49 percent of Episcopalians are Democrats or lean Democratic, compared with 39 percent of church members who are Republican or lean Republican.
Trump’s longtime religious allies, who are far more conservative on both domestic and foreign policy, saw his walk to St. John’s much differently. “What kind of church I need PERMISSION to attend,” tweeted Pastor Mark Burns of South Carolina after Budde and others said Trump should have let them know he was coming. “Jesus welcomes All.”
Johnnie Moore, a spokesman for several of Trump’s evangelical religious advisers, tweeted favorably about the incident as well.
“I will never forget seeing @POTUS @realDonaldTrump slowly & in-total-command walk from the @WhiteHouse across Lafayette Square to St. John’s Church defying those who aim to derail our national healing by spreading fear, hate & anarchy,” he wrote. “After just saying, ‘I will keep you safe.’ ”
Trump did not enter St. John’s on Monday evening. No one associated with the church was present for his visit.
Andrew Whitehead, a sociologist at Clemson University who studies Christian nationalism, said the president’s appearance was an attempt to promote the idea of America as a distinctly Christian nation after his Rose Garden speech.
“Going to the church, not going in it, not meeting with any clergy, holding up a Bible, but not quoting any scripture, after an authoritarian speech, was about using the religious symbolism for his ends,” Whitehead said.
“It was a signal to the people that embrace the idea of a Christian nation, that he will defend Christianity in the public sphere,” Whitehead said. “He said he’ll make America safe. That raised the question, for whom? It’s largely for white, mostly Protestant America.”
Budde — who spent 18 years in as a rector in Minneapolis before being elected bishop of the Washington diocese — said the Episcopal Church disassociates itself from the messages offered by the president.
“We hold the teachings of our sacred texts to be so so grounding to our lives and everything we do,” she said. “It is about love of neighbor and sacrificial love and justice.”
Following a tradition set by President Franklin D. Roosevelt, Trump attended a service at St. John’s before his swearing-in ceremony in 2017. He visited the church again that year to mark a national day of prayer for victims of Hurricane Harvey and in 2019 on St. Patrick’s Day.
Budde said she learned he was headed back to the yellow, 19th-century building on Monday by watching the news.
“No one knew this was happening,” she said. “I don’t want President Trump speaking for St. John’s.”
The Rev. Robert W. Fisher, the church rector, said he felt blindsided by the visit. Usually, the White House gives the church at least 30 minutes’ notice before the president comes by.
“We want St. John’s to be a space for grace, as a place where you can breathe,” he said. “Being used as a prop, it really takes away from what we’re trying to do.”
Earlier in the day, Fisher said, he and other clergy were outside the church handing out water bottles and granola bars to protesters, and expressing solidarity with their cause. He said he left the area to be interviewed on television about the damage from the fire the previous night and later watched images of the protest being dismantled “with disbelief.”
Fisher, 44, became the rector of St. John’s in June 2019 and has not yet hosted a presidential visit. The church usually draws about 400 people on a typical weekend. But it has been closed since mid-March due to the broad shutdown restrictions in place to combat the novel coronavirus.
Damage to the building from Sunday night’s fire and vandalism will cost at least $20,000, Fisher said. But he said the destruction should not become the focus of what has been happening in the streets outside the White House.
Fisher said that when people have talked about the church being burned, he has tried to redirect them, saying it was likely one person who does not represent the majority of people protesting.
“That has pulled away from the more important message that we have to address racism in this country,” he said.
Le 8 avril, il décédait après son interpellation par des policiers municipaux. Sa sœur fait aujourd’hui le parallèle avec l’affaire George Floyd, l’avocat des représentants des forces de l’ordre parle de «manœuvre».
Sarah Finger, correspondante à Montpellier
Libération
A l’heure où les manifestations contre les bavures policières racistes se multiplient, l’histoire de Mohamed Gabsi, mort à Béziers dans la soirée du 8 avril suite à un contrôle de police, se rapproche de celle de George Floyd, décédé le 25 mai lors de son interpellation à Minneapolis, aux Etats-Unis. Pour Houda Gabsi, la sœur de la victime biterroise, le parallèle est évident : «Le rapport d’autopsie de mon frère évoque une compression cervicale, prolongée et appuyée, une fracture de la thyroïde et un syndrome asphyxique. Comme George Floyd, il était plaqué à terre, menotté, et il n’arrivait plus à respirer. Il est mort dans les mêmes conditions.»
Mohamed Gabsi, 33 ans, avait été contrôlé par trois policiers municipaux dans le centre de Béziers, durant le confinement et après le couvre-feu instauré par la ville entre 21 heures et 5 heures. Ce soir-là, le contrôle se passe mal : selon le récit des policiers municipaux, Mohamed Gabsi se montre très agité, ils appellent du renfort. L’homme est finalement maîtrisé puis embarqué jusqu’au commissariat de police. Que se passe-t-il dans le véhicule, durant ce court trajet ? Les policiers racontent qu’ils ont maintenu Mohamed Gabsi en position allongée, sur le ventre ; l’un d’eux se serait assis sur lui pour l’empêcher de bouger. Lorsqu’il arrive au commissariat, Mohamed Gabsi est inconscient ; il décède peu après, malgré une tentative de réanimation.
Le rapport d’autopsie, que Libération s’est procuré, indique qu’aucune des constatations effectuées sur le corps de la victime ne permet d’expliquer «avec certitude» la cause du décès. Mais les médecins légistes relèvent des éléments qui témoignent «d’un appui maintenu appliqué avec une force certaine en région cervicale» évoquant «l’application d’une surface plutôt large (genou, coude, poing…)». Le traumatisme provoqué par cet appui prolongé paraît «avoir certainement participé au décès» en provoquant un «syndrome asphyxique».
Accès au dossier
L’expertise toxicologique va, elle, révéler une «concentration exceptionnellement élevée de cocaïne» : Mohamed Gabsi en aurait consommé une quantité importante peu avant sa mort. En outre, des traces évoquent une consommation récente de cannabis. Sa mort est donc intervenue «dans un contexte d’intoxication aiguë suite à une prise massive de cocaïne, d’évolution potentiellement létale en elle-même». Attendues mi-juillet, les conclusions de l’expertise anatomopathologique (examen approfondi des organes) devraient enfin permettre d’avoir une vision complète sur les causes de ce décès.
Luc Abratkiewicz, l’avocat des trois policiers municipaux mis en cause, s’agace que cette affaire soit selon lui «instrumentalisée» dans le contexte actuel, à savoir la révolte consécutive au meurtre de George Floyd, qui embrase les Etats-Unis et entraîne une multiplication des manifestations contre les violences policières en Europe, et notamment en France. Le rapport d’autopsie et l’analyse toxicologiques ont été communiqués à la partie civile le 13 mai, soit trois semaines plus tôt. «Personne n’est dupe de cette manœuvre, d’autant que se prépare à Béziers une manifestation qui vise à dénoncer les violences policières dans les affaires Floyd, Traoré et Gabsi.»
En aucun cas, répond Jean-Marc Darrigade, conseil de Houda Gabsi, qui comprend que sa cliente puisse perdre patience : «Deux mois après le drame, je n’ai toujours pas accès au dossier. Ce choix de la juge d’instruction est difficile à comprendre et donne l’impression qu’on veut cacher des choses.» Une information judiciaire pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner» et pour «non-assistance à personne en péril» a été ouverte le 11 avril. Pour l’heure, aucun des policiers n’a été mis en examen. Selon leur avocat, ils ont repris leur travail.
Dans un livre à paraître dont nous publions des extraits exclusifs, le philosophe Bernard-Henri Lévy dresse un « bilan d’étape » de la crise du coronavirus. L’étrange réaction de l’humanité à cette pandémie, qu’il a rebaptisée « la Première Peur mondiale », l’a épouvanté.
Toujours chez lui le dandysme a triomphé de tout, et d’abord du meilleur de lui-même : sa vaillante passion pour la résistance. Jamais il ne s’en est inquiété. Ça ne lui déplaisait pas, de confondre ce dandysme avec lui. N’est-ce pas sa signature, sa coquetterie? Son masque, aussi. C’est tout le paradoxe de cette affaire : il a fallu que le monde entier soit sommé de porter des masques pour que Bernard-Henri Lévy jette le sien avec indignation. Il a fallu une pandémie pour terrasser son dandysme. On ne sait pas encore s’il en réchappera ; on espère que non. Ce que l’on sait, c’est qu’aujourd’hui il est « HS ». En « réa ». La colère l’a écrasé. La colère, oui. BHL est en colère. Contre la « grand-peur » – c’est son mot – qui s’est abattue sur le monde. Contre « notre ahurissante docilité à l’ordre sanitaire en marche ». Contre « le virus du virus » qui attaque ses chers principes. Contre la soumission. Cela donne Ce virus qui rend fou, un petit livre noir et puissant. Et profond. Très. Anna Cabana
« J’ai été sidéré, moi aussi. Mais ce qui m’a le plus sidéré, ce n’est pas la pandémie. Car cette sorte de désastre a toujours existé. La grippe espagnole, avec ses cinquante millions de morts, a fait, il y a un siècle, plus de victimes que n’en fera sans doute le Covid. Pour m’en tenir à notre temps, celui dont je suis en âge de me souvenir, il a connu, après Mai 1968, la fameuse grippe de Hongkong où un million de terriens moururent les lèvres cyanosées, d’hémorragie pulmonaire ou d’étouffement. Il y avait eu, dix ans plus tôt, non moins effacée de la mémoire collective, la grippe asiatique qui, à nouveau partie de Chine, passa par l’Iran, l’Italie, l’est de la France, l’Amérique et fit deux millions de morts. Non, le plus saisissant c’est la façon très étrange dont on a, cette fois-ci, réagi. Et c’est l’épidémie, non seulement de Covid, mais de peur qui s’est abattue sur le monde.
On a vu des tempéraments hardis, soudain paralysés. On a entendu des intellectuels, qui avaient vu d’autres guerres, reprendre la rhétorique de l’ennemi invisible, des combattants de première et de deuxième ligne, de la guerre sanitaire totale. On a vu Paris se vider, comme dans le Journal de l’Occupation d’Ernst Jünger. On a vu les villes du monde devenir des villes fantômes avec leurs avenues, muettes comme des chemins de campagne, où les jours, disait Hugo, étaient comme les nuits. J’ai vu, sur des vidéos que l’on m’envoyait de Kiev et de Milan, de New York et de Madrid, mais aussi de Lagos, d’Erbil ou de Qamishli, des rares passants hâtifs qui ne semblaient là que pour rappeler l’existence d’une espèce humaine mais qui changeaient de trottoir, les yeux baissés, quand surgissait un autre humain. Nous avons tous vu, d’un bout à l’autre de la planète, dans les pays les plus démunis non moins que dans les grandes métropoles, des peuples entiers trembler et se laisser rabattre dans leurs habitats, parfois à coups de matraque, comme du gibier dans ses tanières.
Les combattants de Daech ont filé se moucher, dans des Kleenex à l’eucalyptus, au fond de quelque caverne
Les manifestants de Hongkong, comme par enchantement, ont disparu. Les Peshmerga, ces guerriers dont le nom dit qu’ils savent braver la mort, se sont bunkérisés dans leurs tranchées. Les Saoudiens et les Houthis qui se livraient, au Yémen, une guerre interminable, ont, à l’annonce des premiers cas, conclu un cessez-le-feu. Le Hezbollah s’est confiné. Le Hamas, qui déplorait alors huit cas, a déclaré n’avoir plus qu’un but de guerre, obtenir des masques d’Israël : « Des masques! des masques! notre royaume pour des masques! nous viendrons, si besoin, couper le souffle à six millions d’Israéliens. »
Daech a déclaré l’Europe zone à risque pour ses combattants qui ont filé se moucher, dans des Kleenex à l’eucalyptus, au fond de quelque caverne syrienne ou irakienne. Le Panama, parce qu’on avait détecté un cas suspect, a confiné dans la jungle 1.700 désespérés en train de marcher vers la frontière des États-Unis. Le Nigeria d’où j’avais rapporté, quelques semaines plus tôt, un reportage sur des massacres de villages chrétiens par des djihadistes peuls, dénombrait, à la mi-avril 2020, selon l’AFP, douze morts du virus mais dix-huit tués par les forces de sécurité pour non-respect du confinement.
Le Bangladesh où je me trouvais aussi en reportage, quelques heures avant que la France ne boucle ses frontières, cumulait toutes les calamités ; on y mourait de la dengue, du choléra, de la peste, de la rage, de la fièvre jaune et de virus inconnus ; mais voilà que l’on y détecte quelques cas de Covid et lui aussi, comme un seul homme, se sangle dans le confinement. Et c’est, en vérité, toute la planète qui, pays riches et pauvres confondus, ceux qui pouvaient tenir et ceux qui allaient craquer, se rue sur cette idée d’une pandémie inédite, en passe d’exterminer le genre humain.
Un supplice chinois
Alors? Qu’a-t-il bien pu se passer? Viralité, non seulement du virus, mais du discours sur le virus? Aveuglement collectif comme dans ce roman de José Saramago où une épidémie mystérieuse frappe une ville entière de cécité? Victoire des collapsologues qui, depuis le temps qu’ils nous prédisaient la fin du monde, la sentent pointer le nez et nous laissent une dernière chance de carême et de reset? Celle des maîtres du monde voyant ce grand confinement – traduction anglaise du « grand renfermement » théorisé par Michel Foucault dans les textes où il dépeignait les systèmes de pouvoir du futur – comme la répétition générale d’un type nouveau d’arraisonnement et d’assignation des corps?
Qu’a-t-il bien pu se passer? Viralité, non seulement du virus, mais du discours sur le virus?
Une grand-peur, comme celle de 1789, avec son lot d’infox, de complots, de fuites éperdues et, un jour, d’émeutes sans espérance? L’inverse? Le signe, rassurant, que le monde a changé, qu’il sacralise enfin la vie et qu’entre elle, la vie, et l’économie, il a choisi de choisir la vie? Ou, l’inverse encore : un emballement collectif, aggravé par les chaînes d’information et les réseaux sociaux qui, en matraquant, jour après jour, le chiffre des réanimés, des mourants et des morts, nous plaçaient dans un univers parallèle où n’existait plus, nulle part, aucune autre information et, à la lettre, nous rendaient fous : n’est-ce pas ainsi, après tout, que fonctionne un supplice chinois? N’est-il pas établi que le son de la goutte d’eau, indéfiniment répété, devient un dragon menaçant? Et comment réagirions-nous si les responsables de la sécurité routière s’avisaient de placer, tous les kilomètres, des haut-parleurs géants diffusant, en continu, les accidents mortels de la journée?
J’avais avec moi, toujours précieux, mon Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie. J’avais, pour essayer de penser cette extraordinaire soumission mondiale à un événement dont je répète qu’il était tragique mais nullement sans précédent, mes souvenirs de René Girard et de son désir mimétique qui, lui aussi, est un virus et qui, comme tout virus, déclenche des pandémies.
Il y avait encore Jacques Lacan avançant que, face au surgissement d’un « point de réel », un vrai, celui qui heurte et auquel on se heurte, celui qui fait trou dans le savoir et dont il n’y a pas d’image (et n’est-ce pas, en effet, le cas pour n’importe quel nouveau virus?), l’humanité a le choix entre le déni et le délire, la névrose et la psychose : Trump trépignant qu’il faut « libérer le Michigan » – ou les gouvernants inquiets de la menace, brandie par des collectifs d’avocats, d’un « Nuremberg du corona » et jugeant plus prudent de mettre le monde à l’arrêt.
Il était trop tôt pour trancher. Aujourd’hui encore, à l’heure où j’écris ces lignes et où l’on commence de « déconfiner », il est trop tôt pour casser, non seulement le code du virus, mais celui de l’effroi qu’il a suscité.
Des principes auxquels je tenais, et qui étaient ce que les sociétés occidentales ont de meilleur, ont été attaqués par le virus
Et ayant, aussi, mes morts que je n’ai pas fini de pleurer, je n’ai pas le cœur à rire du bon rire brechtien que nous inspirera peut-être, un jour, l’énorme mise en scène distanciée que l’appel à la distanciation sociale aura produite sous nos yeux ébahis.
Il est temps, en revanche, de dire les effets de tout cela dans nos sociétés et nos esprits. Il est temps de dire ce qui, dans ce qui nous relie comme au plus obscur et profond de nous-mêmes, a commencé de s’opérer.
Et s’il est vrai que, comme aimait à le dire, non sans ironie, le grand médecin allemand de la fin du XIXe siècle, père de l’anatomie pathologique, Rudolf Virchow, « une épidémie est un phénomène social qui comporte quelques aspects médicaux », c’est le moment ou jamais de reprendre ses esprits et de tenter de décrire quelques-uns des aspects non médicaux de cette histoire.
Certains sont heureux. Nous vécûmes de vrais moments de civisme et d’entraide. Et l’on ne se réjouira jamais assez que l’on se soit enfin avisé, non seulement de l’existence, mais de l’éminente dignité d’un peuple d’humiliés (personnels soignants, caissières et caissiers, agriculteurs, transporteurs, éboueurs, livreurs…) qui sont apparus dans la lumière.
Mais d’autres sont fâcheux. Des mots ont été dits, des plis ont été pris, des réflexes sont revenus qui m’ont épouvanté. Des principes auxquels je tenais, et qui étaient ce que les sociétés occidentales ont de meilleur, ont été attaqués par le virus, et par le virus du virus, en même temps que les hommes mouraient. Et parce que les idées meurent aussi, parce qu’elles vivent de la même matière que les humains et qu’il se pourrait bien que, l’épidémie refluant, elles restent, elles, sur la rive, telles des méduses crevées, disparues sans laisser de trace car elles étaient, comme nous, presque entièrement faites d’eau, c’est d’elles que j’ai voulu, ici, prendre la défense. Première Peur mondiale (au sens où on le dit de la guerre) : bilan d’étape. […]
Ahurrissante docilité
M’est revenue, l’autre nuit, tandis que je me trouvais, comme tout le monde, hypnotisé par les images en boucle de ces femmes et hommes admirables, bataillant contre la maladie et sauvant des vies, une étrange formule du Talmud, entendue il y a longtemps, lors d’une des dernières visites que je lui rendis, dans la bouche d’Emmanuel Levinas : « Le meilleur des médecins ira en enfer. » […]
Je suis allé voir chez Rachi : tout médecin, dit-il, commet des erreurs et abuse de son pouvoir ; le fait qu’il soit « meilleur » le rend d’autant plus inexcusable – d’où l’enfer. Chez le Méiri, rabbin catalan du XIIIe siècle, ami des sciences et des lumières : il arrive au meilleur médecin d’opérer sans être sûr que l’intervention soit nécessaire et il abuse alors de son savoir – l’enfer encore. […]
Le malaise que m’avait inspiré notre ahurissante docilité à l’ordre sanitaire en marche et à sa mise en demeure des corps
Mais c’est chez le Maharal de Prague que j’ai trouvé l’éclaircissement le plus fouillé et, finalement, le plus édifiant : 1. le meilleur médecin est celui qui se voue, avec une passion sans bornes, à l’examen, l’hygiène, la guérison du corps ; 2. ce corps-là, le corps seul, le corps, malade ou sain, dont on oublie que c’est l’esprit qui l’a éclairé de son trait de foudre et qui l’a mis en forme, le corps organique, n’est qu’un paquet de matière opaque et ténébreuse ; 3. cette matière opaque, ce corps sans lumière et sans âme, cette chair que l’on traite comme si elle était déliée de l’intelligence humaine et de ses projets, ce corps réduit à sa seule masse d’organes, d’humeurs et de nerfs, voilà précisément l’enfer… L’enfer, pour le Maharal de Prague, n’est ni, comme chez Pascal, le moi. Ni, comme chez Sartre, les autres. Ni même la chambre noire de Genet, Crevel et les autres. L’enfer c’est le corps. Seulement le corps et le corps seul. L’enfer, c’est vous, c’est moi, c’est nous – mais en tant que nous sommes enfermés dans notre corps, réduits à notre vie de corps et que, sous l’empire du pouvoir médical, ou du pouvoir tout court s’emparant du pouvoir médical, ou de notre propre assujettissement aux deux, nous y consentons.
