Sacre du Printemps/110e: Quel grand retour de la sauvagerie russe ? (Looking back, as Moscow’s new Führer ressurects long-forgotten barbarity, at Stravinsky’s primal and sacrificial images of pagan Russia that, on the eve of WWI, took Paris by storm and caused, complete with a riot in the end, one of the greatest scandals in the history of Western music)

29 mai, 2023

Ígor Stravinski y el escándalo que revolucionó la música del siglo XXA Reconstruction Of 'The Rite Of Spring' As The Infamous Ballet Turns 100 | WBUR News
Le massacre du printemps
A 2002 version of The Rite Of Spring by Ballet Preljocaj

Le Sacre du printemps (Louis Barreau, 2022)

Nicholas Roerich. The Rite Of Spring. Sketch for the ballet "Spring sacred" by I. Stravinsky

Il savait que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. Albert Camus (La Peste)
Il faut se rappeler que les chefs militaires allemands jouaient un jeu désespéré. Néanmoins, ce fut avec un sentiment d’effroi qu’ils tournèrent contre la Russie la plus affreuse de toutes les armes. Ils firent transporter Lénine, de Suisse en Russie, comme un bacille de la peste, dans un wagon plombé. Winston Churchill
Ca a commencé en septembre l’an passé, puis c’est monté crescendo. Au fur et à mesure de l’année, ça a commencé à s’aggraver (…) Au mois de février, en rangeant sa chambre, j’ai trouvé une lettre de suicide sous son matelas. On a avisé l’académie, le proviseur et la police… Sans suite. On a rencontré le proviseur une seule fois, et il nous a juste conseillé de lui supprimer son téléphone. Beau-père de Lindsay
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Les médias sociaux ont porté « l’universalisation de la médiation interne » à un nouveau niveau, tout en réduisant considérablement les « domaines de la vie qui séparaient les gens les uns des autres ». Les médias sociaux sont le miasme du désir mimétique. Si vous publiez des photos de vos vacances d’été en Grèce, vous pouvez vous attendre à ce que vos « amis » publient des photos d’une autre destination attrayante. Les photos de votre dîner seront égalées ou surpassées par les leurs. Si vous m’assurez, par le biais des médias sociaux, que vous aimez votre vie, je trouverai un moyen de dire à quel point j’aime la mienne. Lorsque je publie mes plaisirs, mes activités et mes nouvelles familiales sur une page Facebook, je cherche à susciter le désir de mes médiateurs. En ce sens, les médias sociaux fournissent une plate-forme hyperbolique pour la circulation imprudente du désir axé sur le médiateur. Alors qu’il se cache dans tous les aspects de la vie quotidienne, Facebook s’insinue précisément dans les domaines de la vie qui sépareraient les gens. Très certainement, l’énorme potentiel commercial de Facebook n’a pas échappé à Peter Thiel, l’investisseur en capital-risque et l’un de ses étudiants à Stanford à la fin des années 80 et au début des années 90. Girardien dévoué qui a fondé et financé un institut appelé Imitatio, dont le but est de « poursuivre la recherche et l’application de la théorie mimétique dans les sciences sociales et les domaines critiques du comportement humain », Thiel a été le premier investisseur extérieur de Facebook, vendant la plupart de ses actions. en 2012 pour plus d’un milliard de dollars (elles lui avaient coûté 500 000 dollars en 2004). Seul un girardien très intelligent, bien initié à la théorie mimétique, pouvait comprendre aussi tôt que Facebook était sur le point d’ouvrir un théâtre mondial de désir mimétique sur les ordinateurs personnels de ses utilisateurs. Robert Pogue Harrison
J’entrevis dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à la mort d’une jeune fille, qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps. Igor Stravinsky
C’est une série de cérémonies de l’ancienne Russie. Igor Stravinsky
À la fin de la « Danse sacrale », tout le public bondit sur ses pieds et ce fut une ovation. Je suis allé sur scène saluer Monteux qui, en nage, me gratifia de l’accolade la plus salée de ma vie. Les coulisses furent prises d’assaut et, hissé sur des épaules inconnues, je fus porté en triomphe jusque sur la place de la Trinité. Igor Stravinsky
Je m’abstiendrai de décrire le scandale qu’il produisit. On en a trop parlé. La complexité de ma partition avait exigé un grand nombre de répétitions que Monteux conduisit avec le soin et l’attention qui lui sont coutumiers. Quant à ce que fut l’exécution au spectacle, j’étais dans l’impossibilité d’en juger, ayant quitté la salle dès les premières mesures du prélude, qui tout de suite soulevèrent des rires et des moqueries. J’en fus révolté. Ces manifestations, d’abord isolées, devinrent bientôt générales et, provoquant d’autre part des contre-manifestations, se transformèrent très vite en un vacarme épouvantable. Pendant toute la représentation je restai dans les coulisses à côté de Nijinski. Celui-ci était debout sur une chaise, criant éperdument aux danseurs « seize, dix-sept, dix-huit » (ils avaient leur compte à eux pour battre la mesure). Naturellement, les pauvres danseurs n’entendaient rien à cause du tumulte dans la salle et de leur propre trépignement. Je devais tenir Nijinsky par son vêtement, car il rageait, prêt à tout moment à bondir sur la scène pour faire un esclandre. Diaghilev, dans l’intention de faire cesser ce tapage, donnait aux électriciens l’ordre tantôt d’allumer, tantôt d’éteindre la lumière dans la salle. C’est tout ce que j’ai retenu de cette première. Chose bizarre, à la répétition générale, à laquelle assistaient, comme toujours, de nombreux artistes, musiciens, hommes de lettres et les représentants les plus cultivés de la société, tout se passa dans le calme et j’étais à dix lieues de prévoir que le spectacle pût provoquer un tel déchainement. Igor Stravinsky (Chroniques de ma vie, 1935)
C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne. Claude Debussy
Tout ce qu’on a écrit sur la bataille du « Sacre du printemps » reste inférieur à la réalité. Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, des gifles, voire des coups. Les mots semblent bénins lorsqu’on évoque une telle soirée. Le calme reparaissait un peu quand on donnait soudain la lumière dans la salle. Je m’amusais beaucoup de voir certaines loges vindicatives et tonitruantes dans l’obscurité, s’apaiser aussitôt dans la clarté. Je ne cacherai pas que notre calme rivière était devenue un torrent tumultueux. On y voyait entre autres Maurice Delage grenat d’indignation, Maurice Ravel combatif comme un coq furieux, Léon-Paul Fargue vociférant des épithètes vengeresses vers les loges sifflantes. Et je me demande comment cette œuvre si difficile pour 1913 put être jouée et dansée jusqu’au bout dans un tel vacarme… Valentine Gross (Hugo)
On veut nous montrer les danses de la Russie préhistorique ; on nous présente donc, pour faire primitif, des danses de sauvages, des caraïbes et de canaques… Soit, mais il est impossible de ne pas rire. Imaginez des gens affublés des couleurs les plus hurlantes, portant bonnets pointus et peignoirs de bains, peaux de bête ou tuniques pourpres, gesticulant comme des possédés, qui répètent cent fois de suite le même geste: ils piétinent sur place, ils piétinent, ils piétinent ils piétinent et ils piétinent… Ils se cassent en deux et se saluent. Et ils piétinent, ils piétinent, ils piétinent… une petite vieille tombe la tête par terre, et nous montre son troisième dessous… Et ils piétinent, ils piétinent, ils piétinent… Et puis ce sont des groupes qui évoluent en ordre ultra serré. Les danseuses sont les unes contre les autres, emboîtées comme des sardines, et toutes leurs charmantes têtes tombent sur l’épaule droite, toutes figées dans cette pose tortionnaire par un unanime torticolis. (…) Evidemment, tout cela peut se défendre ; c’est là de la danse préhistorique. Plus ce sera laid, difforme, plus ce sera préhistorique. (…) La musique de M. Stravinsky est déconcertante et désagréable. Sans doute s’est-elle proposé de ressembler à la chorégraphie « barbaresque ». On peut regretter que le compositeur de l’Oiseau de Feu se soit laissé aller à de telles erreurs. Certes, on retrouve dans le Sacre du Printemps une incontestable virtuosité de l’orchestration, une certaine puissance rythmique, une facile invention de fragments mélodiques ou d’échantillonnages sonores, combinés en vue d’accompagner, ou de situer, ou de caractériser les mouvements scéniques. Il y a là un musicien heureusement doué, ingénieux, subtil, capable de force et d’émotion, ainsi qu’il l’a déjà prouvé. Mais, dans le désir semble-t-il de faire primitif, préhistorique, il a travaillé à rapprocher sa musique du bruit. Pour cela, il s’est appliqué à détruire toute impression de tonalité. On aimerait à suivre, sur la partition (que je n’ai pas reçue), ce travail éminemment anti-musical. Adolphe Boschot (L’Echo de Paris, 1913)
J’étais placé au-dessous d’une loge remplie d’élégantes et charmantes personnes de qui les remarques plaisantes, les joyeux caquetages, les traits d’esprit lancés à voix haute et pointue, enfin les rires aigus et convulsifs formaient un tapage comparable à celui dont on est assourdi quand on entre dans une oisellerie. (…) Mais j’avais à ma gauche un groupe d’esthètes dans l’âme desquels Le Sacre du printemps suscitait un enthousiasme frénétique, une sorte de délire jaculatoire et qui ripostaient incessamment aux occupants de la loge par des interjections admiratives, par des « bravos» furibonds et par le feu roulant de leurs battements de mains ; l’un d’eux, pourvu d’une voix pareille à celle d’un cheval, hennissait de temps en temps, sans d’ailleurs s’adresser à personne, un « À la po-o-orte ! » dont les vibrations déchirantes se prolongeaient par toute la salle. Pierre Laloy (Le Temps, le 3 juin 1913)
Si M. Igor Stravinski ne nous avait pas donné un chef d’œuvre, L’oiseau de Feu, et cette œuvre pittoresque et charmante, Petrouchka, je me résignerais à être déconcerté sur ce que je viens d’entendre. Je me bornerai à constater un orchestre où tout est singulier, étrange, et ingénié, multiplié pour confondre l’ouïe et la raison. Que cet orchestre soit extraordinaire, rien n’est plus certain; je crains même qu’il ne soit que cela. Pas une fois, le quatuor ne s’y laisse entendre ; seule y dominent les instruments aux sons violents et bizarres. Et encore M. Stravinsky a-t-il pris soin, le plus souvent, de les dénaturer dans la sonorité qui leur est propre. Aussi nulle trêve, qui ne serait que simplicité, n’est-elle accordée à la stupeur de l’auditeur. (…) Je n’en ai eu que stupeur ; je vais admettre que voici l’avènement d’une nouvelle musique à l’audience de laquelle ma sensibilité et mon goût ne sont pas encore préparés. Il n’est peut-être qu’ordre, harmonie et clarté, ce sacre du Printemps, où je n’ai guère discerné que de l’incohérence, des dissonances, de la lourdeur et de l’obscurité. (…) La chorégraphie de M. Nijinski se résume, ici, à une stylisation laborieuse des liesses très lourdes, des frénésies très gauches et des extases très mornes des tous premiers Russes. Nulle beauté, nulle grâce en tout cela : mais il est probable que M. Nijinski n’en a pas eu cure ; il en est justifié par ce qu’il eut dessein de nous évoquer. Et voilà un fort mélancolique spectacle. Georges Pisch (Gil Blas, le 30 mai 1913)
Toute réflexion faite, le Sacre est encore une « œuvre fauve », une œuvre fauve organisée. Gauguin et Matisse s’inclinent devant lui. Mais si le retard de la musique sur la peinture empêchait nécessairement le Sacre d’être en coïncidence avec d’autres inquiétudes, il n’en apportait pas moins, une dynamite indispensable. De plus, n’oublions pas que la collaboration tenace de Stravinsky avec l’entreprise Diaghilev, et les soins qu’il prodigue à sa femme, en Suisse, le tenaient écarté du centre. Son audace était donc toute gratuite. Enfin, telle quelle, l’œuvre était et reste un chef-d’œuvre ; symphonie empreinte d’une tristesse sauvage, de terre en gésine, bruits de ferme et de camp, petites mélodies qui arrivent du fond des siècles, halètement de bétail, secousses profondes, géorgiques de préhistoire. Jean Cocteau (Le Coq et l’Arlequin, 1918)
Il y a quelque chose qui circule du début à la fin qui fait que cette musique draine comme une lame de fond. L’idée est une sorte de désir, de rituel sacrificiel bien sûr, qui serait là pour réactiver la fécondité de la tribu. Je trouve, cette musique le dit très bien, cela. Cette espèce de pulsion à la fois effrayante et irrésistible, qui est finalement la sexualité. Alors j’ai essayé d’évoquer le désir féminin à travers cela. Et l’idée est que cette femme qui est choisie comme étant l’élue et donc le bouc émissaire, dans ma vision, elle passe du statut de victime au statut d’héroïne. Finalement, elle va au-delà de ce qu’on lui demande. Par cette force-là, cette détermination, elle réussit à vaincre les idées préconçues de la tribu. C’est l’œuvre qui ouvre la musique du 20e siècle. C’est un peu comme on dit que le 11-Septembre a ouvert le 21e siècle, le Sacre du Printemps a ouvert le 20e siècle en termes de musique. Angelin Preljocaj (Ballet Preljocaj, Pavillon Noir, Aix-en-Provence)
1913, c’était une période de l’histoire très curieuse dans le monde de l’art et dans l’histoire de l’Europe et de la France. Toutes ces dissonances musicales, toute cette énergie de Nijinsky – beaucoup disent que c’est là que sa folie a commencé à l’envahir – tous ces excès, tout est excessif dans le Sacre du Printemps, et quand on l’entend et qu’on le réentend, tout est magnifiquement orchestré. Et en même temps, quand on pense aux œuvres musicales et chorégraphiques qui étaient appréciées à cette période-là, on n’était pas du tout prêt pour beaucoup à entendre et à voir cela. En même temps, ce qui est très important dans des œuvres qui bouleversent, c’est qu’on sait, à partir de là, on ne pourra plus jamais regarder la danse ou entendre la musique de la même manière. Brigitte Lefebvre (Opéra de Paris)
La première du Sacre du printemps de Stravinsky, c’était le 29 mai 1913. Chorégraphiée par le danseur russe Vaslav Nijinsky, la pièce avait créé un scandale au Théâtre des Champs-Élysées à Paris. (…) Le public rit, chahute, le vacarme est tel que les danseurs n’entendent plus l’orchestre et que Nijinsky doit compter dans les coulisses pour que le ballet se poursuive. Aujourd’hui considérée comme un monument de la musique classique et du ballet, cette œuvre a été si mal reçue, parce qu’elle était complètement révolutionnaire. Il y a la musique de Stravinski où le rythme est le principal élément. Le compositeur imagine un grand rite sacral païen où des vieux sages, assis en cercle, observent la danse à la mort d’une jeune fille sacrifiée au Dieu du printemps. Et il y a aussi le ballet de Nijinsky qui renversait tous les codes de la danse classique. Fi des pointes et du célèbre en-dehors des pieds. Le chorégraphe russe avant-gardiste et inspiré présente des ballerines aux chaussons tournés vers l’intérieur, les genoux pliés. La danse moderne s’impose en pleine tradition du ballet russe. Mais le public n’est pas prêt. Et pour les puristes le choc esthétique est tel et la réaction des spectateurs tellement forte que la pièce doit s’interrompre tant le vacarme est importante dans la salle. Elle ne se poursuivra qu’après l’intervention de la police. (…) Depuis la chorégraphie de Nijinsky qui a créé le scandale, de nombreux chorégraphes se sont frottés au Sacre du Printemps. C’est devenu un passage obligé, la marque de la consécration. Parmi les grands noms de la danse qui ont signé un Sacre, il y a d’abord Maurice Béjart qui a marqué les esprits avec une chorégraphie d’une énergie et d’une grande modernité à l’époque, même si aujourd’hui cette version paraît un peu datée. Il y a le Sacre de Pina Bausch, un monument de la danse contemporaine où les interprètes vêtues de robes couleurs de sable dansent dans la terre, s’en imprègnent jusqu’à l’épuisement le corps battant au rythme infernal de la musique de Stravinski. Et puis d’autres Sacre encore, celui de Jean-Claude Gallota, Martha Graham, Paul Taylor, Mats Ek et Angelin Preljocaj. Muriel Maalouf
Il recèle une force ancienne, c’est comme s’il était rempli de la puissance de la Terre. Sasha Waltz
Je dois admettre que lorsque nous arrivons au moment qui précède la dernière danse… ma pression sanguine augmente. Je ressens une sorte de poussée d’adrénaline. Le miracle de cette pièce, c’est son éternelle jeunesse. Elle est si fraîche qu’elle est toujours aussi géniale. Esa-Pekka Salonen (Philharmonia Orchestra in London)
Même au point culminant, lorsque le groupe arrache ses vêtements à l’une des femmes et lui fait danser une sorte d’orgasme sacrificiel, le mouvement ne retient pas entièrement notre attention. C’est la frénésie contrôlée de Stravinsky qui domine la scène… Judith Mackrell
C’est, semble-t-il, la laideur volontaire et la grossièreté de l’évocation par Nijinski de la préhistoire russe qui ont réellement choqué le public. (…) Le paradoxe du primitivisme dans le Sacre est qu’il peut être entendu à la fois comme une vision horrifiante de l’impitoyabilité de la nature et comme une expression de l’inhumanité de l’ère de la machine. Le destin de « l’élue » dans la Danse sacrificielle est particulièrement effrayant. Elle est prise dans un tourbillon rythmique imparable dont elle ne peut s’échapper que par la terrible dissonance qui clôt la pièce et l’accord unique qui la tue. Cette musique parvient à sonner à la fois comme mécaniste et élémentaire, ce qui rend le Sacre aussi radical en 2013 qu’il l’était il y a 100 ans. Pourtant, malgré toute sa modernité, malgré l’insistance de Stravinsky à dire que tout est venu de « ce que j’ai entendu » (et malgré le fait que Puccini l’appellera plus tard « l’œuvre d’un fou »), le Sacre est enraciné dans les traditions musicales. Comme Bela Bartók en avait eu l’intuition, et comme l’a montré le musicologue Richard Taruskin, de nombreuses mélodies du Sacre proviennent d’airs folkloriques – y compris le solo de basson d’ouverture, qui est en fait une chanson de mariage lituanienne. Les chercheurs ont identifié plus d’une douzaine de références folkloriques à ce jour, mais il existe une tradition encore plus importante derrière le Sacre. L’œuvre est l’apothéose d’une façon de concevoir la musique qui a vu le jour dans les années 1830 avec Mikhaïl Glinka, le premier grand compositeur russe, et qui a inspiré Stravinsky, dont il aimait la musique. Le mouvement du Sacre, avec ses blocs de musique juxtaposés et superposés comme une mosaïque, est préfiguré non seulement par les précédents ballets de Stravinsky pour Diaghilev (L’Oiseau de feu et Petrouchka), mais aussi par la musique de son professeur Rimski-Korsakov et même par celle de Tchaïkovski. Ces « nouveaux » sons avec toutes ces dissonances en forme de poignard ? Si vous les regardez de près, vous constaterez qu’il s’agit de versions d’accords communs empilés les uns sur les autres ou construits à partir des gammes et des harmonies que Rimski-Korsakov, Moussorgski et Debussy avaient déjà découvertes. Et tous ces rythmes saccadés ? Ils sont dérivés, quoique de loin, de la manière dont fonctionnent certains de ces airs folkloriques. Il n’y a donc rien de si vieux qu’une révolution musicale. Mais même s’il est vrai que Stravinsky a pillé des traditions anciennes et modernes pour créer le Sacre, il y a quelque chose qui, finalement, ne peut pas être expliqué, quelque chose que vous devriez ressentir dans vos tripes lorsque vous faites l’expérience de l’œuvre. Un siècle plus tard, ce qui est vraiment choquant dans Le Sacre est toujours là, à son apogée. Une bonne représentation vous pulvérisera simplement. Mais une grande représentation vous fera sentir que c’est vous – que c’est nous tous – qui sommes sacrifiés par la musique envoûtante et sauvagement cruelle de Stravinsky. Tom Service
Sifflets, hurlements, interruptions : le vacarme que suscita l’œuvre scandaleuse résonne dans toute l’histoire… Heurtant le bon goût dressé sur les barricades de l’académisme, la musique de Stravinsky autant que la chorégraphie de Nijinski ont renversé en effet toutes les lignes esthétiques de l’époque par la liberté sauvage de leur composition… avant de devenir des classiques ! Inspiré du folklore russe, le Sacre met en scène de jeunes gens, une vieille voyante et un sage qui célèbrent l’arrivée du printemps par des danses et des jeux , jusqu’à la désignation d’une Elue parmi les vierges, destinée au sacrifice. Innombrables sont les artistes qui ont depuis défié cette partition, l’une des plus puissantes de la modernité, reconstituée dans sa version originale en 1987 par deux archéologues chercheurs de la danse, Milicent Hodson et Kenneth Archer. En 1975, Pina Bausch livre sa vision, magistrale, qui exalte la force tellurique des rites anciens par un chœur tournoyant, piétinant la terre matricielle autour de l’élue. Les syncopes, le feu percussif et les notes stridentes de violon emportent les corps dans un sabbat initiatique et sensuel jusqu’à la délivrance. Aujourd’hui Sasha Waltz crée son interprétation avec le Ballet du Théâtre Mariinsky, tandis qu’Akram Khan explore la musique de Stravinsky, son impact fulgurant, sa rudesse et ses aspérités révolutionnaires. Réunies au Théâtre des Champs-Elysées, ces quatre versions témoignent de l’inépuisable richesse du Sacre. Gwénola David
Impossible de faire l’impasse sur l’un des plus célèbres scandales de l’histoire de la musique : Le Sacre du Printemps crée en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées reste assurément le choc musical du siècle.(…) Qu’est ce qui a le plus choqué les spectateurs le soir de la première du Sacre du Printemps : la musique ou la danse ? A moins que ce ne soit l’attitude des spectateurs les plus virulents présents dans la salle et la cacophonie devenue légendaire qui y régnait ? (…) Nous sommes à l’aube de la première guerre mondiale, deux mois après l’inauguration du Théâtre des Champs-Elysées. La salle est tournée vers la musique française : celle de Debussy ou encore de Dukas. La saison musicale est conçue par Gabriel Astruc, qu’il souhaite moderne et audacieuse. C’est donc naturellement qu’il fait appel aux célèbres Ballets russes de Diaghilev, compagnie qui crée à chaque fois l’événement lors de sa venue dans la capitale. Pour ce nouveau spectacle, Diaghilev propose à Vaslav Nijinski de s’atteler à la chorégraphie, tout en confiant la musique au jeune compositeur russe Igor Stravinsky. Le jour de la première, on peut apercevoir dans la salle, Picasso, Paul Claudel, Debussy, Florent Schmitt, Ravel, Cocteau, Poulenc et tant d’autres… Le Tout-Paris est présent ! (…) Alors qu’à peine les premières notes commencent à résonner, quelques murmures se font entendre dans la salle… Rapidement, un certain désordre gagne une grande partie du théâtre, avant de laisser échapper des sifflets et des huées. La musique n’est quasiment plus dicible et est recouverte d’invectives en tout genre : « C’est la première fois en soixante ans qu’on ose se moquer de moi ! » entend-on. Les spectateurs se déplacent dans la pénombre, s’alpaguant pour tantôt défendre tantôt railler ce qui se passe sur scène et en fosse : dans une loge, une dame en vient même à gifler son voisin qui venait de siffler. Des policiers ne tardent pas à arriver pour tenter d’atténuer ce pugilat. Durant tout ce temps, le spectacle subsiste tant bien que mal : les musiciens continuent de faire vivre la rythmique enivrante de la partition de Stravinsky pendant que les danseurs poursuivent leur rite païen dans une frénésie animale qui se clôturera par le sacrifice de l’élue. Pour Stravinsky, c’est la désolation la plus totale. Pourtant Gabriel Astruc avait bien tenté de calmer les esprits en interpellant le public à plusieurs reprises : »Ecoutez d’abord, vous sifflerez après », mais pour le compositeur, l’originalité de sa partition n’a pas eu l’écho mérité, rejetant la faute à Nijinski et à sa chorégraphie… Il aura fallu attendre l’année suivante, pour que Stravinsky assiste au succès de la version de concert de ce Sacre, réhabilitant ainsi tout le génie de sa musique. Jérémie Rousseau
Imaginé initialement par Stravinsky, l’idée de mettre en scène la Russie préhistorique à travers un rite ancestral a séduit Diaghilev. La rédaction de l’argument a été confiée à Stravinsky et Roerich, qui se trouvait être aussi un spécialiste des rites slaves anciens. Cet argument, fondé sur la renaissance du printemps et la nécessité de sacrifier une jeune fille désignée par les Dieux, contribua à générer chez le public une réaction emportée. (…) Dans ses Chroniques, Stravinsky a explicité l’objet de ce prélude, où tout l’orchestre permet de recréer l’apparition du Printemps. On peut y percevoir un ensemble de courtes mélodies, isolées et indépendantes, qui apparaissent progressivement et se superposent, combinées à des éléments rythmiques, tel le réveil ancestral et le bourgeonnement de la Nature. Uneprolifération d’idées qui s’étagent et s’opposent ; le discours musical semble hétéroclite, décousu et désorganisé. Les éléments entendus se juxtaposent, se chevauchent tel un collage; certaines mélodies sont interrompues avant de réapparaître et la partition peut s’apparenter à une improvisation notée. De plus, Stravinsky use d’un langage plus archaïque, fondé sur des échelles défectives, comme un matériau originel. Les échelles musicales s’apparent aux gammes ; les gammes majeure et mineure, employées à partir de la fin du XVIIe siècle jusqu’à alors dans la musique occidentale savante, comportaient sept sons. Les échelles défectives employées par Stravinsky sont davantage tétraphoniques ou hexaphoniques. Il s’inspire des langages musicaux beaucoup plus anciens, langages que l’on retrouvait aussi dans les musiques traditionnelles et folkloriques. Le compositeur aimait en effet emprunter des thèmes populaires russes ; ainsi, la mélodie initiale jouée par le basson dans l’aigu, découle d’une chanson lituanienne. Le plus souvent cependant, Stravinsky n’imite pas mais propose une recréation de mélodies folkloriques. Là encore, ces échelles défectives sont superposées et cette surimpression peut créer des dissonances, des effets simultanés majeur/mineur et de la polymodalité. Ce passage [des Augures printaniers], l’un des plus surprenants et agressifs pour le public, repose sur une pulsation marquée sur une mesure à deux temps, un ostinato qui évoque un aspect motoriste, mais perturbé par des accentuations sonores inattendues qui déstabilisent cette organisation rythmique. Les accentuations sont placées sur des temps faibles et positionnées à des moments différents pour créer cette instabilité. Le choc musical est aussi harmonique et repose sur l’usage d’un accord nommé par Stravinsky », massif et dissonant, qui sera répété en ostinato, contribuant par cette répétition inlassable à constituer une musique incantatoire. Cet agrégat-accord, dont la nature a alimenté de nombreux débats analytiques, peut être entendu comme la superposition de deux accords consonants qui ensemble forment une masse discordante et perçue comme cacophonique, assénée dans une nuance fortissimo. Certains perçoivent cet accord comme un bloc sonore de timbres. On peut l’interpréter comme un procédé de surimpression tel un décalage de type cubiste musicalisé. La danse sacrale clôt le ballet ; le rite du sacrifice y est accompli. Construit à partir d’une forme rondo (alternance d’un refrain et de couplets différents), cette danse sacrale permet de retrouver l’ensemble des signatures musicales du ballet : la continuité-discontinuité du discours, la clarté formelle à grande échelle mais cependant noyée par la multiplicité des éléments sonores, la perturbation entre une pulsation marquée et un jeu d’accents décalés, renforcé par des changements de mesure et des cellules rythmiques asymétriques et apériodiques doublée de leurs superpositions créant de la polyrythmie, le chevauchement d’éléments hétéroclites et les innovations harmoniques (retour de « l’accord-toltchok). Dans le prélude du ballet, Stravinsky confie le premier thème au basson mais dans l’aigu, de sorte que l’instrument est à peine reconnaissable. Ce détournement de l’usage traditionnel du basson caractérise l’attitude du compositeur qui s’emploie à proposer des couleurs et des alliages davantage insolites. Si ce chatoiement orchestral n’a pas provoqué en lui-même de réactions vives et houleuses, il a contribué à façonner l’identité musicale du Sacre du printemps. La montée en puissance de la tension qui accompagne la danse de l’Élue est réalisée par l’ajout progressif des vents, des cuivres et des percussions dans un crescendo orchestral rugissant. La Belle au bois dormant (…) est un exemple emblématique du ballet romantique, avec une réelle intrigue, des péripéties, qui reposent sur un ensemble de pas, d’attitudes et de sauts qui caractérisent la danse classique, légère et aérienne. (…) Par opposition, la chorégraphie de Nijinsky abandonne ces caractéristiques ou les revisite il ne s’agit pas pour autant d’une volonté de rupture. Nijinsky a réalisé la chorégraphie après avoir pris connaissance de la musique, des décors et des costumes. Il propose de transposer les motifs géométriques des costumes en privilégiant le cercle mais aussi les ovales et des croisements de ligne. Le cercle y est valorisé car il a une signification symbolique, celle du cycle de la vie et de la Nature. Le vocabulaire de la danse classique est questionné ; Nijinsky a débuté par le solo de l’Élue à partir duquel l’ensemble de la chorégraphie a été élaborée. L’attitude des corps est en repli, courbée dans une attitude craintive, avec les pieds en dedans. Les sauts sont lourds et massifs ; on ne recherche pas la légèreté mais au contraire le trépignement et le piétinement qui s’ancre dans la Terre. Plusieurs danseurs se positionnent aussi de côté comme dans le Prélude à l’après midi d’un faune (première chorégraphie de Nijinsky signée en 1912), avec la tête penchée sur le côté. Les gestes sont saccadés et anguleux. Par ailleurs, les solos ou duos y sont rares et Nijinsky opte davantage pour des blocs et des masses. On observe aussi des moments d’exaltation où les corps sont pris de tremblements et de convulsions. Aucune expression ne transparaît sur les visages car tout passe par le corps. Ainsi, en inversant et en détournant le vocabulaire chorégraphique classique, Nijinsky a provoqué une réaction très vive de la part des spectateurs qui ont été totalement déroutés. (…) La musique du Sacre du printemps stimule d’autres chorégraphes et aujourd’hui, on compte plus d’une centaine de chorégraphies et spectacles réalisés à partir de la partition de Stravinsky. Dès 1920, Diaghilev demande à Léonide Massine de proposer une nouvelle version chorégraphique sur la musique du maître russe. Cette émulation prend un essor spécifique avec la relecture de Maurice Béjart. Donnée au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 1959, sa version chorégraphique détourne l’argument pour en faire un rituel amoureux qui s’achève sur le coït des couples réunis (…) Dirigée par Pierre Boulez, [la] version de Bartabas [2000] renoue avec l’argument du Sacre du printemps en proposant un spectacle qui se rapporte aux racines primitives de l’humanité. Cependant, il inverse l’argument en présentant le sacrifice d’un jeune homme. La renaissance du printemps est incarnée par l’apparition de jeunes hommes qui rampent dans l’obscurité jusqu’au centre de la piste et commencent à exécuter divers mouvements séparément dans une polyrythmie du corps. À partir des « Augures printaniers » entrent en scène des cavaliers et des amazones avec lesquels les danseurs vont s’opposer, s’observer, s’évaluer, se pourchasser et se mesurer. La chorégraphie mélange danse équestre et Kalarippayat, un art martial du sud de l’Inde très ancien, que l’on date du Ve siècle, et dont les mouvements évoquent une danse rituelle. Les danseurs empruntent tantôt des postures proches du sol, y rampent, pour marquer leur ancrage dans la Terre ; tantôt ils exécutent des mouvements et des sauts qui les élèvent vers le ciel. Les jeux de lumière contribuent à renforcer la sacralité qui émane du ballet. La couleur ocre et feu y domine dans un éclairage en clair-obscur, complété par le bronze des corps demi-nus des danseurs et contrepointé par les robes des chevaux, blancs, noirs, crème et isabelle. La piste est recouverte de terre. L’espace scénique est marqué par un double cercle, en hommage à Nijinsky.Le metteur en scène Romeo Castelluci [2014] questionne les notions de sacrifice et de rituel à notre époque où ces mots semblent oubliés ou s’incarner dans l’industrie et la chimie. Les spectateurs découvrent ainsi sur scène des machines suspendues, accrochées au plafond, qui déversent de la poussière dans un ballet rythmé par la musique de Stravinsky. Cette danse de la poussière épouse chaque élan rythmique, chaque accent, et plonge le spectateur, par les jeux de lumière bleutée, dans une atmosphère irréelle, à la fois onirique et inquiétante. Les danseurs y sont absents ou, plus exactement selon le metteur en scène, « atomisés dans l’air ». Les particules poudreuses qui s’éparpillent sous les projecteurs sont constituées de poussière d’os d’animaux, utilisée comme fertilisant actuellement pour les cultures. Les références à la mort, au sacrifice, à la nécessité de nourrir la Terre sont ici revisitées de manière symbolique. C’est une vision synthétique où la danse renvoie autant à la vie qu’à une mort céleste. Eduscol
[Le]  scandale (…) qui accompagna la création du Sacre du printemps fut si considérable que sur la scène, les quarante-six danseurs n’entendaient plus le grand orchestre symphonique de cent vingt musiciens. Vaslav Nijinski, debout sur une chaise dans la coulisse, devait leur hurler les mesures. «Étonne-moi», avait dit Serge de Diaghilev à Jean Cocteau, pour résumer sa ligne artistique. Ce 29 mai 1913, le mentor des Ballets russes s’avouait un peu dépassé par sa propre formule. Igor Stravinsky est à l’origine du Sacre du printemps. Dans la Russie qui s’ouvre alors vertigineusement vers l’Occident, il se veut, comme d’autres artistes, attentif aux racines slaves. (…) Avec le peintre et ethnographe Nicolas Roerich, qui signe les costumes et les décors, ils ébauchent un livret. Serge de Diaghilev confie la chorégraphie de ces tableaux de la Russie païenne à Nijinski. Le dieu de la danse est fatigué des grands sauts qui font pâmer le Tout-Paris. Il cherche d’autres révolutions. Stravinsky aussi, qui devine qu’elles pourraient ne pas faire l’unanimité: «Je crains que Le Sacre du printemps, où je ne fais plus appel à l’esprit des contes de fées ni à la douleur et à la joie tout humaines, mais où je m’efforce vers une abstraction un peu plus vaste, ne déroute», écrit-il, sans museler pour autant son inspiration. «Combien de temps ça va durer?», demande Diaghilev quand Stravinsky lui joue pour la première fois au piano «La danse des adolescentes». «Le temps qu’il faudra», répond le ­compositeur. Nijinski ne cherche pas davantage à plaire. Les trois complices sont immergés dans leur souci de ­donner à voir et à entendre, selon le mot de Stravinsky, «la montée totale, panique, de la sève universelle» dans la Russie primitive. Nicolas Roerich ­habille les danseurs de longues ­tuniques. En cent vingt laborieuses ­répétitions, Nijinski leur commande de marteler le sol pieds en dedans et poings sur les joues. «La chorégraphie était incomparable ; à l’exception de quelques endroits, tout était comme je le voulais», écrit en 1913 Stravinsky, qui s’en dédiera plus tard. «Un docteur!», non «Un dentiste», «Deux dentistes», hurle-t-on dans la salle le soir de la création de ce qu’on surnomme déjà «Le Massacre du printemps». (…) En vain, Diaghilev commande-t-il aux machinistes d’éteindre et de rallumer la lumière du théâtre pour calmer le public. Ravel, qui défend l’œuvre se fait traiter de sale Juif. Debussy, qui a cru perdre l’ouïe pendant les trente-trois minutes du spectacle, résume: «C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne.» «Le travail d’un fou», assène Puccini, qui assiste à la seconde le 1er juin. Le scandale est si fracassant que son écho se propage encore: pourquoi tant de bruit? «La grande nouveauté du Sacre du printemps, c’est le renoncement à la sauce», analyse génialement Jacques Rivière, détaillant son propos sur la musique et la danse dans la Nouvelle Revue ­française, en 1913. «Voici une œuvre absolument pure. Aigre et dure, si vous voulez, mais dont aucun jus ne ternit l’éclat, dont aucune cuisine n’arrange ni ne salit les contours ; (….) tout est ici franc, intact, limpide et grossier. Le ­Sacre du printemps est le premier chef-d’œuvre que nous puissions opposer à l’impressionnisme.» Avant d’être repris quatre fois à ­Londres, Le Sacre sera donné quatre fois à Paris. Dans la salle, Valentine Gross Hugo saisit les danses au crayon. Ses dessins, ajoutés à quelques photos, ­témoignages, notations de Marie ­Rambert, qui a assisté Nijinski, serviront à Millicent Hodson et Kenneth ­Archer à le reconstituer en 1987, soixante-quatorze ans après sa création. Le Figaro
« Le Sacre du Printemps » naquit d’une idée du peintre Nicolas Roerich à qui Stravinsky avait demandé le livret d’un ballet. Passionné par l’antique patrimoine des peuples slaves, mais en amateur plus ou moins éclairé, un patrimoine que des artistes comme lui faisaient découvrir à leurs compatriotes russes sans nécessairement faire preuve de rigueur scientifique, Roerich conçut l’ouvrage comme un rite païen des anciens âges, un rituel barbare célébrant le retour du printemps en sacrifiant une vierge, l’Elue, aux forces de la Nature. Le thème était brutal, même si rien de ce que l’on savait des anciens Slaves ne parlait de tels sacrifices humains. Envoûté, Stravinsky composa une musique d’une puissance tellurique qui aujourd’hui encore révolutionne les sens. Et Nijinski s’engouffrera dans le projet avec toute la sauvagerie de son génie, persuadé de la nécessité d’inventer des formes nouvelles. (…) Au Théâtre des Champs-Elysées, la Saison russe confiée à Diaghilev dure du 15 mai au 21 juin avec opéras et ballets en alternance (…) la création du « Sacre » est (…) prévue pour le 29. La générale s’est déroulée sans heurts, mais Diaghilev qui a flairé ce qui pouvait advenir dès que Stravinsky lui joua « le Sacre » au piano, l’été précédent, à Venise, installe au promenoir tout un bataillon d’inconditionnels. Il y a là Maurice Ravel, premier admirateur de Stravinsky, Florent Schmitt, Maurice Delage, Jean Cocteau, Léon-Paul Fargue et Valentine Gross, future Valentine Hugo. Pour la première qui voit accourir le Tout Paris, celui du Faubourg Saint-Germain, du côté des Guermantes, comme celui des Verdurin, un Tout Paris étincelant de pierreries et de décorations, ce promenoir courant entre les loges de la corbeille et les premières loges est donc investi par des modernes prêts à en découdre. Mais alors que pour les batailles d’ »Hernani » ou de « Tannhäuser », les belligérants étaient nettement séparés, ils sont ici au coude à coude. Un plan de guerre qui annonce l’inévitable pugilat. (…) Le public élégant se déchaîne dès les premières mesures du « Sacre ». Ou plus précisément dès que les danseurs arrivent sur scène dans des attitudes voulues primitives qui font un effet désastreux. Le vacarme est tel que sur le plateau ceux-ci n’entendent plus l’orchestre dirigé par Pierre Monteux, héroïque dans la tempête, et que Nijinski, blême, juché sur une chaise, doit leur hurler des indications depuis la coulisse. Quand les danseuses apparaissent, genoux pliés, pieds en dedans, un crétin en habit lance : »Un docteur ! » et un autre : « Un dentiste ! » alors que les jeunes femmes soutiennent du poing droit leur visage incliné de côté, selon une figure des danses russes traditionnelles dont s’est inspiré le chorégraphe. Coups, gifles, invectives fusent de toutes parts. « Taisez-vous, les garces du XVIe », hurle Florent Schmitt aux hystériques des loges alors que Ravel se fait traiter de « sale juif » par des messieurs à monocle, toujours la formule élégante à la bouche. (…) Un an plus tard, « le Sacre du Printemps » est joué en concert au Casino de Paris dans un tel climat d’exaltation que le public portera Stravinsky en triomphe jusqu’à la place de la Trinité. Mais après avoir été exécutée quatre fois à Paris et autant à Londres en juillet, la chorégraphie de Nijinski, elle, est abandonnée. Borné, Stravinsky lui attribue l’échec du « Sacre », sans réaliser l’extraordinaire accord entre danse et partition, l’une et l’autre révolutionnaires. (…) Diaghilev commandera une autre version du « Sacre » à Léonide Massine qui a succédé à Vaslav dans le lit du maître et au poste de chorégraphe. Mais il n’a pas le génie de son prédécesseur, même si sa talentueuse version, dansée elle aussi aux Champs-Elysées en 1920, annonce le style que plus tard développera Maurice Béjart. La version de Massine sera la deuxième des quelque 250 chorégraphies écrites à ce jour sur « le Sacre du printemps ». Dont deux sont des chefs d’œuvre. Celle de Maurice Béjart, créée à Bruxelles en 1960 par le futur Ballet du XXe Siècle, et reprise dans ce même Théâtre des Champs Elysées en 1971 et en 1980 par le Ballet de l’Opéra de Paris. Et celle de Pina Bausch, datant de 1975, que le Tanztheater de Wuppertal vient interpréter en juin pour la saison du centenaire. Perdue, mais demeurée dans les mémoires, la chorégraphie de Nijinski était devenue un mythe. Ayant longuement travaillé avec Marie Rambert, étudié dessins, documents de toutes sortes dont les notes rédigées par Nijinski et Roerich ou celles des danseurs, guidés encore par leur instinct de savants passionnés, deux Anglo-saxons, Milicent Hodson et Kenneth Archer, parviennent miraculeusement à reconstituer la chorégraphie originale en 1987 pour les Américains du Joffrey Ballet. Personne n’en savait plus rien et moins encore les Pourtalès d’aujourd’hui. C’est une révélation. Avec la chorégraphie ressuscitée, réapparaît tout le génie sauvage, immodéré de Nijinski, ses outrances aussi, et son œuvre est aussi bouleversante aujourd’hui qu’elle le fut en 1913, pour ceux capables de la comprendre. Presque tous les danseurs des Ballets Russes avaient appartenu au Théâtre impérial Marie, à Saint-Pétersbourg, le Mariinsky. Ce sont leurs lointains successeurs qui viennent aujourd’hui danser « le Sacre du printemps » au Théâtre des Champs-Elysées dans sa chorégraphie originale. Le 29 mai 2013, cent ans, jour pour jour, après le légendaire scandale qui salua la naissance de l’art du XXe siècle. Raphaël de Gubernatis
Un an avant que la Grande Guerre de 14-18 n’embrase l’Europe entière, la musique ouvre violemment les hostilités. Le 29 mai 1913, les Ballets russes de Serge de Diaghilev lâchent sur Paris un obus orchestral de première puissance : Le Sacre du printemps, d’Igor Stravinsky. Chorégraphié par Nijinski, danseur vedette de la troupe, ce ballet transforme en champ de bataille le Théâtre des Champs-Elysées, inauguré un mois plus tôt avenue Montaigne. Chargée d’un reportage dessiné sur le spectacle et sa préparation, Valentine Hugo se souvenait : « Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre, elle semblait vaciller dans le tumulte. » Mais le théâtre bâti par les frères Perret, premier édifice parisien à être construit en béton armé, repose sur des fondations solides. (…) Quant à la composition de Stravinsky, le scandale de sa création marque un tournant historique, l’avènement d’une nouvelle ère musicale, balayant l’académisme et le ronron ambiants. Le mot mi-admiratif, mi-narquois de Debussy a fait fortune : « De la musique de sauvage avec tout le confort moderne. » Musique de sauvage comme, à la même époque, Les Demoiselles d’Avignon, de Picasso, La Femme au chapeau, de Matisse, sont de la peinture de sauvage. Fatiguée des tourments égotistes du romantisme, lassée des alanguissements morbides du symbolisme, l’Europe semble vouloir se régénérer en puisant une force brute, une vigueur vierge dans l’art primitif. Recette aussi salutaire qu’efficace. Fleuron permanent des programmes symphoniques, Le Sacre du printemps témoigne d’une vitalité intacte (…) Dans ce cadre huppé, rien ne laisse prévoir le scandale qui éclate le 29 mai 1913. La veille, la générale se déroule sans incident, devant un parterre de professionnels et d’invités. Le succès incontesté de L’Oiseau de feu, en 1909, puis celui de Petrouchka, en 1911, ont confirmé la maîtrise, gagnée à pas de géant, d’un compositeur de 30 ans. « En deux ans, j’ai l’impression d’avoir bondi de vingt »,constate l’ancien élève de Rimski-Korsakov. L’oreille avertie de Debussy ne s’y trompe pas : « Il y a dans Petrouchka une sorte de magie sonore, des sûretés orchestrales que je n’ai rencontrées que dans Parsifal ; vous irez plus loin, assure l’aîné à son cadet, mais vous pouvez déjà être fier. » Avec ce Sacre, auquel il pense depuis 1910, Stravinsky fonce plus vite et plus loin, pour frapper plus fort. Ces « Images de la Russie païenne » – sous-titre de l’œuvre –, il les a d’abord visualisées avec son compatriote le peintre et ethnologue Nicolas Roerich, futur réalisateur des costumes et des décors. C’est lui qui a évoqué au compositeur ce rite très ancien, à l’arrivée du printemps, d’adoration de la terre, à laquelle les ancêtres sacrifient en gage de fertilité une jeune vierge, « l’élue ». Cette cérémonie d’une barbarie archaïque, cette sauvagerie tribale, Stravinsky les instrumente de couleurs criarde (clarinette piccolo), agressive (petite trompette en ré) ou crue (trombones, grosse caisse) ; il les rythme de martèlements brutaux, de déflagrations tonitruantes, de chocs répétés entre blocs sonores qui se heurtent de plein fouet. En imprésario avisé, Diaghilev y pressent les clés d’un succès renouvelé pour sa huitième saison parisienne. Il en confie la chorégraphie à son danseur fétiche, Vaslav Nijinski, dont les poses lascives, d’un érotisme équivoque, ont déjà choqué dans Prélude à l’après-midi d’un faune. Cette fois, le jeune félin imagine des gestes anguleux, des piétinements saccadés, qui contreviennent aux canons classiques : pieds et genoux en dedans, cou cassé, dos voûté et bras ballants. « La vraie grâce se moque du gracieux », admire Jacques Rivière, patron clairvoyant de la NRF. « Exactement ce que je voulais », se félicite Diaghilev au sortir de cette nouvelle bataille d’Hernani, qui se reproduit les soirs suivants et s’exporte même outre-Manche pour les représentations londoniennes ! Mais, l’année suivante, l’exécution symphonique seule, sans ballet, au Casino de Paris, remporte une ovation sans bémol, tandis que Stravinsky est porté en triomphe jusqu’à la place de la Trinité. Musique sans précurseurs ni descendance, même dans le catalogue du compositeur, Le Sacre du printemps – ces « Géorgiques de la préhistoire », selon Cocteau – libère et défriche l’horizon musical, loin des macérations liturgiques d’un Wagner, de l’alchimie vaporeuse d’un Debussy. Emblème de la modernité pour tout le xxe siècle, le Sacre, si radical dans l’audace et la liberté de son écriture, ne pouvait être qu’un météore unique ; mais l’exemple de son émancipation harmonique, de ses combinaisons à l’infini de timbres et de rythmes a stimulé l’imaginaire des générations ultérieures – d’Olivier Messiaen à Steve Reich, de Pierre Boulez à John Adams. Les chorégraphes n’ont pas été en reste, de Maurice Béjart à Mats Ek, de Pina Bausch à Angelin Preljocaj. Télérama
On peut parler d’une mosaïque sonore analogue au cubisme en peinture. Benoît Chantre
Quelques livres sur Le Sacre du printemps ont pressenti la relation de ce ballet avec le cubisme, le primitivisme et le commencement de la guerre. On peut dire également que le caractère mosaïque de la danse rappelle le cubisme. Chaque groupe de danseurs a simultanément des rythmes différents à suivre. Il s’agit de la simultanéité du mouvement divers de plusieurs danseurs. Il y a plusieurs points de vue dans une oeuvre. Cette idée rejoint le cubo-futurisme russe qui est marqué par le cubisme. Par exemple en 1912, Kasilir Malevich, dans sa peinture The Knife-Grinder, a commencé à repenser l’interprétation du corps humain en déplaçant l’accent sur le temps et sur le mouvement à partir de la forme, du volume. Il a montré différentes étapes du même mouvement, comme la représentation séquentielle du corps humain dans un tableau. Préhistoire et modernité
Ce Sacre du printemps, lorsque je l’ai découvert, m’a paru comme une œuvre absolument extraordinaire sur le plan de ce que j’appelle la révélation du meurtre fondateur dans la culture moderne. C’est-à-dire le véritable avènement du christianisme. La découverte du meurtre fondateur sous une forme telle qu’il rend sa reproduction impensable, impossible, trop révélatrice ! Si on regarde Le Sacre du printemps de près, on s’aperçoit que c’est un sacrifice, le sacrifice de n’importe qui, d’une jeune femme qui est là, par une espèce de tribu païenne et sauvage de la Russie archaïque, qui se termine par la mort de cette femme. (…) est-ce qu’elle meurt d’avoir trop dansé ou est-ce que c’est un euphémisme pour nous dire la vérité sur ce qui se passe, et qui est son étouffement par la foule ? À mon avis, « mourir d’avoir trop dansé » est l’euphémisme esthétique qui explique la chose. Dans une reconstitution que j’ai vue récemment de la représentation initiale du Sacre du printemps, tout commence par une dame extrêmement respectable, de l’aristocratie américaine, qui a certainement donné de l’argent pour cette reconstitution, et qui dit : « Surtout, ne vous imaginez pas qu’il s’agit d’un sacrifice. Et qu’il s’agit d’une mort religieuse », etc. Alors je pense que cet avertissement doit être pris en sens contraire et fait partie de la révélation de la chose et la rend en quelque sorte aussi comique que tragique, ce qui me paraît parfaitement justifié. (…) à mon avis c’est la danse qui a le plus scandalisé le public parisien, danse très moderne en ceci qu’elle est faite de coups sourds, de piétinements : elle rythme les piétinements de la foule, qui au fond piétine la victime. Le spectacle n’est pas très exactement reproduit sous sa forme la plus tragique, bien entendu, mais il est là et ces piétinements sont là et en même temps, il y a quelque chose qui correspond dans les costumes de la représentation originale. (…) Dans les motifs. Ces bandes parallèles les unes aux autres, parfaitement parallèles, dont on peut dire qu’elles annoncent le cubisme ou qu’elles le rappellent. Donc un refus de la joliesse, du joli. Et une entrée dans une espèce de primitivisme dont on ne peut pas dire, chez Stravinsky, qu’il soit influencé par qui que ce soit, parce que si je comprends bien, Le Sacre du printemps c’est son arrivée de Russie. Il n’a pas été en contact avec toute l’agitation de l’art moderne. Mais il pénètre dedans avec une espèce de volupté narquoise, moqueuse et très consciente de ce qu’elle fait. Les photos de Stravinsky à l’époque me semblent faire partie du spectacle. Il a quelque chose de sardonique et de diabolique qui a l’air de dire : « Je leur fiche un truc dans la figure dont ils ne soupçonnent pas la puissance. » Mais cette puissance était quand même manifeste dans l’émeute qui a eu lieu. (…) La foule a tout cassé littéralement, les chaises, etc. Et je pense que cette émeute, parce qu’on peut parler d’une véritable émeute, c’est essentiel qu’elle soit là : à partir du moment où l’art moderne ne crée plus des réactions de ce genre, il est mort. Il est devenu beaucoup plus académique que tout art académique, dans ce sens qu’il essaie de ritualiser la révolution. On peut dire que tout le monde moderne depuis très peu de temps après 1913 n’a été qu’un effort pour ritualiser la révolution. (…) On a vu sa puissance, mais enfin on est déjà en plein art moderne et le refus du public d’une certaine manière a servi l’œuvre, a accompli son triomphe. (…) [avec] Nijinski, qui tout de suite après Le Sacre du printemps, si je comprends bien, devient fou ? (…) Il y a donc (…) un parallèle très net avec la retraite de Hölderlin, à partir du moment où il a vu que la synthèse qu’il espérait entre l’archaïque et le chrétien n’était pas possible. (…) Stravinsky était un chrétien, beaucoup plus calme que ne l’était Nijinski, mais c’était quand même un chrétien, donc il y a dans Le Sacre du printemps et c’est une chose essentielle pour moi, un aspect terreur ou tout au moins j’ai cru le percevoir dans cette scène qui démentit complètement l’idée que la jeune fille meurt par abus de la danse, donc que l’œuvre est essentiellement esthétique. C’est-à-dire qu’il voit l’idée du sacrifice, qui refait sur cette scène ce que font au fond tous les sacrifices fondateurs, c’est-à-dire la cacher, la dissimuler. Mais que d’une certaine manière Stravinsky amène une conscience qui me paraît exceptionnelle et qui fait partie de ce que j’appellerais la révélation moderne du meurtre fondateur qui est essentiellement une révélation chrétienne. (…) Et les œuvres qui révèlent ne sont pas des parodies, ce sont des œuvres qui prennent le phénomène sérieusement et qui le regardent comme étant essentiellement la tragédie de l’humanité, la tragédie de l’archaïque, c’est-à-dire le rôle que joue la violence dans le religieux et qui est indispensable à l’homme pour écarter sa propre violence, c’est-à-dire le sacrifice, qui est de rejeter notre violence sur une victime innocente, mais qui est le geste principal par lequel l’humanité se distingue au départ de l’animalité, c’est-à-dire a besoin d’évacuer sa violence. Étant trop mimétique pour vivre dans la paix et étant toujours en rivalité avec ses semblables, elle a besoin de ces expériences dont Aristote dit justement qu’elles sont cathartiques et qui sont la mise à mort d’une victime solennelle, religieuse. L’archaïque c’est cela. (…) C’est-à-dire que ce qu’il y a d’extraordinaire dans le chrétien, c’est qu’il peut apparaître à tous les gens qui se sont occupés de lui, à tous les ethnologues, comme ce qu’il est apparu à Celse au IIe siècle après J.-C. : « C’est la même chose que nos mythes et vous ne voyez pas que c’est exactement pareil. » C’est tellement vrai que c’est complètement faux, dans la mesure où la victime véritable, celle qui révèle tout, nous dit son innocence et le texte des Evangiles nous répète cette innocence sur tous les tons ; alors que la victime archaïque est essentiellement coupable aux yeux de ceux qui l’accusent, coupable du parricide et de l’inceste. C’est l’opposition entre Œdipe et le Christ. (…) L’archaïque occulte le mal de l’humanité en le rejetant sur la victime. Il n’y a qu’un héros parricide et inceste, c’est Œdipe. (…) [Le chrétien] révèle le péché de l’humanité (…) [fait de l’archaïque un spectacle (…) et un spectacle accusateur. Accusateur à juste titre. René Girard
Le réchauffement climatique met au jour des restes d’humains, d’animaux et de végétaux conservés dans le permafrost, parfois depuis des centaines de milliers d’années. Les bactéries, les virus et les parasites qu’ils contiennent ne sont pas forcément morts avec leurs hôtes, ils sont pour beaucoup seulement endormis. Les virus semblent perdre en intensité avec la congélation et le temps, ce qui n’est pas le cas pour les bactéries. En 2016, une épidémie de la maladie du charbon (anthrax) a décimé les troupeaux de rennes en Sibérie. Les deux souches de ce bacille étudiées par les scientifiques remontaient au XVIIIe et au début du XXe siècle. Le risque de propagation est bien réel. Pour l’instant, la résurgence se fait de manière locale, mais elle pourrait se répandre à l’ensemble de la planète. Avec la liquéfaction du permafrost, les agents infectieux peuvent migrer dans les eaux mais aussi s’agglomérer sous les semelles des chaussures. Car si les régions du Grand Nord abritent des populations parfois très isolées, elles attirent aussi des touristes, des scientifiques, des chasseurs de fossiles… Il est indispensable que des précautions sanitaires drastiques soient prises pour éviter une éventuelle propagation. Aujourd’hui, trop peu de scientifiques s’y intéressent. Il y a pourtant une vraie urgence à prévoir l’avenir. Des épidémies peuvent toujours survenir, causées par des bactéries très résistantes, comme le charbon (anthrax), que l’on a retrouvé dans des cadavres d’animaux en Sibérie en 2016. Ces germes sont effectivement très robustes. Mais une épidémie de charbon s’arrête facilement. Les virus, eux, tels que nous les connaissons, ne sont pas très résistants. Il y a peu de risques qu’ils puissent être conservés au point d’être viables. Ils supportent difficilement les changements d’état. Pour qu’ils soient viables, il faudrait qu’il n’y ait jamais eu de décongélation et qu’ils soient récupérés à l’état congelé. En revanche, le risque pourrait venir des expériences de l’homme. Le danger serait de pouvoir reconstituer des virus disparus à partir de virus morts. Ça a déjà été le cas. Des scientifiques ont prélevé des fragments du génome du virus de la grippe espagnole sur le cadavre d’un esquimau inuit. Ces fragments, associés à des échantillons d’hôpitaux, ont permis de reconstituer la séquence de ce virus disparu qui a décimé des populations. Philippe Charlier (médecin légiste et archéo-anthropologue)
Cette découverte démontre que si on est capable de ressusciter des virus âgés de 30.000 ans, il n’y a aucune raison pour que certains virus beaucoup plus embêtants pour l’Homme, les animaux ou les plantes ne survivent pas également plus de 30.000 ans. » Pr Claverie

Le virus venait donc bien du froid…

Que le réchauffement climatique pourrait réveiller de leur sommeil de 30 000 ans …
Poutine et ses sbires nous ressuscitent sur le peuple ukrainien une barbarie que l’on croyait enterrée depuis bientot 80 ans …
Pendant que plus près de chez nous décuplé par les réseaux sociauxle mécanisme victimaire continue à faire ses ravages dans nos écoles …
Comment ne pas repenser …
En ce 110e anniversaire, jour pour jour à Paris même, de sa légendaire première …
Au fameux Sacre du printemps du compositeur lui aussi de Saint-Pétersbourg Igor Stravinsky
Qui sous l’inspiration du peintre passionné d’ethnologie qui avait fait également les dessins, décors et costumes Nicolas Roerich
Avait livré à la veille de la 1ère Guerre mondiale ces fameuses « Images de [s]a Russie païenne », rebaptisées « massacre du printemps », par ses détracteurs …
Qui avant de devenir le classique reconnu et vénéré que l’on sait …
Via, de l’entourbisation d’une Pina Bausch à la sexualisation d’un Béjart ou d’un Prejlocaj et à la cérébralisation d’un Louis Barreau , des centaines de choréographies 
Avait sous les yeux enthousiastes d’un Ravel, Debussy, Proust ou Picasso …
Mais aussi la violente et compréhensible indignation d’un public choisi mais non averti …
Provoqué avec ses rituels printaniers primitifs et le sacrifice à la fin d’une jeune femme piétinée par la troupe …
L’un des plus grands scandales, émeute comprise, de l’histoire de la musique occidentale ?
Et comment ne pas repenser en retour en effet …
En redécouvrant ce véritable « 11-Septembre » de la musique du 20e siècle comme l’avait qualifié il y a dix ans lors de son centenaire le chorégraphe franco-albanais Angelin Preljocaj
Qui avait tant impressionné aussi le René Girard d’Achever Clausewitz lors de l’exposition du Centre Pompidou de 2008 intitulée « Traces du sacré »
Parce qu’il y retrouvait dans toute sa crudité et sa brutalité de coups sourds et de piétinements …
Préparée par les découvertes de l’ethnologie qui commencaient à infuser jusque dans les masques africains de nos Braque et de nos Picasso …
La mise au jour d’une vérité presque complètement explicite et en même temps prophétique …
Comme en a témoigné sans compter peut-être la folie subséquente de son chorégraphe Nijinski …
La violence et l’indignation de sa réception pour une bonne société endormie par des siècles d’adagios vivaldiens ou de contes de fée hoffmanisés …
Mais qui devait accoucher un an plus tard d’une des pires boucheries de l’histoire de l’humanité …
A savoir le dévoilement de la vérité au fondement même de tous nos rituels que seule pouvait permettre 2000 ans de révélation chrétienne …
De l’évacuation violente et proprement cathartique sur le dos d’une victime innocente …
Du ressentiment et des tensions accumulés de toute une société …
Au nom de divinités prétendument assoiffées de sang …
Comment ne pas repenser donc …
A cette sauvagerie et cette barbarie qui semblent nous revenir …
Du fin fond d’une Russie à nouveau aussi primitive qu’archaïque ?

Le « Sacre du printemps » a 100 ans
Cent ans après sa création, la version originale du « Sacre du printemps » est retransmise sur Arte et devant l’Hôtel de Ville de Paris depuis le théâtre des Champs-Elysées.
Raphaël de Gubernatis
Le Nouvel Obs
29 mai 2013

« J’ai soixante ans, et c’est la première fois qu’on ose se moquer de moi », s’étrangle la comtesse René de Pourtalès à la première du « Sacre du Printemps ». Ses glapissements d’idiote endiamantée résonnent encore comme un prodigieux résumé de la fureur des mondains quand ils découvrent le double chef d’œuvre d’Igor Stravinsky et de Vaslav Nijinski, le 29 mai 1913, au Théâtre des Champs-Elysées. Un an plus tard éclate la Grande Guerre qui entraînera la chute des trois empires de Russie, d’Autriche-Hongrie et d’Allemagne et la multitude des royaumes, grands duchés et principautés qui en font partie. L’ancien monde va s’écrouler et le fracas du « Sacre », annonçant le XXe siècle, semble préfigurer le séisme à venir.

Une compagnie extraordinaire

A Paris, l’impresario Gabriel Astruc vient de faire édifier par Auguste Perret ce somptueux théâtre de l’avenue Montaigne qui lui aussi annonce des temps nouveaux et ce que l’on nommera Art Déco dans les années 30. Pour la brillante saison inaugurale qui débute le 31 mars 1913 avec « Benvenuto Cellini » de Berlioz, Astruc a bien entendu convié ce qu’il y a de plus extraordinaire à l’époque, ces Ballets Russes de Serge de Diaghilev apparus pour la première fois en 1909 à Paris alors capitale mondiale des arts. Les Ballets Russes ont suscité un tel bouleversement esthétique que le monde entier, c’est-à-dire en ce temps là l’Europe et les Amériques, se dispute le bonheur de les recevoir.

La séduction des Ballets Russes

Jusque-là, en admirant « Shéhérazade », « les Danses polovtsiennes », « le Pavillon d’Armide », « l’Oiseau de feu », « Petrouchka » ou le « Spectre de la Rose », gens du monde, intellectuels, artistes s’étaient enivrés de musiques souvent inconnues, de décors fabuleux, de costumes chatoyants aux teintes inouïes où le raffinement d’un chorégraphe novateur comme Michel Fokine, les scénographies de Léon Bakst, Alexandre Benois ou Nicolas Roerich, les partitions de Rimsky-Korsakov, Borodine et Stravinsky, animaient des interprètes fascinants comme Tamara Karsavina, Anna Pavlova, Ida Rubinstein, Bronislava Nijinska, Adolf Bolm et surtout, surtout, cet être sur scène irréel qui avait pour nom Vaslav Nijinski. Diaghilev en a fait son amant et admire tant ce prodige qu’il décide d’en faire un chorégraphe. Si le danseur a du génie, le créateur en aura davantage encore. Mais cela le public ne le comprendra pas. On acclame sans retenue l’interprète de « Petrouchka » ou du « Spectre de la Rose » ; on ne saura pas mesurer la stature du chorégraphe de « L’Après-midi d’un faune » (1912), et moins encore de celui du « Sacre ».

Une puissance tellurique

« Le Sacre du Printemps » naquit d’une idée du peintre Nicolas Roerich à qui Stravinsky avait demandé le livret d’un ballet. Passionné par l’antique patrimoine des peuples slaves, mais en amateur plus ou moins éclairé, un patrimoine que des artistes comme lui faisaient découvrir à leurs compatriotes russes sans nécessairement faire preuve de rigueur scientifique, Roerich conçut l’ouvrage comme un rite païen des anciens âges, un rituel barbare célébrant le retour du printemps en sacrifiant une vierge, l’Elue, aux forces de la Nature.

Le thème était brutal, même si rien de ce que l’on savait des anciens Slaves ne parlait de tels sacrifices humains.

Envoûté, Stravinsky composa une musique d’une puissance tellurique qui aujourd’hui encore révolutionne les sens. Et Nijinski s’engouffrera dans le projet avec toute la sauvagerie de son génie, persuadé de la nécessité d’inventer des formes nouvelles.

Ardeur révolutionnaire

Menées de ville en ville, au gré des « saisons », les répétitions du « Sacre » sont difficiles, épouvantables même. Pour les danseurs, confrontés à une partition d’une nature inédite, et rebelles à une gestuelle en contradiction absolue avec leur formation académique. Et plus encore pour Nijinski, orgueilleux, buté, incapable d’expliquer son dessein à ses interprètes. Assisté par Mimi Ramberg, qui deviendra Dame de l’Empire britannique sous le nom de Marie Rambert, appuyé par sa sœur Bronislava qui croit en son talent, et plus encore soutenu par Roerich, lequel a conçu les décors (d’un intérêt assez moyen) ainsi que les extraordinaires costumes du ballet, et fortifie le jeune homme de 24 ans dans son ardeur révolutionnaire, Nijinski doit lutter pied à pied pour imposer ses vues. Et quand il apprend que sa sœur, enceinte, ne pourra danser le rôle de l’Elue, il manque, de rage, de tuer le coupable qui n’est autre que son beau-frère.

Le scandale du « Sacre »

Au Théâtre des Champs-Elysées, la Saison russe confiée à Diaghilev dure du 15 mai au 21 juin avec opéras et ballets en alternance, car on donne aussi « la Khovantchina » et « Boris Godounov » avec l’inévitable Chaliapine. Après celle de « Jeux », le 15, autre chorégraphie novatrice de Nijinski qui est un semi- échec, la création du « Sacre » est donc prévue pour le 29. La générale s’est déroulée sans heurts, mais Diaghilev qui a flairé ce qui pouvait advenir dès que Stravinsky lui joua « le Sacre » au piano, l’été précédent, à Venise, installe au promenoir tout un bataillon d’inconditionnels. Il y a là Maurice Ravel, premier admirateur de Stravinsky, Florent Schmitt, Maurice Delage, Jean Cocteau, Léon-Paul Fargue et Valentine Gross, future Valentine Hugo. Pour la première qui voit accourir le Tout Paris, celui du Faubourg Saint-Germain, du côté des Guermantes, comme celui des Verdurin, un Tout Paris étincelant de pierreries et de décorations, ce promenoir courant entre les loges de la corbeille et les premières loges est donc investi par des modernes prêts à en découdre. Mais alors que pour les batailles d’ »Hernani » ou de « Tannhäuser », les belligérants étaient nettement séparés, ils sont ici au coude à coude. Un plan de guerre qui annonce l’inévitable pugilat.

La bataille

« L’orchestre commença, le rideau s’ouvrit et de la salle s’éleva soudain un cri outragé. Vaslav pâlit », se souviendra Bronislava Nijinska. Le public élégant se déchaîne dès les premières mesures du « Sacre ». Ou plus précisément dès que les danseurs arrivent sur scène dans des attitudes voulues primitives qui font un effet désastreux. Le vacarme est tel que sur le plateau ceux-ci n’entendent plus l’orchestre dirigé par Pierre Monteux, héroïque dans la tempête, et que Nijinski, blême, juché sur une chaise, doit leur hurler des indications depuis la coulisse. Quand les danseuses apparaissent, genoux pliés, pieds en dedans, un crétin en habit lance : »Un docteur ! » et un autre : « Un dentiste ! » alors que les jeunes femmes soutiennent du poing droit leur visage incliné de côté, selon une figure des danses russes traditionnelles dont s’est inspiré le chorégraphe. Coups, gifles, invectives fusent de toutes parts. « Taisez-vous, les garces du XVIe », hurle Florent Schmitt aux hystériques des loges alors que Ravel se fait traiter de « sale juif » par des messieurs à monocle, toujours la formule élégante à la bouche.

Un tremblement de terre

« Tout ce qu’on a écrit sur la bataille du « Sacre du printemps » reste inférieur à la réalité, dira Valentine Gross. Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, des gifles, voire des coups. Les mots semblent bénins lorsqu’on évoque une telle soirée. Le calme reparaissait un peu quand on donnait soudain la lumière dans la salle. Je m’amusais beaucoup de voir certaines loges vindicatives et tonitruantes dans l’obscurité, s’apaiser aussitôt dans la clarté. Je ne cacherai pas que notre calme rivière était devenue un torrent tumultueux. On y voyait entre autres Maurice Delage grenat d’indignation, Maurice Ravel combatif comme un coq furieux, Léon-Paul Fargue vociférant des épithètes vengeresses vers les loges sifflantes. Et je me demande comment cette œuvre si difficile pour 1913 put être jouée et dansée jusqu’au bout dans un tel vacarme… »

Ravagé par tant de violence, Nijinski doit cependant courir passer son costume du « Spectre de la rose » dès l’entracte afin de faire le joli cœur devant ce public qui va l’applaudir après l’avoir conspué.

« Exactement ce que je voulais »

« A l’issue de la représentation, rappellera Igor Stravinsky, nous étions excités, furieux, dégoûtés et …heureux. J’allai au restaurant avec Diaghilev et Nijinski. Le seul commentaire de Diaghilev fut : « Exactement ce que je voulais ». Personne n’était plus prompt que lui à saisir la valeur publicitaire d’une situation. A ce point de vue ce qui était arrivé ne pouvait être qu’excellent ». Un an plus tard, « le Sacre du Printemps » est joué en concert au Casino de Paris dans un tel climat d’exaltation que le public portera Stravinsky en triomphe jusqu’à la place de la Trinité.

On abandonne la chorégraphie de Nijinski

Mais après avoir été exécutée quatre fois à Paris et autant à Londres en juillet, la chorégraphie de Nijinski, elle, est abandonnée. Borné, Stravinsky lui attribue l’échec du « Sacre », sans réaliser l’extraordinaire accord entre danse et partition, l’une et l’autre révolutionnaires. Quant à Vaslav, sur lequel la Hongroise Romola de Pulsky a jeté son dévolu en profitant de l’absence de Diaghilev lors d’une tournée des Ballets Russes au Brésil et en Argentine, il se marie dès septembre à Buenos Aires… et se voit bientôt renvoyé de la compagnie. Diaghilev commandera une autre version du « Sacre » à Léonide Massine qui a succédé à Vaslav dans le lit du maître et au poste de chorégraphe. Mais il n’a pas le génie de son prédécesseur, même si sa talentueuse version, dansée elle aussi aux Champs-Elysées en 1920, annonce le style que plus tard développera Maurice Béjart.

Plus de 250 « Sacre du printemps » en 100 ans

La version de Massine sera la deuxième des quelque 250 chorégraphies écrites à ce jour sur « le Sacre du printemps ». Dont deux sont des chefs d’œuvre. Celle de Maurice Béjart, créée à Bruxelles en 1960 par le futur Ballet du XXe Siècle, et reprise dans ce même Théâtre des Champs Elysées en 1971 et en 1980 par le Ballet de l’Opéra de Paris. Et celle de Pina Bausch, datant de 1975, que le Tanztheater de Wuppertal vient interpréter en juin pour la saison du centenaire.

La résurrection de l’original

Perdue, mais demeurée dans les mémoires, la chorégraphie de Nijinski était devenue un mythe. Ayant longuement travaillé avec Marie Rambert, étudié dessins, documents de toutes sortes dont les notes rédigées par Nijinski et Roerich ou celles des danseurs, guidés encore par leur instinct de savants passionnés, deux Anglo-saxons, Milicent Hodson et Kenneth Archer, parviennent miraculeusement à reconstituer la chorégraphie originale en 1987 pour les Américains du Joffrey Ballet. Personne n’en savait plus rien et moins encore les Pourtalès d’aujourd’hui. C’est une révélation. Avec la chorégraphie ressuscitée, réapparaît tout le génie sauvage, immodéré de Nijinski, ses outrances aussi, et son œuvre est aussi bouleversante aujourd’hui qu’elle le fut en 1913, pour ceux capables de la comprendre.

Presque tous les danseurs des Ballets Russes avaient appartenu au Théâtre impérial Marie, à Saint-Pétersbourg, le Mariinsky. Ce sont leurs lointains successeurs qui viennent aujourd’hui danser « le Sacre du printemps » au Théâtre des Champs-Elysées dans sa chorégraphie originale. Le 29 mai 2013, cent ans, jour pour jour, après le légendaire scandale qui salua la naissance de l’art du XXe siècle.

« Le Sacre du printemps » : chorégraphie de Vaslav Nijinski, Ballet du Théâtre Mariinsky, du 29 au 31 mai à 20h; chorégraphie de Pina Bausch. Tanztheater de Wuppertal, du 4 au 7 juin à 20h. Théâtre des Champs-Elysées ; 01 49 52 50 50 ou theatrechampselysees.fr.

Diffusion en direct sur Arte ce 29 mai à 20h50. Et retransmission publique sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris dès 20h50.

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« Le Sacre du printemps » de Stravinsky fête ses cent ans

Le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre le centenaire du "Sacre du printemps" ce 29 mai, le ballet et la musique sont interprétés par le Mariinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du chef Valery Gergiev.

Le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre le centenaire du « Sacre du printemps » ce 29 mai, le ballet et la musique sont interprétés par le Mariinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du chef Valery Gergiev. Bernd Uhlig

La première du Sacre du printemps de Stravinsky, c’était le 29 mai 1913. Chorégraphiée par le danseur russe Vaslav Nijinsky, la pièce avait créé un scandale au Théâtre des Champs-Élysées à Paris. Le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre l’événement avec un gala exceptionnel, la mairie de Paris diffusera la soirée ce 29 mai à partir de 21 h sur l’écran géant de l’Hôtel de Ville. Elle sera également retransmise en direct sur la chaîne Arte. Le ballet et la musique sont interprétés par le Mariinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du chef Valery Gergiev. Une nouvelle version de l’oeuvre par la chorégraphe Sacha Waltz est donnée après la reconstitution du ballet historique.

Le public rit, chahute, le vacarme est tel que les danseurs n’entendent plus l’orchestre et que Nijinsky doit compter dans les coulisses pour que le ballet se poursuive. Aujourd’hui considérée comme un monument de la musique classique et du ballet, cette œuvre a été si mal reçue, parce qu’elle était complètement révolutionnaire.

Stravinski et Nijinsky

Il y a la musique de Stravinski où le rythme est le principal élément. Le compositeur imagine un grand rite sacral païen où des vieux sages, assis en cercle, observent la danse à la mort d’une jeune fille sacrifiée au Dieu du printemps. Et il y a aussi le ballet de Nijinsky qui renversait tous les codes de la danse classique. Fi des pointes et du célèbre en-dehors des pieds. Le chorégraphe russe avant-gardiste et inspiré présente des ballerines aux chaussons tournés vers l’intérieur, les genoux pliés. La danse moderne s’impose en pleine tradition du ballet russe. Mais le public n’est pas prêt. Et pour les puristes le choc esthétique est tel et la réaction des spectateurs tellement forte que la pièce doit s’interrompre tant le vacarme est importante dans la salle. Elle ne se poursuivra qu’après l’intervention de la police.

1913, une période très curieuse

 1913, c’était une période de l’histoire très curieuse dans le monde de l’art et dans l’histoire de l’Europe et de la France, explique Brigitte Lefebvre, la directrice de la danse à l’Opéra de Paris. Toutes ces dissonances musicales, toute cette énergie de Nijinsky – beaucoup disent que c’est là que sa folie a commencé à l’envahir – tous ces excès, tout est excessif dans le Sacre du Printemps, et quand on l’entend et qu’on le réentend, tout est magnifiquement orchestré. Et en même temps, quand on pense aux œuvres musicales et chorégraphiques qui étaient appréciées à cette période-là, on n’était pas du tout prêt pour beaucoup à entendre et à voir cela. En même temps, ce qui est très important dans des œuvres qui bouleversent, c’est qu’on sait, à partir de là, on ne pourra plus jamais regarder la danse ou entendre la musique de la même manière. »

De Maurice Béjart à Angelin Preljocaj

Depuis la chorégraphie de Nijinsky qui a créé le scandale, de nombreux chorégraphes se sont frottés au Sacre du Printemps. C’est devenu un passage obligé, la marque de la consécration. Parmi les grands noms de la danse qui ont signé un Sacre, il y a d’abord Maurice Béjart qui a marqué les esprits avec une chorégraphie d’une énergie et d’une grande modernité à l’époque, même si aujourd’hui cette version paraît un peu datée. Il y a le Sacre de Pina Bausch, un monument de la danse contemporaine où les interprètes vêtues de robes couleurs de sable dansent dans la terre, s’en imprègnent jusqu’à l’épuisement le corps battant au rythme infernal de la musique de Stravinski. Et puis d’autres Sacre encore, celui de Jean-Claude Gallota, Martha Graham, Paul Taylor, Mats Ek et Angelin Preljocaj :

« Il y a quelque chose qui circule du début à la fin qui fait que cette musique draine comme une lame de fond, dit Angelin Preljocaj, chorégraphe et directeur artistique du Ballet Preljocaj, installé aujourd’hui au Pavillon Noir à Aix-en-Provence. L’idée est une sorte de désir, de rituel sacrificiel bien sûr, qui serait là pour réactiver la fécondité de la tribu. Je trouve cette musique le dit très bien cela. Cette espèce de pulsion à la fois effrayante et irrésistible, qui est finalement la sexualité. Alors j’ai essayé d’évoquer le désir féminin à travers cela. Et l’idée est que cette femme qui est choisie comme étant l’élue et donc le bouc émissaire, dans ma vision, elle passe du statut de victime au statut d’héroïne. Finalement, elle va au-delà de ce qu’on lui demande. Par cette force-là, cette détermination, elle réussit à vaincre les idées préconçues de la tribu. »
 
« C’est l’œuvre qui ouvre la musique du 20e siècle »
 
Pour Angelin Preljocaj, la musique du Sacre du Printemps reste une œuvre innovatrice jusqu’à aujourd’hui : « C’est l’œuvre qui ouvre la musique du 20e siècle. C’est un peu comme on dit que le 11-Septembre a ouvert le 21e siècle, le Sacre du Printemps a ouvert le 20e siècle en termes de musique. »

Dès ce 29 mai au soir et cela jusqu’au 31 mai, le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre le centenaire du Sacre du Printemps. Là où l’œuvre a fait scandale, le Ballet russe Mariinski présente la chorégraphie originale de Nijinski ainsi que celle de Sasha Waltz, en présence de la chorégraphe allemande. L’orchestre sera dirigé par le grand chef Valéri Gergiev. Le spectacle sera retransmis ce soir en direct sur Arte et sur écran géant à l’Hôtel de Ville. Et nombre de Sacre sont en tournée cette année, notamment celui d’Angelin Preljocaj.

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Deux « Sacre » pour un centenaire

Mercredi, le Théâtre des Champs-Élysées ressuscitait l’œuvre de Stravinsky et Nijinski, et donnait la version d’aujourd’hui de Sasha Waltz.

Un livre monumental comme l’histoire du Théâtre des Champs-Élysées (TCE), un faisceau doré tombant de la tour Eiffel sur la façade pour accompagner les spectateurs s’évanouissant dans la nuit, cent ans d’affiches en cartes postales, champagne à flots à l’entracte, spectacle au diapason: Michel Franck, directeur général du Théâtre des Champs-Élysées, ne s’est pas ménagé pour commémorer le centenaire de la salle.

François Hollande n’était pas là, mais la soirée, placée sous son haut patronage, rassemblait au balcon Valérie Trierweiler, Aurélie Filippetti, Manuel Valls et son épouse, Bertrand Delanoë… autour des maîtres des lieux: Raymond Soubie, président du TCE, et Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire du théâtre. Autant de politiques, de mécènes (ceux du passé, comme Misia Sert, ont été remplacés par Gazprom et GDF Suez), et presque autant de personnalités des arts et des lettres qu’au moment où les Ballets russes de Diaghilev créèrent Le Sacre du printemps le 29 mai 1913. Enfin, grâce à Arte, Le Sacre a réuni un million de spectateurs entre la France et l’Allemagne.

La vitalité du Sacre célébrée

Mercredi soir, aucune duchesse en proie à l’hystérie n’a voulu arracher un strapontin pour se le briser sur la tête. Mais la soirée était électrique. On n’y remuait pas la poussière de cent ans d’histoire: on célébrait la vitalité du Sacre de Nijinski et Stravinsky. Sasha Waltz créait Le Sacre du printemps de 2013, en dialogue avec celui chorégraphié en 1913. Valeri Gergiev dirigeait son orchestre et ses danseurs du Mariinski, lointains descendants de ceux des Ballets russes de 1913. Enfin, assise au premier rang d’orchestre, Tamara Nijinski, 93 ans, fille de Nijinski, assistait pour la première fois à une représentation du Sacre dans la chorégraphie somptueusement reconstituée, en 1987, par deux chercheurs anglo-saxons, Millicent Hodson et Kenneth Archer, après dix-sept ans de recherches.

«Jusqu’à présent, j’avais refusé d’assister au spectacle. Non que je conteste sa qualité mais je ne voulais pas cautionner le fait qu’une œuvre de mon père soit donnée sans que nous touchions un centime de droits d’auteur», dit la vieille dame, qui grâce à l’intervention de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a enfin reçu pour la première fois des droits sur Le Sacre du printemps. Venue exprès de Phoenix (Arizona), où elle s’est retirée après une carrière de marionnettiste, Tamara, émue mais alerte, s’est dite impressionnée par l’œuvre d’un Nijinski de seulement 24 ans. Tandis qu’Aurélie Filippetti lui remettait les insignes de commandeur des Arts et des Lettres, elle a rappelé les liens entre Paris et son père, révélé dans ses théâtres, et qui repose au cimetière de Montmartre.

L’événement de la soirée reste Le Sacre, de Sacha Waltz. Avant de le créer, elle a demandé à Hodson et Archer d’enseigner à ses danseurs leur version d’après Nijinski. Son Sacre se souvient des cercles et des sauts de l’œuvre première. Elle en restitue aussi la puissance, perdue dans l’interprétation trop élégante que les danseurs du Mariinsky en donnent en première partie.

