C’est une fête toute napolitaine, monseigneur ; nous dansons sur un volcan. Comte de Salvandy (fête au Palais-Royal en l’honneur du roi des Deux-Siciles,
Après la révolution française, observe Marx, les aristocrates dont tout le capital incorporé consistait en un art de vivre désormais dépourvu de marché, devinrent les maitres à danser de l’Europe. Bourdieu
La majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections. Jean Mistler
La plupart d’entre nous persistent à croire que tous les choix, et même les choix politiques, se font entre le bien et le mal, et que du moment qu’une chose est nécessaire, elle doit aussi être bonne. Il nous faudrait, je pense, dépouiller cette croyance qui relève du jardin d’enfants. En politique, on ne peut jamais opter que pour un moindre mal. George Orwell
La question du négationnisme demande tout autre chose qu’une halte rue Geoffroy L’Asnier pour mobiliser l’électorat juif contre Marine Le Pen car ce ne sont pas des jeunes militants du FN qui rendent impossible l’enseignement de la Shoah dans les écoles ou qui vont chercher des faits alternatifs aux camps de la mort. De cette terrible réalité, je ne vois guère d’écho dans la campagne d’Emmanuel Macron. Il ne cesse de faire des clins d’œil aux jeunes de banlieues et réserve ses coups à la bonne vieille bête immonde … Alain Finkielkraut
Le ralliement pourtant tout à fait prévisible de Nicolas Dupont-Aignan à Marine Le Pen suscite assez curieusement un tonnerre médiatique au nom du soi-disant front républicain. Le moment est venu de traiter sur le fond ce qu’est la vraie nature de ce front : l’une des illustrations du bannissement oligarchique, une technique de remise au pas de l’opinion qui explique largement la montée des extrêmes en France. Il faudrait donc pratiquer le front républicain, c’est-à-dire creuser et maintenir un cordon sanitaire permanent autour du Front National. Oh ! la belle rente électorale qui permet aux partis en place de faire tout et n’importe quoi en étant sûrs de ne jamais perdre les élections. Dans tous les cas, les partis de gouvernement s’allieront toujours pour empêcher un parti nouveau d’arriver aux responsabilités. Bien entendu, c’est au nom de la démocratie que ce viol caractérisé de la démocratie, consistant à interdire à une partie de l’opinion de faire valoir ses idées, est commis. La succession d’élections qui se déroulent en France depuis six mois illustre à merveille les contre-effets de la stratégie du front républicain. Au lieu d’endiguer la montée du Front National et de consolider les partis auto-proclamés démocratiques (on se souviendra ici des déchirements après l’élection de Martine Aubry au poste de Premier Secrétaire du PS en 2008, et ceux qui ont suivi la confrontation Fillon-Copé à la tête de l’UMP pour mesurer la distance qui sépare ces partis de la démocratie, m’enfin bon !), le front républicain favorise la montée du Front National, mais aussi, à gauche, des Insoumis. Dans le même temps, il a permis d’éliminer consciencieusement tous ses apôtres : Sarkozy, Juppé, Fillon, Montebourg, Valls, Hamon, etc. François Fillon à part, les candidats qui ont recueilli le plus de voix à la présidentielle sont ceux qui ne sont pas directement issus du front républicain. Cherchez l’erreur ! Et le Front National n’a jamais bénéficié d’autant de suffrages qu’auparavant. Le front républicain est le père de tous les dégagismes à venir. Si le Front National est vraiment anti-démocratique, s’il fait peser une menace sur les libertés publiques et les droits de l’homme, il faut l’interdire. La dissolution des groupes politiques dangereux pour la démocratie est prévue par la loi depuis 1936 ! (…) Sinon, qu’on le laisse, une bonne fois pour toutes, concourir normalement à la vie démocratique. Cette façon de bannir un parti sans l’interdire clairement comme la loi le permet a un effet général d’affaiblissement de nos institutions. D’un côté, les Français ont le sentiment que la démocratie réelle leur est refusée parce que le vote est orienté en faveur de quelques partis, sous peine de stigmatisation et de mise à l’index. De l’autre, ils sanctionnent durement les institutions que le front républicain est supposé protéger. (…) En 2007 comme en 2012, les deux premiers candidats avaient recueilli plus de suffrages que l’abstention. En 2002 comme en 2017, l’abstention est le premier parti de France. Depuis 10 ans, le premier candidat à l’issue du premier tour recueille de moins en moins de suffrages. Autrement dit, la stratégie du front républicain menée notamment sous le mandat de François Hollande, produit des résultats contraires à ceux attendus. Plus on fait « barrage au Front National », plus le Front National progresse, et moins les électeurs adhèrent à l’ensemble des institutions, notamment en manifestant une véritable désaffection pour les candidats qui s’opposent au second tour. (…) Personne, sur le fond, n’est dupe ! Lorsque les élites de ce pays bannissent le Front National de la vie démocratique, elles envoient un message simple : bonnes gens, la République existe, mais nous en sommes les usufruitiers. Nous prendrons de sévères mesures de rétorsion contre tous ceux qui ne suivraient pas nos choix ou contrediraient nos intérêts. Nous les clouerons au pilori et les humilieront en place de grève. C’est ce qu’on appelle la réaction nobiliaire. (…) Le bannissement comme réponse sociale à toute contestation politique visant les règles du jeu (ou l’élite qui en tire profit en toute impunité) est devenu une sanction de plus en plus dangereuse à pratiquer. Dans la troupe, la peine suscite des murmures de plus en plus houleux. La campagne pour le second tour montre la difficulté de plus en plus forte à ramener l’ordre et le calme dans les rangs par cette technique humiliante. Il faut dire qu’à force de bannir, le groupe des « dissidents » devient de plus en plus important. Avec Internet, ce groupe peut s’exprimer malgré le boycott des médias, et il peut disséminer ses idées à l’abri des regards et répandre son parfum avec une grande liberté. De plus en plus de dissidents signifie de plus en plus de « grandes gueules » qui ont un intérêt objectif à nouer des alliances tactiques contre une réaction nobiliaire de plus en plus grotesque. Prenez Mélenchon. Depuis vingt ans, les socialistes l’humilient, lui font sentir que son côté populo est insupportable, le méprisent pour ses origines et pour son éloquence qui leur fait de l’ombre et les renvoient à leur propre médiocrité. Quel Tartuffe peut s’étonner de le voir jouer avec le feu aujourd’hui ? Le drame de la réaction nobiliaire est que, année après année, elle ne cesse de grossir les rangs des Mélenchon et de faire maigrir les rangs des fidèles au régime. (…) Et tel est le cancer qui se métastase aujourd’hui dans l’opinion : entre un chaos nommé Marine Le Pen et une désespérance appelée l’immobilisme macronien, fait de phrases creuses, de déclarations péremptoires bâties sur le sable des opinions à la mode, des éléments de langage rédigés par une boîte de com payée à prix d’or, de dénis insupportables et de leçons de morale à trois balles, le choix ne coule plus de source. Eric Verhaeghe