Tout, alors, devenait clair. Le malaise que m’avait inspiré, dès le premier instant, notre ahurissante docilité à l’ordre sanitaire en marche et à sa mise en demeure des corps. […]
Le spectacle d’un souverain pontife, héritier du « N’ayez pas peur » de Jean Paul II et personnellement rompu à l’exercice, si éminemment catholique, du baiser aux fiévreux, eczémateux et autres lépreux des bidonvilles de Buenos Aires, qui se distancie du peuple chrétien, ne communique plus que par Internet, ordonne que l’on vide les bassins d’eau bénite et fait son chemin de croix, sur le parvis de la basilique, devant une place Saint-Pierre déserte.
Effacée, l’image juive du Messie qui attend, aux portes de Rome, au milieu des scrofuleux. Oublié, le baiser de Jésus au lépreux qui, de Flaubert à Mauriac, a inspiré tant de belles pages. Aux oubliettes Violaine, la « jeune fille pure » de Claudel qui, s’il écrivait aujourd’hui cette Annonce faite à Marie, s’il osait sanctifier cette héroïne lumineuse, embrassant exprès un lépreux et réenfantée par ce baiser, passerait pour irresponsable, criminel contre la société, mauvais citoyen.
Toutes ces applications numériques dont, la veille encore, nous semblions nous défier, les voilà devenues les plates-formes d’un commerce salubre, hygiénique, diététique, sans contact, clean!
Impensable, cette image troublante et belle, gardée de mon enfance, d’un général de Gaulle en visite à Tahiti, deux ans avant son retour au pouvoir : sa voiture est bloquée par un cortège de lépreux ; il descend ; serre la main de chacun ; prend dans ses bras une enfant ; étreint l’organisateur de cette étrange manifestation ; ne dit rien ; redémarre. […]
Epidémie de la délation
Et puis toutes ces applications numériques dont, la veille encore, nous semblions nous défier et tenir pour les ennemies du genre humain – les voilà devenues les plates-formes d’un commerce salubre, hygiénique, diététique, sans contact, clean! Les fameux Gafa, qui, de pestiférés qu’ils étaient avant la peste, devenaient pourvoyeurs bénis de télétravail, téléenseignement, téléconsultation, télétransport, télésurveillance! Jusqu’à l’Organisation mondiale de la santé qui, au pic de la panique, rejoignait la campagne « Play Apart Together » et recommandait à tous les parents du monde de veiller à ce que leurs enfants ne jouent plus qu’à des jeux vidéo (Konbini, 30 mars 2020)…
[…] Recul des libertés? Mise entre les mains des compagnies, mais aussi des États, d’un stock de données dont nul n’ignore le mauvais usage que l’on peut faire? Risque, plus effrayant encore, de vivre en état d’alerte et de suspicion perpétuelles, surveillant notre bluetooth, traquant nos contacts douteux, exigeant frénétiquement les noms, oui, les noms, on ne plaisante pas avec la santé! De l’inconnu croisé ce matin, l’œil torve, la mine pas catholique et qui, dit l’App, nous a peut-être contaminé?
Il y a eu quelques fortes têtes, heureusement, pour s’inquiéter de cela. […]
On a même lu de bonnes enquêtes sur le retour des corbeaux à l’ancienne, l’épidémie de délation dans les commissariats de police, les centres d’appels submergés par des correspondants, anonymes ou non, dénonçant un papy entré deux fois à la supérette, une ménagère venue n’acheter qu’un rouleau de papier toilette, un Parisien débarqué nuitamment ou un rassemblement suspect de plus de deux personnes – que sera-ce avec « StopCovid »! avec les « brigades de cas contact » annoncées par le gouverneur de l’État de New York et les ministres de la Santé européens! avec les « caméras intelligentes » d’ores et déjà chargées, dans telle ville du sud de la France, de contrôler le port du masque! ou avec les labradors « au nez puissant » dressés à détecter l’odeur du Covid chez les humains (Washington Post, 29 avril 2020)!
La vie, donc. Mais une vie nue.
[…] La vie, donc. La vie que l’on nous enjoignait, sur tous les tons, de sauver en restant chez nous et en résistant au démon du relâchement. Mais une vie nue.
[…] Une vie terrifiée d’elle-même et terrée en son terrier kafkaïen transformé en colonie pénitentiaire. […]
Un monde où règnent les techniciens de la ventilation, les surveillants généraux de l’état d’urgence, les délégués à l’agonie. Un monde où, à la place du monde qui fait trop mal, on a des gels hydroalcooliques, des balcons où l’on s’autocomplimente, des chiens à promener deux fois par jour muni de son attestation Covid et des villes expurgées de la foule humaine comme une salle d’op de ses infections nosocomiales. Un monde de maîtres-chiens, c’est‑à-dire de maîtres qui sont des chiens et qui dressent comme des chiens une humanité qui n’a le droit que d’aboyer quand on lui rappelle qu’elle est faite d’hommes, de gémir quand elle attrape un virus et de japper quand Monsieur Corona, notre roi, vient lui donner sa leçon comme on donne une pâtée, au double sens de pitance et de raclée. Le monde est fait pour s’y blottir, dit le roi Corona. Il est fait pour que l’on s’y couche. Et si le sommeil tarde à venir, il faut y compter les moutons, les gros sous quand on en a et, donc, les virus.
Elle est pas belle, la vie?
On n’y a pas tout ce qu’il faut (les produits de première nécessité mais aussi, en fin de compte, le sexe, l’imagination, la mort) à portée de clics et de Netflix? Tiens! Encore ce « net », qui est l’autre sens du mundus…
Telle est la leçon du virus. Telle est la raison de ma colère. […] »
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes et ornez les sépulcres des justes, et que vous dites: Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Jésus (Matthieu 23: 29-31)
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison.Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ.Paul (Galates 3: 28)
Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par géhennes un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux (comme nous l’avons non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion), que de le rôtir et manger après qu’il est trépassé. Il ne faut pas juger à l’aune de nos critères. (…) Je trouve… qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. (…) Leur guerre est toute noble et généreuse, et a autant d’excuse et de beauté que cette maladie humaine en peut recevoir ; elle n’a d’autre fondement parmi eux que la seule jalousie de la vertu… Ils ne demandent à leurs prisonniers autre rançon que la confession et reconnaissance d’être vaincus ; mais il ne s’en trouve pas un, en tout un siècle, qui n’aime mieux la mort que de relâcher, ni par contenance, ni de parole, un seul point d’une grandeur de courage invincible ; il ne s’en voit aucun qui n’aime mieux être tué et mangé, que de requérir seulement de ne l’être pas. Ils les traitent en toute liberté, afin que la vie leur soit d’autant plus chère ; et les entretiennent communément des menaces de leur mort future, des tourments qu’ils y auront à souffrir, des apprêts qu’on dresse pour cet effet, du détranchement de leurs membres et du festin qui se fera à leurs dépens. Tout cela se fait pour cette seule fin d’arracher de leur bouche parole molle ou rabaissée, ou de leur donner envie de s’enfuir, pour gagner cet avantage de les avoir épouvantés, et d’avoir fait force à leur constance. Car aussi, à le bien prendre, c’est en ce seul point que consiste la vraie victoire. Montaigne
Etrange destinée, étrange préférence que celle de l’ethnographe, sinon de l’anthropologue, qui s’intéresse aux hommes des antipodes plutôt qu’à ses compatriotes, aux superstitions et aux mœurs les plus déconcertantes plutôt qu’aux siennes, comme si je ne sais quelle pudeur ou prudence l’en dissuadait au départ. Si je n’étais pas convaincu que les lumières de la psychanalyse sont fort douteuses, je me demanderais quel ressentiment se trouve sublimé dans cette fascination du lointain, étant bien entendu que refoulement et sublimation, loin d’entraîner de ma part quelque condamnation ou condescendance, me paraissent dans la plupart des cas authentiquement créateurs. (…) Peut-être cette sympathie fondamentale, indispensable pour le sérieux même du travail de l’ethnographe, celui-ci n’a-t-il aucun mal à l’acquérir. Il souffre plutôt d’un défaut symétrique de l’hostilité vulgaire que je relevais il y a un instant. Dès le début, Hérodote n’est pas avare d’éloges pour les Scythes, ni Tacite pour les Germains, dont il oppose complaisamment les vertus à la corruption impériale. Quoique évoque du Chiapas, Las Casas me semble plus occupé à défendre les Indiens qu’à les convertir. Il compare leur civilisation avec celle de l’antiquité gréco-latine et lui donne l’avantage. Les idoles, selon lui, résultent de l’obligation de recourir à des symboles communs à tous les fidèles. Quant aux sacrifices humains, explique-t-il, il ne convient pas de s’y opposer par la force, car ils témoignent de la grande et sincère piété des Mexicains qui, dans l’ignorance où ils se trouvent de la crucifixion du Sauveur, sont bien obligés de lui inventer un équivalent qui n’en soit pas indigne. Je ne pense pas que l’esprit missionnaire explique entièrement un parti-pris de compréhension, que rien ne rebute. La croyance au bon sauvage est peut-être congénitale de l’ethnologie. (…) Nous avons eu les oreilles rebattues de la sagesse des Chinois, inventant la poudre sans s’en servir que pour les feux d’artifice. Certes. Mais, d’une part l’Occident a connu lui aussi la poudre sans longtemps l’employer pour la guerre. Au IXe siècle, le Livre des Feux, de Marcus Graecus en contient déjà la formule ; il faudra attendre plusieurs centaines d’années pour son utilisation militaire, très exactement jusqu’à l’invention de la bombarde, qui permet d’en exploiter la puissance de déflagration. Quant aux Chinois, dès qu’ils ont connu les canons, ils en ont été acheteurs très empressés, avant qu’ils n’en fabriquent eux-mêmes, d’abord avec l’aide d’ingénieurs européens. Dans l’Afrique contemporaine, seule la pauvreté ralentit le remplacement du pilon par les appareils ménagers fabriqués à Saint-Étienne ou à Milan. Mais la misère n’interdit pas l’invasion des récipients en plastique au détriment des poteries et des vanneries traditionnelles. Les plus élégantes des coquettes Foulbé se vêtent de cotonnades imprimées venues des Pays-Bas ou du Japon. Le même phénomène se produit d’ailleurs de façon encore plus accélérée dans la civilisation scientifique et industrielle, béate d’admiration devant toute mécanique nouvelle et ordinateur à clignotants. (…) Je déplore autant qu’un autre la disparition progressive d’un tel capital d’art, de finesse, d’harmonie. Mais je suis tout aussi impuissant contre les avantages du béton et de l’électricité. Je ne me sens d’ailleurs pas le courage d’expliquer leur privilège à ceux qui en manquent. (…) Les indigènes ne se résignent pas à demeurer objets d’études et de musées, parfois habitants de réserves où l’on s’ingénie à les protéger du progrès. Étudiants, boursiers, ouvriers transplantés, ils n’ajoutent guère foi à l’éloquence des tentateurs, car ils en savent peu qui abandonnent leur civilisation pour cet état sauvage qu’ils louent avec effusion. Ils n’ignorent pas que ces savants sont venus les étudier avec sympathie, compréhension, admiration, qu’ils ont partagé leur vie. Mais la rancune leur suggère que leurs hôtes passagers étaient là d’abord pour écrire une thèse, pour conquérir un diplôme, puisqu’ils sont retournés enseigner à leurs élèves les coutumes étranges, « primitives », qu’ils avaient observées, et qu’ils ont retrouvé là-bas du même coup auto, téléphone, chauffage central, réfrigérateur, les mille commodités que la technique traîne après soi. Dès lors, comment ne pas être exaspéré d’entendre ces bons apôtres vanter les conditions de félicité rustique, d’équilibre et de sagesse simple que garantit l’analphabétisme ? Éveillées à des ambitions neuves, les générations qui étudient et qui naguère étaient étudiées, n’écoutent pas sans sarcasme ces discours flatteurs où ils croient reconnaître l’accent attendri des riches, quand ils expliquent aux pauvres que l’argent ne fait pas le bonheur, – encore moins, sans doute, ne le font les ressources de la civilisation industrielle. À d’autres. Roger Caillois (1974)
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.G.K. Chesterton
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. René Girard
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème ! René Girard
Nous sommes entrés dans un mouvement qui est de l’ordre du religieux. Entrés dans la mécanique du sacrilège : la victime, dans nos sociétés, est entourée de l’aura du sacré. Du coup, l’écriture de l’histoire, la recherche universitaire, se retrouvent soumises à l’appréciation du législateur et du juge comme, autrefois, à celle de la Sorbonne ecclésiastique.Françoise Chandernagor
Malgré le titre général, en effet, dès l’article 1, seules la traite transatlantique et la traite qui, dans l’océan Indien, amena des Africains à l’île Maurice et à la Réunion sont considérées comme « crime contre l’humanité ». Ni la traite et l’esclavage arabes, ni la traite interafricaine, pourtant très importants et plus étalés dans le temps puisque certains ont duré jusque dans les années 1980 (au Mali et en Mauritanie par exemple), ne sont concernés. Le crime contre l’humanité qu’est l’esclavage est réduit, par la loi Taubira, à l’esclavage imposé par les Européens et à la traite transatlantique. (…) Faute d’avoir le droit de voter, comme les Parlements étrangers, des « résolutions », des voeux, bref des bonnes paroles, le Parlement français, lorsqu’il veut consoler ou faire plaisir, ne peut le faire que par la loi. (…) On a l’impression que la France se pose en gardienne de la mémoire universelle et qu’elle se repent, même à la place d’autrui, de tous les péchés du passé. Je ne sais si c’est la marque d’un orgueil excessif ou d’une excessive humilité mais, en tout cas, c’est excessif ! […] Ces lois, déjà votées ou proposées au Parlement, sont dangereuses parce qu’elles violent le droit et, parfois, l’histoire. La plupart d’entre elles, déjà, violent délibérément la Constitution, en particulier ses articles 34 et 37. (…) les parlementaires savent qu’ils violent la Constitution mais ils n’en ont cure. Pourquoi ? Parce que l’organe chargé de veiller au respect de la Constitution par le Parlement, c’est le Conseil constitutionnel. Or, qui peut le saisir ? Ni vous, ni moi : aucun citoyen, ni groupe de citoyens, aucun juge même, ne peut saisir le Conseil constitutionnel, et lui-même ne peut pas s’autosaisir. Il ne peut être saisi que par le président de la République, le Premier ministre, les présidents des Assemblées ou 60 députés. (…) La liberté d’expression, c’est fragile, récent, et ce n’est pas total : il est nécessaire de pouvoir punir, le cas échéant, la diffamation et les injures raciales, les incitations à la haine, l’atteinte à la mémoire des morts, etc. Tout cela, dans la loi sur la presse de 1881 modifiée, était poursuivi et puni bien avant les lois mémorielles. Françoise Chandernagor
La tendance à légiférer sur le passé (…) est née des procédures lancées, dans les années 1970, contre d’anciens nazis et collaborateurs ayant participé à l’extermination des juifs. Celles-ci utilisaient pour la première fois l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, votée en 1964. Elles devaient aboutir aux procès Barbie, Touvier et Papon. (…) L’innovation juridique des « procès pour la mémoire » se justifiait, certes, par l’importance et la singularité du génocide des juifs, dont la signification n’est apparue que deux générations plus tard. Elle exprimait cependant un changement radical dans la place que nos sociétés assignent à l’histoire, dont on n’a pas fini de prendre la mesure. Ces procès ont soulevé la question de savoir si, un demi-siècle après, les juges étaient toujours « contemporains » des faits incriminés. Ils ont montré à quel point la culture de la mémoire avait pris le pas, non seulement sur les politiques de l’oubli qui émergent après une guerre ou une guerre civile, afin de permettre une reconstruction, mais aussi sur la connaissance historique elle-même. L’illusion est ici de croire que la « mémoire » fabrique de l’identité sociale, qu’elle donne accès à la connaissance. Comment peut-on se souvenir de ce que l’on ignore, les historiens ayant précisément pour fonction, non de « remémorer » des faits, des acteurs, des processus du passé, mais bien de les établir ? Dans le cas du génocide des juifs, dans celui des Arméniens ou dans le cas de la guerre d’Algérie, encore pouvons-nous avoir le sentiment que ces faits appartiennent toujours au temps présent — que l’on soit ou non favorable aux « repentances ». L’identification reste possible de victimes précises, directes ou indirectes, et de bourreaux singuliers, individus ou Etats, à qui l’on peut demander réparation. Mais comment peut-on prétendre agir de la même manière sur des faits vieux de plusieurs siècles ? Comment penser sérieusement que l’on peut « réparer » les dommages causés par la traite négrière « à partir du XVe siècle » de la même manière que les crimes nazis, dont certains bourreaux habitent encore au coin de la rue ? (…) Pourquoi (…) promulguer une loi à seule fin rétroactive s’il n’y a aucune possibilité d’identifier des bourreaux, encore moins de les traîner devant un tribunal ? Pourquoi devons-nous être à ce point tributaires d’un passé qui nous est aussi étranger ? Pourquoi cette volonté d’abolir la distance temporelle et de proclamer que les crimes d’il y a quatre siècles ont des effets encore opérants ? Pourquoi cette réduction de l’histoire à la seule dimension criminelle et mortifère ? Et comment croire que les valeurs de notre temps sont à ce point estimables qu’elles puissent ainsi s’appliquer à tout ce qui nous a précédés ? En réalité, la plupart de ces initiatives relèvent de la surenchère politique. Elles sont la conséquence de la place que la plupart des pays démocratiques ont accordée au souvenir de la Shoah, érigé en symbole universel de la lutte contre toutes les formes de racisme. A l’évidence, le caractère universel de la démarche échappe à beaucoup. La mémoire de la Shoah est ainsi devenue un modèle jalousé, donc, à la fois, récusé et imitable : d’où l’urgence de recourir à la notion anachronique de crime contre l’humanité pour des faits vieux de trois ou quatre cents ans. Le passé n’est ici qu’un substitut, une construction artificielle — et dangereuse —, puisque le groupe n’est plus défini par une filiation passée ou une condition sociale présente, mais par un lien « historique » élaboré après coup, pour isoler une nouvelle catégorie à offrir à la compassion publique. Enfin, cette faiblesse s’exprime, une fois de plus, par un recours paradoxal à l’Etat, voie habituelle, en France, pour donner consistance à une « communauté » au sein de la nation. Sommé d’assumer tous les méfaits du passé, l’Etat se retrouve en même temps source du crime et source de rédemption. Outre la contradiction, cette « continuité » semble dire que l’histoire ne serait qu’un bloc, la diversité et l’évolution des hommes et des idées, une simple vue de l’esprit, et l’Etat, le seul garant d’une nouvelle histoire officielle « vertueuse ». C’est là une conception pour le moins réactionnaire de la liberté et du progrès.Henry Rousso
La loi (…) portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » risque, surtout en ses articles 1 et 4, de relancer une polémique dans laquelle les historiens ne se reconnaîtront guère. En officialisant le point de vue de groupes de mémoire liés à la colonisation, elle risque de générer en retour des simplismes symétriques, émanant de groupes de mémoire antagonistes, dont l' »histoire officielle » , telle que l’envisage cette loi, fait des exclus de l’histoire. Car, si les injonctions « colonialophiles » de la loi ne sont pas recevables, le discours victimisant ordinaire ne l’est pas davantage, ne serait-ce que parce qu’il permet commodément de mettre le mouchoir sur tant d’autres ignominies, actuelles ou anciennes, et qui ne sont pas forcément du ressort originel de l’impérialisme ou de ses formes historiques passées comme le(s) colonialisme(s). L’étude scientifique du passé ne peut se faire sous la coupe d’une victimisation et d’un culpabilisme corollaire. De ce point de vue, les débordements émotionnels portés par les »indigènes de la République » ne sont pas de mise. Des êtres humains ne sont pas responsables des ignominies commises par leurs ancêtres – ou alors il faudrait que les Allemands continuent éternellement à payer leur épisode nazi. C’est une chose d’analyser, par exemple, les « zoos humains » de la colonisation. C’en est une autre que de confondre dans la commisération culpabilisante le « divers historique », lequel ne se réduit pas à des clichés médiatiquement martelés. Si la colonisation fut ressentie par les colonisés dans le rejet et la douleur, elle fut aussi vécue par certains dans l’ouverture, pour le modèle de société qu’elle offrait pour sortir de l’étouffoir communautaire. (…)Les historiens doivent travailler à reconstruire les faits et à les porter à la connaissance du public. Or ces faits établissent que la traite des esclaves, dans laquelle des Européens ont été impliqués (et encore, pas eux seuls), a porté sur environ 11 millions de personnes (27,5 % des 40 millions d’esclaves déportés), et que les trafiquants arabes s’y sont taillé la part du lion : la »traite orientale » fut responsable de la déportation de 17 millions de personnes (42,5 % d’entre eux) et la traite « interne » effectuée à l’intérieur de l’Afrique, porta, elle, sur 12 millions (30 %). Cela, ni Dieudonné ni les « Indigènes » , dans leur texte victimisant à sens unique, ne le disent – même si, à l’évidence, la traite européenne fut plus concentrée dans le temps et plus rentable en termes de nombre de déportés par an. (…) L’historien ne se reconnaît pas dans l’affrontement des mémoires. Pour lui, elles ne sont que des documents historiques, à traiter comme tels. Il ne se reconnaît pas dans l’anachronisme, qui veut tout arrimer au passé ; il ne se reconnaît pas dans le manichéisme, qu’il provienne de la »nostalgérie » électoraliste vulgaire qui a présidé à la loi du 23 février 2005, ou qu’il provienne des simplismes symétriques qui surfent sur les duretés du présent pour emboucher les trompettes agressives d’un ressentiment déconnecté de son objet réel.Gilbert Meynier
