Présidentielles 2012: Attention, une honte peut en cacher une autre (I don’t want to regulate capitalism, I want to strangle it)

28 avril, 2012
Votons contre la honte! Marianne
Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui ensemble gagnent environ 15000 francs, et qui voit sur le pallier à côté de son H.L.M., entassés, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, qui gagnent 50000 francs par mois de prestations sociales sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à celà le bruit et l’odeur, eh bien, le travailleur français sur le pallier il devient fou ! Et ce n’est pas être raciste que de dire cela. Nous n’avons plus les moyens d’honorer le regroupement familial. Et il faudra enfin un jour poser le grand débat qui s’impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s’il est naturel que des étrangers bénéficient d’une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu’ils ne payent pas d’impôts. Jacques Chirac (Meeting électoral, Orléans, 1990)
Célébrer l’histoire du communisme ou de la Terreur, c’est tout de même bien plus tolérant que de refuser l’entrée du territoire à un étranger qui ne s’est pas conformé à la loi. Théophane Le Méné
Nous ne voulons pas que des soldats français se fassent tuer, ni pour de Gaulle, ni pour Doriot et Déat, car ce n’est pas en associant son destin à un des groupes impérialistes en guerre que la France pourra se sauver; elle ne le fera qu’en se débarrassant de l’odieux régime capitaliste. L’Humanité (31 octobre 1940)
Je ne veux pas réguler le capitalisme, je veux l’étrangler. Jean-Luc Mélenchon
Il y a soixante-huit ans, le 15 mars 1944, dans la clandestinité, le Conseil national de la Résistance (CNR) adoptait son programme. A la veille de cet anniversaire, à quelques semaines d’un vote déterminant pour l’avenir de la France et de sa jeunesse, nous, anciens résistants et fils de résistants, lançons cet appel pour que soient maintenus et transmis l’héritage et les valeurs de la Résistance. (…) Parce que nous pensons que la reconduction du sortant signifierait le démantèlement total du programme du Conseil national de la Résistance nous appelons à un vote de sauvegarde, d’optimisme et d’espoir. Nous voterons et appelons à voter François Hollande. RAYMOND AUBRAC, STÉPHANE HESSEL ambassadeur de France, corédacteur  (sic) de la Déclaration universelle des droits de l’homme (15.03.12)
Aujourd’hui, je n’ai pas de consigne de vote. Franchement, je serais bien emprunté, c’est pour ça que je souris souvent en disant aux Français ‘Bonne chance’, parce que, franchement, je ne vois pas. J’aurais une position de principe qui est extrêmement claire : je suis tellement mécontent de ce que je peux voir que je regarderais pour le premier tour et voterais pour celui que je considère être le moins mauvais. Mais, au deuxième tour, je n’aurais pas un vote utile, je n’aurais qu’un vote sanction. Quelque soit celui qui est au pouvoir et bien je dirais je suis contre toi. Je ne suis pas pour toi, je suis contre toi. Moi, je prends position pour que mon vote compte au lieu de m’abstenir parce que les deux c’est la même chose. Je vais voter contre Sarkozy, mais si Hollande arrivait par la suite je serais contre lui de la même façon… Un premier tour où je chercherais le moins mauvais et un deuxième tour où je voterais contre celui qui est en charge pour manifester dans un poids une attitude de distanciation… (…) Franchement aujourd’hui, je me vois pas dire oui à l’un (…) mais par contre  je peux dire non à l’autre …  Tariq Ramadan (à partir de la 40e minute, 04.03.12)
Jamais de ma vie, je n’ai appelé à voter François Hollande. Je ne suis pas Français, je n’ai pas donné de consigne de vote. J’ai dit qu’il ne devait pas y avoir de consigne de vote musulman, que cela ne voulait rien dire. J’ai simplement appelé les citoyens français, de confesssion musulmane ou autre, à voter en conscience et à faire le bilan de la politique de Nicolas Sarkozy, qui est très mauvaise. Tariq Ramadan
Des recteurs de mosquées vont appeler à voter pour François Hollande (…) En tout, c’est un réseau de quelques 700 mosquées qui devrait se mobiliser en faveur du candidat socialiste. Ironie de l’histoire : l’organisateur de l’opération n’est autre qu’Abderrahmane Dahmane, ancien conseiller « Diversité » de Nicolas Sarkozy. Désormais conseiller à la mosquée de Paris, il avait claqué la porte de l’Elysée en mars 2011, alors que l’UMP venait d’annoncer la tenue d’une convention sur l’islam. Marianne
Pourquoi le fait que Hollande ait dit qu’il se serait désisté pour Mélenchon au second tour – si ce dernier était arrivé premier à “gauche”- ne pose pas autant de problèmes qu’à droite ? Parce que Mélenchon bénéficie de l’aura des 75 000 fusillés du PC alors que si ce dernier en a fait autant c’était surtout pour soulager le front soviétique, pour faire en sorte que le maximum de divisions nazies soient immobilisées en France, afin qu’elles ne puissent pas aller attaquer la vraie “patrie du socialisme “, pas du tout pour les beaux yeux de Marianne ; (…)  Le FN a beau avoir, dit-il, pas mal d’anciens résistants dans ses rangs rien n’y fait, et pourtant est-on sûr que les feu vichystes soutiennent le FN et pas plutôt le feu PFN, l’Oeuvre française, c’est-à-dire Karl Lang, Bruno Mégret, voire le Bloc Identitaire, qui tous les trois refusent l’assimilation des étrangers devenus français, alors que le FN est pour ; ne serait-ce pas, là, plutôt la barre, décisive, à placer? Lucien Ouhlabib
En 2007, Sarkozy, c’était Bonaparte au pont d’Arcole ! Il s’est emparé de thèmes, comme l’identité nationale, que Chirac avait totalement abandonnés. Il a désenclavé la droite en agrégeant un vote populaire au vote de droite traditionnel. Comme de Gaulle en 1958 ! Le problème, c’est qu’il manquait d’hommes pour appliquer la révolution culturelle qu’il incarnait, car la droite chiraquisée s’est soumise à l’hégémonie intellectuelle de la gauche depuis des décennies, au point de perdre ses repères. Alors que l’extrême gauche infiltrait le PS et le PCF tout en maintenant une expression politique autonome grâce à ses partis et ses associations, la droite n’a pas formé ses cadres ! On ne peut pas exiger d’un homme qu’il fasse en cinq ans ce que deux ou trois générations n’ont pas pu ou n’ont pas su faire avant lui !  Patrick Buisson
Le problème, c’est que cette droite, bien que majoritaire, continue d’être paralysée par la malédiction politico-morale pesant sur la prétendue « extrême droite ». Le fait que le programme de cette dernière ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du RPR des années 80, que ses valeurs et ses références soient empruntées pour l’essentiel au général De Gaulle, que son leader, née 24 ans après la Libération, soit peu suspecte d’avoir collaboré avec les nazis, le fait enfin que bon nombre de ses cadres soient issus de la mouvance chevènementiste, n’y change rien. On ne dîne pas avec le diable, même avec une grande cuillère, et même quand ce n’est pas le diable : ce qui fait qu’en définitive, on ne mange pas très souvent. Le coup de génie de Mitterrand, plus machiavélique que jamais, qui permit au Front National de prendre son essor tout en prononçant un anathème perpétuel contre toute tentative d’alliance avec lui, a fragilisé la position de la droite depuis un quart de siècle- et ouvert régulièrement les portes du pouvoir à une gauche minoritaire. Mitterrand, qui croyait aux forces de l’esprit, en rigole encore. Le piège a fonctionné bien au-delà de ses espérances – avec la complicité résignée d’une droite dite républicaine qui n’a pas voulu prendre le risque de l’alliance et n’a en outre jamais osé retourner l’argument moral contre la gauche socialiste. En n’ayant pas eu l’audace de dénoncer l’alliance du PS avec le parti qui déclarait jadis que « Staline est l’homme que nous aimons le plus », la droite perdait automatiquement le droit de juger les autres. Frédéric Rouvillois
Il serait temps de comprendre que les millions de Français qui votent pour le FN ne veulent pas moins mais plus de République. Ils ont tort ? Admettons. Mais était-ce républicain de construire une Europe dans laquelle les décisions échappent largement aux élus du peuple ? Était-ce républicain d’inventer, au nom d’une conception mécanique de l’égalité, le collège unique dont la grande œuvre aura été de tirer les bons élèves vers le bas plutôt que les mauvais vers le haut ? Était-ce républicain de tergiverser pendant vingt ans avant d’interdire les signes religieux à l’école ? Était-ce républicain d’encourager l’idéologie de la repentance qui légitime la détestation de la France ? Était-ce républicain de prôner l’ouverture à tous les vents de la mondialisation, qu’elle fût économique ou culturelle ? Était-ce républicain de décréter que dans les écoles de Strasbourg on servirait “de la viande halal par respect pour la diversité, mais pas de poisson le vendredi par respect pour la laïcité” — impayable logique du maire socialiste de la ville ? Était-ce républicain de minimiser l’antisémitisme et le sexisme qui sévissaient et sévissent encore dans les “territoires perdus de la République” au motif que ceux qui les propageaient étaient victimes de l’exclusion sociale ? Était-ce républicain de traiter de salauds, de cons ou de fachos les électeurs qui, lassés d’être les cocus de la mondialisation, se sont tournés vers le FN ? Ou étaient-ils, durant toutes ces années, tous ces Républicains sourcilleux qui affichent aujourd’hui leurs âmes pures et leurs mains blanches ? Peut-être serait-il naïf ou imprudent de décerner à Marine Le Pen un brevet de vertu républicaine. En attendant, si la République semble aujourd’hui si mal en point, elle n’en est pas, loin s’en faut, la première responsable. Elisabeth Lévy
En 2012, la participation frôle les 80 %, ce qui est important. Si elle est de 4 points inférieure à celle de 2007, elle est très supérieure à ce que les instituts de sondage prévoyaient : un effondrement proche de 10 points ! A mon sens, on doit y voir la très forte mobilisation de la gauche dans son rejet du sarkozysme. L’autre manifestation de cette colère à l’égard du président sortant s’est traduite par une plus faible participation des villes où Nicolas Sarkozy avait fait le plein en 2007. Typiquement, le retraité qui a voté pour le candidat UMP, il y a cinq ans, s’est abstenu au premier tour cette fois-ci. Ce qui laisse une certaine marge de progression pour le convaincre de se déplacer au second tour. En revanche, François Hollande semble ne disposer que de peu de réserve parmi les abstentionnistes du premier tour. (…)  Si l’on met l’accent sur sa deuxième place, on pourrait conclure à un échec par rapport aux présidents sortants tous arrivés en tête. Seulement, en 2002, Jacques Chirac, dont le bilan est jugé comme inexistant, a certes respecté la règle en s’offrant la première marche du podium, mais en ne captant que moins de 20% des voix. Aussi dire que la stratégie Buisson, ou plutôt Buisson-Guaino a échoué, est-il, à mon sens une erreur d’analyse. Christophe Guilluy

Qui nous délivrera des 75 000 fusillés?

Alors qu’avec la reprise en compte des enjeux de civilisation qui pour une bonne part désormais font le réel clivage avec son adversaire de gauche, le président sortant voit se lever contre lui comme un seul homme les dégoûts et les hauts le coeur des bien-pensants de gauche comme de droite …

Dans une élection où, d’Aubrac à Hessel,  nos résistants de choc ont jusqu’à leur dernier souffle repris du service et où nos experts en manipulations en sont à nous bricoler de fausses affiches pétainistes pendant qu’entre deux phrases alambiquées nos hypocrites islamistes rameutent les foules des mosquées

Mais où ceux qui sont ou se sentent les plus touchés par les bouleversement actuels sont réduits, à gauche comme à droite, au statut de citoyens de seconde zone et leur vote (dont, de derrière leur « cordon sanitaire », on a soudain tellement besoin) à de la pure protestation ou colère …

Et que quatre ans après les Etats-Unis et après avoir lâché, pendant des mois et de Mélenchon à Joly, sa meute de chiens enragés pour faire le travail de démolition, le nouvel Obama blanc de Corrèze peut à présent nous refaire, face à la légendaire excitation de son adversaire, le coup de la force tranquille …

Retour, avec le site Causeur, sur le machiavélique piège du porteur masqué de francisque qui, pendant des décennies et en cette cruciale élection encore, continue de fragiliser une droite pourtant majoritaire dans l’opinion.

Et surtout, hier comme aujourd’hui, sur cette droite dite « républicaine » (jusque, à l’occasion, au président lui-même!) qui n’a jamais « osé retourner l’argument moral contre la gauche socialiste ».

Et, sans parler d’un bilan toujours attendu d’un système qui n’a toujours pas eu son Nuremberg, « dénoncer l’alliance du PS avec le parti qui déclarait jadis que ‘Staline est l’homme que nous aimons le plus’  » alias le « parti des 75 000 fusillés » qui en réalité ne pouvaient en dépasser 4 000 ...

Mais qui, après les sabotages et l’espionnage dans les usines d’armement au profit de Moscou de l’avant Pacte germano-soviétique, a pratiqué dans tout l’après-guerre, des campagnes de désinformation (guerre de Corée, “Ridgway la peste”, Affaire Rosenberg, “Appels” et “Mouvements pour la Paix”) à l’espionnage au plus haut niveau (Hernu) et au financement occulte du parti (“l’or de Moscou” via notamment Aubrac)  ainsi qu’avec ses quarterons de compagnons de route et d’idiots utiles (Sartre, Aragon, Picasso & co), la continuation du défaitisme révolutionnaire par d’autres moyens

Six millions et demi d’ennemis ?

Elisabeth Lévy

27 April 2012

“Marine Le Pen est compatible avec la République”. Que cette phrase prononcée par Nicolas Sarkozy ait été affichée en “une” de Libération sans le moindre commentaire, comme si elle devait à elle seule provoquer effroi et dégoût1 [2], puis qu’elle ait donné lieu à un festival de démentis, de postures et d’invectives, montre qu’il est temps que cette campagne s’achève: tous ces gens doivent être très fatigués pour qu’une telle banalité leur échauffe à ce point les sangs. Car enfin, si Marine Le Pen est incompatible avec la République, après son score de dimanche, une conclusion s’impose: la République est morte ou, à tout le moins, gravement menacée. Or, aussi criants soient ses échecs et insuffisances, nul ne s’est risqué à prononcer l’avis de décès. À l’instar du Président, on peut aussi se demander pourquoi la République tolèrerait en son sein un parti anti-républicain — qui aurait, de surcroît, été mis en selle par le seul chef de l’État dont le Parti socialiste ait jusque-là fait don à la France. En tout cas, si ses statuts comportaient la moindre ambigüité sur la question, il se serait assurément trouvé quelques associations pour saisir la justice.

Convenons cependant que cette démonstration par l’absurde n’est pas entièrement satisfaisante. Que le FN soit compatible avec la République ne signifie pas qu’il soit républicain. Certes, il n’est jamais sorti de la légalité républicaine — par exemple en tentant de remettre en cause dans la rue le résultat des urnes. Mais si la droite que l’on qualifiera de classique a accepté de participer à la mise en place d’un « cordon sanitaire » qui lui a valu pas mal de défaites électorales, ce n’est pas seulement, comme le soutient l’excellent Frédéric Rouvillois [3], parce qu’elle a lâchement cédé au chantage moral de la gauche, mais parce que les sorties de Le Pen père, sans parler de ses fréquentations déplorables et des traditions historiques dans lesquelles il s’inscrit, invitaient pour le moins à douter de son attachement aux valeurs de la République. De ce point de vue, le discours prononcé au congrès de Tours, en janvier 2011, par Bruno Gollnisch, fut sans équivoque. Il enflamma la salle (qui lui était largement acquise) en évoquant « nos morts du 6 février 1934 » et fit un tabac avec toutes les vieilles lunes de l’antiparlementarisme — il n’y manquait que la dénonciation de « la Gueuse ».

On comprend que la gauche se soit entichée d’un si précieux ennemi, du moins tant qu’il ne chassait pas trop sur ses propres terres électorales. Placer au centre du jeu un parti décrété hors-jeu revenait tout simplement à priver la droite de 10 à 15 % de ses électeurs dont les suffrages étaient en quelque sorte désactivés. Le tout en se payant le luxe d’apparaître comme le camp des valeurs contre celui du cynisme. Nul n’aurait eu le mauvais goût d’interroger le PS sur sa propre alliance avec un PCF dirigé par Georges Marchais qui resta jusqu’au bout l’homme de l’alignement sur l’URSS — qui aurait osé comparer le glorieux Parti des Fusillés à la nauséabonde extrême droite ? Le 21 avril 2002 et la défection de classes populaires peu sensibles aux oukases des sermonneurs révélèrent les limites de la manœuvre : eh les gars, ce n’est pas à nous que vous deviez piquer des électeurs !

Seulement, quoi qu’en disent les plus indécrottables des antifascistes de bazar, la victoire de Marine Le Pen change la donne. Certes, elle n’a pas changé son parti d’un coup de baguette magique. Mais en politique les discours engagent. Celui qu’elle prononça à Tours quelques heures après son rival défait était émaillé de références parfaitement républicaines, de Jaurès à la Résistance en passant par Valmy — où elle avait traîné son père il y a quelques années. On me dira qu’elle n’en pense pas moins : peut-être, mais à trop sonder les reins et les cœurs, on risque de faire des découvertes peu ragoûtantes. Et pas seulement dans les organes lepénisés.

Bien sûr, on ne se contentera pas de cette proclamation. Il faut donc examiner son programme, en tout cas ses points les plus contestés. Elle veut réduire, voire interrompre l’immigration, légale et illégale : on peut lui reprocher, au choix, son manque de générosité ou son irréalisme, mais est-il bien républicain d’ignorer que nombre de Français, y compris ceux qui ne votent pas pour elle, adhèrent à cette proposition, tout simplement parce que, dans la vraie vie, l’immigration n’est pas toujours une chance pour la France, en particulier pour les populations arrivées récemment dont l’intégration n’est pas précisément une réussite ? La préférence nationale qu’elle propose me semble personnellement de très mauvais aloi, mais il faut être crétin ou de mauvaise foi pour dire qu’elle établit une distinction entre Français. Tous les pays accordent certains droits à leurs seuls ressortissants, par exemple, celui de se présenter à la présidence de la République. Le principe n’est donc pas scandaleux en soi — rappelons qu’il donne la priorité à un Français d’origine étrangère récente sur un Américain.

On me parlera de son discours de haine, sans jamais dire à quels termes se rapporte cette qualification. J’ai détesté sa phrase sur les “Mohamed Merah déferlant sur nos côtes”. Reste que des phrases détestables, on en a entendu quelques-uns au cours de cette campagne. Alors oui, on peut désapprouver la façon dont Marine Le Pen pose la question de l’islam et de son acculturation en France. On me permettra de désapprouver tout autant le silence vertueux que tant d’autres préfèrent observer sur ce sujet. La laïcité mérite peut-être d’être défendue en termes plus choisis qu’elle ne le fait, mais la gauche qui ne la défend pas du tout est mal placée pour donner des leçons sur ce terrain.

Il serait temps de comprendre que les millions de Français qui votent pour le FN ne veulent pas moins mais plus de République. Ils ont tort ? Admettons. Mais était-ce républicain de construire une Europe dans laquelle les décisions échappent largement aux élus du peuple ? Était-ce républicain d’inventer, au nom d’une conception mécanique de l’égalité, le collège unique dont la grande œuvre aura été de tirer les bons élèves vers le bas plutôt que les mauvais vers le haut ? Était-ce républicain de tergiverser pendant vingt ans avant d’interdire les signes religieux à l’école ? Était-ce républicain d’encourager l’idéologie de la repentance qui légitime la détestation de la France ? Était-ce républicain de prôner l’ouverture à tous les vents de la mondialisation, qu’elle fût économique ou culturelle ? Était-ce républicain de décréter que dans les écoles de Strasbourg on servirait “de la viande halal par respect pour la diversité, mais pas de poisson le vendredi par respect pour la laïcité” — impayable logique du maire socialiste de la ville ? Était-ce républicain de minimiser l’antisémitisme et le sexisme qui sévissaient et sévissent encore dans les “territoires perdus de la République” au motif que ceux qui les propageaient étaient victimes de l’exclusion sociale ? Était-ce républicain de traiter de salauds, de cons ou de fachos les électeurs qui, lassés d’être les cocus de la mondialisation, se sont tournés vers le FN ? Ou étaient-ils, durant toutes ces années, tous ces Républicains sourcilleux qui affichent aujourd’hui leurs âmes pures et leurs mains blanches ? Peut-être serait-il naïf ou imprudent de décerner à Marine Le Pen un brevet de vertu républicaine. En attendant, si la République semble aujourd’hui si mal en point, elle n’en est pas, loin s’en faut, la première responsable.

Notons au passage que Libé, pour accentuer l’effet recherché, a préféré taire le prénom du Le Pen dont il est question, en l’occurrence la fille. ↩ [4]

URL dans cet article:

[1] “battle”: http://fr.news.yahoo.com/blogs/rue89-causeur-la-battle/vingt-neuvi%C3%A8me-round-le-front-national-est-il-130712090.html

[2] 1: #fn-17239-1

[3] l’excellent Frédéric Rouvillois: http://www.causeur.fr/un-seul-espoir-la-defaite,17172

[4] ↩: #fnref-17239-1

Voir aussi:

Un seul espoir, la défaite

Il faut un électrochoc pour remettre la droite sur les rails

Frédéric Rouvillois

Causeur

24 April 2012

« Les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes », notait Pascal dans ses Pensées. C’est pourquoi le premier tour de la présidentielle porte l’observateur impartial à conclure que, pour la droite, le seul espoir serait celui de la défaite.

Au soir du 22 avril, sur TF1, quelques minutes seulement après l’annonce des résultats, le patron de l’UMP, Jean-François Copé, l’air plus matois, plus rusé, plus Raminagrobis que jamais, déclarait comme une évidence que la droite avait recueilli 48 % des suffrages, soit environ 28 % pour le candidat Sarkozy, et 20 % pour Mme Le Pen… La droite ? Les choses on le sait, sont un peu plus complexes, et le Front National, tout comme son électorat, ne s’accommode qu’imparfaitement de la grille d’analyse classique et de la dichotomie droite/ gauche. Mais bon, admettons : une droite à 48 %. Une droite qui, si l’on y ajoute une partie des électeurs de François Bayrou et ceux de Dupont-Aignan, apparaît largement majoritaire : une droite qui, au regard du principe démocratique fondamental, un homme égale une voix, devrait donc l’emporter sur une gauche qui, tout compris, atteint péniblement les 40 %.

Le problème, c’est que cette droite, bien que majoritaire, continue d’être paralysée par la malédiction politico-morale pesant sur la prétendue « extrême droite ». Le fait que le programme de cette dernière ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du RPR des années 80, que ses valeurs et ses références soient empruntées pour l’essentiel au général De Gaulle, que son leader, née 24 ans après la Libération, soit peu suspecte d’avoir collaboré avec les nazis, le fait enfin que bon nombre de ses cadres soient issus de la mouvance chevènementiste, n’y change rien. On ne dîne pas avec le diable, même avec une grande cuillère, et même quand ce n’est pas le diable : ce qui fait qu’en définitive, on ne mange pas très souvent. Le coup de génie de Mitterrand, plus machiavélique que jamais, qui permit au Front National de prendre son essor tout en prononçant un anathème perpétuel contre toute tentative d’alliance avec lui, a fragilisé la position de la droite depuis un quart de siècle- et ouvert régulièrement les portes du pouvoir à une gauche minoritaire. Mitterrand, qui croyait aux forces de l’esprit, en rigole encore. Le piège a fonctionné bien au-delà de ses espérances – avec la complicité résignée d’une droite dite républicaine qui n’a pas voulu prendre le risque de l’alliance et n’a en outre jamais osé retourner l’argument moral contre la gauche socialiste. En n’ayant pas eu l’audace de dénoncer l’alliance du PS avec le parti qui déclarait jadis que « Staline est l’homme que nous aimons le plus », la droite perdait automatiquement le droit de juger les autres.

En montant le piège où la droite modérée, Jacques Chirac en tête, s’empressa de tomber la tête la première, Mitterrand, fin connaisseur de l’histoire de France, dût songer à l’inimitié mortelle qui, au début des années 1870, opposa entre eux légitimistes et orléanistes, les deux groupes qui formaient alors la majorité monarchiste à l’Assemblée nationale. Une inimitié sans véritable justification politique, mais qui, à l’époque, permit à une minorité républicaine unie d’empêcher toute restauration de la monarchie, et de faire adopter la république par une majorité de royalistes qui en avaient horreur.

Cependant, avec un candidat frontiste qui, dépassant les 18 %, représente objectivement près de la moitié de la « droite », une telle situation n’est plus tenable. Elle ne l’est plus, sauf à se résigner à une attitude suicidaire, celle des royalistes de 1870. Du point de vue de la droite, il paraît donc urgent de faire « bouger les lignes », comme Jean-François Copé semble du reste l’avoir admis en parlant de cette droite comme d’un ensemble homogène- et en précisant qu’il n’y incluait pas les électeurs du Modem, ce qui suppose que ces derniers seraient au fond plus éloignés de l’UMP que ne le sont les électeurs frontistes… Si la droite constitue désormais un ensemble, et que, comme l’a fait le président Sarkozy dès le soir du premier tour, on peut piocher dans le programme frontiste sans avoir à s’en excuser, qu’est-ce qui empêche de faire sauter les verrous, et de considérer que le Front National est un mouvement comme un autre, avec lequel on peut débattre, négocier et même s’allier sans perdre son âme ?

Ce qui l’empêche ? Un quart de siècle d’habitudes, de réflexes, de pudeurs et de soumission à ce que ses adversaires ont défini comme politiquement correct. Et comment déraciner tout cela ? Sans doute en éprouvant soi-même, très concrètement, les conséquences inévitables d’une telle attitude : bref, en perdant des élections que, numériquement, on aurait dû remporter. La potion est amère, et c’est sans gaieté de cœur que la droite devrait se résigner à la prendre : un électrochoc n’est jamais plaisant. Mais y a-t-il un autre moyen, pour elle, de s’extirper enfin du piège inventé par François Mitterrand ? Et y aura-t-il d’autres occasions ? C’est après leurs cuisantes défaites électorales de 1876 et 1879 que les royalistes de la IIIe République renoncèrent enfin à leurs dissensions, et acceptèrent de constituer un grand mouvement conservateur. Malheureusement, il était trop tard, l’heure était passée…

Voir enfin:

Influence.

Patrick Buisson, le stratège du président

Fabrice Madouas

Valeurs actuelles

21/03/2012

Patrick Buisson“C’est mon hémisphère droit”, a dit de lui Nicolas Sarkozy. Portrait d’un conseiller discret qui ne met pas ses convictions sous le boisseau.

On le présente comme l’“éminence grise” de Nicolas Sarkozy, inspirant au chef de l’État les thèmes d’une campagne menée tambour battant. Le retour aux frontières ? Buisson ! L’identité nationale et la défense des valeurs ? Buisson ! L’appel au peuple et la stratégie référendaire ? Buisson, vous dis-je ! Le chef de l’État n’a-t-il pas déclaré lui-même, en lui remettant la Légion d’honneur, le 24 septembre 2007 : « C’est à Patrick que je dois d’avoir été élu » ? Pourtant, “Patrick” a toujours refusé le poste de conseiller auprès du président que Nicolas Sarkozy lui proposait et n’occupe aucun bureau à l’Élysée.

On dit aussi de Buisson qu’il est “maurrassien”. « Aucune élection ne s’est jamais jouée sur des thématiques économiques », assène-t-il : politique d’abord ! Pourtant, il retient aussi du théoricien royaliste de l’Action française que « la monarchie, c’est l’anarchie plus un ». Et s’il place Bernanos, Bloy, Anouilh et Céline au sommet de son panthéon littéraire, il rappelle volontiers qu’il est également le biographe de Léo Ferré, dont il apprécie la poésie, comme celle d’Aragon – au moins la Diane française : « Je ne m’incline que devant le talent, et il n’est ni de droite, ni de gauche. »

Lui-même déroule de savantes analyses nourries de références historiques et politiques sur l’électorat populaire dont les aspirations sont depuis trop longtemps méprisées par une élite mondialisée. Pourtant, c’est aux Clermont-Tonnerre, l’une des plus vieilles familles de France, qu’il emprunte son aristocratique devise : “Si omnes, ego non” (“Si tous, pas moi”) – tirée de l’Évangile selon saint Matthieu.

On le dit enfin catholique. Par décret de Benoît XVI, il a reçu, le 21 janvier, l’insigne de commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, décerné par le Vatican à des catholiques ayant rendu des services signalés à l’Église. Si le discours du Latran (où Nicolas Sarkozy exaltait les racines chrétiennes de la France) doit beaucoup à Emmanuelle Mignon, c’est à Buisson qu’on doit le second voyage du président à Rome, en 2010, après l’interprétation captieuse d’une homélie du Saint-Père présentée par la presse comme une condamnation de la fermeté du gouvernement à l’égard des Roms. Il est à l’origine aussi des déplacements du chef de l’État à Vézelay, au Puy-en-Velay, à Domrémy pour l’hommage rendu « non pas à l’égérie du Front national, mais à la sainte de la patrie, symbole de l’esprit de résistance : Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui en remontre aux docteurs de la Sorbonne ».

Et pourtant ? Et pourtant, rien ! Car l’attachement de Patrick Buisson au Saint-Siège n’appelle aucune nuance : lui-même se dit, avec un soupçon de provocation, « papiste ultramontain », et l’Église romaine est la seule autorité devant laquelle il consent à s’agenouiller. Car Buisson n’aime rien autant que sa liberté – et le plaisir de transgresser le prêt-à-penser d’une bourgeoisie naguère conservatrice, aujourd’hui “bobo”, dont il a toujours combattu « l’assommant conformisme ». « Je suis un irrégulier », dit-il.

Est-ce cela – le goût de la transgression – qui le rapproche de Nicolas Sarkozy ? Le chef de l’État apprécie les analyses de Patrick Buisson, souvent iconoclastes mais toujours fondées sur une érudition historique qui laisse peu de prise à la contradiction. « Buisson, c’est mon hémisphère droit, s’amuse-t-il. L’homme est l’un des plus fins que je connaisse. Il m’apporte beaucoup. » Et Buisson encourage les audaces d’un candidat « capable de désenclaver sociologiquement et idéologiquement une droite dont Jacques Chirac avait réduit la base électorale à 20 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle ». Le sarkozysme est « un empirisme sans tabou », a-t-il un jour résumé, d’une formule dont il est coutumier.

Ni le chef de l’État, ni son conseiller ne sont issus des cénacles technocratiques qui ont longtemps fourni ses dirigeants à la République. À la différence de Jacques Chirac et François Hollande, Nicolas Sarkozy, avocat de profession, n’a pas fait l’Ena. Et Patrick Buisson, 62 ans, est journaliste : ancien directeur de la rédaction de Minute (« En 1986, quand il tirait à 200 000 exemplaires »), puis de Valeurs actuelles jusqu’en 1994, il dirige aujourd’hui la chaîne Histoire. C’est à ses parents qu’il doit ses deux passions : « À mon père, ma culture politique ; à ma mère, mon ancrage catholique. »

« Mon père était issu des milieux populaires. Orphelin de père mort de ses blessures à la guerre, il avait commencé à travailler à 13 ans et c’est en suivant les cours des Arts et Métiers qu’il a pu devenir ingénieur électricien. Il était Camelot du roi [les jeunes royalistes liés à l’Action française]. C’était une école d’irrévérence, dont on mesure mal aujourd’hui l’influence intellectuelle. L’Action française et plus encore les Camelots étaient la matrice, aristocratique et populaire, d’une véritable contre-culture. Ce n’était cependant pas une contre-société : mon père n’a jamais été un “émigré de l’intérieur”. Il avait le goût et l’élégance de la vraie subversion. »

Cet engagement politique se traduit à la fois par une aversion pour le totalitarisme communiste (« J’avais 7 ans quand ma mère m’a conduit à la manifestation contre l’écrasement de l’insurrection hongroise par les chars soviétiques ») et par un soutien à l’Algérie française conçue, selon l’expression de l’historien Raoul Girardet, comme « un Far West : la dernière aventure avant l’avènement de la société marchande et le triomphe de la consommation de masse. Le mouvement de l’Algérie française s’inscrivait dans une cosmogonie de la Résistance à laquelle il empruntait ses mythes et ses mots (“armée secrète”). Qu’ils soient de droite ou de gauche, ses partisans se réclamaient d’une autorité morale supérieure au pouvoir légal – comme de Gaulle à Londres », se plaît-il à souligner.

En mars 1962, le jeune Patrick Buisson, 12 ans, refuse de se lever quand l’Éducation nationale impose aux élèves une minute de silence pour six victimes de l’OAS. Si omnes, ego non. C’est encore le souvenir de l’Algérie française qui le fera rencontrer neuf ans plus tard Jean-Marie Le Pen quand il rédigera, sous la direction de Girardet, un mémoire de maîtrise sur les acteurs de cette guerre civile.

Daniel Cohn-Bendit lui offre une autre occasion de se distinguer à Nanterre, en 1968. Soutenus par quelques enseignants courageux, les étudiants de la Corpo de lettres, dont il est vice-président, s’opposent à la mainmise des “gauchistes” sur la faculté. « Je me souviens encore de la banderole qui nous attendait à l’entrée : “Fascistes qui avez échappé à Diên Biên Phù, vous n’échapperez pas à Nanterre” ! »

La plainte qu’ils déposent contre Dany le Rouge précipitera les événements de Mai, que Buisson analyse dès cette époque comme le meurtre du père : « On met dans le même sac les figures patriarcales et archaïques de De Gaulle et de Pétain. Les fils de la bourgeoisie réclament la libération des moeurs, ses filles celle de la femme, et tous veulent jouir et consommer sans entraves. C’est la fin du pater familias romain, consacrée deux ans plus tard par la loi de 1970, qui remplace la “puissance paternelle” par l’autorité parentale. » Disciple de Philippe Ariès, Patrick Buisson étudie l’évolution des mentalités en historien. « On passe au cours des années soixante d’une société rurale, encore imprégnée de valeurs chrétiennes, à la société de consommation de masse où l’individu l’emporte sur la personne et l’anonymat sur les solidarités collectives. »

C’est à sa mère que Patrick Buisson doit l’essentiel de sa culture chrétienne. Et sa foi. « J’ai toujours été un admirateur inconditionnel de l’Église comme principe de civilisation : c’est de son sein qu’ont jailli les plus grands et les plus purs chefs d’oeuvre de l’humanité. Notre époque n’a que des banques pour cathédrales. » Il reconnaît cependant qu’il est resté longtemps « un catholique hors les murs » : « J’ai toujours été un homme des marges et longtemps un homme des seuils. »

Les développements du concile Vatican II l’ont exaspéré : « À partir de 1962, l’Église n’est pas allée au monde, elle s’est rendue au monde. Or l’Église a toujours été forte de son intransigeance. Bien des empereurs romains étaient prêts à faire une petite place à Jésus entre Apollon et Mithra. Beaucoup d’autres, au long des siècles, ont proposé à l’Église de conclure un pacte avec le monde. C’est parce qu’elle l’a toujours refusé qu’elle a traversé les âges. »

Il voit cependant dans « l’oeuvre considérable » de Benoît XVI (qu’il a remercié pour le Motu Proprio) et la fondation de communautés nouvelles les ferments d’une renaissance qui le réjouit : « Nous héritons d’une religion nue, débarrassée des scories du conformisme social qui corrompait son message au XIXe siècle. Nous avons la chance de pouvoir contester le courant dominant tout en étant fidèles aux valeurs éternelles, et le privilège redoutable d’avoir à choisir entre la faiblesse de Dieu, moins présent que jamais dans une société déchristianisée, et la puissance de l’homme qui ne cesse de s’accroître dans l’ordre technologique et matériel… »

Sommes-nous si loin de l’action politique et de l’élection présidentielle ? L’influence dépend aussi des rapports de force. D’âpres batailles se sont déroulées dans l’entourage de Nicolas Sarkozy avant la parution de son entretien dans le Figaro Magazine (11 février 2012). Le chef de l’État s’y prononce contre la légalisation de l’euthanasie au nom d’« un principe, celui du respect de la vie ». Certains de ses conseillers voulaient supprimer cette expression « parce que les associations pro-vie [hostiles à l’avortement] ont coutume de l’employer ». Il a fallu que Patrick Buisson pèse de tout son poids pour qu’elle soit maintenue dans cet entretien.

« Sur les enjeux de civilisation (euthanasie, mariage homosexuel, bioéthique, vote des étrangers, politique migratoire…), tout oppose François Hollande à Nicolas Sarkozy », dit-il, en rappelant aussi son influence sur des décisions symboliques, comme la promotion d’Hélie de Saint Marc à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur : « La politique, c’est l’art de gérer les symboles. Une fois que les paroles sont dites, la transgression est accomplie. »

Tous les électeurs en sont-ils convaincus ? À droite, beaucoup estiment que le compte n’y est pas et que la rupture promise en 2007 n’a pas eu lieu. Patrick Buisson n’ignore pas ces frustrations mais « s’il avait pu tout faire en cinq ans, Nicolas Sarkozy ne solliciterait pas un nouveau mandat ! », rétorque-t-il.

“Sortir de l’entre-soi grâce au référendum”

S’il évoque l’ampleur des crises que le gouvernement a dû affronter, Buisson avance un argument inédit pour expliquer que tous les engagements n’aient « pas encore » été tenus : « En 2007, Sarkozy, c’était Bonaparte au pont d’Arcole ! Il s’est emparé de thèmes, comme l’identité nationale, que Chirac avait totalement abandonnés. Il a désenclavé la droite en agrégeant un vote populaire au vote de droite traditionnel. Comme de Gaulle en 1958 ! Le problème, c’est qu’il manquait d’hommes pour appliquer la révolution culturelle qu’il incarnait, car la droite chiraquisée s’est soumise à l’hégémonie intellectuelle de la gauche depuis des décennies, au point de perdre ses repères. Alors que l’extrême gauche infiltrait le PS et le PCF tout en maintenant une expression politique autonome grâce à ses partis et ses associations, la droite n’a pas formé ses cadres ! On ne peut pas exiger d’un homme qu’il fasse en cinq ans ce que deux ou trois générations n’ont pas pu ou n’ont pas su faire avant lui ! »

Quelle garantie l’électeur a-t-il que ses attentes ne seront pas de nouveau déçues ? « Le référendum, répond Patrick Buisson. Nicolas Sarkozy s’adressera directement aux Français sur les questions importantes. Que ce soit sur l’immigration ou sur l’indemnisation du chômage. Et plus généralement, à chaque fois qu’il y aura blocage ou que les élites autoproclamées chercheront à réduire les droits du citoyen à ce que Guy Debord appelait “les droits de l’homme spectateur” privé de la maîtrise de son destin. »

« Redonner la parole aux Français, c’est sortir de l’entre-soi », poursuit Buisson. « Une élection présidentielle ne se gagne pas au centre mais au peuple », répète-t-il souvent. Quelle que soit l’issue de celle-ci, c’est sur cette ligne que campe aujourd’hui le candidat Sarkozy.

Voir enfin:

Anti-capitalists and Communists

In their own words

The Economist

Apr 16th 2012

S.P. |

PARIS

THE strict rules governing the right to equal airtime for all ten presidential candidates, which have been in place since last week, are based on a commendable principle. But the result, if you watch television or listen to the radio at the moment, gives the impression that France is awash with Communists, anti-capitalists and other revolutionaries.

Three candidates fall loosely into the far-left camp, and therefore between them are allocated nearly a third of all airtime: the Left Front’s Jean-Luc Mélenchon (pictured, above), who is backed by the Communists; the New Anti-Capitalist Party’s Philippe Poutou, a car-factory worker who took over from Olivier Besancenot, the postman who ran in 2007, and Nathalie Artaud, from the Workers’ Struggle.

Together, these three get 14%-18% of the vote, according to the latest series of polls, with the vast majority of that going to Mr Mélenchon. To put this figure in perspective, remember that François Bayrou, the centrist candidate, is polling at around just 9%-11%.

You really need to be here to appreciate the sort of discussions that are currently taking place on serious political programmes. For the benefit of those following from afar, here are some excerpts.

Mr Poutou was on the radio last week talking about his plan to reduce the French working week from 35 hours to 32. The idea, explained Mr Poutou patiently, is “to work as little as possible and to earn as much as possible”:

We’re told that the 35 hour week is a luxury. Well we think it should be reduced.

He then added:

If it was possible to not work at all, we wouldn’t be against that.

Mr Poutou sits squarely on the revolutionary far left, which dreams of overthrowing the capitalist system. So does Ms Artaud, who this weekend denounced Mr Mélenchon for being a mere “vote-catcher” for François Hollande. To this pair, Mr Mélenchon, who spent years as a Socialist Senator but is now backed by the Communists, is merely a harder-talking version of the traditional establishment left. The Communist Party, after all, was until ten years ago part of a formal governing alliance with the Socialist Party at national level, under Lionel Jospin, and has hooked up with the party on various lists at regional and local elections. So it is worth listening closely to the man.

Mr Mélenchon’s slogan is “Seize power”. His television clip ends with the line:

You see, with the will, we can share out the wealth. The money exists. What needs to be done is to make it available to everybody.

Here is a taste of the man in full flow, at a rally in Clermond-Ferrand, to rapturous applause:

Look the rich in the eye, and tell them not “I’m not dangerous” but “I am dangerous »: I’m going to empty your pockets!

And here he is explaining in a TV debate the core of his programme:

The number one question is not immigration or insecurity, the number one question in society is the sharing out of wealth…If I’m elected, we will share it out, and those who don’t want to share willingly will share by force.

I could go on, but will leave it at that for now. It may help explain why, outside France, with his 75% top tax rate, François Hollande comes across as an outdated, old-style tax-and-spend leftist. But inside the country, he is seen as a woolly moderate who has embraced austerity politics and the Brussels consensus.


Présidentielles 2012: Un Obama blanc pour la France? (Is France headed for its own perfect storm of a white Obama election?)

27 avril, 2012
C’est un terrible avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. Rivarol
Obama surfe sur cette vague d’aspiration des Blancs qui se projettent sur lui. Il parle d’espoir, de changement, d’avenir… Il se cache derrière ce discours éthéré, sans substance, pour permettre aux Blancs de projeter sur lui leurs aspirations. Il est prisonnier car à la minute où il révélera qui il est vraiment, ce en quoi il croit vraiment, son idéologie, il perdra toute sa magie et sa popularité de rock-star. (…) Il est prisonnier, car il ne peut pas être lui-même. (…) Les Blancs sont l’électorat naturel de Barack Obama. (…) C’est ça l’ironie: il a fallu que Barack Obama gagne les voix blanches pour emporter les voix noires. Shelby Steele (2008)
Obama, un blanc déguisé en noir (…) Il y a quelque chose de fascinant à voir un homme politique relativement jeune (47 ans) et noir comme Barack Obama briguer avec quelque chance de succès l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine. Autant que son audace, frappe l’aisance de ce candidat improbable dans un pays où aucun homme de couleur – à l’exception du général Colin Powell qui, sollicité par le parti républicain, déclara forfait – n’avait pu jusqu’ici envisager sérieusement d’entrer dans la course présidentielle. Une aisance qui le fait même qualifier de « nouveau Kennedy”. (…) La vérité est qu’Obama n’est pas un vrai noir ! Il ne l’est que pour ceux qui pensent que la couleur de la peau a de l’importance. Sur le plan culturel, le seul qui importe, Obama est le contraire d’un noir américain. (…) C’est ce qui explique sans doute que sa candidature pose si peu de problèmes à l’establishment américain et que, bien qu’il s’agisse, au moins formellement, d’une candidature « noire », elle paraisse aller de soi. C’est ce qui explique aussi peut-être la difficulté qu’éprouve la communauté noire américaine à se reconnaître dans ce candidat issu d’un univers si antithétique au sien. En définitive Obama ne s’en rapproche que par l’action sociale qu’il a eue dans les quartiers pauvres de Chicago et par sa femme qui est, elle, une authentique afro-américaine. Son élection éventuelle ne signifierait pas nécessairement une promotion de la communauté noire. Il faudrait plutôt l’analyser comme un phénomène sui generis. Roland Hureaux
Et si la vraie raison était tout simplement que la majorité des Américains trouvent que Barack Obama est un mauvais président ? (…) Et si Obama était definitely, comme on dit là-bas, trop liberal, à gauche pour diriger un pays dont les valeurs de gauche ne sont pas ancrées dans les profondeurs du peuple ? Les préjugés dont il a pu être victime au cours de ses deux premières années de mandat tiennent d’ailleurs plus à son image d’intello, prof à Harvard qu’à la couleur de sa peau. Luc Rosenzweig
I’m trying to give Obama some time. I don’t think Obama is a closet socialist I think he’s a very careful man. As a journalist, I did not drink the Obama Kool-Aid last year. I think if he walks across the Potomac, his feet will get wet. Jon Meacham (editor of Newsweek)
I think many of us were asking the question « Barak who? » during the 2008 election cycle. Many decided the answer wasn’t important. Here’s hoping they change their minds this year. DSchneider  (4/20/2012)
Vous ne pouvez pas continuer à faire de l’argent en vendant des 4×4 et des pick ups. Obama (15.08.11)
On savait la France plus à gauche que les États-Unis, mais à écouter certains des candidats, on prend conscience du fossé qui nous sépare… The Washington Post
Le Socialiste qui a toutes les chances d’être le prochain président de la République française sera mauvais pour son pays et pour l’Europe. The Economist
On a fait l’expérience en Espagne d’un homme charmant, intelligent, non expérimenté, qui s’appelle M. Zapatero: l’Espagne est en faillite. Donc moi, je pense qu’on ne peut pas faire l’expérience de quelqu’un qui n’a pas l’expérience internationale aujourd’hui. (…) Je connais François Hollande comme premier secrétaire. Alors, on peut regarder son expérience si vous volez: quand il a pris le parti socialiste, il y avait 300 000 personnes et quand il l’a quitté, il y avait 150 000 personnes. Claude Allègre
On aura Chirac II au pouvoir. Chirac a cédé à tout, Hollande, c’est la même chose. Claude Allègre
François Hollande est un parfait honnête homme. Il est intelligent, charmant, cultivé, et même spirituel. Il y a chez cet homme-là un mélange de doux rêveur et de professeur Nimbus égaré dans la politique qui le rend sympathique. Il est mondialement connu en Corrèze. Ce n’est pas lui qui irait courir les établissements de luxe sur les Champs-Élysées, ni les suites des grands hôtels à New York ou à Lille, ni les yachts des milliardaires. Il ferait, je le dis sans affectation et sans crainte, un excellent président de la IVe République. Ou plutôt de la IIIe. Par temps calme et sans nuages. Il n’est jamais trop bas. Mais pas non plus trop haut. C’est une espèce d’entre-deux: un pis-aller historique. Ce n’est pas Mitterrand: ce serait plutôt Guy Mollet. Ce n’est pas Jaurès ni Léon Blum: c’est Albert Lebrun. Ce n’est pas Clemenceau: c’est Deschanel. Il parle un joli français. Et sa syntaxe est impeccable. On pourrait peut-être l’élire à l’Académie française. Ce serait très bien. Mais en aucun cas à la tête de la Ve République, par gros temps et avis de tempête. C’est vrai: Sarkozy en a trop fait. Hollande, c’est l’inverse. Car n’avoir rien fait est un immense avantage, mais il ne faut pas en abuser. (…) Je veux bien croire -je n’en suis pas si sûr que pour 2012 les dés sont déjà jetés, que les handicaps du président sortant sont bien lourds pour être surmontés, que le retard est trop rude pour être rattrapé. J’imagine très bien l’explosion d’enthousiasme sur la place de la Bastille ce soir de mai 2012 où l’élection de M. François Hollande à la magistrature suprême sera enfin annoncée. Je me demande seulement dans quel état sera la France en 2014 ou en 2015. Jean D’Ormesson
Pourquoi le fait que Hollande ait dit qu’il se serait désisté pour Mélenchon au second tour – si ce dernier était arrivé premier à « gauche »- ne pose pas autant de problèmes qu’à droite ? Parce que Mélenchon bénéficie de l’aura des 75 000 fusillés du PC alors que si ce dernier en a fait autant c’était surtout pour soulager le front soviétique, pour faire en sorte que le maximum de divisions nazies soient immobilisées en France, afin qu’elles ne puissent pas aller attaquer la vraie « patrie du socialisme « , pas du tout pour les beaux yeux de Marianne ; (…)  Le FN a beau avoir, dit-il, pas mal d’anciens résistants dans ses rangs rien n’y fait, et pourtant est-on sûr que les feu vichystes soutiennent le FN et pas plutôt le feu PFN, l’Oeuvre française, c’est-à-dire Karl Lang, Bruno Mégret, voire le Bloc Identitaire, qui tous les trois refusent l’assimilation des étrangers devenus français, alors que le FN est pour ; ne serait-ce pas, là, plutôt la barre, décisive, à placer? Lucien Ouhlabib
La gauche ne tolère pas l’intolérance. Et pour preuve, elle accepte avec un plaisir non dissimulé le ralliement de Jean-Luc Mélenchon à la candidature de François Hollande. Célébrer l’histoire du communisme ou de la Terreur, c’est tout de même bien plus tolérant que de refuser l’entrée du territoire à un étranger qui ne s’est pas conformé à la loi. Théophane Le Méné
Je ne suis pas un candidat pochette-surprise. François Hollande
Je suis coincée entre la gauche molle, qui ne promet rien, et la gauche folle, qui promet tout. Eva Joly
Je pense que François Hollande, c’est la solution du XXe siècle aux problèmes du XXIe. Eva Joly
Il fait de la politique avec un rétroviseur. La Bastille, la Commune, c’est sympa, c’est la nostalgie d’une époque où il y avait de grands tribuns et pas de femmes en politique. Cécile Duflot (à propos de Jean-Luc Mélenchon)
Monsieur Hollande veut moins de riches, moi, je veux moins de pauvres. Nicolas Sarkozy
La Corrèze, c’est la Grèce de la France.  Nadine Morano
Je ne veux pas réguler le capitalisme, je veux l’étrangler. Jean-Luc Mélenchon
 Eva Joly sera l’accident industriel de l’élection présidentielle. Éric Besson
 À présent, à gauche, pourquoi choisir pour entrer dans la saison des tempêtes un capitaine de pédalo comme Hollande ? Jean-Luc Mélenchon
 Ma grand-mère disait : “Quand c’est flou c’est qu’il y a un loup”. Martine Aubry (à propos de François Hollande, trois jours avant le deuxième tour de la primaire socialiste)
Droitisation. Ce n’était pas la campagne de Nicolas Sarkozy qui la provoquait, comme le prétendaient les commentaires médiatiques. C’est la France qui s’est droitisée. En dix ans, l’évolution est spectaculaire. (…) Plutôt perdre une élection que perdre son âme, disait-on même à droite. (…) Stigmatisation – le grand mot ! Défense de stigmatiser les minorités visibles et invisibles mais pas l’électeur populaire de Le Pen.  (…) Voici que M. Hollande se met à les « comprendre », quand M. Mélenchon qualifiait leur candidate, il y a peu, de « démente ». Mais qu’y a-t-il dans le programme Hollande pour rassurer ces électeurs autrefois bannis et soudain devenus fréquentables ? Le droit de vote aux étrangers ? la régularisation des sans-papiers ? l’inscription de la loi de 1905 dans une Constitution déjà laïque ? la priorité au logement pour ceux qui viennent d’ailleurs ? le RSA pour tous ? Le comble de la “faillite morale” serait que le candidat socialiste soit élu grâce à ces voix-là. Mais d’un autre côté, quand Hollande garantit 22 sièges de députés aux Verts dont la candidate a fait 800 000 voix, Nicolas Sarkozy peut-il ne rien faire pour un parti qui en a obtenu 6,4 millions ? François d’Orcival

Après le Kool-Aid du tout-sauf-Bush il y a quatre ans aux Etats-Unis, la France du tout-sauf-Sarkozy va-telle accoucher de son propre Obama blanc?  (Et en plus, il n’est même pas noir!)

Bloc des droites (Sarkozy-Le Pen Dupont-Aignan) à 47 %,  total des gauches (Hollande-Mélenchon-Joly-Poutou-Arthaud) à 44%, gauche tout droit sortie du XIXe siècle qui après trois défaites consécutives n’a toujours pas fait son aggiornamento, véritable pochette-surprise d’un candidat accidentel (suite à l’auto-sabordage de DSK) en tête des sondages venu d’on ne sait où et sans la moindre expérience de gouvernement ..

A l’heure où, si l’on en croit nos sondeurs, une France majoritairement à droite et embarquée dans peut-être la plus critique période de son histoire récente semble sur le point de jeter son va-tout pour l’incroyable risque politique du plus inexpérimenté et du moins fiable des candidats

Et où les commentateurs anglo-saxons n’en reviennent pas du véritable Jurassic Park qu’ils ont découvert lors de la campagne française fait d’une étrange conjonction d’une majorité de droite et de la plus archaïque des gauches faisant mine, après 20 ans de mépris, de redécouvrir l’électorat FN …

Comment ne pas s’interroger en effet devant un tel insondable mystère?

Mais surtout ne pas repenser, toutes proportions gardées et l’enthousiasme en moins, à la délirante hystérie qui avait saisi ces mêmes Anglo-saxons il y a quatre ans (et peut-être à nouveau dans six mois?) devant le véritable accident industriel que s’est révélé être un certain  Barack who?

« Un repaire de gauchistes » :la France vue par les éditorialistes anglo-saxons…

Plus que la poussée de Marine Le Pen, ce sont les propositions de l’extrême gauche qui frappent les observateurs américains et anglo-saxons. Petite revue de presse d’après premier tour.

Gérald Olivier

Trans Amérique Express

Atlantico

25 avril 2012

Les photos de Nicolas Sarkozy et François Hollande sortant de l’isoloir ont fait la première page du New York Times ce lundi. Mais le reportage qui suivait tenait moins aux deux finalistes, qu’à celle arrivée troisième : « Hier, comme à chaque premier tour d’une élection présidentielle, les Français ont voté avec leur cœur, dans quinze jours, au second tour, ils voteront avec leur tête… Comment Marine Le Pen a-t-elle pu ainsi voler leur cœur… ? »

La réponse pour le journaliste tient à la crise, et à « l’anti-sarkozysme » qui s’est emparé de la France. Il note surtout que ce résultat a déjoué les pronostics. Jusqu’alors la campagne présidentielle avait été dominée par la percée dans les sondages et le succès annoncé de Jean-Luc Mélenchon, « un ancien Trotskyste ». Une percée qui n’en finissait pas de surprendre outre-Atlantique. Comment les Français peuvent-il encore croire à des discours de gauche se demandaient les observateurs ?

« On savait la France plus à gauche que les États-Unis, mais à écouter certains des candidats, on prend conscience du fossé qui nous sépare… » écrit Brad Plumer dans le Washington Post, toujours pas revenu de ce qu’il a entendu dans la bouche de certains candidats. Au point d’avoir dressé la liste des « propositions qu’un candidat d’un des deux grands partis américains ne pourrait pas faire » : taper sans retenue sur le dos de la finance comme Hollande … ; promettre de taxer à 75% les revenus au dessus de 1 million d’euros (sachant que le candidat Mélenchon demande 100% de taxe à partir de 500 000 euros )… ; imposer un plafonnement des rémunérations des patrons ; critiquer tous azimuts la libre entreprise et les marchés, même à droite puisque Marine Le Pen a fait de son score une victoire contre la banque, la finance et les multinationales ».

Un tel radicalisme laisse peu d’options économiques viables à un pays. Surtout un pays en crise, dans un monde en crise. Inquiet des conséquences internationales de telles mesures, Plumer est allé interroger un spécialiste pour essayer de comprendre. Il a trouvé Arthur Goldhammer, directeur du département d’études européennes à l’Université d’Harvard. Pour ce politologue les candidats du premier tour de la présidentielle française se répartissent en deux camps : « le camp des deux candidats arrivés en tête, qui préconisent bon an mal an une forme d’adaptation à la mondialisation » et « le camp des autres qui ont tous en commun de rejeter cette mondialisation ». François Hollande et Nicolas Sarkozy totalisant 56% des voix, le premier camp demeure majoritaire mais « les forces de résistance sont nombreuses et l’anti-establishment puissant ».

De l’autre côté de la Manche, l’hebdomadaire The Economist, a été tout aussi frappé par la prévalence d’un tel discours : « A regarder la télévision et écouter la radio ces jours-ci en France on pourrait penser que ce pays est un repaire de communistes, d’anticapitalistes et de révolutionnaires ». L’hebdomadaire note que « pas moins de trois candidats sur dix se réclamaient de l’extrême gauche », (Mélenchon, Poutou et Arthaud), donc du fait de la règle d’équité de la campagne officielle « l’extrême gauche a totalisé le tiers du temps de parole à l’écran et sur les ondes ».

Et le journal prend plaisir à reproduire quelques perles de campagne sous le titre « Il faut y être pour croire ce que l’on entend » : « A la radio M. Poutou défendait sérieusement la réduction du temps de travail de 35 à 32 heures en précisant que le but ultime est de « travailler le moins possible et gagner le plus possible… et si ne pas travailler du tout était possible, nous ne serions pas contre ».

« Jean Luc Mélenchon a ranimé la vieille alliance entre le parti socialiste et le parti communiste sous les mots d’ordre « prendre le pouvoir » et « partager la richesse » : « Si je suis élu, dit-il, nous partagerons la richesse, et ceux qui ne veulent pas la partager de leur plein gré, la partagerons de force. »

« Jean-Luc Mélenchon (encore lui) dit : « Regardez les riches dans les yeux et ne leur dites pas « je ne suis pas dangereux », dîtes leur au contraire « je suis dangereux et je vais vous vider les poches ».

Et le journaliste de conclure « avec un tel discours ambiant, pas étonnant que, François Hollande, qui, n’importe où ailleurs passerait pour un vieux gauchiste démodé, ait en France une réputation de modéré. »

Cette « modération » est la bouée de sauvetage à laquelle les observateurs étrangers veulent se raccrocher.

Sur la crise de l’euro, dit Arthur Goldhammer, Sarkozy et Hollande « ne sont pas très éloignés », « ils reconnaissent tous deux que quelque chose doit être fait pour changer l’Europe », mais Sarkozy, « véhément et débordant d’énergie s’est sagement rangé derrière Angela Merkel », alors que Hollande « qui a passé sa vie a bâtir des compromis » a promis de tenir une « position ferme». Et d’opiner « il n’est pas sûr qu’il ait la capacité de le faire. »

Tout comme les médias français, les journaux anglo-saxons présentent la victoire du candidat socialiste comme quasi acquise. Même s’ils notent qu’elle suscite peu d’enthousiasme chez les Français. The Economist est allé à Donzy, en Bourgogne, le village qui prédit toujours le vainqueur des scrutins présidentiels. « Donzy vote plutôt Hollande, note le journaliste mais sans enthousiasme »…« Il n’y a aucune ferveur autour de lui », nous dit le maire du village. « Les gens du coin sont résignés à sa victoire » … Il faut dire que c’est « débutant, qui n’a même pas été ministre ».

Mary Ryddell du Telegraph rappelle que les socialistes avaient jadis surnommé François Hollande « Flanby ». Sous sa plume il devient donc « Mr Milk Pudding ».

Plus sérieusement l’Associated Press s’est intéressé aux programmes des deux finalistes face aux échéances qui attendent la France. Le diagnostic est inquiétant : « Aucun des deux candidats ne propose les réformes nécessaires pour remettre la France sur la voie de la réussite économique… Sans croissance, la dette actuelle est insoutenable, et sans réforme la croissance ne repartira pas ! »

Cette sombre perspective est partagée par Desmond Lachman, chercheur de l’American Enterprise Institute qui signe, dans The American du 23 avril, une synthèse implacable de la campagne et des enjeux de l’élection française sous le titre « la prochaine et plus sérieuse phase de la crise européenne »: « L’élection de François Hollande aurait des conséquences sur la crise de l’euro… parce qu’il s’est engagé à aller droit à la collision avec Angela Merkel… et parce que sa posture guerrière contre la finance, sera mal perçues par les marchés… Hollande n’a aucune expérience internationale, la plus haute responsabilité gouvernementale qu’il ait jamais occupée a été celle de maire… Il regarde en arrière, n’offre aucune perspective nouvelle, et se veut la réincarnation du dernier Président socialiste François Mitterrand… Les Français qui sont fatigués de Sarkozy n’aiment guère Hollande… le choix est pour eux déprimant, ils perçoivent que quel que soit le vainqueur c’est la France qui perdra. »

L’épée dans les reins

François d’Orcival

26/04/2012

Droitisation. Ce n’était pas la campagne de Nicolas Sarkozy qui la provoquait, comme le prétendaient les commentaires médiatiques. C’est la France qui s’est droitisée. En dix ans, l’évolution est spectaculaire. Reprenez les chiffres.

 En 2002, Jacques Chirac et ses alliés (Madelin, Boutin) font 7 millions de voix au premier tour ; Le Pen et son ex-second Mégret, 5,5 millions. Total : 12,5 millions. Cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy, avec Nihous et Villiers obtiennent à eux seuls 12,7 millions de suffrages, soit, avec ceux de Le Pen, 16,5 millions. Dimanche dernier, le total Sarkozy, Marine Le Pen, Dupont-Aignan fait 16,7 millions. Toutes familles confondues, avec les contradictions et interdits que l’on sait, la droite a progressé de 4 millions de voix en dix ans – c’est-à-dire de 33 % ! Durant ces seules années 2007-2012, Sarkozy avec Le Pen passent de 41,6 % des voix à 45,1 %. On peut toujours discuter, c’est un fait.

Mais au coeur de cette “droitisation”, la droite frontiste a elle-même effectué un bond : un million de voix de plus en dix ans. Record historique. Quant au centre de François Bayrou, on voit à peu près clairement ce qui s’est passé : à force d’entendre leur leader faire le procès systématique de Nicolas Sarkozy, de sa personne et de tout ce qu’il pouvait faire, le tiers de ses électeurs est allé droit chez Hollande dès le premier tour.

Le second tour est donc entre les mains des électeurs de Marine Le Pen. Il l’était déjà en 2007. Parmi eux se trouvent des électeurs de droite qui ont eu envie de mettre une épée dans les reins de Nicolas Sarkozy, contre tous ceux qui lui conseillaient d’aller à la rencontre du “centre”. D’autres, qui ne sont pas nécessairement différents, ont frappé encore un peu plus fort, exaspérés de voir leur voix éternellement méprisée. Dans les deux cas, ce vote est la traduction de ce que Martine Aubry a bien analysé, quoique mal placée pour en parler : une « faillite morale ».

En 1988 déjà, il y a donc vingt-quatre ans, 4,4 millions d’électeurs votaient Le Pen et, depuis, d’élection en élection, ces mêmes électeurs ont été traités de malades, d’obsédés, de xénophobes, d’islamophobes, de nostalgiques, etc. Plutôt perdre une élection que perdre son âme, disait-on même à droite. Instruite par François Mitterrand, la gauche s’employait savamment à diaboliser moins le Front national que les élus de droite tentés de l’avoir comme allié. On se rappelle la bronca des “valeurs communes”, la manière avec laquelle la gauche sut, avec la complicité du centre, ruiner la carrière de Charles Millon parce que celui-ci n’avait pas renoncé au soutien des élus du FN au conseil régional Rhône-Alpes. Stigmatisation – le grand mot ! Défense de stigmatiser les minorités visibles et invisibles mais pas l’électeur populaire de Le Pen.

Que s’est-il passé ? Voués au bûcher par le “politiquement correct”, ces électeurs frappaient à la porte d’une droite qui ne répondait pas parce qu’elle était pétrifiée par les injonctions de la gauche. Résultat : les électeurs lepénistes ont fait battre la droite sourde aux législatives de 1997 en faisant tomber suffisamment de sièges grâce à des triangulaires, offrant ainsi la majorité à Lionel Jospin pendant cinq ans. L’élection de 2002 aura été pour le Front national une victoire paradoxale : Le Pen fut certes présent au second tour, mais ses électeurs furent plus que jamais isolés et parqués.

En 2007, Nicolas Sarkozy a su aller les chercher, les séduire, les extraire de l’isolement, les ramener à la maison. Mais la gauche veillait, et lui-même, malgré des gestes forts, s’est laissé entraîner par cette gauche factice à une politique d’ouverture inutile, à des nominations offertes à ses adversaires, à des débats restés sans suite. La “morale” commandait d’avoir de la reconnaissance pour ces électeurs trop méprisés. Ses discours n’ont pas suffi. Ils se rappellent au bon souvenir de chacun.

Voici que M. Hollande se met à les « comprendre », quand M. Mélenchon qualifiait leur candidate, il y a peu, de « démente ». Mais qu’y a-t-il dans le programme Hollande pour rassurer ces électeurs autrefois bannis et soudain devenus fréquentables ? Le droit de vote aux étrangers ? la régularisation des sans-papiers ? l’inscription de la loi de 1905 dans une Constitution déjà laïque ? la priorité au logement pour ceux qui viennent d’ailleurs ? le RSA pour tous ? Le comble de la “faillite morale” serait que le candidat socialiste soit élu grâce à ces voix-là. Mais d’un autre côté, quand Hollande garantit 22 sièges de députés aux Verts dont la candidate a fait 800 000 voix, Nicolas Sarkozy peut-il ne rien faire pour un parti qui en a obtenu 6,4 millions ? La démocratie, et pas seulement la morale, appelle une réponse.

François d’Orcival, de l’Institut

Verbatim.

Voir enfin:

Petites phrases de campagne

Valeurs actuelles

26/04/2012

Toujours percutantes, mais aussi drôles ou méchantes, voire de mauvais goût, elles émaillent chaque campagne. Florilège du cru 2012.