Chaos de relations

L’exploit de Sasha Waltz est de signer une œuvre forte, autant par sa facture que par l’hommage qu’elle rend aux deux grands Sacre du siècle. Celui de Pina Baus­ch, bien sûr, auquel elle emprunte la fluidité des mouvements, la robe remise à l’élue et la terre apportée sur le plateau. Celui de Béjart, aussi, dans les étreintes et les fentes au sol des garçons.

Mais Waltz a son propos: dans une scénographie dépouillée, elle met en scène un rituel de sacrifice dans un groupe social réel avec des enfants et des hommes et des femmes pris dans un chaos de relations bien d’aujour­d’hui. Signe que l’œil écoute: la partition du Sacre ne résonne pas pareil quand on la «voit» avec Le Sacre de 1913 ou celui de 2013.

Au TCE, Paris VIIIe, jusqu’à vendredi et à disposition sur Arte Live Web.

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Danse: cent printemps pour Le Sacre 

L’anniversaire du chef-d’œuvre de Stravinsky et Nijinski, créé en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, est célébré dans le monde entier.

Le bruit est l’unité de mesure d’un scandale. Celui qui accompagna la création du Sacre du printemps fut si considérable que sur la scène, les quarante-six danseurs n’entendaient plus le grand orchestre symphonique de cent vingt musiciens. Vaslav Nijinski, debout sur une chaise dans la coulisse, devait leur hurler les mesures. «Étonne-moi», avait dit Serge de Diaghilev à Jean Cocteau, pour résumer sa ligne artistique. Ce 29 mai 1913, le mentor des Ballets russes s’avouait un peu dépassé par sa propre formule.

Igor Stravinsky est à l’origine du Sacre du printemps. Dans la Russie qui s’ouvre alors vertigineusement vers l’Occident, il se veut, comme d’autres artistes, attentif aux racines slaves. «J’entrevis dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen: les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à la mort d’une jeune fille qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps», note-t-il dans ses chroniques, alors qu’il travaille sur L’Oiseau de feu, en 1910.

« Je crains que Le Sacre du printemps , où je ne fais plus appel à l’esprit des contes de fées ni à la douleur et à la joie tout humaines, mais où je m’efforce vers une abstraction un peu plus vaste, ne déroute »

Igor Stravinsky

Avec le peintre et ethnographe Nicolas Roerich, qui signe les costumes et les décors, ils ébauchent un livret. Serge de Diaghilev confie la chorégraphie de ces tableaux de la Russie païenne à Nijinski. Le dieu de la danse est fatigué des grands sauts qui font pâmer le Tout-Paris. Il cherche d’autres révolutions. Stravinsky aussi, qui devine qu’elles pourraient ne pas faire l’unanimité: «Je crains queLe Sacre du printemps, où je ne fais plus appel à l’esprit des contes de fées ni à la douleur et à la joie tout humaines, mais où je m’efforce vers une abstraction un peu plus vaste, ne déroute», écrit-il, sans museler pour autant son inspiration.

«Combien de temps ça va durer?», demande Diaghilev quand Stravinsky lui joue pour la première fois au piano «La danse des adolescentes». «Le temps qu’il faudra», répond le ­compositeur. Nijinski ne cherche pas davantage à plaire. Les trois complices sont immergés dans leur souci de ­donner à voir et à entendre, selon le mot de Stravinsky, «la montée totale, panique, de la sève universelle» dans la Russie primitive. Nicolas Roerich ­habille les danseurs de longues ­tuniques. En cent vingt laborieuses ­répétitions, Nijinski leur commande de marteler le sol pieds en dedans et poings sur les joues. «La chorégraphie était incomparable ; à l’exception de quelques endroits, tout était comme je le voulais», écrit en 1913 Stravinsky, qui s’en dédiera plus tard.

« Le travail d’un fou »

«Un docteur!», non «Un dentiste», «Deux dentistes», hurle-t-on dans la salle le soir de la création de ce qu’on surnomme déjà «Le Massacre du printemps». Pierre Lanoy, journaliste au Temps, raconte: «J’étais placé au-dessous d’une loge remplie d’élégantes et charmantes personnes de qui les remarques plaisantes, les joyeux caquetages, (…) enfin les rires aigus et convulsifs formaient un tapage comparable à celui dont on est assourdi quand on entre dans une oisellerie. (…) Mais j’avais à ma gauche un groupe d’esthètes dans l’âme desquels Le Sacre du printemps suscitait un enthousiasme frénétique, une sorte de délire jaculatoire et qui ripostaient (…). L’un d’eux, pourvu d’une voix pareille à celle d’un cheval, hennissait de temps en temps (…) un“à la poooorte!” dont les vibrations déchirantes se prolongeaient dans toutes la salle.»

« C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne »

Claude Debussy

En vain, Diaghilev commande-t-il aux machinistes d’éteindre et de rallumer la lumière du théâtre pour calmer le public. Ravel, qui défend l’œuvre se fait traiter de sale Juif. Debussy, qui a cru perdre l’ouïe pendant les trente-trois minutes du spectacle, résume: «C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne.» «Le travail d’un fou», assène Puccini, qui assiste à la seconde le 1er juin. Le scandale est si fracassant que son écho se propage encore: pourquoi tant de bruit? «La grande nouveauté duSacre du printemps, c’est le renoncement à la sauce», analyse génialement Jacques Rivière, détaillant son propos sur la musique et la danse dans la Nouvelle Revue ­française, en 1913. «Voici une œuvre absolument pure. Aigre et dure, si vous voulez, mais dont aucun jus ne ternit l’éclat, dont aucune cuisine n’arrange ni ne salit les contours ; (….) tout est ici franc, intact, limpide et grossier. Le ­Sacre du printemps est le premier chef-d’œuvre que nous puissions opposer à l’impressionnisme.» Avant d’être repris quatre fois à ­Londres, Le Sacre sera donné quatre fois à Paris. Dans la salle, Valentine Gross Hugo saisit les danses au crayon. Ses dessins, ajoutés à quelques photos, ­témoignages, notations de Marie ­Rambert, qui a assisté Nijinski, serviront à Millicent Hodson et Kenneth ­Archer à le reconstituer en 1987, soixante-quatorze ans après sa création.

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Le massacre du printemps

Radio France

8 août 2021

Impossible de faire l’impasse sur l’un des plus célèbres scandales de l’histoire de la musique : Le Sacre du Printemps crée en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées reste assurément le choc musical du siècle. Mais que s’est-il véritablement passé lors de la mythique soirée du 29 mai 1913 ?

Qu’est ce qui a le plus choqué les spectateurs le soir de la première du Sacre du Printemps : la musique ou la danse ? A moins que ce ne soit l’attitude des spectateurs les plus virulents présents dans la salle et la cacophonie devenue légendaire qui y régnait ?
Pour le comprendre, revenons à ce fameux soir de mai 1913. Nous sommes à l’aube de la première guerre mondiale, deux mois après l’inauguration du Théâtre des Champs-Elysées. La salle est tournée vers la musique française : celle de Debussy ou encore de Dukas. La saison musicale est conçue par Gabriel Astruc, qu’il souhaite moderne et audacieuse. C’est donc naturellement qu’il fait appel aux célèbres Ballets russes de Diaghilev, compagnie qui crée à chaque fois l’événement lors de sa venue dans la capitale.
Pour ce nouveau spectacle, Diaghilev propose à Vaslav Nijinski de s’atteler à la chorégraphie, tout en confiant la musique au jeune compositeur russe Igor Stravinsky. Le jour de la première, on peut apercevoir dans la salle, Picasso, Paul Claudel, Debussy, Florent Schmitt, Ravel, Cocteau, Poulenc et tant d’autres… Le Tout-Paris est présent !

« Taisez-vous, les garces du XVIe »

C’est au basson d’ouvrir le bal ! Alors qu’à peine les premières notes commencent à résonner, quelques murmures se font entendre dans la salle… Rapidement, un certain désordre gagne une grande partie du théâtre, avant de laisser échapper des sifflets et des huées. La musique n’est quasiment plus dicible et est recouverte d’invectives en tout genre : « C’est la première fois en soixante ans qu’on ose se moquer de moi ! » entend-on. Les spectateurs se déplacent dans la pénombre, s’alpaguant pour tantôt défendre tantôt railler ce qui se passe sur scène et en fosse : dans une loge, une dame en vient même à gifler son voisin qui venait de siffler. Des policiers ne tardent pas à arriver pour tenter d’atténuer ce pugilat.

Durant tout ce temps, le spectacle subsiste tant bien que mal : les musiciens continuent de faire vivre la rythmique enivrante de la partition de Stravinsky pendant que les danseurs poursuivent leur rite païen dans une frénésie animale qui se clôturera par le sacrifice de l’élue.

Pour Stravinsky, c’est la désolation la plus totale. Pourtant Gabriel Astruc avait bien tenté de calmer les esprits en interpellant le public à plusieurs reprises : « Ecoutez d’abord, vous sifflerez après« , mais pour le compositeur, l’originalité de sa partition n’a pas eu l’écho mérité, rejetant la faute à Nijinski et à sa chorégraphie…
Il aura fallu attendre l’année suivante, pour que Stravinsky assiste au succès de la version de concert de ce Sacre, réhabilitant ainsi tout le génie de sa musique.

Voir encore:

“Le Sacre du printemps”, ce grand coup de ballet

29 mai 1913. Stravinsky tire un obus musical depuis un lieu tout aussi novateur : le Théâtre des Champs-Elysées flambant neuf. Scandale. 100 ans après, “Le Sacre du printemps” a été rejoué là où il a éclot. A revoir en replay sur Arte+7.

Gilles Macassar

Télérama

01 juin 2013

Un an avant que la Grande Guerre de 14-18 n’embrase l’Europe entière, la musique ouvre violemment les hostilités. Le 29 mai 1913, les Ballets russes de Serge de Diaghilev lâchent sur Paris un obus orchestral de première puissance : Le Sacre du printemps, d’Igor Stravinsky. Chorégraphié par Nijinski, danseur vedette de la troupe, ce ballet transforme en champ de bataille le Théâtre des Champs-Elysées, inauguré un mois plus tôt avenue Montaigne. Chargée d’un reportage dessiné sur le spectacle et sa préparation, Valentine Hugo se souvenait : « Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre, elle semblait vaciller dans le tumulte. » Mais le théâtre bâti par les frères Perret, premier édifice parisien à être construit en béton armé, repose sur des fondations solides. Un siècle plus tard, il demeure toujours la salle de concert aux architectures – intérieure et extérieure – les plus élégantes, alliant, avec un bon goût indémodable, modernité et classicisme, esthétisme et fonctionnalité.

Quant à la composition de Stravinsky, le scandale de sa création marque un tournant historique, l’avènement d’une nouvelle ère musicale, balayant l’académisme et le ronron ambiants. Le mot mi-admiratif, mi-narquois de Debussy a fait fortune : « De la musique de sauvage avec tout le confort moderne. » Musique de sauvage comme, à la même époque, Les Demoiselles d’Avignon, de Picasso, La Femme au chapeau, de Matisse, sont de la peinture de sauvage. Fatiguée des tourments égotistes du romantisme, lassée des alanguissements morbides du symbolisme, l’Europe semble vouloir se régénérer en puisant une force brute, une vigueur vierge dans l’art primitif. Recette aussi salutaire qu’efficace. Fleuron permanent des programmes symphoniques, Le Sacre du printemps témoigne d’une vitalité intacte, comme le théâtre de l’avenue Montaigne, restauré à l’identique à la fin des années 1980. Deux centenaires jumeaux, qui s’apprêtent à souffler vaillamment les bougies de leur gâteau d’anniversaire.

Le 1er avril 1913, Gabriel Astruc inaugure le théâtre de ses rêves. Après être passé par bien des cauchemars. A commencer par celui de l’acquisition d’un terrain. En 1906, Astruc, qui a fixé son choix sur les Champs-Elysées – de préférence aux grands boulevards, qu’il juge ne plus être assez chics –, obtient du conseil municipal de Paris une promesse de concession, sur l’emplacement de l’ancien Cirque d’été, entre les Champs-Elysées et l’avenue de Marigny. Et l’ancien journaliste-éditeur de musique, devenu entrepreneur de spectacles, de déposer dans la foulée les statuts d’une société du « Théâtre des Champs-Elysées ». Le nom sonne bien, il sera gardé, même lorsque, deux ans plus tard, le conseil municipal revient sur sa promesse. D’origine israélite, ne comptant pas que des amis politiques en ces temps d’antisémitisme virulent, Gabriel Astruc doit trouver un nouveau lieu. La mise en vente de l’hôtel du marquis de Lillers, au 15 de l’avenue Montaigne, offre l’opportunité inespérée. L’acte de vente est signé en février 1910, au plus fort de la crue de la Seine, qui, à deux pas, menace d’engloutir le zouave du pont de l’Alma.

Commence alors ce que Jean-Michel Nectoux a appelé joliment, dans le précieux catalogue de l’exposition que le musée d’Orsay a consacrée à l’histoire du théâtre en 1987, « le ballet des architectes ». D’Henri Fivaz à Roger Bouvard – chargé d’un transitoire « palais philharmonique » –, du Belge Henry Van de Velde, haute figure de l’Art nouveau, aux deux frères Perret, Auguste et Gustave, les derniers concurrents à rester en lice, ce ne fut que pas de deux rivaux, entrechats assassins.

Dans ce cadre huppé, rien ne laisse prévoir le scandale qui éclate le 29 mai 1913. La veille, la générale se déroule sans incident, devant un parterre de professionnels et d’invités. Le succès incontesté de L’Oiseau de feu, en 1909, puis celui de Petrouchka, en 1911, ont confirmé la maîtrise, gagnée à pas de géant, d’un compositeur de 30 ans. « En deux ans, j’ai l’impression d’avoir bondi de vingt », constate l’ancien élève de Rimski-Korsakov. L’oreille avertie de Debussy ne s’y trompe pas : « Il y a dans Petrouchka une sorte de magie sonore, des sûretés orchestrales que je n’ai rencontrées que dans Parsifal ; vous irez plus loin, assure l’aîné à son cadet, mais vous pouvez déjà être fier. »

Avec ce Sacre, auquel il pense depuis 1910, Stravinsky fonce plus vite et plus loin, pour frapper plus fort. Ces « Images de la Russie païenne » – sous-titre de l’œuvre –, il les a d’abord visualisées avec son compatriote le peintre et ethnologue Nicolas Roerich, futur réalisateur des costumes et des décors. C’est lui qui a évoqué au compositeur ce rite très ancien, à l’arrivée du printemps, d’adoration de la terre, à laquelle les ancêtres sacrifient en gage de fertilité une jeune vierge, « l’élue ».

Cette cérémonie d’une barbarie archaïque, cette sauvagerie tribale, Stravinsky les instrumente de couleurs criarde (clarinette piccolo), agressive (petite trompette en ) ou crue (trombones, grosse caisse) ; il les rythme de martèlements brutaux, de déflagrations tonitruantes, de chocs répétés entre blocs sonores qui se heurtent de plein fouet.

En imprésario avisé, Diaghilev y pressent les clés d’un succès renouvelé pour sa huitième saison parisienne. Il en confie la chorégraphie à son danseur fétiche, Vaslav Nijinski, dont les poses lascives, d’un érotisme équivoque, ont déjà choqué dans Prélude à l’après-midi d’un faune. Cette fois, le jeune félin imagine des gestes anguleux, des piétinements saccadés, qui contreviennent aux canons classiques : pieds et genoux en dedans, cou cassé, dos voûté et bras ballants. « La vraie grâce se moque du gracieux », admire Jacques Rivière, patron clairvoyant de la NRF.

« Exactement ce que je voulais », se félicite Diaghilev au sortir de cette nouvelle bataille d’Hernani, qui se reproduit les soirs suivants et s’exporte même outre-Manche pour les représentations londoniennes ! Mais, l’année suivante, l’exécution symphonique seule, sans ballet, au Casino de Paris, remporte une ovation sans bémol, tandis que Stravinsky est porté en triomphe jusqu’à la place de la Trinité. Musique sans précurseurs ni descendance, même dans le catalogue du compositeur, Le Sacre du printemps – ces « Géorgiques de la préhistoire », selon Cocteau – libère et défriche l’horizon musical, loin des macérations liturgiques d’un Wagner, de l’alchimie vaporeuse d’un Debussy.

Emblème de la modernité pour tout le xxe siècle, le Sacre, si radical dans l’audace et la liberté de son écriture, ne pouvait être qu’un météore unique ; mais l’exemple de son émancipation harmonique, de ses combinaisons à l’infini de timbres et de rythmes a stimulé l’imaginaire des générations ultérieures – d’Olivier Messiaen à Steve Reich, de Pierre Boulez à John Adams. Les chorégraphes n’ont pas été en reste, de Maurice Béjart à Mats Ek, de Pina Bausch à Angelin Preljocaj.

Météore unique, la saison de Gabriel Astruc le sera aussi. Formé aux affaires aux Etats-Unis, l’entrepreneur de spectacles munificent ne mégotait sur rien : « Si j’ai vu grand, transporté l’Opéra de New York au Châtelet, donné à Paris six fois de suite le Salomé de Richard Strauss, construit le Théâtre des Champs-Elysées, c’est parce que j’ai compris la mentalité américaine et conçu mes projets sous le signe du dollar. »

Mais la surenchère des cachets pratiquée par Diaghilev, la défection du public mondain devant un modernisme trop radical (Jeux, de Debussy, créé deux semaines avant le Sacre, passe inaperçu) creusent un déficit galopant. Malgré le soutien de grandes fortunes privées (Rothschild, Camondo), Gabriel Astruc dépose son bilan à la mi-octobre. Sacre du printemps, déroute de l’automne. Le bal des repreneurs est ouvert, jusqu’à la stabilisation d’aujourd’hui, sous l’autorité financière de la Caisse des dépôts et consignations. A Marcel Proust revient le mot de la fin, dans une lettre émue à Astruc : « Les difficultés qu’a rencontrées votre entreprise vous donneront plus sûrement une place dans l’histoire de l’art que n’eût fait un succès immédiat. »

À revoir
Sur le site d’Arte+7, le replay de leur soirée spéciale consacrée au 100 ans du Sacre du printemps : la retransmission en direct du ballet donné au Théâtre des Champs-Elysées
À voir
Le Sacre dans tous ses états, ballets, concerts, jusqu’au 26 juin au Théâtre des Champs-Elysées, tél. : 01 49 52 50 50.À lire
Théâtre, Comédie et Studio, trois scènes et une formidable aventure, ouvrage collectif sous la direction de Nathalie Sergent, coéd. Verlhac/15.Montaigne, 660 p., 89 €.À écouter
Igor Stravinsky dirige Le Sacre, 2 CD Sony Classical.
Igor Stravinsky, Le Sacre du printemps, 100e anniversaire, coffret de 20 CD Decca/Universal (38 interprétations de référence, d’Eduard van Beinum, en 1946, à Gustavo Dudamel, en 2010).
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Rite that caused riots: celebrating 100 years of The Rite of SpringStravinsky’s work caused a scandal in 1913 but has since been recognised as one of the 20th century’s most important piecesKim Willsher in ParisThe Guardian 27 May 2013 The audience, packed into the newly-opened Théâtre des Champs-Élysées to the point of standing room only, had neither seen nor heard anything like it.As the first few bars of the orchestral work The Rite of Spring – Le Sacre du Printemps – by the young, little-known Russian composer Igor Stravinsky sounded, there was a disturbance in the audience. It was, according to some of those present – who included Marcel Proust, Pablo Picasso, Gertrude Stein, Maurice Ravel and Claude Debussy – the sound of derisive laughter.By the time the curtain rose to reveal ballet dancers stomping the stage, the protests had reached a crescendo. The orchestra and dancers, choreographed by the legendary Vaslav Nijinsky, continued but it was impossible to hear the music above what Stravinsky described as a « terrific uproar ».As a riot ensured, two factions in the audience attacked each other, then the orchestra, which kept playing under a hail of vegetables and other objects. Forty people were forcibly ejected.The reviews were merciless. « The work of a madman … sheer cacophony, » wrote the composer Puccini. « A laborious and puerile barbarity, » added Le Figaro’s critic, Henri Quittard.It was 29 May 1913. Classical music would never be the same again.On Wednesday evening at the same theatre in Paris, a 21st-century audience – hopefully without vegetables — will fill the Théâtre des Champs-Élysées for a reconstruction of the original performance to mark the 100th anniversary of the notorious premiere. It will be followed by a new version of The Rite by the Berlin-based choreographer Sasha Waltz, among a series of commemorative performances.Today, the piece has gone from rioting to rave reviews and is widely considered one of the most influential musical works of the 20th century.« It conceals some ancient force, it is as if it’s filled with the power of the Earth, » Waltz said of Stravinsky’s music.Finnish composer and conductor Esa-Pekka Salonen, currently principal conductor and artistic adviser for the Philharmonia Orchestra in London, who will conduct the Rite of Spring at the Royal Festival Hall on Thursday and at the Théâtre des Champs-Élysées shortly afterwards, said The Rite still made his spine tingle. « I have to admit that when we come to the moment just before the last dance … my blood pressure is up. I have this kind of adrenaline surge, » he told Reuters.« It’s an old caveman reaction. »Salonen added: « The miracle of the piece is the eternal youth of it. It’s so fresh, it still kicks ass. »There is still confusion and disagreement about events that night in 1913, which the theatre describes as « provoking one of the greatest scandals in the history of music » and turning The Rite into the « founding work of all modern music ».Stravinsky, was virtually unknown before Sergei Diaghilev hired him to compose for his Ballets Russes’s 1913 Paris season. His first two works, The Firebird, performed in 1910, and Petrushka, in 1911, were generally acclaimed. The Rite, subtitled « Pictures of Pagan Russia in Two Parts », begins with primitive rituals celebrating spring, and ends with a young sacrificial victim dancing herself to death.Not only was the theatre hall packed that evening in 1913, but the stairways and corridors were full to bursting with excited and jostling spectators.The Rite opened with an introductory melody adapted from a Lithuanian folk song, featuring a bassoon playing, unusually, at the top of its register, and prompting composer Camille Saint-Saëns to exclaim: « If that’s a bassoon, then I’m a baboon! » The heavy, stomping steps were a world away from the elegance of traditional ballet, as the dancers enacted the brutal plot.As the audience erupted, Diaghilev called for calm and flashed the house lights on and off, while Nijinsky was forced to call out steps to the dancers as the beat of the music was drowned out by the riotous cacophony. Even now there is debate over whether the audience reaction was spontaneous or the work of outraged traditionalists armed with vegetables who had come looking for trouble.The turbulent premiere was followed by five more relatively peaceful performances before one show in London, which received mixed reviews, but the complete ballet and orchestral work were only performed seven times before the outbreak of the first world war.After the fighting ended, Diaghilev attempted to revive The Rite of Spring, but found nobody remembered the choreography. By then Nijinsky, the greatest dancer of his generation, was in mental decline.Since then The Rite has been adapted for and included in an estimated 150 productions around the world including gangster films, a punk rock interpretation, a nightmarish vision of Aboriginal Australia by Kenneth MacMillan, and Walt Disney’s 1940s film Fantasia. A commemorative performance was staged at the Royal Albert Hall in London to mark the 50th anniversary of the premiere.To mark this year’s centenary of The Rite of Spring, described by Leonard Bernstein as the most important piece of music of the 20th century, both Sony and Universal have released box sets reprising the best versions in their back catalogues.

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The Rite of Spring: ‘The work of a madman’It is one of the great works of the 20th century, a ballet so revolutionary it is said to have caused a riot at its premiere. But is Stravinsky’s Rite of Spring all it was claimed to be? As the work’s centenary is celebrated, Tom Service separates fact from fictionTom ServiceThe Guardian12 Feb 2013‘Mild protests against the music, » wrote Stravinsky, « could be heard from the beginning. » The composer was remembering the night of 29 May 1913 at the Théâtre des Champs-Elysées in Paris. The event was the premiere of a new ballet called The Rite of Spring – and, if you believe all the stories about what happened that celebrated evening, not least the one about the riot that ensued, it’s as if the 20th century only really got going when the audience in that gilded art-nouveau auditorium started kicking off.If you know how Stravinsky’s music begins, you may not be too surprised by the audience’s reaction to The Rite, which was choreographed by the young dancer Vaslav Nijinsky and performed by Serge Diaghilev’s Ballets Russes. After the strangest, highest and most terrifyingly exposed bassoon solo ever to open an orchestral work, the music becomes a sinewy braid of teeming, complex woodwind lines. « Then, » Stravinsky told his biographer, « when the curtain opened on the group of knock-kneed and long-braided Lolitas jumping up and down, the storm broke. »That was Nijinsky’s choreography for the Dance of the Adolescents section, the music’s first and still-shocking moment of crunching dissonance and skewed rhythm. Stravinsky said that at this point, « Cries of ‘Ta gueule’ [shut up] came from behind me. I left the hall in a rage. I have never again been that angry. » Stravinsky spent the rest of the performance in the wings, holding on to Nijinksy’s tails as the choreographer shouted out cues to his dancers over the din.What really happened on that night of nights? Was this a genuine riot, as it is so often described – a shocked response to Stravinsky’s simultaneously primitivist and modernist depiction of an ancient Russian ritual devoted to the seasons? Or was it simply a publicity stunt, a wilfully orchestrated succès de scandale that has, in the years and the retelling, grown into a great musical myth? And was The Rite really such a revolution in music, a gigantic leap of faith into a terra incognita that would inspire every subsequent composer?There is still no more influential piece of music in the 20th century. The Rite is the work that invariably tops polls of the biggest and baddest of the last 100 years. From Elliott Carter to Pierre Boulez, from Steve Reich to Thomas Adès, other composers couldn’t have done what they did without it as inspiration. Talking many years after its composition, Stravinsky claimed he had to put himself in a kind of creative trance to compose it, an echo of the fate that befalls the poor girl who dances herself to death in the ballet’s climactic Sacrificial Dance: « Very little immediate tradition lies behind The Rite of Spring – and no theory. I had only my ear to help me; I heard and I wrote what I heard. I am the vessel through which The Rite passed. »Let’s deal with the riot first. For all the « heavy noises » and shouts Stravinsky says came from the auditorium, there is no evidence of mass brawling, and nobody tried to attack the dancers (although the conductor Pierre Monteux remembered that « everything available was tossed in our direction »). One critic described the whole thing as merely a « rowdy debate » between rival factions in the audience. And if the boos and hisses had been so appalling, why would Diaghilev have been as pleased as Stravinsky says he was? « After the performance, » he noted, « we were excited, disgusted, and … happy. I went with Diaghilev and Nijinsky to a restaurant. Diaghilev’s only comment was, ‘Exactly what I wanted.’ Quite probably, he had already thought about the possibility of such a scandal when I first played him the score, months before. »It would certainly be an exaggeration to say the whole thing was engineered as a publicity stunt. But how to explain the fact that the audience was protesting right from the start about something they hadn’t properly heard yet? Significantly, when the score was performed in Paris for the first time as a concert piece just a year later, there were huge ovations, with Stravinsky carried on the shoulders of his fans in triumph.It was, it seems, the wilful ugliness and lumpenness of Nijinsky’s evocation of Russian prehistory that was really shocking to audiences – the « knock-kneed Lolitas » Stravinsky wrote of. The dance offended their sense of beauty and their vision of what a ballet should be, as much as if not more than the music. Anyway, at the premiere, the radicalism of Stravinsky’s score could hardly be heard for cat-calls, although some reports suggest the boos had calmed down before the climax. Stravinsky had great praise for Monteux’s cool head, calling the conductor as « impervious and as nerveless as a crocodile ». He added: « It is still almost incredible to me that he actually brought the orchestra through to the end. »The paradox of the primitivism in The Rite is that it can be heard as both a horrifying vision of the pitilessness of nature – and as an expression of the inhumanity of the machine age. The fate of the « chosen one » in the Sacrificial Dance is particularly chilling. She is caught in an unstoppable rhythmic vortex from which there is only one way out: through the terrible dissonance that ends the piece, and the single chord that kills her. This is music that manages to sound both mechanistic and elemental, making The Rite as radical in 2013 as it was 100 years ago.Still, for all its modernity, for all Stravinsky’s insistence that the whole thing came from « what I heard » (and for all that Puccini would later call it « the work of a madman »), The Rite is rooted in musical traditions. As Bela Bartók intuited, and as musicologist Richard Taruskin has shown, many of The Rite’s melodies come from folk tunes – including that opening bassoon solo, which is actually a Lithuanian wedding song. Scholars have identified more than a dozen folk references so far, but there’s an even more significant tradition behind The Rite.The work is the apotheosis of a way of thinking about music that began in the 1830s with Mikhail Glinka, the first important Russian composer, and an inpiration to Stravinsky, whose music he loved. The way The Rite moves, with its blocks of music juxtaposed next to and on top of one another like a mosaic, is prefigured not just by Stravinsky’s previous ballets for Diaghilev (The Firebird and Petrushka), but in music by his teacher Rimsky-Korsakov and even Tchaikovsky. Those « new » sounds with all those dagger-like dissonances? If you look at them closely, you’ll find they’re all versions either of common chords stacked up on top of each other, or are built from the scales and harmonies that Rimsky-Korsakov, Mussorgsky and Debussy had already discovered. And all those jerky, jolting rhythms? They’re derived, albeit distantly, from the way some of those folk tunes work.So there’s nothing so old as a musical revolution. But even if it’s true that Stravinsky plundered traditions both ancient and modern to create The Rite, there’s something that, finally, can’t be explained away, something you should feel in your gut when you experience the piece. A century on, the truly shocking thing about The Rite is still with us, right there at its climax. A good performance will merely pulverise you. But a great one will make you feel that it’s you – that it’s all of us – being sacrificed by Stravinsky’s spellbinding and savagely cruel music.The London Philharmonic Orchestra plays The Rite of Spring on 17 February at the Royal Festival Hall, London SW1, as part of The Rest Is Noise festival. Box office: 0844 875 0073.

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Ballet PreljocajJudith MackrellThe Guardian1 May 2002 Angelin Preljocaj has already stamped his sparky revisionist ideas on three of the old Ballets Russes masterpieces, but recreating The Rite of Spring is a different kind of challenge. How do you add to the history of a ballet that’s already made legends of its most distinguished interpreters? Where do you find a choreographic idea strong enough to survive the treacherous peaks and unyielding terrain of Stravinsky’s score? Unfortunately, Preljocaj doesn’t have totally convincing answers to these questions, though he looks very hard for them in sex. Picking up from the implacable energy which propels the music, Preljocaj opts to portray the rites of modern lovers rather than the sacred rituals of a prehistoric tribe. From the moment that his six women throw down their knickers as casual gauntlets to the six watching men, the piece embarks on a trajectory from the titillation of desire through to its destruction. I like the analytic cast of Preljocaj’s mind in this piece – the way he moves from the lovers’ constrained taunting of each other, to the first blows that tighten the strings of their desire, to the aggressive seduction routines, and to the sex itself which becomes flagellatory in its efforts to sustain its own excitement. Preljocaj mocks the men as studs and forces the exhausted lovers to shuffle like a slave gang in thrall to their own libidos. Yet rarely does he find enough material to elaborate these images into substantial choreography. Even at the climax, when the group strip one of the woman naked and make her dance a kind of sacrificial orgasm, the movement doesn’t fully hold our attention. It is left to Stravinsky’s controlled frenzy to dominate the stage…

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The Fight of Spring: The score was so unlike anything heard before that, at rehearsals, the musicians wondered if there had been a printing mistake

The Fight of Spring: The score was so unlike anything heard before that, at rehearsals, the musicians wondered if there had been a printing mistake

PARIS 1913

Looking nervously through the peephole in the curtain of the Théâtre des Champs-Élysées, the young choreographer Vaslav Nijinsky could see a murmuring ocean of bejewelled ladies, and their escorts in white tie and tails, waiting for his ballet to begin.

It was the French capital, on May 29, 1913, and the audience’s mood was one of excited expectation.

They were about to witness one of the most hotly anticipated cultural events in history; the first performance of Igor Stravinsky’s Le Sacre Du Printemps (The Rite Of Spring), designed by Nicholas Roerich, choreographed by Nijinsky and produced by Sergei Diaghilev.

The people packed into the sweltering theatre represented ‘the thousand varieties of snobbism, super-snobbism, (and) anti-snobbism’.

First there were the grandes dames of French society, diamonds blazing on their powdered bosoms.

These powerful women were life models for Marcel Proust, the reclusive novelist whose ground-breaking À La Recherche Du Temps Perdu, the first section of which was published in 1913, chronicled this tiny group of aristocrats and their hangers-on.

Although they could be generous patrons, their kindness came at a price – they expected their world view to be reflected in the work they supported.

While the grandees in their red velvet boxes had paid double the usual ticket price, Diaghilev – the charismatic impresario of the Ballets Russes, the company that had bewitched Paris four years earlier – had also given out free passes to a group of rebellious intellectuals.

The young men wore soft collars and short jackets, and the women were in turbans and bright, loose dresses.

Sergei Diaghilev, left, with Igor Stravinsky

Sergei Diaghilev, left, with Igor Stravinsky

Even if they could have afforded better clothes they would have refused to wear them, as a demonstration of their rejection of outdated traditions.

Torn between his devotion to art as an ideal and his need for a hit, and devastated by the private knowledge that Nijinsky, his acknowledged lover for the past four years, was moving away from him, Diaghilev was desperate for Sacre to succeed.

He had opened the programme with Les Sylphides, his favourite piece and one of the Ballets Russes’ most popular shows.

The lonely poet dancing with ghostly maidens in long white tutus was romantic and heart-stoppingly beautiful; for most of the audience, exactly what they expected.

Others, though, had begun to hope that ballet, like literature and the visual arts, might begin to form a new, truer idea of beauty.

Even though the first strains of Sacre are hauntingly delicate, the unusually high register used by Stravinsky for the opening bassoon solo caused a commotion.

The ballet was 24-year-old Vaslav Nijinsky's first major composition

The ballet was 24-year-old Vaslav Nijinsky’s first major composition

The composer Camille Saint-Saëns hissed to his neighbour: ‘If that’s a bassoon, I’m a baboon.’

Whistles, boos and laughter broke out. The score was so unlike anything heard before that, at rehearsals, the musicians wondered if there had been a printing mistake.

Stravinsky would shout: ‘Gentlemen, you do not have to laugh, I know what I wrote!’ and would race to the piano to pound out the music as he wanted  it played.

The sweating dancers waited in their heavy costumes to begin the performance, an imagined enactment of the fertility ritual of an ancient Slavonic tribe.

The ballet was 24-year-old Nijinsky’s first major composition.

Despite his universally acknowledged genius as a dancer (since his Parisian debut in 1909, aged 20, he had been acclaimed Le Dieu De La Danse) his talents as a choreographer aroused debate.

Some found his two previous ballets – L’Après-Midi D’un Faune (1912) and Jeux, which had premiered only weeks earlier – thrillingly new, but many dismissed them as ugly, even obscene.

As the music swelled into a frenzy of dissonance, the dancers began moving, but what the audience saw bore almost no relation to the grace of Les Sylphides.

The dancers’ steps were heavy, as Nijinsky imagined the movements of ancient tribespeople. For much of the performance they faced away from the audience and there was no storyline to follow.

This was, as one critic later wrote, ‘not the usual spring sung by poets . . . [but] spring seen from inside, with its violence, its spasms and its fissions’.

The audience erupted – with some shouting in rage at having been mocked and insulted, as they saw it, by this ‘non-ballet’ and others defending it, understanding that what they were seeing and hearing was as revolutionary as the writings of Nietzsche and Freud, the discoveries of Einstein, the paintings of Cézanne and Picasso.

As one said, they were witnessing ‘an utterly new vision, something never before seen . . . art and anti-art at once’.

However, the arguments quickly descended into the visceral. Members of rival factions were observed rapping one another on the head with their canes; one tugged another’s top hat down over his face.

One of the young bohemians, a critic, cried out: ‘Down with the whores of the Sixteenth (arrondissement; Paris’s Mayfair)!’

HIGH JINKS: The Finnish National Ballet performing a reconstruction of Nijinsky's The Rite Of Spring

HIGH JINKS: The Finnish National Ballet performing a reconstruction of Nijinsky’s The Rite Of Spring

Gabriel Astruc, the theatre’s owner and a long-term supporter of the Ballets Russes, leaned out of his box and screamed: ‘First listen! Then hiss!’

Nijinsky’s mother fainted. Some people remembered seeing  policemen arriving to break up fights.

The premiere would pass into legend as one of the great moments of cultural history, but for each of the protagonists it was a personal turning point, too.

Although some critics hailed Le Sacre Du Printemps as a masterpiece it was a commercial failure. Nijinsky’s choreography was dismissed and all but forgotten until the first revival of his work more than 70 years later.

Stravinsky and Nijinsky would never work together again. Astruc was forced to close the Théâtre des Champs-Élysées because Sacre had bankrupted him.

Diaghilev was on the verge of sacking Nijinsky when the choreographer eloped with a female follower of the Ballets Russes.

After the performance, Diaghilev, Nijinsky and Stravinsky drove around the empty city.

The evening ended with Diaghilev reciting Pushkin in the Bois de Boulogne, the tears on his face lit up in the carriage lamps, while Stravinsky and Nijinsky listened intently.

They were, said Stravinsky, ‘excited, angry, disgusted and . . . happy’, convinced that it would take people years to understand what they had been shown.

Even so, they could scarcely have imagined that Nijinsky’s choreography would never be danced again after its nine performances in 1913 but would resonate throughout the century to come, while Stravinsky’s score would go on to be acclaimed the soundtrack of the 20th century.

‘Nijinsky’ by Lucy Moore is published by Profile, priced £25. To order your copy at £18 with free p&p, please call the Mail Book Shop on 0844 472 4157 or visit mailbookshop.co.uk.

THE LORD OF MODERN DANCE

Nijinsky – the journey from genius to tortured madman

Nijinsky’s parents were Polish itinerant dancers who often performed in the large theatre-circuses, such as Salamonsky’s, which were hugely popular attractions throughout the Russian empire.

His first paid role, aged seven, was as a chimney sweep.

Almost immediately after graduating from the Imperial Theatre School, Nijinsky attracted the attention of a rich patron, Prince Lvov, who seduced him by pretending that a princess who was in love with Nijinsky had asked him to act as her go-between.

Lvov introduced Nijinsky to Diaghilev and encouraged their romance, well aware of how instrumental Diaghilev could be in promoting Nijinsky’s career.

It was only dancer Anna Pavlova’s last-minute absence from the Ballets Russes’ opening two weeks in Paris in 1909 that allowed Diaghilev to present Nijinsky as his star.

In 1913, soon after the debacle in Paris, Nijinsky met a star-struck Hungarian socialite Romola de Pulszky on a month-long voyage to South America – and they married.

When he discovered Nijinsky had eloped, Diaghilev consoled himself with a debauched tour through Southern Italy before his thoughts turned to revenge.

Nijinsky’s first mental breakdown probably took place in 1914, soon after Diaghilev sacked him.

He put on a programme at a London music hall, but it was a disaster. Nijinsky was so hysterical that, on one occasion, the stage manager had to pour a jug of water over him.

As Nijinsky’s mental health declined in the mid-1910s his behaviour became increasingly erratic. Influenced by the writings of Tolstoy, he began wearing hair shirts next to his skin and refusing to eat meat.

By 1919 Nijinksy was experiencing periods of lucidity and terrifying moments of hallucination and mania.

Nijinksy, Romola and their daughter, Kyra, were living quietly in St Moritz and he took to driving their sleigh into the paths of oncoming sleighs.

He pushed Romola down the stairs and spent hundreds of francs on sweaters in a rainbow of colours.

According to the frenzied diary he began on the day of his last public performance, Nijinsky believed that he was entering into a marriage with God.

When Romola took him to a psychiatrist to be diagnosed, he was told by the doctor that he was incurably insane.

His daughter, Tamara, aged 17, seeing Nijinsky after many years’ absence in 1937, was alone with him for a moment.

She picked him a bunch of flowers, and recalled: ‘Silently, he gazed at the daisies, lifted them upward to the sky . . . like an offering, then sank back in his chair, shut his eyes, and pressed the flowers to his heart.’

Nijinsky died in a London clinic in 1950.

Voir enfin:

Le Sacre du printemps

Introduction

La danse devrait exprimer … toute l’époque à laquelle appartient le sujet du ballet» – Michel Forkin

En 1913, la danse « Le Sacre du printemps » est achevée. Avant cela, Isadora Duncan et Fokine nous avaient déjà montré le retour à la nature et aux sources grecques pour trouver le nouveau vocabulaire de la danse.

Mais aussi nous avons déjà Les Demoiselles d’Avignon de Picasso où l’on trouve la recherche des cubistes sur la forme géométrique et l’idée du primitivisme.

Également on a déjà commencé à sentir l’air de la guerre qui commence l’année suivante. Le Sacre du printemps représente le sacrifice de la Russie païenne à l’époque de la préhistoire. C’est le commencement de la danse contemporaine. Voici la photo de l’idole slave.

Sa pose évoque une pose de la danse du « Sacre du printemps » comme ce qui suit.

Est-ce qu’il y a une relation entre la chorégraphie de la danse du XX siècle et les idoles slaves en bois sculptées, typiques des communautés païennes dans le pré-christianisme russe ? Une problématique s’apparente au rapport entre préhistoire et modernité. En quoi le Sacre du printemps de 1913 recherchait-il le nouveau vocabulaire de la danse classique en consultant l’idée de préhistoire. D’abord nous voyons le contexte du retour à la préhistoire, ensuite le primitivisme dans cette danse enfin la manière dont elle reflète l’influence de l’âge de la pierre.

1.1. Un rôle important de Roerich, artiste, érudit en archéologie

Le sacre du printemps de 1913 est une collaboration parmi trois principaux artistes. On attribue la musique à Stravinsky, la chorégraphie à Nijinsky et les dessins, décors et costumes à Roerich.

Cependant il reste une question: qui a écrit ce scénario? Kenneth Archer indique la possibilité de la grande influence de Roerich non seulement sur ce scénario mais aussi sur cette danse classique totale. Car pour créer Le sacre du printemps, on a besoin d’une connaissance sûre de la Russie archaïque.

Roerich est un grand artiste, un philosophe et un érudit. Nijinska écrit dans son livre qu’au cours de ses nombreuses fouilles et explorations de grottes, il a découvert des vestiges de l’âge primordial.

1 Il semble que Roerich ait partagé des sources de rites, comme l’idole avec Nijinsky. Nous revenons à cette idole.

Kenneth indique que le geste de la figure masculine en haut est similaire à celui du danseur du Sacre du printemps. Tous les deux posent leur main droite sur l’estomac ou la poitrine et leur main gauche sur la taille en pliant les bras. Leur pose met les pointes des coudes en évidence. C’est tout à fait contraire à la tradition de la danse classique où « la courbe l’emporta sur la ligne droite »2.

1.2. La différence et l’analogie entre Isadora Duncan et Nijinsky

Duncan a essayé de libérer le corps et de retourner à la nature en s’inspirant de la danse grecque antique peinte sur le vase. Elle reste sous l’influence de la Grèce classique et de la ligne serpentine. Nous pouvons trouver son influence (à travers Folkin) dans l’Après-midi d’un Faune que Nijinsky a chorégraphié. Les attitudes des Nymphes étaient bien stylisées en continuant à nous montrer la silhouette latérale. Cela évoque une frise peinte.

Leurs gestes et attitudes se trouvent sur des vases attiques aux alentours du Vème et du IVème siècles avant J.-C.1 Cependant il semble que à l’aide de Diaghilev, Nijinsky ait pu aller plus loin. Diaghilev a parlé de « repenser le temps passé plutôt que de tenter de le faire revivre.»2 La structuration et stylisation de la nouvelle grammaire de la danse sont caractéristiques chez Nijinsky. À savoir qu’il ne retient pas le passé, il a avancé jusqu’à la modernité en restructurant le mouvement du passé.

Il a pu créer un système cohérent de la danse en s’inspirant des techniques dormantes de danse rituelle archaïque.

2.1. Roerich et le design

Les dessins du peintre, Roerich pour les costumes ont beaucoup inspiré la chorégraphie du Sacre à Nijinsky. Sa série de tableaux nommée « Slav series » traite les sites religieux d’ ancien Slave où l’on voit la disposition des idoles basées sur une géométrie rituelle. Nous voyons un tableau « The idols » de Roerich.1

Un certain nombre d’idoles forment un cercle entourant une roche au centre. Des piquets en bois aiguisés font cercle autour de ces objets rituels. Sur ces pieux, on pose les crânes blancs des bêtes. Selon Archer, nous pouvons trouver le même motif géométrique rituel dans le costume dessiné par Roerich et dans la chorégraphie de Nijinsky pour le premier Acte. Par exemple, le sarrau rouge que les jeunes filles portent au premier acte évoque une disposition religieuse.1 Voici Reconstructing Roerich’s Costumes.

Le motif circulaire est omniprésent. Il y a un cercle noir au centre qui ressemble à la roche et des cercles rouges entourent ce noir. Enfin une ligne noire fait cercle autour d’eux. Ces trois couches du cercle se trouvent dans la composition de la chorégraphie du premier acte.

Au centre de la scène un sage se tient debout comme une roche, autour de lui, huit personnes courent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, et puis de plus grands groupes de jeunes filles courent dans le sens des aiguilles d’une montre. Le motif du cercle rituel de l’âge de pierre apparaît dans la composition géométrique du costume et de la chorégraphie du XXème siècle.

En outre, le dessin de Roerich a directement influencé sur le geste. Voici son dessin : « run away looking to the left »3 Nijinsky a introduit ce geste dans le premier Acte-Scene « Ritual of Abduction ».

3.1. Le cubisme, Cubo-Futurisme et Sacre du printemps

« On peut parler d’une mosaïque sonore analogue au cubisme en peinture. » -Benoît Chantre1

Quelques livres sur Le Sacre du printemps ont pressenti la relation de ce ballet avec le cubisme, le primitivisme et le commencement de la guerre. On peut dire également que le caractère mosaïque de la danse rappelle le cubisme. Chaque groupe de danseurs a simultanément des rythmes différents à suivre. Il s’agit de la simultanéité du mouvement divers de plusieurs danseurs. Il y a plusieurs points de vue dans une oeuvre. Cette idée rejoint le cubo-futurisme russe qui est marqué par le cubisme. Par exemple en 1912, Kasilir Malevich, dans sa peinture The Knife-Grinder, a commencé à repenser l’interprétation du corps humain en déplaçant l’accent sur le temps et sur le mouvement à partir de la forme, du volume. Il a montré différentes étapes du même mouvement, comme la représentation séquentielle du corps humain dans un tableau.

Conclusion

En conclusion, à travers les connaissances de Roerich en préhistoire, Nijinsky a trouvé le nouveau style qui est tout à fait contraire à la base du ballet traditionnel. Le Sacre du printemps reflète le sacrifice non seulement de la préhistoire mais aussi l’atmosphère des foules avant la guerre. Également serait il possible d’approfondir la question du lien du cubisme avec ce ballet appelé « Cubist Dancing »  à partir de point de vue de la déshumanisation dans le pressentiment de la guerre ?

Notes:

1. W.Beaymont, Cyril. Michel Fokine and His Ballets, Londres,1935, (cité par Eksteins, Modris. Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité, Trans. Leroy-Battistelli, Martine. Paris : Plon, 1991, p.44.).
2. Hodson, Millicent,Nijinsky’s crime against grace : reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996,XXVII-205 p. : voir aussi p.103, «A Slavic idol, this nine foot high obelisk reflects earlier Russian pagan beliefs. The large figures at the tops probably sky gods, with a horse at the foot of one-dwarf the tiny men below, underworld demons crouch at the idol’s base.»

1.Kisselgoff, Anna. « Introduction » in Bronislava, Nijinska. (ed.), Nijinska, Irina. Rawlinson, Jean, Early Memoire,   NewYork : Holt, Rinehart and Winston, 1981, 448p. ( cité par Archer, Kenneth. Hodson, Millicent. The lost Rite: rediscovery of the 1913 Rite of spring, London : KMS, 2014,  p. 31).
2.Eksteins, Modris. Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité, Trans. Leroy-Battistelli, Martine. Paris : Plon, 1991, 424 p., p.55  « En 1828, dans le Code de Terpsichore, Carlo Blasis écrivait : « Veillez à ce que vos bras soient si arrondis que les pointes des coudes soient imperceptibles. »

1.Kenneth, Archer. Millicent, Hodson. The lost Rite: rediscovery of the 1913 Rite of spring, London : KMS, 2014, p.31.

2.Hodson, Millicent. Nijinsky’s crime against grace: reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps ,Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996, p.119.

3.Hodson, Millicent.Nijinsky’s Crime against grace, ibid. p.40, « Ritual of Abduction (Act I, Scene 2 ) at 37 in the orchestral score. ».

[fig] Kenneth, Archer. Millicent, Hodson. The lost Rite: rediscovery of the 1913, op.cit. p.33, « Costume design in tempera on paper by Nichoras Roerich for an Act 1 Maiden, Le Sacre du Printemps, Paris,1913″.

1.Girard, René. « Le Religieux, vraie science de l’homme Entretien avec Benoît Chantre », in La conversion de l’art, Paris,  Carnets Nord, 2008, p.222.
2.Millicent, Hodson. Nijinsky’s crime against grace: reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.), Pendragon, 1996. p.114

[fig.] Malevich, Kasimir. The Knife Grinder or Principle of Glitterin, 1912-13, Oil on canvas, 79.5 x 79.5 cm (31 5/16 x 31 5/16 in.), Yale University Art Gallery.

Bibliographie

Buckle, (Richard)., Diaghilev : biographie, traduit de l’anglais par Tony Mayer, Paris: J.-C. Lattès, 1980, 717 p.

Eksteins, (Modris)., Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité ;trad. de l’anglais par Martine Leroy-Battistelli, Paris:Plon, 1991, 424 p.

Girard, (René)., « Le religieux, vraie science de l’homme Entretien avec Benoît Chantre », in La conversion de l’art, Paris : Carnets Nord, 2008,287 p.

Kenneth,(Archer). Millicent,(Hodson)., The lost Rite: rediscovery of the 1913 Rite of spring, London : KMS, 2014, 266 p.

Millicent,(Hodson)., Nijinsky’s crime against grace: reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996, XXVII-205 p.

Nectoux, (Jean-Michel)., Après-midi d’un Faune Mallarmé, Debussy, Nijinsky,1989, Paris : Les Dossiers du musée d’orsay,64 p.

Wilfrid Dyson, (Hambly)., Tribal dancing and social development, Binsted :Noverre, 2009,296 p.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Est-ce qu’il y a une relation entre la chorégraphie de la danse du XX siècle et les idoles slaves en bois sculptées, typiques des communautés païennes dans le pré-christianisme russe ? Une problématique s’apparente au rapport entre préhistoire et modernité. En quoi le Sacre du printemps de 1913 recherchait-il le nouveau vocabulaire de la danse classique en consultant l’idée de préhistoire. D’abord nous voyons le contexte du retour à la préhistoire, ensuite le primitivisme dans cette danse enfin la manière dont elle reflète l’influence de l’âge de la pierre.

W.Beaymont, Cyril. Michel Fokine and His Ballets, Londres,1935, ( cité par Eksteins, Modris. Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité, Trans. Leroy-Battistelli, Martine. Paris : Plon, 1991, p.44.).
Hodson, Millicent,Nijinsky’s crime against grace : reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996,XXVII-205 p. : voir aussi p.103, «A Slavic idol, this nine foot high obelisk reflects earlier Russian pagan beliefs. The large figures at the tops probably sky gods, with a horse at the foot of one-dwarf the tiny men below, underworld demons crouch at the idol’s base.»

Voir par ailleurs:

Faut-il craindre la résurgence de virus et de bactérie disparus, avec le dégel du permafrost ?
Les réponses de Philippe Charlier, médecin légiste et archéo-anthropologue, Jean-Claude Manuguerra, virologiste, directeur de la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Cibu) de l’Institut Pasteur.
Recueilli par Laureline Dubuy
La Croix
02/12/2019

Faut-il craindre la résurgence de virus et de bactérie disparus, avec le dégel du permafrost ?

« Il y a un risque réel de propagation planétaire des agents infectieux »

Philippe Charlier, médecin légiste et archéo-anthropologue (1)

Le réchauffement climatique met au jour des restes d’humains, d’animaux et de végétaux conservés dans le permafrost, parfois depuis des centaines de milliers d’années. Les bactéries, les virus et les parasites qu’ils contiennent ne sont pas forcément morts avec leurs hôtes, ils sont pour beaucoup seulement endormis. Les virus semblent perdre en intensité avec la congélation et le temps, ce qui n’est pas le cas pour les bactéries. En 2016, une épidémie de la maladie du charbon (anthrax) a décimé les troupeaux de rennes en Sibérie. Les deux souches de ce bacille étudiées par les scientifiques remontaient au XVIIIe et au début du XXe siècle.

Le risque de propagation est bien réel. Pour l’instant, la résurgence se fait de manière locale, mais elle pourrait se répandre à l’ensemble de la planète. Avec la liquéfaction du permafrost, les agents infectieux peuvent migrer dans les eaux mais aussi s’agglomérer sous les semelles des chaussures. Car si les régions du Grand Nord abritent des populations parfois très isolées, elles attirent aussi des touristes, des scientifiques, des chasseurs de fossiles…

Il est indispensable que des précautions sanitaires drastiques soient prises pour éviter une éventuelle propagation. Aujourd’hui, trop peu de scientifiques s’y intéressent. Il y a pourtant une vraie urgence à prévoir l’avenir.

« Le danger serait de reconstituer des virus disparus à partir de virus morts »

Jean-Claude Manuguerra, virologiste, directeur de la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Cibu) de l’Institut Pasteur

Des épidémies peuvent toujours survenir, causées par des bactéries très résistantes, comme le charbon (anthrax), que l’on a retrouvé dans des cadavres d’animaux en Sibérie en 2016. Ces germes sont effectivement très robustes. Mais une épidémie de charbon s’arrête facilement. Les virus, eux, tels que nous les connaissons, ne sont pas très résistants. Il y a peu de risques qu’ils puissent être conservés au point d’être viables. Ils supportent difficilement les changements d’état. Pour qu’ils soient viables, il faudrait qu’il n’y ait jamais eu de décongélation et qu’ils soient récupérés à l’état congelé.

→ VIDEO. La fonte du pergélisol, bombe à retardement pour le climat

En revanche, le risque pourrait venir des expériences de l’homme. Le danger serait de pouvoir reconstituer des virus disparus à partir de virus morts. Ça a déjà été le cas. Des scientifiques ont prélevé des fragments du génome du virus de la grippe espagnole sur le cadavre d’un esquimau inuit. Ces fragments, associés à des échantillons d’hôpitaux, ont permis de reconstituer la séquence de ce virus disparu qui a décimé des populations.

Aujourd’hui, nous avons des outils très performants pour identifier les bactéries ou les virus et réagir rapidement. Le risque microbiologique venu de l’Arctique n’est pas le plus grand danger du réchauffement climatique, selon moi. Par exemple, le virus contemporain du chikungunya étend de plus en plus sa zone géographique avec l’augmentation des températures.

(1) Auteur avec David Alliot de « Autopsies des morts célèbres », éditions Tallandier, 272 p., 19,90 €

Voir enfin:

Changement climatique
CO2 et virus oubliés : le permafrost est « une boîte de Pandore »
Boris Loumagne
Radio France
15 décembre 2018

Vue aérienne de lacs formés par le dégel du pergélisol sibérien à Yamalo-Nenets, en Russie.

Vue aérienne de lacs formés par le dégel du pergélisol sibérien à Yamalo-Nenets, en Russie.

© Getty – Asahi Shimbun

Tandis que les règles d’application de l’accord de Paris ont été adoptées lors de la COP24 en Pologne, en Sibérie ou au Canada le pergélisol (permafrost en anglais) poursuit son dégel. Cette couche de sol renferme d’énormes quantités de carbone et des virus potentiellement dangereux pour l’Homme.

Les effets du réchauffement climatique sont multiples : hausse des températures, fontes des glaciers, hausse du niveau des mers, sécheresse, changements de la biodiversité, migrations humaines, etc. Parmi toutes ces catastrophes en cours ou à venir, il en est une majeure, qui se déroule en ce moment en Alaska, au Canada et en Russie. Selon les scénarios les plus optimistes, d’ici 2100, 30% du pergélisol pourraient disparaître. Entamé depuis plusieurs années, le dégel de cette couche géologique, composée de glace et de matières organiques, menace de libérer des quantités astronomiques de CO2, entraînant potentiellement un réchauffement climatique encore plus important et rapide que prévu. Le pergélisol préserve également de nombreux virus, oubliés ou inconnus. En 2016, un enfant a ainsi été tué par de l’anthrax. Le virus de la maladie du charbon avait été libéré suite au dégel d’un cadavre de renne vieux de 70 ans !

Pour étudier les risques liés au dégel du pergélisol, nous avons sollicité l’éclairage de deux spécialistes. Florent Dominé, d’une part, est chercheur, directeur de recherche au CNRS. Il travaille à l’Unité Mixte Internationale Takuvik, issue d’un partenariat entre l’Université Laval à Québec (Canada) et le Centre National de la Recherche Scientifique. Ses activités se concentrent essentiellement dans l’Arctique canadien où il travaille sur les problématiques climatiques et en particulier sur la transformation et le dégel du pergélisol. Sur place, il étudie également l’évolution de la végétation et de la biodiversité. Par ailleurs, concernant la question des virus, nous avons fait appel à Jean-Michel Claverie, professeur de médecine de l’Université Aix-Marseille, directeur de l’institut de Microbiologie de la Méditerranée et du laboratoire Information Génomique et Structurale. En 2014, lui et son équipe ont découvert deux nouveaux virus, des virus géants, datés de 30 000 ans, dans le pergélisol sibérien.

Un réservoir de gaz à effet de serre

Le pergélisol est un vaste territoire. Sa superficie est estimée entre 10 et 15 millions de mètres carrés (entre 20 et 30 fois la superficie de la France). On trouve du pergélisol au nord du Canada et de l’Alaska, ainsi qu’au nord de la Sibérie. Selon les zones, la profondeur de cette couche varie : de quelques mètres à environ un kilomètre dans certains points de la Sibérie où le pergélisol se maintient alors depuis des millions d’années. Selon certaines études, ces couches du sol renfermeraient des milliards de tonnes de carbone. Une analyse confirmée par le chercheur Florent Dominé :

Le pergélisol contient de la glace et de la matière organique issue essentiellement de la décomposition partielle des végétaux. Cette matière organique est formée en grande partie de carbone. Il y a environ deux fois plus de carbone dans le pergélisol que dans l’atmosphère. Ce carbone, quand il est gelé, est peu accessible à la minéralisation bactérienne. Les bactéries peuvent se nourrir de cette matière organique dès lors qu’elle est dégelée. Et là, les bactéries vont pouvoir la métaboliser et la transformer en CO2. Ce dioxyde de carbone va alors s’échapper dans l’atmosphère et potentiellement faire augmenter les teneurs de ce gaz à effet de serre.

En somme, le CO2 qui s’échappe dans l’atmosphère participerait au réchauffement climatique, qui lui même accélère la fonte du pergélisol. Toutefois, difficile de prévoir exactement quelle sera la quantité réelle de ces émissions, comme le rappelle Florent Dominé : « La fourchette serait comprise entre 50 et 250 milliards de tonnes de CO2. Mais il y a tellement de rétroactions qui n’ont pas encore été découvertes et qui n’ont pas été incluses dans les modèles, que toutes ces projections sont soumises à d’énormes incertitudes. Et puis il y a des incertitudes sur le processus inverse qui est celui de la fixation de matière organique, de carbone, par la végétation. Imaginons : si il fait plus chaud, la végétation pousse. La toundra herbacée est remplacée par de la toundra arbustive. Il y a plus de biomasse dans les arbustes que dans les herbes. Donc les sols arctiques vont servir de puits de carbone quand le pergélisol servira de source de carbone. Bref, il y a encore trop d’incertitudes. Mais quoiqu’il en soit, au nom de principe de précaution, il y a lieu de faire très attention à cette libération du carbone.« 

Florent Dominé, lors d'une étude du réchauffement du pergélisol, près de Kuujjuarapik, au Canada en décembre 2014
Florent Dominé, lors d’une étude du réchauffement du pergélisol, près de Kuujjuarapik, au Canada en décembre 2014

© AFP – Clément Sabourin

De plus, le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre que peut produire le pergélisol dégelé. « Quand la matière organique du pergélisol dégèle, détaille le chercheur_, et qu’il n’y a pas d’oxygène disponible parce que la zone est saturée en eau, alors à ce moment-là, on va avoir une fermentation bactérienne et donc_ une émission de méthane par le pergélisol. Le méthane est un gaz à effet de serre trente fois plus puissant que le CO2__. Toutefois, dans le pergélisol, il y a 100 fois moins de méthane que de CO2. » Du mercure a également été découvert dans certaines zones de l’Alaska mais d’après Florent Dominé, « le principal danger climatique reste le dioxyde de carbone« .

Biodiversité modifiée, infrastructures menacées

L’impact du dégel du pergélisol est donc potentiellement planétaire. Mais avant cela, les retombées négatives de ce réchauffement global se mesurent aussi localement. Dans les zones qui voient leur pergélisol dégeler, la biodiversité se modifie profondément. C’est ce qu’a constaté sur place Florent Dominé : « On a des changements phénoménaux dans les assemblages végétaux et dans les migrations d’espèces animales. Je travaille notamment près d’un village inuit, Umiujaq, au nord du Québec. Il y a 50 ans, la végétation était essentiellement composée de lichen à caribou. Désormais, c’est envahi par les bouleaux glanduleux, des bouleaux nains. Les renards arctiques ont disparu et ont été remplacés par des renards roux. Des orignaux commencent à arriver alors qu’avant ils étaient cantonnés plus au sud.« 

Ces changements d’éco-systèmes fondamentaux peuvent également s’accompagner de la disparation pure et simple d’espèces végétales. « Il y a également le danger, poursuit le chercheur, que des espèces cantonnées beaucoup plus au nord, au désert polaire  – certains types d’herbes ou de lichens – deviennent de plus en plus rares, voire même disparaissent avec le réchauffement climatique. »

A Newtok, en Alaska, des planches de bois ont été installées pour se déplacer sans s'enfoncer dans le permafrost dégelé
A Newtok, en Alaska, des planches de bois ont été installées pour se déplacer sans s’enfoncer dans le permafrost dégelé

© Getty – Andrew Burton

Localement, le dégel du pergélisol a également de lourdes conséquences sur les Hommes. Quand la glace du sol fond, cela peut conduire à un affaiblissement, voire à une destruction, des infrastructures bâties à une époque où le pergélisol était encore stable. « A Umiujaq, la route qui mène à l’aéroport s’est effondrée, se souvient Florent Dominé. A Iqaluit, la plus grande ville du territoire du Nunavut, la piste de l’aéroport a dû être refaite. A Salluit, à l’extrême nord du Québec, la caserne de pompier s’est effondrée. Et dans ce village construit quasiment entièrement sur une zone riche en glace et qui existe depuis des dizaines d’années, on parle de déménager tous les habitants. On en arrive à ces situations qui peuvent être dramatiques pour les populations locales. » L’une des missions du chercheur Florent Dominé est donc notamment d’encourager les populations locales à construire sur des zones rocheuses, parfaitement stables et sans risque.

Mines d’or et virus oubliés 

En découvrant dans une revue scientifique que des chercheurs russes étaient parvenus à faire ressusciter une espèce végétale prisonnière du pergélisol pendant 30.000 ans que le Professeur Jean-Michel Claverie s’est posé cette question : « Est-il possible de faire la même chose pour un virus ? » En 2014, le Pr Claverie et son équipe ont découvert deux virus géants, inoffensifs pour l’Homme, qu’ils ont réussi à réactiver : « Cette découverte démontre que si on est capable de ressusciter des virus âgés de 30.000 ans, il n’y a aucune raison pour que certains virus beaucoup plus embêtants pour l’Homme, les animaux ou les plantes ne survivent pas également plus de 30.000 ans.« 

Pour autant, nul besoin de replonger aussi loin dans le temps pour trouver des virus dangereux pour les espèces vivantes. En 2016 en Sibérie, des spores d’anthrax vieilles de 70 ans se sont libérées du cadavre d’un renne après le dégel d’une couche de permafrost. Cet épisode a causé la mort d’un enfant ; des milliers de rennes ont également été infectés. Un drame imputable au changement climatique selon le Pr Claverie : « On a beau dire que l’on a cloîtré un certain nombre d’agents bioterroristes comme la maladie du charbon (l’anthrax), mais l’on voit bien que chaque année, quand il y a un hiver un peu chaud en Sibérie, vous avez des épidémies gigantesques dans les troupeaux de rennes. Cela est lié au réchauffement climatique puisque ces étés chauds sont de plus en plus fréquents. Chaque été une couche du permafrost dégèle. Et cet été, en 2016, la couche dégelée a été plus profonde que les années précédentes.« 

Des centaines de soldats et de vétérinaires déployés en août 2016 pour stopper le virus de l'anthrax en Sibérie
Des centaines de soldats et de vétérinaires déployés en août 2016 pour stopper le virus de l’anthrax en Sibérie

© AFP – Maria Antonova

On éradique peut-être certains agents infectieux de la surface de la planète. Mais en profondeur, dans les endroits froids et très conservateurs comme le permafrost, il est probable qu’aucun de ces agents infectieux n’ait disparu. Pr Jean-Michel Claverie

Toutefois, aussi dramatiques que puissent être ces épidémies d’anthrax, les virus libérés par le réchauffement climatique sont ceux présents dans les couches superficielles du pergélisol. Ces agents infectieux sont donc les plus récents et ils sont par conséquence connus de la médecine moderne. C’est ce qui fait dire au Pr Claverie qu’en matière de virologie, ce dégel lent des couches superficielles n’est pas le danger le plus imminent : « A cause du réchauffement climatique, des routes maritimes sont désormais ouvertes six mois par an. Vous pouvez donc accéder assez facilement en bateau jusqu’à la Sibérie. Ces côtes et ces régions, auparavant désertiques, sont connus pour receler d’importants gisements de gaz et de pétrole ; il y a également beaucoup de métaux précieux comme l’or ou les diamants. Désormais ces zones peuvent être exploitées. Là est le danger ! Prenons les Russes. Ils installent des mines à ciel ouvert. Et ils retirent le pergélisol, parce que les minerais ne sont pas dans cette couche d’humus. Ces mines font 3 à 4 kilomètres de diamètre et jusqu’à un kilomètre de profondeur. On exhume alors du permafrost qui peut être âgé d’un million d’années. Et là on tripote des choses avec lesquelles on n’a jamais été mis en contact. C’est un peu la boîte de pandore. Et connaissant les Russes, ils ne prennent aucune précaution bactériologique, il n’y a aucun encadrement pour sécuriser au mieux ces mines. Les industriels n’extraient pas des minerais en situation de confinement biologique.« 

Une mine de diamant, dans l'est de la Sibérie. L'eau noire est la glace fondue du permafrost.
Une mine de diamant, dans l’est de la Sibérie. L’eau noire est la glace fondue du permafrost.

© Getty – Scott Peterson

Qui plus est, le danger est potentiellement partout dans le permafrost, car « même si l’on se limite à creuser jusqu’à 30 mètres de profondeur, ce qui équivaut à 30.000 ans et donc à la disparition de Neandertal, cela peut être dangereux. » Le professeur Claverie argue du fait que la cause de la disparition de Neandertal est inconnue : « Imaginons qu’il ait été tué par un virus particulier. On sait désormais que les virus peuvent survivre au moins 30.000 ans. Sauf que les médecins actuels n’ont jamais vu le type d’infections auxquelles devait faire face Neandertal. Il y a là un véritable danger, qui reste toutefois difficile à évaluer. » De plus, ce danger est renforcé par la volonté politique du président russe Vladimir Poutine d’exploiter industriellement cette région du globe. « Le changement climatique fournit des conditions plus favorables pour développer le potentiel économique de cette région » avait-il déclaré en mars 2017 à propos du nord de la Russie.

Voir enfin:

Justine Chevalier
DOCUMENT BFMTV. Lindsay, une collégienne de 13 ans scolarisée à Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, s’est suicidée le 12 mai dernier. Elle avait dénoncé un harcèlement, une situation pas suffisament prise en compte par l’établissement et les autorités selon ses proches.

« 13 ans pour toujours ». Le 12 mai dernier, Lindsay, une collégienne de 13 ans scolarisée à Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais, s’est suicidée à son domicile, après avoir été victime de harcèlement au collège et sur les réseaux sociaux. Sa famille dénonce aujourd’hui l’attitude de la direction de l’établissement, estimant que rien n’a été fait pour protéger leur fille.

« On veut des explications, en tant que parents, on doit avoir des réponses, on doit savoir ce qu’il s’est passé », insiste le beau-père de Lindsay sur BFMTV, appelant à ce que « justice soit faite ».

« Elle aimait s’instruire »

Lindsay était élève au collège Bracke-Desrousseaux. Ce sont ses proches qui ont découvert son corps le 12 mai.

« Lindsay, c’était une petite fille joyeuse, souriante, agréable, très serviable, qui s’occupait très très bien de ses petits frères. Toujours là pour nous donner un petit coup de main. Elle aimait s’instruire », témoigne sur BFMTV le beau-père de Lindsay.

Ce mercredi 24 mai, date de l’anniversaire de Lindsay, une marche blanche a été organisée devant le collège par la famille et les proches de l’adolescente. Ils souhaitaient alerter sur le phénomène du harcèlement scolaire dont était victime la jeune fille. « Elle avait des rêves qui sont maintenant gâchés », déplore sur BFMTV son oncle Corentin.

Harcelée depuis septembre

Selon la famille de Lindsay, l’adolescente était victime de harcèlement depuis la rentrée de septembre dernier par d’autres collégiennes, qui se matérialisait par des insultes puis un harcèlement en ligne sur les réseaux sociaux.

« Elle se faisait harceler dans la rue, à l’école, chez elle… », s’indigne l’oncle de la jeune fille.

Ce harcèlement régulier s’est accentué au mois de février, alors que le mal-être de l’adolescente semble lui aussi se renforcer. À cette époque, une bagarre de plusieurs minutes éclate au sein de l’établissement entre Lindsay et une autre jeune fille. La scène est filmée et circule sur les réseaux sociaux. Cette bagarre vaudra une sanction aux deux collégiennes.

Cette situation a été dénoncée auprès de la direction de l’établissement. La mère de Lindsay a porté plainte à deux reprises au mois de février. Sa grand-mère découvre une « lettre d’adieu » rédigée par l’adolescente à la même époque, elle décide alors de se tourner vers Emmanuel Macron pour le sensibiliser à ce que vit sa petite-fille.

« On a signalé les faits, que ce n’était pas une histoire banale, mais c’est resté sans réponse », déplore le beau-père de l’adolescente.

La veille de son suicide, Lindsay a été victime d’un malaise au collège qui avait nécessité l’intervention des pompiers.

Une adolescente « habituée aux insultes »

Alertée de la situation dans laquelle vivait Lindsay en début d’année, la direction du collège a lancé une commission « harcèlement ». Des entretiens avaient été menées avec la victime, la famille, différents élèves.

« La seule réponse qu’on a eu de la part du principal, c’était ‘confisquez le téléphone de votre fille et ça s’arrêtera’, on s’est demandé si ce n’était pas une farce », dénonce le beau-père de la collégienne, qui en appelle aux autorités pour prendre des « mesures » contre le phénomène de harcèlement scolaire.

« Des sanctions adéquates ont été prononcées » assure le ministère de l’Éducation nationale contacté par BFMTV, sans donner plus de détails et rappelant qu’une enquête judiciaire est en cours.

Lindsay, elle, n’a jamais souhaité changer de collège, se disant « habituée » aux insultes, selon son oncle. « On savait qu’elle se battait avec ces filles-là, mais après quand on la voyait elle était tout le temps en train de rigoler, elle était toujours joyeuse », témoigne une collégienne.

« Le harcèlement à l’école est un fléau que nous devons combattre collectivement: pour le bien-être de nos élèves, pour leur sécurité, pour le vivre-ensemble. En remettant aujourd’hui le prix ‘Non au Harcèlement’, je pense à Lindsay, sa famille, ses amis », a écrit Pap Ndiaye mercredi soir sur Twitter.

Une cellule de soutien a été mise en place au sein du collège depuis le décès de Lindsay.

L’émotion et la colère sur les réseaux sociaux

Sur TikTok, l’émotion est très grande. Ce jeudi matin, les douze vidéos les plus vues sur la page d’accueil du réseau social étaient liées à Lindsay. Restée jusqu’alors confidentielle, l’affaire du suicide de la jeune fille est désormais largement relayée.

« Depuis des mois, elle se plaint d’être harcelée, humiliée, torturée au quotidien et aujourd’hui à 13 ans elle a mis fin à ses jours », ne décolère pas Ramous, suivi par 1,4 million d’abonnés sur TikTok.

Le nom d’une jeune fille considérée comme l’une des harceleuses de Lindsay a été révélé sur les réseaux sociaux.

Depuis février 2022, les peines en cas de harcèlement scolaire ont été alourdies. Il peut entraîner une peine de dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire.


Enseigne « Au Nègre joyeux »: Dernier inventaire avant liquidation (What wokism gone mad when after years of vandalizing, an 1897 Paris sign representing a black free man in full aristocratic gear proudly being served by a white maid is permanently taken down for anti-black racism ?)