The enigmatic showman Martin Couney showcased premature babies in incubators to early 20th century crowds on the Coney Island and Atlantic City boardwalks, and at expositions across the United States. A Prussian-born immigrant based on the East coast, Couney had no medical degree but called himself a physician, and his self-promoting carnival-barking incubator display exhibits actually ended up saving the lives of about 7,000 premature babies. These tiny infants would have died without Couney’s theatrics, but instead they grew into adulthood, had children, grandchildren, great grandchildren and lived into their 70s, 80s, and 90s. This extraordinary story reveals a great deal about neonatology, and about life. (…) Drawing on extraordinary archival research as well as interviews, [Raffel’s] narrative is enhanced by her own reflections as she balanced her shock over how Couney saved these premature infants and also managed to make a living by displaying them like little freaks to the vast crowds who came to see them. Couney’s work with premature infants began in Europe as a carnival barker at an incubator exposition. It was there he fell in love with preemies and met his head nurse Louise Recht. Still, even allowing for his evident affection, making the preemies incubation a public show seems exploitative. But was it? In the 21st century, hospital incubators and NICUs are taken for granted, but over a hundred years ago, incubators were rarely used in hospitals, and sometimes they did far more harm than good. Premature infants often went blind because of too much oxygen pumped into the incubators (Raffel notes that Stevie Wonder, himself a preemie, lost his sight this way). Yet the preemies Couney and his nurses — his wife Maye, his daughter Hildegard, and lead nurse Louise, known in the show as “Madame Recht” — cared for retained their vision. The reason? Couney was worried enough about this problem to use incubators developed by M. Alexandre Lion in France, which regulated oxygen flow. Today it is widely accept that every baby – premature or ones born to term – should be saved. Not so in Couney’s time. Preemies were referred to as “weaklings,” and even some doctors believed their lives were not worth saving. While Raffel’s tale is inspiring, it is also horrific. She does not shy away from people like Dr. Harry Haiselden who, unlike Couney, was an actual M.D., but “denied lifesaving treatment to infants he deemed ‘defective,’ deliberately watching them die even when they could have lived.” (…) True, he was a showman, and during most of his career, he earned a good living from his incubator babies show, but Couney, an elegant man who fluently spoke German, French and English, didn’t exploit his preemies (Hildegard was a preemie too). He gave them a chance at the lives they might not have been allowed to live. Couney used his showmanship to support all of this life-saving. He put on shows for boardwalk crowds, but he also, despite not having a medical degree, maintained his incubators according to high medical standards. In many ways, Couney’s practices were incredibly advanced. Babies were fed with breast milk exclusively, nurses provided loving touches frequently, and the babies were held, changed and bathed. (…) Yet the efforts of Dr. Couney’s his nurses went largely ignored by the medical profession and were only mentioned once in a medical journal. As Raffel writes in her book’s final page, “There is nothing at his grave to indicate that [Martin Couney] did anything of note.” The same goes for Maye, Louise and Hildegard. Louise’s name was misspelled on her shared tombstone (Louise’s remains are interred in another family’s crypt), and Hildegard, whose remains are interred with Louise’s, did not even have her own name engraved on the shared tombstone. With the exception of Chicago’s Dr. Julius Hess, who is considered the father of neonatology, the majority of the medical establishment patronized and excluded Couney. Hess, though, respected Couney’s work and built on it with his own scientific approach and research; in the preface to his book Premature and Congenitally Diseased Infants, Hess acknowledges Couney “‘for his many helpful suggestions in the preparation of the material for this book.’” But Couney cared more about the babies than professional respect. His was a single-minded focus: even when it financially devastated him to do so, he persisted, so his preemies could live.National Book Review
Carl Hagenbeck had the idea to open zoos that weren’t only filled with animals, but also people. People were excited to discover humans from abroad: Before television and color photography were available, it was their only way to see them. Anne Dreesbach
The main feature of these multiform varieties of public show, which became widespread in late-nineteenth and early-twentieth century Europe and the United States, was the live presence of individuals who were considered “primitive”. Whilst these native peoples sometimes gave demonstrations of their skills or produced manufactures for the audience, more often their role was simply as exhibits, to display their bodies and gestures, their different and singular condition. In this article, the three main forms of modern ethnic show (commercial, colonial and missionary) will be presented, together with a warning about the inadequacy of categorising all such spectacles under the label of “human zoos”, a term which has become common in both academic and media circles in recent years. Luis A. Sánchez-Gómez
Between the 29th of November 2011 and the 3rd of June 2012, the Quai de Branly Museum in Paris displayed an extraordinary exhibition, with the eye-catching title Exhibitions. L’invention du sauvage, which had a considerable social and media impact. Its “scientific curators” were the historian Pascal Blanchard and the museum’s curator Nanette Jacomijn Snoep, with Guadalupe-born former footballer Lilian Thuram acting as “commissioner general”. A popular sportsman, Thuram is also known in France for his staunch social and political commitment. The exhibition was the culmination (although probably not the end point) of a successful project which had started in Marseille in 2001 with the conference entitled Mémoire colonial: zoos humains? Corps Exotiques, corps enfermés, corps mesurés. Over time, successive publications of the papers presented at that first meeting have given rise to a genuine publishing saga, thus far including three French editions, one in Italian, one in English and another in German. This remarkable repertoire is completed by the impressive catalogue of the exhibition. All of the book titles (with the exception of the catalogue) make reference to “human zoos” as their object of study, although in none of them are the words followed by a question mark, as was the case at the Marseille conference. This would seem to define “human zoos” as a well-documented phenomenon, the essence of which has been well-established. Most significantly, despite reiterating the concept, neither the catalogue of the exhibition, nor the texts drawn up by the exhibit’s editorial authorities, provide a precise definition of what a human zoo is understood to be. Nevertheless, the editors seem to accept the concept as being applicable to all of the various forms of public show featured in the exhibition, all of which seem to have been designed with a shared contempt for and exclusion of the “other”. Therefore, the label “human zoo” implicitly applies to a variety of shows whose common aim was the public display of human beings, with the sole purpose of showing their peculiar morphological or ethnic condition. Both the typology of the events and the condition of the individuals shown vary widely: ranging from the (generally individual) presentation of persons with crippling pathologies (exotic or more often domestic freaks or “human monsters”) to singular physical conditions (giants, dwarves or extremely obese individuals) or the display of individuals, families or groups of exotic peoples or savages, arrived or more usually brought, from distant colonies. The purpose of the 2001 conference had been to present the available information about such shows, to encourage their study from an academic perspective and, most importantly, to publicly denounce these material and symbolic contexts of domination and stigmatisation, which would have had a prominent role in the complex and dense animalisation mechanisms of the colonised peoples by the “civilized West”. A scientific and editorial project guided by such intentions could not fail to draw widespread support from academic, social and journalistic quarters. Reviews of the original 2002 text and successive editions have, for the most part, been very positive, and praise for what was certainly an extraordinary exhibition (the one of 2012) has been even more unanimous. However, most commentators have limited their remarks to praising the important anti-racist content and criticisms of the colonial legacy, which are common to both undertakings. Only a few authors have drawn attention to certain conceptual and interpretative problems with the presumed object of study, the “human zoos”, problems which would undermine the project’s solidity. (…) Although the public display of human beings can be traced far back in history in many different contexts (war, funerals and sacred contexts, prisons, fairs, etc…) the configuration and expansion of different varieties of ethnic shows are closely and directly linked to two historical phenomena which lie at the very basis of modernity: exhibitions and colonialism. The former began to appear at national contests and competitions (both industrial and agricultural). These were organised in some European countries in the second half of the eighteenth century, but it was only in the century that followed that they acquired new and shocking material and symbolic dimensions, in the shape of the international or universal exhibition.The key date was 1851, when the Great Exhibition of the Works of Industry of All Nations was held in London. The triumph of the London event, its rapid and continuing success in France and the increasing participation (which will be outlined) of indigenous peoples from the colonies, paved the way from the 1880s for a new exhibition model: the colonial exhibition (whether official or private, national or international) which almost always featured the presence of indigenous human beings. However, less spectacular exhibitions had already been organised on a smaller scale for many years, since about the mid-nineteenth century. Some of these were truly impressive events, which in some cases also featured native peoples. These were the early missionary (or ethnological-missionary) exhibitions, which initially were mainly British and Protestant, but later also Catholic. Finally, the unsophisticated ethnological exhibitions which had been typical in England (particularly in London) in the early-nineteenth century, underwent a gradual transformation from the middle of the century, which saw them develop into the most popular form of commercial ethnological exhibition. These changes were initially influenced by the famous US circus impresario P.T. Barnum’s human exhibitions. Later on, from 1874, Barnum’s displays were successfully reinterpreted (through the incorporation of wild animals and groups of exotic individuals) by Carl Hagenbeck.The second factor which was decisive in shaping the modern ethnic show was imperial colonialism, which gathered in momentum from the 1870s. The propagandising effect of imperialism was facilitated by two emerging scientific disciplines, physical anthropology and ethnology, which propagated colonial images and mystifications amid the metropolitan population. This, coupled with robust new levels of consumerism amongst the bourgeoisie and the upper strata of the working classes, had a greater impact upon our subject than the economic and geostrategic consequences of imperialism overseas. In fact, the new context of geopolitical, scientific and economic expansion turned the formerly “mysterious savages” into a relatively accessible object of study for certain sections of society. Regardless of how much was written about their exotic ways of life, or strange religious beliefs, the public always wanted more: seeking participation in more “intense” and “true” encounters and to feel part of that network of forces (political, economic, military, academic and religious) that ruled even the farthest corners of the world and its most primitive inhabitants.It was precisely the convergence of this web of interests and opportunities within the new exhibition universe that had already consolidated by the end of the 1870s, and which was to become the defining factor in the transition. From the older, popular model of human exhibitions which had dominated so far, we see a reduction in the numbers of exhibitions of isolated individuals classified as strange, monstrous or simply exotic, in favour of adequately-staged displays of families and groups of peoples considered savage or primitive, authentic living examples of humanity from a bygone age. Of course, this new interest, this new desire to see and feel the “other” was fostered not only by exhibition impresarios, but by industrialists and merchants who traded in the colonies, by colonial administrators and missionary societies. In turn, the process was driven forward by the strongly positive reaction of the public, who asked for more: more exoticism, more colonial products, more civilising missions, more conversions, more native populations submitted to the white man’s power; ultimately, more spectacle. Despite the differences that can be observed within the catalogue of exhibitions, their success hinged to a great extent upon a single factor: the representation or display of human beings labelled as exotic or savage, which today strikes us as unsettling and distasteful. It can therefore be of little surprise that most, if not all, of the visitors to the Quai de Branly Museum exhibiton of 2012 reacted to the ethnic shows with a fundamental question: how was it possible that such repulsive shows had been organised? Although many would simply respond with two words, domination and racism, the question is certainly more complex. In order to provide an answer, the content and meanings of the three main models or varieties of the modern ethnic show –commercial ethnological exhibitions, colonial exhibitions and missionary exhibitions– will be studied. (…) The opposition that missionary societies encountered at nineteenth-century international exhibitions encouraged them to organise events of their own. The first autonomous missionary events were Protestant and possibly took place prior to 1851. In any case, this has been confirmed as the year that the Methodist Wesleyan Missionary Society organised a missionary exhibition (which took place at the same time as the International Exhibition). Small in size and very simple in structure, it was held for only two days during the month of June, although it provided the extraordinary opportunity to see and acquire shells, corals and varied ethnographic materials (including idols) from Tonga and Fiji. The exhibition’s aim was very specific: to make a profit from ticket sales and the materials exhibited and to seek general support for the missionary enterprise.Whether or not they were directly influenced by the international event of 1851, the modest British missionary exhibitions of the mid-nineteenth century began to evolve rapidly from the 1870s, reaching truly spectacular proportions in the first third of the twentieth century. This enormous success was due to a particular set of circumstances which were not true for the Catholic sphere. Firstly, the exhibits were a fantastic source of propaganda, and furthermore, they generated a direct and immediate cash income. This is significant considering that Protestant church societies and committees neither depended upon, nor were linked to (at least not directly or officially) civil administration and almost all revenue came from the personal contributions of the faithful. Secondly, because Protestants organised their own events, there was no reason for them to participate in the official colonial exhibitions, with which the Catholic missions became repeatedly involved once the old prejudices of government had fallen away by the later years of the nineteenth century. In this way, evangelical communities were able to maintain their independence from the imperial enterprise, yet in a manner that did not preclude them from collaborating with it whenever it was in their interests to do so.However, whether Catholic or Protestant, the main characteristic of the missionary exhibitions in the timeframe of the late-nineteenth and early-twentieth century, was their ethnological intent. The ethnographic objects of converted peoples (and of those who had yet to be converted) were noteworthy for their exoticism and rarity, and became a true magnet for audiences. They were also supposedly irrefutable proof of the “backward” and even “depraved” nature of such peoples, who had to be liberated by the redemptive missions which all Christians were expected to support spiritually and financially. But as tastes changed and the public began to lose interest, the exhibitions started to grow in size and complexity, and increasingly began to feature new attractions, such as dioramas and sculptures of native groups. Finally, the most sophisticated of them began to include the natives themselves as part of the show. It must be said that, but for rare exceptions, these were not exhibitions in the style of the famous German Völkerschauen or British ethnological exhibitions, but mere performances; in fact, the “guests” had already been baptized, were Christians, and allegedly willing to collaborate with their benefactors.Whilst the Protestant churches (British and North American alike) produced representations of indigenous peoples with the greatest frequency and intensity, it was (as far as we know) the (Italian) Catholic Church that had the dubious honour of being the first to display natives at a missionary exhibition, and did so in a clearly savagist and rudimentary fashion, which could even be described as brutal. This occurred in the religious section of the Italian-American Exhibition of Genoa in 1892. As a shocking addition to the usual ethnographic and missionary collections, seven natives were exhibited in front of the audience: four Fuegians and three Mapuches of both sexes (children, young and fully-grown adults) brought from America by missionaries. The Fuegians, who were dressed only in skins and armed with bows and arrows, spent their time inside a hut made from branches which had been built in the garden of the pavilion housing the missionary exhibition. The Mapuches were two young girls and a man; the three of them lived inside another hut, where they made handicrafts under the watchful eye of their keepers.The exhibition appears to have been a great success, but it must have been evident that the model was too simple in concept, and inhumanitarian in its approach to the indigenous people present. In fact, whilst subsequent exhibitions also featured a native presence (always Christianised) at the invitation of the clergy, the Catholic Church never again fell into such a rough presentation and representation of the obsolete and savage way of life of its converted. To provide an illustration of those times, now happily overcome by the missionary enterprise, Catholic congregations resorted to dioramas and sculptures, some of which were of superb technical and artistic quality.Although the Catholic Church may have organised the first live missionary exhibition, it should not be forgotten that they joined the exhibitional sphere much later than the evangelical churches. Also, a considerable number of their displays were associated with colonial events, something that the Protestant churches avoided. (…) Whilst it was the reformed churches that most readily incorporated native participation, they seemed to do so in a more sensitive and less brutalised manner than the Genoese Catholic Exhibition of 1892. (…) The exhibition model at these early-twentieth century Protestant events was very similar to the colonial model. Native villages were reconstructed and ethnographic collections were presented, alongside examples of local flora and fauna, and of course, an abundance of information about missionary work, in which its evangelising, educational, medical and welfare aspects were presented. Some of these were equally as attractive to the audience (irrespective of their religious beliefs) as contemporary colonial or commercial exhibitions. However, it may be noted that the participation of Christianised natives took a radically different form from those of the colonial and commercial world. Those who were most capable and had a good command of English served as guides in the sections corresponding to their places of origin, a task that they tended to carry out in traditional clothing. More frequently these new Christians assumed roles with less responsibility, such as the manufacture of handicrafts, the sale of exotic objects or the recreation of certain aspects of their previous way of life. The organisers justified their presence by claiming that they were merely actors, representing their now-forgotten savage way of life. This may very well have been the case. At the Protestant exhibitions of the 1920s and 1930s, the presence of indigens became progressively less common until it eventually disappeared. This notwithstanding, the organisers came to benefit from a living resource which complemented displays of ethnographic materials whilst being more attractive to the audience than the usual dioramas. This was a