L’antisystème est une réaction symptomatique à l’ignorance et au mépris dont fait preuve une partie des élites vis-à-vis des préoccupations et des angoisses des perdants de la mondialisation. Le discours démagogique fonctionne sur le même type de schéma : il met en exergue les situations les plus dramatiques, les injustices les plus criantes, les dysfonctionnements démocratiques bien réels… qu’il érige en exemples à valeur universelle, pour les imputer aussitôt à des responsables qui sont toujours les mêmes et que l’on accuse de tous les maux : les nantis, les riches, les puissants… qui eux-mêmes sont inféodés au « système » qualifié de « financier », de « capitaliste », de « néolibéralisme », de « politico-médiatique »… C’est selon ou c’est tout à la fois. Sans oublier les États-Unis qui condenseraient toutes ces tares, continueraient de régner en maître absolu sur le monde et tireraient les ficelles des États-marionnettes et des États- nations… Le complotisme n’est jamais loin. L’Union européenne entre désormais dans ce schéma. Ce n’est pas la façon dont s’est construite l’Union européenne, la bureaucratie, la réalité de sa crise qui sont en question, mais l’exploitation qui en est faite qui joue sur toutes les frustrations, les ressentiments et les haines pour faire va- loir la logique du bouc émissaire et du « il n’y a qu’à »… Les discours de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon me paraissent typiques de ce registre démagogique, sans parler de leurs propositions économiques irresponsables et du changement des alliances au profit de la Russie de Vladimir Poutine. Ces discours populistes entraînent un peu plus le pays et l’Union européenne dans la dislocation et le chaos. (…) Ces oppositions caricaturales verrouillent d’emblée le débat démocratique et la libre réflexion. Ce sont des schèmes de communication bien adaptés aux nouvelles techniques d’information et de communication qui favorisent les formulations sommaires et la réactivité à tous crins. On n’entre plus dans l’examen du contenu des significations des idées et dans l’argumentaire ; on en reste à la surface des mots qui fonctionnent comme des signes identitaires et d’appartenance au bon ou au mauvais camp. Une fois les étiquettes accolées, il est difficile de s’en défaire ; ce sont des tics de langage qui passent en boucle dans les médias et vous collent à la peau. Il est ainsi difficile d’aborder les questions anthropologiques, l’insécurité culturelle, l’inquiétude identitaire, l’immigration sauvage… qui sont au cœur du malaise démocratique sans être soupçonné de flirter avec l’extrême droite ou de faire son jeu. Ce genre de tabou jeté sur ces questions par une gauche médiatique a abouti aux résultats que l’on sait : elle a permis à l’extrême droite de se les approprier à sa manière. On ne doit pas craindre d’aborder librement ces questions. L’alternative au nationalisme xénophobe et chauvin n’est pas l’évocation d’une patrie désincarnée et encore moins d’une citoyenneté du monde invertébrée. Elle suppose une histoire un « héritage de gloire et de regrets à partager » et « dans l’avenir un même programme à réaliser ». L’identité d’un pays et d’une civilisation n’est pas une substance immuable et fermée, mais elle ne signifie pas pour autant une recomposition constante et indéfinie. Elle suppose un cadre structurant, une interprétation de l’histoire qui structure les événements, leur donne une signification et met en valeur les acquis de notre héritage. Jean-Pierre Le Goff
S’agissant de l’évolution du PIB par habitant de sa population, la France voit en effet sa situation diverger de celle des États-Unis et des autres pays de l’Union européenne à quinze, au point qu’elle accuse aujourd’hui un retard notable par rapport à ces nations. (…) Si l’on s’attache aux facteurs explicatifs du différentiel de prospérité entre la France et ses voisins européens, ce sont avant tout les faibles taux d’activité et d’emploi de sa population au regard des autres économies avancées qui en constituent les principales causes, au-delà même de leurs implications humaines et sociales. Rapport McKinsey
Un constat s’impose lorsque l’on se penche sur un diagnostic socio-économique comparé de la France : notre pays souffre avant tout d’une panne durable de prospérité. Au-delà de tous les débats portant sur la répartition de la richesse, c’est la production de cette richesse qui doit aujourd’hui être placée en tête des priorités. S’agissant de l’évolution du PIB par habitant de sa population, la France voit en effet sa situation diverger de celle des Etats- Unis et des autres pays de l’UE à 15, au point qu’elle accuse aujourd’hui un retard notable par rapport à ces nations. Alors qu’elle figurait, jusqu’au milieu des années 1990, dans le peloton de tête européen en matière de prospérité, la France est passée en 1996 sous la moyenne européenne et a chuté depuis 2010 à la 11ème place parmi les Quinze, ne devançant plus que l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. A contrario, l’Allemagne est parvenue sur la même période à accentuer son avance. Si l’on s’attache aux facteurs explicatifs du différentiel de prospérité entre la France et ses voisins européens, ce sont avant tout les faibles taux d’activité et d’emploi de sa population au regard des autres économies avancées qui en constituent les principales causes, au-delà même de leurs implications humaines et sociales. Dans une moindre mesure, l’atonie de la productivité explique le recul relatif de la France. Une comparaison avec les pays d’Europe du Nord – Danemark, Finlande, Allemagne, Pays- Bas et Suède – révèle qu’au cours des années 1970 et 1980, la France s’est adjugé un solide avantage sur ces pays en matière de productivité, qui s’est toutefois érodé depuis les années 2000. Il apparaît donc que c’est en premier lieu sur le front du développement massif de l’emploi et, en parallèle, sur les gains de productivité que doivent porter les efforts de notre pays à l’heure de redresser la courbe historique de son PIB par habitant. (…) La France gagnerait à axer résolument la réforme de l’Etat sur la notion de performance du service public, c’est-à-dire sa capacité à produire un service public offrant un haut degré de qualité de service au citoyen à un coût moindre pour le contribuable. Opposer ces deux objectifs participe d’ailleurs à une forme de statu quo qui obère les capacités d’investissement du pays. Au-delà même des aspects liés à la pression des prélèvements obligatoires et donc de la compétitivité du travail et de l’attractivité économique du territoire, cet enjeu de performance devient brûlant au regard de deux facteurs dont la conjonction crée un effet ciseau entre explosion des sources de dépenses et pression croissante sur les recettes : ▪ Les effets du vieillissement de la population et les déséquilibres structurels en matière de finances publiques que celui-ci va générer. ▪ Le niveau du stock de dettes public (atteignant près de 110 % du PIB en Europe), qui réduit toute marge de manœuvre budgétaire et surtout d’investissement de la part des acteurs publics. Pour les services publics, il devient impératif de faire mieux avec moins. A ce titre, une analyse comparée de la performance des grandes politiques publiques dans plusieurs économies matures révèle que la qualité du service rendu au citoyen mesurée par des indicateurs internationaux (OCDE, Banque Mondiale, ONU, OMS…) n’est pas directement corrélée au niveau de la dépense. Ainsi, la France et l’Allemagne obtiennent des profils et des résultats très comparables en termes de performance sur bon nombre de périmètres majeurs des services publics, alors que la France consacre 57 % de son PIB à la dépense publique, contre 44 % pour l’Allemagne. En procédant à une analyse des grands programmes de réforme publique ayant fortement amélioré le ratio coût-qualité du service public dans le monde, on observe que trois catalyseurs de la transformation ont systématiquement été mis en place, sur lesquels devrait se