Nathalie Kosciusko-Morizet, le 11 avril : « Gauche au volant, Grèce au tournant. »

François Hollande, le 11 avril : « Je ne suis pas un candidat pochette-surprise. »

Eva Joly, le 11 avril : « Je suis coincée entre la gauche molle, qui ne promet rien, et la gauche folle, qui promet tout. »

François Hollande, le 1er avril : « Sarkozy, c’est l’ardoise magique : à chaque scrutin, l’ardoise est effacée. »

Eva Joly, le 30 mars : « Je pense que François Hollande, c’est la solution du XXe siècle aux problèmes du XXIe. »

Jean-Luc Mélenchon, le 27 mars : « Le programme de François Hollande est à prendre ou à laisser. Très bien, on laisse. »

Nicolas Dupont-Aignan, le 25 mars : « Il ne suffit pas d’enlever sa Rolex pour être le candidat du peuple », à propos de Nicolas Sarkozy.

Cécile Duflot, le 18 mars : « Il fait de la politique avec un rétroviseur. La Bastille, la Commune, c’est sympa, c’est la nostalgie d’une époque où il y avait de grands tribuns et pas de femmes en politique », à propos de Jean-Luc Mélenchon.

Nicolas Dupont-Aignan, le 15 mars : « Avec Nicolas Sarkozy tout est possible avant les élections, rien n’est possible après. »

Laurent Fabius, le 6 mars : « Votre bilan, c’est votre boulet », s’adressant à Nicolas Sarkozy.

Marine Le Pen, le 3 mars : « Sarkozy répète ses promesses d’il y a cinq ans. À chaque fois que je l’entends, je rajeunis. »

Nicolas Sarkozy, le 1er mars : « Monsieur Hollande veut moins de riches, moi, je veux moins de pauvres. »

François Bayrou, le 28 février : « Le déconnomètre fonctionne à plein tube », à propos de la proposition de Hollande de taxer à 75 % les revenus supérieurs à 1 million d’euros.

Ségolène Royal, le 21 février : « Il voudrait faire oublier en soixante jours tous les dégâts qu’il a commis en cinq ans. »

François Bayrou, le 19 février : « 0 + 0 = la tête à Toto », à propos des ralliements de Christine Boutin et Hervé Morin à Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy, le 19 février : « Hollande fait semblant d’être Thatcher à Londres et Mitterrand à Paris. »

Nadine Morano, le 8 février : « Le problème d’image d’Eva Joly ne vient pas que de son accent, c’est aussi physique. »

Nadine Morano, le 2 février : « La Corrèze, c’est la Grèce de la France. »

Nicolas Sarkozy, le 24 janvier : « En cas d’échec, j’arrête la politique. Oui, c’est une certitude. »

Hervé Morin, le 22 janvier : « Moi qui ai vu en Normandie le débarquement des Alliés, nous avons vécu des épreuves drôlement plus difficiles que celles que nous avons à vivre aujourd’hui. »

Christine Boutin, le 19 décembre 2011 : « Autant je suis une bonne fille, loyale, mais quand on me cherche, on me trouve. Et vous allez entendre parler de la campagne de Christine Boutin. »

Jean-Luc Mélenchon, le 18 décembre 2011 : « Je ne veux pas réguler le capitalisme, je veux l’étrangler. »

Luc Chatel, le 13 décembre 2011 : « Je conseillerais à Dominique de Villepin de rebaptiser son mouvement, qui s’appelle République solidaire, République solitaire. »

Éric Besson, le 8 décembre2011 : « Eva Joly sera l’accident industriel de l’élection présidentielle. »

Jean-Marc Ayrault, le 1er décembre 2011 : « L’homme du déclin ne sera jamais l’homme du destin », à propos de Nicolas Sarkozy.

Marc-Philippe Daubresse, le 16 novembre 2011 : « Les Français vont désormais réaliser qu’en mélangeant du rose et du vert, on se retrouve toujours marron. »

Jean-Luc Mélenchon, le 13 novembre 2011 : « À présent, à gauche, pourquoi choisir pour entrer dans la saison des tempêtes un capitaine de pédalo comme Hollande ? »

François Hollande, le 28 octobre 2011 : « Pour ce qui concerne les relations avec les patrons du Cac 40, les propriétaires des grands médias et les milieux d’affaires, Nicolas Sarkozy dispose d’une avance que je ne lui contesterai jamais. »

Jean-Luc Mélenchon, le 18 octobre 2011 : « Petit à petit, je vais tellement secouer Hollande qu’il va être obligé de bouger. »

Martine Aubry, le 13 octobre 2011 : « Ma grand-mère disait : “Quand c’est flou c’est qu’il y a un loup” », à propos de François Hollande, trois jours avant le deuxième tour de la primaire socialiste.

Ségolène Royal, le 12 septembre 2011 : « Il y aura du ménage à faire. Et ce n’est pas plus mal que ce soit une femme qui soit élue pour faire le ménage », pendant la campagne pour la primaire PS.


Bloc des droites (Sarkozy-Le Pen Dupont-Aignan) à 47 %,  total des gauches (Hollande-Mélenchon-Joly-Poutou-Arthaud) à 44%,


Présidentielles 2012: Le vrai mensonge éhonté de Sarkozy (The worst lies with the exception of all the others)

26 avril, 2012
Aujourd’hui, il y a seulement 10 % des chômeurs qui sont en formation. Nicolas Sarkozy
Indice de crédibilité de l’intervention: 0%. Vérification: Les derniers chiffres sur la formation professionnelle publiés par le Ministère du travail concernent l’année 2009 : il y avait alors 576 000 demandeurs d’emploi en cours de formation, soit 8% du nombre de chômeurs au sens du BIT en 2009. D’après les derniers chiffres disponibles, Nicolas Sarkozy exagère donc de 25% la proportion de « chômeurs en formation ». Véritomètre (iTélé et Owni)
Nicolas Sarkozy sur TF1 s’est livré à trois mensonges éhontés (…) Il a dit que Tarik Ramadan appelait à voter pour François Hollande, c’est faux ! Il a fait référence à un appel des 700 mosquées en faveur de François Hollande, c’est faux, cet appel a été démenti. Il a de nouveau assuré que François Hollande souhaitait régulariser les sans-papiers, c’est faux, chacun connaît les positions du candidat de la gauche : la régularisation sur la base de critères. Il s’agit de contre-vérités particulièrement graves. Dans la bouche d’un président de la République et d’un candidat, ces mensonges visent à créer un climat de tension et de haine (…) en agissant de la sorte, le candidat sortant montre son affolement, mais surtout la course-poursuite qu’il livre aux idées du FN (…) C’est indigne et il est temps que tous ceux qui ne supportent plus ces discours de haine et de provocation se rassemblent pour changer de président le 6 mai. Manuel Valls (directeur de la communication de François Hollande, 25.04.12)
J’ai vu que M. Hollande (…) parle beaucoup du Front national. Mais que dit-il, lui, quand Tariq Ramadan ose appeler à voter pour lui? Tariq Ramadan, l’homme avec qui j’ai débattu, qui proposait un moratoire sur la lapidation de la femme adultère? C’est monstrueux! Voilà un homme qui appelle à voter pour François Hollande. Nicolas Sarkozy
Aujourd’hui, je n’ai pas de consigne de vote. Franchement, je serais bien emprunté, c’est pour ça que je souris souvent en disant aux Français ‘Bonne chance’, parce que, franchement, je ne vois pas. J’aurais une position de principe qui est extrêmement claire : je suis tellement mécontent de ce que je peux voir que je regarderais pour le premier tour et voterais pour celui que je considère être le moins mauvais. Mais, au deuxième tour, je n’aurais pas un vote utile, je n’aurais qu’un vote sanction. Quelque soit celui qui est au pouvoir et bien je dirais je suis contre toi. Je ne suis pas pour toi, je suis contre toi. Moi, je prends position pour que mon vote compte au lieu de m’abstenir parce que les deux c’est la même chose. Je vais voter contre Sarkozy, mais si Hollande arrivait par la suite je serais contre lui de la même façon… Un premier tour où je chercherais le moins mauvais et un deuxième tour où je voterais contre celui qui est en charge pour manifester dans un poids une attitude de distanciation… (…) Franchement aujourd’hui, je me vois pas dire oui à l’un (…) mais par contre  je peux dire non à l’autre …  Tariq Ramadan (à partir de la 40e minute, 04.03.12)
Jamais de ma vie, je n’ai appelé à voter François Hollande. Je ne suis pas Français, je n’ai pas donné de consigne de vote. J’ai dit qu’il ne devait pas y avoir de consigne de vote musulman, que cela ne voulait rien dire. J’ai simplement appelé les citoyens français, de confesssion musulmane ou autre, à voter en conscience et à faire le bilan de la politique de Nicolas Sarkozy, qui est très mauvaise. Tariq Ramadan
Des recteurs de mosquées vont appeler à voter pour François Hollande (…) En tout, c’est un réseau de quelques 700 mosquées qui devrait se mobiliser en faveur du candidat socialiste. Ironie de l’histoire : l’organisateur de l’opération n’est autre qu’Abderrahmane Dahmane, ancien conseiller « Diversité » de Nicolas Sarkozy. Désormais conseiller à la mosquée de Paris, il avait claqué la porte de l’Elysée en mars 2011, alors que l’UMP venait d’annoncer la tenue d’une convention sur l’islam. Marianne
J’ai dit régularisation au cas par cas. C’est déjà ce qui se passe aujourd’hui, sauf que les critères seront beaucoup plus clairs, ils seront les mêmes partout dans toutes les préfectures. François Hollande
François Hollande a redit hier soir qu’il écartait toute régularisation massive de sans-papiers, contrairement à ce que prétend Nicolas Sarkozy. Mais le flou demeure sur les critères qu’il entend appliquer en la matière. (…)  En réalité (…) Cela fait bien longtemps que le PS ne prône plus de régularisations massives. Mais le programme de François Hollande en la matière n’est guère précis pour autant. « Les régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères objectifs », est-il indiqué dans ses « 60 engagements pour la France ». Or, soit on pratique le « cas par cas », comme souvent dans les préfectures aujourd’hui, avec tout l’arbitraire qui peut en découler, soit on se réfère à des « critères objectifs » qui s’appliquent à tous de manière uniforme sur le territoire. Les deux méthodes sont proprement antinomiques. Est-ce à dire que la liste des critères peut évoluer suivant les situations ? Que certains critères sont incontournables, d’autres non ? Dans une interview accordée au « Point » en mai 2011, François Hollande indiquait certains des critères importants à ses yeux : « un travail de fait, même s’il est clandestin depuis longtemps, une attestation prouvée par des témoignages d’une présence continue sur le territoire et la réalité d’une famille en France. La personne concernée doit enfin faire la démonstration d’une intégration sur le territoire ». Peu ou prou, il s’agit des critères déjà appliqués par les préfets pour les 30.000 régularisations effectuées chaque année. Sur l’immigration professionnelle, là encore c’est le flou qui domine. Si François Hollande, dans l’émission « Des paroles et des actes », le mois dernier, a récusé l’appellation d’ « immigration choisie », lui préférant celle d’ « immigration intelligente », il ne s’est pas encore avancé sur les secteurs ou les métiers qui devraient s’ouvrir ou non à l’immigration professionnelle. Preuve que le PS n’est guère à l’aise sur le sujet, le think tank Terra Nova, qui publie quantité de rapports pour alimenter le débat à gauche, rechigne à sortir celui sur l’immigration professionnelle, écrit par l’économiste El Mouhoub Mouhoud. Le texte, qui prône une large ouverture à l’immigration professionnelle, ferait-il peur au PS, craignant d’effrayer un électorat fragilisé par le chômage ? Deux propositions sont en revanche très clairement assumées : celle d’abroger la circulaire du 31 mai sur les étudiants étrangers et celle de donner le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales. Les Echos (17.02.12)
[Dans un discours à Caen, vendredi, le chef de l’Etat a assuré être allé à Fukushima avec la ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet.] J’ai vérifié, il n’y est jamais allé. C’est la première fois dans l’histoire de la République, qu’un candidat sortant relate un voyage qu’il n’a jamais fait. Il aura été un précurseur en tout. Même en voyage qu’il n’a jamais accompli. François Hollande
Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons été à Fukushima. Apparemment, François Hollande, non. Parce que s’il avait été à Fukushima se renseigner, il se serait rendu compte de ce qui s’est passé à Fukushima, c’est d’abord un tremblement de terre, ensuite un tsunami extravagant. […] Alors j’avoue que j’ai eu du mal à suivre la logique de M. Hollande. Alors, je suis à Fukushima au Japon, et voilà qu’il s’abat sur Fessenheim ! Nicolas Sarkozy
Je me suis rendu au Japon avec (la ministre de l’Ecologie de l’époque) Nathalie Kosciusko-Morizet, j’ai rencontré les autorités japonaises, j’ai discuté avec le premier ministre (japonais) de la situation à Fukushima et Nathalie Kosciusko-Morizet s’y est rendue. »Je ne suis pas ingénieur, je n’ai pas besoin d’aller mettre le nez dans la situation à Fukushima où par ailleurs il y a un périmètre interdit. J’ai simplement dit qu’à Fukushima, ce qui s’était produit n’était pas un incident nucléaire, c’était un tsunami avec une vague qui a atteint 42 mètres de haut, qui a démoli les systèmes de pompe qui permettaient le refroidissement de la centrale et que, dire à partir de Fukushima qu’il faut fermer Fessenheim qui se trouve dans le Haut-Rhin en Alsace, ça me semblait être une absurdité particulièrement notable. Nicolas Sarkozy
Mais personne ne va à Fukushima ! Quand on dit “je vais à Fukushima, sur les lieux de l’accident”, c’est au plus proche de l’accident, au plus proche des Japonais qui sont à ce moment-là dans la peine et la souffrance… Personne n’est allé à Fukushima. Fukushima, c’est une zone interdite […]. C’est une espèce de fausse polémique comme ceux qui n’ont rien à dire en ont le secret. Nathalie Kosciusko-Morizet
Je reviens du Japon, après trois jours entre Tokyo et Sendai, là où le tsunami a frappé il y a trois semaines. Je suis arrivée à Tokyo depuis Nankin, le 31 mars dans l’après-midi, avec le Président Sarkozy qui voulait aller en personne assurer les Japonais et leurs gouvernants de notre solidarité. Le Premier Ministre japonais, Naoto Kan, nous a dit sa satisfaction au moyen d’un proverbe : « les vrais amis sont ceux qui viennent sous la pluie ».(…) Je suis restée au Japon pour y exprimer à tous mes interlocuteurs la solidarité de la France et pour leur dire, aussi, l’admiration que nous inspire le courage d’un peuple frappé par un enchaînement de catastrophes inédit dans l’histoire de l’humanité. Le tsunami, le séisme, l’accident nucléaire, tout ce à quoi le Japon fait face est ahurissant. Mais il fait face, avec calme, dignité. Les gens se serrent les coudes, comme nous avons pu le voir dans l’un des centres d’accueil de réfugiés, installé dans un grand gymnase de la banlieue de Tokyo. Je suis restée au Japon pour leur délivrer ce message et pour mieux identifier les besoins, en voyant quel type de coopération nous devons envisager pour les semaines qui viennent. J’étais accompagnée d’une délégation qui représentait tout l’éventail de l’expertise française en matière nucléaire. (…) Nous avons quitté Tokyo pour Sendaï au petit matin. Sendaï où ont été prises les photos que nous avons tous vus dans nos journaux. Il faut cinq heures de bus pour se rendre sur place. L’expert de l’IRSN, qui nous accompagne avec son équipement et mesure la radioactivité sur la route, nous donne des informations rassurantes ; y compris lorsque nous nous trouvons à une quarantaine de km de la centrale de Fukushima. A Sendaï, je rencontre la maire, qui demande une aide de la France en matière agricole, pour désaliniser l’eau des rizières submergées par le tsunami. Je sais que des organismes de recherche agricole français disposent d’expertise en la matière. Je déjeune avec les quelques membres de la communauté française restés à Sendaï avec le directeur de l’alliance française. Je visite un centre d’accueil de réfugiés.  La ville n’a été touchée que partiellement. Il y a un contraste très fort entre les premiers quartiers que l’on traverse et ceux des deux arrondissements proches de la mer. Là, c’est la désolation absolue. Des kilomètres de côtes dévastées, des voitures par centaines, renversées, compressées, enchevêtrées, qui jonchent le sol boueux. On commence tout juste à déblayer depuis quelques jours. Mais des ouvriers sont déjà au travail : ils reconstruisent des ponts. L’espoir est là, avec la vie qui reprend au milieu des décombres. Retour à Paris, par le vol d’Air France qui fait escale à Séoul, pour changer d’équipage. Les pilotes d’Air France refusent de dormir à Tokyo. M. Ohata m’a fait remarquer à ce propos qu’il y dormait tous les soirs, comme 13 millions de ses compatriotes et plusieurs milliers de Français. Nathalie Kosciusko-Morizet
La visite de Nicolas Sarkozy au Japon est la première d’un chef d’État ou de gouvernement étranger depuis la catastrophe du 11 mars. Il avait déjà été l’un des premiers à se rendre en Haïti en février 2010, un mois après le séisme qui a fait plus de 200 000 morts dans la région de Port-au-Prince. Ce séjour de quelques heures à Tokyo fournira aussi à Nicolas Sarkozy l’occasion de combler un vide de son bilan diplomatique. S’il s’est rendu à cinq reprises en Chine, il n’a, depuis son élection, jamais visité le Japon, hormis pour le sommet du G8 à Tokyo en 2008. Le Point (31/03/2011)
Il a laissé s’organiser un système de clan, de bandes et de prébendes. Ce système a fait la promotion d’un nucléaire bas de gamme à l’international et proposé de transférer nos droits de propriété intellectuelle mondiaux aux… Chinois, et de vendre du nucléaire à des pays où ce n’est pas raisonnable. (…) Par exemple au colonel Kadhafi. Nous jouions à fronts renversés: moi, qui aurais dû pousser à la vente, je m’y opposais vigoureusement, et l’Etat, censé être plus responsable, soutenait cette folie. Imaginez, si on l’avait fait, de quoi nous aurions l’air maintenant ! La vente de nucléaire s’accompagne de la création d’une autorité de sûreté capable d’arrêter la centrale en cas de problème. Or, dans un tel régime, un président de l’autorité de sûreté qui n’obéit pas est au mieux jeté en prison, au pire exécuté ! Pourtant, quelle insistance ! A l’été 2010, j’ai encore eu, à l’Elysée, une séance à ce sujet avec Claude Guéant et Henri Proglio… Anne Sauvargeon
Le candidat sortant me dit: «Ça coûte cher, on n’a pas les moyens, 60 000 postes c’est impossible, deux milliards et demi.» J’ai fait mes comptes : lui, il a accordé le bouclier fiscal aux plus favorisés, cela représentait deux milliards et demi, l’équivalent des 60000 postes. Qu’est ce que l’on préfère, protéger les plus riches ou protéger nos enfants? J’ai choisi : protéger nos enfants! François Hollande
Cette équation est trompeuse: François Hollande compare en effet le bouclier fiscal dont le coût cumulé sur le quinquennat est d’environ 2,5 milliards (grosso modo 500 millions d’euros par an en moyenne). Alors que cette somme de 2,5 milliards d’euros correspond (plus ou moins selon les évaluations) au coût annuel des 60000 postes crées dans l’Education nationale, une fois la totalité des postes créés (à partir de la cinquième année). Si l’on veut vraiment comparer le coût cumulé de la création des postes sur cinq ans, on aboutit à 7,5 milliards d’euros (500 millions la première année pour 12 000 postes, 1 milliards la deuxième année pour les 12000 premiers plus 12000 supplémentaires , etc. jusqu’à la dernière année où les 60 000 postes représentent une charge annuelle de 2,5 milliards). Desintox
Entre 2002 et 2006, les atteintes aux personnes ont explosé de 23,8%, et les coups et blessures non mortels de 31,3%. Manuel Valls (dans son dernier livre, l’Energie du changement)
La violence progresse. Depuis dix ans, les violences aux personnes ont augmenté de 20 % (…) On nous dira que nous sommes des laxistes, alors que j’ai démontré le contraire et que la Droite a laissé les violences aux personnes progresser de 20 %! François Hollande
Les chiffres de Manuel Valls correspondent à l’évolution des faits constatés par les forces de l’ordre. On pourrait gloser sur le terme «explosion» employé par Valls. Il laisse à penser que les violences ont subitement augmenté en 2002. Alors que les atteintes aux personnes enregistrées progressaient plus fortement entre 1997 et 2002. Mais ce serait accorder trop de crédit aux chiffres sur lesquels Valls s’appuie. Car le principal problème est que l’indicateur qu’il manie dit peu de choses. Comme tant d’hommes politiques, le maire d’Evry confond les chiffres de la délinquance enregistrés par la police et la gendarmerie avec la délinquance réelle. C’est un piège contre lequel l’Observatoire national de la délinquance (OND) ne cesse de mettre en garde depuis des années, en vain. «L’évolution à court ou à moyen terme du nombre de faits constatés par la police ou la gendarmerie ne doit jamais être confondue avec la délinquance commise», écrit ainsi souvent l’organisme. Si la police décide de mettre l’accent sur la lutte contre le petit trafic de drogue, il y aura davantage de dealers arrêtés. Cela ne voudra pas dire qu’il y a une explosion des trafics en France. A l’inverse, il suffit au pouvoir politique – comme cela se fait parfois – de demander aux forces de l’ordre de mettre la pédale douce dans l’enregistrement des plaintes pour que les statistiques baissent. La délinquance n’aura pas diminué pour autant. La prudence est donc de mise concernant le sens à donner à ces chiffres. Et c’est particulièrement vrai en matière de violences. Depuis quinze ans, les atteintes aux personnes enregistrées progressent. Mais cette inflation statistique ne doit pas être confondue avec une «explosion» des faits eux-mêmes. La première raison est qu’on assiste depuis quinze ans à un élargissement du nombre des «circonstances aggravantes», qui ont fait basculer des agressions de la contravention vers le délit. Des faits apparaissent dans les statistiques de la délinquance alors qu’ils n’y figuraient pas auparavant. Depuis 1994, une agression, quelle que soit la durée de l’incapacité totale de travail de la victime, est un délit si elle est le fait du concubin ou du conjoint de la victime. Et, depuis 2006, c’est aussi le cas si elle a été commise par un ex-conjoint, un ex-concubin ou une personne liée à la victime par un Pacs. Cette modification de périmètre est une des raisons de l’augmentation du nombre de faits constatés. (…)  Le nombre de plaintes enregistrées dépend aussi de la propension des victimes à porter plainte. Les experts soulignent que la forte progression des violences – notamment intrafamiliales – dans les statistiques s’explique aussi par une modification des comportements : de la police – qui est plus sensibilisée au sujet et collecte mieux les plaintes – et des victimes – qui sont de plus en plus incitées à porter plainte (elles sont encore moins de 25% à le faire en cas d’agression, et moins de 10% quand il s’agit de violence au sein du ménage). (…) «L’augmentation des faits constatés peut être une bonne nouvelle, parce qu’elle peut signifier que de plus en plus de victimes se font connaître. Ce qui ne veut pas dire qu’il y a de plus en plus de victimes», explique-t-on à l’OND. Il importe d’ailleurs de souligner que, à rebours des statistiques des forces de l’ordre, les enquêtes de victimation, qui consistent à aller interroger des échantillons de population sur les délits dont ils ont été l’objet, ne montrent pas de progression des violences. Les enquêtes que mène l’OND depuis 2007 montrent une stagnation des atteintes aux personnes. Ces enquêtes – largement utilisées dans d’autres pays – ne sont jamais citées par les responsables politiques français, qui leur préfèrent les statistiques de l’activité policière. Quitte, comme Valls, à leur faire dire autre chose que ce qu’elles disent. Le maire d’Evry, qui se veut moderne dans le traitement de la sécurité, pourrait commencer par remettre les chiffres à l’endroit. Cédric Mathiot
La première décision que je prendrai sur cette réforme des retraites, c’est de permettre à ceux qui ont cotisé 41 années de partir. Ça veut dire, qu’on rétablira l’âge légal si c’est la question sous-entendue. Mais pour partir à taux plein, il faudra avoir fait 41 années de cotisation. François Hollande (débat Aubry-Hollande, 12.10.10)
Ceux qui ont commencé leur vie professionnelle à 18 ans, qui ont fait 41 années de cotisation, 42 ans, pourront partir à 60 ans. Ceux qui n’ont pas leur durée de cotisations ne le pourront pas. François Hollande (13.12.11)
François Hollande s’est engagé à revenir à l’âge légal à 60 ans et il le fera. Marisol Touraine (conseillère du candidat sur les questions sociales) Il n’y aura pas de départ possible avec décote avant 62 ans. Marisol Touraine (conseillère de Hollande sur les questions sociales)
Ce que dit François Hollande, c’est ce qu’il dit depuis longtemps. Pierre Moscovici
François Hollande a toujours dit ça, il n’a jamais dit autre chose, il a répété que pourraient partir à 60 ans ceux qui avaient leur durée de cotisation. Chacun en fait maintenant une interprétation. ça a toujours été la même proposition. Il n’a pas dit autre chose pendant la primaire. Stéphane le Foll
Hollande a rappelé la proposition qu’il a toujours défendue, la prise en compte pour ceux qui ont commencé à travailler tôt dans leur vie de la durée de cotisation de telle sorte que s’ils ont atteint les 41 à 41,5 années de cotisations, ils puissent partir à 60 ans. Harlem Désir
Depuis le 1er janvier 2004, les assurés qui ont commencé à travailler tôt peuvent partir à la retraite avant l’âge légal. Sous certaines conditions… Arrivés sur le marché du travail à 14, 15 ou 16 ans, ils ont aujourd’hui l’âge de songer à leur retraite. La réforme Fillon, entrée en application au 1er janvier 2004, a allongé progressivement la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite complète. Elle a aussi offert à ceux qui ont commencé tôt un départ en retraite possible avant l’âge de 60 ans. La dernière réforme, celle de novembre 2010, a reconduit et étendu ce dispositif aux personnes ayant débuté leur activité avant 18 ans. Dossier familial

Attention: un mensonge peut en cacher un autre!

Réécriture de l’histoire, enjolivement de bilan, réinventions des propositions de l’adversaire, distorsion des chiffres, diagnostics gonflés, exagérés, ou faux, invention de comparaisons internationales, promesses de changements qui existent déjà …

A l’heure où, empêtré dans un chômage record et des déficits proprement abyssaux mais fort de 200 millions de dollars de trésor de guerre pour une campagne qui devrait dépasser  les 750 millions de la dernière, le Faiseur en chef de Kool-Aid de la Maison Blanche, nous ressort les vieilles ficelles de la « règle Buffett » (o, 3% des contribuables, gain de moins de 50 milliards sur 10 ans pour 1000 milliards de déficits annuels) …

Alors qu’un site de vérification de faits français (heureuse initiative de factchecking à la française conjointe de la chaine en continu iTélé et du site anti loi Hadopi et pro-wikileaks français Owni) reprenant le titre d’un sketch de Thierry Le Luron sur Georges Marchais (Véritomètre) qui distribue les notes de crédibilité à nos candidats (devinez qui est dernier et qui est premier?)  met un 0 à qui vous savez pour avoir sous-évalué de 25% un chiffre qu’il avait dans son raisonnement intérêt à sous-évaluer …

Et que fort de son bilan vide  (toute le monde n’a pas eu la chance, à ce niveau-là en tout cas, de n’avoir jamais participé à aucune fonction de gouvernement), notre Obama (blanc) français et son équipe ont beau jeu de multiplier les dénonciations sur le bilan désastreux et les mensonges éhontés du président sortant (qui semble certes, entre la date d’une visite au mur de Berlin et les projets de vente de centrales nucléaires à Kaddhafi, avoir toujours eu l’enjolivement facile, comme le montre bien Desintox,  un autre site apparemment plus sérieux de vérification de faits) …

Retour sur le vrai mensonge de Sarkozy.

A savoir que contrairement à ce que nous répète l’opposition et sa claque médiatique (sans compter leurs experts), notre Sarko national n’a (hélas) jamais été le libéral qu’on (a) dit.

Que, derrière les quelques vélléités libérales qu’il a eues et les quelques vraies et utiles réformes qu’il a réussi (contre probablement la pire opposition qu’un président ai jamais eue: on imagine la révolution s’il avait vraiment essayé!) à faire passer et que, du service minimum transports et école primaire et retour dans l’OTAN aux franchises médicales, non-remplacement d’un fonctionnaire partant en retraite sur deux, réforme des retraites, baisses de TVA et  bouclier fiscal) son adversaire et possible successeur va s’empresser de conserver précieusement, notre fils naturel de Thatcher et Reagan est resté largement fidèle à la tradition bien française de dirigisme et d’étatisme …

Et que mis à part la pire crise que le monde ait connue depuis peut-être les années 30, une bonne part du nécessairement mauvais bilan qui lui est universellement reproché tient tout simplement à ce modèle français, de protection des emplois à statut et à fort potentiel de nuisance (dans la rue ou les urnes) au détriment des nouveaux entrants sur le marché du travail, que ses adversaires sont comme un seul homme si pressés de relancer dans toute sa force …

Non, le quinquennat de Nicolas Sarkozy n’a pas été libéral !

Le Parisien Libéral

Contrepoints

20/04/2012

Comment peut-on sérieusement dire que Nicolas Sarkozy a mené une politique libérale ? Retour sur ce qu’aurait été une politique libérale, et ce qu’ont été les principales mesures de l’UMP.

Non : il n’y a pas eu de mesures libérales en 5 ans, ou presque. Tel est le message que les libéraux transmettent à la gauchosphère, comme Gauche de Combat, Jegoun, Dedalus Sarkononmerci (!), les privilégiés parlent aux français, Clémentine Autain et bien d’autres rouges de rage mais aussi à ces soi-disant ultra libéraux que sont Laurent Wauquiez (qui a déclaré « Une dérive ultralibérale de l’UMP serait une mauvaise idée : parce que la crise a montré les limites de cette doctrine et parce que la droite, en France, ce n’est pas cela ») ou tous les gens de la Droite Pop.

Le billet le plus comique de ces dernières heures est peut-être celui intitulé « Sarkozy, fils naturel de Reagan et Thatcher ». C’est d’un drôle.

Rappelons ce que serait une politique libérale :

une baisse et une simplification des impôts (flat tax, suppression de l’ISF)

un budget voté en équilibre (donc une forte baisse des dépenses publiques)

moins de lois votées au parlement

la dérégulation de toutes les mesures qui empêchent les marchés de fonctionner (fin du SMIC et de la taxe sur les transactions financières)

la liberté de faire gérer par qui on veut les prélèvements sociaux obligatoires (salaire complet)

un moratoire sur les mesures liberticides (arrêt de Loppsi et Hadopi) et de la généralisation de la vidéosurveillance

l’application stricte du principe de subsidiarité pour tous les services publics qui ne seraient pas gérés au niveau fédéral communautaire

le remplacement de toute l’aide sociale par le revenu universel garanti

l’alignement du droit public sur le droit privé

Il y a eu deux mesures incontestablement libérales en 5 ans : la création du statut de l’auto-entrepreneur, grâce à Hervé Novelli, et la loi sur l’autonomie des universités.

Sinon, on a eu :

51 taxes créées ou relevées depuis 2007

des budgets votés en déficit

une progression constante de la dépense publique, faute de licenciements dans la fonction publique

17 000 lois votées

hausse du SMIC

maintien des 35 heures

acharnement thérapeutique sur le système de retraites, pour lui donner quelques années de racket de plus

création de la Hadopi

extension du domaine d’application du Secret Défense

projet de loi de la carte d’identité biométrique, soutenu par les socialistes sauf Serge Blisko

maintien de l’avantage juridique qu’ont les fonctionnaires dans leurs procès contre les citoyens

et ne parlons pas de la politique étrangère (accueil de Khadafi, serrage de louche de Poutine, lachage des otages suisses en Libye, achat de listes volées en Suisse, JO de Pekin 2008, menaces contre Schenghen etc.).

Faute de réformes type Reagan Thatcher, justement, le Président de la République n’a pas su mettre fin à la République Socialiste de France, tout comme Chirac a viré Madelin en 1995 au lieu de suivre le bon sens.

Voila l’opinion des libéraux, appuyés par les faits listés ci-dessus.

C’est d’ailleurs pourquoi un certain nombre d’entre eux s’apprêtent à voter Frédéric Bastiat, car un mort ne fera pas pire que les vivants. Quel que soit le vainqueur dimanche prochain, on ne voit pas quelle politique libérale sera initiée de gré par le nouveau (ou la nouvelle) Président (e) de la République. On sait juste que la gauche socialiste et communiste prendra encore moins de gants pour enfoncer la France dans l’ultra-étatisme et l’ultra-socialisme.

Voir aussi:

Sarkozy, fils naturel de Thatcher et Reagan

Sarkononmerci

17 avril 2012

Entendons-nous bien, nous ne sommes plus au XIXème siècle et les libéraux d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec les libéraux d’antan. L’appellation « libéral » a été détournée et dévoyée, récupérée tant et si bien qu’il ne s’agit plus aujourd’hui d’une philosophie politique d’émancipation de l’individu vis à vis du pouvoir politique, mais de la simple revendication économique de s’affranchir des règles sociales vues comme des entraves. Il ne s’agit plus de reconnaître l’individualité du citoyen mais de favoriser l’individualisme de l’entrepreneur. Et la seule liberté que revendique le libéral aujourd’hui est celle de « faire de l’argent ».

Ceci étant posé, je rebondis sur le billet de Nicolas, lui-même ayant rebondi sur le billet d’un blogueur nommé Pierre qui se revendique libéral et explique qu’il ne votera pas cette fois pour Sarkozy qu’il juge finalement trop socialiste. Pauvre petit bonhomme !

A quoi aspire le libéral ? Quelle est son idéologie ? Que revendique-t-il ?

Le libéralisme est une idée simple, si simple qu’elle en est un simplisme : celui qui crée la richesse c’est celui qui entreprend et investit. L’important est de le laisser faire, c’est-à-dire de ne pas l’entraver en lui imposant un salaire minimum, de ne pas l’entraver en limitant sa capacité de licencier, de ne pas l’entraver en accordant des droits aux salariés, ne pas l’entraver en imposant ses bénéfices, ne pas l’entraver en lui réclamant de payer des charges… Ne pas l’entraver, ne pas le faire chier, le laisser libre de faire du fric.

Or charges sociales et impôts sont prélevés par l’Etat et les collectivités territoriales pour payer les retraites, financer la protection sociale, assurance maladie et assurance chômage, pour financer les services publiques tels que l’éducation, la justice, l’hôpital… En conséquence de quoi, afin donc de réduire les entraves qui pèsent sur les entrepreneurs, il est nécessaire d’en finir avec ces besoins de financement.

Moins de services publics et moins de protection sociale, c’est moins d’impôts et de charges, donc plus de liberté pour les entrepreneurs, c’est-à-dire une capacité accrue à faire de l’argent.

Et pour vendre le modèle, les libéraux prétendent contre toute réalité que plus d’argent pour eux ce serait en fin de compte, à terme, plus d’argent pour tous. C’est la théorie des retombées et il est aisé de démontrer combien ces retombées promises relèvent du chimèrique. Un parfait miroir aux alouettes.

En attendant, sous prétexte donc que ça retomberait, Nicolas Sarkozy a bel et bien cassé le code du travail de manière à réduire les droits des salariés. C’est une réforme d’inspiration purement libérale.

Il a réduit les droits des chômeurs comme les droits des retraités. Deux réformes d’inspiration purement libérale.

Il a baissé les charges pour les entreprises, supprimé la taxe professionnelle, bridé la progression du salaire minimum, réduit les sur-rémunérations associées aux heures supplémentaires, facilité le licenciement… Autant de mesures d’inspiration purement libérale.

Il s’est attaqué violemment au système hospitalier, au système judiciaire, au système scolaire, au point de les rendre exangues, dans l’incapacité de fonctionner. Et l’on pourrait multiplier les exemples du libéralisme aussi forcené qu’idéologique de Nicolas Sarkozy – et plus généralement de la droite française.

Contentons-nous de nous arrêter un peu sur l’exemple de l’école. C’est un bon exemple pour décrire comment procède le libéralisme pour parvenir à ses fins.

D’abord, casser.

Supprimons quinze à vingt mille postes par an dans l’éducation nationale. Supprimons en particulier les RASED (Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté), et aussi réduisons les postes d’infirmières scolaires, les postes de psychologues scolaires et plus généralement tout le personnel qui bénéficie le plus aux élèves en difficulté. Prenons bien soin, dans le même ordre d’idée, de répartir les suppressions de postes de manière à ce qu’elle pèse davantage sur les établissements situés dans les zones les moins favorisées.

Tout ceci est précisément ce que la droite s’est appliquée à faire depuis dix ans, un processus de casse qu’en cinq ans Nicolas Sarkozy s’est appliqué à accélérer.

Au résultat, les difficultés s’accumulent, plus rien ne fonctionne, les élèves en difficultés se retrouvent abandonnés, les professeurs sont découragés, désormais quand un professeur est absent il est impossible de lui trouver un remplaçant – dans un établissement de mon quartier, au lycée Hélène Boucher, une classe de première n’a pas eu de professeur de français de toute l’année (les élèves passent le bac dans un mois)…

Les parents sont excédés. De plus en plus d’entre eux font le choix, quand ils en ont la possibilité, de se tourner vers les établissements privées. Lesquels sont eux-mêmes au bord de la rupture et réclament des moyens supplémentaires.

Que croyez-vous que serait l’étape suivante, si Sarkozy était réélu ?

Le constat serait fait de la médiocrité crasse d’un système d’enseignement public qui coûte cher et ne fonctionne plus. Conclusion serait tirée qu’il est devenu préférable de financer le développement de l’enseignement privé – moins cher puisque financé aussi par les familles, celles qui en ont les moyens…

Un système à deux vitesses serait créé, accélérant la dégradation d’un système public dépourvu de moyens et abandonné par ses meilleurs éléments, élèves et professeurs, qui choisiraient de rejoindre le privé.

Le budget de l’Etat s’en retrouverait allégé d’autant. Les besoins en impôt en serait diminué. Ce qui était l’objectif de l’opération.

Et tant pis pour les familles qui se retrouveraient à devoir débourser des sommes considérables pour assurer la scolarité de leurs enfants. Tant pis pour les enfants dont les parents n’en auraient pas les moyens.

C’est précisément ce qui s’est produit, avec vingt ans d’avance, en Grande Bretagne sous l’impulsion de Thatcher et aux Etats-Unis sous celle de Reagan. Les résultats furent si désastreux qu’ils en sont encore aujourd’hui à chercher comment reconstruire ce qui avait alors été cassé – mais il est bien plus aisé de casser que de reconstruire.

Thatcher et Reagan dont personne ne viendrait contester qu’ils étaient de purs libéraux et dont Sarkozy s’est montré à l’évidence un élève plus qu’appliqué.

Les mauvais chiffres du premier tour

 Sylvain Lapoix

Owni

22 avril 2012

Constat d’après premier tour : durant des semaines, les candidats ont multiplié les bourdes dès qu’ils faisaient référence à des chiffres. Voici le classement de ces grosses boulettes, magistrales gamelles ou discrètes bêtises – concernant notamment les deux candidats en lice pour le second tour. Florilège réalisé par les journalistes de donnés d’OWNI en partenariat avec i>TÉLÉ.

Lancé en partenariat avec i>TÉLÉ pour vérifier les déclarations chiffrées des six principaux candidats à l’élection présidentielle, le Véritomètre a vu voltiger des centaines statistiques en deux mois de factchecking. Après ce premier tour, nous vous livrons un condensé des plus grosses erreurs des prétendants à l’Élysée, rangées par type de bourdes. Un panorama synthétique des libertés prises avec les statistiques officielles au travers duquel perce, peut-être, une certaine vision des Français et du genre de pilule que les équipes de campagne veulent leur faire avaler. Expliquant, peut-être, les surprises des résultats du suffrage de ce dimanche.

L’arrondi qui tue

Parmi les reproches les plus courants que nous ont adressés les membres des équipes de campagne des candidats, il y a la question des arrondis : selon eux, nous étions “trop sévères” avec les pauvres politiques essayant par un gros chiffre qui tombe juste de faire la démonstration que la France va mal. Une remarque étonnante, surtout venant d’un candidat comme François Bayou, lequel a fait du “discours de vérité” le point d’orgue de sa communication politique. Champion du redressement des finances publiques, c’est pourtant le même candidat du Modem qui sous-estimait de 8,7% le budget de l’Etat un matin sur Europe 1 :

L’argent que dépense l’État, les collectivités locales et la Sécu, c’est 1000 milliards, 1000 fois 1000 millions par an.

L’estimation était révisée à la hausse de 5% par le même candidat, trois semaines plus tard sur RTL cette fois-ci :

La France dépense un peu plus de 1000 milliards de dépenses publiques par an, mettons 1050 milliards.

Le vrai chiffre est encore 44 milliards au dessus : 1094 milliards d’euros en 2011 selon l’Insee. Cet arrondi serait, nous a-t-on assuré dans l’entourage du candidat, “au service d’une démonstration”. Mais pourquoi, alors, François Bayrou reproche-t-il quelques dizaines de milliards de surcoût dans le programme d’un de ses concurrents quand lui-même en oublie une centaine ?

À ce petit jeu, le président sortant lui-même a fait très fort puisque la première mesure de sa campagne, présentée en direct sur TF1 le 15 février, s’appuyait, elle-aussi, sur un chiffre incorrect mais bien rond :

Aujourd’hui, il y a seulement 10 % des chômeurs qui sont en formation.

Pointilleuse, notre équipe de data-journalists s’est penchée sur les derniers chiffres disponibles du ministère du Travail : vieux de 2009, ils indiquaient seulement 8% de demandeurs d’emplois en formation, soit 20% de moins qu’annoncés par le chef de l’État. Un arrondi, nous ont reproché de nombreux internautes, trouvant ce “0% de crédibilité” injuste pour “2%” de plus. Pourtant, ces deux points de chômeurs en formation représentent la modeste foule de 140 000 et quelques demandeurs d’emplois non inscrits à des formations, soit l’équivalent de l’agglomération de Clermont-Ferrand.

Derrière des arguments de forme, selon lesquels il serait trop long de donner “le chiffre complet”, se cache plus souvent le désir d’un “bon chiffre”, frappant l’esprit au détour d’une phrase et facile à mémoriser.

Question d’échelle

Mais il n’y a pas que dans les chiffres que la recherche du raccourci fait des ravages. À cause d’une mauvaise documentation, les candidats ont parfois énoncé des énormités y compris sur leur propre domaine d’expertise. Par exemple, ce n’est pas sur l’immigration ou la sécurité qu’Eva Joly nous a offert sur Canal + son plus gros écart, mais sur le logement, un des points phares de son programme :

Il y a 2 millions de logements vacants en région parisienne.

Le chiffre officiel le plus récent que nous ayons trouvé fait en réalité état de… 329 000 logements vides en Île-de-France ! Il existe bien deux millions de logements vides, mais dans toute la France.

De son côté, le candidat de l’UMP s’avançant sur le terrain des énergies vertes a de beaucoup surestimé les investissements dans la filière renouvelable lors de la conférence de presse de présentation de son programme :

Vous dites qu’on a bien du mal à affecter le chantier éolien. Ah bon ? Le chantier éolien c’est 12 milliards d’euros.

Avec un tel budget, les rotors auraient remplacé les réacteurs nucléaires sur les côtes normandes. Sauf que, s’il y a bien 12 milliards d’euros d’investis dans l’énergie éolienne, ce n’est pas en France, mais dans toute l’Europe ! Et le chiffre ne vient pas d’un obscur think tank mais du ministère de l’Écologie lui-même (lequel sous estimerait légèrement l’effort financier, selon le groupement des industriels européens du secteur). En réalité, c’est plutôt 1,2 milliard d’euros qui auraient été injectés par la France dans l’éolien, là où l’intégralité des investissements n’ont atteint depuis la première éolienne en 1991 que 7,164 milliards.

Derrière ces énormités, le raccourci semble évident : un gros chiffre trouvé au détour d’un rapport, mettant en valeur un atout ou une faiblesse structurelle. Las, pas le temps dans une interview ou un discours de finasser.

Sauf que ce sont généralement dans des sujets de niche que les terminologies sont les plus importantes : quand François Bayrou prétend qu’il ne subsiste que 100 000 emplois dans la “filière textile” dans Des paroles et des actes avant de parler du “sportswear”, il ne semble pas savoir que l’on ne parle de “textile” que pour les métiers de préparation du tissu et que “l’habillement” est, au sein des instances représentatives de ces industries, compté totalement à part. Et que, loin de ces 100 000 salariés, ils n’étaient déjà plus que 70 527 à travailler à la préparation des tissus en France en 2010.

Des chômeurs toujours prêts à rendre service

Mais les candidats font souvent mine de ne pas comprendre un sujet bien moins pointu et étroit que l’industrie des tissus : les questions d’emploi. Alors que le chômage est l’une des principales préoccupations des Français et qu’il constitue un sujet de débats permanents entre le sortant et les prétendants, aucun des candidats n’a pris le temps de décrire les différentes catégories de demandeurs d’emplois, à la notable exception de François Bayrou qui évoquait à Perpignan :

Un pays qui a presque 5 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel.

À d’autres reprises, le candidat du Modem et ses concurrents n’ont pas eu ce soucis de précision. Entre les cinq catégories de demandeurs d’emplois, désignées par les lettres A à E (A, désignant les personnes sans aucune activité, B et C avec une activité partielle et D et E, ceux n’étant pas inscrit au début ou à la fin du mois à Pôle emploi), il leur est arrivé même de jongler dans une même intervention ! Sur TF1, le 27 février, François Hollande tire ainsi un bilan quelque peu réducteur du chômage :

dans une période de chômage, telle que nous la connaissons, trois millions de chômeurs

Par “bonne foi”, l’équipe des vérificateurs d’OWNI a considéré qu’il fallait vérifier une déclaration en supposant que le candidat se rangeait à la définition du chômage la plus proche du chiffre avancé, en l’occurrence, de la catégorie A des chômeurs à temps plein qu’il surestimait d’un peu moins de 5%… mais cinq minutes plus tard, il change de définition pour critiquer le bilan du président sortant :

Avoir eu pendant le dernier quinquennat un million de chômeurs supplémentaires, c’est un échec.

Y avait-il seulement deux millions de chômeurs sans activité en 2007 ? On en est loin : selon la Direction des études statistiques du ministère du Travail (Dares), l’augmentation n’a pas dépassé les 750 000. En revanche, ce chiffre est bien atteint pour une autre définition du chômage (catégorie A, B et C).

De l’Outre-Mer à l’oubli

Les chiffres officiels du chômage contiennent en eux-même un biais considérable : ils écartent purement et simplement les départements d’Outre-Mer ! Les chiffres de la Dares pour février 2012 recensent ainsi 4 278 600 demandeurs d’emplois de catégorie A, B et C en métropole. Mais ils sont 4,47 millions en comptant les chômeurs de Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion, soit près de 270 000 de personnes ignorées par la statistique de référence !

Dans la dernière île seulement, le Pôle emploi recense 20 200 inscrits, soit plus que dans toute la région Poitou-Charentes pour une population de 60% inférieure. Épisode pittoresque par excellence des tours de France des candidats, le passage par les départements ultra-marins (notamment les Antilles) ne laisse généralement que peu de souvenirs dans les chiffres évoqués en métropole. Loin des yeux, loin du coeur, deux mois après avoir rendu visite aux Français des Caraïbes, François Hollande les oubliait déjà pour flatter les jeunes réunis autour de lui à Bondy pour son discours du 16 mars :

La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France.

Entre l’Atlantique et la Méditerranée, l’Insee donne raison au candidat socialiste : avec 440 865 habitants de moins de 20 ans en 2010 sur 1,527 million d’habitants, la Seine-Saint-Denis détient le taux record de 28,86% de jeunes. Mais seulement en métropole. Car, un océan plus loin, tous les territoires français affichent une population plus jeune encore : 29,5% de moins de 20 ans en Guadeloupe, 34% à la Réunion et, record de la France entière, 44,4% pour la Guyane. Un record auquel s’ajoute un taux de chômage de 45,1% chez les jeunes de moins de 24 ans. Une performance rarement évoquée dans les discours.

L’ivresse des records

Pour jouer aux réformateurs, en revanche, les candidats, et notamment le président sortant, stigmatisent à tout va la France comme le pays dernier de la classe, y compris en direct dans l’émission Parole de candidat face à quelques millions de téléspectateurs :

La France est le seul pays au monde où lorsqu’il y a une crise, le prix de l’immobilier augmente.

L’effet escompté est évidemment de dénoncer un archaïsme honteux ou bien un système grippé que tous les régimes précédents auraient protégé jusqu’à ce jour et que l’impétrant compte bien renverser une fois au pouvoir (quand bien même il l’est déjà). Sauf que, le monde est vaste et il y a toujours un pays pour écorner la démonstration : dans le cas de l’immobilier, il a suffi aux vérificateurs du Véritomètre de passer en revue les États européens pour en trouver trois – Suède, Finlande et Norvège – où les prix de l’immobilier avaient également augmenté ces quatre dernières années.

En dehors de la sortie de Marine Le Pen, correcte à Nice quand elle déclare que le taux de syndicalisation français est “le plus bas du monde occidental”, rares sont les tirades de ce genre qui résistent à la vérification. Spécialiste des classements en tout genre (des forêts jusqu’aux salles de classe), François Bayrou a bien essayé pour interpeller son auditoire d’exagérer la situation française :

Nous sommes le seul pays dans notre situation en Europe (…) qui soit devant un épouvantable déficit du commerce extérieur.

C’était sans compter les bases de données d’Eurostat, lesquelles nous ont appris qu’il y avait bien pire que nous. Et, cette fois-ci, nul besoin d’aller chercher en Pologne ou dans les pays scandinaves pour savoir qui surclasse Paris en matière de déficit commercial : avec 117,4 milliards d’euros de déficit commercial en 2011, c’est la Grande-Bretagne qui arrive première en UE, avec près de 50% de dépendance économique extérieure de plus que la France.

En dehors de l’efficacité de la formule, permettant d’assurer que “la France s’est mieux sortie de la crise que quiconque” et autres superlatifs, ce type de comparaison excessive a l’avantage de frapper l’esprit d’une formule sans obliger le candidat à avancer un chiffre ou à détailler les raisons expliquant un retard.

Maths

À l’extrême opposé de ces “chiffres chocs”, il arrive que le citoyen spectateur d’un meeting ou d’une interview se voit infligé une interminable démonstration bourrée de chiffres censée révéler une vérité cachée à grands coups de maths. En la matière, le champion toutes catégories reste François Bayrou, lequel s’est à plusieurs reprises (Angers, Besançon, Parole de candidat…) autoproclamé “président, trésorier et fondateur de l’association pour la défense du calcul mental”. Sa plus célèbre démonstration, restée gravée dans la mémoire de nos journalistes de données, reste la comparaison entre les voitures produites sur le territoire français par Renault et celles fabriquées en Allemagne par Volkswagen :

Je suis très frappé par ces chiffres-là : en 2005 toujours, Volkswagen produit en Allemagne 1 200 000 véhicules par an et, au même moment, Renault produit en France 1 200 000 véhicules par an, le même chiffre. Cette année, sept ans après, Volkswagen va produire en Allemagne 2 200 000 véhicules, presque le double, et chez nous Renault va produire en France 440 000 véhicules, trois fois moins que ce qu’il produisait en 2005.

À la sortie de ce tunnel, ceux qui auront réussi à suivre l’enchaînement des chiffres (malgré le débit plutôt modéré du candidat du Modem) auront saisi la question sous-jacente : pourquoi Renault produit moins sur son territoire alors que l’Allemagne produit plus ? Sauf que, dans le détail, tous les chiffres évoqués ici sont incorrects. Selon les sources officielles : en 2005, déjà, la marque allemande affichait 40% de production en plus sur son territoire que le leader français (1,913 millions de véhicules produits côté Volkswagen contre 1,318 millions chez Renault). Quant aux derniers chiffres, s’ils “renforcent le constat”, comme nous l’avait rétorqué François Bayrou sur le plateau de i>TÉLÉ où nous lui avons présenté le graphique, ils n’en étaient pas moins tout aussi éloignés de la réalité.

L’autre grand classique est le calcul “à la volée” de l’impact d’une taxe. Invitée de Radio France Politique, Eva Joly a ainsi vanté les sommes mirifiques que récupérerait l’Union européenne en imposant une “taxe Tobin” :

Un taux de 0,005% pour la taxation des transactions financières dans la zone euro produit 172 milliards

Malheureusement pour la candidate d’Europe écologie-Les Verts, le calcul avait déjà été fait et à un taux bien supérieur : avec 0,1% d’imposition sur les mêmes transactions financières, la Commission européenne n’entrevoyait ainsi que 57 milliards par an de collecte, soit trois fois moins pour un taux vingt fois supérieur.

Vieilles de 12 ans

Les candidats ne vont parfois pas chercher aussi loin. Parfois, ils se contentent d’utiliser un “vieux chiffre à la mode”, répété à tort et à travers dans les enquêtes et les études sur un sujet. Bien que candidat le plus précis de la campagne de premier tour, Jean-Luc Mélenchon n’échappe pas à la règle quand il déclare sur France info :

80% des Smicards sont des smicardes !

Cette statistique, elle circule dans toutes les directions et depuis longtemps. Très longtemps. Au moins en 2000, puisque la source première de ce chiffre (rarement citée) est l’ouvrage de la sociologue et directrice de recherche au CNRS, Margaret Maruani, “Travail et emploi des femmes”, paru en mars 2000 aux éditions La Découverte. Or, il existe des études plus récentes dont les conclusions sont différentes. La dernière en date que nous ayons pu trouver remonte à 2006, mais peint un portrait fort différent des salariés payés en Smic : elle constate également une prépondérance de “smicardes”, mais elles représentent 56,% des salariés au Smic contre 43,6% pour les hommes. Au regard de cet écart, les chiffres vieux d’une année cité par Jean-Luc Mélenchon à Marseille quant aux accidents du travail suivis d’une incapacité permanente relèvent du petit oubli de mise à jour.

Illustration par Loguy pour Owni /-)

Posters réalisés par l’équipe du Véritomètre via le Motivator.

Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.

Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI

Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

Voir enfin:

Sécurité : Valls dans le piège des stats

DESINTOX La violence a explosé de 23,8% entre 2002 et 2006, dénonce Valls, intentant le procès de l’action de Nicolas Sarkozy en matière de délinquance. Mais que veulent dire ces chiffres?

Cédric Mathiot

Libération

26 septembre 2011

«Entre 2002 et 2006, les atteintes aux personnes ont explosé de 23,8%, et les coups et blessures non mortels de 31,3%.»

Manuel Valls, dans son dernier livre, l’Energie du changement

INTOX

Manuel Valls, qui a fait de la sécurité un de ses dadas pour bousculer le PS, ne manque jamais non plus de taper sur le bilan de Nicolas Sarkozy en matière de délinquance. Dans le dernier ouvrage du maire d’Evry (Essonne), l’Energie du changement (Cherche-Midi), on lit : «2002-2012, bientôt une décennie que la sécurité de la France se trouve concentrée dans les mains d’un homme : Nicolas Sarkozy. Quelques chiffres : entre 2002 et 2006, les atteintes aux personnes ont explosé de 23,8%, les coups et blessures non mortels de 31,3%.»

DESINTOX

Les chiffres de Manuel Valls correspondent à l’évolution des faits constatés par les forces de l’ordre. On pourrait gloser sur le terme «explosion» employé par Valls. Il laisse à penser que les violences ont subitement augmenté en 2002. Alors que les atteintes aux personnes enregistrées progressaient plus fortement entre 1997 et 2002. Mais ce serait accorder trop de crédit aux chiffres sur lesquels Valls s’appuie. Car le principal problème est que l’indicateur qu’il manie dit peu de choses.

Comme tant d’hommes politiques, le maire d’Evry confond les chiffres de la délinquance enregistrés par la police et la gendarmerie avec la délinquance réelle. C’est un piège contre lequel l’Observatoire national de la délinquance (OND) ne cesse de mettre en garde depuis des années, en vain. «L’évolution à court ou à moyen terme du nombre de faits constatés par la police ou la gendarmerie ne doit jamais être confondue avec la délinquance commise», écrit ainsi souvent l’organisme. Si la police décide de mettre l’accent sur la lutte contre le petit trafic de drogue, il y aura davantage de dealers arrêtés. Cela ne voudra pas dire qu’il y a une explosion des trafics en France. A l’inverse, il suffit au pouvoir politique – comme cela se fait parfois – de demander aux forces de l’ordre de mettre la pédale douce dans l’enregistrement des plaintes pour que les statistiques baissent. La délinquance n’aura pas diminué pour autant. La prudence est donc de mise concernant le sens à donner à ces chiffres.

Et c’est particulièrement vrai en matière de violences. Depuis quinze ans, les atteintes aux personnes enregistrées progressent. Mais cette inflation statistique ne doit pas être confondue avec une «explosion» des faits eux-mêmes.

La première raison est qu’on assiste depuis quinze ans à un élargissement du nombre des «circonstances aggravantes», qui ont fait basculer des agressions de la contravention vers le délit. Des faits apparaissent dans les statistiques de la délinquance alors qu’ils n’y figuraient pas auparavant. Depuis 1994, une agression, quelle que soit la durée de l’incapacité totale de travail de la victime, est un délit si elle est le fait du concubin ou du conjoint de la victime. Et, depuis 2006, c’est aussi le cas si elle a été commise par un ex-conjoint, un ex-concubin ou une personne liée à la victime par un Pacs. Cette modification de périmètre est une des raisons de l’augmentation du nombre de faits constatés. Ce n’est pas la seule.

Le nombre de plaintes enregistrées dépend aussi de la propension des victimes à porter plainte. Les experts soulignent que la forte progression des violences – notamment intrafamiliales – dans les statistiques s’explique aussi par une modification des comportements : de la police – qui est plus sensibilisée au sujet et collecte mieux les plaintes – et des victimes – qui sont de plus en plus incitées à porter plainte (elles sont encore moins de 25% à le faire en cas d’agression, et moins de 10% quand il s’agit de violence au sein du ménage). Dans une étude de 2008 (lire p.3), l’OND pointe l’exemple de la Seine-Saint-Denis, qui a enregistré entre 2004 et 2007 une hausse de 87% des violences par conjoint sur femme majeure. Une possible conséquence, suggère l’OND, de la politique plus active qu’ailleurs menée par le département et les associations contre la violence conjugale. Un exemple qui amène à inverser la perspective : «L’augmentation des faits constatés peut être une bonne nouvelle, parce qu’elle peut signifier que de plus en plus de victimes se font connaître. Ce qui ne veut pas dire qu’il y a de plus en plus de victimes», explique-t-on à l’OND.

Il importe d’ailleurs de souligner que, à rebours des statistiques des forces de l’ordre, les enquêtes de victimation, qui consistent à aller interroger des échantillons de population sur les délits dont ils ont été l’objet, ne montrent pas de progression des violences. Les enquêtes que mène l’OND depuis 2007 montrent une stagnation des atteintes aux personnes. Ces enquêtes – largement utilisées dans d’autres pays – ne sont jamais citées par les responsables politiques français, qui leur préfèrent les statistiques de l’activité policière. Quitte, comme Valls, à leur faire dire autre chose que ce qu’elles disent. Le maire d’Evry, qui se veut moderne dans le traitement de la sécurité, pourrait commencer par remettre les chiffres à l’endroit.

Voir enfin:

France’s election

The rather dangerous Monsieur Hollande

The Socialist who is likely to be the next French president would be bad for his country and Europe

Apr 28th 2012

IT IS half of the Franco-German motor that drives the European Union. It has been the swing country in the euro crisis, poised between a prudent north and spendthrift south, and between creditors and debtors. And it is big. If France were the next euro-zone country to get into trouble, the single currency’s very survival would be in doubt.

That is why the likely victory of the Socialist candidate, François Hollande, in France’s presidential election matters so much. In the first round on April 22nd Mr Hollande came only just ahead of the incumbent, Nicolas Sarkozy. Yet he should win the second round on May 6th, because he will hoover up all of the far-left vote that went to Jean-Luc Mélenchon and others and also win a sizeable chunk from the National Front’s Marine Le Pen and the centrist François Bayrou.

Mr Sarkozy has a mountain to climb. Many French voters seem viscerally to dislike him. Neither Ms Le Pen (who, disturbingly, did well) nor Mr Bayrou (who, regrettably, did not) is likely to endorse him, as both will gain from his defeat. So, barring a shock, such as an implosion in next week’s televised debate, Mr Hollande can be confident of winning in May, and then of seeing his party triumph in June’s legislative election.

This newspaper endorsed Mr Sarkozy in 2007, when he bravely told French voters that they had no alternative but to change. He was unlucky to be hit by the global economic crisis a year later. He has also chalked up some achievements: softening the Socialists’ 35-hour week, freeing universities, raising the retirement age. Yet Mr Sarkozy’s policies have proved as unpredictable and unreliable as the man himself. The protectionist, anti-immigrant and increasingly anti-European tone he has recently adopted may be meant for National Front voters, but he seems to believe too much of it. For all that, if we had a vote on May 6th, we would give it to Mr Sarkozy—but not on his merits, so much as to keep out Mr Hollande.

With a Socialist president, France would get one big thing right. Mr Hollande opposes the harsh German-enforced fiscal tightening which is strangling the euro zone’s chances of recovery. But he is doing this for the wrong reasons—and he looks likely to get so much else wrong that the prosperity of France (and the euro zone) would be at risk.

A Socialist from the left bank

Although you would never know it from the platforms the candidates campaigned on, France desperately needs reform. Public debt is high and rising, the government has not run a surplus in over 35 years, the banks are undercapitalised, unemployment is persistent and corrosive and, at 56% of GDP, the French state is the biggest of any euro country.

Mr Hollande’s programme seems a very poor answer to all this—especially given that France’s neighbours have been undergoing genuine reforms. He talks a lot about social justice, but barely at all about the need to create wealth. Although he pledges to cut the budget deficit, he plans to do so by raising taxes, not cutting spending. Mr Hollande has promised to hire 60,000 new teachers. By his own calculations, his proposals would splurge an extra €20 billion over five years. The state would grow even bigger.

Optimists retort that compared with the French Socialist Party, Mr Hollande is a moderate who worked with both François Mitterrand, the only previous French Socialist president in the Fifth Republic, and Jacques Delors, Mitterrand’s finance minister before he became president of the European Commission. He led the party during the 1997-2002 premiership of Lionel Jospin, who was often more reformist than the Gaullist president, Jacques Chirac. They dismiss as symbolic Mr Hollande’s flashy promises to impose a 75% top income-tax rate and to reverse Mr Sarkozy’s rise in the pension age from 60 to 62, arguing that the 75% would affect almost nobody and the pension rollback would benefit very few. They see a pragmatist who will be corralled into good behaviour by Germany and by investors worried about France’s creditworthiness.

If so, no one would be happier than this newspaper. But it seems very optimistic to presume that somehow, despite what he has said, despite even what he intends, Mr Hollande will end up doing the right thing. Mr Hollande evinces a deep anti-business attitude. He will also be hamstrung by his own unreformed Socialist Party and steered by an electorate that has not yet heard the case for reform, least of all from him. Nothing in the past few months, or in his long career as a party fixer, suggests that Mr Hollande is brave enough to rip up his manifesto and change France (see article). And France is in a much more fragile state than when Mitterand conducted his Socialist experiment in 1981-83. This time the response of the markets could be brutal—and hurt France’s neighbours too.

Goodbye to Berlin

What about the rest of Europe? Here Mr Hollande’s refusal to countenance any form of spending cut has had one fortunate short-term consequence: he wisely wants to recast the euro zone’s “fiscal compact” so that it not only constrains government deficits and public debt, but also promotes growth. This echoes a chorus of complaint against German-inspired austerity now rising across the continent, from Ireland and the Netherlands to Italy and Spain (see Charlemagne).

The trouble is that unlike, say, Italy’s Mario Monti, Mr Hollande’s objection to the compact is not just about such macroeconomic niceties as the pace of fiscal tightening. It is chiefly resistance to change and a determination to preserve the French social model at all costs. Mr Hollande is not suggesting slower fiscal adjustment to smooth the path of reform: he is proposing not to reform at all. No wonder Germany’s Angela Merkel said she would campaign against him.

Every German chancellor eventually learns to tame the president next door, and Mr Hollande would be a less mercurial partner than Mr Sarkozy. But his refusal to countenance structural reform of any sort would surely make it harder for him to persuade Mrs Merkel to tolerate more inflation or consider some form of debt mutualisation. Why should German voters accept unpalatable medicine when France’s won’t?

A rupture between France and Germany would come at a dangerous time. Until recently, voters in the euro zone seemed to have accepted the idea of austerity and reform. Technocratic prime ministers in Greece and Italy have been popular; voters in Spain, Portugal and Ireland have elected reforming governments. But nearly one in three French voters cast their first-round ballots for Ms Le Pen and Mr Mélenchon, running on anti-euro and anti-globalisation platforms. And now Geert Wilders, a far-right populist, has brought down the Dutch government over budget cuts. Although in principle the Dutch still favour austerity, in practice they have not yet been able to agree on how to do it (see article). And these revolts are now being echoed in Spain and Italy.

It is conceivable that President Hollande might tip the balance in favour of a little less austerity now. Equally, he may scare the Germans in the opposite direction. Either way one thing seems certain: a French president so hostile to change would undermine Europe’s willingness to pursue the painful reforms it must eventually embrace for the euro to survive. That makes him a rather dangerous man.


Présidentielles 2012: Aujourd’hui, le clivage n’est plus idéologique mais philosophique et moral (Why not polygamy?)