theatrical representation of the native way of life (combined with scenes of missionary interaction) by white volunteers (both men and women) who were duly made up and in some cases appeared alongside real natives. Some of these performances were short, but others consisted of several acts and featured dozens of characters on stage. Regardless of their form, these spectacles were inherent to almost any British and North American exhibition, although much less frequent in continental Europe.Since the 1960s, the Christian missionary exhibition (both Protestant and Catholic) has been conducted along very different lines from those which have been discussed here. All direct or indirect associations with colonialism have been definitively given up; it has broken with racial or ethnological interpretations of converted peoples, and strongly defends its reputed autonomy from any political groups or interests, without forgetting that the essence of evangelisation is to maximize the visibility of its educational and charitable work among the most disadvantaged. (…)The three most important categories of modern ethnic show –commercial ethnological exhibitions, colonial exhibitions and missionary exhibitions– have been examined. All three resorted, to varying degrees, to the exhibition of exotic human beings in order to capture the attention of their audience, and, ultimately, to achieve certain goals: be they success in business and personal enrichment, social, political or financial backing for the colonial enterprise, or support for missionary work. Whilst on occasion they coincided at the same point in time and within the same context of representation, the uniqueness of each form of exhibition has been emphasised. However, this does not mean that they are completely separate phenomena, or that their representation of exotic “otherness” is homogeneous.Missionary exhibitions displayed perhaps the most singular traits due to their spiritual vision. However, it is clear that many made a determined effort to produce direct, visual and emotional spectacles and some, in so doing, resorted to representations of natives which were very similar to those of colonial exhibitions. Can we speak then, of a convergence of designs and interests? I honestly do not think so. At many colonial exhibitions, organisers showed a clear intention to portray natives as fearsome, savage individuals (sometimes even describing them as cannibals) who somehow needed to be subjugated. Peoples who were considered, to a lesser or greater extent, to be civilised were also displayed (as at the interwar exhibitions). However, the purpose of this was often to publicise the success of the colonial enterprise in its campaign for “the domestication of the savage”, rather than to present a message of humanitarianism or universal fraternity. Missionary exhibitions provided information and material examples of the former way of life of the converted, in which natives demonstrated that they had abandoned their savage condition and participated in the exhibition for the greater glory of the evangelising mission. Moreover, they also became living evidence that something much more transcendent than any civilising process was taking place: that once they had been baptised, anyone, no matter how wild they had once been, could become part of the same universal Christian family.It is certainly true that the shows that the audiences enjoyed at all of these exhibitions (whether missionary, colonial or even commercial) were very similar. Yet in the case of the former, the act of exhibition took place in a significantly more humanitarian context than in the others. And while it is evident that indigenous cultures and peoples were clearly manipulated in their representation at missionary exhibitions, this did not mean that the exhibited native was merely a passive element in the game. And there is something more. The dominating and spectacular qualities present in almost all missionary exhibitions should not let us forget one last factor which was essential to their conception, their development and even their longevity: Christian faith. Without Christian faith there would have been no missionary exhibitions, and had anything similar been organised, it would not have had the same meaning. It was essential that authentic Christian faith existed within the ecclesiastical hierarchy and within those responsible for congregations, missionary societies and committees. But the faith that really made the exhibitions possible was the faith of the missionaries, of others who were involved in their implementation and, of course, of those who visited. Although it was never recognised as such, this was perhaps an uncritical faith, complacent in its acceptance of the ways in which human diversity was represented and with ethical values that occasionally came close to the limits of Christian morality. But it was a faith nonetheless, a faith which intensified and grew with each exhibition, which surely fuelled both Christian religiosity (Catholic and Protestant alike) and at least several years of missionary enterprise, years crucial for the imperialist expansionism of the West. It is an objective fact that the display of human beings at commercial and colonial shows was always much more explicit and degrading than at any missionary exhibition. To state what has just been proposed more bluntly: missionary exhibitions were not “human zoos”. However, it is less clear whether the remaining categories: are commercial and colonial exhibitions worthy of this assertion (human zoos), or were they polymorphic ethnic shows of a much greater complexity?The principal analytical obstacle to the use of the term “human zoo” is that it makes an immediate and direct association between all of these acts and contexts and the idea of a nineteenth-century zoo. The images of caged animals, growling and howling, may cause admiration, but also disgust; they may sometimes inspire tenderness, but are mainly something to be avoided and feared due to their savage and bestial condition. This was definitely the case for the organisers of the scientific and editorial project cited at the beginning of this article, so it can be no surprise that Carl Hagenbeck’s joint exhibitions of exotic animals and peoples were chosen as the frame of reference for human zoos. Although the authors state in the first edition that “the human zoo is not the exhibition of savagery but its construction” [“le zoo humain n’est pas l’exhibition de la sauvagerie, mais la construction de celle-ci”], the problem, as Blanckaert (2002) points out, is that this alleged construction or exhibitional structure was not present at most of the exhibitions under scrutiny, nor (and this is an added of mine) at those shown at the Exhibitions. Indeed, the expression “human zoo” establishes a model which does not fit with the meagre number of exhibitions of exotic individuals from the sixteenth, seventeenth or eighteenth centuries, nor with that of Saartjie Baartmann (the Hottentot Venus) of the early nineteenth century, much less with the freak shows of the twentieth century. Furthermore, this model can neither be compared to most of the nineteenth-century British human ethnological exhibitions, nor to most of the native villages of the colonial exhibitions, nor to the Wild West show of Buffalo Bill, let alone to the ruralist-traditionalist villages which were set up at many national and international exhibitions until the interwar period. Ultimately, their connection with many wandering “black villages” or “native villages” exhibited by impresarios at the end of the nineteenth century could also be disputed. Moreover, many of the shows organised by Hagenbeck number amongst the most professional in the exhibitional universe. The fact that they were held in zoos should not automatically imply that the circumstances in which they took place were more brutal or exploitative than those of any of the other ethnic shows.It is evident from all the shows which have been discussed, that the differential racial condition of the persons exhibited not only formed the basis of their exhibition, but may also have fostered and even founded racist reactions and attitudes held by the public. However, there are many other factors (political, economic and even aesthetic) which come into play and have barely been considered, which could be seen as encouraging admiration of the displays of bodies, gestures, skills, creations and knowledge which were seen as both exotic and seductive.In fact, the indiscriminate use of the very successful concept of “human zoo” generates two fundamental problems. Firstly it impedes our “true” knowledge of the object of study itself, that is, of the very varied ethnic shows which it intends to catalogue, given the great diversity of contexts, formats, persons in charge, objectives and materialisations that such enterprises have to offer. Secondly, the image of the zoo inevitably recreates the idea of an exhibition which is purely animalistic, where the only relationship is that which exists between exhibitor and exhibited: the complete domination of the latter (irrational beasts) by the former (rational beings). If we accept that the exhibited are treated merely as as more-or-less worthy animals, the consequences are twofold: a logical rejection of such shows past, present and future, and the visualization of the exhibited as passive victims of racism and capitalism in the West. It is therefore of no surprise that the research barely considers the role that these individuals may have played, the extent to which their participation in the show was voluntary and the interests which may have moved some of them to take part in these shows. Ultimately, no evaluation has been made of how these shows may have provided “opportunity contexts” for the exhibited, whether as commercial, colonial or missionary exhibitis. Whilst it is true that the exhibited peoples’ own voice is the hardest to record in any of these shows, greater effort could have been made in identifying and mapping them, as, when this happens, the results obtained are truly interesting. Before we conclude, it must be said that the proposed analysis does not intend to soften or justify the phenomenon of the ethnic show. Even in the least dramatic and exploitative cases it is evident that the essence of these shows was a marked inequality, in which every supposed “context of interaction” established a dichotomous relationship between black and white, North and South, colonisers and colonised, and ultimately, between dominators and dominated. My intention has been to propose a more-or-less classifying and clarifying approach to this varied world of human exhibitions, to make a basic inventory of their forms of representation and to determine which are the essential traits that define them, without losing sight of the contingent factors which they rely upon. Luis A. Sánchez-Gómez
Une théorie du complot (on parle aussi de conspirationnisme ou de complotisme) est un récit pseudo-scientifique, interprétant des faits réels comme étant le résultat de l’action d’un groupe caché, qui agirait secrètement et illégalement pour modifier le cours des événements en sa faveur, et au détriment de l’intérêt public. Incapable de faire la démonstration rigoureuse de ce qu’elle avance, la théorie du complot accuse ceux qui la remettent en cause d’être les complices de ce groupe caché. Elle contribue à semer la confusion, la désinformation, et la haine contre les individus ou groupes d’individus qu’elle stigmatise. (…) Derrière chaque actualité ayant des causes accidentelles ou naturelles (mort ou suicide d’une personnalité, crash d’avion, catastrophe naturelle, crise économique…), la théorie du complot cherche un ou des organisateurs secrets (gouvernement, communauté juive, francs-maçons…) qui auraient manipulé les événements dans l’ombre pour servir leurs intérêts : l’explication rationnelle ne suffit jamais. Et même si les événements ont une cause intentionnelle et des acteurs évidents (attentat, assassinat, révolution, guerre, coup d’État…), la théorie du complot va chercher à démontrer que cela a en réalité profité à un AUTRE groupe caché. C’est la méthode du bouc émissaire. (…) La théorie du complot voit les indices de celui-ci partout où vous ne les voyez pas, comme si les comploteurs laissaient volontairement des traces, visibles des seuls « initiés ». Messages cachés sur des paquets de cigarettes, visage du diable aperçu dans la fumée du World Trade Center, parcours de la manifestation Charlie Hebdo qui dessinerait la carte d’Israël… Tout devient prétexte à interprétation, sans preuve autre que l’imagination de celui qui croit découvrir ces symboles cachés. Comme le disait une série célèbre : « I want to believe ! » (…) La théorie du complot a le doute sélectif : elle critique systématiquement l’information émanant des autorités publiques ou scientifiques, tout en s’appuyant sur des certitudes ou des paroles « d’experts » qu’elle refuse de questionner. De même, pour expliquer un événement, elle monte en épingle des éléments secondaires en leur conférant une importance qu’ils n’ont pas, tout en écartant les éléments susceptibles de contrarier la thèse du complot. Son doute est à géométrie variable. (…) La théorie du complot tend à mélanger des faits et des spéculations sans distinguer entre les deux. Dans les « explications » qu’elle apporte aux événements, des éléments parfaitement avérés sont noués avec des éléments inexacts ou non vérifiés, invérifiables, voire carrément mensongers. Mais le fait qu’une argumentation ait des parties exactes n’a jamais suffi à la rendre dans son ensemble exacte ! (…) C’est une technique rhétorique qui vise à intimider celui qui y est confronté : il s’agit de le submerger par une série d’arguments empruntés à des champs très diversifiés de la connaissance, pour remplacer la qualité de l’argumentation par la quantité des (fausses) preuves. Histoire, géopolitique, physique, biologie… toutes les sciences sont convoquées – bien entendu, jamais de façon rigoureuse. Il s’agit de créer l’impression que, parmi tous les arguments avancés, « tout ne peut pas être faux », qu’ »il n’y a pas de fumée sans feu » (…) Incapables (et pour cause !) d’apporter la preuve définitive de ce qu’elle avance, la théorie du complot renverse la situation, en exigeant de ceux qui ne la partagent pas de prouver qu’ils ont raison. Mais comment démontrer que quelque chose qui n’existe pas… n’existe pas ? Un peu comme si on vous demandait de prouver que le Père Noël n’est pas réel. (…) A force de multiplier les procédés expliqués ci-dessus, les théories du complot peuvent être totalement incohérentes, recourant à des arguments qui ne peuvent tenir ensemble dans un même cadre logique, qui s’excluent mutuellement. Au fond, une seule chose importe : répéter, faute de pouvoir le démontrer, qu’on nous ment, qu’on nous cache quelque chose.#OnTeManipule !
Hoax[es], rumeurs, photos ou vidéos truquées… les fausses informations abondent sur internet. Parfois la désinformation va plus loin, et prend la forme de pseudo-théories à l’apparence scientifique qui vous mettent en garde : « On te manipule ! » A en croire ces « théoriciens » du complot, États, institutions et médias déploieraient des efforts systématiques pour tromper et manipuler les citoyens. Il faudrait ne croire personne… sauf ceux qui portent ces thèses complotistes ! Étrange, non ? Et si ceux qui dénoncent la manipulation étaient eux-mêmes en train de nous manipuler ? Oui, #OnTeManipule quand on invente des complots, quand on désigne des boucs émissaires, et quand on demande d’y croire, sans aucune preuve. Découvrez les bons réflexes à avoir pour garder son sens critique et prendre du recul par rapport aux informations qui circulent.On te manipule
Au jardin d’Acclimatation (…) le jour où nous étions allés voir les Cinghalais… Marcel Proust
As black South Africans, we’ve always been told our culture is uncivilised, our culture is backward. Because of social media platforms reinforcing these stereotypes it becomes harder. As a young person why would you want to celebrate something that is constantly being mocked on social media platforms? I, as a South African, want to celebrate my culture. Having my photos labelled as inappropriate or regarded as porn, I take that as a direct attack on my cultural heritage. I take it as a sign of ignorance. If I’m posing in a sexually suggestive manner that is one thing, but if I’m posting pictures of me standing there in my traditional attire, that is a completely different context. It gets so frustrating, so maddening to talk about it. You can shake your boobs in a music video and it’s fine, because its normalised. But you see a woman just standing there with their boobs out and then, oh, it’s offensive. Nobukhosi Mtshali
They started removing advertising from our videos, then the views started dropping, the revenues started dropping. We don’t care about the revenues, we care about the insult to our culture. You talk about community standards, but you’re only talking about western community, not African community. But they did not engage with that. They just said these are our standard terms, if you don’t like it then you don’t have to use the platform. (…) You are an organisation that perpetrates racism, and oppression of black people, beliefs, culture and values. Lazi Dlamini (TV Yabantu)
When the Mijikenda started wearing clothes, tourism slumped – besides the impact of insecurity. Senator Emma Mbura (Mombasa, Kenya, 2015)
Our culture and traditional dress are what attract tourists to our coast. There were times when you would enter a hotel and find our girls dance traditional Mijikenda dances. They would dance bare-chested, with their firm breasts for all to see. How will we attract back the tourists back if all our women are wearing modern clothes like jeans and miniskirts? When tourists come to Mombasa, they want to visit the Old Town and eat traditional Swahili and Arab food. And if they go to Mijikenda towns and villages, they want to see the traditional dress of the Mahando. I only want to see the tourism sector revamped. The coast depends on tourism. It has been a difficult ride for many locals since tourists stopped visiting. I once worked at a hotel and lost my job when tourists stopped coming, so I know what it feels like. Sen. Emma Mbura
I have not told anyone to go naked. But we must know where we came from. Senator Mbura
Kenyans are funny. You shouted from rooftops, ‘my dress, my choice’ – now you condemn Emma Mbura. What changed? Sir Chege wa Kimani
Mijikenda women, like many other African tribes in Kenya, went topless before the arrival of the Arabs and British colonizers and the ensuing spread of Islam and Christianity. (…) Recent attacks – blamed on Somalia’s Al-Shabaab militant group and rising militancy among the youth – have led several western countries to issue travel advisories to their citizens against travelling to the area. After agriculture, tourism represents Kenya’s second biggest foreign currency earner. (…) Mbura’s suggestion has drawn the rebuke of many Kenyans… Primanews
Aujourd’hui, l’équation difficile est de trouver une jeune fille vierge. Et de trouver même des jeunes filles qui acceptent de se mettent à nu. Kaldaoussa
Dans le village traditionnel, il y aura des artisans et des danseurs. Non, la publicité n’était pas exagérée: dans la danse des jeunes filles, les seins sont nus. J’ai moi-même choisi tout le monde dans les villages de brousse. Ils sont tous volontaires et sont hébergés dans nos bâtiments. Ils vivent ici comme en Afrique: pour eux, il n’y a que le sol qui change…Dany Laurent
Le temps des expositions coloniales serait-il revenu? L’affaire que vient de révéler le Syndicat des musiciens CGT de Loire-Atlantique rappelle, en tout cas, beaucoup cette période peu glorieuse de la République. Elle fait grand bruit dans le département. Au ‘Safari Parc’ de Port-Saint-Père en Loire-Atlantique, vingt-cinq hommes, femmes et enfants venus tout droit de Côte-d’Ivoire, vont devoir, pendant sept mois, travailler, s’exposer et danser en tenue traditionnelle devant le public fréquentant le zoo. Il y a quelques jours, ‘Ouest France’ publiait en une une photo racoleuse ne correspondant guère à l’éthique déclarée de ce quotidien: une Africaine aux seins nus faisait de la publicité pour le ‘village africain’ de Port-Saint-Père. Ce beau parc animalier, créé il y a un an et qui bénéficie du soutien du conseil général, a déjà accueilli 450.000 visiteurs au milieu de ses 100 hectares, d’animaux et de constructions reconstituant l’univers africain. (…) Le directeur espère 600.000 visiteurs cette année et un grand succès touristique pour la Côte-d’Ivoire. Car, il le précise bien, « je ne suis pas l’employeur. J’ai signé une convention spéciale avec le ministère du Tourisme ivoirien, dont ces vingt-cinq personnes dépendent ». Résultat, les Africains n’ont pas de visa de travail, pas de salaire (une indemnité a été versée au village dont ils dépendent, et seul l’ancien de la troupe reçoit une somme d’argent, qu’il est chargé de distribuer à son gré. Pas de Sécurité sociale non plus. « En cas de maladie, ils seront rapatriés dans leur pays », annonce sans état d’âme le directeur. Interrogé sur la scolarisation des enfants, il explique qu’ils n’iront pas à l’école du village, mais seront pris en charge par l’ancien « comme dans une école de cirque », a-t-il déclaré à « Ouest France’. A l’aube de l’an 2000, on reste stupéfait devant une telle exhibition, digne des expositions coloniales d’antan. La vie des peuples africains aujourd’hui a-t-elle un quelconque rapport avec cette présentation en parallèle d’animaux vivant en semi-liberté et d’hommes et de femmes auquel on demande de mimer leur propre existence devant des touristes – sous un autre climat, dans une société qui leur est complètement étrangère et derrière les grilles d’un parc? Ce voyeurisme choque, alors même qu’à 30 kilomètres de là, à Nantes, ancien port négrier, une exposition sur la traite des Noirs, «Les anneaux de la mémoire» touche à sa fin… (…) « Ce sont les lois sociales françaises et le statut des artistes en représentation qui s’appliquent, cela d’autant plus que la troupe est là pour sept mois… » Une exception, dira-t-on? Tolérer ce genre d’accord, n’est-ce pas demain ouvrir la porte ici à une réserve d’Indiens, là un village d’Esquimaux, un bantoustan africain, tous sous-payés et échappant aux lois sociales. L’Humanité (13.04.1994)