fonder la réforme en France : ▪ Fixer des objectifs ambitieux en matière de qualité de service comme l’ont fait l’Allemagne sur les résultats Pisa ou le Royaume-Uni avec son système de santé. ▪ Maximiser la transparence sur les résultats pour donner aux utilisateurs, aux agents et à la tutelle les moyens de contrôler la qualité et la performance, mais aussi pour favoriser une dynamique d’émulation et de progrès continu. Ces dynamiques sont particulièrement observables s’agissant de l’éducation et de la santé, lorsque l’Etat favorise l’accès des citoyens à des indicateurs factuels de qualité ou d’excellence. ▪ Responsabiliser le terrain, c’est-à-dire confier un maximum de liberté et de marges d’initiatives aux responsables de la « production et de la distribution » du service public, par exemple les chefs d’établissements scolaires, les directeurs d’hôpitaux, les directeurs de laboratoire dans la recherche. (…) Comme l’illustrent les 10 enjeux, la France a peiné à négocier le tournant de la mondialisation : elle l’a davantage subi qu’elle n’a su l’anticiper. Aujourd’hui, elle ne peut manquer le virage, tout aussi fondamental, de la transformation digitale et doit faire en sorte que cette lame de fond porte nos entreprises et notre société. A l’heure où l’Europe commence à enregistrer les signes d’un redémarrage de la croissance dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni et en Allemagne, la France doit impérativement parvenir à s’arrimer à ce train des économies renouant avec le dynamisme. Si elle parvient à se délester des pesanteurs entourant les 10 grands enjeux mis en lumière, elle pourra pleinement tirer parti de ses atouts indéniables pour relancer le moteur de création de valeur ajoutée et d’emploi de son économie. Car notre pays dispose encore de solides points d’ancrage pour bâtir sa santé future au sein d’une Europe retrouvant la voie de la croissance. Elle conserve ainsi un niveau élevé d’attractivité pour les investissements directs étrangers, qui s’appuie certes sur des indicateurs de qualité de vie pour lesquels elle figure parmi les nations les plus avancées de l’UE, mais aussi sur la fiabilité de ses infrastructures, ou encore le niveau d’éducation d’une large fraction de son capital humain. L’envergure mondiale et la performance de ses grandes entreprises la distinguent également parmi les autres pays d’Europe, tandis que plusieurs de ses secteurs de pointe (à commencer par le luxe ou l’aéronautique) ont su conserver ou consolider leur avantage compétitif… pour ne citer que certaines de ses forces. Sur les dimensions structurelles que nous mettons en lumière, un effet de « déblocage » doit donc se produire pour libérer ce potentiel et permettre à la France de retrouver la place qu’elle occupait encore il y a 20 ans dans la première moitié des pays de l’Eurozone en matière de prospérité. Au-delà des pistes évoquées une démarche prometteuse consisterait pour notre pays à s’inspirer des meilleures pratiques européennes sur les diverses dimensions socio-économiques qui fondent la compétitivité et la qualité de vie. Car notre continent héberge des leaders mondiaux sur chacune de ces dimensions, si bien qu’analyser et adapter certaines approches de nos voisins immédiats nous permettrait d’engager une bonne part des réformes structurelles nécessaires. Comme le démontrait une de nos récentes études1, une telle démarche d’alignement par le haut à l’échelle européenne permettrait de relancer une croissance durable de l’ordre de 2 à 3 % par an. Au fond, il s’agirait là d’une double opportunité majeure, à la fois pour la France et pour offrir un dessein porteur à une Europe aujourd’hui essoufflée et contestée par les opinions publiques, alors même qu’elle constitue une source de renouveau potentiel majeure pour notre économie. Rapport McKinsey
La France travaille moins que ses voisins et compte trop d’inactifs. Le problème, c’est que les partis qui ont prospéré dimanche dernier sur la colère des Français proposent de travailler encore moins. Jamais le monde n’aura été aussi prospère que sous ces deux décennies de libre-échange, de développement des nouvelles technologies et de croissance exponentielle. Voici donc la France touchée, après les États-Unis et la Grande-Bretagne, par cette curieuse vengeance des peuples, par ce désir de démondialisation, et par cette conviction que le quart de siècle écoulé depuis la chute du mur de Berlin aura affaibli l’Occident. Ce qui est une lubie ! Ces années de mondialisation et de « village planétaire » ont permis à un milliard d’êtres humains de sortir de la très grande pauvreté. Jamais le monde n’aura été aussi prospère que sous ces deux décennies de libre échange, de développement des nouvelles technologies et de croissance exponentielle des pays dits émergents. Malgré la crise financière de 2008, d’ampleur séculaire, l’Europe est plus prospère aujourd’hui qu’il y a dix ans. La France aussi. Cela se mesure par un chiffre, toujours aussi abstrait pour la plupart des Français : le produit intérieur brut qui compte l’ensemble des richesses créées par un pays. En 2016, notre pays affichait une richesse collective de 2 200 milliards d’euros supérieure de plus de 10 % à ce qu’elle était en 2008 (1995 milliards). Le problème, c’est que de tous les pays européens, la France est celui dont la démographie a été la plus prospère. Si bien que le PIB par habitant n’a cessé de se dégrader au cours des dernières années. Comme l’a très bien montré la semaine passée un passionnant rapport établi par McKinsey (…) Alors que notre pays figurait, jusqu’au milieu des années 1990, dans le peloton de tête européen en matière de prospérité, la France est passée en 1996 sous la moyenne européenne et a chuté depuis 2010 à la 11 e place parmi les Quinze, ne devançant plus que l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. A contrario, l’Allemagne est parvenue sur la même période à accentuer son avance. La France s’est donc bien enrichie, au cours de ces dernières années, grâce notamment à la bonne santé de ses grands groupes privés. Mais chaque Français s’est appauvri. Et cela est hélas incontestable sur le plan statistique. D’où la conviction chez beaucoup de nos concitoyens que cela est le fait de la mondialisation (qui est pour certains synonyme d’immigration), de l’absence de protections nationales et de l’incapacité de l’Europe à faire émerger un dessein collectif. Car il est toujours plus facile de trouver les boucs émissaires à l’extérieur plutôt que de regarder ce qui ne va pas chez nous et qui fonctionne bien mieux chez nos voisins. (…) En clair, (…) nous travaillons moins que nos voisins et que notre pays compte trop d’inactifs. Un phénomène qui a débuté avec la décennie 2000 lorsque les 35 heures ont été imposées aux entreprises et au secteur public. En faisant cette erreur magistrale, puis en décidant de ne reculer l’âge de la retraite qu’à 62 ans, quand nos voisins plaçaient ce curseur entre 65 et 67 ans, nous avons globalement fait le choix de travailler moins et donc de produire moins, alors que notre population gonflait, principalement du fait d’une forte fécondité des Français d’origine étrangère. Le problème c’est que les mêmes partis qui ont prospéré dimanche dernier sur la colère – légitime – des Français face à cet appauvrissement proposent tous de travailler encore moins. Et ce n’est pas le programme insipide d’Emmanuel Macron qui va permettre à chaque Français de renouer avec la prospérité. Yves de Kerdrel