25 avril, 2012
Israël est détruit, sa semence même n’est plus. Amenhotep III (Stèle de Mérenptah, 1209 or 1208 Av. JC)
Le Front de Gauche pense lui aussi que l’accord d’association UE-Israël doit être suspendu tant que le gouvernement israélien ne se conformera aux obligations qui lui incombent en vertu de ce traité. Nous œuvrerons en ce sens au sein du Conseil européen et nous veillerons à ce qu’aucune nouvelle opportunité commerciale ne soit accordée à Israël en l’état actuel des choses. La France appuiera la mise en place d’une liste noire des entreprises israéliennes qui violent délibérément l’esprit des dispositions prises par l’UE en exportant abusivement des produits provenant des territoires occupés. Ces entreprises devront être boycottées. Elles le seront en France. En outre, la France veillera à ce que les entreprises françaises – et européennes – ne participent pas, par des investissements illégaux, à la colonisation. Une liste noire des entreprises se livrant à ce genre d’opération sera dressée, rendue publique et des sanctions appliquées. Le Front de gauche (Mélenchon)
Depuis que l’ordre religieux est ébranlé – comme le christianisme le fut sous la Réforme – les vices ne sont pas seuls à se trouver libérés. Certes les vices sont libérés et ils errent à l’aventure et ils font des ravages. Mais les vertus aussi sont libérées et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore. Le monde moderne est envahi des veilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitudeChesterton
C’est le sens de l’histoire (…) Pour la première fois en Occident, des hommes et des femmes homosexuels prétendent se passer de l’acte sexuel pour fonder une famille. Ils transgressent un ordre procréatif qui a reposé, depuis 2000 ans (sic), sur le principe de la différence sexuelle. Evelyne Roudinesco
Je m’ennuie follement dans la monogamie, même si mon désir et mon temps peuvent être reliés à quelqu’un et que je ne nie pas le caractère merveilleux du développement d’une intimité. Je suis monogame de temps en temps mais je préfère la polygamie et la polyandrie. Carla Bruni
Pourquoi est-il devenu aujourd’hui impossible de prononcer le mot polygamie sans qu’aussitôt le débat s’enflamme? La polygamie serait à éradiquer, comme un fléau, si l’on écoute certains politiques. (…) La polygamie opprime la femme, entend-on dire partout, et elle est contraire à l’ordre public. En quoi la polygamie serait-elle par essence source de délinquance? Dans la monogamie, tout irait-il donc très bien, madame la marquise? Aucun délinquant dans les foyers monogamiques? (…) Ce qui pose problème, ce n’est pas la modalité matrimoniale en elle-même, mais l’inégalité entre les hommes et les femmes, l’oppression de la femme, considérée comme une propriété, comme un bien, comme une chose, scandale que la polygamie rend encore plus manifeste, plus criant, plus insupportable. Ce qui est à combattre, c’est le mariage forcé, sous quelque forme qu’il soit. (…) Or donc, pourquoi ne pas revendiquer une polygamie égalitaire plutôt que de vouloir à tout prix « faire la peau » à la polygamie? Pourquoi ne pas réfléchir à des conditions de logement et de vie adéquates pour les personnes qui souhaitent s’épanouir dans ce mode de vie? Le vrai combat de libération de la femme mariée sous le régime de la polygamie (en réalité: polygynie) ne consisterait-il pas à revendiquer le droit à la polyandrie? Pour qu’une femme puisse se marier également avec plus d’un homme. (…) les premiers Chrétiens étaient polygames. Et (…) la polygamie n’est nulle part interdite dans la Bible. Dans le cadre du catholicisme, le divorce est mille fois plus problématique que la polygamie! Il a d’ailleurs paru au XIXe siècle tout aussi scandaleux et immoral que peut paraître à certains aujourd’hui la polygamie. Et pourtant, qui s’effarouche aujourd’hui du divorce? La morale n’est pas donnée une fois pour toute et partout. Elle est une vision qui colore les situations, positivement ou négativement à un moment donné, elle n’est ni fixe ni universelle. Il fut un temps où il était, en France, hérétique de penser qu’un mariage pût être d’amour! (…) Et si une « nouvelle polygamie » était un très bon moyen de retisser du lien social au sein de notre société anémiée, déprimée, et privée de l’ampleur de l’amour? Il ne s’agit pas de vivre tous ensemble, dans un même lieu, mais, pour reprendre le terme employé par Vincent Cespedes, de « consteller » nos vies. Les familles recomposées ne seraient-elles pas les prémices de familles composées? La monogamie n’a pas le monopole du cœur. Ni le mariage non plus! Fort heureusement, l’amour est plus vaste et plus fort que toutes les constructions sociales! Il ne s’agit donc pas ici de faire une apologie du mariage, mais puisque ce lien -qui symbolise un engagement (notamment de fidélité, et non d’exclusivité, ce qui correspond à deux notions bien distinctes)- existe, il est sain de l’interroger, et de croire possibles des amours réellement « pour la vie ». Catherine Ternaux
Une telle évolution de la jurisprudence est très inquiétante au regard du droit des femmes. Il semble d’ailleurs qu’elle se fonde curieusement sur un contre-sens – à moins qu’il ne s’agisse plus vraisemblablement d’un essai de justification bien douteux… Il est d’usage en effet, de comparer l’union polygamique au concubinage, notamment adultérin, et d’indiquer que, dans le contexte actuel des mœurs occidentales, une telle situation n’a rien de choquant. Il s’agit là d’un grave contre-sens. C’est oublier qu’il y a dans la polygamie un élément fortement discriminatoire et défavorable aux femmes, puisqu’elle est imposée et non choisie par celles-ci. Comparer ainsi une situation traditionnelle à l’évolution des mœurs modernes, fondée sur la liberté de choix des femmes (et des hommes) est donc une position inacceptable. Gristi
J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. Hollande (Programme PS)
Nous sommes cette génération de trentenaires engagés autour de Nicolas Sarkozy, secrétaires nationaux de l’UMP aux parcours et profils différents, élus ou aspirant à le devenir, qui souhaite contribuer au débat et au projet de l’UMP et dessiner la France de l’après-crise, cette France dans laquelle nous vivrons, en laquelle nous croyons, et que, certainement, nous gérerons. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’ouverture du mariage à tous les couples, quels que soient leurs sexes. (…) Nous soutenons bien l’ouverture du mariage à tous parce que nous sommes gaullistes, centristes, libéraux, conservateurs, républicains, sociaux, progressistes et… sarkozystes! (…) Un droit qui correspond à des devoirs déjà existants (impôts, communauté de vie…), déjà assumés de facto par les couples homosexuels, désireux désormais d’une égalité totale et d’une reconnaissance pleine et entière de leur engagement par notre République. (…)  La France de l’après-crise (…) devra poser de nouveaux repères, des bases solides pour construire un avenir plus harmonieux. Nous n’avons pas vocation, sur ce sujet de société comme sur d’autres, et contrairement au PS, à ouvrir un guichet aux droits, répondant à toutes les demandes et émanant ainsi de toutes les clientèles politiques identifiées. Notre position est responsable, notre pays est désormais prêt à cette reconnaissance, il a évolué et une large majorité de Français y est favorable. Il n’en est certes pas de même sur tous les sujets – celui de l’adoption fait encore débat et il n’est donc pas utile de le lier, à ce stade, à la reconnaissance du mariage pour tous. Conscients et soucieux d’un projet de société intégrant cette légitime attente, nous souhaitons donc voir cette proposition figurer dans le programme de l’UMP et portée par notre candidat l’an prochain devant les Français. Collectif de jeunes députés UMP
Les règles de notre société, c’est que le mariage s’effectue entre un homme et une femme. Je ne pense pas qu’il soit positif de changer cette règle. Si on part de ce principe, on peut aller à la limite très loin dans la modification de notre civilisation. On peut aussi décider que, après tout, pourquoi n’a-t-on le droit que de se marier avec un homme? (…) Pourquoi pas l’autorisation de la polygamie! Il existe des familles polygames, pourquoi est-ce que demain un certain nombre de groupes politico-religieux ne demanderaient pas que la polygamie, sous prétexte d’égalité des droits, soit inscrite dans le code civil français? Eh bien, c’est une autre civilisation. (…) On dit que les homosexuels réclament le mariage homosexuel. Moi je m’élève contre ça, c’est faux. C’est une toute petite minorité qui le réclame, comme d’ailleurs c’était une toute petite minorité qui réclamait le pacs, laissant croire que l’ensemble des homosexuels réclamaient le pacs. Résultat du pacs: 5% seulement sont des pacs homosexuels. Donc ça n’était pas une demande des homosexuels mais bien une demande d’une minorité. (…) On ne se mêle pas de la vie privée des gens, on considère que cela fait partie de la sphère intime. (…) Quels droits autres que ceux obtenus par un certain nombre avec le pacs? Le droit d’adoption? Je suis également contre. Marine Le Pen (France inter)
En ces temps troublés où notre société a besoin de repères, je ne crois pas qu’il faille brouiller l’image de cette institution sociale essentielle qu’est le mariage. (…) [l’adoption par des couples de même sexe?] C’est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable au mariage homosexuel. Il ouvrirait la porte à l’adoption. Je sais qu’il existe, de fait, des situations particulières avec des hommes et des femmes qui assument parfaitement leur rôle parental. Mais elles ne m’amènent pas à penser qu’il faudrait inscrire dans la loi une nouvelle définition de la famille. Sarkozy
Aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral. (…) Quoiqu’ils en disent, les programmes respectifs de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ne sont pas si éloignés que cela. L’époque où la droite et la gauche proposaient deux types de sociétés diamétralement opposées est révolue. Pour des raisons de fond, qu’on analysera pas ici, mais aussi pour des motifs plus conjoncturels: les caisses de l’Etat sont vides, les marges de manœuvre fort étroites, nombre de décisions ne se prennent plus à Paris mais à Bruxelles, et la mondialisation est passée par là. Est-ce à dire pour autant qu’il n’y a plus de droite ni de gauche? La réponse est clairement non. S’il est vrai que le libéralisme social de la droite (classique) et le socialisme libéral de la gauche (réformiste) se rejoignent aujourd’hui sur l’essentiel, on voit bien, à travers la personnalité et le style de leurs deux candidats, qu’il y a derrière deux visions du monde, de l’homme et de la société. Qui renvoient à des valeurs bien distinctes. Hervé Bentégeat
Le vote juif (…) s’est rapproché de la droite traditionnelle. (…) le basculement s’est produit au début des années 2000 avec l’éclatement de la seconde Intifada dans les territoires palestiniens et la recrudescence des actes antisémites, d’origine arabe, dans une société française devenue la transposition du conflit moyen-oriental. (…) La proximité avec la droite est encore plus forte dans l’électorat catholique. (…) Cette préférence à droite de l’électorat catholique —probablement accentué par la variable de l’âge (l’électorat catholique est plus âgé que la moyenne)— remonte à loin dans l’histoire politique de la France, depuis la Révolution et les combats laïques des XIXe et XXe siècles. Elle s’identifie à des «valeurs» d’ordre, de sécurité, de légitimité. Au delà des préoccupations communes (emploi, éducation) qui sont prioritaires, les principaux «marqueurs» du vote catholique sont, selon les spécialistes, la défense de la famille, le choix de l’école privée, le refus de l’euthanasie active et de la revendication homosexuelle (mariage gay, adoption). (…)  Le vote catholique n’est plus aussi hermétique aux idées frontistes. Le passage de témoin entre Jean-Marie Le Pen et sa fille Marine explique sans doute ce glissement, l’autre raison étant probablement liée à la question de l’immigration et aux peurs provoquées dans la population catholique par l’influence grandissante de l’islam.(…) Longtemps classé à gauche, le vote protestant (entre 2 et 3% de l’électorat) a également opéré un basculement à droite, comme le montre la récente enquête de l’IFOP pour l’hebdomadaire Réforme du 31 mars 2012. Nicolas Sarkozy figure loin devant ses concurrents. Il est victorieux dans les intentions de vote des protestants au deuxième tour par 53,5% contre 46,5% à François Hollande. On peut avancer plusieurs facteurs d’explication: le vieillissement de cette population, le poids croissant des protestants évangéliques, et aussi, comme pour une partie de l’électorat catholique, le fait que «certains protestants perçoivent assez mal que l’islam tienne le haut du pavé dans le débat public» (Jerôme Fourquet). (…) Reste le vote musulman, estimé à 5% de l’électorat. Il est très marqué par l’abstention. Moins de la moitié des musulmans se déplacent pour aller voter, ce qui est la traduction électorale de leur faible niveau d’intégration dans la société française. Mais il est très homogène et très marqué à gauche. Selon les derniers sondages d’intentions de vote, 80% des électeurs musulmans s’apprêteraient à voter François Hollande au second tour de l’élection dans le cadre d’un duel avec Nicolas Sarkozy. (…) Si on ne peut nier la place du facteur religieux dans le vote des 22 avril et 6 mai prochains, on doit relever que ces électorats religieux demeurent très minoritaires. Avec 14 % de catholiques pratiquants, 2 % à 3% de protestants, 5 % à 6 % de musulmans, moins de 1% de juifs, cet électorat religieux forme à peine 30% de l’électorat. Henri Tincq

Après l’Espagne, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark,l ‘Irlande, l’Angleterre, la Suède, la Finlande, l’Islande, le Canada, l’Argentine, le Brésil ou le Mexique et bientôt l’Australie, la Norvège, l’Ecosse, la Nouvelle Zélande, l’Autriche, le Chili et  l’Afrique du sud, la France serait-elle, si l’on en croit nos sondeurs, sur le point de rejoindre les pays où les idées chrétiennes sont devenues folles?

Ordre, sécurité, légitimité, « laïcité positive », défense de la famille, choix de l’école privée, refus de l’euthanasie active et de la revendication homosexuelle (mariage, adoption), méfiance vis à vis de la diplomatie pro-arabe  …

En cette journée où, contre ses ennemis et leur kyrielle d’idiots utiles, la seule véritable démocratie du Moyen-Orient célèbre le retour il y a 64 ans à  sa terre multi-millénaire …

En ces temps où, caisses vides et mondialisation obligent, les idéologies ont bien perdu de leur superbe …

Où, dans une présidentielle qui pourrait bien se révéler beaucoup plus serrée que nos sondeurs ne veulent bien le dire, quelque 25% des électeurs revendiquant une appartenance judéo-chrétienne se rapprochent de la droite pendant que les mosquées appellent à voter socialiste …

Et face au Kool-Aid d’une gauche postmoderne prête (à l’instar de son ex-candidat coureur de clubs de échangistes) à se jeter sur la première aberration venue (ie. le mariage, après l’avoir dénoncé comme trop bourgeois, mais désormais homosexuel, s’il vous plait!) mais aussi une jeune génération de droite où « branchitude » oblige il faut s’afficher pro-mariage homo ou pro-cannabis (d’une ex-ministre de la justice en plus qui refuse par ailleurs toujours de donner un père à sa fille!) …

Comment ne pas voir, comme le rappelait récemment Hervé Bentégeat, qu’« aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral »?

Autrement dit qu’il porte essentiellement sur les fameux enjeux de civilisation (euthanasie, mariage homosexuel, bioéthique, vote des étrangers, politique migratoire)?

Présidentielle 2012: pour qui vont voter les juifs, les catholiques, les protestants, les musulmans?

Malgré la laïcisation de la société française, la variable religieuse reste déterminante dans le vote des citoyens.

Henri Tincq

Slate

08/04/2012

Y a-t-il un vote juif? Ou catholique? Ou protestant? Ou musulman? Les politologues interrogés répondent par l’affirmative. Malgré la laïcisation de la société française, la variable religieuse reste déterminante dans le vote des citoyens. Elle renforce des tendances historiquement lourdes. Depuis quelques années, elle subit des inflexions, confirmées dans les intentions de vote pour la prochaine élection présidentielle que révèlent les enquêtes d’opinion.

Le virage à droite du vote juif

Très minoritaire (moins de 1% de l’électorat), le vote juif n’est plus spontanément identifié à la gauche émancipatrice et assimilatrice, héritière des combats révolutionnaires, adversaire de la droite antisémite et stigmatisante de l’entre-deux guerres et de Vichy.

Sous la Ve République, la position du général de Gaulle sur Israël («sûr de lui et dominateur») et la diplomatie pro-arabe de la France avaient puissamment contribué à cette méfiance pour la droite de l’électorat juif. Celui-ci avait largement participé aux victoires de François Mitterrand en 1981 et 1988.

Cette situation a changé. Le vote juif est plus hétérogène qu’autrefois. Il s’est rapproché de la droite traditionnelle. Selon Jérôme Fourquet, politologue spécialiste des études d’opinion à l’Ifop, le basculement s’est produit au début des années 2000 avec l’éclatement de la seconde Intifada dans les territoires palestiniens et la recrudescence des actes antisémites, d’origine arabe, dans une société française devenue la transposition du conflit moyen-oriental. En 2002, la communauté juive avait voté pour Jacques Chirac et même Alain Madelin, de préférence à Lionel Jospin.

Nicolas Sarkozy, par sa politique sécuritaire, par son parti-pris pro-israélien et pro-américain, a achevé de convertir à la droite cet électorat juif auquel, comme Président, il n’a cessé de donner des gages. Au premier tour de la présidentielle de 2007, il avait obtenu 45% des voix juives, soit quatorze points de plus que sa moyenne nationale. En 2012, les instituts de sondage ne donnent pas de chiffres sur les intentions de vote d’une communauté juive numériquement très faible. Mais ils s’attendent à une confirmation assez large du vote Sarkozy.

Les catholiques, à droite toute toujours

La proximité avec la droite est encore plus forte dans l’électorat catholique. De 50% à 60% d’électeurs français se définissent comme catholiques, dont 14% comme «pratiquants». Leur comportement électoral est d’autant plus frappant à étudier qu’il s’écarte de la moyenne nationale. «Plus on est catholique pratiquant, plus on vote à droite, notamment vers l’UMP, et avec une prime très nette à Nicolas Sarkozy», observe Jérôme Fourquet.

Quand il rassemble autour de 28% des intentions de vote de l’ensemble des Français au premier tour, le président sortant «monte» à 34% chez les catholiques non pratiquants et à 45% chez les pratiquants. A l’inverse, le candidat socialiste François Hollande ne recueille que 16% des intentions de vote des catholiques pratiquants (24% des non-pratiquants). La tendance s’amplifie au second tour: Nicolas Sarkozy réunirait 70% des suffrages des pratiquants et même 55% des non pratiquants.

Cette préférence à droite de l’électorat catholique —probablement accentué par la variable de l’âge (l’électorat catholique est plus âgé que la moyenne)— remonte à loin dans l’histoire politique de la France, depuis la Révolution et les combats laïques des XIXe et XXe siècles. Elle s’identifie à des «valeurs» d’ordre, de sécurité, de légitimité.

Au delà des préoccupations communes (emploi, éducation) qui sont prioritaires, les principaux «marqueurs» du vote catholique sont, selon les spécialistes, la défense de la famille, le choix de l’école privée, le refus de l’euthanasie active et de la revendication homosexuelle (mariage gay, adoption).

Ce vote Sarkozy dans l’électorat catholique justifie le discours du président sur la «laïcité positive». Il confirme la stratégie «droitière» de Patrick Buisson, son conseiller qui, il y a quelques mois encore, avait organisé un déplacement présidentiel au Puy-en-Velay, haut lieu de pèlerinage, où Nicolas Sarkozy avait exalté le patrimoine chrétien de la France.

Il reste que le candidat doit rester attentif à la façon de s’adresser à cet électorat. En juillet 2010, le discours de Grenoble sur la délinquance et les Roms avait provoqué de fortes réticences dans la hiérarchie catholique. «Sa cote de popularité n’avait toutefois pas diminué chez les catholiques en général, se rappelle Jérôme Fourquet. La baisse, dans ce segment de l’électorat, avait eu lieu bien avant, au moment de la polémique sur la nomination de Jean Sarkozy à la tête de l’Epad de la Défense et le double salaire d’Henri Proglio.»

Dans cet électorat, le candidat centriste François Bayrou ne jouit plus de la «surcote» dont il avait bénéficié en 2007, mais il reste un peu au dessus de la moyenne nationale: il est à 15% chez les catholiques pratiquants et à 12% chez les non-pratiquants. Il y a cinq ans, il était à 27% chez les pratiquants contre 20% en moyenne nationale.

Le rapport avec Marine Le Pen et le Front national bouge également. A l’époque de la montée en puissance de Jean-Marie Le Pen, il existait une corrélation forte entre la pratique catholique et le rejet du vote Front national. C’est moins vrai aujourd’hui. Le vote catholique n’est plus aussi hermétique aux idées frontistes.

Le passage de témoin entre Jean-Marie Le Pen et sa fille Marine explique sans doute ce glissement, l’autre raison étant probablement liée à la question de l’immigration et aux peurs provoquées dans la population catholique par l’influence grandissante de l’islam. Quoiqu’il en soit, Marine Le Pen est à 13% des intentions de vote chez les catholiques pratiquants —très légèrement en dessous de la moyenne nationale— et à 18% chez les catholiques non-pratiquants.

Des disparités régionales dans le vote protestant

Longtemps classé à gauche, le vote protestant (entre 2 et 3% de l’électorat) a également opéré un basculement à droite, comme le montre la récente enquête de l’IFOP pour l’hebdomadaire Réforme du 31 mars 2012. Nicolas Sarkozy figure loin devant ses concurrents. Il est victorieux dans les intentions de vote des protestants au deuxième tour par 53,5% contre 46,5% à François Hollande.

On peut avancer plusieurs facteurs d’explication: le vieillissement de cette population, le poids croissant des protestants évangéliques, et aussi, comme pour une partie de l’électorat catholique, le fait que «certains protestants perçoivent assez mal que l’islam tienne le haut du pavé dans le débat public» (Jerôme Fourquet).

Mais on doit relever, dans ce vote protestant, de fortes disparités régionales. Ainsi François Hollande ne recueille que 13% des intentions de vote du premier tour chez les protestants luthériens, plus traditionnels, de l’Est de la France (Alsace et Lorraine), mais il est à 37% dans le Sud (Drôme, Ardèche, etc) d’obédience plus réformée et plus progressiste.

Nicolas Sarkozy est respectivement à 35% dans l’Est et à 31% dans les zones protestantes du Midi cévenol. Quant à Marine Le Pen, elle rassemblerait 28% des électeurs protestants de l’Est et seulement 9% dans le Sud.

Le vota à gauche massif des musulmans

Reste le vote musulman, estimé à 5% de l’électorat. Il est très marqué par l’abstention. Moins de la moitié des musulmans se déplacent pour aller voter, ce qui est la traduction électorale de leur faible niveau d’intégration dans la société française. Mais il est très homogène et très marqué à gauche. Selon les derniers sondages d’intentions de vote, 80% des électeurs musulmans s’apprêteraient à voter François Hollande au second tour de l’élection dans le cadre d’un duel avec Nicolas Sarkozy.

Ce vote massif pour la gauche est ancien. Celle-ci bénéficie de son image émancipatrice et décolonisatrice. Le débat récurrent sur la place de l’islam dans l’espace public renforce aussi le réflexe anti-droite. L’islam reste perçu par ses membres comme une minorité marginalisée et stigmatisée et, à cet égard, la droite au pouvoir porterait une grande responsabilité. Si le Front national reste l’ennemi numéro un, l’image de Nicolas Sarkozy est très écornée.

Si on ne peut nier la place du facteur religieux dans le vote des 22 avril et 6 mai prochains, on doit relever que ces électorats religieux demeurent très minoritaires. Avec 14 % de catholiques pratiquants, 2 % à 3% de protestants, 5 % à 6 % de musulmans, moins de 1% de juifs, cet électorat religieux forme à peine 30% de l’électorat. Nous sommes bien loin des États-Unis.

Voir aussi:

La polygamie: pourquoi pas?

 Catherine Ternaux

Huffington Post

24/03/2012

Pourquoi est-il devenu aujourd’hui impossible de prononcer le mot polygamie sans qu’aussitôt le débat s’enflamme? La polygamie serait à éradiquer, comme un fléau, si l’on écoute certains politiques. En 2010, Brice Hortefeux avait proposé de faire de « la polygamie de fait » un délit pour les personnes naturalisées, puni de la déchéance de la nationalité, installant une nationalité française à deux niveaux, puisque les Français d’origine qui la pratiquent parfois aussi n’auraient pas été concernés par ce « crime ». La proposition fut abandonnée, on en fut quitte pour le ridicule.

Pourquoi donc cet acharnement contre la polygamie? Parce qu’il n’y a plus aucune once de réflexion censée sur la place publique concernant ce sujet. Ce ne sont qu’amalgames et a priori, ressassements et attaques aveugles. C’est à qui s’indignera le plus vite et le plus fort. La polygamie serait la mère de tous les vices, et la monogamie le garant de l’ordre moral et le fondement de notre société… C’est un fantasme qu’il est temps de dénoncer.

Essayons d’établir un peu de clarté sur la question en précisant d’abord ce que signifie « polygamie ». Poly=plusieurs+gamie=mariage. Marié plusieurs fois. C’est tout. Le mot ne veut dire que cela. Concevons que dans notre société où un mariage sur deux se termine par un divorce, et qu’il est souvent suivi d’un remariage, une grande partie de nos concitoyens sont déjà polygames. Ah oui, ferez-vous remarquer, mais ils ne sont pas mariés plusieurs fois en même temps! Absolument. Mais pourquoi ne le seraient-ils pas? Qu’est-ce qui ferait dommage ou offense? A partir du moment où toutes les personnes sont consentantes, trop d’amour nuirait-il?

Le divorce est un droit, conquis lors de la Révolution française, mais il est aussi, ce qui est complètement abusif, une obligation. Tu ne te remarieras pas sans avoir divorcé de ta précédente épouse ou de ton précédent époux. Et pourquoi cette limitation imposée dans notre vie amoureuse et dans notre vie de famille? Il se trouve qu’il existe des hommes et des femmes pour lesquels, aimer une nouvelle personne, ne signifie pas obligatoirement qu’elles n’aiment plus la précédente. Pourquoi la société oblige-t-elle à rompre le lien? Pourquoi n’aurions-nous pas le choix, de divorcer ou de ne pas divorcer pour se remarier? Quel argument définitif pour imposer le seul modèle monogamique?

La polygamie opprime la femme, entend-on dire partout, et elle est contraire à l’ordre public. En quoi la polygamie serait-elle par essence source de délinquance? Dans la monogamie, tout irait-il donc très bien, madame la marquise? Aucun délinquant dans les foyers monogamiques? Aucun appel de femmes mariées en détresse dans le cadre de la monogamie à S.O.S femmes battues? En France, une femme meurt tous les 2 jours et demi (estimation basse) du fait de violences conjugales, et ce dans le cadre de la monogamie…

Ce qui pose problème, ce n’est pas la modalité matrimoniale en elle-même, mais l’inégalité entre les hommes et les femmes, l’oppression de la femme, considérée comme une propriété, comme un bien, comme une chose, scandale que la polygamie rend encore plus manifeste, plus criant, plus insupportable. Ce qui est à combattre, c’est le mariage forcé, sous quelque forme qu’il soit. Mais on confond tout, et on jette le bébé avec l’eau du bain.

Or donc, pourquoi ne pas revendiquer une polygamie égalitaire plutôt que de vouloir à tout prix « faire la peau » à la polygamie? Pourquoi ne pas réfléchir à des conditions de logement et de vie adéquates pour les personnes qui souhaitent s’épanouir dans ce mode de vie? Le vrai combat de libération de la femme mariée sous le régime de la polygamie (en réalité: polygynie) ne consisterait-il pas à revendiquer le droit à la polyandrie? Pour qu’une femme puisse se marier également avec plus d’un homme.

La polyandrie? Mais c’est contre nature! Pas du tout, là encore: fantasme. Les études scientifiques sérieuses, comme celle de Pascal Picq et Philippe Brenot, ou encore celle de Frank Cézilly, montrent que cet argument n’est qu’un cliché éculé, et que cela ne correspond à aucune réalité, si ce n’est à celle d’un machisme encore trop répandu, qui verrouille non seulement les esprits mais aussi hélas, grandement les cœurs.

Autre argument évoqué: la monogamie serait liée à la religion chrétienne. Ce qui est contrariant, c’est que les premiers Chrétiens étaient polygames. Et que la polygamie n’est nulle part interdite dans la Bible. Dans le cadre du catholicisme, le divorce est mille fois plus problématique que la polygamie! Il a d’ailleurs paru au XIXe siècle tout aussi scandaleux et immoral que peut paraître à certains aujourd’hui la polygamie. Et pourtant, qui s’effarouche aujourd’hui du divorce? La morale n’est pas donnée une fois pour toute et partout. Elle est une vision qui colore les situations, positivement ou négativement à un moment donné, elle n’est ni fixe ni universelle. Il fut un temps où il était, en France, hérétique de penser qu’un mariage pût être d’amour!

L’argument d’une dispersion patrimoniale est également parfois avancé. C’est que nous ne sommes pas, malgré nos beaux discours, dans un état d’esprit de partage. Ce qui est dramatique, c’est que nous avons tendance à penser l’amour de la même façon. On ne pourrait aimer qu’une personne à la fois, car sinon chacun en aurait moins… Mais l’amour n’est pas division, il est multiplication! Simplement, nous sommes un peu handicapés de ce côté là, nous entretenons la paresse du cœur, et vivons dans la peur de l’autre, dans la peur de perdre, crispés et intolérants.

Oh, mais ce doit être compliqué la polygamie…! Oui, peut-être, mais est-ce qu’on peut interdire quelque chose sous prétexte que c’est compliqué? Beaucoup de situations sont compliquées, toutes sortes de questions se posent en permanence à l’homme, bref, vivre est un peu compliqué. Mais quelle formidable aventure, et qui ne nous arrivera qu’une fois (à mon avis)!

En matière de vivre ensemble, il y a encore beaucoup à apprendre, ayons l’humilité de le reconnaître. Brisons le cercle vicieux obligé de l’isolement et de l’exclusion. Et si une « nouvelle polygamie » était un très bon moyen de retisser du lien social au sein de notre société anémiée, déprimée, et privée de l’ampleur de l’amour? Il ne s’agit pas de vivre tous ensemble, dans un même lieu, mais, pour reprendre le terme employé par Vincent Cespedes, de « consteller » nos vies. Les familles recomposées ne seraient-elles pas les prémices de familles composées?

La monogamie n’a pas le monopole du cœur. Ni le mariage non plus! Fort heureusement, l’amour est plus vaste et plus fort que toutes les constructions sociales! Il ne s’agit donc pas ici de faire une apologie du mariage, mais puisque ce lien -qui symbolise un engagement (notamment de fidélité, et non d’exclusivité, ce qui correspond à deux notions bien distinctes)- existe, il est sain de l’interroger, et de croire possibles des amours réellement « pour la vie ».

Voir enfin:

Des responsables UMP pour le mariage homo

L’Express

le 22/11/2011

Des responsables UMP pour le mariage homo

Six secrétaires nationaux de l’UMP demandent que le droit au mariage pour les couples homosexuels figure dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2012.

C’est un coup de tonnerre à droite: six secrétaires nationaux de l’UMP appellent à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Et ils demandent que cette proposition figure dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2012.

[Tribune] La stratégie de l’évitement ne mène à rien et il est temps aujourd’hui pour notre famille politique de mettre un terme à celle-ci et d’ouvrir le mariage aux couples du même sexe. L’actualité récente, les clins d’oeil appuyés du Front national vers l’électorat gay et les promesses électoralistes du candidat socialiste l’imposent.

Nous sommes cette génération de trentenaires engagés autour de Nicolas Sarkozy, secrétaires nationaux de l’UMP aux parcours et profils différents, élus ou aspirant à le devenir, qui souhaite contribuer au débat et au projet de l’UMP et dessiner la France de l’après-crise, cette France dans laquelle nous vivrons, en laquelle nous croyons, et que, certainement, nous gérerons.

C’est pourquoi nous sommes favorables à l’ouverture du mariage à tous les couples, quels que soient leurs sexes. A l’image du conservateur David Cameron, Premier ministre britannique, « nous croyons aux liens qui nous unissent, que la société est plus forte quand nous faisons des voeux et quand nous nous soutenons les uns les autres ».

Attachés à la famille et à l’institution du mariage, comme Cameron, nous croyons profondément qu’une société est mieux construite lorsqu’elle soutient les preuves d’engagement et les solidarités interfamiliales. Nous soutenons bien l’ouverture du mariage à tous parce que nous sommes gaullistes, centristes, libéraux, conservateurs, républicains, sociaux, progressistes et… sarkozystes! Eh oui, nous souhaitons voir notre pays et notre majorité légiférer en ce sens. La droite s’en honorerait, dans un esprit de réforme et de liberté, à l’image de Mariano Rajoy, qui, en Espagne, ne reviendra certainement pas sur cette disposition.

Ainsi, il doit s’agir ici d’un point de rencontre au sein de notre famille politique et non d’un point de rupture. Un droit qui correspond à des devoirs déjà existants (impôts, communauté de vie…), déjà assumés de facto par les couples homosexuels, désireux désormais d’une égalité totale et d’une reconnaissance pleine et entière de leur engagement par notre République.

L’ouverture du mariage aux couples homosexuels n’est ni un préalable ni un aboutissement, encore moins une question de vie privée, elle est un point de convergence entre celles et ceux qui croient en ces valeurs d’engagement, de droits et de devoirs, et la nécessaire solidarité et reconnaissance d’une société réelle et non fantasmée.

La France de l’après-crise ne ressemblera pas à celle que nous quitterons. Bousculée, elle devra poser de nouveaux repères, des bases solides pour construire un avenir plus harmonieux. Nous n’avons pas vocation, sur ce sujet de société comme sur d’autres, et contrairement au PS, à ouvrir un guichet aux droits, répondant à toutes les demandes et émanant ainsi de toutes les clientèles politiques identifiées. Notre position est responsable, notre pays est désormais prêt à cette reconnaissance, il a évolué et une large majorité de Français y est favorable. Il n’en est certes pas de même sur tous les sujets – celui de l’adoption fait encore débat et il n’est donc pas utile de le lier, à ce stade, à la reconnaissance du mariage pour tous.

Conscients et soucieux d’un projet de société intégrant cette légitime attente, nous souhaitons donc voir cette proposition figurer dans le programme de l’UMP et portée par notre candidat l’an prochain devant les Français.

Les auteurs

Sébastien Chenu, secrétaire national UMP chargé de l’exception culturelle, vice-président de l’agglomération du Beauvaisis, Samia Badat, secrétaire nationale chargée des nouveaux engagements solidaires, Frédéric Bouscarle, secrétaire national chargé de l’insertion des personnes handicapées, Nathalie Fanfant, secrétaire nationale chargée de la lutte contre les discriminations, Stéphane Jacquot, secrétaire national chargé des politiques pénitentiaires et des prisons, conseiller municipal de Châtillon (Hauts-de-Seine), David-Xavier Weiss, secrétaire national chargé des industries de la presse, conseiller municipal de Levallois-Perret.


Génocide arménien/97e: L’ultime preuve des victimes de l’islamisation forcée (Forced conversion is genocide)

24 avril, 2012
La démocratie et ses fondements jusqu’à aujourd’hui peuvent être perçus à la fois comme une fin en soi ou un moyen. Selon nous la démocratie est seulement un moyen. Si vous voulez entrer dans n’importe quel système, l’élection est un moyen. La démocratie est comme un tramway, il va jusqu’où vous voulez aller, et là vous descendezErdogan
On ne peut pas être musulman et laïque en même temps (…). Le milliard et demi de musulmans attend que le peuple turc se soulève. Nous allons nous soulever. Avec la permission d’Allah, la rébellion va commencer” Erdogan  (1992)
Notre démocratie est uniquement le train dans lequel nous montons jusqu’à ce que nous ayons atteint notre objectif. Les mosquées sont nos casernes, les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques et les croyants nos soldats. Erdogan (1997)
L’existence d’Israël pose le problème du droit de vivre en sujets libre et souverains des nations non musulmanes dans l’aire musulmane. L’extermination des Arméniens, d’abord par l’empire ottoman, puis par le nouvel Etat turc a représenté la première répression d’une population dhimmie en quête d’indépendance nationale. Il n’y a quasiment plus de Juifs aujourd’hui dans le monde arabo-islamique et les chrétiens y sont en voie de disparition. Shmuel Trigano
Au VIIe siècle, quand l’islam est arrivé, tout l’espace correspondant à l’Orient arabe, à la Turquie et à la péninsule arabique était habité, à l’exception des communautés juives, par des populations chrétiennes. De nos jours, sur 17 pays et 350 millions d’habitants, les chrétiens sont 14 millions. La Turquie, notamment, comptait 20% de chrétiens vers 1900; ils sont moins de 1% aujourd’hui. (…) Les chrétiens sont porteurs de valeurs universelles, comme la gratuité, le don, l’amour et le pardon. Ils le prouvent par leurs œuvres sociales, écoles ou hôpitaux, qui sont ouvertes à tous, sans distinction de religion. (…) C’est bien d’accueillir les blessés irakiens, mais la compassion n’est pas une politique. Notre crédibilité est en jeu: le monde musulman nous respectera si nous prenons la défense des chrétiens d’Orient, qui sont nos coreligionnaires. Annie Laurent
De ce tour d’horizon, il ressort que 75 % des cas de persécution religieuse concernent les chrétiens, dont la condition se détériore en de nombreux endroits. En tête de liste, outre le Moyen-Orient, l’AED place la Corée du Nord, la Chine, le Vietnam, l’Inde, le Pakistan, le Soudan et Cuba. Si l’on tente de classer ces phénomènes de christianophobie en fonction de leur origine, il ressort que leur premier vecteur, à l’échelle de la planète, est constitué par l’islam politique ou le fondamentalisme musulman.  Jean Sévillia
L’historien Ara Sarafian estime qu’entre 100.000 et 200.000 femmes et enfants arméniens ont échappé à la mort ou à la déportation dans le désert durant le génocide de 1915. Les uns cachés –par des «Justes» turcs—, les autres kidnappés, adoptés ou épousées. Pour parler de ces survivants, les Ottomans utilisaient une formule glaçante: «les restes de l’épée». Mais pendant des années, les historiens turcs et arméniens n’ont dit mot de ces «crypto-Arméniens». Ariane Bonzon

Oui, M. Erdogan, la conversion forcée est aussi une forme de génocide!

A l’heure où, dans une large indifférence et après celles des juifs, les persécutions et l’épuration  ethnico-religieuse des chrétiens se poursuivent partout dans le monde et notamment là où l’islam a pris et reprend, avec le prétendu « printemps arabe« , le pouvoir …

Pendant que, dans le déni et la même indifférence, les mollahs nous préparent leur version nucléaire de la solution finale …

Retour, en cette 97e commémoration et avec la journaliste française Ariane Bonzon, sur l’ultime preuve du génocide chrétien (arménien mais aussi assyrien et grec) toujours nié par les autorités turques et pas explicitement reconnu par un président américain qui en avait pourtant fait la promesse …

 A savoir après le massacre de centaines de milliers et l’effacement  toutes les traces de présence culturelle des Arméniens via la destruction ou la saisie des établissement scolaires, religieux ou sociaux …

Les survivants ou descendants de ces dizaines de milliers de femmes, jeunes filles et  enfants enlevés puis convertis et mariés de force …

Dont certains tentent aujourd’hui de retrouver leurs racines …

Les «Arméniens cachés», secret de famille, secret d’Etat

Lors du génocide de 1915, des dizaines de milliers d’Arméniens, femmes et enfants, ont été kidnappés, convertis et mariés de force. De nombreux Turcs découvrent aujourd’hui que l’une de leur aïeule était arménienne.

Ariane Bonzon

Slate

24.04.12

Un secret d’Etat, l’existence de ces «Arméniens cachés». L’évoquer, c’est ébranler le mythe national de «l’identité turque et musulmane», fondement de la République turque. La première fois que j’ai entendu parler de «crypto-arméniens», je n’y ai d’ailleurs pas vraiment cru.

C’était au début des années 2000, Mesrob II Mutafyan, le patriarche des Arméniens de Turquie, recevait dans le cadre solennel et légèrement kitch de sa résidence de Kumkapi, sur la Corne d’Or à Istanbul. Portant la croix et l’habit ecclésiastiques, copie conforme de la tenue de ses prédécesseurs depuis cinq siècles —dont la longue série de portraits, pas toujours très avenants, ornaient les murs—, Sa Béatitude évoquait ses tournées anatoliennes. Il racontait sa visite au village de «Cibinli, près d’Urfa où les Arméniens en fuite en 1915 avaient abandonné leurs filles, des adolescentes de 12 -14 ans».

Mesrob II Mutafyan s’y était entretenu avec un homme et de nombreux petits-enfants issus des unions forcées contractées par ces jeunes filles avec des Turcs.

L’historien Ara Sarafian estime qu’entre 100.000 et 200.000 femmes et enfants arméniens ont échappé à la mort ou à la déportation dans le désert durant le génocide de 1915. Les uns cachés –par des «Justes» turcs—, les autres kidnappés, adoptés ou épousées. Pour parler de ces survivants, les Ottomans utilisaient une formule glaçante: «les restes de l’épée». Mais pendant des années, les historiens turcs et arméniens n’ont dit mot de ces «crypto-Arméniens».

Ma recherche des crypto-Arméniens

«Jusqu’il y a 10-15 ans, c’était une sorte de tabou, confirme le chercheur Bared Manok. Question de dignité pour les Arméniens; méfiance et mépris des convertis par les Turcs. Des deux côtés, on n’évoquait pas cette réalité dérangeante». «On le savait mais on ne pensait pas que c’était aussi important et peut-être ne voulait-on pas le savoir non plus», reconnaît le philosophe français d’origine arménienne Michel Marian. Car admettre qu’il peut exister des Arméniens musulmans est très déconcertant pour ceux de la diaspora dont l’identité était jusqu’ici étroitement liée au christianisme.

Peu de temps après ma conversation avec Mesrob II Mutafyan, je suis allée voir Hrant Dink, qui dirigeait le journal bilingue turc-arménien Agos, fondé cinq ans plus tôt, en 1996 —il a été assassiné en 2007. La page de petites annonces d’Agos rencontre un fort succès. Elle permet aux membres de la diaspora arménienne de lancer un «avis de recherche» pour tenter de retrouver un parent éloigné qui vivrait toujours en Turquie et dont les aïeuls auraient survécu au génocide.

J’ai exposé à Hrant Dink mon projet: me rendre en Anatolie pour y retrouver et filmer des Arméniens islamisés. Il n’a pas été très encourageant. Selon lui, il me serait très difficile de retrouver ces «crypto-Arméniens» qui ne veulent absolument pas se dévoiler. Ils n’accepteront jamais de parler devant une caméra, par peur des représailles, m’a-t-il averti.

Lui-même n’avait pas encore osé publier dans Agos son enquête sur Sabiha Gökçen, la fille adoptive de Mustafa Kemal, le fondateur de la république turque, une Arménienne qui avait perdu ses parents durant le génocide. Un secret d’Etat, comme celui encore des racines chrétiennes supposées du Président Abdullah Gül, un islamo-conservateur, dont la grand-mère aurait été, elle aussi, arménienne.

Des Arméniens qui vont à la mosquée

«Un converti arménien, suggère l’universitaire Etienne Copeaux, l’un des meilleurs connaisseurs du nationalisme turc, est perçu comme un traitre puisque c’est cette épithète qui colle aux Arméniens.» L’injure «Ermeni dölü» («graine d’Arménien») est courante. «Vu le mépris contenu dans cette injure, poursuit Etienne Copeaux, il est certain que s’il s’avérait qu’une part notable de la population turque descend d’Arméniens (convertis ou non), ce serait un ébranlement, une vérité difficilement acceptable.»

Un peu comme un mensonge ethnique courant de l’apartheid, dans les années 90, lorsqu’il était si difficile aux Afrikaners blancs de reconnaitre qu’ils avaient aussi du sang noir, celui de l’employée de la ferme séduite par l’aïeul par exemple.

Après avoir essuyé des dizaines de refus, j’ai enfin pu réaliser ce reportage, en 2007. Pour la première fois, une famille arménienne islamisée a parlé à visage découvert devant une caméra. Comme on le voit dans cette vidéo, rien ne distingue ces «Arméniens cachés» des autres villageois: mêmes pantalons bouffants, même foulard sur les cheveux pour les femmes, même nourriture.

Ils ne parlent même pas l’arménien, à peine le turc et surtout le kurde. Ils vont à la mosquée, leurs enfants fréquentent les écoles de la république turque et leurs morts sont enterrés dans des cimetières musulmans. Mais leurs tombes sont parfois profanées, sans parler des jalousies tenaces vis-à-vis de cette famille d’«infidèles», plus riche que les autres.

«Les restes de l’épée»

En prolongement de cette histoire singulière, d’autres Arméniens islamisés ont commencé de parler. Dans Les restes de l’épée (éditions Thaddée, 2012), la journaliste française Laurence Ritter mène l’enquête. Les portraits et les récits qu’elle a récoltés rompent enfin le silence, cette «règle élémentaire de survie», dans lequel ces Arméniens cachés s’étaient murés. Tandis qu’au centre du livre, les photos de Max Sivaslian donnent un visage à la mémoire, vécue ou transmise, du génocide.

Turcs et Arméniens s’affrontent toujours sur le nombre de victimes en 1915: 300.000 morts, disent les premiers, plus d’un million, répondent les seconds. Doit-on comptabiliser les survivants, les ancêtres de ces crypto-Arméniens? Et si oui, où, dans quelle catégorie?

«Celle des morts», puisqu’ils ne sont comptabilisés nulle part, suggère la sociologue turque Ayse Gül Altinay dans la postface du livre Les petits enfants (Actes sud, 2011). Celle des disparus? L’islamisation forcée vient-elle renforcer la thèse du génocide? Ou au contraire l’atténuer? Questions délicates qui expliquent en partie pourquoi ces secrets de famille sont devenus secret d’Etat.

Autre question: en 2012, combien sont-ils, ces Turcs musulmans qui ont des origines arméniennes, parfois même sans le savoir? En Turquie, au minimum 10 millions, selon une série d’historiens cités par Bared Manok:

«Le chiffrage est d’autant plus difficile que l’islamisation n’a pas concerné que les Arméniens […] [et que] les minorités musulmanes, arabes, kurdes et alévis, ont de leur côté subi une turquification imposée. […] Le discours officiel en Turquie est qu’il y a un seul peuple, caractérisé par l’Islam et le sunnisme: tous les autres ont dû rentrer d’une façon ou d’une autre dans ce cadre.»

L’un des fils de la famille arménienne cachée que j’ai filmée en 2007 ne vit plus au village mais à Istanbul. Dans l’anonymat de la grande ville, il a décidé de se «reconvertir» au christianisme. Ce qui serait impossible, bien trop risqué, pour les siens restés vivre dans la campagne anatolienne.

«Le nombre de “re-conversions” s’est accru», me confirme Luiz Bakar, avocate turque d’origine arménienne qui vit à Istanbul. Elle plaide pour que ces Arméniens reconvertis reprennent des noms arméniens, gardent leur propre langue, leur religion et puissent ainsi revivre leur identité au grand jour en Turquie.

 Voir aussi:

‘Grandma’s Tattoos’: A Riveting Film About the Forgotten Women of Genocide (Trailers)

– Armenian Weekly

September 7, 2011

Director: Suzanne Khardalian

Producer: HB PeA Holmquist Film

Length: 58 min., Sweden

Date of release: September 2011

STOCKHOLM, Sweden—“Grandma Khanoum was not like everyone else. As a child I remember her as a wicked woman. She despised physical contact. This was a grandma who never hugged, gave no kisses. And she wore those gloves, which hid her hands and the tattoos. They hid her secret.” This is how Suzanne Khardalian describes her grandmother.

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Grandma Khanoum

Khardalian is the director and producer of riveting new film called “Grandma’s Tattoos” that lifts the veil of thousands of forgotten women—survivors of the Armenian Genocide—who were forced into prostitution and tattooed to distinguish them from the locals.

“As a child I thought these were devilish signs that came from a dark world. They stirred fear in me. What were these tattoos? Who had done them, and why? But the tattoos on grandma’s hands and face were a taboo. They never spoke about it,” explains Khardalian.

“Grandma’s Tattoos” is a journey into the secrets of the family. Eventually, the secret behind Grandma Khanoum’s blue marks are revealed.

“Grandma was abducted and kept in slavery for many years somewhere in Turkey. She was also forcibly marked—tattooed—as property, the same way you mark cattle. The discovery of the story has shaken me. I share the shame, the guilt, and anger that infected my grandma’s life. Grandma Khanoum’s fate was not an aberration. On the contrary, tens of thousands of Armenian children and teenagers were raped and abducted, kept in slavery,” she explains.

In 1919, just at the end of World War I, the Allied forces reclaimed 90,819 Armenian young girls and children who, during the war years, were forced to become prostitutes to survive, or had given birth to children after forced or arranged marriages or rape. Many of these women were tattooed as a sign that they belonged to abductor. European and American missionaries organized help and saved thousands of refugees who were later scattered all over the world to places like Beirut, Marseille, and Fresno.

The story of “Grandma’s Tattoos” is a personal film about what happened to many Armenian women during the genocide. It is a ghost story—with the ghosts of the tattooed women haunting us—and a mystery film, where many taboos are broken. As no one wants to tell the real and whole story, and in order to bring the pieces of the puzzle together, the director makes us move between different times and space, from today’s Sweden to Khardalian’s childhood in Beirut.

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In the film we meet Grandma Khantoum’s sister, 98-year-old Lucia, who lives in Hollywood. Lucia, too, has those odd tattoos. She is willing to tell us only a part of the story. We also meet with Aunt Marie, Grandma’s only still-living child in Beirut. But Aunt Marie doesn’t know the whole story either. Grandma has never told it to her. It was forbidden to talk about the “unspeakable.” Aunt Marie has the same unpleasant memories as the rest of the family.

It’s finally Khardalian’s mother who tells the story about Grandma Khanoum, and about the Kurdish man who was supposed to help her grandma escape the killings but instead decided to abduct her and keep her as his concubine. Grandma was only a child then. She had just turned 12 The words “Mummy, mummy help me” is the sentence that haunts Suzanne and her family.

0 ‘Grandma’s Tattoos’: A Riveting Film About the Forgotten Women of Genocide (Trailers)

About the Director

Suzanne Khardalian is an independent filmmaker and writer. She studied journalism in Beirut and Paris and worked as a journalist in Paris until 1985, when she started to work on films. She also holds a master’s degree in international law and diplomacy from the Fletcher School at Tufts University, and contributes articles to different journals. She has directed more than 20 films that have been shown both in Europe and the U.S. They include “Back to Ararat” (1988), “Unsafe Ground” (1993), “The Lion from Gaza” (1996), “Her Armenian Prince” (1997), “From Opium to Chrysanthemums” (2000), “Where Lies My Victory” (2002), “I Hate Dogs” (2005), “Bullshit” (2006), and “Young Freud in Gaza” (2009).

Producer

PeA Holmquist Film is a production company established in 1973.The company has been producing films mostly for Scandinavian TV channels often with Scandinavian co-producers. Several films have been sold all over the world.

Article printed from Armenian Weekly: http://www.armenianweekly.com

 Voir enfin:

FORCED CONVERSION IS GENOCIDE: The tale of Aintoura’s Armenian orphans

Ninety-three years after the end of World War I, a Lebanese Armenian researcher has discovered additional proof of the first genocide of the 20th century at the Aintoura Lazarist College in Mount Lebanon. A visit to the college of Saint Joseph Aintoura reveals the history of the Jesuits who settled in Aintoura over 350 years ago; in addition to a magnificent monastery, there is also tragic evidence of the Armenian genocide of 1915. The remains of more than 300 children, now only bones, lie in a small grave behind Aintoura’s grand 19th-century chapel, which has been brought to light over five years of research by Missak Kelechian, an electrical engineer from California, who began the project as a pastime. The children buried in the grave were Armenian orphans who, having survived the genocide, were transferred by Turkish authorities to Aintoura, only to suffer neglect and violence. “It has been recorded and written how the children were beaten with the falaqa [a rod to discipline children], and many of them died from starvation, cholera and forceful attempts to ‘Turkify’ them,” said Kelechian.

The tale of Aintoura’s Armenian orphans

Van Meguerditchian

The Daily Star

April 29, 2011

AINTOURA: Ninety-three years after the end of World War I, a Lebanese Armenian researcher has discovered additional proof of the first genocide of the 20th century at the Aintoura Lazarist College in Mount Lebanon.

A visit to the college of Saint Joseph Aintoura reveals the history of the Jesuits who settled in Aintoura over 350 years ago; in addition to a magnificent monastery, there is also tragic evidence of the Armenian genocide of 1915.

The remains of more than 300 children, now only bones, lie in a small grave behind Aintoura’s grand 19th-century chapel, which has been brought to light over five years of research by Missak Kelechian, an electrical engineer from California, who began the project as a pastime.

The children buried in the grave were Armenian orphans who, having survived the genocide, were transferred by Turkish authorities to Aintoura, only to suffer neglect and violence.

“It has been recorded and written how the children were beaten with the falaqa [a rod to discipline children], and many of them died from starvation, cholera and forceful attempts to ‘Turkify’ them,” said Kelechian.

While hundreds of orphans, aged 3 to 15, survived the systematic massacres of the Armenians in 1915, many of them arrived in Ottoman-controlled Aintoura to be given new Turkish names and forcefully converted to Islam.

The infamous architect of the genocide, Jamal Pasha, walked on the stairs that still stand at the gate of Aintoura College and was responsible for assigning Halide Edip Adivar to oversee the program of “Turkification.”

Adivar was Turkey’s first feminist and a famous novelist who was elected to Turkey’s Parliament in 1950.

Kelechian told The Daily Star that he came across a photograph of Adivar and Pasha in Stanley Kerr’s book, The Lions of Marash.

“This picture triggered [in me an interest] to visit the Aintoura College,” he said.

Over the past five years, Kelechian has been on a quest to locate the grave and meet descendants of survivors. He is still working with several archivists in Lebanon and the United States to track down and study more documents related to fate of the surviving orphans.

“To my surprise, during my visit to Aintoura in 2005, the archivist of the school had gathered and stored all documents related to the occupation of the college by the Turks and the arrival of around 1,200 orphans, among them Armenians and Kurds,” he noted.

The book by Kerr, who was a volunteer of the American Near East Relief agency, did not provide enough information for Kelechian to locate the burial place of the Armenian orphans. “The documents I found at the library of the Aintoura College led me to another finding: accounts written in a book by Karnig Panian,” said Kelechian.

Kelechian said that Panian’s writings helped him locate the mass graves of around 350 Armenian orphans. A survivor of the Armenian genocide and the “Turkification” at the Aintoura orphanage, Panian described how the Turkish authorities buried several children per week behind the college chapel.

“I was informed by the college’s administration that construction workers in 1993 had unearthed many decaying bones in the area described by Panian in his book,” Kelechian explained.

In his book, Panian also described how more than 1,000 orphans had to recite daily “Long Live General Pasha,” as the Turkish flag was lowered in the school’s courtyard. An article from 1947 written by the head priest at the Lazarite Aintoura College, Emile Joppin, described how Armenian orphans were forcefully converted to Islam. According to accounts recorded by Lazarist teachers at Aintoura, children received punishments for speaking Armenian or Kurdish.

According to Kelechian, he recently discovered that the bishop of Saint Jacob’s Church in Achrafieh is the son of another Armenian orphan from Aintoura. “It’s as odd as it can get; the bishop’s father, Sarkis Kerkezian, was given a Turkish name [Antakli Ibrahim] and was chosen to be a muezzin [a chosen person to lead the call to prayer],” Kelechian added.

While Turkey continues to deny the genocide against the Armenians, describing the massacres as part of brutal reality of World War I, “Turkifying” children and depriving them of their identity alone is considered genocide by Article II of the 1951 UN Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide.

According to the convention, genocide is “to destroy in whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group,” including “forcibly transferring children of the group to another group.”

More than 150,000 Armenian children became orphans as a result of Ottoman policies. Many of these orphans continued their lives in several “Turkification” centers throughout the Middle East.

In a letter to his father in the United States, the former president of the American University of Beirut, Bayard Dodge, also described how hundreds of Armenian and Kurdish orphans were brought down from the north and settled at Aintoura College.

Another survivor of the orphanage, Haroutioun Alboyadjian, was 11 when he managed to escape from Aintoura. According to Kelechian, Alboyadjian has also written extensively on his experience and has disclosed how a Turkish medical officer disobeyed orders on the eve of Ottoman withdrawal from Aintoura to poison the last dinner of the orphans.

For Kelechian, despite the systematic plans to carry out atrocities against the Armenians, there were many Turks who helped save hundreds of Armenian lives.

“After the withdrawal of Turkish troops, the Turkish officer [Reza Bey], who refused to poison the children, helped them to recover their original Armenian names.

“When he asked one of the orphans, ‘Enver, tell me your real name, the child replied: Toros,’ and many others recovered their names as well.”

Kelechian also said that Turkey’s continued denial of the genocide is hurting the country’s image and is a disservice to the new generation of Turks.

“The Turkish government’s policy is denying Armenians [the chance] to praise the good work of the Turkish people,” Kelechian added.

The head of Saint Joseph College in Aintoura, Father Antoine Pierre Nakad, told The Daily Star that even when he was still a student at the school, the priests and the teachers talked about the Armenian orphans who had once crowded the dormitory.

“This is a historical fact and everyone should know what happened at this historic college,” he said.

According to Nakad, the Turkish blockade resulted in diseases such as cholera and many orphans died from starvation. “There are currently around 4,000 students in Aintoura College and apart from their regular classes, they are taught about the history of the school,” Nakad added.

Today, a giant traditional Armenian stone cross and a bronze statue of a 10-year-old boy stands on the site of the mass grave of the Armenian orphans at Aintoura College, which was donated by Harout Katchadourian, the founder of the Armenian Choir, Kohar.

Earlier this week, a group of more than 200 Armenian Lebanese headed by Ararat Association’s President Krikor Keushgerian, visited the site to mark the 96th commemoration of the Armenian genocide. An official delegation of Lebanese ministers and MPs will join the Armenian Catholic community on May 7 for a Mass at Aintoura.

A version of this article appeared in the print edition of The Daily Star on April 29, 2011, on page 3.

Read more: http://www.dailystar.com.lb/Apr/29/The-tale-of-Aintouras-Armenian-orphans.ashx#ixzz1szjIkqBx

(The Daily Star :: Lebanon News :: http://www.dailystar.com.lb)


Présidentielles 2012: La gauche serait-elle en train de nous transformer en buveurs de Kool-Aid? (Ready for another round of Yes-we-can Kool-Aid?)

23 avril, 2012
La communauté du Temple du Peuple est perçue par certains groupes communistes comme un « projet agricole communiste ».  Il est encore tenu aujourd’hui comme un modèle du genre par le Rural People’s Party qui considère le « camarade Jim Jones » comme un « martyr de la cause ». Wikipedia
President Bush didn’t just drink the Kool-Aid, he made it. Suzanne Malveaux (CNN, 2006)
I’m trying to give Obama some time. I don’t think Obama is a closet socialist I think he’s a very careful man. As a journalist, I did not drink the Obama Kool-Aid last year. I think if he walks across the Potomac, his feet will get wet. Jon Meacham (editor of Newsweek)
I see my colleague has swallowed the Kool-Aid, Madam Speaker. Keith Martin (député canadien)
Obama surfe sur cette vague d’aspiration des Blancs qui se projettent sur lui. Il parle d’espoir, de changement, d’avenir… Il se cache derrière ce discours éthéré, sans substance, pour permettre aux Blancs de projeter sur lui leurs aspirations. Il est prisonnier car à la minute où il révélera qui il est vraiment, ce en quoi il croit vraiment, son idéologie, il perdra toute sa magie et sa popularité de rock-star. (…) Il est prisonnier, car il ne peut pas être lui-même. (…) Les Blancs sont l’électorat naturel de Barack Obama. (…) C’est ça l’ironie: il a fallu que Barack Obama gagne les voix blanches pour emporter les voix noires. Shelby Steele (2008)
C’est un terrible avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. Rivarol
Abstention, porte-à-porte: s’il gagne, Hollande devra-t-il sa victoire à Obama? François Hollande a adopté les tactiques de la campagne de 2008 d’Obama –et cela pourrait lui valoir le même succès. Slate
Le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant. Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience. (…) Les impensés de la gauche sur la sécurité et l’immigration témoignent d’un déni persévérant de celle-ci face à l’expression de certaines souffrances sociales. (…) Avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste. Patrick Buisson
Ce concept de “droitisation” est le plus sûr indice de la confusion mentale qui s’est emparée de certains esprits. Si la “droitisation” consiste à prendre en compte la souffrance sociale des Français les plus exposés et les plus vulnérables, c’est que les anciennes catégories politiques n’ont plus guère de sens… et que le PS est devenu – ce qui me paraît une évidence – l’expression des nouvelles classes dominantes. (…) Est-ce Nicolas Sarkozy qui se “droitise” en plaçant la maîtrise des flux migratoires au cœur de la question sociale ou la gauche qui se renie en substituant à la question sociale le combat sociétal en faveur d’un communautarisme multiculturel ? L’impensé du candidat socialiste sur l’immigration est tout sauf accidentel : il témoigne d’une contradiction à ce jour non résolue. L’idéologie du “transfrontiérisme” n’est pas celle des Français. Près de deux Français sur trois et près d’un sympathisant de gauche sur deux approuvent la proposition de Nicolas Sarkozy de réduire de moitié l’immigration légale. Le projet que porte Nicolas Sarkozy s’adresse à tout l’électorat populaire. Il est clairement le candidat d’une Europe des frontières. C’est en cela qu’il est le candidat du peuple qui souffre de l’absence de frontières et de ses conséquences en chaîne : libre-échangisme sans limites, concurrence déloyale, dumping social, délocalisation de l’emploi, déferlante migratoire. Les frontières, c’est la préoccupation des Français les plus vulnérables. Les frontières, c’est ce qui protège les plus pauvres. Les privilégiés, eux, ne comptent pas sur l’Etat pour construire des frontières. Ils n’ont eu besoin de personne pour se les acheter. Frontières spatiales et sécuritaires : ils habitent les beaux quartiers. Frontières scolaires : leurs enfants fréquentent les meilleurs établissements. Frontières sociales : leur position les met à l’abri de tous les désordres de la mondialisation et en situation d’en recueillir tous les bénéfices. Patrick Buisson
On le répète, tous les Présidents qui ont sollicité un nouveau mandat ont été réélus, à l’exception de Valéry Giscard d’Estaing. Rien ne serait plus facile que d’être reconduit à l’Elysée. A y regarder de plus près, un tout autre éclairage s’impose. Sous la Ve République, aucun Président sortant en phase avec la majorité gouvernante n’a jamais encore réussi à être réélu. (…) François Mitterrand et Jacques Chirac (…) ont été réélus (…) comme présidents de cohabitation. Ils avaient perdu le contrôle de la majorité parlementaire et ne conduisaient plus l’action gouvernementale. Si Sarkozy parvenait à se faire réélire en 2012 après avoir piloté lui-même les affaires du pays pendant cinq ans, ce serait une première. Eric Dupin
J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. François Hollande (Programme PS)
En ces temps troublés où notre société a besoin de repères, je ne crois pas qu’il faille brouiller l’image de cette institution sociale essentielle qu’est le mariage. (…) [l’adoption par des couples de même sexe?] C’est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable au mariage homosexuel. Il ouvrirait la porte à l’adoption. Je sais qu’il existe, de fait, des situations particulières avec des hommes et des femmes qui assument parfaitement leur rôle parental. Mais elles ne m’amènent pas à penser qu’il faudrait inscrire dans la loi une nouvelle définition de la famille. Nicolas Sarkozy
Aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral. Hervé Bentégeat
Ce refus de Sarkozy bénéficie à ceux qui de tradition lui sont le plus radicalement hostiles, communistes, trotskistes, anti capitalistes, qui rejouent le mélodrame de la révolution de 1789 et les réactionnaires, issus de la même mémoire, le Front national épicé de la rhétorique anti immigration. Ces mouvements additionnés se partagent les électeurs dans un refus commun du régime démocratique, de l’économie libérale et de la rationalité économique : ensemble, ils y substituent des mythes et constituent un front du refus énorme, sans équivalent dans les autres démocraties occidentales, soit un tiers des Français. Certes, ces refuzniks de la démocratie libérale, porteurs de piques, bonnets phrygiens et écologistes profonds se reclasseront sagement au second tour pour l’essentiel derrière le candidat socialiste et pour partie, par réflexe anti- communiste – derrière Nicolas Sarkozy. Il n’empêche que chez tous, la rancœur du premier tour restera intacte et qu’ils sauront dans l’avenir se manifester par la grève et autres mouvements sociaux de manière à rendre difficile voire impossibles les réformes rationnelles qu’exigerait la faillite imminente des finances publiques. Guy Sorman
Le chouchou des sondages, Mélenchon, s’est effondré, et le candidat de la vérité des comptes, Bayrou, aussi ; par contre Marine le Pen a récupéré le butin de 2002 (en additionnant les scores de son père et de Mégret) alors qu’elle aurait pu faire plus si elle n’avait pas fait une campagne d’extrême droite classique contre le « libéralisme » etc . Il n’empêche que le débat se déplace vers les questions de choix de société comme toujours en France puisque la politique avec un grand P est devenu la religion pour tous ; ainsi le dieu Etat (qui peut tout) reste au centre ; les trois candidats en tête sont en effet étatistes et centralisateurs puisque la politique fiscale, de protection sociale, de formation, restent dans les mains du pouvoir central ; l’UMP l’est un peu moins que les deux autres, sauf que Sarkozy a fait une politique de gauche pendant cinq ans en donnant sans cesse des gages, en refusant de libéraliser la santé, l’éducation etc, il le paye d’ailleurs en étant péniblement second ; les électeurs de Bayrou de 2007 se sont soit abstenus soit se sont diffractés entre Sarko et Marine Le Pen ; reste François Hollande qui pourrait se permettre de faire une politique centriste s’il n’était pas travaillé par les courants gauchistes et relativistes qui l’empêcheront sans doute de gagner. Lucien Oulahbib

La gauche serait-elle en train de nous transformer en buveurs de Kool-Aid?