Comment ne pas penser à ces enclos quand on voit les murs qui se construisent autour de l’Europe ou aux Etats-Unis ? Lilian Thuram
Peintures, sculptures, affiches, cartes postales, films, photographies, moulages, dioramas, maquettes et costumes donnent un aperçu de l’étendue de ce phénomène et du succès de cette industrie du spectacle exotique qui a fasciné plus d’un milliard de visiteurs de 1800 à 1958 et a concerné près de 35 000 figurants dans le monde. À travers un vaste panorama composé de près de 600 oeuvres et de nombreuses projections de films d’archives, l’exposition montre comment ces spectacles, à la fois outil de propagande, objet scientifique et source de divertissement, ont formé le regard de l’Occident et profondément influencé la manière dont est appréhendé l’Autre depuis près de cinq siècles. L’exposition explore les frontières parfois ténues entre exotiques et monstres, science et voyeurisme, exhibition et spectacle, et questionne le visiteur sur ses propres préjugés dans le monde d’aujourd’hui. Si ces exhibitions disparaissent progressivement dans les années 30, elles auront alors accompli leur oeuvre : créer une frontière entre les exhibés et les visiteurs. Une frontière dont on peut se demander si elle existe toujours ?Musée du quai Branly
Pendant plus d’un siècle, les grandes puissances colonisatrices ont exhibé comme des bêtes sauvages des êtres humains arrachés à leur terre natale. Retracée dans ce passionnant documentaire, cette « pratique » a servi bien des intérêts. Ils se nomment Petite Capeline, Tambo, Moliko, Ota Benga, Marius Kaloïe et Jean Thiam. Fuégienne de Patagonie, Aborigène d’Australie, Kali’na de Guyane, Pygmée du Congo, Kanak de Nouvelle-Calédonie, ces six-là, comme 35 000 autres entre 1810 et 1940, ont été arrachés à leur terre lointaine pour répondre à la curiosité d’un public en mal d’exotisme, dans les grandes métropoles occidentales. Présentés comme des monstres de foire, voire comme des cannibales, exhibés dans de véritables zoos humains, ils ont été source de distraction pour plus d’un milliard et demi d’Européens et d’Américains, venus les découvrir en famille au cirque ou dans des villages indigènes reconstitués, lors des grandes expositions universelles et coloniales. S’appuyant sur de riches archives (photos, films, journaux…) ainsi que sur le témoignage inédit des descendants de plusieurs de ces exhibés involontaires, Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet restituent le phénomène des exhibitions ethnographiques dans leur contexte historique, de l’émergence à l’essor des grands empires coloniaux. Ponctué d’éclairages de spécialistes et d’universitaires, parmi lesquels l’anthropologue Gilles Boëtsch (CNRS, Dakar) et les historiens Benjamin Stora, Sandrine Lemaire et Fanny Robles, leur passionnant récit permet d’appréhender la façon dont nos sociétés se sont construites en fabriquant, lors de grandes fêtes populaires, une représentation stéréotypée du « sauvage ». Et comment, succédant au racisme scientifique des débuts, a pu s’instituer un racisme populaire légitimant la domination des grandes puissances sur les autres peuples du monde.Arte
On assiste au passage progressif d’un racisme scientifique à un racisme populaire, un passage qui n’est ni lié à la littérature ni au cinéma, puisque celui-ci n’existe pas encore, mais à la culture populaire, avec des spectateurs qu vont au zoo pour se divertir, sans le sentiment d’être idéologisés, manipulés. Pascal Blanchard
On payait pour voir des êtres hors norme, le frisson de la dangerosité faisait partie du spectacle. (… ) Imaginez ici des pirogues, un décorum de village lacustre wolof. Tout était fait pour donner au public l’illusion de voir le sauvage dans son biotope. C’est d’ailleurs dans ce décor factice que les frères Lumière tourneront leur douzième film, Baignade de nègres, comme s’ils étaient en Afrique… Pour le visiteur, cette représentation caricaturale du monde et de l’autre était perçue comme la réalité. (…) Ces articles et ces photos contribuent alors à la propagation de clichés et d’idées reçues sur le “sauvage”. Autant de représentations qui légitiment l’ordre colonial, popularisent la théorie et la hiérarchie des races, le concept de peuples “inférieurs” qu’il convient de faire entrer dans la lumière de la civilisation. (…) Ici, vous aviez la grande esplanade des exhibitions humaines. Celle-là même où avaient été placés les Fuégiens de Patagonie en 1881. Sur les photos que nous avons pu retrouver, on voit qu’ils sont installés sur une planche, en hauteur, sans doute à cause du froid et de l’humidité. Ils étaient arrivés en plein mois d’octobre et n’étaient quasiment pas vêtus. Beaucoup avaient attrapé des maladies pulmonaires. (…) Ils étaient enterrés sur place, dans le cimetière du zoo, au même rang que les animaux. Dans certains cas, les corps étaient envoyés à l’Institut médico-légal ou à la Société d’anthropologie de Paris, où le public payait pour assister à leur dissection. (…) Même pour les spécialistes, ce pan de l’histoire coloniale était considéré comme un élément secondaire. (…) Il a fallu six mois pour obtenir l’autorisation de réaliser quelques séquences à l’intérieur du jardin, et nous ne l’avons eue que parce que nous avons menacé de filmer à travers les grilles… Pascal Blanchard
Grâce à l’historien Pascal Blanchard, que j’ai rencontré lors d’un colloque, à l’époque où je jouais à Barcelone. Après notre rencontre, il m’a envoyé un livre sur le sujet, et c’est comme ça que j’ai appris à connaître un peu mieux cette histoire des « zoos humains ». Une histoire extrêmement violente, dont les enjeux m’intéressent car elle permet de comprendre d’où vient le racisme, de saisir qu’il est lié à un conditionnement historique. (…) Les zoos humains sont le reflet d’un rapport de domination, celui de l’Occident sur le reste du monde. La domination de celui qui détient le pouvoir économique et militaire, et qui l’utilise pour que d’autres personnes, dominées, venues d’Asie, d’Océanie, d’Afrique, soient montrées comme des animaux dans des espaces clos, au nom notamment de la couleur de leur peau. (…) Ces exhibitions ont attiré des millions de spectateurs et ont ancré dans leur tête l’idée d’une hiérarchie entre les personnes, entre les prétendues « races » – la race blanche étant considérée comme supérieure. Les mécanismes de domination qui existent dans nos sociétés se sont construits petit à petit. La plupart des gens sont devenus racistes sans le savoir, ils ont été éduqués dans ce sens-là. Après avoir visité ces zoos humains, les populations occidentales étaient confortées dans l’idée qu’elles étaient supérieures, qu’elles incarnaient la « civilisation » face à des « sauvages ». Lorsque je préparais l’exposition au Quai Branly, en 2011, je me suis rendu à Hambourg. Là-bas, sur le portail d’entrée du zoo, une sculpture représente des animaux et des hommes, mis au même niveau. C’est d’une violence totale. Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi certains sont aujourd’hui encore dans le rejet de l’autre. Il reste des séquelles de ce passé, les barrières existent toujours dans nos sociétés. Comment ne pas penser à ces enclos quand on voit les murs qui se construisent autour de l’Europe ou aux Etats-Unis ? Les zoos humains permettent de nous éclairer sur ce que nous vivons aujourd’hui. (…) Mais ce n’est pas seulement l’évocation des zoos humains qui pose problème, c’est le passé en général. Ce passé lié à de la violence, au fait de s’accaparer des biens d’autrui. Mais, ce passé-là, nous devons nous l’approprier car il raconte l’histoire du monde actuel. Le regarder en face doit nous permettre de nous éclairer sur ce que nous sommes en train de vivre, pour essayer de choisir un futur différent. Dans nos sociétés, la chose la plus importante est-elle le profit, le fait de s’octroyer le bien des autres pour s’enrichir ? C’est important de se poser ces questions-là aujourd’hui. (…) Ces manifestations racistes dont vous parlez viennent directement des zoos humains. De cette histoire. Les gens ont été éduqués ainsi. Les cultures dans lesquelles il y a eu des zoos humains gardent ce complexe de supériorité, conscient ou inconscient, sur les autres cultures. Pour progresser, il faut savoir faire preuve d’autocritique. Dans le sport de haut niveau, c’est essentiel. Cela vaut aussi pour la société. Mais nos sociétés, françaises, européennes, portent très peu de critiques sur elles-mêmes. Très souvent, les gens ne veulent pas critiquer leur propre culture. Il n’y a pas si longtemps encore, l’Europe était persuadée d’être le phare de l’univers. Les zoos humains sont liés à l’histoire coloniale. Les gens ont souvent tendance à croire qu’après la colonisation il y a eu l’égalité. Mais non, il y a une culture de la domination qui perdure. Notre système économique ne fait-il pas en sorte qu’une minorité, qui vit bien, exploite une majorité, qui vit mal ? (…) Avant toute chose, je pense qu’il faut connaître notre passé pour mieux comprendre ce que nous vivons aujourd’hui. Pourquoi certaines personnes ne veulent-elles pas connaître cette histoire, de quoi ont-elles peur ? Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à une société, c’est de lui apprendre à connaître son histoire. Il n’y a que sur des bases solides que l’on peut construire un présent et un futur solides. Lilian Thuram
Entre 1877 et 1937, des millions de Parisiens se bousculèrent ici, à la lisière du bois de Boulogne, pour assister au spectacle exotique de Nubiens, Sénégalais, Kali’nas, Fuégiens, Lapons exposés devant le public parés de leurs attributs « authentiques » (lances, peaux de bêtes, pirogues, masques, bijoux…). On se pressait pour voir les « sauvages », des hommes, des femmes et des enfants souvent parqués derrière des grillages ou des barreaux, comme les animaux qui faisaient jusqu’alors la réputation du Jardin zoologique d’acclimatation. D’étranges étrangers, supposés non civilisés et potentiellement menaçants, à l’image de ces Kanaks présentés comme des cannibales et exhibés… dans la fosse aux ours. (…) Lorsque le directeur du Jardin d’acclimatation, le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire, organise les tout premiers « spectacles ethnologiques » en 1877 avec des Nubiens et des Esquimaux, il est en quête de nouvelles attractions pour remettre à flot son établissement. Quelques mois plus tôt, à Hambourg, un certain Carl Hagenbeck, marchand d’animaux sauvages, a connu un succès phénoménal en présentant une troupe de Lapons. Au bois de Boulogne, le premier ethnic show fait courir les foules. La fréquentation du jardin double, pour atteindre un million de visiteurs en un an. Certains dimanches, plus de soixante-dix mille personnes se pressent dans les allées. C’est le début d’une mode qui va gagner le monde entier, d’expositions coloniales en expositions universelles. Trente-cinq mille individus seront ainsi exhibés, attirant près d’un milliard et demi de curieux de l’Allemagne aux Etats-Unis, de la Grande-Bretagne au Japon. Pour le promeneur de 2018, impossible de deviner ce passé sinistre derrière les contours ripolinés du parc d’attractions. Les bâtiments de l’époque ont été démolis. Quant aux villages exotiques qui servaient de cadre aux « indigènes », ils étaient éphémères, un ailleurs succédant à un autre. Mais Pascal Blanchard, qui a compulsé des kilos d’images d’archives, n’a aucun mal à en faire ressurgir le souvenir face à ce paisible plan d’eau où patientent des barques (…) Une réalité dont on pouvait conserver le souvenir en s’offrant, après le show, ses produits dérivés, cartes postales, gravures ou coquillages samoans signés de la main des indigènes. Les exhibitions coloniales font le bonheur des anthropologues, qui se bousculent chaque matin avant l’arrivée du public et payent pour pouvoir observer et examiner les « spécimens », publiant ensuite des articles dans les revues les plus sérieuses. S’inspirant des clichés anthropométriques de la police, le photographe Roland Bonaparte constitue, lui, un catalogue de plusieurs milliers d’images « ethnographiques », dans lequel puiseront des générations de scientifiques. (…) Nombre d’exhibés sont ainsi morts dans les zoos humains. On estime entre trente-deux et trente-quatre le nombre de ceux qui auraient péri au Jardin d’acclimatation. » L’acte de décès était déposé à la mairie de Neuilly, mais les morts n’avaient le plus souvent pas de nom. C’est à la lettre « F » comme Fuégienne que les chercheurs ont retrouvé, sur les registres, la trace d’une fillette de 2 ans morte peu après son arrivée à Paris. Une des pièces du puzzle qu’il a fallu patiemment assembler pour reconstituer la mémoire des zoos humains, longtemps ignorée de tous. (…) Aujourd’hui encore, le sujet reste sensible, y compris pour la direction du Jardin d’acclimatation (géré par le groupe LVMH), comme l’a constaté Pascal Blanchard lors du tournage de son documentaire (…) En 2013, au terme d’un combat de cinq ans, les historiens, soutenus par Didier Daeninckx, Lilian Thuram et des élus du Conseil de Paris, ont obtenu que soit posée au Jardin d’acclimatation une plaque commémorative faisant état de ce qu’avaient été les « zoos humains », « symboles d’une autre époque où l’autre avait été regardé comme un “animal” en Occident ». Mais le visiteur doit avoir l’œil bien ouvert pour remarquer la discrète inscription un peu cachée dans les herbes, à l’extérieur de l’enceinte du jardin… Comme le signe d’un passé refoulé qui peine encore à atteindre la lumière.Télérama
Après l’antisémitisme, Arte invente le conspirationnisme pour tous !
« Grandes puissances colonisatrices », « exhibés comme des bêtes sauvages », « êtres humains arrachés à leur terre natale », « servi bien des intérêts », « curiosité d’un public en mal d’exotisme », « présentés comme des monstres de foire, voire comme des cannibales, « véritables zoos humains », « théâtre de cruauté », « exhibés involontaires », « représentation stéréotypée du ‘sauvage' », « racisme scientifique », « racisme populaire légitimant la domination des grandes puissances sur les autres peuples du monde », « voyages dans wagons à bestiaux », « histoire inventée de toutes pièces » et « mise en scène pour promouvoir la hiérarchisation des races et justifier la colonisation du monde », « page sombre de notre histoire », « séquelles toujours vivaces » …
Au lendemain, après l’exposition du Quai Branly de 2011, de la diffusion d’un nouveau documentaire sur les « zoos humains » …
Où, à grands coups d’anachronismes et de raccourcis entre le narrateur de couleur de rigueur (le joueur de football guadeloupéen Lilian Thuram sautant allégrement des « zoos humains » aux cris de singe des hooligans des stades de football ou aux actuelles barrières de sécurité contre l’immigration llégale « Comment ne pas penser à ces enclos quand on voit les murs qui se construisent autour de l’Europe ou aux Etats-Unis ? »), la musique angoissante et les appels incessants à l’indignation, l’on nous déploie tout l’arsenal juridico-victimaire de l’histoire à la sauce tribunal de l’histoire …
Où faisant fi de toutes causes accidentelles ou naturelles (maladies, mort ou suicide), plus aucun fait ne peut être que le « résultat de l’action d’un groupe caché » au détriment de l’intérêt de populations qui ne peuvent autres que victimes …
Où la mise en épingle de certains éléments (colonisation, suprémacisme blanc) éclipse systématiquement tout élément susceptible de contrarier la thèse présentée (comme, au-delà par exemple de l’incohérence d’hommes âpres au gain censés mettre inconsidérément en danger à l’instar des esclavagistes dont l’on tient tant à les rapprocher la vie d’exhibés ramenés à grand frais d’Afrique ou de Nouvelle-Calédonie, les « exhibitions » non commerciales à fins humanitaires comme par exemple celles des sociétés missionnaires chrétiennes, l’implication ou la volonté, sans compter ceux qui décidèrent de rester en Europe et y compris à s’y marier avec des Européennes, de membres du groupe « victime » eux-mêmes comme le riche recruteur sénégalais Jean Thiam ou la danseuse nue au tutu de bananes du Bal nègre et future tenancière du « zoo humain » de Milandes présentant à la planète entière sa tribu arc en ciel recomposée d’enfants de toutes les races et ethnies du monde devient comme par enchantement « déconstructrice » de la facticité du mythe du sauvage) …
Toute possibilité de véritable curiosité autre que morbide ou raciste (quel racisme attribuer à l’exhibition préalable et même parallèle des « monstres » blancs des « freak shows », dont le cas certes singulier du Dr. autoproclamé Couney sauvant ainsi des milliers de bébés incubés ? ou qui des actuels parcs ethnographiques ou de tourisme industriel où des artisans blancs dument costumés rejouent pour les visiteurs les gestes de leurs aïeux supposés ?), l’on impute invariablement les pires motivations aux méchants colons ou public voués de ce fait à l’exécration publique …
Comment ne pas reconnaitre, dans cette énième tentative d’absolution du péché originel de collusion de l’ethnologie avec l’ordre colonial, nombre des ingrédients des théories du complot que dénonce le site gouvernemental « #On te manipule » …
A l’heure où, face certes à la contamination de l’Internet par la pornographie, nos réseaux sociaux en sont à jouer les ligues de vertus universelles …
Sauf que bien sûr on n’est plus cette fois dans la vulgaire théorie du complot ….
Mais – c’est pour une bonne cause (« Plus jamais ça ! ») – la théorie du complot vertueuse ?
Au Jardin d’acclimatation, de 1877 à 1937, on a parqué et exhibé des êtres humains venus d’ailleurs. L’historien Pascal Blanchard cosigne pour Arte un documentaire remarquable sur ces “zoos humains”, théâtres de cruauté. Et revient sur les lieux où le racisme s’exprimait sans vergogne. A voir samedi 29 septembre, 20h50.
Neuilly ronronne sous le soleil de septembre. En ce mardi de fin d’été, on pénètre dans les allées du Jardin d’acclimatation comme dans une parenthèse enchantée. Des haut-parleurs crachotent une mélodie guillerette, les brumisateurs nimbent l’air d’un brouillard vaporeux et quelques bambins tournicotent devant les manèges. Mais, au milieu des voix d’enfants, celle de l’historien Pascal Blanchard vient jeter une ombre sur ce décor insouciant. Pour le chercheur, qui nous guide ce matin-là parmi les carrousels et les autos tamponneuses, la féerie du parc d’attractions cache une autre histoire, plus ancienne, aussi sombre que méconnue. Celle des zoos humains, ces « exhibitions ethnographiques » qui attirèrent les foules sur les pelouses du Jardin d’acclimatation à l’orée du XXe siècle, et auxquels il vient de consacrer, avec Bruno Victor-Pujebet, un magistral documentaire pour Arte.
On se pressait pour voir les “sauvages”
Entre 1877 et 1937, des millions de Parisiens se bousculèrent ici, à la lisière du bois de Boulogne, pour assister au spectacle exotique de Nubiens, Sénégalais, Kali’nas, Fuégiens, Lapons exposés devant le public parés de leurs attributs « authentiques » (lances, peaux de bêtes, pirogues, masques, bijoux…). On se pressait pour voir les « sauvages », des hommes, des femmes et des enfants souvent parqués derrière des grillages ou des barreaux, comme les animaux qui faisaient jusqu’alors la réputation du Jardin zoologique d’acclimatation. D’étranges étrangers, supposés non civilisés et potentiellement menaçants, à l’image de ces Kanaks présentés comme des cannibales et exhibés… dans la fosse aux ours. « On payait pour voir des êtres hors norme, le frisson de la dangerosité faisait partie du spectacle », explique l’historien.
Une mode qui va gagner le monde entier
Lorsque le directeur du Jardin d’acclimatation, le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire, organise les tout premiers « spectacles ethnologiques » en 1877 avec des Nubiens et des Esquimaux, il est en quête de nouvelles attractions pour remettre à flot son établissement. Quelques mois plus tôt, à Hambourg, un certain Carl Hagenbeck, marchand d’animaux sauvages, a connu un succès phénoménal en présentant une troupe de Lapons. Au bois de Boulogne, le premier ethnic show fait courir les foules. La fréquentation du jardin double, pour atteindre un million de visiteurs en un an. Certains dimanches, plus de soixante-dix mille personnes se pressent dans les allées. C’est le début d’une mode qui va gagner le monde entier, d’expositions coloniales en expositions universelles. Trente-cinq mille individus seront ainsi exhibés, attirant près d’un milliard et demi de curieux de l’Allemagne aux Etats-Unis, de la Grande-Bretagne au Japon.
L’illusion de voir l’“indigène” dans son biotope
Pour le promeneur de 2018, impossible de deviner ce passé sinistre derrière les contours ripolinés du parc d’attractions. Les bâtiments de l’époque ont été démolis. Quant aux villages exotiques qui servaient de cadre aux « indigènes », ils étaient éphémères, un ailleurs succédant à un autre. Mais Pascal Blanchard, qui a compulsé des kilos d’images d’archives, n’a aucun mal à en faire ressurgir le souvenir face à ce paisible plan d’eau où patientent des barques : « Imaginez ici des pirogues, un décorum de village lacustre wolof. Tout était fait pour donner au public l’illusion de voir le sauvage dans son biotope. C’est d’ailleurs dans ce décor factice que les frères Lumière tourneront leur douzième film, Baignade de nègres, comme s’ils étaient en Afrique… Pour le visiteur, cette représentation caricaturale du monde et de l’autre était perçue comme la réalité. » Une réalité dont on pouvait conserver le souvenir en s’offrant, après le show, ses produits dérivés, cartes postales, gravures ou coquillages samoans signés de la main des indigènes.