The man who set up his own party to challenge the system, En Marche! (his own initials), is in fact a perfect insider-outsider. A graduate of the top administrative college, l’ENA, he made a fortune organising mergers and acquisitions for the Rothschild bank, earning €2.9 million in one takeover and getting the nickname of ‘the Mozart of finance’. In the seamless way of the French elite, he gravitated to the Elysée Palace as a Hollande adviser and became economics minister in 2014, lasting two years before resigning and setting his sights on returning as president of the republic. Macron, immaculately groomed, exudes confidence and seems to have an answer for everything, including the need not to make concessions to the UK over Brexit. He has determination and ambition, but he’d be wise to remember how lucky he’s been too. Given the Socialist Hollande’s abject unpopularity, this looked like the year when the centre-right Republicans were bound to regain the presidency. But their candidate, François Fillon, ran into fatal allegations that he arranged big payments from state funds to his wife and family for work they did not do. The Socialists split, choosing the left-winger Benoît Hamon and prompting a walk-out by social democrats like former premier Manuel Valls, who backed Macron despite bad blood between them when they were in government together. Two of the party’s important provincial figures, Lyons mayor Gérard Collombe and Jean-Yves Le Drian, president of the Regional Council of Brittany, swung behind the pretender. The rise of the hard-left Jean-Luc Mélenchon in the first round campaign, addressing huge crowds and using a hologram to appear at two rallies at a time, provided an alternative pole to Marine Le Pen for angry voters. As her polls ratings declined, she focused on her core electorate and thus limited her ability to broaden her appeal. Macron had only to ensure that the swelling ranks of En Marche! supporters remained pumped up. (…) The immediate problem is the June legislative elections. En Marche! has no members of parliament — it plans to run candidates in all 577 constituencies, but when voters choose their National Assembly representatives they often stick to candidates they know. And Macron’s movement lacks a national organisation. Last Sunday he scored well in big cities and western France but his opponents did better in swaths of the north and south. (…) That will mean a lot of old-fashioned horse-trading. The outlines of such an alliance are: social democrats and centrists plus the liberal wing of the Republicans under former prime minister Alain Juppé. But apart from requiring a lot of minding, coalitions tend not to be resolute in offering the kind of radical changes in economic and social policy Macron has offered, and which he needs to keep En Marche! mobilised. The Republican leadership will want to avoid being sucked into the new president’s orbit. The Socialists, who had a disastrous first round with only 6 per cent of the vote, will struggle for survival and will resist a Macron takeover. In short, building a new reformist, liberal, pro-Europe Jerusalem looks like being more a matter of forging alliances with skittish, self-protective partners. It is a great mistake to imagine that the anti-Le Pen line-up on 7 May will endure. The single aim of stopping the Front will be replaced by a myriad of party, regional and personal interests. The idealists of En Marche! may find that hard to stomach. A movement that came from nowhere could all too easily dissolve like snowflakes in the sun. Macron’s task is made all the more tricky by the legacy of another element in the voting last Sunday. Almost half the voters supported anti-establishment parties. Their parliamentary representation will be well short of their popular backing. That is likely to fuel street action encouraged by Mélenchon and Le Pen, whose Front is the principal political vehicle for industrial workers and has made inroads into depressed rural areas. The big CGT union federation will try to make up for declining membership by increased militancy. Vested interests, from farmers to pharmacists, will be up in arms. A rentrée chaude is on the cards for the autumn. The first-round vote showed a sharply divided nation. Le Pen took nine departments among those with the highest jobless rates. They are not likely to fall for the Macron charm or his liberal ‘open to the world’ policies. So France will come out of one election and approach another split between the haves and have-nots with two articulate rabble-rousers confronting the political start-up of the decade. Jonathan Fenby
At the height of the financial crisis, Rothschild & Cie. assigned one of its veteran bankers to groom a new hire named Emmanuel Macron. Mr. Macron had no experience in banking. Instead, he had powerful mentors who had recommended him to Rothschild as a danseur mondain—literally, high-society dancer—who could drum up business. “He was identified as being a very singular person with lots of contacts,” recalls Cyrille Harfouche, the veteran assigned to shepherd Mr. Macron. By the time Mr. Macron left Rothschild four years later, he had negotiated a multibillion-dollar deal and become one of its youngest-ever partners. Mr. Macron’s banking career followed a playbook that now has upended the political order and placed the French presidency within his grasp, with a final-round election against Marine Le Pen on May 7. Mr. Macron made friends in high places who propelled him to ever-higher echelons of French society. Along the way he acquired a repertoire of skills, from piano and philosophy to acting and finance, that helped impress future mentors. The approach allowed Mr. Macron to shortcut the traditional political path. Rather than run for office in his hometown, gradually building a constituency, he proceeded straight to Paris, where he became an expert on banking and European technocracy. He acquired a mastery of arcane regulations, from the 3,334-page French national labor code to the plumbing of the European Union’s single market, that made him a valuable potential aide to politicians being whipsawed by the EU’s complexity and the gyrations of global markets. Now the future of France, and in considerable measure of the EU itself, could be in the hands of a 39-year-old who was little-known to much of the world until this year. His duel with Ms. Le Pen over France’s place in Europe has redrawn French politics, sweeping aside mainstream candidates and the traditional left-right divide they represent. Mainstream French parties have called on their supporters to rally behind Mr. Macron in the contest against Ms. Le Pen, the far-right nationalist who would withdraw France from the EU’s common currency. A Macron win would put Europe’s second-largest economy under an outspoken EU supporter who wants to establish a command center for the Continent’s defense, create a border police force, loosen France’s rigid labor rules, cut payroll taxes and reduce French public-sector employment by 120,000. Mr. Macron is a political pragmatist who has long cast himself as an outsider. He was a musician to his banking colleagues and a capitalist inside a Socialist government before squaring off with nationalists as a pro-Europe candidate. The WSJ
Vous avez dit danseur mondain ?
Au lendemain d’un premier tour qui entre machination juridico-médiatique et règlements de compte politiques …
A éliminé rien de moins que les candidats des deux principaux partis …
Dont le seul représentant, à l’économique comme au régalien, d’une véritable alternance …
Au profit de deux outsiders aux naïvetés et cécités presque exactement croisées ….