6 juillet, 2021

Pour le retour du « Nègre Joyeux » place de la Contrescarpe – SOS Paris Au Nègre joyeux — Wikipédiahttps://www.latribunedelart.com/IMG/jpg/negre_joyeux-2.jpg?41745/a13aca87f3611bd912a9ffdead5183f6d3345afdhttps://france3-regions.francetvinfo.fr/image/e3VBv-e6PSQKegElj3NkUkj8snQ/1200x900/regions/2020/06/09/5edf7d857b8ec_maxbestof002495-4260711.jpgMarcel Dorigny : «A Paris, il faudrait redonner du sens plutôt qu'effacer les noms» – Libérationhttps://jcdurbant.files.wordpress.com/2021/07/b17b4-dsc_2180.jpg

Paris-bise-art : Salle des ventes... Pour un banc public...
Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Candide (Voltaire, Chapitre XIX, 1759)
Debout ! les damnés de la terre ! Debout ! les forçats de la faim ! La raison tonne en son cratère, C’est l’éruption de la fin. Du passé faisons table rase, Foule esclave, debout ! debout ! Le monde va changer de base : Nous ne sommes rien, soyons tout ! C’est la lutte finale Groupons-nous, et demain, L’Internationale, Sera le genre humain. Eugène Pottier (1871)
Te rends-tu compte que le passé a été aboli jusqu’à hier ? S’il survit quelque part, c’est dans quelques objets auxquels n’est attaché aucun mot, comme ce bloc de verre sur la table. Déjà, nous ne savons littéralement presque rien de la Révolution et des années qui la précédèrent. Tous les documents ont été détruits ou falsifiés, tous les livres récrits, tous les tableaux repeints. Toutes les statues, les rues, les édifices, ont changé de nom, toutes les dates ont été modifiées. Et le processus continue tous les jours, à chaque minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe qu’un présent éternel dans lequel le Parti a toujours raison. Je sais naturellement que le passé est falsifié, mais il me serait impossible de le prouver, alors même que j’ai personnellement procédé à la falsification. La chose faite, aucune preuve ne subsiste. La seule preuve est à l’intérieur de mon cerveau et je n’ai aucune certitude qu’un autre être humain quelconque partage mes souvenirs. De toute ma vie, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de tenir la preuve réelle et concrète. Des années après. Winston (1984, George Orwell)
Qui contrôle le passé contrôle l’avenir; qui contrôle le présent contrôle le passé, répéta Winston obéissant. George Orwell (1984)
Avec la conception et la naissance, les parents n’ont pas seulement donné la vie à leurs enfants ; ils les ont en même temps introduits dans un monde. En les éduquant, ils assument la responsabilité de la vie et du développement de l’enfant, mais aussi celle de la continuité du monde. (…) L’enfant a besoin d’être tout particulièrement protégé et soigné pour éviter que le monde puisse le détruire. Mais ce monde aussi a besoin d’une protection qui l’empêche d’être dévasté et détruit par la vague des nouveaux venus qui déferle sur lui à chaque nouvelle génération. (…) Il me semble que le conservatisme, pris au sens de conservation, est l’essence même de l’éducation, qui a toujours pour tâche d’entourer et de protéger quelque chose, – l’enfant contre le monde, le monde contre l’enfant, le nouveau contre l’ancien, l’ancien contre le nouveau (…) C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice ; elle – doit protéger cette nouveauté et l’introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux qui, si révolutionnaire que puissent être ses actes, est, du point de vue de la génération suivante, suranné et proche de la ruine. (…) La crise de l’autorité dans l’éducation est étroitement liée à la crise de la tradition, c’est-à-dire à la crise de notre attitude envers tout ce qui touche au passé. Pour l’éducateur, cet aspect de la crise est particulièrement difficile à porter, car il lui appartient de faire le lien entre l’ancien et le nouveau : sa profession exige de lui un immense respect du passé. Pendant des siècles, c’est-à-dire tout au long de la période de civilisation romano-chrétienne, il n’avait pas à s’aviser qu’il possédait cette qualité, car le respect du passé était un trait essentiel de l’esprit romain et le Christianisme n’a ni modifié ni supprimé cela, mais l’a simplement établi sur de nouvelles bases. (…) L’éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité et, de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C’est également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun. Hannah Arendt (1949)
Un charmant tableau sous verre représentant une dame de l’époque 80 attablée devant une orgie de sucreries, tandis que le nègre en culotte donne libre cours à sa gaîté. Claude Blanchard (Le Petit Parisien, 1931)
Un serveur noir, au large sourire, en culotte et bas blancs à la française qui tient une carafe et s’apprête à verser quelque nectar à une dame assise à table. Jean Ferniot (1995)
Un noir souriant, serviteur ou esclave, est habillé en valet avec des bas blancs et une culotte rayée. Le Nègre Joyeux sert une dame bien habillée attablée devant un service à thé. Catherine-Alice Palagret (2011)
Une femme de la haute société se fait servir à table par celui qui est visiblement son domestique, un Noir, au sourire béat. Julien Badaud (Le Nouvel Obs, 2011)
Le tableau représente Zamor serviteur de Madame du Barry (…) un homme noir, debout, souriant et habillé en valet, servant une femme blanche, assise. Thierry Depeyrot (Histoire & Histoires, 2016
Au Nègre Joyeux, une grande enseigne qui date de la fin du XVIIIe siècle, est bien en vue dans un quartier très touristique de Paris, en France. Il n’y a pas de plaque historique d’accompagnement pour expliquer sa provenance ou sa signification, et les sources sur la pièce sont aussi bien contradictoires que suspectes. Je soutiens que cette enseigne n’est pas seulement vécue comme anti-noir au quotidien, mais est en fait précisément cela: anti-noir. Non seulement l’enseigne renforce les représentations stigmatisantes des personnes racialisées comme noires (donc « n » en minuscule), une telle imagerie visuelle, déguisée en art public, nie également toute notion de cécité raciale en France, passée et présente. Trica Keaton (
Pendant la période 39-45, il y avait des affiches sur les Juifs. Aujourd’hui il n’y en a plus aucune. Qu’il en soit de même pour nous ! (…) On nous dit constamment que la violence ne sert à rien, mais par rapport à la question raciale c’est malheureusement par les émeutes que les choses changent. Franco
Il faut faire remonter les choses à un service organisé comme nous le faisons. S’ils veulent nous en informer, il n’y a aucun problème ! Sammy Ghozlan (Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme)
Comment des parents peuvent expliquer à leurs enfants ces enseignes? Ils se retrouveraient face à une contradiction: pourquoi afficher dans les rues des expressions péjoratives!  (…) L’ensemble de la société devrait être concerné par le combat du nègre joyeux. François Durpaire (historien français)
Ici, l’homme vêtu d’un costume datant du 18e siècle, qui s’apprête à se servir « joyeusement », est une représentation parodique inversant cette image courante d’un serviteur noir. Une telle iconographie témoigne des clichés et des stéréotypes racistes répandus à la fin du 19e siècle. Proposition d’inscription pour plaque explicative
Une étude historique sur l’œuvre est programmée pour établir un dossier exhaustif sur l’origine et l’histoire de la boutique et de son enseigne. Il s’agit en effet d’actualiser ou de compléter l’inventaire des collections publiques liées à l’histoire de l’esclavage, de la traite négrière et de leurs abolitions, suite aux travaux du 1er récolement décennal des collections des musées de France. Mairie de Paris
N’étant pas en adéquation avec les valeurs antiracistes portées par notre époque et notre ville, celle-ci ne saurait demeurer dans l’espace public.  La Ville de Paris ne saurait remettre dans l’espace public cette enseigne publicitaire au titre choquant et indéniablement raciste. Karen Taieb (Mairie de Paris)
Le Noir porte la tenue des aristocrates de la fin de l’ancien régime, composée de mocassins à boucles, de bas, d’une culotte et d’une veste de velours jaune évoquant l’or. La culotte est cousue d’un tissu blanc rayé de rouge dont était également faite les pantalons courts des esclaves dans les colonies des Antilles, évoquant ainsi la condition des ancêtres de l’homme noir devenu libre depuis l’abolition de l’esclavage en 1848. Cette représentation d’un gentilhomme noir appartient à l’iconographie des Noirs libres des colonies des Antilles : esclaves affranchis, mulâtres ou quarterons. Objets du mépris des Blancs, les Noirs libres adoptaient alors les habits élégants des maîtres européens, se démarquant par le costume des individus réduits en esclavage. Réalisée en 1897, soit 50 ans après l’abolition de l’esclavage, l’enseigne du « Nègre joyeux » représente ainsi un Noir libre selon des codes de représentation appartenant à l’époque de l’esclavage. Une serviette blanche est nouée autour du cou du gentilhomme noir, mettant en valeur son visage rieur, ainsi que son regard sortant du champ du tableau afin d’interpeller directement le passant. Le Noir libre est ici le consommateur des produits provenant des colonies. (…) S’étant relevé de sa chaise, le gentilhomme noir brandit une carafe en verre remplie d’un alcool jaune et désigne de sa main sa tasse. Il débarrasse ainsi la table de cette carafe afin de permettre la dépose du plateau, à la surprise de la serveuse qui esquisse un sourire à cet aimable consommateur. (…) Cet objet mobilier historique possède ainsi un fort intérêt patrimonial. Son exposition dans l’espace public doit s’accompagner d’une médiation à destination des passants, développant les thématiques de l’histoire de l’épicerie du 14 rue Mouffetard, de la représentation des Noirs dans les publicités anciennes, et de l’évolution de l’utilisation du mot « nègre » dans la société française depuis la fin du 19e siècle. Matthieu Couchet
Non seulement cette scène n’est pas une représentation dépréciative pour l’homme de couleur, mais elle symbolise un Noir libre (il ne pouvait en être autrement, cinquante ans après l’abolition de l’esclavage), en habit de gentilhomme, heureux d’être servi d’une tasse de chocolat par une serveuse blanche. Il n’y a pas le début de commencement de racisme dans cette scène, mais manifestement, dès qu’il est question d’un Noir – rappelons que le terme « Nègre », à l’époque, n’avait pas l’aspect fortement insultant et péjoratif qu’il a aujourd’hui – la Mairie de Paris sort cette carte de sa poche. Car contrairement à ce qui avait été promis par des politiques dont on connaît la propension à multiplier les contre-vérités, l’enseigne n’a jamais été remise en place. Et désormais, il n’en est plus question comme la nouvelle adjointe au patrimoine, Karen Taïeb, l’a expliqué aux copropriétaires de l’immeuble. (…) En supprimant cette enseigne de l’espace public, la mairie ne fait que poursuivre son plan, qui apparaît assez méthodique, d’éliminer des rues parisiennes tout ce qui peut d’une façon ou d’une autre rappeler la seconde moitié du XIXe siècle, ce que l’on constate quotidiennement dans la disparition du mobilier urbain. Mais ici, certains s’inquiétant de la disparition de l’enseigne, on utilise le politiquement correct le plus grotesque combiné à la mauvaise foi la plus absolue, qui fait passer une scène bien anodine pour le parangon d’un racisme qui ne relève que de la plus parfaite « infox », puisqu’il s’agit désormais du mot à la mode. Où se trouve le racisme ? Chez ceux qui souhaitent le retour de cette enseigne, ou chez ceux qui ne peuvent supporter la représentation d’un Noir buvant du chocolat ? Chez ceux qui s’appuient sur des travaux historiques insoupçonnables (et commandés par la Mairie de Paris), ou chez ceux qui réécrivent l’histoire ? Didier Rykner
Le sens d’un mot et, a fortiori, ses différentes connotations, ne s’apprécie que contextuellement et historiquement. Pour savoir dans quel esprit et quelle intention l’enseigne « Au nègre joyeux » a été créée en 1897, il convient de retracer l’évolution du mot « nègre » au XIXe siècle. (…) En 1897, l’empire colonial français est largement africain et comprend outre l’Afrique occidentale et Madagascar, les anciennes colonies esclavagistes (Antilles et Réunion), la Tunisie, la Nouvelle Calédonie, l’Indochine. C’est dire que le mot « nègre » et ses usages vont renvoyer à des situations géographiques, historiques et sociales très différentes mais qui vont se contaminer. Et pour compliquer un peu plus le problème, il faut ajouter l’importation moins du mot lui-même que des valeurs qui ont cours en quelque sorte chez nos voisins et rivaux : Espagnols, Portugais, puis Anglais et Nord-Américains. La globalisation actuelle n’arrange rien qui projette sur le passé des catégories et surtout des jugements anachroniques. D’où ces actes de vandalisme à l’égard de ce pauvre « nègre » dont le principal tort est sans doute d’être donné comme « joyeux ». Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le mot « nègre » est quasiment le mot usuel. Savoir s’il est péjoratif ou non est difficile à apprécier. Il est évident qu’il renvoie à l’esclavage. S’il est bien question de « race », il n’est pas raciste au sens où nous l’entendons. Car la grande idée des Lumières qui va inspirer le progressisme jusqu’à nos jours, c’est que la « race » n’explique rien, ne détermine rien. Un « nègre » éduqué, vivant dans de bonnes conditions, est aussi « civilisé » qu’un Européen blanc. Le tout est de le sortir de l’esclavage qui l’avilit et en fait une sous-homme. Au demeurant, c’est le même processus déshumanisant pour le « blanc » aliéné qui travaille la terre ou en usine. Le Chevalier de Saint-Georges est l’exemple type du « fort potentiel » d’un « nègre » émancipé : Né en 1739 à Basse-Terre d’une esclave d’origine sénégalaise et d’un planteur noble, Joseph Bologne de Saint-George, plus connu sous le nom de « chevalier de Saint-George » est vite adopté par l’aristocratie parisienne pour ses multiples talents : escrimeur, danseur, séducteur, et surtout musicien, Il passe pour le rival de Mozart, Il devient le premier Noir franc-maçon de France. Nommé directeur de l’Opéra royal par Louis XVI, il doit renoncer face au refus de deux cantatrices d’être dirigées par un… mulâtre. Il se bat en duel contre le chevalier d’Eon, avant de s’engager corps et âme pour la Révolution : il crée alors un régiment de Noirs et de métis, la légion de Saint-George. Trois ans après sa mort en 1799, Napoléon rétablit l’esclavage. Contre exemple, le « nègre républicain », Zamor (1762-1820), page de la comtesse Du Barry, qui, avili par elle, va la dénoncer et finir mal famé dans la misère malgré sa bonne volonté républicaine. (…) « Nègre » vient du latin « niger » qui a donné notamment : « nero » en italien, « noir » en français « negro » en espagnol et portugais, « negre » en occitan (le e occitan se prononce [é]) Le nom commun français « nègre » vient du portugais et désigne un « homme noir » (autre dénomination) ».« denigrare » (rendre noir, noircir) puis, au sens figuré on employait l’expression « denigrare famam » : noircir la réputation (de quelqu’un) (le latin a donné l’ancien français fame et fameux, mots passés en anglais : fame, famous). (…) Dans les pays d’Oc, de l’Andorre aux Alpes-Maritimes, en passant par les Cévennes, de nombreux noms de lieux portent le nom de « Nègre ». Citons, par exemple : 
- le Mourre Nègre, point culminant du Lubéron (1125 m) , Le Cap Nègre sur la Côte des Maures… le Soudan est le pays des noirs. Ce nom vient de l’arabe balad as-sūdān : pays (cf. bled) des noirs (pluriel de aswad : noir) C’est le nom que les Arabes ont donné à la Nubie. Après l’abolition de l’esclavage qui ne distingue aucune « race » particulière et s’applique à tous, le mot prend une connotation raciale, voire raciste. Il faut alors nettement distinguer « nègre » et « noir ». Le mot « noir », surtout adjectif associé à « homme » est positif qui rattache bien le « noir » à l’humanité, sans distinction de couleur. (…) Le « nègre» [de l’enseigne] fête manifestement son émancipation par la colonisation française qui, on l’oublie, a aboli l’esclavage dans toutes les colonies françaises. D’où son habit XVIIIe siècle inspiré par celui du Chevalier de Saint-Georges. Il est donc « joyeux » et semble bien inviter la servante à participer à sa joie. Evidemment, le message est ambigu et, à la lumière, si l’on peut dire, de la réalité du colonialisme et du nouvel esclavagisme qu’il a instauré en remplaçant l’esclave par un travailleur (mal) salarié, ou par un petit exploitant exploité et spolié, cette célébration a un goût aussi amer que le café dont il est le faire-valoir. Y ajouter du sucre ne fait que creuser la différence entre la réalité et le discours. Ce qu’enseigne cette enseigne ? C’est la vérité de la phrase du « nègre » de Surinam dans Candide de Voltaire : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ». Reste à savoir si le fait de vandaliser et détruire ce témoignage de notre passé résoudra ce douloureux problème. Effacer le mot « nègre » de nos usages actuels ne semble pas non plus une solution. Mieux vaudrait remplacer cette éradication par une explication comme cette modeste mise en perspective a tenté de le faire. Françoise Chenet
Après l’avoir conservée et régulièrement restaurée à ses frais durant une soixantaine d’années, notre copropriété a fait don de l’enseigne à la Ville de Paris en 1988, sous condition de son maintien en place et de son entretien. C’est la raison pour laquelle l’enseigne figure aujourd’hui dans les collections du Musée Carnavalet -qui est consacré à l’histoire de Paris et de ses habitants. (…) L’enseigne a été décrochée le 26 mars 2018 pour partir en restauration. Elle devait être remise en place à peine deux mois plus tard, le 14 ou le 22 mai 2018. Mais elle n’est pas revenue…  (…) La façade fait alors la réclame des produits vendus dans la boutique, selon une démarche commerciale moderne qui sera popularisée par le développement de la publicité murale au début du 20e siècle. L’épicerie fine des Lenglet est spécialisée dans la vente de produits exotiques, principalement importés des colonies: le café, bien sûr, mais aussi le chocolat, le thé, la vanille, le poivre, le tapioca. On y trouve aussi des produits locaux comme de la chicorée, des pâtes, des vins, des liqueurs mais également des confitures et des dragées de baptême. (…) Nombreux sont les journalistes, les blogueurs et les écrivains qui l’ont décrit: «un charmant tableau sous verre représentant une dame de l’époque 80 attablée devant une orgie de sucreries, tandis que le nègre en culotte donne libre cours à sa gaîté» (…) La scène se passe dans un intérieur bourgeois parisien de la deuxième moitié du 19ème siècle, meublé d’une table et de deux chaises. Au dessus d’un sous-bassement en boiseries bordeaux, les murs sont couverts d’un papier-peint foncé typique de l’époque. Le portrait d’un homme chapeauté et moustachu s’en détache, appuyé sur deux branches de canne-à-sucre disposées en croix. Le parquet à l’anglaise est éclairé par une grande fenêtre garnie de voilages en dentelle blanche et encadrée d’épais rideaux de velours rouge sombre bordés de petits pompons. Au centre de la composition et au premier plan, la table couverte d’une nappe blanche brodée présente élégamment des produits qu’on peut acheter dans l’épicerie des Lenglet. On y voit aussi deux tasses à café. Dans ce décor, au premier plan à gauche, un homme noir, très élégant, est le personnage principal du tableau, comme l’indique son titre «Au Nègre Joyeux». Il est habillé à la façon des aristocrates de la fin du 18ème siècle : une veste de velours jaune aux reflets dorés, une culotte de soie blanche rayée de rouge, des bas blancs et des souliers à boucles serties de strass. L’historien Matthieu Couchet, qui a produit une étude historique sur l’enseigne en avril 2018 à la demande du Musée Carnavalet, explique que cette tenue est typique des Noirs libres des Antilles au XVIIIe siècle. Il appuie notamment son analyse sur l’œuvre du peintre Agostino Brunias. Ce dernier a réalisé de nombreux tableaux décrivant la société dominicaine de son époque ; les hommes libres de couleur de la Dominique s’habillaient à la manière des maîtres blancs pour se différencier des esclaves. On remarque aussi qu’une grande serviette de table blanche est nouée autour du cou de notre Nègre Joyeux et le désigne ainsi sans ambiguïté comme un consommateur. Il brandit, dans sa main gauche, une carafe remplie d’un liquide ambré -un alcool, très certainement. Debout, de trois-quarts contre la table, le regard tourné vers le spectateur, il semble l’inviter à s’asseoir en sa compagnie pour prendre un café arrosé de liqueur. (…) l’autre personnage de l’image (…) est une femme, blanche, vêtue d’une robe bleue aux manches «gigot» caractéristiques de la mode de 1897. Elle porte une coiffe de dentelle blanche sur ses cheveux relevés en chignon, un tablier blanc assorti épinglé sur sa poitrine, et elle tient un plateau sur lequel sont posés une cafetière et un sucrier en argenterie. Autrement dit: c’est une serveuse! Elle en a tous les attributs. D’après sa taille, elle semble assise à table, mais d’après sa position, elle ne peut être que debout. Il n’y aurait pas de cohérence à porter un plateau en étant assise. D’ailleurs, le fait que le dossier de chaise soit visible à côté d’elle indique qu’elle n’est pas assise sur cette chaise. L’illusion vient de ce que le peintre a commis une maladresse en la peignant : il n’a pas respecté la règle classique des proportions du corps qui veut qu’un corps mesure sept têtes. Dans les archives de Madame Christmann, un reçu rédigé sur le papier à en-tête de l’épicerie nous permet d’observer un dessin au trait reprenant les éléments présents dans le tableau de l’enseigne. La vignette située en haut à gauche du document montre la même scène que la peinture, réduite et simplifiée. Probablement réalisée par un autre artiste que l’auteur du tableau de l’enseigne, car relevant d’une technique graphique adaptée à l’imprimerie (gravure), elle présente des différences avec le tableau et sa lisibilité nous permet de mieux comprendre ce qui est représenté sur la toile. Dans ce dessin, les proportions des personnages respectent le canon classique, et on remarque que l’éloignement de la femme est plus évident. Sa silhouette est plus petite que celle de l’homme ; elle est en cohérence avec sa position derrière la table, au second plan. On remarque qu’ainsi dessinée, la femme nous apparaît sans ambiguïté comme étant debout. (…) L’enseigne «Au Nègre Joyeux» nous présente donc un homme noir en train de déguster des produits de l’épicerie spécialisée du même nom, servis par une femme blanche. Il me semble que l’homme noir est ici évocateur de l’exotisme et de la provenance des produits des colonies, comme une sorte d’allégorie. Sa tenue n’évoque pas l’esclavage mais la liberté, cinquante ans après l’abolition définitive de l’esclavage et dans un quartier résolument populaire et républicain. Pourquoi nous sommes-nous donc trompés dans la lecture de cette image? Voici plusieurs explications : Elle est accrochée en hauteur, à plusieurs mètres de distance des observateurs. De plus, elle est présentée sous un verre qui est certes protecteur, mais qui n’est pas antireflet ; si bien que les conditions d’observation sont plutôt mauvaises. Dans la grande majorité, les Noirs représentés dans les publicités coloniales ont un rôle de serviteur ou de domestique, voire d’esclave selon l’époque. L’amalgame entre ce Noir exceptionnel et la règle des Noirs exploités se fait spontanément dans notre esprit. L’erreur de proportion de la femme laisse penser qu’elle est attablée, donc consommatrice. Le petit panneau «Maison fondée en 1748» sur la façade de la maison voisine nous induit en erreur. C’est le dernier vestige de la Charcuterie Labonde, située jadis au N°12 de la rue Mouffetard. Nous l’associons à l’enseigne «Au Nègre Joyeux» sans même réaliser qu’il n’est pas sur le même immeuble et il nous ramène à une période bien antérieure à la date de l’abolition de l’esclavage. Revêtant dans un emploi actuel des notions exclusivement péjoratives, le mot «Nègre» dans le titre influence notre entendement. En 1897, il avait un sens bien plus large que maintenant (cf. les Arts Nègres). Dans une perspective historique, le réduire à la désignation des esclaves ou à une insulte est une erreur car il a évoqué longtemps un peuple, sa culture et son histoire. Notre langue et notre culture ont évolué au fil de ces 120 dernières années, notamment sous l’influence nord-américaine, et le nouveau vocabulaire entre parfois en conflit avec l’origine latine de notre langue. (…) Le 25 septembre 2017, Madame Raphaëlle Primet prend la parole au Conseil de Paris pour proposer un amendement au vœu du groupe Communiste – Front de Gauche de la création un musée de l’esclavage. Elle demande le retrait de l’espace publique de l’enseigne «Au Nègre Joyeux» et son placement dans ce musée de l’esclavage, au motif que celle-ci «piétine les valeurs de paix, de solidarité internationale et de fraternité» et «fait honte à la Ville de Paris». Elle décrit l’objet comme suit: «le tableau dépeint un homme noir souriant, habillé tel un valet, debout et servant une femme blanche d’une classe sociale élevée et assise». Bruno Julliard, alors 1er adjoint et également adjoint au patrimoine, exprime son désaccord et préfèrerait faire un acte pédagogique d’explication à côté de l’enseigne in situ. En toute incohérence, il émet cependant un avis favorable au nom de l’exécutif, et la proposition du voeu de dépose de l’enseigne est adoptée. (…) Le 17 octobre 2017, je remets une étude historique que j’ai réalisée sur l’enseigne au cabinet de Bruno Julliard afin de lui signaler que l’observation et les conclusions qui fondent la proposition de l’amendement du groupe Communiste – Front de gauche sont erronées. Ma recherche est transmise en interne aux divers services concernés. En conséquence, une réunion a lieu le 13 février 2018, réunissant toutes les parties: le Musée Carnavalet, la Mairie de Paris, la Mairie du 5ème, le Comité d’histoire de Paris, notre copropriété, le collectif porteur du budget participatif pour la restauration, le maintien en place et la plaque explicative, etc. Madame Véronique Levieux, qui succède à Monsieur Bruno Julliard comme adjointe au Patrimoine, déclare qu’elle va faire annuler l’amendement de dépose en faisant voter un vœu de maintien in situ de l’enseigne, qu’à cette fin cette dernière devra être retirée temporairement de la façade pour être restaurée, et qu’elle sera remise en place deux mois plus tard à son endroit d’origine. Une plaque explicative, dont le contenu sera déterminé par une étude historique commandée sans tarder à un historien du patrimoine, viendra apporter les explications nécessaires à sa valorisation et sa compréhension. C’est cette décision officielle écrite qui motive notre copropriété à autoriser la dépose de l’enseigne le 26 mars 2018, afin que celle-ci puisse bénéficier d’une restauration plus que nécessaire et très attendue. Le 2 mai 2018, les équipes du Musée Carnavalet annoncent que la restauration du bandeau porteur des lettres nécessite plus de temps que prévu mais que le ré-accrochage aura lieu avant la fin de l’année 2018. L’étude historique commandée par le Musée Carnavalet à l’historien Matthieu Couchet est prête et elle confirme ma propre étude, insistant sur le fait que cette enseigne doit être maintenue à sa place et doit être accompagnée d’explications pour mettre en valeur sa rareté et son intérêt. En avril 2019, encore une nouvelle adjointe au Patrimoine, Madame Karen Taïeb, déclare à notre copropriété que l’enseigne ne sera pas reposée sur notre façade, conformément à l’amendement du groupe Communiste – Front de gauche voté initialement ! Balayant d’un revers de la main toutes les études, toutes les réunions et tous les accords négociés depuis des mois entre les parties, elle décrète que cette enseigne est raciste et que la Mairie de Paris veut retirer de l’espace public les mots et objets de patrimoine qui rappellent l’esclavage. Elle annonce que la toile peinte sera exposée dans les collections permanentes du Musée Carnavalet, lorsqu’il aura ré-ouvert. Le bandeau porteur des lettres, qu’elle juge «indéniablement choquant et raciste», sera, lui, conservé dans les réserves du musée. Au mépris des conclusions de l’étude historique officielle de Monsieur Matthieu Couchet, pourtant commandée par le Musée Carnavalet afin de pouvoir justement rédiger une plaque explicative sur l’enseigne, Madame Karen Taïeb veut que soit installée sur la place de la Contrescarpe une plaque portant le texte suivant: Ce texte a été rédigé par un «comité scientifique ad hoc réuni par le Comité d’Histoire de la Ville de Paris». Loin de décrire objectivement l’enseigne, il se trompe sur la nature du commerce référent, ne parle pas du rôle de chaque personnage, ne nous apporte aucune information historique, ni même ne mentionne la présence de la femme dans l’image. Il procède en revanche à une habile torsion de la vérité par l’emploi de mots-clés (surlignés en vert dans le texte) qui construisent une image mentale dans laquelle l’homme noir est maltraité (esclavage, racisme) et confiné dans un rôle de service. Madame Karen Taïeb précise de surcroît que la photo de la façade prise par Eugène Atget en 1908 sera reproduite à côté de ce texte. Le choix de cette photo, certes pertinent pour montrer la façade de l’immeuble, ne permet cependant en rien d’examiner l’enseigne et rend impossible le jugement du passant. En outre, au lieu de relever le caractère exceptionnel d’un homme noir dans le rôle du consommateur et la convivialité remarquable entre Noir et Blanche dans cette publicité, ce texte nie la réalité de la scène en évoquant la parodie ; il gomme également son intérêt en niant ses particularités et en en faisant un échantillon banal des publicités coloniales représentant des Noirs (…). Ce faisant, la Mairie de Paris recolle systématiquement sur l’enseigne « Au Nègre Joyeux » l’image raciste à laquelle elle est attachée, alors que la vapeur des études historiques avaient commencé à la décoller. Ce texte n’est donc, en fait d’explication, qu’une sombre épitaphe. Le corps de l’enseigne a disparu de son espace, démembré. Ses morceaux ont été dispersés. Les informations diffusées par la Ville à son sujet sont diverses (…) mais toutes éloignées de l’étude historique de Matthieu Couchet qui devait faire référence. Il faudra, après cet effacement, être un fin limier pour retrouver la véritable histoire de l’enseigne « Au Nègre Joyeux ». Charlotte Pouzadoux

Après le vandalisme universitaire et le vandalisme de rue, le vandalisme d’Etat !

A l’heure où de nos universités à nos entreprises

Et entre ostracisation, autocritiques publiques et stages de rééducation idéologique, la nouvelle religion contre-raciste « woke » continue à faire ses ravages

Et où entre cuisine française, concours de beauté ou bancs publics parisiens

Ou même le régime méditerranéen

La liquidation de notre patrimoine continue …

Comment s’étonner encore …

De l’incroyable contre-sens …

Après la fatwa d’une universitaire américaine

Et le vandalisme de rue …

Consistant pour cause de prétendu racisme à démanteler et mettre aux poubelles de l’histoire

Pardon: à « actualiser ou compléter l’inventaire des collections publiques liées à l’histoire de l’esclavage, de la traite négrière et de leurs abolitions »…

Sous la forme d’un tableau d’un Noir libre en tenue d’aristocrate

Vantant fièrement les produits exotiques de la maison que lui apporte sur un plateau d’argent une serveuse blanche

Une véritable ode en fait 50 ans après …

A l’abolition de l’esclavage ?

Mais comment aussi ne pas s’inquiéter …

Du danger que représente ce vandalisme épistémologique devenu désormais vandalisme d’Etat …

Pour la transmission de cette « continuité du monde » …

Qu’Hannah Arendt plaçait, on s’en souvient, au centre de l’éducation de nos enfants…

Et sans laquelle il ne saurait y avoir de monde commun ?

Enseigne « Au Nègre Joyeux » : la Mairie de Paris réarrange l’histoire à sa façon

Didier Rykner
La Tribune de l’art

Dans un article paru en novembre 2017, nous expliquions ce que toute personne de bonne foi peut constater elle-même en regardant attentivement l’image : l’enseigne « Au Nègre joyeux », qui se trouvait rue Mouffetard et qui avait été vandalisée à plusieurs reprises, bien loin de représenter une scène raciste ou colonialiste, montrait en réalité un jeune noir buvant du chocolat, qui lui est servi par une jeune femme blanche. Jamais il n’est question ici d’un serviteur noir qui servirait une blanche. Et quand bien même cela aurait été le cas, il s’agit d’une enseigne du XIXe siècle qui méritait, tout au plus, une explication du contexte dans lequel elle avait été créée. Le vœu du Conseil de Paris, voté en septembre 2017, de retirer cette enseigne de sa façade, était donc absurde

En mars 2018, nous publiions une brève indiquant que cette enseigne serait finalement restaurée par le Musée Carnavalet, et remise en place, avec une plaque explicative. Ceci était le résultat d’une réunion organisée par la Mairie de Paris, en liaison avec la mairie du Ve arrondissement, qui avait pu constater l’inanité des accusations portées contre cet objet historique. La repose de l’enseigne devait avoir lieu, selon le compte-rendu de la réunion, le 14 ou le 22 mai 2018. On apprenait également à l’occasion de ce compte-rendu qu’« une consultation auprès de spécialistes a[vait] été lancée par le Musée Carnavalet en vue d’une étude historique de l’enseigne. Les conclusions de cette étude ainsi que la proposition de plaque explicative à apposer à proximité de l’enseigne lors de la repose seront partagées avec les participants à la réunion et les associations déjà consultées auparavant sur ce projet ».
Cette étude historique sur cet immeuble et sur l’enseigne, commandée à un historien du patrimoine, Matthieu Couchet, s’est terminée en avril 2018. Au terme d’une enquête très fouillée et documentée, celui-ci a remis un rapport de pas moins de 57 pages, y compris les annexes. Son interprétation, qui se base sur des faits et sur les archives qu’il a pu consulter, est la suivante, et va même encore au-delà de ce que nous avions écrit, et qu’il faut lire entièrement : « Le Noir porte la tenue des aristocrates de la fin de l’ancien régime, composée de mocassins à boucles, de bas, d’une culotte et d’une veste de velours jaune évoquant l’or. La culotte est cousue d’un tissu blanc rayé de rouge dont était également faite les pantalons courts des esclaves dans les colonies des Antilles, évoquant ainsi la condition des ancêtres de l’homme noir devenu libre depuis l’abolition de l’esclavage en 1848. Cette représentation d’un gentilhomme noir appartient à l’iconographie des Noirs libres des colonies des Antilles : esclaves affranchis, mulâtres ou quarterons. Objets du mépris des Blancs, les Noirs libres adoptaient alors les habits élégants des maîtres européens, se démarquant par le costume des individus réduits en esclavage. Réalisée en 1897, soit 50 ans après l’abolition de l’esclavage, l’enseigne du « Nègre joyeux » représente ainsi un Noir libre selon des codes de représentation appartenant à l’époque de l’esclavage. Une serviette blanche est nouée autour du cou du gentilhomme noir, mettant en valeur son visage rieur, ainsi que son regard sortant du champ du tableau afin d’interpeller directement le passant. Le Noir libre est ici le consommateur des produits provenant des colonies. […] S’étant relevé de sa chaise, le gentilhomme noir brandit une carafe en verre remplie d’un alcool jaune et désigne de sa main sa tasse. Il débarrasse ainsi la table de cette carafe afin de permettre la dépose du plateau, à la surprise de la serveuse qui esquisse un sourire à cet aimable consommateur. »

La conclusion de l’historien – mandaté, rappelons-le, par la Mairie de Paris elle-même – était claire, et confortait la décision prise en mars : « Cet objet mobilier historique possède ainsi un fort intérêt patrimonial. Son exposition dans l’espace public doit s’accompagner d’une médiation à destination des passants, développant les thématiques de l’histoire de l’épicerie du 14 rue Mouffetard, de la représentation des Noirs dans les publicités anciennes, et de l’évolution de l’utilisation du mot « nègre » dans la société française depuis la fin du 19e siècle. »

Ainsi, non seulement cette scène n’est pas une représentation dépréciative pour l’homme de couleur, mais elle symbolise un Noir libre (il ne pouvait en être autrement, cinquante ans après l’abolition de l’esclavage), en habit de gentilhomme, heureux d’être servi d’une tasse de chocolat par une serveuse blanche. Il n’y a pas le début de commencement de racisme dans cette scène, mais manifestement, dès qu’il est question d’un Noir – rappelons que le terme « Nègre », à l’époque, n’avait pas l’aspect fortement insultant et péjoratif qu’il a aujourd’hui – la Mairie de Paris sort cette carte de sa poche.

Car contrairement à ce qui avait été promis par des politiques dont on connaît la propension à multiplier les contre-vérités, l’enseigne n’a jamais été remise en place. Et désormais, il n’en est plus question comme la nouvelle adjointe au patrimoine, Karen Taïeb, l’a expliqué aux copropriétaires de l’immeuble.

En avril 2019, alors qu’elle était parfaitement au courant de cette affaire, de la promesse de la ville datant de mars 2018 et du rapport de l’historien commandé par ses services, elle a écrit au syndic des copropriétaires que « n’étant pas en adéquation avec les valeurs antiracistes portées par notre époque et notre ville, celle-ci ne saurait demeurer dans l’espace public » et que « la Ville de Paris ne saurait remettre dans l’espace public cette enseigne publicitaire au titre choquant et indéniablement raciste ».

Elle donne ensuite le texte de la plaque qui serait, affirme-t-elle, posée sur l’immeuble pour rappeler l’existence de l’enseigne. On pourra notamment y lire ceci : « Ici, l’homme vêtu d’un costume datant du 18e siècle, qui s’apprête à se servir « joyeusement », est une représentation parodique inversant cette image courante d’un serviteur noir. Une telle iconographie témoigne des clichés et des stéréotypes racistes répandus à la fin du 19e siècle. »

Pour justifier cette décision, l’adjointe au maire se retranche derrière la résolution du Conseil de Paris datant d’octobre 2017, qui n’était plus d’actualité, et jette à la poubelle le rapport historique qui avait été commandée à un historien indépendant, se retranchant derrière le fait que cette plaque serait rédigée par « les historiens de la Ville », dont on ne saura pas qui ils sont, et dont imagine l’indépendance dont ils ont pu disposer.

En supprimant cette enseigne de l’espace public, la mairie ne fait que poursuivre son plan, qui apparaît assez méthodique, d’éliminer des rues parisiennes tout ce qui peut d’une façon ou d’une autre rappeler la seconde moitié du XIXe siècle, ce que l’on constate quotidiennement dans la disparition du mobilier urbain. Mais ici, certains s’inquiétant de la disparition de l’enseigne, on utilise le politiquement correct le plus grotesque combiné à la mauvaise foi la plus absolue, qui fait passer une scène bien anodine pour le parangon d’un racisme qui ne relève que de la plus parfaite « infox », puisqu’il s’agit désormais du mot à la mode. Où se trouve le racisme ? Chez ceux qui souhaitent le retour de cette enseigne, ou chez ceux qui ne peuvent supporter la représentation d’un Noir buvant du chocolat ? Chez ceux qui s’appuient sur des travaux historiques insoupçonnables (et commandés par la Mairie de Paris), ou chez ceux qui réécrivent l’histoire ?

Une pétition a été mise en ligne que vous pouvez signer ici, si vous le souhaitez.

Voir de même:

« Au Nègre Joyeux » n’est pas une enseigne raciste

Didier Rykner
L’iconoclasme n’est pas mort. C’est ainsi qu’une des rares enseignes anciennes encore présente sur un immeuble parisien, celle appelée « Au Nègre Joyeux [1] » place de la Contrescarpe dans le cinquième arrondissement de Paris (ill. 1 et 2), est vandalisée depuis de nombreuses années (ill. 3), et a été la cible, alors qu’elle se trouve ici depuis plus d’un siècle, d’organisations diverses qui ont demandé à la Ville de Paris qu’elles soit enlevée, un vœu que le Conseil de Paris a voté. L’enseigne devrait être déposée au Musée Carnavalet (à qui elle appartient [2]) pour y être présentée. Personne ne pense d’ailleurs sérieusement qu’elle le sera, d’autant que le nombre d’œuvres exposées lors de la réouverture de ce musée sera inférieur à celui qu’il était à sa fermeture.

Même si cette enseigne représentait ce que la plupart des journaux a écrit, c’est-à-dire un noir, serviteur ou esclave, servant une femme de la haute bourgeoisie, cela ne justifierait pas à notre sens d’enlever une enseigne qui fait partie de l’histoire de Paris. L’esclavage a existé, c’est une réalité, et vouloir le cacher est la meilleure façon d’oublier que cela est arrivé.

Mais il s’avère, comme nous l’a démontré de façon particulièrement rigoureuse Charlotte Pouzadoux, présidente du conseil syndical de l’immeuble, que la réalité est tout autre. Elle précise d’abord que cette enseigne, dont les habitants de l’immeuble étaient propriétaires, avait été donnée à la Ville en 1988 en échange d’une restauration qu’ils n’étaient pas en mesure de mener. Celle-ci fut faite en 2002

Elle explique ensuite, documents, photos et archives à l’appui que contrairement à ce qui se dit, la maison « Au Nègre Joyeux » n’a pas été fondée en 1748 mais en 1897, succédant à une épicerie. Qu’il ne s’agissait pas d’une chocolaterie mais d’un magasin vendant du café (une plaque avec la mention « Cafés » existait au dessus de l’ancienne encore sur une photographie de 1960 – ill. 4). Et que, surtout, l’enseigne ne montre absolument pas une scène où un noir servirait sa maîtresse blanche, bien au contraire. Il suffit d’ailleurs d’avoir des yeux pour en être convaincu [3]. Celle qui sert est bien la femme, qui porte le plateau avec la cafetière, le sucrier et les gâteaux [4]. Et celui qui va consommer est bien l’homme noir, sa serviette autour du cou, qui avance la main vers la tasse à café et brandit une carafe de l’autre main, sans doute du rhum avec lequel il va arroser son café. La femme, qui porte un tablier et une coiffe, est vêtue comme une servante. Elle ne peut donc en aucune manière figurer Madame du Barry comme certains l’affirment sans aucune preuve et contre toute évidence. Si le « nègre » – terme qui au XIXe siècle était le seul à désigner un homme noir et n’avait pas la connotation raciste qu’on lui associe aujourd’hui en France – est « joyeux », c’est qu’on lui sert un café et des gâteaux, qu’il va l’arroser de rhum.

Nous citerons enfin ce qu’écrit Charlotte Pouzadoux pour conclure son plaidoyer pour cette enseigne, qui est d’ailleurs partagé selon elle par les copropriétaires de l’immeuble qui souhaitent que celle-ci reste en place et soit restaurée : « Cette enseigne, rare survivante parmi la multitude de panneaux qui décoraient jadis les façades des maisons de ce quartier, a résisté à 12 décennies, soit à 5 générations, tout en restant à son emplacement d’origine.
Traversant les époques, du haut de sa façade, cette « vieille dame » aura été le témoin des bals du 14 juillet, des liesses célébrant les victoires de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, de l’excitation des passages au XXème puis au XXIème siècle. Elle continue à veiller sur les réunions conviviales quotidiennes de gens venus de tous horizons, de toutes origines et de tous milieux. Exposée aux intempéries, restaurée à maintes reprises et conservée sur son mur par notre copropriété bien au-delà de l’existence du commerce du même nom, elle n’a jamais subi autant de manifestions de violences que ces dix dernières années. 
La condamnation de cette enseigne par des gens qui ne la regardent même pas m’apparaît comme un marqueur de la régression de la bienveillance, de la tolérance et de la culture qui caractérise notre société actuelle. […] Sur cette petite place charmante, bordée de cafés, et qui est le point de rencontre de tous types de populations – étudiante, touristique, familiale, aisée ou modeste, française ou étrangère – « Au Nègre Joyeux » nous donne à voir une scène de convivialité dénuée de pensées négatives et en parfaite adéquation avec son environnement. La convivialité, ce mot d’origine latine « convivere », « vivre ensemble » – si à la mode en ce moment –, est une tradition de notre quartier.
C’est aussi pour ces valeurs et pas seulement pour son charme que cette enseigne est appréciée de tous ceux qui la regardent dans sa vérité. Retirer cette enseigne de son environnement laisserait triompher l’exclusion aveugle et injustifiée autant que la négation de notre tradition et de notre art de vivre. En défendant son maintien, la Ville peut saisir une formidable opportunité de proclamer le « vivre-ensemble » et de renforcer sa position culturelle.
 »

Il ne s’agit ici que de bon sens. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’adjoint à la Maire de Paris, Bruno Julliard, avec qui nous sommes souvent en désaccord, semble lui aussi regretter cette chasse à l’enseigne alors qu’il ne remettait même pas en cause sa fausse interprétation : « Je ne pense pas que le meilleur travail pédagogique soit d’effacer ces traces et de les réserver à un musée » a-t-il déclaré, ce qui ne l’a cependant pas empêché de voter pour son retrait par crainte d’une éventuelle « instrumentalisation » d’un refus (lire ici). Nul doute désormais que la démonstration imparable de Charlotte Pouzadoux, dont il a eu connaissance, ne lui permette comme il en a exprimé le souhait de « revenir dans quelques mois devant le Conseil de Paris avec une proposition consensuelle » qui ne peut être que de laisser l’enseigne en place, de la restaurer, et pourquoi pas d’installer non loin de celle-ci un texte explicatif pour expliquer aux mal comprenants (soyons aussi politiquement correct) pourquoi cette enseigne historique ne doit pas bouger. Interrogée par nos soins, la Mairie de Paris a répondu qu’« une étude historique sur l’œuvre est programmée pour établir un dossier exhaustif sur l’origine et l’histoire de la boutique et de son enseigne ». Elle ajoute qu’« il s’agit en effet d’actualiser ou de compléter l’inventaire des collections publiques liées à l’histoire de l’esclavage, de la traite négrière et de leurs abolitions, suite aux travaux du 1er récolement décennal des collections des musées de France ». Espérons que le bon sens sera revenu lorsque l’étude historique aura confirmé ce que nous avançons ici, et avant que la dépose ne soit effectuée (sa date n’est pas encore fixée).

Notes

[1Il s’agit d’une huile sur toile d’environ 142 x 171 cm, protégée par un caisson en verre.

[2Elle porte sur les inventaires du Musée Carnavalet le numéro EN 185.

[3Signalons cependant ce site, qui rétablit les faits, et la page de Wikipedia qui, après avoir longtemps été erronée, a été justement corrigée en septembre (sauf sur l’historique).

[4Addendum : les gâteaux sont déjà posés sur un drageoir.

Voir également:

A Paris, des associations noires demandent le retrait de la fresque « Au Nègre Joyeux ». Classée « monument historique » seul le ministre pourrait la retirer; mais elle est introuvable dans les registres du ministère de la Culture.

« Il faut l’enlever ! A la rigueur l’envoyer dans des musées pour rappeler l’Histoire raciste de la France mais c’est inacceptable ! » Franco, le leader de la Brigade Anti-Négrophobie est remonté comme un coucou quand StreetPress évoque avec lui la fresque « Au Nègre Joyeux » qui orne une des façades de la place de la Contrescarpe à Paris dans le Vème arrondissement.Objet du scandale: L’enseigne coloniale « Au Nègre Joyeux » qui surplombe le supermarché G20 du 12 rue Mouffetard. L’écriteau de 5 mètres de large est accompagné d’une fresque datée du XVIIIème siècle où un esclave au sourire béat apporte à une maîtresse sévère son déjeuner. «Une attaque du fondement de l’identité nègre !» pour le militant. Tous les samedis depuis 3 semaines, son association la Brigade Anti-Négrophobie réunit une trentaine de personnes au pied de l’immeuble pour une manifestation silencieuse.Bim, bam, boum Deux impacts de jets de pierre ont brisé en plein centre la vitre de plexiglas censée protéger la fresque. « Ça arrive très souvent ! » rigole la caissière de la supérette située juste en dessous de l’enseigne. Franco et la Brigade Anti-Négrophobie réfutent toute responsabilité:« Ce n’est pas nous qui avons lancé des projectiles. Mais je comprends totalement le geste ! Il n’est pas normal de ne pas s’offusquer devant une telle affiche. »Rokhaya, Patrick et SammyL’association demande le retrait de la fresque. Ou au moins qu’un panneau explicatif soit installé pour effectuer « un travail de sensibilisation ». « Il n’est pas acceptable que survive sans explications dans la Cité une représentation neutre voire complaisante de l’esclavage » lit-on dans un communiqué publié sur le site du collectif Cités en mouvement, mobilisé avec l’Alliance Noire Citoyenne.« Pendant la période 39-45, il y avait des affiches sur les Juifs. Aujourd’hui il n’y en a plus aucune. Qu’il en soit de même pour nous ! », argumente Franco. Même le Cran de l’ancien UDF Patrick Lozès y est allé de son petit mot chez Rue89 et les Indivisibles de Rokhaya Diallo ont rejoint la Brigade Anti-Négrophobie dans la lutte. Plus funky le soutien de Sammy Ghozlan du Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme qui propose son aide: « Il faut faire remonter les choses à un service organisé comme nous le faisons. S’ils veulent nous en informer, il n’y a aucun problème ! » Mazel Tov.Mais à qui appartient l’enseigne ? En attendant de réfléchir à « une démarche de contentieux » Charles Morel, l’avocat des associations Alliance Noire Citoyenne et Cités en mouvement, a écrit le 29 septembre à Frédéric Mitterrand:« Comme l’enseigne est un monument historique: seule la préfecture peut la retirer ou la modifier. Mais on a interpellé le ministre pour qu’il se saisisse du problème et utilise son pouvoir d’évocation » explique t-il joint par StreetPressProblème: « Aucune trace » du « Nègre Joyeux » dans le registre national des monuments historiques. Pire l’enseigne n’a pas l’air d’exister pour l’administration française. Au bureau de protection des monuments historiques qui dépend du ministère de la Culture « on pense qu’elle est sous le contrôle du service de la Conservation régionale des monuments historiques » qui conseille lui de s’adresser aux architectes des bâtiments de France … qui n’en savent rien du tout … Ah si ! « Peut-être qu’elle a été inscrite pendant les campagnes de protection des devantures dans les années 60 et 70 … Mais je n’ai pas la liste ! » Bon courage à la Brigade.

Le point de vue de François Durpaire

« Placées dans des musées »

Pour l’historien François Durpaire il ne fait aucun doute que les enseignes coloniales n’ont plus leur place dans les rues de Paris. « Comment des parents peuvent expliquer à leurs enfants ces enseignes? Ils se retrouveraient face à une contradiction: Pourquoi afficher dans les rues des expressions péjoratives! »

Le président du Mouvement Pluricitoyen voit dans la Brigade Anti-Négrophobie et son action «  l’embryon » d’une « communauté noire qui n’existe pas » et dont il souhaite l’existence. Sur les positions plutôt radicales de Franco et sa troupe: « Ça s’explique ! Est-ce que ce que vous percevez comme une sorte de repli n’est pas à comprendre comme une volonté de mobiliser une communauté qui ne l’est pas ? »
Le spécialiste des États-Unis estime néanmoins que « l’ensemble de la société devrait être concerné par le combat du nègre joyeux ».

Des émeutes dans le 5ème ? Monument ou pas: Franco n’est pas prêt à lâcher l’affaire. « On va continuer jusqu’à ce que le gouvernement entende raison … ou que notre endurance en prenne un coup ». En cas de statu quo l’ancien rappeur du groupe La Brigade n’exclue pas de sortir l’échelle pour déloger l’enseigne de force:

« On nous dit constamment que la violence ne sert à rien, mais par rapport à la question raciale c’est malheureusement par les émeutes que les choses changent. »

Avant de sortir les cocktails molotov, son avocat-militant Charles Morel préfère mobiliser. « Nous allons interpeller Bertrand Delanöé si blocage il y a ». Une copie de la lettre adressée à Frédéric Mitterrand a déjà été envoyée au maire du Vème Jean Tiberi et au préfet de Paris. Samedi 15 octobre peut-être qu’ils seront un peu plus nombreux devant le G20 de la place de la Contrescarpe.

Voir de plus:

« Ce qu’enseignent les enseignes »
Victor Hugo, Le Rhin, Lettre VI
Usages et mésusages du mot « nègre » en français
Françoise Chenet
Quartier latin.Paris
20 novembre 2019

Le sens d’un mot et, a fortiori, ses différentes connotations, ne s’apprécie que contextuellement et historiquement. Pour savoir dans quel esprit et quelle intention l’enseigne « Au nègre joyeux » a été créée en 1897, il convient de retracer l’évolution du mot « nègre » au XIXe siècle. Rappelons que ce siècle a vu l’abolition progressive de l’esclavage dans tous les pays du monde, de 1792 par le Danemark à la « loi d’Or » du 13 mai 1888 au Brésil. En France, après avoir été aboli par la Révolution en 1794 puis rétabli par Napoléon en 1802, la loi du 27 avril 1848, sous la deuxième République, l’abolit définitivement.

Mais, en contrepoint, la France se lance dans l’aventure coloniale avec la conquête de l’Algérie en 1830-1847 puis celle de l’Afrique subsaharienne, dite Afrique noire, principalement. Le 28 juillet 1885, Jules Ferry dans un grand discours pour financer une expédition à Madagascar et imposer le protectorat français va se faire le théoricien de ce nouveau colonialisme, en fait, impérialisme. En 1897, l’empire colonial français est largement africain et comprend outre l’Afrique occidentale et Madagascar, les anciennes colonies esclavagistes (Antilles et Réunion), la Tunisie, la Nouvelle Calédonie, l’Indochine. C’est dire que le mot « nègre » et ses usages vont renvoyer à des situations géographiques, historiques et sociales très différentes mais qui vont se contaminer. Et pour compliquer un peu plus le problème, il faut ajouter l’importation moins du mot lui-même que des valeurs qui ont cours en quelque sorte chez nos voisins et rivaux : Espagnols, Portugais, puis Anglais et Nord-Américains.

La globalisation actuelle n’arrange rien qui projette sur le passé des catégories et surtout des jugements anachroniques. D’où ces actes de vandalisme à l’égard de ce pauvre « nègre » dont le principal tort est sans doute d’être donné comme « joyeux ».
Pour y voir un peu plus clair, ces quelques textes et références pour comprendre comment nous en sommes arrivés là.

Du Nègre des Lumières au nègre romantique

Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le mot « nègre » est quasiment le mot usuel. Savoir s’il est péjoratif ou non est difficile à apprécier. Il est évident qu’il renvoie à l’esclavage. S’il est bien question de « race », il n’est pas raciste au sens où nous l’entendons. Car la grande idée des Lumières qui va inspirer le progressisme jusqu’à nos jours, c’est que la « race » n’explique rien, ne détermine rien. Un « nègre » éduqué, vivant dans de bonnes conditions, est aussi « civilisé » qu’un Européen blanc. Le tout est de le sortir de l’esclavage qui l’avilit et en fait une sous-homme. Au demeurant, c’est le même processus déshumanisant pour le « blanc » aliéné qui travaille la terre ou en usine.
Le Chevalier de Saint-Georges est l’exemple type du « fort potentiel » d’un « nègre » émancipé :
Né en 1739 à Basse-Terre d’une esclave d’origine sénégalaise et d’un planteur noble, Joseph Bologne de Saint-George, plus connu sous le nom de « chevalier de Saint-George » est vite adopté par l’aristocratie parisienne pour ses multiples talents : escrimeur, danseur, séducteur, et surtout musicien, Il passe pour le rival de Mozart, Il devient le premier Noir franc-maçon de France. Nommé directeur de l’Opéra royal par Louis XVI, il doit renoncer face au refus de deux cantatrices d’être dirigées par un… mulâtre. Il se bat en duel contre le chevalier d’Eon, avant de s’engager corps et âme pour la Révolution : il crée alors un régiment de Noirs et de métis, la légion de Saint-George. Trois ans après sa mort en 1799, Napoléon rétablit l’esclavage.

Contre exemple, le « nègre républicain », Zamor (1762-1820), page de la comtesse Du Barry, qui, avili par elle, va la dénoncer et finir mal famé dans la misère malgré sa bonne volonté républicaine.
Victor Hugo dans cet extrait de Bug Jargal (1826) donne un tableau intéressant sur les différentes nuances du mot « nègre » suivant le degré de métissage, à la même période, en fait 1830. Il s’agit de la révolte de Saint-Domingue en 1791. G. Biassou, 1741-1801 est un personnage historique :
« — Général ! excellence ! monseigneur ! reprit le chef d’un air impatienté ; tu es un aristocrate !
— Oh ! vraiment non ! s’écria le citoyen général ; je suis bon patriote de 91 et fervent négrophile !…
— Négrophile, interrompit le généralissime ; qu’est-ce que c’est qu’un négrophile ?…
— C’est un ami des noirs, balbutia le citoyen.
— Il ne suffit pas d’être ami des noirs, repartit sévèrement Biassou, il faut l’être aussi des hommes de couleur. »
Je crois avoir dit que Biassou était sacatra.
« Des hommes de couleur, c’est ce que je voulais dire, répondit humblement le négrophile. Je suis lié avec tous les plus fameux partisans des nègres et des mulâtres… »
Biassou, heureux d’humilier un blanc, l’interrompit encore :
« Nègres et mulâtres ! qu’est-ce que cela veut dire ? Viens-tu ici nous insulter avec ces noms odieux, inventés par le mépris des blancs ? Il n’y a ici que des hommes de couleur et des noirs, entendez-vous, monsieur le colon ?
— C’est une mauvaise habitude contractée dès l’enfance, reprit C*** ; pardonnez-moi, je n’ai point eu l’intention de vous offenser, monseigneur…
[…]
« Hélas ! dit enfin le citoyen général, vous me jugez bien mal, noble défenseur des droits imprescriptibles de la moitié du genre humain… »
Dans l’embarras de donner une qualification quelconque à ce chef qui paraissait les refuser toutes, il avait eu recours à l’une de ces périphrases sonores que les révolutionnaires substituent volontiers au nom et au titre de la personne qu’ils haranguent.
Biassou le regarda fixement et lui dit :
« Tu aimes donc les noirs et les sang-mêlés ?
— Si je les aime ! s’écria le citoyen C*** ; je corresponds avec Brissot et… »
Victor Hugo, Bug Jargal, 1826

Des Maures aux Noirs :

Outre la concurrence dans ce texte mais aussi dans la langue entre le mot « nègre » et le mot « noir » (j’y reviendrai) pour désigner la même couleur de peau sans plus de distinction, on notera que ces mots ont remplacé une autre catégorie plus nettement géographique : le « maure » :
« Maure/More » = noir, sombre. Désignait les populations noires de l’Afrique septentrionale, l’actuel Maghreb. Toute la région était alors habitée par des populations noires africaines. Les romains nommaient la région la Maurétanie, le pays des maures. Il était limité au Nord par la Méditerranée, au Sud le pays des Getudes, à l’Ouest par l’Atlantique, enfin à l’Est par la Numidie.
La présence des Maures est attestée en Europe au début de l’empire romain, bien avant l’arrivée des Arabes, qu’ils appelaient les Sarrasins. On peut donc dire que la différence entre Maures et Arabes était visible physiquement. Les Maures faisaient partie de la légion romaine, qui récompensaient leur meilleurs légionnaires en leur offrant des colonies dans les territoires conquis.
Le Maure est représenté dans la peinture romantique de façon valorisante. Prince, guerrier, il est toujours en situation de domination. Dans le drame de Shakespeare, Othello, le « Maure de Venise », traite d’égal à égal avec la République de Venise qui en a fait son général. C’est au XIXe siècle et aux jeunes Etats-Unis d’Amérique, esclavagistes, qu’est jugée scandaleuse son union avec une femme blanche (voir Stendhal).
Ces définitions étymologiques et historiques du mot « nègre » montrent la concurrence  au moins dans la toponymie actuelle:

« Nègre » vient du latin « niger » qui a donné notamment :
« nero » en italien, « noir » en français « negro » en espagnol et portugais, « negre » en occitan (le e occitan se prononce [é])
Le nom commun français « nègre » vient du portugais et désigne un « homme noir » (autre dénomination) ».
« denigrare » (rendre noir, noircir) puis, au sens figuré on employait l’expression « denigrare famam » : noircir la réputation (de quelqu’un) (le latin a donné l’ancien français fame et fameux, mots passés en anglais : fame, famous).

« Nègre », un nom de lieu:
Dans les pays d’Oc, de l’Andorre aux Alpes-Maritimes, en passant par les Cévennes, de nombreux noms de lieux portent le nom de « Nègre ». Citons, par exemple : 
- le Mourre Nègre, point culminant du Lubéron (1125 m) , Le Cap Nègre sur la Côte des Maures…
le Soudan est le pays des noirs. Ce nom vient de l’arabe balad as-sūdān : pays (cf. bled) des noirs (pluriel de aswad : noir) C’est le nom que les Arabes ont donné à la Nubie.

Après l’abolition de l’esclavage qui ne distingue aucune « race » particulière et s’applique à tous, le mot prend une connotation raciale, voire raciste. Il faut alors nettement distinguer « nègre » et « noir ». Le mot « noir », surtout adjectif associé à « homme » est positif qui rattache bien le « noir » à l’humanité, sans distinction de couleur.

Le « Nègre » colonial…
L’article de Pierre Larousse nous apparaît très choquant. Il l’est objectivement mais il reflète bien l’état des mentalités même chez un progressiste. Pour comprendre en quoi il est progressiste, il faut revenir au « Nègre des Lumières » : le « nègre », c’est le « noir » non civilisé, encore « sauvage » et à éduquer. C’est toute la différence avec le racisme qui assigne à la couleur de la peau et à la « race » qu’elle est censée définir, et donc à une origine ethnique et biologique, une nature indépassable :

Article « nègre-négresse » du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse :
« C’est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche. Quelques rares exemples ne suffisent point pour prouver l’existence chez eux de grandes facultés intellectuelles. Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c’est qu’ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche, et comme, dans toute la série animale, l’intelligence est en raison directe des dimensions du cerveau, du nombre et de la profondeur dés circonvolutions, ce fait suffit pour prouver la supériorité de l’espèce blanche sur l’espèce noire.
Mais cette supériorité intellectuelle, qui selon nous ne peut être révoquée en doute, donne-t-elle aux blancs le droit de réduire en esclavage la race inférieure? Non, mille fois non. Si les nègres se rapprochent de certaines espèces animales par leurs formes anatomiques, par leurs instincts grossiers, ils en diffèrent et se rapprochent des hommes blancs sous d’autres rapports dont nous devons tenir grand compte. Ils sont doués de la parole, et par la parole nous pouvons nouer avec eux des relations intellectuelles et morales, nous pouvons essayer de les élever jusqu’à nous, certains d’y réussir dans une certaine limite.

Du reste, un fait physiologique que nous ne devons jamais oublier, c’est que leur race est susceptible de se mêler à la nôtre, signe sensible et frappant de notre commune nature. Leur infériorité intellectuelle, loin de nous conférer le droit d’abuser de leur faiblesse, nous impose le devoir de les aider et de les protéger. »

Cet article nous mène au contexte exact de l’enseigne « Au nègre joyeux » dont il permet une interprétation nuancée :
Le « nègre » fête manifestement son émancipation par la colonisation française qui, on l’oublie, a aboli l’esclavage dans toutes les colonies françaises. D’où son habit XVIIIe siècle inspiré par celui du Chevalier de Saint-Georges. Il est donc « joyeux » et semble bien inviter la servante à participer à sa joie.
Evidemment, le message est ambigu et, à la lumière, si l’on peut dire, de la réalité du colonialisme et du nouvel esclavagisme qu’il a instauré en remplaçant l’esclave par un travailleur (mal) salarié, ou par un petit exploitant exploité et spolié, cette célébration a un goût aussi amer que le café dont il est le faire-valoir. Y ajouter du sucre ne fait que creuser la différence entre la réalité et le discours.
Ce qu’enseigne cette enseigne ? C’est la vérité de la phrase du « nègre » de Surinam dans Candide de Voltaire : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. ». Reste à savoir si le fait de vandaliser et détruire ce témoignage de notre passé résoudra ce douloureux problème. Effacer le mot « nègre » de nos usages actuels ne semble pas non plus une solution. Mieux vaudrait remplacer cette éradication par une explication comme cette modeste mise en perspective a tenté de le faire.

Voir encore:

Déposée pour restauration le 26 mars 2018, l’enseigne devait revenir Place de la Contrescarpe deux mois plus tard.

La Ville de Paris refuse désormais son retour, au mépris de ses engagements.

Cette enseigne se compose de deux éléments : un tableau et un bandeau portant l’inscription « Au Nègre Joyeux ». L’ensemble ornait la façade d’une épicerie du même nom, créée en 1897 au 14 rue Mouffetard et spécialisée dans la vente de cafés.

Le tableau représente un homme noir et une femme blanche, dans un intérieur bourgeois de la Belle Époque. Au premier plan de cette image publicitaire, l’homme noir, élégant et souriant, porte une serviette de table nouée autour du cou, ce qui le définit clairement comme un consommateur. Il brandit une carafe d’alcool à l’intention du passant -potentiel client- en l’invitant à sa table pour y déguster un café, un alcool ou d’autres produits vendus dans la boutique. Quel que soit son statut, libre de couleur du XVIIIe siècle ou domestique en livrée, c’est un consommateur noir qui s’adresse à d’autres consommateurs. Au second plan, derrière la table, s’avance une femme blanche chargée d’un plateau avec cafetière et sucrier ; elle arbore une coiffe et un tablier qui sont les attributs d’une serveuse.

La Mairie de Paris persiste depuis 2017 à voir un serviteur noir qui renverrait à l’histoire de l’esclavage et elle détache le mot « Nègre » de son contexte historique pour ne le considérer que dans son acception strictement actuelle péjorative. Elle décrète que l’enseigne doit être retirée de l’espace public où sa présence rappellerait les crimes de l’esclavage.

Nous contestons cette décision unilatérale fondée sur une interprétation inexacte. Nous demandons que l’enseigne soit remise dans l’espace public pour lequel elle a été conçue et où elle devra être expliquée.

Sauvegardons, protégeons et valorisons notre patrimoine de rue. Maintenons-le en ville !

Premiers signataires :

Dimitri Casali, Historien et professeur d’histoire, auteur du Grand Procès de l’histoire de France et de L’histoire de France interdite,

Bernadette Christmann, Architecte D.P.L.G. et membre du conseil syndical de la copropriété du 14 rue Mouffetard qui est la donatrice de l’enseigne,

Hamid Djouadi, Gérant du Café des Arts sur la Place de la Contrescarpe,

Pierre Housieaux, Président de Paris Historique, Association pour la sauvegarde et la mise en valeur du Paris historique,

Julien Lacaze, Président de Sites & Monuments (SPPEF),

Robert Lévy, Professeur agrégé de philosophie  (ancien élève de l’ENS Ulm 1974), habitant du quartier,

Jamáa Lherdoum, Gérant du supermarché Sitis sur la Place de la Contrescarpe,

Éloïse Li, Gérante du pub Le Requin Chagrin sur la Place de la Contrescarpe,

Christine Nedelec, Secrétaire générale de S.O.S. Paris, Association de défense du patrimoine architectural et du cadre de vie,

Clémentine Portier Kaltenbach, Historienne, écrivain et riveraine de la Place de la Contrescarpe,

Charlotte Pouzadoux, Illustratrice, diplômée en esthétique des arts de l’Afrique subsaharienne, membre du conseil syndical de la copropriété du 14 rue Mouffetard qui est la donatrice de l’enseigne,

Jean Rossier, Membre de l’Académie des Sciences et Ancien Professeur à l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris (ESPCI), habitant du quartier.

TABLE RONDE: LES TRIBULATIONS DU « NÈGRE JOYEUX » organisée par l’association Comité Quartier Latin à la Mairie du 5e arrondissement de Paris le 15 novembre 2019

Voir aussi:

Intervention de Charlotte Pouzadoux

Je suis illustratrice, je possède une licence d’Arts Plastiques et une maîtrise d’Esthétique des Arts de l’Afrique Subsaharienne obtenues à Paris I – Panthéon Sorbonne. J’ai également suivi l’enseignement de Michel Pastoureau, historien des couleurs, dans le cadre d’un DEA à l’École Pratique des Hautes Études. Je fais partie du conseil syndical de l’immeuble dont la façade sur la rue Mouffetard a servi de support à l’enseigne «Au Nègre Joyeux» depuis sa création. Après l’avoir conservée et régulièrement restaurée à ses frais durant une soixantaine d’années, notre copropriété a fait don de l’enseigne à la Ville de Paris en 1988, sous condition de son maintien en place et de son entretien. C’est la raison pour laquelle l’enseigne figure aujourd’hui dans les collections du Musée Carnavalet -qui est consacré à l’histoire de Paris et de ses habitants.

L’enseigne Au Nègre Joyeux, les habitants du quartier la connaissent bien. Effectivement, cela fait plus de 120 ans qu’elle est accrochée à sa façade sur la place de la Contrescarpe. Enfin, plutôt elle était accrochée; en effet, depuis 20 mois le mur de l’immeuble, au dessus de l’épicerie du 14 rue Mouffetard, est nu. L’enseigne a été décrochée le 26 mars 2018 pour partir en restauration. Elle devait être remise en place à peine deux mois plus tard, le 14 ou le 22 mai 2018. Mais elle n’est pas revenue… Unique à plusieurs titres, insolite, séduisante, elle a accroché le regard de nombreux observateurs à travers les âges. D’abord celui des chalands, puisque c’est la première fonction de toute enseigneque d’attirer les clients vers la boutique qu’elle désigne. Ensuite celui des promeneurs, des amateurs «d’art de rue» et passionnés d’histoire, celui aussi des guides accompagnés de leurs groupes de touristes sur le circuit des enseignes de la rue Mouffetard. Elle confère charme et caractère au pittoresque décor parisien de la place de la Contrescarpe, et rappelle la longue tradition commerçante de ce quartier, qui est parmi les plus anciens de Paris et qui a conservé une belle atmosphère.

L’enseigne telle que nous la connaissons se compose de deux éléments: -un bandeau sombre de la largeur de la façade, suspendu au dessus des fenêtres du premier étage, portant l’inscription en lettres capitales dorées «AU NÈGRE JOYEUX » Jusqu’à la fin des années 60, l’enseigne comptait encore trois éléments: en effet, un bandeau de même dimension que l’autre était suspendu au dessus des fenêtres du deuxième étage. Sur celui-là était écrit le mot «CAFÉS». La copropriété a décidé de l’enlever car il était alors en mauvais état et menaçait de tomber sur la voie.

Si l’on remonte dans le temps, en observant des photos du début du XXème siècle -et ici cette photo d’Eugène ATGET prise en 1908- on constate qu’à l’origine, ces trois éléments faisaient partie d’un important dispositif publicitaire relatif à la boutique du rez-de-chaussée. Madame CHRISTMANN, membre de notre conseil syndical et descendante de la famille du propriétaire de la maison depuis 1812, a miraculeusement hérité de certaines archives de l’immeuble, dont les baux successifs du commerce du 14 de la rue Mouffetard. Ces divers documents d’archives nous apprennent pour qui et à quelle date la devanture du «Nègre Joyeux» a été créée. Le commanditaire de cette décoration de façade est Monsieur Gaston LENGLET. En 1897 Gaston LENGLET a 27 ans; il est commis dans l’épicerie de Monsieur et Madame LABA, une épicerie spécialisée dans la vente de cafés et de confiseries, au 147 rue du Faubourg Saint-Antoine à Paris. Gaston LENGLET habite à cette même adresse.

Le 8 juillet de cette année 1897, il se marie avec Léonie LABA, la fille de ses patrons, alors âgée de 18 ans. Le jeune couple est entreprenant et a plein de projets. Tout à fait dans l’esprit enthousiaste de la Belle Époque, dans ce contexte de croissance, de progrès et de modernité qui caractérise le passage au XXème siècle, Gaston et Léonie LENGLET vont ouvrir leur propre commerce sans tarder. Dès le mois qui suit leur mariage, ils vont utiliser l’argent de leur dot pour racheter le fond de commerce de Monsieur VACHERAT, alors épicier au 14 rue Mouffetard. Ils vont rapidement faire réaliser d’importants travaux de devanture. Le bail de location de l’épicerie, qu’ils signent le 25 août 1897, stipule que Monsieur et Madame LENGLET sont autorisés à faire peindre le deuxième étage et à faire accrocher des tableaux en tôle sur toute la largeur de la maison, en saillie sur la voie. Il est précisé que ces tableaux pourront être accrochés au dessus des fenêtres du premier et du deuxième étage. Il est également permis aux LENGLET de commencer les travaux immédiatement.

C’est ainsi qu’au dernier trimestre de l’année 1897, entre la charcuterie LABONDE au N° 12 et la boulangerie LEBOUX au N°16, l’épicerie située depuis 1812 au N°14 de la rue Mouffetard va subir d’importantes transformations et prendre le nom d’« Au Nègre Joyeux» Sur la façade, en plus des trois panneaux principaux déjà cités, toutes les portions de mur du deuxième étage seront peintes des indications « Café, 1F80 le ½Kilo avec prime », « Bon café, 2F le ½Kilo avec prime», et « Brisures de bon café, 1F60 le ½Kilo ». Au premier étage seront accrochés, sur les murs et sur les garde-corps des fenêtres, plusieurs autres panneaux portants les inscriptions «Café du Nègre joyeux, 2F40 le ½Kilo avec prime», « Dépôt des chocolats », « Gros » et « Détail ». Les fenêtres de l’appartement de ce niveau seront habillées de stores publicitaires peints avec les mentions « Dragées » et « Bon chocolat ». Enfin, au rez-de-chaussée, un auvent réalisé dans un tissu rayé reprendra le nom de la boutique « Au Nègre joyeux » et l’inscription « Cafés ». De part et d’autre de la porte d’entrée de la boutique, deux meubles-présentoirs, porteront chacun l’inscription «Au Nègre Joyeux».

La façade fait alors la réclame des produits vendus dans la boutique, selon une démarche commerciale moderne qui sera popularisée par le développement de la publicité murale au début du 20e siècle. L’épicerie fine des LENGLET est spécialisée dans la vente de produits exotiques, principalement importés des colonies: le café, bien sûr, mais aussi le chocolat, le thé, la vanille, le poivre, le tapioca. On y trouve aussi des produits locaux comme de la chicorée, des pâtes, des vins, des liqueurs mais également des confitures et des dragées de baptême. Les époux LENGLET resteront 10 ans à la tête de cette épicerie prospère, puis ils vendront leur fonds de commerce en 1908 pour prendre une affaire plus importante. Leurs successeurs continueront à commercialiser pendant plusieurs années les produits de l’épicerie sous la marque «Au Nègre Joyeux».

Tout d’abord, LE BANDEAU. Il mesure 69,5 cm de haut et 554 cm de long. Il est composé d’un fond de métal ferreux, peint dans un ton obscur qui ressemble à un noir délavé, sur lequel sont vissées des lettres capitales en zinc embouti. Ces lettres en relief sont peintes dans des tons ocre/doré et composent l’inscription «AU NÈGRE JOYEUX». Des moulures en bois, peintes dans la couleur du fond métallique, sont vissées sur le pourtour du bandeau pour en finir les bords.

Suite à l’expertise des éléments déposés de la façade, l’équipe de restauration du Musée Carnavalet a annoncé le 2 mai 2018 que l’état du bandeau était très dégradé et que sa réfection allait nécessiter une extension conséquente du délai de restauration prévu. Le rapport d’intervention indique que la restauration s’est terminée en novembre 2018.

Je ne peux pas vous montrer l’aspect du bandeau depuis sa restauration, ni vous dire quelles couleurs ont été choisies pour sa remise en état, car le Musée Carnavalet ne m’a pas autorisée à le voir.

Le rapport d’intervention qui m’a été transmis a manifestement été tronqué et ne présente que les photos du bandeau avant restauration, alors qu’il était démonté et abîmé. Le Musée Carnavalet déclare n’avoir aucune photo du bandeau restauré, ce qui est assez invraisemblable.

Je rappelle que, dans le cadre du budget participatif 2016, la somme considérable de 90.000€a été allouée à la restauration, la mise en valeur et l’explication de cette enseigne (au moyen d’une plaque informative installée à proximité). Non seulement le projet du budget participatif n’a pas été respecté, mais il n’y aurait aucune photo pour que nous puissions au moins nous rendre compte du travail effectué avec cet argent public?.

Passons au TA B L E AU. Alors que la plupart des peintures d’enseigne que nous connaissons sont sur métal ou sur bois, celle-ci est une huile sur toile, tendue sur châssis de bois. On remarque que les enseignes historiques sont en voie de disparition dans notre paysage urbain, mais «Au Nègre Joyeux» était, de surcroît, le seul spécimen d’enseigne sur support de toile qui était encore visible dans nos rues.

L’oeuvre ne porte pas de signature et nous ne connaissons pas son auteur.

Elle mesure aujourd’hui 141,5 cm de large sur 171 cm de haut. Cependant, comme on peut le constater en comparant la photo du tableau aujourd’hui avec celle prise par Eugène ATGET en 1908, la hauteur du tableau était plus importante à l’origine.

En effet, celui-ci a été recadré par la copropriété à un moment donné, probablement pour ôter des parties de la toile qui auront été jugées trop abîmées pour être restaurées, ou bien pour changer le système d’accrochage du cadre sur la façade et le sécuriser. Il est possible que la zone coupée ait porté la signature du peintre.

Fragile et vulnérable aux intempéries, la toile peinte a toujours été encadrée et protégée par un verre. Depuis la restauration d’envergure dont elle a bénéficié en 2002, elle était même dans une sorte de boitier étanche composé d’une vitre de sécurité de 8 mm d’épaisseur pour la face et d’une plaque d’aluminium pour le fond; l’ensemble était maintenu dans un cadre en aluminium anodisé, brun foncé et mat, de 8 cm d’épaisseur. Ce dispositif a assuré une bonne protection de la toile peinte, malgré les multiples actes de vandalisme qu’elle a subis ces dix dernières années. Et l’équipe de restauration qui l’a dégagée de son cadre en 2018 a estimé que son état de conservation était satisfaisant. Le tableau a donc reçu une restauration d’entretien normale pour un objet qui a passé seize ans à l’extérieur sans soins.

Alors, ce tableau, que représente-t-il? Nombreux sont les journalistes, les blogueurs et les écrivains qui l’ont décrit: «un charmant tableau sous verre représentant une dame de l’époque 80 attablée devant une orgie de sucreries, tandis que le nègre en culotte donne libre cours à sa gaîté» écrit le journaliste Claude BLANCHARD dans le journal Le Petit Parisien en 1931. «un serveur noir, au large sourire, en culotte et bas blancs à la française qui tient une carafe et s’apprête à verser quelque nectar à une dame assise à table» nous dit l’écrivain Jean FERNIOT dans son livre sur La Mouffe en 1995. «Un noir souriant, serviteur ou esclave, est habillé en valet avec des bas blancs et une culotte rayée. Le Nègre Joyeux sert une dame bien habillée attablée devant un service à thé» mentionne la blogueuse Catherine-Alice PALAGRET sur archeologue.over-blog.com en 2011. «une femme de la haute société se fait servir à table par celui qui est visiblement son domestique, un Noir, au sourire béat» interprète le journaliste Julien BADAUD dans Le Nouvel Obs – rue 89 en 2011. «Le tableau représente Zamor serviteur de Madame du Barry (…) un homme noir, debout, souriant et habillé en valet, servant une femme blanche, assise (…)» écrit Thierry DEPEYROT dans le N°4 de sa revue Histoire & Histoires… en 2016.

Regardons ensemble: La scène se passe dans un intérieur bourgeois parisien de la deuxième moitié du 19ème siècle, meublé d’une table et de deux chaises. Au dessus d’un sous-bassement en boiseries bordeaux, les murs sont couverts d’un papier-peint foncé typique de l’époque. Le portrait d’un homme chapeauté et moustachu s’en détache, appuyé sur deux branches de canne-à-sucre disposées en croix. Le parquet à l’anglaise est éclairé par une grande fenêtre garnie de voilages en dentelle blanche et encadrée d’épais rideaux de velours rouge sombre bordés de petits pompons. Au centre de la composition et au premier plan, la table couverte d’une nappe blanche brodée présente élégamment des produits qu’on peut acheter dans l’épicerie des LENGLET. On y voit aussi deux tasses à café.

Dans ce décor, au premier plan à gauche, un homme noir, très élégant, est le personnage principal du tableau, comme l’indique son titre «Au Nègre Joyeux».

Il est habillé à la façon des aristocrates de la fin du 18ème siècle : une veste de velours jaune aux reflets dorés, une culotte de soie blanche rayée de rouge, des bas blancs et des souliers à boucles serties de strass.

L’historien Matthieu COUCHET, qui a produit une étude historique sur l’enseigne en avril 2018 à la demande du Musée Carnavalet, explique que cette tenue est typique des Noirs libres des Antilles au XVIIIe siècle. Il appuie notamment son analyse sur l’œuvre du peintre Agostino BRUNIAS. Ce dernier a réalisé de nombreux tableaux décrivant la société dominicaine de son époque ; les hommes libres de couleur de la Dominique s’habillaient à la manière des maîtres blancs pour se différencier des esclaves.

On remarque aussi qu’une grande serviette de table blanche est nouée autour du cou de notre Nègre Joyeux et le désigne ainsi sans ambiguïté comme un consommateur. Il brandit, dans sa main gauche, une carafe remplie d’un liquide ambré -un alcool, très certainement. Debout, de trois-quarts contre la table, le regard tourné vers le spectateur, il semble l’inviter à s’asseoir en sa compagnie pour prendre un café arrosé de liqueur.

La situation de notre homme, libre, consommateur et servi, est donc bien différente de celle de l’homme de couleur présenté dans une autre enseigne ancienne parisienne intitulée «Au Planteur», située 10 rue des petits carreaux et souvent comparée à celle du Nègre Joyeux». En effet, l’homme noir de cette seconde enseigne est, lui, indéniablement au service de l’homme blanc et dans une position d’esclave, tout au moins de subalterne. Le titre, «Au Planteur», nous confirme par ailleurs lequel des deux hommes est le personnage principal.

Maintenant, regardons l’autre personnage de l’image. C’est une femme, blanche, vêtue d’une robe bleue aux manches «gigot» caractéristiques de la mode de 1897.

Elle porte une coiffe de dentelle blanche sur ses cheveux relevés en chignon, un tablier blanc assorti épinglé sur sa poitrine, et elle tient un plateau sur lequel sont posés une cafetière et un sucrier en argenterie. Autrement dit: c’est une serveuse! Elle en a tous les attributs.

D’après sa taille, elle semble assise à table, mais d’après sa position, elle ne peut être que debout. Il n’y aurait pas de cohérence à porter un plateau en étant assise.

D’ailleurs, le fait que le dossier de chaise soit visible à côté d’elle indique qu’elle n’est pas assise sur cette chaise.

L’illusion vient de ce que le peintre a commis une maladresse en la peignant : il n’a pas respecté la règle classique des proportions du corps qui veut qu’un corps mesure sept têtes.

Pour mettre cet aspect en évidence, j’ai recomposé sous Photoshop la partie du corps de la femme qui était cachée par la table et j’ai extrait la silhouette ainsi reconstituée hors du tableau.

Je l’ai alors comparée au dessin de Léonard de Vinci de «l’homme de Vitruve», qui est une référence des proportions classiques du corps humain.

Selon Léonard de Vinci, le corps humain mesure sept têtes. Le milieu du corps se situe à l’entrejambe, à trois têtes et demie du sommet du crâne et de la plante des pieds.

On constate que, si le buste de la serveuse est correctement proportionné jusqu’à l’entrejambe, le peintre lui a en revanche fait des jambes trop courtes auxquelles il manque la mesure d’une tête et demie.

En effet, le buste de la femme est de la même taille que celui de l’homme qui occupe le premier plan. Pourtant, la serveuse se trouve derrière la table, donc sur un plan plus éloigné ; les lois de la perspective voudraient qu’elle soit plus petite que lui.

Dans les archives de Madame CHRISTMANN, un reçu rédigé sur le papier à en-tête de l’épicerie nous permet d’observer un dessin au trait reprenant les éléments présents dans le tableau de l’enseigne.

La vignette située en haut à gauche du document montre la même scène que la peinture, réduite et simplifiée.

Probablement réalisée par un autre artiste que l’auteur du tableau de l’enseigne, car relevant d’une technique graphique adaptée à l’imprimerie (gravure), elle présente des différences avec le tableau et sa lisibilité nous permet de mieux comprendre ce qui est représenté sur la toile.

Dans ce dessin, les proportions des personnages respectent le canon classique, et on remarque que l’éloignement de la femme est plus évident. Sa silhouette est plus petite que celle de l’homme ; elle est en cohérence avec sa position derrière la table, au second plan.

On remarque qu’ainsi dessinée, la femme nous apparaît sans ambiguïté comme étant debout.

La femme du tableau a la même taille réduite que la femme de la vignette gravée par rapport à l’homme du premier plan. En revanche, son corps n’est pas bien proportionné.

Pour être correctement proportionné, il faudrait que le bas de son corps soit plus allongé, comme je l’ai étiré ci-dessous avec l’aide de Photoshop.

Pourquoi cette erreur de proportions? Mon point de vue est que cette peinture, en tant qu’image publicitaire, devait toucher le public ciblé. Or elle s’adressait à une clientèle principalement blanche et féminine qui devait pouvoir s’identifier aux personnages représentés.

Ainsi, peut-être que ce défaut de proportion a été commis «intentionnellement» par le peintre afin de donner plus de présence à la femme blanche dans l’image. Elle aurait été autrement trop discrète, reléguée à un plan plus éloigné. Peut-être aussi que cette tricherie sur la perspective avait pour objectif de renforcer le côté convivial de la scène: les personnages souriants et proches l’un de l’autre dans la toile peinte instaurent une ambiance bien plus chaleureuse et accueillante que dans la version de la facturette où se manifeste une certaine distance. Cette convivialité participe à l’image de marque de l’épicerie.
L’enseigne «Au Nègre Joyeux» nous présente donc un homme noir en train de déguster des produits de l’épicerie spécialisée du même nom, servis par une femme blanche. Il me semble que l’homme noir est ici évocateur de l’exotisme et de la provenance des produits des colonies, comme une sorte d’allégorie. Sa tenue n’évoque pas l’esclavage mais la liberté, cinquante ans après l’abolition définitive de l’esclavage et dans un quartier résolument populaire et républicain. C’est une surprise!
Pourquoi nous sommes-nous donc trompés dans la lecture de cette image? Voici plusieurs explications :
•Elle est accrochée en hauteur, à plusieurs mètres de distance des observateurs. De plus, elle est présentée sous un verre qui est certes protecteur, mais qui n’est pas antireflet ; si bien que les conditions d’observation sont plutôt mauvaises.
•Dans la grande majorité, les Noirs représentés dans les publicités coloniales ont un rôle de serviteur ou de domestique, voire d’esclave selon l’époque. L’amalgame entre ce Noir exceptionnel et la règle des Noirs exploités se fait spontanément dans notre esprit.
•L’erreur de proportion de la femme laisse penser qu’elle est attablée, donc consommatrice.
•Le petit panneau «Maison fondée en 1748» sur la façade de la maison voisine nous induit en erreur. C’est le dernier vestige de la Charcuterie LABONDE, située jadis au N°12 de la rue Mouffetard. Nous l’associons à l’enseigne «Au Nègre Joyeux» sans même réaliser qu’il n’est pas sur le même immeuble et il nous ramène à une période bien antérieure à la date de l’abolition de l’esclavage.
•Revêtant dans un emploi actuel des notions exclusivement péjoratives, le mot «Nègre» dans le titre influence notre entendement. En 1897, il avait un sens bien plus large que maintenant (cf. les Arts Nègres). Dans une perspective historique, le réduire à la désignation des esclaves ou à une insulte est une erreur car il a évoqué longtemps un peuple, sa culture et son histoire. Notre langue et notre culture ont évolué au fil de ces 120 dernières années, notamment sous l’influence nord-américaine, et le nouveau vocabulaire entre parfois en conflit avec l’origine latine de notre langue.
Pour finir cet exposé, je voudrais quand même vous parler des erreurs, des errances, et des incohérences de la Mairie de Paris dans la gestion du sort de cette pièce de patrimoine. Ce qu’on pourrait appeler une valse à 4 temps: la valse des adjoints au patrimoine.
1er temps de la valse
Le 25 septembre 2017, Madame Raphaëlle PRIMET prend la parole au Conseil de Paris pour proposer un amendement au vœu du groupe Communiste – Front de Gauche de la création un musée de l’esclavage. Elle demande le retrait de l’espace publique de l’enseigne «Au Nègre Joyeux» et son placement dans ce musée de l’esclavage, au motif que celle-ci «piétine les valeurs de paix, de solidarité internationale et de fraternité» et «fait honte à la Ville de Paris». Elle décrit l’objet comme suit: «le tableau dépeint un homme noir souriant, habillé tel un valet, debout et servant une femme blanche d’une classe sociale élevée et assise». Bruno JULLIARD, alors 1er adjoint et également adjoint au patrimoine, exprime son désaccord et préfèrerait faire un acte pédagogique d’explication à côté de l’enseigne in situ. En toute incohérence, il émet cependant un avis favorable au nom de l’exécutif, et la proposition du voeu de dépose de l’enseigne est adoptée.
2etemps de la valse
Le 17 octobre 2017, je remets une étude historique que j’ai réalisée sur l’enseigne au cabinet de Bruno JULLIARD afin de lui signaler que l’observation et les conclusions qui fondent la proposition de l’amendement du groupe Communiste – Front de gauche sont erronées. Ma recherche est transmise en interne aux divers services concernés.

3etemps de la valse

En conséquence, une réunion a lieu le 13 février 2018, réunissant toutes les parties: le Musée Carnavalet, la Mairie de Paris, la Mairie du 5ème, le Comité d’histoire de Paris, notre copropriété, le collectif porteur du budget participatif pour la restauration, le maintien en place et la plaque explicative, etc. Madame Véronique LEVIEUX, qui succède à Monsieur Bruno JULLIARD comme adjointe au Patrimoine, déclare qu’elle va faire annuler l’amendement de dépose en faisant voter un vœu de maintien in situ de l’enseigne, qu’à cette fin cette dernière devra être retirée temporairement de la façade pour être restaurée, et qu’elle sera remise en place deux mois plus tard à son endroit d’origine. Une plaque explicative, dont le contenu sera déterminé par une étude historique commandée sans tarder à un historien du patrimoine, viendra apporter les explications nécessaires à sa valorisation et sa compréhension. C’est cette décision officielle écrite qui motive notre copropriété à autoriser la dépose de l’enseigne le 26 mars 2018, afin que celle-ci puisse bénéficier d’une restauration plus que nécessaire et très attendue. Le 2 mai 2018, les équipes du Musée Carnavalet annoncent que la restauration du bandeau porteur des lettres nécessite plus de temps que prévu mais que le ré-accrochage aura lieu avant la fin de l’année 2018. L’étude historique commandée par le Musée Carnavalet à l’historien Matthieu COUCHET est prête et elle confirme ma propre étude, insistant sur le fait que cette enseigne doit être maintenue à sa place et doit être accompagnée d’explications pour mettre en valeur sa rareté et son intérêt.

4etemps de la valse

En avril 2019, encore une nouvelle adjointe au Patrimoine, Madame Karen TAÏEB, déclare à notre copropriété que l’enseigne ne sera pas reposée sur notre façade, conformément à l’amendement du groupe Communiste – Front de gauche voté initialement ! Balayant d’un revers de la main toutes les études, toutes les réunions et tous les accords négociés depuis des mois entre les parties, elle décrète que cette enseigne est raciste et que la Mairie de Paris veut retirer de l’espace public les mots et objets de patrimoine qui rappellent l’esclavage. Elle annonce que la toile peinte sera exposée dans les collections permanentes du Musée Carnavalet, lorsqu’il aura ré-ouvert. Le bandeau porteur des lettres, qu’elle juge «indéniablement choquant et raciste», sera, lui, conservé dans les réserves du musée. Au mépris des conclusions de l’étude historique officielle de Monsieur Matthieu COUCHET, pourtant commandée par le Musée Carnavalet afin de pouvoir justement rédiger une plaque explicative sur l’enseigne, Madame Karen TAÏEB veut que soit installée sur la place de la Contrescarpe une plaque portant le texte suivant:

Ce texte a été rédigé par un «comité scientifique ad hoc réuni par le Comité d’Histoire de la Ville de Paris». Loin de décrire objectivement l’enseigne, il se trompe sur la nature du commerce référent, ne parle pas du rôle de chaque personnage, ne nous apporte aucune information historique, ni même ne mentionne la présence de la femme dans l’image. Il procède en revanche à une habile torsion de la vérité par l’emploi de mots-clés (surlignés en vert dans le texte) qui construisent une image mentale dans laquelle l’homme noir est maltraité (esclavage, racisme) et confiné dans un rôle de service.