La légitimation de l’ordre colonial
Les exhibitions coloniales font le bonheur des anthropologues, qui se bousculent chaque matin avant l’arrivée du public et payent pour pouvoir observer et examiner les « spécimens », publiant ensuite des articles dans les revues les plus sérieuses. S’inspirant des clichés anthropométriques de la police, le photographe Roland Bonaparte constitue, lui, un catalogue de plusieurs milliers d’images « ethnographiques », dans lequel puiseront des générations de scientifiques. « Ces articles et ces photos contribuent alors à la propagation de clichés et d’idées reçues sur le “sauvage”. Autant de représentations qui légitiment l’ordre colonial, popularisent la théorie et la hiérarchie des races, le concept de peuples “inférieurs” qu’il convient de faire entrer dans la lumière de la civilisation. »
Au pied de la Fondation Vuitton, Pascal Blanchard désigne une large pelouse. « Ici, vous aviez la grande esplanade des exhibitions humaines. Celle-là même où avaient été placés les Fuégiens de Patagonie en 1881. Sur les photos que nous avons pu retrouver, on voit qu’ils sont installés sur une planche, en hauteur, sans doute à cause du froid et de l’humidité. Ils étaient arrivés en plein mois d’octobre et n’étaient quasiment pas vêtus. Beaucoup avaient attrapé des maladies pulmonaires. »
Les morts, enterrés sur place, n’avaient le plus souvent pas de nom
Nombre d’exhibés sont ainsi morts dans les zoos humains. On estime entre trente-deux et trente-quatre le nombre de ceux qui auraient péri au Jardin d’acclimatation. « Ils étaient enterrés sur place, dans le cimetière du zoo, au même rang que les animaux. Dans certains cas, les corps étaient envoyés à l’Institut médico-légal ou à la Société d’anthropologie de Paris, où le public payait pour assister à leur dissection. » L’acte de décès était déposé à la mairie de Neuilly, mais les morts n’avaient le plus souvent pas de nom. C’est à la lettre « F » comme Fuégienne que les chercheurs ont retrouvé, sur les registres, la trace d’une fillette de 2 ans morte peu après son arrivée à Paris. Une des pièces du puzzle qu’il a fallu patiemment assembler pour reconstituer la mémoire des zoos humains, longtemps ignorée de tous. « Même pour les spécialistes, ce pan de l’histoire coloniale était considéré comme un élément secondaire. » Aujourd’hui encore, le sujet reste sensible, y compris pour la direction du Jardin d’acclimatation (géré par le groupe LVMH), comme l’a constaté Pascal Blanchard lors du tournage de son documentaire : « Il a fallu six mois pour obtenir l’autorisation de réaliser quelques séquences à l’intérieur du jardin, et nous ne l’avons eue que parce que nous avons menacé de filmer à travers les grilles… »
En 2013, au terme d’un combat de cinq ans, les historiens, soutenus par Didier Daeninckx, Lilian Thuram et des élus du Conseil de Paris, ont obtenu que soit posée au Jardin d’acclimatation une plaque commémorative faisant état de ce qu’avaient été les « zoos humains », « symboles d’une autre époque où l’autre avait été regardé comme un “animal” en Occident ». Mais le visiteur doit avoir l’œil bien ouvert pour remarquer la discrète inscription un peu cachée dans les herbes, à l’extérieur de l’enceinte du jardin… Comme le signe d’un passé refoulé qui peine encore à atteindre la lumière.
Sauvages, au coeur des zoos humains, samedi 29 septembre, 20h50, Arte.
Engagé dans la lutte contre le racisme, l’ancien footballeur a été le commissaire d’une exposition consacrée aux zoos humains au musée du Quai Branly. Il évoque cette page sombre de notre histoire, et ses séquelles toujours vivaces, à l’occasion d’un documentaire coup de poing diffusé sur Arte.
Depuis qu’il a raccroché les crampons, l’ex-défenseur de l’équipe de France Lilian Thuram joue les attaquants sur le terrain de la lutte contre le racisme. En 2011, il fut le commissaire d’une exposition consacrée aux « zoos humains » organisée au musée du Quai Branly, mettant en lumière la violence de ces exhibitions de « sauvages » qui firent courir les foules dans le monde entier à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Alors qu’Arte consacre cette semaine un documentaire coup de poing à cette page d’histoire méconnue (Sauvages, au cœur des zoos humains), le footballeur devenu « passeur » explique pourquoi il est essentiel de mettre en lumière un passé qui dérange pour mieux en tirer les leçons.
Comment avez-vous découvert l’histoire des « zoos humains » ?
Grâce à l’historien Pascal Blanchard, que j’ai rencontré lors d’un colloque, à l’époque où je jouais à Barcelone. Après notre rencontre, il m’a envoyé un livre sur le sujet, et c’est comme ça que j’ai appris à connaître un peu mieux cette histoire des « zoos humains ». Une histoire extrêmement violente, dont les enjeux m’intéressent car elle permet de comprendre d’où vient le racisme, de saisir qu’il est lié à un conditionnement historique.
Qu’est-ce qui peut expliquer que certaines personnes se retrouvent ainsi exhibées dans des zoos, et que d’autres soient des visiteurs, de l’autre côté des barrières ?
Les zoos humains sont le reflet d’un rapport de domination, celui de l’Occident sur le reste du monde. La domination de celui qui détient le pouvoir économique et militaire, et qui l’utilise pour que d’autres personnes, dominées, venues d’Asie, d’Océanie, d’Afrique, soient montrées comme des animaux dans des espaces clos, au nom notamment de la couleur de leur peau.
“Les zoos humains permettent de nous éclairer sur ce que nous vivons aujourd’hui.”
Comment les zoos humains ont-ils participé à la fabrication d’un racisme populaire ?
Ces exhibitions ont attiré des millions de spectateurs et ont ancré dans leur tête l’idée d’une hiérarchie entre les personnes, entre les prétendues « races » – la race blanche étant considérée comme supérieure. Les mécanismes de domination qui existent dans nos sociétés se sont construits petit à petit. La plupart des gens sont devenus racistes sans le savoir, ils ont été éduqués dans ce sens-là. Après avoir visité ces zoos humains, les populations occidentales étaient confortées dans l’idée qu’elles étaient supérieures, qu’elles incarnaient la « civilisation » face à des « sauvages ».
Lorsque je préparais l’exposition au Quai Branly, en 2011, je me suis rendu à Hambourg. Là-bas, sur le portail d’entrée du zoo, une sculpture représente des animaux et des hommes, mis au même niveau. C’est d’une violence totale. Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi certains sont aujourd’hui encore dans le rejet de l’autre. Il reste des séquelles de ce passé, les barrières existent toujours dans nos sociétés. Comment ne pas penser à ces enclos quand on voit les murs qui se construisent autour de l’Europe ou aux Etats-Unis ? Les zoos humains permettent de nous éclairer sur ce que nous vivons aujourd’hui.
Avez-vous le sentiment que c’est aujourd’hui un sujet tabou, difficile à aborder ?Effectivement. Mais ce n’est pas seulement l’évocation des zoos humains qui pose problème, c’est le passé en général. Ce passé lié à de la violence, au fait de s’accaparer des biens d’autrui. Mais, ce passé-là, nous devons nous l’approprier car il raconte l’histoire du monde actuel. Le regarder en face doit nous permettre de nous éclairer sur ce que nous sommes en train de vivre, pour essayer de choisir un futur différent. Dans nos sociétés, la chose la plus importante est-elle le profit, le fait de s’octroyer le bien des autres pour s’enrichir ? C’est important de se poser ces questions-là aujourd’hui.
“Les gens ne veulent pas critiquer leur propre culture. Il n’y a pas si longtemps encore, l’Europe était persuadée d’être le phare de l’univers.”
Ce racisme populaire, en tant que footballeur, vous avez pu le voir s’exprimer dans les stades, par exemple à travers ces cris de singe des hooligans ?
Ces manifestations racistes dont vous parlez viennent directement des zoos humains. De cette histoire. Les gens ont été éduqués ainsi. Les cultures dans lesquelles il y a eu des zoos humains gardent ce complexe de supériorité, conscient ou inconscient, sur les autres cultures.
Pour progresser, il faut savoir faire preuve d’autocritique. Dans le sport de haut niveau, c’est essentiel. Cela vaut aussi pour la société. Mais nos sociétés, françaises, européennes, portent très peu de critiques sur elles-mêmes. Très souvent, les gens ne veulent pas critiquer leur propre culture. Il n’y a pas si longtemps encore, l’Europe était persuadée d’être le phare de l’univers. Les zoos humains sont liés à l’histoire coloniale.
Les gens ont souvent tendance à croire qu’après la colonisation il y a eu l’égalité. Mais non, il y a une culture de la domination qui perdure. Notre système économique ne fait-il pas en sorte qu’une minorité, qui vit bien, exploite une majorité, qui vit mal ?
Le message que vous voulez faire passer est un message de réconciliation plutôt que de culpabilisation ?
Avant toute chose, je pense qu’il faut connaître notre passé pour mieux comprendre ce que nous vivons aujourd’hui. Pourquoi certaines personnes ne veulent-elles pas connaître cette histoire, de quoi ont-elles peur ? Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à une société, c’est de lui apprendre à connaître son histoire. Il n’y a que sur des bases solides que l’on peut construire un présent et un futur solides.
Sauvages, au cœur des zoos humains, samedi 29 septembre, à 20h50, sur Arte.
D’origine guadeloupéenne, Lilian Thuram a mené une carrière prestigieuse de footballeur de haut niveau (Champion du monde 1998, Champion d’Europe 2000), il détient le record de sélections en équipe de France masculine. Il est membre du Haut conseil à l’intégration et du collectif antiraciste « Devoirs de mémoires ».
Si la Fondation Lilian Thuram-Education contre le racisme [1][1] Cf. site internet de la Fondation : www.thuram.org existe, c’est avant tout le fruit d’une rencontre à Barcelone, lorsque j’étais footballeur professionnel. Invité chez le Consul de France, je rencontrai un publicitaire espagnol qui me demanda ce que j’aimerais faire après le football. Je lui répondis : « changer le monde ». Il sourit et me dit :« vous le pensez parce que vous êtes jeune, c’est une tâche difficile, impossible ». Un débat s’ensuivit.
Il m’interroge sur ma vision des choses. Je lui explique que, pour moi, le racisme perdure parce qu’on n’a jamais pris le temps de déconstruire son mécanisme, que c’est avant tout une invention de l’homme. Toute forme de racisme est une construction sociale. Nous portons toutes et tous des lunettes culturelles : nous ne regardons jamais l’autre de façon innocente. Nous sommes marqués par l’éducation reçue, par nos religions, l’histoire racontée dans notre propre pays. Quelques jours après, cet homme me téléphone pour me dire que je l’ai convaincu, qu’il souhaite me rencontrer pour me faire part de son expérience professionnelle et m’aider dans cette tâche. Il me convainc de créer une fondation, ce que je fais en mars 2008, en Espagne, où je réside alors.
Du « boche » à l’« arabe »
Vous et moi, nous sommes conditionnés ; aujourd’hui, notre propre imaginaire est avant tout le fruit de notre éducation – parentale, scolaire, environnementale – et, pour toute analyse, nous faisons appel à notre connaissance et à nos croyances. Pour essayer de vous expliquer l’impact des croyances collectives, je vais vous raconter deux histoires. Un jour, parlant de « Mes étoiles noires »[2][2] Lilian Thuram, « Mes étoiles noires, de Lucy à Barack… à une pharmacienne, elle me dit que ses parents normands avaient vu pour la première fois un homme noir en 1944, durant le débarquement. Elle me dit aussi que pendant toute son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte, elle avait été conditionnée à détester les « boches », et ce n’est que par la réflexion et la compréhension de cette histoire, qu’elle avait pu comprendre que tous les Allemands n’étaient pas méchants et, surtout, que les Allemands nés après cette guerre n’étaient pas responsables de ce qui s’était passé avant eux. Une autre histoire, celle de « Papy Dédé » : il a vingt ans quand on l’envoie faire la guerre en Algérie. Il explique qu’on l’a conditionné à détester l’« arabe ». Aujourd’hui il ne se dit pas Français, il se dit Homme du monde, car, selon lui, la France lui a menti.
« Les noirs sont forts en sport »
Le conditionnement se fait par la répétition. Répétée mille fois, une bêtise, quelle qu’elle soit, devient une vérité. Les scientifiques du XIXe siècle, les politiques, les intellectuels, les sociétés du spectacle, ont prétendu qu’il y avait plusieurs races ; aujourd’hui, tous les scientifiques sont d’accord pour affirmer qu’il n’y a qu’une espèce, l’Homo sapiens. Pourtant en 2010, les enfants, conditionnés par l’imaginaire collectif, disent qu’il existe une race noire, une jaune, une blanche, une rouge. A la question : « puisque vous pensez qu’il existe plusieurs races, quelles sont les qualités de chacune ? », ils répondent que « les Noirs sont plus forts en sport ». Est-ce anodin ? Sachant que dans notre imaginaire collectif, le corps est dissocié de l’esprit, si les noirs sont plus forts en sport, ils sont aussi moins intelligents. Mais n’est-ce pas compréhensible quand vous savez que c’est à l’école, par le biais de l’esclavage, de l’apartheid et de la colonisation que 80 % de la population française a entendu parler pour la première fois des Noirs ? Ne sommes-nous pas conditionnés de façon inconsciente à voir les personnes de couleur noire comme inférieures ?
Retour à Socrate
L’antisémitisme, par exemple, est d’abord une construction intellectuelle ; on a diabolisé les personnes de religion juive, on leur a attribué des caractéristiques précises à certaines époques de l’Histoire. Un autre exemple concerne les Amérindiens : les Espagnols débarquant aux Amériques avaient en tête tous les préjugés des Européens sur les autres peuples, ils les voyaient comme inférieurs, et c’est pour cela que toutes les entreprises de colonisation et d’esclavagisme ont été présentées comme autant d’œuvres civilisatrices. On prétend civiliser des personnes qui ne le sont pas ; dès lors, dans cette non-civilisation, se retrouve la construction d’une non-humanité de l’autre.
La Fondation veut expliquer avec insistance que le racisme n’est pas un phénomène naturel, c’est un phénomène intellectuel et culturel qui peut être éradiqué en profondeur. Mais cette éradication demande une vigilance car, dans toute société, il y a des tensions identitaires. Pourtant une idée simple pourrait nous aider dans cette éducation contre le racisme : « connais-toi toi-même », selon l’injonction de Socrate. Ce qui singularise notre espèce, c’est cette capacité exceptionnelle d’apprentissage : nous sommes programmés pour apprendre, ce qui explique l’origine de la diversité culturelle et pourquoi chaque être humain peut acquérir n’importe quelle culture. Cette idée doit être absolument développée dans tout discours sur la diversité humaine.
Ils sont ce qu’on leur a appris à être
La couleur de la peau d’une personne, son apparence physique n’ont rien à voir avec la langue qu’elle parle, la religion qu’elle pratique, les valeurs et les systèmes politiques qu’elle défend, ce qu’elle aime ou déteste.
C’est cette idée, pourtant simple, qu’un certain nombre de personnes ne comprend pas ou dont elles n’ont tout simplement pas conscience. Elles sont souvent essentialistes : elles croient, plus ou moins confusément, qu’une « nature physique » est reliée substantiellement à une « nature culturelle ». Elles naturalisent la culture. Un exemple de la version la plus radicale de cette croyance a été produit par l’idéologie nazie. Les racistes naturalisent la culture, comme le misogyne naturalise la femme (sa nature fait que sa place est déterminée), comme les homophobes naturalisent l’homosexualité (on naît homosexuel). C’est donc cette connexion « culture/nature » qu’il faut déconstruire.
Ce qu’il faut expliquer aux enfants, c’est qu’ils sont des constructions sociales et culturelles, qu’ils intègrent des modes de pensée, de façon consciente comme inconsciente, qu’ils sont bourrés de traits culturels qui n’ont rien à voir avec leurs patrimoines génétiques ni avec leur apparence physique. Ils sont ce qu’on leur a appris à être. Le problème fondamental du racisme est qu’il y a trop de personnes qui n’acceptent pas cette idée… Ils n’acceptent pas ou ne comprennent pas que les humains sont construits par d’autres humains.
Heureuse diversité
Nous devons apprendre vraiment à nous connaître nous-mêmes en tant qu’espèce, car nous sommes capables d’apprendre n’importe quoi, le pire comme le meilleur. Nous sommes très sensibles au conditionnement et avons, par nature, du mal à admettre que nous en sommes victimes et à accepter d’en changer. Nous sommes tous persuadés que nous détenons la Vérité. C’est ce qui explique que nous soyons parfois intolérants.
Fort heureusement, le côté positif de notre spécificité est de pouvoir « bricoler » ce qu’on apprend de nos semblables, d’où les changements culturels. Les femmes et les hommes d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles et ceux qui vivaient il y a quatre ou cinq générations ; nos ancêtres du Moyen Âge ne comprendraient rien au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. On voudrait nous faire croire que nous vivons une période de régression du vivre ensemble, mais heureusement c’est tout le contraire : dans l’inconscient collectif, la diversité n’a jamais été aussi présente.
Les enfants d’abord
Avant tout, j’aime aller régulièrement à la rencontre des enfants, dans les écoles principalement, pour les écouter et les interroger, m’inspirer de leurs expériences. La première grande action de la fondation a été la publication en janvier dernier de « Mes étoiles noires ». Nous avons préparé pour la mi-octobre un outil pédagogique multimédia pour les enseignants de CM1-CM2 et leurs élèves. Ce sera une proposition de contribution à l’éducation contre le racisme sous la forme de deux DVD et d’un livret. Il sera envoyé gratuitement à tous les enseignants qui en feront la demande, le moment venu. La troisième grande action est une exposition consacrée aux exhibitions, qui, entre 1880 et 1931, ont vu défiler près d’un milliard d’occidentaux devant 40 000 « indigènes » montrés dans des « zoos humains ». L’exposition aura lieu au musée du quai Branly, de fin novembre 2011 à mai 2012. Elle participera à la déconstruction du racisme dans nos imaginaires. Elle voyagera ensuite en Espagne, en Allemagne et en Suisse, puis, nous l’espérons, en Angleterre et aux Etats-Unis.