Pendant que pour étoffer leurs lourds dossiers contre le drôle de paroissien pilleur de troncs nos juges-justiciers en sont à faire les poubelles des journaux de province …
Et qu’oubliant l’origine largement musulmane du nouvel antisémitisme, la Shoah devient argument de campagne pour racoler les électeurs juifs contre le seul Front national …
Devinez qui va se choisir …
Après cinq années d’immobilisme d’un autre président accidentel …
Une France cigale qui entre la semaine de 35 heures et la retraite à 62 ans …
Ne cesse, depuis vingt ans et entre deux attentats islamistes, de perdre du terrain par rapport à ses principaux concurrents …
Pour danser comme en témoignent le refus du prétendu « front républicain » (étrangement silencieux sur le lénino-chaveziste de service Mélenchon) …
Ou les ralliements qui ont commencé à la candidate de la droite radicale …
Sur le volcan de la colère qui monte de toute une population marginalisée par la mondialisation ?
The Calculated Rise of France’s Emmanuel Macron
French presidential candidate skipped electoral politics, instead connecting with the elite and acquiring market experience; at stake, the future of Europe
Stacy Meichtry and William Horobin
MACRON’S PLATFORM
- Economy: Cut corporate income tax rate to 25% from 33.3%. Abolish some local taxes. Eliminate 120,000 public-sector jobs over five years. Spend more on renewable energy, upgrades to public services.
- Labor: Cut payroll taxes. Expand unemployment-benefit eligibility. Let firms negotiate directly with employees on working hours
- Security, Foreign Policy: Hire 10,000 more police. Increase prison capacity. Boost defense spending to 2% of GDP. Negotiate with EU countries to create border force of 5,000. Process refugee applications faster.
- Education : Cut class size. Allow bilingual instruction. Don’t expand ban on Islamic headscarfs to universities.
- Electoral Reform: Reduce number of lawmakers and senators. Bar them from hiring family as assistants.
«C’est la raison qui a perdu les élections»
Yves de Kerdrel
Le Figaro
25/04/2017
CHRONIQUE – La France travaille moins que ses voisins et compte trop d’inactifs. Le problème, c’est que les partis qui ont prospéré dimanche dernier sur la colère des Français proposent de travailler encore moins.
Jean Mistler qui était un esprit fin, ancien élève du philosophe Alain et successeur de Paul Morand au Quai d’Orsay, répétait cette jolie formule: «La majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections.» Le premier tour de la présidentielle qui s’est déroulé dimanche dernier a fourni une nouvelle preuve de la perspicacité de cet ancien secrétaire perpétuel de l’Académie française. Puisque si l’on analyse en détail les résultats du pathétique scrutin du 23 avril, plus de la moitié des votants ont déposé dans l’urne un bulletin portant le nom d’un dénonciateur de la mondialisation, de l’Europe et de l’économie de marché.
Jamais le monde n’aura été aussi prospère que sous ces deux décennies de libre-échange, de développement des nouvelles technologies et de croissance exponentielle. Voici donc la France touchée, après les États-Unis et la Grande-Bretagne, par cette curieuse vengeance des peuples, par ce désir de démondialisation, et par cette conviction que le quart de siècle écoulé depuis la chute du mur de Berlin aura affaibli l’Occident. Ce qui est une lubie ! Ces années de mondialisation et de « village planétaire » ont permis à un milliard d’êtres humains de sortir de la très grande pauvreté. Jamais le monde n’aura été aussi prospère que sous ces deux décennies de libre échange, de développement des nouvelles technologies et de croissance exponentielle des pays dits émergents. Malgré la crise financière de 2008, d’ampleur séculaire, l’Europe est plus prospère aujourd’hui qu’il y a dix ans. La France aussi. Cela se mesure par un chiffre, toujours aussi abstrait pour la plupart des Français : le produit intérieur brut qui compte l’ensemble des richesses créées par un pays. En 2016, notre pays affichait une richesse collective de 2 200 milliards d’euros supérieure de plus de 10 % à ce qu’elle était en 2008 (1995 milliards). Le problème, c’est que de tous les pays européens, la France est celui dont la démographie a été la plus prospère. Si bien que le PIB par habitant n’a cessé de se dégrader au cours des dernières années.
Comme l’a très bien montré la semaine passée un passionnant rapport établi par McKinsey : « S’agissant de l’évolution du PIB par habitant de sa population, la France voit en effet sa situation diverger de celle des États-Unis et des autres pays de l’Union européenne à quinze, au point qu’elle accuse aujourd’hui un retard notable par rapport à ces nations. » Alors que notre pays figurait, jusqu’au milieu des années 1990, dans le peloton de tête européen en matière de prospérité, la France est passée en 1996 sous la moyenne européenne et a chuté depuis 2010 à la 11 e place parmi les Quinze, ne devançant plus que l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. A contrario, l’Allemagne est parvenue sur la même période à accentuer son avance.
La France s’est donc bien enrichie, au cours de ces dernières années, grâce notamment à la bonne santé de ses grands groupes privés. Mais chaque Français s’est appauvri. Et cela est hélas incontestable sur le plan statistique. D’où la conviction chez beaucoup de nos concitoyens que cela est le fait de la mondialisation (qui est pour certains synonyme d’immigration), de l’absence de protections nationales et de l’incapacité de l’Europe à faire émerger un dessein collectif. Car il est toujours plus facile de trouver les boucs émissaires à l’extérieur plutôt que de regarder ce qui ne va pas chez nous et qui fonctionne bien mieux chez nos voisins.
Le rapport de McKinsey mentionné plus haut va donc plus loin et montre que « si l’on s’attache aux facteurs explicatifs du différentiel de prospérité entre la France et ses voisins européens, ce sont avant tout les faibles taux d’activité et d’emploi de sa population au regard des autres économies avancées qui en constituent les principales causes, au-delà même de leurs implications humaines et sociales ». En clair, cela signifie que nous travaillons moins que nos voisins et que notre pays compte trop d’inactifs. Un phénomène qui a débuté avec la décennie 2000 lorsque les 35 heures ont été imposées aux entreprises et au secteur public.
En faisant cette erreur magistrale, puis en décidant de ne reculer l’âge de la retraite qu’à 62 ans, quand nos voisins plaçaient ce curseur entre 65 et 67 ans, nous avons globalement fait le choix de travailler moins et donc de produire moins, alors que notre population gonflait, principalement du fait d’une forte fécondité des Français d’origine étrangère. Le problème c’est que les mêmes partis qui ont prospéré dimanche dernier sur la colère – légitime – des Français face à cet appauvrissement proposent tous de travailler encore moins. Et ce n’est pas le programme insipide d’Emmanuel Macron qui va permettre à chaque Français de renouer avec la prospérité. Voilà pourquoi Jean Mistler soulignait à juste titre que « la raison a bien rarement la majorité aux élections » .