Madame Karen TAÏEB précise de surcroît que la photo de la façade prise par Eugène ATGET en 1908 sera reproduite à côté de ce texte. Le choix de cette photo, certes pertinent pour montrer la façade de l’immeuble, ne permet cependant en rien d’examiner l’enseigne et rend impossible le jugement du passant. En outre, au lieu de relever le caractère exceptionnel d’un homme noir dans le rôle du consommateur et la convivialité remarquable entre Noir et Blanche dans cette publicité, ce texte nie la réalité de la scène en évoquant la parodie ; il gomme également son intérêt en niant ses particularités et en en faisant un échantillon banal des publicités coloniales représentant des Noirs (passages surlignés en jaune dans le texte). Ce faisant, la Mairie de Paris recolle systématiquement sur l’enseigne «Au Nègre Joyeux» l’image raciste à laquelle elle est attachée, alors que la vapeur des études historiques avaient commencé à la décoller.

Ce texte n’est donc, en fait d’explication, qu’une sombre épitaphe. Le corps de l’enseigne a disparu de son espace, démembré. Ses morceaux ont été dispersés. Les informations diffusées par la Ville à son sujet sont diverses (cf. Parhistoire) mais toutes éloignées de l’étude historique de Matthieu COUCHET qui devait faire référence. Il faudra, après cet effacement, être un fin limier pour retrouver la véritable histoire de l’enseigne «Au Nègre Joyeux».

Voir enfin:

Texte d’ouverture de Robert Lévy

Au nom du Comité Quartier Latin que j’ai l’honneur de présider, je voudrais tout d’abord, avant de lui donner la parole, remercier Florence Berthout de nous avoir accueillis dans cette Salle des mariages de la Mairie du 5e arrondissement.
Le Comité Quartier Latin est une association   qui milite en faveur du commerce, bien sûr en faveur des commerces culturels, mais plus largement en faveur des échanges d’idées et  de pensées qui font la vie si particulière et si intense du Quartier Latin.
Un mot encore concernant l’absence à cette table ronde de Marie-Christine  Lemardeley: nous avions évidemment souhaité sa présence comme porte-parole de la Mairie de Paris;  elle m’a dans un premier temps donné son accord et dans un second m’a informé de son impossibilité d’y participer, du fait d’un engagement antérieur.
Nous avons reçu il y a quelques jours une lettre en provenance du cabinet de Karen Taïeb,  lettre dans laquelle se trouvent exposés les motifs et les raisons qui ont poussé la Mairie de Paris à ne pas remettre en place l’enseigne “ Au Nègre Joyeux”. Nous en ferons la lecture le moment venu.
Bien sûr nous allons parler du “ Nègre joyeux”,  mais pas seulement: Nous vivons en effet une époque bien étrange et riche en révélations,  et si nous avons décidé de donner à cette table ronde le titre:” les tribulations du “Nègre Joyeux” “ c’est que “tribulations”  désigne une suite d’aventures plus ou moins désagréables, une série d’épreuves et de surprises:
Ainsi les millions d’habitants et de touristes qui ont fréquenté au Quartier Latin et depuis des décennies la place de la Contrescarpe auraient eu sous les yeux une enseigne  raciste et esclavagiste ; et sans s’en rendre compte . N’est-ce pas cette hypothèse -cette révélation – , qui légitimerait la décision de la soustraire aux regards du public?
Analogiquement, est-il vrai et donc indiscutable qu’en applaudissant à la fin de l’opéra de Bizet des millions de spectateurs applaudissaient « le meurtre d’une femme », d’un féminicide ? Sans s’en rendre compte ? Il serait alors légitime de réécrire la fin du “Carmen” de Bizet; mais n’est-ce pas là tenir des propos confus et hâtifs?
Si l’on revient au “Nègre Joyeux” , une lecture minutieuse de cette enseigne semble pourtant indiquer un autre message. Nous l’évoquerons.
Il y a évidemment aussi le titre de l’enseigne qui comporte le mot “Nègre”; est-il impossible aujourd’hui de le laisser sur un mur de Paris ? Et même dans l’hypothèse de l’installation d’un cartel en rappelant l’histoire? Nous en discuterons, librement.
Nous ne sommes pas les premiers à aborder ces questions, et à coup sûr nous ne serons pas les derniers. Pour preuve quelques extraits d’un article du Monde rapportant les échanges autour de cette enseigne, aux Bouffes du Nord :
C’est un « sujet qui soulève les passions », avait prévenu Michel Guerrin en introduisant la conférence « “Blackface”, appropriation culturelle, décolonialisme : la liberté d’expression est-elle menacée ? » au Monde Festival le samedi 5 octobre 2019. Et lorsque vient la question de savoir si l’enseigne « Au Nègre joyeux », datant du XIXe siècle et accrochée à une boutique parisienne jusqu’en 2018, devait être déposée, voire détruite, les réponses sont unanimes. Tous s’accordent à dire qu’en tant que témoignage de l’histoire coloniale de la France, elle aurait dû rester visible de tous dans l’espace public. Norman Ajari souligne le besoin d’une « pédagogie » autour de « cette histoire raciste », soutenu par Mame-Fatou Niang, qui appelle à réfléchir et à déconstruire l’ « imaginaire colonial » qui permet encore, insiste-t-elle, des représentations racistes du corps des Noirs.
« A-t-on encore les outils qui nous permettent de faire cette pédagogie, tant le sujet devient émotionnel ? », s’interroge Isabelle Barbéris, tandis que Laurent Dubreuil acquiesce. Prenant l’exemple de la fresque antiraciste de Victor Arnautoff, Vie de George Washington, qui orne les murs du lycée George Washington de San Francisco depuis 1936 et qui a récemment été censurée car jugée offensante par des étudiants amérindiens et afro-américains, il dénonce comme une « folie furieuse » la volonté de détruire ou de masquer les œuvres qui témoignent de « ce passé de domination colonial et esclavagiste » au seul motif qu’elles « dérangent ».
(voir https://www.lemonde.fr/festival/video/2019/10/10/en-video-blackface-appropriation-culturelle-decolonialisme-la-liberte-d-expression-est-elle-menacee_6014947_4415198.html)
Autre exemple récent ,autres citations :« Jean-Paul Goude, qui depuis cinquante ans, a toujours été du côté  de ceux qui défendent le mélange et le métissage, qui depuis cinquante ans, a toujours rêvé de faire dialoguer les cultures, quand certains font primer le mot « origine » sur le mot « culture » déclare : « Le défilé de 1989 sur les Champs-Elysées était une ode au métissage, il associait Blacks, Blancs, Beurs, tirailleurs sénégalais, valseuses maghrébines… Je ne crois pas que ce défilé serait encore possible aujourd’hui.  Nombre d’images d’antan qui m’ont valu des louanges ne peuvent plus être montrées ou publiées. J’ai décliné récemment une invitation à exposer mon travail à New York, car il m’aurait fallu retirer trop d’œuvres importantes. La vulgate autour de l’appropriation culturelle, le blackface, le décolonialisme, tout cela est un cauchemar pour moi. L’anachronisme devient la norme : on juge mes images du passé dans le contexte d’aujourd’hui. A ce compte, une bonne partie des œuvres d’art qui marquent l’histoire sont condamnables. Cet anachronisme est imposé par de nouveaux inquisiteurs, qui considèrent l’art non plus sous l’angle esthétique ou culturel, mais communautaire. »
Pourquoi un défilé comme celui de 1989 ne serait plus possible aujourd’hui. Parce que vous êtes Blanc et que vous ne restez pas dans votre culture ? demande le journaliste
« Chacun cultive l’entre-soi : les Noirs avec les Noirs, les femmes avec les femmes, etc. C’est grave pour la liberté de tous. Quand Kim Kardashian porte des tresses africaines, elle est violemment attaquée par des membres de la communauté afro-américaine. Un exemple parmi des dizaines…
(…)  La question de l’appropriation culturelle restreint aussi la liberté des créateurs. Regardez ce qui est arrivé au metteur en scène canadien Robert Lepage, que je connais depuis longtemps et dont j’admire les pièces. Il a dû annuler son spectacle Kanata, à Montréal, en 2018, parce qu’il n’a pas impliqué d’acteurs amérindiens dans sa relecture de l’histoire de son pays. Nous étions habitués aux censures d’Etat, au nom de l’ordre moral. Nous devons désormais affronter des revendications communautaires, portées par les réseaux sociaux. Le combat a changé de nature, mais il est tout aussi rude. »
Vous sentez-vous le droit de vous approprier la culture noire ? demande le journaliste
« Chacun doit se sentir autorisé à s’inspirer, voire à s’approprier la culture de l’autre ! Cela dépend du contexte et de la façon dont on le fait. Mais aujourd’hui, le débat est autre. Certains Noirs veulent faire payer aux Blancs le colonialisme. Pour ma part, j’estime que je n’ai pas à payer pour les erreurs de nos ancêtres. Et puis, si mon origine est blanche, ma culture est noire.
L’époque a changé. Les attitudes ont changé. Les jeunes ont changé. Les relations ont changé. Les mots ont changé aussi. « Appropriation culturelle », « décolonialisme », « racisé » sont des mots nouveaux, inconnus il y a trente ans. Les nouveaux censeurs ne prennent pas en compte l’imaginaire de l’artiste, ni ce qui sépare la réalité de sa représentation. Si vous convoquez une autre culture dans vos images, mieux vaut éviter la subtilité et l’ambiguïté. Vous devez rester au premier degré et vous cantonner aux «clichés positifs » sur cette culture. Peu importe que le résultat soit souvent creux et déborde de bons sentiments. » Voir https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/31/jean-paul-goude-j-ai-toujours-ete-du-cote-de-ceux-qui-defendent-le-melange-et-le-metissage_6017504_3232.html
Après avoir élargi le débat, il est sans doute nécessaire  de revenir à l’objet de notre table ronde.

 


Livres: Cachez ce péché originel que je ne saurai voir ! (We’re all children and forever indebted to evil empires born in blood and maintained through oppression and war that no academic or political surgery can ever purge because we’d be defending nothing but the legacy of an older and no less brutal empire)

6 mars, 2021

Victoria Station Bombay, Chhatrapati Shivaji Terminus. India 2011 - YouTubeIs Taj Mahal a blot on India's culture and history?

The invader (Léon-Maxime Faivre, 1884)

West Bank neighbors flock to Mt. Gerizim for Samaritan Passover sheep slaughter | The Times of IsraelYaniv Nadav Photography | Samaritan community attend the traditional Passover sacrifice in Mount Gerizim

Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. (…) Il bâtit ensuite une ville et il donna à cette ville le nom de son fils Hénoc. Genèse 4: 8-17
Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché. David (Psaume 51: 5)
Vous dites: Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Jésus (Matthieu 23: 30-31)
C’est un ennemi qui a fait cela. (…) Non, [ne l’arrachez pas] de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson. Jésus (Matthieu 13: 27-30)
Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis (…) afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Jésus (Matthieu 5: 43-45)
Bon, mais à part les égouts, l’éducation, le vin, l’ordre public, l’irrigation, les routes, le système d’eau courante et la santé publique, qu’est-ce que les Romains ont fait pour nous ? Life of Brian
Enlever, égorger, piller, c’est, dans leur faux langage, gouverner ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix. Calgacos (d’après Tacite, 83 après JC)
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
La révolution iranienne fut en quelque sorte la version islamique et tiers-mondiste de la contre-culture occidentale. Il serait intéressant de mettre en exergue les analogies et les ressemblances que l’on retrouve dans le discours anti-consommateur, anti-technologique et anti-moderne des dirigeants islamiques de celui que l’on découvre chez les protagonistes les plus exaltés de la contre-culture occidentale. Daryiush Shayegan (Les Illusions de l’identité, 1992)
Malgré eux, les islamistes sont des Occidentaux. Même en rejetant l’Occident, ils l’acceptent. Aussi réactionnaires que soient ses intentions, l’islamisme intègre non seulement les idées de l’Occident mais aussi ses institutions. Le rêve islamiste d’effacer le mode de vie occidental de la vie musulmane est, dans ces conditions, incapable de réussir. Le système hybride qui en résulte est plus solide qu’il n’y paraît. Les adversaires de l’islam militant souvent le rejettent en le qualifiant d’effort de repli pour éviter la vie moderne et ils se consolent avec la prédiction selon laquelle il est dès lors condamné à se trouver à la traîne des avancées de la modernisation qui a eu lieu. Mais cette attente est erronée. Car l’islamisme attire précisément les musulmans qui, aux prises avec les défis de la modernité, sont confrontés à des difficultés, et sa puissance et le nombre de ses adeptes ne cessent de croître. Les tendances actuelles donnent à penser que l’islam radical restera une force pendant un certain temps encore. Daniel Pipes
Il est malheureux que le Moyen-Orient ait rencontré pour la première fois la modernité occidentale à travers les échos de la Révolution française. Progressistes, égalitaristes et opposés à l’Eglise, Robespierre et les jacobins étaient des héros à même d’inspirer les radicaux arabes. Les modèles ultérieurs — Italie mussolinienne, Allemagne nazie, Union soviétique — furent encore plus désastreux …Ce qui rend l’entreprise terroriste des islamistes aussi dangereuse, ce n’est pas tant la haine religieuse qu’ils puisent dans des textes anciens — souvent au prix de distorsions grossières —, mais la synthèse qu’ils font entre fanatisme religieux et idéologie moderne. Ian Buruma et Avishai Margalit
Prenez le mythe de la fondation de Rome : Romulus a un frère, Remus. Il le tue. Et en tuant Remus, il accomplit le geste militaire par excellence : il défend la cité ; il accomplit le geste législateur, puisqu’il définit les frontières ; et sacrificateur : il tue son frère. Il n’est donc pas question pour la ville de Rome de blâmer Romulus, ou de dénoncer Romulus, ou de voir autre chose en lui que le fondateur de la Cité. Maintenant prenez Caïn et Abel. Dans Caïn et Abel, c’est exactement la même histoire : vous avez deux frères, et vous en avez un qui tue l’autre. À partir du moment où Abel est tué, Dieu s’adresse à Caïn, et Caïn lui dit « Puisque j’ai tué mon frère, tout le monde va me tuer ». Et Dieu donne la Loi, qui crée la culture caïnite, et la marque au front, qui est un système de différenciation quasi lévi-straussien. Mais, à la différence du mythe de Rome, la Bible nous dit que Caïn est un assassin (« du sol le sang de ton frère crie vengeance vers moi »), et la Bible nous dit que la violence caïnite va finir par revenir et détruire cette culture – puisque le mythe de Caïn débouche sur celui du déluge, qui, à mon sens, est une métaphore à nouveau de la violence collective. Comme on le voit, l’Ancien Testament est un immense effort pour révéler la victime, littéralement pour déterrer la victime. Et lorsque vous arrivez chez les prophètes, le serviteur de Yahvé, la victime, joue un rôle de plus en plus grand. Et tout est vu, non pas du point de vue de la cité qui condamne Œdipe, et qui nous dit qu’Œdipe est coupable du parricide et de l’inceste, mais – déjà dans l’histoire de Joseph, les Égyptiens emprisonnent Joseph parce que Madame Potiphar l’a accusé d’avoir voulu la violer. Mais le texte nous dit : c’est de la blague, ça n’existe pas, ne croyez pas ceci, les onze frères ont voulu tuer Joseph par jalousie – autrement dit le texte ne prend jamais le point de vue du persécuteur, mais toujours de la victime. Il y a des gens qui l’ont vu – Nietzsche et le grand sociologue allemand Max Weber – mais l’essence de l’esprit moderne justement est bien là : ils ont vu une faiblesse de la Bible, ils ont dit c’est l’impuissance des Juifs à créer un empire puissant qui leur interdit de créer une mythologie comme les autres. Et il est bien évident que si la victime est le fondement caché de la mythologie, le mouvement éthique de la Bible vers la victime a aussi un sens d’interprétation extraordinaire, que nous ne reconnaissons pas. Parce que s’il y a un principe fondamental dans la pensée moderne, qui est peut-être le plus odieux, et qui au fond nous suit depuis le début du XIXe siècle, c’est que ce que qui est bon et ce qui est vrai sont deux choses forcément séparées. Je crois qu’en ce moment précisément ce qui est en train de s’effondrer, c’est ce principe. Et nous allons être obligés de reconnaître que le texte biblique est plus important pour nous que celui de Dionysos ou que celui d’Œdipe. René Girard
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. Lorsque j’ai lu les premiers documents de Ben Laden, constaté ses allusions aux bombes américaines tombées sur le Japon, je me suis senti d’emblée à un niveau qui est au-delà de l’islam, celui de la planète entière. Sous l’étiquette de l’islam, on trouve une volonté de rallier et de mobiliser tout un tiers-monde de frustrés et de victimes dans leurs rapports de rivalité mimétique avec l’Occident. Mais les tours détruites occupaient autant d’étrangers que d’Américains. Et par leur efficacité, par la sophistication des moyens employés, par la connaissance qu’ils avaient des Etats-Unis, par leurs conditions d’entraînement, les auteurs des attentats n’étaient-ils pas un peu américains ? On est en plein mimétisme.Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme.  René Girard
De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. (…) Il est une chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. (…) Une fois que nous nous rendons compte que nous avons à faire au même phénomène social dans la Bible que la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère unique. (…) Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux. (…) Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. (…) Pour moi, les Psaumes racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire. (…) Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. (…) Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis. (…) La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible. (…) Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologie. René Girard
Aujourd’hui nous pourrions vraiment faire la synthèse de l’anthropologie de la fin du XIXe et du début du XXe. Prenez James George Frazer, l’auteur du célèbre Rameau d’or: qu’est-ce qu’il n’a pas vu sur le bouc émissaire! Lorsqu’il a choisi l’expression « bouc émissaire » pour désigner toute une catégorie de victimes, il a créé ses propres catégories, qui sont un peu hésitantes parfois, mais il est toujours allé dans la bonne direction. S’il s’est vite arrêté, c’est qu’il ne voulait pas reconnaître dans son monde et en lui-même, le bouc émissaire. Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. Frazer a vu ce que les déconstructionnistes ne voient pas. Il a vu le bouc émissaire chez les autres, il ne l’a pas vu dans l’Angleterre victorienne. On peut dire que la pensée moderne opère toujours un jeu de cache-cache pour ne pas voir la violence. Tantôt on la voit chez les autres, et pas chez soi, tantôt on la voit seulement chez soi, et pas chez les autres. Or, c’est du pareil au même. Mais le fait que nous la voyons maintenant chez nous est le signe d’une aggravation de la crise sacrificielle et donc on peut espérer qu’on va vers la vérité. La meilleure manière de démontrer la théorie du bouc émissaire, revient à mettre en rapport les hommes du XIXe siècle qui ne voyaient la présence de boucs émissaires qu’ailleurs et nous qui ne la voyons que chez nous et non ailleurs. Rassemblez les deux et vous aurez la vérité. (…) La théorie mimétique le fait parce qu’elle introduit la notion d’évolution, d’évolution historique ou de cassure. Elle est obligée d’introduire le temps pour éviter précisément le jugement moral anachronique. Si vous introduisez la notion de temps pleinement, vous n’allez pas condamner les cultures archaïques. Notre époque a raison de réhabiliter les boucs émissaires du passé! Mais nous nous croyons supérieurs à nos pères, dont nous faisons à notre tour des boucs émissaires. Nous sommes comme ces pharisiens dont parle Jésus, qui élevaient benoîtement des tombeaux à tous les prophètes que leurs pères avaient tués, pour se glorifier eux-mêmes. (…) Le Christ dénonce la répétition mimétique du passé, ce mécanisme mimétique selon lequel les fils pensent faire mieux que les pères, être indemnes de violence. Comme c’est le cas aujourd’hui. René Girard
Les gens imaginent aujourd’hui l’ancien Temple de Jérusalem comme une sorte de grande synagogue où les prêtres vêtus de robes blanches comme neige accueillaient les pieux pèlerins au son de psaumes mélodieux dans une atmosphère lourde d’encens. En réalité, cela tenait plutôt de l’abattoir et du barbecue géant. Les pèlerins n’arrivaient pas les mains vides. Ils apportaient avec eux un flot incessant de moutons, de chèvres, de poulets et d’autres animaux, qui étaient sacrifiés sur l’autel de Dieu puis cuisinés et consommés. Les psaumes chantés par le chœur étaient noyés sous les beuglements et les bêlements des veaux et des chevreaux. Les prêtres aux habits souillés de sang tranchaient la gorge des victimes, recueillaient dans des jarres le sang jaillissant et le répandaient sur l’autel. Le parfum d’encens se mêlait aux odeurs de sang coagulé et de viande rôtie, tandis que des essaims de mouches noires bourdonnaient de toutes parts(voir, par exemple, Nombres 28, Deutéronome 12 et 1, Samuel 2). Une famille juive moderne qui célèbre une fête religieuse par un barbecue sur sa pelouse est bien plus proche de l’esprit des temps bibliques qu’une famille orthodoxe qui passe son temps à étudier les Écritures dans une synagogue. Yuval Harari (Homo deus, 2015)
La gare ferroviaire Chhatrapati Shivaji de Mumbai, anciennement Victoria Station, quand la ville s’appelait Bombay. Les Britanniques la construisirent dans le style néogothique alors en vogue à la fin du XIXe siècle en Grande-Bretagne. Un gouvernement nationaliste hindou changea le nom de la ville et de la gare, sans être pour autant tenté de raser un bâtiment aussi magnifique alors même qu’il était l’œuvre d’oppresseurs étrangers. Yuval Noah Harari
Le Taj Mahal. Exemple de culture indienne « authentique » ou création étrangère de l’impérialisme islamique ? Yuval Noah Harari
Combien d’Indiens, de nos jours, appelleraient de leurs vœux un référendum pour se défaire de la démocratie, de l’anglais, du réseau ferroviaire, du système juridique, du cricket et du thé sous prétexte qu’ils font partie de l’héritage impérial ? Même s’ils le faisaient, le fait même d’appeler à un vote pour trancher n’illustrerait-il pas leur dette envers leurs anciens suzerains ? Même si nous devions entièrement désavouer l’héritage d’un empire brutal dans l’espoir de reconstruire ou de sauvegarder les cultures  « authentiques » d’avant, nous ne défendrions très probablement que l’héritage d’un empire plus ancien et non moins brutal. Ceux qui s’offusquent de la mutilation de la culture indienne par le Raj britannique sanctifient à leur insu l’héritage de l’Empire moghol et du sultanat conquérant de Delhi. Et qui s’efforce de sauver l’« authentique culture indienne » des influences étrangères de ces empires musulmans sanctifie l’héritage des empires gupta, kushan et maurya. Si un ultranationaliste hindou devait détruire tous les bâtiments laissés par les conquérants britanniques comme la gare centrale de Bombay, que ferait-il des constructions des conquérants musulmans comme le Taj Mahal ? Nul ne sait réellement résoudre cette épineuse question de l’héritage culturel. Quelle que soit la voie suivie, la première étape consiste à prendre acte de la complexité du dilemme et à accepter que la division simpliste du passé en braves types et en sales types ne mène à rien. À moins, bien entendu, que nous soyons prêts à admettre que nous marchons habituellement sur les brisées des sales types. Yuval Noah Harari

Cachez ce péché originel que je ne saurais voir !

A l’heure où nous traversons à nouveau …

A l’instar de nos pogroms, chasses aux sorcières, révolutions ou génocides …

Cette fois entre déboulonnages de statues, débaptêmes de rues et mise au pilori de professeurs ou d’intellectuels …

L’une de ces périodes, dont est faite notre histoire, de folie furieuse de purification

Comment ne pas repenser …

A cet excellent texte issu de Sapiens, le best-seller mondial de l’historien israélien Yuval Noah Harari …

Où reprenant pour l’histoire humaine, l’entreprise vulgarisatrice de bref survol historique de Hawking pour l’univers …

Mais oubliant en passager clandestin typique de notre siècle …

La source de cette singulière lucidité de notre époque

Mais hélas aussi de son double non moins singulier de cécité

A savoir l’idée, proprement biblique mais aujourd’hui si décriée, de péché originel …

Comme avec la parabole évangélique de l’ivraie à ne pas arracher par peur d’arracher le bon grain avec …

Celle de la tolérance dont nous sommes aujourd’hui si fiers …

Il montre à quel point nous sommes tous les enfants à jamais redevables des méchants empires qui nous ont précédés …

Nés dans le sang et maintenus par l’oppression et la guerre …

Mais qu’aucune chirurgie académique ou politique ne pourra jamais purger …

Parce que nous ne défendrions rien d’autre que l’héritage d’un empire plus ancien et non moins brutal … ?

BRAVES TYPES ET SALES TYPES DANS L’HISTOIRE
Yuval Noah Harari
Sapiens – Une brève histoire de l’humanité
2012

Il est tentant de diviser le monde en braves types et en sales types pour classer les empires parmi les salauds de l’histoire. Après tout, la quasi-totalité de ces empires sont nés dans le sang et ont conservé le pouvoir par l’oppression et la guerre. Pourtant, la plupart des cultures actuelles reposent sur des héritages impériaux. Si les empires sont mauvais par définition, qu’est-ce que cela dit de nous ? Il est des écoles de pensée et des mouvements politiques qui voudraient purger la culture humaine de l’impérialisme, pour ne laisser qu’une civilisation qu’ils croient pure, authentique, sans la souillure du péché. Ces idéologies sont au mieux naïves ; au pire, elles servent de façade hypocrite au nationalisme et au fanatisme sommaires. Peut-être pourriez-vous plaider que, dans la myriade de cultures apparues à l’aube de l’histoire, il en était quelques-unes de pures, soustraites au péché et aux influences délétères des autres sociétés. Depuis cette aube, cependant, aucune culture ne saurait raisonnablement y prétendre ; il n’existe assurément aucune culture de ce genre sur terre. Toutes les cultures humaines sont au moins en partie héritières d’empires et de civilisations impériales, et aucune opération de chirurgie universitaire ou politique ne saurait retrancher l’héritage impérial sans tuer le patient.Songez, par exemple, à la relation ambivalente qui existe entre l’actuelle République indienne indépendante et le Raj britannique. La conquête et l’occupation britanniques coûtèrent la vie à des millions d’Indiens et se soldèrent par l’humiliation et l’exploitation de centaines de millions d’autres. Beaucoup d’Indiens adoptèrent néanmoins, avec l’ardeur de néophytes, des idées occidentales comme l’autodétermination et les droits de l’homme. Ils furent consternés de voir les Britanniques refuser d’appliquer leurs valeurs proclamées et d’accorder aux indigènes des droits égaux en tant que sujets britanniques ou l’indépendance. L’État indien moderne n’en est pas moins fils de l’Empire britannique. Certes les Britanniques tuèrent, blessèrent et persécutèrent les habitants du sous-continent, mais ils unirent également une ahurissante mosaïque de royaumes,principautés et tribus rivales, créant une conscience nationale partagée et un pays formant plus ou moins une unité politique. Ils jetèrent les bases du système judiciaire indien, créèrent une administration et construisirent un réseau ferroviaire critique pour l’intégration économique. L’Inde indépendante fit de la démocratie occidentale, dans son incarnation britannique, sa forme de gouvernement. L’anglais reste la lingua franca du sous-continent : une langue neutre qui permet de communiquer entre citoyens de langue hindi, tamoul ou malayalam. Les Indiens sont des joueurs de cricket passionnés et de grands buveurs de chai (thé) : le jeu et la boisson sont tous deux des héritages britanniques. La culture commerciale du thé n’existait pas en Inde avant que la British East India Company ne l’introduise au milieu du XIXe siècle. Ce sont les snobs de sahibs britanniques qui lancèrent la consommation de thé dans tout le sous-continent.

Combien d’Indiens, de nos jours, appelleraient de leurs vœux un référendum pour se défaire de la démocratie, de l’anglais, du réseau ferroviaire, du système juridique, du cricket et du thé sous prétexte qu’ils font partie de l’héritage impérial ? Même s’ils le faisaient, le fait même d’appeler à un vote pour trancher n’illustrerait-il pas leur dette envers leurs anciens suzerains ? Même si nous devions entièrement désavouer l’héritage d’un empire brutal dans l’espoir de reconstruire ou de sauvegarder les cultures « authentiques »d’avant, nous ne défendrions très probablement que l’héritage d’un empire plus ancien et non moins brutal. Ceux qui s’offusquent de la mutilation de la culture indienne par le Raj britannique sanctifient à leur insu l’héritage de l’Empire moghol et du sultanat conquérant de Delhi. Et qui s’efforce de sauver l’« authentique culture indienne » des influences étrangères de ces empires musulmans sanctifie l’héritage des empires gupta, kushan et maurya. Si un ultranationaliste hindou devait détruire tous les bâtiments laissés par les conquérants britanniques comme la gare centrale de Bombay, que ferait-il des constructions des conquérants musulmans comme le Taj Mahal ?

Nul ne sait réellement résoudre cette épineuse question de l’héritage culturel. Quelle que soit la voie suivie, la première étape consiste à prendre acte de la complexité du dilemme et à accepter que la division simpliste du passé en braves types et en sales types ne mène à rien. À moins, bien entendu, que nous soyons prêts à admettre que nous marchons habituellement sur les brisées des sales types.

Voir aussi:

Good Guys and Bad Guys in History

It is tempting to divide history neatly into good guys and bad guys, with all empires among the bad guys. For the vast majority of empires were founded on blood, and maintained their power through oppression and war. Yet most of today’s cultures are based on imperial legacies. If empires are by definition bad, what does that say about us?

There are schools of thought and political movements that seek to purge human culture of imperialism, leaving behind what they claim is a pure, authentic civilisation, untainted by sin. These ideologies are at best naïve; at worst they serve as disingenuous window-dressing for crude nationalism and bigotry. Perhaps you could make a case that some of the myriad cultures that emerged at the dawn of recorded history were pure, untouched by sin and unadulterated by other societies. But no culture since that dawn can reasonably make that claim, certainly no culture that exists now on earth. All human cultures are at least in part the legacy of empires and imperial civilisations, and no academic or political surgery can cut out the imperial legacies without killing the patient.

Think, for example, about the love-hate relationship between the independent Indian republic of today and the British Raj. The British conquest and occupation of India cost the lives of millions of Indians, and was responsible for the continuous humiliation and exploitation of hundreds of millions more. Yet many Indians adopted, with the zest of converts, Western ideas such as self-determination and human rights, and were dismayed when the British refused to live up to their own declared values by granting native Indians either equal rights as British subjects or independence.

Nevertheless, the modern Indian state is a child of the British Empire. The British killed, injured and persecuted the inhabitants of the subcontinent, but they also united a bewildering mosaic of warring kingdoms, principalities and tribes, creating a shared national consciousness and a country that functioned more or less as a single political unit. They laid the foundations of the Indian judicial system, created its administrative structure, and built the railroad network that was critical for economic integration. Independent India adopted Western democracy, in its British incarnation, as its form of government. English is still the subcontinent’s lingua franca, a neutral tongue that native speakers of Hindi, Tamil and Malayalam can use to communicate. Indians are passionate cricket players and chai (tea) drinkers, and both game and beverage are British legacies. Commercial tea farming did not exist in India until the mid-nineteenth century, when it was introduced by the British East India Company. It was the snobbish British sahibs who spread the custom of tea drinking throughout the subcontinent.

28. The Chhatrapati Shivaji train station in Mumbai. It began its life as Victoria Station, Bombay. The British built it in the Neo-Gothic style that was popular in late nineteenth-century Britain. A Hindu nationalist government changed the names of both city and station, but showed no appetite for razing such a magnificent building, even if it was built by foreign oppressors.

How many Indians today would want to call a vote to divest themselves of democracy, English, the railway network, the legal system, cricket and tea on the grounds that they are imperial legacies? And if they did, wouldn’t the very act of calling a vote to decide the issue demonstrate their debt to their former overlords?

29. The Taj Mahal. An example of ‘authentic’ Indian culture, or the alien creation of Muslim imperialism?

Even if we were to completely disavow the legacy of a brutal empire in the hope of reconstructing and safeguarding the ‘authentic’ cultures that preceded it, in all probability what we will be defending is nothing but the legacy of an older and no less brutal empire. Those who resent the mutilation of Indian culture by the British Raj inadvertently sanctify the legacies of the Mughal Empire and the conquering sultanate of Delhi. And whoever attempts to rescue ‘authentic Indian culture’ from the alien influences of these Muslim empires sanctifies the legacies of the Gupta Empire, the Kushan Empire and the Maurya Empire. If an extreme Hindu nationalist were to destroy all the buildings left by the British conquerors, such as Mumbai’s main train station, what about the structures left by India’s Muslim conquerors, such as the Taj Mahal?

Nobody really knows how to solve this thorny question of cultural inheritance. Whatever path we take, the first step is to acknowledge the complexity of the dilemma and to accept that simplistically dividing the past into good guys and bad guys leads nowhere. Unless, of course, we are willing to admit that we usually follow the lead of the bad guys.

Voir également:

Were we happier in the stone age?
Does modern life make us happy? We have gained much but we have lost a great deal too. Are humans better suited to a hunter-gatherer lifestyle?
Yuval Noah Harari
The Guardian
5 Sep 2014

We are far more powerful than our ancestors, but are we much happier? Historians seldom stop to ponder this question, yet ultimately, isn’t it what history is all about? Our understanding and our judgment of, say, the worldwide spread of monotheistic religion surely depends on whether we conclude that it raised or lowered global happiness levels. And if the spread of monotheism had no noticeable impact on global happiness, what difference did it make?

With the rise of individualism and the decline of collectivist ideologies, happiness is arguably becoming our supreme value. With the stupendous growth in human production, happiness is also acquiring unprecedented economic importance. Consumerist economies are increasingly geared to supply happiness rather than subsistence or even affluence, and a chorus of voices is now calling for a replacement of GDP measurements with happiness statistics as the basic economic yardstick. Politics seems to be following suit. The traditional right to « the pursuit of happiness » is imperceptibly morphing into a right to happiness, which means that it is becoming the duty of government to ensure the happiness of its citizens. In 2007 the European commission launched « Beyond GDP » to consider the feasibility of using a wellbeing index to replace or complement GDP. Similar initiatives have recently been developed in numerous other countries – from Thailand to Canada, from Israel to Brazil.

Most governments still focus on achieving economic growth, but when asked what is so good about growth, even diehard capitalists almost invariably turn to happiness. Suppose we caught David Cameron in a corner, and demanded to know why he cared so much about economic growth. « Well, » he might answer, « growth is essential to provide people with higher standards of living, better medical care, bigger houses, faster cars, tastier ice-cream. » And, we could press further, what is so good about higher standards of living? « Isn’t it obvious? » Cameron might reply, « It makes people happier. »

Ice-cream
A reason to be happy … tastier ice-cream? Photograph: Envision/Corbis

Suppose, for the sake of argument, that we could somehow scientifically prove that higher standards of living did not translate into greater happiness. « But David, » we could say, « look at these historical, psychological and biological studies. They prove beyond any reasonable doubt that having bigger houses, tastier ice-cream and even better medicines does not increase human happiness. » « Really? » he would gasp, « Why did nobody tell me! Well, if that’s the case, forget about my plans to boost economic growth. I am leaving everything and joining a hippie commune. »

This is a highly unlikely scenario, and not only because so far we have almost no scientific studies of the long-term history of happiness. Scholars have researched the history of just about everything – politics, economics, diseases, sexuality, food – yet they have seldom asked how they all influence human happiness. Over the last decade, I have been writing a history of humankind, tracking down the transformation of our species from an insignificant African ape into the master of the planet. It was not easy to understand what turned Homo sapiens into an ecological serial killer; why men dominated women in most human societies; or why capitalism became the most successful religion ever. It wasn’t easy to address such questions because scholars have offered so many different and conflicting answers. In contrast, when it came to assessing the bottom line – whether thousands of years of inventions and discoveries have made us happier – it was surprising to realise that scholars have neglected even to ask the question. This is the largest lacuna in our understanding of history.

The Whig view of history

Though few scholars have studied the long-term history of happiness, almost everybody has some idea about it. One common preconception – often termed « the Whig view of history » – sees history as the triumphal march of progress. Each passing millennium witnessed new discoveries: agriculture, the wheel, writing, print, steam engines, antibiotics. Humans generally use newly found powers to alleviate miseries and fulfil aspirations. It follows that the exponential growth in human power must have resulted in an exponential growth in happiness. Modern people are happier than medieval people, and medieval people were happier than stone age people.

Antibiotics
The discovery of antibiotics … a marker in the triumphal march of progess. Photograph: Doug Steley C/Alamy

But this progressive view is highly controversial. Though few would dispute the fact that human power has been growing since the dawn of history, it is far less clear that power correlates with happiness. The advent of agriculture, for example, increased the collective power of humankind by several orders of magnitude. Yet it did not necessarily improve the lot of the individual. For millions of years, human bodies and minds were adapted to running after gazelles, climbing trees to pick apples, and sniffing here and there in search of mushrooms. Peasant life, in contrast, included long hours of agricultural drudgery: ploughing, weeding, harvesting and carrying water buckets from the river. Such a lifestyle was harmful to human backs, knees and joints, and numbing to the human mind.

In return for all this hard work, peasants usually had a worse diet than hunter-gatherers, and suffered more from malnutrition and starvation. Their crowded settlements became hotbeds for new infectious diseases, most of which originated in domesticated farm animals. Agriculture also opened the way for social stratification, exploitation and possibly patriarchy. From the viewpoint of individual happiness, the « agricultural revolution » was, in the words of the scientist Jared Diamond, « the worst mistake in the history of the human race ».

The case of the agricultural revolution is not a single aberration, however. Themarch of progress from the first Sumerian city-states to the empires of Assyria and Babylonia was accompanied by a steady deterioration in the social status and economic freedom of women. The European Renaissance, for all its marvellous discoveries and inventions, benefited few people outside the circle of male elites. The spread of European empires fostered the exchange of technologies, ideas and products, yet this was hardly good news for millions of Native Americans, Africans and Aboriginal Australians.

The point need not be elaborated further. Scholars have thrashed the Whig view of history so thoroughly, that the only question left is: why do so many people still believe in it?

Paradise lost

There is an equally common but completely opposite preconception, which might be dubbed the « romantic view of history ». This argues that there is a reverse correlation between power and happiness. As humankind gained more power, it created a cold mechanistic world, which is ill-suited to our real needs.

'Computers have turned us into zombies'
‘Computers have turned us into zombies.’ Photograph: Christopher Thomond for the Guardian

Romantics never tire of finding the dark side of every discovery. Writing gave rise to extortionate taxation. Printing begot mass propaganda and brainwashing. Computers turn us into zombies. The harshest criticism of all is reserved for the unholy trinity of industrialism, capitalism and consumerism. These three bugbears have alienated people from their natural surroundings, from their human communities, and even from their daily activities. The factory worker is nothing but a mechanical cog, a slave to the requirements of machines and the interests of money. The middle class may enjoy better working conditions and many material comforts, but it pays for them dearly with social disintegration and spiritual emptiness. From a romantic perspective, the lives of medieval peasants were preferable to those of modern factory-hands and office clerks, and the lives of stone-age foragers were the best of all.

Yet the romantic insistence on seeing the dark side of every novelty is as dogmatic as the Whig belief in progress. For instance, over the last two centuries modern medicine has beaten back the army of diseases that prey on humankind, from tuberculosis and measles to cholera and diphtheria. Average life expectancy has soared, and global child mortality has dropped from roughly 33% to less than 5%. Can anyone doubt that this made a huge contribution to the happiness not only of those children who might otherwise be dead, but also of their parents, siblings and friends?

Paradise now

A more nuanced stance agrees with the romantics that, up until the modern age, there was no clear correlation between power and happiness. Medieval peasants may indeed have been more miserable than their hunter-gatherer ancestors. But the romantics are wrong in their harsh judgment of modernity. In the last few centuries we have not only gained immense powers, but more importantly, new humanist ideologies have finally harnessed our collective power in the service of individual happiness. Despite some catastrophes such as the Holocaust and the Atlantic slave trade (so the story goes), we have at long last turned the corner and begun increasing global happiness systematically. The triumphs of modern medicine are just one example. Other unprecedented achievements include the decline of international wars; the dramatic drop in domestic violence; and the elimination of mass-scale famines. (See Steven Pinker’s book The Better Angels of Our Nature.)

Yet this, too, is an oversimplification. We can congratulate ourselves on the accomplishments of modern Homo sapiens only if we completely ignore the fate of all other animals. Much of the wealth that shields humans from disease and famine was accumulated at the expense of laboratory monkeys, dairy cows and conveyor-belt chickens. Tens of billions of them have been subjected over the last two centuries to a regime of industrial exploitation, whose cruelty has no precedent in the annals of planet Earth.

Dairy cows
‘Much of the wealth that shields humans from disease and famine was accumulated at the expense of laboratory monkeys, dairy cows and conveyor-belt chickens.’ Photograph: Graeme Robertson for the Guardian

Secondly, the time frame we are talking about is extremely short. Even if we focus only on the fate of humans, it is hard to argue that the life of the ordinary Welsh coalminer or Chinese peasant in 1800 was better than that of the ordinary forager 20,000 years ago. Most humans began to enjoy the fruits of modern medicine no earlier than 1850. Mass famines and major wars continued to blight much of humanity up to the middle of the 20th century. Even though the last few decades have proven to be a relative golden age for humanity in the developed world, it is too early to know whether this represents a fundamental shift in the currents of history, or an ephemeral wave of good fortune: 50 years is simply not enough time on which to base sweeping generalisations.

Indeed, the contemporary golden age may turn out to have sown the seeds of future catastrophe. Over the last few decades we have been disturbing the ecologic equilibrium of our planet in myriad ways, and nobody knows what the consequences will be. We may be destroying the groundwork of human prosperity in an orgy of reckless consumption.

Lonely and grey?

Even if we take into account solely the citizens of today’s affluent societies, Romantics may point out that our comfort and security have their price. Homo sapiens evolved as a social animal, and our wellbeing is usually influenced by the quality of our relationships more than by our household amenities, the size of our bank accounts or even our health. Unfortunately, the immense improvement in material conditions that affluent westerners have enjoyed over the last century was coupled with the collapse of most intimate communities.

People in the developed world rely on the state and the market for almost everything they need: food, shelter, education, health, security. Therefore it has become possible to survive without having extended families or any real friends. A person living in a London high rise is surrounded by thousands of people wherever she goes, but she might never have visited the flat next door, and might know very little about her colleagues at work. Even her friends might be just pub buddies. Many present-day friendships involve little more than talking and having fun together. We meet a friend at a pub, call him on the phone, or send an email, so that we can unload our anger at what happened today in the office, or share our thoughts on the latest royal scandal. Yet how well can you really know a person only from conversations?

In contrast to such pub buddies, friends in the stone age depended on one another for their very survival. Humans lived in close-knit communities, and friends were people with whom you went hunting mammoths. You survived long journeys and difficult winters together. You took care of one another when one of you fell sick, and shared your last morsels of food in times of want. Such friends knew each other more intimately than many present-day couples. Replacing such precarious tribal networks with the security of modern economies and states obviously has enormous advantages. But the quality and depth of intimate relationships are likely to have suffered.

Mammoth
In the stone age, friends went mammoth-hunting together. Photograph: Andrew Nelmerm/Getty Images/Dorling Kindersley

In addition to shallower relationships, contemporary people also suffer from a much poorer sensory world. Ancient foragers lived in the present moment, acutely aware of every sound, taste and smell. Their survival depended on it. They listened to the slightest movement in the grass to learn whether a snake might be lurking there. They carefully observed the foliage of trees in order to discover fruits and birds’ nests. They sniffed the wind for approaching danger. They moved with a minimum of effort and noise, and knew how to sit, walk and run in the most agile and efficient manner. Varied and constant use of their bodies gave them physical dexterity that people today are unable to achieve even after years of practising yoga or tai chi.

Today we can go to the supermarket and choose to eat a thousand different dishes. But whatever we choose, we might eat it in haste in front of the TV, not really paying attention to the taste. We can go on vacation to a thousand amazing locations. But wherever we go, we might play with our smartphone instead of really seeing the place. We have more choice than ever before, but what good is this choice, when we have lost the ability really to pay attention?

Well, what did you expect?

Even if you don’t buy into this picture of Pleistocene richness replaced by modern poverty, it is clear that the immense rise in human power has not been matched by an equal rise in human happiness. We are a thousand times more powerful than our hunter-gatherer ancestors, but not even the most optimistic Whig can believe that we are a thousand times happier. If we told our great-great-grandmother how we live, with vaccinations and painkillers and running water and stuffed refrigerators, she would likely have clasped her hands in astonishment and said: « You are living in paradise! You probably wake up every morning with a song in your heart, and pass your days walking on sunshine, full of gratitude and loving-kindness for all. » Well, we don’t. Compared to what most people in history dreamed about, we may be living in paradise. But for some reason, we don’t feel that we are.

One explanation has been provided by social scientists, who have recently rediscovered an ancient wisdom: our happiness depends less on objective conditions and more on our own expectations. Expectations, however, tend to adapt to conditions. When things improve, expectations rise, and consequently even dramatic improvements in conditions might leave us as dissatisfied as before. In their pursuit of happiness, people are stuck on the proverbial « hedonic treadmill », running faster and faster but getting nowhere.

If you don’t believe that, just ask Hosni Mubarak. The average Egyptian was far less likely to die from starvation, plague or violence under Mubarak than under any previous regime in Egyptian history. In all likelihood, Mubarak’s regime was also less corrupt. Nevertheless, in 2011 Egyptians took to the streets in anger to overthrow Mubarak. For they had much higher expectations than their ancestors.

Indeed, if happiness is strongly influenced by expectations then one of the central pillars of the modern world, mass media, seems almost tailored to prevent significant increases in global happiness levels. A man living in a small village 5,000 years ago measured himself against the other 50 men in the village. Compared to them, he looked pretty hot. Today, a man living in a small village compares himself to film stars and models, whom he sees every day on screens and giant billboards. Our modern villager is likely to be less happy with the way he looks.

The biological glass ceiling

Evolutionary biologists offer a complementary explanation for the hedonic treadmill. They contend that both our expectations and our happiness are not really determined by political, social or cultural factors, but rather by our biochemical system. Nobody is ever made happy, they argue, by getting a promotion, winning the lottery, or even finding true love. People are made happy by one thing and one thing only – pleasant sensations in their bodies. A person who just got a promotion and jumps from joy is not really reacting to the good news. She is reacting to various hormones coursing through her bloodstream, and to the storm of electric signals flashing between different parts of her brain.

Evolution illustration
‘Evolution has no interest in happiness per se: it is interested only in survival and repro­duction, and it uses happiness and misery as mere goads.’ Photograph: Philipp Kammerer/Alamy

The bad news is that pleasant sensations quickly subside. If last year I got a promotion, I might still be filling the new position, but the very pleasant sensations that I felt back then subsided long ago. If I want to continue feeling such sensations, I must get another promotion. And another. This is all the fault of evolution. Evolution has no interest in happiness per se: it is interested only in survival and reproduction, and it uses happiness and misery as mere goads. Evolution makes sure that no matter what we achieve, we remain dissatisfied, forever grasping for more. Happiness is thus a homeostatic system. Just as our biochemical system maintains our body temperature and sugar levels within narrow boundaries, it also prevents our happiness levels from rising beyond certain thresholds.

If happiness really is determined by our biochemical system, then further economic growth, social reforms and political revolutions will not make our world a much happier place. The only way dramatically to raise global happiness levels is by psychiatric drugs, genetic engineering and other direct manipulations of our biochemical infrastructure. In Brave New World, Aldous Huxley envisaged a world in which happiness is the supreme value, and in which everybody constantly takes the drug soma, which makes people happy without harming their productivity and efficiency. The drug forms one of the foundations of the World State, which is never threatened by wars, revolutions or strikes, because all people are supremely content with their current conditions. Huxley presented this world as a frightening dystopia. Today, more and more scientists, policymakers and ordinary people are adopting it as their goal.

Second thoughts

There are people who think that happiness is really not that important, and that it is a mistake to define individual satisfaction as the aim of human society. Others agree that happiness is the supreme good, but think that happiness isn’t just a matter of pleasant sensations. Thousands of years ago Buddhist monks reached the surprising conclusion that pursuing pleasant sensations is in fact the root of suffering, and that happiness lies in the opposite direction. Pleasant sensations are just ephemeral and meaningless vibrations. If five minutes ago I felt joyful or peaceful, that feeling is now gone, and I may well feel angry or bored. If I identify happiness with pleasant sensations, and crave to experience more and more of them, I have no choice but constantly to pursue them, and even if I get them, they immediately disappear, and I have to start all over again. This pursuit brings no lasting achievement. On the contrary: the more I crave these pleasant sensations, the more stressed and dissatisfied I become. However, if I learn to see my sensations for what they really are – ephemeral and meaningless vibrations – I lose interest in pursuing them, and can be content with whatever I experience. For what is the point of running after something that disappears as fast as it arises? For Buddhism, then, happiness isn’t pleasant sensations, but rather the wisdom, serenity and freedom that come from understanding our true nature.

True or false, the practical impact of such alternative views is minimal. For the capitalist juggernaut, happiness is pleasure. Full stop. With each passing year, our tolerance for unpleasant sensations decreases, whereas our craving for pleasant sensations increases. Both scientific research and economic activity are geared to that end, producing each year better painkillers, new ice-cream flavours, more comfortable mattresses, and more addictive games for our smartphones, so that we will not suffer a single boring moment while waiting for the bus.

All this is hardly enough, of course. Humans are not adapted by evolution to experience constant pleasure, so ice‑cream and smartphone games will not do. If that is what humankind nevertheless wants, it will be necessary to re-engineer our bodies and minds. We are working on it.

Yuval Noah Harari’s Sapiens: A Brief History of Humankind is published by Harvill Secker. He will be speaking at the Natural History Museum, Oxford, on 10 September.

Voir par ailleurs:

India’s top 5 revenue generating monuments were all built by Muslim rulers

Sanya Dhingra
The Print
7 June, 2018

The Taj Mahal and 4 other monuments earned Rs 146.05 crore, more than half the total revenue generated by centrally-protected monuments, in 2017-18.

New Delhi: Fringe Hindu groups and even some BJP leaders may have sought to belittle their significance but official data shows that India’s top five revenue generating monuments were all built by Muslim rulers – the Taj Mahal, Agra Fort, Qutub Minar, Fatehpur Sikri and Red Fort.

While Qutub Minar was built by rulers of the Delhi Sultanate, the rest were constructed by the Mughals.

These five monuments together earned the government Rs 146.05 crore in 2017-18, according Archaeological Survey of India (ASI) data. This is more than half the total revenue of Rs 271.8 crore generated by all centrally-protected monuments.

While some politicians sparked a controversy last year by arguing that the Mughal-era monument did not represent Indian culture, the number of visitors to it, both Indian and foreign, only increased since 2016-17.

A total of 64.58 lakh people visited the Taj Mahal in 2017-18 compared to 50.66 lakh in 2016-17.

Last year, the UP tourism department had even omitted the Taj Mahal, a UNESCO world heritage site, from a brochure listing the state’s principal attractions.

With total earnings of Rs 30.55 crore, Agra Fort built by Mughal emperor Akbar, another UNESCO world heritage site, was the second highest revenue generator in the last financial year.

While the Konark Sun Temple in Odisha came second after the Taj Mahal in terms of number of visitors (32.3 lakh), it generated only Rs 10.06 crore as revenue. This, officials said, is because the temple is mostly popular only with Indian tourists, with 32.21 lakh domestic visitors making the trip last year.

While Indian tourists are charged Rs 30 per head as entry fee to world heritage monuments across the country, foreign tourists have to pay Rs 500 each.

“It is impossible to communalise the entire Indian population through the meaningless political venom spewed by politicians,” said historian S. Irfan Habib, explaining the increase in visitors to the Taj.

“No matter what they say about the Taj Mahal and Red Fort, Indians will continue going there,” he added.


Nostalgie: Quand la pierre qui roule n’amassait pas mousse (But that’s not how it used to be: looking back at Don McLean’s classic song about America’s loss of innocence)

3 octobre, 2020


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Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? Jésus (Luc 18: 8)
Christianity will go. It will vanish and shrink. I needn’t argue about that; I’m right and I’ll be proved right. We’re more popular than Jesus now; I don’t know which will go first – rock ‘n’ roll or Christianity. Jesus was all right but his disciples were thick and ordinary. It’s them twisting it that ruins it for me. John Lennon (1966)
Who wrote the book of love? Tell me, tell me… I wonder, wonder who … Was it someone from above? The Monotones (1958)
Well, that’ll be the day, when you say goodbye Yes, that’ll be the day, when you make me cry You say you’re gonna leave, you know it’s a lie ‘Cause that’ll be the day when I die. Buddy Holly (1957)
Well, ya know a rolling stone don’t gather no moss. Buddy Holly (1958)
Now, for ten years we’ve been on our own And moss grows fat on a rolling stone But, that’s not how it used to be. (…) The Father, Son, and the Holy Ghost, they caught the last train for the coast, the day the music died. Don McLean
C’était une sorte de Woodstock, le genre de truc qui marchait à l’époque, mais cette mode allait sur sa fin. Si Woodstock a lancé la mode, elle a pris fin ce jour-là. Charlie Watts
Ça a été horrible, vraiment horrible. Tu te sens responsable. Comment cela a-t-il pu déraper de la sorte ? Mais je n’ai pas pensé à tous ces trucs auxquels les journalistes ont pensé : la grande perte de l’innocence, la fin d’une ère… C’était davantage le côté effroyable de la situation, le fait horrible que quelqu’un soit tué pendant un concert, combien c’était triste pour sa famille, mais aussi le comportement flippant des Hell’s Angels. Mick Jagger
J’y suis pas allé pour faire la police. J’suis pas flic. Je ne prétendrai jamais être flic. Ce Mick Jagger, il met tout sur le dos des Angels. Il nous prend pour des nazes. En ce qui me concerne, on s’est vraiment fait entuber par cet abruti. On m’a dit que si je m’asseyais sur le bord de la scène, pour bloquer les gens, je pourrais boire de la bière jusqu’à la fin du concert. C’est pour ça que j’y suis allé. Et tu sais quoi ? Quand ils ont commencé à toucher nos motos, tout a dérapé. Je sais pas si vous pensez qu’on les paie 50 $ ou qu’on les vole, ou que ça coûte cher ou quoi. Personne ne touche à ma moto. Juste parce qu’il y a une foule de 300 000 personnes ils pensent pouvoir s’en sortir. Mais quand je vois quelque chose qui est toute ma vie, avec tout ce que j’y ai investi, la chose que j’aime le plus au monde, et qu’un type lui donne des coups de pied, on va le choper. Et tu sais quoi ? On les a eus. Je ne suis pas un pacifiste minable, en aucun cas. Et c’est peut-être des hippies à fleurs et tout ça. Certains étaient bourrés de drogue, et c’est dommage qu’on ne l’ait pas été, ils descendaient la colline en courant et en hurlant et en sautant sur les gens. Et pas toujours sur des Angels, mais quand ils ont sauté sur un Angel, ils se sont fait mal.  Sonny Barger
SOS Racisme. SOS Baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme ; dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques, et donc une espèce virtuellement condamnée. Jean Baudrillard (1987)
I had an idea for a big song about America, and I didn’t want to write that this land is your land or some song like that. And I came up with this notion that politics and music flow parallel together forward through history. So the music you get is related somehow to the political environment that’s going on. And in the song, « American Pie, » the verses get somewhat more dire each time until you get to the end, but the good old boys are always there singing and singing, « Bye-bye Miss American Pie » almost like fiddling while Rome is burning. This was all in my head, and it sort of turned out to be true because, you now have a kind of music in America that’s really more spectacle, it owes more to Liberace than it does to Elvis Presley. And it’s somewhat meaningless and loud and bloviating and, and yet — and then we have this sort of spectacle in Washington, this kind of politics, which has gotten so out of control. And so the theory seems to hold up, but again, it was only my theory, and that’s how I wrote the song. That was the principle behind it. Don McLean
For some reason I wanted to write a big song about America and about politics, but I wanted to do it in a different way. As I was fiddling around, I started singing this thing about the Buddy Holly crash, the thing that came out (singing), ‘Long, long time ago, I can still remember how that music used to make me smile.’ I thought, Whoa, what’s that? And then the day the music died, it just came out. And I said, Oh, that is such a great idea. And so that’s all I had. And then I thought, I can’t have another slow song on this record. I’ve got to speed this up. I came up with this chorus, crazy chorus. And then one time about a month later I just woke up and wrote the other five verses. Because I realized what it was, I knew what I had. And basically, all I had to do was speed up the slow verse with the chorus and then slow down the last verse so it was like the first verse, and then tell the story, which was a dream. It is from all these fantasies, all these memories that I made personal. Buddy Holly’s death to me was a personal tragedy. As a child, a 15-year-old, I had no idea that nobody else felt that way much. I mean, I went to school and mentioned it and they said, ‘So what?’ So I carried this yearning and longing, if you will, this weird sadness that would overtake me when I would look at this album, The Buddy Holly Story, because that was my last Buddy record before he passed away. Don McLean
I was headed on a certain course, and the success I got with ‘American Pie’ really threw me off. It just shattered my lifestyle and made me quite neurotic and extremely petulant. I was really prickly for a long time. If the things you’re doing aren’t increasing your energy and awareness and clarity and enjoyment, then you feel as though you’re moving blindly. That’s what happened to me. I seemed to be in a place where nothing felt like anything, and nothing meant anything. Literally nothing mattered. It was very hard for me to wake up in the morning and decide why it was I wanted to get up. Don McLean
I’m very proud of the song. It is biographical in nature and I don’t think anyone has ever picked up on that. The song starts off with my memories of the death of Buddy Holly. But it moves on to describe America as I was seeing it and how I was fantasizing it might become, so it’s part reality and part fantasy but I’m always in the song as a witness or as even the subject sometimes in some of the verses. You know how when you dream something you can see something change into something else and it’s illogical when you examine it in the morning but when you’re dreaming it seems perfectly logical. So it’s perfectly okay for me to talk about being in the gym and seeing this girl dancing with someone else and suddenly have this become this other thing that this verse becomes and moving on just like that. That’s why I’ve never analyzed the lyrics to the song. They’re beyond analysis. They’re poetry. Don McLean
By 1964, you didn’t hear anything about Buddy Holly. He was completely forgotten. But I didn’t forget him, and I think this song helped make people aware that Buddy’s legitimate musical contribution had been overlooked. When I first heard ‘American Pie’ on the radio, I was playing a gig somewhere, and it was immediately followed by ‘Peggy Sue.’ They caught right on to the Holly connection, and that made me very happy. I realized that it was actually gonna perform some good works. Don McLean
It means never having to work again for the rest of my life. Don McLean (1991)
A month or so later I was in Philadelphia and I wrote the rest of the song. I was trying to figure out what this song was trying to tell me and where it was supposed to go. That’s when I realized it had to go forward from 1957 and it had to take in everything that has happened. I had to be a witness to the things going on, kind of like Mickey Mouse in Fantasia. I didn’t know anything about hit records. I was just trying to make the most interesting and exciting record that I could. Once the song was written, there was no doubt that it was the whole enchilada. It was clearly a very interesting, wonderful thing and everybody knew it. Don McLean (2003)
Basically in ‘American Pie’ things are heading in the wrong direction… It is becoming less idyllic. I don’t know whether you consider that wrong or right but it is a morality song in a sense. I was around in 1970 and now I am around in 2015… there is no poetry and very little romance in anything anymore, so it is really like the last phase of ‘American Pie’. Don McLean (2015)
The song has nostalgic themes, stretching from the late 1950s until the late 1960s. Except to acknowledge that he first learned about Buddy Holly’s death on February 3, 1959—McLean was age 13—when he was folding newspapers for his paper route on the morning of February 4, 1959 (hence the line « February made me shiver/with every paper I’d deliver »), McLean has generally avoided responding to direct questions about the song’s lyrics; he has said: « They’re beyond analysis. They’re poetry. » He also stated in an editorial published in 2009, on the 50th anniversary of the crash that killed Holly, Ritchie Valens, and J. P. « The Big Bopper » Richardson (who are alluded to in the final verse in a comparison with the Christian Holy Trinity), that writing the first verse of the song exorcised his long-running grief over Holly’s death and that he considers the song to be « a big song … that summed up the world known as America ». McLean dedicated the American Pie album to Holly. It was also speculated that the song contains numerous references to post-World War II American events (such as the murders of civil rights workers Chaney, Goodman, and Schwerner), and elements of culture, including 1960s culture (e.g. sock hops, cruising, Bob Dylan, The Beatles, Charles Manson, and much more). When asked what « American Pie » meant, McLean jokingly replied, « It means I don’t ever have to work again if I don’t want to. » Later, he stated, « You will find many interpretations of my lyrics but none of them by me … Sorry to leave you all on your own like this but long ago I realized that songwriters should make their statements and move on, maintaining a dignified silence. » He also commented on the popularity of his music, « I didn’t write songs that were just catchy, but with a point of view, or songs about the environment. In February 2015, McLean announced he would reveal the meaning of the lyrics to the song when the original manuscript went for auction in New York City, in April 2015. The lyrics and notes were auctioned on April 7, and sold for $1.2 million. In the sale catalogue notes, McLean revealed the meaning in the song’s lyrics: « Basically in American Pie things are heading in the wrong direction. … It [life] is becoming less idyllic. I don’t know whether you consider that wrong or right but it is a morality song in a sense. » The catalogue confirmed some of the better known references in the song’s lyrics, including mentions of Elvis Presley (« the king ») and Bob Dylan (« the jester »), and confirmed that the song culminates with a near-verbatim description of the death of Meredith Hunter at the Altamont Free Concert, ten years after the plane crash that killed Holly, Valens, and Richardson. Wikipedia
« The Jester » is probably Bob Dylan. It refers to him wearing « A coat he borrowed from James Dean, » and being « On the sidelines in a cast. » Dylan wore a red jacket similar to James Dean’s on the cover of The Freewheeling Bob Dylan, and got in a motorcycle accident in 1966 which put him out of service for most of that year. Dylan also made frequent use of jokers, jesters or clowns in his lyrics. The line, « And a voice that came from you and me » could refer to the folk style he sings, and the line, « And while the king was looking down the jester stole his thorny crown » could be about how Dylan took Elvis Presley’s place as the number one performer. The line, « Eight miles high and falling fast » is likely a reference to The Byrds’ hit « Eight Miles High. » Regarding the line, « The birds (Byrds) flew off from a fallout shelter, » a fallout shelter is a ’60s term for a drug rehabilitation facility, which one of the band members of The Byrds checked into after being caught with drugs. The section with the line, « The flames climbed high into the night, » is probably about the Altamont Speedway concert in 1969. While the Rolling Stones were playing, a fan was stabbed to death by a member of The Hells Angels who was hired for security. The line, « Sergeants played a marching tune, » is likely a reference to The Beatles’ album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. The line, « I met a girl who sang the blues and I asked her for some happy news, but she just smiled and turned away, » is probably about Janis Joplin. She died of a drug overdose in 1970. The lyric, « And while Lenin/Lennon read a book on Marx, » has been interpreted different ways. Some view it as a reference to Vladimir Lenin, the communist dictator who led the Russian Revolution in 1917 and who built the USSR, which was later ruled by Josef Stalin. The « Marx » referred to here would be the socialist philosopher Karl Marx. Others believe it is about John Lennon, whose songs often reflected a very communistic theology (particularly « Imagine »). Some have even suggested that in the latter case, « Marx » is actually Groucho Marx, another cynical entertainer who was suspected of being a socialist, and whose wordplay was often similar to Lennon’s lyrics. « Did you write the book of love » is probably a reference to the 1958 hit « Book Of Love » by the Monotones. The chorus for that song is « Who wrote the book of love? Tell me, tell me… I wonder, wonder who » etc. One of the lines asks, « Was it someone from above? » Don McLean was a practicing Catholic, and believed in the depravity of ’60s music, hence the closing lyric: « The Father, Son, and the Holy Ghost, they caught the last train for the coast, the day the music died. » Some, have postulated that in this line, the Trinity represents Buddy Holly, Ritchie Valens, and the Big Bopper. « And moss grows fat on our rolling stone » – Mick Jagger’s appearance at a concert in skin-tight outfits, displaying a roll of fat, unusual for the skinny Stones frontman. Also, the words, « You know a rolling stone don’t gather no moss » appear in the Buddy Holly song « Early in the Morning, » which is about his ex missing him early in the morning when he’s gone. « The quartet practiced in the park » – The Beatles performing at Shea Stadium. « And we sang dirges in the dark, the day the music died » – The ’60s peace marches. « Helter Skelter in a summer swelter » – The Manson Family’s attack on Sharon Tate and others in California. « We all got up to dance, Oh, but we never got the chance, ’cause the players tried to take the field, the marching band refused to yield » – The huge numbers of young people who went to Chicago for the 1968 Democratic Party National Convention, and who thought they would be part of the process (« the players tried to take the field »), only to receive a violently rude awakening by the Chicago Police Department nightsticks (the commissions who studied the violence after-the-fact would later term the Chicago PD as « conducting a full-scale police riot ») or as McLean calls the police « the marching band. » (…)The line « Jack be nimble, Jack be quick, Jack Flash sat on a candle stick » is taken from a nursery rhyme that goes « Jack be nimble, Jack be quick, Jack jump over the candlestick. » Jumping over the candlestick comes from a game where people would jump over fires. « Jumpin’ Jack Flash » is a Rolling Stones song. Another possible reference to The Stones can be found in the line, « Fire is the devils only friend, » which could be The Rolling Stones « Sympathy For The Devil, » which is on the same Rolling Stones album. (…) McLean wrote the opening verse first, then came up with the chorus, including the famous title. The phrase « as American as apple pie » was part of the lexicon, but « American Pie » was not. When McLean came up with those two words, he says « a light went off in my head. » (…) Regarding the lyrics, « Jack Flash sat on a candlestick, ’cause fire is the devil’s only friend, » this could be a reference to the space program, and to the role it played in the Cold War between America and Russia throughout the ’60s. It is central to McLean’s theme of the blending of the political turmoil and musical protest as they intertwined through our lives during this remarkable point in history. Thus, the reference incorporates Jack Flash (the Rolling Stones), with our first astronaut to orbit the earth, John (common nickname for John is Jack) Glenn, paired with « Flash » (an allusion to fire), with another image for a rocket launch, « candlestick, » then pulls the whole theme together with « ’cause fire is the Devil’s (Russia’s) only friend, » as Russia had beaten America to manned orbital flight. At 8 minutes 32 seconds, this is the longest song in length to hit #1 on the Hot 100. The single was split in two parts because the 45 did not have enough room for the whole song on one side. The A-side ran 4:11 and the B-side was 4:31 – you had to flip the record in the middle to hear all of it. Disc jockeys usually played the album version at full length, which was to their benefit because it gave them time for a snack, a cigarette or a bathroom break. (…) When the original was released at a whopping 8:32, some radio stations in the United States refused to play it because of a policy limiting airplay to 3:30. Some interpret the song as a protest against this policy. When Madonna covered the song many years later, she cut huge swathes of the song, ironically to make it more radio friendly, to 4:34 on the album and under 4 minutes for the radio edit. In 1971, a singer named Lori Lieberman saw McLean perform this at the Troubadour theater in Los Angeles. She claimed that she was so moved by the concert that her experience became the basis for her song « Killing Me Softly With His Song, » which was a huge hit for Roberta Flack in 1973. When we spoke with Charles Fox, who wrote « Killing Me Softly » with Norman Gimbel, he explained that when Lieberman heard their song, it reminded her of the show, and she had nothing to do with writing the song. This song did a great deal to revive interest in Buddy Holly. Says McLean: « By 1964, you didn’t hear anything about Buddy Holly. He was completely forgotten. But I didn’t forget him, and I think this song helped make people aware that Buddy’s legitimate musical contribution had been overlooked. When I first heard ‘American Pie’ on the radio, I was playing a gig somewhere, and it was immediately followed by ‘Peggy Sue.’ They caught right on to the Holly connection, and that made me very happy. I realized that it was actually gonna perform some good works. » In 2002, this was featured in a Chevrolet ad. It showed a guy in his Chevy singing along to the end of this song. At the end, he gets out and it is clear that he was not going to leave the car until the song was over. The ad played up the heritage of Chevrolet, which has a history of being mentioned in famous songs (the line in this one is « Drove my Chevy to the levee »). Chevy used the same idea a year earlier when it ran billboards of a red Corvette that said, « They don’t write songs about Volvos. » Weird Al Yankovic did a parody of this song for his 1999 album Running With Scissors. It was called « The Saga Begins » and was about Star Wars: The Phantom Menace written from the point of view of Obi-Wan Kenobi. Sample lyric: « Bye, bye this here Anakin guy, maybe Vader someday later but now just a small fry. » It was the second Star Wars themed parody for Weird Al – his first being « Yoda, » which is a takeoff on « Lola » by The Kinks. Al admitted that he wrote « The Saga Begins » before the movie came out, entirely based on Internet rumors. (…) This song was enshrined in the Grammy Hall of Fame in 2002, 29 years after it was snubbed for the four categories it was nominated in. At the 1973 ceremony, « American Pie » lost both Song of the Year and Record of the year to « First Time Ever I Saw Your Face. » (…) Fans still make the occasional pilgrimage to the spot of the plane crash that inspired this song. It’s in a location so remote that tourists are few. The song starts in mono, and gradually goes to stereo over its eight-and-a-half minutes. This was done to represent going from the monaural era into the age of stereo. This song was a forebear to the ’50s nostalgia the became popular later in the decade. A year after it was released, Elton John scored a ’50s-themed hit with « Crocodile Rock; in 1973 the George Lucas movie American Graffiti harkened back to that decade, and in 1978 the movie The Buddy Holly Story hit theaters. One of the more bizarre covers of this song came in 1972, when it appeared on the album Meet The Brady Bunch, performed by the cast of the TV show. This version runs just 3:39. This song appears in the films Born on the Fourth of July (1989), Celebrity (1998) and Josie and the Pussycats (2001). Don McLean’s original manuscript of « American Pie » was sold for $1.2 million at a Christie’s New York auction on April 7, 2015. Songfacts

Nostalgie quand tu nous tiens !

En ces jours étranges ….

Où, à l’instar d’une espèce condamnée comme l’avait bien vu Baudrillard …

Le racisme devient « l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques » …

Et SOS racisme attaque à nouveau Eric Zemmour en justice …

Pendant qu’au Sénat ou dans les beaux quartiers parisiens, ses notables de créateurs coulent des jours paisibles …

Comment ne pas repenser …

A la fameuse phrase de la célébrissime chanson de Don McLean …

Qui  entre la mort de Buddy Holly et celle, quatre mois après Woodstock, d’un fan au festival d’Altamont pendant le passage des Rolling Stones ….

Revenait, il y a 50 ans sur la perte d’innocence du rock et de l’Amérique de son adolescence …

Regrettant le temps proverbial …

Où « la pierre qui roule n’amassait pas mousse » ?

What is Don McLean’s song “American Pie” all about?

Dear Cecil:

I’ve been listening to Don McLean sing « American Pie » for twenty years now and I still don’t know what the hell he’s talking about. I know, I know, the « day the music died » is a reference to the Buddy Holly/Ritchie Valens/Big Bopper plane crash, but the rest of the song seems to be chock full of musical symbolism that I’ve never been able to decipher. There are clear references to the Byrds ( » … eight miles high and fallin’ fast … ») and the Rolling Stones (« … Jack Flash sat on a candlestick … »), but the song also mentions the « King and Queen, » the « Jester » (I’ve heard this is either Mick Jagger or Bob Dylan), a « girl who sang the blues » (Janis Joplin?), and the Devil himself. I’ve heard there is an answer key that explains all the symbols. Is there? Even if there isn’t, can you give me a line on who’s who and what’s what in this mediocre but firmly-entrenched-in-my-mind piece of music?

Scott McGough, Baltimore

Cecil replies:

Now, now, Scott. If you can’t clarify the confused, certainly the pinnacle of literary achievement in my mind, history (e.g., the towering rep of James Joyce) instructs us that your next best bet is to obfuscate the obvious. Don McLean has never issued an “answer key” for “American Pie,” undoubtedly on the theory that as long as you can keep ’em guessing, your legend will never die.

He’s probably right. Still, he’s dropped a few hints. Straight Dope musicologist Stefan Daystrom taped the following intro from Casey Kasem’s American Top 40 radio show circa January 1972: “A few days ago we phoned Don McLean for a little help in interpreting his great hit ‘American Pie.’ He was pretty reluctant to give us a straight interpretation of his work; he’d rather let it speak for itself. But he explained some of the specific references that he makes. The most important one is the death of rockabilly singer Buddy Holly in 1959; for McLean, that’s when the music died. The court jester he refers to is Bob Dylan. The Stones and the flames in the sky refer to the concert at Altamont, California. And McLean goes on, painting his picture,” blah blah, segue to record.

Not much to go on, but at least it rules out the Christ imagery. For the rest we turn to the song’s legion of freelance interpreters, whose thoughts were most recently compiled by Rich Kulawiec into a file that I plucked from the Internet. (I love the Internet.) No room to reprint all the lyrics, which you probably haven’t been able to forget anyway, but herewith the high points:

February made me shiver: Holly’s plane crashed February 3, 1959.

Them good ole boys were singing “This’ll be the day that I die”: Holly’s hit “That’ll Be the Day” had a similar line.

The Jester sang for the King and Queen in a coat he borrowed from James Dean: ID of K and Q obscure. Elvis and Connie Francis (or Little Richard)? John and Jackie Kennedy? Or Queen Elizabeth and consort, for whom Dylan apparently did play once? Dean’s coat is the famous red windbreaker he wore in Rebel Without a Cause; Dylan wore a similar one on “The Freewheeling Bob Dylan” album cover.

With the Jester on the sidelines in a cast: On July 29, 1966 Dylan had a motorcycle accident that kept him laid up for nine months.

While sergeants played a marching tune: The Beatles’ “Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band.”

And as I watched him on the stage/ my hands were clenched in fists of rage/ No angel born in hell/ Could break that Satan’s spell/ And as the flames climbed high into the night: Mick Jagger, Altamont.

I met a girl who sang the blues/ And I asked her for some happy news/ But she just smiled and turned away: Janis Joplin OD’d October 4, 1970.

The three men I admire most/ The Father, Son, and Holy Ghost/ They caught the last train for the coast: Major mystery. Holly, Bopper, Valens? Hank Williams, Elvis, Holly? JFK, RFK, ML King? The literal tripartite deity? As for the coast, could be the departure of the music biz for California. Or it simply rhymes, a big determinant of plot direction in pop music lyrics (which may also explain “drove my Chevy to the levee”). Best I can do for now. Just don’t ask me to explain “Stairway to Heaven.”

The last word (probably) on “American Pie”

Dear Cecil:

As you can imagine, over the years I have been asked many times to discuss and explain my song “American Pie.” I have never discussed the lyrics, but have admitted to the Holly reference in the opening stanzas. I dedicated the album American Pie to Buddy Holly as well in order to connect the entire statement to Holly in hopes of bringing about an interest in him, which subsequently did occur.

This brings me to my point. Casey Kasem never spoke to me and none of the references he confirms my making were made by me. You will find many “interpretations” of my lyrics but none of them by me. Isn’t this fun?

Sorry to leave you all on your own like this but long ago I realized that songwriters should make their statements and move on, maintaining a dignified silence.

— Don McLean, Castine, Maine

Cecil Adams

Voir aussi:

It had been a while since I’d seen “Gimme Shelter,” one of the early classics of the Maysles brothers, Albert and David, and I watched it again on the occasion of the passing of Albert Maysles last Thursday. To my surprise, I found that a big part of the story of “Gimme Shelter” is in the end credits, which say that the movie was filmed by “the Maysles Brothers and (in alphabetical order)” the names of twenty-two more camera operators. By way of contrast, the brothers’ previous feature, “Salesman,” credited “photography” solely to Albert Maysles, and “Grey Gardens,” from 1976, was “filmed by” Albert Maysles and David Maysles. The difference is drastic: it’s the distinction between newsgathering and relationships, and relationships are what the Maysleses built their films on.

The Maysleses virtually lived with the Bible peddlers on the road, they virtually inhabited Grey Gardens with Big Edie and Little Edie, but—as Michael Sragow reports in this superb study, from 2000, on the making of “Gimme Shelter”—the Maysleses didn’t and couldn’t move in with the Rolling Stones. Stan Goldstein, a Maysles associate, told Sragow, “In the film there are virtually no personal moments with the Stones—the Maysles were not involved with the Stones’ lives. They did not have unlimited access. It was an outside view.”

It’s a commonplace to consider the documentary filmmaker Frederick Wiseman’s films to be centered on the lives of institutions and those of the Maysleses to be centered on the lives of people, but “Gimme Shelter” does both. Though it’s replete with some exhilarating concert footage—notably, of the Stones performing on the concert tour that led up to the Altamont disaster—its central subject is how the Altamont concert came into being. “Gimme Shelter” is a film about a concert that is only incidentally a concert film. Yet the Maysleses’ vision of the unfolding events is distinctive—and, for that matter, historic—by virtue of their distinctive directorial procedure.

Early on, Charlie Watts, the Stones drummer, is seen in the editing room, watching footage with David Maysles, who tells him that it will take eight weeks to edit the film. Watts asks whether Maysles thinks he can do it in that time, and Maysles answers, waving his arm to indicate the editing room, “This gives us the freedom, you guys watching it.”

Filming in the editing room (which, Sragow reports, was the idea of Charlotte Zwerin, one of the film’s editors and directors, who had joined the project after the rest of the shoot) gave them the freedom to break from the strict chronology of the concert season that went from New York to Altamont while staying within the participatory logic of their direct-cinema program. It’s easy to imagine another filmmaker using a voice-over and a montage to introduce, at the start, the fatal outcome of the Altamont concert and portentously declare the intention to follow the band on their American tour to see how they reached that calamitous result. The Maysleses, repudiating such ex-cathedra interventions, instead create a new, and newly personal, sphere of action for the Stones and themselves that the filmmakers can use to frame the concert footage.

The editing-room sequences render the concert footage archival, making it look like what it is—in effect, found footage of a historical event. The result is to turn the impersonal archive personal and to give the Maysles brothers, as well as the Rolling Stones, a personal implication in even the documentary images that they themselves didn’t film.

Among those images are those of a press conference where Mick Jagger announced his plans for a free concert and his intentions in holding it, which are of a worthy and progressive cast: “It’s creating a microcosmic society which sets examples for the rest of America as to how one can behave at large gatherings.” (Later, though, he frames it in more demotic terms: “The concert is an excuse for everyone to talk to each other, get together, sleep with each other, hold each other, and get very stoned.”)

A strange convergence of interests appears in negotiations filmed by the Maysleses between the attorney Melvin Belli, acting on the Stones’ behalf; Dick Carter, the owner of the Altamont Speedway; and other local authorities. The intense pressure to make the concert happen is suggested in a radio broadcast from the day before the concert, during which the announcer Frank Terry snarks that “apparently it’s one of the most difficult things in the world to give a free concert.” The Stones want to perform; their fans want to see them perform a free concert; the local government wants to deliver that show and not to stand in its way; Belli wants to facilitate it; and the Stones don’t exactly renounce their authority in the process but do, in revealing moments, lay bare to the Maysleses’ cameras their readiness to engage with a mighty system of which they themselves aren’t quite the masters.

Within this convergence of rational interests, one element is overlooked: madness. Jagger approaches the concert with constructive purpose and festive enthusiasm, but he performs like a man possessed, singing with fury of a crossfire hurricane and warning his listeners that to play with him is to play with fire. No, what happened at Altamont is not the music’s fault. Celebrity was already a scene of madness in Frank Sinatra’s first flush of fame and when the Beatles were chased through the train station in “A Hard Day’s Night.” But the Beatles’ celebrity was, almost from the start, their subject as well as their object, and they approached it and managed it with a Warholian consciousness, as in their movies; they managed their music in the same way and became, like Glenn Gould, concert dropouts. By contrast, the Stones were primal and natural performers, whose music seemed to thrive, even to exist, in contact with the audience. That contact becomes the movie’s subject—a subject that surpasses the Rolling Stones and enters into history at large.

The Maysleses and Zwerin intercut the discussions between Belli, Carter, and the authorities with concert footage from the Stones’ other venues along the way. The effect—the music running as the nighttime preparations for the Altamont concert occur, with fires and headlights, a swirling tumult—suggests the forces about to be unleashed on the world at large. A cut from a moment in concert to a helicopter shot of an apocalyptic line of cars winding through the hills toward Altamont and of the crowd already gathered there suggests that something wild has escaped from the closed confines of the Garden and other halls. The Maysleses’ enduring theme of the absent boundary between theatre and life, between show and reality, is stood on its head: art as great as that of the Stones is destined to have a mighty real-world effect. There’s a reason why the crucial adjective for art is “powerful”; it’s ultimately forced to engage with power as such.

What died at Altamont was the notion of spontaneity, of the sense that things could happen on their own and that benevolent spirits would prevail. What ended was the idea of the unproduced. What was born there was infrastructure—the physical infrastructure of facilities, the abstract one of authority. From that point on, concerts were the tip of the iceberg, the superstructure, the mere public face and shining aftermath of elaborate planning. The lawyers and the insurers, the politicians and the police, security consultants and fire-safety experts—the masters and mistresses of management—would be running the show.

The movie ends with concertgoers the morning after, walking away, their backs to the viewer, leaving a blank natural realm of earth and sky; they’re leaving the state of nature and heading back to the city, from which they’ll never be able to leave innocently again. What emerges accursed is the very idea of nature, of the idea that, left to their own inclinations and stripped of the trappings of the wider social order, the young people of the new generation will somehow spontaneously create a higher, gentler, more loving grassroots order. What died at Altamont is the Rousseauian dream itself. What was envisioned in “Lord of the Flies” and subsequently dramatized in such films as “Straw Dogs” and “Deliverance” was presented in reality in “Gimme Shelter.” The haunting freeze-frame on Jagger staring into the camera, at the end of the film, after his forensic examination of the footage of the killing of Meredith Hunter at the concert, reveals not the filmmakers’ accusation or his own sense of guilt but lost illusions.


