Sacre du Printemps/110e: Quel grand retour de la sauvagerie russe ? (Looking back, as Moscow’s new Führer ressurects long-forgotten barbarity, at Stravinsky’s primal and sacrificial images of pagan Russia that, on the eve of WWI, took Paris by storm and caused, complete with a riot in the end, one of the greatest scandals in the history of Western music)

29 mai, 2023

Ígor Stravinski y el escándalo que revolucionó la música del siglo XXA Reconstruction Of 'The Rite Of Spring' As The Infamous Ballet Turns 100 | WBUR News
Le massacre du printemps
A 2002 version of The Rite Of Spring by Ballet Preljocaj

Le Sacre du printemps (Louis Barreau, 2022)

Nicholas Roerich. The Rite Of Spring. Sketch for the ballet "Spring sacred" by I. Stravinsky

Il savait que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. Albert Camus (La Peste)
Il faut se rappeler que les chefs militaires allemands jouaient un jeu désespéré. Néanmoins, ce fut avec un sentiment d’effroi qu’ils tournèrent contre la Russie la plus affreuse de toutes les armes. Ils firent transporter Lénine, de Suisse en Russie, comme un bacille de la peste, dans un wagon plombé. Winston Churchill
Ca a commencé en septembre l’an passé, puis c’est monté crescendo. Au fur et à mesure de l’année, ça a commencé à s’aggraver (…) Au mois de février, en rangeant sa chambre, j’ai trouvé une lettre de suicide sous son matelas. On a avisé l’académie, le proviseur et la police… Sans suite. On a rencontré le proviseur une seule fois, et il nous a juste conseillé de lui supprimer son téléphone. Beau-père de Lindsay
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Les médias sociaux ont porté « l’universalisation de la médiation interne » à un nouveau niveau, tout en réduisant considérablement les « domaines de la vie qui séparaient les gens les uns des autres ». Les médias sociaux sont le miasme du désir mimétique. Si vous publiez des photos de vos vacances d’été en Grèce, vous pouvez vous attendre à ce que vos « amis » publient des photos d’une autre destination attrayante. Les photos de votre dîner seront égalées ou surpassées par les leurs. Si vous m’assurez, par le biais des médias sociaux, que vous aimez votre vie, je trouverai un moyen de dire à quel point j’aime la mienne. Lorsque je publie mes plaisirs, mes activités et mes nouvelles familiales sur une page Facebook, je cherche à susciter le désir de mes médiateurs. En ce sens, les médias sociaux fournissent une plate-forme hyperbolique pour la circulation imprudente du désir axé sur le médiateur. Alors qu’il se cache dans tous les aspects de la vie quotidienne, Facebook s’insinue précisément dans les domaines de la vie qui sépareraient les gens. Très certainement, l’énorme potentiel commercial de Facebook n’a pas échappé à Peter Thiel, l’investisseur en capital-risque et l’un de ses étudiants à Stanford à la fin des années 80 et au début des années 90. Girardien dévoué qui a fondé et financé un institut appelé Imitatio, dont le but est de « poursuivre la recherche et l’application de la théorie mimétique dans les sciences sociales et les domaines critiques du comportement humain », Thiel a été le premier investisseur extérieur de Facebook, vendant la plupart de ses actions. en 2012 pour plus d’un milliard de dollars (elles lui avaient coûté 500 000 dollars en 2004). Seul un girardien très intelligent, bien initié à la théorie mimétique, pouvait comprendre aussi tôt que Facebook était sur le point d’ouvrir un théâtre mondial de désir mimétique sur les ordinateurs personnels de ses utilisateurs. Robert Pogue Harrison
J’entrevis dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à la mort d’une jeune fille, qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps. Igor Stravinsky
C’est une série de cérémonies de l’ancienne Russie. Igor Stravinsky
À la fin de la « Danse sacrale », tout le public bondit sur ses pieds et ce fut une ovation. Je suis allé sur scène saluer Monteux qui, en nage, me gratifia de l’accolade la plus salée de ma vie. Les coulisses furent prises d’assaut et, hissé sur des épaules inconnues, je fus porté en triomphe jusque sur la place de la Trinité. Igor Stravinsky