Voir également:
Ces oppositions caricaturales verrouillent d’emblée le débat démocratique et la libre réflexion. Ce sont des schèmes de communication bien adaptés aux nouvelles techniques d’information et de communication qui favorisent les formulations sommaires et la réactivité à tous crins. On n’entre plus dans l’examen du contenu des significations des idées et dans l’argumentaire ; on en reste à la sur- face des mots qui fonctionnent comme des signes identitaires et d’appartenance au bon ou au mauvais camp. Une fois les étiquettes accolées, il est difficile de s’en défaire ; ce sont des tics de langage qui passent en boucle dans les médias et vous collent à la peau. Il est ainsi difficile d’aborder les questions anthropologiques, l’insécurité culturelle, l’inquiétude identitaire, l’immigration sauvage… qui sont au cœur du malaise démocratique sans être soupçonné de flirter avec l’extrême droite ou de faire son jeu. Ce genre de tabou jeté sur ces questions par une gauche médiatique a abouti aux résultats que l’on sait : elle a permis à l’extrême droite de se les approprier à sa manière. On ne doit pas craindre d’aborder libre- ment ces questions. L’alternative au nationalisme xénophobe et chauvin n’est pas l’évocation d’une patrie désincarnée et encore moins d’une citoyenneté du monde invertébrée. Elle suppose une histoire un « héritage de gloire et de regrets à partager » et « dans l’avenir un même programme à réaliser ». L’identité d’un pays et d’une civilisation n’est pas une substance immuable et fermée, mais elle ne signifie pas pour autant une recomposition constante et indéfinie. Elle suppose un cadre structurant, une interprétation de l’histoire qui structure les événements, leur donne une signification et met en valeur les acquis de notre héritage En fin de compte, comment voyez- vous le second tour de l’élection présidentielle ? À contrario des envolées lyriques d’Emmanuel Macron, ces propos de George Orwell me paraissent mieux adaptés à la situation : « La plupart d’entre nous persistent à croire que tous les choix, et même les choix politiques, se font entre le bien et le mal, et que du moment qu’une chose est nécessaire, elle doit aussi être bonne. Il nous faudrait, je pense, dépouiller cette croyance qui relève du jardin d’enfants. En politique, on ne peut jamais opter que pour un moindre mal. » Ce sera encore une victoire par défaut sur fond de divisions du pays qui n’auront pas magiquement disparu. Pour le reste, la reconstruction ne se fera pas en un jour à coup de déclarations grandiloquentes, de nobles principes et de bons sentiments. Le chantier est devant nous. ■
La succession d’élections qui se déroulent en France depuis six mois illustre à merveille les contre-effets de la stratégie du front républicain.
Eric Verhaeghe
Contrepoints
30 avril 2017
Le ralliement pourtant tout à fait prévisible de Nicolas Dupont-Aignan à Marine Le Pen suscite assez curieusement un tonnerre médiatique au nom du soi-disant front républicain. Le moment est venu de traiter sur le fond ce qu’est la vraie nature de ce front : l’une des illustrations du bannissement oligarchique, une technique de remise au pas de l’opinion qui explique largement la montée des extrêmes en France.
La rente du front républicain
Il faudrait donc pratiquer le front républicain, c’est-à-dire creuser et maintenir un cordon sanitaire permanent autour du Front National. Oh ! la belle rente électorale qui permet aux partis en place de faire tout et n’importe quoi en étant sûrs de ne jamais perdre les élections. Dans tous les cas, les partis de gouvernement s’allieront toujours pour empêcher un parti nouveau d’arriver aux responsabilités. Bien entendu, c’est au nom de la démocratie que ce viol caractérisé de la démocratie, consistant à interdire à une partie de l’opinion de faire valoir ses idées, est commis.
Le danger que le front républicain fait peser sur la démocratie
La succession d’élections qui se déroulent en France depuis six mois illustre à merveille les contre-effets de la stratégie du front républicain. Au lieu d’endiguer la montée du Front National et de consolider les partis auto-proclamés démocratiques (on se souviendra ici des déchirements après l’élection de Martine Aubry au poste de Premier Secrétaire du PS en 2008, et ceux qui ont suivi la confrontation Fillon-Copé à la tête de l’UMP pour mesurer la distance qui sépare ces partis de la démocratie, m’enfin bon !), le front républicain favorise la montée du Front National, mais aussi, à gauche, des Insoumis. Dans le même temps, il a permis d’éliminer consciencieusement tous ses apôtres : Sarkozy, Juppé, Fillon, Montebourg, Valls, Hamon, etc.
François Fillon à part, les candidats qui ont recueilli le plus de voix à la présidentielle sont ceux qui ne sont pas directement issus du front républicain. Cherchez l’erreur ! Et le Front National n’a jamais bénéficié d’autant de suffrages qu’auparavant. Le front républicain est le père de tous les dégagismes à venir.
Le Front National est-il oui ou non anti-démocratique?
Si le Front National est vraiment anti-démocratique, s’il fait peser une menace sur les libertés publiques et les droits de l’homme, il faut l’interdire. La dissolution des groupes politiques dangereux pour la démocratie est prévue par la loi depuis 1936 ! L’article L232-1 du Code de la Sécurité intérieure dispose notamment :
Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : (…)
6° Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.
Si les partis en place considèrent que le Front National entre dans cette catégorie, que le ministre de l’Intérieur applique la loi et qu’il ordonne la dissolution de ce parti. Sinon, qu’on le laisse, une bonne fois pour toutes, concourir normalement à la vie démocratique.
Comment le bannissement du Front National a affaibli nos institutions
Cette façon de bannir un parti sans l’interdire clairement comme la loi le permet a un effet général d’affaiblissement de nos institutions. D’un côté, les Français ont le sentiment que la démocratie réelle leur est refusée parce que le vote est orienté en faveur de quelques partis, sous peine de stigmatisation et de mise à l’index. De l’autre, ils sanctionnent durement les institutions que le front républicain est supposé protéger.
Pour s’en rendre compte, il suffit de lire ce graphique sur le nombre de voix recueillies au premier tour par les candidats du second tour :

Source : http://www.entreprise.news
En 2007 comme en 2012, les deux premiers candidats avaient recueilli plus de suffrages que l’abstention. En 2002 comme en 2017, l’abstention est le premier parti de France. Depuis 10 ans, le premier candidat à l’issue du premier tour recueille de moins en moins de suffrages.
Autrement dit, la stratégie du front républicain menée notamment sous le mandat de François Hollande, produit des résultats contraires à ceux attendus. Plus on fait « barrage au Front National », plus le Front National progresse, et moins les électeurs adhèrent à l’ensemble des institutions, notamment en manifestant une véritable désaffection pour les candidats qui s’opposent au second tour.
Sans la liberté de blâmer…
Le bannissement, ce réflexe témoin de la réaction nobiliaire…
Les infortunes suicidaires du front républicain tiennent à son esprit, qui déplaît à la majorité. Personne, sur le fond, n’est dupe ! Lorsque les élites de ce pays bannissent le Front National de la vie démocratique, elles envoient un message simple : bonnes gens, la République existe, mais nous en sommes les usufruitiers. Nous prendrons de sévères mesures de rétorsion contre tous ceux qui ne suivraient pas nos choix ou contrediraient nos intérêts. Nous les clouerons au pilori et les humilieront en place de grève. C’est ce qu’on appelle la réaction nobiliaire.