Guerres culturelles: La ‘wokeité’ serait-elle le christianisme des imbéciles ? (Purer-than-thou: Behind the fourth Great Awakening we now see taking to our streets once again is nothing but the Girardian escalation of mimetic rivalry, former Weekly Standard literary editor Joseph Bottum says)

26 septembre, 2020
Trump Campaign Ad Linking Churchgoers to 'Rioters' Upsets Black Church LeadersClassic Lincoln & Hamlin Wide Awakes 1860 Campaign Ribbon, white | Lot #25784 | Heritage Auctions
Woke | Know Your MemeDictionary.com Adds Words: 'Woke,' 'Butthurt' and 'Pokemon' | Time
PNG - 393.4 koL’antisémitisme est le socialisme des imbéciles. Ferdinand Kronawetter ? (attribué à August Bebel)
Je les ai foulés dans ma colère, Je les ai écrasés dans ma fureur; Leur sang a jailli sur mes vêtements, Et j’ai souillé tous mes habits. Car un jour de vengeance était dans mon coeur (…) J’ai foulé des peuples dans ma colère, Je les ai rendus ivres dans ma fureur, Et j’ai répandu leur sang sur la terre. Esaïe 63: 3-6
Et l’ange jeta sa faucille sur la terre. Et il vendangea la vigne de la terre, et jeta la vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu. Et la cuve fut foulée hors de la ville; et du sang sortit de la cuve, jusqu’aux mors des chevaux, sur une étendue de mille six cents stades. Apocalypse 14: 19-20
Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur; Il piétine le vignoble où sont gardés les raisins de la colère; Il a libéré la foudre fatidique de sa terrible et rapide épée; Sa vérité est en marche. (…) Dans la beauté des lys Christ est né de l’autre côté de l’océan, Avec dans sa poitrine la gloire qui nous transfigure vous et moi; Comme il est mort pour rendre les hommes saints, mourons pour rendre les hommes libres; Tandis que Dieu est en marche. Julia Ward Howe (1861)
La colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. John Steinbeck (1939)
La civilisation atteindra la perfection le jour où la dernière pierre de la dernière église aura assommé le dernier prêtre. Attribué à Zola
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. G.K. Chesterton
La nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion. Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera. C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l’islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. En théorie, la solution paraît d’ailleurs extrêmement difficile. Peut-être serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l’aspect français de la question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d’Etat. Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s’établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis «musulmane» je pense moins aux structures religieuses qu’aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Dès maintenant, le sultan du Maroc est dépassé et Bourguiba ne conservera le pouvoir qu’en devenant une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les «misérables» ont d’ailleurs peu à perdre. Ils préféreront conserver leur misère à l’intérieur d’une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d’eux une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils préféreront l’avenir de leur race. L’Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d’en retarder l’évolution. André Malraux (1956)
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème ! René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
Nous sommes entrés dans un mouvement qui est de l’ordre du religieux. Entrés dans la mécanique du sacrilège: la victime, dans nos sociétés, est entourée de l’aura du sacré. Du coup, l’écriture de l’histoire, la recherche universitaire, se retrouvent soumises à l’appréciation du législateur et du juge comme, autrefois, à celle de la Sorbonne ecclésiastique. Françoise Chandernagor
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
La glorification d’une race et le dénigrement corollaire d’une autre ou d’autres a toujours été et sera une recette de meurtre. Ceci est une loi absolue. Si on laisse quelqu’un subir un traitement particulièrement défavorable à un groupe quelconque d’individus en raison de leur race ou de leur couleur de peau, on ne saurait fixer de limites aux mauvais traitements dont ils seront l’objet et puisque la race entière a été condamnée pour des raisons mystérieuses il n’y a aucune raison pour ne pas essayer de la détruire dans son intégralité. C’est précisément ce que les nazis auraient voulu accomplir (…) J’ai beaucoup à cœur de voir les noirs conquérir leur liberté aux Etats Unis. Mais leur dignité et leur santé spirituelle me tiennent également à cœur et je me dois de m’opposer à toutes tentatives des noirs de faire à d’autres ce qu’on leur a fait. James Baldwin
The recent flurry of marches, demonstrations and even riots, along with the Democratic Party’s spiteful reaction to the Trump presidency, exposes what modern liberalism has become: a politics shrouded in pathos. Unlike the civil-rights movement of the 1950s and ’60s, when protesters wore their Sunday best and carried themselves with heroic dignity, today’s liberal marches are marked by incoherence and downright lunacy—hats designed to evoke sexual organs, poems that scream in anger yet have no point to make, and an hysterical anti-Americanism. All this suggests lostness, the end of something rather than the beginning. (…) America, since the ’60s, has lived through what might be called an age of white guilt. We may still be in this age, but the Trump election suggests an exhaustion with the idea of white guilt, and with the drama of culpability, innocence and correctness in which it mires us. White guilt (…) is the terror of being stigmatized with America’s old bigotries—racism, sexism, homophobia and xenophobia. To be stigmatized as a fellow traveler with any of these bigotries is to be utterly stripped of moral authority and made into a pariah. The terror of this, of having “no name in the street” as the Bible puts it, pressures whites to act guiltily even when they feel no actual guilt. (…) It is also the heart and soul of contemporary liberalism. This liberalism is the politics given to us by white guilt, and it shares white guilt’s central corruption. It is not real liberalism, in the classic sense. It is a mock liberalism. Freedom is not its raison d’être; moral authority is. (…) Barack Obama and Hillary Clinton, good liberals both, pursued power by offering their candidacies as opportunities for Americans to document their innocence of the nation’s past. “I had to vote for Obama,” a rock-ribbed Republican said to me. “I couldn’t tell my grandson that I didn’t vote for the first black president.” For this man liberalism was a moral vaccine that immunized him against stigmatization. For Mr. Obama it was raw political power in the real world, enough to lift him—unknown and untested—into the presidency. But for Mrs. Clinton, liberalism was not enough. The white guilt that lifted Mr. Obama did not carry her into office—even though her opponent was soundly stigmatized as an iconic racist and sexist. Perhaps the Obama presidency was the culmination of the age of white guilt, so that this guiltiness has entered its denouement. (…) Our new conservative president rolls his eyes when he is called a racist, and we all—liberal and conservative alike—know that he isn’t one. The jig is up. Bigotry exists, but it is far down on the list of problems that minorities now face. (…) Today’s liberalism is an anachronism. It has no understanding, really, of what poverty is and how it has to be overcome. (…) Four thousand shootings in Chicago last year, and the mayor announces that his will be a sanctuary city. This is moral esteem over reality; the self-congratulation of idealism. Liberalism is exhausted because it has become a corruption. Shelby Steele
For over forty years the left has been successfully reshaping American culture. Social mores and government policies about sexuality, marriage, the sexes, race relations, morality, and ethics have changed radically. The collective wisdom of the human race that we call tradition has been marginalized or discarded completely. The role of religion in public life has been reduced to a private preference. And politics has been increasingly driven by the assumptions of progressivism: internationalism privileged over nationalism, centralization of power over its dispersal in federalism, elitist technocracy over democratic republicanism, “human sciences” over common sense, and dependent clients over autonomous citizens. But the election of Donald Trump, and the overreach of the left’s response to that victory, suggest that we may be seeing the beginning of the end of the left’s cultural, social, and political dominance. The two terms of Barack Obama seemed to be the crowning validation of the left’s victory. Despite Obama’s “no blue state, no red state” campaign rhetoric, he governed as the most leftist––and ineffectual–– president in history. Deficits exploded, taxes were raised, new entitlements created, and government expanded far beyond the dreams of center-left Democrats. Marriage and sex identities were redefined. The narrative of permanent white racism was endorsed and promoted. Tradition-minded Americans were scorned as “bitter clingers to guns and religion.” Hollywood and Silicon Valley became even more powerful cultural arbiters and left-wing publicists. And cosmopolitan internationalism was privileged over patriotic nationalism, while American exceptionalism was reduced to an irrational parochial prejudice. The shocking repudiation of the establishment left’s anointed successor, Hillary Clinton, was the first sign that perhaps the hubristic left had overreached, and summoned nemesis in the form of a vulgar, braggadocios reality television star and casino developer who scorned the hypocritical rules of decorum and political correctness that even many Republicans adopted to avoid censure and calumny. Yet rather than learning the tragic self-knowledge that Aristotle says compensates the victim of nemesis, the left overreached yet again with its outlandish, hysterical tantrums over Trump’s victory. The result has been a stark exposure of the left’s incoherence and hypocrisy so graphic and preposterous that they can no longer be ignored. First, the now decidedly leftist Democrats refused to acknowledge their political miscalculations. Rather than admit that their party has drifted too far left beyond the beliefs of the bulk of the states’ citizens, they shifted blame onto a whole catalogue of miscreants: Russian meddling, a careerist FBI director, their own lap-dog media, endemic sexism, an out-of-date Electoral College, FOX News, and irredeemable “deplorables” were just a few. Still high on the “permanent majority” Kool-Aid they drank during the Obama years, they pitched a fit and called it “resistance,” as though comfortably preaching to the media, university, and entertainment choirs was like fighting Nazis in occupied France. (…) in colleges and universities. Normal people watched as some of the most privileged young people in history turned their subjective slights and bathetic discontents into weapons of tyranny, shouting down or driving away speakers they didn’t like, and calling for “muscle” to enforce their assault on the First Amendment. Relentlessly repeated on FOX News and on the Drudge Report, these antics galvanized large swaths of American voters who used to be amused, but now were disgusted by such displays of rank ingratitude and arrogant dismissal of Constitutional rights. And voters could see that the Democrats encouraged and enabled this nonsense. The prestige of America’s best universities, where most of these rites of passage for the scions of the well-heeled occurred, was even more damaged than it had been in the previous decades. So too with the world of entertainment. Badly educated actors, musicians, and entertainers, those glorified jugglers, jesters, and sword-swallowers who fancy themselves “artists,” have let loose an endless stream of dull leftwing clichés and bromides that were in their dotage fifty years ago. The spectacle of moral preening coming from the entertainment industry––one that trades in vulgarity, misogyny, sexual exploitation, the glorification of violence, and, worst of all, the production of banal, mindless movies and television shows recycling predictable plots, villains, and heroes––has disgusted millions of voters, who are sick of being lectured to by overpaid carnies. So they vote with their feet for the alternatives, while movie grosses and television ratings decline. As for the media, their long-time habit of substituting political activism for journalism, unleashed during the Obama years, has been freed from its last restraints while covering Trump. The contrast between the “slobbering love affair,” as Bernie Goldberg described the media’s coverage of Obama, and the obsessive Javert-like hounding of Trump has stripped the last veil of objectivity from the media. They’ve been exposed as flacks no longer seeking the truth, but manufacturing partisan narratives. The long cover-up of the Weinstein scandal is further confirmation of the media’s amoral principles and selective outrage. With numerous alternatives to the activism of the mainstream media now available, the legacy media that once dominated the reporting of news and political commentary are now shrinking in influence and lashing out in fury at their diminished prestige and profits. Two recent events have focused this turn against the sixties’ hijacking of the culture. The preposterous “protests” by NFL players disrespecting the flag during pregame ceremonies has angered large numbers of Americans and hit the League in the wallet. The race card that always has trumped every political or social conflict has perhaps lost its power. The spectacle of rich one-percenters recycling lies about police encounters with blacks and the endemic racism of American society has discredited the decades-long racial narrative constantly peddled by Democrats, movies, television shows, and school curricula from grade-school to university. The endless scolding of white people by blacks more privileged than the majority of human beings who ever existed has lost its credibility. The racial good will that got a polished mediocrity like Barack Obama twice elected president perhaps has been squandered in this attempt of rich people who play games to pose as perpetual victims. These supposed victims appear more interested in camouflaging their privilege than improving the lives of their so-called “brothers” and “sisters.” The second is the Harvey Weinstein scandal. A lavish donor to Democrats––praised by Hillary Clinton and the Obamas, given standing ovations at awards shows by the politically correct, slavishly courted and feted by progressive actors and entertainers, and long known to be a vicious sexual predator by these same progressive “feminists” supposedly anguished by the plight of women––perhaps will become the straw that breaks the back of progressive ideology. (…) The spectacle of a rich feminist and progressive icon like Jane Fonda whimpering about her own moral cowardice has destroyed the credibility we foolishly gave to Hollywood’s dunces and poltroons. Bruce Thornton
We disrupt the Western-prescribed nuclear family structure requirement by supporting each other as extended families and “villages” that collectively care for one another, especially our children, to the degree that mothers, parents, and children are comfortable.We foster a queer‐affirming network. When we gather, we do so with the intention of freeing ourselves from the tight grip of heteronormative thinking, or rather, the belief that all in the world are heterosexual (unless s/he or they disclose otherwise). Black Lives Matter
BLM’s « what we believe » page, calling for the destruction of the nuclear family among many other radical left wing agenda items, has been deleted » pic.twitter.com/qCZxUFMZH4 Matt Walsh
Correction: This article’s headline originally stated that People of Praise inspired ‘The Handmaid’s Tale’. The book’s author, Margaret Atwood, has never specifically mentioned the group as being the inspiration for her work. A New Yorker profile of the author from 2017 mentions a newspaper clipping as part of her research for the book of a different charismatic Catholic group, People of Hope. Newsweek regrets the error. Newsweek
Je conseille à tout le monde d’être un peu prudent quand ils passent par là, rester éveillé, garder les yeux ouverts. Leadbelly (« Scottsboro Boys », 1938)
If You’re Woke You Dig It. William Melvin Kelley (1962)
I been sleeping all my life. And now that Mr. Garvey done woke me up, I’m gon’ stay woke. And I’m gon help him wake up other black folk. Barry Beckham (1972)
I am known to stay awake A beautiful world I’m trying to find I’ve been in search of myself (…) I am in the search of something new (A beautiful world I’m trying to find) Searchin’ me Searching inside of you And that’s fo’ real What if it were no niggas Only master teachers? I stay woke. Erykah Badu (2008)
La vérité ne nécessite aucune croyance. / Restez réveillé. Regardez attentivement. / #FreePussyRiot. Erykah Badu
Wikipédia est-il  assez woke ? Bloomberg Businessweek
L’énigme est intégrée. Lorsque les Blancs aspirent à obtenir des points pour la conscience, ils marchent directement dans la ligne de mire entre l’alliance et l’appropriation. Amanda Hess
WOKE: Adjectif dérivé du verbe anglais awake (« s’éveiller »), il désigne un membre d’un groupe dominant, conscient du système oppressant les minorités et n’hésitant pas à dénoncer les discriminations en utilisant le vocabulaire intersectionnel. Marianne
Le grand réveil (Great Awakening) correspond à une vague de réveils religieux dans le Royaume de Grande-Bretagne et ses colonies américaines au milieu du XVIIIe siècle. Le terme de Great Awakening est apparu vers 1842. On le retrouve dans le titre de l’ouvrage consacré par Joseph Tracy au renouveau religieux qui débuta en Grande-Bretagne et dans ses colonies américaines dans les années 1720, progressa considérablement dans les années 1740 pour s’atténuer dans les années 1760 voire 1770. Il sera suivi de nouvelles vagues de réveil, le second grand réveil (1790-1840) et une troisième vague de réveils entre 1855 et les premières décennies du XXe siècle. Ces réveils religieux dans la tradition protestante et surtout dans le contexte américain sont compris comme une période de redynamisation de la vie religieuse. Le Great Awakening toucha des églises protestantes et des églises chrétiennes évangéliques et contribua à la formation de nouvelles Églises. Wikipedia
Woke est un terme apparu durant les années 2010 aux États-Unis, pour décrire un état d’esprit militant et combatif pour la protection des minorités et contre le racisme. Il dérive du verbe wake (réveiller), pour décrire un état d’éveil face à l’injustice. Il est dans un premier temps utilisé dans le mouvement de Black Lives Matter, avant d’être repris plus largement. Depuis la fin des années 2010, le terme Woke s’est déployé et aujourd’hui une personne « woke » se définit comme étant consciente de toutes les injustices et de toutes les formes d’inégalités, d’oppression qui pèsent sur les minorités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales et utilisant généralement un vocabulaire intersectionnel. Son usage répandu serait dû au mouvement Black Lives Matter. Le terme Woke est non seulement associé aux militantismes antiraciste, féministe et LGBT mais aussi à une politique de gauche dite progressiste et à certaines réflexions face aux problèmes socioculturels (les termes culture Woke et politique Woke sont également utilisés). (…) Les termes Woke et wide awake (complètement éveillé) sont apparus pour la première fois dans la culture politique et les annonces politiques lors de l’ élection présidentielle américaine de 1860 pour soutenir Abraham Lincoln. Le Parti républicain a cultivé le mouvement pour s’opposer principalement à la propagation de l’esclavage, comme décrit dans le mouvement Wide Awakes. Les dictionnaires d’Oxford enregistrent  une utilisation politiquement consciente précoce en 1962 dans l’article « If You’re Woke You Dig It » de William Melvin Kelley dans le New York Times et dans la pièce de 1971 Garvey Lives! de Barry Beckham (« I been sleeping all my life. And now that Mr. Garvey done woke me up, I’m gon’ stay woke. And I’m gon help him wake up other black folk. »). Garvey avait lui-même exhorté ses auditoires du début du XXe siècle, « Wake up Ethiopia! Wake up Africa! » (« Réveillez-vous Éthiopie! Réveillez-vous Afrique! »en français). Auparavant, Jay Saunders Redding avait enregistré un commentaire d’un employé afro-américain du syndicat United Mine Workers of America en 1940 (« Laissez-moi vous dire, mon ami. Se réveiller est beaucoup plus difficile que de dormir, mais nous resterons éveillés plus longtemps. »). Leadbelly utilise la phrase vers la fin de l’enregistrement de sa chanson de 1938 « Scottsboro Boys », tout en expliquant l’incident du même nom, en disant « Je conseille à tout le monde d’être un peu prudent quand ils passent par là, rester éveillé, garder les yeux ouverts ». La première utilisation moderne du terme « Woke » apparaît dans la chanson « Master Teacher » de l’album New Amerykah Part One (4th World War) (2008) de la chanteuse de soul Erykah Badu. Tout au long de la chanson, Badu chante la phrase: « I stay woke ». Bien que la phrase n’ait pas encore de lien avec les problèmes de justice, la chanson de Badu est créditée du lien ultérieur avec ces problèmes. To « stay woke » (Rester éveillé) dans ce sens exprime l’aspect grammatical continu et habituel intensifié de l’anglais vernaculaire afro-américain : en substance, être toujours éveillé, ou être toujours vigilant. David Stovall a dit: « Erykah l’a amené vivant dans la culture populaire. Elle veut dire ne pas être apaisée, ne pas être anesthésiée. » Le concept d’être Woke (réveillé en anglais) soutient l’idée que ce type de prise de conscience doit être acquise. Le rappeur Earl Sweatshirt se souvient d’avoir chanté « I stay woke » sur la chanson et sa mère a refusé la chanson et a répondu: « Non, tu ne l’es pas. » En 2012, les utilisateurs de Twitter, y compris Erykah Badu, ont commencé à utiliser « Woke » et « stay Woke » en relation avec des questions de justice sociale et raciale et #StayWoke est devenu un mot-dièse largement utilisé. Badu a incité ceci avec la première utilisation politiquement chargée de l’expression sur Twitter. Elle a tweeté pour soutenir le groupe de musique féministe russe Pussy Riot : « La vérité ne nécessite aucune croyance. / Restez réveillé. Regardez attentivement. / #FreePussyRiot. » Le terme Woke s’est répandu dans un usage courant dans le monde anglo-saxon par les médias sociaux et des cercles militants. Par exemple, en 2016, le titre d’un article de Bloomberg Businessweek demandait « Is Wikipedia Woke? » (« Est-ce que Wikipédia est Woke ? »), en faisant référence à la base de contributeurs largement blancs de l’encyclopédie en ligne. Enfin, le terme Woke s’est étendu à d’autres causes et d’autres usages, plus mondains. Car, en effet, tout semble maintenant ainsi « éveillé » : la 75ème cérémonie des Golden Globes, marquée par l’affaire Weinstein et la volonté d’en finir avec le harcèlement sexuel, était en partie Woke, selon le New York Times. Le magazine London Review of Books affirme même que la famille royale britannique est désormais Woke d’après les récentes fiançailles du prince Harry avec l’actrice métisse Meghan Markle, dont les positions anti-Donald Trump sont bien connues. À la fin des années 2010, le terme « Woke » avait pris pour indiquer « une paranoïa saine, en particulier sur les questions de justice raciale et politique » et a été adopté comme un terme d’argot plus générique et a fait l’objet de mèmes. Par exemple, MTV News l’a identifié comme un mot-clé d’argot adolescent pour 2016. Dans le New York Times, Amanda Hess a exprimé des inquiétudes quant au fait que le mot Woke a été culturellement approprié, écrivant: « L’énigme est intégrée. Lorsque les Blancs aspirent à obtenir des points pour la conscience, ils marchent directement dans la ligne de mire entre l’alliance et l’appropriation. Wikipedia
On ne peut comprendre la gauche si on ne comprend pas que le gauchisme est une religion. Dennis Prager
You cannot understand the Left if you do not understand that leftism is a religion. It is not God-based (some left-wing Christians’ and Jews’ claims notwithstanding), but otherwise it has every characteristic of a religion. The most blatant of those characteristics is dogma. People who believe in leftism have as many dogmas as the most fundamentalist Christian. One of them is material equality as the preeminent moral goal. Another is the villainy of corporations. The bigger the corporation, the greater the villainy. Thus, instead of the devil, the Left has Big Pharma, Big Tobacco, Big Oil, the “military-industrial complex,” and the like. Meanwhile, Big Labor, Big Trial Lawyers, and — of course — Big Government are left-wing angels. And why is that? Why, to be specific, does the Left fear big corporations but not big government? The answer is dogma — a belief system that transcends reason. No rational person can deny that big governments have caused almost all the great evils of the last century, arguably the bloodiest in history. Who killed the 20 to 30 million Soviet citizens in the Gulag Archipelago — big government or big business? Hint: There were no private businesses in the Soviet Union. Who deliberately caused 75 million Chinese to starve to death — big government or big business? Hint: See previous hint. Did Coca-Cola kill 5 million Ukrainians? Did Big Oil slaughter a quarter of the Cambodian population? Would there have been a Holocaust without the huge Nazi state? Whatever bad things big corporations have done is dwarfed by the monstrous crimes — the mass enslavement of people, the deprivation of the most basic human rights, not to mention the mass murder and torture and genocide — committed by big governments. (…) Religious Christians and Jews also have some irrational beliefs, but their irrationality is overwhelmingly confined to theological matters; and these theological irrationalities have no deleterious impact on religious Jews’ and Christians’ ability to see the world rationally and morally. Few religious Jews or Christians believe that big corporations are in any way analogous to big government in terms of evil done. And the few who do are leftists. That the Left demonizes Big Pharma, for instance, is an example of this dogmatism. America’s pharmaceutical companies have saved millions of lives, including millions of leftists’ lives. And I do not doubt that in order to increase profits they have not always played by the rules. But to demonize big pharmaceutical companies while lionizing big government, big labor unions, and big tort-law firms is to stand morality on its head. There is yet another reason to fear big government far more than big corporations. ExxonMobil has no police force, no IRS, no ability to arrest you, no ability to shut you up, and certainly no ability to kill you. ExxonMobil can’t knock on your door in the middle of the night and legally take you away. Apple Computer cannot take your money away without your consent, and it runs no prisons. The government does all of these things. Of course, the Left will respond that government also does good and that corporations and capitalists are, by their very nature, “greedy.” To which the rational response is that, of course, government also does good. But so do the vast majority of corporations, private citizens, church groups, and myriad voluntary associations. On the other hand, only big government can do anything approaching the monstrous evils of the last century. As for greed: Between hunger for money and hunger for power, the latter is incomparably more frightening. It is noteworthy that none of the twentieth century’s monsters — Lenin, Hitler, Stalin, Mao — were preoccupied with material gain. They loved power much more than money. And that is why the Left is much more frightening than the Right. It craves power.  Dennis Prager
What I found most interesting and provocative is Bottum’s thesis that although it seems that the moral core of modern American society has been entirely secularized, and religion and religious institutions play little role in shaping those views, in fact the watered-down gruel of moral views served up by elite establishment opinion (recycling, multiculturalism, and the like) is a remnant of the old collection of Protestant mainline views that dominated American society for decades or even centuries. To highlight the important sociological importance of religion in American society, Bottum uses the now-familiar metaphor of a three-legged stool in describing American society (one that I and others have used as well): a balance between constitutional democracy, free market capitalism, and a strong and vibrant web of civil society institutions where moral lessons are taught and social capital is built. In the United States, the most important civil society organizations traditionally have been family and churches. And, among the churches, by far the most important were those that Bottum deems as the “Protestant Mainline” — Episcopalian, Lutheran, Baptist (Northern), Methodist, Presbyterian, Congregationalist/United Church of Christ, etc. The data on changing membership in these churches is jaw-dropping. In 1965, for example, over half of the United States population claimed membership in one of the Protestant mainline churches. Today, by contrast, less than 10 percent of the population belongs to one of these churches. Moreover, those numbers are likely to continue to decline — the Protestant Mainline (“PM”) churches also sport the highest average age of any church group. Why does the suicide of the Protestant Mainline matter? Because for Bottum, these churches are what provided the sturdy third leg to balance politics and markets in making a good society. Indeed, Bottum sees the PM churches as the heart of American Exceptionalism — they provided the moral code of Americanism. Probity, responsibility, honesty, integrity — all the moral virtues that provided the bedrock of American society and also constrained the hydraulic and leveling tendencies of the state and market to devour spheres of private life. The collapse of this religious-moral consensus has been most pronounced among American elites, who have turned largely indifferent to formal religious belief. And in some leftist elite circles it has turned to outright hostility toward religion — Bottum reminds us of Barack Obama’s observation that rural Americans today cling to their “guns and Bibles” out of bitterness about changes in the world. Perhaps most striking is that anti-Catholic bigotry today is almost exclusively found on “the political Left, as it members rage about insidious Roman influence on the nation: the Catholic justices on the Supreme Court plotting to undo the abortion license, and the Catholic racists of the old rust belt states turning their backs on Obama to vote for Hillary Clinton in the 2008 Democratic primaries. Why is it no surprise that one of the last places in American Christianity to find good, old-fashioned anti-Catholicism is among the administrators of the dying Mainline…. They must be anti-Catholics precisely to the extent that they are also political leftists.” As the recent squabbles over compelling practicing Catholics to toe the new cultural line on same-sex marriage at the risk of losing their jobs or businesses, the political Left today is increasingly intolerant of recognizing a private sphere of belief outside of the crushing hand of political orthodoxy. Yet as Bottum notes, the traditional elite consensus has been replaced by a new spiritual orthodoxy of “morality.” The American elite (however defined) today does subscribe to a set of orthodoxies of what constitutes “proper” behavior: proper views on the environment, feminism, gay rights, etc. Thus, Bottum provocatively argues, the PM hasn’t gone away, it has simply evolved into a new form, a religion without God as it were, in which the Sierra club, universities, and Democratic Party have supplanted the Methodists and Presbyterians as the teachers of proper values. (…) Bottum points to the key moment as the emergence of the Social Gospel movement in the early 20th Century. Led by Walter Rauschenbusch, the Social Gospel movement reached beyond the traditional view that Christianity spoke to personal failings such as sin, but instead reached “the social sin of all mankind, to which all who ever lived have contributed, and under which all who ever lived have suffered.” As Bottum summarizes it, Rauschenbusch identified six social sins: “bigotry, the arrogance of power, the corruption of justice for personal ends, the madness [and groupthink] of the mob, militarism, and class contempt.” As religious belief moved from the pulpit and pew to the voting booth and activism, the role of Jesus and any religious belief became increasingly attenuated. And eventually, Bottum suggests, the political agenda itself came to overwhelm the increasingly irrelevant religious beliefs that initially supported it. Indeed, to again consider contemporary debates, what matters most is outward conformity to orthodox opinion, not persuasion and inward acceptance of a set of particular views–as best illustrated by the lynch mobs that attacked Brendan Eich for his political donations (his outward behavior) and to compel conformity of behavior among wedding cake bakers and the like, all of which bears little relation to (and in fact is likely counterproductive) to changing personal belief. (Of course, that too is an unstable equilibrium–in the future it won’t be sufficient to not merely not be politically opposed to same-sex marriage, it will be a litmus test to be affirmatively in favor of it.). Thus, while the modern elite appears to be largely non-religious, Bottum argues that they are the subconscious heirs to the old Protestant Mainline, but are merely Post-Protestant — the same demographic group of people holding more or less the same views and fighting the same battles as the advocates of the social gospel. In the second part of the book, Bottum turns to his second theme — the effort beginning around 2000 of Catholics and Evangelical Christians to form an alliance to create a new moral consensus to replace the void left by the collapse Protestant Mainline churches. Oversimplified, Bottum’s basic point is that this was an effort to marry the zeal and energy of Evangelical churches to the long, well-developed natural law theory of Catholicism, including Catholic social teaching. Again oversimplified, Bottum’s argument is that this effort was doomed on both sides of the equation–first, Catholicism is simply too dense and “foreign” to ever be a majoritarian church in the United States; and second, because evangelical Christianity itself has lost much of its vibrant nature. Bottum notes, which I hadn’t realized, that after years of rapid growth, evangelical Christianity appears to be in some decline in membership. Thus, the religious void remains. The obvious question with which one is left is if Bottum is correct that religious institutions uphold the third leg of the American stool, and if (as he claims) religion is the key to American exceptionalism, can America survive without a continued vibrant religious tradition? (…) Campus protests today, for example, often seem to be sort of a form of performance art, where the gestures of protest and being seen to “care” are ends in themselves, as often the protests themselves have goals that are somewhat incoherent (compared to, say, protests against the Vietnam War). Bottum describes this as a sort of spirtual angst, a vague discomfort with the way things are and an even vaguer desire for change. On this point I wonder whether he is being too generous to their motives. (…) But there is one thesis that he doesn’t consider that I think contributes much of the explanation of the decline of the importance of the Protestant Mainline, which is the thesis developed by Shelby Steele is his great book “White Guilt.” I think Steele’s argument provides the key to unlocking not only the decline of the Protestant Mainline but also the timing, and why the decline of the Protestant Mainline has been so much more precipitous than Evangelicals and Catholics, as well as why anti-Evangelical and anti-Catholic bigotry is so socially acceptable among liberal elites. Steele’s thesis, oversimplified, is that the elite institutions of American society for many years were complicit in a system that perpetrated injustices on many Americans. The government, large corporations, major universities, white-show law firms, fraternal organizations, etc.–the military being somewhat of an exception to this–all conspired explicitly or tacitly in a social system that supported first slavery then racial discrimination, inequality toward women, anti-Semitism, and other real injustices. Moreover, all of this came to a head in the 1960s, when these long-held and legitimate grievances bubbled to the surface and were finally recognized and acknowledged by those who ran these elite institutions and efforts were taken to remediate their harms. This complicity in America’s evils, Steele argues, discredited the moral authority of these institutions, leaving not only a vacuum at the heart of American society but an ongoing effort at their redemption. But, Steele argues, this is where things have become somewhat perverse. It wasn’t enough for, say, Coca-Cola to actually take steps to remediate its past sins, it was crucial for Coca-Cola to show that it was acknowledging its guilty legacy and, in particular, to demonstrate that it was now truly enlightened. But how to do that? Steele argues that this is the pivotal role played by hustlers like Jesse Jackson and Al Sharpton — they can sell the indulgences to corporations, universities, and the other guilty institutions to allow them to demonstrate that they “understand” and accept their guilt and through bowing to Jackson’s demands, Jackson can give them a clean bill of moral health. Thus, Steele says that what is really going on is an effort by the leaders of these institutions to “dissociate” themselves from their troubled past and peer institutions today that lack the same degree of enlightenment. Moreover, it is crucially important that the Jackson’s of the world set the terms–indeed, the more absurd and ridiculous the penance the better from this perspective, because more ridiculous penances make it easier to demonstrate your acceptance of your guilt. One set of institutions that Steele does not address, but which fits perfectly into his thesis, is the Protestant Mainline churches that Bottum is describing. It is precisely because the Protestant Mainline churches were the moral backbone of American society that they were in need of the same sort of moral redemption that universities, corporations, and the government. Indeed, because of their claim to be the moral exemplar, their complicity in real injustice was especially bad. Much of the goofiness of the Mainline Protestant churches over the past couple of decades can be well-understood, I think, through this lens of efforts to dissociate themselves from their legacy and other less-enlightened churches. In short, it seems that often their religious dogma is reverse-engineered–they start from wanting to make sure that they hold the correct cutting-edge political and social views, then they retrofit a thin veil of religious belief over those social and political opinions. Such that their religious beliefs today, as far as one ever hears about them at all, differ little from the views of The New York Times editorial page. This also explains why Catholics and Evangelicals are so maddening, and threatening, to the modern elites. Unlike the Protestant Mainline churches that were the moral voice of the American establishment, Catholicism and Evangelicals have always been outsiders to the American establishment. Thus they bear none of the guilt of having supported unjust political and social systems and refuse to act like they do. They have no reason to kowtow to elite opinion and, indeed, are often quite populist in their worldview (consider the respect that Justices Scalia or Thomas have for the moral judgments of ordinary Americans on issues like abortion or same-sex marriage vs. the views of elites). Given the sorry record of American elites for decades, there is actually a dividing line between two world views. Modern elites believe that the entire American society was to blame, thus we all share guilt and must all seek forgiveness through affirmative action, compulsory sensitivity training, and recycling mandates. Others, notably Catholics and Evangelicals, refuse to accept blame for a social system that they played no role in creating or maintaining and which, in fact, they were excluded themselves. To some extent, therefore, I think that the often-remarked political fault line in American society along religious lines (which Bottum discusses extensively), is as much cultural and historical (in Steele’s sense) as disagreements over religion per se. At the same time, the decline of its moral authority hit the Protestant Mainline churches harder than well-entrenched universities, corporations, or the government, in part because the embrace of the Social Gospel had laid the foundations for their own obsolescence years before. This also explains why if a religious revival is to occur, it would come from the alliance of Catholics and Evangelicals that he describes in the second half of the book. Mainline Protestantism seems to simply lack the moral authority to revive itself and has essentially made itself obsolete. There appears to be little market for religions without God.
In the end, Bottum leaves us with no answer to his central question–can America, which for so long relied on the Protestant Mainline churches to provide a moral and institutional third leg to the country, survive without it. Can the thin gruel of the post-Protestant New York Times elite consensus provide the moral glue that used to hold the country together? Perhaps, or perhaps not — that is the question we are left with after reading Bottum’s fascinating book. Finally, (…) I wanted to call attention to Jody’s new essay at the Weekly Standard “The Spiritual Shape of Political Ideas” that touches on many of the themes of the book and develops them in light of ongoing controversies, especially on the parallels between the new moral consensus and traditional religious thinking (and, in fact, his comments on “original sin” strike me as similar to the points about Shelby Steele that I raised above).
Todd Zywicki
I was simply going to take up the fact that America was in essence a Protestant nation from its founding, from the arrival of the Puritans—and well, it’s a little more sophisticated than that, really from William and Mary on this was a Protestant country—and that we needed to sort of describe what Tocqueville called the main current of that. Now mainline is a word from much later, from the 1930s, but there always was a kind of main current of a general Protestantism. And I wanted to look at its political consequences and cultural consequences. However much the rival Protestant denominations feuded with one another, disagreed with one another, I thought they gave a tone to the nation. And one of the things that they did particularly from the Civil War on was constrain social and political demons. They corralled them. They gave a shape to America, which was the marriage culture, the shape of funerals, life and death, birth, the family. They gave a shape to the cultural and sociological condition of America. And it struck me at the time, so I followed up that essay on the death of Protestant America with a whole book. And then subsequently applying it to the political situation that I saw emerging then in a big cover story for The Weekly Standard, called “The Spiritual Shape of Political Ideas.” And in that kind of threefold push, I thought, “No one that I know is taking seriously the massive sociological change, perhaps the biggest in American history.” From 1965 when the Protestant churches, the mainline churches, by which I mean the founding churches in the National Council of Churches and the God box up on Riverside Drive—those churches, and their affiliated black churches, constituted or had membership that was just over fifty percent of America, as late as 1965. Today that number is well under 10 percent and that’s a huge sociological change that nobody to me seems to be paying sufficient attention to. (…) in (…) mainstream sociological discussions of America that just was not appearing as anything significant, and I thought it was profoundly significant and that the attempt of some of our neoconservative Catholic friends—and I was in the belly of that beast in those days—to substitute Catholicism for the failed American cultural pillar of the mainline Protestant churches—that project, interesting as it was, failed, and that consequently, I predicted, we were going to see ever-larger sociological and cultural and political upset. Because there was no turning these demons of the human condition into an understanding of their personal application. Instead they just became cultural. And I trace this move, perhaps unfairly, but I traced it to Rauschenbusch. And said when you say that it’s not individual sin, it’s social sin. And he lists six of them and they are exactly what the protestors are out in the street against right now. It’s what he called bigotry, which we used the word racism for, its militarism, its authoritarianism, and he names these six social sins and they are exactly the ones that the protesters are out against. But I said the trouble with Rauschenbusch, who was a believer—I think he was a serious Christian and profoundly biblically educated so that his speech was just ripe with biblical quotations—the problem with him is the subsequent generations don’t need the church anymore. They don’t need Jesus anymore. He thinks of Jesus—in the metaphor I use—for the social gospel movement as it developed into just the social movement. Christ is the ladder by which we climb to the new ledge of understanding, but once we’re on that ledge, we don’t need the ladder anymore. The logic of it is quite clear. We’ve reached this new height of moral and ethical understanding. Yes, thank you, Jesus Christ and the revelations taught it to us, but we’re there now. What need have we for a personal relationship with Jesus, what we need have we for a church? Having achieved this sentiment that knows that sin is these social constructs of destructiveness and our anxiety, the spiritual anxiety that human beings always feel, just by being human, is here answered. How do you know that you are saved today? You know that you are saved because you have the right attitude toward social sins. That’s how you know. Now they wouldn’t say saved; they would say, “How do you know you’re a good person?” But that’s just the logic. The logical pattern is the same. And I develop that in the essay, “The Spiritual Shape of Political Ideas” by analyzing as tightly as I could the way in which white guilt is original sin. It’s original sin divorced from the theology that let it make sense. But the pattern of internal logic is exactly the same. It produces the same need to find salvation. It produces the same need to know that you are good by knowing that you are bad. It produces the same logic by which Paul would say, “Before the law there was no sin.” It has all of the same patterns of reason, except as you pointed out in your introduction, there’s no atonement. It’s as though (…) we’re living in St. Augustine’s metaphysics, but with all the Christ stuff stripped out. It’s a dark world; it’s a grim world. We’re inherently guilty and there’s no salvation. There’s no escape from it. Except for the destruction of all. Which is why I then moved in that essay to talk about shunning in its modern forms, again divorced from the structures that once made it make sense, and apocalypse. The sense that we’re living at the end of the world and things are so terrible and so destructive that all the ordinary niceties of manners, of balancing judgment and so on, those are—if someone says, “We are destroying the planet and we’re all going to die unless you do what I want,” if I say, “Well we need to hear other voices,” they say, “That’s complicity with evil.” Right? The end of the world is coming; this is this apocalyptic imagination. Now all of that I think was once upon a time in America—and I’m speaking only politically and sociologically—all of that was corralled, or much of it was corralled in the churches. You were taught a frame to understand your dissatisfactions with the world. You were taught a frame to understand the horror, the metaphysical horror that is the fact (…) that you and I are going to die. You were taught this frame that made it bearable and made it possible to move somewhere with it. With the breaking of that, these demons are let loose and now they’re out there. I’ve often said (…) that the history of America since World War II is a history of a fourth Great Awakening that never quite happened. In a sense what I’ve seen for some years building and is now taking to the streets once again is the fourth Great Awakening except without the Christianity. I see in other words what’s happening out there as spiritual anxiety. But spiritual anxiety occurring in a world in which these people have no answer. They just have outrage. And it’s an escalating outrage. This is where the single most influential thinker in my thought—a modern thinker—is Rene Girard, and Rene Girard’s idea of the escalation of mimetic rivalry. The ways in which we get ever purer and we seek ever more tiny examples of evil that we can scapegoat and we enter into competition, this rivalry, to see who is more pure. This is exactly the motor, the Girardian motor, on which my idea of the spiritual anxiety runs. And so, statues of George Washington are coming down now. And once upon a time, in the generation that I grew up in, and the generation that you grew up in, George Washington was—there were things bad things to say about him—but this was tantamount to saying America was a mistake. And of course these people think America was a mistake, because they think the whole history of the world is a mistake. There’s this outrage. And the outrage I think is spiritual. And that’s why it doesn’t get answered when voices of calm reason say, “Well, let’s consider all sides. Yes, there were mistakes that were made and evils that were done, but let’s try to fix them.” Spiritual anxiety doesn’t get answered by, “Oh well, let’s fix something.” It gets answered by the flame. It gets answered by the looting. It gets answered by the tearing down. (…) But creation appears to us in concrete guises, and the concrete guise right now is America. So, this is why you’ll get praise of ancient civilizations. Or you get the historical insanity of a US senator standing up on the well of the Senate and saying America invented slavery, that there was no slavery before the United States. That’s historically insane, but it’s not unlearned because we’ve passed beyond ignorance here. There’s something willful about it. And that’s what’s extraordinary, I think. And yeah, I’m glad you look back to my 10-year-old book now because I think I did predict some of this, although obviously not in its particulars. But there was a warning there that the collapse of the mainline Protestant churches was going to introduce a demonic element into American life. And lo and behold, it has. (…) there are multiple questions there (…). Why Catholicism failed, why the evangelicals and Catholics together failed. So Catholicism by itself failed. The evangelicals and Catholics together project failed to provide this moral pillar to American discourse. And then there are a variety of reasons for that, beginning with the fact that Catholicism is an alien religion, alien to America. Jews and Catholics were more or less welcome to live here, but we understood that we lived on the banks of a great Mississippi of Protestantism that poured down the center of this country. But the question of why it failed is one thing. The question of why the mainline Protestant churches failed is yet another part of your question. And although I list several examples that people have offered, I don’t make a decision about that in part because I am a Catholic. I have a suspicion that Protestantism with a higher sense of personal salvation, but a less thick metaphysics, was more susceptible to the line of the social gospel movement. But I don’t know that for certain so in the book I’m merely presenting these possibilities. And then evangelicalism, Catholicism, was under attack for wounds, some of which it committed itself. Evangelicalism is in decline in America. The statistics show that this period when it seemed to be going from strength to strength may have been fueled most of all by the death of the mainline churches. They were just picking up those members. Instead of going to the Methodist Church, they were going to the Bible church out on the prairie. But regardless, that Christian discourse, that slightly secularized Christian discourse, that would allow Abraham Lincoln to make his speeches, that would provide the background to political rhetoric and so on, that’s all gone. And as a consequence, it seems to me we don’t have a shared culture and that’s part of what allows these protests. But also I think (…) a culture that no longer believes in itself, that no longer has horizons, and targets, and goals, that no longer has even the vaguest sense of a telos towards which we ought to move, a culture like that, if we look at it, we no longer have a measure of progress. We can’t say what an advance is along the way. All we can do is look at our history and see it as a catalog of crimes that we perpetrated in order to reach this point that we’re at. And we can’t see the good that came out of it. Because we don’t know what the good is, we don’t know what the telos is, the target, so we have no measure for that. So, we can’t celebrate the Civil War victory that ended slavery. All we can do is condemn slavery. We can’t celebrate the victory over the Nazis. We have to end World War II; all we can do is decry militarism and the crimes we committed to win that war, like the firebombing of Dresden, or  Hiroshima. And I think that that reasoning is quite exact because the young people that I hear speak—now I haven’t spent as much time on this as I perhaps should have, following the ins and outs of every protestor alive today—but what I’ve heard suggests that they condemn America to the core—the whole of America, of American history. There is nothing good about this nation. And there it seems to me the reasoning is quite exact. Unable to see a point to America, unable to see a goal. They are quite right that all they can see are the crimes. Whereas you and I are capable of saying, yes slavery was a great sin, and we got over it, and then the post-reconstruction settlement of Jim Crow was a great sin, but we got over it, and we still are committing sins to this day but the optimism of America is that we’ll get over it, we will find solutions to these because we feel that we are a city on a hill. We feel that we are heading somewhere. The telos may be vague, maybe inchoate, but its pull is real for people like you and me, Mark. These young people—who, I think partly because they’ve been systematically miss-educated—don’t have any feeling for that at all. And because they don’t, I think they are actually being quite rational in saying America is just evil, it’s a history of sin. (…) I think it’ll pass. These things pass. There are various rages that take to the streets, but they are to some degree victims of their own energy. They burn out, and I think this one will burn out. The thing that we are not seeing now—in fact we’re seeing the opposite—is someone standing up to them. The New York Times firing of its op-ed page editor over publication of an op-ed from a sitting US senator is really quite extraordinary if we think about it. But I don’t believe institutions can survive if they pander in this way. And I think eventually we’ll get one standing up. I haven’t heard yet from the publisher of J.K. Rowling, the Harry Potter author, who the staff of her publishing house has declared themselves unwilling to work at a publisher that would publish a woman with such reprobate views of transgenderism. If the publisher doesn’t stand up to her, I think we may be in for another year of this. But I have a feeling she sells so well, that I don’t believe the publisher is going to give in. And if we have one person saying “That’s interesting, but if you can’t work here, you can’t work here, goodbye.” The first time we see that and they survived the subsequent Twitter outrage, I think we’ll see an end to the current cancel culture, which is of course the most insidious of the general social—the burning and the breaking of statues is physical, but the most destructive cultural thing right now is the cancel culture that gets people fired and their relatives fired and the rest of it. I think that has to end and I imagine it will, the first time somebody stands up to them and survives. Joseph Bottum
Quand j’ai écrit mon livre, je suis retourné à Max Weber et à Alexis de Tocqueville, car tous deux avaient identifié l’importance fondamentale de l’anxiété spirituelle que nous éprouvons tous. Il me semble qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, nous avons oublié la centralité de cette anxiété, de ces démons ou anges spirituels qui nous habitent. Ils nous gouvernent de manière profondément dangereuse. Norman Mailer a dit un jour que toute la sociologie américaine avait été un effort désespéré pour essayer de dire quelque chose sur l’Amérique que Tocqueville n’avait pas dit! C’est vrai! Tocqueville avait saisi l’importance du fait religieux et de la panoplie des Églises protestantes qui ont défini la nation américaine. Il a montré que malgré leur nombre innombrable et leurs querelles, elles étaient parvenues à s’unir pour être ce qu’il appelait joliment «le courant central des manières et de la morale». Quelles que soient les empoignades entre anglicans épiscopaliens et congrégationalistes, entre congrégationalistes et presbytériens, entre presbytériens et baptistes, les protestants se sont combinés pour donner une forme à nos vies: celle des mariages, des baptêmes et des funérailles ; des familles, et même de la politique, en cela même que le protestantisme ne cesse d’affirmer qu’il y a quelque chose de plus important que la politique. Ce modèle a perduré jusqu’au milieu des années 1960. (…) Pour moi, c’est avant tout le mouvement de l’Évangile social qui a gagné les Églises protestantes, qui est à la racine de l’effondrement. Dans mon livre, je consacre deux chapitres à Walter Rauschenbusch, la figure clé. Mais il faut comprendre que le déclin des Églises européennes a aussi joué. L’une des sources d’autorité des Églises américaines venait de l’influence de théologiens européens éminents comme Wolfhart Pannenberg ou l’ancien premier ministre néerlandais Abraham Kuyper, esprit d’une grande profondeur qui venait souvent à Princeton donner des conférences devant des milliers de participants! Mais ils n’ont pas été remplacés. Le résultat de tout cela, c’est que l’Église protestante américaine a connu un déclin catastrophique. En 1965, 50 % des Américains appartenaient à l’une des 8 Églises protestantes dominantes. Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à 4 %! Cet effondrement est le changement sociologique le plus fondamental des 50 dernières années, mais personne n’en parle. Une partie de ces protestants ont migré vers les Églises chrétiennes évangéliques, qui dans les années 1970, sous Jimmy Carter, ont émergé comme force politique. On a vu également un nombre surprenant de conversions au catholicisme, surtout chez les intellectuels. Mais la majorité sont devenus ce que j’appelle dans mon livre des «post-protestants», ce qui nous amène au décryptage des événements d’aujourd’hui. Ces post-protestants se sont approprié une série de thèmes empruntés à l’Évangile social de Walter Rauschenbusch. Quand vous reprenez les péchés sociaux qu’il faut selon lui rejeter pour accéder à une forme de rédemption – l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe… vous retrouvez exactement les thèmes que brandissent les gens qui mettent aujourd’hui le feu à Portland et d’autres villes. Ce sont les post-protestants. Ils se sont juste débarrassés de Dieu! Quand je dis à mes étudiants qu’ils sont les héritiers de leurs grands-parents protestants, ils sont offensés. Mais ils ont exactement la même approche moralisatrice et le même sens exacerbé de leur importance, la même condescendance et le même sentiment de supériorité exaspérante et ridicule, que les protestants exprimaient notamment vis-à-vis des catholiques. (…) Mais ils ne le savent pas. En fait, l’état de l’Amérique a été toujours lié à l’état de la religion protestante. Les catholiques se sont fait une place mais le protestantisme a été le Mississippi qui a arrosé le pays. Et c’est toujours le cas! C’est juste que nous avons maintenant une Église du Christ sans le Christ. Cela veut dire qu’il n’y a pas de pardon possible. Dans la religion chrétienne, le péché originel est l’idée que vous êtes né coupable, que l’humanité hérite d’une tache qui corrompt nos désirs et nos actions. Mais le Christ paie les dettes du péché originel, nous en libérant. Si vous enlevez le Christ du tableau en revanche, vous obtenez… la culpabilité blanche et le racisme systémique. Bien sûr, les jeunes radicaux n’utilisent pas le mot «péché originel». Mais ils utilisent exactement les termes qui s’y appliquent. (…) Ils parlent d’«une tache reçue en héritage» qui «infecte votre esprit». C’est une idée très dangereuse, que les Églises canalisaient autrefois. Mais aujourd’hui que cette idée s’est échappée de l’Église, elle a gagné la rue et vous avez des meutes de post-protestants qui parcourent Washington DC, en s’en prenant à des gens dans des restaurants pour exiger d’eux qu’ils lèvent le poing. Leur conviction que l’Amérique est intrinsèquement corrompue par l’esclavage et n’a réalisé que le Mal, n’est pas enracinée dans des faits que l’on pourrait discuter, elle relève de la croyance religieuse. On exclut ceux qui ne se soumettent pas. On dérive vers une vision apocalyptique du monde qui n’est plus équilibrée par rien d’autre. Cela peut donner la pire forme d’environnementalisme, par exemple, parce que toutes les autres dimensions sont disqualifiées au nom de «la fin du monde». C’est l’idée chrétienne de l’apocalypse, mais dégagée du christianisme. Il y a des douzaines d’exemples de religiosité visibles dans le comportement des protestataires: ils s’allongent par terre face au sol et gémissent, comme des prêtres que l’on consacre dans l’Église catholique. Ils ont organisé une cérémonie à Portland durant laquelle ils ont lavé les pieds de personnes noires pour montrer leur repentir pour la culpabilité blanche. Ils s’agenouillent. Tout cela sans savoir que c’est religieux! C’est religieux parce que l’humanité est religieuse. Il y a une faim spirituelle à l’intérieur de nous, qui se manifeste de différentes manières, y compris la violence! Ces gens veulent un monde qui ait un sens, et ils ne l’ont pas. (…) Le marxisme est une religion par analogie. Certes, il porte cette idée d’une nouvelle naissance. Certaines personnes voulaient des certitudes et ne les trouvant plus dans leurs Églises, ils sont allés vers le marxisme. Mais en Amérique, c’est différent, car tout est centré sur le protestantisme. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, avec génie et insolence, prend Marx et le met cul par-dessus tête. Marx avait dit que le protestantisme avait émergé à la faveur de changements économiques. Weber dit l’inverse. Ce n’est pas l’économie qui a transformé la religion, c’est la religion qui a transformé l’économie. Le protestantisme nous a donné le capitalisme, pas l’inverse! Parce que les puritains devaient épargner de l’argent pour assurer leur salut. Le ressort principal n’était pas l’économie mais la faim spirituelle, ce sentiment beaucoup plus profond, selon Weber. Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui. (…) Je n’ai pas voté pour Trump. Bien que conservateur, je fais partie des «Never Trumpers». Mais je vois potentiellement une guerre civile à feu doux éclater si Trump gagne cette élection! Car les parties sont polarisées sur le plan spirituel. Si Trump gagne, pour les gens qui sont dans la rue, ce ne sera pas le triomphe des républicains, mais celui du mal. Rauschenbusch, dans son Évangile, dit que nous devons accomplir la rédemption de notre personnalité. Ces gens-là veulent être sûrs d’être de «bonnes personnes». Ils savent qu’ils sont de bonnes personnes s’ils sont opposés au racisme. Ils pensent être de bonnes personnes parce qu’ils sont opposés à la destruction de l’environnement. Ils veulent avoir la bonne «attitude», c’est la raison pour laquelle ceux qui n’ont pas la bonne attitude sont expulsés de leurs universités ou de leur travail pour des raisons dérisoires. Avant, on était exclu de l’Église, aujourd’hui, on est exclu de la vie publique… C’est pour cela que les gens qui soutiennent Trump, sont vus comme des «déplorables», comme disait Hillary Clinton, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent être rachetés. Ils ont leur bible et leur fusil et ne suivent pas les commandements de la justice sociale. (…) Avant même que Trump ne surgisse, avec Sarah Palin, et même sous Reagan, on a vu émerger à droite le sentiment que tout ce que faisaient les républicains pour l’Amérique traditionnelle, c’était ralentir sa disparition. Il y avait une immense exaspération car toute cette Amérique avait le sentiment que son mode de vie était fondamentalement menacé par les démocrates. Reagan est arrivé et a dit: «Je vais m’y opposer». Et voilà que Trump arrive et dit à son tour qu’il va dire non à tout ça. Je déteste le fait que Trump occupe cet espace, parce qu’il est vulgaire et insupportable. Mais il est vrai que tous ceux qui s’étaient sentis marginalisés ont voté pour Trump parce qu’il s’est mis en travers de la route. C’est d’ailleurs ce que leur dit Trump: «Ils n’en ont pas après moi, mais après vous.» Il faut comprendre que l’idéologie «woke» de la justice sociale a pénétré les institutions américaines à un point incroyable. Je n’imagine pas qu’un professeur ayant une chaire à la Sorbonne soit forcé d’assister à des classes obligatoires organisées pour le corps professoral sur leur «culpabilité blanche», et enseignées par des gens qui viennent à peine de finir le collège. Mais c’est la réalité des universités américaines. Un sondage récent a montré que la majorité des professeurs d’université ne disent rien. Ils abandonnent plutôt toute mention de tout sujet controversé. Pourtant, des études ont montré que la foule des vigies de Twitter qui obtient la tête des professeurs excommuniés, remplirait à peine la moitié d’un terrain de football universitaire! Il y a un manque de courage. (…) La France a fait beaucoup de choses bonnes et glorieuses pour faire avancer la civilisation, mais elle a fait du mal. Si on croit au projet historique français, on peut démêler le bien du mal. Mais mes étudiants, et tous ces post-protestants dont je vous parle, sont absolument convaincus que tous les gens qui ont précédé, étaient stupides et sans doute maléfiques. Ils ne croient plus au projet historique américain. Ils sont contre les «affinités électives» qui, selon Weber, nous ont donné la modernité: la science, le capitalisme, l’État-nation. Si la théorie de la physique de Newton, Principia, est un manuel de viol, comme l’a dit une universitaire féministe, si sa physique est l’invention d’un moyen de violer le monde, cela veut dire que la science est mauvaise. Si vous êtes soupçonneux de la science, du capitalisme, du protestantisme, si vous rejetez tous les moteurs de la modernité la seule chose qui reste, ce sont les péchés qui nous ont menés là où nous sommes. Pour sûr, nous en avons commis. Mais si on ne voit pas que ça, il n’y a plus d’échappatoire, plus de projet. Ce qui passe aujourd’hui est différent de 1968 en France, quand la remise en cause a finalement été absorbée dans quelque chose de plus large. Le mouvement actuel ne peut être absorbé car il vise à défaire les États-Unis dans ses fondements: l’État-nation, le capitalisme et la religion protestante. Mais comme les États-Unis n’ont pas d’histoire prémoderne, nous ne pouvons absorber un mouvement vraiment antimoderne. (…) Il y a une phrase de Heidegger qui dit que «seulement un Dieu pourrait nous sauver»! On a le sentiment qu’on est aux prémices d’une apocalypse, d’une guerre civile, d’une grande destruction de la modernité. Est-ce à cause de la trahison des clercs? Pour moi, l’incapacité des vieux libéraux à faire rempart contre les jeunes radicaux, est aujourd’hui le grand danger. Quand j’ai vu que de jeunes journalistes du New York Times avaient menacé de partir, parce qu’un responsable éditorial avait publié une tribune d’un sénateur américain qui leur déplaisait, j’ai été stupéfait. Je suis assez vieux pour savoir que dans le passé, la direction aurait immédiatement dit à ces jeunes journalistes de prendre la porte s’ils n’étaient pas contents. Mais ce qui s’est passé, c’est que le rédacteur en chef a été limogé. Joseph Bottum

C’est ce qui reste du christianisme quand on a tout oublié, imbécile !

Racisme d’état, racisé, cisgenre/cishet, blantriarcat, privilège blanc, appropriation culturelle, larmes blanches, larmes males, biais de confirmation, woke…

A l’heure où après des mois d’émeutes et de casse et l’inévitable retour de bâton et remontée de leur Trump honni dans les sondages …

Les nouveaux protestants de Black lives matter en sont, signe des temps, à effacer leur profession de foi sur leur site …

Mais où leur vocabulaire semble en train d’entrer dans la langue courante …

Tandis que, de la part des médias dits sérieux, tout est bon pour discréditer le catholicisme de la candidate du président Tump pour remplacer une juge de la Cour suprême récemment décédée …

Comment ne pas voir …

Avec le spécialiste du phénomène religieux en politique et girardien Joseph Bottum

Entre iconoclasme, génuflexions, auto-flagellations, lavements des pieds, liturgie, procession, croisades, inquisition, textes sacrés, tabous, catéchisme, dogmatisme, moralisme, excommunications, saints, martyrs…

La dimension proprement religieuse de, pour reprendre le mot attribué à Bebel pour l’antisémitisme en ces temps de décérébration universitaire, cette sorte de « christianisme des imbéciles » …

Suite au fait sociologique central mais sous-estimé des 50 dernières années …

De l’effondrement, à partir du milieu des années 1960, du modèle et socle commun fait de mariages, baptêmes, funérailles, familles et politique, que leur avaient légué les églises protestantes américaines …

Et son remplacement, à partir du mouvement de l’Évangile social d’un Walter Rauschenbusch, par une sorte de version sécularisée que n’ont que compensé partiellement les églises évangéliques et catholique…

Avec ses péchés sociaux à rejeter pour accéder à la rédemption que seraient l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe…

Sauf que derrière ce « Mississippi protestant qui avait arrosé le pays’, c’est en fait de Dieu qu’ils se sont  débarrassés …

Via la sanctification de l’ultime victime du péché originel de l’esclavage, à savoir les noirs …

D’où leur reprise – ô combien transparente et significative – du terme d’argot noir « woke » …

Pour apporter à l’Amérique et au monde une sorte de quatrième Grand Réveil comme l’Amérique les multiplie depuis le milieu du 19e siècle …

Sauf que derrière cette nouvelle église du Christ sans le Christ, il n’y a plus de pardon possible …

Que l’indécrottable péché originel, derrière l’impardonnable privilège blanc, de la culpabilité blanche et du racisme systémique…

Et in fine, libérée du cadre des églises qui avaient autrefois canalisé cette sainte colère, que l’escalade, proprement mimétique, de la course à la pureté idéologique que l’on voit actuellment dans leurs rues et déjà en partie dans les nôtres …

Autrement dit, jusqu’à ce que pourrait peut-être y mettre fin la réaction de la majorité silencieuse que comme nombre de Never-Trumpers, Bottum se refuse à voir derrière la vulgarité d’un Trump …

La démolition pure et simple, entrevue déjà par Malraux comme Girard, de l’essentiel de la culture et du projet non seulement américain mais occidental …

Et donc l’ouverture, derrière cette remise en cause de toutes valeurs partagées et but commun, à la guerre civile  ?

« La passion religieuse a échappé au protestantisme et met le feu à la politique »

GRAND ENTRETIEN – Professeur à l’université du Dakota du Sud, Joseph Bottum est essayiste et spécialiste du phénomène religieux en politique. Il offre un éclairage saisissant sur les élections américaines, dont il craint qu’elles ne dégénèrent en guerre civile si Trump est réélu.
Laure Mandeville
Le Figaro
24 septembre 2020

Dans son livre An Anxious Rage, the Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, écrit il y a six ans, il explique qu’on ne peut comprendre la fureur idéologique qui s’est emparée de l’Amérique, si on ne s’intéresse pas à la centralité du fait religieux et à l’effondrement du protestantisme, «ce Mississippi» qui a arrosé et façonné si longtemps la culture américaine et ses mœurs.

Bottum décrit la marque laissée par le protestantisme à travers l’émergence de ce qu’il appelle les «post-protestants», ces nouveaux puritains sans Dieu qui pratiquent la religion de la culture «woke» et de la justice sociale, et rejettent le projet américain dans son intégralité. Il voit à l’œuvre une entreprise de «destruction de la modernité» sur laquelle sont fondés les États-Unis.

LE FIGARO. – Dans votre livre An Anxious Age, vous revenez sur l’importance fondamentale du protestantisme pour comprendre les États-Unis et vous expliquez que son effondrement a été le fait sociologique central, mais sous-estimé, des 50 dernières années. Vous dites que ce déclin a débouché sur l’émergence d’un post-protestantisme qui est un nouveau puritanisme sans Dieu, qui explique la rage quasi-religieuse qui s’exprime dans les rues du pays. De quoi s’agit-il?

Joseph BOTTUM. –Quand j’ai écrit mon livre, je suis retourné à Max Weber et à Alexis de Tocqueville, car tous deux avaient identifié l’importance fondamentale de l’anxiété spirituelle que nous éprouvons tous. Il me semble qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, nous avons oublié la centralité de cette anxiété, de ces démons ou anges spirituels qui nous habitent. Ils nous gouvernent de manière profondément dangereuse. Norman Mailer a dit un jour que toute la sociologie américaine avait été un effort désespéré pour essayer de dire quelque chose sur l’Amérique que Tocqueville n’avait pas dit! C’est vrai! Tocqueville avait saisi l’importance du fait religieux et de la panoplie des Églises protestantes qui ont défini la nation américaine. Il a montré que malgré leur nombre innombrable et leurs querelles, elles étaient parvenues à s’unir pour être ce qu’il appelait joliment «le courant central des manières et de la morale». Quelles que soient les empoignades entre anglicans épiscopaliens et congrégationalistes, entre congrégationalistes et presbytériens, entre presbytériens et baptistes, les protestants se sont combinés pour donner une forme à nos vies: celle des mariages, des baptêmes et des funérailles ; des familles, et même de la politique, en cela même que le protestantisme ne cesse d’affirmer qu’il y a quelque chose de plus important que la politique. Ce modèle a perduré jusqu’au milieu des années 1960.

Qu’est-ce qui a précipité le déclin du protestantisme? La libération des mœurs des années 1960, l’émergence de la théologie de la justice sociale?

Pour moi, c’est avant tout le mouvement de l’Évangile social qui a gagné les Églises protestantes, qui est à la racine de l’effondrement. Dans mon livre, je consacre deux chapitres à Walter Rauschenbusch, la figure clé. Mais il faut comprendre que le déclin des Églises européennes a aussi joué. L’une des sources d’autorité des Églises américaines venait de l’influence de théologiens européens éminents comme Wolfhart Pannenberg ou l’ancien premier ministre néerlandais Abraham Kuyper, esprit d’une grande profondeur qui venait souvent à Princeton donner des conférences devant des milliers de participants! Mais ils n’ont pas été remplacés. Le résultat de tout cela, c’est que l’Église protestante américaine a connu un déclin catastrophique. En 1965, 50 % des Américains appartenaient à l’une des 8 Églises protestantes dominantes. Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à 4 %! Cet effondrement est le changement sociologique le plus fondamental des 50 dernières années, mais personne n’en parle.

Une partie de ces protestants ont migré vers les Églises chrétiennes évangéliques, qui dans les années 1970, sous Jimmy Carter, ont émergé comme force politique. On a vu également un nombre surprenant de conversions au catholicisme, surtout chez les intellectuels. Mais la majorité sont devenus ce que j’appelle dans mon livre des «post-protestants», ce qui nous amène au décryptage des événements d’aujourd’hui. Ces post-protestants se sont approprié une série de thèmes empruntés à l’Évangile social de Walter Rauschenbusch. Quand vous reprenez les péchés sociaux qu’il faut selon lui rejeter pour accéder à une forme de rédemption – l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe… vous retrouvez exactement les thèmes que brandissent les gens qui mettent aujourd’hui le feu à Portland et d’autres villes. Ce sont les post-protestants. Ils se sont juste débarrassés de Dieu! Quand je dis à mes étudiants qu’ils sont les héritiers de leurs grands-parents protestants, ils sont offensés. Mais ils ont exactement la même approche moralisatrice et le même sens exacerbé de leur importance, la même condescendance et le même sentiment de supériorité exaspérante et ridicule, que les protestants exprimaient notamment vis-à-vis des catholiques.

La génération «woke» est une nouvelle version du puritanisme?

Absolument! Mais ils ne le savent pas. En fait, l’état de l’Amérique a été toujours lié à l’état de la religion protestante. Les catholiques se sont fait une place mais le protestantisme a été le Mississippi qui a arrosé le pays. Et c’est toujours le cas! C’est juste que nous avons maintenant une Église du Christ sans le Christ. Cela veut dire qu’il n’y a pas de pardon possible. Dans la religion chrétienne, le péché originel est l’idée que vous êtes né coupable, que l’humanité hérite d’une tache qui corrompt nos désirs et nos actions. Mais le Christ paie les dettes du péché originel, nous en libérant. Si vous enlevez le Christ du tableau en revanche, vous obtenez… la culpabilité blanche et le racisme systémique. Bien sûr, les jeunes radicaux n’utilisent pas le mot «péché originel». Mais ils utilisent exactement les termes qui s’y appliquent.

Ils parlent d’«une tache reçue en héritage» qui «infecte votre esprit». C’est une idée très dangereuse, que les Églises canalisaient autrefois. Mais aujourd’hui que cette idée s’est échappée de l’Église, elle a gagné la rue et vous avez des meutes de post-protestants qui parcourent Washington DC, en s’en prenant à des gens dans des restaurants pour exiger d’eux qu’ils lèvent le poing. Leur conviction que l’Amérique est intrinsèquement corrompue par l’esclavage et n’a réalisé que le Mal, n’est pas enracinée dans des faits que l’on pourrait discuter, elle relève de la croyance religieuse. On exclut ceux qui ne se soumettent pas. On dérive vers une vision apocalyptique du monde qui n’est plus équilibrée par rien d’autre. Cela peut donner la pire forme d’environnementalisme, par exemple, parce que toutes les autres dimensions sont disqualifiées au nom de «la fin du monde».

C’est l’idée chrétienne de l’apocalypse, mais dégagée du christianisme. Il y a des douzaines d’exemples de religiosité visibles dans le comportement des protestataires: ils s’allongent par terre face au sol et gémissent, comme des prêtres que l’on consacre dans l’Église catholique. Ils ont organisé une cérémonie à Portland durant laquelle ils ont lavé les pieds de personnes noires pour montrer leur repentir pour la culpabilité blanche. Ils s’agenouillent. Tout cela sans savoir que c’est religieux! C’est religieux parce que l’humanité est religieuse. Il y a une faim spirituelle à l’intérieur de nous, qui se manifeste de différentes manières, y compris la violence! Ces gens veulent un monde qui ait un sens, et ils ne l’ont pas.

Les post-protestants peuvent-ils être comparés aux nihilistes russes qui cherchaient aussi un sens dans la lutte révolutionnaire et le marxisme?

Oui et non. Le marxisme est une religion par analogie. Certes, il porte cette idée d’une nouvelle naissance. Certaines personnes voulaient des certitudes et ne les trouvant plus dans leurs Églises, ils sont allés vers le marxisme. Mais en Amérique, c’est différent, car tout est centré sur le protestantisme. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, avec génie et insolence, prend Marx et le met cul par-dessus tête. Marx avait dit que le protestantisme avait émergé à la faveur de changements économiques. Weber dit l’inverse. Ce n’est pas l’économie qui a transformé la religion, c’est la religion qui a transformé l’économie. Le protestantisme nous a donné le capitalisme, pas l’inverse! Parce que les puritains devaient épargner de l’argent pour assurer leur salut. Le ressort principal n’était pas l’économie mais la faim spirituelle, ce sentiment beaucoup plus profond, selon Weber. Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui.

Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui.

Trump se présente comme le protecteur du projet américain, ses adversaires le diabolisent… Comment jugez-vous la tournure religieuse prise par la campagne?

Je n’ai pas voté pour Trump. Bien que conservateur, je fais partie des «Never Trumpers». Mais je vois potentiellement une guerre civile à feu doux éclater si Trump gagne cette élection! Car les parties sont polarisées sur le plan spirituel. Si Trump gagne, pour les gens qui sont dans la rue, ce ne sera pas le triomphe des républicains, mais celui du mal. Rauschenbusch, dans son Évangile, dit que nous devons accomplir la rédemption de notre personnalité. Ces gens-là veulent être sûrs d’être de «bonnes personnes». Ils savent qu’ils sont de bonnes personnes s’ils sont opposés au racisme. Ils pensent être de bonnes personnes parce qu’ils sont opposés à la destruction de l’environnement. Ils veulent avoir la bonne «attitude», c’est la raison pour laquelle ceux qui n’ont pas la bonne attitude sont expulsés de leurs universités ou de leur travail pour des raisons dérisoires. Avant, on était exclu de l’Église, aujourd’hui, on est exclu de la vie publique… C’est pour cela que les gens qui soutiennent Trump, sont vus comme des «déplorables», comme disait Hillary Clinton, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent être rachetés. Ils ont leur bible et leur fusil et ne suivent pas les commandements de la justice sociale.

Trump a-t-il gagné en 2016 parce qu’il s’est dressé contre ce nouveau catéchisme?

Avant même que Trump ne surgisse, avec Sarah Palin, et même sous Reagan, on a vu émerger à droite le sentiment que tout ce que faisaient les républicains pour l’Amérique traditionnelle, c’était ralentir sa disparition. Il y avait une immense exaspération car toute cette Amérique avait le sentiment que son mode de vie était fondamentalement menacé par les démocrates. Reagan est arrivé et a dit: «Je vais m’y opposer». Et voilà que Trump arrive et dit à son tour qu’il va dire non à tout ça. Je déteste le fait que Trump occupe cet espace, parce qu’il est vulgaire et insupportable. Mais il est vrai que tous ceux qui s’étaient sentis marginalisés ont voté pour Trump parce qu’il s’est mis en travers de la route. C’est d’ailleurs ce que leur dit Trump: «Ils n’en ont pas après moi, mais après vous.» Il faut comprendre que l’idéologie «woke» de la justice sociale a pénétré les institutions américaines à un point incroyable. Je n’imagine pas qu’un professeur ayant une chaire à la Sorbonne soit forcé d’assister à des classes obligatoires organisées pour le corps professoral sur leur «culpabilité blanche», et enseignées par des gens qui viennent à peine de finir le collège. Mais c’est la réalité des universités américaines.

Un sondage récent a montré que la majorité des professeurs d’université ne disent rien. Ils abandonnent plutôt toute mention de tout sujet controversé. Pourtant, des études ont montré que la foule des vigies de Twitter qui obtient la tête des professeurs excommuniés, remplirait à peine la moitié d’un terrain de football universitaire! Il y a un manque de courage.

Vous dites qu’à cause de la disparition des Églises, il n’y a plus de valeurs partagées et donc plus de but commun. Cela explique-t-il la remise en cause du projet américain lui-même?

La France a fait beaucoup de choses bonnes et glorieuses pour faire avancer la civilisation, mais elle a fait du mal. Si on croit au projet historique français, on peut démêler le bien du mal. Mais mes étudiants, et tous ces post-protestants dont je vous parle, sont absolument convaincus que tous les gens qui ont précédé, étaient stupides et sans doute maléfiques. Ils ne croient plus au projet historique américain. Ils sont contre les «affinités électives» qui, selon Weber, nous ont donné la modernité: la science, le capitalisme, l’État-nation. Si la théorie de la physique de Newton, Principia, est un manuel de viol, comme l’a dit une universitaire féministe, si sa physique est l’invention d’un moyen de violer le monde, cela veut dire que la science est mauvaise. Si vous êtes soupçonneux de la science, du capitalisme, du protestantisme, si vous rejetez tous les moteurs de la modernité la seule chose qui reste, ce sont les péchés qui nous ont menés là où nous sommes. Pour sûr, nous en avons commis. Mais si on ne voit pas que ça, il n’y a plus d’échappatoire, plus de projet. Ce qui passe aujourd’hui est différent de 1968 en France, quand la remise en cause a finalement été absorbée dans quelque chose de plus large. Le mouvement actuel ne peut être absorbé car il vise à défaire les États-Unis dans ses fondements: l’État-nation, le capitalisme et la religion protestante. Mais comme les États-Unis n’ont pas d’histoire prémoderne, nous ne pouvons absorber un mouvement vraiment antimoderne.

Comment sort-on de cette impasse?

Je n’en sais rien. Il y a une phrase de Heidegger qui dit que «seulement un Dieu pourrait nous sauver»! On a le sentiment qu’on est aux prémices d’une apocalypse, d’une guerre civile, d’une grande destruction de la modernité. Est-ce à cause de la trahison des clercs? Pour moi, l’incapacité des vieux libéraux à faire rempart contre les jeunes radicaux, est aujourd’hui le grand danger. Quand j’ai vu que de jeunes journalistes du New York Times avaient menacé de partir, parce qu’un responsable éditorial avait publié une tribune d’un sénateur américain qui leur déplaisait, j’ai été stupéfait. Je suis assez vieux pour savoir que dans le passé, la direction aurait immédiatement dit à ces jeunes journalistes de prendre la porte s’ils n’étaient pas contents. Mais ce qui s’est passé, c’est que le rédacteur en chef a été limogé.

Voir aussi:

America amid Spiritual Anxiety: A Conversation with Joseph Bottum
Mark Tooley & Joseph Bottum
Providence
June 19, 2020

Here’s my interview with Jody Bottum, author of An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, who applies his insights about post-Protestant America to contemporary protests.

Bottum theorizes that Mainline Protestantism’s collapse left a spiritual vacuum in American culture that loosed myriad social demons. Post-Protestantism wants to wage war on social sins, but not personal sins. It identifies redemption with having politically correct opinions. And it finds sanctification in denouncing others who lack its spiritual and political insights.

Of course, the post-Protestant theory of salvation is not satisfying, which leads to despair and deconstruction. From its perspective, absent Providence and eschatology, there is no destination, which potentially leads to destruction and nihilism. Bottum warns that a society without a shared culture cannot measure progress or purpose and no longer believes in itself, causing it to see its history as a long list of crimes.

Bottum published his book six years ago, yet its message is so timely today.


Rough Transcript of the Conversation:

TOOLEY: Hello, this is Mark Tooley, president of the Institute on Religion and Democracy here in Washington, DC, and also editor of Providence, a journal of Christianity and American foreign policy. Today I have the great pleasure of conversing with Jody Bottum, whose important book, of, I believe six years ago, called An Anxious Age, has a great application to contemporary events in terms of where America is spiritually and how we’re responding to today’s protests. So, I’m going to ask Jody to expound on that topic. But it’s a great pleasure to talk with you again, Jody.

BOTTUM: Thanks for having me, Mark.

TOOLEY: Well as I mentioned, your book An Anxious Age—and I need to recall the full title of it, it was An Anxious Age: The Post Protestant Ethic and The Spirit of America, quite a mouthful and a mindful. But you address the post-Protestant culture that has become paramount in American culture which continues the habits of the old wasp elite without the core theology of course. And it seems to pertain to contemporary events, among other reasons, and that these post Protestant elites want to contend against sinful forces which in their mind are almost amorphous and impersonal. And certainly, institutional and systemic racism would have ranked among them. They went to atone for this sense of guilt, but they really have no definition of atonement, so they seem to be trapped in a cycle without any conclusion. Do you think I’m understanding your thesis correctly?

BOTTUM: Yeah… now the direction I took that was not theological, but sociological and political. Because it struck me at the time that I wrote the first essay of what would become the book, which was a political theory of the Protestant mainline. And I meant the words political theory quite deliberately—that I wasn’t going to take up the question of a Christian metaphysics and who has a better account of it, whether Protestants or Catholics. I wasn’t going to do that. I was simply going to take up the fact that America was in essence a Protestant nation from its founding, from the arrival of the Puritans—and well, it’s a little more sophisticated than that, really from William and Mary on this was a Protestant country—and that we needed to sort of describe what Tocqueville called the main current of that. Now mainline is a word from much later, from the 1930s, but there always was a kind of main current of a general Protestantism. And I wanted to look at its political consequences and cultural consequences.

However much the rival Protestant denominations feuded with one another, disagreed with one another, I thought they gave a tone to the nation. And one of the things that they did particularly from the Civil War on was constrain social and political demons. They corralled them. They gave a shape to America, which was the marriage culture, the shape of funerals, life and death, birth, the family. They gave a shape to the cultural and sociological condition of America. And it struck me at the time, so I followed up that essay on the death of Protestant America with a whole book. And then subsequently applying it to the political situation that I saw emerging then in a big cover story for The Weekly Standard, called “The Spiritual Shape of Political Ideas.”

And in that kind of threefold push, I thought, “No one that I know is taking seriously the massive sociological change, perhaps the biggest in American history.” From 1965 when the Protestant churches, the mainline churches, by which I mean the founding churches in the National Council of Churches and the God box up on Riverside Drive—those churches, and their affiliated black churches, constituted or had membership that was just over fifty percent of America, as late as 1965. Today that number is well under 10 percent and that’s a huge sociological change that nobody to me seems to be paying sufficient attention to.

Now of course for someone like you, Mark, this is old news. You’ve been following this story for decades. But in kind of mainstream sociological discussions of America that just was not appearing as anything significant, and I thought it was profoundly significant and that the attempt of some of our neoconservative Catholic friends—and I was in the belly of that beast in those days—to substitute Catholicism for the failed American cultural pillar of the mainline Protestant churches—that that project, interesting as it was, failed, and that consequently, I predicted, we were going to see ever-larger sociological and cultural and political upset. Because there was no turning these demons of the human condition into an understanding of their personal application. Instead they just became cultural.

And I trace this move, perhaps unfairly, but I traced it to Rauschenbusch. And said when you say that it’s not individual sin, it’s social sin. And he lists six of them and they are exactly what the protestors are out in the street against right now. It’s what he called bigotry, which we used the word racism for, its militarism, its authoritarianism, and he names these six social sins and they are exactly the ones that the protesters are out against.

But I said the trouble with Rauschenbusch, who was a believer—I think he was a serious Christian and profoundly biblically educated so that his speech was just ripe with biblical quotations—the problem with him is the subsequent generations don’t need the church anymore. They don’t need Jesus anymore. He thinks of Jesus—in the metaphor I use—for the social gospel movement as it developed into just the social movement. Christ is the ladder by which we climb to the new ledge of understanding, but once we’re on that ledge, we don’t need the ladder anymore.

The logic of it is quite clear. We’ve reached this new height of moral and ethical understanding. Yes, thank you, Jesus Christ and the revelations taught it to us, but we’re there now. What need have we for a personal relationship with Jesus, what we need have we for a church? Having achieved this sentiment that knows that sin is these social constructs of destructiveness and our anxiety, the spiritual anxiety that human beings always feel, just by being human, is here answered. How do you know that you are saved today? You know that you are saved because you have the right attitude toward social sins. That’s how you know. Now they wouldn’t say saved; they would say, “How do you know you’re a good person?” But that’s just the logic. The logical pattern is the same.

And I develop that in the essay, “The Spiritual Shape of Political Ideas” by analyzing as tightly as I could the way in which white guilt is original sin. It’s original sin divorced from the theology that let it make sense. But the pattern of internal logic is exactly the same. It produces the same need to find salvation. It produces the same need to know that you are good by knowing that you are bad. It produces the same logic by which Paul would say, “Before the law there was no sin.” It has all of the same patterns of reason, except as you pointed out in your introduction, there’s no atonement. It’s as though, Mark, we’re living in St. Augustine’s metaphysics, but with all the Christ stuff stripped out. It’s a dark world; it’s a grim world. We’re inherently guilty and there’s no salvation. There’s no escape from it.

Except for the destruction of all. Which is why I then moved in that essay to talk about shunning in its modern forms, again divorced from the structures that once made it make sense, and apocalypse. The sense that we’re living at the end of the world and things are so terrible and so destructive that all the ordinary niceties of manners, of balancing judgment and so on, those are—if someone says, “We are destroying the planet and we’re all going to die unless you do what I want,” if I say, “Well we need to hear other voices,” they say, “That’s complicity with evil.” Right? The end of the world is coming; this is this apocalyptic imagination.

Now all of that I think was once upon a time in America—and I’m speaking only politically and sociologically—all of that was corralled, or much of it was corralled in the churches. You were taught a frame to understand your dissatisfactions with the world. You were taught a frame to understand the horror, the metaphysical horror that is the fact, Mark, that you and I are going to die. You were taught this frame that made it bearable and made it possible to move somewhere with it. With the breaking of that, these demons are let loose and now they’re out there.

I’ve often said, Mark, that the history of America since World War II is a history of a fourth Great Awakening that never quite happened. In a sense what I’ve seen for some years building and is now taking to the streets once again is the fourth Great Awakening except without the Christianity. I see in other words what’s happening out there as spiritual anxiety. But spiritual anxiety occurring in a world in which these people have no answer. They just have outrage. And it’s an escalating outrage.

This is where the single most influential thinker in my thought—a modern thinker—is Rene Girard, and Rene Girard’s idea of the escalation of memetic rivalry. The ways in which we get ever purer and we seek ever more tiny examples of evil that we can scapegoat and we enter into competition, this rivalry, to see who is more pure. This is exactly the motor, the Girardian motor, on which my idea of the spiritual anxiety runs.

And so, statues of George Washington are coming down now. And once upon a time, in the generation that I grew up in, and the generation that you grew up in, George Washington was—there were things bad things to say about him—but this was tantamount to saying America was a mistake. And of course these people think America was a mistake, because they think the whole history of the world is a mistake. There’s this outrage. And the outrage I think is spiritual. And that’s why it doesn’t get answered when voices of calm reason say, “Well let’s consider all sides. Yes, there were mistakes that were made and evils that were done, but let’s try to fix them.” Spiritual anxiety doesn’t get answered by, “Oh well let’s fix something.” It gets answered by the flame. It gets answered by the looting. It gets answered by the tearing down.