Alors que profitant comme il y a quatre ans aux Etats-Unis du rejet du président sortant comme de l’ardoise vierge d’un candidat inconnu (sans compter le providentiel auto-sabordage de DSK),  les nouveaux imposteurs du PS se préparent à nous ressortir en VF (ce sera peut-être plus difficile cette fois, pour le défenseur des pauvres aux 100 millions, aux Etats-Unis mêmes)  la même insondable vacuité du yes-we-can …

Et qu’après avoir sous-estimé la révolte de la France profonde et surestimé les élucubrations du néo-Robespierre, nos commentateurs à la légendaire objectivité se gaussent des « éléments de langage » d’une droite accusée d’être mauvaise perdante tout en nous assénant à leur tour leurs contre-vérités (non, Messieurs-Dames, aucun président gouvernant, c’est-à-dire hors cohabitation, n’a jamais été réélu en France et si, dans toute l’Europe en crise, Pologne exceptée, tous les candidats sortants depuis 2008 n’ont pas été réélus)…

Comment ne pas repenser à la si parlante expression américaine de Kool-Aid (merci Annika) dont une journaliste de CNN avait accusé le président Bush de boire ou fabriquer?

Si parlante parce qu’à l’idée française de ligne du parti, pensée unique ou “couleuvres”, elle ajoute, en référence on s’en souvient à la boisson à l’orange que le chef de secte psychopathe Jim Jones avait fait avaler à ses fidèles de la forêt guyanaise il y a une trentaine d’années pour leur administrer son cyanure, l’idée de poison conduisant de fait au suicide assisté

Et comment ne pas voir, dans la recension qu’en faisait récemment le journaliste Hervé Bentégeat mais en creux, cette pensée unique et véritable potion euphorisante et à terme mortelle que nous présente le dernier livre de l’intellectuel de gauche Emmanuel Terray?

Sorte de succédané d’une idéologie désormais interdite par les caisses vides qui, derrière la référence à l’espoir,  au rêve et au changement comme aux grandes abstractions à majuscules (le Peuple, la Justice, l’Egalité, la Liberté), refusent en fait le réel,  le bon sens, l’intuition, l’expérience, le sens du devoir et la responsabilité individuelle

Dans la tête d’un homme de droite

Aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral.

Hervé Bentégeat

Slate

23.04.12

Quoiqu’ils en disent, les programmes respectifs de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ne sont pas si éloignés que cela. L’époque où la droite et la gauche proposaient deux types de sociétés diamétralement opposées est révolue. Pour des raisons de fond, qu’on analysera pas ici, mais aussi pour des motifs plus conjoncturels: les caisses de l’Etat sont vides, les marges de manœuvre fort étroites, nombre de décisions ne se prennent plus à Paris mais à Bruxelles, et la mondialisation est passée par là.

Est-ce à dire pour autant qu’il n’y a plus de droite ni de gauche? La réponse est clairement non. S’il est vrai que le libéralisme social de la droite (classique) et le socialisme libéral de la gauche (réformiste) se rejoignent aujourd’hui sur l’essentiel, on voit bien, à travers la personnalité et le style de leurs deux candidats, qu’il y a derrière deux visions du monde, de l’homme et de la société. Qui renvoient à des valeurs bien distinctes.

C’est ce qui ressort du petit essai d’Emmanuel Terray, anthropologue proche de Lévi-Strauss et de Louis Althusser. Dans Penser à droite (Editions Galilée), il décortique les croyances de cette famille d’esprit, en s’appuyant sur quelques uns de ses principaux penseurs (1). Il a sondé les idées, mais, au fond, peut-être même à son insu, tout autant les tripes… Terray est honnête: c’est un homme de gauche, qui fait le constat que beaucoup des espérances que sa génération portait dans les années 1970 ont été déçues. Il faut donc accepter, dit-il, les leçons de l’adversaire avec autant d’humilité que d’attention.

Qu’est-ce qu’il y a donc dans la tête d’un homme de droite? D’abord, nous dit Terray, c’est un réaliste, qui éprouve une méfiance profonde à l’encontre de toutes les variétés de l’idéalisme. Tout part de là: il faut s’en tenir au principe de réalité, qui s’impose à tous. Et la réalité, c’est le présent, et non pas un hypothétique avenir, dont personne ne sait de quoi il sera fait. Son culte de la modernité n’est rien d’autre qu’un hommage rendu au fait accompli.

«La crise est là, assène Sarkozy. Il est inutile de la nier, et pour en sortir, il n’y a pas trente-six solutions, ce n’est pas la peine de rêver…»

L’homme de droite estime qu’il n’y a pas d’alternative face au fait accompli. Il se méfie comme de la peste de toute imagination, surtout quand elle prétend au pouvoir: pour lui, ce n’est que spéculation, illusion, utopie. Il exalte plutôt le bon sens, l’intuition et l’expérience de chacun.

Les idées générales, comme le Peuple, la Justice, l’Egalité, la Liberté, le font fuir: à ses yeux, ce ne sont que des abstractions.

L’Egalité, c’est l’idée la plus dangereuse de toutes. L’inégalité entre les êtres humains est un fait inscrit dans la nature des choses. Aucune société n’est possible sans l’acceptation de cette inégalité. Elle est d’ailleurs intrinsèquement positive car source de progrès, en suscitant l’émulation. C’est le désir de quelques individus énergiques –les savants, les artistes, les entrepreneurs, ou les simples ambitieux…– de se distinguer de la masse qui est à l’origine des avancées, dont le bénéfice rejaillit sur tous. D’où son culte de la concurrence.

Tu n’es pas devenu riche?

Tout le monde a une chance, à condition de consentir l’effort suffisant. Admettons que sur cent pauvres, cinq deviennent riches; on serait tenté d’invoquer une panne de l’«ascenseur social». L’homme de droite voit les choses autrement: si cinq pauvres sont parvenus à devenir riches, c’est bien la preuve que l’ascension est possible. Les quatre-vingt-quinze restants ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes de leur échec. Ils n’avaient qu’à travailler plus pour gagner plus. Ce n’est pas la société la responsable, mais l’individu lui-même, dont la liberté réside précisément dans sa capacité à se prendre en charge.

Lorsqu’il naît et lorsqu’il grandit, cet individu est redevable de son identité et de sa position sociale à ses parents, à ses proches et à la société. Il a plus de devoirs envers eux que de droits supplémentaires à en attendre. La gauche est le parti des droits, la droite celui des devoirs.

D’où l’importance accordée au caractère, qu’elle met avant l’intelligence. A chacun de faire fructifier ses propres talents (c’est une définition possible du caractère), et c’est la conjonction de tous les talents individuels qui fait une société harmonieuse.

A condition de privilégier l’ordre, qui seul peut assurer l’éclosion des talents. L’ordre s’oppose au hasard, au chaos, aux fléaux provoqués par les «grandes idées», dont le XXe siècle offre de sanglants exemples. Et l’ordre implique naturellement la stabilité: c’est cela, la civilisation, conquise de haute lutte au terme d’une histoire difficile et parfois tragique. Or, toute civilisation est toujours soumise à de multiples menaces. Aujourd’hui, par exemple, l’immigration en est une. Quoi qu’étant incapable de la contrôler (tout comme la gauche), la droite y voit un grave facteur de déséquilibre: économique, social et culturel.

Si l’on peut orienter le réel, on ne peut pas fondamentalement le transformer. C’est pourquoi toute action, notamment politique, ne peut être que ponctuelle et prudente. Humble et modeste. Sachant –ce n’est qu’un exemple–, que la politique n’a guère de pouvoir sur l’évolution des mœurs, qui ne se transforment que très lentement, sous l’influence de la culture, de la religion, du progrès scientifique, du niveau de vie, de l’échange entre les peuples, de la vertu de l’exemple… Elle ne change pas le monde: croire le contraire, c’est faire preuve d’une prétention démesurée, et prêter à l’homme un pouvoir de création quasi-divin. Car la nature humaine, elle, ne change pas. L’homme du XXIe siècle est le même que celui de l’Antiquité. Au-delà du progrès scientifique ou social, l’histoire n’a pas de sens: c’est un éternel retour. Il faut accepter l’être humain tel qu’il est, sans rêver à de chimériques transmutations.

On ne peut pas changer le monde

C’est pourquoi l’Etat, lui aussi, doit être modeste, et son intervention réduite au strict minimum. Dans l’idéal, il ne devrait avoir que des fonctions régaliennes –de police, de justice, d’application des lois–, tout en luttant contre les atteintes à la liberté du travail. Il n’a pas, notamment, à se mêler de morale, qui est, d’abord et avant tout, une affaire individuelle.

Il arrive que Terray caricature. L’idée de la permanence de la nature humaine ne signifie pas automatiquement l’immobilisme: le capitalisme, par exemple, est bien né à droite, et c’est à lui que nous devons les révolutions industrielles et sociales que d’autres pays connaissent à leur tour.

Le mouvement n’est pas l’apanage de la gauche, ni le conservatisme celui de la droite. Il affirme que la droite pense que l’homme est fondamentalement «méchant» –sous-entendu, la gauche est «rousseauiste» et croit que l’homme est bon.

C’est quand même un peu plus subtil: disons qu’il y a un scepticisme à droite, et un espoir à gauche. Le goût de l’ordre, qu’il attribue à la droite, peut aussi se rencontrer à gauche: Robespierre en était un farouche partisan, tout comme les communistes. Il n’évoque pas non plus d’autres différences, notamment vis-à-vis de la culture: l’homme de droite la considère d’abord comme un divertissement, qui n’est pas là pour transformer la société, alors que l’homme de gauche y voit plutôt un instrument de libération. L’homme de droite lira volontiers des polars et des biographies historiques, l’homme de gauche plutôt des romans et, éventuellement, de petits traités philosophiques.

Mais les différences de sensibilité qu’il pointe en creux sont incontestables. Il y a bien deux mentalités distinctes, qui renvoient autant à la raison qu’au cœur. Au tempérament qu’à l’expérience.

Le mérite de ce bref essai est de faire prendre conscience qu’aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral. Tout le monde est à peu près d’accord sur les grand principes: la démocratie, la République, le capitalisme, et l’Etat social.

Si la Ve république dure depuis maintenant cinquante-quatre ans, c’est qu’il y a bien un consensus majoritaire sur le régime et le fonctionnement de la société. Malgré tout ce qui ne marche pas. Ce sont les valeurs, en revanche, qui ne sont pas les mêmes. Et qui ne le seront jamais. Et l’on voit bien qu’un jour cette opposition irréductible pourrait bien à nouveau se traduire par un antagonisme politique beaucoup plus violent que celui auquel nous sommes habitués depuis des décennies…

(1) Terray fait appel à des penseurs classiques, comme Hobbes, Tocqueville, Joseph de Maistre, Auguste Comte, Taine, Barrès…, mais aussi à des plus modernes –et plus modestes–, comme Chantal Delsol.

Voir aussi:

En attendant le troisième tour

Guy Sorman

23.04.12

Le premier tour de l’élection présidentielle française aura été un referendum contre Nicolas Sarkozy. Il est tout de même rare qu’un Président sortant qui n’a pas commis pendant son mandat, d’erreur politique majeure ou impardonnable, ne parvienne pas à atteindre un tiers des voix alors même qu’il ne se présentait contre lui aucun autre candidat dissident de la droite modérée. Ses partisans ont immédiatement attribué à la crise économique la raison première de cet échec. Certes, dans toute l’Europe occidentale, en dehors de la Pologne, tous les candidats sortant, depuis 2008, ont été évincés et remplacés par le parti opposé mais aucun n’a subi pareil affront. C’est donc la personne, le style Sarkozy qui ont été désavoués par l’immense majorité des électeurs français. Sarkozy est sans conteste victime de lui-même : élu brillamment il y a 5 ans sur le programme de réformes le plus libéral qui jamais ne fut offert aux Français ,il n’ a pas appliqué ce programme ( on pense aux 35 heures toujours présentes et à l’inflexibilité du marché du travail) ce qui a mécontenté les libéraux et les anti libéraux puisque les réformes n’ont pas été accomplies , mais que la crainte des ces réformes a subsisté. Ne pas faire ce pourquoi on a été élu est une promesse de débâcle électorale.

Ce refus de Sarkozy bénéficie à ceux qui de tradition lui sont le plus radicalement hostiles, communistes, trotskistes, anti capitalistes, qui rejouent le mélodrame de la révolution de 1789 et les réactionnaires, issus de la même mémoire, le Front national épicé de la rhétorique anti immigration. Ces mouvements additionnés se partagent les électeurs dans un refus commun du régime démocratique, de l’économie libérale et de la rationalité économique : ensemble, ils y substituent des mythes et constituent un front du refus énorme, sans équivalent dans les autres démocraties occidentales, soit un tiers des Français. Certes, ces refuzniks de la démocratie libérale, porteurs de piques, bonnets phrygiens et écologistes profonds se reclasseront sagement au second tour pour l’essentiel derrière le candidat socialiste et pour partie, par réflexe anti- communiste – derrière Nicolas Sarkozy. Il n’empêche que chez tous, la rancœur du premier tour restera intacte et qu’ils sauront dans l’avenir se manifester par la grève et autres mouvements sociaux de manière à rendre difficile voire impossibles les réformes rationnelles qu’exigerait la faillite imminente des finances publiques.

Cette faillite, il reviendra à François Hollande, vainqueur par défaut au premier tour et vainqueur probable du second tour, de la gérer. Le Non à Sarkozy du premier tour deviendra, le 6 mai, un « Moui « sans ferveur mais inévitable pour Hollande . Comment Hollande, mandaté mais guère porté par une vague enthousiaste et sans programme, saura-t-il rendre l’Etat français opérationnel et moins prédateur tout en restaurant l’esprit de compétition des entrepreneurs ? L’avantage pour Hollande sera de n’avoir rien promis en dehors de ne pas être Sarkozy. Mais a –t-il pensé la forme de l’Etat futur ? Ce n’est pas certain : ce qui laisse présager un troisième tour douloureux, dans la rue ou sur les marchés financiers, ces grands électeurs ultimes.

Voir également:

Vers la cohabitation en France

Lucien SA Oulahbib

Resiliencetv

22/4/2012

Le chouchou des sondages, Mélenchon, s’est effondré, et le candidat de la vérité des comptes, Bayrou, aussi ; par contre Marine le Pen a récupéré le butin de 2002 (en additionnant les scores de son père et de Mégret) alors qu’elle aurait pu faire plus si elle n’avait pas fait une campagne d’extrême droite classique contre le « libéralisme » etc . Il n’empêche que le débat se déplace vers les questions de choix de société comme toujours en France puisque la politique avec un grand P est devenu la religion pour tous ; ainsi le dieu Etat (qui peut tout) reste au centre ; les trois candidats en tête sont en effet étatistes et centralisateurs puisque la politique fiscale, de protection sociale, de formation, restent dans les mains du pouvoir central ; l’UMP l’est un peu moins que les deux autres, sauf que Sarkozy a fait une politique de gauche pendant cinq ans en donnant sans cesse des gages, en refusant de libéraliser la santé, l’éducation etc, il le paye d’ailleurs en étant péniblement second ; les électeurs de Bayrou de 2007 se sont soit abstenus soit se sont diffractés entre Sarko et Marine Le Pen ; reste François Hollande qui pourrait se permettre de faire une politique centriste s’il n’était pas travaillé par les courants gauchistes et relativistes qui l’empêcheront sans doute de gagner. Mais peut-être vais-je trop vite en besogne. En tout cas le recul de l’abstention, le fait que Hollande ne dépasse pas les 30% qui lui aurait permis de faire levier, et que Mélenchon n’atteigne pas le score du PC au commencement de son déclin en 1981 permet de penser que nous allons vers une cohabitation puisque si Sarkozy gagne, il perdra aux Législatives vu le haut score du FN qui promet des triangulaires féroces. A moins que la droite populaire force le trait en exigeant une alliance sauf que vu les positions extrêmes du FN elle ne se fera pas. Il se trouve que la cohabitation semble plaire à Sarkozy puisqu’il avait déjà commencé en 2007 en refusant d’ouvrir le gouvernement « jusqu’aux sarkozistes »… Tout va donc se jouer en 2017 en réalité : entre une voie étatiste et ses oscillations national/communistes, et une voie réellement libérale au sens non pas affairiste du terme mais utile pour l’intérêt du plus grand nombre. Voilà l’enjeu : ou l’étatisme ou la république réellement citoyenne qui tire vers le haut au lieu de pousser vers le bas.

Voir enfin:

Abstention, porte-à-porte: s’il gagne, Hollande devra-t-il sa victoire à Obama?

François Hollande a adopté les tactiques de la campagne de 2008 d’Obama –et cela pourrait lui valoir le même succès.

Sasha Issenberg

Traduit par Bérengère Viennot

Slate

23.04.12

Lille, le 17 avril. Les trois jeunes hommes qui surveillaient la table des inscriptions à la campagne de François Hollande devant les arènes de Lille viennent tous de Strasbourg mais datent leur éveil politique de leur passage à Cambridge, dans le Massachussetts.

Début 2008, alors étudiant à la Kennedy’s Harvard School, Guillaume Liegey apprit les rudiments de la prise de contact avec les électeurs dans un cours dispensé par le membre de l’état-major démocrate Steve Jarding et lors de rencontres avec Marshall Ganz, le légendaire organisateur syndical dont certains protégés étaient les plus hauts responsables de la campagne de Barack Obama.

Un autre étudiant de Harvard, Arthur Muller, vit leurs tactiques à l’œuvre lors de régulières incursions dans le New Hampshire pendant les dernières semaines de l’élection présidentielle de 2008, où il faisait du porte-à-porte pour la campagne d’Obama en déguisant son accent (pour ne pas heurter les sensibilités de l’ère Bush) et en se faisant passer pour un Néerlandais.

Muller était un ami d’enfance de Vincent Pons, étudiant de troisième cycle au MIT sous la tutelle d’Esther Duflo, économiste du développement de renommée internationale et spécialiste de l’expérimentation randomisée sur le terrain qui, appliquée à la propagande électorale, avait quantifié la capacité d’une seule démarche chez quelqu’un à obtenir une voix. Après les élections, les trois Français se rendirent compte de la direction prise par leur nouvel objet de curiosité. «Nous sommes devenus intéressés par tout ce qui tourne autour de la mobilisation des électeurs», explique Liegey.

Fascination pour les coulisses de la campagne Obama

Curieux objet de fascination pour trois étrangers vivant leur première rencontre avec la politique américaine. La plupart de ceux venus faire un pèlerinage transatlantique pour examiner de près la campagne d’Obama ont plutôt fait une fixette sur le côté cosmopolite du candidat ou sur les fioritures avant-gardistes de sa stratégie de communication, qu’ils ont réduits à une série de gestes facilement imitables, à l’image du site israélien dont le design avait presque entièrement été pompé sur celui d’Obama alors même que le candidat présentait l’Américain pour se mettre en valeur.

Les imitations manquant à ce point d’originalité ont fini par s’épuiser d’elles-mêmes et le slogan marketing «campagne à la Obama» par perdre de son attrait, en grande partie parce que peu de copieurs comprenaient vraiment la complexe infrastructure qui rendait les innovations d’Obama possibles.

«Beaucoup de gens, en regardant les États-Unis, voient la façade mais ne se penchent jamais sur tout ce qu’il y a derrière», déplore Julius van de Laar, un Allemand qui a dirigé la campagne des jeunes pour Obama dans le Missouri en 2008 et a depuis ouvert un cabinet de consultants spécialisé dans les nouveaux médias à Berlin.

Les différences d’une campagne à l’européenne

Van de Laar fait partie d’un ensemble disparate d’étrangers qui se sont rendus aux Etats-Unis pour voir de leurs propres yeux comment fonctionnait Obama et ont développé un jugement plus nuancé des projets réalisés.

En 2008, ce genre de pèlerins était légion; que ce soit le conseiller en politique étrangère tory quittant Londres pour mobiliser les électeurs à Philadelphie, le jeune Canadien lié au New Democratic Party travaillant en Caroline du Sud ou le stratège des médias basé à Andorre annonçant par communiqué de presse qu’il rejoignait l’équipe d’Obama.

Mais en rentrant chez eux, ils se sont souvent heurtés aux cultures politiques bien ancrées de leur pays natal. «Les campagnes ont une forme différente en Europe», explique Marietje Schaake, qui a observé la campagne d’Obama en tant que consultante aux États-Unis et s’est inspirée de sa victoire pour se présenter au Parlement européen, où elle siège depuis 2009. «L’argent n’y est pas en Europe —à l’échelle où les gens le font aux États-Unis, ce serait considéré comme de la corruption en UE.»

Un contact individuel et ciblé

Aucun membre de la diaspora d’Obama, cependant, n’a été jusqu’à réinventer la politique de son pays avec autant d’audace que les trois Français qui se sont rencontrés à Cambridge. En s’appropriant «tout ce qui tourne autour de la mobilisation des électeurs», ils sont tombés sur le changement récent le plus durable de la propagande électorale américaine, qui n’est pas propre à Obama mais que sa campagne a très bien illustré: un renouveau du contact individuel avec les électeurs, dynamisé par de nouveaux outils qui lui permettent d’être précisément ciblé et de mesurer très clairement ses effets.

Après l’investiture d’Obama, Liegey, Muller et Pons sont revenus en France, où les élections ressemblent plutôt à de fastueuses exhibitions quasiment dépourvues de touche personnelle.

Ils ont supervisé une expérimentation randomisée pendant les élections régionales de 2010 dans la région parisienne, démontrant que grâce à du porte-à-porte ciblé ils pouvaient augmenter de 4 points le taux de participation de ceux que les Français appellent les abstentionnistes.

Un conseiller de Hollande, candidat du Parti socialiste et favori dans la course pour détrôner Nicolas Sarkozy le 6 mai, s’est intéressé à leur travail et les a engagés pour organiser une campagne de mobilisation en face à face.

Ils se sont fixés comme but de démarcher 5 millions de portes d’ici la fin du second tour. Dans la salle de Lille, l’actrice qui animait le meeting de Hollande rapporte qu’au vendredi 20 avril, les militants socialistes en étaient à plus de 3 millions. Avant que les trois Alsaciens ne se rencontrent dans le Massachusetts, personne n’avait jamais mis au point un projet centralisé pour frapper à la moindre porte.

Une campagne pour les abstentionnistes

La troïka de Strasbourg, dont les membres ont tous entre 28 ans et 31 ans, est désormais surnommée les Bostoniens par la plupart des journaux émerveillés par l’exotisme de son originale initiative. «Les médias nous ont aimés», rapporte Muller dans un café près du quartier général de Hollande sur la Rive gauche. «Nous étions jeunes, parlions de méthodes modernes et mentionnions Obama à chaque phrase.» Beaucoup de ces articles, cependant, se concentrent tellement sur l’aspect porte-à-porte —ce geste provocateur qui consiste à arriver sans prévenir chez les gens, surtout dans les quartiers marginalisés, pour parler politique— qu’ils passent à côté de l’aspect le plus radical du projet de mobilisation: Liegey, Muller et Pons gèrent une opération de campagne qui cible les abstentionnistes.

En France, les élections présidentielles sont considérées presque exclusivement comme un exercice délibératif. Des taux de participation élevés —planant régulièrement autour de 80% des inscrits— signifient qu’il y a moins d’élasticité que lors des élections américaines.

Mais le paradigme délibératif est également un témoin de l’orgueil national: les débats de campagne sont organisés tous les soirs dans des émissions intellos, et le dernier numéro de Philosophie Magazine affiche en couverture un montage des deux principaux candidats en titrant «Rousseau contre Hobbes: le vrai duel de la présidentielle.»

Même le recours au verbe s’abstenir pour décrire les 20% qui restent chez eux le jour du scrutin suggère que la non-participation est une action qui découle d’une prise de position bien informée.

Un non vote par manque d’informations

Liegey, Muller et Pons sont revenus des États-Unis avec une opinion bien différente. Si les gens n’allaient pas voter, il devait forcément y avoir une autre raison qu’une désillusion bourrée de principes inspirée par le système politique. Certaines personnes ne savaient tout simplement pas comment ni dans quelle urne déposer leur bulletin. D’autres manquaient d’informations sur les candidats ou les partis.

En réalisant une analyse démographique des quartiers plutôt à gauche aux taux de participation les plus bas, les trois chercheurs ont découvert que l’âge et le niveau d’éducation contribuaient à expliquer la plus grande partie du phénomène.

Les analystes, soupçonnèrent-ils, avaient confondu désillusion et désengagement; la première peut nécessiter un candidat transcendant, le second seulement un petit peu d’attention personnelle. «Il y a des endroits où les militants ne vont jamais», explique Liegey.

Aller là où on ne va jamais

Les trois décidèrent qu’ils voulaient envoyer des militants dans ces endroits-là. Ils connaissaient bien les résultats d’une décennie d’expérimentations de terrain, mises au point pour la première fois dans le labo de Yale des spécialistes des sciences politiques Alan Gerber et Don Green, et qui avaient mesuré l’efficacité relative des tactiques d’incitation au vote spécifiques en mesurant leur impact sur la participation aux élections (Green est aujourd’hui à Columbia).

À l’automne 2009, Liegey, Muller et Pons approchèrent Maxime des Gayets, cadre socialiste de la région parisienne, pour lui demander d’utiliser les élections régionales du printemps suivant pour un essai. Au départ, des Gayets se montra plutôt sceptique, se disant dans Mediapart «assez méfiant devant l’Obamamania ambiante», mais il finit par leur attribuer 80 militants pour faire du porte-à-porte.

Ils identifièrent huit zones: sept villes de banlieue et un arrondissement de Paris [le XIe], marqués par de forts taux d’abstention mais qui laissaient de grandes marges aux candidats de gauche lors des dernières élections.

Comme les listes électorales permettent difficilement de segmenter les ménages de façon individuelle —les occupants d’appartements, y compris dans les grands complexes de logements sociaux qui jalonnent les banlieues de Paris, sont généralement tous listés à la même adresse— les trois savaient qu’ils devraient attribuer les tâches non pas au niveau individuel mais par immeuble.

Ils choisirent au hasard 675 bâtiments qui recevraient la visite d’équipes de militants au cours des semaines précédant l’élection, et 675 autres qui ne seraient pas démarchés et serviraient de groupe-témoin (les groupes représentant à eux deux environ 24.000 électeurs).

Mobilisation efficace pour les régionales

Après le scrutin, les autorités françaises ouvrent les listes électorales à la consultation pendant dix jours, et Liegey, Muller et Pons découvrirent que leurs efforts de mobilisation avaient eu l’effet escompté.

31,8% des électeurs du groupe-témoin se présentèrent aux urnes, tandis que ceux qui avaient été démarchés à domicile participèrent à hauteur de 35,9%.

Mais les effets étaient répartis de façon inégale. En utilisant les rares renseignements sur les électeurs fournis par les listes, ils découvrirent que le lieu de naissance était la clé principale pour comprendre pourquoi certains électeurs avaient réagi de façon plus positive aux incitations à aller voter que d’autres.

Parmi ceux nés en France métropolitaine, on remarquait peu de changements, mais au sein de la population des Français nés à l’étranger ou dans les territoires d’outre-mer, l’effet était significatif. Discuter de la manière dont les communautés immigrantes, notamment celles d’Afrique du Nord, sont marginalisées politiquement est un incontournable dans les conversations pré-électorales françaises, mais il s’avéra dans certains cas qu’il suffisait de frapper à la porte pour transformer des abstentionnistes en électeurs. «Personne ne leur avait jamais dit qu’il était important de voter, que leur voix comptait», explique Liegey.

Le porte-à-porte au centre de la campagne

Liegey et ses collègues poussèrent les hauts responsables du parti à faire du porte-à-porte un point central de leurs plans de campagne pour 2012.

«Pour remporter une élection, il est souvent plus efficace de mobiliser les électeurs de son propre camp risquant de s’abstenir que de d’essayer de convaincre les indécis ou les électeurs du camp adverse de voter pour vous», écrivirent-ils dans un rapport destiné au think tank interne du Parti socialiste.

Les résultats trouvèrent un partisan enthousiaste en la personne de Vincent Feltesse, coordinateur de campagne sur le Net, qui avait fait du porte-à-porte en tant que candidat lui-même et trouvait prometteur d’étendre cette pratique aux militants du parti qui passaient leur temps à bourrer au hasard les boîtes aux lettres de programmes du PS ou à distribuer des prospectus aux grands points de passage.

La Obama connection attirait tout particulièrement Feltesse: il allait engager Blue State Digital, entreprise responsable des opérations Internet d’Obama, pour organiser la présence en ligne de Hollande.

La manne de la primaire

Les leçons tirées de l’expérience d’Obama avaient déjà donné aux socialistes un avantage structurel alors qu’ils se préparaient à affronter Sarkozy en 2012.

Inspiré par la vitalité de la saison des primaires démocrates de 2008, le Parti socialiste devint le premier en France à choisir son candidat non par le biais d’une élection ouverte uniquement aux encartés mais en faisant voter tous ceux qui le souhaitaient.

Ce scrutin d’octobre se révéla une manne organisationnelle pour le parti: des 3 millions d’électeurs qui se présentèrent, environ 700.000 acceptèrent de laisser leurs coordonnées —plus de cinq fois le nombre de militants encartés à l’époque. A partir du 1er janvier, la campagne de Hollande utilisa des appels automatisés pour inviter ces participants aux primaires à s’engager dans la campagne.

5 millions de ménages à atteindre

Juste après ce succès, la troïka se vit donner une place au siège de campagne de Hollande comme équipe responsable du démarchage, et fixa de façon assez arbitraire l’ambitieux objectif de visiter 5 millions de ménages.

Ils s’attachèrent à diviser le paysage français pour obtenir un maximum d’impact, calculant un indice de potentiel de mobilisation pour Hollande qui multipliait le taux d’abstention d’un quartier par les voix obtenues par les candidats de gauche aux élections depuis 1998. Ils classèrent ensuite les plus de 60.000 bureaux de vote du pays en fonction de cet indice.

Chaque bureau de vote recouvrait environ 1.000 électeurs, ils sélectionnèrent donc les 5.000 zones principales et en firent des circonscriptions cibles pour la mobilisation (il s’agissait principalement de zones de banlieues habitées par des minorités mais aussi de certaines poches de quartiers parisiens plutôt à gauche où l’indice indiquait un potentiel de vote à recueillir).

La moitié de portes ouvertes

La troïka assigna 70.000 volontaires à ces zones prometteuses, et établit une hiérarchie de compte-rendus pour inspecter leurs progrès. Le vendredi, 3,4 millions de portes avaient été démarchées, et environ la moitié s’étaient ouvertes, ce qui, dans les comptes-rendus, qualifie l’interaction avec les électeurs.

Quand une porte s’ouvre, les volontaires font très attention à ce qu’ils disent. Interroger un inconnu sur ses intentions de vote, comme Muller faisant campagne pour Obama dans les foyers du New Hampshire, serait rédhibitoire en France, estime-t-il. Les militants pour François Hollande ont pour instruction de demander évasivement ce que leurs cibles pensent des candidats pour entamer la conversation.

Le «get out the vote» ne sera jamais français

Il y a des limites à l’espace disponible pour l’Obamamania ambiante dans la politique française. Les lois rigoureuses sur le respect de la vie privée prévalant dans le pays restreignent la possibilité de collecter le genre d’informations personnelles nécessaires pour trier les électeurs et pister leur participation individuelle, et le système politique n’a pas assez d’argent ni l’expertise statistique suffisante pour être à la hauteur de ce dont disposent les cibleurs américains (un ancien enquêteur partisan de Sarkozy, inspiré par un voyage aux États-Unis lors duquel il rencontra Karl Rove, passa une année à tenter de rassembler des ressources pour constituer un fichier électoral national rudimentaire, projet qu’il finit par abandonner après avoir échoué à trouver des soutiens financiers. Il espère que le parti pourra le reprendre à temps pour les prochaines élections présidentielles, en 2017).

Aussi fort que soit l’engagement envers les principes de mobilisation, rien ne pourra jamais traduire le concept américain «get out the vote [allez chercher les voix]» en français.

Les lois électorales exigent que cesse toute activité politique à minuit le vendredi précédant l’élection, ce qui signifie que pendant les deux derniers jours, on n’y assiste pas à la frénésie américaine de rappels pré-élections ni à la mise à disposition de camionnettes et de bus pour emmener les électeurs aux bureaux de vote.

«Il est assez parlant que la perception française du vote soit que vous obtenez toutes les informations et qu’ensuite vous disposez de 48 heures pour y réfléchir et prendre votre décision», estime Pons. La troïka avait prévu de passer le week-end à faire du sport et à se reposer, avant de repartir dès lundi pour deux semaines de sprint jusqu’au second tour et au graal des 5 millions de portes.


Brésil/512e: Enfer des Noirs, purgatoire des Blancs et paradis des mulâtres? (Trouble in Brazil’s racial paradise?)

21 avril, 2012
Le Brésil est l’enfer des Noirs, le purgatoire des Blancs et le paradis des mulâtres et des mulâtresses.  Dicton (rapporté par le jésuite Antonil , 1171)
Les Portugais étaient plus humains que les Hollandais, que les Espagnols et que les Anglais : en conséquence, sur la côte brésilienne il était plus facile de se rendre libre et il eut, dans cette région, un plus grand nombre de Noirs libres. Hegel (La Raison dans L’Histoire, 1820)
I am proud of being white. I am in favor of the preservation of the white race. This is not racism. Racism for me is when the blacks create a magazine that only blacks can read (Raça Brasil), a noble award only for blacks (Trófeu Raça Negra) and segregationist racial quotas (the same technique used by Apartheid). Imagine if we whites created a magazine only for whites, a trophy/award only for whites and quotas only for whites…It would be a national scandal. Meilleure réponse (à la question: “Which is more racist?, Yahoo Brazil, traduite en anglais)
Why don’t we have images of black children in one year of Pais & Filhos magazine issues? Because black parents, mothers and children don’t interest the magazine. it simply assumes the racist standard of the desirable white categorically denying Brazilian blackness. The biggest problem of this racist posture is that it perpetuates the denial of the black family that excludes black parents and children; it therefore denies to black mothers (because the magazine is aimed at mothers in spite of the title) feeling themselves part of a maternal dimension – the care of infants. Consequently it denies to black babies the right of belonging to this universe of little angels, of little beings that should receive care and special affection. Encrespo e não aliso!” (blog brésilien, “kinked/napped up and not straight”, in reference to hair texture)
En Argentine, on préfère les gros implants. Au Brésil, les femmes des classes supérieures favorise la réduction des seins – allant jusqu’à offrir cette opération à leurs filles pour leur quinzième anniversaire! Tandis que la Brésilienne qui s’élève dans l’échelle sociale souhaite prendre ses distances avec les gros seins associés à la population noire des classes inférieures, les Argentines – souvent d’origine espagnole, avec des hommes très machos – veulent accentuer à tout prix leur différence sexuelle. Marylin Yalom
La vision d’un Brésil exceptionnellement mélangé et généreux pour les métis repose donc sur une réalité. Encore faut-il bien voir que cette mansuétude n’a touché que certains d’entre eux, les mulâtres. Une situation causée, paradoxalement, par l’importance de la traite et de l’esclavage – contrairement à l’image idéale de Portugais exempts de préjugés raciaux. Luiz Felipe de Alencastro

Attention: un mythe peut en cacher un autre!

2e population d’origine africaine du monde après le Nigéria (90 millions sur 190), revenus des blancs plus de deux fois plus élevé que celui des métis ou noirs,  plus de la moitié des résidents des bidonvilles noirs, seulement 7% dans les quartiers plus riches, un seul ministre noir et un seul membre de la Cour suprême noir pour une population pour plus de la moitié métisse ou noire …

En ce 62e anniversaire de la fondation de Brasilia (mais aussi jour anniversaire de la fondation de Rome et de l’exécution du premier héros de l’indépendance brésilienne, Tiradentes, en 1792) …

Et 512e anniversaire de la découverte (accidentelle) du Brésil par Cabral

Et au lendemain de la Journée nationale de l’Indien (moins de 1% de la population) …

Retour, avec un récent article de the Economist et après l’omerta sur les traites arabe et africaine

Sur l’envers de l’image de paradis du métissage de la première puissance émergente d’Amérique latine…

A savoir un système à plusieurs vitesses dans ce qui fut en réalité le premier pays esclavagiste du Nouveau Monde à la fois par le nombre (5 millions issus principalement des implantations portugaises d’Angola et des comptoirs du golfe de Guinée échangés contre tabac et eau de vie, 40% de la traite atlantique contre seulement 5,5% pour les Etats-Unis, plus grosse concentration urbaine d’esclaves depuis la fin de l’Empire romain au milieu du XIXe siècle dans l’agglomération de Rio avec 41 %) et la durée (300 ans,  abolition, sous la pression de l’Angleterre, la plus tardive du monde occidental en 1888).

Et aujourd’hui la  plus importante population « afro-descendante » en dehors de l’Afrique (plus de la moitié de la population se déclarant, pour la première fois depuis la fin du XIXe siècle, noire ou métisse).

Avec effectivement un plus grand métissage mais dû, comme l’expliquait  le sociologue Luiz Felipe de Alencastro dans un récent numéro spécial de l’Histoire, non pas tant à une soit-disant plus grande mansuétude des Portugais (le mythe encore répandu d’un esclavage plus plus « doux » qu’aux États-Unis ou dans l’Empire espagnol) qu’à justement cette présence massive et véritable omniprésence des esclaves dans toutes les couches de la société et tous les différents secteurs d’activité.

D’où aussi, nouvelle conséquence du caractère massif de la traite, les affranchissements plus nombreux (un affranchi pouvant à l’occasion  hériter de sa mère esclave ou certains affranchis repartis ou déportés en Afrique devenant… négriers!) mais surtout comme soupape, outre  la possibilité de se débarrasser des charges d’entretien d’esclaves vieux ou invalides, aux fréquentes fuites d’esclaves (marronnage) et parfois sanglantes révoltes (Salvador de Bahia, 1835, esclaves islamisés principalement yoroubas, Nigeria actuel), pouvant aboutir à  de véritables communautés durables et structurées (eg. quilombos de Palmares, Pernambouc, nord-est).

Mais aussi, hier comme aujourd’hui et comme en témoigne l’actuelle fortune des produits d’éclaircissement de la peau ou de la chirurgie plastique et l’opposition aux timides contremesures du gouvernement telles que les quotas, toute une hiérarchie sociale fondée sur la couleur de la peau, la forme du visage, la texture des cheveux avec les plus noirs tout en bas de l’échelle en une sorte d’ « épidermisation de l’infériorité »…

Race in Brazil

Affirming a divide

Black Brazilians are much worse off than they should be. But what is the best way to remedy that?

The Economist

Jan 28th 2012

Rio Janeiro

The shadow of the past

IN APRIL 2010, as part of a scheme to beautify the rundown port near the centre of Rio de Janeiro for the 2016 Olympic games, workers were replacing the drainage system in a shabby square when they found some old cans. The city called in archaeologists, whose excavations unearthed the ruins of Valongo, once Brazil’s main landing stage for African slaves.

From 1811 to 1843 around 500,000 slaves arrived there, according to Tânia Andrade Lima, the head archaeologist. Valongo was a complex, including warehouses where slaves were sold and a cemetery. Hundreds of plastic bags, stored in shipping containers parked on a corner of the site, hold personal objects lost or hidden by the slaves, or taken from them. They include delicate bracelets and rings woven from vegetable fibre; lumps of amethyst and stones used in African worship; and cowrie shells, a common currency in Africa.

It is a poignant reminder of the scale and duration of the slave trade to Brazil. Of the 10.7m African slaves shipped across the Atlantic between the 16th and 19th centuries, 4.9m landed there. Fewer than 400,000 went to the United States. Brazil was the last country in the Americas to abolish slavery, in 1888.

Brazil has long seemed to want to forget this history. In 1843 Valongo was paved over by a grander dock to welcome a Bourbon princess who came to marry Pedro II, the country’s 19th-century emperor. The stone column rising from the square commemorates the empress, not the slaves. Now the city plans to make Valongo an open-air museum of slavery and the African diaspora. “Our work is to give greater visibility to the black community and its ancestors,” says Ms Andrade Lima.

This project is a small example of a much broader re-evaluation of race in Brazil. The pervasiveness of slavery, the lateness of its abolition, and the fact that nothing was done to turn former slaves into citizens all combined to have a profound impact on Brazilian society. They are reasons for the extreme socioeconomic inequality that still scars the country today.

Neither separate nor equal

In the 2010 census some 51% of Brazilians defined themselves as black or brown. On average, the income of whites is slightly more than double that of black or brown Brazilians, according to IPEA, a government-linked think-tank. It finds that blacks are relatively disadvantaged in their level of education and in their access to health and other services. For example, more than half the people in Rio de Janeiro’s favelas (slums) are black. The comparable figure in the city’s richer districts is just 7%.

Brazilians have long argued that blacks are poor only because they are at the bottom of the social pyramid—in other words, that society is stratified by class, not race. But a growing number disagree. These “clamorous” differences can only be explained by racism, according to Mário Theodoro of the federal government’s secretariat for racial equality. In a passionate and sometimes angry debate, black Brazilian activists insist that slavery’s legacy of injustice and inequality can only be reversed by affirmative-action policies, of the kind found in the United States.

Their opponents argue that the history of race relations in Brazil is very different, and that such policies risk creating new racial problems. Unlike in the United States, slavery in Brazil never meant segregation. Mixing was the norm, and Brazil had many more free blacks. The result is a spectrum of skin colour rather than a dichotomy.

Few these days still call Brazil a “racial democracy”. As Antonio Riserio, a sociologist from Bahia, put it in a recent book: “It’s clear that racism exists in the US. It’s clear that racism exists in Brazil. But they are different kinds of racism.” In Brazil, he argues, racism is veiled and shamefaced, not open or institutional. Brazil has never had anything like the Ku Klux Klan, or the ban on interracial marriage imposed in 17 American states until 1967.

Importing American-style affirmative action risks forcing Brazilians to place themselves in strict racial categories rather than somewhere along a spectrum, says Peter Fry, a British-born, naturalised-Brazilian anthropologist. Having worked in southern Africa, he says that Brazil’s avoidance of “the crystallising of race as a marker of identity” is a big advantage in creating a democratic society.

But for the proponents of affirmative action, the veiled quality of Brazilian racism explains why racial stratification has been ignored for so long. “In Brazil you have an invisible enemy. Nobody’s racist. But when your daughter goes out with a black, things change,” says Ivanir dos Santos, a black activist in Rio de Janeiro. If black and white youths with equal qualifications apply to be a shop assistant in a Rio mall, the white will get the job, he adds.

The debate over affirmative action splits both left and right. The governments of Dilma Rousseff, the president, and of her two predecessors, Luiz Inácio Lula da Silva and Fernando Henrique Cardoso, have all supported such policies. But they have moved cautiously. So far the main battleground has been in universities. Since 2001 more than 70 public universities have introduced racial admissions quotas. In Rio de Janeiro’s state universities, 20% of places are set aside for black students who pass the entrance exam. Another 25% are reserved for a “social quota” of pupils from state schools whose parents’ income is less than twice the minimum wage—who are often black. A big federal programme awards grants to black and brown students at private universities.

These measures are starting to make a difference. Although only 6.3% of black 18- to 24-year-olds were in higher education in 2006, that was double the proportion in 2001, according to IPEA. (The figures for whites were 19.2% in 2006, compared with 14.1% in 2001). “We’re very happy, because in the past five years we’ve placed more blacks in universities than in the previous 500 years,” says Frei David Raimundo dos Santos, a Franciscan friar who runs Educafro, a charity that holds university-entrance classes in poor areas. “Today there’s a revolution in Brazil.”

One of its beneficiaries is Carolina Bras da Silva, a young black woman whose mother was a cleaner. As a teenager she lived for a while on the streets of São Paulo. But she is now in her first year of social sciences at Rio’s Catholic University, on a full grant. “Some of the other students said ‘What are you doing here?’ But it’s getting better,” she says. She wants to study law and become a public prosecutor.

Academics from some of Brazil’s best universities have led a campaign against quotas. They argue firstly that affirmative action starts with an act of racism: the division of a rainbow nation into arbitrary colour categories. Assigning races in Brazil is not always as easy as the activists claim. In 2007 one of two identical twins who both applied to enter the University of Brasília was classified as black, the other as white. All this risks creating racial resentment. Secondly, opponents say affirmative action undermines equality of opportunity and meritocracy—fragile concepts in Brazil, where privilege, nepotism and contacts have long been routes to advancement.

Proponents of affirmative action say these arguments sanctify an unjust status quo. And formally meritocratic university entrance exams have not guaranteed equality of opportunity. A study by Carlos Antonio Costa Ribeiro, a sociologist at the State University of Rio de Janeiro, found that the factors most closely correlated to attending university are having rich parents and studying in private school.

In practice, many of the fears surrounding university quotas have not been borne out. Though still preliminary, studies tend to show that cotistas, as they are known, have performed academically as well as or better than their peers. That may be because they have replaced weaker “white” students who got in merely because they had the money to prepare for the exam.

Nelson do Valle Silva, a sociologist at the Federal University of Rio de Janeiro, says that the backlash against quotas would have been even stronger if access to universities were not growing so fast. For now, almost everyone who passes the exam gets in somewhere. It also helps, he says, that many universities have adopted less controversial “social quotas”. Mr Fry agrees that affirmative action has “become a fait accompli”. He attributes the declining resistance to guilt, indifference and the fear of being accused of racism.

The battle for jobs

For black activists, the next target is the labour market. “As a black man, when I go for a job I start from a disadvantage,” says Mr Theodoro. He notes that the United States, which is only 12% black, has a black president and numerous black politicians and millionaires. In Brazil, in contrast, “we have nobody”. That is not quite true: apart from footballers and singers, Brazil has a black supreme-court justice (appointed by Lula) and senior military and police officers. But they are exceptional. Only one of the 38 members of Ms Rousseff’s cabinet is black (though ten are women). Stand outside the adjacent headquarters of Petrobras, the state oil company, and the National Development Bank in Rio at lunchtime, and “all the managers are white and the cleaners are black,” says Frei David.

The shadow of the past

Some private-sector bodies are starting to espouse racial diversity in recruitment. The state and city of Rio de Janeiro have both passed laws reserving 20% of posts in civil-service exams for blacks, though they are yet to be implemented. If unemployment rises from today’s record low, job quotas are likely to create even more controversy than university entrance has.

What stands out from a decade of debate about affirmative action is that it is being implemented in a very Brazilian way. Each university has taken its own decisions. The federal government has tried to promote the policy, but not impose it. The supreme court is sitting on three cases addressing racial quotas. Some lawyers suspect it is deliberately dragging its heels in the hope that society can sort the issue out.

Society itself is indeed changing fast. Many of the 30m Brazilians who have left poverty over the past decade are black. Businesses are taking note: many more cosmetics are aimed at blacks, for example. The mix of passengers on internal flights now bears some resemblance to Brazil, rather than Scandinavia. Until recently, the only black actors in television soap operas played maids; now one Globo soap has a black male lead. Much of this might have happened without affirmative action.

The question facing Brazil is whether the best way to repair the legacy of slavery is to give extra rights to darker-skinned Brazilians. Yes, say the government and the black movement. Given the persistence of racial disadvantage that is understandable.

But the approach carries clear risks. Until the invasion of American academic ideas, most Brazilians thought that their country’s racial rainbow was among its main assets. They were not wholly wrong. Mr do Valle Silva, a specialist in social mobility, finds that race affects life chances in Brazil but does not determine them. And if positive discrimination becomes permanent, a publicly funded industry of entitlement may grow up to entrench it and to promote divisive racial politics.

There may be better ways to establish genuine equality of opportunity and rights. Brazil has had anti-discrimination legislation since the 1950s. The 1988 constitution made both racial abuse and racism crimes. But there have been relatively few prosecutions. That is partly because of racism in the judiciary. But it is also because judges and prosecutors think the penalties are too harsh: anyone accused of racism must be held in jail both before and after conviction. And in Rio de Janeiro the black movement’s preference for affirmative action led the state government to lose interest in measures aimed at attacking racial prejudice, according to a study by Fabiano Dias Monteiro, who ran the state’s anti-racist helpline before it was scrapped in 2007.

The hardest task is to change attitudes. Many Brazilians simply assume blacks belong at the bottom of the pile. Supporters of affirmative action are right to say that the country turned its back on the problem. But American-style policies might not be the way to combat Brazil’s specific forms of racism. A combination of stronger legal action against discrimination and quotas for social class in higher education to compensate for weak public schools may work better.

Voir aussi:

Brazil

A great divide

Jack Chang

The Miami Herald

June 17, 2007

Brazil’s public self-image of a ‘racial democracy’ is being challenged as black Brazilians struggle to overturn centuries of racism

RIO DE JANEIRO — Aleixo Joaquim da Silva was working in this city’s famed seaside Copacabana neighborhood, far from the slum where he lives, when he was reminded that racism is alive and well.

While refurbishing the service elevator of a high-rise apartment building, da Silva had to ride the elevator reserved for residents to fetch supplies. A white woman entered and, taken aback, ordered him out.

 » ‘I’m not riding with a black!’ she told me. ‘The place of blacks is in the service elevator!' » da Silva recalled.

Although black Brazilians have long endured such insults, many are deciding that they have had enough. The 50-year-old reported the woman to state authorities and had her convicted for breaking laws prohibiting discrimination.

It was a small victory for da Silva, but he’s part of a growing movement in this country of 190 million people — it has the world’s second-largest black population, behind Nigeria’s — to turn back centuries of pervasive and largely unchallenged racism.

From university classrooms to television airwaves, black Brazilians are fighting for what they say is long-denied space in a society that has kept them on the margins.

They are pushing for two affirmative-action bills in Brazil’s Congress that would open up college enrollment and government payrolls to more Brazilians of African descent. Already, many state universities have implemented their own affirmative-action programs.

In 2005, black entertainer José de Paula Neto launched the country’s first television station aimed at black audiences, TV da Gente. Meanwhile, hundreds of communities founded more than a century ago by escaped slaves and known as quilombos are winning recognition and federal protections.

And Brazilians are finally discussing race after decades of telling themselves and the rest of the world that the country was free from racism, said Sen. Paulo Paim, author of one of the pending affirmative-action bills.

« The Brazilian elite says this is not a racist country, but if you look at whatever social indicator, you’ll see exclusion is endemic, » he said. « We want to open up to more Brazilians the legitimate spaces they deserve. »

Da Silva said outrage over his treatment in the elevator pushed him to fight back.

« I couldn’t let it go, especially since it was done in such a flagrant manner, » he said. « It just hurt too much. It hurt my soul. We can’t go backward. We can’t stay quiet anymore. »

TURNING POINT

The changes mark a dramatic shift in a country that claims more than 90 million people of African descent but looks almost completely white on its TV screens and in its halls of power.

Starting in the 16th century, Portuguese slave traders sent about 5.5 million Africans to Brazil, with more than 3.3 million surviving the journey, according to historians. Brazil abolished slavery in 1888, the last country in the Americas to do so.

That African legacy is clear in census numbers. About half of Brazilians identified themselves in a 2005 survey as black or pardo, meaning a mix of races but predominantly white and black. Another half identified themselves as white, and less than 1 percent were Asian or indigenous.

DISPARITY ENTRENCHED

Despite their numbers, black Brazilians have long been poorer, less educated, less healthy and less powerful than white Brazilians.

And although Brazilians regularly eat foods and use words that originated in Africa, their history books talk almost exclusively about the deeds of white heroes, said Emanoel Araujo, a renowned black sculptor and the curator of the Afro Brasil Museum in Sao Paulo.

« We need to redo the history of this country, » Araujo said, « and work around the premise and the perspective of the African not only as a slave but as the one who changed Brazilian society, the one who constructed Brazilian society, who constructed the wealth of Brazil. »

That day of acknowledgment is still far off, and Brazil, a country with one of the biggest gaps between rich and poor in the world, is sharply divided between its whites and non-whites.

Census figures show that pardos and blacks earned about half of what white Brazilians made last year, with the gap actually widening among more educated Brazilians. In comparison, African-Americans (U.S. blacks) earned 62 percent of white American wages in 2004., and more schooling helped blacks approach white incomes.

A man begs for change outside the Salvador church Nossa Senhora do Rosário dos Pretos.(Carl Juste/Miami Herald)

The U.N. Human Development Index, which measures countries based on health, income and other factors, paints an even worse picture. If measured separately, Brazilian whites would be ranked 44th in the world, on par with oil-rich Kuwait, while its blacks and pardos would be ranked 105th, about the same level as El Salvador.

« I have never seen any evidence that suggests anything other than there’s widespread racism in Brazil, » said UCLA sociology professor Edward Telles, who studies race in Brazil. « Racial and social inequality are strongly linked. »

Jailson de Souza e Silva, who runs a Rio de Janeiro anti-violence advocacy group, said the split is stark in his city’s violence-torn slums, where blacks make up the majority of residents. Two-thirds of the country’s homicide victims in 2004 were black.

« The objective here is not to preserve life, and hundreds of black men are dying every year, » de Souza e Silva said. « Meanwhile, in the rich, white parts of the city, every single death is big news. Our lives clearly don’t have equal value. »

Da Silva’s slum has been paralyzed in recent years by gang-related violence, and its middle-class neighbors have erected gated checkpoints around the slum to stop the killing from spilling into their streets.

« It’s another sign of the inequality here, » da Silva said while gesturing to the rutted dirt road running by his house. « The government doesn’t bother to pave the streets here. We’re just totally forgotten. »

A squatter named Beatriz, hanging laundry under the glare of a bare bulb, is one of many who occupy abandoned buildings in Salvador. (Carl Juste/Miami Herald)

GAP IN NORTHEAST

The divisions are felt even in the northeastern Brazilian city of Salvador, where more than three-quarters of the population is black and where African-based culture and religion are the mainstream.

Ivete Sacramento, who became the country’s first black president of a major university in 1998, said she is saddened every day when she looks out the balcony of her upper-middle-class apartment at the sprawling slum that sits just a few dozen yards away.

Except for her family and two other households, every resident in her 64-unit apartment tower is white. In the nearby slum, the racial equation is inverted, and white faces are rare. ‘‘No one has any idea that blacks can be anything more than maids, » said Sacramento, 54.

‘‘The place of blacks in Brazil is still the place of slaves. »

Alberto Borges, a 31-yearold aspiring boxer from the slum, said that just being from his neighborhood is a strike against him.

« If you live in one of these houses, the people outside will call you preto, » Borges said, using a word for black Brazilians that many consider derogatory. « If you try to find a job and tell them where you come from, they won’t call back. »

Despite the disparities, debate about race is rare in Brazil., and problems are more felt than spoken about.

Black Brazilians have never launched a civil-rights movement like that in the United States nor developed national black leaders in the mold of Martin Luther King Jr. or South Africa’s Nelson Mandela.

Also non-existent are black civic groups with the power of U.S. institutions such as the National Association for the Advancement of Colored People or financial networks that could spur black entrepreneurship.

A BACKLASH

Those who do speak out about racial disparities, such as TV da Gente, are accused — even by some prominent blacks — of fomenting racial divisions or of outright racism.

‘‘Every time we try to put together a project like this, we’re criticized by the government and everyone else who says there is no racism in Brazil, » said Hasani Damazio, TV da Gente’s director of international programs. « It’s clear that race is treated very differently here than in the U.S. »

A key difference is that Brazil never imposed legal racial segregation like the United States and South Africa, which meant that black Brazilians didn’t have an institutional injustice to rally around.

Black leaders also blame what they describe as decades of self-censorship about race spurred by the « racial democracy » vision of their country, which long defined Brazilian self-identity.

Preached in the early 20th century by sociologist Gilberto Freyre, the vision depicted a Brazil that was freeing itself of racism and even of the concept of race through pervasive mixing of the races.

Opponents of the pending affirmative-action bills have echoed key points of Freyre’s argument, especially those about miscegenation. Census statistics show that about 30 percent of Brazilian households in 2000 were headed by couples from different racial backgrounds — six times the U.S. ratio.

Ali Kamel, executive director of news for the country’s biggest television network, Globo, said Brazilians don’t think in terms of white and black, and argued that poverty affects all Brazilians. He blamed a collapse in public education and not racism for social disparities.

« Our big problem in Brazil is poverty, not racial discrimination, » Kamel said. « The racism here is at a degree infinitesimally less than in other countries. »

Opposition to the affirmative-action bills also has come from some black leaders such as José Carlos Miranda, coordinator of Brazil’s Black Socialist Movement, who fear that racebased policies could aggravate racism.

« The worst thing we could do is pass laws that deepen divisions that already exist, » Miranda said. « What wounds us the most is class, and the only way to fight racism is to promote more equality. »

Other black activists, however, argue that race is the dividing factor and that racial mixing didn’t eliminate discrimination against nonwhites.

‘PREJUDICE ISSUE’

« The problem of Brazil always was this issue of thinking the mulatto and the pardo are outside of the prejudice issue, » Araujo said. ‘‘Yet, when you want to hit the soul of someone, you call him black.

More Brazilians are coming around to Araujo’s view, polls show, and the timeworn idea of a multi-hued racial democracy is losing its sway, even as the race debate heats up.

In its place has risen the begrudging admittance of a racially segregated country. A 2003 poll showed that more than 90 percent of Brazilians said racism existed here.

President Luiz Inácio Lula da Silva, a former leftist activist and union leader, is credited with helping to spur the changes in attitudes.

Soon after taking office in 2003, he made race a key issue and appointed Brazil’s first black Supreme Court justice, Joaquim Barbosa. Lula da Silva also created a special secretariat for racial equality and launched initiatives such as requiring that Afro-Brazilian history be taught in all primary schools.

Many black leaders are skeptical that the latest changes will have any lasting impact. They point out that although the country’s 1988 constitution criminalized racism, few people have served jail time for breaking the law. The woman who insulted da Silva in the elevator was sentenced to community service but has appealed the ruling.

« Things have gotten worse, » said Antônio Carlos dos Santos, president of Ilê Aiyê, a community group in Salvador known for both its African-influenced Carnaval parades and its consciousness-raising social projects.

« Sure, we have people who are more conscious about the situation, but this is a land that’s stepping backward, » he said. « We are almost 80 percent of this state, but we’re still controlled by the white minority. »

It’s a cynicism shared by ordinary Brazilians such as da Silva, who live every day with the country’s crushing inequalities. But in his case, and for many black Brazilians, cynicism is giving way to action.

 Voir également:

Black Women of Brazil is a photographic and informational blog featuring a diverse array of Brazilian Women of African descent. The women are models, singers, rappers, dancers, actresses as well as politicians, activists, journalists, athletes and common everyday people from the Federative Republic of Brazil. The women range the gamut of phenotypes in terms of skin color, hair texture and facial features.

This blog is a mixture of photos, articles and profiles. For every 3-5 photos posted you will find at least one article or profile

Beauty and Magazine Covers in Brazil: The Overwhelming Dictatorship of Whiteness

Black Women of Brazil

March 28, 2012

afro brazilian women
Sometimes it amazes me when white people look at events or certain media that is aimed at and features specific segments of a population and then proceed to accuse this media or event of being racist. Take the comment I copied below from a Yahoo Brasil questions and responses section for instance. In response to someone’s question that asked, « Which is more racist? », someone posted their response in this way:

« I am proud of being white. I am in favor of the preservation of the white race. This is not racism. Racism for me is when the blacks create a magazine that only blacks can read (Raça Brasil), a noble award only for blacks (Trófeu Raça Negra) and segregationist racial quotas (the same technique used by Apartheid). Imagine if we whites created a magazine only for whites, a trophy/award only for whites and quotas only for whites…It would be a national scandal. »
white women
I see this point of view as a sort of the « fish in water » phenomenon. When someone lives, breathes and experiences something constantly it becomes so normal that it they don’t even recognize that they are immersed in it. This is the case for people who define themselves as white who live in societies dominated white-oriented mass media. Brazil has always had a huge contingent of non-white people in its population, and in 2011, the Brazilian census confirmed something that Afro-Brazilian activists have argued for years: Brazil is a  majority non-white country. But one wouldn’t know this after glancing at magazine stands, beauty contests, top fashion show events and college campuses. For in each of these areas, people who physically look as if the majority of their ancestry is European dominate.
Pais & Filhos magazine, March 2011 to March 2012
In a literal « fish in water » example, if you take a fish out of water, it experiences shock because something that it needs to survive and is accustomed to is suddenly gone. This is the same for the person who responded to the question of  who was more racist (between blacks and whites). As « proof » of reverse racism, he or she points to Brazil’s only magazine devoted to the Afro-Brazilian population (Raça Brasil), an award show dedicated to achievements of black Brazilians (Trófeu Raça Negra) and Brazil’s quota system designed to diversify Brazil’s 85-90% white university student body. This person is so accustomed to looking at magazines, TV shows, and student bodies and seeing people who look like him or her that when these images are reversed he or she is literally shocked. « THAT is racist » is the response. Really? Let’s take a look at this.
Crescer Magazine, March 2011 to March 2012
The top photo of this article was taken from a preview of the 2011 Miss Brasil contest. There are 27 women representing 26 states of the country and 1 federal district. Of the 27, there is not one woman who is of obvious African or indigenous descent. This is not to say that all of these women look purely European, many do, but a few look as if they have at least a little non-European heritage. Even so, none of these women display clearly visible African or indigenous physical characteristics. Even women from states where the population is overwhelmingly Afro-Brazilian like Bahia, Alagoas or Maranhão are represented by white or near white women. The second photo featuring all of the babies I took from a blog called « Encrespo e não aliso! » which loosely means « kinked/napped up and not straight » in reference to hair texture. The writer of this blog analyzed the covers of the Pais e Filhos (Parents and Children) magazine from March of 2011 to March of 2012 and showed that all of the babies presented on the covers were white. The article was entitled « Só os brancos nascem (Only whites were born)? » The same author also analyzed another magazine, Crescer, which is also directed at parents of young children.

In the article, the author goes on to say:

« Why don’t we have images of black children in one year of Pais & Filhos magazine issues? Because black parents, mothers and children don’t interest the magazine. it simply assumes the racist standard of the desirable white categorically denying Brazilian blackness. The biggest problem of this racist posture is that it perpetuates the denial of the black family that excludes black parents and children; it therefore denies to black mothers (because the magazine is aimed at mothers in spite of the title) feeling themselves part of a maternal dimension – the care of infants. Consequently it denies to black babies the right of belonging to this universe of little angels, of little beings that should receive care and special affection. »
In research I conducted of Brazil’s women’s magazines in 2007, I came across some very disturbing statistics. When I looked at the women’s monthly magazine Marie Claire, I found that between February 2001 and October 2004, actress Taís Araújo (issue #158, May 2004) was the only woman with clearly African features that appeared on the magazine’s cover. Continuing my research, I also discovered that in 101 issues (August, 1996 to December 2004) of the magazine Corpo a Corpo, Araújo was again the only woman of clearly African descent.
Actress Taís Araújo
We saw this recently « chosen black woman » routine back in 2009 when singer Beyonce seemed to be on every magazine cover on the stand as entertainment’s « it » black girl; in other words, Beyonce appeared on magazine covers when very few black American women were being featured on mainstream women’s magazines. In the same sense, while black Brazilian women are invisible on mainstream Brazilian women’s magazines, when they did feature a black woman, Taís Araújo, a woman of many firsts, was the one. And to be sure, this Afro-Brazilian invisibility doesn’t apply to only the magazine covers. The inner content of these magazines are also overwhelmingly represented by white women. A study by Erly Guedes Barbosa and Silvano Alves Bezerra da Silva verified this.
In an article from the July-October 2010 issue of the journal Revista da ABPN, Barbosa and Silva analyzed two magazines targeted at Brazilian women, Claudia and Marie Claire. The results were taken from their analysis of the two magazines between the months of October to December of 2007 and January to March of 2008. In these two periods, the authors found 230 materials that referred to white women (104 in Marie Claire and 126 in Claudia), while only 13 (5 in Marie Claire and 8 in Claudia) featured Afro-Brazilian women, a meager 5.35% of the total. And similar to my results, no black women were featured on any of the covers in this period of time. While these magazines normally feature Brazilian women, you will note that one issue of Marie Claire featured American actress Angelina Jolie on its cover.
Covers of Claudia and Marie Claire between October 2007 and March 2008
So what conclusion are we to take from this research? According to Barbosa and Silva, « the representation of these white and successful women is used as a means to sell to the feminine public an ideal of beauty and physical, emotional, social and psychological perfection…This constant flow of white women on the covers reveal the ideal of perfection constructed in women’s magazines. » It is « the adoption of a white standard as the norm, normative whiteness, resulting from the incorporation, by these magazines of the Brazilian myth of racial democracy and the ideology of whitening. » In other words, to be successful, beautiful, intelligent, or the ideal woman, is to be white. This dictatorship of whiteness of Brazil’s magazine covers continues to this day. Some of the magazine collages in this post are actual photos that I took of magazine stands in two Brazilian cities (Belo Horizonte and São Paulo) in June of 2009 and June of 2011 respectively.
Although the comment that the guy or girl wrote in response to the question of who is more racist is only one example of this belief that black-oriented events and media are somehow racist, believe me, over the years I have seen literally hundreds of these types of comments on Brazilian blogs, online comments sections or social networking sites. My question to anyone making this type of comment would be, « Are you serious?!?!? Take a look a around. » What was his comment again? Oh yeah… »Imagine if we whites created a magazine only for whites, a trophy/award only for whites and quotas only for whites…It would be a national scandal. »

The truth of the matter is that the Brazilian media IS created for white consumers and is overwhelmingly represented by white people and this is the case in many areas and genres throughout Brazilian society and in  reality, it is not a scandal because it is the norm thus the vast majority of the society doesn’t even notice. It is for this very obvious fact that magazines, events and programs are necessary for specific audiences, be they black, gay or women, because all of these groups are considered minorities and as such are often invisible. If people really think in the same manner as the person that posted that comment despite all of the overwhelming evidence to contrary, I would suggest that you take a walk to a local magazine stand and start counting. It ain’t hard to tell.

Posted by Gatas Negras at 9:12 PM

Voir encore:

21 avril 1960

Brasilia capitale de l’espoir

Le 21 avril 1960, Brasilia devient officiellement la capitale du Brésil. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’événement survient le jour anniversaire de la fondation de Rome !