On retrouve ici la tradition du « Ridicule » de l’Ancien Régime très bien mise en scène par Patrice Leconte. Tout ce qui, non seulement ne se conforme pas, mais met en danger, la machine bien huilée destinée à servir les intérêts de l’élite est condamné à être broyé. Facialement, la démocratie existe. En profondeur, elle est foulée aux pieds par l’esprit de parti et de cour qui pétrifient tous ceux qui n’entrent pas dans la « combine ».
… qui insupporte une majorité grandissante de Français
Le bannissement comme réponse sociale à toute contestation politique visant les règles du jeu (ou l’élite qui en tire profit en toute impunité) est devenu une sanction de plus en plus dangereuse à pratiquer. Dans la troupe, la peine suscite des murmures de plus en plus houleux. La campagne pour le second tour montre la difficulté de plus en plus forte à ramener l’ordre et le calme dans les rangs par cette technique humiliante.
Il faut dire qu’à force de bannir, le groupe des « dissidents » devient de plus en plus important. Avec Internet, ce groupe peut s’exprimer malgré le boycott des médias, et il peut disséminer ses idées à l’abri des regards et répandre son parfum avec une grande liberté. De plus en plus de dissidents signifie de plus en plus de « grandes gueules » qui ont un intérêt objectif à nouer des alliances tactiques contre une réaction nobiliaire de plus en plus grotesque.
Prenez Mélenchon. Depuis vingt ans, les socialistes l’humilient, lui font sentir que son côté populo est insupportable, le méprisent pour ses origines et pour son éloquence qui leur fait de l’ombre et les renvoient à leur propre médiocrité. Quel Tartuffe peut s’étonner de le voir jouer avec le feu aujourd’hui ?
Le drame de la réaction nobiliaire est que, année après année, elle ne cesse de grossir les rangs des Mélenchon et de faire maigrir les rangs des fidèles au régime.
Et si l’on revenait à la démocratie ?
La stratégie du front républicain, qui consiste en bout de course à marier les carpes et les lapins pour rester seul à table contre tous les nouveaux arrivants, menace dangereusement nos libertés publiques.
D’abord, elle fonctionne par la multiplication des interdits liberticides. Ensuite, elle relativise les divergences d’opinion au profit d’une coalition d’intérêts mortifères. Pour défendre les mandats d’Estrosi, de Bertrand, de Cambadélis, de tous ceux qui ont pris le pouvoir sans majorité, nous serions supposés sacrifier nos vies et nos envies dans les tranchées d’un ridicule Chemin des Dames politique.
Nous savons tous que l’hécatombe de 1914 a préparé les reniements des années 30, nourris de toutes les désillusions face à ces sacrifices inutiles – inutiles pour l’intérêt général, mais très fructueux pour tous ceux qui ont instrumentalisé la cause collective à leur seul profit.
Et tel est le cancer qui se métastase aujourd’hui dans l’opinion : entre un chaos nommé Marine Le Pen et une désespérance appelée l’immobilisme macronien, fait de phrases creuses, de déclarations péremptoires bâties sur le sable des opinions à la mode, des éléments de langage rédigés par une boîte de com payée à prix d’or, de dénis insupportables et de leçons de morale à trois balles, le choix ne coule plus de source.
Coming out of a celebratory dinner at a Montparnasse brasserie after topping the poll in the first round of the French presidential election on Sunday, Emmanuel Macron had a brief brush with the press. A reporter asked: ‘Is this your Fouquet moment? This referred to a notoriously showy celebration by Nicolas Sarkozy at Fouquet’s restaurant after his own victory in 2007. The 39-year-old centrist was visibly cross. He simply wanted to thank his secretaries, security officers, politicians and writers, he said. Then came the dig. ‘If you don’t understand that,’ he said, ‘you understand nothing about life. I have no lessons to learn from the petit milieu Parisien.’
This dismissive reference to the chattering classes is par for the course for a man who shows no hesitation in demonstrating his superiority; a man who claims he’ll create a new sort of politics to replace the discredited and cliquey system which reached its nadir under Hollande. But behind Macron on the red velvet banquettes of the brasserie was as fine a collection of a particular kind of Parisian in-crowd as one could wish for.
Alongside secretaries and security guards sat the perennial presidential adviser Jacques Attali, who was whispering in François Mitterrand’s ear as he steered France into a downward course in the early 1980s. There was Daniel Cohn-Bendit, survivor of the 1968 student riots turned Green politician and all-purpose pundit. There was a radio host, a well-known actor, a veteran senator and big city boss and the 88-year-old singer Line Renaud. Very much business as usual.
The man who set up his own party to challenge the system, En Marche! (his own initials), is in fact a perfect insider-outsider. A graduate of the top administrative college, l’ENA, he made a fortune organising mergers and acquisitions for the Rothschild bank, earning €2.9 million in one takeover and getting the nickname of ‘the Mozart of finance’. In the seamless way of the French elite, he gravitated to the Elysée Palace as a Hollande adviser and became economics minister in 2014, lasting two years before resigning and setting his sights on returning as president of the republic. Macron, immaculately groomed, exudes confidence and seems to have an answer for everything, including the need not to make concessions to the UK over Brexit. He has determination and ambition, but he’d be wise to remember how lucky he’s been too. Given the Socialist Hollande’s abject unpopularity, this looked like the year when the centre-right Republicans were bound to regain the presidency. But their candidate, François Fillon, ran into fatal allegations that he arranged big payments from state funds to his wife and family for work they did not do.
The Socialists split, choosing the left-winger Benoît Hamon and prompting a walk-out by social democrats like former premier Manuel Valls, who backed Macron despite bad blood between them when they were in government together. Two of the party’s important provincial figures, Lyons mayor Gérard Collombe and Jean-Yves Le Drian, president of the Regional Council of Brittany, swung behind the pretender. The rise of the hard-left Jean-Luc Mélenchon in the first round campaign, addressing huge crowds and using a hologram to appear at two rallies at time, provided an alternative pole to Marine Le Pen for angry voters. As her polls ratings declined, she focused on her core electorate and thus limited her ability to broaden her appeal. Macron had only to ensure that the swelling ranks of En Marche! supporters remained pumped up. Laurent Joffrin, editor of the left-wing Libération, conjured up a new political substance, Macronite, as a 21st-century version of Teflon — or the Gallic equivalent of Blairite. Macron deftly deflected accusations that his policies were like a box of chocolates: neatly arranged but with soft centres. He promised to cut the budget deficit while reducing taxation, but avoided Fillon’s Thatcherite rigour. When claims surfaced of a gay relationship, he smiled and, referring to Mélenchon’s doppelgänger, said: ‘If you’re told I lead a double life, it’s because my hologram has escaped.’
Macron has the backing of Angela Merkel and can be expected to unite with Germany in making sure that soft terms for Brexit do not encourage the Le Pen-Mélechon Eurosceptics. The main threat on 7 May is likely to be from left-wingers unable to bring themselves to vote for a banker in a country with a deep distrust of the financial sector, and from those who find him too representative of the elite they want to overturn. His real challenges will start then, and he will no longer be able to count on Macronite good fortune.