TOOLEY: So, it’s not just America that’s the mistake or Western civilization, its creation itself that’s the mistake.

BOTTUM: I think so. But creation appears to us in concrete guises, and the concrete guise right now is America. So, this is why you’ll get praise of ancient civilizations. Or you get the historical insanity of a US senator standing up on the well of the Senate and saying America invented slavery, that there was no slavery before the United States. That’s historically insane, but it’s not unlearned because we’ve passed beyond ignorance here. There’s something willful about it. And that’s what’s extraordinary, I think.

And yeah, I’m glad you look back to my 10-year-old book now because I think I did predict some of this, although obviously not in its particulars. But there was a warning there that the collapse of the mainline Protestant churches was going to introduce a demonic element into American life. And lo and behold, it has.

TOOLEY: Now it’s interesting what you described—the collapse in the mainline churches and the social consequences—the inability of Catholicism or evangelicals to fill that social and cultural vacuum and the inability of evangelicals and Catholics, seemingly, to diagnose our current crisis in the way that you just described. Why is that do you think?

BOTTUM: Well there are multiple questions there, Mark. Why Catholicism failed, why the evangelicals and Catholics together failed. So Catholicism by itself failed. The evangelicals and Catholics together project failed to provide this moral pillar to American discourse. And then there are a variety of reasons for that, beginning with the fact that Catholicism is an alien religion, alien to America. Jews and Catholics were more or less welcome to live here, but we understood that we lived on the banks of a great Mississippi of Protestantism that poured down the center of this country.

But the question of why it failed is one thing. The question of why the mainline Protestant churches failed is yet another part of your question. And although I list several examples that people have offered, I don’t make a decision about that in part because I am a Catholic. I have a suspicion that Protestantism with a higher sense of personal salvation, but a less thick metaphysics, was more susceptible to the line of the social gospel movement. But I don’t know that for certain so in the book I’m merely presenting these possibilities.

And then evangelicalism, Catholicism, was under attack for wounds, some of which it committed itself. Evangelicalism is in decline in America. The statistics show that this period when it seemed to be going from strength to strength may have been fueled most of all by the death of the mainline churches. They were just picking up those members. Instead of going to the Methodist Church, they were going to the Bible church out on the prairie.

But regardless, that Christian discourse, that slightly secularized Christian discourse, that would allow Abraham Lincoln to make his speeches, that would provide the background to political rhetoric and so on, that’s all gone. And as a consequence, it seems to me we don’t have a shared culture and that’s part of what allows these protests. But also I think, if there’s a way to put this, a culture that no longer believes in itself, that no longer has horizons, and targets, and goals, that no longer has even the vaguest sense of a telos towards which we ought to move, a culture like that, if we look at it, we no longer have a measure of progress. We can’t say what an advance is along the way. All we can do is look at our history and see it as a catalog of crimes that we perpetrated in order to reach this point that we’re at. And we can’t see the good that came out of it. Because we don’t know what the good is, we don’t know what the telos is, the target, so we have no measure for that.

So, we can’t celebrate the Civil War victory that ended slavery. All we can do is condemn slavery. We can’t celebrate the victory over the Nazis. We have to end World War II; all we can do is decry militarism and the crimes we committed to win that war, like the firebombing of Dresden, or the Hiroshima.

And I think that that reasoning is quite exact because the young people that I hear speak—now I haven’t spent as much time on this as I perhaps should have, following the ins and outs of every protestor alive today—but what I’ve heard suggests that they condemn America to the core—the whole of America, of American history. There is nothing good about this nation. And there it seems to me the reasoning is quite exact. Unable to see a point to America, unable to see a goal. They are quite right that all they can see are the crimes. Whereas you and I are capable of saying, yes slavery was a great sin, and we got over it, and then the post-reconstruction settlement of Jim Crow was a great sin, but we got over it, and we still are committing sins to this day but the optimism of America is that we’ll get over it, we will find solutions to these because we feel that we are a city on a hill. We feel that we are heading somewhere. The telos may be vague, maybe inchoate, but its pull is real for people like you and me, Mark. These young people—who, I think partly because they’ve been systematically miss-educated—don’t have any feeling for that at all. And because they don’t, I think they are actually being quite rational in saying America is just evil, it’s a history of sin.

TOOLEY: So these protests seem to lack any sense of redemption, personal or social, and no sense of providence, there is no historical destination for them. You and I do believe in redemption and in providence, so in conclusion, what words of hope would you have in terms of surviving and coming out of the present moment?

BOTTUM: I think it’ll pass. These things pass. There are various rages that take to the streets, but they are to some degree victims of their own energy. They burn out, and I think this one will burn out. The thing that we are not seeing now—in fact we’re seeing the opposite—is someone standing up to them. The New York Times firing of its op-ed page editor over publication of an op-ed from a sitting US senator is really quite extraordinary if we think about it. But I don’t believe institutions can survive if they pander in this way. And I think eventually we’ll get one standing up. I haven’t heard yet from the publisher of J.K. Rowling, the Harry Potter author, who the staff of her publishing house has declared themselves unwilling to work at a publisher that would publish a woman with such reprobate views of transgenderism. If the publisher doesn’t stand up to her, I think we may be in for another year of this. But I have a feeling she sells so well, that I don’t believe the publisher is going to give in. And if we have one person saying “That’s interesting, but if you can’t work here, you can’t work here, goodbye.” The first time we see that and they survived the subsequent Twitter outrage, I think we’ll see an end to the current cancel culture, which is of course the most insidious of the general social—the burning and the breaking of statues is physical, but the most destructive cultural thing right now is the cancel culture that gets people fired and their relatives fired and the rest of it. I think that has to end and I imagine it will, the first time somebody stands up to them and survives.

TOOLEY: Jody Bottum, author and commentator, thank you for a fascinating conversation about our current anxious age.

BOTTUM: Thanks Mark.

Voir également:
Dec. 2, 2014

I recently read Joseph Bottum’s marvelous book, “An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America.” This is one of the most fascinating books I’ve read in some time.

Bottum will be familiar to many readers through his many essays in the Weekly Standard and elsewhere (this one is one of my favorites, which anticipates some of the ideas in this book) and his term at the helm of First Things. In fact, the prototype for “An Anxious Age” was a First Things cover story that Bottum wrote in 2008, “The Death of Protestant America: A Political Theory of the Protestant Mainline.” That article made a large impression on me when it first came out, and I was happy to learn that Bottum was planning to develop those ideas into a book.

“An Anxious Age” is probably best described as a work of religious sociology — both how society impacts religious practice (and how religious views evolve over time) as well as how religious views impact society. But it is written as an extended essay, not a data-focused academic tome, as is, for example, Charles Murray’s “Coming Apart,” to which the themes of “An Anxious Age” bear a good deal of resemblance.

The book is actually two relatively distinct essays, which bear a somewhat loose but useful connection. Part I of the book deals with the formal decline of the Protestant mainline churches as the moral center of American society, but also the continued rump effect those churches have on American society’s subconscious (if society can have a subconscious). Part II of the book addresses what Bottum characterizes as an effort — ultimately unsuccessful — by Catholics and evangelicals beginning in the mid-2000s to form a sort of alliance to try to create a new moral code and religious institutional ballast to fill the void left in American society by the decline of the Protestant mainline churches that he describes in the first part of the book. What I found most interesting and provocative is Bottum’s thesis that although it seems that the moral core of modern American society has been entirely secularized, and religion and religious institutions play little role in shaping those views, in fact the watered-down gruel of moral views served up by elite establishment opinion (recycling, multiculturalism, and the like) is a remnant of the old collection of Protestant mainline views that dominated American society for decades or even centuries.

To highlight the important sociological importance of religion in American society, Bottum uses the now-familiar metaphor of a three-legged stool in describing American society (one that I and others have used as well): a balance between constitutional democracy, free market capitalism, and a strong and vibrant web of civil society institutions where moral lessons are taught and social capital is built. In the United States, the most important civil society organizations traditionally have been family and churches. And, among the churches, by far the most important were those that Bottum deems as the “Protestant Mainline” — Episcopalian, Lutheran, Baptist (Northern), Methodist, Presbyterian, Congregationalist/United Church of Christ, etc.

The data on changing membership in these churches is jaw-dropping. In 1965, for example, over half of the United States population claimed membership in one of the Protestant mainline churches. Today, by contrast, less than 10 percent of the population belongs to one of these churches. Moreover, those numbers are likely to continue to decline — the Protestant Mainline (“PM”) churches also sport the highest average age of any church group.

Why does the suicide of the Protestant Mainline matter? Because for Bottum, these churches are what provided the sturdy third leg to balance politics and markets in making a good society. Indeed, Bottum sees the PM churches as the heart of American Exceptionalism — they provided the moral code of Americanism. Probity, responsibility, honesty, integrity — all the moral virtues that provided the bedrock of American society and also constrained the hydraulic and leveling tendencies of the state and market to devour spheres of private life.

The collapse of this religious-moral consensus has been most pronounced among American elites, who have turned largely indifferent to formal religious belief. And in some leftist elite circles it has turned to outright hostility toward religion — Bottum reminds us of Barack Obama’s observation that rural Americans today cling to their “guns and Bibles” out of bitterness about changes in the world. Perhaps most striking is that anti-Catholic bigotry today is almost exclusively found on “the political Left, as it members rage about insidious Roman influence on the nation: the Catholic justices on the Supreme Court plotting to undo the abortion license, and the Catholic racists of the old rust belt states turning their backs on Obama to vote for Hillary Clinton in the 2008 Democratic primaries. Why is it no surprise that one of the last places in American Christianity to find good, old-fashioned anti-Catholicism is among the administrators of the dying Mainline…. They must be anti-Catholics precisely to the extent that they are also political leftists.” As the recent squabbles over compelling practicing Catholics to toe the new cultural line on same-sex marriage at the risk of losing their jobs or businesses, the political Left today is increasingly intolerant of recognizing a private sphere of belief outside of the crushing hand of political orthodoxy.

Yet as Bottum notes, the traditional elite consensus has been replaced by a new spiritual orthodoxy of “morality.” The American elite (however defined) today does subscribe to a set of orthodoxies of what constitutes “proper” behavior: proper views on the environment, feminism, gay rights, etc. Thus, Bottum provocatively argues, the PM hasn’t gone away, it has simply evolved into a new form, a religion without God as it were, in which the Sierra club, universities, and Democratic Party have supplanted the Methodists and Presbyterians as the teachers of proper values.

How did this occur? I am Catholic, so this part of the story was one of the elements of the book that struck me as particularly interesting, as much of the history was new to me. Bottum points to the key moment as the emergence of the Social Gospel movement in the early 20th Century. Led by Walter Rauschenbusch, the Social Gospel movement reached beyond the traditional view that Christianity spoke to personal failings such as sin, but instead reached “the social sin of all mankind, to which all who ever lived have contributed, and under which all who ever lived have suffered.” As Bottum summarizes it, Rauschenbusch identified six social sins: “bigotry, the arrogance of power, the corruption of justice for personal ends, the madness [and groupthink] of the mob, militarism, and class contempt.” As religious belief moved from the pulpit and pew to the voting booth and activism, the role of Jesus and any religious belief became increasingly attenuated. And eventually, Bottum suggests, the political agenda itself came to overwhelm the increasingly irrelevant religious beliefs that initially supported it. Indeed, to again consider contemporary debates, what matters most is outward conformity to orthodox opinion, not persuasion and inward acceptance of a set of particular views–as best illustrated by the lynch mobs that attacked Brendan Eich for his political donations (his outward behavior) and to compel conformity of behavior among wedding cake bakers and the like, all of which bears little relation to (and in fact is likely counterproductive) to changing personal belief. (Of course, that too is an unstable equilibrium–in the future it won’t be sufficient to not merely not be politically opposed to same-sex marriage, it will be a litmus test to be affirmatively in favor of it.).

Thus, while the modern elite appears to be largely non-religious, Bottum argues that they are the subconscious heirs to the old Protestant Mainline, but are merely Post-Protestant — the same demographic group of people holding more or less the same views and fighting the same battles as the advocates of the social gospel.

In the second part of the book, Bottum turns to his second theme — the effort beginning around 2000 of Catholics and Evangelical Christians to form an alliance to create a new moral consensus to replace the void left by the collapse Protestant Mainline churches. Oversimplified, Bottum’s basic point is that this was an effort to marry the zeal and energy of Evangelical churches to the long, well-developed natural law theory of Catholicism, including Catholic social teaching. Again oversimplified, Bottum’s argument is that this effort was doomed on both sides of the equation–first, Catholicism is simply too dense and “foreign” to ever be a majoritarian church in the United States; and second, because evangelical Christianity itself has lost much of its vibrant nature. Bottum notes, which I hadn’t realized, that after years of rapid growth, evangelical Christianity appears to be in some decline in membership. Thus, the religious void remains. The obvious question with which one is left is if Bottum is correct that religious institutions uphold the third leg of the American stool, and if (as he claims) religion is the key to American exceptionalism, can America survive without a continued vibrant religious tradition?

Herewith a few of my own thoughts after reading the book:

The first is simply that this is an immensely interesting and readable book. I read almost the whole thing on a plane trip from California and Jody’s writing style just carries you along effortlessly. His writing is high stylistic without be overstylized and is just an absolute joy to read. He has a gift for weaving together larger ideas with anecdotes and exemplars of his point. He has a light touch in making his point that rarely offends (even on controversial issues) and always illuminates.

Second, is that I largely find Bottum’s argument persuasive. The absence of the Protestant Mainline as a central moral force in American society today is largely taken for granted, such that the implications are largely ignored–as if it has always been this way. To the extent that leaders of Mainline Protestant churches are ever noticed in public, my impression is they are viewed as somewhat buffoonish figures trotted out occasionally to add a veneer of religious window-dressing to the elite’s preexisting views on various political issues such as same-sex marriage and the size of the welfare state. I say “buffoonish” because they often seem to come across as intellectual lightweights, to shallow intellectually to be taken seriously by secular analysts and too shallow theologically to be taken seriously by religious analysts. As a result, they seem to have little influence over public life today. They’ve essentially made themselves irrelevant. (My apologies for painting with an overly-broad brush, and I realize that this is a contestable assertion. It just reflects my impression of how leaders of the Mainline Protestant churches are often treated in news coverage and the like).

Third, one  aspect of the modern post-Protestant morality that struck me after reading the book is its ostentatious and somewhat self-congratulatory nature. In the Preface to the book, Bottum explains that the proximate genesis of the book was an experience he had in 2011 when he was commissioned to write an article about the Occupy Wall Street protest movement. Bottum sensed in these young and clueless youth a deep spiritual anxiety. But it was not linked to any coherent political platform or reform agenda–instead, the goal was “change” of some sort and an assertion of the protesters moral rectitude; and, perhaps equally important (as Bottum describes it), an anxiety to be publicly congratulated for their moral rectitude. Campus protests today, for example, often seem to be sort of a form of performance art, where the gestures of protest and being seen to “care” are ends in themselves, as often the protests themselves have goals that are somewhat incoherent (compared to, say, protests against the Vietnam War). Bottum describes this as a sort of spirtual angst, a vague discomfort with the way things are and an even vaguer desire for change. On this point I wonder whether he is being too generous to their motives.

Fourth, and to my mind the most important thought I had while reading it, was that I found Bottum’s description of the causal decline of the Protestant Mainline incomplete. He briefly pauses to address the question: “The question, of course, is why it happened–this sudden decline of the Mainline, this collapse of the Great Church of America, this dwindling of American Protestantism even as it has now found the unity that it always lacked before.” He discusses a few of the hypotheses (at pages 104-107) but simply defers to the work of others.

But there is one thesis that he doesn’t consider that I think contributes much of the explanation of the decline of the importance of the Protestant Mainline, which is the thesis developed by Shelby Steele is his great book “White Guilt.” I think Steele’s argument provides the key to unlocking not only the decline of the Protestant Mainline but also the timing, and why the decline of the Protestant Mainline has been so much more precipitous than Evangelicals and Catholics, as well as why anti-Evangelical and anti-Catholic bigotry is so socially acceptable among liberal elites.

Steele’s thesis, oversimplified, is that the elite institutions of American society for many years were complicit in a system that perpetrated injustices on many Americans. The government, large corporations, major universities, white-show law firms, fraternal organizations, etc.–the military being somewhat of an exception to this–all conspired explicitly or tacitly in a social system that supported first slavery then racial discrimination, inequality toward women, anti-Semitism, and other real injustices. Moreover, all of this came to a head in the 1960s, when these long-held and legitimate grievances bubbled to the surface and were finally recognized and acknowledged by those who ran these elite institutions and efforts were taken to remediate their harms. This complicity in America’s evils, Steele argues, discredited the moral authority of these institutions, leaving not only a vacuum at the heart of American society but an ongoing effort at their redemption.

But, Steele argues, this is where things have become somewhat perverse. It wasn’t enough for, say, Coca-Cola to actually take steps to remediate its past sins, it was crucial for Coca-Cola to show that it was acknowledging its guilty legacy and, in particular, to demonstrate that it was now truly enlightened. But how to do that? Steele argues that this is the pivotal role played by hustlers like Jesse Jackson and Al Sharpton — they can sell the indulgences to corporations, universities, and the other guilty institutions to allow them to demonstrate that they “understand” and accept their guilt and through bowing to Jackson’s demands, Jackson can give them a clean bill of moral health.

Thus, Steele says that what is really going on is an effort by the leaders of these institutions to “dissociate” themselves from their troubled past and peer institutions today that lack the same degree of enlightenment. Moreover, it is crucially important that the Jackson’s of the world set the terms–indeed, the more absurd and ridiculous the penance the better from this perspective, because more ridiculous penances make it easier to demonstrate your acceptance of your guilt.

One set of institutions that Steele does not address, but which fits perfectly into his thesis, is the Protestant Mainline churches that Bottum is describing. It is precisely because the Protestant Mainline churches were the moral backbone of American society that they were in need of the same sort of moral redemption that universities, corporations, and the government. Indeed, because of their claim to be the moral exemplar, their complicity in real injustice was especially bad. Much of the goofiness of the Mainline Protestant churches over the past couple of decades can be well-understood, I think, through this lens of efforts to dissociate themselves from their legacy and other less-enlightened churches. In short, it seems that often their religious dogma is reverse-engineered–they start from wanting to make sure that they hold the correct cutting-edge political and social views, then they retrofit a thin veil of religious belief over those social and political opinions. Such that their religious beliefs today, as far as one ever hears about them at all, differ little from the views of The New York Times editorial page.

This also explains why Catholics and Evangelicals are so maddening, and threatening, to the modern elites. Unlike the Protestant Mainline churches that were the moral voice of the American establishment, Catholicism and Evangelicals have always been outsiders to the American establishment. Thus they bear none of the guilt of having supported unjust political and social systems and refuse to act like they do. They have no reason to kowtow to elite opinion and, indeed, are often quite populist in their worldview (consider the respect that Justices Scalia or Thomas have for the moral judgments of ordinary Americans on issues like abortion or same-sex marriage vs. the views of elites). Given the sorry record of American elites for decades, there is actually a dividing line between two world views. Modern elites believe that the entire American society was to blame, thus we all share guilt and must all seek forgiveness through affirmative action, compulsory sensitivity training, and recycling mandates. Others, notably Catholics and Evangelicals, refuse to accept blame for a social system that they played no role in creating or maintaining and which, in fact, they were excluded themselves. To some extent, therefore, I think that the often-remarked political fault line in American society along religious lines (which Bottum discusses extensively), is as much cultural and historical (in Steele’s sense) as disagreements over religion per se. At the same time, the decline of its moral authority hit the Protestant Mainline churches harder than well-entrenched universities, corporations, or the government, in part because the embrace of the Social Gospel had laid the foundations for their own obsolescence years before.

This also explains why if a religious revival is to occur, it would come from the alliance of Catholics and Evangelicals that he describes in the second half of the book. Mainline Protestantism seems to simply lack the moral authority to revive itself and has essentially made itself obsolete. There appears to be little market for religions without God.

In the end, Bottum leaves us with no answer to his central question–can America, which for so long relied on the Protestant Mainline churches to provide a moral and institutional third leg to the country, survive without it. Can the thin gruel of the post-Protestant New York Times elite consensus provide the moral glue that used to hold the country together? Perhaps, or perhaps not — that is the question we are left with after reading Bottum’s fascinating book.

Finally, I drafted this over the weekend, but I wanted to call attention to Jody’s new essay at the Weekly Standard “The Spiritual Shape of Political Ideas” that touches on many of the themes of the book and develops them in light of ongoing controversies, especially on the parallels between the new moral consensus and traditional religious thinking (and, in fact, his comments on “original sin” strike me as similar to the points about Shelby Steele that I raised above).

He traces this to the early 20th-century Social Gospel movement and the Protestant writer Walter Rauschenbusch. This movement has created a post-Protestant class: “Christian in the righteous timbre of its moral judgments, without any actual Christianity; middle class in social flavor, while ostensibly despising middle-class norms; American in cultural setting, even as [they believe] American history is a tale of tyranny.”

Voir de plus:

« An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America »


An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, by Joseph Bottum. Image Books (February 11, 2014)

We live in a profoundly spiritual age–but in a very strange way, different from every other moment of our history. Huge swaths of American culture are driven by manic spiritual anxiety and relentless supernatural worry. Radicals and traditionalists, liberals and conservatives, together with politicians, artists, environmentalists, followers of food fads, and the chattering classes of television commentators: America is filled with people frantically seeking confirmation of their own essential goodness. We are a nation desperate to stand on the side of morality–to know that we are righteous and dwell in the light.

Or so Joseph Bottum argues in An Anxious Age, an account of modern America as a morality tale, formed by its spiritual disturbances. And the cause, he claims, is the most significant and least noticed historical fact of the last fifty years: the collapse of the Mainline Protestant churches that were the source of social consensus and cultural unity. Our dangerous spiritual anxieties, broken loose from the churches that once contained them, now madden everything in American life.

Updating The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, Max Weber’s sociological classic, An Anxious Age undertakes two case studies in contemporary social class, adrift in a nation without the religious understandings that gave it meaning. Looking at the college-educated elite he calls “The Poster Children,” Bottum sees the post-Protestant heirs of the old Mainline Protestant domination of culture: dutiful descendants who claim the high social position of their Christian ancestors even while they reject their ancestors’ Christianity. Turning to “The Swallows of Capistrano,” the Catholics formed by the pontificate of John Paul II, Bottum evaluates the early victories–and later defeats–of the attempt to substitute Catholicism for the dying Mainline voice in public life.

Sweeping across American intellectual and cultural history, An Anxious Age traces the course of national religion and warns about the strange angels and even stranger demons with which we now wrestle. Insightful and contrarian, wise and unexpected, An Anxious Age ranks among the great modern accounts of American culture.

Voir encore:

The New York Times magazine

There is a strange little cultural feedback loop that’s playing out again and again on social media. It begins with, say, a white American man who becomes interested in taking an outspoken stand against racism or misogyny. Maybe he starts by attending a Black Lives Matter demonstration. Or by reading the novels of Elena Ferrante. At some point, he might be asked to “check his privilege,” to acknowledge the benefits that accrue to him as a white man. At first, it’s humiliating — there’s no script for taking responsibility for advantages that he never asked for and that he can’t actually revoke. But soon, his discomfort is followed by an urge to announce his newfound self-­awareness to the world. He might even want some public recognition, a social affirmation of the work he has done on himself.

These days, it has become almost fashionable for people to telegraph just how aware they have become. And this uneasy performance has increasingly been advertised with one word: “woke.” Think of “woke” as the inverse of “politically correct.” If “P.C.” is a taunt from the right, a way of calling out hypersensitivity in political discourse, then “woke” is a back-pat from the left, a way of affirming the sensitive. It means wanting to be considered correct, and wanting everyone to know just how correct you are.

In the ’70s, Americans who styled themselves as “radical chic” communicated their social commitments by going to cocktail parties with Black Panthers. Now they photograph themselves reading the right books and tweet well-­tuned platitudes in an effort to cultivate an image of themselves as politically engaged. Matt McGorry, the actor who plays a sweetly doofy prison guard in “Orange Is the New Black,” is a helpful case study of this phenomenon. McGorry’s Instagram presence was once blithely ­bro-ey — yacht shots, tank tops, a tribute to coconut water. Then he watched the actress Emma Watson brief the United Nations on the importance of men’s involvement in the feminist movement, and he took it to heart. Now he presents his muscular selfies and butt jokes alongside iconography of feminism and anti-­racism. In one snap, he holds a copy of “The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness,” in bed, shirtless. In December, BuzzFeed nodded at McGorry with a listicle titled: “Can We Talk About How Woke Matt McGorry Was in 2015?”

Earning the “woke” badge is a particularly tantalizing prospect because it implies that you’re down with the historical fight against prejudice. It’s a word that arose from a specific context of black struggle and has recently assumed a new sense of urgency among activists fighting against racial injustices in Ferguson, Sanford, Baltimore and Flint. When Black Lives Matter activists started a website to help recruit volunteers to the cause, they called it StayWoke.org. “Woke” denotes awareness, but it also connotes blackness. It suggests to white allies that if they walk the walk, they get to talk the talk.

The most prominent pop touchstone for “stay woke” is Erykah Badu’s 2008 track “Master Teacher,” in which she sings the refrain “I stay woke.” “Erykah brought it alive in popular culture,” says David Stovall, a professor of African-­American studies at the University of Illinois at Chicago. “She means not being placated, not being anesthetized. She brought out what her elders and my elders had been saying for hundreds of years.” In turn, the track has helped shepherd the next generation into its own political consciousness. In an interview with NPR last year, the rapper Earl Sweatshirt described listening to “Master Teacher” in the car with his mother as a teenager. “I was singing the hook, like, ‘I stay woke,’ ” he said. His mother turned down the music, and “she was like, ‘No you’re not.’ ”

Earl Sweatshirt’s mom was cautioning her son against brandishing a word without understanding its history and power. He got the message years later, he said, and called her up and announced: “I’m grown.” Such reflectiveness is often absent from the promiscuous spread of “woke” online. The word has now been recycled by people hoping to add splashes of drama to their own inconsequential obsessions, tweeting “Raptors will win it all #STAYWOKE” or “new bio … #staywoke.” The new iteration of radical chic is the guy on Tinder who calls himself a “feminist artist in Brooklyn” and then says he’s “looking for the you-know-what in the you-know-where” — the performance of “wokeness” is so conspicuous that it breeds distrust.

In a 2012 paper about race relations on Twitter, Dr. André Brock, a University of Michigan communications professor, wrote about how the surfacing of popular hashtags and trending topics “brought the activities of tech-­literate blacks to mainstream attention,” creating a space where the expressions of black identity are subject to “intense monitoring” by white people — a kind of accelerator for cultural appropriation. When black activists used “stay woke” in their Twitter campaigns against police violence, the term appeared alongside a host of trending hashtags — #ICantBreathe, #IfTheyGunnedMeDown — and was thus flagged for white people who have never listened to a Badu album or joined the crowd at a rally.

Defanged of its political connotations, “stay woke” is the new “plugged in.” In January, MTV announced “woke” as a trendy new slice of teen slang. As Brock said, “The original cultural meaning of ‘stay woke’ gets lost in the shuffle.”

And so those who try to signal their wokeness by saying “woke” have revealed themselves to be very unwoke indeed. Now black cultural critics have retooled “woke” yet again, adding a third layer that claps back at the appropriators. “Woke” now works as a dig against those who claim to be culturally aware and yet are, sadly, lacking in self-awareness. In a sharp essay for The Awl, Maya Binyam coined the term “Woke Olympics,” a “kind of contest” in which white players compete to “name racism when it appears” or condemn “fellow white folk who are lagging behind.”

The latest revolution of “woke” doesn’t roll its eyes at white people who care about racial injustice, but it does narrow them at those who seem overeager to identify with the emblems and vernacular of the struggle. For black activists, there is a certain practicality in publicly naming white allies. Being woke, Stovall says, means being “aware of the real issues” and willing to speak of them “in ways that are uncomfortable for other white folks.” But identifying allies poses risks, too. “There are times when people have been given the ‘black pass,’ and it hasn’t worked out so well,” Stovall says. “Like Clinton in the ’90s.” A white person who gains a kind of license to use power on behalf of black people can easily wield that power on behalf of themselves.

“Woke” feels a little bit like Macklemore rapping in one of his latest tracks about how his whiteness makes his rap music more acceptable to other white people. The conundrum is built in. When white people aspire to get points for consciousness, they walk right into the cross hairs between allyship and appropriation. These two concepts seem at odds with each other, but they’re inextricable. Being an ally means speaking up on behalf of others — but it often means amplifying the ally’s own voice, or centering a white person in a movement created by black activists, or celebrating a man who supports women’s rights when feminists themselves are attacked as man-haters. Wokeness has currency, but it’s all too easy to spend it.

The Puritans Among Us

Mary Eberstadt

National Review

April 21, 2014

Review of An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, by Joseph Bottum (Image, 320 pp., $25).

Some writers are “Catholic writers” in the sense that they do their work qua Catholics, and their main subject is the immense intellectual, social, and aesthetic patrimony of the Catholic Church. But there also exists a rarer kind of Catholic writer: the one who is multilingual in secular as well as religious tongues, whose Catholicism nonetheless runs so deep that it cannot help but shape and suffuse his every line.

Joseph Bottum, fortunately for American letters, is an example of the latter sort. In fact, it’s safe to say that if Mr. Bottum were anything but a writer who is also known to be Catholic, his name would be mandatory on any objective short list of public intellectuals, if there were such a thing. He is the author of several books, including a volume of poetry (The Fall & Other Poems), a work of verse set to music (The Second Spring), a bestselling memoir (The Christmas Plains), and now, with An Anxious Age, an immensely ambitious work of sociological criticism. His essays have garnered awards and are included in notable collections. He has also worn the hats of literary critic, columnist, editor, books editor, short-story writer, autobiographer, eulogist, public speaker, television pundit, Amazon author (via the groundbreaking Kindle Singles series), and visiting professor. If there were milliners for intellectuals, his would be the busiest in town.

Yet, as is not widely understood despite this prodigious body of work, Bottum is also, at heart, a storyteller — meaning that he is preoccupied not only with syllogism and validity but also with literary characters and creations. Once in a while, this absorption with dramatis personae ends up confounding readers — as happened just last year, when a long essay of his, published in Commonweal, arguing the futility of continuing Church opposition to same-sex marriage, combusted as instantly and widely as a summer brushfire. That piece, too, as was perhaps insufficiently noted at the time, began with and meandered around a literarycharacter: a former friend and foil with whom the piece amounts to an imaginary conversation.

To observe as much isn’t to say that fiction always trumps. It’s rather to note that with poets and poetry, for better or worse, comes license — including license to chase arguments into places where other people, rightly or wrongly, fear to tread.

That same singular gift is now turned to brilliant advantage in Bottum’s new book. A strikingly original diagnosis of the national moral condition, An Anxious Age bears comparison for significance and scope to only a handful of recent seminal works. Deftly analytical and also beautifully written, it has the head of Christopher Lasch and the heart of Flannery O’Connor. Anyone wishing to chart the deeper intellectual and religious currents of this American time, let alone anyone who purports to navigate them for the rest of the public, must first read and reckon withAn Anxious Age.

The book begins in territory that’s familiar enough: the well-known and ongoing collapse of the Protestant mainline churches, whose floor-by-floor implosion the author traced first in a seminal 2008 essay for First Things on “The Death of Protestant America.” This starting point soon widens dramatically onto a 180-degree view of the national milieu. Contrary to the widely held secularization thesis, according to which the decline of Christianity is inevitable, Bottum argues instead that the Puritans and Protestants of yesteryear still walk the country in new and rarely recognized “secular” guises. Bonnie Paisley of Oregon, Gil Winslow of upstate New York, Ellen Doorn of Texas — these and other characters conjured as the “Poster Children of Post-Protestantism” illustrate via their individual stories the author’s central point: The mainline hasn’t so much vanished as gone underground to become what O’Connor once derisively called “the Church without Christ.”

To be sure, the idea that secularization has not so much killed God as repurposed Him into seemingly secular shapes is not in itself new. It’s the key point in philosopher Charles Taylor’s work, especially in his prodigious book A Secular Age. No author, however, has brought this idea to life as Bottum does in An Anxious Age — whose very title, obviously, suggests the amendment that it is to Taylor’s thesis. Throughout, the Poster Children spring from the pages like so many impish holograms, turning two-dimensional arguments over “believing” and “belonging” into recognizable and ultimately persuasive companions at the reader’s elbow.

These Poster Children, the author argues, are direct descendants of the “social gospel” of Protestant theologian Walter Rauschenbusch: the notion that sin has a social and not merely individual dimension. “Social nature abhors a vacuum,” notes Bottum in a key passage,

and the past thirty years have seen many attempts to fill the space where Protestantism used to stand. Feminism in the 1980s, homosexuality in the 1990s, environmentalism in the 2000s, the quadrennial presidential campaigns that promise to reunify the nation . . . [these] movements have all posed themselves as partial Protestantisms, bastard Christianities, determined not merely to win elections but to be the platform by which all other platforms are judged.

Once again, the millenarian character of contemporary politics — particularly today’s politics of the Left — has been noted before. But once again, Bottum digs deeper here to yield truths not hitherto inspected.Partial Protestantisms, bastard Christianities: It isn’tonly that ostensibly secular leftism is Christianity in some unexpected, other guise. It’s rather that ostensibly secular leftism is a particular kind of truncated Christianity: the theological and sociological equivalent of the fatherless home.

And so, for example, Occupy Wall Street, for all its grubby pretension, is in essence just one more “protest against the continuing reign of Satan and a plea for the coming of the Kingdom of God, with a new heaven and a new earth.” Related yearnings for personal redemption, the author argues, also unite certain ardent young Catholics drawn to “lifeboat theology, escaping the rising sea of evil on small arks of the saved.” These groups are joined, he argues, at the sociological root — proof of what, in a bow to Max Weber, the book calls our “Anxious Age” created by “the catastrophic decline of the mainline Protestant churches that had once been central institutions in public life.”

In a curious way, An Anxious Age also amounts to a limited reenchantment of the intellectual world. When conservatives in particular attack “the elites,” Bottum argues, they “focus entirely on non-spiritual causes.” In this they overlook the essential link between these “elites” and their Puritan forebears, for “the one social ascendency they truly feel, the one deepest in their souls, is the superiority of the spiritually enlightened to those still lost in darkness.” Contrary to what both the Poster Children and their religious critics seem to think, all are leaning toward the same end: a sense of redemption. “Elite or not,” he observes, “they are the elect — people who understand themselves primarily in spiritual terms,” whether they darken the doors of churches or not.

An Anxious Age abounds in logic and clarification (and for that reason among others, it was derelict of the book’s publisher to omit footnotes and an index, both of which would have helped to signal its scholarly nature). Even so, it is the book’s metaphors that will haunt the reader after he puts it down. Who else would describe Protestantism in the United States as “our cultural Mississippi, rolling through the center of the American landscape”? Likely no one — but the image brings to vivid and unexpected life a thousand Pew Research reports on declining attendance and the rise in “nones.” Similarly, the author’s unspooling of the story of the swallows of San Juan Capistrano as a metaphor for explaining what has happened to Catholicism in America is not only arresting but convincing, succeeding both as religious sociology and as literary trope.

None of which is to say that the book’s every fillip and expostulation amounts to the last word. Like any serious work, this one excites demurrals, objections, and second and third thoughts. In particular, one wants to hear more about the other and less cerebral forces that were obviously at work in the implosion of mainline Protestantism and its fallout.

After all, not every religious movement emerging from the “burned-over district” in upstate New York suffered the same communal fate. The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, to take one salient example, went on to become one of the most ascendant faiths of the next century. Why did mainline Presbyterianism, say, fall one way on history’s divide, while Protestant evangelicalism and Mormonism, say, fell another? One likely answer is that the mainline’s doctrinal neglect and practical abandonment of the family led eventually to demographic disaster in the pews. In similar fashion, one can argue, Catholics who have behaved like Catholics have seen their own corners of the religious world prosper — and Catholics who have behaved like mainline Protestants have not.

Other points invite similar friendly debate, including the author’s claim that tomorrow’s Catholicism is necessarily less robust than yesterday’s because it is no longer as “inherited.” And of course one can also question ad infinitum why Bottum chose to discuss some of the thinkers in these pages, and not others. But no shortcomings gainsay the superb achievement here. As his friend and sometime collaborator, the author David P. Goldman, once put it, “One often learns more about the underlying issues from Jody Bottum’s mistakes than from the dutiful plodding of many of his peers.”

Readers who find the Poster Children stalking their imaginations might also hope to see more overt works of fiction from the talented Mr. Bottum down the road. Meanwhile, the daring achievement of the author of An Anxious Age — bringing sociology to unique fictional life — is something that the rest of us will be thinking about for a long time to come.

– Mary Eberstadt is a senior fellow at the Ethics and Public Policy Center and the author of How the West Really Lost God: A New Theory of Secularization.

Voir enfin:
Delphine Le Goff
Stratégies
16/12/2019

C’est le nouveau buzzword, une nouvelle forme de coolitude : être « woke » ou ne pas être. Le terme, dérivé de l’argot afro-américain, désigne l’état d’éveil aux injustices de la société au sens large. Une nouvelle forme de bien-pensance ?

Tenez-vous prêts. Il paraît que dans les mois à venir, on n’aura que ce mot à la bouche. Ringardisée, la bienveillance, mot de l’année 2018 selon Le Robert, utilisée jusqu’à l’écœurement – d’ailleurs bien souvent par des personnes en réalité tout sauf bienveillantes. 2019, paraît-il, sera l’année du « woke ». Même Le Monde, il y a quelques mois, donnait en avant-première ce sage conseil : « Ne soyez plus cool, soyez woke. » Voilà autre chose !
« Woke, c’est le nouveau buzzword, reconnaît Martin Lagache, planneur stratégique chez BETC, qui se lance dans une exégèse du terme, issu de l’argot afro-américain. C’est la chanteuse Erykah Badu qui l’a popularisé il y a une dizaine d’années, avec sa chanson “Master Teacher (I stay woke)”, puis en 2012, en utilisant la phrase “Stay woke” dans un message public de soutien aux Pussy Riot [groupe de rock féministe russe dissident]. » Woke, comme « éveillé », un terme repris à l’envi pendant le mouvement #Blacklivesmatter en 2013. Le terme s’est déployé et désigne aujourd’hui le fait d’être conscient de toutes les formes d’inégalités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales. En somme, résume Martin Lagache, « le “woke” est le terme étendard de la bien-pensance libérale [au sens anglo-saxon] américaine de gauche. Est-ce que les Gilets jaunes sont woke ? Tout le monde peut être woke. »

Atout séduction

Le terme infuse irrésistiblement, y compris dans les replis de la vie privée. À telle enseigne qu’être « woke » peut même faire de vous un prince ou une princesse de l’amour. Il est désormais de bon ton, dans les pays anglo-saxons, de proclamer que l’on est un « woke bae », c’est-à-dire un(e) petit(e) ami(e) progressiste et averti(e) des injustices de notre triste monde. Pour certains, il ne s’agit plus de débusquer Mr Right, mais Mr Woke : une journaliste du Guardian relatait ainsi, en août dernier, sa recherche éperdue de ce nouveau spécimen hautement désirable dans un déchirant article titré « My search for Mr Woke : a dating diary. » La rédactrice confie gentiment aux lecteurs ses trucs et astuces pour draguer « woke ». À faire : prononcer des phrases comme « la pauvreté n’est pas de la faute des pauvres ». À éviter : la complainte du « on ne peut plus rien dire ». C’est noté.

Grande recycleuse devant l’éternel, la publicité ne pouvait rester immune aux charmes du « woke ». Avec la récente campagne Gillette, « We believe : The best men can be », galerie d’hommes qui expriment leur aversion du sexisme ordinaire, des violences faites aux femmes, du mansplaining, du harcèlement scolaire – en bref, de ce que la marque désigne comme « la masculinité toxique » –, n’atteindrait-on pas un sommet de « wokeité » ? Sans l’ombre d’un doute, selon Olivier et Hervé Bienaimé, directeurs de la création de 84.Paris : « Pour ce qui est du combat contre le machisme et le patriarcat, le message est ultra-positif. » Et archi-opportuniste, aussi ? « Gillette change tout à coup de braquet, après nous avoir vendu pendant des années le modèle de l’homme blanc musclé en pleine réussite sociale », soulignent les créatifs.

Plus engagé que le cool

C’est bien d’être éveillé. Mais trop le faire savoir, ne serait-ce pas suspect ? « Le cool était une attitude anti-mainstream, un peu rebelle mais farouchement individualiste, souligne Martin Lagache. Avec le “woke”, on se situe dans une posture plus engagée. Mais bien souvent, c’est plus une posture qu’autre chose. Et dans la plupart des cas, une posture paresseuse de valorisation personnelle… » Dans une tribune pour le New York Times titrée « The Problem With Wokeness », l’éditorialiste David Brooks pointe les dérives du phénomène : « Le plus grand danger de la “wokeness” extrême est qu’elle rend plus difficile de pratiquer la dextérité nécessaire à toute vie en société, c’est-à-dire la faculté à appréhender deux vérités dans le même temps. »
Marie Nossereau, directrice du planning stratégique de Publicis Sapient, affiche carrément de la défiance par rapport à tout ce qui se prétend « woke ». « Les gens qui se disent plus éveillés que les autres, ça a toujours existé. C’est assez méprisant, cela sous-entend que tous les autres dorment, sont aux mains des multinationales… Le terme “woke” m’évoque aussi le discours de l’Église de Scientologie, dont les adeptes se disent “clear” [clairs]. Selon moi, cela fait partie de la même dialectique, je n’aime pas trop ça. In fine, ça ne me paraît pas très clean. »

Un brin hypocrite

Pas clean, peut-être pas, mais hypocrite, sans doute un peu trop souvent. On revient à Gillette : « Dans les faits, la marque continue à vendre des rasoirs pour les femmes plus chers que les rasoirs pour les hommes… », grince Martin Lagache. Gillette, au passage, s’est félicitée publiquement d’avoir vu les ventes de ses rasoirs bondir après sa campagne… Les frères Bienaimé de l’agence 84.Paris rappellent quant à eux « le film “The Talk” de Procter & Gamble qui a raflé des tonnes de prix, pour une marque qui n’a pas vraiment été “woke” pendant des décennies. Une conscience éveillée, OK, si les produits suivent. »
Et si, malgré tout, l’éveil n’en était qu’à ses prémices ? La sociologue Irène Pereira et l’historienne Laurence De Cock ont publié en janvier un ouvrage, Les pédagogies critiques (Éd. Agone contre-feux), qui prône une éducation inspirée des travaux du pédagogue brésilien Paulo Freire et du pédagogue français Célestin Freinet. Il s’agirait non pas de préparer les élèves à devenir des bêtes à concours ou de futurs soldats des entreprises, mais plutôt de leur enseigner les rapports de domination qui régissent le monde pour mieux les réduire à néant. Pour une future génération woke ?

Voir enfin:

Against Moralistic Therapeutic Totalitarianism

 

I have received some of the best comments from readers about retired Catholic theologian Larry Chapp’s short essays, which I’ve published in this space. I was pleased to wake up this morning and find another one from him in my in-box. I count myself fortunate to be in a position of publishing them in this space.

Below is an essay Larry titles “The Collective Of Concupiscence.” In it, he pretty much sums up my take on the current political and social situation, though I have some post-election thoughts to add at the end. First, here’s Larry:

There is talk in some quarters of Oprah Winfrey running for President in 2020. My response to this is, why not? If Donald Trump can be President ­ a man whose only qualification for the job seems to be that he is a rich celebrity, then any rich celebrity can be President I guess.

What all of this probably points to, sadly, is how utterly exhausted and bankrupt our politics has become, with Americans by the millions turning away from the more experienced political insiders in favor of outsiders who promise us that they alone can provide the radical change that is needed. And everyone seems to agree that radical change is indeed needed, so long as “radical change” means ripping the Band-Aids off of everyone else’s scabs but mine. Radical change can also mean, rather simply, that you want the power that the ruling party possesses transferred to your party. Which is to say, no change at all, which is why you have to lie about it.

For example, in our last election, “Drain the swamp!” was the mantra of the Trump supporters. But did anyone really expect that the man we elected, a swamp creature if ever there were one, would be able to do this? And what, exactly, does one do with a drained swamp anyway? Probably sell it to developers who would build overpriced, poorly made, beige and boring condos, nicely accessorized with a strip mall complete with a Dunkin Donuts and a Vape shop. In other words, just a different kind of swamp. The Democrats prefer the fevered swamp of coercive governmental power, whereas the Republicans prefer the fetid swamp of corporate greed. So all we have really done is trade Lenin for Bezos.

Oh, I can hear people now… “Damn it Chapp, you are always so negative about politics and America. You have to live in the real world and the real world is never perfect!” If you are in that cloud of critics, then I can say to you that you are correct about one thing: nothing in this world is wholly perfect. But that does not mean that there aren’t degrees of imperfection. To deny this is to deny that there is such a thing as truth ­ ­– a truth that acts as the barometer for all of our actions, political or otherwise.

Therefore, my claim is this, a claim that you can take or leave as you see fit, but a claim I stand by with full conviction: the contemporary American socio­ economic­-political system is predicated in a foundational way on a profound and tragic falsehood. It is a false first principle shared by every major governmental and economic institution in this country and it stands in total contradiction to the Christian faith.

This false first principle can be stated simply and then its logical conclusions can be teased out as follows: God is irrelevant to the construction of government and our public life together, which is to say, God does not exist, which is to say, nothing spiritual or supernatural exists, which is to say that we are all purely material beings with no purpose or goal or end beyond the satisfaction of our individual desires, which is to say that pleasure (the satisfaction of our base desires) is more rooted in reality than happiness (the joy and peace that comes from pursuing the higher spiritual realities like the moral good). Indeed, according to this false principle, the spiritual dimension of life and the moral good are, at best, “noble lies,” and at worst repressive illusions ­­– repressive, since their pursuit often inhibits the attainment of pleasure.

The late Italian philosopher Augusto del Noce, building on this same insight (that our culture is founded on a false first principle: God does not matter), points out that the ruling philosophy that our culture has adopted as a replacement for God and religion is the philosophy known as “scientism”. In a nutshell, scientism is the belief that only the hard, empirical sciences give us access to truth. Everything else is an illusion. Therefore, when it comes to our common life together as a people ­ — a life that comes to be defined, regulated and controlled by government and corporate elites — there is only one form of reason that is “allowed in” as proper public discourse. And that is the language of science.

Furthermore, given our reduction of life to economics, what the elevation of science really means is the ascendency of “applied science” (technology) to pride of place. Every aspect of our social life thus comes under the purview of governmental control, and all culture and every form of reason becomes a function of politics. And this final step, the submission of culture to politics, is the very heart of totalitarianism. Only, in this case, it is not the totalitarianism of the Nazis or the Stalinists or the Maoists ­– ­brutal, bloody, and quite vulgar in its unsubtle use of blunt violence ­– but rather the much more seductive totalitarianism of techno-­nihilism, where our base bodily desires form what I call a “Collective of Concupiscence” which the government regulates, and the economy inflames.

Our future is thus most likely to be a dystopian one. But it won’t be the dystopia of the concentration camp. Rather, it will be Huxley’s Brave New World with a Disneyland aesthetic. Because… you know… “family values”.

You might think this is an exaggeration. I don’t think it is. It is the logical conclusion of scientism no matter what our elites might say about our bold new future. Because, despite what scientism’s popularizers (such as Carl Sagan and Richard Dawkins) might say in their more poetic moments when speaking about the “beauty” of the cosmos and of science, the fact is, if I am just an ape with a big brain, and an accidental byproduct of the cosmic chemistry of stardust remnants, then I really don’t give a shit about some gaseous blob, or even a vast number of “billions and billions” of gaseous blobs, ten million light years away; or the “fascinating” mating rituals of fruit bats; or the “poetry” of soil regeneration through dung beetle digestive cycles. In other words, when you are told endlessly that there is no meaning to existence, then guess what? You actually start to think that way. And then everything loses its flavor. Everything starts to taste like rice cakes.

Therefore, you cannot have it both ways. You cannot bleach divinity and Transcendence out of the cosmos and tell everyone that the whole affair is just an aimless and pointless accident, and then turn around and talk to us about the “moral necessity” of this or that urgent social cause. Why should I even care about the future of humanity itself? Why should I care about the ultimate destiny of ambulatory, bipedal, chemistry sets?

So really, it doesn’t matter who is in power … Democrats or Republicans, Trump or Oprah, and it does not matter if we place more emphasis on the government to solve our problems or free enterprise economics. Because our entire society operates according to the false premise I articulated above. In that sense we are all Marxists now, insofar as Marx’s controlling idea was the notion that the material world is all that exists and that economics drives everything.

And try as we might to deny that this materialistic view of existence is death to the higher functions of our soul, there is no escaping the fact that fewer and fewer people will devote themselves to higher pursuits, once the notions of God, Transcendence, purpose, meaning, the Good, and so on, are banished from our lexicon of acceptable ideas. We will increasingly privilege pleasure over happiness, which is to say, we will privilege opioids, techno gadgets, virtual reality stimulation, porn, and various other forms of addiction. We will be, if we aren’t already, a nation of addicts. Because if there is one thing we know about our bodily appetites it is that they are insatiable, requiring ever more of the same things to slake our rapacious desires. But partaking of the same thing, addictively, over and over and over, is boring. It crushes and kills the soul. And so what we will really end up with is not a society of liberated selves, but a society of bored, libidinous, pleasure addicts trending toward suicidal despair.

Furthermore, the fact of the matter is that we all share the same basic bodily appetites. It does not matter if you are rich or poor, gay or straight, fat or skinny, old or young, or what race you are, or your ethnicity, or your political party, or if you prefer the vapid and brain-dead banter of “Fox and Friends” over the vicious and pompous self­-importance of the moronic ladies on “The View”. Once you take away the idea that human nature has a spiritual side that, you know, “trends upward”, you are left with staring at your crotch or your gut or your veins. This is, of course, absolutely true, but we ignore the downward spiral of our culture into techno­pagan bacchanalia because our affluent elites, the poor dears, have confused despairing addiction and the “dark” view of life it spawns, with sophistication, and count as “enlightenment” a cultivated anti-intellectual stupidity.

I am struck, for example, by how many of the lead characters in shows made by Netflix or Amazon (especially detective shows) are depressive and “dark” souls, haunted by some hidden pain in their past that is the irritant in the oyster that creates the pearl of their genius. So far so good, since we all have hidden pain in our lives, and the various things we all suffer from really are, quite often, the genesis of much depth and creativity.

But these characters are different. They are nihilistic, often cruel, morally ambiguous, irreligious of course (duh), self­-destructive, and live as radically atomized, alienated and isolated individuals devoid of love or meaningful relationships. And if they do develop a relationship, it usually flounders on the shoals of the lead character’s unfathomably dark pain. Or worse, the love interest is killed off, with a hefty dose of complicit guilt on the part of the lead character, further adding to his or her morose self-­immolation. And all of this is portrayed as “sophisticated”. (There are exceptions of course, but this is just an anecdotal and subjective impression I have of many of these shows).

The irritating thing about all of this, of course, is that it is just so puerile and shallow, with little justification for its pretentious dismissal of “God” or “the Good”. And it is unbearably boring and drab. Is there anything more pitifully awful than being forced to listen to someone drone on and on about their “sexuality”?

By contrast, people only really become interesting when they differentiate themselves from one another, as true individuals, by cultivating the higher levels of the soul. And this is done in many ways, even still today, because the fact is we ARE spiritual beings and the spiritual dimension of our existence cannot be snuffed out. But those among us who still seek these things are becoming ever rarer and are being forced into ghettos or isolated enclaves of activity, and frequently branded as bigots because we adhere to traditional religious views about God and such things. It does appear, in other words, that the Collective of Concupiscence has fangs and claws, because at the end of the day, we are all “God haunted”, which is why members of the Collective view traditional religious believers as their tormentors

However, sadly, gradually the creative power of the majority of people is being perverted and bent to serve the needs of the emerging political and economic collective ­ ­– the Collective of Concupiscence ­ — wherein the true “liberation” of your “identity” can only come about when all of those institutions that represent the values of the Spirit are branded as oppressors. We WILL be liberated, and we WILL use government to enforce that liberation, and we WILL demand that the economy provide us with the means to enjoy the fruits of that liberation. Indeed, we will demand that the economy provide us with all of the gadgets and accouterments that we need to enhance our pleasures to unimaginable heights. Welcome to the wacky, upside down world of the new “sophistication”: mass ­produced individualism where radical “nonconformity” means all public and, increasingly, private speech, will be policed, looking for any sign that someone has breached the canons of non­conforming orthodoxy. So “individualism” here appears to mean its exact opposite.

But that is what you get in the Collective of Concupiscence. Somewhere Orwell is smiling.

Peter Maurin lived before all of this technological wizardry was real. But he lived in an age of totalitarianisms. And he was a thinking Catholic. Which means he had a deep prophetic insight into what was around the corner, so to speak. And just as Rod Dreher, in his wonderful book, The Benedict Option, calls orthodox Christians to a deeper awareness of the profoundly anti­ Christian challenges our culture is putting before us, so too did Peter Maurin warn us that the only way we will endure the coming storm of cultural barbarity is to form deeply intentional communities of Christian intellectual discourse, moral ecology, and liturgical practice. Not so that we can “escape” the world and shun our brothers and sisters who remain within it. But so that we can know ourselves better and come closer to God so as to be better able to serve our neighbor in love.

The members of the Collective of Concupiscence are not our “enemies”. Indeed, we are, if we are honest, infected with the same bacillus as everyone else. We are all in the Collective in one­ way or another. And so there is no question of abandoning the culture because that is, quite simply, neither desirable nor possible.

But we cannot drink from the same poisonous well and so we must cultivate new sources of “living water” in order to share it with everyone. And “everyone” means, literally, “everyone”. So please do not accuse me of “us vs. them” thinking. That kind of approach is not an option for a Christian. But if you do not “have” a Christian sensibility of the big questions of life, then by default you will “have” the template provided by our culture. I will end therefore with an old Latin phrase: “Nemo dat quod non habet”: You cannot give what you do not have.

Larry Chapp writes from the Dorothy Day Catholic Worker Farm in rural Pennyslvania that he runs with his wife, Carmina. You can visit the farm; follow the link for more information.

Larry’s essay made me reflect on why the only thing in politics that seriously engages my interest these days is the appointment of federal judges. I believe that the dystopia Larry Chapp envisions in this essay — this present dystopia, and the dystopia to come — is unstoppable in the short run. The question is only whether or not we will have a right-wing or a left-wing version of it. I care so much about federal judges because I see them as the only institution that can protect the rights of dissenters to be left alone in this new America.

Don’t get me wrong. Leaving aside the courts, it’s not a matter of total indifference whether or not there’s an R or a D sitting in the White House. Despite all his sins and failings, President Trump is not going to sic the Justice Department on Christian schools that fail to Celebrate Diversity — Or Else™. A Democratic president almost certainly would — and almost certainly will. As America secularizes, though — a process that includes professing Christians changing their minds on moral issues that conflict with liberalism — people will cease to understand why the trad holdouts believe what they believe, and do what they do. It is possible that there will be enough libertarian sentiment left in the country to leave us alone — but I very much doubt that. The only exterior protection we can rely on will be a federal judiciary, especially the Supreme Court — that holds strong First Amendment convictions about protecting religious minorities.

Some Benedict Option critics think they’re making a meaningful argument against it when they say some version of, “Ah ha, what do you think is going to happen to your little communities when the State decides they are a public danger, huh?” It’s a reasonable point, but a weak one. It is precisely when the State decides that traditional Christians are a danger to it that the Benedict Option is going to be most needed. But it is still needed up until that time — which may never come — because our faith is not being taken away from us by the State; it is being dissolved by the ambient culture. For example, Washington is not compelling Christian parents to let their children be absorbed by social media and catechized by the Internet.

I see getting good federal judges in place to be an entirely defensive political act, designed to gain more time for religious minorities to develop resilient practices and institutions capable of enduring what’s to come, and keeping the faith alive.

I also see nothing at all wrong with traditional Christians engaging in politics for other reasons. My only caution — and it’s a strong caution — is that they not fool themselves into thinking that by doing so, they are meaningfully addressing the most severe crisis upon us. Let me put it like this: in the Book of Daniel, the Hebrew captives Shadrach, Meshach, and Abednego served the King in high positions of state. You could say that they worked in politics, though they were outsiders. But when it came down to it, those men chose the prospect of martyrdom to the apostasy the King demanded of them. What practices did the three Hebrew men live by in their everyday lives as Jews in Babylon that gave them the presence of mind, and the strength, to choose God over Nebuchadnezzar? That’s the question that ought to be first on the minds of every traditional Christian thinking of going into public service. It’s the same with Sir Thomas More, who went to his martyrdom proclaiming that he was the King’s good servant — but God’s first.

One of the most important lines in Larry Chapp’s essay is his point that we traditional Christians “are infected with the same bacillus as everyone else.” It brought to mind the insufficiency of institutions and habits to protect us fully from the malaise of the broader culture. To be clear: these things are necessary, but not sufficient.

An example: at the Notre Dame conference, I spoke with an academic from a conservative Christian college. He told me that the student body there is quite conservative and observant. They are overwhelmingly pro-life. But they also do not understand at all what’s wrong with gay marriage. There are strong arguments from Scripture and from the authoritative Christian tradition, but these make no sense to them. Mind you, most of these young people were raised in optimal environments for the passing down of the faith and its teachings, and yet, on the key matter of the meaning of sex, marriage, and family, they … don’t get it.

I asked my interlocutor why. He shrugged, and said, “The culture is just too powerful.”

The problem with this is that in order to arrive at the point where one, as a Christian, rejects the Church’s teaching on the interrelated meaning of sex, marriage, and family, one has to reject both the authority of Scripture (and, for Catholics, the Church), and the anthropological core of Christianity — that is, the Biblical model of what man is. Ultimately, you have to reject traditional Christian metaphysics. I cover this all in my Sex and Sexuality chapter of The Benedict Option, but the heart of it is in this 2013 essay, “Sex After Christianity.” The gist of it is that the gay marriage revolution is really a cosmological revolution, and that to affirm gay marriage, as a Christian, means surrendering far more than many Christians think. It means, ultimately, that you see the world through the post-Christian culture’s template, not Christianity’s. What is likely happening with these young people is that they’re pro-life because they see the unborn child as a bearer of rights, including the right to life. And they’re not wrong! But that’s essentially a liberal position, one that is entirely amenable to gay marriage and the rest. The “bacillus” of materialism and radical individualism may find more resistance within the Body of Christ, but it still compromises its health.

Here’s another reason to be concerned, and to resist hoping in politics. It’s from an interview with Sir Roger Scruton:

How do current right-wing populist politics fit (or not) into your conception of conservative thought and conservative politics?

Well, I’m not a populist. I’m a believer in institutions. I think that institutions are the only guarantee we have of continuity and freedom. If you make direct appeals to the people all the time, the result is totally unstable and unpredictable, like the French Revolution. The revolutionaries made direct appeal to the people, and then discovered that they hated the people. So, they cut off their heads.

I believe [British historian] Simon Schama wrote a book on the topic…

Yes, Simon Schama’s book on the French Revolution is very revealing about this. The attempts to get rid of all mediating institutions just leaves the people in a dangerous condition, and a demagogue in charge. You can see this in Robespierre and Saint Just. And the only good thing about the French Revolution is that the demagogue gets his head chopped off as well.

So, I believe in institutions, and in using institutions to direct the people towards the kind of continuity and stability that they actually need, but doing it with their consent, obviously. That’s where the democratic process comes in.

What are your thoughts on the balance between consent and stability?

Well, first of all, stability requires legitimacy of opposition. There has to be a discussion of all the issues. That means that there must be a voice for the opponent, that’s what Congress and Parliament are about. And the first victim of real populism is the opponent, who is shut up. The press is taken away from him, parliamentary positions are taken away from him, so that the leading power has no voice opposed to it. …

It is no secret now that Americans have lost faith in institutions across the board. As Bill Bishop puts it, this is not Trump’s fault; the way we live in modernity all but guarantees it. Trump is not the cause of this, but rather an effect — though of course he also serves as a cause. The fact that a man can be elected President of the United States despite having violated so many institutional norms tells us something about the presidency, and the American people today. We are losing, and in many cases have already lost, mediating institutions. America is quite vulnerable to a demagogue — and there’s no guarantee that the demagogue will always be from the political right. Huey P. Long, for example, was a very effective left-wing demagogue — and he emerged almost a century ago, when the power of American institutions was much, much stronger than it is today.

We see in Trump a desire to delegitimize the opposition. For example, the media isn’t simply biased — a standard conservative politician’s critique, because it’s usually true — but is illegitimate. That’s what “fake news” means. The thing is, on college campuses, the urge to delegitimize opposition as racist, sexist, homophobic, and so forth, is exactly the same thing. Ultimately it will become more powerful, because this mentality is conquering the hearts and minds of the kind of people who will be running the institutions that, however attenuated their influence, will be shaping the perceptions and beliefs of Americans.

The power of Google and Facebook to determine which opinions are legitimate and which ones are not is going to be massively important. And I would be shocked if some form of the Chinese “social credit” system were not introduced into this country. What does that mean? From the National Interest:

The Chinese government has  unveiled a new program that it dubbed the “social credit system.” The system won’t be fully operational until 2020, but already it has generated as many as  7 million  punishments.

The system would rate the “trustworthiness” of Chinese citizens according to a wide variety of factors, such as what they buy, how they spend their time, and who their friends are, just to name a few.

The government would then take those deemed untrustworthy and punish them by not letting their children attend prestigious private schools, not allowing them to travel, and shutting down their internet presence.

The Chinese Communist government  promises that the social credit system will “allow the trustworthy to roam freely under heaven while making it hard for the discredited to take a single step.”

However, one must ask what it means to be “untrustworthy.”

In the  case of journalist Liu Hu, it could mean trying to expose government corruption. Other offenses could be things such as jaywalking, smoking on a train, criticizing the government, or having friends or family that speak ill of the government, all things that can lower one’s score.

In a future America in which opposition is deemed illegitimate, and in which personal data is widely available, how long do you think we can hold out against the temptation to institute a social credit score system? In China, it is being imposed from the top. In the US, our population is being acculturated by online norms, as well by an ethos that regards opponents not simply as wrong, but evil. We are being conditioned to accept this, and even, within the next couple of generations, to demand it.

It might come from the right, in which case I believe conservatives would bear a special responsibility for fighting it. But looking at the demographic data about the political and cultural beliefs of younger Americans, I think it is far, far more likely that it will come from the left — and that it will primarily be directed towards thought criminals like traditional Christians and social conservatives.

In that case, the best chance we have to protect ourselves from that all-encompassing tyranny would be a Supreme Court that defends the First Amendment. The greater concern for us, however, is that there would be no need for traditional Christians to be protected from a tyrannical social-credit-score government, because all Christians will have conformed internally, like so many “good German Christians” of the 1930s, to the regime — in our case, a regime of Moralistic Therapeutic Totalitarianism.

Larry Chapp:

…so too did Peter Maurin warn us that the only way we will endure the coming storm of cultural barbarity is to form deeply intentional communities of Christian intellectual discourse, moral ecology, and liturgical practice. Not so that we can “escape” the world and shun our brothers and sisters who remain within it. But so that we can know ourselves better and come closer to God so as to be better able to serve our neighbor in love.

We have to build this now — while there is still time.

UPDATE: Former San Francisco mayor Gavin Newsom was elected Governor of California last night. Note this:

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The old liberals — Jerry Brown, say — who respected institutions are dying out. Newsom is the next generation. Damon Linker is right to point to Newsom’s willingness to openly defy the law to achieve a liberal goal as a harbinger of what’s to come from the left. He was eager to cut down the law to get to the devil of homophobia. This kind of thing is coming.


Médias: A l’exemple de Saturne, la Révolution dévore ses propres enfants (Spot the error when the mainstream media want to cut ties with even moderate anti-Trump conservatives… because they won’t bend the knee to critical theory’s version of reality !)