Quatre ans plus tôt, le président brésilien Juscelino Kubitschek a décidé de construire une nouvelle capitale en plein coeur du pays, dans les steppes de l’État de Goiás, afin de réorienter le développement du Brésil vers l’intérieur.

L’oeuvre de l’urbaniste Lucio Costa et de l’architecte Oscar Niemeyer est fidèle au «style international» inventé par Le Corbusier. Elle ravit les esthètes… mais ne convainc pas ses habitants ni les nostalgiques de l’ancienne capitale, Rio de Janeiro.

Pourquoi une nouvelle capitale ?

La première capitale du Brésil colonial, Salvador de Bahia, a été fondée en 1549 à la pointe orientale du pays. Elle a conservé son statut durant deux siècles avant d’être remplacée par Rio de Janeiro en 1763.

Il apparaît bientôt aux dirigeants du pays que le sud très développé avec São Paulo, Belo Horizonte et Rio, au cœur des régions minières et caféières, risque de phagocyter le reste du Brésil. Comment unifier la nation et exploiter ses possibilités si la capitale est située en marge de ce territoire ? La constitution républicaine de 1891, inspirée de celle des États-Unis, prévoit donc dans son troisième article la construction d’une nouvelle capitale sur le plateau central.

Ce texte reste lettre morte jusqu’à l’entrée en fonction du président Juscelino Kubitschek, en 1956 ! Ce dernier, qui succède à Getúlio Vargas dans des conditions très difficiles, choisit pour renforcer sa légitimité de s’en tenir à la constitution et de créer une nouvelle capitale.

Ce grand projet doit lui assurer de nouveaux soutiens dans le pays. Il en fait donc un argument de campagne électorale et, dès 1957, fixe par décret la date d’inauguration de la nouvelle capitale, le 21 avril 1960, double anniversaire, de la fondation de Rome d’une part, de l’exécution du premier héros de l’indépendance brésilienne, Tiradentes, en 1792, d’autre part.

Le symbole du nouveau Brésil

C’est l’urbaniste Lúcio Costa qui dessine les plans de la nouvelle capitale, avec l’idée très affirmée qu’elle doit symboliser l’extrême modernité du Brésil. Il trace deux axes, l’Axe monumental (est-ouest), le long duquel sont implantés les ministères et bâtiments officiels, mais aussi les activités commerciales, et un deuxième axe, courbe (nord-sud), sur lequel sont implantés les quartiers d’habitation, superquadras. Le tout a la forme d’une croix ou d’un avion, symbole de cette capitale éloignée de tout et tributaire des liaisons aériennes. Au croisement des axes, la gare routière.

L’architecte Oscar Niemeyer est responsable des bâtiments principaux, dont le plus important est sans doute la cathédrale, structure hyperboloïde, avec une base circulaire de 70 mètres de diamètre, dont les piliers convergent avant de s’écarter de nouveau en haut.

Tout est loin d’être achevé lorsque la capitale est inaugurée, puisque la cathédrale n’est consacrée qu’en 1970. Cependant, la date est respectée. Le cardinal archevêque de Lisbonne, dom Manuel Gonçalves Cerejeira, prononce la messe d’inauguration de la ville avec la croix de fer de Cabral, découvreur du Brésil, qui avait servi lors de la première messe célébrée au Brésil ; symbole du renouveau dans la continuité.

Un bilan contrasté

La fondation de Brasília a incontestablement donné une dynamique nouvelle au Brésil, qui s’est dès lors tourné vers l’intérieur et vers l’exploitation de l’Amazonie, pour le meilleur… et pour le pire, d’un point de vue écologique.

Cependant, certaines des ambitions urbanistiques n’ont pu être réalisées. Le système de quartiers indépendants, les superquadras, regroupant commerces et écoles, tend à isoler leurs habitants et rend indispensable l’utilisation de la voiture, car la rue n’est plus pensée comme un lieu d’interaction sociale : Brasília est une ville conçue pour l’automobile.

Faute d’avoir les moyens d’accéder à ces superquadras, lesquels abritent en tout et pour tout 300.000 habitants, les migrants des régions pauvres du nord-est, attirés par la capitale, se sont entassés dans des villes-satellites chaotiques, séparées du centre par une «ceinture verte» qui doit assurer la préservation de l’écosystème et fournir un espace de détente aux citadins. Au total, deux millions de personnes environ.

Comme Brasília demeure presque exclusivement une ville administrative et n’a pas d’emploi à leur offrir, le taux de chômage y est très élevé.

Politiquement, la construction de la nouvelle capitale a permis à court terme de stabiliser le pouvoir, mais n’a pas empêché le coup d’État militaire de 1964.

fondation d’une république noire au Pernambouc (nord-est du Brésil) : Palmares.


Présidentielles 2012: L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde (From Washington to Paris: back to plunder as a way of life?)

21 avril, 2012
Lorsque la Spoliation est devenue le moyen d’existence d’une agglomération d’hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, une morale qui la glorifie. Bastiat
Je n’aime pas les riches, j’en conviens. François Hollande
J’ai considéré, j’en fais ici l’annonce, qu’au-dessus d’un million d’euros par mois, le taux d’imposition devrait être de 75%. Ce n’est pas possible d’avoir ces niveaux de rémunération. (…) Un million d’euros par an, donc à peu près 100.000 euros par mois. François Hollande
Ma sensibilité a toujours été de gauche mais, être de gauche, aujourd’hui, c’est très compliqué. Ou juste triste. Ça ne veut plus dire grand chose… La gauche de ces dernières années m’a souvent déçu et peu intéressé. Mais savait-elle elle-même ce qui l’intéressait ? À part être anti-sarkozyste, quel a été son cheval de bataille ? Patrick Bruel
Je suis très content de participer à une solidarité, très content de reverser une grande partie de ce que je gagne. Là, ça atteint des proportions où ça devient limite confiscatoire et spoliateur. (…) Les gens qui ont de l’argent sont aussi des gens qui génèrent du travail, de l’emploi, qui génèrent des richesses et qui font tourner aussi une économie. (…) Ce n’est pas honteux de faire fortune, ce n’est pas honteux à partir du moment où on redistribue, et on redistribue beaucoup, parce que ne serait-ce que 50% de ce que vous gagnez c’est déjà énorme. Patrick Bruel
Et cette grande chimère, nous l’avons placée, pour l’édification du peuple, au frontispice de la Constitution. Voici les premiers mots du préambule: “La France s’est constituée en République pour… appeler tous les citoyens à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumière et de bien-être.”  Ainsi, c’est la France ou l’abstraction, qui appelle les Français ou les réalités à la moralité, au bien-être, etc. N’est-ce pas abonder dans le sens de cette bizarre illusion qui nous porte à tout attendre d’une autre énergie que la nôtre? N’est-ce pas donner à entendre qu’il y a, à côté et en dehors des Français, un être vertueux, éclairé, riche, qui peut et doit verser sur eux ses bienfaits? N’est-ce pas supposer, et certes bien gratuitement, qu’il y a entre la France et les Français, entre la simple dénomination abrégée, abstraite, de toutes les individualités et ces individualités mêmes, des rapports de père à fils, de tuteur à pupille, de professeur à écolier?(…) Les Américains se faisaient une autre idée des relations des citoyens avec l’État, quand ils placèrent en tête de leur Constitution ces simples paroles: “Nous, le peuple des États-Unis, pour former une union plus parfaite, établir la justice, assurer la tranquillité intérieure, pourvoir à la défense commune, accroître le bien-être général et assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, décrétons, etc.” Ici point de création chimérique, point d’abstraction à laquelle les citoyens demandent tout. Ils n’attendent rien que d’eux-mêmes et de leur propre énergie. Si je me suis permis de critiquer les premières paroles de notre Constitution, c’est qu’il ne s’agit pas, comme on pourrait le croire, d’une pure subtilité métaphysique. Je prétends que cette personnification de l’État a été dans le passé et sera dans l’avenir une source féconde de calamités et de révolutions. Bastiat
L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. (…) Quant à nous, nous pensons que l’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. Frédéric Bastiat
N’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité. Et bien voir que l’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième. Bastiat
Je ne désire pas pour mon pays autant le free-trade que l’esprit du free-trade. Le free-trade, c’est un peu plus de richesse ; l’esprit du free-trade, c’est la réforme de l’intelligence même, c’est-à-dire la source de toutes les réformes. Frédéric Bastiat (Lettre à Cobden, le 20 mars 1847)
La cause que nous servons ne se renferme pas dans les limites d’une nation. Elle est universelle et ne trouvera sa solution que dans l’adhésion de tous les peuples. (…) Les difficultés s’accumulent autour de nous ; nous n’avons pas pour adversaires seulement des intérêts. L’ignorance publique se révèle maintenant dans toute sa triste étendue. En outre, les partis ont besoin de nous abattre. Par un enchaînement de circonstances, qu’il serait trop long de rapporter, ils sont tous contre nous. Tous aspirent au même but : la Tyrannie. Ils ne diffèrent que sur la question de savoir en quelles mains l’arbitraire sera déposé. Aussi, ce qu’ils redoutent le plus, c’est l’esprit de la vraie liberté. (…) Ce qui m’afflige surtout, moi qui porte au cœur le sentiment démocratique dans toute son universalité, c’est de voir la démocratie française en tête de l’opposition à la liberté du commerce. Bastiat (Lettre à Cobden, 9 novembre 1847)
De grands obstacles nous viennent aussi de votre côté de la Manche. Mon cher Cobden, il faut que je vous parle en toute franchise. En adoptant le Libre-Echange, l’Angleterre n’a pas adopté la politique qui dérive logiquement du Libre-Échange. Le fera-t-elle ? Je n’en doute pas ; mais quand ? Voilà la question.  Bastiat (Lettre à Cobden, 15 octobre 1847)
Mon ami, l’ignorance et l’indifférence dans ce pays, en matière d’économie politique, dépassent tout ce que j’aurais pu me figurer. Ce n’est pas une raison pour se décourager, au contraire, c’en est une pour nous donner le sentiment de l’utilité, de l’urgence même de nos efforts. Mais je comprends aujourd’hui une chose : c’est que la liberté commerciale est un résultat trop éloigné pour nous. Heureux si nous pouvons déblayer la route de quelques obstacles. — Le plus grand n’est pas le parti protectionniste, mais le socialisme avec ses nombreuses ramifications. — S’il n’y avait que les monopoleurs, ils ne résisteraient pas à la discussion. — Mais le socialisme leur vient en aide. Celui-ci admet la liberté en principe et renvoie l’exécution après l’époque où le monde sera constitué sur le plan de Fourier ou tout autre inventeur de société. — Et, chose singulière, pour prouver que jusque-là la liberté sera nuisible, ils reprennent tous les arguments des monopoleurs : balance du commerce, exportation du numéraire, supériorité de l’Angleterre, etc., etc. D’après cela, vous me direz que combattre les monopoleurs, c’est combattre les socialistes. — Non. — Les socialistes ont une théorie sur la nature oppressive du capital, par laquelle ils expliquent l’inégalité des conditions, et toutes les souffrances des classes pauvres. Ils parlent aux passions, aux sentiments, et même aux meilleurs instincts des hommes. Ils séduisent la jeunesse, montrant le mal et affirmant qu’ils possèdent le remède. Ce remède consiste en une organisation sociale artificielle de leur invention, qui rendra tous les hommes heureux et égaux, sans qu’ils aient besoin de lumières et de vertus. — Encore si tous les socialistes étaient d’accord sur ce plan d’organisation, on pourrait espérer de le ruiner dans les intelligences. Mais vous comprenez que, dans cet ordre d’idées, et du moment qu’il s’agit de pétrir une société, chacun fait la sienne, et tous les matins nous sommes assaillis par des inventions nouvelles. Nous avons donc à combattre une hydre à qui il repousse dix têtes quand nous lui en coupons une. Le malheur est que cette méthode a un puissant attrait pour la  (jeunesse. On lui montre des souffrances ; et par là on commence par toucher son cœur. Ensuite on lui dit que tout peut se guérir, au moyen de quelques combinaisons artificielles ; et par là on met son imagination en campagne. Bastiat (Lettre à Cobden, 5 juillet 1847)
On nous accuse, dans le parti démocratique et socialiste, d’être voués au culte des intérêts matériels et de tout ramener à des questions de richesses. J’avoue que lorsqu’il s’agit des masses, je n’ai pas ce dédain stoïque pour la richesse. Ce mot ne veut pas dire quelques écus de plus ; il signifie du pain pour ceux qui ont faim, des vêtements pour ceux qui ont froid, de l’éducation, de l’indépendance, de la dignité. — Mais, après tout, si le résultat du libre-échange devait être uniquement d’accroître la richesse publique, je ne m’en occuperais pas plus que de toute autre question agricole ou industrielle. Ce que je vois surtout dans notre agitation, c’est l’occasion de combattre quelques préjugés et de faire pénétrer dans le public quelques idées justes. C’est là un bien indirect cent fois supérieur aux avantages directs de la liberté commerciale. Bastiat (Lettre à Cobden, le 20 avril 1847)

Quand le pillage légal devient un mode de vie  …

« Espérances et promesses contradictoires qui ne se réalisent jamais », « État qui prodigue des promesses impossibles », « public qui conçoit des espérances irréalisables »,  « grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde », annonces sous prétexte de solidarité des prélèvements proprement confiscatoires

A l’heure où après une courte pause notre pays est sur le point de rebasculer dans ses pires travers étatistes  sur le dos, avec les riches comme nouveaux et commodes boucs émissaires,  du plus « américain » de nos présidents …

Et où après quatre ans d’avanies, le pays censé être le leader du Monde libre est sur le point de réélire un Confiscateur en chef  et prétendu champion des pauvres (plus de 100 millions de dollars de trésor de guerre!)  qui, pour éponger les milliards de milliards de déficits qu’il a accumulés, nous ressort la plus démagogique des règles visant moins de 0,3% des contribuables  …

Livrant de ce fait les peuples du reste du monde, de l’Iran à la Syrie et de l’Afghanistan à la Corée du nord et avec la Chine et la Russie aux manettes, aux visées des régimes les plus cyniquement liberticides …

Comment ne pas repenser,  face aux boniments de nos nouveaux Montagnards, aux avertissements prophétiques  il y a plus d’un siècle et demi du plus « américain » de nos économistes?

Lisez le dernier Manifeste des Montagnards, celui qu’ils ont émis à propos de l’élection présidentielle. Il est un peu long, mais, après tout, il se résume en deux mots: L’État doit beaucoup donner aux citoyens et peu leur prendre. C’est toujours la même tactique, ou, si l’on veut, la même erreur.(…) Ce n’est pas tout. Les Montagnards aspirent à ce que « l’impôt perde son caractère oppressif et ne soit plus qu’un acte de fraternité. » Bonté du ciel! je savais bien qu’il est de mode de fourrer la fraternité partout, mais je ne me doutais pas qu’on la pût mettre dans le bulletin du percepteur.

L’État

Frédéric Bastiat

Journal des Débats

25 septembre 1848

Je voudrais qu’on fondât, un prix, non de cinq cents francs, mais d’un million, avec couronnes, croix et rubans, en faveur de celui qui donnerait une bonne, simple et intelligible définition de ce mot: l’État.

Quel immense service ne rendrait-il pas à la société! L’État! Qu’est-ce? où est-il? que fait-il? que devrait-il faire?

Tout ce que nous en savons, c’est que c’est un personnage mystérieux, et assurément le plus sollicité, le plus tourmenté, le plus affairé, le plus conseillé, le plus accusé, le plus invoqué et le plus provoqué qu’il y ait au monde.

Car, Monsieur, je n’ai pas l’honneur de vous connaître, mais je gage dix contre un que depuis six mois vous faites des utopies; et si vous en faites, je gage dix contre un que vous chargez l’État de les réaliser.

Et vous, Madame, je suis sûr que vous désirez du fond du cœur guérir tous les maux de la triste humanité, et que vous n’y seriez nullement embarrassée si l’État voulait seulement s’y prêter.

Mais, hélas! le malheureux, comme Figaro, ne sait ni qui entendre, ni de quel côté se tourner. Les cent mille bouches de la presse et de la tribune lui crient à la fois:

« Organisez le travail et les travailleurs.

Extirpez l’égoïsme.

Réprimez l’insolence et la tyrannie du capital.

Faites des expériences sur le fumier et sur les œufs.

Sillonnez le pays de chemins de fer.

Irriguez les plaines.

Boisez les montagnes.

Fondez des fermes-modèles

Fondez des ateliers harmoniques.

Colonisez l’Algérie.

Allaitez les enfants.

Instruisez la jeunesse.

Secourez la vieillesse.

Envoyez dans les campagnes les habitants des villes.

Pondérez les profits de toutes les industries.

Prêtez de l’argent, et sans intérêt, à ceux qui en désirent.

Affranchissez l’Italie, la Pologne et la Hongrie.

Élevez et perfectionnez le cheval de selle.

Encouragez l’art, formez-nous des musiciens et des danseuses.

Prohibez le commerce et, du même coup, créez une marine marchande.

Découvrez la vérité et jetez dans nos têtes un grain de raison. L’État a pour mission d’éclairer, de développer, d’agrandir, de fortifier, de spiritualiser et de sanctifier l’âme des peuples. »

— « Eh! Messieurs, un peu de patience, répond l’État, d’un air piteux. »

« J’essaierai de vous satisfaire, mais pour cela il me faut quelques ressources. J’ai préparé des projets concernant cinq ou six impôts tout nouveaux et les plus bénins du monde. Vous verrez quel plaisir on a à les payer. »

Mais alors un grand cri s’élève: « Haro! haro! le beau mérite de faire quelque chose avec des ressources! Il ne vaudrait pas la peine de s’appeler l’État. Loin de nous frapper de nouvelles taxes, nous vous sommons de retirer les anciennes. Supprimez:

L’impôt du sel;

L’impôt des boissons;

L’impôt des lettres;

L’octroi;

Les patentes;

Les prestations. »

Au milieu de ce tumulte, et après que le pays a changé deux ou trois fois son État pour n’avoir pas satisfait à toutes ces demandes, j’ai voulu faire observer qu’elles étaient contradictoires. De quoi me suis-je avisé, bon Dieu! ne pouvais-je garder pour moi cette malencontreuse remarque?

Me voilà discrédité à tout jamais; et il est maintenant reçu que je suis un homme sans cœur et sans entrailles, un philosophe sec, un individualiste, un bourgeois, et, pour tout dire en un mot, un économiste de l’école anglaise ou américaine.

Oh! pardonnez-moi, écrivains sublimes, que rien n’arrête, pas même les contradictions. J’ai tort, sans doute, et je me rétracte de grand cœur. Je ne demande pas mieux, soyez-en sûrs, que vous ayez vraiment découvert, en dehors de nous, un être bienfaisant et inépuisable, s’appelant l’État, qui ait du pain pour toutes les bouches, du travail pour tous les bras, des capitaux pour toutes les entreprises, du crédit pour tous les projets, de l’huile pour toutes les plaies, du baume pour toutes les souffrances, des conseils pour toutes les perplexités, des solutions pour tous les doutes, des vérités pour toutes les intelligences, des distractions pour tous les ennuis, du lait pour l’enfance, du vin pour la vieillesse, qui pourvoie à tous nos besoins, prévienne tous nos désirs, satisfasse toutes nos curiosités, redresse toutes nos erreurs, toutes nos fautes, et nous dispense tous désormais de prévoyance, de prudence, de jugement, de sagacité, d’expérience, d’ordre, d’économie, de tempérance et d’activité.

Et pourquoi ne le désirerais-je pas? Dieu me pardonne, plus j’y réfléchis, plus je trouve que la chose est commode, et il me tarde d’avoir, moi aussi, à ma portée, cette source intarissable de richesses et de lumières, ce médecin universel, ce trésor sans fond, ce conseiller infaillible que vous nommez l’État.

Aussi je demande qu’on me le montre, qu’on me le définisse, et c’est pourquoi je propose la fondation d’un prix pour le premier qui découvrira ce phénix. Car enfin, on m’accordera bien que cette découverte précieuse n’a pas encore été faite, puisque, jusqu’ici, tout ce qui se présente sous le nom d’État, le peuple le renverse aussitôt, précisément parce qu’il ne remplit pas les conditions quelque peu contradictoires du programme.

Faut-il le dire? Je crains que nous ne soyons, à cet égard, dupes d’une des plus bizarres illusions qui se soient jamais emparées de l’esprit humain.

L’homme répugne à la Peine, à la Souffrance. Et cependant il est condamné par la nature à la Souffrance de la Privation, s’il ne prend pas la Peine du Travail. Il n’a donc que le choix entre ces deux maux.

Comment faire pour les éviter tous deux? Il n’a jusqu’ici trouvé et ne trouvera jamais qu’un moyen: c’est de jouir du travail d’autrui; c’est de faire en sorte que la Peine et la Satisfaction n’incombent pas à chacun selon la proportion naturelle, mais que toute la peine soit pour les uns et toutes les satisfactions pour les autres. De là l’esclavage, de là encore la spoliation, quelque forme qu’elle prenne: guerres, impostures, violences, restrictions, fraudes, etc., abus monstrueux, mais conséquents avec la pensée qui leur a donné naissance. On doit haïr et combattre les oppresseurs, on ne peut pas dire qu’ils soient absurdes.

L’esclavage s’en va, grâce au Ciel, et, d’un autre côté, cette disposition où nous sommes à défendre notre bien, fait que la Spoliation directe et naïve n’est pas facile. Une chose cependant est restée. C’est ce malheureux penchant primitif que portent en eux tous les hommes à faire deux parts du lot complexe de la vie, rejetant la Peine sur autrui et gardant la Satisfaction pour eux-mêmes. Reste à voir sous quelle forme nouvelle se manifeste cette triste tendance.

L’oppresseur n’agit plus directement par ses propres forces sur l’opprimé. Non, notre conscience est devenue trop méticuleuse pour cela. Il y a bien encore le tyran et la victime, mais entre eux se place un intermédiaire qui est l’État, c’est-à-dire la loi elle-même. Quoi de plus propre à faire taire nos scrupules et, ce qui est peut-être plus apprécié, à vaincre les résistances? Donc, tous, à un titre quelconque, sous un prétexte ou sous un autre, nous nous adressons à l’État. Nous lui disons: « Je ne trouve pas qu’il y ait, entre mes jouissances et mon travail, une proportion qui me satisfasse. Je voudrais bien, pour établir l’équilibre désiré, prendre quelque peu sur le bien d’autrui. Mais c’est dangereux. Ne pourriez-vous me faciliter la chose? Ne pourriez-vous me donner une bonne place? Ou bien gêner l’industrie de mes concurrents? Ou bien encore me prêter gratuitement des capitaux que vous aurez pris à leurs possesseurs? Ou élever mes enfants aux frais du public? Ou m’accorder des primes d’encouragement? Ou m’assurer le bien-être quand j’aurai cinquante ans? Par ce moyen, j’arriverai à mon but en toute quiétude de conscience, car la loi elle-même aura agi pour moi, et j’aurai tous les avantages de la spoliation sans en avoir ni les risques ni l’odieux! »

Comme il est certain, d’un côté, que nous adressons tous à l’État quelque requête semblable, et que, d’une autre part, il est avéré que l’État ne peut procurer satisfaction aux uns sans ajouter au travail des autres, en attendant une autre définition de l’État, je me crois autorisé à donner ici la mienne. Qui sait si elle ne remportera pas le prix? La voici:

L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde.

Car, aujourd’hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins, voudrait bien profiter du travail d’autrui. Ce sentiment, on n’ose l’afficher, on se le dissimule à soi-même; et alors que fait-on? On imagine un intermédiaire, on s’adresse à l’État, et chaque classe tour à tour vient lui dire: « Vous qui pouvez prendre loyalement, honnêtement, prenez au public, et nous partagerons. » Hélas! l’État n’a que trop de pente à suivre le diabolique conseil; car il est composé de ministres, de fonctionnaires, d’hommes enfin, qui, comme tous les hommes, portent au cœur le désir et saisissent toujours avec empressement l’occasion de voir grandir leurs richesses et leur influence. L’État comprend donc bien vite le parti qu’il peut tirer du rôle que le public lui confie. Il sera l’arbitre, le maître de toutes les destinées: il prendra beaucoup, donc il lui restera beaucoup à lui-même; il multipliera le nombre de ses agents, il élargira le cercle de ses attributions; il finira par acquérir des proportions écrasantes.

Mais ce qu’il faut bien remarquer, c’est l’étonnant aveuglement du public en tout ceci. Quand des soldats heureux réduisaient les vaincus en esclavage, ils étaient barbares, mais ils n’étaient pas absurdes. Leur but, comme le nôtre, était de vivre aux dépens d’autrui; mais, comme nous, ils ne le manquaient pas. Que devons-nous penser d’un peuple où l’on ne paraît pas se douter que le pillage réciproque n’en est pas moins pillage parce qu’il est réciproque; qu’il n’en est pas moins criminel parce qu’il s’exécute légalement et avec ordre; qu’il n’ajoute rien au bien-être public; qu’il le diminue au contraire de tout ce que coûte cet intermédiaire dispendieux que nous nommons l’État?

Et cette grande chimère, nous l’avons placée, pour l’édification du peuple, au frontispice de la Constitution. Voici les premiers mots du préambule: « La France s’est constituée en République pour… appeler tous les citoyens à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumière et de bien-être. »

Ainsi, c’est la France ou l’abstraction, qui appelle les Français ou les réalités à la moralité, au bien-être, etc. N’est-ce pas abonder dans le sens de cette bizarre illusion qui nous porte à tout attendre d’une autre énergie que la nôtre? N’est-ce pas donner à entendre qu’il y a, à côté et en dehors des Français, un être vertueux, éclairé, riche, qui peut et doit verser sur eux ses bienfaits? N’est-ce pas supposer, et certes bien gratuitement, qu’il y a entre la France et les Français, entre la simple dénomination abrégée, abstraite, de toutes les individualités et ces individualités mêmes, des rapports de père à fils, de tuteur à pupille, de professeur à écolier? Je sais bien qu’on dit quelquefois métaphoriquement: La patrie est une mère tendre. Mais pour prendre en flagrant délit d’inanité la proposition constitutionnelle, il suffit de montrer qu’elle peut être retournée, je ne dirai pas sans inconvénient, mais même avec avantage. L’exactitude souffrirait-elle si le préambule avait dit:

« Les Français se sont constitués en République pour appeler la France à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumière et de bien-être? »

Or, quelle est la valeur d’un axiome où le sujet et l’attribut peuvent chasser-croiser sans inconvénient? Tout le monde comprend qu’on dise: la mère allaitera l’enfant. Mais il serait ridicule de dire: l’enfant allaitera la mère.

Les Américains se faisaient une autre idée des relations des citoyens avec l’État, quand ils placèrent en tête de leur Constitution ces simples paroles:

« Nous, le peuple des États-Unis, pour former une union plus parfaite, établir la justice, assurer la tranquillité intérieure, pourvoir à la défense commune, accroître le bien-être général et assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, décrétons, etc. »

Ici point de création chimérique, point d’abstraction à laquelle les citoyens demandent tout. Ils n’attendent rien que d’eux-mêmes et de leur propre énergie.

Si je me suis permis de critiquer les premières paroles de notre Constitution, c’est qu’il ne s’agit pas, comme on pourrait le croire, d’une pure subtilité métaphysique. Je prétends que cette personnification de l’État a été dans le passé et sera dans l’avenir une source féconde de calamités et de révolutions.

Voilà le Public d’un côté, l’État de l’autre, considérés comme deux être distincts, celui-ci tenu d’épandre sur celui-là, celui-là ayant droit de réclamer de celui-ci le torrent des félicités humaines. Que doit-il arriver?

Au fait, l’État n’est pas manchot et ne peut l’être. Il a deux mains, l’une pour recevoir et l’autre pour donner, autrement dit, la main rude et la main douce. L’activité de la seconde est nécessairement subordonnée à l’activité de la première.

A la rigueur, l’État peut prendre et ne pas rendre. Cela s’est vu et s’explique par la nature poreuse et absorbante de ses mains, qui retiennent toujours une partie et quelquefois la totalité de ce qu’elles touchent. Mais ce qui ne s’est jamais vu, ce qui ne se verra jamais et ne se peut même concevoir, c’est que l’État rende au public plus qu’il ne lui a pris. C’est donc bien follement que nous prenons autour de lui l’humble attitude de mendiants. Il lui est radicalement impossible de conférer un avantage particulier à quelques-unes des individualités qui constituent la communauté, sans infliger un dommage supérieur à la communauté entière.

Il se trouve donc placé, par nos exigences, dans un cercle vicieux manifeste.

S’il refuse le bien qu’on exige de lui, il est accusé d’impuissance, de mauvais vouloir, d’incapacité. S’il essaie de le réaliser, il est réduit à frapper le peuple de taxes redoublées, à faire plus de mal que de bien, et à s’attirer, par un autre bout, la désaffection générale.

Ainsi, dans le public des espérances, dans le gouvernement deux promesses: beaucoup de bienfaits et pas d’impôts. Espérances et promesses qui, étant contradictoires, ne se réalisent jamais.

N’est-ce pas là la cause de toutes nos révolutions? Car entre l’État, qui prodigue les promesses impossibles, et le public, qui a conçu des espérances irréalisables, viennent s’interposer deux classes d’hommes: les ambitieux et les utopistes. Leur rôle est tout tracé par la situation. Il suffit à ces courtisans de popularité de crier aux oreilles du peuple: « Le pouvoir te trompe; si nous étions à sa place, nous te comblerions de bienfaits et t’affranchirions de taxes. »

Et le peuple croit, et le peuple espère, et le peuple fait une révolution.

Ses amis ne sont pas plus tôt aux affaires, qu’ils sont sommés de s’exécuter. « Donnez-moi donc du travail, du pain, des secours, du crédit, de l’instruction, des colonies, dit le peuple, et cependant, selon vos promesses, délivrez-moi des serres du fisc. »

L’État nouveau n’est pas moins embarrassé que l’État ancien, car, en fait d’impossible, on peut bien promettre, mais non tenir. Il cherche à gagner du temps, il lui en faut pour mûrir ses vastes projets. D’abord, il fait quelques timides essais; d’un côté, il étend quelque peu l’instruction primaire; de l’autre, il modifie quelque peu l’impôt des boissons (1830). Mais la contradiction se dresse toujours devant lui: s’il veut être philanthrope, il est forcé de rester fiscal; et s’il renonce à la fiscalité, il faut qu’il renonce aussi à la philanthropie.

Ces deux promesses s’empêchent toujours et nécessairement l’une l’autre. User du crédit, c’est-à-dire dévorer l’avenir, est bien un moyen actuel de les concilier; on essaie de faire un peu de bien dans le présent aux dépens de beaucoup de mal dans l’avenir. Mais ce procédé évoque le spectre de la banqueroute qui chasse le crédit. Que faire donc? Alors l’État nouveau prend son parti en brave; il réunit des forces pour se maintenir, il étouffe l’opinion, il a recours à l’arbitraire, il ridiculise ses anciennes maximes, il déclare qu’on ne peut administrer qu’à la condition d’être impopulaire; bref, il se proclame gouvernemental.

Et c’est là que d’autres courtisans de popularité l’attendent. Ils exploitent la même illusion, passent par la même voie, obtiennent le même succès, et vont bientôt s’engloutir dans le même gouffre. C’est ainsi que nous sommes arrivés en Février. À cette époque, l’illusion qui fait le sujet de cet article avait pénétré plus avant que jamais dans les idées du peuple, avec les doctrines socialistes. Plus que jamais, il s’attendait à ce que l’État sous la forme républicaine, ouvrirait toute grande la source des bienfaits et fermerait celle de l’impôt. « On m’a souvent trompé, disait le peuple, mais je veillerai moi-même à ce qu’on ne me trompe pas encore une fois. »

Que pouvait faire le gouvernement provisoire? Hélas! ce qu’on fait toujours en pareille conjoncture: promettre, et gagner du temps. Il n’y manque pas, et pour donner à ses promesses plus de solennité, il les fixa dans des décrets. « Augmentation de bien-être, diminution de travail, secours, crédit, instruction gratuite, colonies agricoles, défrichements, et en même temps réduction sur la taxe du sel, des boissons, des lettres, de la viande, tout sera accordé… vienne l’Assemblée nationale ».

L’Assemblée nationale est venue, et comme on ne peut réaliser deux contradictions, sa tâche, sa triste tâche, s’est bornée à retirer, le plus doucement possible, l’un après l’autre, tous les décrets du gouvernement provisoire.

Cependant, pour ne pas rendre la déception trop cruelle, il a bien fallu transiger quelque peu. Certains engagements ont été maintenus, d’autres ont reçu un tout petit commencement d’exécution. Aussi l’administration actuelle s’efforce-t-elle d’imaginer de nouvelles taxes.

Maintenant je me transporte par la pensée à quelques mois dans l’avenir, et je me demande, la tristesse dans l’âme, ce qu’il adviendra quand des agents de nouvelle création iront dans nos campagnes prélever les nouveaux impôts sur les successions, sur les revenus, sur les profits de l’exploitation agricole. Que le Ciel démente mes pressentiments, mais je vois encore là un rôle à jouer pour les courtisans de popularité.

Lisez le dernier Manifeste des Montagnards, celui qu’ils ont émis à propos de l’élection présidentielle. Il est un peu long, mais, après tout, il se résume en deux mots: L’État doit beaucoup donner aux citoyens et peu leur prendre. C’est toujours la même tactique, ou, si l’on veut, la même erreur.

« L’État doit gratuitement l’instruction et l’éducation à tous les citoyens. ».

Il doit:

« Un enseignement général et professionnel approprié autant que possible, aux besoins, aux vocations et aux capacités de chaque citoyen. »

Il doit:

« Lui apprendre ses devoirs envers Dieu, envers les hommes et envers lui-même; développer ses sentiments, ses aptitudes et ses facultés, lui donner enfin la science de son travail, l’intelligence de ses intérêts et la connaissance de ses droits. »

Il doit:

« Mettre à la portée de tous les lettres et les arts, le patrimoine de la pensée, les trésors de l’esprit, toutes les jouissances intellectuelles qui élèvent et fortifient l’âme. »

Il doit:

« Réparer tout sinistre, incendie, inondation, etc. (cet et caetera en dit plus qu’il n’est gros) éprouvé par un citoyen. »

Il doit:

« Intervenir dans les rapports du capital avec le travail et se faire le régulateur du crédit. »

Il doit:

« A l’agriculture des encouragements sérieux et une protection efficace. »

Il doit

« Racheter les chemins de fer, les canaux, les mines, » et sans doute aussi les administrer avec cette capacité industrielle qui le caractérise.

Il doit:

« provoquer les tentatives généreuses, les encourager et les aider par toutes les ressources capables de les faire triompher. Régulateur du crédit, il commanditera largement les associations industrielles et agricoles, afin d’en assurer le succès. »

L’État doit tout cela, sans préjudice des services auxquels il fait face aujourd’hui; et, par exemple, il faudra qu’il soit toujours à l’égard des étrangers dans une attitude menaçante; car, disent les signataires du programme, « liés par cette solidarité sainte et par les précédents de la France républicaine, nous portons nos vœux et nos espérances au-delà des barrières que le despotisme élève entre les nations: le droit que nous voulons pour nous, nous le voulons pour tous ceux qu’opprime le joug des tyrannies; nous voulons que notre glorieuse armée soit encore, s’il le faut, l’armée de la liberté. »

Vous voyez que la main douce de l’État, cette bonne main qui donne et qui répand, sera fort occupée sous le gouvernement des Montagnards. Vous croyez peut-être qu’il en sera de même de la main rude, de cette main qui pénètre et puise dans nos poches?

Détrompez-vous. Les courtisans de popularité ne sauraient pas leur métier, s’ils n’avaient l’art, en montrant la main douce, de cacher la main rude.

Leur règne sera assurément le jubilé du contribuable.

« C’est le superflu, disent-ils, non le nécessaire que l’impôt doit atteindre. »

Ne sera-ce pas un bon temps que celui où, pour nous accabler de bienfaits, le fisc se contentera d’écorner notre superflu?

Ce n’est pas tout. Les Montagnards aspirent à ce que « l’impôt perde son caractère oppressif et ne soit plus qu’un acte de fraternité. »

Bonté du ciel! je savais bien qu’il est de mode de fourrer la fraternité partout, mais je ne me doutais pas qu’on la pût mettre dans le bulletin du percepteur.

Arrivant aux détails, les signataires du programme disent:

« Nous voulons l’abolition immédiate des impôts qui frappent les objets de première nécessité, comme le sel, les boissons, et caetera. »

« La réforme de l’impôt foncier, des octrois, des patentes. »

« La justice gratuite, c’est-à-dire la simplification des formes et la réduction des frais. » (Ceci a sans doute trait au timbre.)

Ainsi, impôt foncier, octrois, patentes, timbre, sel, boissons, postes, tout y passe. Ces messieurs ont trouvé le secret de donner une activité brûlante à la main douce de l’État tout en paralysant sa main rude.

Eh bien, je le demande au lecteur impartial, n’est-ce pas là de l’enfantillage, et, de plus, de l’enfantillage dangereux? Comment le peuple ne ferait-il pas révolution sur révolution, s’il est une fois décidé à ne s’arrêter que lorsqu’il aura réalisé cette contradiction: « Ne rien donner à l’État et en recevoir beaucoup! »

Croit-on que si les Montagnards arrivaient au pouvoir, ils ne seraient pas les victimes des moyens qu’ils emploient pour le saisir?

Citoyens, dans tous les temps deux systèmes politiques ont été en présence, et tous les deux peuvent se soutenir par de bonnes raisons. Selon l’un, l’État doit beaucoup faire, mais aussi il doit beaucoup prendre. D’après l’autre, sa double action doit se faire peu sentir. Entre ces deux systèmes il faut opter. Mais quant au troisième système, participant des deux autres, et qui consiste à tout exiger de l’État sans lui rien donner, il est chimérique, absurde, puéril, contradictoire, dangereux. Ceux qui le mettent en avant, pour se donner le plaisir d’accuser tous les gouvernements d’impuissance et les exposer ainsi à vos coups, ceux-là vous flattent et vous trompent, ou du moins ils se trompent eux-mêmes.

Quant à nous, nous pensons que l’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité.

Extrait de l’édition originale en 7 volumes (1863) des œuvres complètes de Frédéric Bastiat, tome IV, pp. 327-341.

Numérisé, mis en hypertexte par François-René Rideau pour Bastiat.org.

Bastiat.org Le Libéralisme, le vrai Un site par François-René Rideau

Voir aussi:

Physiologie de la Spoliation

 Frédéric Bastiat

Chapitre I de la seconde série des Sophismes Économiques [1] [2] [3]

Pourquoi irais-je m’aheurter à cette science aride, l’Économie politique?

Pourquoi? — La question est judicieuse. Tout travail est assez répugnant de sa nature, pour qu’on ait le droit de demander où il mène.

Voyons, cherchons.

Je ne m’adresse pas à ces philosophes qui font profession d’adorer la misère, sinon en leur nom, du moins au nom de l’humanité.

Je parle à quiconque tient la Richesse pour quelque chose. — Entendons par ce mot, non l’opulence de quelques-uns, mais l’aisance, le bien-être, la sécurité, l’indépendance, l’instruction, la dignité de tous.

Il n’y a que deux moyens de se procurer les choses nécessaires à la conservation, à l’embellissement et au perfectionnement de la vie: la Production et la Spoliation.

Quelques personnes disent: La Spoliation est un accident, un abus local et passager, flétri par la morale, réprouvé par la loi, indigne d’occuper l’Economie politique.

Cependant, quelque bienveillance, quelque optimisme que l’on porte au cœur, on est forcé de reconnaître que la Spoliation s’exerce dans ce monde sur une trop vaste échelle, qu’elle se mêle trop universellement à tous les grands faits humains pour qu’aucune science sociale, et l’Économie politique surtout, puisse se dispenser d’en tenir compte.

Je vais plus loin. Ce qui sépare l’ordre social de la perfection (du moins de toute celle dont il est susceptible), c’est le constant effort de ses membres pour vivre et se développer aux dépens les uns des autres.

En sorte que si la Spoliation n’existait pas, la société étant parfaite, les sciences sociales seraient sans objet.

Je vais plus loin encore. Lorsque la Spoliation est devenue le moyen d’existence d’une agglomération d’hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, une morale qui la glorifie.

Il suffit de nommer quelques-unes des formes les plus tranchées de la Spoliation pour montrer quelle place elle occupe dans les transactions humaines.

C’est d’abord la Guerre. — Chez les sauvages, le vainqueur tue le vaincu pour acquérir au gibier un droit, sinon incontestable, du moins incontesté.

C’est ensuite l’Esclavage. — Quand l’homme comprend qu’il est possible de féconder la terre par le travail, il fait avec son frère ce partage: « À toi la fatigue, à moi le produit. »

Vient la Théocratie. — « Selon ce que tu me donneras ou me refuseras de ce qui t’appartient, je t’ouvrirai la porte du ciel ou de l’enfer. »

Enfin arrive le Monopole. — Son caractère distinctif est de laisser subsister la grande loi sociale: Service pour service, mais de faire intervenir la force dans le débat, et par suite, d’altérer la juste proportion entre le service reçu et le service rendu.

La Spoliation porte toujours dans son sein le germe de mort qui la tue. Rarement c’est le grand nombre qui spolie le petit nombre. En ce cas, celui-ci se réduirait promptement au point de ne pouvoir plus satisfaire la cupidité de celui-là, et la Spoliation périrait faute d’aliment.

Presque toujours c’est le grand nombre qui est opprimé, et la Spoliation n’en est pas moins frappée d’un arrêt fatal.

Car si elle a pour agent la Force, comme dans la Guerre et l’Esclavage, il est naturel que la Force à la longue passe du côté du grand nombre.

Et si c’est la Ruse, comme dans la Théocratie et le Monopole, il est naturel que le grand nombre s’éclaire, sans quoi l’intelligence ne serait pas l’intelligence.

Une autre loi providentielle dépose un second germe de mort au cœur de la Spoliation, c’est celle-ci:

La Spoliation ne déplace pas seulement la richesse, elle en détruit toujours une partie.

La Guerre anéantit bien des valeurs.

L’Esclavage paralyse bien des facultés.

La Théocratie détourne bien des efforts vers des objets puérils ou funestes.

Le Monopole aussi fait passer la richesse d’une poche à l’autre; mais il s’en perd beaucoup dans le trajet.

Cette loi est admirable. — Sans elle, pourvu qu’il y eût équilibre de force entre les oppresseurs et les opprimés, la Spoliation n’aurait pas de terme. — Grâce à elle, cet équilibre tend toujours à se rompre, soit parce que les Spoliateurs se font conscience d’une telle déperdition de richesses, soit, en l’absence de ce sentiment, parce que le mal empire sans cesse, et qu’il est dans la nature de ce qui empire toujours de finir.

Il arrive en effet un moment où, dans son accélération progressive, la déperdition des richesses est telle que le Spoliateur est moins riche qu’il n’eût été en restant honnête.

Tel est un peuple à qui les frais de guerre coûtent plus que ne vaut le butin.

Un maître qui paie plus cher le travail esclave que le travail libre.

Une Théocratie qui a tellement hébété le peuple et détruit son énergie qu’elle n’en peut plus rien tirer.

Un Monopole qui agrandit ses efforts d’absorption à mesure qu’il y a moins à absorber, comme l’effort de traire s’accroît à mesure que le pis est plus desséché.

Le Monopole, on le voit, est une Espèce du Genre Spoliation. Il a plusieurs Variétés, entre autres la Sinécure, le Privilége, la Restriction.

Parmi les formes qu’il revêt, il y en a de simples et naïves. Tels étaient les droits féodaux. Sous ce régime la masse est spoliée et le sait. Il implique l’abus de la force et tombe avec elle.

D’autres sont très compliquées. Souvent alors la masse est spoliée et ne le sait pas. Il peut même arriver qu’elle croie tout devoir à la Spoliation, et ce qu’on lui laisse, et ce qu’on lui prend, et ce qui se perd dans l’opération. Il y a plus, j’affirme que, dans la suite des temps, et grâce au mécanisme si ingénieux de la coutume, beaucoup de Spoliateurs le sont sans le savoir et sans le vouloir. Les Monopoles de cette variété sont engendrés par la Ruse et nourris par l’Erreur. Ils ne s’évanouissent que devant la Lumière.

J’en ai dit assez pour montrer que l’Économie politique a une utilité pratique évidente. C’est le flambeau qui, dévoilant la Ruse et dissipant l’Erreur, détruit ce désordre social, la Spoliation. Quelqu’un, je crois que c’est une femme, et elle avait bien raison, l’a ainsi définie: C’est la serrure de sûreté du pécule populaire.

Commentaire.

Si ce petit livre était destiné à traverser trois ou quatre mille ans, à être lu, relu, médité, étudié phrase à phrase, mot à mot, lettre à lettre, de génération en génération, comme un Koran nouveau; s’il devait attirer dans toutes les bibliothèques du monde des avalanches d’annotations, éclaircissements et paraphrases, je pourrais abandonner à leur sort, dans leur concision un peu obscure, les pensées qui précèdent. Mais puisqu’elles ont besoin de commentaire, il me paraît prudent de les commenter moi-même.

La véritable et équitable loi des hommes, c’est: Échange librement débattu de service contre service. La Spoliation consiste à bannir par force ou par ruse la liberté du débat afin de recevoir un service sans le rendre.

La Spoliation par la force s’exerce ainsi: On attend qu’un homme ait produit quelque chose, qu’on lui arrache, l’arme au poing.

Elle est formellement condamnée par le Décalogue: Tu ne prendras point.

Quand elle se passe d’individu à individu, elle se nomme vol et mène au bagne; quand c’est de nation à nation, elle prend nom conquête et conduit à la gloire.

Pourquoi cette différence? Il est bon d’en rechercher la cause. Elle nous révélera une puissance irrésistible, l’Opinion, qui, comme l’atmosphère, nous enveloppe d’une manière si absolue, que nous ne la remarquons plus. Car Rousseau n’a jamais dit une vérité plus vraie que celle-ci: « Il faut beaucoup de philosophie pour observer les faits qui sont trop près de nous. »

Le voleur, par cela même qu’il agit isolément, a contre lui l’opinion publique. Il alarme tous ceux qui l’entourent. Cependant, s’il a quelques associés, il s’enorgueillit devant eux de ses prouesses, et l’on peut commencer à remarquer ici la force de l’Opinion; car il suffit de l’approbation de ses complices pour lui ôter le sentiment de sa turpitude et même le rendre vain de son ignominie.

Le guerrier vit dans un autre milieu. L’Opinion qui le flétrit est ailleurs, chez les nations vaincues; il n’en sent pas la pression. Mais l’Opinion qui est autour de lui l’approuve et le soutient. Ses compagnons et lui sentent vivement la solidarité qui les lie. La patrie, qui s’est créé des ennemis et des dangers, a besoin d’exalter le courage de ses enfants. Elle décerne aux plus hardis, à ceux qui, élargissant ses frontières, y ont apporté le plus de butin, les honneurs, la renommée, la gloire. Les poètes chantent leurs exploits et les femmes leur tressent des couronnes. Et telle est la puissance de l’Opinion, qu’elle sépare de la Spoliation l’idée d’injustice et ôte au spoliateur jusqu’à la conscience de ses torts.

L’Opinion, qui réagit contre la spoliation militaire, placée non chez le peuple spoliateur, mais chez le peuple spolié, n’exerce que bien peu d’influence. Cependant, elle n’est pas tout à fait inefficace, et d’autant moins que les nations se fréquentent et se comprennent davantage. Sous ce rapport, on voit que l’étude des langues et la libre communication des peuples tendent à faire prédominer l’opinion contraire à ce genre de spoliation.

Malheureusement, il arrive souvent que les nations qui entourent le peuple spoliateur sont elles-mêmes spoliatrices, quand elles le peuvent, et dès lors imbues des mêmes préjugés.

Alors, il n’y a qu’un remède: le temps. Il faut que les peuples aient appris, par une rude expérience, l’énorme désavantage de se spolier les uns les autres.

On parlera d’un autre frein: la moralisation. Mais la moralisation a pour but de multiplier les actions vertueuses. Comment donc restreindrait-elle les actes spoliateurs quand ces actes sont mis par l’Opinion au rang des plus hautes vertus? Y a-t-il un moyen plus puissant de moraliser un peuple que la Religion? Y eut-il jamais Religion plus favorable à la paix et plus universellement admise que le Christianisme? Et cependant qu’a-t-on vu pendant dix-huit siècles? On a vu les hommes se battre non seulement malgré la Religion, mais au nom de la Religion même.

Un peuple conquérant ne fait pas toujours la guerre offensive. Il a aussi de mauvais jours. Alors ses soldats défendent le foyer domestique, la propriété, la famille, l’indépendance, la liberté. La guerre prend un caractère de sainteté et de grandeur. Le drapeau, bénit par les ministres du Dieu de paix, représente tout ce qu’il y a de sacré sur la terre; on s’y attache comme à la vivante image de la patrie et de l’honneur; et les vertus guerrières sont exaltées au-dessus de toutes les autres vertus. — Mais le danger passé, l’Opinion subsiste, et, par une naturelle réaction de l’esprit de vengeance qui se confond avec le patriotisme, on aime à promener le drapeau chéri de capitale en capitale. Il semble que la nature ait préparé ainsi le châtiment de l’agresseur.

C’est la crainte de ce châtiment, et non les progrès de la philosophie, qui retient les armes dans les arsenaux, car, on ne peut pas le nier, les peuples les plus avancés en civilisation font la guerre, et se préoccupent bien peu de justice quand ils n’ont pas de représailles à redouter. Témoin l’Hymalaya, l’Atlas et le Caucase.

Si la Religion a été impuissante, si la philosophie est impuissante, comment donc finira la guerre?

L’Économie politique démontre que, même à ne considérer que le peuple victorieux, la guerre se fait toujours dans l’intérêt du petit nombre et aux dépens des masses. Il suffit donc que les masses aperçoivent clairement cette vérité. Le poids de l’Opinion, qui se partage encore, pèsera tout entier du côté de la paix [4].

La Spoliation exercée par la force prend encore une autre forme. On n’attend pas qu’un homme ait produit une chose pour la lui arracher. On s’empare de l’homme lui-même; on le dépouille de sa propre personnalité; on le contraint au travail; on ne lui dit pas: Si tu prends cette peine pour moi, je prendrai cette peine pour toi, on lui dit: A toi toutes les fatigues, à moi toutes les jouissances. C’est l’Esclavage, qui implique toujours l’abus de la force.

Or, c’est une grande question de savoir s’il n’est pas dans la nature d’une force incontestablement dominante d’abuser toujours d’elle-même. Quant à moi, je ne m’y fie pas, et j’aimerais autant attendre d’une pierre qui tombe la puissance qui doit l’arrêter dans sa chute, que de confier à la force sa propre limite.

Je voudrais, au moins, qu’on me montrât un pays, une époque où l’Esclavage a été aboli par la libre et gracieuse volonté des maîtres.

L’Esclavage fournit un second et frappant exemple de l’insuffisance des sentiments religieux et philanthropiques aux prises avec l’énergique sentiment de l’intérêt. Cela peut paraître triste à quelques Écoles modernes qui cherchent dans l’abnégation le principe réformateur de la société. Qu’elles commencent donc par réformer la nature de l’homme.

Aux Antilles, les maîtres professent de père en fils, depuis l’institution de l’esclavage, la Religion chrétienne. Plusieurs fois par jour ils répètent ces paroles: « Tous les hommes sont frères; aimer son prochain, c’est accomplir toute la loi. » — Et pourtant ils ont des esclaves. Rien ne leur semble plus naturel et plus légitime. Les réformateurs modernes espèrent-ils que leur morale sera jamais aussi universellement acceptée, aussi populaire, aussi forte d’autorité, aussi souvent sur toutes les lèvres que l’Évangile? Et si l’Evangile n’a pu passer des lèvres au cœur par-dessus ou à travers la grande barrière de l’intérêt, comment espèrent-ils que leur morale fasse ce miracle?

Mais quoi! l’Esclavage est-il donc invulnérable? Non; ce qui l’a fondé le détruira, je veux dire l’Intérêt, pourvu que, pour favoriser les intérêts spéciaux qui ont créé la plaie, on ne contrarie pas les intérêts généraux qui doivent la guérir.

C’est encore une vérité démontrée par l’Économie politique, que le travail libre est essentiellement progressif et le travail esclave nécessairement stationnaire. En sorte que le triomphe du premier sur le second est inévitable. Qu’est devenue la culture de l’indigo par les noirs?

Le travail libre appliqué à la production du sucre en fera baisser de plus en plus le prix. A mesure, l’esclave sera de moins en moins lucratif pour son maître. L’esclavage serait depuis longtemps tombé de lui-même en Amérique, si, en Europe, les lois n’eussent élevé artificiellement le prix du sucre. Aussi nous voyons les maîtres, leurs créanciers et leurs délégués travailler activement à maintenir ces lois, qui sont aujourd’hui les colonnes de l’édifice.

Malheureusement, elles ont encore la sympathie des populations du sein desquelles l’esclavage a disparu; par où l’on voit qu’encore ici l’Opinion est souveraine.

Si elle est souveraine, même dans la région de la Force, elle l’est à bien plus forte raison dans le monde de la Ruse. A vrai dire, c’est là son domaine. La Ruse, c’est l’abus de l’intelligence; le progrès de l’opinion, c’est le progrès des intelligences. Les deux puissances sont au moins de même nature. Imposture chez le spoliateur implique crédulité chez le spolié, et l’antidote naturel de la crédulité c’est la vérité. Il s’ensuit qu’éclairer les esprits, c’est ôter à ce genre de spoliation son aliment.

Je passerai brièvement en revue quelques-unes des spoliations qui s’exercent par la Ruse sur une très-grande échelle.

La première qui se présente c’est la Spoliation par ruse théocratique.

De quoi s’agit-il? De se faire rendre en aliments, vêtements, luxe, considération, influence, pouvoir, des services réels contre des services fictifs.

Si je disais à un homme: — « Je vais te rendre des services immédiats, » — il faudrait bien tenir parole; faute de quoi cet homme saurait bientôt à quoi s’en tenir, et ma ruse serait promptement démasquée.

Mais si je lui dis: — « En échange de tes services, je te rendrai d’immenses services, non dans ce monde, mais dans l’autre. Après cette vie, tu peux être éternellement heureux ou malheureux, et cela dépend de moi; je suis un être intermédiaire entre Dieu et sa créature, et puis, à mon gré, t’ouvrir les portes du ciel ou de l’enfer. » — Pour peu que cet homme me croie, il est à ma discrétion.

Ce genre d’imposture a été pratiqué très en grand depuis l’origine du monde, et l’on sait à quel degré de toute-puissance étaient arrivés les prêtres égyptiens.

Il est aisé de savoir comment procèdent les imposteurs. Il suffit de se demander ce qu’on ferait à leur place.

Si j’arrivais, avec des vues de cette nature, au milieu d’une peuplade ignorante, et que je parvinsse, par quelque acte extraordinaire et d’une apparence merveilleuse, à me faire passer pour un être surnaturel, je me donnerais pour un envoyé de Dieu, ayant sur les futures destinées des hommes un empire absolu.

Ensuite, j’interdirais l’examen de mes titres; je ferais plus: comme la raison serait mon ennemi le plus dangereux, j’interdirais l’usage de la raison même, au moins appliquée à ce sujet redoutable. Je ferais de cette question, et de toutes celles qui s’y rapportent, des questions tabou, comme disent les sauvages. Les résoudre, les agiter, y penser même, serait un crime irrémissible.

Certes, ce serait le comble de l’art de mettre une barrière tabou à toutes les avenues intellectuelles qui pourraient conduire à la découverte de ma supercherie. Quelle meilleure garantie de sa durée que de rendre le doute même sacrilège?

Cependant, à cette garantie fondamentale, j’en ajouterais d’accessoires. Par exemple, pour que la lumière ne pût jamais descendre dans les masses, je m’attribuerais, ainsi qu’à mes complices, le monopole de toutes les connaissances, je les cacherais sous les voiles d’une langue morte et d’une écriture hiéroglyphique, et, pour n’être jamais surpris par aucun danger, j’aurais soin d’inventer une institution qui me ferait pénétrer, jour par jour, dans le secret de toutes les consciences.

Il ne serait pas mal non plus que je satisfisse à quelques besoins réels de mon peuple, surtout si, en le faisant, je pouvais accroître mon influence et mon autorité. Ainsi les hommes ont un grand besoin d’instruction et de morale: je m’en ferais le dispensateur. Par là je dirigerais à mon gré l’esprit et le cœur de mon peuple. J’entrelacerais dans une chaîne indissoluble la morale et mon autorité; je les représenterais comme ne pouvant exister l’une sans l’autre, en sorte que si quelque audacieux tentait enfin de remuer une question tabou, la société tout entière, qui ne peut se passer de morale, sentirait le terrain trembler sous ses pas, et se tournerait avec rage contre ce novateur téméraire.

Quand les choses en seraient là, il est clair que ce peuple m’appartiendrait plus que s’il était mon esclave. L’esclave maudit sa chaîne, mon peuple bénirait la sienne, et je serais parvenu à imprimer, non sur les fronts, mais au fond des consciences, le sceau de la servitude.

L’Opinion seule peut renverser un tel édifice d’iniquité; mais par où l’entamera-t-elle, si chaque pierre est tabou? — C’est l’affaire du temps et de l’imprimerie.

À Dieu ne plaise que je veuille ébranler ici ces croyances consolantes qui relient cette vie d’épreuves à une vie de félicités! Mais qu’on ait abusé de l’irrésistible pente qui nous entraîne vers elles, c’est ce que personne, pas même le chef de la chrétienté, ne pourrait contester. Il y a, ce me semble, un signe pour reconnaître si un peuple est dupe ou ne l’est pas. Examinez la Religion et le prêtre; examinez si le prêtre est l’instrument de la Religion, ou si la Religion est l’instrument du prêtre.

Si le prêtre est l’instrument de la Religion, s’il ne songe qu’à étendre sur la terre sa morale et ses bienfaits, il sera doux, tolérant, humble, charitable, plein de zèle; sa vie reflétera celle de son divin modèle; il prêchera la liberté et l’égalité parmi les hommes, la paix et la fraternité entre les nations; il repoussera les séductions de la puissance temporelle, ne voulant pas faire alliance avec ce qui a le plus besoin de frein en ce monde; il sera l’homme du peuple, l’homme des bons conseils et des douces consolations, l’homme de l’Opinion, l’homme de l’Evangile.

Si, au contraire, la Religion est l’instrument du prêtre, il la traitera comme on traite un instrument qu’on altère, qu’on plie, qu’on retourne en toutes façons, de manière à en tirer le plus grand avantage pour soi. Il multipliera les questions tabou; sa morale sera flexible comme les temps, les hommes et les circonstances. Il cherchera à en imposer par des gestes et des attitudes étudiés; il marmottera cent fois par jour des mots dont le sens sera évaporé, et qui ne seront plus qu’un vain conventionalisme. Il trafiquera des choses saintes, mais tout juste assez pour ne pas ébranler la foi en leur sainteté, et il aura soin que le trafic soit d’autant moins ostensiblement actif que le peuple est plus clairvoyant. Il se mêlera des intrigues de la terre; il se mettra toujours du côté des puissants à la seule condition que les puissants se mettront de son côté. En un mot, dans tous ses actes, on reconnaîtra qu’il ne veut pas faire avancer la Religion par le clergé, mais le clergé par la Religion; et comme tant d’efforts supposent un but, comme ce but, dans cette hypothèse, ne peut être autre que la puissance et la richesse, le signe définitif que le peuple est dupe, c’est quand le prêtre est riche et puissant.

Il est bien évident qu’on peut abuser d’une Religion vraie comme d’une Religion fausse. Plus même son autorité est respectable, plus il est à craindre qu’on ne pousse loin l’épreuve. Mais il y a bien de la différence dans les résultats. L’abus insurge toujours une partie saine, éclairée, indépendante d’un peuple. Il ne se peut pas que la foi n’en soit ébranlée, et l’affaiblissement d’une religion vraie est bien autrement funeste que l’ébranlement d’une Religion fausse.

La Spoliation par ce procédé et la clairvoyance d’un peuple sont toujours en proportion inverse l’une de l’autre, car il est de la nature des abus d’aller tant qu’ils trouvent du chemin. Non qu’au milieu de la population la plus ignorante, il ne se rencontre des prêtres purs et dévoués, mais comment empêcher la fourbe de revêtir la soutane et l’ambition de ceindre la mitre? Les spoliateurs obéissent à la loi malthusienne: ils multiplient comme les moyens d’existence; et les moyens d’existence des fourbes, c’est la crédulité de leurs dupes. On a beau chercher, on trouve toujours qu’il faut que l’Opinion s’éclaire. Il n’y a pas d’autre Panacée.

Une autre variété de Spoliation par la ruse s’appelle fraude commerciale, nom qui me semble beaucoup trop restreint, car ne s’en rend pas coupable seulement le marchand qui altère la denrée ou raccourcit son mètre, mais aussi le médecin qui se fait payer des conseils funestes, l’avocat qui embrouille les procès, etc. Dans l’échange entre deux services, l’un est de mauvais aloi; mais ici, le service reçu étant toujours préalablement et volontairement agréé, il est clair que la Spoliation de cette espèce doit reculer à mesure que la clairvoyance publique avance.

Vient ensuite l’abus des services publics, champ immense de Spoliation tellement immense que nous ne pouvons y jeter qu’un coup d’œil.

Si Dieu avait fait de l’homme un animal solitaire, chacun travaillerait pour soi. La richesse individuelle serait en proportion des services que chacun se rendrait à soi-même.

Mais l’homme étant sociable, les services s’échangent les uns contre les autres, proposition que vous pouvez, si cela vous convient, construire à rebours.

Il y a dans la société des besoins tellement généraux, tellement universels, que ses membres y pourvoient en organisant des services publics. Tel est le besoin de la sécurité. On se concerte, on se cotise pour rémunérer en services divers ceux qui rendent le service de veiller à la sécurité commune.

Il n’y a rien là qui soit en dehors de l’Economie politique: Fais ceci pour moi, je ferai cela pour toi. L’essence de la transaction est la même, le procédé rémunératoire seul est différent; mais cette circonstance a une grande portée.

Dans les transactions ordinaires chacun reste juge soit du service qu’il reçoit, soit du service qu’il rend. Il peut toujours ou refuser l’échange ou le faire ailleurs, d’où la nécessité de n’apporter sur le marché que des services qui se feront volontairement agréer.

Il n’en est pas ainsi avec l’État, surtout avant l’avènement des gouvernements représentatifs. Que nous ayons ou non besoin de ses services, qu’ils soient de bon ou de mauvais aloi, il nous faut toujours les accepter tels qu’il les fournit et les payer au prix qu’il y met.

Or, c’est la tendance de tous les hommes de voir par le petit bout de la lunette les services qu’ils rendent, et par le gros bout les services qu’ils reçoivent; et les choses iraient bon train si nous n’avions pas, dans les transactions privées, la garantie du prix débattu.

Cette garantie, nous ne l’avons pas ou nous ne l’avons guère dans les transactions publiques. — Et cependant, l’État, composé d’hommes (quoique de nos jours on insinue le contraire), obéit à l’universelle tendance. Il veut nous servir beaucoup, nous servir plus que nous ne voulons, et nous faire agréer comme service vrai ce qui est quelquefois loin de l’être, et cela, pour nous imposer en retour des services ou contributions.

L’État aussi est soumis à la loi malthusienne. Il tend à dépasser le niveau de ses moyens d’existence, il grossit en proportion de ces moyens, et ce qui le fait exister c’est la substance des peuples. Malheur donc aux peuples qui ne savent pas limiter la sphère d’action de l’État. Liberté, activité privée, richesse, bien-être, indépendance, dignité, tout y passera.

Car il y a une circonstance qu’il faut remarquer, c’est celle-ci: Parmi les services que nous demandons à l’État, le principal est la sécurité. Pour nous la garantir, il faut qu’il dispose d’une force capable de vaincre toutes les forces, particulières ou collectives, intérieures ou extérieures, qui pourraient la compromettre. Combinée avec cette fâcheuse disposition que nous remarquons dans les hommes à vivre aux dépens des autres, il y a là un danger qui saute aux yeux.

Aussi, voyez sur quelle immense échelle, depuis les temps historiques, s’est exercée la Spoliation par abus et excès du gouvernement? Qu’on se demande quels services ont rendus aux populations et quels services en ont retirés les pouvoirs publics chez les Assyriens, les Babyloniens, les Egyptiens, les Romains, les Persans, les Turcs, les Chinois, les Russes, les Anglais, les Espagnols, les Français? L’imagination s’effraie devant cette énorme disproportion.

Enfin, on a inventé le gouvernement représentatif et, à priori, on aurait pu croire que le désordre allait cesser comme par enchantement.

En effet, le principe de ces gouvernements est celui-ci: « La population elle-même, par ses représentants, décidera la nature et l’étendue des fonctions qu’elle juge à propos de constituer en services publics, et la quotité de la rémunération qu’elle entend attacher à ces services. »

La tendance à s’emparer du bien d’autrui et la tendance à défendre son bien étaient ainsi mises en présence. On devait penser que la seconde surmonterait la première.

Certes, je suis convaincu que la chose réussira à la longue. Mais il faut bien avouer que jusqu’ici elle n’a pas réussi.

Pourquoi? par deux motifs bien simples: les gouvernements ont eu trop, et les populations pas assez de sagacité.

Les gouvernements sont fort habiles. Ils agissent avec méthode, avec suite, sur un plan bien combiné et constamment perfectionné par la tradition et l’expérience. Ils étudient les hommes et leurs passions. S’ils reconnaissent, par exemple, qu’ils ont l’instinct de la guerre, ils attisent, ils excitent ce funeste penchant. Ils environnent la nation de dangers par l’action de la diplomatie, et tout naturellement ensuite, ils lui demandent des soldats, des marins, des arsenaux, des fortifications: souvent même ils n’ont que la peine de les laisser offrir; alors ils ont des grades, des pensions et des places à distribuer. Pour cela, il faut beaucoup d’argent; les impôts et les emprunts sont là.