Between the 29th of November 2011 and the 3rd of June 2012, the Quai de Branly Museum in Paris displayed an extraordinary exhibition, with the eye-catching title Exhibitions. L’invention du sauvage, which had a considerable social and media impact. Its “scientific curators” were the historian Pascal Blanchard and the museum’s curator Nanette Jacomijn Snoep, with Guadalupe-born former footballer Lilian Thuram acting as “commissioner general”. A popular sportsman, Thuram is also known in France for his staunch social and political commitment. The exhibition was the culmination (although probably not the end point) of a successful project which had started in Marseille in 2001 with the conference entitled Mémoire colonial: zoos humains? Corps Exotiques, corps enfermés, corps mesurés. Over time, successive publications of the papers presented at that first meeting have given rise to a genuine publishing saga, thus far including three French editions (Bancel et al., 2002, 2004; Blanchard et al., 2011), one in Italian (Lemaire et al., 2003), one in English (Blanchard et al., 2008) and another in German (Blanchard et al., 2012). This remarkable repertoire is completed by the impressive catalogue of the exhibition (Blanchard; Boëtsch y Snoep, 2011). All of the book titles (with the exception of the catalogue) make reference to “human zoos” as their object of study, although in none of them are the words followed by a question mark, as was the case at the Marseille conference. This would seem to define “human zoos” as a well-documented phenomenon, the essence of which has been well-established. Most significantly, despite reiterating the concept, neither the catalogue of the exhibition, nor the texts drawn up by the exhibit’s editorial authorities, provide a precise definition of what a human zoo is understood to be. Nevertheless, the editors seem to accept the concept as being applicable to all of the various forms of public show featured in the exhibition, all of which seem to have been designed with a shared contempt for and exclusion of the “other”. Therefore, the label “human zoo” implicitly applies to a variety of shows whose common aim was the public display of human beings, with the sole purpose of showing their peculiar morphological or ethnic condition. Both the typology of the events and the condition of the individuals shown vary widely: ranging from the (generally individual) presentation of persons with crippling pathologies (exotic or more often domestic freaks or “human monsters”) to singular physical conditions (giants, dwarves or extremely obese individuals) or the display of individuals, families or groups of exotic peoples or savages, arrived or more usually brought, from distant colonies.[1]The purpose of the 2001 conference had been to present the available information about such shows, to encourage their study from an academic perspective and, most importantly, to publicly denounce these material and symbolic contexts of domination and stigmatisation, which would have had a prominent role in the complex and dense animalisation mechanisms of the colonised peoples by the “civilized West”. A scientific and editorial project guided by such intentions could not fail to draw widespread support from academic, social and journalistic quarters. Reviews of the original 2002 text and successive editions have, for the most part, been very positive, and praise for what was certainly an extraordinary exhibition (the one of 2012) has been even more unanimous.[2] However, most commentators have limited their remarks to praising the important anti-racist content and criticisms of the colonial legacy, which are common to both undertakings. Only a few authors have drawn attention to certain conceptual and interpretative problems with the presumed object of study, the “human zoos”, problems which would undermine the project’s solidity (Blanckaert, 2002; Jennings, 2005; Liauzu, 2005: 10; Parsons, 2010; McLean, 2012). Problems which may arise from the indiscriminate use of the concept of the “human zoo” will be discussed in detail at the end of this article.Firstly, however, a revision of the complex historical process underlying the polymorphic phenomenon of the living exhibition and its configurations will provide the background for more detailed study. This will consist of an outline of three groups which, in my view, are the most relevant exhibition categories. Although the public display of human beings can be traced far back in history in many different contexts (war, funerals and sacred contexts, prisons, fairs, etc…) the configuration and expansion of different varieties of ethnic shows are closely and directly linked to two historical phenomena which lie at the very basis of modernity: exhibitions and colonialism. The former began to appear at national contests and competitions (both industrial and agricultural). These were organised in some European countries in the second half of the eighteenth century, but it was only in the century that followed that they acquired new and shocking material and symbolic dimensions, in the shape of the international or universal exhibition.The key date was 1851, when the Great Exhibition of the Works of Industry of All Nations was held in London. The triumph of the London event, its rapid and continuing success in France and the increasing participation (which will be outlined) of indigenous peoples from the colonies, paved the way from the 1880s for a new exhibition model: the colonial exhibition (whether official or private, national or international) which almost always featured the presence of indigenous human beings. However, less spectacular exhibitions had already been organised on a smaller scale for many years, since about the mid-nineteenth century. Some of these were truly impressive events, which in some cases also featured native peoples. These were the early missionary (or ethnological-missionary) exhibitions, which initially were mainly British and Protestant, but later also Catholic.[3] Finally, the unsophisticated ethnological exhibitions which had been typical in England (particularly in London) in the early-nineteenth century, underwent a gradual transformation from the middle of the century, which saw them develop into the most popular form of commercial ethnological exhibition. These changes were initially influenced by the famous US circus impresario P.T. Barnum’s human exhibitions. Later on, from 1874, Barnum’s displays were successfully reinterpreted (through the incorporation of wild animals and groups of exotic individuals) by Carl Hagenbeck.The second factor which was decisive in shaping the modern ethnic show was imperial colonialism, which gathered in momentum from the 1870s. The propagandising effect of imperialism was facilitated by two emerging scientific disciplines, physical anthropology and ethnology, which propagated colonial images and mystifications amid the metropolitan population. This, coupled with robust new levels of consumerism amongst the bourgeoisie and the upper strata of the working classes, had a greater impact upon our subject than the economic and geostrategic consequences of imperialism overseas. In fact, the new context of geopolitical, scientific and economic expansion turned the formerly “mysterious savages” into a relatively accessible object of study for certain sections of society. Regardless of how much was written about their exotic ways of life, or strange religious beliefs, the public always wanted more: seeking participation in more “intense” and “true” encounters and to feel part of that network of forces (political, economic, military, academic and religious) that ruled even the farthest corners of the world and its most primitive inhabitants.It was precisely the convergence of this web of interests and opportunities within the new exhibition universe that had already consolidated by the end of the 1870s, and which was to become the defining factor in the transition. From the older, popular model of human exhibitions which had dominated so far, we see a reduction in the numbers of exhibitions of isolated individuals classified as strange, monstrous or simply exotic, in favour of adequately-staged displays of families and groups of peoples considered savage or primitive, authentic living examples of humanity from a bygone age. Of course, this new interest, this new desire to see and feel the “other” was fostered not only by exhibition impresarios, but by industrialists and merchants who traded in the colonies, by colonial administrators and missionary societies. In turn, the process was driven forward by the strongly positive reaction of the public, who asked for more: more exoticism, more colonial products, more civilising missions, more conversions, more native populations submitted to the white man’s power; ultimately, more spectacle.Despite the differences that can be observed within the catalogue of exhibitions, their success hinged to a great extent upon a single factor: the representation or display of human beings labelled as exotic or savage, which today strikes us as unsettling and distasteful. It can therefore be of little surprise that most, if not all, of the visitors to the Quai de Branly Museum exhibiton of 2012 reacted to the ethnic shows with a fundamental question: how was it possible that such repulsive shows had been organised? Although many would simply respond with two words, domination and racism, the question is certainly more complex. In order to provide an answer, the content and meanings of the three main models or varieties of the modern ethnic show –commercial ethnological exhibitions, colonial exhibitions and missionary exhibitions– will be studied.
ETHNOLOGICAL COMMERCIAL EXHIBITIONS: LEISURE, BUSINESS AND ANTHROPOLOGICAL SCIENCE
Commercial ethnological exhibitions were managed by private entrepreneurs, who very often acted as de facto owners of the individuals they exhibited. With the seemingly-noble purpose of bringing the inhabitants of exotic and faraway lands closer to the public and placing them under the scrutiny of anthropologists and scholarly minds, these individuals organised events with a rather carnival-like air, whose sole purpose was very simple: to make money. Such exhibitions were held more frequently than their colonial equivalents, which they predated and for which they served as an inspiration. In fact, in some countries where (overseas) colonial expansion was delayed or minimal –such as Germany (Thode-Arora, 1989; Kosok y Jamin, 1992; Klös, 2000; Dreesbach, 2005; Nagel, 2010), Austria (Schwarz, 2001) or Switzerland (Staehelin, 1993; Minder, 2008)– and even in some former colonies –such as Brazil (Sánchez-Arteaga and El-Hani, 2010)– they were regular and popular events and could still be seen in some places as late as the 1950s. Even in the case of overseas superpowers, commercial exhibitions were held more regularly than the strictly-colonial variety, although it is true that they sometimes overlapped and can be difficult to distinguish from one another. This was the case in France (Bergougniou, Clignet and David, 2001; David, s.d.) and to an even greater extent in Great Britain, with London becoming a privileged place to experience them throughout the nineteenth century (Qureshi, 2011).Almost all of these exhibitions attracted their audiences with a clever combination of racial spectacle, erotism and a few drops of anthropological science, although there was no single recipe for a successful show. Dances, leaps, chants, shouts, and the blood of sacrificed animals were the fundamental components of these events, although they were also part of colonial exhibitions. All of these acts, these strange and unusual rituals, were as incomprehensible as they were exciting; as shocking as they were repulsive to the civilised citizens of “advanced” Europe. It is unsurprising that spectators were prepared to pay the price of admission, which was not cheap, in order to gain access to such extraordinary sights as these “authentic savages”. Over time, the need to attract increasingly demanding audiences, who quickly became used to seeing “blacks and savages” of all kinds in a variety of settings, challenged the entrepreneurs to provide ever more compelling spectacles.For decades the most admired shows on European soil were organised by Carl Hagenbeck (1844–1913), a businessman from Hamburg who was a seasoned wild animal showman (Ames, 2008). His greatest success was founded on a truly spectacular innovation: the simultaneous exhibition in one space (a zoo or other outdoor enclosure) of wild animals and a group of natives, both supposedly from the same territory, in a setting that recreated the environment of their place of origin. The first exhibition of this type, organised in 1874, was a great success, despite the relatively low level of exoticism of the individuals displayed: a group of Sami (Lap) men and women accompanied by some reindeer. Whilst not all of Hagenbeck’s highly successful shows (of which there were over 50 in total) relied upon the juxtaposition of humans and animals, all presented a racial spectacle of exotic peoples typically displayed against a backdrop of huts, plants and domestic ware, and included indigenous groups from the distant territories of Africa, the Arctic, India, Ceylon, and Southeast Asia. For many scholars Hagenbeck’s Völkerschauen or Völkerausstellungen constituted the paradigmatic example of a human zoo, which is also accepted by the French historians who organised the project under the same name. They tended to combine displays of people and animals and took place in zoos, so the analogy could not be clearer. Furthermore, the performances of the exhibited peoples were limited to songs, dances and rituals, and for the most part their activities consisted of little more than day-to-day tasks and activities. Therefore, little importance was attached to their knowledge or skills, but rather to the scrutiny of their gestures, their distinctive bodies and behaviours, which were invariably exotic but not always wild.However, despite their obvious racial and largely-racist components, Hagenbeck’s shows cannot be simply dismissed as human zoos. As an entrepreneur, the German’s objective was obviously to profit from the display of animals and people alike, and yet we cannot conclude that the humans were reduced to the status of animals. In fact, the natives were always employed and seem to have received fair treatment. Likewise, their display was based upon a premise of exoticism rather than savagery, in which key ideas of difference, faraway lands and adventure were ultimately exalted. Hagenbeck’s employees were apparently healthy; sometimes slender, as were the Ethiopians, or even athletic, like the Sudanese. In some instances (for example, with people from India and Ceylon) their greatest appeal was their almost-fantastic exoticism, with their rich costumes and ritual gestures being regarded as remarkable and sophisticated.Nevertheless, on many other occasions, people were displayed for their distinctiveness and supposed primitivism, as was the case on the dramatic tour of the Inuit Abraham Ulrikab and his family, from the Labrador Peninsula, all of whom fell ill and died on their journey due to a lack of appropriate vaccination. This is undoubtedly one of the best-documented commercial exhibitions, not because of an abundance of details concerning its organisation, but owing to the existence of several letters and a brief diary written by Ulrikab himself (Lutz, 2005). As can easily be imagined, it is absolutely exceptional to find information originating from one of the very individuals who featured in an ethnic show; not an alleged oral testimony collected by a third party, but their own actual voice. The vast majority of such people did not know the language of their exhibitors and, even if they knew enough to communicate, it is highly unlikely that they would have been able to write in it. All of this, coupled with the fact that the documents have been preserved and remain accessible, is almost a miracle.However, in spite the tragic fate of Ulrikab and his family, other contemporary ethnic shows were far more exploitative and brutal. This was the case with several exhibitions that toured Europe towards the end of the 1870s, whose victims included Fuegians, Inuits, primitive Africans (especially Bushmen and Pygmies) or Australian aboriginal peoples. Some were complex and relatively sophisticated and included the recreation of native villages; in others, the entrepreneur simply portrayed his workers with their traditional clothes and weapons, emphasising their supposedly primitive condition. Slightly less dramatic than these, but more racially stigmatising than Hagenbeck’s shows, were the exhibitions held at the Jardin d’Aclimatation in Paris, between 1877 and the First World War. A highly-lucrative business camouflaged beneath a halo of anthropological scientifism, the exhibitions were organised by the director of the Jardin himself, the naturalist Albert Geoffroy Saint-Hilaire (Coutancier and Barthe, 1995; Mason, 2001: 19–54; David, n.d.; Schneider, 2002; Báez y Mason, 2006). This purported scientific and educational institution enjoyed the attention of French anthropologists for a time; however, after 1886, the Anthropological Society in Paris distanced itself from something that was little more than it appeared to be: a spectacle for popular recreation which was hard to justify from an ethical point of view. In the case of many private enterprises from the 1870s and 1880s, in particular, shows can be described as moving away from notions of fantasy, adventure and exotism and towards the most brutal forms of exploitation. However, despite what has been said about France, Qureshi (2011: 278–279) highlights the role that ethnologists and anthropologists (and their study societies) played in Great Britain in approving commercial exhibitions of this sort. This enabled exhibitions to claim legitimacy as spaces for scientific research, visitor education and, of course, the advancement of the colonial enterprise.Leaving aside the displays of isolated individuals in theatres, exhibition halls, or fairgrounds (where the alleged “savage” sometimes proved to be a fraud), photographs and surviving information about the aforementioned commercial ethnological shows speak volumes about the relations which existed between the exhibitors and the exhibited. In nearly all cases the impresario was a European or North American, who wielded almost absolute control over the lives of their “workers”. Formal contracts did exist and legal control became increasingly widespread, especially in Great Britain, (Qureshi, 2011: 273) as the nineteenth century progressed. It is also evident, nevertheless, that this contractual relationship could not mask the dominating, exploitative and almost penitentiary conditions of the bonds created. Whether Inuit, Bushmen, Australians, Pygmies, Samoans or Fuegians, it is hard to accept that all contracted peoples were aware of the implications of this legal binding with their employer. Whilst most were not captured or kidnapped (although this was documented on more than one occasion) it is reasonable to be skeptical about the voluntary nature of the commercial relationship. Moreover, those very same contracts (which they were probably unable to understand in the first place) committed the natives to conditions of travel, work and accommodation which were not always satisfactory. Very often their lives could be described as confined, not only when performances were taking place, but also when they were over. Exhibited individuals were very rarely given leave to move freely around the towns that the exhibitions visited.The exploitative and inhuman aspects of some of these spectacles were particularly flagrant when they included children, who either formed part of the initial contingent of people, or swelled the ranks of the group when they were born on tour. On the one hand, the more primitive the peoples exhibited were, the more brutal their exhibition became and the circumstances in which it took place grew more painful. Conversely, conditions seemed to improve, albeit only to a limited extent, when individuals belonged to an ethnic group which was more “evolved”, “prouder”, held warrior status, or belonged to a local elite. This was true of certain African groups who were particularly resistant to colonial domination, with the Ashanti being a case in point. In spite of this, their subordinate position did not change.There was, however, a certain type of commercial show in which the relations between the employer and the employees went beyond the merely commercial. More professionalised shows often required natives to demonstrate skills and give performances that would appeal to the audience. This was the case in some (of the more serious and elaborate) circus contexts and dramatised spectacles, the most notable of which was the acclaimed Wild West show. Directed by William Frederick Cody (1846–1917), the famous Buffalo Bill, the show featured cowboys, Mexicans, and members of various Native American ethnic groups (Kasson, 2000). This attraction, and many others that followed in the wake of its success, could be considered the predecessors of present-day theme park shows. Many of the shows which continued to endure during the interwar period were in some measure similar to those of the nineteenth century, although they were unable to match the popularity of yesteryear. Whilst the stages were still set with reproduction native villages, as had been the case in the late-nineteenth and early-twentieth century, the exhibition and presentation of natives acquired a more fair-like and circus-like character, which harked back to the spectacles of the early-nineteenth century. Although it seems contradictory, colonial exhibitions at this time were in fact much larger and more numerous, as we shall see in the following section. It was precisely then, in the mid-1930s, that Nazi Germany, a very modern country with the most intensely-racist government, produced an ethnic show which illustrates the complexity of the human zoo phenomenon. The Deutsche Afrika-Schau (German African Show) provides an excellent example of the peculiar game which was played between owners, employees and public administrators, concerning the display of exotic human beings. The show, a striking and an incongruous fusion of variety spectacle and Völkerschau, toured several German towns between 1935 and 1940 (Lewerenz, 2006). Originally a private and strictly commercial business, it soon became a peculiar semi-official event in which African and Samoan men and women, resident in Germany, were legally employed to take part. Complicated and unstable after its Nazification, the show aimed to facilitate the racial control of its participants while serving as a mechanism of ideological indoctrination and colonial propaganda. Incapable of profiting from the show, the Nazi regime would eventually abolish it.After the Second World War, ethnic shows entered a phase of obvious decline. They were no longer of interest as a platform for the wild and exotic, mainly due to increasing competition from new and more accessible channels of entertainment, ranging from cinema to the beginnings of overseas tourism within Europe and beyond. While the occasional spectacle tried to profit from the ancient curiosity about the morbid and the unusual as late as the 1950s and even the 1960s, they were little more than crude and clumsy representations, which generated little interest among the public. Nowadays, as before, there are still contexts and spaces in which unique persons are portrayed, whether this is related to ethnicity or any other factor. These spectacles often fall into the category of artistic performances or take the banal form of reality TV.