17 juillet, 2020

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A l’exemple de Saturne, la révolution dévore ses enfants. Jacques Mallet du Pan (1793)
On pensait d’ordinaire que le socialisme était une sorte de libéralisme augmenté d’une morale. L’État allait prendre votre vie économique en charge et vous libérerait de la crainte de la pauvreté, du chômage, etc., mais il n’aurait nul besoin de s’immiscer dans votre vie intellectuelle privée. Maintenant la preuve a été faite que ces vues étaient fausses. George Orwell (Literature and Totalitarianism, 1941)
Déjà, nous ne savons littéralement presque rien de la Révolution et des années qui la précédèrent. Tous les documents ont été détruits ou falsifiés, tous les livres récrits, tous les tableaux repeints. Toutes les statues, les rues, les édifices, ont changé de nom, toutes les dates ont été modifiées. Et le processus continue tous les jours, à chaque minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe qu’un présent éternel dans lequel le Parti a toujours raison. Je sais naturellement que le passé est falsifié, mais il me serait impossible de le prouver, alors même que j’ai personnellement procédé à la falsification. Winston (1984, George Orwell)
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
Nous vivons (…) une époque qui rappelle le Moyen Âge avec son oligarchie, ses clercs et son dogme. Une sorte d’aristocratie de la tech a émergé et a fait alliance avec la classe intellectuelle, pour mettre en place une nouvelle vision de la société, qui a pour ambition de remplacer les valeurs plus traditionnelles portées depuis l’après-guerre par la classe moyenne. Tout l’enjeu futur de la politique est de savoir si «le tiers état» d’aujourd’hui – les classes moyennes paupérisées et les classes populaires – se soumettra à leur contrôle. Nous sommes entrés dans le paradigme d’une oligarchie concentrant la richesse nationale à un point jamais atteint à l’époque contemporaine. Cinq compagnies détiennent l’essentiel de la richesse nationale en Amérique! Une poignée de patrons de la tech et «leurs chiens de garde» de la finance, contrôlent chacun des fortunes de dizaines de milliards de dollars en moyenne et ils ont à peine 40 ans, ce qui veut dire que nous allons devoir vivre avec eux et leur influence pour tout le reste de nos vies! La globalisation et la financiarisation ont été des facteurs majeurs de cette concentration effrénée de la richesse. La délocalisation de l’industrie vers la Chine a coûté 1,5 million d’emplois manufacturiers au Royaume-Uni, et 3,4 millions à l’Amérique. Les PME, les entreprises familiales, l’artisanat, ont été massivement détruits, débouchant sur une paupérisation des classes moyennes, qui étaient le cœur du modèle capitaliste libéral américain. La crise du coronavirus a accéléré la tendance. Les compagnies de la tech sortent grandes gagnantes de l’épreuve. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, vient juste d’annoncer que sa capitalisation a progressé de 30 milliards de dollars alors que les petites compagnies se noient! Les inégalités de classe ne font que s’accélérer, avec une élite intellectuelle et managériale qui s’en sort très bien – les fameux clercs qui peuvent travailler à distance – , et le reste de la classe moyenne qui s’appauvrit. Les classes populaires, elles, ont subi le virus de plein fouet, ont bien plus de risques de l’attraper, ont souffert du confinement dans leurs petits appartements, et ont pour beaucoup perdu leur travail. C’est un tableau très sombre qui émerge avec une caste de puissants ultra-étroite et de «nouveaux serfs», sans rien de substantiel entre les deux: 70 % des Américains estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux. (…) La Silicon Valley, jadis une terre promise des self-made-men est devenue le visage de l’inégalité et des nouvelles forteresses industrielles. Les géants technologiques comme Google ou Facebook ont tué la culture des start-up née dans les garages californiens dans les années 1970 et qui a perduré jusque dans les années 1990, car ils siphonnent toute l’innovation. Je suis évidemment pour la défense de l’environnement, mais l’idéologie verte très radicale qui prévaut en Californie avantage aussi les grandes compagnies qui seules peuvent survivre aux régulations environnementales drastiques, alors que les PME n’y résistent pas ou s’en vont ailleurs. On sous-estime cet aspect socio-économique de la «transition écologique», qui exclut les classes populaires et explique par exemple vos «gilets jaunes», comme le raconte le géographe Christophe Guilluy. Vu la concentration de richesses, l’immobilier californien a atteint des prix records et les classes populaires ont été boutées hors de San Francisco, pourtant un bastion du «progressisme» politique. La ville, qui se veut l’avant-garde de l’antiracisme et abritait jadis une communauté afro-américaine très vivante, n’a pratiquement plus d’habitants noirs, à peine 5 %, un autre paradoxe du progressisme actuel. (…) Il y a un vrai parallèle entre la situation d’aujourd’hui et l’alliance de l’aristocratie et du clergé avant la Révolution française. Et cela vaut pour tous les pays occidentaux. Ces clercs rassemblent les élites intellectuelles d’aujourd’hui, qui sont presque toutes situées à gauche. Si je les nomme ainsi, c’est pour souligner le caractère presque religieux de l’orthodoxie qu’elles entendent imposer, comme jadis l’Église catholique. Au XIIIe siècle, à l’université de Paris, personne n’aurait osé douter de l’existence de Dieu. Aujourd’hui, personne n’ose contester sans risque les nouveaux dogmes, j’en sais quelque chose. Je suis pourtant loin d’être conservateur, je suis un social-démocrate de la vieille école, qui juge les inégalités de classe plus pertinentes que les questions d’identité, de genre, mais il n’y a plus de place pour des gens comme moi dans l’univers mental et politique de ces élites. Elles entendent remplacer les valeurs de la famille et de la liberté individuelle qui ont fait le succès de l’Amérique après-guerre et la prospérité de la classe moyenne, par un credo qui allie défense du globalisme, justice sociale (définie comme la défense des minorités raciales et sexuelles, NDLR), modèle de développement durable imposé par le haut et redéfinition des rôles familiaux. Elles affirment que le développement durable est plus important que la croissance qui permettait de sortir les classes populaires de la pauvreté. Ce point créera une vraie tension sociale. Ce qui est frappant, c’est l’uniformité de ce «clergé». Parmi les journalistes, seulement 7 % se disent républicains. C’est la même chose, voire pire, dans les universités, le cinéma, la musique. On n’a plus le droit d’être en désaccord avec quoi que ce soit! Écrire que le problème de la communauté noire est plus un problème socio-économique que racial, est devenu risqué, et peut vous faire traiter de raciste! J’ai travaillé longtemps comme journaliste avant d’enseigner, et notamment pour le Washington Post, le Los Angeles Times et d’autres… Il arrive que j’y trouve encore de très bons papiers, mais dans l’ensemble, je ne peux plus les lire tellement ils sont biaisés sur les sujets liés à la question raciale, à Trump ou à la politique! Je n’ai aucune sympathie pour Donald Trump, que je juge toxique, mais la haine qu’il suscite va trop loin. On voit se développer un journalisme d’opinion penchant à gauche, qui mène à ce que la Rand Corporation (une institution de recherche prestigieuse, fondée initialement pour les besoins de l’armée américaine, NDLR) qualifie de «décomposition de la vérité». Je dois dire avoir aussi été très choqué par le «projet 1619» (ce projet affirme que l’origine de l’Amérique n’est pas 1776 et la proclamation de l’Indépendance, mais 1619 avec l’arrivée de bateaux d’esclaves sur les côtes américaines, NDLR), lancé par le New York Times, qui veut démontrer que toute l’histoire américaine est celle d’un pays raciste. Oui, l’esclavage a été une chose horrible, mais les succès et progrès américains ne peuvent être niés au nom des crimes commis. Je n’ai rien contre le fait de déboulonner les généraux confédérés, qui ont combattu pour le Sud esclavagiste. Mais vouloir déboulonner le général Ulysse Grant, grand vainqueur des confédérés, ou encore George Washington, est absurde. La destruction systématique de notre passé, et du sens de ce qui nous tient ensemble, est très dangereuse. Cela nous ramène à l’esprit de la Révolution culturelle chinoise. Si l’on continue, il n’y aura plus que des tribus. (….) Je crois que c’est Huxley qui dans Le Meilleur des mondes, affirme qu’une tyrannie appuyée sur la technologie ne peut être défaite. La puissance des oligarchies et des élites culturelles actuelles est renforcée par le rôle croissant de la technologie, qui augmente le degré de contrôle de ce que nous pensons, lisons, écoutons… Quand internet est apparu, il a suscité un immense espoir. On pensait qu’il ouvrirait une ère de liberté fertile pour les idées, mais c’est au contraire devenu un instrument de contrôle de l’information et de la pensée! Même si les blogs qui prolifèrent confèrent une apparence de démocratie et de diversité, la réalité actuelle, c’est quelques compagnies basées dans la Silicon Valley qui exercent un contrôle de plus en plus lourd sur le flux d’informations. Près des deux tiers des jeunes s’informent sur les réseaux sociaux. De plus, Google, Facebook, Amazon sont en train de racheter les restes des médias traditionnels qu’ils n’ont pas tués. Ils contrôlent les studios de production de films, YouTube… Henry Ford et Andrew Carnegie n’étaient pas des gentils, mais ils ne vous disaient pas ce que vous deviez penser. (…) Ils sont persuadés que tous les problèmes ont une réponse technologique. Ce sont des techniciens brillants, grands adeptes du transhumanisme, peu préoccupés par la baisse de la natalité ou la question de la mobilité sociale, et bien plus déconnectés des classes populaires que les patrons d’entreprises sidérurgiques d’antan. Leur niveau d’ignorance sur le plan historique ou littéraire est abyssal, et en ce sens, ils sont sans doute plus effrayants encore que l’aristocratie d’Ancien Régime. De plus, se concentrer sur les sujets symboliques comme le genre, les transgenres, le changement climatique, leur permet d’évacuer les sujets de «classe», qui pourraient menacer leur pouvoir. (…) Je pense que Zuckerberg a eu raison et qu’il a du courage, mais il semble être poussé à adopter un rôle de censeur. Un auteur que je connais, environnementaliste dissident, vient de voir sa page Facebook supprimée. C’est une tendance dangereuse, car laisser à quelques groupes privés le pouvoir de contrôler l’information, ouvre la voie à la tyrannie. Cela me ramène au thème central de ce livre qui se veut un manifeste en faveur de la classe moyenne, menacée de destruction après avoir été le pilier de nos démocraties. La démocratie est fondamentalement liée à la dispersion de la propriété privée. C’est pour cela que j’ai toujours eu de l’admiration pour les Pays-Bas, pays qui a toujours créé de la terre, en gagnant sur la mer, et a donc toujours assuré la croissance de sa classe moyenne. Quand cela cesse et que la richesse se concentre entre quelques mains, on revient à un contrôle de la société par le haut, qu’il soit établi par des régimes de droite ou de gauche. (…) Trump est un idiot et un type détestable, qui, je l’espère, sera désavoué, car il suscite beaucoup de tensions négatives. Mais je n’ai jamais vu un président traité comme il l’a été. La volonté de le destituer était déjà envisagée avant même qu’il ait mis un pied à la Maison-Blanche! Je pense aussi que la presse n’est pas honnête à son sujet. Prenons par exemple son discours au mont Rushmore, l’un des meilleurs qu’il ait faits, et dans lequel il tente de réconcilier un soutien au besoin de justice raciale et la défense du patrimoine américain. Il y a cité beaucoup de personnages importants comme Frederick Douglass ou Harriet Tubman, mais la presse n’en a pas moins rapporté qu’il s’agissait d’un discours raciste, destiné à rallier les suprémacistes blancs! On l’accuse de tyrannie, mais la plus grande tyrannie qui nous menace est l’alliance des oligarques et des clercs. Le seul avantage de Trump, c’est d’être un contre-pouvoir face à eux. Malheureusement, cela ne signifie pas qu’il ait une vision cohérente. Surtout, il divise terriblement le pays, or nous avons besoin d’une forme d’unité minimale. Je dirais à ce stade que Trump va avoir du mal à gagner – j’évalue ses chances à une sur trois. Il pourrait revenir si une forme de rebond économique se dessine ou s’il s’avérait évident que Joe Biden n’a plus toutes ses capacités intellectuelles. Si les démocrates l’emportent, ma prédiction est qu’ils en feront trop, et qu’une nouvelle rébellion, qui nous fera regretter Trump, surgira en boomerang. À moins qu’une nouvelle génération de jeunes conservateurs – comme Josh Hawley, JD Vance ou Marco Rubio – capables de défendre les classes populaires tout en faisant obstacle à la révolution culturelle de la gauche, ne finisse par émerger. J’aimerais aussi voir un mouvement remettant vraiment le social à l’honneur se dessiner à gauche, mais je n’y crois pas trop, vu l’obsession de l’identité… Ce qui est sûr, c’est que l’esprit de 2016 et des «gilets jaunes» ne va pas disparaître. Regardez ce qui s’est passé en Australie: on pensait que les travaillistes gagneraient, mais ce sont les populistes qui ont raflé la mise, parce que la gauche verte était devenue tellement anti-industrielle, que les classes populaires l’ont désertée! Joel Kotkin
A statue of Jesus Christ was decapitated and knocked off a pedestal at a Catholic church in Florida, another in a string of similar incidents nationwide. (…) In a separate incident, a Catholic congregation in Ocala, several hours north of Miami, was targeted Saturday morning while preparing for Mass. Steven Anthony Shields, 24, is accused of slamming his vehicle into the church before setting it on fire. (…) In another act of violence, the pastor of St. Stephen Catholic Church in Chattanooga, Tenn., found a statue of Mary decapitated on Saturday and they have not located the statue’s head, Catholic News Agency reports. (…) Statues of the Virgin Mary also were vandalized in Boston and New York City over the weekend. A 249-year-old Catholic church in the Archdiocese of Los Angeles caught fire Saturday morning. Capt. Antonio Negrete of the San Gabriel Fire Department told the local Fox 11 news outlet the recent destruction of monuments to Junipero Serra, the founder of the California mission system – whom Indigenous activists view as a symbol of oppression – will be a factor in the investigation. Following George Floyd’s police-related death in May, Black Lives Matter leaders and protesters called for the toppling of statues, from Confederate symbols to former U.S. presidents and abolitionists. Activist Shaun King called for all images depicting Jesus as a « White European » and his mother to be torn down because they’re forms of « White supremacy » and « racist propaganda. » Meanwhile, people on social media point out the lack of mainstream coverage of the recent anti-Catholic incidents. « Churches are being burned to the ground. What?, » Mike Cernovich, a controversial right-leaning author, said in a video on Twitter. « Why is this not the biggest story of the day? » Sean Feucht, a California worship leader and pastor, commenting on the incidents asked, « Where’s the outrage? » Fox 5
J’ai été embauchée dans le but de faire venir au journal les voix qui n’apparaîtraient pas dans ses pages autrement : (…) les centristes, les conservateurs et ceux qui ne se sentent pas chez eux au New York Times. La raison de ce recrutement était claire : le journal n’avait pas anticipé le résultat de l’élection présidentielle de 2016, ce qui montrait qu’il n’avait pas une bonne compréhension du pays qu’il couvre. Pourtant , le journal n’a pas tiré les enseignements qui auraient dû suivre le scrutin. Mes incursions dans la pensée non orthodoxe ont fait de moi l’objet d’un harcèlement constant de la part de mes collègues qui ne partagent pas mes opinions. Ils me traitent de nazie et de raciste (…). Mon travail et ma personne sont ouvertement dénigrés sur les chaînes Slack [outil de communication interne] de la société (…). Certains collaborateurs y soutiennent qu’il faut se débarrasser de moi si le journal veut être véritablement ‘inclusif’ et d’autres postent l’émoji de la hache [‘ax’ signifie à la fois ‘hache’ et ‘virer’] à côté de mon nom. Bari Weiss
Chaque jour des jeunes noirs sont tués par des gangs à Chicago. Où sont les militants de Black Lives Matter? Quand des Noirs tuent des Noirs, les militants Black Lives Matter ne viennent pas faire ce bazar. Femme noire de Chicago
On pose une équivalence entre Histoire et Occident. Selon cette logique, toute l’histoire, surtout quand elle est criminelle, est faite par l’Occident. Lorsque quelque chose de mal se passe, c’est donc l’Occident qui est responsable. Comme si rien ne pouvait advenir sans nous. Or, ce n’est absolument pas le cas. Notre impérialisme absolu sur l’histoire nous conduit à une culpabilisation absolue de nous-mêmes et à une victimisation tout aussi absolue d’autrui. Gabriel Martinez-Gros
Pour l’instant, les médias ne s’intéressent à la vie des Noirs que quand ils sont tués par des Blancs (ce qui est en fait statistiquement très rare). Et cela contribue à invisibiliser encore davantage la vie des Noirs. (….) Aux Etats-Unis, 93 % des Noirs victimes d’un homicide sont tués par d’autres Noirs. S’il est normal de condamner le meurtre [?] ignoble et tragique de George Floyd, il est curieux de voir nombre de personnes s’en prendre à la police américaine dans son ensemble et ne rien dire sur les gangs, alors que les gangs tuent bien plus de Noirs (et de manière bien plus «systémique») que ne le fait la police. Si nous pensons véritablement que «Black Lives Matter», alors nous devons nous intéresser à TOUTES les vies noires et ne pas sélectionner une toute petite minorité d’entre elles à cause d’arrière-pensées idéologiques. Derrière cette volonté de ne s’intéresser aux Noirs que lorsqu’ils sont tués par des Blancs, il existe un véritable arrière-fond raciste, non seulement raciste anti-blancs, mais aussi et surtout raciste anti-Noirs: la vie des Noirs n’aurait d’intérêt que quand elle viendrait valider l’idée d’un «racisme systémique» des sociétés occidentales. Une telle vision est en fait le fruit de l’ethnocentrisme délirant qui caractérise l’Occident. L’Occident pense qu’il est le centre de l’Histoire, que tout tourne autour de lui et que tout ce qui arrive dans le monde (bon ou mauvais) est de son fait. Dans le passé, cette «folie des Blancs» (pour reprendre une expression employée par l’écrivain André Malraux dans son roman La Voie royale, qui se déroule dans l’Indochine coloniale) a poussé l’Occident à se croire supérieur aux autres civilisations, à broyer la diversité du monde et à coloniser une bonne partie du globe. Aujourd’hui, le même ethnocentrisme pousse certains à considérer que l’Occident est la source de tous les maux. Dans la vision ethnocentrique, peu importe que l’Occident soit défini comme supérieur (la Colonisation) ou comme coupable (la repentance), il doit toujours être le pivot de l’Histoire. Rien ne saurait arriver en dehors de lui. L’Occident a beaucoup de mal à admettre qu’il n’est qu’une civilisation comme les autres et parmi d’autres: il préfèrera même parfois s’enfermer dans la repentance et dans une culpabilité imaginaire (mais qui lui permettent de rester l’acteur central) plutôt que de le reconnaître. Egocentrique, il ne s’intéresse à la vie des Noirs que quand ce sont des Blancs qui sont les assassins. (…) Le plus grand paradoxe est que la mouvance «décoloniale», qui constitue la pointe avancée des événements actuels, n’a absolument pas décolonisé son imaginaire et continue d’imaginer que le «Grand Méchant Occident» est à l’origine de tous les maux dont souffre le monde. Or, une telle vision, en plus d’être totalement fausse sur le plan factuel, est paternaliste: elle infantilise les populations non-blanches et les dépossède de leur Histoire, de leur parole, de leur action. On l’a bien vu dans certaines vidéos récentes. À Chicago, une femme noire s’oppose aux militants de l’ultra-gauche, déclarant: «Chaque jour des jeunes noirs sont tués par des gangs à Chicago. Où sont les militants de Black Lives Matter? Quand des Noirs tuent des Noirs, les militants Black Lives Matter ne viennent pas faire ce bazar.» Une militante (blanche) lui fait la leçon et lui répond de manière surréaliste. Complètement déconnectée des réalités du ghetto noir, où les meurtres intra-communautaires sont en effet quotidiens, elle lui fait la leçon et lui répond dans un jargon d’universitaire: «Mais que faîtes-vous de l’oppression systémique?». De même, des militants décoloniaux (blancs), voulant déboulonner la statue de Frederick Douglass (ancien esclave noir et militant abolitionniste!), se sont opposés à des guides touristiques noirs qui ont vaillamment défendu la statue. Si elles n’étaient pas accompagnées d’explications, les images feraient vraiment penser que les manifestants sont des suprémacistes blancs racistes et non pas des militants de gauche agissant au nom de l’antiracisme et prétendant que «Black Lives Matter». Mais cette ressemblance n’a rien d’un hasard, car suprémacistes blancs et militants décoloniaux partagent le même imaginaire ethnocentrique selon lequel l’Homme blanc serait au centre de tout (soit pour être supérieur, comme le pensent les suprémacistes, soit pour faire le mal comme le pensent les décoloniaux), ce qui prive mécaniquement les Noirs de toute histoire autonome. C’est ce qu’a bien souligné, en France, l’écrivaine (noire) Tania de Montaigne, fustigeant le concept de «privilège blanc» défendu récemment par la réalisatrice et militante décoloniale (blanche) Virginie Despentes. Tania de Montaigne voit dans cette notion un fantasme raciste qui ne correspond à rien de réel et qui, sous prétexte d’anti-racisme, réédite inconsciemment le discours raciste traditionnel de la hiérarchie des races, plaçant les Blancs au sommet d’une pyramide, et fait les non-Blancs comme d’éternels mineurs, toujours victimisés et qui devraient être aidés avec condescendance. Il en va de même dans les discours sur l’esclavage et la colonisation. Comme le souligne dans les colonnes du Figaro, l’historien Pierre Vermeren,: «La guerre et l’esclavage appartiennent de manière continue à la longue histoire des sociétés humaines (…) Aujourd’hui, il subsiste près de 46 millions d’esclaves dans le monde, dont la moitié en Asie (Chine, Inde et Pakistan) et près d’une autre en Afrique, au Sahel notamment. Les sociétés de la péninsule Arabique sont également concernées.» Et Pierre Vermeren nous rappelle qu’en ce qui concerne l’esclavage africain, il a existé trois traites distinctes: la traite européenne à destination des Amériques (où des Africains vendaient aux Européens les captifs issus de tribus rivales, car on oublie trop souvent de dire que si des Européens ont acheté des esclaves, c’est bien que quelqu’un les leur avait vendus sur place), la traite arabo-musulmane (à propos de laquelle les travaux de l’historien sénégalais Tidiane N’Diaye ont démontré que dix-sept millions de victimes noires furent asservies par les Arabes, parfois mutilées et assassinées, pendant plus de treize siècles sans interruption) et la traite interne à l’Afrique subsaharienne (qui continue encore aujourd’hui et qui fut combattue jadis par les colonisateurs français et britanniques, la colonisation ayant globalement eu lieu après que ces deux pays eurent aboli l’esclavage). Mais là encore, l’Occident ne veut pas admettre l’extrême banalité historique de la guerre et de l’esclavage. Il veut en avoir le monopole. Il préfère être pleinement coupable et se sentir ainsi toujours à part plutôt que de se trouver commun, rangé au côté des autres. Ainsi les traites d’esclaves commises par d’autres et où il n’a pris aucune part ne l’intéressent pas. Plutôt que de lutter concrètement contre l’esclavage actuel en Libye ou en Mauritanie, on préférera donc se flageller en s’en prenant à Colbert (alors que le Code noir ne représente qu’une infime partie de la vie et de l’œuvre de ce grand serviteur de l’État, les statues à son effigie honorant son rôle dans la construction de l’administration française et nullement son rôle supposé dans la traite esclavagiste, qui d’ailleurs ne posait pas de problèmes moraux à l’époque). Le plus dramatique est que toute ces actions hystériques, qui sapent la paix sociale, n’améliorent absolument pas la cause des Noirs. Si les vies noires comptent vraiment, alors, plutôt que de déboulonner des statues, les militants du Black Lives Matter (blancs pour une grande partie d’entre eux) feraient mieux d’alerter l’opinion sur les massacres inter-ethniques en Afrique ou d’aller sur place pour lutter contre les maladies et la famine. Ou plus simplement, ils pourraient aller dans les ghettos noirs des États-Unis pour protester contre la tyrannie des gangs, faire du soutien scolaire pour les enfants, distribuer de la nourriture et assister la population. Il faudra bien le dire un jour: Philippe de Villiers, en mettant sur pied un programme de co-développement humanitaire avec le Bénin lorsqu’il était président du conseil général de Vendée, a fait bien davantage pour les vies noires que les déboulonneurs de statue. De même, certaines universités américaines décident de retirer certains auteurs de leurs programmes sous prétexte que les hommes blancs sont trop représentés. Comme le faisait remarquer Christopher Lasch dans La Révolte des élites, ce genre de décisions prises par des gauchistes blancs généralement issus de la bourgeoisie, n’améliore absolument pas la situation concrète des minorités. Il serait plus pertinent au contraire de garder la culture classique intacte et de la diffuser à tous, Noirs compris. Et comme le fait remarquer au Figaro, Willfred Reilly, professeur afro-américain de sciences politiques, à propos de l’hystérie actuelle: «Tout cela ne va pas améliorer les scores des minorités aux tests universitaires. » Mais ce racisme anti-Noir inconscient ne se limite pas à la seule sphère «décoloniale». Ainsi Joe Biden, invité le 22 mai sur une radio noire, par un animateur noir, a déclaré: «Si vous n’arrivez pas à vous décider entre moi et Trump, c’est que vous n’êtes pas réellement noir.» Pour Biden, les électeurs noirs semblent être un troupeau de moutons, privés de tout libre arbitre politique. Jean-Loup Bonnamy
I’m glad that the law enforcement agencies are subject to the same standard as everybody else. Mark McCloskey
The reason high-income people leave the city, and why I can’t talk my friends into moving in, is crime. Why live where your life is at risk, where you are affronted by thugs, bums, drug addicts and punks when you can afford not to. What St. Louis can do without are the murderers, beggars, drug addicts and street corner drunks. St. Louis needs more people of substance and fewer of subsistence. Mark McCloskey (1993)
Une foule d’au moins 100 personnes a abattu le portail historique en fer forgé de Portland Place, ils se sont précipités vers ma maison, où ma famille dînait dehors et nous ont fait craindre pour nos vies. J’étais terrifié que nous soyons assassinés en quelques secondes, que notre maison soit brûlée, nos animaux de compagnie tués. Nous étions seuls face à une foule en colère. Il s’agit d’une propriété privée. Il n’y a pas de trottoirs ou de rues publics. Mark McCloskey
La scène est à peine croyable. Des manifestants américains du mouvement «Black lives matter» se rendant devant le domicile de la maire de Saint Louis, Lyda Krewson, pour exiger sa démission, ont été menacés dimanche par un couple d’avocats, lourdement armés, alors qu’ils passaient devant leur villa. Mark et Patricia McCloskey ont ainsi été filmés pointant leurs armes en direction des 300 personnes marchant devant eux. Lui tenait un fusil de type AR-15, quand sa femme préférait brandir une arme de poing. NBC News rapporte que les portails de plusieurs propriétés du quartier ont été détériorés. Ironie de l’histoire, le couple en question a fait de la défense des victimes de dommages corporels sa spécialité. Cnews
I think that a total elimination is something we need to reevaluate. Right now, bad guys are saying if you don’t see a blue and white you can do whatever you want. Eric Adams (Brooklyn Borough President)
The guns keep going off and now we have a 1-year-old and the blood is on the hands of the mayor and the state Legislature. Community activist Tony Herbert
It says something when you’re at a Black Lives Matter protest; you have more minorities on the police side than you have in a violent crowd. And you have white people screaming at black officers ‘you have the biggest nose I’ve ever seen.’ You hear these things and you go ‘Are these people, are they going to say something to this person?’ No. (…) Having people tell you what to do with your life, that you need to quit your job, that you’re hurting your community but they’re not even a part of the community. Once again you as a privileged white person telling someone of color what to do with their life. (…) When you’re standing on the line and they’re getting called those names and they’re being accused of being racist when you’ve seen those officers helping people of color, getting blood on them trying to rescue someone who has been shot—gang violence, domestic violence—and you see them and they’re truly trying to help save someone’s life and they they turn around and are called a racist by people that have never seen anything like that, that have never had to put themselves out there. It’s disgusting. Officer Jakhary Jackson (Portland)
Mark McCloskey graduated magna cum laude from Southern Methodist University in Dallas in 1982, where he studied sociology, criminal justice and psychology before attending the Southern Methodist University of Law in 1985. He is a Missouri native and graduated from Mary Institute and Saint Louis Country Day School in Ladue, Missouri, in 1975, according to his Facebook profile. On his law firm’s website, McCloskey is described as, “an AV rated attorney who has been nominated for dozens of awards and honors and has been voted by his peers for memberships to many exclusive ‘top rated lawyer’ and ‘multimillion dollar lawyer’ associations throughout the country.” The website also notes McCloskey has appeared on in the media, including KSDK in St. Louis and Fox News. The website states, “several of his cases have been cited in national legal publications as the highest verdicts recovered in the country for those particular injuries.” McCloskey’s profile also says: Since 1986, he has exclusively represented individuals seriously injured as a result of accidents, medical malpractice, defective products, and the negligence of others. For the past 21 years, his firm has concentrated on the representation of people injured or killed through traumatic brain injuries, neck, back or other significant neurological or orthopedic injury. Mark T. McCloskey is licensed to practice law in the state and federal courts of Missouri, Illinois, Texas and the Federal Courts of Nebraska. Additionally, he has represented individuals injured through medical malpractice, dangerous products, automobiles, cars, motorcycles, boats, defective hand guns, airplane crashes, explosions, electrocution, falls, assaults, rapes, poisoning, fires, inadequate security, premises liability, dram shop liability (serving intoxicating patrons), excessive force by police, construction accidents, and negligent maintenance of premises (including retail establishments, parking lots, government property, homes, schools, playgrounds, apartments, commercial operations, parks and recreational facilities) for the past 30 years and has filed and tried personal injury lawsuits in over 28 states. Heavy.com
According to her Facebook profile, Patricia Novak McCloskey is a native of Industry, Pennsylvania, where she graduated from Western Beaver High School in 1977. McCloskey then studied at Penn State University, graduating in 1982 with a degree in labor studies and a minor in Spanish. She, like her husband, attended SMU Law School in Dallas, graduating in 1986. According to their law firm’s website, “Patricia N. McCloskey is a Phi Beta Kappa, Summa Cum Laude graduate of Pennsylvania State University, graduating first in her class and with the highest cumulative average in her department in forty-seven years. Patricia N. McCloskey is also a graduate of Southern Methodist University School of Law, which she completed while simultaneously working full time and still graduating in the top quarter of her class.” The website adds: After several years working with a major law firm in St. Louis on the defense side, she moved to representation of the injured. Since 1994, she has exclusively represented those injured by the negligence of others with Mark McCloskey. She has acted in various roles in the community including being a past Board Member of Therapeutic Horsemanship, a law student mentor, a member of the Missouri Bar Association ethical review panel and a St. Louis city committee woman. Patricia McCloskey has extensive trial experience in personal injury and wrongful death cases arising out of all aspects of negligence, including traumatic brain injury, products liability and product defect, medical malpractice, wrongful death, neck, back and spinal cord injuries, motor vehicle collisions, motorcycle collisions, airplane crashes, and many others as set forth further. Heavy.com
Notre nation fait face à une campagne visant à effacer notre histoire, diffamer nos héros, supprimer nos valeurs et endoctriner nos enfants. (…) Le désordre violent que nous avons vu dans nos rues et nos villes qui sont dirigées par des libéraux démocrates dans tous les cas est le résultat d’années d’endoctrinement extrême et de partialité dans l’éducation, le journalisme et d’autres institutions culturelles. (…) Nous croyons en l’égalité des chances, une justice égale et un traitement égal pour les citoyens de toutes races, origines, religions et croyances. Chaque enfant, de chaque couleur – né et à naître – est fait à l’image sainte de Dieu. Donald Trump
Nous sommes en train de passer à côté d’un processus essentiel en jeu actuellement, l’articulation, désastreuse entre les sociétés de la honte et de l’honneur (« shame culture ») et les civilisations de la culpabilité (« guilt culture »), distinction établie par Dodds, un ethnologue. La honte est définie par lui comme un fait social extériorisé (perdre la face) et la culpabilité comme un sentiment intériorisé (…) Les membres des sociétés de la honte ne se sentent pas honteux « par essence », mais l’honneur est pour eux une valeur dominante qui ne concerne pas que soi, mais aussi le groupe familial, culturel auquel on appartient. Reconnaître une faute devant les personnes qui y sont extérieures, c’est déshonorer son groupe, c’est « l’achouma », mot clé au Maghreb qui signifie la honte. On ne peut reconnaître que la moindre erreur ait pu être commise par soi ou les autres membres de son groupe sous peine de déshonneur, la faute en incombe forcément à l’extérieur. Le modèle relationnel dominant prend la forme d’être le plus fort ou d’être humilié. Qui va mépriser l’autre ? Qui va faire honte à l’autre ou avoir honte ? Qui va soumettre l’autre ? Dans le TER, trois personnes d’origine sahélienne ont les pieds sur les sièges et téléphonent à tue-tête avec un poste de radio ouvert à côté d’eux. Je leur demande poliment de respecter le règlement. Réponse sèche : « Vous dites ça parce qu’on est étrangers », suivi d’une augmentation du volume sonore vocal du téléphone. Me voilà désigné comme un blanc raciste en quelques secondes, et c’est moi qui suis coupable, qui devrais donc avoir honte. Je parcours le train à la recherche d’un contrôleur, en vain. En l’absence d’un tiers incarnant une loi qui est la même pour tous, je n’ai pas d’autre solution que de m’incliner dans l’espace public. Je me sens… misérable. De même, quand dans les « quartiers », un jeune de 14 ans, sur un scooter volé, sans casque parce que « c’est pour les petits », se tue en percutant à toute vitesse un véhicule, il ne meurt pas à cause d’une accumulation d’imprudences mais forcément à cause d’autrui. De préférence à cause de la police. On ne décède pas accidentellement, on est tué. Comment une interpellation pourrait-elle de dérouler calmement avec ce modèle relationnel ? Qu’il soit à pied, en scooter, ou en voiture, celui qui accepte de se soumettre (et oui ! le mot est dit) à un contrôle policier ne rencontrera aucun problème de violence policière. Et les représentants du pays d’accueil tout désignés pour être méprisés puisqu’ils incarnent la légalité de la société dans l’espace public sont les policiers sur lesquels on crache sans vergogne. Le policier n’a pas le droit de répondre, il sera méprisé s’il agit (la sanction) ou s’il ne fait rien (la soumission). Quelle inversion ! C’est celui qui crache qui devrait être méprisé pour sa lâcheté car il ne risque rien. Le piège, c’est que les membres des sociétés de la honte ont compris que les membres des civilisations de la culpabilité, judéo-chrétiennes, ont une forte tendance à accepter de se sentir coupable, et il est alors « pratique » de leur faire éprouver de la honte au lieu de la ressentir soi-même. Et plus les membres de la civilisation de la culpabilité se sentent coupables, plus les membres de la société de la honte se décrivent comme victimes, dans une inflation interminable, alors que le problème initial de situe à l’intérieur même de leur société. (…) Cet écart entre société de la honte et civilisation de la culpabilité crée d’importantes tensions concernant l’acceptation d’une loi commune, ensemble de contraintes qui se situent au-dessus de tous, et de la reconnaissance d’une dette. Dans les sociétés de la honte, la relation à la loi n’inclut pas sa notion pourtant fondatrice de culpabilité. Accepter les contraintes extérieures signifie non pas reconnaître la nécessité de respecter d’indispensables limites pour une vie en commun, mais est vécue comme une immixtion intolérable dans le fonctionnement familial et groupal. (…) Et lorsqu’on argue qu’il y a du racisme dans la police puisque les personnes issues des sociétés de la honte font l’objet de contrôles policiers beaucoup plus fréquents que les autres, la réponse est qu’elles sont plus nombreuses à ne pas respecter la loi que les personnes qui ont intégré la culpabilité. Faut-il que chaque fois qu’un tel jeune est contrôlé, une dame sortant d’un super marché avec son cabas de légumes le soit aussi pour éviter toute discrimination ? La société de la honte, c’est aussi l’incapacité de reconnaître une dette envers le milieu d’accueil. Dans le cadre d’une immigration économique, tous sont venus au départ parce que leur pays ne les nourrissait pas assez, ne les soignait pas, était profondément corrompu, sinon ils retourneraient y vivre. Cette blessure originelle ne se referme pas et laisse les sujets dans une sorte d’entre-deux. Reconnaître ce qu’on doit au pays d’accueil, c’est accepter de penser que sa propre origine est entachée, conflictuelle, et la solution à ce malaise peut consister à dire que c’est l’extérieur, le lieu d’accueil, qui est inhospitalier et doit être dénigré. Reconnaître ce qu’on reçoit de bien, c’est trahir ses origines, de même que les policiers noirs ou maghrébins heureux d’exercer leur métier sont qualifiés de traîtres. Il est donc nécessaire de remettre l’achouma à sa place, de rétablir le lieu de la honte et de la remettre dans le camp de ceux qui font tout pour la projeter sur autrui. Ceux qui ont la volonté de se désigner de toutes façons comme victimes ont besoin de désigner des agresseurs. Mais ce n’est pas parce que des individus ou leurs parents ont été victimes dans leur histoire personnelle, familiale, culturelle, que d’autres doivent accepter d’endosser ce rôle de bourreau. Plus les membres d’une civilisation de la culpabilité se laissent accuser, plus ils sont méprisés. Au contraire, imaginons (on a le droit de rêver) qu’une seule personnalité politique ose déclarer : « Vous devriez avoir honte d’élever vos enfants sans leur inculquer un minimum de respect pour le pays qui vous accueille et qui vous soigne gratuitement, de ne pas leur expliquer que rien n’est dû, de laisser vos enfants conduire des véhicules volés, d’abîmer la démocratie qui vous protège et de mentir en vous présentant comme des victimes, etc. ». Énoncer ceci ne changerait rien à la manière de se comporter des délinquants en question, pas plus qu’égrener leurs délits et parler de « sauvageons », et ne calmerait en rien les militants communautaristes. Mais ceci donnerait aux autres le sentiment que la honte n’est pas en eux, et leur permettrait d’éprouver un sentiment de légitimité dont beaucoup de citoyens éprouvent le besoin qu’il soit reconnu. Une telle formulation constitue le fondement incontournable de toute action politique efficace car elle permettrait d’arrêter de tendre l’autre joue. Et d’accepter enfin l’idée que dans certaines circonstances, seules la force de caractère et la force physique inspirent du respect. Maurice Berger
Andy Warhol disait que « tout le monde doit avoir son quart d’heure de célébrité ». « Maintenant, tout le monde, blanc, doit avoir son quart d’heure de honte. On est entré dans une flagellation collective. Mais c’est encore plus compliqué que ça. On a les sociétés de la honte et les civilisations de la culpabilité. Pour les premiers, ce sont des sociétés où la honte est une valeur dominante, comme reconnaître qu’on a fait une faute, se déshonorer, déshonorer son groupe, sa culture, à l’inverse, des sociétés « judéo-chrétiennes. Toutes les personnes des minorités ne fonctionnent pas comme ça, de même de que toutes les personnes de la civilisation de la culpabilité ne se sentent pas prêts à se sentir coupable. On a une imbrication entre des personnes qui vont forcément se présenter comme victimes, quoi qu’elles aient fait d’illégal et en face des membres de la civilisation de la culpabilité qui vont forcément se sentir coupable. Plus ces personnes se reconnaissent coupables, plus ceux qui ont tendance à se sentir victimes vont en abuser. (…) J’y suis opposé. Que les Américains fassent cela pour ce qui s’est produit dans leur pays, j’en ai que faire. Ce n’est même pas un symbole, c’est quelque chose de littéral : on s’humilie alors qu’on n’a pas de quoi s’humilier. C’est un geste de soumission, c’est quelque chose qui inverse tout. Je ne vois pas de quoi nous devrions avoir honte, nous en France. Maurice Berger
Nous vivons (…) une époque qui rappelle le Moyen Âge avec son oligarchie, ses clercs et son dogme. Une sorte d’aristocratie de la tech a émergé et a fait alliance avec la classe intellectuelle, pour mettre en place une nouvelle vision de la société, qui a pour ambition de remplacer les valeurs plus traditionnelles portées depuis l’après-guerre par la classe moyenne. Tout l’enjeu futur de la politique est de savoir si «le tiers état» d’aujourd’hui – les classes moyennes paupérisées et les classes populaires – se soumettra à leur contrôle. Nous sommes entrés dans le paradigme d’une oligarchie concentrant la richesse nationale à un point jamais atteint à l’époque contemporaine. Cinq compagnies détiennent l’essentiel de la richesse nationale en Amérique! Une poignée de patrons de la tech et «leurs chiens de garde» de la finance, contrôlent chacun des fortunes de dizaines de milliards de dollars en moyenne et ils ont à peine 40 ans, ce qui veut dire que nous allons devoir vivre avec eux et leur influence pour tout le reste de nos vies! (…) La globalisation et la financiarisation ont été des facteurs majeurs de cette concentration effrénée de la richesse. La délocalisation de l’industrie vers la Chine a coûté 1,5 million d’emplois manufacturiers au Royaume-Uni, et 3,4 millions à l’Amérique. Les PME, les entreprises familiales, l’artisanat, ont été massivement détruits, débouchant sur une paupérisation des classes moyennes, qui étaient le cœur du modèle capitaliste libéral américain. La crise du coronavirus a accéléré la tendance. Les compagnies de la tech sortent grandes gagnantes de l’épreuve. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, vient juste d’annoncer que sa capitalisation a progressé de 30 milliards de dollars alors que les petites compagnies se noient! Les inégalités de classe ne font que s’accélérer, avec une élite intellectuelle et managériale qui s’en sort très bien – les fameux clercs qui peuvent travailler à distance – , et le reste de la classe moyenne qui s’appauvrit. Les classes populaires, elles, ont subi le virus de plein fouet, ont bien plus de risques de l’attraper, ont souffert du confinement dans leurs petits appartements, et ont pour beaucoup perdu leur travail. C’est un tableau très sombre qui émerge avec une caste de puissants ultra-étroite et de «nouveaux serfs», sans rien de substantiel entre les deux: 70 % des Américains estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux. (…) La Silicon Valley, jadis une terre promise des self-made-men est devenue le visage de l’inégalité et des nouvelles forteresses industrielles. Les géants technologiques comme Google ou Facebook ont tué la culture des start-up née dans les garages californiens dans les années 1970 et qui a perduré jusque dans les années 1990, car ils siphonnent toute l’innovation. Je suis évidemment pour la défense de l’environnement, mais l’idéologie verte très radicale qui prévaut en Californie avantage aussi les grandes compagnies qui seules peuvent survivre aux régulations environnementales drastiques, alors que les PME n’y résistent pas ou s’en vont ailleurs. On sous-estime cet aspect socio-économique de la «transition écologique», qui exclut les classes populaires et explique par exemple vos «gilets jaunes», comme le raconte le géographe Christophe Guilluy. Vu la concentration de richesses, l’immobilier californien a atteint des prix records et les classes populaires ont été boutées hors de San Francisco, pourtant un bastion du «progressisme» politique. La ville, qui se veut l’avant-garde de l’antiracisme et abritait jadis une communauté afro-américaine très vivante, n’a pratiquement plus d’habitants noirs, à peine 5 %, un autre paradoxe du progressisme actuel. (…) Il y a un vrai parallèle entre la situation d’aujourd’hui et l’alliance de l’aristocratie et du clergé avant la Révolution française. Et cela vaut pour tous les pays occidentaux. Ces clercs rassemblent les élites intellectuelles d’aujourd’hui, qui sont presque toutes situées à gauche. Si je les nomme ainsi, c’est pour souligner le caractère presque religieux de l’orthodoxie qu’elles entendent imposer, comme jadis l’Église catholique. Au XIIIe siècle, à l’université de Paris, personne n’aurait osé douter de l’existence de Dieu. Aujourd’hui, personne n’ose contester sans risque les nouveaux dogmes, j’en sais quelque chose. Je suis pourtant loin d’être conservateur, je suis un social-démocrate de la vieille école, qui juge les inégalités de classe plus pertinentes que les questions d’identité, de genre, mais il n’y a plus de place pour des gens comme moi dans l’univers mental et politique de ces élites. Elles entendent remplacer les valeurs de la famille et de la liberté individuelle qui ont fait le succès de l’Amérique après-guerre et la prospérité de la classe moyenne, par un credo qui allie défense du globalisme, justice sociale (définie comme la défense des minorités raciales et sexuelles, NDLR), modèle de développement durable imposé par le haut et redéfinition des rôles familiaux. Elles affirment que le développement durable est plus important que la croissance qui permettait de sortir les classes populaires de la pauvreté. Ce point créera une vraie tension sociale. Ce qui est frappant, c’est l’uniformité de ce «clergé». (…) Parmi les journalistes, seulement 7 % se disent républicains. C’est la même chose, voire pire, dans les universités, le cinéma, la musique. On n’a plus le droit d’être en désaccord avec quoi que ce soit! Écrire que le problème de la communauté noire est plus un problème socio-économique que racial, est devenu risqué, et peut vous faire traiter de raciste! J’ai travaillé longtemps comme journaliste avant d’enseigner, et notamment pour le Washington Post, le Los Angeles Times et d’autres… Il arrive que j’y trouve encore de très bons papiers, mais dans l’ensemble, je ne peux plus les lire tellement ils sont biaisés sur les sujets liés à la question raciale, à Trump ou à la politique! Je n’ai aucune sympathie pour Donald Trump, que je juge toxique, mais la haine qu’il suscite va trop loin. On voit se développer un journalisme d’opinion penchant à gauche, qui mène à ce que la Rand Corporation (une institution de recherche prestigieuse, fondée initialement pour les besoins de l’armée américaine, NDLR) qualifie de «décomposition de la vérité». (…) Je dois dire avoir aussi été très choqué par le «projet 1619» (ce projet affirme que l’origine de l’Amérique n’est pas 1776 et la proclamation de l’Indépendance, mais 1619 avec l’arrivée de bateaux d’esclaves sur les côtes américaines, NDLR), lancé par le New York Times, qui veut démontrer que toute l’histoire américaine est celle d’un pays raciste. Oui, l’esclavage a été une chose horrible, mais les succès et progrès américains ne peuvent être niés au nom des crimes commis. Je n’ai rien contre le fait de déboulonner les généraux confédérés, qui ont combattu pour le Sud esclavagiste. Mais vouloir déboulonner le général Ulysse Grant, grand vainqueur des confédérés, ou encore George Washington, est absurde. La destruction systématique de notre passé, et du sens de ce qui nous tient ensemble, est très dangereuse. Cela nous ramène à l’esprit de la Révolution culturelle chinoise. Si l’on continue, il n’y aura plus que des tribus. (…) Je crois que c’est Huxley qui dans Le Meilleur des mondes, affirme qu’une tyrannie appuyée sur la technologie ne peut être défaite. La puissance des oligarchies et des élites culturelles actuelles est renforcée par le rôle croissant de la technologie, qui augmente le degré de contrôle de ce que nous pensons, lisons, écoutons… Quand internet est apparu, il a suscité un immense espoir. On pensait qu’il ouvrirait une ère de liberté fertile pour les idées, mais c’est au contraire devenu un instrument de contrôle de l’information et de la pensée! Même si les blogs qui prolifèrent confèrent une apparence de démocratie et de diversité, la réalité actuelle, c’est quelques compagnies basées dans la Silicon Valley qui exercent un contrôle de plus en plus lourd sur le flux d’informations. Près des deux tiers des jeunes s’informent sur les réseaux sociaux. De plus, Google, Facebook, Amazon sont en train de racheter les restes des médias traditionnels qu’ils n’ont pas tués. Ils contrôlent les studios de production de films, YouTube… Henry Ford et Andrew Carnegie n’étaient pas des gentils, mais ils ne vous disaient pas ce que vous deviez penser. (…) Ils sont persuadés que tous les problèmes ont une réponse technologique. Ce sont des techniciens brillants, grands adeptes du transhumanisme, peu préoccupés par la baisse de la natalité ou la question de la mobilité sociale, et bien plus déconnectés des classes populaires que les patrons d’entreprises sidérurgiques d’antan. Leur niveau d’ignorance sur le plan historique ou littéraire est abyssal, et en ce sens, ils sont sans doute plus effrayants encore que l’aristocratie d’Ancien Régime. De plus, se concentrer sur les sujets symboliques comme le genre, les transgenres, le changement climatique, leur permet d’évacuer les sujets de «classe», qui pourraient menacer leur pouvoir. (…) Je pense que Zuckerberg a eu raison et qu’il a du courage, mais il semble être poussé à adopter un rôle de censeur. Un auteur que je connais, environnementaliste dissident, vient de voir sa page Facebook supprimée. C’est une tendance dangereuse, car laisser à quelques groupes privés le pouvoir de contrôler l’information, ouvre la voie à la tyrannie. Cela me ramène au thème central de ce livre qui se veut un manifeste en faveur de la classe moyenne, menacée de destruction après avoir été le pilier de nos démocraties. La démocratie est fondamentalement liée à la dispersion de la propriété privée. C’est pour cela que j’ai toujours eu de l’admiration pour les Pays-Bas, pays qui a toujours créé de la terre, en gagnant sur la mer, et a donc toujours assuré la croissance de sa classe moyenne. Quand cela cesse et que la richesse se concentre entre quelques mains, on revient à un contrôle de la société par le haut, qu’il soit établi par des régimes de droite ou de gauche. (…) Trump est un idiot et un type détestable, qui, je l’espère, sera désavoué, car il suscite beaucoup de tensions négatives. Mais je n’ai jamais vu un président traité comme il l’a été. La volonté de le destituer était déjà envisagée avant même qu’il ait mis un pied à la Maison-Blanche! Je pense aussi que la presse n’est pas honnête à son sujet. Prenons par exemple son discours au mont Rushmore, l’un des meilleurs qu’il ait faits, et dans lequel il tente de réconcilier un soutien au besoin de justice raciale, et la défense du patrimoine américain. Il y a cité beaucoup de personnages importants comme Frederick Douglass ou Harriet Tubman, mais la presse n’en a pas moins rapporté qu’il s’agissait d’un discours raciste, destiné à rallier les suprémacistes blancs! On l’accuse de tyrannie, mais la plus grande tyrannie qui nous menace est l’alliance des oligarques et des clercs. Le seul avantage de Trump, c’est d’être un contre-pouvoir face à eux. Malheureusement, cela ne signifie pas qu’il ait une vision cohérente. Surtout, il divise terriblement le pays, or nous avons besoin d’une forme d’unité minimale. (…) Je dirais à ce stade que Trump va avoir du mal à gagner – j’évalue ses chances à une sur trois. Il pourrait revenir si une forme de rebond économique se dessine ou s’il s’avérait évident que Joe Biden n’a plus toutes ses capacités intellectuelles. Si les démocrates l’emportent, ma prédiction est qu’ils en feront trop, et qu’une nouvelle rébellion, qui nous fera regretter Trump, surgira en boomerang. À moins qu’une nouvelle génération de jeunes conservateurs – comme Josh Hawley, JD Vance ou Marco Rubio – capables de défendre les classes populaires tout en faisant obstacle à la révolution culturelle de la gauche, ne finisse par émerger. J’aimerais aussi voir un mouvement remettant vraiment le social à l’honneur se dessiner à gauche, mais je n’y crois pas trop, vu l’obsession de l’identité… Ce qui est sûr, c’est que l’esprit de 2016 et des «gilets jaunes» ne va pas disparaître. Regardez ce qui s’est passé en Australie: on pensait que les travaillistes gagneraient, mais ce sont les populistes qui ont raflé la mise, parce que la gauche verte était devenue tellement anti-industrielle, que les classes populaires l’ont désertée! Joel Kotkin
« Le Meilleur des mondes » décrit par Aldous Huxley serait-il en train de pointer le nez sur les côtes de Californie et de gagner l’Amérique? Dans son nouveau livre, L’Avènement du néo-féodalisme, le géographe américain Joel Kotkin, cousin californien du géographe français Christophe Guilluy, qui scrute depuis des années avec inquiétude la destruction des classes moyennes à la faveur de la délocalisation et de la financiarisation de l’économie, s’interroge sur la «tyrannie» que dessine l’émergence d’une oligarchie ultra-puissante et contrôlant une technologie envahissante. Joel Kotkin décrit l’alliance de l’oligarchie de la Silicon Valley, composée de quelques milliardaires passionnés de transhumanisme, et persuadés que la technologie est la réponse à tous les problèmes, avec une classe intellectuelle de «clercs» qui se comporte comme un «nouveau clergé» et instaure de nouveaux dogmes – sur la globalisation, le genre, «le privilège blanc» – avec une ferveur toute religieuse. Il devient dangereux d’exprimer ses désaccords, regrette cet ancien social-démocrate, qui explique ne plus avoir sa place à gauche. Une situation d’intolérance que le départ fracassant de la journaliste Bari Weiss du New York Times, forcée de quitter le navire sous la pression de pairs devenus «censeurs», vient d’illustrer avec éloquence. Laure Mandeville
The intellectually intolerant mob claimed two high-profile victims Tuesday with the resignations of New York Times editor Bari Weiss and New York Magazine journalist Andrew Sullivan. These are just two examples of the deadly virus spreading through our public life: McCarthyism of the woke. McCarthyism is the pejorative term liberals gave to the anti-communist crusades of 1950s-era Sen. Joseph McCarthy of Wisconsin. From his perch as chair of the Government Operations Committee, McCarthy launched a wave of investigations to ferret out supposed communist subversion of government agencies. Armed with his favorite question — “Are you now or have you ever been a member of the Communist Party?” — McCarthy terrorized his targets and silenced his critics. Thousands of people lost their jobs as a result, often based on nothing more than innuendo or chance associations. The mob fervor extended to the state governments and the private sector, too. States enacted “loyalty oaths” requiring people employed by the government, including tenured university faculty members, to disavow “radical beliefs” or lose their jobs. Many refused and were fired. Hollywood notoriously rooted out real and suspected communists, creating the infamous “blacklist” of people who were informally barred from any work with Hollywood studios. The “red scare” even nearly toppled America’s favorite television star, Lucille Ball, who had registered to vote as a communist in the 1930s. Today’s “cancel culture” is nothing more than McCarthyism in a woke costume. It stems from a noble goal — ending racial discrimination. Like its discredited cousin, however, it has transmogrified into something sinister and inimical to freedom. Battling racism is good and necessary; trying to suppress voices that one disagrees with is not. Woke McCarthyism goes wrong when it seeks to do the one thing that America has always sworn not to do: enforce uniformity of thought. Indeed, this principle, enshrined in the First Amendment, is so central to American national identity that it is one of the five quotes inscribed in the Jefferson Memorial: “I have sworn upon the altar of God eternal hostility against every form of tyranny over the mind of man.” Weiss’s resignation letter describes numerous examples of her colleagues judging her guilty of “wrongthink” and trying to pressure superiors to fire or suppress her. She explains that “some coworkers insist I need to be rooted out if this company is to be a truly ‘inclusive’ one, while others post ax emojis next to my name.” Others, she wrote, called her a racist and a Nazi, or criticized her on Twitter without reprimand. She notes that this behavior, tolerated by the paper through its editors, constitutes “unlawful discrimination, hostile work environment, and constructive discharge.” Sullivan’s reason for departure is less clear — though he said it is “self-evident.” He had publicly supported Weiss, writing: “The mob bullied and harassed a young woman for thoughtcrimes. And her editors stood by and watched.” In other words, both Weiss and Sullivan — like so many others — seem to have left their jobs because they were targeted for refusing to conform to its ideas of right thinking. Do you now or have you ever thought that Donald Trump might make a good president? Congratulations, president of Goya Foods: Your company is boycotted. Are you now or have you ever been willing to publish works from a conservative U.S. senator that infuriated liberal Twitter? Former New York Times editor James Bennet, the bell tolls for thee. The mob even sacrifices people whose only crime is familial connection on its altar. The stepmother of the Atlanta police officer who shot and killed Rayshard Brooks, Melissa Rolfe, was fired from her job at a mortgage lender because some employees felt uncomfortable working with her. Such tactics work best when they force people to confess to seek repentance for the crimes they may or may not have committed. McCarthy knew this, and so he always offered lenience to suspected communists who would “name names” and turn in other supposed conspirators. The woke inquisition uses the same tactic, forcing those caught in its maw to renounce prior statements they find objectionable. NFL quarterback Drew Brees surrendered to the roar while noted leftists such as J.K. Rowling and Noam Chomsky are being pilloried for their defense of free speech. McCarthy was enabled by a frightened and compliant center-right. They knew he was wrong, but they also knew the anti-communist cause was right and were unsure how to embrace the just cause and excise the zealous overreach. It wasn’t until McCarthy attacked the U.S. Army that one man, attorney Joseph Welch, had the courage to speak up. “Have you no decency, sir?” he said as McCarthy tried to slander a colleague. The bubble burst, and people found the inquisitorial emperor had no clothes. The Senate censured him in 1954, and McCarthy died in 1957, a broken man. It won’t be as easy to defeat the woke movement. There isn’t one person whose humiliation will break the spell. This movement is deep, decentralized and widespread.  Henry Olsen
Every cultural revolution starts at year zero, whether explicitly or implicitly. The French Revolution recalibrated the calendar to begin anew, and the genocidal Pol Pot declared his own Cambodian revolutionary ascension as the beginning of time. Somewhere after May 25, 2020, the death of George Floyd, while in police custody, sparked demonstrations, protests, and riots. And they in turn ushered in a new revolutionary moment. Or at least we were told that — in part by Black Lives Matter, in part by Antifa, in part by terrified enablers in the corporate world, the new Democratic Party, the military, the universities, and the media. What was uniquely different about this cultural revolution was how willing and quickly the entire progressive establishment — elected officials, celebrities, media, universities, foundations, retired military — was either on the side of the revolution or saw it as useful in aborting the Trump presidency, or was terrified it would be targeted and so wished to appease the Jacobins. This reborn America was to end all of the old that had come before and supposedly pay penance for George Floyd’s death and, by symbolic extension, America’s inherent evil since 1619. As in all cultural revolutions, the protestors claimed at first at that they wanted only to erase supposedly reactionary elements: Confederate statues, movies such as Gone with the Wind, some hurtful cartoons, and a few cranky conservative professors and what not. But soon such recalibration steam rolled, fueled by acquiescence, fright, and timidity. Drunk with ego and power, it moved on to attack almost anything connected with the past or present of the United States itself. Soon statues of General Grant, and presidents including George Washington, Abraham Lincoln, and Andrew Jackson were either toppled or defaced. The message was that their crimes were being white and privileged — in the way that today’s white and privileged should meet a similar fate. Or, as the marchers, who tried to storm Beverly Hills, put it: “Eat the Rich.” They were met by tear gas, and not a single retired general double-downed on his outrage at law enforcement for using tear gas against civilians. Did the BLM idea of cannibalizing the billionaires include LeBron James, Beyoncé, Oprah Winfrey, and likely soon-to-be billionaire Barack Obama? Name changing is always a barometer of a year-zero culture revolution that seeks to wipe out the past and, with it, anyone wedded to it. And so it was only a matter of time that the Woodrow Wilson Princeton School of Public and International Affairs was Trotskyized. Liberals cringed but kept silent, given that Wilson is still a hero for his support of the League of Nations, and his utopian efforts at Versailles, despite his characteristic progressive allegiance to pseudoscientific race-based genetics. Any revolution that claims it will not tolerate commemoration of any century-old enemies must put its handwipes where its mouth is. And revolutionaries always follow the path of least resistance. So in our era, that means the mob has focused on the hollow men and women now serving as university presidents, corporate CEOs, sports-franchise owners and coaches, politicians, news anchors, and even in some cases retired high-ranking officers of the military. It was easy wringing promises from these hierarchies to remove the trademark faces of Aunt Jemimah and Uncle Ben from popular food brands, and to win hundreds of new, costly diversity-coordinator billets, more mandatory race and gender indoctrination training, a “black” national anthem to be played at sporting events, and promises to BLM to rename military bases. Indeed, in no time, these elites were volunteering to debase themselves. Dan Cathy, CEO of the Chick-fil-A fast-food restaurant chain, urged white people to shine the shoes of blacks in the manner that the disciples had washed the feet of Jesus — and indeed Dan Cathy sort of did just that when he polished the sneakers of rapper Lecrae. Such is the new bottom line of profits in corporate America. (…) The 1960s saw Southern rural folk culture as a sort of hippie alternative to the dominant wealth and suburbanism of the mainstream. And all that is supposedly over now? Could Ry Cooder sing “I’m a Good Old Rebel” for a movie like The Long Riders, exploring the contradictions of ex-Confederate thugs like the James boys and the Youngers? Would anyone play the Band’s “The Night They Drove Old Dixie Down,” or even the version of it by leftist Joan Baez? Could Ken Burns now still make The Civil War, 30 years after its original release, with a folksy Shelby Foote contextualizing the Confederate defeat as thousands of brave men dying for a tragic cause beneath them? Would a liberal Southerner like the late Jody Powell still dare to voice the words of Stonewall Jackson or Horton Foote or Jefferson Davis? In our more enlightened revolutionary times, were all these players useful idiots in the cause of racism? (…) In the exhilaration of exercising power ruthlessly and unchecked, the cultural revolutionists soon turn on their own: poor Trump-hating Dan Abrams losing his cop reality show, the two liberal trial lawyers armed on their mansion lawn in St. Louis terrified of the mob entering their gated estate community, bewildered CHOP activists wondering where the police were once mayhem and death were among them, the inner city of Chicago or New York in the age of police drawbacks wondering how high the daily murder rate will climb once shooters fathom that there are no police, and inner-city communities furious that the ER is too crowded with shooting victims to properly treat COVID-19 arrivals. Do we now really expect that the Wilson Center in Washington will be cancelled, the Washington Monument cut down to size, and Princeton, Yale, and Stanford renamed? The logic of the revolution says yes, but the liberal appeasers of it are growing uneasy. They are realizing that their own elite status and referents are now in the crosshairs. And so they are on the verge of becoming Thermidors. And what will the new icons be under our new revolutionary premises? Will we say the old statues were bad because they were not perfect, but the new replacements are perfect despite being a tad bad in places? Will we dedicate more memorials to Martin Luther King Jr., the great advocate of the civil-rights movement, or do we focus instead on his plagiarism, his often poor treatment of women, and his reckless promiscuity? Gandhi is gone, but who replaces him, Subhas Chandra Bose? Will Princeton rename their school of diplomacy in honor of the martyred Malcom X, slain by the black nationalist Nation of Islam? Malcom may now become ubiquitous, but he said things about white people that would have made what Wilson said about black people look tame. Puritanical cultural revolutionaries are always a minority of society. But whether they win or lose — that is, whether they end up as Bolsheviks or Jacobins — hinges on how successfully they terrify the masses into submission, and how quickly they can do that before repulsion grows over their absurd violence and silly rhetoric. When the backlash comes, as it must when mobs destroy statues at night, loot, burn, and obliterate what Mao called the “four olds” of a culture revolution — Old Customs, Old Culture, Old Habits, and Old Ideas — it may not be pretty. We can see its contours already: Asian Americans further discriminated against to allow for new university mandates jettisoning SAT scores and GPAs, while schools set new larger percentages of African-American admissions and transform their entire diversity industry into a black-advocacy enterprise; virtue-signaling and now hard-left white CEOs and college presidents and provosts asked to step down, to do their own small white-male part in yielding their prized jobs to someone more woke and less pink. Gun sales are at record levels. I supposed the revolutionaries never investigated the original idea of a police force and the concept of the government’s legal monopoly on violence? It was not just to protect the law-abiding from the criminal, but to protect the criminal from the outraged vigilante. Only police can stop blood feuds such as the ones we see in Chicago or like the medieval ones of Iceland’s Njáls saga, or the postbellum slaughtering of the Hatfields and McCoys. We are already seeing a counterrevolution — as the Left goes ballistic that anyone would appear on his lawn pointing a semiautomatic rifle to protect mere “brick and mortar.” Without a functioning police force, do we really believe that the stockbroker is going to walk home in the evening in New York City without a firearm, or that the suburbanite in Minneapolis in an expansive home will not have a semiautomatic rifle, or that the couple who drives to Los Angeles with the kids to visit Disneyland will not have a 9mm automatic in their car console? The Left has energized the Second Amendment in a way the NRA never could, and for the next decade, there will be more guns in pockets, cars, and homes than at any time in history. Do Nike, the NFL, and the NBA really believe that their fan clientele will buy into the Black Lives Matter special national anthem and BLM corporate logos on their uniforms? Publicly, perhaps their clients will say so, but at home and in private where fans have absolute control of the remotes or their Amazon accounts, probably not. (…) The BLM problem is that never in history has a radical cultural revolution at its outset declared itself both race-based and yet predicated on a small minority of the population, whose strategy was to shame and debase the majority that was sympathetic to the idea of relegating race to insignificance. If sowing the wind has been getting ugly, reaping the whirlwind will be more so. Victor Davis Hanson
A l’exemple de Saturne, la Révolution dévore ses enfants
En ces temps étranges …
Où après l’hystérie collective du virus chinois
Puis, le psychodrame des iconoclastes (y compris religieux) du Black Lives Matter …
Certains policiers noirs commencent à s’inquiéter du chaos laissé dans leurs quartiers par des manifestations Black Lives Matter où il y a plus de blancs que dans les forces de police en face d’elles …
Et des responsables noirs américains en sont à plaider, devant la recrudescence des violences, pour le retour de la police
Et à l’heure où après le départ fracassant, pour cause de pensée non conforme, d’une journaliste du New York Times …
Un autre de ses confrères progressistes se voit pousser dehors du New York magazine …
Où derrière la funeste alliance des clercs et des oligarques, comme le rappelle le géographe américain Joel Kotkin
Qui, y allant de son petit coup de pied de l’âne en bon clerc qu’il est, ne peut s’empêcher au passage de traiter d’idiot le seul dirigeant ayant compris que la liquidation des classes laborieuses était le véritable enjeu de la présente situation …
Les inégalités explosent au point qu’un bastion du «progressisme» politique et prétendue avant-garde de l’antiracisme comme San Francisco n’a pratiquement plus d’habitants noirs ….
Et la destruction systématique, à la Révolution culturelle chinoise, de notre passé nous retribalise et nous ramène à un système néo-médieval avec son oligarchie, ses clercs et son dogme …
Comment ne pas repenser …
A la célèbre formule, au moment justement où la révolution française commençait à dévorer ses propres enfants, du journaliste et publiciste genevois Jacques Mallet du Pan  ?
Et comment ne pas en voir la meilleure métaphore …
Dans la fulfurance avec laquelle …
Un couple de stars du barreau de Saint Louis il y a deux semaines  …
Est passé pilori médiatique oblige …
Pour être descendus les armes à la main pieds nus dans leur jardin …
Dans la panique suscitée par un groupes de manifestants Black lives matter passant devant leurs portes…
De valeureux défenseurs des victimes en tous genres de la société américaine …
A meilleurs mais bien involontaires supports publicitaires de la NRA ?
Year Zero
Victor Davis Hanson
National Review
July 7, 2020Every cultural revolution starts at year zero, whether explicitly or implicitly. The French Revolution recalibrated the calendar to begin anew, and the genocidal Pol Pot declared his own Cambodian revolutionary ascension as the beginning of time.

Somewhere after May 25, 2020, the death of George Floyd, while in police custody, sparked demonstrations, protests, and riots. And they in turn ushered in a new revolutionary moment. Or at least we were told that — in part by Black Lives Matter, in part by Antifa, in part by terrified enablers in the corporate world, the new Democratic Party, the military, the universities, and the media.

What was uniquely different about this cultural revolution was how willing and quickly the entire progressive establishment — elected officials, celebrities, media, universities, foundations, retired military — was either on the side of the revolution or saw it as useful in aborting the Trump presidency, or was terrified it would be targeted and so wished to appease the Jacobins.

This reborn America was to end all of the old that had come before and supposedly pay penance for George Floyd’s death and, by symbolic extension, America’s inherent evil since 1619. As in all cultural revolutions, the protestors claimed at first at that they wanted only to erase supposedly reactionary elements: Confederate statues, movies such as Gone with the Wind, some hurtful cartoons, and a few cranky conservative professors and what not.

But soon such recalibration steam rolled, fueled by acquiescence, fright, and timidity. Drunk with ego and power, it moved on to attack almost anything connected with the past or present of the United States itself.

Soon statues of General Grant, and presidents including George Washington, Abraham Lincoln, and Andrew Jackson were either toppled or defaced. The message was that their crimes were being white and privileged — in the way that today’s white and privileged should meet a similar fate. Or, as the marchers, who tried to storm Beverly Hills, put it: “Eat the Rich.” They were met by tear gas, and not a single retired general double-downed on his outrage at law enforcement for using tear gas against civilians. Did the BLM idea of cannibalizing the billionaires include LeBron James, Beyoncé, Oprah Winfrey, and likely soon-to-be billionaire Barack Obama?

Name changing is always a barometer of a year-zero culture revolution that seeks to wipe out the past and, with it, anyone wedded to it. And so it was only a matter of time that the Woodrow Wilson Princeton School of Public and International Affairs was Trotskyized. Liberals cringed but kept silent, given that Wilson is still a hero for his support of the League of Nations, and his utopian efforts at Versailles, despite his characteristic progressive allegiance to pseudoscientific race-based genetics.

Rebranding

Any revolution that claims it will not tolerate commemoration of any century-old enemies must put its handwipes where its mouth is. And revolutionaries always follow the path of least resistance. So in our era, that means the mob has focused on the hollow men and women now serving as university presidents, corporate CEOs, sports-franchise owners and coaches, politicians, news anchors, and even in some cases retired high-ranking officers of the military.

It was easy wringing promises from these hierarchies to remove the trademark faces of Aunt Jemimah and Uncle Ben from popular food brands, and to win hundreds of new, costly diversity-coordinator billets, more mandatory race and gender indoctrination training, a “black” national anthem to be played at sporting events, and promises to BLM to rename military bases.

Indeed, in no time, these elites were volunteering to debase themselves. Dan Cathy, CEO of the Chick-fil-A fast-food restaurant chain, urged white people to shine the shoes of blacks in the manner that the disciples had washed the feet of Jesus — and indeed Dan Cathy sort of did just that when he polished the sneakers of rapper Lecrae. Such is the new bottom line of profits in corporate America.

Yet, the culture of erasure takes some time to reach all the eddies and pools of a huge society as variegated as America. Take the new reconstruction of the Civil War. In the old days before this May, the war was considered a catastrophic nemesis due a hubristic Confederacy. Yet, given that there were only 7 to 8 percent of the nation’s households in 1860 owning slaves, it should have been possible to end slavery without harvesting nearly 700,000 Americans.

But it was not, because — according to the traditional American tragic theme — millions of non-slave-owning white poor of the Confederacy fought tenaciously, and ultimately for a plantation culture that had marginalized them. Their rationale was that their sacred soil and homes were “invaded” by “Yankees” in a war of “Northern aggression.”

Liberal Hollywood bought into this tragic notion of misguided but somewhat honorable losers who had headed westward, penniless in defeat, after the war. Most Westerns of the 1950s — John Ford’s The Searchers or George Stevens’s Shane — saw Confederate pedigrees of a losing and disreputable cause as central to the outsider’s creed of the gunfighter. These Confederate vets were dead-enders useful in ridding a fragile civilization on the frontier of its demons, but too volatile to live within it during the peaceful aftermath when gunplay was no longer needed.

The 1960s saw Southern rural folk culture as a sort of hippie alternative to the dominant wealth and suburbanism of the mainstream.

And all that is supposedly over now?

Could Ry Cooder sing “I’m a Good Old Rebel” for a movie like The Long Riders, exploring the contradictions of ex-Confederate thugs like the James boys and the Youngers?

Would anyone play the Band’s “The Night They Drove Old Dixie Down,” or even the version of it by leftist Joan Baez?

Could Ken Burns now still make The Civil War, 30 years after its original release, with a folksy Shelby Foote contextualizing the Confederate defeat as thousands of brave men dying for a tragic cause beneath them? Would a liberal Southerner like the late Jody Powell still dare to voice the words of Stonewall Jackson or Horton Foote or Jefferson Davis? In our more enlightened revolutionary times, were all these players useful idiots in the cause of racism?

Are there now three Americas? One of white guilt and penance, one of black anger and victimization, and another seething in silence as they see their 244 years of history written off as something worse than the pasts of Somalia, Peru, Iran, or Serbia.

There are now two realities — beyond two national anthems, beyond black and white dorms, black and white segregated safe spaces on campus, and beyond now segregated black and white history, language, philosophy, and science and math.

For blatantly racist diatribes dug up from the past, there is one standard of contextualization for 1619 architect Nikole Hannah-Jones and the creators of Black Lives Matter, and another that forces silly entertainers like late-night host Jimmy Kimmel to go into exile? In the new America, skin color adjudicates whether one can with impunity be openly racist — as it used to be before the civil-rights movement, whose values and methods the Left purportedly seeks to embrace and resurrect.

If so, then we know from history the script that now follows.

In the exhilaration of exercising power ruthlessly and unchecked, the cultural revolutionists soon turn on their own: poor Trump-hating Dan Abrams losing his cop reality show, the two liberal trial lawyers armed on their mansion lawn in St. Louis terrified of the mob entering their gated estate community, bewildered CHOP activists wondering where the police were once mayhem and death were among them, the inner city of Chicago or New York in the age of police drawbacks wondering how high the daily murder rate will climb once shooters fathom that there are no police, and inner-city communities furious that the ER is too crowded with shooting victims to properly treat COVID-19 arrivals.

Do we now really expect that the Wilson Center in Washington will be cancelled, the Washington Monument cut down to size, and Princeton, Yale, and Stanford renamed?

The logic of the revolution says yes, but the liberal appeasers of it are growing uneasy. They are realizing that their own elite status and referents are now in the crosshairs. And so they are on the verge of becoming Thermidors.

And what will the new icons be under our new revolutionary premises?

Will we say the old statues were bad because they were not perfect, but the new replacements are perfect despite being a tad bad in places? Will we dedicate more memorials to Martin Luther King Jr., the great advocate of the civil-rights movement, or do we focus instead on his plagiarism, his often poor treatment of women, and his reckless promiscuity? Gandhi is gone, but who replaces him, Subhas Chandra Bose? Will Princeton rename their school of diplomacy in honor of the martyred Malcom X, slain by the black nationalist Nation of Islam? Malcom may now become ubiquitous, but he said things about white people that would have made what Wilson said about black people look tame.

Puritanical cultural revolutionaries are always a minority of society. But whether they win or lose — that is, whether they end up as Bolsheviks or Jacobins — hinges on how successfully they terrify the masses into submission, and how quickly they can do that before repulsion grows over their absurd violence and silly rhetoric.

When the backlash comes, as it must when mobs destroy statues at night, loot, burn, and obliterate what Mao called the “four olds” of a culture revolution — Old Customs, Old Culture, Old Habits, and Old Ideas — it may not be pretty.

We can see its contours already: Asian Americans further discriminated against to allow for new university mandates jettisoning SAT scores and GPAs, while schools set new larger percentages of African-American admissions and transform their entire diversity industry into a black-advocacy enterprise; virtue-signaling and now hard-left white CEOs and college presidents and provosts asked to step down, to do their own small white-male part in yielding their prized jobs to someone more woke and less pink.

Gun sales are at record levels. I supposed the revolutionaries never investigated the original idea of a police force and the concept of the government’s legal monopoly on violence? It was not just to protect the law-abiding from the criminal, but to protect the criminal from the outraged vigilante.

Only police can stop blood feuds such as the ones we see in Chicago or like the medieval ones of Iceland’s Njáls saga, or the postbellum slaughtering of the Hatfields and McCoys. We are already seeing a counterrevolution — as the Left goes ballistic that anyone would appear on his lawn pointing a semiautomatic rifle to protect mere “brick and mortar.”

Without a functioning police force, do we really believe that the stockbroker is going to walk home in the evening in New York City without a firearm, or that the suburbanite in Minneapolis in an expansive home will not have a semiautomatic rifle, or that the couple who drives to Los Angeles with the kids to visit Disneyland will not have a 9mm automatic in their car console? The Left has energized the Second Amendment in a way the NRA never could, and for the next decade, there will be more guns in pockets, cars, and homes than at any time in history.

Do Nike, the NFL, and the NBA really believe that their fan clientele will buy into the Black Lives Matter special national anthem and BLM corporate logos on their uniforms? Publicly, perhaps their clients will say so, but at home and in private where fans have absolute control of the remotes or their Amazon accounts, probably not.

The counterrevolution will be easy to spot. Suddenly a left-wing institution will refuse to change its name. Gone with the Wind will insidiously reappear on the schedule of TBN classic movies. Statue topplers all of a sudden will be scouted out and arrested and have felonies on their record — and no one will complain.

NFL’s attendance will crater. Joe Biden will begin cataloguing both good and bad statues, and correct and incorrect name changing, and by October he will be saying, “One the one hand . . . on the other hand . . . ”

Segregation will doom this revolution. It is the worst poison in a multiracial society. Yet it is the signature issue of Black Lives Matter — everything from separate safe spaces and theme houses based on skin color in universities to specials fees and rules for non-blacks. The popular forces of integration, assimilation, and intermarriage will not be harnessed by racial-separatist czars, asking for DNA pedigrees as they sleuth for microaggressions and implicit biases.

The BLM problem is that never in history has a radical cultural revolution at its outset declared itself both race-based and yet predicated on a small minority of the population, whose strategy was to shame and debase the majority that was sympathetic to the idea of relegating race to insignificance. 

If sowing the wind has been getting ugly, reaping the whirlwind will be more so.

Voir aussi:

Vidéo : un riche couple d’Américains sort lourdement armé pour défendre sa propriété contre des manifestants

La scène est à peine croyable. Des manifestants américains du mouvement «Black lives matter» se rendant devant le domicile de la maire de Saint Louis, Lyda Krewson, pour exiger sa démission, ont été menacés dimanche par un couple d’avocats, lourdement armés, alors qu’ils passaient devant leur villa.

Mark et Patricia McCloskey ont ainsi été filmés pointant leurs armes en direction des 300 personnes marchant devant eux. Lui tenait un fusil de type AR-15, quand sa femme préférait brandir une arme de poing. NBC News rapporte que les portails de plusieurs propriétés du quartier ont été détériorés. Ironie de l’histoire, le couple en question a fait de la défense des victimes de dommages corporels sa spécialité.

Le président Trump a retweeté une vidéo de l’incident, sans le commenter. La scène a, faut-il s’en douter, choqué un nombre important d’internautes. D’autres y ont vu l’occasion de lancer des parodies.

Voir également:

Médias.

Démission au “New York Times” : “Ils me traitent de nazie et de raciste”

Courrier international

Décrivant un environnement de travail “intolérant” et fustigeant une certaine bien-pensance qui confine à l’“autocensure”, Bari Weiss, une journaliste chargée de faire vivre la diversité des opinions dans les colonnes du prestigieux quotidien américain, a présenté sa démission.

Sa lettre de démission est adressée à Arthur Gregg Sulzberger, directeur de la publication du New York Times. Dans ce texte publié sur son site personnel, Bari Weiss explique les raisons de son départ du quotidien de centre gauche.

Auteure et éditrice des pages Opinion du journal depuis 2017, la journaliste rappelle avoir été embauchée “dans le but de faire venir au journal les voix qui n’apparaîtraient pas dans ses pages autrement : […] les centristes, les conservateurs et ceux qui ne se sentent pas chez eux au New York Times. La raison de ce recrutement était claire : le journal n’avait pas anticipé le résultat de l’élection présidentielle de 2016, ce qui montrait qu’il n’avait pas une bonne compréhension du pays qu’il couvre.”

Pourtant, écrit Bari Weiss, le journal “n’a pas tiré les enseignements qui auraient dû suivre le scrutin”.

Mes incursions dans la pensée non orthodoxe ont fait de moi l’objet d’un harcèlement constant de la part de mes collègues qui ne partagent pas mes opinions. Ils me traitent de nazie et de raciste […]. Mon travail et ma personne sont ouvertement dénigrés sur les chaînes Slack [outil de communication interne] de la société […]. Certains collaborateurs y soutiennent qu’il faut se débarrasser de moi si le journal veut être véritablement ‘inclusif’ et d’autres postent l’émoji de la hache [‘ax’ signifie à la fois ‘hache’ et ‘virer’] à côté de mon nom.”

Dans un article écrit par le spécialiste média du quotidien américain, le New York Times indique que “Mme Weiss […] est connue pour sa tendance à remettre en question certains aspects des mouvements pour la justice sociale qui se développent depuis quelques années”. Ainsi, le mois dernier, la journaliste de 36 ans avait critiqué l’émoi d’une partie de sa rédaction après la publication d’une tribune d’un sénateur républicain demandant une intervention militaire pour “rétablir l’ordre” face aux manifestations du mouvement Black Lives Matter.

Dans la foulée, Bari Weiss décrivait sur Twitter la “guerre civile” qui ferait rage au sein de la rédaction du NYT et d’autres médias américains entre la “‘Nouvelle Garde’ – des gens en général jeunes qui sont attachés à la justice sociale – et la ‘Vieille Garde’ – les progressistes qui ont en général plus de 40 ans”. “Nombre de membres de la rédaction ont protesté sur Twitter et déclaré que c’était faux ou que cela ne représentait pas leurs positions”, commente l’article du New York Times.

“Twitter ne figure pas sur la une du New York Times, mais il en est devenu le rédacteur en chef ultime”, poursuit Bari Weiss dans sa lettre, regrettant les extrêmes précautions que prendrait l’équipe du quotidien pour ne pas froisser ses lecteurs les plus “éveillés”. Sur un ton railleur, elle interroge :

Pourquoi proposer quelque chose de difficile à avaler pour nos lecteurs, ou écrire quelque chose d’audacieux pour finir par passer par le processus abrutissant de le rendre idéologiquement acceptable, alors que nous pouvons assurer notre emploi (et des clics) en publiant une 4 000e tribune avançant que Donald Trump constitue un danger pour le pays et pour le monde ? L’autocensure est ainsi devenue la norme.”

“Nous remercions Bari pour les nombreuses contributions qu’elle a apportées à la rubrique Opinion. Je suis personnellement déterminée à ce que le New York Times continue à publier des voix, des vécus et des points de vue venant de tout l’échiquier politique dans la page Opinion”, a réagi Kathleen Kingsbury, responsable de cette rubrique.

Voir de même:

« L’Amérique vit un nouveau Moyen Âge, avec son oligarchie, ses clercs et son dogme »

GRAND ENTRETIEN – Notre monde est entré «dans un nouveau Moyen Âge» version high-tech, marqué par un accroissement inquiétant des inégalités, avertit le géographe Joel Kotkin.

Laure Mandeville
Le Figaro
16 juillet 2020

«Le Meilleur des mondes» décrit par Aldous Huxley serait-il en train de pointer le nez sur les côtes de Californie et de gagner l’Amérique? Dans son nouveau livre, L’Avènement du néo-féodalisme, le géographe américain Joel Kotkin, cousin californien du géographe français Christophe Guilluy, qui scrute depuis des années avec inquiétude la destruction des classes moyennes à la faveur de la délocalisation et de la financiarisation de l’économie, s’interroge sur la «tyrannie» que dessine l’émergence d’une oligarchie ultra-puissante et contrôlant une technologie envahissante.

Joel Kotkin décrit l’alliance de l’oligarchie de la Silicon Valley, composée de quelques milliardaires passionnés de transhumanisme, et persuadés que la technologie est la réponse à tous les problèmes, avec une classe intellectuelle de «clercs» qui se comporte comme un «nouveau clergé» et instaure de nouveaux dogmes – sur la globalisation, le genre, «le privilège blanc» – avec une ferveur toute religieuse. Il devient dangereux d’exprimer ses désaccords, regrette cet ancien social-démocrate, qui explique ne plus avoir sa place à gauche. Une situation d’intolérance que le départ fracassant de la journaliste Bari Weiss du New York Times , forcée de quitter le navire sous la pression de pairs devenus «censeurs», vient d’illustrer avec éloquence.

LE FIGARO. – Vous publiez L’Avènement du néo-féodalisme*, un ouvrage qui décrit l’émergence en Amérique, et plus encore en Chine, en Europe et même au Japon, d’un système caractérisé par une concentration de plus en plus inégalitaire de la richesse et du pouvoir entre les mains d’une petite minorité de «seigneurs» de la tech et de la finance. Retournons-nous vraiment au Moyen Âge version high-tech ?

Joel KOTKIN. – Nous vivons effectivement une époque qui rappelle le Moyen Âge avec son oligarchie, ses clercs et son dogme. Une sorte d’aristocratie de la tech a émergé et a fait alliance avec la classe intellectuelle, pour mettre en place une nouvelle vision de la société, qui a pour ambition de remplacer les valeurs plus traditionnelles portées depuis l’après-guerre par la classe moyenne. Tout l’enjeu futur de la politique est de savoir si «le tiers état» d’aujourd’hui – les classes moyennes paupérisées et les classes populaires – se soumettra à leur contrôle. Nous sommes entrés dans le paradigme d’une oligarchie concentrant la richesse nationale à un point jamais atteint à l’époque contemporaine. Cinq compagnies détiennent l’essentiel de la richesse nationale en Amérique! Une poignée de patrons de la tech et «leurs chiens de garde» de la finance, contrôlent chacun des fortunes de dizaines de milliards de dollars en moyenne et ils ont à peine 40 ans, ce qui veut dire que nous allons devoir vivre avec eux et leur influence pour tout le reste de nos vies!

La globalisation et la financiarisation ont été des facteurs majeurs de cette concentration effrénée de la richesse. La délocalisation de l’industrie vers la Chine a coûté 1,5 million d’emplois manufacturiers au Royaume-Uni, et 3,4 millions à l’Amérique. Les PME, les entreprises familiales, l’artisanat, ont été massivement détruits, débouchant sur une paupérisation des classes moyennes, qui étaient le cœur du modèle capitaliste libéral américain. La crise du coronavirus a accéléré la tendance. Les compagnies de la tech sortent grandes gagnantes de l’épreuve. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, vient juste d’annoncer que sa capitalisation a progressé de 30 milliards de dollars alors que les petites compagnies se noient! Les inégalités de classe ne font que s’accélérer, avec une élite intellectuelle et managériale qui s’en sort très bien – les fameux clercs qui peuvent travailler à distance – , et le reste de la classe moyenne qui s’appauvrit. Les classes populaires, elles, ont subi le virus de plein fouet, ont bien plus de risques de l’attraper, ont souffert du confinement dans leurs petits appartements, et ont pour beaucoup perdu leur travail. C’est un tableau très sombre qui émerge avec une caste de puissants ultra-étroite et de «nouveaux serfs», sans rien de substantiel entre les deux: 70 % des Américains estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux.

La destruction systématique de notre passé est très dangereuse. Cela nous ramène à l’esprit de la Révolution culturelle chinoise. Si l’on continue, il n’y aura plus que des tribus

Vous écrivez que la Silicon Valley est une sorte de laboratoire futuriste de ce qui attend l’Amérique. Votre description ne donne pas envie…

La Silicon Valley, jadis une terre promise des self-made-men est devenue le visage de l’inégalité et des nouvelles forteresses industrielles. Les géants technologiques comme Google ou Facebook ont tué la culture des start-up née dans les garages californiens dans les années 1970 et qui a perduré jusque dans les années 1990, car ils siphonnent toute l’innovation. Je suis évidemment pour la défense de l’environnement, mais l’idéologie verte très radicale qui prévaut en Californie avantage aussi les grandes compagnies qui seules peuvent survivre aux régulations environnementales drastiques, alors que les PME n’y résistent pas ou s’en vont ailleurs. On sous-estime cet aspect socio-économique de la «transition écologique», qui exclut les classes populaires et explique par exemple vos «gilets jaunes», comme le raconte le géographe Christophe Guilluy. Vu la concentration de richesses, l’immobilier californien a atteint des prix records et les classes populaires ont été boutées hors de San Francisco, pourtant un bastion du «progressisme» politique. La ville, qui se veut l’avant-garde de l’antiracisme et abritait jadis une communauté afro-américaine très vivante, n’a pratiquement plus d’habitants noirs, à peine 5 %, un autre paradoxe du progressisme actuel.

Vous parlez d’alliance de cette oligarchie avec de nouveaux clercs, presque un nouveau «clergé», gardien des nouveaux «dogmes». Que voulez-vous dire?

Il y a un vrai parallèle entre la situation d’aujourd’hui et l’alliance de l’aristocratie et du clergé avant la Révolution française. Et cela vaut pour tous les pays occidentaux. Ces clercs rassemblent les élites intellectuelles d’aujourd’hui, qui sont presque toutes situées à gauche. Si je les nomme ainsi, c’est pour souligner le caractère presque religieux de l’orthodoxie qu’elles entendent imposer, comme jadis l’Église catholique. Au XIIIe siècle, à l’université de Paris, personne n’aurait osé douter de l’existence de Dieu. Aujourd’hui, personne n’ose contester sans risque les nouveaux dogmes, j’en sais quelque chose. Je suis pourtant loin d’être conservateur, je suis un social-démocrate de la vieille école, qui juge les inégalités de classe plus pertinentes que les questions d’identité, de genre, mais il n’y a plus de place pour des gens comme moi dans l’univers mental et politique de ces élites. Elles entendent remplacer les valeurs de la famille et de la liberté individuelle qui ont fait le succès de l’Amérique après-guerre et la prospérité de la classe moyenne, par un credo qui allie défense du globalisme, justice sociale (définie comme la défense des minorités raciales et sexuelles, NDLR), modèle de développement durable imposé par le haut et redéfinition des rôles familiaux. Elles affirment que le développement durable est plus important que la croissance qui permettait de sortir les classes populaires de la pauvreté. Ce point créera une vraie tension sociale. Ce qui est frappant, c’est l’uniformité de ce «clergé».

Parmi les journalistes, seulement 7 % se disent républicains. C’est la même chose, voire pire, dans les universités, le cinéma, la musique. On n’a plus le droit d’être en désaccord avec quoi que ce soit! Écrire que le problème de la communauté noire est plus un problème socio-économique que racial, est devenu risqué, et peut vous faire traiter de raciste! J’ai travaillé longtemps comme journaliste avant d’enseigner, et notamment pour le Washington Post, le Los Angeles Times et d’autres… Il arrive que j’y trouve encore de très bons papiers, mais dans l’ensemble, je ne peux plus les lire tellement ils sont biaisés sur les sujets liés à la question raciale, à Trump ou à la politique! Je n’ai aucune sympathie pour Donald Trump, que je juge toxique, mais la haine qu’il suscite va trop loin. On voit se développer un journalisme d’opinion penchant à gauche, qui mène à ce que la Rand Corporation (une institution de recherche prestigieuse, fondée initialement pour les besoins de l’armée américaine, NDLR) qualifie de «décomposition de la vérité».

Je dois dire avoir aussi été très choqué par le «projet 1619» (ce projet affirme que l’origine de l’Amérique n’est pas 1776 et la proclamation de l’Indépendance, mais 1619 avec l’arrivée de bateaux d’esclaves sur les côtes américaines, NDLR), lancé par le New York Times, qui veut démontrer que toute l’histoire américaine est celle d’un pays raciste. Oui l’esclavage a été une chose horrible, mais les succès et progrès américains ne peuvent être niés au nom des crimes commis. Je n’ai rien contre le fait de déboulonner les généraux confédérés, qui ont combattu pour le Sud esclavagiste. Mais vouloir déboulonner le général Ulysse Grant, grand vainqueur des confédérés, ou encore George Washington, est absurde. La destruction systématique de notre passé, et du sens de ce qui nous tient ensemble, est très dangereuse. Cela nous ramène à l’esprit de la Révolution culturelle chinoise. Si l’on continue, il n’y aura plus que des tribus.

Vous soulignez le danger particulier de l’alliance de l’oligarchie de la tech et des élites, en raison du rôle croissant de la technologie…

Je crois que c’est Huxley qui dans Le Meilleur des mondes, affirme qu’une tyrannie appuyée sur la technologie ne peut être défaite. La puissance des oligarchies et des élites culturelles actuelles est renforcée par le rôle croissant de la technologie, qui augmente le degré de contrôle de ce que nous pensons, lisons, écoutons… Quand internet est apparu, il a suscité un immense espoir. On pensait qu’il ouvrirait une ère de liberté fertile pour les idées, mais c’est au contraire devenu un instrument de contrôle de l’information et de la pensée! Même si les blogs qui prolifèrent confèrent une apparence de démocratie et de diversité, la réalité actuelle c’est quelques compagnies basées dans la Silicon Valley qui exercent un contrôle de plus en plus lourd sur le flux d’informations. Près des deux tiers des jeunes s’informent sur les réseaux sociaux. De plus, Google, Facebook, Amazon sont en train de racheter les restes des médias traditionnels qu’ils n’ont pas tués. Ils contrôlent les studios de production de films, YouTube… Henry Ford et Andrew Carnegie n’étaient pas des gentils, mais ils ne vous disaient pas ce que vous deviez penser.

Trump va avoir du mal à gagner. Il pourrait revenir si une forme de rebond économique se dessine ou s’il s’avérait évident que Joe Biden n’a plus toutes ses capacités intellectuelles

Et que pensent ces nouveaux oligarques du XXIe siècle?

Ils sont persuadés que tous les problèmes ont une réponse technologique. Ce sont des techniciens brillants, grands adeptes du transhumanisme, peu préoccupés par la baisse de la natalité ou la question de la mobilité sociale, et bien plus déconnectés des classes populaires que les patrons d’entreprises sidérurgiques d’antan. Leur niveau d’ignorance sur le plan historique ou littéraire est abyssal, et en ce sens, ils sont sans doute plus effrayants encore que l’aristocratie d’Ancien Régime. De plus, se concentrer sur les sujets symboliques comme le genre, les transgenres, le changement climatique, leur permet d’évacuer les sujets de «classe», qui pourraient menacer leur pouvoir.

Que pensez-vous de la bataille entre Zuckerberg, qui a refusé de bannir les tweets de Trump, et les autres grands patrons de la tech, qui veulent bannir «les mauvaises pensées»?

Je pense que Zuckerberg a eu raison et qu’il a du courage, mais il semble être poussé à adopter un rôle de censeur. Un auteur que je connais, environnementaliste dissident, vient de voir sa page Facebook supprimée. C’est une tendance dangereuse, car laisser à quelques groupes privés le pouvoir de contrôler l’information, ouvre la voie à la tyrannie. Cela me ramène au thème central de ce livre qui se veut un manifeste en faveur de la classe moyenne, menacée de destruction après avoir été le pilier de nos démocraties. La démocratie est fondamentalement liée à la dispersion de la propriété privée. C’est pour cela que j’ai toujours eu de l’admiration pour les Pays-Bas, pays qui a toujours créé de la terre, en gagnant sur la mer, et a donc toujours assuré la croissance de sa classe moyenne. Quand cela cesse et que la richesse se concentre entre quelques mains, on revient à un contrôle de la société par le haut, qu’il soit établi par des régimes de droite ou de gauche.

Face à cette réalité, Trump et la rébellion anti-élites qui le porte pourraient-ils gagner à nouveau?

Trump est un idiot et un type détestable, qui, je l’espère, sera désavoué, car il suscite beaucoup de tensions négatives. Mais je n’ai jamais vu un président traité comme il l’a été. La volonté de le destituer était déjà envisagée avant même qu’il ait mis un pied à la Maison-Blanche! Je pense aussi que la presse n’est pas honnête à son sujet. Prenons par exemple son discours au mont Rushmore, l’un des meilleurs qu’il ait faits, et dans lequel il tente de réconcilier un soutien au besoin de justice raciale, et la défense du patrimoine américain. Il y a cité beaucoup de personnages importants comme Frederick Douglass ou Harriet Tubman, mais la presse n’en a pas moins rapporté qu’il s’agissait d’un discours raciste, destiné à rallier les suprémacistes blancs! On l’accuse de tyrannie, mais la plus grande tyrannie qui nous menace est l’alliance des oligarques et des clercs. Le seul avantage de Trump, c’est d’être un contre-pouvoir face à eux. Malheureusement, cela ne signifie pas qu’il ait une vision cohérente. Surtout, il divise terriblement le pays, or nous avons besoin d’une forme d’unité minimale.

Je dirais à ce stade que Trump va avoir du mal à gagner – j’évalue ses chances à une sur trois. Il pourrait revenir si une forme de rebond économique se dessine ou s’il s’avérait évident que Joe Biden n’a plus toutes ses capacités intellectuelles. Si les démocrates l’emportent, ma prédiction est qu’ils en feront trop, et qu’une nouvelle rébellion, qui nous fera regretter Trump, surgira en boomerang. À moins qu’une nouvelle génération de jeunes conservateurs – comme Josh Hawley, JD Vance ou Marco Rubio – capables de défendre les classes populaires tout en faisant obstacle à la révolution culturelle de la gauche, ne finisse par émerger. J’aimerais aussi voir un mouvement remettant vraiment le social à l’honneur se dessiner à gauche, mais je n’y crois pas trop, vu l’obsession de l’identité… Ce qui est sûr, c’est que l’esprit de 2016 et des «gilets jaunes» ne va pas disparaître. Regardez ce qui s’est passé en Australie: on pensait que les travaillistes gagneraient, mais ce sont les populistes qui ont raflé la mise, parce que la gauche verte était devenue tellement anti-industrielle, que les classes populaires l’ont désertée!

* The Coming of Neo-Feudalism: A Warning to the Global Middle Class, Joel Kotkin, Hardcover, 288 p., $20,65.

Voir de plus:

Dear A.G.,

It is with sadness that I write to tell you that I am resigning from The New York Times.

I joined the paper with gratitude and optimism three years ago. I was hired with the goal of bringing in voices that would not otherwise appear in your pages: first-time writers, centrists, conservatives and others who would not naturally think of The Times as their home. The reason for this effort was clear: The paper’s failure to anticipate the outcome of the 2016 election meant that it didn’t have a firm grasp of the country it covers. Dean Baquet and others have admitted as much on various occasions. The priority in Opinion was to help redress that critical shortcoming.

I was honored to be part of that effort, led by James Bennet. I am proud of my work as a writer and as an editor. Among those I helped bring to our pages: the Venezuelan dissident Wuilly Arteaga; the Iranian chess champion Dorsa Derakhshani; and the Hong Kong Christian democrat Derek Lam. Also: Ayaan Hirsi Ali, Masih Alinejad, Zaina Arafat, Elna Baker, Rachael Denhollander, Matti Friedman, Nick Gillespie, Heather Heying, Randall Kennedy, Julius Krein, Monica Lewinsky, Glenn Loury, Jesse Singal, Ali Soufan, Chloe Valdary, Thomas Chatterton Williams, Wesley Yang, and many others.

But the lessons that ought to have followed the election—lessons about the importance of understanding other Americans, the necessity of resisting tribalism, and the centrality of the free exchange of ideas to a democratic society—have not been learned. Instead, a new consensus has emerged in the press, but perhaps especially at this paper: that truth isn’t a process of collective discovery, but an orthodoxy already known to an enlightened few whose job is to inform everyone else.

Twitter is not on the masthead of The New York Times. But Twitter has become its ultimate editor. As the ethics and mores of that platform have become those of the paper, the paper itself has increasingly become a kind of performance space. Stories are chosen and told in a way to satisfy the narrowest of audiences, rather than to allow a curious public to read about the world and then draw their own conclusions. I was always taught that journalists were charged with writing the first rough draft of history. Now, history itself is one more ephemeral thing molded to fit the needs of a predetermined narrative.

My own forays into Wrongthink have made me the subject of constant bullying by colleagues who disagree with my views. They have called me a Nazi and a racist; I have learned to brush off comments about how I’m “writing about the Jews again.” Several colleagues perceived to be friendly with me were badgered by coworkers. My work and my character are openly demeaned on company-wide Slack channels where masthead editors regularly weigh in. There, some coworkers insist I need to be rooted out if this company is to be a truly “inclusive” one, while others post ax emojis next to my name. Still other New York Times employees publicly smear me as a liar and a bigot on Twitter with no fear that harassing me will be met with appropriate action. They never are.

There are terms for all of this: unlawful discrimination, hostile work environment, and constructive discharge. I’m no legal expert. But I know that this is wrong.

I do not understand how you have allowed this kind of behavior to go on inside your company in full view of the paper’s entire staff and the public. And I certainly can’t square how you and other Times leaders have stood by while simultaneously praising me in private for my courage. Showing up for work as a centrist at an American newspaper should not require bravery.

Part of me wishes I could say that my experience was unique. But the truth is that intellectual curiosity—let alone risk-taking—is now a liability at The Times. Why edit something challenging to our readers, or write something bold only to go through the numbing process of making it ideologically kosher, when we can assure ourselves of job security (and clicks) by publishing our 4000th op-ed arguing that Donald Trump is a unique danger to the country and the world? And so self-censorship has become the norm.

What rules that remain at The Times are applied with extreme selectivity. If a person’s ideology is in keeping with the new orthodoxy, they and their work remain unscrutinized. Everyone else lives in fear of the digital thunderdome. Online venom is excused so long as it is directed at the proper targets.

Op-eds that would have easily been published just two years ago would now get an editor or a writer in serious trouble, if not fired. If a piece is perceived as likely to inspire backlash internally or on social media, the editor or writer avoids pitching it. If she feels strongly enough to suggest it, she is quickly steered to safer ground. And if, every now and then, she succeeds in getting a piece published that does not explicitly promote progressive causes, it happens only after every line is carefully massaged, negotiated and caveated.