Si la nation est généreuse, ils s’offrent à guérir tous les maux de l’humanité. Ils relèveront, disent-ils, le commerce, feront prospérer l’agriculture, développeront les fabriques, encourageront les lettres et les arts, extirperont la misère, etc., etc. Il ne s’agit que de créer des fonctions et payer des fonctionnaires.

En un mot, la tactique consiste à présenter comme services effectifs ce qui n’est qu’entraves; alors la nation paie non pour être servie, mais desservie. Les gouvernements, prenant des proportions gigantesques, finissent par absorber la moitié de tous les revenus. Et le peuple s’étonne de travailler autant, d’entendre annoncer des inventions merveilleuses qui doivent multiplier à l’infini les produits et… d’être toujours Gros-Jean comme devant.

C’est que, pendant que le gouvernement déploie tant d’habileté, le peuple n’en montre guère. Ainsi, appelé à choisir ses chargés de pouvoirs, ceux qui doivent déterminer la sphère et la rémunération de l’action gouvernementale, qui choisit-il? Les agents du gouvernement. Il charge le pouvoir exécutif de fixer lui-même la limite de son activité et de ses exigences. Il fait comme le Bourgeois gentilhomme, qui, pour le choix et le nombre de ses habits, s’en remet… à son tailleur [5].

Cependant les choses vont de mal en pis, et le peuple ouvre enfin les yeux, non sur le remède (il n’en est pas là encore), mais sur le mal.

Gouverner est un métier si doux que tout le monde y aspire. Aussi les conseillers du peuple ne cessent de lui dire: Nous voyons tes souffrances et nous les déplorons. Il en serait autrement si nous te gouvernions.

Cette période, qui est ordinairement fort longue, est celle des rébellions et des émeutes. Quand le peuple est vaincu, les frais de la guerre s’ajoutent à ses charges. Quand il est vainqueur, le personnel gouvernemental change et les abus restent.

Et cela dure jusqu’à ce qu’enfin le peuple apprenne à connaître et à défendre ses vrais intérêts. Nous arrivons donc toujours à ceci: Il n’y a de ressource que dans le progrès de la Raison publique.

Certaines nations paraissent merveilleusement disposées à devenir la proie de la Spoliation gouvernementale. Ce sont celles où les hommes, ne tenant aucun compte de leur propre dignité et de leur propre énergie, se croiraient perdus s’ils n’étaient administrés et gouvernés en toutes choses. Sans avoir beaucoup voyagé, j’ai vu des pays où l’on pense que l’agriculture ne peut faire aucun progrès si l’État n’entretient des fermes expérimentales; qu’il n’y aura bientôt plus de chevaux, si l’État n’a pas de haras; que les pères ne feront pas élever leurs enfants ou ne leur feront enseigner que des choses immorales, si l’État ne décide pas ce qu’il est bon d’apprendre, etc., etc. Dans un tel pays, les révolutions peuvent se succéder rapidement, les gouvernants tomber les uns sur les autres. Mais les gouvernés n’en seront pas moins gouvernés à merci et miséricorde (car la disposition que je signale ici est l’étoffe même dont les gouvernements sont faits), jusqu’à ce qu’enfin le peuple s’aperçoive qu’il vaut mieux laisser le plus grand nombre possible de services dans la catégorie de ceux que les parties intéressées échangent à prix débattu [6].

Nous avons vu que la société est échange des services. Elle ne devrait être qu’échange de bons et loyaux services. Mais nous avons constaté aussi que les hommes avaient un grand intérêt et, par suite, une pente irrésistible à exagérer la valeur relative des services qu’ils rendent. Et véritablement, je ne puis apercevoir d’autre limite à cette prétention que la libre acceptation ou le libre refus de ceux à qui ces services sont offerts.

De là il arrive que certains hommes ont recours à la loi pour qu’elle diminue chez les autres les naturelles prérogatives de cette liberté. Ce genre de spoliation s’appelle Privilége ou Monopole. Marquons-en bien l’origine et le caractère.

Chacun sait que les services qu’il apporte dans le marché général y seront d’autant plus appréciés et rémunérés qu’ils y seront plus rares. Chacun implorera donc l’intervention de la loi pour éloigner du marché tous ceux qui viennent y offrir des services analogues, — ou, ce qui revient au même, si le concours d’un instrument est indispensable pour que le service soit rendu, il en demandera à la loi la possession exclusive [7].

Cette variété de Spoliation étant l’objet principal de ce volume, j’en dirai peu de chose ici, et me bornerai à une remarque.

Quand le monopole est un fait isolé, il ne manque pas d’enrichir celui que la loi en a investi. Il peut arriver alors que chaque classe de travailleurs, au lieu de poursuivre la chute de ce monopole, réclame pour elle-même un monopole semblable. Cette nature de Spoliation, ainsi réduite en système, devient alors la plus ridicule des mystifications pour tout le monde, et le résultat définitif est que chacun croit retirer plus d’un marché général appauvri de tout.

Il n’est pas nécessaire d’ajouter que ce singulier régime introduit en outre un antagonisme universel entre toutes les classes, toutes les professions, tous les peuples; qu’il exige une interférence constante, mais toujours incertaine de l’action gouvernementale; qu’il abonde ainsi dans le sens des abus qui font l’objet du précédent paragraphe; qu’il place toutes les industries dans une insécurité irrémédiable, et qu’il accoutume les hommes à mettre sur la loi, et non sur eux-mêmes, la responsabilité de leur propre existence. Il serait difficile d’imaginer une cause plus active de perturbation sociale [8].

Justification.

On dira: « Pourquoi ce vilain mot: Spoliation? Outre qu’il est grossier, il blesse, il irrite, il tourne contre vous les hommes calmes et modérés, il envenime la lutte. »

Je le déclare hautement, je respecte les personnes; je crois à la sincérité de presque tous les partisans de la Protection; et je ne me reconnais le droit de suspecter la probité personnelle, la délicatesse, la philanthropie de qui que ce soit. Je répète encore que la Protection est l’œuvre, l’œuvre funeste, d’une commune erreur dont tout le monde, ou du moins la grande majorité, est à la fois victime et complice. — Après cela je ne puis pas empêcher que les choses ne soient ce qu’elles sont.

Qu’on se figure une espèce de Diogène mettant la tête hors de son tonneau, et disant: « Athéniens, vous vous faites servir par des esclaves. N’avez-vous jamais pensé que vous exerciez sur vos frères la plus inique des spoliations? »

Ou encore, un tribun parlant ainsi dans le Forum: « Romains, vous avez fondé tous vos moyens d’existence sur le pillage successif de tous les peuples. »

Certes, ils ne feraient qu’exprimer une vérité incontestable. Faudrait-il en conclure qu’Athènes et Rome n’étaient habitées que par de malhonnêtes gens? que Socrate et Platon, Caton et Cincinnatus étaient des personnages méprisables?

Qui pourrait avoir une telle pensée? Mais ces grands hommes vivaient dans un milieu qui leur ôtait la conscience de leur injustice. On sait qu’Aristote ne pouvait pas même se faire l’idée qu’une société pût exister sans esclavage.

Dans les temps modernes, l’esclavage a vécu jusqu’à nos jours sans exciter beaucoup de scrupules dans l’âme des planteurs. Des armées ont servi d’instrument à de grandes conquêtes, c’est-à-dire à de grandes spoliations. Est-ce à dire qu’elles ne fourmillent pas de soldats et d’officiers, personnellement aussi délicats, plus délicats peut-être qu’on ne l’est généralement dans les carrières industrielles; d’hommes à qui la pensée seule d’un vol ferait monter le rouge au front, et qui affronteraient mille morts plutôt que de descendre à une bassesse?

Ce qui est blâmable ce ne sont pas les individus, mais le mouvement général qui les entraîne et les aveugle, mouvement dont la société entière est coupable.

II en est ainsi du Monopole. J’accuse le système, et non point les individus; la société en masse, et non tel ou tel de ses membres. Si les plus grands philosophes ont pu se faire illusion sur l’iniquité de l’esclavage, à combien plus forte raison des agriculteurs et des fabricants peuvent-ils se tromper sur la nature et les effets du régime restrictif?

Notes

[1]: La seconde série des Sophismes économiques, dont plusieurs chapitres avaient figuré dans le Journal des Économistes et le journal le Libre Echange, parut à la fin de janvier 1848. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

[2]: La seconde série des Sophismes économiques portait en exergue avant le premier chapitre la citation suivante:

La requête de l’industrie au gouvernement est aussi modeste que celle de Diogène à Alexandre: Ote-toi de mon soleil. (Bentham.)

(Note de l’éditeur de Bastiat.org.)

[3]: Voir au tome VI, les chapitres XVIII, XIX, XXII, et XXIV pour les développements projetés et commencés par l’auteur sur les Causes perturbatrices de l’harmonie des lois naturelles. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

[4]: Voy., tome I, la lettre adressée au président du Congrès de la paix à Francfort. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

[5]: Voy., au tome 1, la lettre adressée à M. Larnac, et au tome V, les Incompatibilités parlementaires. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

[6]: Voir au présent tome, l’État, la Loi, et au tome VI, le chapitre XVII Services privés et services publics. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

[7]: Pour la distinction entre les monopoles véritables et ce qu’on a nommé les monopoles naturels, voir, au chapitre 5 du tome VI, la note qui accompagne l’exposé de la doctrine d’Adam Smith sur la valeur. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

[8]: Cette cause de perturbation, l’auteur devait bientôt assister à son développement et la combattre avec énergie. Voir ci-après l’État, puis, au tome II, Funestes illusions et, au tome VI, les dernières pages du chapitre 4. (Note de l’éditeur de l’édition originale.)

Extrait de l’édition originale en 7 volumes (1863) des œuvres complètes de Frédéric Bastiat, tome IV, Sophismes Économiques, seconde série, chapitre I, Physiologie de la Spoliation, pp. 127-148

Numérisé par Krylenko, relu et édité par François-René Rideau pour Bastiat.org.

Bastiat.org Le Libéralisme, le vrai Un site par François-René Rideau

Voir également:

La geste sarkozienne

P.Lefebvre & L.Messika

Primo

21-04-2012

Avec ce Président, rien n’aura été épargné au peuple français.

Le démantèlement de l’image présidentielle, du président-monarque à laquelle nous avaient habitués de Gaulle puis Mitterrand, a été sinon volontaire, du moins assumée par Sarkozy.

Il pensait le peuple mûr pour un rapport moins protocolaire au pouvoir. Il s’est trompé.

C’était sans compter sur la nostalgie française pour la monarchie : ce peuple n’aime rien tant qu’à adorer les rois pour ensuite, éventuellement, leur trancher le cou.

À l’inverse, rien n’aura été épargné non plus à l’actuel locataire de l’Élysée.

Depuis 2007, le Tout Sauf Sarkozy (TSS) aura superbement fonctionné, réunissant les extrêmes de tous bords dans une ivresse de haine à coups de bassesses que n’aurait pas renié “Je-suis-partout”.

Sa proximité idéologique avec les USA, son amitié assumée avec Israël, sa compréhension de la société civile traduite en connivence avec les grands patrons, n’auront pas été pour rien dans le rejet qu’il suscite actuellement.

Les milieux de la gauche bien pensante et simplement pensante, de l’Education Populaire et des syndicats au petit monde des journalistes militants lui auront bien fait payer ces trois défauts pour eux majeurs.

C’est à qui dénoncera le plus fort la concentration des pouvoirs aux mains d’un même homme. Mais c’est ignorer le poids réel que pèse un Président sur les réalités mondiales.

Concentration des pouvoirs ?

Le président avait la majorité absolue à l’Assemblée et au Sénat en 2007. Quand ce n’est pas la gauche qui bénéficie de cette unanimité, c’est considéré, au pays de Liberté-Egalité-Absurdité comme un crime inexpiable.

Parlons simplement du pouvoir médiatique.

Jamais président n’aura eu à affronter autant la haine, le mépris et les moqueries que Nicolas Sarkozy.

Même ceux qui, la bouche en cul-de-poule, affirmaient qu’il ne faut pas se moquer du physique, digressaient à l’envi sur sa petite taille.

Gageons que son successeur putatif n’aura pas à subir les affres de cette pratique, lui qui le dépasse de trois bons centimètres.

Des interdits ont été franchis avec allégresse. Tant mieux pour une démocratie plus éclairée, plus consciente.

Le malheur est que, dans le même temps, nous sommes parvenus au sommet d’une déliquescence citoyenne. Notre société est minée en une lente érosion par plus de 40 années de corporatismes, d’égoïsmes voulus, ardemment désirés par les Français de toutes origines sociales.

Les effets de cette déliquescence se combinent avec l’arrivée logique de la fin d’un cycle (Cf.supra).

Ce que la presse affirme n’est plus accueilli avec recul. Les opinions de nos verbeux sont considérées comme des faits avérés, les rumeurs prennent le pas sur l’information. Les tentatives d’explications passent alors pour de laborieuses tentatives de justifications a posteriori.

La nomination des présidents de chaînes de télévision a été interprétée comme une reprise en main de la presse par le pouvoir.

C’est vouloir oublier un peu vite la seule fois où un président de la télévision française avait été nommé contre la volonté du président de la République, à l’époque François Mitterrand. Ce président avait été poussé à la démission par des pratiques que la justice sanctionne aujourd’hui au titre du harcèlement moral (Philippe Guilhaume).

La presse godillot, tant moquée par les médias étrangers, aurait, dit-on, connu sous Sarkozy son heure de gloire.

La presse française, avec l’unanimité d’un corporatisme primant sur toute autre considération, s’indigne de la toute puissance de Sarkozy sur les médias. Ah bon ?

Mais s’il avait la haute main sur la presse, comment expliquer le déchaînement de critiques qu’il a subi durant cinq ans, médias publics ou hautement capitalistiques confondus ?

À moins de faire preuve d’une immense mauvaise foi, l’ère Sarkozy aura été celle d’un déchaînement de la parole. Il en aura été la victime principale.

La hargne idéologique de la presse à son encontre n’aura eu d’égale que sa complaisance vis-à-vis des secrets plus ou moins honteux d’un Mitterrand faisant vivre sa famille adultère aux frais du contribuable ou d’un Strauss-Kahn dont “tout le monde” (comprendre la jet-set journalistique) savait qu’il souffrait d’une grave addiction débouchant parfois sur des actes à la limite du répréhensible.

Cela ne peut pas avoir de rapport avec le fait que 95% des journalistes français se déclarent de gauche ou d’extrême gauche: ils sont journalistes, donc objectifs ! Ce doit donc être le fait d’une coïncidence…

Si le peu d’empressement des journalistes français à poser les questions gênantes a souvent été dénoncé, les explications à cette timidité n’ont, semble-t-il, pas mérité que l’on s’interroge plus avant.

Les correspondants américains, scandinaves et britanniques, par exemple, moquent souvent cette soumission médiatique au pouvoir en place. Ils ont tort car il s’agit d’une lâcheté générale et non d’un parti pris en faveur des puissants.

Ne pas poser de questions qui fâchent à un homme politique pour éviter de se voir interdire l’entrée aux sauteries du clan n’empêche pas de dire les pires horreurs sur son compte s’il a le malheur de ne pas être du même bord politique que le journaliste.

Les journalistes français sont d’abord des militants.

Ils ont la maîtrise absolue des canaux de diffusion de l’information et ils l’utilisent exclusivement pour diffuser les informations qui vont dans le sens de leur idéologie.

Les confrères étrangers de nos médiabobo ont l’habitude d’obtenir des réponses quand ils posent des questions. Mais ils ont aussi l’habitude de ne pas confondre faits et commentaires.

En France, il n’y a plus rien à confondre: les faits sont carrément exclus lorsqu’ils ne correspondent pas aux commentaires que souhaitent faire les journalistes !

Les petites affaires et les grandes

Reste que ce quinquennat aura été marqué par des affaires dont la société se serait bien passée. Certains scandales sont avérés, d’autres révèlent une hystérie anti-sarkozienne quasi maladive.

Le Fouquet ? Un cadre du parti Europe Ecologie-Les Verts, désormais sénateur, a ses habitudes dans un restaurant autrement plus onéreux.

Qui le relève, mis à part l’indispensable Canard Enchainé ?

L’enrichissement ? Sarkozy a déclaré son patrimoine à son entrée en fonction et il y a fort à parier qu’il n’aura pas beaucoup évolué à la hausse pendant ses cinq ans de mandat.

Pour Mélenchon, on ne sait pas: il refuse de divulguer cette information top secrète, celui qui n’aime pas les riches et envisage de leur faire rendre gorge.

Les autres challengers de Sarkozy ne sont pas vraiment à plaindre non plus. Ils sont, au contraire de la majorité des Français, à l’abri du besoin, eux et leur descendance.

Ils ont beau déclarer ne pas aimer les riches, ils en font partie, eux, leurs SCI et leurs biens immobiliers.

Et eux aussi ont voté, par une nuit sans lune, un projet de loi leur permettant de devenir avocats sans en passer le diplôme. Il ne faut jamais insulter l’avenir, surtout quand on a les moyens législatifs de l’influencer.

L’une des principales adversaires de Sarkozy, Marine Le Pen, prétend défendre le peuple. Elle s’est engagé dans ce combat moins par amour de la France que pour continuer à faire fructifier l’héritage financier de Papa.

La politique est une rente. Et une rente qui rapporte. À ce niveau-là, il n’y a plus d’honnêteté, encore moins de convictions. Il n’y a que des intérêts.

L’exemple de Karachi

Les mêmes médias qui hurlaient à la reprise en main de leurs lignes éditoriales ont fortement suggéré l’hypothèse de la responsabilité de l’actuel Président dans l’explosion du bus de Karachi.

Sans porter atteinte à la douleur des familles des ingénieurs français, est-il incorrect de dire que les coupables principaux demeurent ceux qui ont posé la bombe et non ceux qui ont stoppé ou détourné le versement de rétro commissions ?

Certes, ces pratiques de captation financière sont inacceptables dans une démocratie. Mais ce dont il est question ici est le déplacement du statut de coupable.

En cette affaire, le summum de l’indigence journalistique a été atteint.

Il est plus valorisant, et surtout moins dangereux pour la santé, d’accuser plutôt que de remettre en cause les accointances des milieux islamo-affairistes avec les services secrets pakistanais.

De piteuses interventions

Le Président a ordonné le rapatriement en France de son fils atteint d’une simple gastro-entérite.

Mais il faut avoir la mémoire courte pour oublier que le contribuable français a financé durant des années l’entretien et le logement de la fille cachée de François Mitterrand ainsi que les déplacements en hélicoptère de son père pour aller la voir ou l’emmener à Latché.

Les détestables habitudes ne sont l’apanage d’aucun camp.

Il a perdu son sang-froid et insulté quelques adversaires et syndicalistes. La belle affaire ! En sont-ils morts ?

Pour autant, un Président de la République ne dit pas à un marin pêcheur « descend me le dire en face si t’es un homme » lorsqu’il est entouré de dizaines de gardes du corps. Cela ne fait pas honneur à la fonction.

Ces petites saillies, bien peu importantes en vérité, ont jeté un voile sur un ensemble d’actions qui doivent être portées à son crédit.

Aux sociologues Bourdieuïsants qui se demandent « de quoi Sarkozy est-il le nom ? », d’autres répondent « dictature » et « fait du Prince ». L’explication est un peu trop aisée pour être crédible.

Alors, la crise ?

Toutes les nations sont soumises à des cycles prospérité-crise qui s’étendent sur plusieurs dizaines d’années et ce, quel que soit le système politique en place.

Lorsque François Hollande clame que « le changement, c’est maintenant », il a tout à fait raison.

Il oublie de dire que ce changement aurait eu lieu de toute manière. Et il ne se produira pas comme il le promet aux Français.

Notre faillite est certes le produit de gigantesques manœuvres spéculatives du capitalisme financiarisé mais cette causalité reste marginale, n’en déplaise aux idéologues, tribuns et autres prophètes professionnels.

Elle demeure surtout le résultat d’une lente évolution démographique et sociétale qui nous a amené des Trente glorieuses aux Trente Piteuses dans lesquelles nous vivons actuellement.

Cette évolution nous mènera peut-être vers un nouveau modèle de société. Mais ce ne sera pas sans soubresauts dont certains seront meurtriers.

Le scrutin de ces 15 prochains jours ne sera pas significatif. S’il est battu, Sarkozy le sera plus par rejet de sa personne que par conviction et adhésion à une autre manière de concevoir la politique.

L’immaturité politique des Français sera alors patente. Car ce qui se produit en France est le résultat de conjonctions qui dépassent amplement les simples querelles politiciennes nationales.

Sarkozy a failli à ses promesses. Il était surtout incapable de les tenir, non par manque de compétence ou de volonté, mais parce que la réalité du monde l’a rattrapé.

Aller « chercher la croissance avec les dents s’il le faut » procède certes d’une louable intention. Mais la marge de manœuvre pour la conduite d’un pays reste, droite ou gauche, d’au mieux 0.5 %.

Quel que soit le président élu le 7 mai, il n’y aura aucune période de grâce. Il faut oublier les 100 jours auxquels nous nous étions confortablement habitués.

Le temps s’accélère et la gestion politique d’un pays s’accommode mal de la précipitation.

Mais cette même recherche d’immédiateté est, paradoxalement, la principale revendication des électeurs et des spéculateurs, faisant pour une fois cause commune.

 Il faut au moins une dizaine d’années pour mesurer les effets bénéfiques d’une quelconque politique publique mais il faut moins d’une semaine pour déclarer un Etat en faillite.

Le SMIC à 1700 euros et la retraite à 60 ans, les 15 000 emplois par an dans l’Education nationale pendant 5 ans et les 150 000 « emplois d’avenir » sont autant de promesses parfaitement intenables mais dont la mise en œuvre est attendue dès juin.

L’automne sera sanglant pour cause de promesses non tenues.

Il conviendrait plutôt de considérer l’avenir en termes de génération, ce qui est impossible pour une société qui a oublié l’Histoire et le nécessaire recul en privilégiant le « Tout, tout de suite ».

Cet axiome érigé en méthode de gouvernement depuis les années soixante a définitivement vécu et conduira à une faillite encore plus douloureuse, dangereuse.

Les renonciations de Sarkozy sont à situer dans l’ivresse du pouvoir immédiat et la volonté de séduire au détriment du lien social, du « vivre ensemble » et de la solidarité. Un président de gauche ne fera pas mieux.

Si le scrutin vient confirmer les sondages, la concentration des pouvoirs sera unique dans l’Histoire de la Cinquième République. La gauche aura l’exécutif, le Parlement, et gérera la quasi totalité des collectivités territoriales. Mais il ne se trouvera aucun journaliste pour s’en indigner.

Les effets de traîne des années fastes, l’argent facile, les avantages acquis, les conventions collectives, la protection sociale éclateront comme autant de bulles sans que personne ne puisse rien y faire sinon à compter les corps.

La gestion de la dette s’imposera à tous

Les plus faibles paieront cher, comme jamais ils n’ont payé depuis la fin du 19° siècle. Ruinés, aux abois, affamés, ils confieront le pouvoir aux démagogues, d’extrême droite ou gauche.

Le populisme deviendra l’unique méthode de gouvernance, comme il a été le principal moteur de la campagne.

Avec ses effets induits, à savoir une violence intergénérationnelle de plus en plus sauvage, le repli sur soi et la recherche effrénée et hystérique de boucs émissaires.

La bulle principale, celle qui nous enserre depuis cette trop longue campagne du fait des Primaires PS, est sur le point d’éclater.

La France insouciante va devoir absorber de plein fouet un choc autrement plus violent que ceux de ces cinq dernières années.

Mais Sarkozy ne sera plus là pour servir de repoussoir.

Voir par ailleurs:

France’s Fairy-Tale Election

The candidates are debating everything but the real problems.

 The WSJ

April 19, 2012

The French head to the polls Sunday for the first round of Presidential voting, but you wouldn’t know the candidates were competing in Europe’s most important election since the start of its economic crisis. Five years ago, Nicolas Sarkozy won by telling his fellow Frenchmen rude truths about the need for growth, job creation and competition in a global economy. This time around, the contenders for the Elysée Palace—including Mr. Sarkozy—are in one way or another running on fairy tales. No wonder markets are nervous.

***

The French economy is in a severe, if not yet acute, crisis. France’s public debt, at 90% of GDP, is larger than Spain’s and approaches Ireland’s. French growth has been stagnant for five years. Unit labor costs have risen steadily for more than a decade, and high unemployment has become chronic. A quarter of French youth are jobless.

Many European governments are confronting variations on these grim themes, and the most recent elections in Spain, Portugal and Ireland have turned on candidates’ (stated) commitment to reform and recovery. Not so in France, where the Presidential contenders, when they haven’t been ignoring economic issues, sound like they’re vying to lead a version of their country that exists only in the minds of the romantic left.

Nicolas Sarkozy, the center-right incumbent, is proposing to shrink the budget deficit by raising taxes in the name of « solidarity. » On top of his already-passed hikes in corporate and personal income taxes, and his 4% surcharge on high incomes, Mr. Sarkozy also promises an « exit tax » on French citizens who move abroad, presumably to make up for the revenue that goes missing when all those new levies impel high earners to leave the country.

As for the reforms on the lips of every other policy maker in Europe, Mr. Sarkozy makes some of the right noises but won’t even go as far as the (mostly broken) promises he made in 2007. In a 32-point plan issued this month, he offers some labor reform but more proposals that are vague (creating a « youth bank » for enterprising young people) or off-point (promoting French language and the values of the Republic).

Mr. Sarkozy proposes reducing payroll charges paid by employers but would make up for it by increasing VAT and taxes on investment income. This assumes there will be investment income left in France once Mr. Sarkozy’s financial-transactions tax goes into effect in August.

Mr. Sarkozy’s campaign is particularly disappointing compared to the one five years ago. Promising a « rupture » with France’s old ways, he told voters in 2007 that they could no longer afford a sprawling state that coddled its workers and drove away entrepreneurs. Yet this year he seems content to reinforce a French model that’s even more broken than before. If Mr. Sarkozy retakes the Elysée next month, he will have done so by turning his back on the center-right resurgence that he once led to victory.

The President’s Socialist rival is a throwback of a different sort. François Hollande’s campaign has adopted a fiery old-left style that most had taken for dead after the Socialists’ 2007 defeat. All of Mr. Hollande’s major economic policy plans have roots in a punitive populism that would make U.S. Congressional class warriors blush. According to the latest polls, he leads Mr. Sarkozy 29%-24% in the first-round vote and by an even wider margin in the likely runoff.

Mr. Hollande says he’s « not dangerous » to the wealthy—he merely wants to confiscate 75% of their income over €1 million, and 45% over €150,000. He is, however, a self-avowed « enemy » of the financial industry, and he plans to impose extra penalties on oil companies and financial firms. He’d also raise the dividends tax and impose a new, higher rate of VAT on luxury goods. All of this is necessary, Mr. Hollande says, to chop the massive debt that President Sarkozy has heaped upon France.

But swiping at Mr. Sarkozy’s debt record hardly makes sense when Mr. Hollande’s own spending plans would pile on still more borrowing. The Socialist candidate is playing Santa Claus, promising lavish new goodies to French voters while other euro-zone governments are pulling back.

Inside Mr. Hollande’s gift bag: 60,000 new teaching jobs, new housing subsidies and rent controls, and increased public funding for small and medium enterprises. He would raise the minimum wage to €1,700 a month and enact a new law to prevent and fight layoffs. He also promises to reverse Mr. Sarkozy’s most important domestic-policy victory: raising the retirement age to 62 from 60.

Mr. Hollande wasn’t originally the Socialists’ top choice for this year’s race. Thrust into the role after Dominique Strauss-Kahn’s sex scandals, the mild-mannered Mr. Hollande has fought to prevent his support from migrating to the Left Party’s hot-blooded candidate, Jean-Luc Mélenchon, who wants to withdraw France from NATO and proposes a 100% tax on income above €360,000. The surrealist Mr. Mélenchon began to surge in February and currently polls at around 15%.

Both Sarkozy and Hollande claim their platforms can restore the economy. Maybe—in fantasy land.

Mr. Sarkozy has had to fight off challenges from the opposite flank. The National Front’s Marine Le Pen, daughter of five-time Presidential candidate Jean-Marie Le Pen, has shed her party’s neofascist image but upholds its hard populist stance on job outsourcing, security and immigration.

Last month’s Toulouse shootings gave Mr. Sarkozy a boost on these issues, but Ms. Le Pen has proved enduringly magnetic to the young and disgruntled. She has polled at 10%-15% for months, prompting Mr. Sarkozy to stoke anti-immigrant sentiment even as France’s low birth rate and aging population are planting a demographic bomb that could set off the next fiscal crisis. One of Mr. Sarkozy’s 32 points is to cut immigration by half.

***

Both Messrs. Sarkozy and Hollande claim their economic platforms will bring back France’s triple-A credit rating, which the country lost in January. But in the fantasy land that is the present campaign, the reasons for the downgrade—and for the country’s financial woes generally—are not to be found in France’s own growth-killing policies. Rather, the candidates blame immigrants, ratings agencies, market speculators, the European Central Bank. In other words, everything but the decades of failed leadership that have put France in its current economic crisis.

Few polls give Mr. Sarkozy much of a chance if he and Mr. Hollande go head to head in a runoff on May 6. But we’ll have an early taste of where the French electorate stands from the first-round turnout, which is expected to be low compared to 2007. Five years ago, voters came out in force to choose—they were told—between modernity and decline. They picked modernity but got decline anyway.

A high abstention rate on Sunday would confirm that French voters already know that their choices this year are dismal. Not all fairy tales have a happy ending.

Voir de même:

The State

Frederic Bastiat

I wish that someone would offer a prize, not of five hundred francs, but of a million, with crosses, crowns, and ribbons, to whoever would give a good, simple, and intelligible definition of this term: the state.

What an immense service he would render to society!

The state! What is it? Where is it? What does it do? What should it do?

5.4

All that we know about it is that it is a mysterious personage, and certainly the most solicited, the most tormented, the busiest, the most advised, the most blamed, the most invoked, and the most provoked in the world.

5.5

For, sir, I do not have the honor of knowing you, but I wager ten to one that for six months you have been making utopias; and if you have been making them, I wager ten to one that you place upon the state the responsibility of realizing them.

5.6

And you, madame, I am sure that you desire from the bottom of your heart to cure all the ills of mankind, and that you would be in no wise embarrassed if the state would only lend a hand.

5.7

But alas! The unfortunate state, like Figaro, knows neither to whom to listen nor where to turn. The hundred thousand tongues of press and rostrum all cry out to it at once:

« Organize labor and the workers. »

« Root out selfishness. »

« Repress the insolence and tyranny of capital. »

« Make experiments with manure and with eggs. »

« Furrow the countryside with railroads. »

« Irrigate the plains. »

« Plant forests on the mountains. »

« Establish model farms. »

« Establish harmonious workshops. »

« Colonize Algeria. »

« Feed the babies. »

« Instruct the young. »

« Relieve the aged. »

« Send the city folk into the country. »

« Equalize the profits of all industries. »

« Lend money, without interest, to those who desire it. »

« Liberate Italy, Poland, and Hungary. »

« Improve the breed of saddle horses. »

« Encourage art; train musicians and dancers. »

« Restrict trade, and at the same time create a merchant marine. »

« Discover truth and knock a bit of sense into our heads. »

« The function of the state is to enlighten, to develop, to increase, to fortify, to spiritualize, and to sanctify the soul of a nation. »**31

5.8

« Oh, sirs, a little patience, » replies the state with a piteous air. « I shall try to satisfy you, but for that I shall need some resources. I have prepared proposals for five or six taxes, brand new and the mildest in the world. You will see how glad people will be to pay them. »

5.9

But then a great cry is raised: « Shame! Shame! Anybody can do a thing if he has the resources! Then you would not be worthy of being called the state. Far from hitting us with new taxes, we demand that you eliminate the old ones. Abolish:

« The tax on salt;

« The tax on beverages;

« The tax on letters;

« The octroi;*62

« Licenses;

« Prestations. »

5.10

In the midst of this tumult, and after the country had changed its state two or three times for not having satisfied all these demands, I tried to point out that they were contradictory. Good Lord! What was I thinking of? Could I not keep this unfortunate remark to myself?

5.11

So here I am, discredited forever; and it is now an accepted fact that I am a heartless, pitiless man, a dry philosopher, an individualist, a bourgeois—in a word, an economist of the English or American school.

5.12

Oh, pardon me, sublime writers, whom nothing stops, not even contradictions. I am wrong, no doubt, and I retract my error with all my heart. I demand nothing better, you may be sure, than that you should really have discovered outside of us a benevolent and inexhaustible being, calling itself the state, which has bread for all mouths, work for all hands, capital for all enterprises, credit for all projects, ointment for all wounds, balm for all suffering, advice for all perplexities, solutions for all problems, truths for all minds, distractions for all varieties of boredom, milk for children and wine for old age, which provides for all our needs, foresees all our desires, satisfies all our curiosity, corrects all our errors, amends all our faults, and exempts us all henceforth from the need for foresight, prudence, judgment, sagacity, experience, order, economy, temperance, and industry.

5.13

And why should I not desire it? Heaven forgive me! The more I reflect on it, the more I find how easy the whole thing is; and I, too, long to have at hand that inexhaustible source of riches and enlightenment, that universal physician, that limitless treasure, that infallible counselor, that you call the state.

5.14

Hence, I insist that it be shown to me, that it be defined, and that is why I propose that a prize be offered to the first to discover this rare bird. For, after all, it will have to be admitted that this precious discovery has not yet been made, since the people have up to now overthrown immediately everything that has presented itself under the name of the state, precisely because it has failed to fulfill the somewhat contradictory conditions of the program.

Need it be said that we may have been, in this respect, duped by one of the most bizarre illusions that has ever taken possession of the human mind?

Man is averse to pain and suffering. And yet he is condemned by nature to the suffering of privation if he does not take the pains to work for a living. He has, then, only the choice between these two evils. How arrange matters so that both may be avoided? He has found up to now and will ever find only one means: that is, to enjoy the fruits of other men’s labor; that is, to arrange matters in such a way that the pains and the satisfactions, instead of falling to each according to their natural proportion, are divided between the exploited and their exploiters, with all the pain going to the former, and all the satisfactions to the latter. This is the principle on which slavery is based, as well as plunder of any and every form: wars, acts of violence, restraints of trade, frauds, misrepresentations, etc.—monstrous abuses, but consistent with the idea that gave rise to them. One should hate and combat oppressors, but one cannot say that they are absurd.

Slavery is on its way out, thank Heaven, and our natural inclination to defend our property makes direct and outright plunder difficult. One thing, however, has remained. It is the unfortunate primitive tendency which all men have to divide their complex lot in life into two parts, shifting the pains to others and keeping the satisfactions for themselves. It remains to be seen under what new form this deplorable tendency is manifested.

The oppressor no longer acts directly by his own force on the oppressed. No, our conscience has become too fastidious for that. There are still, to be sure, the oppressor and his victim, but between them is placed an intermediary, the state, that is, the law itself. What is better fitted to silence our scruples and—what is perhaps considered even more important—to overcome all resistance? Hence, all of us, with whatever claim, under one pretext or another, address the state. We say to it: « I do not find that there is a satisfactory proportion between my enjoyments and my labor. I should like very much to take a little from the property of others to establish the desired equilibrium. But that is dangerous. Could you not make it a little easier? Could you not find me a good job in the civil service or hinder the industry of my competitors or, still better, give me an interest-free loan of the capital you have taken from its rightful owners or educate my children at the public expense or grant me incentive subsidies or assure my well-being when I shall be fifty years old? By this means I shall reach my goal in all good conscience, for the law itself will have acted for me, and I shall have all the advantages of plunder without enduring either the risks or the odium. »

As, on the one hand, it is certain that we all address some such request to the state, and, on the other hand, it is a well-established fact that the state cannot procure satisfaction for some without adding to the labor of others, while awaiting another definition of the state, I believe myself entitled to give my own here. Who knows if it will not carry off the prize? Here it is:

The state is the great fictitious entity by which everyone seeks to live at the expense of everyone else.

For, today as in the past, each of us, more or less, would like to profit from the labor of others. One does not dare to proclaim this feeling publicly, one conceals it from oneself, and then what does one do? One imagines an intermediary; one addresses the state, and each class proceeds in turn to say to it: « You, who can take fairly and honorably, take from the public and share with us. » Alas! The state is only too ready to follow such diabolical advice; for it is composed of cabinet ministers, of bureaucrats, of men, in short, who, like all men, carry in their hearts the desire, and always enthusiastically seize the opportunity, to see their wealth and influence grow. The state understands, then, very quickly the use it can make of the role the public entrusts to it. It will be the arbiter, the master, of all destinies. It will take a great deal; hence, a great deal will remain for itself. It will multiply the number of its agents; it will enlarge the scope of its prerogatives; it will end by acquiring overwhelming proportions.

But what is most noteworthy is the astonishing blindness of the public to all this. When victorious soldiers reduced the vanquished to slavery, they were barbarous, but they were not absurd. Their object was, as ours is, to live at the expense of others; but, unlike us, they attained it. What are we to think of a people who apparently do not suspect that reciprocal pillage is no less pillage because it is reciprocal; that it is no less criminal because it is carried out legally and in an orderly manner; that it adds nothing to the public welfare; that, on the contrary, it diminishes it by all that this spendthrift intermediary that we call the state costs?

And we have placed this great myth, for the edification of the people, in the Preamble of the Constitution. Here are the first words of the Preamble:

France has been constituted as a republic in order to …. raise all its citizens to an ever higher standard of morality, enlightenment, and well-being.

Thus, it is France, or the abstraction, which is to raise Frenchmen, or the realities, to a higher standard of morality, well-being, etc. Is this not to be possessed by the bizarre illusion that leads us to expect everything from another power than our own? Is this not to imply that there is, above and beyond the French people, a virtuous, enlightened, rich being who can and ought to bestow his benefits on them? Is this not to assume, and certainly most gratuitously, that there exists between France and the people of France, that is, between the synoptic, abstract term used to designate all these individuals and the individuals themselves, a father-son, guardian-ward, teacher-pupil relationship? I am well aware of the fact that we sometimes speak metaphorically of « the fatherland » or of France as a « tender mother. » But in order to expose in its full flagrance the inanity of the proposition inserted into our Constitution, it suffices to show that it can be reversed, I will not say without disadvantage, but even to advantage. Would exactness suffer if the Preamble had said:

« The French have been constituted as a republic in order to raise France to an ever higher standard of morality, enlightenment, and well-being »?

Now, what is the value of an axiom of which the subject and the object can be interchanged without disadvantage? Everyone understands the statement: « The mother will nurse the baby. » But it would be ridiculous to say: « The baby will nurse the mother. »

The Americans formed another idea of the relations of citizens to the state when they placed at the head of their Constitution these simple words:

We, the people of the United States, in order to form a more perfect union, establish justice, insure domestic tranquillity, provide for the common defense, promote the general welfare, and secure the blessings of liberty to ourselves and our posterity, do ordain, etc.

There is no mythical creation here, no abstraction from which the citizens demand everything. They expect nothing save from themselves and their own efforts.

If I have permitted myself to criticize the first words of our Constitution, it is not, as one might think, in order to deal with a mere metaphysical subtlety. I contend that this personification of the state has been in the past, and will be in the future, a fertile source of calamities and of revolutions.

Here the public, on the one side, the state on the other, are considered as two distinct entities, the latter intent on pouring down upon the former, the former having the right to claim from the latter, a veritable shower of human felicities. What must be the inevitable result?

The fact is, the state does not and cannot have one hand only. It has two hands, one to take and the other to give—in other words, the rough hand and the gentle hand. The activity of the second is necessarily subordinated to the activity of the first. Strictly speaking, the state can take and not give. We have seen this happen, and it is to be explained by the porous and absorbent nature of its hands, which always retain a part, and sometimes the whole, of what they touch. But what has never been seen, what will never be seen and cannot even be conceived, is the state giving the public more than it has taken from it. It is therefore foolish for us to take the humble attitude of beggars when we ask anything of the state. It is fundamentally impossible for it to confer a particular advantage on some of the individuals who constitute the community without inflicting a greater damage on the entire community.

It finds itself, then, placed by our demands in an obviously vicious circle.

If it withholds the boon that is demanded of it, it is accused of impotence, of ill will, of incapacity. If it tries to meet the demand, it is reduced to levying increased taxes on the people, to doing more harm than good, and to incurring, on another account, general disaffection.

Thus, we find two expectations on the part of the public, two promises on the part of the government: many benefits and no taxes. Such expectations and promises, being contradictory, are never fulfilled.

Is this not the cause of all our revolutions? For between the state, which is lavish with impossible promises, and the public, which has conceived unrealizable expectations, two classes of men intervene: the ambitious and the utopian. Their role is completely prescribed for them by the situation. It suffices for these demagogues to cry into the ears of the people: « Those in power are deceiving you; if we were in their place, we would overwhelm you with benefits and free you from taxes. »

And the people believe, and the people hope, and the people make a revolution.

Its friends are no sooner in charge of things than they are called on to make good their promises: « Give me a job, then, bread, relief, credit, education, and colonies, » say the people, « and at the same time, in keeping with your promises, deliver me from the burden of taxation. »

The new state is no less embarrassed than the old, for, when it comes to the impossible, one can, indeed, make promises, but one cannot keep them. It tries to gain time, which it needs to bring its vast projects to fruition. At first it makes a few timid attempts; on the one hand, it extends primary education a little; on the other, it reduces somewhat the tax on beverages (1830). But it is always confronted with the same contradiction: if it wishes to be philanthropic, it must continue to levy taxes; and if it renounces taxation, it must also renounce philanthropy.

These two promises always and necessarily conflict with each other. To have recourse to borrowing, that is, to eat into the future, is indeed a means of reconciling them in the present; one tries to do a little good in the present at the expense of a great deal of harm in the future. But this procedure raises the specter of bankruptcy, which destroys credit. What is to be done, then? The new state then takes a firm stand against its critics: it regroups its forces to maintain itself, it stifles opinion, it has recourse to arbitrary decrees, it ridicules its former maxims, it declares that one can govern only on condition of being unpopular; in short, it proclaims itself the government.

And this is precisely what other demagogues are waiting for. They exploit the same illusion, take the same road, obtain the same success, and soon come to be engulfed in the same abyss.

This is the way we came to the February Revolution. At that time the illusion that is the subject of this article had made its way further than ever into popular thought, along with socialist doctrines. More than ever before, people expected that the state, in a republican form, would open wide the floodgates of its bounty and close off the stream of taxes. « I have often been deceived, » said the people, « but this time I myself will stand guard to see that I am not again deceived. »

What could the provisional government do? Alas! What is always done in such a circumstance: promise and gain time. It did not fail to do this, and, to add solemnity to its promises, it gave them definitive form in its decrees. « Increased welfare, shorter working hours, relief, credit, gratuitous education, agricultural settlements, land clearance, and, at the same time, reductions in the taxes on salt, beverages, letters, meat, all will be granted …. when the National Assembly meets. »

The National Assembly met, and, as two contradictory ideas cannot both be realized, its task, its sad task, was confined to retracting, as gently as possible, one after another, all the decrees of the provisional government.

Still, in order not to make the disappointment too cruel, it had to compromise a little. Certain commitments were kept; others were fulfilled in token form. Hence, the present administration is trying to devise new taxes.

Now, looking ahead a few months, I ask myself sadly what will happen when the newly created civil servants go out into the country to collect the new taxes on inheritances, incomes, and the profits of agriculture. May Heaven give the lie to my presentiments, but here again I see a role for the demagogues to play.

Read the last Manifesto of the Montagnards*63 which they issued in connection with the presidential election. It is rather long, but can be summed up in a few words: The state should give a great deal to the citizens and take little from them. It is always the same tactic, or, if you will, the same error.

The state owes instruction and education free of charge to all citizens.

It owes:

A general and professional education, appropriate as nearly as possible to the needs, vocations, and capacities of each citizen.

It should:

Teach each citizen his duties toward God, toward men, and toward himself; develop his feelings, his aptitudes, and his faculties; give him, in short, proficiency in his work, understanding of his best interests, and knowledge of his rights

It should:

Put within everyone’s reach literature and the arts, the heritage of human thought, the treasures of the mind, all the intellectual enjoyments which elevate and strengthen the soul.

It should:

Insure against every disaster, fire, flood, etc. [how great are the implications of this little et cetera!], suffered by a citizen.

It should:

Intervene in the relations between capital and labor and make itself the regulator of credit

It owes:

Practical encouragement and efficacious protection to agriculture.

5.53

It should:

Buy up the railroads, the canals, the mines,

5.54

and undoubtedly also administer them with that industrial expertise which is so characteristic of it.

5.55

It should:

Stimulate laudable enterprises, and encourage and aid them with all the resources capable of making them succeed. As regulator of credit, it will largely control the industrial and agricultural associations, in order to assure their success.

5.56

The state is to do all this without prejudice to the services that it performs today; and, for example, it must always adopt a threatening attitude toward foreign nations; for, say the signers of the program,

linked by that holy solidarity and by the precedents of republican France, we extend our commitments and our hopes, beyond the barriers that despotism has raised between nations, on behalf of all those whom the yoke of tyranny oppresses; we desire that our glorious army be again, if it must, the army of liberty.

5.57

You see that the gentle hand of the state, that good hand which gives and which bestows, will be very busy under the government of the Montagnards. Perhaps you believe that the same will be true of the rough hand, of the hand that reaches into our pockets and empties them?

5.58

Undeceive yourselves. The demagogues would not know their business if they had not acquired the art of hiding the rough hand while showing the gentle hand.

5.59

Their reign will surely mean a jubilee for the taxpayer.

5.60

« It is on luxuries, » they say, « not necessities, that taxes should be imposed. »

5.61

Will it not be a happy day when, in order to load us with benefits, the public treasury is content to take from us just our superfluous funds?

5.62

Nor is this all. The Montagnards intend that « taxation should lose its oppressive character and should henceforth be no more than an act of fraternity. »

5.63

Heavenly days! I am well aware of the fact that it is the vogue to get fraternity in everywhere, but I did not suspect that it could be put into the receipt of the tax collector.

5.64

Getting down to details, the signers of the manifesto say:

We demand the immediate abolition of taxes that fall on objects of primary necessity, such as salt, drinks, et cetera.

Reform of the real estate tax, the octroi, and license fees.

Justice free of charge, that is, the simplification of forms and the reduction of expenses. [This no doubt has to do with official stamps.]

5.65

Thus, real estate taxes, the octroi, license fees, taxes on stamps, salt, beverages, mail—all are to be done away with. These gentlemen have found the secret of keeping the gentle hand of the state energetic and active, while paralyzing its rough hand.

5.66

Indeed! I ask the impartial reader, is this not childish and, what is more, dangerously childish? Why would people not make one revolution after another, once they had made up their minds not to stop until this contradiction had been made a reality: « Give nothing to the state, and receive a great deal from it »?

5.67

Does anyone believe that if the Montagnards came to power, they would not themselves become the victims of the very means that they employed to seize it?

5.68

Citizens, throughout history two political systems have confronted each other, and both of them can be supported by good arguments. According to one, the state should do a great deal, but also it should take a great deal. According to the other, its double action should be barely perceptible. Between these two systems, one must choose. But as for the third system, which is a mixture of the two others, and which consists in requiring everything from the state without giving anything to it, it is chimerical, absurd, childish, contradictory, and dangerous. Those who advance it in order to give themselves the pleasure of accusing all governments of impotence and exposing them thus to your violent attacks, flatter and deceive you, or at least they deceive themselves.

5.69

As for us, we think that the state is not and should not be anything else than the common police force instituted, not to be an instrument of oppression and reciprocal plunder, but, on the contrary, to guarantee to each his own and to make justice and security prevail.**32

Notes for this chapter

30.

[To understand the form of this composition, note that it was printed in the Journal des débats, issue of September 25, 1848.—Editor.]

31.

[This last phrase is from M. de Lamartine. The author cites it also in the pamphlet (chap. 2 of this volume) entitled « The Law. »—Editor.]

62.

[A local tax on certain commodities (foodstuffs, fodder, liquids, fuels, building materials, etc.) imposed as a condition of their being brought into a town or district.—Translator]

63.

[In 1848, members of the Socialist Democrat Party. The name, of course, goes back to the militant « Mountain » Party of Danton and Robespierre during the French Revolution.—Translator.]

32.

[See chap. 17 of Economic Harmonies and, in the first volume (of the French edition), the pamphlet of 1830 entitled « To the Electors of the Department of Landes. »—Editor.]

See also:

Second Series, Chapter 1

The Physiology of Plunder1*

II.1.1

Why do I keep dwelling on that dry science, political economy?

II.1.2

Why? The question is a reasonable one. All labor by its very nature is so repugnant that one has the right to ask what purpose it serves.

II.1.3

Let us investigate and see.

II.1.4

I do not address myself to those philosophers who profess to adore poverty, if not in their own name, at least in the name of mankind.

II.1.5

I speak to whoever holds wealth in some regard; and I understand by this word, not the opulence of the few, but the comfort, the well-being, the security, the independence, the education, the dignity, of all.

II.1.6

There are only two ways of obtaining the means essential to the preservation, the adornment, and the improvement of life: production and plunder.

II.1.7

Some people say: « Plunder is a fortuitous event, a purely local and transient evil, condemned by moral philosophy, punished by law, and unworthy of the attention of political economy. »

II.1.8

Yet however well disposed or optimistic one may be, one is compelled to recognize that plunder is practiced in this world on too vast a scale, that it is too much a part of all great human events, for any social science—political economy least of all—to be able to ignore it.

II.1.9

I go further. What keeps the social order from improving (at least to the extent to which it is capable of improving) is the constant endeavor of its members to live and to prosper at one another’s expense.

II.1.10

Hence, if plunder did not exist, society would be perfect, and the social sciences would be without an object.

II.1.11

I go still further. When plunder has become a way of life for a group of men living together in society, they create for themselves in the course of time a legal system that authorizes it and a moral code that glorifies it.

II.1.12

It suffices to name some of the more obvious forms of plunder to indicate the position it holds in human affairs.

II.1.13

The first is war. Among savages, the conqueror kills the conquered in order to acquire hunting rights that, if not incontestable, are at least uncontested.

II.1.14

Next is slavery. When man learns that labor can make the earth fruitful, he arranges to share with his brother on the following terms: « Yours the toil; mine the harvest. »

II.1.15

Then comes theocracy. « According as you give me, or refuse me, what is yours, I will open to you the gates of heaven or of hell. »

II.1.16

Finally, monopoly makes its appearance. Its distinguishing characteristic is to permit the continued existence of the great law of society: service for service, but to introduce force into the negotiations, and, consequently, to upset the just balance between service received and service rendered.

II.1.17

Plunder always carries within itself the germ that ultimately kills it. It is rarely that the many plunder the few; for, in such a case, the latter would promptly be so reduced in number as no longer to be capable of satisfying the greed of the former, so that plunder would come to an end from want of sustenance.

II.1.18

Almost always it is the many that are oppressed by the few; yet plunder is none the less doomed to come to an end.

II.1.19

For if it makes use of force, as in war and slavery, in the long run force will naturally pass to the side of the many.

II.1.20

And if fraud is the means, as in theocracy and monopoly, it is natural, unless intelligence is to count for nothing, that the majority should eventually become aware of it.

II.1.21

There is, besides, another providential law whose operation is no less fatal, in the end, to the success of every system of plunder: Plunder not only redistributes wealth; it always, at the same time, destroys a part of it. War annihilates many values. Slavery paralyzes many capabilities. Theocracy diverts many energies toward childish or injurious ends. Monopoly too transfers wealth from one pocket to another, but much of it is lost in the process.

II.1.22

This is an admirable law. Without it, provided that there were a balance of power between oppressors and oppressed, plunder would have no end. Thanks to this law, the balance is always tending to be upset; either because the plunderers come to realize that too much wealth is being destroyed, or, in the absence of this realization, because the evil is constantly worsening, and it is in the nature of whatever keeps on worsening to come to an end.

II.1.23

In fact, there comes a time when the progressively accelerating destruction of wealth goes so far that the plunderer is poorer than he would have been if he had remained honest. Such is the case when a war costs a nation more than the booty is worth; when a master pays more for slave labor than for free labor; when a theocracy has so stupefied the people and so sapped their energies that it can no longer exact anything from them; when a monopoly increases its efforts to absorb in proportion as there is less to absorb, just as it takes more effort to milk a cow as the udder becomes empty.

II.1.24

Monopoly is evidently a species of the genus plunder. There are several varieties—among others, sinecures, privileges, and trade restrictions.

II.1.25

Some of the forms it may assume are simple and naive, like feudal rights. Under this system the masses were plundered and knew it. The system involved the abuse of force and fell with it.

II.1.26

Other forms are more complicated. Often the masses are plundered and do not know it. It may even happen that they believe they owe everything to plunder, not only what they are allowed to keep, but also what is taken away from them and what is lost in the operation. Moreover, I assert that, in the course of time, thanks to so ingenious a mechanism as custom, many people become plunderers without knowing it and without intending it. Monopolies of this kind are engendered by fraud and nourished on error. They flourish in the darkness of ignorance and vanish only in the light of knowledge.

II.1.27

I have said enough to show that political economy has an evident practical utility. It is the torch that, by exposing fraud and dispelling error, destroys that form of social disorder called plunder. Someone—I believe a woman—has rightly defined it as « the safety lock on the savings of the people. »

Commentary

II.1.28

If this little book were fated to last three or four thousand years, to be read and reread, pondered and studied, sentence by sentence, word by word, and letter by letter, from generation to generation, like a new Koran; if it were to fill all the libraries in the world with avalanches of annotations, explanations, and paraphrases; I might abandon the foregoing remarks to their fate, without misgivings concerning their rather obscure succinctness. But since they need a commentary, I believe the wiser course is to provide it myself.

II.1.29

The true and just rule for mankind is the voluntary exchange of service for service. Plunder consists in prohibiting, by force or fraud, freedom of exchange, in order to receive a service without rendering one in return.

II.1.30

Forcible plunder is effected by waiting until a man has produced something, and then taking it from him by violence.

II.1.31

It is specifically forbidden by the Commandment: Thou shalt not steal.

II.1.32

When practiced by one individual on another, it is called theft and is punishable by imprisonment; when practiced by one nation on another, it is called conquest and leads to glory.

II.1.33

Why this difference? It is worth while to seek for the cause. It will reveal to us an irresistible power, public opinion, which, like the atmosphere, envelops us so completely that we no longer notice it. Rousseau never spoke more truly than when he said: « It takes a great deal of scientific insight to discern the facts that are closest to us. »2*

II.1.34

The thief, precisely because he acts alone, has public opinion against him. He frightens everyone about him. However, if he has a few comrades, he boasts to them about his exploits, and here one may begin to notice the power of public opinion; for it takes merely the approval of his accomplices to relieve him of the feeling that he is doing anything wrong and even to make him proud of his dishonor.

II.1.35

The warrior lives in a different world. The public opinion that vilifies him is elsewhere, in the conquered nations; he does not feel its pressure. But the opinion of those around him approves of him and sustains him. He and his comrades have a strong sense of the common interest that unites them. The fatherland, which has created enemies and dangers for itself, finds it necessary to extol the courage of its children. It bestows honors, fame, and glory on the most intrepid among them, on those who have expanded its frontiers and brought it the most loot. Poets sing their exploits, and women braid garlands for them. And such is the power of public opinion that it separates the idea of injustice from plunder and frees the plunderer of even the consciousness of having done any wrong.

II.1.36

The public opinion that reacts against military plunder, since it arises, not in the plundering nation, but among the plundered, has very little influence. Yet it is not entirely ineffectual, and it gains in importance as nations come into contact with one another and come to understand one another better. In this connection, it is evident that the study of languages and freedom of communication among different nations tend to give the prevailing influence to the opinion that opposes this sort of plunder.

II.1.37

Unfortunately, it often happens that those who live in the vicinity of a plundering nation themselves become plunderers when they can, and thenceforth become imbued with the same prejudices.

II.1.38

When this happens, there is only one remedy: time. People have to learn, through hard experience, the enormous disadvantage there is in plundering one another.

II.1.39

Some may propose another form of restraint: moral influence. But the purpose of moral influence is to encourage virtuous actions. How, then, can it restrain acts of plunder when public opinion ranks these acts among the noblest virtues? Is there a more powerful moral influence than religion? Has there ever been a religion more favorable to peace and more widely accepted than Christianity? And yet what have we witnessed for eighteen centuries? The spectacle of men warring with one another not only in spite of religion, but in the very name of religion.

II.1.40

A conquering nation is not always waging offensive warfare. It, too, falls on evil days when its soldiers find themselves obliged to defend their homes and property, their families, their national independence, and their liberty. At such times war takes on the character of a great crusade. The flag, consecrated by the ministers of the Prince of Peace, symbolizes everything that is holy on earth; people revere it as the living image of the fatherland and of the homage due to it; and martial virtues are extolled above all others. But after the danger has passed, public opinion remains the same; and by a natural reaction of that spirit of revenge which is confused with patriotism, people love to parade their cherished flag from one capital city to another. It seems that Nature has thus prepared its punishment for the aggressor.

II.1.41

It is the fear of this punishment, and not our increased knowledge, that keeps weapons in our arsenals, for it cannot be denied that the most highly civilized nations wage war and concern themselves very little about justice when they do not have to fear any reprisals. The Himalayan, the Atlas, and the Caucasus Mountains attest to this.

II.1.42

If religion has been powerless, if knowledge is powerless, how, then, is war to cease?

II.1.43

Political economy demonstrates that, even in the case of the victors, war is always waged in the interest of the few and at the expense of the many. All that is needed, then, is that the masses should clearly perceive this truth. The weight of public opinion, which is still divided, will then fall entirely on the side of peace.3*

II.1.44

Forcible plunder also takes another form. Instead of waiting until a man has produced something in order to take it away from him, the plunderer takes possession of the man himself, deprives him of his freedom, and compels him to work. The plunderer does not say to him: « If you do this for me, I shall do that for you »; but: « Yours all the toil, mine all the enjoyment. » This is slavery, which always implies the misuse of power.

II.1.45

Now, it is an important question whether it is not in the very nature of an incontestably dominant power to be misused. For my part, I put no faith in it at all, and I might just as well expect a falling stone to contain the power that will halt its fall as to rely upon force to impose restraints upon itself.

II.1.46

I should like, at least, to be shown a country or an era in which slavery was abolished by the free and voluntary action of the masters.

II.1.47

Slavery furnishes a second and striking example of the impotence of religious and humanitarian sentiments in a conflict with the powerful force of self-interest. This may seem regrettable to certain modern schools of thought that expect self-denial to be the principle that will reform society. Let them begin, then, by reforming the nature of man.

II.1.48

In the Antilles,4* the masters, from father to son, have been professing the Christian religion ever since slavery was established there. Several times a day they repeat these words: « All men are brothers; to love thy neighbor is to fulfill the whole of the law. » And yet they have slaves, and nothing seems to them more natural or legitimate. Do the modern reformers expect that their ethical principles will ever be as universally accepted, as well-known, as authoritative, or as often on the lips of everyone, as the Gospel? And if the Gospel has been unable to pass from the lips to the heart, over or through the great barrier of self-interest, how do they expect their ethical principles to perform this miracle?

II.1.49

Is slavery, then, indestructible? No. Self-interest, which created it, will destroy it, provided that the special interests that have inflicted the wound are not protected in such a way as to nullify the general interests that tend to heal it.

II.1.50

Another truth demonstrated by political economy is that free labor is essentially progressive, whereas slave labor is necessarily static. Hence, the triumph of the first over the second is inevitable. What has become of the cultivation of indigo by the Negroes?5*

II.1.51

Free labor employed in the cultivation of sugar will lead to a continual reduction in its price. The slave will become proportionately less profitable to his master. Slavery would have collapsed of its own weight long ago in America if European laws had not kept the price of sugar artificially high. Therefore we see the masters, their creditors, and their legislative representatives making vigorous efforts to keep these laws in force, for they are today the pillars of the whole edifice of slavery.

II.1.52

Unfortunately, these laws still have the support of people among whom slavery has disappeared; from this it is clear that here, too, public opinion is sovereign.

II.1.53

If it is sovereign even in the domain of force, it is still more so in the domain of fraud. This, in fact, is the domain in which public opinion is most efficacious. Fraud consists in the misuse of the intellect; public opinion becomes progressively more enlightened as men’s intellectual attainments are enlarged. These two forces are at least of the same nature. Imposture on the part of the plunderer implies credulity on the part of the plundered, and the natural antidote for credulity is truth. It follows that by enlightening men’s minds we deprive this kind of plunder of the food that nurtures it.

II.1.54

I shall briefly review some of the kinds of plunder that are carried out by fraud on a grand scale.

II.1.55

The first is plunder by theocratic fraud.

II.1.56

In what does it consist? In inducing men to give one actual services, in the form of food, clothing, luxuries, prestige, influence, and power, in exchange for fictitious services.

II.1.57

If I tell a man, « I am going to render you an immediate service, » I am obliged to keep my word; otherwise this man would soon know what to expect, and my fraud would be quickly unmasked.

II.1.58

But suppose I say to him, « In exchange for services from you, I shall confer immense services upon you, not in this world but in the next. Whether, after this life, you are to be eternally happy or wretched depends entirely upon me; I am an intermediary between God and man, and can, as I see fit, open to you the gates of heaven or of hell. » If this man believes me, he is at my mercy.

II.1.59

This sort of imposture has been widely practiced since the beginning of the world, and the extent of the power which the Egyptian priests attained by such means is well known.

II.1.60

It is easy to understand how impostors operate. It is enough to ask yourself what you would do in their place.

II.1.61

If, with designs of this sort, I were to find myself among an ignorant people, and if, by some extraordinary and apparently miraculous deed, I were to succeed in passing myself off as a supernatural being, I should profess to be a messenger from God, with absolute power to control the future destinies of men.

II.1.62

Next, I should forbid any examination of my claims. I should go further: since reason would be my most dangerous enemy, I should forbid the use of reason itself, at least as applied to this awesome subject. I should render this question, and all questions related to it, taboo, as the savages say. To answer them, to ask them, even to think of them, would be an unpardonable crime.

II.1.63

It would certainly be the acme of ingenuity thus to set up a taboo as a barrier to all intellectual avenues that might lead to the discovery of my imposture. What could better guarantee its permanence than to make even doubt an act of sacrilege?

II.1.64

However, to this fundamental guarantee I should add some auxiliary ones. For instance, so that knowledge might never be diffused among the masses, I should confer upon myself, as well as upon my accomplices, a monopoly over all the sciences; I should hide them under the veil of a dead language and a hieroglyphic alphabet; and, in order never to be caught unawares by any danger, I should take care to devise some institution that would allow me to penetrate, by day, into the hidden recesses of every man’s conscience.

II.1.65

It would not be amiss for me to satisfy some of the real needs of my people, especially if, by doing so, I were able to increase my influence and authority. For instance, men have a great need for education and morality, and I should make myself the source of both. In that way I should guide as I wished the minds and hearts of my people. I should establish an indissoluble connection between morality and my authority by representing them as unable to exist without one another, so that if anyone dared to raise a tabooed question, the whole of society, which cannot survive without morality, would feel the earth tremble beneath its feet and would turn its wrath upon this rash innovator.

II.1.66

When things reached such a point, these people would evidently belong to me more than if they were my slaves. The slave curses his chains; my people would bless theirs, and I should have succeeded in stamping the seal of servitude, not on their brows, but on their very hearts and consciences.

II.1.67

Public opinion alone can knock down such an edifice of iniquity; but where is it to begin, if every stone is tabooed? This must be the work of time and the printing press.

II.1.68

God forbid that I should seek here to disturb those comforting beliefs that view this life of sorrows as but a prelude to a future life of happiness! But that the irresistible yearning that impels us to accept such beliefs has been shamefully exploited, no one, not even the Pope, could deny. There is, it seems to me, one sign by which it is possible to determine whether or not people have been victimized in this way. Examine the religion and the priest, and see whether the priest is the instrument of the religion, or the religion is the instrument of the priest.

II.1.69

If the priest is the instrument of the religion, if his only thought is to disseminate everywhere its ethical principles and its beneficial influence, he will be gentle, tolerant, humble, charitable, and zealous; his life will resemble that of his divine model; he will preach freedom and equality among men, and peace and brotherhood among nations; he will resist the temptations of temporal power, since he will want no ties with that which, of all things in this world, has the greatest need of restraint; he will be a man of the people, a man of good counsel and tender consolation, a man whose opinion is esteemed, and a man obedient to the Gospel.

II.1.70

If, on the contrary, the religion is the instrument of the priest, he will treat it as one does an instrument that one modifies, bends, or twists to his own purposes, so as to derive from it the greatest possible advantage for oneself. He will multiply the number of tabooed questions; he will adjust his moral principles to suit changing times, men, and circumstances. He will try to awe the populace with his studied gestures and poses; a hundred times a day he will mumble words that have long since lost all their meaning and have become mere empty conventionalities. He will traffic in relics, but only just enough not to shake people’s faith in their sanctity; and he will take care that the more perceptive the people become, the less obvious his trafficking will be. He will involve himself in worldly intrigues; and he will always side with those in power on the sole condition that those in power side with him. In brief, from every one of his acts it will be clear that what he is aiming at is, not to advance religion by means of the clergy, but to advance the clergy by means of religion; and since so much effort implies an end, and as this end, according to our hypothesis, can be nothing other than power and wealth, the conclusive proof that the people have been duped is that the priest is rich and powerful.

II.1.71

Quite clearly, one can misuse a true religion as well as a false one. Indeed, the more worthy of respect its authority is, the greater is the danger that it may be improperly employed. But there is a great deal of difference in the consequences. The abuse of such authority always outrages the sound, enlightened, self-reliant members of the population. Their faith cannot but be shaken, and the weakening of a true religion is far more lamentable than the crumbling of a false one.