COLONIAL EXHIBITIONS: LEISURE, BUSINESS AND INDOCTRINATION
This category of exhibition was organised by either public administrations or private institutions linked to colonial enterprise, and very often featured some degree of collaboration between the two. The main aim of these events was to exhibit official colonial projects and private initiatives managed by entrepreneurs and colonial settlers, which were supposedly intended to bring the wealth and well-being of the metropolis to the colonies. The presentation also carried an educational message, intended not only to reinforce the “national-colonial conscience” among its citizens, but also to project a powerful image of the metropolis to competing powers abroad. Faced with the likelihood that such content would prove rather unexciting and potentially boring for visitors, the organisers resorted to various additions which were considered more attractive and engaging. Firstly they devised a museum of sorts, in which ethnographic materials of the colonised peoples: their traditional dress, day-to-day objects, idols and weapons, were exhibited. These exotic and unusual pieces did draw the interest of the public, but, fearing that this would not be sufficient, the organisers knew that they could potentially sell thousands of tickets by offering the live display of indigenous peoples. If the exhibition was official, the natives constituted the ideal means by which to deliver the colonial message to the masses. In the case of private exhibitions, they were seen as the fastest and safest way to guarantee a show’s financial success.Raw materials and a variety of other objects (including ethnographic exhibitions) from the colonies were already placed on show at the Great Exhibition of 1851 in London. These items were accompanied by a number of individuals originating from the same territories, either as visitors or as participants in the relevant section of the exhibition. However, such people cannot be considered as exhibits themselves; neither can similar colonial visitors at the Paris (1855) or London (1862) exhibitions; nor the Paris (1867) and (1878) exhibitions, which featured important colonial sections. It was only at the start of the 1880s that Europeans were able to enjoy the first colonial exhibitions proper, whether autonomous or connected (albeit with an identity and an entity of their own) to a universal or international exhibition. It could be argued that the Amsterdam International Colonial and Export Exhibition of 1883 acted as a letter of introduction for this model of event (Bloembergen, 2006), and it was quickly followed by the London Colonial and Indian Exhibition of 1886 (Mathur, 2000) and, to a lesser though important extent, by the Madrid Philippines Exhibition of 1887 (Sánchez-Gómez, 2003). All three housed reproductions of native villages and exhibited dozens of individuals brought from the colonies. This was precisely what attracted the thousands of people who packed the venues. Such success would not have been possible by simply assembling a display of historical documents, photographs or ethnographic materials, no matter how exotic.Thereafter, colonial exhibitions (almost all of which featured the live presence of native peoples) multiplied, whether they were autonomous or connected with national or international exhibitions. In France many municipalities and chambers of commerce began to organise their own exhibits, some of which (such as the Lyon Exhibition of 1894) were theoretically international in scope, although some of the most impressive exhibits held in the country were the colonial sections of the Paris Universal Exhibition of 1889 (Palermo, 2003; Tran, 2007; Wyss, 2010) and 1900 (Wilson, 1991; Mabire, 2000; Geppert, 2010: 62–100). Equally successful were the colonial sections of the Belgian exhibitions of the last quarter of the nineteenth century, which displayed the products and peoples of what was called the Congo Independent State (later the Belgian Congo), which until 1908 was a personal possession of King Leopold II. The most remarkable was probably the 1897 Tervuren Exhibition, an annex of the Brussels International Exposition of the same year (Wynants, 1997; Küster, 2006). In Germany, one of the European capitals of commercial ethnological shows, several colonial exhibitions were orchestrated as the overseas empire was being built between 1884 and 1918. Among them, the Erste Deutsche Kolonialausstellung or First German Colonial Exhibition, which was organised as a complement to the great Berlin Gewerbeausstellung (Industrial Exhibition) of 1896, was particularly successful (Arnold, 1995; Richter, 1995; Heyden, 2002).As far as the United States was concerned, the country’s late but impetuous arrival as a world power was almost immediately heralded by the phenomenon of the World’s Fair, and the respective colonial sections (Rydell, 1984 y 1993; Rydell, Findling y Pelle, 2000). Whilst a stunning variety of ethnic performances were already on show at the 1893 Chicago World’s Fair, it was at Omaha, (1898) Buffalo, (1901) and above all at the 1904 Saint Louis Exhibition, that hundreds of natives were enthusiastically displayed with the purpose of publicising and gathering support for the complex and “heavy” civilising task (“The White Man’s Burden”) that the North American nation had to undertake in its new overseas possessions (Kramer, 1999; Parezo y Fowler, 2007).In principle, those natives who took part in the live section of a colonial exhibition did so of their own accord, whether they were allegedly savage or civilised individuals, and regardless of whether the show had been organised through concessions to private company owners or those who indirectly depended on public agencies. Although neither violence nor kidnapping has been recorded, it is highly unlikely that most of the natives who took up the invitation were fully aware of its implications: again, the great distances they had to travel, the discomforts they would endure and the situations in which they would be involved upon arrival in the metropolis.Until the early-twentieth century, the sole purpose of native exhibitions was to attract an audience and to show, with the exemplar of a “real” image, the inferior condition of the colonised peoples and the need to continue the civilising mission in the faraway lands from which they came. In all cases their living conditions in the metropolis were unlikely to differ greatly from those of the participants in purely commercial shows: usually residing inside the exhibition venue, they were rarely free to leave without the express permission of their supervisors. However, it must be said that conditions were considerably better for the individuals exhibited when the shows were organised by government agencies, who always ensured that formal contracts were signed, and were probably unlikely to house people in the truly gruesome conditions present in some domains of the private sector. In some cases, added circumstances can be inferred which reveal a clear interest in “doing things properly”, by developing an ethical and responsible show, no matter how impossible this was in practice. Perhaps the clearest example of this kind of event is the Philippines Exhibition which was organized in Madrid in 1887.The most striking feature of this exhibition was its stated educational purpose, to present a sample of the ethnic and social diversity of the archipelago. Other colonial exhibitions attempted to do the same, but in this case the intentions of the Spanish appeared to be more authentic and credible. Of course the aim was not to provide a lesson in island ethnography, but to prove the extent to which the Catholic Church had managed to convert the native population, and to show where savage tribes still existed. Representing the latter were, among others, several Tinguian and Bontoc persons (generically known as Igorots by the Spanish) and an Aeta person, referred to as a Negrito. Several Muslim men and women from Mindanao and the Joló (Sulu) archipelago (known to the Spanish as Moros or “Moors”) also took part in the exhibition, not because they were considered savages but on account of their pagan and unredeemed condition. Finally, as an example of the benefits of the colonial enterprise, Christian Filipinos (both men and women) were invited to demonstrate their artistic skill and craftsmanship and to sell their artisan products from various structures within the venue. All were legally employed and received regular payment until their return to the Philippines, which was very unusual for an exhibition at that time.However, despite the “good intentions” of the administration, an obvious hierarchy can be inferred from the spatial pattern through which the Filipino presence in Madrid was organised. Individuals considered savage lived inside the exhibit enclosure and were under permanent control; they could visit the city but always in a scheduled and closely-directed way. Muslims, however, did not live inside the park, but in boarding houses and inns. Their movements were also restricted, but this was justified on the basis of their limited knowledge of their surroundings. Christians also lodged at inns, and although they did enjoy a certain autonomy, their status as “special guests” imposed a number of official commitments and the compulsory attendance of events. Such differences became even more obvious, especially for the audience, not just because the savages lived inside the ranchería or native village, where they were exhibited, but also because their only purpose was to dance, gesture, eat and display their half-naked bodies. Muslims were not exhibited, nor did they have a clear or specific task to perform beyond merely “representing”. Christian men and women (cigar makers and artisans) simply performed their professional tasks in front of the audience, and were expected to complete a given timetable and workload as would any other worker.In the light of the above, it may be concluded that the Philippines Exhibition of 1887 (specifically the live exhibition section) was conducted in a manner which questions the simplistic concept of a human zoo that many historians apply to these spectacles. Although there were certain similarities with commercial shows, we must admit that the Spanish government made considerable efforts to ensure that the exhibition, and above all the participation of the Filipinos, was carried out in a relatively dignified fashion. It must be reiterated that this is not intended to project a benevolent image of nineteenth-century Spanish colonialism. The position of some of the exhibited, especially those considered savages, was not only subordinate but almost subhuman (almost being the key word), in spite of the fact that they received due payment and were relatively well fed. Moreover, we cannot forget that three of the participants (a Carolino man and woman, and a Muslim woman) died from diseases which were directly related to the conditions of their stay on the exhibition premises.As the twentieth century advanced, colonial shows changed their direction and content, although it was some time before these changes took effect. The years prior to the First World War saw several national colonial exhibitions (Marseille and Paris in 1906; London in 1911),[4] two binational exhibitions (London, 1908 and 1910)[5] and a trinational (London, 1909),[6] which became benchmarks for exhibition organisers during the interwar years. The early twentieth century also saw several national colonial sections, wich had varying degrees of impact, in three universal exhibitions organised in Belgium: Liège (1905), Brussels (1910) and Ghent (1913) and in several exhibitions organised in three different Italian cities, although none of these included a native section.[7] However, it was during the 1920s and 1930s that a true eclosion of national and international exhibitions, whose main focus was colonial or which included important colonial elements, occurred.[8] The time was not only ripe for ostentatious reasons, but also because the tension originated by certain European powers, especially Italy, encouraged a vindication of overseas colonies through the propaganda that was deployed at these events.For all these reasons, and in addition to many other minor events, national colonial exhibitions were staged in Marseille (1922), Wembley (1924–25),[9] Stuttgart (1928),[10] Koln (1934), Oporto (1934), Freiburg im Breisgau (1935), Como (1937),[11] Glasgow (1938),[12] Dresden (1939), Vienna (1940) and Naples (1940).[13] At an international colonial level, the most important was the 1931 Parisian Exposition Coloniale Internationale et des Pays d’Outre Mer. In addition, although they were not specialised international colonial exhibitions, outstanding and relevant colonial sections could be found at the Turin National Exhibition of 1928, the Iberian-American Exhibition of 1929, the Brussels Universal Exhibition of 1935, the Paris International Exhibition of 1937 and the Lisbon National Exhibition of 1940.At most of these events, a revised perspective of overseas territories was projected. Although, with some exceptions, metropolises continued to import indigenous peoples and persisted in presenting them as exotic, the focus was now shifted on to the results of the civilising process, as opposed to strident representations of savagery. This meant that it was no longer necessary for exhibited peoples to live at the exhibition venue. The aim was now to show the most attractive side of empire, and displays of the skills of its inhabitants, such as singing or dancing continued, albeit in a more serious, professional fashion. In principle, natives taking part in these exhibitions could move around more freely; in addition, they were all employed as any other professional or worker would be. However, once again the ethnic factor came into play, materialising under many different guises. For example, at the at the Paris Exhibition of 1931, people who belonged to “oriental civilisations” appeared at liberty to move around the venue, they were not put on display, and devoted their time to the activities for which they had been contracted (such as traditional songs and dances, handicrafts or sale of products). Once their working day was completed, they were free to visit the exhibition or travel around Paris. However, the same could not be said for the Guineans arriving at the Seville Ibero-American Exhibition of 1929, where they were clearly depicted in a savagist context, similar to the way in which Africans had been displayed in colonial and even commercial exhibitions in the nineteenth century (Sánchez-Gómez, 2006).Another interwar colonial exhibition which was unable to free itself from nineteenth-century stereotypes was the one held in Oporto in 1934, which included several living villages inhabited by natives, children included (Serén, 2001). Their presence in the city and the fact that they were displayed and lived within the same exhibition space was something that neither the press nor contemporary politicians saw fit to criticise. In fact it was the pretos (black African men) and especially pretas (black African women) who were the main attraction for thousands of visitors who thronged to the event, which was probably related to the fact that all the natives were bare-chested. Interestingly, the Catholic Church did not take offense, perhaps interpreting the women shown as being merely “black savages” who had little to do with chaste Portuguese women. Of course they had no objections to the exhibition of human beings either.Two interwar exhibitions (Seville and Oporto) have been cited as examples where the management of indigenous participants markedly resembled the practices of the nineteenth century. However, this should not imply that other events refrained from the (more or less) sophisticated manipulation of the native presence. The most significant example was the Parisian International Colonial Exhibition of 1931.[14] Some historians highlight the fact that the general organiser, Marshall Lyautey, managed to impose his criterion that the exhibition should not include displays of the traditional “black villages” or “indigenous villages” inhabited by natives. Although it is true that the official (French and International) sections did not include this feature,[15] there can be little doubt that this was a gigantic ethnic spectacle, where hundreds of native peoples (who were present in the city as artists, artisans or simply as guests) were exhibited and manipulated as a source of propaganda of the highest order for the colonial enterprise. This is just one more example, although a particularly significant one, of the multi-faceted character that ethnic shows acquired. It is difficult to define these simply on the basis of their brutality or “animal” characteristics, their closeness to Hagenbeck’s Völkerschauen or the anthropological exhibitions that were organised at the Jardin d’Acclimatation in late-nineteenth century Paris.The last major European colonial exhibition took place in the anachronistic Belgian Congo section of the Brussels Universal Exhibition of 1958, the first to be held after the Second World War.[16] In principle, its contents were organised around a discourse which defended the moral values of interracial fraternity and which set out to convince both Belgian society and the Congolese that Belgians were only in Congo to civilise, and not to exploit. In order to prove the authenticity of this discourse, the organisers went to great pains to avoid the jingoistic exoticism which had characterised most colonial exhibits thus far. In accordance with this, the event did not include the traditional, demeaning spectacle of natives living within the exhibition space. However, it did include an exotic section, where several dozen Congolese artisans demonstrated their skills to the audience and sold the products manufactured there in a context which was intended to be purely commercial. Unfortunately, the good will of the organisers was betrayed by an element of the public, who could not help confronting the Africans in a manner reminiscent of their grandparents back in 1897. This resulted in the artisans abruptly leaving the exhibition for Congo after being shocked by the insolence and bad manners of some of the visitors.The Congolese presence in Brussels was not limited to these artisans: almost seven hundred Africans arrived, two hundred of which were tourists who had been invited with the specific purpose of visiting the exhibition. Most of them were members of the “Association of African Middle Classes”, that is, they were part of the “evolved elite”. The remaining figures were made up of people who were carrying out some sort of task in the colonial section of the exhibition, whether as specialised workers, dancers, guides or as assistants in the various sections, perhaps including some members of the Public Force, made up of natives. The presence in Brussels of the tourists, in particular, was part of a policy of association, which, according to the organisers, was intended to prepare “the Congolese population for the complete realisation of their human destiny.” The Belgian population, in turn, would have the chance to become better acquainted with these people through a “direct, personal and free contact with the civilised Congolese” (Delhalle, 1985: 44). Neither this specific measure nor any others taken to bring blacks and whites closer seem to have had any practical effect whatsoever. In fact, although the Congolese visitors were cared for relatively well (although not without differences or setbacks), their movements during their stay in Brussels were under constant scrutiny, to prevent them from being “contaminated” by the “bad habits” of the metropolitan citizens.Despite everything mentioned thus far, or perhaps even because of it, the 1958 exhibition was an enormous public success, on a par with the colonial events of the past. This time, as before, it was predicated on a largely negative image of the Congolese population. Barely any critical voices were heard against the exhibiting model or the abuses of the colonial system, not even from the political left. Finally, as with earlier colonial exhibitions, it is obvious that what was shown in Brussels had little to do with the reality of life in Congo. In fact, as the exhibition closed down, in October 1958, Patrice Lumumba founded the Congolese National Movement. On the 11th of January of 1959, repression of the struggles for independence escalated into the bloody killings of Léopoldville, the colonial capital. Barely one year later, on the 30th of June 1960, Belgium formally acknowledged the independence of the new Democratic Republic of Congo; two years later Rwanda and Burundi followed.
MISSIONARY EXHIBITIONS: DOMINATION, FAITH AND SPECTACLE
The excitement that exhibitions generated in the second half of the nineteenth century provoked reactions from many quarters, including Christian churches. Of course, the event which shook Protestant propagandist sensibilities the hardest (as Protestants were the first to take part in the exhibition game) was the 1851 London Exhibition. However, the interest which both the Anglican Church and many evangelical denominations expressed in participating in this great event was initially met with hesitation and even rejection by the organisers (Cantor, 2011). Finally their participation was accepted, but only two missionary societies were authorised to officially become an integral part of the exhibition, and they could only do so as editors of printed religious works.The problems that were documented in London in 1851 continued to affect events organised throughout the rest of the century; in fact, the presence of the Christian churches was permitted on only two occasions, both in Paris, at the exhibitions of 1867 and 1900. At the first of these, it was only Protestant organisations that participated, as the Catholic Church did not yet recognise the importance of such an event as an exhibitional showcase. By the time of the second, which was the last great exhibition of the nineteenth century and one of the most grandiose of all time, the situation had changed dramatically; both Protestants and Catholics participated and the latter (the French Church, to be precise) did so with greater success than its Protestant counterpart.[18]The opposition that missionary societies encountered at nineteenth-century international exhibitions encouraged them to organise events of their own. The first autonomous missionary events were Protestant and possibly took place prior to 1851. In any case, this has been confirmed as the year that the Methodist Wesleyan Missionary Society organised a missionary exhibition (which took place at the same time as the International Exhibition). Small in size and very simple in structure, it was held for only two days during the month of June, although it provided the extraordinary opportunity to see and acquire shells, corals and varied ethnographic materials (including idols) from Tonga and Fiji.[19] The exhibition’s aim was very specific: to make a profit from ticket sales and the materials exhibited and to seek general support for the missionary enterprise.Whether or not they were directly influenced by the international event of 1851, the modest British missionary exhibitions of the mid-nineteenth century began to evolve rapidly from the 1870s, reaching truly spectacular proportions in the first third of the twentieth century. This enormous success was due to a particular set of circumstances which were not true for the Catholic sphere. Firstly, the exhibits were a fantastic source of propaganda, and furthermore, they generated a direct and immediate cash income. This is significant considering that Protestant church societies and committees neither depended upon, nor were linked to (at least not directly or officially) civil administration and almost all revenue came from the personal contributions of the faithful. Secondly, because Protestants organised their own events, there was no reason for them to participate in the official colonial exhibitions, with which the Catholic missions became repeatedly involved once the old prejudices of government had fallen away by the later years of the nineteenth century. In this way, evangelical communities were able to maintain their independence from the imperial enterprise, yet in a manner that did not preclude them from collaborating with it whenever it was in their interests to do so.However, whether Catholic or Protestant, the main characteristic of the missionary exhibitions in the timeframe of the late-nineteenth and early-twentieth century, was their ethnological intent (Sánchez-Gómez, 2013). The ethnographic objects of converted peoples (and of those who had yet to be converted) were noteworthy for their exoticism and rarity, and became a true magnet for audiences. They were also supposedly irrefutable proof of the “backward” and even “depraved” nature of such peoples, who had to be liberated by the redemptive missions which all Christians were expected to support spiritually and financially. But as tastes changed and the public began to lose interest, the exhibitions started to grow in size and complexity, and increasingly began to feature new attractions, such as dioramas and sculptures of native groups. Finally, the most sophisticated of them began to include the natives themselves as part of the show. It must be said that, but for rare exceptions, these were not exhibitions in the style of the famous German Völkerschauen or British ethnological exhibitions, but mere performances; in fact, the “guests” had already been baptized, were Christians, and allegedly willing to collaborate with their benefactors.Whilst the Protestant churches (British and North American alike) produced representations of indigenous peoples with the greatest frequency and intensity, it was (as far as we know) the (Italian) Catholic Church that had the dubious honour of being the first to display natives at a missionary exhibition, and did so in a clearly savagist and rudimentary fashion, which could even be described as brutal. This occurred in the religious section of the Italian-American Exhibition of Genoa in 1892 (Bottaro, 1984; Perrone, n.d.). As a shocking addition to the usual ethnographic and missionary collections, seven natives were exhibited in front of the audience: four Fuegians and three Mapuches of both sexes (children, young and fully-grown adults) brought from America by missionaries. The Fuegians, who were dressed only in skins and armed with bows and arrows, spent their time inside a hut made from branches which had been built in the garden of the pavilion housing the missionary exhibition. The Mapuches were two young girls and a man; the three of them lived inside another hut, where they made handicrafts under the watchful eye of their keepers.The exhibition appears to have been a great success, but it must have been evident that the model was too simple in concept, and inhumanitarian in its approach to the indigenous people present. In fact, whilst subsequent exhibitions also featured a native presence (always Christianised) at the invitation of the clergy, the Catholic Church never again fell into such a rough presentation and representation of the obsolete and savage way of life of its converted. To provide an illustration of those times, now happily overcome by the missionary enterprise, Catholic congregations resorted to dioramas and sculptures, some of which were of superb technical and artistic quality.Although the Catholic Church may have organised the first live missionary exhibition, it should not be forgotten that they joined the exhibitional sphere much later than the evangelical churches. Also, a considerable number of their displays were associated with colonial events, something that the Protestant churches avoided. This happened, for example, at the colonial exhibitions of Lyon (1894), Berlin 1896 (although this also involved Protestant churches) and Brussels-Tervuren (1897), as well as at the National Exhibition of 1898 in Turin. Years later, the great colonial (national and international) exhibitions of the interwar period continued to receive the enthusiastic and uncritical participation of Catholic missions (although some, as in 1931, included Protestant missions too). The most remarkable examples were the Iberian-American Exhibition of Seville in 1929, the International Exhibitions held at Amberes (1930) and Paris (1931), and the Oporto (1934) and Lisbon (1937 and 1940) National Exhibitions.[20] This colonial-missionary association did not prevent the Catholic Church from organising its own autonomous exhibitions, through which it tried to emulate and even surpass its more experienced Protestant counterpart. Their belated effort culminated in two of the most spectacular Christian missionary exhibitions of all time: the Vatican Missionary Exhibition of 1925 and the Barcelona Missionary Exhibition of 1929, which was associated with the great international show of that year (Sánchez-Gómez, 2007 and 2006). Although both events documented native nuns and priests as visitors, no humans were exhibited. Again, dioramas and groups of sculptures were featured, representing both religious figures and indigenous peoples. Let us return to the Protestant world. Whilst it was the reformed churches that most readily incorporated native participation, they seemed to do so in a more sensitive and less brutalised manner than the Genoese Catholic Exhibition of 1892. We know of their presence at the first North American exhibitions: one of which was held at the Ecumenical Conference on Foreign Missions, celebrated in New York in 1909 and, most significantly, at the great interdenominational The World in Boston Exhibition, in 1911 (Hasinoff, 2011). Native participation has also been recorded at the two most important British contemporary