It took the paper two days and two jobs to say that the Tom Cotton op-ed “fell short of our standards.” We attached an editor’s note on a travel story about Jaffa shortly after it was published because it “failed to touch on important aspects of Jaffa’s makeup and its history.” But there is still none appended to Cheryl Strayed’s fawning interview with the writer Alice Walker, a proud anti-Semite who believes in lizard Illuminati.

The paper of record is, more and more, the record of those living in a distant galaxy, one whose concerns are profoundly removed from the lives of most people. This is a galaxy in which, to choose just a few recent examples, the Soviet space program is lauded for its “diversity”; the doxxing of teenagers in the name of justice is condoned; and the worst caste systems in human history includes the United States alongside Nazi Germany.

Even now, I am confident that most people at The Times do not hold these views. Yet they are cowed by those who do. Why? Perhaps because they believe the ultimate goal is righteous. Perhaps because they believe that they will be granted protection if they nod along as the coin of our realm—language—is degraded in service to an ever-shifting laundry list of right causes. Perhaps because there are millions of unemployed people in this country and they feel lucky to have a job in a contracting industry.

Or perhaps it is because they know that, nowadays, standing up for principle at the paper does not win plaudits. It puts a target on your back. Too wise to post on Slack, they write to me privately about the “new McCarthyism” that has taken root at the paper of record.

All this bodes ill, especially for independent-minded young writers and editors paying close attention to what they’ll have to do to advance in their careers. Rule One: Speak your mind at your own peril. Rule Two: Never risk commissioning a story that goes against the narrative. Rule Three: Never believe an editor or publisher who urges you to go against the grain. Eventually, the publisher will cave to the mob, the editor will get fired or reassigned, and you’ll be hung out to dry.

For these young writers and editors, there is one consolation. As places like The Times and other once-great journalistic institutions betray their standards and lose sight of their principles, Americans still hunger for news that is accurate, opinions that are vital, and debate that is sincere. I hear from these people every day. “An independent press is not a liberal ideal or a progressive ideal or a democratic ideal. It’s an American ideal,” you said a few years ago. I couldn’t agree more. America is a great country that deserves a great newspaper.

None of this means that some of the most talented journalists in the world don’t still labor for this newspaper. They do, which is what makes the illiberal environment especially heartbreaking. I will be, as ever, a dedicated reader of their work. But I can no longer do the work that you brought me here to do—the work that Adolph Ochs described in that famous 1896 statement: “to make of the columns of The New York Times a forum for the consideration of all questions of public importance, and to that end to invite intelligent discussion from all shades of opinion.”

Ochs’s idea is one of the best I’ve encountered. And I’ve always comforted myself with the notion that the best ideas win out. But ideas cannot win on their own. They need a voice. They need a hearing. Above all, they must be backed by people willing to live by them.

Sincerely,

Bari

Voir encore:

The Intelligencer
July 17, 2020

The good news is that my last column in this space is not about “cancel culture.” Well, almost. I agree with some of the critics that it’s a little nuts to say I’ve just been “canceled,” sent into oblivion and exile for some alleged sin. I haven’t. I’m just no longer going to be writing for a magazine that has every right to hire and fire anyone it wants when it comes to the content of what it wants to publish.

The quality of my work does not appear to be the problem. I have a long essay in the coming print magazine on how plagues change societies, after all. I have written some of the most widely read essays in the history of the magazine, and my column has been popular with readers. And I have no complaints about my interaction with the wonderful editors and fact-checkers here — and, in fact, am deeply grateful for their extraordinary talent, skill, and compassion. I’ve been in the office maybe a handful of times over four years, and so there’s no question of anyone mistreating me or vice versa. In fact, I’ve been proud and happy to be a part of this venture.

What has happened, I think, is relatively simple: A critical mass of the staff and management at New York Magazine and Vox Media no longer want to associate with me, and, in a time of ever tightening budgets, I’m a luxury item they don’t want to afford. And that’s entirely their prerogative. They seem to believe, and this is increasingly the orthodoxy in mainstream media, that any writer not actively committed to critical theory in questions of race, gender, sexual orientation, and gender identity is actively, physically harming co-workers merely by existing in the same virtual space. Actually attacking, and even mocking, critical theory’s ideas and methods, as I have done continually in this space, is therefore out of sync with the values of Vox Media. That, to the best of my understanding, is why I’m out of here.

Two years ago, I wrote that we all live on campus now. That is an understatement. In academia, a tiny fraction of professors and administrators have not yet bent the knee to the woke program — and those few left are being purged. The latest study of Harvard University faculty, for example, finds that only 1.46 percent call themselves conservative. But that’s probably higher than the proportion of journalists who call themselves conservative at the New York Times or CNN or New York Magazine. And maybe it’s worth pointing out that “conservative” in my case means that I have passionately opposed Donald J. Trump and pioneered marriage equality, that I support legalized drugs, criminal-justice reform, more redistribution of wealth, aggressive action against climate change, police reform, a realist foreign policy, and laws to protect transgender people from discrimination. I was one of the first journalists in established media to come out. I was a major and early supporter of Barack Obama. I intend to vote for Biden in November.

It seems to me that if this conservatism is so foul that many of my peers are embarrassed to be working at the same magazine, then I have no idea what version of conservatism could ever be tolerated. And that’s fine. We have freedom of association in this country, and if the mainstream media want to cut ties with even moderate anti-Trump conservatives, because they won’t bend the knee to critical theory’s version of reality, that’s their prerogative. It may even win them more readers, at least temporarily. But this is less of a systemic problem than in the past, because the web has massively eroded the power of gatekeepers to suppress and control speech. I was among the first to recognize this potential for individual freedom of speech, and helped pioneer individual online media, specifically blogging, 20 years ago.

And this is where I’m now headed.

Since I closed down the Dish, my bloggy website, five years ago, after 15 years of daily blogging, I have not missed the insane work hours that all but broke my health. But here’s what I do truly and deeply miss: writing freely without being in a defensive crouch; airing tough, smart dissent and engaging with readers in a substantive way that avoids Twitter madness; a truly free intellectual space where anything, yes anything, can be debated without personal abuse or questioning of motives; and where readers can force me to change my mind (or not) by sheer logic or personal testimony.

I miss a readership that truly was eclectic — left, liberal, centrist, right, reactionary — and that loved to be challenged by me and by each other. I miss just the sheer fun that used to be a part of being a hack before all these dreadfully earnest, humor-free puritans took over the press: jokes, window views, silly videos, contests, puns, rickrolls, and so on. The most popular feature we ever ran was completely apolitical — The View From Your Window contest. It was as simple and humanizing as the current web is so fraught and dehumanizing. And in this era of COVID-19 isolation and despair, the need for a humane, tolerant, yet provocative and interesting, community is more urgent than ever.

So, yeah, after being prodded for years by Dishheads, I’m going to bring back the Dish.

I’ve long tried to figure out a way to have this kind of lively community without endangering my health and sanity. Which is why the Weekly Dish, which launches now, is where I’ve landed. The Weekly Dish will be hosted by Substack, a fantastic company that hosts an increasingly impressive number of individual free thinkers, like Jesse Singal and Matt Taibbi. There is a growing federation of independent thinkers and writers not subject to mainstream media’s increasingly narrow range of acceptable thought.

The initial basic formula — which, as with all things Dish, will no doubt evolve — is the following: this three-part column, with perhaps a couple of added short posts or features (I probably won’t be able to resist); a serious dissent section, where I can air real disagreement with my column, and engage with it constructively and civilly; a podcast, which I’ve long wanted to do, but never found a way to fit in; and yes, reader window views again, and the return of The View From Your Window contest. I’m able to do all this because Chris Bodenner, the guru of the Dish in-box and master of the Window View contest, is coming back to join me. He’ll select the dissents, as he long did, in ways that will put me on the spot.

Some have said that this good-faith engagement with lefty and liberal readers made me a better writer and thinker. And I think they’re right. Twitter has been bad for me; it’s just impossible to respond with the same care and nuance that I was able to at the Dish. And if we want to defend what’s left of liberal democracy, it’s not enough to expose and criticize the current model. We just need to model and practice liberal democracy better.

And that’s my larger hope and ambition. If the mainstream media will not host a diversity of opinion, or puts the “moral clarity” of some self-appointed saints before the goal of objectivity in reporting, if it treats writers as mere avatars for their race and gender or gender identity, rather than as unique individuals whose identity is largely irrelevant, then the nonmainstream needs to pick up the slack. What I hope to do at the Weekly Dish is to champion those younger writers who are increasingly shut out of the Establishment, to promote their blogs, articles, and podcasts, to link to them, and encourage them. I want to show them that they have a future in the American discourse. Instead of merely diagnosing the problem of illiberalism, I want to try to be part of the solution.

I’ll still probably piss you off, on a regular basis. “If liberty means anything at all it means the right to tell people what they do not want to hear,” as my journalistic mentor George Orwell put it. But I’ll also be directly accountable, and open to arguments that I, too, don’t want to hear but need to engage. And I hope to find readers who are fine with being pissed off — if it prompts them to reevaluate ideas.

If you believe in that vision or are simply interested in engaging a variety of ideas in a free-wheeling debate, then please join us. Those of you who were loyal Dishheads receive this column every Friday in an email, and you will get the same email next week directing you to the new Weekly Dish. If you are not on that list, or have not received an email lately, or have gotten to know me from my work at New York alone, you can add your name by clicking here.

The Weekly Dish will be free for a bit, while we iron out kinks and prep a podcast for the fall. But if you want to subscribe right away, or be a founding Weekly Dishhead, we’d love it, and it would help us enormously in getting this off the ground.

Dishness lives. All we’re waiting for is you.

See you next Friday.

Voir aussi:

Peak Jacobinism?

Even the woke eventually fear the guillotine. A few of its appeasers and abettors are becoming embarrassed by some of the outright racists and nihilists of BLM and the Maoists of Antifa — and their wannabe hangers-on who troll the Internet hoping to scalp some minor celebrity.

The woke rich too are worried over talk about substantial wealth, capital-gains, and income taxes, even though they have the resources to navigate around the legislation from their wink-and-nod brethren. Soon, even Hunter Biden and the Clintons could be checking in with their legal teams to see how much it will cost them to get around the Squad’s new tax plan.

The lines are thinning a bit for the guillotine. And the guillotiners are starting to panic as they glimpse faces of a restless mob always starved for something to top last night’s torching. Finally, even looters and arsonists get tired of doing the same old, same old each night. They get bored with the puerile bullhorn chants, the on-spec spray-paint defacement, and the petite fascists among them who hog the megaphones. For the lazy and bored, statue toppling — all of those ropes, those icky pry bars, those heavy sledgehammers, and so much pulling — becomes hard work, especially as the police, camera crews, and fisticuffs thin out on the ground. And the easy bronze and stone prey are now mostly rubble. Now it’s either the big, tough stuff like Mount Rushmore or the crazy targets like Lincoln and Frederick Douglass.

There are only so many ways for adult-adolescents to chant monotonously “Eat the Rich! Kill the Pigs! Black Lives Matter!” blah, blah, blah. And there are only so many Road Warrior Antifa ensembles of black hoodies, black masks, black pants, and black padding — before it all it ends up like just another shrill teachers’-union meeting in the school cafeteria or a prolonged adolescent Halloween prankster show.

Some 150 leftist writers and artists recently signed a letter attesting that they are suddenly wary of cancel culture. They want it stopped and prefer free speech. Of course, they first throat-cleared about the evil Trump, as if the president had surveilled Associated Press reporters, or sicced the FBI on a political campaign, or used CIA informants and foreign dossier-mongers to undermine a political opponent. And some petition signers soon retracted, with “I didn’t know what I was doing” apologies. Nonetheless, it was a small sign that not all of the liberal intelligentsia were going to sit still and wait for the mob to swallow them.

They learned well from #MeToo that, in the end, being emancipated, feminist, and woke did not mean that anyone accused of anything was protected by the Bill of Rights, statutes of limitations, the right to cross-examination, sincere apologies, and all that reactionary jazz, whether the accused was Al Franken or Garrison Keillor. Everyone else can also learn from #MeToo: As the revolution moved on from Brett Kavanaugh to Joe Biden himself, it went the way of the fading Jacobins. Tara Reid, after all, was tsked-tsked away in the old-boy “she’s lying” fashion. If not, then she might have empowered the evil Trump in his reelection bid.

The Lincoln County, Ore., authorities just backed off from their earlier homage to Jim Crow — they had issued an edict that all residents would be equal and wear masks in public except African Americans, who would be more equal than others and not be required to wear them. Even Oregon has standards?

The CEO of Goya, Robert Unanue, recently ignored calls to ruin his company — for his sin of praising the U.S. president. So far, he seems utterly unfazed by the pajama-boy mob.

The inveterate racist and anti-Semite Al Sharpton can’t decide whether he wants to dynamite Mount Rushmore or chisel Obama’s visage on it. How strange that the radical Left is divorcing the Democratic Party from all its iconic American referents and leaving them with nothing to replace them except painted slogans of Black Lives Matter on city streets, Kente-cloth shawls, and a Woodie Guthrie song or two. Bill de Blasio believes it is legal for a mayor to ban all public demonstrations — except those predicated on skin color, as he exempts Black Lives Matter outings. That Confederate idea may be too much even for the city’s liberals in hiding.

Seattle’s CHAZ/CHOP is gone. Warlord Raz Simone is back to his capitalist land-lording without even a citation for trespassing. Maybe former CHOP residents will get a discount at his Airbnb rentals.

The streets of our big cities are no longer a “summer of love” hate-fest targeting Donald Trump, but downright scary, given that murdering someone on sight is a COVID-get-out-of-jail-free crime. Blue-state officials green-lighted the multibillion-dollar wreckage and are now coming cup in hand, begging the Trump administration to pay for it. Their logic is: “Don’t dare send your damn troops to interrupt our beautiful looting and arson, but now please send your racist money for us to clean up the mess.”

In California, the jails and prisons are emptying, ostensibly because of the virus, in reality to enact a long-desired agenda of emptying and defunding prisons. As a result, you cannot find an automatic handgun in most California gun shops: The more left-wing a community, the harder to find a gun on the shelf. For what reason do liberals think liberals are buying guns?

COVID-19 is back for a while. The more the Left insists that millions in the streets for a month were not violating quarantines and had no effect on the second wave, the more protestors got infected and graciously went home to spread it to their more vulnerable relatives. Even leftists who were not infected know that this narrative is untrue and that their own demonstrations essentially ended the legitimacy of mass quarantining.

The hated police are slowing down in anticipation of early retirements, layoffs, and budget shortages. The logic is that going into the inner city is a trifecta losing proposition for them: Either get shot, or get accused, or get hated for doing your proper duty. De facto “community policing” seems to be operating in Atlanta, Chicago, and New York as murder spikes and shooters rediscover how it once worked out in Deadwood, Dodge City, and Tombstone. One can learn a lot about “community policing” by watching a 1950s Western in which “community leaders” plead for the outgunned sheriff to remove the accused from his jail cell and hand him over to the posse, which, with one minor lynching, would make it all go away.

How did woke Beverley Hills left-wing zillionaires respond to the Black Lives marcher shouting into their enclave “Eat the Rich”?

Try now politically correct tear gas.

When an Atherton or Georgetown liberal calls 911, will he now first say: “One, I am not an angry white person calling to rat out a suspect of color. Two, I am not calling to save my ‘brick and mortar’ property at the expense of the life of a marginalized victim. Three, I support defunding the police. And so, four, look — an individual of unknown appearance may kind of, sort of be shattering our bedroom window and could be pondering a felonious infraction. So could you send out a community facilitator to inquire?”

The Marxist-birthed Black Lives Matter now resembles Robespierre’s ridiculous Cult of the Supreme Being. So likewise it has become our new state-sponsored religion for America’s nonbelievers. All that is left is to set up a BLM statue on a man-made mountain in D.C. where all can take the knee.

Suddenly retired generals are growing quiet. It’s as if the much-reported “small number” of violent protesters somehow got really, really big. And they do not necessarily worship the military.

Or maybe promises of renaming Fort Bragg and tearing down the Lee statue at West Point strangely did not quite satisfy the architects of Black Lives Matter. It is, after all, a blink of an eye from “Defund the Police!” to “Defund the Military!” (How strange that retired four-star generals in their sixties and seventies suddenly discovered in late spring 2020 that their once hallowed bases a century ago were named after racist Confederate mediocrities. Who would have thought?)

If the chairman of the Joint Chiefs won’t even appear on camera with the commander in chief who restored a decrepit Pentagon budget, and the pantheon of retired military luminaries believes that proof of a Mussolini, Nazi, or fascist in the White House is to be found in the act of securing the southern U.S. border, or not staying another 20 years in Afghanistan, or not inserting American youth into the middle of Kurdish-Turkish bloodletting while inside Russian- and Iranian-occupied fascist Syria, then many might decide that the U.S. military should deal on its own with the defunding Left.

The NFL pulled a Joe Biden VP trick and prematurely promised to play the “black national anthem” at a few games so that all can stand in homage in racial solidarity and then all kneel in disrespect for the subsequent ecumenical national anthem.

Players can wear political insignia to remind incorrect viewers at home about how they are to think correctly. Will extra points be given for great passes and catches by the most woke?

NFL owners can’t yet fathom how they have conjured up a brilliant new way of destroying a 100-year heritage and an inherited huge audience. Is the message of the most non-diverse players to their most diverse fans now to be: “We don’t like your racist country and won’t stand for your toxic anthem, but you owe us to stay tuned for the commercial ads and to come out to the stadium to pay oppressed multimillionaires like us”?

Anyone who watches such an NFL game this fall might as just as well get it over with and enroll in a more honest North Korean–style reeducation camp. If that doesn’t work out, one can always tune in to the NBA preseason and hear more lectures from philosopher-king coach Steven Kerr, contextualizing the many reasons the NBA honors the power of Chinese Communist Party money.

As the cities turn into wastelands, children are gunned down, and careers are destroyed, fewer and fewer bore us by intoning that Trump is Mussolini, or that he resembles the operators of Auschwitz. Fewer still care about the spiraling tragic carnage of the inner cities — not Black Lives Matter, not the Squad, not Nancy Pelosi.

When will we see the BLM/Antifa/Democratic agenda spelled out in full? A new inheritance tax for the midlevel retiring Google executives? A yearly wealth tax on Beyoncé, Cher, and LeBron James? No more carbon foot-printing in a private jet for Barack and Michelle, or Bill and Hillary? Reparations for Maxine Waters? No police force for Pacific Heights?

Terrified inner-city dwellers can’t count on their progressive governors or mayors, or sympathetic billionaires, who will soon be able to hire politically incorrect ex-policemen at a bargain to beef up their private security patrols.

So the revolution is tiring, devouring its own, terrifying its enablers, embarrassing its abettors, and becoming worried that somewhere some courageous nobody might dare say, “You have done enough. Have you no sense of decency?”

The unhinged revolution is trying to make the U.S. into one big CHOP. Millions of Americans seem to be scrambling to avoid it, preferring instead to let the effort cannibalize itself at a safe distance — at least for now.

Voir également:

The Illiberal Liberal Media

As Bari Weiss’s departure confirms, the New York Times has narrowed its spectrum of allowable opinion.

Judith Miller

City Journal

July 14, 2020

What New York Times contributing editor and writer Bari Weiss recently called the “civil war” within the Times has just claimed another victim: Bari Weiss.

In a scathing open letter to publisher A. G. Sulzberger that instantly went viral on Twitter and other social media, Weiss asserted that she was resigning to protest the paper’s failure to defend her against internal and external bullying; senior editors’ abandonment of the paper’s ostensible commitment to publishing news and opinion that stray from an ideological orthodoxy; and the capitulation of many Times reporters and senior editors to the prevailing intolerance of far-Left mobs on Twitter, which she called the paper’s “ultimate editor.”

Weiss was apparently stripped of her role as editor, and not immediately offered another position; the implication that she was no longer welcome was clear. “The paper of record is, more and more, the record of those living in a distant galaxy, one whose concerns are profoundly removed from the lives of most people,” she wrote. “Nowadays, standing up for principle at the paper does not win plaudits. It puts a target on your back.”

Weiss did not respond to a request for comment. But friends and supporters said Tuesday that her decision was prompted in part by events surrounding the forced resignation last month of opinion editor James Bennet, to whom she reported during her three years at the Times. Bennet left the paper, and his deputy James Dao was demoted, after Times staffers revolted against their decision to publish an op-ed by Senator Tom Cotton arguing for deploying the military into U.S. cities to quell riots, if local law enforcement was unable to restore order. Many staffers protested the paper’s decision to give Cotton the powerful platform of the Times’s opinion page.

Some reporters argued that the conservative senator’s claims were contradicted by the paper’s own coverage, and that publishing the essay had endangered blacks, including minority reporters at the paper. Other Times staffers criticized Weiss’s characterization of the debate over Bennet’s publication of the Cotton op-ed as a “civil war” inside the Times between “the (mostly young) wokes” and “(mostly 40+) liberals,” reflecting a broader culture war throughout the country. Several staffers attacked her for having betrayed the paper by publicly describing its internal feuds.

In the aftermath of the Cotton episode, Weiss and many others quietly opposed the paper’s new “red flag” system, which effectively enables even junior editors to “stop or delay the publication of an article containing a controversial view or position,” as one senior editor characterized it.

Weiss has been a lightning rod ever since arriving from the Wall Street Journal, along with her friend, former colleague, and fellow columnist Bret Stephens, who declined to comment today on her resignation. Soon after joining the Times, she wrote a piece about a figure skater of Asian-American descent who was the first American woman to land a triple axel at the Olympics. She was attacked on Twitter after posting a story on the achievement, tweeting the line from the Hamilton musical “Immigrants get the job done”—but the skater was not an immigrant herself, merely the child of immigrants. Twitter exploded, accusing Weiss of “othering” an Asian-American woman.

At the Times, Weiss described herself as a centrist liberal concerned that far-Left critiques stifled free speech. She frequently wrote about anti-Semitism and the Women’s March and warned of the dangers of overly zealous proponents of #MeToo culture in a controversial column about comic Aziz Ansari, which inspired a skit on Saturday Night Live. One friend said that many of Weiss’s Times colleagues resented her because they envied her success. “She was a mid-level editor who made a splash and whose essays became the basis of Saturday Night Live skits,” the friend and former colleague said, asking not to be named.

In her letter, Weiss wrote that she had joined the paper to help publish “voices that would not otherwise appear in the paper of record, such as first-time writers, centrists, conservatives and others who would not naturally think of the Times as their home.” She had been hired, she wrote, after the paper failed to anticipate Donald Trump’s 2016 presidential election victory because it “didn’t have a firm grasp of the country it covers.” But after three years at the paper, she wrote in her open letter, Weiss had concluded, “with sadness,” that she could no longer perform this mission at the nation’s ostensible paper of record, given the bullying that she had experienced within the newsroom and the almost daily attacks on her, often from Times colleagues, on social media. She deplored the paper’s unwillingness to defend her or act to stop the online intimidation. “They have called me a Nazi and a racist; I have learned to brush off comments about how I’m ‘writing about the Jews again,’” she wrote.

Her criticism of Sulzberger rang true to several Times veterans, who note that he has been accused before of yielding to disgruntled liberal staff members. A publisher said to have intervened often in the paper’s news decisions, Sulzberger initially defended James Bennet and the decision to publish the Cotton op-ed, for instance. But faced with a staff revolt, he criticized the essay and the paper’s publication of it, saying that the editorial process had been too “rushed” and that the essay “did not meet our standards.”

Weiss’s departure was quickly hailed by her many critics within and outside of the paper on social media, among them Glenn Greenwald, who has called her a “hypocrite” for her alleged efforts to suppress Arab professors while in college, and for her defense of Israel and some of its controversial policies as a newspaper writer. But her stinging letter rang true to many others, among them former presidential aspirant Andrew Yang and talk-show host Bill Maher. “As a longtime reader who has in recent years read the paper with increasing dismay over just the reasons outlined here, I hope this letter finds receptive ears at the paper. But for the reasons outlined here, I doubt it,” Maher wrote on Twitter.

Her resignation was also lamented by such leading right-of-center thinkers as Glenn Loury. “What a shame—for the country, and on the Times,” wrote Loury, an economics professor at Brown University, in an email. Calling Weiss “courageous,” he added that while the climate she described at the paper was “no surprise,” that it had “driven her to this point is, indeed, shocking.” He also noted that Weiss was one of the few Times writers to sign the controversial “Harpers letter,” which he speculated might have been “the last straw” for the paper.

That letter, signed by over 150 academics, writers, and other intellectuals and artists, decried the “rising illiberalism” resulting not only from President Trump and his followers’ provocations, but also from what signatories called the growing “dogma and coercion” of those who oppose Trump. The rise of online mobs to suppress controversial views with which they disagree, said the letter, has become “a potent and possibly destructive force.” The signers deplored what they described as American liberals’ growing “intolerance of opposing views, a vogue for public shaming and ostracism, and the tendency to dissolve complex policy issues in a blinding moral certainty.”

Only one prominent Times reporter was quick to leap to Weiss’s defense. “It’s one thing that many of our readers and staff disagree with @bariweiss’ views—fine,” tweeted Rukmini Callimachi, an award-winning foreign correspondent and reporter. “But the fact that she has been openly bullied, not just on social media, but in internal slack channels is not okay.”

In a statement, acting editorial page editor Kathleen Kingbury said that the paper appreciated “the many contributions that Bari made to Times Opinion.” A Times spokesperson said that Sulzberger was not planning to issue a public response to Weiss’s letter. But given the evidently censorious climate at the paper of record these days, silence should not surprise us.

Voir de plus:

July 16, 2020

The intellectually intolerant mob claimed two high-profile victims Tuesday with the resignations of New York Times editor Bari Weiss and New York Magazine journalist Andrew Sullivan. These are just two examples of the deadly virus spreading through our public life: McCarthyism of the woke.

McCarthyism is the pejorative term liberals gave to the anti-communist crusades of 1950s-era Sen. Joseph McCarthy of Wisconsin. From his perch as chair of the Government Operations Committee, McCarthy launched a wave of investigations to ferret out supposed communist subversion of government agencies. Armed with his favorite question — “Are you now or have you ever been a member of the Communist Party?” — McCarthy terrorized his targets and silenced his critics. Thousands of people lost their jobs as a result, often based on nothing more than innuendo or chance associations.

The mob fervor extended to the state governments and the private sector, too. States enacted “loyalty oaths” requiring people employed by the government, including tenured university faculty members, to disavow “radical beliefs” or lose their jobs. Many refused and were fired. Hollywood notoriously rooted out real and suspected communists, creating the infamous “blacklist” of people who were informally barred from any work with Hollywood studios. The “red scare” even nearly toppled America’s favorite television star, Lucille Ball, who had registered to vote as a communist in the 1930s.

Today’s “cancel culture” is nothing more than McCarthyism in a woke costume. It stems from a noble goal — ending racial discrimination. Like its discredited cousin, however, it has transmogrified into something sinister and inimical to freedom. Battling racism is good and necessary; trying to suppress voices that one disagrees with is not. Woke McCarthyism goes wrong when it seeks to do the one thing that America has always sworn not to do: enforce uniformity of thought. Indeed, this principle, enshrined in the First Amendment, is so central to American national identity that it is one of the five quotes inscribed in the Jefferson Memorial: “I have sworn upon the altar of God eternal hostility against every form of tyranny over the mind of man.”

Weiss’s resignation letter describes numerous examples of her colleagues judging her guilty of “wrongthink” and trying to pressure superiors to fire or suppress her. She explains that “some coworkers insist I need to be rooted out if this company is to be a truly ‘inclusive’ one, while others post ax emojis next to my name.” Others, she wrote, called her a racist and a Nazi, or criticized her on Twitter without reprimand. She notes that this behavior, tolerated by the paper through its editors, constitutes “unlawful discrimination, hostile work environment, and constructive discharge.”

Sullivan’s reason for departure is less clear — though he said it is “self-evident.” He had publicly supported Weiss, writing: “The mob bullied and harassed a young woman for thoughtcrimes. And her editors stood by and watched.”

In other words, both Weiss and Sullivan — like so many others — seem to have left their jobs because they were targeted for refusing to conform to its ideas of right thinking. Do you now or have you ever thought that Donald Trump might make a good president? Congratulations, president of Goya Foods: Your company is boycotted. Are you now or have you ever been willing to publish works from a conservative U.S. senator that infuriated liberal Twitter? Former New York Times editor James Bennet, the bell tolls for thee.

The mob even sacrifices people whose only crime is familial connection on its altar. The stepmother of the Atlanta police officer who shot and killed Rayshard Brooks, Melissa Rolfe, was fired from her job at a mortgage lender because some employees felt uncomfortable working with her.

Such tactics work best when they force people to confess to seek repentance for the crimes they may or may not have committed. McCarthy knew this, and so he always offered lenience to suspected communists who would “name names” and turn in other supposed conspirators. The woke inquisition uses the same tactic, forcing those caught in its maw to renounce prior statements they find objectionable. NFL quarterback Drew Brees surrendered to the roar while noted leftists such as J.K. Rowling and Noam Chomsky are being pilloried for their defense of free speech.

McCarthy was enabled by a frightened and compliant center-right. They knew he was wrong, but they also knew the anti-communist cause was right and were unsure how to embrace the just cause and excise the zealous overreach. It wasn’t until McCarthy attacked the U.S. Army that one man, attorney Joseph Welch, had the courage to speak up. “Have you no decency, sir?” he said as McCarthy tried to slander a colleague. The bubble burst, and people found the inquisitorial emperor had no clothes. The Senate censured him in 1954, and McCarthy died in 1957, a broken man.

It won’t be as easy to defeat the woke movement. There isn’t one person whose humiliation will break the spell. This movement is deep, decentralized and widespread. But it can be beaten if someone’s courage can awaken the center-left as Welch’s did for the 1950s center-right.

Can Joe Biden be that person? If elected, he might have to as the frenzy shows no signs of abating on its own. But if a man who says he’s running to save the soul of America cannot defend America’s heart and soul, millions will have the right to ask him Welch’s immortal question: Have you no decency, sir?

Voir enfin:

Mark McCloskey & Patricia McCloskey: St. Louis Couple Pull Guns on Protesters
Emily Bicks
Heavy.com
Jun 30, 2020

Mark McCloskey and Patricia McCloskey are a St. Louis couple who were seen pointing guns at protesters who were walking by their home in St. Louis, Missouri, on June 28. The husband and wife, who work together as personal injury trial lawyers, came out of their house armed to prevent protesters from walking onto their property in the Forest Park area. Video and photos of the incident went viral on Twitter.

In the videos shared online, however, it doesn’t appear that anyone walking in Sunday’s protest calling for the resignation of St. Louis Mayor Lyda Krewson was trespassing on their palatial lawn or approached their house. While Mark McCloskey, 63, holds a large assault weapon and Patty McCloskey, 61, holds a handgun in the video, they end up pointing their weapons at each other while staring down protesters. While a video does show the protesters walking through a pedestrian gate next to signs that say “private street,” “no trespassing” and “access limited to residents,” witnesses have said the protesters were peaceful and did not approach the McCloskeys or go onto the lawn of the “Midwestern palazzo” where they live.

Another video shared on Twitter that has now been made unavailable showed Patty McCloskey holding her gun straight at passing protesters, one wearing a T-shirt that read, “Hands up, don’t shoot.”

The McCloskeys could not be reached for comment by Heavy. But Mark McCloskey told KSDK:

We were threatened with our lives, threatened with a house being burned down, my office building being burned down, even our dog’s life being threatened. It was, it was about as bad as it can get. I mean, those you know, I really thought it was Storming the Bastille that we would be dead and the house would be burned and there was nothing we could do about it. It was a huge and frightening crowd. And they were they broken the gate were coming at us.

Mark McCloskey told KMOV, “A mob of at least 100 smashed through the historic wrought iron gates of Portland Place, destroying them, rushed towards my home where my family was having dinner outside and put us in fear for our lives. “This is all private property. There are no public sidewalks or public streets. I was terrified that we’d be murdered within seconds, our house would be burned down, our pets would be killed. We were all alone facing an angry mob.”

St. Louis Police have not commented about whether an investigation into the incident is ongoing or if the couple could face charges. On social media, people have called for the McCloskeys to be arrested and have directed people to make complaints to the Missouri bar. According to BuzzFeed News, a St. Louis Police report identifies the couple as the victims in the incident and the news site reports the McCloskeys called police.

“The police report states that the couple contacted police ‘when they heard a loud commotion coming from the street’ and ‘observed a large group of subjects forcefully break an iron gate marked with ‘No Trespassing’ and ‘Private Street’ signs,’ BuzzFeed wrote. “Police said the couple claimed protesters were ‘yelling obscenities and threats of harm to both victims’ and that they brought out their guns when they ‘observed multiple subjects who were armed.’” Police didn’t say in the report if officers verified whether any protesters were armed or if weapons were pointed at the McCloskeys, according to BuzzFeed News. Krewson, the St. Louis mayor who was the target of the protest hasn’t commented about the incident.

Circuit Attorney Kim Gardner said in a statement an investigation into the incident is ongoing. Gardner said, ” I am alarmed at the events that occurred over the weekend, where peaceful protestors were met by guns and a violent assault. We must protect the right to peacefully protest, and any attempt to chill it through intimidation or threat of deadly force will not be tolerated.”

She added, “My office is currently working with the public and police to investigate these events. Make no mistake: we will not tolerate the use of force against those exercising their First Amendment rights, and will use the full power of Missouri law to hold people accountable.”

Here’s what you need to know about Mark and Patty McCloskey:


1. The McCloskeys Bought Their Million-Dollar Home at Portland Place in February 1988 & Were Profiled in a St.
Louis Magazine After Renovating It

The couple was featured in St. Louis Magazine for their impressive renovation of the famous estate in 1988. Now more than 30 years after purchasing the home, which was once owned by Edward and Anna Busch Faust — the son of a revered St. Louis restaurateur and daughter of the beer-making Busch family — they have restored the Renaissance palazzo back to its original glory.

Mark McCloskey told the magazine, “All the plumbing was made by Mott, which was the premiere manufacturer at the turn of the century, and all the door and window hardware was made by P.E. Guerin.” Patricia McCloskey noted “the glass in the windows” was from the second-floor reception hall at the 14th century Palazzo Davanzati in Florence, “and the shutters, at least the ironwork, are probably original.” The property is appraised at $1.15 million, according to St. Louis city property records.

Armed St. Louis Lawyers Confront Protesters – Riverfront TimesMark and Patricia McCloskey brandish guns at marchers in St. Louis’ Central West End. Video by Theo Welling/Riverfront Times2020-06-29T03:51:46Z

In 1992, the couple were involved in a “brouhaha” over cohabitation rules in the Portland Place neighborhood, according to an article from The St. Louis Post-Dispatch. Patty McCloskey was at the time a board member for the Portland Place homeowners’ association. She opposed a bylaw change to allow cohabitation in the HOA, which put the association in line with city law that doesn’t allow for discrimination.

Patty McCLoskey disputed claims made at the time by her opponents that she and her husband were trying to keep gay people out of the neighborhood. “This is insanity,” she told the newspaper. “It isn’t about gay-bashing. I want to enforce restrictions. … certain people on the street are renting their houses, and we couldn’t get a few of the trustees to agree to make a phone call and tell them it was inappropriate.” A neighbor, Dr. Saul Boyarsky, told the newspaper the McCloskeys were, “trying to preserve the exclusivity of the neighborhood.”

In videos on Sunday, the McCloskeys could be seen outside their million-dollar home with guns. While holding a rifle, Mark McCloskey can be heard yelling to the crowd, “Private property! Get out! Private property, get out!” Patricia McCloskey, holding a handgun, also yelled at the protesters. One person in the protest can be heard yelling back, “Calm down,” as others tell the group to keep moving and not engage with the couple. Another person can be heard saying, “Then call the f—— cops, you idiot!” and “It’s a public street.” The area where the McCloskeys live does have signs saying it is a private street. But it is not clear if Missouri law allows them to point guns at people for entering into the area.

Mark McCloskey told KSDK the protesters were on private property:

Everything inside the Portland Place gate is private property. There is nothing public in Portland Place. Being inside that gate is like being in my living room. There is no public anything in Portland Place. It is all private property. And you’ve got to appreciate that if there are two or three hundred people, I don’t know how many there were. We were told that 500 people showed up at the Lyda Krewson house, which is not on our street, as you know. But how many of them came through Portland Place? I don’t know. But it was a big crowd and they were aggressive, wearing body armor and screaming at us and threatening to harm us. And how they were going to be living in our house after they kill us.

He said he and his wife are “urban pioneers”:

And to call these people protesters either. I’ve lived in the City of St. Louis for 32 years. We were, you know, urban pioneers back when we bought on Portland Place in 1988. And we have done everything for 32 years to improve the neighborhood and to keep this historic neighborhood going. And it’s very frustrating to see it get targeted. And of course, we’d been told by the press and by Expect US, that they wanted to start targeting middle-class neighborhoods and upper-class neighborhoods and bring their revolution outside of the cities. And we got an email from our trustees on Thursday saying that they were going to do this on Friday. We’re very worried about it.

The full interview can be seen below:

Interview with man who pulled out gun amid protestST. LOUIS — Mark McCloskey said he and his wife Patricia appear in the now-viral photos of the protest in their Central West End neighborhood. McCloskey gave an interview to 5 On Your Side anchor Anne Allred. Below is the transcript of the interview Monday morning: Anne Allred: Tell me what happened last night. Mark McCloskey: We came back to the house. I don’t know what time it is, I’ve been up ever since. I’m a little, I’m a little blurry, but we were preparing dinner. We went out to the east patio, open porch that faces Kingshighway on one side and Portland Place Drive on the south, and we’re sitting down for dinner. We heard all this stuff going on down on Maryland Plaza. And then the mob started to move up Kingshighway, but it got parallel with the Kingshighway gate on Portland Place. Somebody forced the gate, and I stood up and announced that this is private property. Go back. I can’t remember in detail anymore. I went inside, I got a rifle. And when they … because as soon as I said this is private property, those words enraged the crowd. Horde, absolute horde came through the now smashed down gates coming right at the house. My house, my east patio was 40 feet from Portland Place Drive. And these people were right up in my face, scared to death. And then, I stood out there. The only thing we said is this is private property. Go back. Private property. Leave now. At that point, everybody got enraged. There were people wearing body armor. One person pulled out some loaded pistol magazine and clicked them together and said that you were next. We were threatened with our lives, threatened with a house being burned down, my office building being burned down, even our dog’s life being threatened. It was, it was about as bad as it can get. I mean, those you know, I really thought it was Storming the Bastille that we would be dead and the house would be burned and there was nothing we could do about it. It was a huge and frightening crowd. And they were they broken the gate were coming at us. Allred: There have been some reports on Twitter and people who say they were there. It says they are saying the gate was already broken. McCloskey: Yes. That is nonsense. Absolute nonsense. The gate was up, broken. The gate was broken physically in half. Our trustees on Portland Place came out later in the night and chained it all up with an automotive tow chain it looks like. But no, you can talk to the trustees on Portland Place. The gate was not broken in half and laying on the ground one second before they came in the storm. Allred: Were the protesters on your private property at any point? McCloskey: Everything inside the Portland Place gate is private property. There is nothing public in Portland Place. Being inside that gate is like being in my living room. There is no public anything in Portland Place. It is all private property. And you’ve got to appreciate that if there are two or three hundred people, I don’t know how many there were. We were told that 500 people showed up at the Lyda Krewson house, which is not on our street, as you know. But how many of them came through Portland Place? I don’t know. But it was a big crowd and they were aggressive, wearing body armor and screaming at us and threatening to harm us. And how they were going to be living in our house after they kill us. Allred: And what has happened since last night, and those images exploded online? McCloskey: Well, I’ve had to turn the phones off in my office, so I had to come over here last night and have the office boarded up because we’re getting threats against the building and everybody. It is interesting to me that the very people that are asking the mayor to resign for ‘doxxing’ people have now put all of my information all over the web, everywhere in the world. Is there some hypocrisy there? You know, maybe I’m maybe I’m missing something. But we’ve had to turn off our telephones here at the office because all my lines have been going continuously since I got here at 10:30 last night. I am getting thousands of emails. I going to have to turn off my website. And it’s all it’s been both threatening and encouraging because of the number of people who have voiced their support. But there’s also been an awful lot of people who have the very direct threats of violence against me and my family. Allred: And you said you’ve received death threats? McCloskey: Oh, God, yes. The death threats started within minutes. I mean, I don’t know how long this whole event started. But I’ll bet we got our first e-maildeath threats before the mob moved on from Portland Place. Allred: When you see the images online of you and your wife on the patio, armed now after the fact. What do you think? McCloskey: Well, you know, we were always obviously upset. My wife doesn’t know anything about guns, but she knows about being scared. And she grabbed a pistol and I had a rifle, and I was very, very careful I didn’t point the rifle at anybody.2020-06-29T18:37:04Z

The protesters on Sunday were not targeting the McCloskeys’ home, but were instead walking to the St. Louis mayor’s house. After Krewson listed the names and addresses of protesters looking to defund the police during a Facebook live interview, she offered a formal apology.

Krewson said in a statement, “I would like to apologize for identifying individuals who presented letters to me at City Hall as I was answering a routine question during one of my updates earlier today. While this is public information, I did not intend to cause distress or harm to anyone. The post has been removed and again, I sincerely apologize.”

However, the damage was already done, and St. Louis residents accused her of doxing protesters. She was also publicly called out by Tishaura O. Jones, the treasurer of St. Louis, and St. Louis Alderwoman Megan Ellyia Green.

On Sunday, as reported by KMOV4, around 300 protesters chanted “resign Lyda, take the cops with you,” while marching toward her home in the Central West End.


2. The Couple, Who Have Been Married Since 1985 & Run the McCloskey Law Center, Located Inside the Historic Nieman Mansion, Met While Studying at SMU Law School

Medical Malpractice Litigation: Today’s realitySt. Louis Medical Malpractice Lawyer Mark T. McCloskey discusses what you are up against if you are injured or a relative is killed through medical negligence or mistake.2015-07-16T19:08:28Z

As stated on their website, the McCloskeys, “have devoted their professional careers to assisting those sustaining serious traumatic brain injury, neck, back, spinal cord and other serious, disabling or fatal neurological injuries. The goal of our practice is to provide those sustaining such devastating injuries, or the survivors of those killed as a result of such devastating injuries, with meaningful compensation.

“We strive to provide the seriously injured and their survivors with a means to having as full and as comfortable a life as possible by obtaining every penny of reasonable compensation for their injuries and losses.”

They started their law firm, McCloskey, P.C., in 1994, according to Mark McCloskey’s LinkedIn profile. McCloskey writes on his LinkedIn profile:

We have focused our practice on the representation of individuals suffering brain/head injury, spinal cord injury, birth injuries, and all other serious injuries as the result of the negligence of others for over 29 years. If you have suffered devastating injury or the loss of a loved one as the result of car wrecks, airplane crash, medical errors, dangerous or defective products or machines, explosion, fire, falls, or through any other causes, let us help you put your lives back together. ‘If it wasn’t your fault, why are you paying for it?’

Mark and Patricia McCloskey have been married since 1985 and have one adult daughter, according to their website and social media profiles. They met while studying at the Southern Methodist University Law School. They both graduated from SMU Law.

Niemann Mansion: the home of the McCloskey Law CenterMark T. McCloskey and the McCloskey Law Center invite you to explore our office in the historic Niemann Mansion, an 1887 German style home in the Central West End of St. Louis which we have restored to its period splendor.2015-07-16T20:00:58Z

Their office is located inside the historic Nieman Mansion in St. Louis’ Central West End, which the McCloskeys have also restored.


3. Mark McCloskey, Who Has Been an Attorney Since 1986, Represents a Victim of Police Brutality

welcome to the courtroomWelcome to the McCloskey Law Center. For over a quarter of a century we have devoted our professional careers to helping victims and families who have suffered catastrophic loss, injury, death due to the negligence of others, dangerous machines and products, and almost any other unsafe practice or, structure or act. If we can be of assistance to you, please call us at (314) 721-4000 OR (800)835-46812015-07-16T14:18:00Z

Mark McCloskey graduated magna cum laude from Southern Methodist University in Dallas in 1982, where he studied sociology, criminal justice and psychology before attending the Southern Methodist University of Law in 1985. He is a Missouri native and graduated from Mary Institute and Saint Louis Country Day School in Ladue, Missouri, in 1975, according to his Facebook profile.

On his law firm’s website, McCloskey is described as, “an AV rated attorney who has been nominated for dozens of awards and honors and has been voted by his peers for memberships to many exclusive ‘top rated lawyer’ and ‘multimillion dollar lawyer’ associations throughout the country.” The website also notes McCloskey has appeared on in the media, including KSDK in St. Louis and Fox News. The website states, “several of his cases have been cited in national legal publications as the highest verdicts recovered in the country for those particular injuries.” McCloskey’s profile also says:

Since 1986, he has exclusively represented individuals seriously injured as a result of accidents, medical malpractice, defective products, and the negligence of others. For the past 21 years, his firm has concentrated on the representation of people injured or killed through traumatic brain injuries, neck, back or other significant neurological or orthopedic injury.

Mark T. McCloskey is licensed to practice law in the state and federal courts of Missouri, Illinois, Texas and the Federal Courts of Nebraska. Additionally, he has represented individuals injured through medical malpractice, dangerous products, automobiles, cars, motorcycles, boats, defective hand guns, airplane crashes, explosions, electrocution, falls, assaults, rapes, poisoning, fires, inadequate security, premises liability, dram shop liability (serving intoxicating patrons), excessive force by police, construction accidents, and negligent maintenance of premises (including retail establishments, parking lots, government property, homes, schools, playgrounds, apartments, commercial operations, parks and recreational facilities) for the past 30 years and has filed and tried personal injury lawsuits in over 28 states.

McCloskey is representing a victim of police brutality in a lawsuit against a Missouri police department and officer. According to the Associated Press, David Maas, a Woodson Terrace Police officer at the time, was caught on dashcam video appearing to assault a man and was indicted on a federal charge in March.

For the incident, which took place in April 2019, Maas was charged with one count of deprivation fo rights under color of law, according to the U.S. attorney’s office. The victim was identified by the initials, “I.F.,” which matches the 2019 civil lawsuit brought by Isaiah Forman, the AP reported. Maas is accused of kicking Forman, who is black, while he was surrendering.

“I’m glad that the law enforcement agencies are subject to the same standard as everybody else,” Mark McCloskey, said to the AP.

On his Facebook page, McCloskey defended the jury’s decision in the 2011 case against Casey Anthony, who was accused of murder in the death of her daughter. McCloskey wrote on Facebook after the controversial 2011 verdict, “thank God that the jury saw through all the hype and found there WAS in fact not enough evidence on this case. Stop your crazy RAILING after you’ve spent so much time trying this girl in the media.”

Mark McCloskey is also a member of a St. Louis Lamborghini club.

In 1993, Mark McCloskey wrote a letter to the editor about crime in St. Louis. He wrote, “the reason high-income people leave the city, and why I can’t talk my friends into moving in, is crime. Why live where your life is at risk, where you are affronted by thugs, bums, drug addicts and punks when you can afford not to. What St. Louis can do without are the murderers, beggars, drug addicts and street corner drunks. St. Louis needs more people of substance and fewer of subsistence.”


4. Patricia McCloskey Is Originally From Pennsylvania & Studied at Penn State Before Attending SMU Law School

According to her Facebook profile, Patricia Novak McCloskey is a native of Industry, Pennsylvania, where she graduated from Western Beaver High School in 1977. McCloskey then studied at Penn State University, graduating in 1982 with a degree in labor studies and a minor in Spanish. She, like her husband, attended SMU Law School in Dallas, graduating in 1986.

According to their law firm’s website, “Patricia N. McCloskey is a Phi Beta Kappa, Summa Cum Laude graduate of Pennsylvania State University, graduating first in her class and with the highest cumulative average in her department in forty-seven years. Patricia N. McCloskey is also a graduate of Southern Methodist University School of Law, which she completed while simultaneously working full time and still graduating in the top quarter of her class.” The website adds:

After several years working with a major law firm in St. Louis on the defense side, she moved to representation of the injured. Since 1994, she has exclusively represented those injured by the negligence of others with Mark McCloskey. She has acted in various roles in the community including being a past Board Member of Therapeutic Horsemanship, a law student mentor, a member of the Missouri Bar Association ethical review panel and a St. Louis city committee woman.

Patricia McCloskey has extensive trial experience in personal injury and wrongful death cases arising out of all aspects of negligence, including traumatic brain injury, products liability and product defect, medical malpractice, wrongful death, neck, back and spinal cord injuries, motor vehicle collisions, motorcycle collisions, airplane crashes, and many others as set forth further

Patricia McCloskey is licensed to practice law in Missouri and Illinois, according to the law firm’s website.


5. The McCloskeys Were Given the Meme Treatment on Twitter

Thousands of online users slammed Mark and Patty McCloskey not only for pulling out firearms against peaceful protesters but for the way they incorrectly held their weapons, for running out of their home barefoot, for Mark’s salmon-colored shirt, and more.

While some Twitter members remade popular movie posters to feature the personal injury lawyers, others wondered if the trial attorneys broke the law by pointing their weapons at the protesters. Don Calloway tweeted, “A fellow lawyer from Missouri, a guy I know named Mark McCloskey committed an assault tonight in STL by pointing his AR 15 at peaceful protesters. He should be arrested and charged with assault immediately. The MO Bar should revoke their licenses.”

The McCloskeys also had their share of supporters online. One man tweeted, “The same people destroying private property and threatening residents wonder why residents are coming out of their homes with AR-15’s…? Lmao.” Ryan Fournier, founder of Students for Trump, tweeted, “God Bless the couple in St. Louis who stood their ground and defended their property. God Bless the Second Amendment.”

While some on social media have claimed the McCloskeys are registered Democrats, it was not immediately possible to determine whether the couple are actually registered as Democrats or if they are registered Republicans. But Federal Election Commission records show Mark McCloskey has contributed thousands of dollars to the Trump Make America Great Again Committee, the Republican National Committee and Donald J. Trump for President Inc. He also made contributions to a Republican congressional candidate, Bill Phelps, in 1996, and to the Bush-Quayle campaign in 1992.

Patricia McCloskey also made a contribution to the RNC in 2018 and to a Republican Senate dinner in 1988.

Voir par ailleurs:

« L’Amérique vit un nouveau Moyen Âge, avec son oligarchie, ses clercs et son dogme »

GRAND ENTRETIEN – Notre monde est entré «dans un nouveau Moyen Âge» version high-tech, marqué par un accroissement inquiétant des inégalités, avertit le géographe Joel Kotkin.
Laure Mandeville
Le Figaro
16/07/2020

«Le Meilleur des mondes» décrit par Aldous Huxley serait-il en train de pointer le nez sur les côtes de Californie et de gagner l’Amérique? Dans son nouveau livre, L’Avènement du néo-féodalisme, le géographe américain Joel Kotkin, cousin californien du géographe français Christophe Guilluy, qui scrute depuis des années avec inquiétude la destruction des classes moyennes à la faveur de la délocalisation et de la financiarisation de l’économie, s’interroge sur la «tyrannie» que dessine l’émergence d’une oligarchie ultra-puissante et contrôlant une technologie envahissante.

Joel Kotkin décrit l’alliance de l’oligarchie de la Silicon Valley, composée de quelques milliardaires passionnés de transhumanisme, et persuadés que la technologie est la réponse à tous les problèmes, avec une classe intellectuelle de «clercs» qui se comporte comme un «nouveau clergé» et instaure de nouveaux dogmes – sur la globalisation, le genre, «le privilège blanc» – avec une ferveur toute religieuse. Il devient dangereux d’exprimer ses désaccords, regrette cet ancien social-démocrate, qui explique ne plus avoir sa place à gauche. Une situation d’intolérance que le départ fracassant de la journaliste Bari Weiss du New York Times , forcée de quitter le navire sous la pression de pairs devenus «censeurs», vient d’illustrer avec éloquence.

LE FIGARO. – Vous publiez L’Avènement du néo-féodalisme*, un ouvrage qui décrit l’émergence en Amérique, et plus encore en Chine, en Europe et même au Japon, d’un système caractérisé par une concentration de plus en plus inégalitaire de la richesse et du pouvoir entre les mains d’une petite minorité de «seigneurs» de la tech et de la finance. Retournons-nous vraiment au Moyen Âge version high-tech ?

Joel KOTKIN. – Nous vivons effectivement une époque qui rappelle le Moyen Âge avec son oligarchie, ses clercs et son dogme. Une sorte d’aristocratie de la tech a émergé et a fait alliance avec la classe intellectuelle, pour mettre en place une nouvelle vision de la société, qui a pour ambition de remplacer les valeurs plus traditionnelles portées depuis l’après-guerre par la classe moyenne. Tout l’enjeu futur de la politique est de savoir si «le tiers état» d’aujourd’hui – les classes moyennes paupérisées et les classes populaires – se soumettra à leur contrôle. Nous sommes entrés dans le paradigme d’une oligarchie concentrant la richesse nationale à un point jamais atteint à l’époque contemporaine. Cinq compagnies détiennent l’essentiel de la richesse nationale en Amérique! Une poignée de patrons de la tech et «leurs chiens de garde» de la finance, contrôlent chacun des fortunes de dizaines de milliards de dollars en moyenne et ils ont à peine 40 ans, ce qui veut dire que nous allons devoir vivre avec eux et leur influence pour tout le reste de nos vies!

La globalisation et la financiarisation ont été des facteurs majeurs de cette concentration effrénée de la richesse. La délocalisation de l’industrie vers la Chine a coûté 1,5 million d’emplois manufacturiers au Royaume-Uni, et 3,4 millions à l’Amérique. Les PME, les entreprises familiales, l’artisanat, ont été massivement détruits, débouchant sur une paupérisation des classes moyennes, qui étaient le cœur du modèle capitaliste libéral américain. La crise du coronavirus a accéléré la tendance. Les compagnies de la tech sortent grandes gagnantes de l’épreuve. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, vient juste d’annoncer que sa capitalisation a progressé de 30 milliards de dollars alors que les petites compagnies se noient! Les inégalités de classe ne font que s’accélérer, avec une élite intellectuelle et managériale qui s’en sort très bien – les fameux clercs qui peuvent travailler à distance – , et le reste de la classe moyenne qui s’appauvrit. Les classes populaires, elles, ont subi le virus de plein fouet, ont bien plus de risques de l’attraper, ont souffert du confinement dans leurs petits appartements, et ont pour beaucoup perdu leur travail. C’est un tableau très sombre qui émerge avec une caste de puissants ultra-étroite et de «nouveaux serfs», sans rien de substantiel entre les deux: 70 % des Américains estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux.
La destruction systématique de notre passé est très dangereuse. Cela nous ramène à l’esprit de la Révolution culturelle chinoise. Si l’on continue, il n’y aura plus que des tribus

Vous écrivez que la Silicon Valley est une sorte de laboratoire futuriste de ce qui attend l’Amérique. Votre description ne donne pas envie…

La Silicon Valley, jadis une terre promise des self-made-men est devenue le visage de l’inégalité et des nouvelles forteresses industrielles. Les géants technologiques comme Google ou Facebook ont tué la culture des start-up née dans les garages californiens dans les années 1970 et qui a perduré jusque dans les années 1990, car ils siphonnent toute l’innovation. Je suis évidemment pour la défense de l’environnement, mais l’idéologie verte très radicale qui prévaut en Californie avantage aussi les grandes compagnies qui seules peuvent survivre aux régulations environnementales drastiques, alors que les PME n’y résistent pas ou s’en vont ailleurs. On sous-estime cet aspect socio-économique de la «transition écologique», qui exclut les classes populaires et explique par exemple vos «gilets jaunes», comme le raconte le géographe Christophe Guilluy. Vu la concentration de richesses, l’immobilier californien a atteint des prix records et les classes populaires ont été boutées hors de San Francisco, pourtant un bastion du «progressisme» politique. La ville, qui se veut l’avant-garde de l’antiracisme et abritait jadis une communauté afro-américaine très vivante, n’a pratiquement plus d’habitants noirs, à peine 5 %, un autre paradoxe du progressisme actuel.

Vous parlez d’alliance de cette oligarchie avec de nouveaux clercs, presque un nouveau «clergé», gardien des nouveaux «dogmes». Que voulez-vous dire?

Il y a un vrai parallèle entre la situation d’aujourd’hui et l’alliance de l’aristocratie et du clergé avant la Révolution française. Et cela vaut pour tous les pays occidentaux. Ces clercs rassemblent les élites intellectuelles d’aujourd’hui, qui sont presque toutes situées à gauche. Si je les nomme ainsi, c’est pour souligner le caractère presque religieux de l’orthodoxie qu’elles entendent imposer, comme jadis l’Église catholique. Au XIIIe siècle, à l’université de Paris, personne n’aurait osé douter de l’existence de Dieu. Aujourd’hui, personne n’ose contester sans risque les nouveaux dogmes, j’en sais quelque chose. Je suis pourtant loin d’être conservateur, je suis un social-démocrate de la vieille école, qui juge les inégalités de classe plus pertinentes que les questions d’identité, de genre, mais il n’y a plus de place pour des gens comme moi dans l’univers mental et politique de ces élites. Elles entendent remplacer les valeurs de la famille et de la liberté individuelle qui ont fait le succès de l’Amérique après-guerre et la prospérité de la classe moyenne, par un credo qui allie défense du globalisme, justice sociale (définie comme la défense des minorités raciales et sexuelles, NDLR), modèle de développement durable imposé par le haut et redéfinition des rôles familiaux. Elles affirment que le développement durable est plus important que la croissance qui permettait de sortir les classes populaires de la pauvreté. Ce point créera une vraie tension sociale. Ce qui est frappant, c’est l’uniformité de ce «clergé».

Parmi les journalistes, seulement 7 % se disent républicains. C’est la même chose, voire pire, dans les universités, le cinéma, la musique. On n’a plus le droit d’être en désaccord avec quoi que ce soit! Écrire que le problème de la communauté noire est plus un problème socio-économique que racial, est devenu risqué, et peut vous faire traiter de raciste! J’ai travaillé longtemps comme journaliste avant d’enseigner, et notamment pour le Washington Post, le Los Angeles Times et d’autres… Il arrive que j’y trouve encore de très bons papiers, mais dans l’ensemble, je ne peux plus les lire tellement ils sont biaisés sur les sujets liés à la question raciale, à Trump ou à la politique! Je n’ai aucune sympathie pour Donald Trump, que je juge toxique, mais la haine qu’il suscite va trop loin. On voit se développer un journalisme d’opinion penchant à gauche, qui mène à ce que la Rand Corporation (une institution de recherche prestigieuse, fondée initialement pour les besoins de l’armée américaine, NDLR) qualifie de «décomposition de la vérité».

Je dois dire avoir aussi été très choqué par le «projet 1619» (ce projet affirme que l’origine de l’Amérique n’est pas 1776 et la proclamation de l’Indépendance, mais 1619 avec l’arrivée de bateaux d’esclaves sur les côtes américaines, NDLR), lancé par le New York Times, qui veut démontrer que toute l’histoire américaine est celle d’un pays raciste. Oui l’esclavage a été une chose horrible, mais les succès et progrès américains ne peuvent être niés au nom des crimes commis. Je n’ai rien contre le fait de déboulonner les généraux confédérés, qui ont combattu pour le Sud esclavagiste. Mais vouloir déboulonner le général Ulysse Grant, grand vainqueur des confédérés, ou encore George Washington, est absurde. La destruction systématique de notre passé, et du sens de ce qui nous tient ensemble, est très dangereuse. Cela nous ramène à l’esprit de la Révolution culturelle chinoise. Si l’on continue, il n’y aura plus que des tribus.

Vous soulignez le danger particulier de l’alliance de l’oligarchie de la tech et des élites, en raison du rôle croissant de la technologie…

Je crois que c’est Huxley qui dans Le Meilleur des mondes, affirme qu’une tyrannie appuyée sur la technologie ne peut être défaite. La puissance des oligarchies et des élites culturelles actuelles est renforcée par le rôle croissant de la technologie, qui augmente le degré de contrôle de ce que nous pensons, lisons, écoutons… Quand internet est apparu, il a suscité un immense espoir. On pensait qu’il ouvrirait une ère de liberté fertile pour les idées, mais c’est au contraire devenu un instrument de contrôle de l’information et de la pensée! Même si les blogs qui prolifèrent confèrent une apparence de démocratie et de diversité, la réalité actuelle c’est quelques compagnies basées dans la Silicon Valley qui exercent un contrôle de plus en plus lourd sur le flux d’informations. Près des deux tiers des jeunes s’informent sur les réseaux sociaux. De plus, Google, Facebook, Amazon sont en train de racheter les restes des médias traditionnels qu’ils n’ont pas tués. Ils contrôlent les studios de production de films, YouTube… Henry Ford et Andrew Carnegie n’étaient pas des gentils, mais ils ne vous disaient pas ce que vous deviez penser.
Trump va avoir du mal à gagner. Il pourrait revenir si une forme de rebond économique se dessine ou s’il s’avérait évident que Joe Biden n’a plus toutes ses capacités intellectuelles

Et que pensent ces nouveaux oligarques du XXIe siècle?

Ils sont persuadés que tous les problèmes ont une réponse technologique. Ce sont des techniciens brillants, grands adeptes du transhumanisme, peu préoccupés par la baisse de la natalité ou la question de la mobilité sociale, et bien plus déconnectés des classes populaires que les patrons d’entreprises sidérurgiques d’antan. Leur niveau d’ignorance sur le plan historique ou littéraire est abyssal, et en ce sens, ils sont sans doute plus effrayants encore que l’aristocratie d’Ancien Régime. De plus, se concentrer sur les sujets symboliques comme le genre, les transgenres, le changement climatique, leur permet d’évacuer les sujets de «classe», qui pourraient menacer leur pouvoir.

Que pensez-vous de la bataille entre Zuckerberg, qui a refusé de bannir les tweets de Trump, et les autres grands patrons de la tech, qui veulent bannir «les mauvaises pensées»?

Je pense que Zuckerberg a eu raison et qu’il a du courage, mais il semble être poussé à adopter un rôle de censeur. Un auteur que je connais, environnementaliste dissident, vient de voir sa page Facebook supprimée. C’est une tendance dangereuse, car laisser à quelques groupes privés le pouvoir de contrôler l’information, ouvre la voie à la tyrannie. Cela me ramène au thème central de ce livre qui se veut un manifeste en faveur de la classe moyenne, menacée de destruction après avoir été le pilier de nos démocraties. La démocratie est fondamentalement liée à la dispersion de la propriété privée. C’est pour cela que j’ai toujours eu de l’admiration pour les Pays-Bas, pays qui a toujours créé de la terre, en gagnant sur la mer, et a donc toujours assuré la croissance de sa classe moyenne. Quand cela cesse et que la richesse se concentre entre quelques mains, on revient à un contrôle de la société par le haut, qu’il soit établi par des régimes de droite ou de gauche.

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Face à cette réalité, Trump et la rébellion anti-élites qui le porte pourraient-ils gagner à nouveau?

Trump est un idiot et un type détestable, qui, je l’espère, sera désavoué, car il suscite beaucoup de tensions négatives. Mais je n’ai jamais vu un président traité comme il l’a été. La volonté de le destituer était déjà envisagée avant même qu’il ait mis un pied à la Maison-Blanche! Je pense aussi que la presse n’est pas honnête à son sujet. Prenons par exemple son discours au mont Rushmore, l’un des meilleurs qu’il ait faits, et dans lequel il tente de réconcilier un soutien au besoin de justice raciale, et la défense du patrimoine américain. Il y a cité beaucoup de personnages importants comme Frederick Douglass ou Harriet Tubman, mais la presse n’en a pas moins rapporté qu’il s’agissait d’un discours raciste, destiné à rallier les suprémacistes blancs! On l’accuse de tyrannie, mais la plus grande tyrannie qui nous menace est l’alliance des oligarques et des clercs. Le seul avantage de Trump, c’est d’être un contre-pouvoir face à eux. Malheureusement, cela ne signifie pas qu’il ait une vision cohérente. Surtout, il divise terriblement le pays, or nous avons besoin d’une forme d’unité minimale.

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Je dirais à ce stade que Trump va avoir du mal à gagner – j’évalue ses chances à une sur trois. Il pourrait revenir si une forme de rebond économique se dessine ou s’il s’avérait évident que Joe Biden n’a plus toutes ses capacités intellectuelles. Si les démocrates l’emportent, ma prédiction est qu’ils en feront trop, et qu’une nouvelle rébellion, qui nous fera regretter Trump, surgira en boomerang. À moins qu’une nouvelle génération de jeunes conservateurs – comme Josh Hawley, JD Vance ou Marco Rubio – capables de défendre les classes populaires tout en faisant obstacle à la révolution culturelle de la gauche, ne finisse par émerger. J’aimerais aussi voir un mouvement remettant vraiment le social à l’honneur se dessiner à gauche, mais je n’y crois pas trop, vu l’obsession de l’identité… Ce qui est sûr, c’est que l’esprit de 2016 et des «gilets jaunes» ne va pas disparaître. Regardez ce qui s’est passé en Australie: on pensait que les travaillistes gagneraient, mais ce sont les populistes qui ont raflé la mise, parce que la gauche verte était devenue tellement anti-industrielle, que les classes populaires l’ont désertée!

* The Coming of Neo-Feudalism: A Warning to the Global Middle Class, Joel Kotkin, Hardcover, 288 p., $20,65.


Guerre culturelle: L’Amérique a la rage – et c’est nous qui lui avons donnée ! (From Plato to NATO, Western Civ has got to go: Was it the course in Western civilization or Western civilization itself that had to go ?)

4 juillet, 2020

From Plato to NATO: The Idea of the West and Its Opponents: Gress ...https://mobile.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L768xH1047/French_Theory-b41ed.jpg

The star athlete and activist took to Twitter to share the powerful rejection, along with a video of actor James Earl Jones reciting Frederick Douglass's renowned speech 'What to the Slave Is the 4th of July?'
 
 
President Trump at Mount Rushmore on Friday.Il faut se rappeler que les chefs militaires allemands jouaient un jeu désespéré. Néanmoins, ce fut avec un sentiment d’effroi qu’ils tournèrent contre la Russie la plus affreuse de toutes les armes. Ils firent transporter Lénine, de Suisse en Russie, comme un bacille de la peste, dans un wagon plombé. Winston Churchill
Quand Freud est arrivé aux États-Unis, en voyant New York il a dit: « Je leur apporte la peste. » Il avait tort. Les Américains n’ont eu aucun mal à digérer une psychanalyse vite américanisée. Mais en 1966, nous avons vraiment apporté la peste avec Lacan et la déconstruction… du moins dans les universités! Au point que je me suis senti soudain aussi étranger à Johns Hopkins qu’à Avignon au milieu de mes amis post-surréalistes. Un an plus tard, la déconstruction était déjà à la mode. Cela me mettait mal à l’aise. C’est la raison pour laquelle je suis parti pour Buffalo en 1968. René Girard
Il faut se souvenir que le nazisme s’est lui-même présenté comme une lutte contre la violence: c’est en se posant en victime du traité de Versailles que Hitler a gagné son pouvoir. Et le communisme lui aussi s’est présenté comme une défense des victimes. Désormais, c’est donc seulement au nom de la lutte contre la violence qu’on peut commettre la violence. Autrement dit, la problématique judaïque et chrétienne est toujours incorporée à nos déviations. René Girard
Debout ! les damnés de la terre ! Debout ! les forçats de la faim ! La raison tonne en son cratère, C’est l’éruption de la fin. Du passé faisons table rase, Foule esclave, debout ! debout ! Le monde va changer de base : Nous ne sommes rien, soyons tout ! C’est la lutte finale Groupons-nous, et demain, L’Internationale, Sera le genre humain. Eugène Pottier (1871)
Puisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience. Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté, parce qu’il était  nègre, de le réduire à l’état  de  bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître  pour un homme. Or il n’est pas ici d’échappatoire, ni de tricherie, ni de « passage de ligne  » qu’il puisse envisager : un Juif, blanc parmi les  blancs, peut nier qu’il  soit juif, se déclarer un homme parmi les hommes. Le nègre ne peut  nier qu’il  soit  nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Ainsi est-il acculé à l’authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse  le  mot de « nègre » qu’on lui a  jeté comme une pierre, il se revendique  comme noir, en face du blanc, dans la fierté. L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés  dans le même combat doit être  précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme  antiraciste est le  seul chemin qui puisse  mener à l’abolition  des  différences de race. Jean-Paul Sartre (Orphée noir, 1948)
Attention, l’Amérique a la rage (…) La science se développe partout au même rythme et la fabrication des bombes est affaire de potentiel industriel. En tuant les Rosenberg, vous avez tout simplement essayé d’arrêter les progrès de la science. (…) Vous nous avez déjà fait le coup avec Sacco et Vanzetti et il a réussi. Cette fois, il ne réussira pas. Vous rappelez-vous Nuremberg et votre théorie de la responsabilité collective. Eh bien ! C’est à vous aujourd’hui qu’il faut l’appliquer. Vous êtes collectivement responsables de la mort des Rosenberg, les uns pour avoir provoqué ce meurtre, les autres pour l’avoir laissé commettre. Jean-Paul Sartre (« Les animaux malades de la rage », Libération, 22 juin 1953)
Notre nation fait face à une campagne visant à effacer notre histoire, diffamer nos héros, supprimer nos valeurs et endoctriner nos enfants. (…) Le désordre violent que nous avons vu dans nos rues et nos villes qui sont dirigées par des libéraux démocrates dans tous les cas est le résultat d’années d’endoctrinement extrême et de partialité dans l’éducation, le journalisme et d’autres institutions culturelles. (…) Nous croyons en l’égalité des chances, une justice égale et un traitement égal pour les citoyens de toutes races, origines, religions et croyances. Chaque enfant, de chaque couleur – né et à naître – est fait à l’image sainte de Dieu. Donald Trump
Our nation is witnessing a merciless campaign to wipe out our history, defame our heroes, erase our values, and indoctrinate our children. Angry mobs are trying to tear down statues of our Founders, deface our most sacred memorials, and unleash a wave of violent crime in our cities. Many of these people have no idea why they are doing this, but some know exactly what they are doing. They think the American people are weak and soft and submissive. But no, the American people are strong and proud, and they will not allow our country, and all of its values, history, and culture, to be taken from them. One of their political weapons is “Cancel Culture” — driving people from their jobs, shaming dissenters, and demanding total submission from anyone who disagrees. This is the very definition of totalitarianism, and it is completely alien to our culture and our values, and it has absolutely no place in the United States of America. (…) In our schools, our newsrooms, even our corporate boardrooms, there is a new far-left fascism that demands absolute allegiance. If you do not speak its language, perform its rituals, recite its mantras, and follow its commandments, then you will be censored, banished, blacklisted, persecuted, and punished. (…) Make no mistake: this left-wing cultural revolution is designed to overthrow the American Revolution. In so doing, they would destroy the very civilization that rescued billions from poverty, disease, violence, and hunger, and that lifted humanity to new heights of achievement, discovery, and progress. To make this possible, they are determined to tear down every statue, symbol, and memory of our national heritage. Our people have a great memory. They will never forget the destruction of statues and monuments to George Washington, Abraham Lincoln, Ulysses S. Grant, abolitionists, and many others. The violent mayhem we have seen in the streets of cities that are run by liberal Democrats, in every case, is the predictable result of years of extreme indoctrination and bias in education, journalism, and other cultural institutions. Against every law of society and nature, our children are taught in school to hate their own country, and to believe that the men and women who built it were not heroes, but that were villains. The radical view of American history is a web of lies — all perspective is removed, every virtue is obscured, every motive is twisted, every fact is distorted, and every flaw is magnified until the history is purged and the record is disfigured beyond all recognition. This movement is openly attacking the legacies of every person on Mount Rushmore. They defile the memory of Washington, Jefferson, Lincoln, and Roosevelt. Today, we will set history and history’s record straight. (….) We believe in equal opportunity, equal justice, and equal treatment for citizens of every race, background, religion, and creed. Every child, of every color — born and unborn — is made in the holy image of God. We want free and open debate, not speech codes and cancel culture. We embrace tolerance, not prejudice. We support the courageous men and women of law enforcement. We will never abolish our police or our great Second Amendment, which gives us the right to keep and bear arms. We believe that our children should be taught to love their country, honor our history, and respect our great American flag. We stand tall, we stand proud, and we only kneel to Almighty God. This is who we are. This is what we believe. And these are the values that will guide us as we strive to build an even better and greater future. President Trump
Hey, hey, ho, ho, Western Civ has got to go!  Jesse Jackson (1987)
By focusing these ideas on all of us they are crushing the psyche of those others to whom Locke, Hume, and Plato are not speaking. . . . The Western culture program as it is presently structured around a core list and an outdated philosophy of the West being Greece, Europe, and Euro-America is wrong, and worse, it hurts people mentally and emotionally. Bill King (Stanford Black Student Union,1988)
Still nominally very much part of an atheistic, anti-foundational, French academic avant-garde in the United States, and now increasingly prominent in his position at Johns Hopkins, Girard was even one of the chief organizers of “The Languages of Criticism and the Sciences of Man,” the enormously influential conference, in Baltimore in October 1966, that brought to America from France skeptical celebrity intellectuals including Jacques Lacan, Lucien Goldmann, Roland Barthes, and, most consequentially, the most agile of Nietzschean nihilists, Jacques Derrida, still obscure in 1966 (and always bamboozlingly obscurantist) but propelled to fame by the conference and his subsequent literary productivity and travels in America: another glamorous, revolutionary “Citizen Genet,” like the original Jacobin visitor of 1793–94. After this standing-room-only conference, Derrida and “deconstructionism,” left-wing Nietzscheanism in the high French intellectual mode, took America by storm, which is perhaps the crucial story in the subsequent unintelligibility, decline, and fall of the humanities in American universities, in terms both of enrollments and of course content. The long-term effect can be illustrated in declining enrollments: at Stanford, for example, in 2014 alone “humanities majors plummeted from 20 percent to 7 percent,” according to Ms. Haven. The Anglo-American liberal-humanistic curricular and didactic tradition of Matthew Arnold (defending “the old but true Socratic thesis of the interdependence of knowledge and virtue”), Columbia’s Arnoldian John Erskine (“The Moral Obligation to Be Intelligent,” 1913), Chicago’s R. M. Hutchins and Mortimer Adler (the “Great Books”), and English figures such as Basil Willey (e.g., The English Moralists, 1964) and F. R. Leavis (e.g., The Living Principle: “English” as a Discipline of Thought, 1975) at Cambridge, and their successor there and at Boston University, Sir Christopher Ricks, was rapidly mocked, demoted, and defenestrated, with Stanford students eventually shouting, “Hey, hey, ho, ho! / Western civ has got to go!” The fundamental paradox of a relativistic but left-wing, Francophile Nietzscheanism married to a moralistic neo-Marxist analysis of cultural traditions and power structures — insane conjunction! — is now the very “gas we breathe” on university campuses throughout the West (…). Girard quietly repented his role in introducing what he later called “the French plague” to the United States, with Derrida, Foucault, and Paul DeMan exalting ludicrous irrationalism to spectacular new heights. M. D. Aeschliman
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
You always told us not to boast. Gisela Warburg
How can the proposed Declaration be applicable to all human beings and not be a statement of rights conceived only in terms of the values prevalent in the countries of Western Europe and America?” Melville J. Herskovits  (The American Anthropological Association, 1947)
Nelson (…) was what you would now call, without hesitation, a white supremacist. While many around him were denouncing slavery, Nelson was vigorously defending it. Britain’s best known naval hero – so idealised that after his death in 1805 he was compared to no less than “the God who made him” – used his seat in the House of Lords and his position of huge influence to perpetuate the tyranny, serial rape and exploitation organised by West Indian planters, some of whom he counted among his closest friends. It is figures like Nelson who immediately spring to mind when I hear the latest news of confederate statues being pulled down in the US. These memorials – more than 700 of which still stand in states including Virginia, Georgia and Texas – have always been the subject of offence and trauma for many African Americans, who rightly see them as glorifying the slavery and then segregation of their not so distant past. But when these statues begin to fulfil their intended purpose of energising white supremacist groups, the issue periodically attracts more mainstream interest. The reaction in Britain has been, as in the rest of the world, almost entirely condemnatory of neo-Nazis in the US and of its president for failing to denounce them. But when it comes to our own statues, things get a little awkward. The colonial and pro-slavery titans of British history are still memorialised: despite student protests, Oxford University’s statue of imperialist Cecil Rhodes has not been taken down; and Bristol still celebrates its notorious slaver Edward Colston. (…)  Britain has committed unquantifiable acts of cultural terrorism – tearing down statues and palaces, and erasing the historical memory of other great civilisations during an imperial era whose supposed greatness we are now, so ironically, very precious about preserving intact. And we knew what we were doing at the time. One detail that has always struck me is how, when the British destroyed the centuries-old Summer Palace in Beijing in 1860 and gave a little dog they’d stolen as a gift to Queen Victoria, she humorously named it “Looty”. This is one of the long list of things we are content to forget while sucking on the opium of “historical integrity” we claim our colonial statues represent. We have “moved on” from this era no more than the US has from its slavery and segregationist past. The difference is that America is now in the midst of frenzied debate on what to do about it, whereas Britain – in our inertia, arrogance and intellectual laziness – is not. The statues that remain are not being “put in their historical context”, as is often claimed. Take Nelson’s column. Yes, it does include the figure of a black sailor, cast in bronze in the bas-relief. He was probably one of the thousands of slaves promised freedom if they fought for the British military, only to be later left destitute, begging and homeless, on London’s streets when the war was over. But nothing about this “context” is accessible to the people who crane their necks in awe of Nelson. The black slaves whose brutalisation made Britain the global power it then was remain invisible, erased and unseen. Afua Hirsch
Why are we experiencing the worst civil disturbances in decades? It is because the proponents of radical change won’t have it any other way. Early 20th Century Italian Marxist Antonio Gramsci theorized that the path to a communist future came through gradually undermining the pillars of western civilization. We are now seeing the results of decades of such erosion, in education, in faith, in politics and in the media. The old standards of freedom, individual responsibility, equality and civic order are being assaulted by proponents of socialism, radical deconstruction and mob rule. Those who charge that institutional racism is rampant in America are the same as those who run the country’s major institutions – city governments, academe, the media, Hollywood, major sports leagues and the Washington, D.C. deep state bureaucracy. Accountability? None.  The irony is rich. At the same time, the only legal and institutional structures that mandate racially based outcomes do so in favor of other-than-majority groups. Anyone who questions this arrangement winds up cancelled. The public debate is hardwired for disunity, making the former language of inclusion the new dog whistle of racism. The exclusionary slogan “black lives matter” is sanctified while the more unifying “all lives matter” is called divisive. People who say they want a colorblind society are called bigots even as progressives push for segregated events and housing on college campuses and “CHOP” protesters demand Black-only hospitals. Martin Luther King’s dream that people will “live in a nation where they will not be judged by the color of their skin, but by the content of their character” is judged by today’s progressives as a call for white supremacy. The media goes out of its way to coddle violent protesters, calling them peaceful even as they verbally abuse and then throw bottles at police, saying they are not “generally speaking, unruly” standing in front of a burning building. Political leaders who benefit from disunity keep fanning the flames. For example House Speaker Nancy Pelosi’s reckless charge that the Senate police reform bill is “trying to get away with the murder of George Floyd” is irresponsibly divisive, especially since it was drafted by African American Senator Tim Scott (R-SC). Public monuments have borne the brunt of the violence in recent weeks. As President Trump predicted, the vandalism has moved well beyond statues of Confederates. Practically any statue is fair game. Washington, Jefferson, even Ulysses S. Grant, the man who defeated Lee’s army, all have been toppled by the mobs. And liberal city governments are taking down statues at least as fast as the rioters. But it would be a mistake to think that the statues themselves are at issue, or even what they symbolize. Rather it is the need for the radicals not just to cleanse American history but to make people feel ashamed of every aspect of it. In this way they clear a path for a radical future, buttressed by an unwavering sense of moral superiority that entitles them to smack down any dissent, usually gagging people in the name of “free speech.” We were told for years that anything the Trump administration did that was remotely controversial was an attempt to divide the country. Democrats frequently blamed insidious foreign influence, using expressions like “right out of Putin’s playbook” to keep the Russian collusion canard alive. But they are the ones who are weakening and dividing the country, to the evident glee of our Russian and Chinese adversaries. They have completely adopted longstanding Russian and Chinese propaganda lines about the United States being a country of endemic racism, poverty and oppression, when in fact America is an opportunity society and one of the most racially diverse and tolerant countries in the world. The protesters, their political allies and media backers are working hard to create the very sort of divisions they claim to oppose, because a weak, divided and ashamed America is their pathway to power. Chris Farrell
Il n’y a pas de plus grand monument à l’assujettissement colonial des peuples autochtones que le Mont Rushmore, et le projet du président de profaner davantage ce sol sacré avec des feux d’artifice et sa propre présence sans avoir été convié est un autre affront impardonnable. Il est temps de récupérer ou de démolir tous les monuments racistes. En tant que société, nous devons nous engager à respecter en permanence les populations marginalisées. Lakota People’s Law Project
The statue of Columbus sat in front of Columbus City Hall for 65 years. It was a gift from the people of Genoa, Italy. Now the mayor’s office says it’s “in safekeeping at a secure city facility.” What a blow to U.S.-Italy relations. At least he could offer to give the statue back. A second Columbus likeness, a marble of the navigator pointing west, was booted last month by Columbus State Community College, where it used to stand in the downtown Discovery District. The mayor’s office says the unelected Columbus Art Commission will launch a “participatory process” to find new art that “offers a shared vision for the future.” Good luck. “Let’s just leave the space empty,” one Dispatch letter suggested, “because if not everyone is happy should anyone be happy?” What a sad sign of the times. WSJ
ABC News published a report this week titled “New government data, shared first with ABC News, shows the country’s premier outdoor spaces – the 419 national parks – remain overwhelmingly white.” The story’s headline reads, “America’s national parks face existential crisis over race,” adding in the subhead, “A mostly white workforce, visitation threatens parks‘ survival and public health.” “Just 23% of visitors to the parks were people of color,” the report adds, “77% were white. Minorities make up 42% of the U.S. population.” As it turns out, white people really enjoy hiking and camping, and that is a problem for the parks, the ABC News report claims, because people of color will be a majority in America by 2044. The article then goes on to quote outdoor enthusiasts of color who say they do not feel welcome at the “overwhelmingly white” national parks. These advocates, the article reads, “say they hope the moment since George Floyd’s death in police custody brings attention to systemic racism in the outdoors as well as other parts of society and translates into a long-term change in attitudes and behavior.” Sorry, everyone. Even national