II.1.72

The extent to which this method of plunder is practiced is always in inverse proportion to the perspicacity of the people, since it is in the nature of abuses to go as far as they can. Not that high-minded and dedicated priests cannot be found in the midst of the most ignorant people; but what is to stop a knave from donning the cassock and seeking to wear the miter? Plunderers conform to the Malthusian law: they multiply with the means of existence; and the means of existence of knaves is the credulity of their dupes. Seek as one will, there is no substitute for an informed and enlightened public opinion. It is the only remedy.

II.1.73

Another sort of plunder is known as commercial fraud, a term that seems to me much too restricted, for the guilty ones include not only the merchant who adulterates his goods or gives short weight, but also the quack doctor and the pettifogging lawyer. In such cases, one of the two services exchanged consists of debased coin; but since the service received was first voluntarily agreed upon, it is evident that plunder of this kind should diminish as the public becomes better informed.

II.1.74

Next comes the misuse of government services—an immense field for plunder, so immense that we can only glance at it.

II.1.75

If God had made man a solitary animal, everyone would labor for himself. Individual wealth would be in proportion to the services that each man performed for himself.

II.1.76

But, since man is a social creature, services are exchanged for services—a proposition whose terms you can transpose, if you are so minded.

II.1.77

The members of society have certain needs that are so general, so universal, that provision is made for them by organizing government services. Among these requirements is the need for security. People agree to tax themselves in order to pay, in the form of services of various kinds, those who perform the service of seeing to the common security.

II.1.78

This arrangement in no way conflicts with the principle of exchange as formulated in political economy: Do this for me, and I will do that for you. The essence of the transaction is the same; only the method of payment is different; but this fact is very important.

II.1.79

In ordinary, private transactions each party remains the sole judge both of the service he receives and of the service he performs. He can always either decline the exchange or make it elsewhere; hence the need of offering in the market only such services as will find voluntary acceptance.

II.1.80

This has not been true of the state, especially prior to the establishment of representative government. Whether or not we need its services, whether they are real or spurious, we are always obliged to accept what it provides and to pay the price that it sets.

II.1.81

Now, it is the tendency of all men to exaggerate the services that they render and to minimize the services they receive; and chaos would reign if we did not have, in private transactions, the assurance of a negotiated price.

II.1.82

This assurance is completely, or almost completely, lacking in our transactions with the government. And yet the state, which, after all, is composed of men (although nowadays this is denied, at least by implication), obeys the universal tendency. It wants to serve us a great deal—more, indeed, than we desire—and to make us accept as real services what are often far from being such, and all this for the purpose of exacting some services from us in return in the form of taxes.

II.1.83

The state too is subject to the Malthusian law. It tends to expand in proportion to its means of existence and to live beyond its means, and these are, in the last analysis, nothing but the substance of the people. Woe to the people that cannot limit the sphere of action of the state! Freedom, private enterprise, wealth, happiness, independence, personal dignity, all vanish.

II.1.84

For there is one circumstance that must be noted: Among the services that we demand of the state, the chief is security. To assure us this, it must have at its command a force capable of overcoming all individual or collective, domestic or foreign forces that might imperil it. In combination with that fatal disposition that we have observed among men to live at the expense of others, this fact makes for a situation that is obviously fraught with danger.

II.1.85

To appreciate this, one has only to consider on what a vast scale, throughout history, plunder has been practiced by way of the abuses and excesses of government. One has only to ask oneself what services were performed for the people, and what services were exacted from them, by the governments of Assyria, Babylon, Egypt, Rome, Persia, Turkey, China, Russia, England, Spain, and France. The enormous disparity between the one and the other in each case staggers the imagination.

II.1.86

At last, representative government was established, and one might have supposed, a priori, that all this would come to an end as if by magic.

II.1.87

In fact, such governments are based on the following principle:

II.1.88

« The people themselves, through their representatives, will determine the nature and extent of the functions that they regard as proper to be established as government services, and the amount they propose to pay in remuneration for these services. »

II.1.89

The tendency to appropriate the property of others was thereby placed in direct confrontation with the tendency to defend one’s own property. There was every reason to expect that the latter would overcome the former.

II.1.90

To be sure, I am convinced that in the long run the system of representative government will succeed. Yet it must be admitted that up to now it has not done so.

II.1.91

Why? For two quite simple reasons: Governments have had too much discernment, and people have had too little.

II.1.92

Governments are very adroit. They act methodically, step by step, according to a well-contrived plan that is constantly being improved by tradition and experience. They study men and their passions. If they perceive, for instance, that the people are inclined to war, they incite and inflame this calamitous propensity. By their diplomacy they surround the nation with dangers, and, as a natural consequence, they demand that it provide soldiers, sailors, arsenals, and fortifications. Often, in fact, they do not need to go to the trouble of making such demands, for everything they want is offered to them. Then they have jobs, pensions, and promotions to distribute. All this requires a great deal of money; hence, they impose taxes and float loans.

II.1.93

If the nation is open-handed, the government offers to cure all the ills of mankind. It promises to restore commerce, make agriculture prosperous, expand industry, encourage arts and letters, wipe out poverty, etc., etc. All that is needed is to create some new government agencies and to pay a few more bureaucrats.

II.1.94

In a word, the tactic consists in initiating, in the guise of actual services, what are nothing but restrictions; thereafter the nation pays, not for being served, but for being disserved. Governments, assuming gigantic proportions, end by absorbing half of the national income. The people are astonished to find that, while they hear of wonderful inventions that are to multiply goods without end, they are working as hard as ever and are still no better off than before.

II.1.95

The trouble is that, while the government has been acting with so much ability, the people have shown practically none. Thus, when called upon to choose those who are to be entrusted with the powers of government, those who are to determine the sphere of and the payment for governmental action, whom do they choose? Government officials. They entrust the executive authority itself with the power to fix the limits of its own activities and requirements. They act like Molière’s would-be gentleman, who, for the selection and the number of his suits, relied upon—his tailor.6*

II.1.96

In the meanwhile, things go from bad to worse, and at last people open their eyes, not to the remedy (for they have not yet progressed to that point), but to the evil.

II.1.97

Governing is so pleasurable a profession that everyone aspires to engage in it. Hence, the demagogues never cease telling the people: « We are aware of your sufferings, and we deplore them. Things would be different if we were governing you. »

II.1.98

This period, which is ordinarily quite long, is one of rebellions and insurrections. If the people are conquered, the costs of the war are added to their tax burden. If they are the conquerors, the government changes hands, and the abuses continue.

II.1.99

And this goes on until the people learn to recognize and defend their true interests. Thus, we always reach the same conclusion: The only remedy is in the progressive enlightenment of public opinion.

II.1.100

Certain nations seem particularly liable to fall prey to governmental plunder. They are those in which men, lacking faith in their own dignity and capability, would feel themselves lost if they were not governed and administered every step of the way. Without having traveled a great deal, I have seen countries in which the people think that agriculture can make no progress unless the government supports experimental farms; that soon there will no longer be any horses, if the government does not provide studs; that fathers will not have their children educated, or will have them taught only immorality, if the government does not decide what it is proper to learn; etc., etc. In such countries, revolutions may come in rapid succession, with governments falling one after another; but the governed are none the less governed at the discretion and the mercy of the rulers (for the propensity that I am discussing here is the very stuff of which governments are made), until the people finally come to realize that it is better to leave the greatest possible number of services to be exchanged by the interested parties at a freely negotiated price.7*

II.1.101

We have seen that society consists in the exchange of services. It should be an exchange of only good and honest services. But we have also shown that men have a great interest in, and consequently an irresistible inclination toward, exaggerating the relative value of the services they perform. I cannot, indeed, see any other limit to these pretensions than the voluntary acceptance or rejection of the exchange on the part of those to whom the services are offered.

II.1.102

Hence, certain men have recourse to the law in order to abridge the natural prerogatives of this freedom on the part of other men. This kind of plunder is called privilege or monopoly. Let us be very clear about its origin and character.

II.1.103

Everyone knows that the services that he offers in the general market will be evaluated and remunerated in proportion to their scarcity. Everyone, therefore, will seek the enactment of a law that will keep from the market all those prepared to offer services similar to his own; or, what amounts to the same thing, if the employment of some means of production is indispensable for the performance of the service, he will ask the law for exclusive possession of it.8*

II.1.104

I shall say little about this variety of plunder here, limiting myself to one comment only.

II.1.105

An isolated case of monopoly never fails to enrich those to whom the law has granted it. It may then happen that each class of producers, instead of seeking to destroy this monopoly, will demand for itself a similar monopoly. This kind of plunder, thus reduced to a system, then becomes the most ridiculous practical joke on everybody, and the ultimate result is that each person thinks he is getting more out of a general market in which the supply of everything is being lessened.

II.1.106

It is needless to add that this extraordinary system also sows the seeds of universal discord among all classes, all professions, and all nations; that it requires the constant, but always unpredictable, interference of the government; that it therefore abounds in the type of abuses described in the preceding paragraph; that it renders every industrial enterprise desperately insecure, and accustoms men to making the law, and not themselves, responsible for their livelihood. It would be difficult to imagine a more prolific source of social disturbance.9*

Justification

II.1.107

It may be asked: « Why this ugly word plunder? Besides being crude, it is offensive and irritating; it only turns calm and temperate men against you and embitters the whole controversy. »

II.1.108

I submit that I do respect individuals; I do believe in the sincerity of practically all the advocates of protectionism; and I do not arrogate to myself the right to question the personal honesty, scrupulosity, or humanitarianism of anyone. I repeat that protectionism is the consequence—the fateful consequence—of a common error of which all men, or at least the great majority of them, are at once victims and accomplices. But, after all, I cannot prevent things from being as they are.

II.1.109

Imagine a sort of Diogenes thrusting his head out of his tub and saying, « Athenians, you force slaves to serve you. Has it never occurred to you that you are practicing upon your brothers the most iniquitous kind of plunder? »

II.1.110

Or imagine a tribune speaking as follows in the Forum: « Romans, you have based your whole way of life on the successive pillaging of all other nations. »

II.1.111

To be sure, they would only have been expressing incontestable truths. Must we therefore conclude that Athens and Rome were inhabited exclusively by dishonest people, and that Socrates and Plato, Cato and Cincinnatus were despicable individuals?

II.1.112

Who could harbor such a thought? After all, these great men lived in an environment that made them unconscious of their injustice. It is well known that Aristotle could not even conceive of the idea of a society that would be capable of existing without slavery.

II.1.113

In modern times, slavery has continued to our own day without causing the plantation owners many qualms of conscience. Armies have served as instruments for large-scale conquests—in other words, for acts of plunder on a large scale. Does this mean that they are not well provided with officers and men as individually scrupulous as, and perhaps more scrupulous than, the ordinary run of men engaged in industrial pursuits—men who would blush at the very thought of theft, and who would face a thousand deaths rather than stoop to a single disgraceful action?

II.1.114

It is not individuals who are to blame, but the general tendency of public opinion that blinds and misleads them—a tendency of which the whole of society is guilty.

II.1.115

The same is true of monopoly. I accuse the system, and not individuals; society as a whole, and not any of its members in particular. If the greatest philosophers were incapable of seeing the iniquity of slavery, how much easier it is for farmers and manufacturers to deceive themselves concerning the nature and effects of protectionism!

Notes for this chapter

*

[The second series of Economic Sophisms, several chapters of which had been published in the Journal des économistes and the newspaper, Le Libre échange, appeared at the end of January 1848.—EDITOR.]

Second Series, Chapter 1

1.

[Cf., in Vol. VI (of the French edition), chaps. 18, 19, 22, and 24, for the further remarks planned and begun by the author on « Disturbing Factors » (Economic Harmonies, chap. 18) affecting the harmony of natural laws.—EDITOR.]

2.

[This quotation is from Part One of the Discourse on Inequality by J. J. Rousseau (1712-1778), a French philosopher. Bastiat was so impressed it that he referred to it five times in his Economic Harmonies.—TRANSLATOR.]

3.

[Cf., in Vol. I (of the French edition), the letter addressed to the President of the Peace Congress at Frankfort.—EDITOR.]

4.

[The reference is to such French West Indian islands as Martinique and Guadeloupe, where slavery existed until 1848 or later.—TRANSLATOR.]

5.

[More efficient (and humane) methods of production in India had resulted in a sharp drop in indigo productions by slave labor in the West Indies.—TRANSLATOR.]

6.

[Cf., in Vol. I (of the French edition), the letter addressed to M. Larnac; and in Vol. V (of the French edition), « Parliamentary Inconsistencies. »—EDITOR.]

7.

[Cf. Selected Essays on Political Economy, chap. 5, « The State, » and chap. 2, « The Law, » and Economic Harmonies, chap. 17, « Private and Public Services. »—EDITOR.]

8.

[For the distinction between true monopolies and what have been called natural monopolies, cf., in Economic Harmonies, chap. 5, note 2, accompanying the analysis of Adam Smith’s theory of value.—EDITOR.]

9.

[The author was soon to witness an increase in this source of disruption and to wage energetic war against it. Cf. Selected Essays on Political Economy, chap. 5, « The State »; Vol. II (of the French edition), « Disastrous Illusions, » and Vol. VI (of the French edition), the final pages of chap. 4.—EDITOR.]

Second Series, Chapter 2

End of Notes

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Second Series, Chapter 2

Two Systems of Ethics

II.2.1

Having arrived—if he does arrive—at the end of the preceding chapter, the reader may well exclaim:

II.2.2

« Well, was I wrong to accuse economists of being dry and cold? What a portrait of mankind! Plunder is represented as an omnipresent force, almost a normal phenomenon, assuming every guise, practiced under any pretext, legal or extralegal, perverting to its own purposes all that is most sacred, exploiting weakness and credulity by turns, and constantly growing by what it feeds on! Could any more depressing picture of the world be imagined? »

II.2.3

But the question is, not whether it is depressing, but whether it is true. History says that it is.

II.2.4

It is rather odd that those who denounce political economy (or economism, as they are pleased to call this science) for studying man and the world just as they are, take a far gloomier view, at least of the past and the present, than the economists do. The books and newspapers of the socialists are full of such bitterness and hatred toward society that the very word civilization has come to be for them synonymous with injustice, civil disorder, and anarchy. So little confidence do they have in the natural capacity of the human race to improve and progress of its own accord that they have even gone so far as to condemn freedom, which, as they see it, is every day driving mankind closer to the edge of doom.

II.2.5

It is true that they are optimists in regard to the future. For, although mankind, in itself incompetent, has been on the wrong track for six millennia, a prophet has come who has shown men the way to salvation; and if the flock will only be docile enough to follow the shepherd, he will lead it into the promised land where prosperity may be attained without effort, and where order, security, and harmony are the easy reward of improvidence.

II.2.6

All that men have to do is to permit the reformers to change, as Rousseau said, their physical and moral constitution.

II.2.7

Political economy has not been given the mission of finding out what society would be like if it had pleased God to make man different from what he is. It may be regrettable that Providence, at the beginning, neglected to seek the advice of some of our modern social reformers. And just as the celestial mechanism would have been quite different if the Creator had consulted Alfonso the Learned;10* so too, if He had not disregarded the advice of Fourier, the social order would have borne no resemblance to the one in which we are obliged to live, breathe, and move about. But, since we are in it, since we do live, move, and have our being in it, our only recourse is to study it and to understand its laws, especially if the improvement of our condition essentially depends upon such knowledge.

II.2.8

We cannot prevent an endless succession of unsatisfied desires from springing up in men’s hearts.

II.2.9

We cannot render it possible for these desires to be satisfied without labor.

II.2.10

We cannot close our eyes to the fact that labor is as repugnant to mankind as its fruits are attractive.

II.2.11

We cannot prevent men, since they are so constituted, from engaging in a constant effort to increase their share of the fruits of labor, while throwing upon one another, by force or fraud, the burden of its pains.

II.2.12

It is not within our competence to erase the whole record of human history, or to silence the voice of the past, which attests that this is the way things have been since the beginning of time. We cannot deny that war, slavery, serfdom, theocracy, the excesses of government, privileges, frauds of every kind, and monopolies have been the indisputable and terrifying manifestations of these two sentiments united in the heart of man: fondness for the fruits of toil and repugnance to its pains.

II.2.13

« In the sweat of thy face shalt thou eat bread. » But everyone wants as much bread and as little sweat as possible. History provides conclusive proof of this.

II.2.14

Thank heaven, history also shows that the distribution of the fruits and the pains among the members of the human race is approaching ever more nearly to equality.

II.2.15

Unless one is prepared to deny the obvious, it must be admitted that at least in this respect society has made some progress.

II.2.16

In that case, there must exist in society some natural and providential force, some law that causes iniquity progressively to decline and justice no less inexorably to prevail.

II.2.17

We say that this force exists within society, and that God has put it there. If it were not already there, we should be reduced, like the utopians, to resorting to artificial means for producing it, by arrangements that would require the preliminary alteration of the physical and moral constitution of man; or rather, we should consider the effort to produce such a force useless and vain, because we cannot understand how a lever can operate without a fulcrum.

II.2.18

Let us try, therefore, to identify the beneficent force that tends progressively to overcome the maleficent force which we call plunder, and whose existence is all too well demonstrated by reason and proved by experience.

II.2.19

Every maleficent action necessarily has two termini: its point of origin and its point of impact; the man who performs the action, and the man upon whom the action is performed; or, in the language of the schools, the agent and the patient.

II.2.20

There are, thus, two possible ways of preventing the maleficent action from taking effect: the agent may voluntarily abstain, or the patient may resist.

II.2.21

This fact gives rise to two systems of ethics that, far from contradicting each other, concur in their conclusions: religious or philosophical ethics and utilitarian ethics, which I shall permit myself to call economic.

II.2.22

Religious ethics, in order to prevent a maleficent action, addresses its author—man in his active role. It says to him: « Reform and purify thyself; cease to do evil; do good; subdue thy passions; sacrifice thine own interests; do not oppress thy neighbor, for it is thy duty to love and to comfort him; be first just and then charitable. » This code of ethics will always be the more beautiful and the more moving of the two, the one that displays the human race in all its majesty, that better lends itself to impassioned eloquence, and is better fitted to arouse the admiration and sympathy of mankind.

II.2.23

The economic, or utilitarian, system of ethics has the same end in view, but above all addresses itself to man in his passive role. Merely by showing him the necessary consequences of his acts, it stimulates him to oppose those that injure him, and to honor those that are useful to him. It strives to disseminate enough good sense, knowledge, and justifiable mistrust among the oppressed masses to make oppression more and more difficult and dangerous.

II.2.24

It should be noted that utilitarian ethics is not without its influence upon the oppressor as well. A maleficent action produces both good and evil effects: evil for him who is subjected to it; and good for him who performs it, or else it would not have been performed. But the good effects by no means compensate for the evil. The evil is always, and necessarily, greater than the good, because the very act of oppressing involves a waste of energy, creates dangers, provokes reprisals, and demands costly precautions. The mere demonstration of these effects not only stimulates a reaction on the part of the oppressed, but attracts to the side of justice all those whose hearts have not been corrupted and disturbs the security of the oppressors themselves.

II.2.25

But it is easy to understand that this system of ethics, which is more implicit than explicit; which, after all, is only a scientific demonstration; which would even lose some of its efficacy if it changed its character; which addresses itself, not to the heart, but to the mind; which seeks, not to persuade, but to convince; which gives, not counsel, but proofs; whose mission is, not to arouse, but to enlighten; and which wins over evil no other victory than that of denying it sustenance—it is easy to understand, I say, that this system of ethics has been accused of being dry and prosaic.

II.2.26

The reproach is true, but unfair. It amounts to saying that political economy does not tell us everything, does not include everything, is not the universal science. But who in the world has ever made so sweeping a claim for it?

II.2.27

The accusation would be justified only if political economy pretended that its procedures gave it exclusive dominion over the entire moral realm, and if it had the presumption to forbid philosophy and religion the use of their own direct methods of working for the improvement of mankind.

II.2.28

Let us welcome, then, the concurrent action of moral philosophy properly so called and political economy—the one stigmatizing the evil deed in our conscience by exposing it in all its hideousness, and the other discrediting it in our judgment by the description of its effects.

II.2.29

Let us even concede that the triumph of the religious moralist, when it occurs, is more noble, more encouraging, and more fundamental. But at the same time it is difficult not to acknowledge that the triumph of economics is more easy to secure and more certain.

II.2.30

In a few lines that are worth more than many ponderous volumes, J. B. Say some time ago observed that there are two possible ways of bringing to an end the dissensions introduced by hypocrisy into a respectable family: to reform Tartuffe or to make Orgon less of a fool.11* Molière, that great depictor of the human heart, seems to have had constantly in mind the second procedure as the more efficacious.

II.2.31

The same is true on the world’s stage.

II.2.32

Tell me what Caesar did, and I shall describe to you the Romans of his day.

II.2.33

Tell me what modern diplomacy accomplishes, and I shall describe for you the moral condition of the nations of the world.

II.2.34

We should not be paying close to two billions in taxes if we did not delegate the power of voting them to those that consume them.

II.2.35

We should not have all the difficulties and all the expenses of the African problem if we were as well convinced that two and two is four in political economy as in arithmetic.12*

II.2.36

M. Guizot would not have had occasion to say: « France is rich enough to pay for its glory, » if France had not been infatuated with false glory.13*

II.2.37

The same statesman would never have said, « Liberty is too precious for France to haggle over its price, » if France really understood that heavy government expenditures and liberty are incompatible.

II.2.38

It is not, as people think, the monopolists, but the monopolized, that sustain the monopolies.

II.2.39

And, in regard to elections, it is not because there are corrupters that people are corruptible, but the reverse; and the proof consists in the fact that the latter pay all the costs of corruption. Is it not, then, their responsibility to bring it to an end?

II.2.40

Let religious ethics soften, if it can, the hearts of the Tartuffes, the Caesars, the colonialists, the sinecurists, the monopolists, etc. The task of political economy is to enlighten their dupes.

II.2.41

Of these two methods, which is the more efficacious in promoting social progress? If this question requires any answer at all, I should say it is the second. Mankind, I fear, cannot escape the necessity of first learning a defensive system of ethics.

II.2.42

In vain have I investigated, read, observed, and inquired: nowhere do I find any abuse, practiced to any considerable extent, that has perished by voluntary renunciation on the part of those who were profiting from it.

II.2.43

I see many, on the contrary, that are yielding to the manly opposition of those who suffer from them.

II.2.44

To describe the consequences of abuses is therefore the most efficacious means of destroying them. And this is true particularly in regard to abuses that, like the system of protectionism, while inflicting real hardships on the masses, prove only an illusion and a disappointment to those who expect to profit from them.

II.2.45

Does this mean that utilitarian ethics will, of itself, bring about all the social improvement that the sympathetic nature of the human soul and of its noblest faculties leads one to hope for and expect? I am far from making such a claim. Let us assume the universal diffusion of this defensive system of ethics, which is, after all, nothing but the acknowledgment that the rightly understood interests of all men are consonant with justice and the general welfare. A society based on such principles, although certainly well regulated, might not be very attractive; for it would be one in which there would no longer be any swindlers only because there would no longer be any dupes; where vice, always latent and, so to speak, enervated by famine, would need only a little sustenance to revive; where prudence on the part of everyone would be enjoined by the vigilance of everyone else; where, in short, reform, although regulating external acts, would not have penetrated beneath the surface to the consciences of men. We sometimes see such a society typified in one of those sticklers for exact justice who are prepared to resist the slightest infringement of their rights and are skillful at warding off encroachments from any quarter. You respect and may, perhaps, even admire him; you would choose him as your deputy, but you would not choose him as your friend.

II.2.46

These two systems of ethics, instead of engaging in mutual recriminations, should be working together to attack evil at each of its poles. While the economists are doing their work—opening the eyes of the credulous, uprooting prejudices, arousing justifiable and necessary mistrust of every type of fraud, studying and describing the true nature of things and actions—let the religious moralist, on his part, perform his more agreeable, but more difficult, task. Let him engage in hand-to-hand combat with iniquity; let him pursue it into the most secret recesses of the human heart; let him depict the delights of beneficence, self-denial, and self-sacrifice; let him tap the springs of virtue where we can but dry up the springs of vice—that is his task. It is a noble and glorious one. But why should he dispute the utility of the one that has devolved upon us?

II.2.47

Would not a society that, without being intrinsically virtuous, was nevertheless well regulated by the action of the economic system of ethics (by which I mean nothing more than knowledge of political economy), offer opportunities for the progress of religious morality?

II.2.48

Habit, it has been said, is a second nature.

II.2.49

A country in which everyone has been long unaccustomed to injustice solely as a result of the resistance of enlightened public opinion might still be a sorry place to live in. But it seems to me that it would at least be ready to receive precepts of a purer and higher order. To have become unaccustomed to doing evil is already to have taken a long stride toward becoming good. Men cannot remain stationary. Turned aside from the path of vice, which would lead only to ignominy, they would feel the attraction of virtue all the more.

II.2.50

Perhaps society must pass through this prosaic stage, in which men practice virtue out of self-interest, so that they may thence rise to the more poetic sphere in which they will no longer have need of such a motive.

Notes for this chapter

10.

[Alfonso X (the Learned), ruler of Castile from 1252 until 1284, a weak king but a man of encyclopedic interests. He is supposed once to have observed, as Bartlett’s Familiar Quotations has it: « Had I been present at the Creation, I would have given some useful hints for the better ordering of the universe. »—TRANSLATOR.]

11.

[In Molière’s comedy, Tartuffe, or the Impostor, Tartuffe is the scheming hypocrite, and Orgon his well-meaning dupe.—TRANSLATOR.]

12.

[The African problem constituted a series of costly military expeditions by the French to conquer Algeria.—TRANSLATOR.]

13.

[François Pierre Guillaume Guizot (1787-1874), French statesman and historian, chief rival of Thiers for political power in the 1840’s. He urged the French people to devote themselves to making money, opposed domestic reforms, and was friendly toward Britain.—TRANSLATOR.]

Second Series, Chapter 3

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Second Series, Chapter 3

The Two Hatchets

Petition of Jacques Bonhomme,14* Carpenter,

to M. Cunin-Gridaine,15* Minister of Commerce

II.3.1

Mr. Manufacturer and Cabinet Minister:

II.3.2

I am a carpenter, as Jesus was; I wield the hatchet and the adze to serve you.

II.3.3

Now, while I was chopping and hewing from dawn to dusk on the states of our lord the king, it occurred to me that my labor is as much a part of our domestic industry as yours.

II.3.4

And ever since, I have been unable to see any reason why protection should not come to the aid of my woodyard as well as your factory.

II.3.5

For after all, if you make cloth, I make roofs. We both, in different ways, shelter our customers from the cold and the rain.

II.3.6

Yet I have to run after my customers, whereas yours run after you. You have found a way of forcing them to do so by preventing them from supplying themselves elsewhere, while my customers are free to turn to whomever they like.

II.3.7

What is so astonishing about this? M. Cunin, the cabinet minister, has not forgotten M. Cunin, the textile manufacturer: that is only natural. But, alas, my humble craft has given no cabinet minister to France, although it did give a God to the world.

II.3.8

And in the immortal code this God bequeathed to man, there is not the slightest expression that could be interpreted as authorizing carpenters to enrich themselves at the expense of others, as you do.

II.3.9

Consider my position, then. I earn thirty sous a day, except Sundays and holidays. If I offer you my services at the same time as a Flemish carpenter offers you his, and if he is prepared to work for a sou less than I, you will prefer him.

II.3.10

But suppose I want to buy myself a suit of clothes? If a Belgian textile manufacturer offers his cloth on the market in competition with yours, you drive both him and his cloth out of the country.

II.3.11

Thus, forced to enter your shop, although it is the more expensive, my poor thirty sous are really worth only twenty-eight.

II.3.12

What am I saying! They are not worth more than twenty-six, for instead of expelling the Belgian manufacturer at your expense (which would be the very least you could do), you make me pay for the people whom, in your interest, you set at his heels.

II.3.13

And since a great number of your fellow legislators, with whom you have a perfect understanding, each takes from me a sou or two—one under the pretext of protecting iron; another, coal; this one, oil; and that one, wheat—I find, when everything is taken into account, that of my thirty sous I have been able to save only fifteen from being plundered.

II.3.14

You will doubtless tell me that these little sous, which pass in this way, without compensation, from my pocket to yours, provide a livelihood for the people around your castle and enable you to live in grand style. May I point out to you in reply that if you left the money in my hands, it would have provided a livelihood for the people around me.

II.3.15

Be that as it may, Mr. Cabinet Minister and Manufacturer, knowing that I should be ill-received, I do not come to you and demand, as I have a full right to do, that you withdraw the restriction you are imposing on your customers; I prefer to follow the prevailing fashion and claim a little protection for myself.

II.3.16

At this point, you will raise a difficulty for me: « My friend, » you will tell me, « I should really like to protect you and others of your craft; but how are we to go about conferring tariff benefits upon the work of carpenters? Are we to forbid the importation of houses by land or by sea? »

II.3.17

This would quite obviously be absurd; but, by dint of much reflection on the matter, I have discovered another means of benefiting the sons of St. Joseph; and you will welcome it all the more readily, I hope, as it in no way differs from the means you employed in maintaining the privilege that you vote for yourself every year.

II.3.18

The wonderful means I have in mind consists in forbidding the use of sharp hatchets in France.

II.3.19

I maintain that this restriction would be no more illogical or more arbitrary than the one to which you subject us in the case of your cloth.

II.3.20

Why do you drive out the Belgians? Because they undersell you. And why do they undersell you? Because they are in some respect superior to you as textile manufacturers.

II.3.21

Between you and a Belgian, consequently, there is exactly the same difference as between a dull hatchet and a sharp hatchet.

II.3.22

And you are forcing me—me, a carpenter—to buy from you the product of a dull hatchet.

II.3.23

Look upon France as a workman who is trying, by his labor, to obtain everything he needs, including cloth.

II.3.24

There are two possible ways of doing this:

II.3.25

The first is to spin and weave the wool himself.

II.3.26

The second is to produce other commodities—for instance, clocks, wallpaper, or wine—and to exchange them with the Belgians for the cloth.

II.3.27

Of these two procedures the one that gives the better result may be represented by the sharp hatchet; the other, by the dull hatchet.

II.3.28

You do not deny that at present, in France, it requires more labor to obtain a piece of cloth directly from our looms (the dull hatchet) than indirectly by way of our vines (the sharp hatchet). You are so far from denying this that it is precisely because of this additional toil (which, according to you, is what wealth consists in) that you request, nay more, you impose, the use of the poorer of the two hatchets.

II.3.29

Now, at least be consistent; be impartial; and if you mean to be just, give us poor carpenters the same treatment you give yourself.

II.3.30

Enact a law to this effect:

II.3.31

« No one shall use beams or joists save those produced by dull hatchets. »

II.3.32

Consider what the immediate consequences will be.

II.3.33

Where we now strike a hundred blows with the hatchet, we shall then strike three hundred. What we now do in one hour will take three hours. What a mighty stimulus to employment! Apprentices, journeymen, and masters, there will no longer be enough of us. We shall be in demand, and therefore well paid. Whoever wants to have a roof made will be henceforth obliged to accept our demands, just as whoever wants cloth today is obliged to submit to yours.

II.3.34

And if the free-trade theorists ever dare to call into question the utility of this measure, we shall know perfectly well where to find a crushing retort. It is in your parliamentary report of 1834. We shall beat them over the head with it, for in it you have made a wonderful plea on behalf of protectionism and of dull hatchets, which are simply two names for one and the same thing.

Notes for this chapter

14.

[The nickname for French peasants as a class.—TRANSLATOR.]

15.

[Laurent Cunin-Gridaine (1778-1859), a textile manufacturer, Deputy, Minister of Commerce, and extreme advocate of protectionist policies.—TRANSLATOR.]

Second Series, Chapter 4

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Second Series, Chapter 4

Subordinate Labor Council

II.4.1

« What! You have the effrontery to demand for all citizens the right to buy, sell, barter, and exchange, to render and receive service for service, and settle on the price among themselves, on the sole condition that they carry on these transactions honestly and pay their taxes? What are you trying to do—deprive workingmen of their jobs, their wages, and their bread? »

II.4.2

This is what people say to us. I know what to think of it myself, but I wanted to know what the workers themselves think of it.

II.4.3

I had at hand an excellent instrument of inquiry.

II.4.4

It was not one of those supreme industrial councils, where big landlords who call themselves farmers, influential shipowners who think of themselves as sailors, and wealthy stockholders who pretend to be laborers, practice their well-known form of humanitarianism.

II.4.5

No; it was bona fide workingmen, real workingmen, as they say today—joiners, carpenters, masons, tailors, shoemakers, dyers, blacksmiths, innkeepers, grocers, etc., etc.—who in my village have established a mutual-aid society.

II.4.6

I transformed it, by my own personal authority, into a subordinate labor council, and I obtained from it a report that is worth quite as much as any other, though it is not crammed with figures and inflated to the dimensions of a quarto volume printed at government expense.

II.4.7

My aim was to interrogate these good people in regard to the way in which they are, or think they are, affected by the policy of protectionism. The president pointed out to me that this would violate to some extent the principles on which the association was founded. For, in France, in this land of freedom, people who associate give up their right to discuss politics—that is, to take counsel together concerning their common interests. However, after a great deal of hesitation, he agreed to put the question on the agenda.

II.4.8

The council was divided into as many committees as there were groups representing different trades. Each was given a form to be filled out after fifteen days of discussion.

II.4.9

On the designated day, the venerable president took the chair (we are adopting the official style, for in fact it was nothing more than an ordinary kitchen chair), and took from the table (official style again, for it was a table of poplar wood) about fifteen reports, which he read one after another.

II.4.10

The first one submitted was that of the tailors. Here is an exact and authentic copy of its text:

EFFECTS OF PROTECTION—REPORT OF THE TAILORS

Disadvantages

Advantages

1. As a result of the policy of protectionism, we are paying more for bread, meat, sugar, wood, needles, thread, etc., which is equivalent in our case to a considerable loss of income. None.*

2. As a result of the policy of protectionism, our customers also pay more for everything, which leaves them less to spend on clothing. This means less business for us, and therefore smaller profits.

3. As a result of the policy of protectionism, cloth is expensive, so that people put off buying clothes for a longer time and make do with what they have. This again means less business for us and compels us to offer our services at a lower price. * In spite of all our efforts, we found it impossible to discover any respect whatsoever in which the policy of protectionism is of advantage to our business.

II.4.11

Here is another report:

EFFECTS OF PROTECTION—REPORT OF THE BLACKSMITHS

Disadvantages

Advantages

1. Every time we eat, drink, heat our homes, and buy clothing, the policy of protectionism imposes on us a tax that never reaches the treasury. None.

2. It imposes a similar tax on all our fellow citizens who are not blacksmiths; and since they have that much less money, most of them use wooden pegs for nails and a piece of string for a latch, which deprives us of employment.

3. It keeps iron at such a high price that it is not used on farms for plows, gates, or balconies; and our craft, which could provide employment for so many people who need it, does not provide us even with enough for ourselves.

4. The revenue that the tax collector fails to realize from duties on foreign goods that are not imported into the country is added to the tax we pay on salt and postage.

II.4.12

As the same refrain recurs in all the other reports, I spare the reader their perusal. Gardeners, carpenters, shoemakers, clogmakers, boatmen, millers—all gave vent to the same grievances.

II.4.13

I regret that there were no farmers in our association. Their report would certainly have been very instructive.

II.4.14

But alas, in our section—the Landes16*—the poor farmers, well protected though they are, do not have a sou, and after they have insured their livestock, they themselves lack the means of joining a mutual-aid society. The alleged benefits of protection do not prevent them from being the pariahs of our social order. What shall I say of the vineyardists?

II.4.15

What I find particularly noteworthy is the good sense which our villagers showed in perceiving not only the direct injury that the policy of protectionism inflicts on them, but also the indirect injury that, after first affecting their customers, rebounds upon them.

II.4.16

This, I said to myself, is what the economists of the Moniteur industriel apparently do not understand.

II.4.17

And perhaps those—the farmers in particular—whose eyes are dazzled by a little protection would be willing to give it up if they could see this side of the question.

II.4.18

Perhaps they would say to themselves: « It is better to support oneself by one’s own efforts and have customers who are well off than to be protected and have customers who are impoverished. »

II.4.19

For to seek to enrich each industry in turn by creating a void around one after another is as futile an endeavor as trying to leap over one’s own shadow.

Notes for this chapter

16.

[A department in southwestern France.—TRANSLATOR.]

Second Series, Chapter 5

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Second Series, Chapter 5

High Prices and Low Prices17*

II.5.1

I feel it my duty to present to the reader certain—alas, theoretical—comments on the illusions to which the expressions high prices and low prices give rise. At first glance, I know, people may be inclined to consider these comments a little abstruse; but the question is, not whether they are abstruse, but whether they are true. Now, I believe that they are not only perfectly true but particularly well suited to raise some doubts in the minds of those—by no means few in number—who have a sincere faith in the efficacy of protectionism.

II.5.2

Whether we are advocates of free trade or proponents of restrictive measures, we are all obliged to make use of the expressions high prices and low prices. The former proclaim themselves in favor of low prices, with a view to the interests of the consumer; the latter declare themselves in favor of high prices, having regard for the interests of the producer. Others take a middle position and say: « The producer and the consumer are one and the same person »; thereby leaving it quite undecided whether the law should aim at high prices or at low.

II.5.3

Faced with this conflict, the law, it would seem, has only one alternative, and that is to permit price to be arrived at naturally. But then one has to meet the objections of the implacable enemies of laissez faire. They absolutely insist that the law intervene, even without knowing in what direction. Yet it is incumbent upon those who want to use the law for the purpose of creating artificially high or unnaturally low prices to explain the grounds of their preference. The burden of proof rests exclusively upon them. Hence, it follows that free trade is always to be deemed good until the contrary is proved, for free trade consists in allowing prices to be arrived at naturally.

II.5.4

But the roles have been reversed. The advocates of high prices have succeeded in making their system prevail, and it is incumbent upon the proponents of natural prices to prove the superiority of theirs. On both sides the argument turns on the meaning of two expressions, and it is therefore essential to ascertain just what these two expressions really mean.

II.5.5

But first we must call attention to a series of events that may well disconcert the champions of both camps.

II.5.6

In order to raise prices, the restrictionists have obtained protective tariffs; and, much to their surprise and disappointment, prices have fallen.

II.5.7

In order to reduce prices, the freetraders have sometimes succeeded in securing the adoption of their program, and, to their great astonishment, what followed was a rise in prices.

II.5.8

For example, in France, in order to favor agriculture, a duty of twenty-two per cent was imposed on foreign wool; and yet domestic wool has been selling at a lower price after the law than it did before.

II.5.9

In England, for the relief of the consumer, the duty on wool was reduced and finally removed entirely; and yet the price of English wool is higher than ever before.

II.5.10

And these are not isolated cases, for there is nothing unique about the price of wool that exempts it from the general law governing all prices. The same result is produced whenever the circumstances are analogous. Contrary to every expectation, a protective tariff has more often brought about a fall, and competition more often a rise, in commodity prices.

II.5.11

Then the debate reached the height of confusion with the protectionists saying to their adversaries: « It is our system that brings about these low prices of which you boast so much, » and the latter replying: « It is free trade that brings about those high prices that you find so advantageous. »18*

II.5.12

Would it not be amusing to see low prices in this way become the password in the rue Hauteville, and high prices in the rue Choiseul?19*

II.5.13

Evidently there is in all this a misunderstanding, an illusion, that needs to be dispelled, and this is what I shall now attempt to do.

II.5.14

Imagine two isolated nations, each containing a million inhabitants. Suppose that, other things being equal, one of them has twice as much of everything—wheat, meat, iron, furniture, fuel, books, clothing, etc.—as the other. Evidently, then, one is twice as rich as the other.

II.5.15

However, there is no reason to assert that money prices will differ in these two countries. They may even be higher in the richer country. It may be that in the United States everything is nominally more expensive than in Poland, and that the American people are nevertheless better provided in all respects; whence we see that what constitutes wealth is, not the money prices of goods, but their abundance. Hence, when we wish to compare protectionism and free trade, we should not ask which of the two produces low prices and which produces high prices, but which leads to abundance and which leads to scarcity.

II.5.16

For it should be noted that, when products are exchanged, a relative scarcity of everything and a relative abundance of everything leave the money prices of things at exactly the same point, but not the relative condition of the inhabitants of the two countries.

II.5.17

Let us enter a little more deeply into this subject.

II.5.18

When tariff increases and reductions are found to produce effects directly contrary to those expected of them—a fall in prices often following a higher duty, and a rise in prices sometimes accompanying the removal of a duty—it becomes the obligation of political economy to seek an explanation of phenomena that controvert all our accepted ideas; for needless to say, science—if it is to be worthy of the name—is but the faithful description and correct explanation of events.

II.5.19

Now, the one that we are examining here can be quite satisfactorily accounted for by a circumstance that must never be lost sight of, namely, that high prices have two causes, and not just one.

II.5.20

The same is true of low prices.20*

II.5.21

One of the best-established principles of political economy is that prices are determined by the relation between supply and demand.

II.5.22

There are, then, two factors that influence prices: supply and demand. These factors are inherently variable. They can work together in the same direction, or they can work in opposite directions, and in infinitely varied proportions in either case. Hence, prices are the resultant of an inexhaustible number of combinations of these two factors.

II.5.23

Prices may rise, either because the supply diminishes or because the demand increases.

II.5.24

They may fall, either because the supply increases or because the demand diminishes.

II.5.25

Hence, there are two types of high prices and two types of low prices.

II.5.26

High prices of the bad type are the results of diminution in the supply, for this implies scarcity and therefore privation (such as was experienced this year in regard to wheat); high prices of the good type result from an increase in demand, for this presupposes a rise in the general level of prosperity.

II.5.27

In the same way, low prices are desirable when they have their source in abundance, and are lamentable when they are caused by a cessation in demand resulting from the poverty of the consumer.

II.5.28

Now, please observe that a policy of protectionism tends to produce, at the same time, both the bad type of high prices and the bad type of low prices: the bad type of high prices, in that it diminishes the supply of goods—which, indeed, is its avowed purpose; and the bad type of low prices, in that it also reduces demand, since it encourages unwise investment of both capital and labor, and burdens the consumer with taxes and restrictions.

II.5.29

Hence, so far as prices are concerned, these two tendencies neutralize each other; and that is why this system, which restricts demand at the same time as supply, does not in the long run result even in the high prices that are its object.

II.5.30

But, so far as the condition of the population is concerned, these two tendencies do not neutralize each other; on the contrary, they co-operate in making it worse.

II.5.31

The effect of free trade is precisely the opposite. In its general consequences, it may likewise fail to result in the low prices it was intended to produce; for it, too, has two tendencies, the one toward a desirable reduction in prices effected by an increase in the supply, i.e., by way of abundance, and the other toward an appreciable rise in prices resulting from an increase in demand, i.e., in general wealth. These two tendencies neutralize each other in regard to money prices; but they co-operate in improving the well-being of the population.

II.5.32

In short, in so far as a policy of protectionism is put into effect, men retrogress toward a state of affairs in which both supply and demand are enfeebled; under a system of free trade, they advance toward a state of affairs in which both supply and demand increase together without necessarily affecting money prices. Such prices are not a good criterion of wealth. They may very easily remain the same, whether society sinks into the most abject poverty or advances to a high level of prosperity.

II.5.33

The following remarks may serve to illustrate this point briefly.

II.5.34

A farmer in the south of France thinks he has the treasures of Peru in his hand because he is protected by tariffs from foreign competition. It makes no difference that he is as poor as Job; he nonetheless believes that sooner or later the policy of protectionism will make him rich. In these circumstances, if the question is put to him, in the terms in which it was framed by the Odier Committee: « Do you want to be subject to foreign competition—yes or no? » his first reaction is to answer, « No, » and the Odier Committee21* proudly gives wide publicity to his answer.

II.5.35

However, one must probe a little more deeply into the matter. Unquestionably, foreign competition—and indeed, competition in general—is always irksome; and if one branch of industry alone could get rid of it, business in that branch would for some time be very profitable.

II.5.36

But protection is not an isolated privilege; it is a system. If it tends to create, to the profit of the farmer, a scarcity of grain and of meat, it tends also to create, to the profit of other producers, a scarcity of iron, of cloth, of fuel, of tools, etc. that is, a scarcity of everything.

II.5.37

Now, if the scarcity of wheat tends to raise its price on account of the diminution in the supply, the scarcity of all the other commodities for which wheat is exchanged tends to lower the price of wheat on account of the diminution in demand; so that it is by no means certain that in the long run the price of wheat will be one centime higher than under a system of free trade. All that is certain is that, since there is less of everything in the country, everyone will be less well provided in every respect.

II.5.38

The farmer really ought to ask himself whether it would not be better for him if a certain quantity of wheat and livestock were imported from abroad, so long as, on the other hand, he was surrounded by a well-to-do population, able to consume and pay for all sorts of agricultural products.

II.5.39

Suppose there were a department in France in which the inhabitants were clothed in rags, dwelt in hovels, and lived on chestnuts. How could you expect agriculture to flourish there? What could you make the earth produce with any reasonable hope of fair return? Meat? It would form no part of their diet. Milk? They would have to be content to drink water. Butter? For them it would be a luxury. Wool? They would use as little of it as possible. Is it to be supposed that all these consumers’ goods could be thus forgone by the masses without exerting a downward pressure on prices concomitantly with the upward pressure exerted by protectionism?

II.5.40

What we have said of the farmer is just as true of the manufacturer. Textile manufacturers assert that foreign competition will lower prices by increasing the supply. Granted; but will not these prices rise again as a result of an increase in demand? Is the consumption of cloth a fixed, invariable quantity? Does everyone have as much of it as he could and should have? And if the general level of prosperity was raised by the abolition of all these taxes and restrictions, would not the first use that people would make of the money be to clothe themselves better?

II.5.41

The problem—the eternal problem—then, is not whether protectionism favors this or that particular branch of industry; but whether, all things considered, restriction is, by its very nature, more productive than free trade.

II.5.42

Now, no one ventures to maintain this. Otherwise people would not always be granting that we are « right in principle. »

II.5.43

If this is the case, if restriction is advantageous to each particular branch of industry only by impairing the general well-being to an even greater extent, we must conclude that money prices in themselves express a relation between each particular branch of industry and industry in general, between supply and demand, and, accordingly, that a remunerative price, which is the object of protectionism, far from being realized by such a policy, is actually rendered impossible by it.22*

Addendum

II.5.44

The article that we published under the title, « High Prices and Low Prices, » has brought us the following two letters, which we present here, together with our replies:

II.5.45

Dear Editor:

You are upsetting all my ideas. I used to be a staunch champion of free trade and found it very persuasive to use low prices as an argument. Everywhere I went, I used to say: « Under a system of free trade, bread, meat, wool, linen, iron, and fuel are going to be cheaper. » This displeased those who sold these commodities, but pleased those who bought them. Now you are raising doubts about whether free trade will, in fact, result in low prices. If not, of what use is it? What will people gain by it, if foreign competition, which can injure them in their sales, brings them no advantage in their purchases?

II.5.46

Dear Freetrader:

II.5.47

Allow us to inform you that you only half read the article that inspired your letter. We said that free trade acts in the same way as roads, canals, railways, and everything else that facilitates communication by removing obstacles. Its first tendency is to increase the supply of the duty-free commodity, and consequently to lower its price. But, by increasing at the same time the supply of everything else for which this commodity may be exchanged, it concomitantly increases the demand for it, and its price accordingly goes up. You ask how people will gain by free trade. Suppose you have a balance consisting of several scales, in each of which there are a certain number of the items that you have enumerated. If you add a little wheat to one scale, it will tend to tip the balance; but if you add a little cloth, a little iron, and a little fuel to the other scales, the equilibrium will be restored. So far as the beam is concerned, nothing has changed. But so far as the people are concerned, they are evidently better fed, better clothed, and better housed.

II.5.48

Dear Editor:

I am a textile manufacturer and a protectionist. I confess that your article on « High Prices and Low Prices » is causing me to reconsider my position. It has a certain plausibility about it that would require only a conclusive proof to bring about a conversion.

II.5.49

Dear Protectionist:

II.5.50

We say that the object of your restrictive measures is something evil, namely, artificially high prices. But we do not say that they always realize the hopes of those who support them. It is certain that they inflict on the consumer all the evil consequences of high prices. But it is not certain that they invariably confer any of the expected benefits on the producer. Why? Because while they diminish the supply, they also diminish the demand.

II.5.51

This proves that in the economic arrangement of this world there is a moral force, a healing power, that makes unjust ambition ultimately meet with disappointment.

II.5.52

Be good enough to observe, sir, that one of the factors making for the prosperity of each individual branch of industry is the general wealth of the community. The price of a house depends not only on its original cost but also on the number and economic status of the occupants. Do two houses that are exactly similar necessarily have the same price? Certainly not, if one is situated in Paris and the other in Lower Brittany. One should never speak of price without taking all the relevant circumstances into consideration, and one should recognize quite clearly that no undertaking is more futile than that of trying to base the prosperity of the parts on the ruination of the whole. And yet this is what the policy of protectionism seeks to do.

II.5.53

Competition always has been and always will be troublesome to those who have to meet it. That is why men have always and everywhere struggled to rid themselves of it. We (and perhaps you, too) are acquainted with a municipal council in which the resident merchants wage violent war on nonresident merchants. Their projectiles are their exactions for local permits to stall animals, for licenses to set up stands for the sale of goods, for bridge-tolls, etc., etc.

II.5.54

Now, consider what would have become of Paris if this war had been waged successfully there.

II.5.55

Suppose that the first shoemaker who established himself there had succeeded in keeping out all others; that the first tailor, the first mason, the first printer, the first watchmaker, the first hairdresser, the first doctor, and the first baker had all likewise been successful in maintaining a monopoly on their services. Paris today would still be a village of from 1,200 to 1,500 inhabitants. Instead, the market has been open to everyone (save those whom you still debar), and this is precisely what has made it the great metropolis it is today. For the enemies of competition it has meant only a long series of vexations; but it has made Paris a city of a million inhabitants. No doubt it has raised the general level of prosperity; but has it been detrimental to the individual prosperity of the shoemakers and the tailors? That is the essential question you have to ask yourself. As competitors arrived, you would have said, « The price of shoes is going to fall. » But has it fallen? No; for if the supply has increased, the demand has increased as well.

II.5.56

The same will be true of cloth, sir; let it be imported duty-free. You will have more competitors, it is true; but you will also have more customers, and what is more, they will be richer. Has this never occurred to you on seeing nine-tenths of your fellow countrymen in the winter obliged to do without that cloth which you weave so well?

II.5.57

If you wish to prosper, let your customer prosper. This is a lesson it has taken you a very long time to learn.

II.5.58

When people have learned this lesson, everyone will seek his individual welfare in the general welfare. Then jealousies between man and man, city and city, province and province, nation and nation, will no longer trouble the world.

Notes for this chapter

17.

[This chapter first appeared as an article in Le Libre échange, issue of July 25, 1847.—EDITOR.]

18.

Recently M. Duchâtel,* who had formerly advocated free trade, with a view to low prices, stated in the Chamber, « It would not be difficult for me to prove that protectionism results in low prices. »

* [Charles Jacques Marie Tanneguy, Comte de Duchâtel (1803-1867), author of Considérations d’économie politique sur la bienfaisance (1836). He collaborated with Pierre Leroux and others in editing Le Globe, a political and literary review, served as a cabinet minister under the July monarchy, and was one of the promoters of the tariff reform of 1834.—TRANSLATOR.]

19.

[Bastiat himself lived for some time in the rue Choiseul, while the Odier Committee (see infra, p. 167) was established in the rue Hauteville.—TRANSLATOR.]

20.

[The author, in the speech he gave on September 29, 1846, at Montesquieu Hall, provided a striking illustration demonstrating this very principle. Cf. this speech in Vol. II (of the French edition).—EDITOR.]

21.

[The Committee for the Defense of Domestic Industry, a protectionist organization of which Antoine Odier (1766-1853), President of the Chamber of Commerce of Paris, a Deputy, and later a Peer of France, was one of the leaders.—TRANSLATOR.]

22.

[In Le Libre échange of August 1, 1847, the author presented an exposition of this topic that we deem worthy of reprinting here.—EDITOR.]


Présidentielles 2012: Bastiat-Sarkozy, même combat? (The battle of independent-minded men against the French nanny-state mentality didn’t start with Sarkozy)

20 avril, 2012
Sans doute vous m’appliquerez ce proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même; et vous me direz: Fais ici, dans ta patrie, tout ce que nous avons appris que tu as fait à Capernaüm. Mais je vous le dis en vérité, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. Jésus (Luc 4:23-24)
Il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas. Thérèse d’Avila
Au XIXe siècle, faut-il le rappeler, les libéraux étaient à gauche: ils défendaient le libre-échange contre les conservateurs, de droite.(…) Le “constructivisme” marxiste ou fasciste et, dans une moindre mesure, l’étatisme contemporain cherchent tous à changer l’homme, le libéralisme cherche au contraire à le respecter. La France poursuit la construction d’une “société de contrôle”, toujours plus soumise à la réglementation et toujours plus méfiante à l’égard de la responsabilité personnelle. Il est temps d’en prendre le contre-pied en bâtissant une “société de confiance” qui ne peut être qu’une “société de responsabilité”. (…)Notre pays est devenu une “Grande Nurserie” peuplée de citoyens de plus en plus infantilisés, croyant dur comme fer que l’Etat peut tout et n’hésitant pas à transférer une part de plus en plus grande de leurs pouvoirs et de leur liberté à la divine providence publique. Mathieu Laine
Me voilà discrédité à tout jamais; et il est maintenant reçu que je suis un homme sans cœur et sans entrailles, un philosophe sec, un individualiste, un bourgeois, et, pour tout dire en un mot, un économiste de l’école anglaise ou américaine. Frédéric Bastiat
Et cette grande chimère, nous l’avons placée, pour l’édification du peuple, au frontispice de la Constitution. Voici les premiers mots du préambule: « La France s’est constituée en République pour… appeler tous les citoyens à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumière et de bien-être. »  Ainsi, c’est la France ou l’abstraction, qui appelle les Français ou les réalités à la moralité, au bien-être, etc. N’est-ce pas abonder dans le sens de cette bizarre illusion qui nous porte à tout attendre d’une autre énergie que la nôtre? N’est-ce pas donner à entendre qu’il y a, à côté et en dehors des Français, un être vertueux, éclairé, riche, qui peut et doit verser sur eux ses bienfaits? N’est-ce pas supposer, et certes bien gratuitement, qu’il y a entre la France et les Français, entre la simple dénomination abrégée, abstraite, de toutes les individualités et ces individualités mêmes, des rapports de père à fils, de tuteur à pupille, de professeur à écolier?(…) Les Américains se faisaient une autre idée des relations des citoyens avec l’État, quand ils placèrent en tête de leur Constitution ces simples paroles: « Nous, le peuple des États-Unis, pour former une union plus parfaite, établir la justice, assurer la tranquillité intérieure, pourvoir à la défense commune, accroître le bien-être général et assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, décrétons, etc. » Ici point de création chimérique, point d’abstraction à laquelle les citoyens demandent tout. Ils n’attendent rien que d’eux-mêmes et de leur propre énergie. Si je me suis permis de critiquer les premières paroles de notre Constitution, c’est qu’il ne s’agit pas, comme on pourrait le croire, d’une pure subtilité métaphysique. Je prétends que cette personnification de l’État a été dans le passé et sera dans l’avenir une source féconde de calamités et de révolutions. Bastiat
Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n’engendrent pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, le premier seul est immédiat; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas; heureux si on les prévoit. Entre un mauvais et un bon Économiste, voici toute la différence: l’un s’en tient à l’effet visible; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir. Mais cette différence est énorme, car il arrive presque toujours que, lorsque la conséquence immédiate est favorable, les conséquences ultérieures sont funestes, et vice versa. — D’où il suit que le mauvais Économiste poursuit un petit bien actuel qui sera suivi d’un grand mal à venir, tandis que le vrai économiste poursuit un grand bien à venir, au risque d’une petit mal actuel. Du reste, il en est ainsi en hygiène, en morale. Souvent, plus le premier fruit d’une habitude est doux, plus les autres sont amers. Témoin: la débauche, la paresse, la prodigalité. Lors donc qu’un homme, frappé de l’effet qu’on voit, n’a pas encore appris à discerner ceux qu’on ne voit pas, il s’abandonne à des habitudes funestes, non-seulement par penchant, mais par calcul. Ceci explique l’évolution fatalement douloureuse de l’humanité. L’ignorance entoure son berceau; donc elle se détermine dans ses actes par leurs premières conséquences, les seules, à son origine, qu’elle puisse voir. Ce n’est qu’à la longue qu’elle apprend à tenir compte des autres. Deux maîtres, bien divers, lui enseignent cette leçon: l’Expérience et la Prévoyance. L’expérience régente efficacement mais brutalement. Elle nous instruit de tous les effets d’un acte en nous les faisant ressentir, et nous ne pouvons manquer de finir par savoir que le feu brûle, à force de nous brûler. À ce rude docteur, j’en voudrais, autant que possible, substituer un plus doux: la Prévoyance. C’est pourquoi je rechercherai les conséquences de quelques phénomènes économiques, opposant à celles qu’on voit celles qu’on ne voit pas. Bastiat
Je ne désire pas pour mon pays autant le free-trade que l’esprit du free-trade. Le free-trade, c’est un peu plus de richesse ; l’esprit du free-trade, c’est la réforme de l’intelligence même, c’est-à-dire la source de toutes les réformes. Frédéric Bastiat (Lettre à Cobden, le 20 mars 1847)
Malheureusement, pour qu’un livre surnage et soit lu, il doit être à la fois court, clair, précis et empreint de sentiments autant que d’idées. C’est vous dire qu’il ne doit pas contenir un mot qui ne soit pesé. Il doit se former goutte à goutte comme le cristal, et, comme lui encore, dans le silence et l’obscurité Bastiat (Lettre à Cobden, le 18 août 1848)
Le public est ainsi fait qu’il se défie autant de ce qui est simple qu’il se lasse de ce qui ne l’est pas. Bastiat
Qu’une association se forme en France; qu’elle entreprenne d’affranchir le commerce et l’industrie de tout monopole ; qu’elle se dévoue au triomphe du principe, et vous pouvez compter sur moi. De la parole, de la plume, de la bourse, Je suis à elle. S’il faut subir des poursuites judiciaires, essuyer des persécutions, braver le ridicule, je suis à elle. Quelque rôle qu’on m’y donne, quelque rang qu’on m’y assigne, sur les hustings ou dans le cabinet, je suis à elle.  Bastiat (Lettre à M. Alcide Fonteyraud, le 20 décembre 1845)
La cause que nous servons ne se renferme pas dans les limites d’une nation. Elle est universelle et ne trouvera sa solution que dans l’adhésion de tous les peuples. (…) Les difficultés s’accumulent autour de nous ; nous n’avons pas pour adversaires seulement des intérêts. L’ignorance publique se révèle maintenant dans toute sa triste étendue. En outre, les partis ont besoin de nous abattre. (…) Tous aspirent au même but : la Tyrannie. Ils ne diffèrent que sur la question de savoir en quelles mains l’arbitraire sera déposé. Aussi, ce qu’ils redoutent le plus, c’est l’esprit de la vraie liberté. (…) Ce qui m’afflige surtout, moi qui porte au cœur le sentiment démocratique dans toute son universalité, c’est de voir la démocratie française en tête de l’opposition à la liberté du commerce. Bastiat (Lettre à Cobden, 9 novembre 1847)
De grands obstacles nous viennent aussi de votre côté de la Manche. Mon cher Cobden, il faut que je vous parle en toute franchise. En adoptant le Libre-Echange, l’Angleterre n’a pas adopté la politique qui dérive logiquement du Libre-Échange. Le fera-t-elle ? Je n’en doute pas ; mais quand ? (…) On dit souvent qu’il ne faut pas confondre les nations avec leurs gouvernements. Il y a du vrai et du faux dans cette maxime ; et j’ose dire qu’elle est fausse à l’égard des peuples qui ont des moyens constitutionnels de faire prévaloir l’opinion. Considérez que la France n’a pas d’instruction économique. Lors donc qu’elle lit l’histoire, lorsqu’elle y voit les envahissements successifs de l’Angleterre, quand elle étudie les moyens diplomatiques qui ont amené ces envahissements, quand elle voit un système séculaire suivi avec persévérance, soit que les wighs ou les torys tiennent le timon de l’État, quand elle lit dans vos journaux qu’en ce moment l’Angleterre a 34,000 marins à bord des vaisseaux de guerre, comment voulez-vous qu’elle se fie, pour un changement dans votre politique, à la force d’un principe que d’ailleurs elle ne comprend pas ?  Bastiat (Lettre à Cobden, 15 octobre 1847)
Mon ami, l’ignorance et l’indifférence dans ce pays, en matière d’économie politique, dépassent tout ce que j’aurais pu me figurer. Ce n’est pas une raison pour se décourager, au contraire, c’en est une pour nous donner le sentiment de l’utilité, de l’urgence même de nos efforts. Mais je comprends aujourd’hui une chose : c’est que la liberté commerciale est un résultat trop éloigné pour nous. Heureux si nous pouvons déblayer la route de quelques obstacles. — Le plus grand n’est pas le parti protectionniste, mais le socialisme avec ses nombreuses ramifications. — S’il n’y avait que les monopoleurs, ils ne résisteraient pas à la discussion. — Mais le socialisme leur vient en aide. Celui-ci admet la liberté en principe et renvoie l’exécution après l’époque où le monde sera constitué sur le plan de Fourier ou tout autre inventeur de société. — Et, chose singulière, pour prouver que jusque-là la liberté sera nuisible, ils reprennent tous les arguments des monopoleurs : balance du commerce, exportation du numéraire, supériorité de l’Angleterre, etc., etc. D’après cela, vous me direz que combattre les monopoleurs, c’est combattre les socialistes. — Non. — Les socialistes ont une théorie sur la nature oppressive du capital, par laquelle ils expliquent l’inégalité des conditions, et toutes les souffrances des classes pauvres. Ils parlent aux passions, aux sentiments, et même aux meilleurs instincts des hommes. Ils séduisent la jeunesse, montrant le mal et affirmant qu’ils possèdent le remède. Ce remède consiste en une organisation sociale artificielle de leur invention, qui rendra tous les hommes heureux et égaux, sans qu’ils aient besoin de lumières et de vertus. — Encore si tous les socialistes étaient d’accord sur ce plan d’organisation, on pourrait espérer de le ruiner dans les intelligences. Mais vous comprenez que, dans cet ordre d’idées, et du moment qu’il s’agit de pétrir une société, chacun fait la sienne, et tous les matins nous sommes assaillis par des inventions nouvelles. Nous avons donc à combattre une hydre à qui il repousse dix têtes quand nous lui en coupons une. Le malheur est que cette méthode a un puissant attrait pour la  (jeunesse. On lui montre des souffrances ; et par là on commence par toucher son cœur. Ensuite on lui dit que tout peut se guérir, au moyen de quelques combinaisons artificielles ; et par là on met son imagination en campagne. Bastiat (Lettre à Cobden, 5 juillet 1847)
On nous accuse, dans le parti démocratique et socialiste, d’être voués au culte des intérêts matériels et de tout ramener à des questions de richesses. J’avoue que lorsqu’il s’agit des masses, je n’ai pas ce dédain stoïque pour la richesse. Ce mot ne veut pas dire quelques écus de plus ; il signifie du pain pour ceux qui ont faim, des vêtements pour ceux qui ont froid, de l’éducation, de l’indépendance, de la dignité. — Mais, après tout, si le résultat du libre-échange devait être uniquement d’accroître la richesse publique, je ne m’en occuperais pas plus que de toute autre question agricole ou industrielle. Ce que je vois surtout dans notre agitation, c’est l’occasion de combattre quelques préjugés et de faire pénétrer dans le public quelques idées justes. C’est là un bien indirect cent fois supérieur aux avantages directs de la liberté commerciale (…) Si la liberté était proclamée demain, le public resterait dans l’ornière où il est sous tous les autres rapports ; mais, au début, je suis obligé de ne toucher qu’avec un extrême ménagement à ces idées accessoires, afin de ne pas heurter nos propres collègues. Aussi je consacre mes efforts à élucider le problème économique. Ce sera le point de départ de vues plus élevées. Bastiat (Lettre à Cobden, le 20 avril 1847)
La révolution de février a été certainement plus héroïque que celle de juillet ; rien d’admirable comme le courage, l’ordre, le calme, la modération de la population parisienne. Mais quelles en seront les suites ? Depuis dix ans, de fausses doctrines, fort en vogue, nourrissent les classes laborieuses d’absurdes illusions. Elles sont maintenant convaincues que l’État est obligé de donner du pain, du travail, de l’instruction à tout le monde. Le gouvernement provisoire en a fait la promesse solennelle ; il sera donc forcé de renforcer tous les impôts pour essayer de tenir cette promesse, et, malgré cela, il ne la tiendra pas. Je n’ai pas besoin de te dire l’avenir que cela nous prépare. (…) Il est évident que toutes ces promesses aboutiront à ruiner la province pour satisfaire la population de Paris ; car le gouvernement n’entreprendra jamais de nourrir tous les métayers, ouvriers et artisans des départements, et surtout des campagnes. (…) Pauvre peuple ! que de déceptions on lui a préparées ! Il était si simple et si juste de le soulager par la diminution des taxes ; on veut le faire par la profusion, et il ne voit pas que tout le mécanisme consiste à lui prendre dix pour lui donner huit, sans compter la liberté réelle qui succombera à l’opération (…) Comment, comment lutter contre une école qui a la force en main et qui promet le bonheur parfait à tout le monde ? Ami, si l’on me disait : Tu vas faire prévaloir ton idée aujourd’hui, et demain tu mourras dans l’obscurité, j’accepterais de suite ; mais lutter sans chance, sans être même écouté, quelle rude tâche ! Adieu, les élections sont prochaines, nous nous verrons alors ; en attendant, dis-moi si tu remarques quelques bonnes dispositions en ma faveur. Bastiat (Lettre à M. Félix Coudroy, 29 février 1848)
Il faisait bien sombre hier… Ce soir, il y a de la lumière… Françaises, Français, aidez-moi ! Charles de Gaulle (le 27 juin 1958)
Françaises, Français, vous voyez où risque d’aller la France, par rapport à ce qu’elle était en train de devenir. Françaises, Français ! Aidez-moi ! De Gaulle (après le putsch d’Alger, le 22 avril 1961)
Aidez-moi, Nous avons deux mois. Deux mois pour bâtir la plus formidable aventure. Deux mois pour tout renverser. Nicolas Sarkozy (Villepinte, 11.03.12)
Aidez-moi à donner un avenir à nos enfants. Aidez-moi à faire triompher la vérité sur le mensonge, l’excellence contre la facilité.  Sarkozy (Montpellier, le 28 février 2012)
Certains m’appellent l’Américain. J’en suis fier … Je partage beaucoup de valeurs américaines. Nicolas Sarkozy (Congrès juif mondial, 24/6/04)
Le libéralisme, ce serait aussi désastreux que le communisme. Jacques Chirac (Le Figaro, 16 mars 2005)
Nous n’avons pas besoin à la tête de l’Etat de quelqu’un qui se fixe comme programme d’être le futur caniche du président des Etats-Unis. Laurent Fabius
C’est un Corrézien qui avait succédé en 1995 à François Mitterrand. Je veux croire qu’en 2012, ce sera aussi un autre Corrézien qui reprendra le fil du changement. François Hollande
L’un était convaincu que « l’homme est un loup pour l’homme » et a donc imaginé un État-Léviathan. L’autre défendait au contraire une bonté naturelle appelée à être réactivée par un « contrat social ». Les deux font date dans l’histoire de la pensée. Or, il se pourrait bien que Thomas Hobbes et Jean-Jacques Rousseau animent encore secrètement notre actualité politique. Il est en effet frappant de constater à quel point Nicolas Sarkozy est proche de la philosophie libérale et autoritaire de Hobbes, là où François Hollande rejoint l’aspiration républicaine de Rousseau. Vu sous cet angle, le débat, en apparence atone, de la présidentielle prend un relief inattendu. Et ses enjeux s’éclairent : car, comme le montre notre sondage exclusif, les Français apparaissent majoritairement rousseauistes mais aux prises avec un monde hobbesien dédié à la compétition de tous contre tousPhilosophie magazine (avril 2012)
Comme Hobbes, Rousseau pense que l’unité d’une société ne peut être que politique, et cette conviction se traduit par la position éminente du « souverain » ; simplement, chez lui, le souverain est et ne peut être que la « volonté générale », et non plus celle d’un homme ou d’une assemblée ; la structure de la théorie hobbesienne de la souveraineté est maintenue, seul change l’identité du sujet auquel celle-ci est attribuée. J.F. Kervégan (Paris I)
Comme on le voit, l’opposition entre Hobbes et Rousseau, entre Sarkozy et Hollande, est une fausse opposition idéologique qui trompe les électeurs. L’analyse de la vie politique française depuis plus de quarante ans nous le confirme : la droite et la gauche convergent de plus en plus vers un centre mou, à la fois étatiste et corporatiste, conservateur et progressiste, renonçant de plus en plus à tout ce qui pouvait encore les distinguer. La droite a renoncé au libre marché au profit d’un interventionnisme moralisateur (« moraliser le capitalisme » comme on dit) et d’une politique fiscale collectiviste. De son côté, la gauche a renoncé aux dogmes de la planification collectiviste et de la lutte des classes et se veut pragmatique. Bref, à droite comme à gauche, on rejette les doctrines, qualifiées d’ « idéologies » et on accepte tous les compromis. Résultat : la « droiche » ! Ce mouvement historique correspond en fait à l’avènement de ce qu’on appelle la social-démocratie : État-providence, justice sociale, prélèvements obligatoires, assistanat, multiculturalisme… c’est le prix de la paix sociale. Au programme donc : immobilisme et statu quo. Surtout ne changeons rien au système. Et la différence entre droite et gauche n’est en fait qu’une affaire de dosage, de nuances, car les deux principaux partis sont des clones. Nicomaque

Le naturel serait-il, comme le disait Horace (revisité par Destouches), en train de revenir au galop?