The immediate problem is the June legislative elections. En Marche! has no members of parliament — it plans to run candidates in all 577 constituencies, but when voters choose their National Assembly representatives they often stick to candidates they know. And Macron’s movement lacks a national organisation. Last Sunday he scored well in big cities and western France but his opponents did better in swaths of the north and south. Even Charles de Gaulle could not muster a parliamentary majority of his own when he founded the Fifth Republic in 1958.
So President Macron will need backing from others in the National Assembly. That will mean a lot of old-fashioned horse-trading. The outlines of such an alliance are: social democrats and centrists plus the liberal wing of the Republicans under former prime minister Alain Juppé. But apart from requiring a lot of minding, coalitions tend not to be resolute in offering the kind of radical changes in economic and social policy Macron has offered, and which he needs to keep En Marche! mobilised.
The Republican leadership will want to avoid being sucked into the new president’s orbit. The Socialists, who had a disastrous first round with only 6 per cent of the vote, will struggle for survival and will resist a Macron takeover. In short, building a new reformist, liberal, pro-Europe Jerusalem looks like being more a matter of forging alliances with skittish, self-protective partners. It is a great mistake to imagine that the anti-Le Pen line-up on 7 May will endure. The single aim of stopping the Front will be replaced by a myriad of party, regional and personal interests. The idealists of En Marche! may find that hard to stomach. A movement that came from nowhere could all too easily dissolve like snowflakes in the sun.
Macron’s task is made all the more tricky by the legacy of another element in the voting last Sunday. Almost half the voters supported anti-establishment parties. Their parliamentary representation will be well short of their popular backing. That is likely to fuel street action encouraged by Mélenchon and Le Pen, whose Front is the principal political vehicle for industrial workers and has made inroads into depressed rural areas. The big CGT union federation will try to make up for declining membership by increased militancy. Vested interests, from farmers to pharmacists, will be up in arms. A rentrée chaude is on the cards for the autumn.
The first-round vote showed a sharply divided nation. Le Pen took nine departments among those with the highest jobless rates. They are not likely to fall for the Macron charm or his liberal ‘open to the world’ policies. So France will come out of one election and approach another split between the haves and have-nots with two articulate rabble-rousers confronting the political start-up of the decade.
Jonathan Fenby is the author of The History of Modern France
Voir enfin:
Dégun
La campagne de second tour d’Emmanuel Macron paraît plus compliquée que prévu, à tel point qu’on peut se demander dans quelle mesure il n’est pas victime de la loi de Murphy, celle de l’emmerdement maximal. Voici la liste des contrariétés qu’il engrange depuis dimanche soir…
L’épiphénomène de la Rotonde devient une polémique obsédante
Dimanche soir, Emmanuel Macron organise un dîner pour 150 invités à la Rotonde, à Montparnasse, après son discours triomphaliste à la porte de Versailles. Il s’y rend en voiture officielle, escorté par des motards. Il y retrouve Jacques Attali et quelques autres vedettes. L’effet bling-bling est désastreux, et donne d’emblée le sentiment que le candidat considère sa victoire comme acquise.
Un candidat introuvable pour une loi de Murphy qui s’annonce
Le ni-ni et l’abstention font des émules
La catastrophe Whirlpool
Attali renié par son fils spirituel
Parisot candidate à la gamelle
Les premiers sondages tombent
Les législatives, mères de toutes les pressions
Problème pour Macron: il n’a pas de députés élus sous son étiquette, et il en aura besoin pour gouverner. Que faire? Bayrou et Valls lui expliquent qu’il serait bien plus à l’aise en faisant alliance avec les vieilles gloires sortantes. Macron résiste. Le résultat ne tarde pas à se faire attendre. Bayrou le désavoue publiquement:
« L’idée que l’on polluerait, ou que l’on troublerait, ou que l’on pèserait sur l’élection présidentielle, par la distribution d’investitures pour les élections législatives qui vont venir plusieurs semaines après, est une idée baroque », a expliqué François Bayrou dans l’émission « L’Épreuve de vérité » diffusée sur Public Sénat, en partenariat avec l’AFP, les Echos et Radio Classique.
Cette précaution n’a bien entendu rien à voir avec la volonté de Bayrou de préserver un maximum de postes pour sa formation…
De son côté, Cambadélis commence à tirer la laisse socialiste:
Jean-Christophe Cambadélis estime qu’Emmanuel Macron n’a pas pris « en compte la gravité de la situation », au soir du premier tour de l’élection présidentielle, a-t-il déclaré sur Franceinfo, jeudi 27 avril. Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) s’est dit « inquiet » « depuis le premier soir ».
Là encore, on imagine que les inquiétudes de Cambadélis s’apaiseraient rapidement si Macron lui donnait la certitude de son soutien dans sa circonscription du XIXe arrondissement…
Quand ça veut pas, ça veut pas.
C’est un jour historique car nous faisons passer l’intérêt de la France avant des intérêts partisans. J’ai décidé de prendre mes responsabilités en votant Marine Le Pen et en allant plus loin : en bâtissant un projet de gouvernement. Nicolas Dupont-Aignan
[L’enjeu de cette présidentielle, c’est la souveraineté française. C’est-à-dire, notre liberté. (…) J’ai le sentiment que Monsieur Emmanuel Macron n’a ni amour-propre, ni lucidité. Il étale ses faiblesses avec un extraordinaire masochisme. Il a un petit côté chien battu. Il ne respecte pas la France et il est même en train de détruire le support de son existence politique. (…) Il n’a pas de programme économique. Il ne peut pas en avoir parce que nous ne sommes plus qu’un territoire à l’intérieur de l’Union européenne. Il faut sortir de là le plus rapidement possible, quel qu’en soit le coût, car mieux vaut la liberté que l’esclavage. (…) À la fin de la guerre, deux hommes avaient compris cela: De Gaulle et Churchill, qui n’a jamais aliéné les pouvoirs de son pays. Nous assistons à une tentative de domestication des pays européens, nous sommes placés devant l’éventualité d’un IVe Reich. (…) Nous n’avons plus d’État. Le quinquennat qui s’achève aura été inexistant et je note une carence historique extraordinaire chez nos dirigeants. Aujourd’hui, l’économie et la finance veulent remplacer la souveraineté. Cela est impossible. (…) Marine Le Pen (…) Aujourd’hui, elle est la seule candidate qui n’est pas pieds et poings liés devant les Allemands. Manifestement, elle est la seule à avoir le tempérament pour rétablir la souveraineté de la France. Elle a, je crois, le sens de l’État au point de préserver notre nation. (…) Quelle est la caractéristique de l’extrême droite aujourd’hui? Je n’en vois aucune. Et qu’est-ce que représente le Front national en dehors de Marine Le Pen? Les partis politiques ont une importance et une influence mineures. Les Français savent être plus rebelles que cela. (…) ils ne se sentent pas gouvernés et ils ne le sont pas. Marie-France Garaud