En cette veille d’un premier tour où les forces de la régression et de l’immobilisme semblent, comme pour les Etats-Unis il y a quatre ans et peut-être à nouveau dans six mois mais il n’est pas encore trop tard), avoir finalement rattrapé en un véritable hallali les meilleurs efforts du plus américain de nos présidents

Et où il est si facile, derrière les évidents défauts hobbesiens (mais, en ce pays d’indécrottables ayant droits et fraudeurs  rousseauistes  – aux deux tiers selon un récent sondage de Philosophie magazine -, la croyance au mal ne protège-t-elle pas au moins de certaines des illusions de la bien-pensance?) et les appels pathétiques du candidat sortant, de se gausser et de se voiler la face sur, l’Histoire le montrera très certainement un jour, la véritable portée de ce qui est en train de se jouer pour l’avenir d’un pays où l’on peut être exclu de son parti apparemment pour avoir favorisé la libre expression …

Comment ne pas voir, avec la journaliste canadienne et professeure de Sciences Po Rachel Madsen et au risque de choquer nos puristes, le parallèle (toutes proportions gardées) avec un autre de ces prophètes français lui aussi rejeté par son propre  pays?

A savoir le plus anglophile de nos économiste-homme politique-polémistes Frédéric Bastiat, dont, à l’instar du plus américanophile de nos sociologues, le grand Tocqueville, le combat pour la liberté d’esprit et contre la mentalité française de l’Etat-nounou ne sera redécouvert que par les Anglo-saxons dont il avait tenté d’acclimater les idées dans son pays natal …

Et à qui la nature essentiellement pamphlétaire de son oeuvre (correspondance comprise notamment avec l’industriel et homme d’Etat anglais Richard Cobden) mais probablement tout autant son inspiration largement anglaise (lisez: libérale) et la simplicité presque biblique de son style (tout, pédagogie oblige, de fables et de paraboles) vaudront d’être irrémédiablement relégué chez nous au rang d’économiste de deuxième catégorie.

A moins que ce ne soit  l’incroyable profondeur et originalité d’une pensée proprement prophétique qui mettait bien avant tout le monde le doigt sur des questions qui ne surgiront qu’un siècle après sa mort comme les questions tellement actuelles de déficits publics, désocialisation de la société, effets pervers ou vision en termes d’analyse coûts-bénéfices totale …

L’appel à l’aide de Sarkozy

Rachel Marsden

 The Chicago Tribune

21.03.2012

adapté  par Courrier international

Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy était élu sur la promesse de moderniser l’infrastructure de la société française et de la rapprocher du modèle américain : moins de dépendance vis-à-vis du gouvernement, plus de liberté dans la vie et le travail. C’était beaucoup demander mais il obtint une victoire écrasante, devançant Ségolène Royal, son adversaire socialiste, de plus de 6 %.

Sarkozy ne jurait que par l’énergie, la liberté du marché et la limitation du gouvernement, des idées importées directement d’outre-Atlantique. Mais quelque chose s’est mis en travers de sa route : la France. Voilà un exemple typique d’une ambition bloquée par la puissance du passé.

Sarkozy n’est pas le premier homme dont la liberté d’esprit butte sur la mentalité française de l’Etat-nounou. En 1848, l’économiste Frédéric Bastiat comparait déjà la Constitution des Etats-Unis à celle de la France : « Ce qui suit est le début du préambule de la Constitution [française] : ‘La France s’est constituée en République [dans le] but (…) de faire parvenir tous les citoyens (…) à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.’ (…) N’est-ce pas en cédant à cette étrange illusion que nous sommes conduits à tout attendre d’une énergie qui n’est pas la nôtre ?… Les Américains ont conçu une autre idée des relations des citoyens et du gouvernement. (…) Il n’y a pas ici [dans le préambule de leur Constitution] de création chimérique, pas d’abstraction desquelles les citoyens puissent tout exiger. Ils n’attendent rien sauf d’eux-mêmes et de leur propre énergie. »

Sarkozy est épuisé par ses efforts pour réformer la France. Carla Bruni, sa femme, a d’ailleurs déclaré lors d’un entretien récent qu’elle s’inquiétait pour lui parce qu’il donnait tout à son travail et dormait à peine. Cela ne l’a pas empêché de monter sur scène il y a deux semaines à l’occasion d’une gigantesque « Sarkorgie » devant des dizaines de milliers de partisans pour lancer aux Français : « Aidez-moi. » Une allusion pas très subtile à l' »Aidez-moi » lancé par le général de Gaulle en avril 1961 lors du putsch de nationalistes français en Algérie.

Le message de Sarkozy est clair : je me suis tué à la tâche pour changer le pays et ça a été plus dur que prévu, alors s’il vous plaît, ne votez pas pour le socialiste qui risque de vous emmener dans une direction que vous n’imaginez même pas. Sauf que les Français imaginent très bien de quoi a l’air une implosion socialiste : la Grèce en constitue un exemple frappant. Il n’empêche que je tombe tous les jours à Paris sur des Français qui me disent : « Sarkozy roule pour les riches, Hollande pour les pauvres. » C’est à cette bêtise crasse que Sarkozy est confronté, et elle est aussi coriace que tout ce que de Gaulle a dû affronter en son temps, y compris les nazis.

« Aidez-moi ! », voilà un bon slogan de campagne quand il s’agit de lutter contre la toute-puissance d’un socialiste qui promet tout et n’importe quoi en pleine crise économique. De Gaulle a dirigé la minorité française qui faisait de la résistance ; Sarkozy s’efforce aujourd’hui de diriger la minorité française qui résiste à la stupidité ambiante. Une fois encore, je pense que de Gaulle a eu la tâche la plus aisée.

Sarkozy appelle aujourd’hui à isoler la France de l’Europe pour la préserver des absurdités pratiquées par les pays frontaliers – ce qui passe entre autres par la révision de tous les accords de Schengen qu’il a contribué à créer ou amender. On dirait le dernier mea culpa d’un président dont la carrière politique se dirige vers la grande lumière blanche. Il espère ainsi reprendre pied et trouver la volonté de se sacrifier pour cinq ans de plus. Sarko le Garrot, c’est quand même mieux que cinq ans de saignée socialiste.

Voir aussi:

Sarkozy’s cry for help

 Rachel Marsden

The Chicago Tribune

March 13, 2012

French President Nicolas Sarkozy was elected five years ago by promising to modernize France’s societal infrastructure and bring it more into line with America’s: less government reliance, more freedom in life and work. It was a tall order, but his mandate was overwhelming, with a six-percentage-point win over Socialist rival Segolene Royal. Sarkozy was full of vigor and free-market, limited-government ideas imported directly from across the Atlantic.

But then something got in the way: France. It’s a case of ambition being unable to surmount the overwhelming power of entrenched history.

The battle of independent-minded men against the French nanny-state mentality didn’t start with Sarkozy. In 1848, for example, economist Frederic Bastiat was already comparing the U.S. Constitution to that of France:

« The following is the beginning of the preamble to [the French] Constitution: ‘France has constituted itself a Republic for the purpose of raising all the citizens to an ever-increasing degree of morality, enlightenment, and well-being.’ … Is it not by yielding to this strange delusion that we are led to expect everything from an energy not our own? … The Americans formed another idea of the relations of the citizens with the Government when they placed these simple words at the head of their constitution: ‘We, the people of the United States, for the purpose of forming a more perfect union, of establishing justice, of securing interior tranquility, of providing for our common defense, of increasing the general well-being, and of securing the benefits of liberty to ourselves and to our posterity, decree,’ etc. Here there is no chimerical creation, no abstraction, from which the citizens may demand everything. They expect nothing except from themselves and their own energy. »

Now, facing a hard-fought re-election battle that currently predicts a marked second-round loss to Segolene Royal’s former domestic partner, Socialist Francois Hollande, Sarkozy is unrecognizable on the campaign trail as the man of five years ago.

If people didn’t already know how exhausting the effort to reform France has been for Sarkozy, his wife, Carla Bruni, claimed in a recent interview that she’s worried about him because he gives his all to his job and barely sleeps. Still, he took to the stage this week in a massive Sarkorgy in front of tens of thousands of supporters near Paris to announce that he needs the French to « help me » — a not-so-subtle reference to President/General Charles de Gaulle’s « Help Me! » speech of April 1961 amid a coup d’Etat against him by French nationalists in Algeria (the « Generals’ Putsch »), in which he pleaded with the French military and people to see where the country could be headed as compared with the positive direction it was headed under his presidency.

Sarkozy’s meaning behind the slogan is clear: I’ve busted my behind to change this place, and while it’s been harder than expected, please don’t vote for the Socialist who risks taking it in a direction you probably can’t even imagine.

Except that the French can indeed imagine what a socialist implosion looks like now, because Greece serves as a rather prominent example. Still, I run into French people every day in Paris who tell me that « Sarkozy is for the rich; Hollande is for the poor. » Sarkozy is up against that kind of bumper-sticker stupidity, and it’s about as fireproof as anything de Gaulle had to fight back in the day — including Nazis. Sarkozy must feel about as powerless as John McCain did up against Obama’s « Yes, we can! »

« Help me! » sounds about right as a French campaign slogan when up against the omnipotence of a Socialist bearing promises of freebies and salvation during an economic crisis. De Gaulle led the minority French resistance; Sarkozy is trying to lead the minority French resistance against pervasive stupidity. Again, I think de Gaulle had it easier.

Sarkozy is now calling for firewalling France off from Europe to save the country from the nonsense practiced by other nations with which France shares uncontrolled borders — including revising all the Schengen accords he helped to create or amend.

It sounds like the mea-culpa death rattle of a president as his political career careens towards the big white light. Here’s hoping he gets a grip and finds the will to live and to martyr himself for another five years. Sarko the Tourniquet would beat five years of socialist bloodletting.

(Rachel Marsden is a columnist, political strategist and former Fox News host who writes regularly for major publications in the U.S. and abroad. Her new book, « American Bombshell: A Tale of Domestic and International Invasion, » is available through Amazon.com. Her website can be found at http://www.rachelmarsden.com.

Voir également:

For Love of Laissez-Faire

James Grant

The Wall Street Journal

July 23, 2011

Because nobody else can understand them, modern economists speak to one another. They gossip in algebra and remonstrate in differential calculus. And when the pungently correct mathematical equation doesn’t occur to them, they awkwardly fall back on the English language, like a middle-aged American trying to remember his high-school Spanish. The economist Frédéric Bastiat, who lived in the first half of the 19th century, wrote in French, not symbols. But his words—forceful, clear and witty—live to this day.

The name will ring a bell. Like FEMA and the Red Cross, Bastiat is a staple of American disaster reportage. Post-cyclone, -hurricane or –tsunami, some Keynsian Pollyanna will chirp that the rebuilding will stimulate economic growth. Bastiat dealt with this fallacy in an essay published in 1850, the year of his death at the age of 49. Rebuilding does indeed set money flowing, he allowed, and the rebuilders are glad of it. This is what is seen. But purchases that would have been made in the absence of the disaster now will never occur. And that is what is unseen. « That Which Is Seen and That Which Is Not Seen, » the title of the clarifying essay, might be the wisest 10 words in economic analysis.

Bastiat’s short essays, which he grouped under the title « Economic Sophisms, » are beloved by friends of laissez-faire. Late in the 19th century, small-government Democrats quoted him on the floor of the House against the high-tariff schemes of the GOP. The Republicans groaned when they heard Bastiat’s name. Unable to answer his arguments against government economic intervention, they charged him with being French.

Familiar though Bastiat’s economic writings may be, his letters, until now, have been available only in their original language. « The Man and the Statesman, » the first in a projected English-language edition of Bastiat’s collected works, encompasses 209 letters as well as a sampler of his political essays and notes and a helpful glossary from the editors (Jacques de Guenin, Jean-Claude Paul-Dejean and David M. Hart). But the letters are the thing. Through them shines the most charming economist you have ever met.

The Man and the Statesman

By Frédéric Bastiat

Liberty Fund, 559 pages, $14.50

Born in 1801, in Bayonne, hard by the Spanish border, Bastiat lost both parents by the age of 9. He attended a progressive school but quit before his 18th birthday, without a degree, to help manage the family business. But he made his own university by reading Adam Smith and Jean-Baptiste Say. Better unfettered enterprise and peace than protectionism and war, Bastiat concluded, in accordance with the masters. He cheered the 1830 revolution from which emerged the constitutional monarchy of Louis-Philippe. Confident in the future, Bastiat took a wife, bought property (with her money) and was appointed a justice of the peace. Advocating commercial freedom and economic growth, he began to write for newspapers.

In one of these wonderful letters, Bastiat sets out the qualities of a readable and enduring book. « It has to be short, clear, accurate and as full of feeling as of ideas, all at the same time, » he writes, also disclosing his own literary MO. « This means that it must not contain a single word that has not been weighed. It has to be formed, drop by drop like crystal, and in silence and obscurity, also like crystal. »

Of silence and obscurity Bastiat had more than enough in his beautiful Pyrenees home. « There is life in Paris only, » he insisted, « and one vegetates elsewhere. » He arrived in the City of Light in 1844, a hayseed who instantly awed the sophisticates. « What fire, what verve, what conviction, what originality, what winning and witty common sense! » a witness attested of his salon performances. And what courage! Free trade was never the French cup of tea, but Bastiat was determined to import the success of Richard Cobden’s crusade against the tariffs that protected the grain-growing British squirearchy (a.k.a., the « corn laws »).

You get only Bastiat’s side of the Bastiat-Cobden correspondence here, but Cobden would have been hard-pressed to match the Frenchman’s verve and philosophical range. « I want not so much free trade as the spirit of free trade for my country, » Bastiat declared to Cobden in 1847. « Free trade means a little more wealth; the spirit of free trade is a reform of the mind itself, that is to say, the source of all reforms. »

Peace and freedom were at the top of Bastiat’s agenda, each cause being indispensable to the other, he believed. Statism was his bane. « The dominant notion, the one that has permeated every class of society, » he wrote in the wake of the Revolution of 1848, « is that the state is responsible for providing a living for everyone. »

« Poor people! » he lamented of the duped French populace in the same tumultuous year. « How much disillusionment is in store for them! It would have been so simple and so just to ease their burden by decreasing their taxes; they want to achieve this through the plentiful bounty of the state and they cannot see that the whole mechanism consists in taking away ten to give it back eight, not to mention the true freedom that will be destroyed in the operation! »

To Bastiat, the way forward was obvious. Unshackle commerce by eliminating protective tariffs; reduce taxes through national disarmament. Why, oh why, Bastiat implored Cobden, would Britain not consent to shrink its provokingly large navy? Then again, Bastiat could understand only so much of the strange tribe that lived across the English Channel. Once, while visiting London, Bastiat had gone looking for Cobden, only to be told that the free-trader was making preparations to visit Manchester. « Preparations, » Bastiat reflected, « for an Englishman consist in swallowing a steak and stuffing two shirts into a bag. »

There being no doubt what to do, Bastiat pledged his all to the cause of free trade in France. « By word, pen and purse, I will be its man, » he vowed in 1845. « If it means legal proceedings, suffering persecution, or braving ridicule, I will be its man. Whatever role I am given, whatever rank I am allocated, on the hustings or in the cabinet, I will be its man. »

He met continual frustrations. He was not rich enough, talented enough or strong enough, Bastiat fretted. Spitting up blood and beset by a chronically sore throat, he took cod liver oil. Finding no relief, he resolved anew to finish his work before he died. Just one more year was all he needed, he wrote in 1847. (He wound up with almost three more years.) Of a friend in Paris in 1848 he asked the name of the « learned pharmacist who has discovered the art of making cod-liver oil palatable. » And he added: « I would also love it if this valued alchemist could teach me the secret of producing a pared-down version of political economy; this is a remedy that our sick society is very much in need of, but it refuses to take even the smallest teaspoonful, so repulsive does it find the stuff. »

In fact, Bastiat had no need of the services of his imagined alchemist. He himself knew the secret of writing the kind of economics that goes down like ambrosia.

—Mr. Grant is the author of « Mr. Speaker: The Life and Times of Thomas B. Reed, the Man Who Broke the Filibuster » (Simon & Schuster).

Voir enfin:

Concours Bastiat 2010

Contrepoints

le 30/03/2010

/…/

L’œuvre de Bastiat est importante, elle est riche, profonde et – fait rare chez les économistes – elle est exceptionnellement agréable à lire.

Bastiat a souvent été relégué au rang d’économiste de deuxième catégorie car son œuvre est constituée de nombreux pamphlets. Pourtant il n’en n’est rien. Sa pensée est d’une profondeur rarement égalée. Son esprit pamphlétaire lui a permis bien au contraire de mettre le doigt sur des vérités que d’autres n’envisageaient pas. Il a d’ailleurs pu percevoir des problèmes qui surgiront un siècle après sa mort (déficit de la sécurité sociale nationalisée, incivisme, désocialisation de la société par ce qu’on pourrait appeler la « socialisation forcée »)… A plus d’un titre la lecture de Bastiat est formatrice pour qui cherche à développer un esprit critique économique (qui ne se réduit pas à l’économisme) et juridique.

D’abord, il systématise la prise en compte des effets pervers résultant de mesures politiques de protection. Il contribue ainsi à la vision en termes d’analyse coûts-bénéfices totale. Bien souvent les hommes politiques ou les défenseurs de protections ont une tendance naturelle à faire usage d’une rhétorique consistant à ne montrer qu’une partie de la réalité pour arguer de leur position : protéger telle industrie locale par exemple n’apportera que des bienfaits ! Mais Bastiat nous avertit : et quid de l’autre partie de la réalité, « ce qu’on ne voit pas » ? Et les coûts supportés par tout les consommateurs, avec des prix plus élevés qui signifient moins de pouvoir d’achat , une qualité moindre du fait du manque de concurrence ? Et les effets de la protection sur les producteurs extérieurs qui sont aussi des clients de nos autres industries locales ? Bref, pour être un bon économiste, il ne faut pas simplement voir « ce que l’on voit » mais être capable aussi de voir « ce qu’on ne voit pas », d’anticiper les effets pervers, les « conséquences inattendues » de telle ou telle mesure. Il faut absolument lire et relire « La vitre cassée » dans cette série « Ce qu’on voit… » qui est un tout petit essai lumineux.

Contre la démagogie du protectionnisme défendu par les producteurs, Bastiat se place donc résolument du côté des consommateurs. Il se place aussi du côté du contribuable. Il anticipe avec un siècle d’avance les analyses du fonctionnement de la démocratie redistributive qui émergeront à la fin des années 50 (A. Downs, puis J. Buchanan & G. Tullock) et à cet égard son pamphlet sur l’Etat est un monument de perspicacité. Il excelle aussi dans « La loi » où il prend une posture radicalement différente de ce que nous connaissons de nos jours par exemple : la loi pour les gens d’aujourd’hui, c’est ce que « produit » le législateur. Bastiat revient à une tradition beaucoup moins « positiviste » et tente de reposer les fondations du droit : le droit est découvert et non pas décrété par les hommes. Exactement comme on ne peut « décréter » les lois de la physique de manière fantaisiste lorsque l’on bâtit une maison sans prendre le risque qu’elle ne nous tombe sur la tête, on ne peut « décréter » des lois qui vont à l’encontre de la coopération sociale sans générer le désordre.

On l’aura compris, Bastiat n’est pas qu’un simple pamphlétaire. Comme Voltaire, un autre pamphlétaire de génie, il fait montre d’une pensée claire, cohérente et sa critique est incisive. Son œuvre participe pleinement à l’élaboration d’une vision sociale profondément humaniste, qui cherche justement à démasquer les faux humanismes. Nous espérons que nos lecteurs en tireront le plus grand profit.

Vous pouvez consulter :

Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, une série d’essais où l’auteur s’attache à analyser « ce qu’on ne voit pas » dans les protections diverses. (version HTML ici)

Pétition des fabricants de chandelle, un pamphlet sur la logique profonde du protectionnisme (version HTML ici)

La Loi, un essai lumineux sur la nature du droit et de la justice (version HTML ici)

Propriété et loi, un autre très bel essai sur le droit.

L’Etat, un essai qui anticipe d’un siècle les analyses de l’école du public choice (version HTML ici)

Sophismes Economiques, une série de pamphlets remettant en cause de nombreuses idées reçues et autres demi-vérités populaires (ou populistes !).

L’Angleterre et le libre échange, une analyse de la mise en place des politiques de libre échange qui pourrait inspirer beaucoup de décideurs aujourd’hui.

(Ces textes ont été originellement digitalisés et mis à disposition soit par François René rideau, soit par le Liberty Fund, que nous remercions ici. Ils ont été mis en forme par Youcef Maouchi, Rhadija El Issaoui et Mathieu Bédard.)

Librairal propose également ces textes, ainsi que d’autres.


Présidentielle 2012: Pourquoi je voterai malgré tout pour Sarkozy (From the frying pan into the fire?)

18 avril, 2012
Il n’est de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre. Henri Queuille (président du Conseil sous la IVe République et élu de Corrèze)
Trois pays qui ont profondément modernisé leur administration dans les vingt dernières années, le Canada, la Suède et la Nouvelle-Zélande (…) ont en commun d’avoir mis en œuvre cette réforme en réponse justement à des situations de crise économique profonde. (…) L’expérience de ces trois pays montre que plusieurs éléments doivent se conjuguer pour mener à bien ces transformations : tout d’abord la légitimité sortie des urnes pour une équipe qui place le redressement de l’économie et la défense d’un contrat social comme objectif prioritaire à atteindre, la réforme de l’État n’étant qu’un moyen d’y parvenir. Ensuite, la prise de conscience à travers une grave crise économique et budgétaire de la rareté de la ressource publique et de la nécessité d’en « avoir pour son argent ». Désormais, les exigences des citoyens sont renforcées, ce qui rend impossible le maintien de prélèvements obligatoires élevés et le blocage des réformes indispensables. Enfin, la réforme implique une attitude pragmatique des parties prenantes : c’est la recherche d’une plus grande efficacité du modèle social qui doit être mise en avant par les pouvoirs publics, plus qu’une simple logique comptable. Pour les syndicats, c’est un changement de stratégie qui passe par la négociation des réformes plutôt qu’une opposition systématique. C’est au prix de ces efforts que l’on pourra, en France, réussir la réforme de l’État et des politiques publiques. Sandrine Gorreri (2009)
Il est très commode de chercher le bouc émissaire en période de crise. La réalité est que la globalisation a permis aux pays industrialisés à construire leur prospérité depuis des décennies. Dans un monde où les ressources naturelles, les capitaux et les talents ne sont pas équitablement distribués, les surplus des uns comblent les lacunes des autres. (…) Le discours prônant la démondialisation ferait du sens s’il ne cachait pas une volonté protectionniste ou de préférence nationale. Il est fait au nom de toutes bonnes intentions sociales et environnementales, mais son objectif reste le même. C’est-à-dire maintenir le statu quo dans l’ordre économique dominant pourtant intenable à long terme. Les défenseurs du repli, ne réalisent pas que grâce à l’ouverture des marchés, des centaines de millions de personnes en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud sont sorties de la pauvreté de la même façon que les Etats-Unis et l’Europe ont réussi à améliorer leur niveau de vie dans le passé. Le Temps
Je fais partie des déçus de Nicolas Sarkozy. (…) Comme beaucoup d’autres sans doute, je pourrais m’abstenir dimanche. Je ne le ferai pas car je redoute une gauche doctrinaire ayant décroché tous les pouvoirs (Elysée, Parlement, collectivités régionales et locales), confortant au passage le conformisme de la pensée médiatique et l’oligarchie syndicale. La France a déjà trop perdu de temps pour se permettre un retour en arrière. C’est pourquoi je voterai, malgré tout, pour Sarkozy. Je le ferai pour son dynamisme, son goût pour les réformes, sa capacité à se remettre en question. Ivan Rioufol
Volontaire ou subie, la rigueur s’imposera au prochain président de la République. La rigueur passe par la baisse des dépenses publiques et non par la hausse des impôts, qui n’est jamais que la préférence pour la dépense poursuivie par d’autres moyens. (…) Elle constitue la face cachée de la campagne électorale. (..) Quel que soit l’élu, le prochain quinquennat sera celui de la rupture avec l’ère de la croissance à crédit. Le temps des déficits et de l’argent public abondant et bon marché est révolu. Voilà pourquoi le prochain président, de gré ou de force, devra s’inspirer de Gerhard Schröder et de Mario Monti. Voilà pourquoi il ne suffit pas de dire que l’on va baisser les dépenses, mais lesquelles et comment. Voilà pourquoi il faut assumer politiquement la rigueur. Dès maintenant. Nicolas Baverez
Aucun Président gouvernant n’a jamais été réélu. (…) Sous la Ve République, aucun Président sortant en phase avec la majorité gouvernante n’a jamais encore réussi à être réélu. (…) François Mitterrand et Jacques Chirac (…) ont été réélus (…) comme présidents de cohabitation. Ils avaient perdu le contrôle de la majorité parlementaire et ne conduisaient plus l’action gouvernementale. Si Sarkozy parvenait à se faire réélire en 2012 après avoir piloté lui-même les affaires du pays pendant cinq ans, ce serait une première. (…) Aucun Président n’a jamais été aussi impopulaire. C’est le lot habituel des gouvernants que d’essuyer l’impopularité. (…) Mais Sarkozy explose tous les records. Selon le baromètre historique de l’Ifop (la même question est posée pour tous les Présidents depuis 1958), il décroche haut la main le pompon de l’impopularité. L’actuel Président a réussi la prouesse de susciter plus de « mécontents » que de « satisfaits » tous les mois depuis janvier 2008 ! Déjà presque quatre ans d’impopularité continue. Eric Dupin
Au reproche essentiel que l’on adresse à Sarkozy, de n’avoir su habiter la fonction, on le remerciera plutôt d’avoir ébréché le monarchisme présidentiel. Jacques Chirac fut l’ultime souverain et Nicolas Sarkozy, le premier moderne (…) Rejeter le sarkozysme pour cette raison-là, revient – c’est permis – à ne pas aimer notre temps. (…) le sarkozysme est aussi une réaffirmation de l’Etat de droit contre la désertion antérieure des zones de non-droit : plus une société se diversifie, plus la coexistence de cultures distinctes exige le respect de la loi, comme contrat social. Sarkozy a compris cela : la sécurité est l’avers de la diversité. (…) le sarkozysme aura dit, sinon fait, que l’entrepreneur soit reconnu comme le seul vrai moteur du dynamisme économique (…) Le sarkozysme, c’est aussi le retour de la France à son espace naturel, l’Occident, plutôt que la troisième voie ou le ni-ni. De nouveau, nous voici les alliés diplomatiques et militaires des Etats-Unis. De nouveau, enfin, nous voici du côté des droits de l’homme en Géorgie, en Libye, Syrie, Tunisie, Egypte et – un peu plus que du temps de Jacques Chirac – du côté des droits de l’homme en Chine et en Russie. Guy Sorman

Alors que réveillés par l’approche possible des postes, les rats ont comme prévu commencé à quitter le navire …

Et que, comme le rappelle le conseiller de Sarkozy Patrick Buisson (Canard de ce matin), « les courbes n’auraient jamais dû se recroiser » sans la pression des belles âmes de droite qui a freiné le sortant dans sa reconquête des classes populaires et mécaniquement fait remonter Marine et partant Hollande via la redescente de Sarko qui risque à présent de se retrouver second au 1er tour …

Comment, avec Ivan Rioufol,  ne pas se désoler ce gâchis et de cette régression …

Dans un pays où la gauche du retour à l’immobilisme et des bons sentiments ne dépasse normalement pas 45% …

Et où donc, un peu unie, une droite qui avait certes trop timidement commencé certaines réformes nécessaires (certes payées au prix fort et ce d’autant plus que son représentant n’avait pas, contrairement à ses prédécesseurs, de cohabitation derrière laquelle s’abriter) devrait logiquement l’emporter (même à 50,2%)?

A moins, comme semble le laisser entendre notre décliniste national, que le mur de la dure réalité dont nous nous rapprochons à la vitesse grand V ne contraigne enfin la gauche molle à virer sa cuti et à enfin engager (15 ou 20 ans après la Suède, la Nouvelle-Zélande ou le Canada) la rigueur que son prédécesseur a eu tant de mal à assumer ?

Pourquoi je voterai, malgré tout, pour Sarkozy

Ivan Rioufol

Le Figaro

16 avril 20

Je fais partie des déçus de Nicolas Sarkozy. Je lui reproche une ouverture à gauche pour laquelle il n’avait pas reçu mandat et qui a eu pour conséquence de brouiller sa politique ; aujourd’hui, Jean-Jacques Aillagon et Martin Hirsch le remercient en rejoignant le PS. Je lui reproche, plus gravement, d’avoir joué avec l’identité nationale après s’être fait élire en promettant sa protection. J’ai en mémoire son pénible discours à l’Ecole Polytechnique, en 2008, dans lequel il disait vouloir imposer aux Français un « impératif de métissage » si besoin avec des méthodes « plus contraignantes encore ». Il ne parlait pas du métissage des sangs, qui n’est pas un problème, mais de celui qu’amène la diversité des cultures. « Je crois à l’addition des identités et au respect des différences », avait-il d’ailleurs écrit dès 2006, en saluant « une France où l’expression « Français de souche » a disparu, où la diversité est comprise comme une richesse, où chacun accepte l’autre dans son identité et le respecte ». Des Français ont vu là un mépris de ce qu’ils étaient. Je comprends les excédés qui ont alors rejoint Marine Le Pen.

Je ne suis pas de ceux qui veulent diaboliser la présidente du FN quoi qu’elle dise ou fasse. Plus exactement : je déplore le maintien d’une filiation, même si elle est devenue ténue, avec un parti dont le noyau dur est antisémite, raciste, brutal. Je conteste aussi sa conception antilibérale et son culte de l’Etat stratège, alors que la société souffre de centralisme et de bureaucratie. Ces deux raisons me tiennent à distance de ce mouvement. Cependant, je reconnais à Marine Le Pen le courage de ses utiles combats pour la défense de la nation, du peuple oublié, de sa culture commune. Je constate qu’elle a su reprendre les valeurs abandonnées par la gauche relativiste et penaude: la démocratie, la laïcité, l’égalité entre l’homme et la femme, la liberté d’expression. Comme elle, je pense que l’immigration de peuplement et la survenue de l’islam radical sont des sujets essentiels qui doivent être abordés dans le débat public.

Comme beaucoup d’autres sans doute, je pourrais m’abstenir dimanche. Je ne le ferai pas car je redoute une gauche doctrinaire ayant décroché tous les pouvoirs (Elysée, Parlement, collectivités régionales et locales), confortant au passage le conformisme de la pensée médiatique et l’oligarchie syndicale. La France a déjà trop perdu de temps pour se permettre un retour en arrière. C’est pourquoi je voterai, malgré tout, pour Sarkozy. Je le ferai pour son dynamisme, son goût pour les réformes, sa capacité à se remettre en question. J’ai trouvé excellent son discours d’hier, écrit par Henri Guaino. Alors que, la veille à Marseille, Jean-Luc Mélenchon avait redit sa détestation de la « nation occidentale », estimant qu’il n’y avait pas d’avenir pour la France « sans les Arabes et les Berbères », Sarkozy s’est fait le défenseur de la civilisation, de la nation, des frontières. « Ce qui est en jeu, c’est la survie d’une forme de civilisation, la nôtre », a-t-déclaré. Cette vision me semble plus riche que « La France tranquillou » de François Hollande, cette culture du « sympa » que louange Libération, qui voit son poulain déjà élu.

Voir aussi:

La rigueur, c’est maintenant

Quel que soit l’élu, le prochain quinquennat sera celui de la rupture avec l’ère de la croissance à crédit

Nicolas Baverez

Le Point

12/04/2012

Le déclin de la France n’a jamais été aussi marqué depuis les années 1930. La croissance potentielle se situe désormais au-dessous de 1 % compte tenu de l’euthanasie de la production privée, du retard de l’investissement et de l’innovation provoqué par la chute des profits, de l’effondrement de la compétitivité dont témoignent la diminution des parts de marché mondial de 4,7 à 3,4 % depuis 2000 et un déficit commercial record de 70 milliards d’euros en 2011. La dette atteindra 90 % du PIB en 2012, seuil à partir duquel elle détruit l’activité et l’emploi. Le chômage touche 10 % de la population active depuis trois décennies. Le blocage de la croissance et le chômage permanent entraînent la paupérisation des Français, dont le revenu par tête est désormais inférieur à celui de l’Union européenne. La nation se désintègre et ne parvient plus à intégrer ni les jeunes – 20 % d’une classe d’âge étant rejetée chaque année du système éducatif sans formation aucune – ni les immigrés et leurs descendants. La dégradation financière de la France, loin d’être anecdotique, acte la perte de la maîtrise de son destin par un pays qui se trouve désormais placé sous la tutelle des marchés financiers et de l’Allemagne.

La préférence pour la dépense publique est au fondement du modèle de croissance à crédit qui a ruiné la France et en fait l’homme malade de l’Europe. Cinq ans après le choc de 2007, notre pays n’a pas retrouvé son niveau de production d’alors. Contrairement aux autres pays développés, son décrochage a été accéléré, mais non provoqué, par la crise. Il résulte d’un modèle de croissance par la dette publique où le seul moteur de l’activité réside dans la consommation, tirée par des transferts sociaux qui atteignent 33 % du PIB. L’Etat providence a phagocyté l’Etat régalien et la redistribution évincé la production. La montée parallèle des dépenses et des recettes publiques, qui culminent à 56,6 % et 49 % du PIB, minent la production et l’emploi marchands.

La France sera l’épicentre du prochain choc sur la zone euro. En dépit du faux calme qui a prévalu depuis la dégradation de sa notation financière, le télescopage du mur de la dette se rapproche. La France doit lever 180 milliards d’euros en 2012 et 240 milliards en 2013 sur les marchés, dont 70 % auprès des investisseurs internationaux. Le ciseau entre l’ascension de la dette publique et la chute de la croissance se poursuit, tandis que le chômage frappe plus de 10 % des actifs. Notre pays est par ailleurs pris en étau entre l’Allemagne d’Angela Merkel, leader de l’Europe du Nord compétitive, et l’Italie de Mario Monti, symbole de l’Europe du Sud qui se réforme. Les investisseurs, y compris les banques françaises, ont déjà commencé à vendre massivement les titres de la dette française, avec pour conséquence une tension sur les taux d’intérêt et un écart de 125 points de base avec le Bund allemand. L’Espagne de Mariano Rajoy préfigure la situation de la France au lendemain de l’élection présidentielle. En dépit d’un effort d’économies de 27 milliards d’euros et de 12 milliards de hausses d’impôts, en dépit de la libéralisation du marché du travail au prix d’une grève générale, le dérapage du déficit budgétaire de 4,4 à 5,3 % du PIB a été violemment sanctionné par les marchés. Les taux d’intérêt sont remontés à 5,7 %, soit un niveau insoutenable pour une économie en récession où le taux de chômage atteint 23 %. La dette publique française constitue la prochaine cible. Avec à la clé un nouveau choc sur le système bancaire, dont les bilans sont intimement liés aux risques souverains, et la relance de la crise de l’euro, dont les mécanismes de secours, limités à 800 milliards, sont insuffisants pour garantir la dette française (1 700 milliards d’euros).

Volontaire ou subie, la rigueur s’imposera au prochain président de la République. La rigueur passe par la baisse des dépenses publiques et non par la hausse des impôts, qui n’est jamais que la préférence pour la dépense poursuivie par d’autres moyens. Elle s’impose autant pour sauver l’euro que pour rétablir la souveraineté de la France, casser le cycle de son déclin, refonder la nation autour de perspectives d’avenir crédibles. Elle constitue la face cachée de la campagne électorale. Les programmes de retour à l’équilibre pour 2016 ou 2017 sont biaisés par des hypothèses de croissance exagérément optimistes (2 à 2,5 %, contre 1,2 % en moyenne depuis 2000), des hausses d’impôts massives (de 14 à 50 milliards d’euros) qui porteront les recettes publiques au-delà de 50 % du PIB, des promesses de dépenses nouvelles et un flou persistant sur d’éventuelles coupes budgétaires. Quel que soit l’élu, le prochain quinquennat sera celui de la rupture avec l’ère de la croissance à crédit. Le temps des déficits et de l’argent public abondant et bon marché est révolu. Voilà pourquoi le prochain président, de gré ou de force, devra s’inspirer de Gerhard Schröder et de Mario Monti. Voilà pourquoi il ne suffit pas de dire que l’on va baisser les dépenses, mais lesquelles et comment. Voilà pourquoi il faut assumer politiquement la rigueur. Dès maintenant.

Voir également:

Sarkozysme, tout sauf insignifiant

Guy Sorman

Distinguons le sarkozysme comme mode d’action et Nicolas Sarkozy comme personnage : les deux ne se recoupent pas tout à fait. C’est le sarkozysme qui ici importe, dont le bilan est fécond : mais oui.

Au reproche essentiel que l’on adresse à Sarkozy, de n’avoir su habiter la fonction, on le remerciera plutôt d’avoir ébréché le monarchisme présidentiel. Jacques Chirac fut l’ultime souverain et Nicolas Sarkozy, le premier moderne ; le sarkozysme est de notre temps, à l’heure du téléphone portable plus que de la plume. On peut détester cette popularisation de la fonction présidentielle mais elle reflète notre époque. Rejeter le sarkozysme pour cette raison-là, revient – c’est permis – à ne pas aimer notre temps. De notre temps aussi est la transgression sarkozyste des lignes partisanes anciennes et de la monopolisation des postes par les vieux mâles blancs. Affecter des socialistes, des femmes issues de l’immigration dans des fonctions décisives aura été une révolution sarkozyste : le gouvernement et la haute fonction publique commencent à ressembler à la société toute entière.

Un repli de l’Etat s’il devenait de nouveau partisan, ethnique, sexiste et gérontocrate, par-delà le sarkozysme, sera probablement impensable, impossible. Quel chef d’Etat, dans l’avenir, osera cantonner un Français arabe à la gestion de l’immigration et une femme à l’assistance sociale ? Le sarkozysme aura donc contribué à une démocratisation du pouvoir et de ceux qui l’exercent. Significatif aussi est le droit accordé aux Français expatriés, pour la première fois, de désigner leurs députés à l’Assemblée nationale : manœuvre politique peut-être mais reconnaissance d’une évolution majeure. La nation ne coïncide plus avec ses frontières : la France n’est pas une géographie mais un territoire mental, là où vivent des Français.

A cette apologie de l’internationalisation de la France, on nous objectera le traitement odieux des Roms et des controverses absolument choquantes sur l’islamisation de la société française. Oui, mais par-delà ces débordements de campagne, le sarkozysme est aussi une réaffirmation de l’Etat de droit contre la désertion antérieure des zones de non-droit : plus une société se diversifie, plus la coexistence de cultures distinctes exige le respect de la loi, comme contrat social. Sarkozy a compris cela : la sécurité est l’avers de la diversité.

Démocratisation et puis modernisation, dans l’enseignement supérieur d’abord : il est évident que la forteresse enseignante devait évoluer vers l’autonomie et la concurrence. Le sarkozysme n’y est pas complétement parvenu mais le chemin est défriché. Modernisation économique aussi, tout juste esquissée pour cause de crise mais avec des ouvertures nécessaires dans le carcan du Droit du travail : le sarkozysme aura dit, sinon fait, que l’entrepreneur soit reconnu comme le seul vrai moteur du dynamisme économique. La crise financière de 2008 a brisé cet élan libératoire : Nicolas Sarkozy a provisoirement cédé à la mythologie keynésienne qui ne laisse jamais dans son sillage que des dettes publique et pas d’emplois. Mais la Grèce et l’Allemagne, se répartissant les rôles, la cigale et la fourmi, ont reconduit le sarkozysme au bon sens : le contrôle des dépenses publiques pour restaurer l’investissement privé.

Ressaisissement aussi et retour aux sources libérales que le rapprochement avec l’Allemagne, partenaire et modèle, puisqu’en économie c’est la rigueur qui paie. Ce qui conduit le sarkozysme vers une Europe fédérale à terme, parce que la Fédération garantira des politiques économiques cohérentes et productives. On aura compris que le sarkozysme est, non pas un anti-gaullisme mais un post-gaullisme puisque nous avons changé de siècle et de société.

Le sarkozysme, c’est aussi le retour de la France à son espace naturel, l’Occident, plutôt que la troisième voie ou le ni-ni. De nouveau, nous voici les alliés diplomatiques et militaires des Etats-Unis. De nouveau, enfin, nous voici du côté des droits de l’homme en Géorgie, en Libye, Syrie, Tunisie, Egypte et – un peu plus que du temps de Jacques Chirac – du côté des droits de l’homme en Chine et en Russie.

En conclura-t-on que le sarkozysme est une vision cohérente du monde, de la France dans le monde, de l’Etat en France ? Il n’en est sans doute que l’esquisse, une première tentative pour que notre nation rattrape son temps et le monde. Car à vouloir trop embrasser, trop vite, le sarkozysme est brouillon, reflet de l’impatience de Sarkozy, l’homme pressé de la Cinquième République : l’action parait décalée de la réflexion, quand le messager occulte le message. Le sarkozysme au total, apparaît telle une pensée forte, indiscutablement contemporaine mais parfois en quête d’auteur.

Voir enfin:

Présidentielle : pourquoi le cas Sarkozy est désespéré

Eric Dupin

 Rue 89

 22/10/2011

« Sarkozy est dans la situation de Giscard avant 1981 », juge François Hollande avec gourmandise. Le parallèle des destinées entre le troisième et le sixième président de la Ve République est, en effet, assez frappant.

Tous deux ont débuté leur règne en majesté, portés par l’espérance réformatrice et osant une magnanime ouverture, pour finir sous une pluie de critiques et d’affaires compromettantes. Nicolas Sarkozy a même curieusement fait référence à Giscard en reprenant récemment à son compte la formule du « bon choix » de 1978.

Le candidat socialiste fraîchement désigné, et investi ce samedi par son parti, se présente d’ores et déjà comme « le prochain Président ». Ce n’est peut-être pas très inspiré, tant les électeurs ne goûtent guère ceux qui semblent excessivement confiants en leur victoire.

Mais il faut bien admettre qu’en cet automne le cas du candidat Sarkozy paraît assez désespéré.

1 Aucun Président gouvernant n’a jamais été réélu

On le répète, tous les Présidents qui ont sollicité un nouveau mandat ont été réélus, à l’exception de Valéry Giscard d’Estaing. Rien ne serait plus facile que d’être reconduit à l’Elysée. A y regarder de plus près, un tout autre éclairage s’impose. Sous la Ve République, aucun Président sortant en phase avec la majorité gouvernante n’a jamais encore réussi à être réélu.

en 1965, le général de Gaulle fut le premier président à être élu au suffrage universel direct. En 1958, il avait seulement été désigné par un collège de « grands électeurs ». Et lorsqu’il a mis sa responsabilité en jeu quatre ans plus tard, lors du référendum de 1969, il a été battu et a quitté le pouvoir ;

Georges Pompidou est mort trop tôt (1974) pour tenter une quelconque réélection ;

Giscard, on le sait, a échoué en 1981 ;

quant à François Mitterrand et Jacques Chirac, ils ont été réélus (respectivement en 1988 et 2002) comme présidents de cohabitation. Ils avaient perdu le contrôle de la majorité parlementaire et ne conduisaient plus l’action gouvernementale.

Si Sarkozy parvenait à se faire réélire en 2012 après avoir piloté lui-même les affaires du pays pendant cinq ans, ce serait une première.

2 Aucun Président n’a jamais été aussi impopulaire

C’est le lot habituel des gouvernants que d’essuyer l’impopularité. Chaque Président a connu des périodes de désamour avec les Français plus ou moins longues.

De Gaulle n’a vraiment irrité le pays qu’en 1963, lors de la grande grève des mineurs. Pompidou a vécu un septennat avorté mais paisible. La cote de Giscard n’a basculé dans le rouge qu’aux alentours de 1977 puis dans les derniers mois de son septennat.

Mitterrand, lui, a été rejeté pendant une longue période, de 1983 à 1986, pour cause de « rigueur » mal digérée. Et Jacques Chirac fut impopulaire des grandes grèves de décembre 1995 à la fin 1997.

Quatre ans d’impopularité continue

Mais Sarkozy explose tous les records. Selon le baromètre historique de l’Ifop (la même question est posée pour tous les Présidents depuis 1958), il décroche haut la main le pompon de l’impopularité.

L’actuel Président a réussi la prouesse de susciter plus de « mécontents » que de « satisfaits » tous les mois depuis janvier 2008 ! Déjà presque quatre ans d’impopularité continue.

Sarkozy a même très souvent rencontré l’hostilité de deux Français sur trois. Aux dernières nouvelles, seulement 32% des sondés s’en disent « satisfaits » contre 67% de « mécontents ».

Pour mémoire, en septembre 1980, Giscard venait tout juste dans basculer dans un solde négatif avec 41% de « satisfaits » et 42% de « mécontents ».

3 Aucun Président sortant n’a jamais eu aussi peu d’intentions de vote

A sept mois d’une élection présidentielle, il ne faut évidemment pas prendre les enquêtes d’intentions de vote au pied du chiffre. La campagne n’a pas encore joué ses effets. Elles n’en indiquent pas moins un point de départ à prendre en considération. Là encore, le cas Sarkozy est de nature à susciter la compassion.

Trois sondages récents (enquête BVA, enquête CSA, enquête Ifop) le donnent largement devancé par Hollande (35 à 39% contre 23 à 25%) au premier comme au second tour (60 à 64% pour Hollande) de la présidentielle. Rien à voir avec la situation de ses devanciers.

En octobre 1980, la Sofres attribuait encore 57% des intentions de vote à Giscard pour le second tour. Mitterrand fut très tôt le favori de l’élection de 1988. Contrairement à ce que l’on prétend parfois, les enquêtes d’opinion furent très partagées sur les chances respectives de Lionel Jospin et de Jacques Chirac avant que ne s’engage la campagne de 2002.

Il est sans précédent pour un président sortant, bénéficiaire des avantages de la fonction et pouvant même prétendre à quelques succès au plan international, d’être aussi bas dans les intentions de vote à sept mois du scrutin.

Il n’est certes jamais impossible de remonter la pente. La campagne de 2012 ne manquera pas d’être riche en péripéties et rebondissements. Mais il faudra à Sarkozy une chance et un talent extraordinaires pour redresser une situation aussi compromise.

Cela tombe bien : lui-même est intimement persuadé de posséder l’une comme l’autre.

Voir enfin:

La crise hypothèque-t-elle la modernisation de l’Etat ?

Les exemples du Canada, de la Suède et de la Nouvelle-Zélande

Sandrine Gorreri

IFRAP

5 novembre 2009

A la crise économique récente qui a frappé l’économie mondiale, les Etats ont répondu par des plans de relance massifs : soutien au secteur financier et aux secteurs économiques et industriels les plus durement touchés, protection sociale accrue sur les populations les plus exposées, mesures de soutien à la consommation et de reconversion de l’emploi, etc.

Mais à la veille du débat budgétaire qui s’ouvre en France, une telle politique paraît de plus en plus difficile à poursuivre sans mettre en péril notre modèle social. En effet les marges de manœuvre se sont tendues : les déficits budgétaire et sociaux nés de ces réponses à la crise posent la question de la soutenabilité de l’intervention publique. Et pour chaque élément nouveau de notre contrat social, se pose la question du renoncement à un autre avantage. La France doit-elle en passer par une remise à plat de son modèle social et une redéfinition des contours de l’intervention publique ? Dès 2007, le Président de la République avait lancé un programme de révision générale des politiques publiques (RGPP) afin de « conduire les réformes essentielles pour les citoyens, l’administration et les finances publiques ».

Ce volontarisme affiché dans la réforme de l’Etat doit permettre de mener une large modernisation de l’administration et des services publics tout en concourant au redressement de l’équilibre budgétaire. La crise actuelle nous amène à nous interroger sur l’opportunité de poursuivre un tel chantier : une réponse est apportée par trois pays qui ont profondément modernisé leur administration dans les vingt dernières années, le Canada, la Suède et la Nouvelle-Zélande. Ces pays ont en commun d’avoir mis en œuvre cette réforme en réponse justement à des situations de crise économique profonde.

I- Contexte économique et politique de réforme

Il est frappant de constater que le contexte dans lequel s’est conduit la réforme de l’État dans ces trois pays est assez similaire et répond directement à notre question. La crise économique de 1990-91 avait déjà, rappelons-le, creusé les déficits des finances publiques et fait bondir le chômage. Obligés de réagir, ces gouvernements ont appliqué une réforme de l’Etat qui s’est imposée comme une solution pragmatique face à la situation économique dégradée, plus que comme un choix politique délibéré. Il est d’ailleurs notable que cette réforme de l’Etat ne figurait pas en tant que telle dans les programmes électoraux.

– Canada

Au début des années 1990, la situation économique du Canada s’était fortement détériorée. Les déficits publics atteignaient 8,7% du PIB, dont 6% pour le gouvernement fédéral, et la dette du seul gouvernement fédéral était de 66% du PIB. Quant au service de la dette il absorbait 37% des recettes fiscales ! La crise avait fait grimper le chômage à 11,4%. Comme l’a déclaré Paul Martin, ancien ministre des Finances qui remplaça Jean Chrétien au poste de Premier ministre : « le fait que les charges de la dette menaçaient les dépenses de nos meilleurs programmes sociaux – santé et retraites – était simplement inacceptable ». Aux élections de 1993, le parti conservateur a été battu par le parti libéral de Jean Chrétien, qui s’est fait élire sur le slogan « pour la création d’emplois, pour la relance économique », sans cacher que l’assainissement des finances publiques était « essentiel à la création d’emplois ». La réussite de cette réforme fut de démontrer que l’assainissement des finances publiques était un facteur de préservation des acquis sociaux.

– Suède

Le parallèle avec la Suède est intéressant : la réforme a été suscitée par la nécessité de préserver les fondements du généreux modèle social. Parce que de nouveaux besoins sociaux venaient augmenter le poids sur les finances publiques, la volonté de défendre le modèle de l’État-providence, particulièrement dans les secteurs de la santé, de l’éducation ou du logement, a conduit à l’adapter pour en assurer la pérennité.
La crise financière du début des années 1990 avait provoqué une explosion des dépenses publiques à 67,5% du PIB et du poids de la dette. Le gouvernement se devait de réagir en décidant une politique de plafonnement des dépenses dans différentes administrations, une réforme en profondeur de la protection sociale, et une politique active de privatisations. Cette réforme permit de réduire la dette publique et de redonner des marges de manœuvre au modèle suédois.

– Nouvelle-Zélande

Là encore, c’est une forte dégradation de la situation économique, mais cette fois au début des années 1980, qui déclencha la politique de réformes. De toutes les réformes évoquées ici, celle menée en Nouvelle-Zélande fut certainement la plus ambitieuse puisqu’elle toucha toute la politique économique : elle ne se limita pas à la restructuration du secteur public mais procéda aussi à une refonte de la réglementation économique et notamment du système de subventions aux entreprises et à l’agriculture. L’économie néo-zélandaise se définissait avant cela par une structure économique particulièrement interventionniste, interventionnisme qui s’était accru après la première crise pétrolière et la fin de l’accès privilégié au marché britannique, dans ce pays, aussi appelé le paradis des travailleurs. La situation était telle qu’elle provoqua la perte de confiance des marchés et une forte déstabilisation de l’économie. Le gouvernement travailliste arrivé au pouvoir en 1984 réagit immédiatement en menant des réformes qui ont par la suite redéfini le rôle de l’État et profondément transformé la société néo-zélandaise en quelques années.

Ces réformes de grande ampleur furent mises en œuvre non sans contestation. Elles n’ont toutefois pas empêché les équipes au pouvoir de se faire réélire. Au Canada, le parti libéral a ainsi été réélu en 1997, puis en 2000 et en 2004. En Nouvelle-Zélande, malgré la dureté des réformes, le gouvernement travailliste sera réélu en 1987. Quant aux conservateurs qui leur succéderont, ils poursuivront cette même politique. Même si la pratique du dialogue social est différente dans chacun de ces pays, ces éléments montrent que le consensus sur la situation économique du pays avait été suffisamment fort pour emporter la décision des électeurs et appuyer la volonté de réforme des équipes gouvernementales.

II- Les réformes entreprises

– Canada

Le ministre des Finances Paul Martin lança immédiatement un programme de réduction des dépenses : le nombre de ministères diminua, les salaires des fonctionnaires furent gelés et un réexamen complet de toutes les dépenses publiques, baptisé « examen des programmes », fut mené avec pour objectif de ramener en 2 ans le déficit fédéral de 6% à 3% du PIB, sans augmenter les impôts. Ce vaste chantier a conduit à une réduction de 17 milliards de dollars canadiens les dépenses publiques. L’examen des programmes devait éviter d’imposer des réductions uniformes à tous les ministères et permettre de fixer des priorités : les subventions aux entreprises furent diminuées par exemple de 60%. Des administrations furent supprimées ou regroupées. Les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces furent simplifiées, permettant de clarifier les subventions versées par le gouvernement fédéral, dont l’affectation fut laissée à la discrétion des provinces. Plusieurs services publics furent confiés au secteur privé. L’assurance-chômage fut réformée avec une politique d’incitation au retour à l’emploi des chômeurs.

Pour faciliter la baisse de 15% des effectifs des fonctionnaires fédéraux, une administration temporaire fut mise en place, pour contrôler les recrutements des administrations, en vue de les remplacer par des reclassements de fonctionnaires dont le poste était supprimé. L’usage des nouvelles technologies fut généralisé. Des objectifs de résultats chiffrés furent demandés aux administrations concernées.

Les résultats de cette politique ont été spectaculaires : la dette publique est passée de 96% en 1993 à 64% en 2007. Dès 1997, le solde budgétaire est redevenu positif pour le rester jusqu’en 2007 (à l’exception des années 2002/2003). Malgré les baisses d’effectifs, la qualité des services publics ne s’est pas détériorée, selon l’opinion des usagers. La réforme s’est également appuyée sur des indicateurs tels que la croissance de l’emploi. Le chômage de longue durée (au sens de l’OCDE, les personnes sans emploi pendant plus de 12 mois en pourcentage du nombre de chômeurs) a baissé, atteignant 7,5% en 2007, à comparer à des taux supérieurs à 40% en France, en Italie ou en Allemagne. Le marché du travail s’est aussi davantage ouvert aux jeunes : près de 60% des 15-24 ans avaient ainsi un emploi en 2007, contre moins de 40% pour la France. La réforme a rencontré une certaine opposition, des syndicats de fonctionnaires notamment, mais aussi au niveau des provinces qui ont vu leurs compétences s’accroître, mais la négociation s’est jouée entre baisse des dépenses et baisse des prélèvements.

– Suède

C’est par réaction à la situation explosive de la dette et des dépenses publiques que la Suède a mis en place son programme de modernisation de l’action publique, avec pour objectif clair d’ « en avoir plus » pour le niveau de dépenses du pays grâce à une meilleure organisation et productivité de l’administration. Cette transformation a été opérée en simplifiant l’organisation de l’État avec 13 ministères comptant 30 000 fonctionnaires et en transférant l’essentiel des compétences opérationnelles des ministères à 250 agences comptant environ 200 000 fonctionnaires.
La réforme s’est fortement appuyée sur les directeurs de ces agences. Chaque directeur d’agence a vu ses responsabilités renforcées en matière de recrutement, de formation et de rémunération des effectifs. En contrepartie de cette autonomie, les directeurs étaient évalués et rémunérés aux résultats par leur ministère de tutelle auquel ils devaient rendre des comptes. Cette approche a été confortée par une réforme du cadre budgétaire et comptable qui a permis d’évaluer le coût complet des services publics, élément essentiel d’une gestion par résultat et d’une meilleure efficacité de la dépense publique. D’autre part, l’organisation administrative en agences a été facilitée par le rapprochement de la gestion des agents publics sur le cadre de travail des salariés du secteur privé. Cette évolution a été rendue possible par une pratique du dialogue social très poussé reposant sur un taux de syndicalisation le plus élevé d’Europe (près de 80% de la population active). Enfin, cette politique s’est appuyée sur la délocalisation des agences et services publics et, là aussi, sur une généralisation des nouvelles technologies.

L’autre point fort de la réforme a été le recours à la décentralisation : les compétences en matière d’enseignement ont été transférées aux communes et les compétences en matière de santé ont été transférées aux régions. De très nombreux hôpitaux ont aussi été privatisés et confiés à des entreprises, notamment une partie de ceux de la ville de Stockholm. Les résultats se sont mesurés en matière de coût, de qualité et de délai d’attente : 2 ans après les réformes, les infirmières de Stockholm ont été augmentées en moyenne de 17% et les files d’attente ont été raccourcies de moitié. Les syndicats ont été parties prenantes dans cette mutation et le changement a largement été négocié. Pour les écoles, elles sont restées publiques mais autonomes. Enfin, le fonctionnement des entreprises publiques a été aligné sur celui du privé. Toutes ces restructurations, menées pour des motifs de rigueur budgétaire, ont été comprises et acceptées par les dirigeants syndicaux à condition qu’un volet d’accompagnement social soit mis en place. C’est en s’appuyant sur un dialogue social très développé que le pays a pu mener à bien sa réorganisation administrative et préserver son modèle social.

– Nouvelle-Zélande

C’est à partir de 1984 et sous l’incitation du ministre travailliste des finances, Roger Douglas, que le pays soumet ses structures économiques à de profondes transformations. Ces réformes (statut de la fonction publique, mais aussi réforme du droit du travail, fin des subventions aux agriculteurs, réduction du budget de fonctionnement de l’administration…) furent menées par un gouvernement travailliste élu sur un programme clairement libéral. Le gouvernement commença par ouvrir le plus possible l’économie. En parallèle, il mena une baisse des effectifs, les administrations centrales passant de 88.000 à 35.000 employés. La suppression du statut de la fonction publique entamé en 1986 avec le « State Sector Act » signifie concrètement que les employés du secteur public sont devenus des employés comme les autres.

Le système fiscal a été simplifié et le secteur public privatisé. Sur le plan social, l’âge du départ à la retraite a été fixé à 65 ans, les indemnités de licenciement réduites et les prestations de santé tarifées en fonction du revenu des usagers (la concurrence entre caisses a été généralisée). La loi « Employment Contract Act » de 1990 a mis fin à la pratique du syndicat obligatoire et introduit un régime de contrats individuels ou par groupes qui ouvre la voie à des négociations salariales décentralisées et non plus tenues au niveau national entre patronat et syndicats.

Entre 1993 et 2008, la Nouvelle-Zélande a connu une croissance de 3,5% en moyenne et une baisse du chômage de 9,5 à 3,6%. Les dépenses publiques sont tombées de 59% en 1987 à moins de 35% en 2007. Pour la Nouvelle-Zélande, le contenu idéologique s’est largement inspiré des réformes britanniques mises en œuvre par Margaret Thatcher. Un exemple qui illustre la diffusion des pratiques de politiques publiques au sein du Commonwealth. La Nouvelle-Zélande est sans doute le pays qui est allé le plus loin avec sa « thérapie de choc » et l’alignement de la gestion publique sur la gestion privée : gestion comptable, gestion des ressources humaines, privatisations, etc. Cette réforme a sans doute été facilitée dans un pays jeune, petit et isolé qui avait besoin d’accomplir un redressement économique considérable. Même s’il y a eu une forte opposition, l’opinion publique était convaincue de la nécessité de réformer le système.

France Canada Suède Nouvelle-Zélande
Population (en milliers d’habitants) 2008 61 840 33 095 9 195 4 268
Taux de prélèvements obligatoires (en % du PIB) 2007 43,5 33,3 48,2 36
Dette publique (en % PIB) 2007 70,1 64 46,9 25,3
Taux de chômage (en % de la population active) 2007 8,3 6 6,2 3.6
Taux d’emploi (en % de la population active) 2007 63,98 73,61 75,65 75,43
PIB par habitant (au prix du marché, en USD) 2007 32 686 38 500 36 603 27 431
Source : OCDE

Au travers de ces exemples, la conclusion est claire : oui, la réponse à la crise est compatible avec la modernisation de l’État. Elle a même été dans ces trois cas le déclencheur nécessaire à des transformations profondes de l’organisation administrative et des politiques publiques. Ces réformes ne se sont pas faites sans difficultés mais leurs effets sur les finances publiques a été à la hauteur des attentes qui étaient nées face à des situations de crise. Elles ont de surcroît rencontré la satisfaction des citoyens et des usagers. Cela n’empêche pas ces pays d’être frappés par la crise actuelle mais il est évident que cela leur accorde de meilleures marges de manœuvre. Pendant ce temps, en France, de nombreux rapports et commissions se sont préoccupés de la modernisation de l’Etat, mais le poids de la sphère publique reste toujours aussi élevé. C’est d’ailleurs dans le secteur public que sont cantonnés l’essentiel des effectifs syndicaux, ce qui rend l’exercice encore plus difficile malgré un volontarisme politique de longue date.

L’expérience de ces trois pays montre que plusieurs éléments doivent se conjuguer pour mener à bien ces transformations : tout d’abord la légitimité sortie des urnes pour une équipe qui place le redressement de l’économie et la défense d’un contrat social comme objectif prioritaire à atteindre, la réforme de l’État n’étant qu’un moyen d’y parvenir.
Ensuite, la prise de conscience à travers une grave crise économique et budgétaire de la rareté de la ressource publique et de la nécessité d’en « avoir pour son argent ». Désormais, les exigences des citoyens sont renforcées, ce qui rend impossible le maintien de prélèvements obligatoires élevés et le blocage des réformes indispensables.
Enfin, la réforme implique une attitude pragmatique des parties prenantes : c’est la recherche d’une plus grande efficacité du modèle social qui doit être mise en avant par les pouvoirs publics, plus qu’une simple logique comptable. Pour les syndicats, c’est un changement de stratégie qui passe par la négociation des réformes plutôt qu’une opposition systématique. C’est au prix de ces efforts que l’on pourra, en France, réussir la réforme de l’État et des politiques publiques.

Cet article était initialement publié dans la revue de l’association des anciens élèves de Sciences-Po « Rue Saint-Guillaume ».


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