Je m’abstiendrai de décrire le scandale qu’il produisit. On en a trop parlé. La complexité de ma partition avait exigé un grand nombre de répétitions que Monteux conduisit avec le soin et l’attention qui lui sont coutumiers. Quant à ce que fut l’exécution au spectacle, j’étais dans l’impossibilité d’en juger, ayant quitté la salle dès les premières mesures du prélude, qui tout de suite soulevèrent des rires et des moqueries. J’en fus révolté. Ces manifestations, d’abord isolées, devinrent bientôt générales et, provoquant d’autre part des contre-manifestations, se transformèrent très vite en un vacarme épouvantable. Pendant toute la représentation je restai dans les coulisses à côté de Nijinski. Celui-ci était debout sur une chaise, criant éperdument aux danseurs « seize, dix-sept, dix-huit » (ils avaient leur compte à eux pour battre la mesure). Naturellement, les pauvres danseurs n’entendaient rien à cause du tumulte dans la salle et de leur propre trépignement. Je devais tenir Nijinsky par son vêtement, car il rageait, prêt à tout moment à bondir sur la scène pour faire un esclandre. Diaghilev, dans l’intention de faire cesser ce tapage, donnait aux électriciens l’ordre tantôt d’allumer, tantôt d’éteindre la lumière dans la salle. C’est tout ce que j’ai retenu de cette première. Chose bizarre, à la répétition générale, à laquelle assistaient, comme toujours, de nombreux artistes, musiciens, hommes de lettres et les représentants les plus cultivés de la société, tout se passa dans le calme et j’étais à dix lieues de prévoir que le spectacle pût provoquer un tel déchainement. Igor Stravinsky (Chroniques de ma vie, 1935)
C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne. Claude Debussy
Tout ce qu’on a écrit sur la bataille du « Sacre du printemps » reste inférieur à la réalité. Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, des gifles, voire des coups. Les mots semblent bénins lorsqu’on évoque une telle soirée. Le calme reparaissait un peu quand on donnait soudain la lumière dans la salle. Je m’amusais beaucoup de voir certaines loges vindicatives et tonitruantes dans l’obscurité, s’apaiser aussitôt dans la clarté. Je ne cacherai pas que notre calme rivière était devenue un torrent tumultueux. On y voyait entre autres Maurice Delage grenat d’indignation, Maurice Ravel combatif comme un coq furieux, Léon-Paul Fargue vociférant des épithètes vengeresses vers les loges sifflantes. Et je me demande comment cette œuvre si difficile pour 1913 put être jouée et dansée jusqu’au bout dans un tel vacarme… Valentine Gross (Hugo)
On veut nous montrer les danses de la Russie préhistorique ; on nous présente donc, pour faire primitif, des danses de sauvages, des caraïbes et de canaques… Soit, mais il est impossible de ne pas rire. Imaginez des gens affublés des couleurs les plus hurlantes, portant bonnets pointus et peignoirs de bains, peaux de bête ou tuniques pourpres, gesticulant comme des possédés, qui répètent cent fois de suite le même geste: ils piétinent sur place, ils piétinent, ils piétinent ils piétinent et ils piétinent… Ils se cassent en deux et se saluent. Et ils piétinent, ils piétinent, ils piétinent… une petite vieille tombe la tête par terre, et nous montre son troisième dessous… Et ils piétinent, ils piétinent, ils piétinent… Et puis ce sont des groupes qui évoluent en ordre ultra serré. Les danseuses sont les unes contre les autres, emboîtées comme des sardines, et toutes leurs charmantes têtes tombent sur l’épaule droite, toutes figées dans cette pose tortionnaire par un unanime torticolis. (…) Evidemment, tout cela peut se défendre ; c’est là de la danse préhistorique. Plus ce sera laid, difforme, plus ce sera préhistorique. (…) La musique de M. Stravinsky est déconcertante et désagréable. Sans doute s’est-elle proposé de ressembler à la chorégraphie « barbaresque ». On peut regretter que le compositeur de l’Oiseau de Feu se soit laissé aller à de telles erreurs. Certes, on retrouve dans le Sacre du Printemps une incontestable virtuosité de l’orchestration, une certaine puissance rythmique, une facile invention de fragments mélodiques ou d’échantillonnages sonores, combinés en vue d’accompagner, ou de situer, ou de caractériser les mouvements scéniques. Il y a là un musicien heureusement doué, ingénieux, subtil, capable de force et d’émotion, ainsi qu’il l’a déjà prouvé. Mais, dans le désir semble-t-il de faire primitif, préhistorique, il a travaillé à rapprocher sa musique du bruit. Pour cela, il s’est appliqué à détruire toute impression de tonalité. On aimerait à suivre, sur la partition (que je n’ai pas reçue), ce travail éminemment anti-musical. Adolphe Boschot (L’Echo de Paris, 1913)
J’étais placé au-dessous d’une loge remplie d’élégantes et charmantes personnes de qui les remarques plaisantes, les joyeux caquetages, les traits d’esprit lancés à voix haute et pointue, enfin les rires aigus et convulsifs formaient un tapage comparable à celui dont on est assourdi quand on entre dans une oisellerie. (…) Mais j’avais à ma gauche un groupe d’esthètes dans l’âme desquels Le Sacre du printemps suscitait un enthousiasme frénétique, une sorte de délire jaculatoire et qui ripostaient incessamment aux occupants de la loge par des interjections admiratives, par des « bravos» furibonds et par le feu roulant de leurs battements de mains ; l’un d’eux, pourvu d’une voix pareille à celle d’un cheval, hennissait de temps en temps, sans d’ailleurs s’adresser à personne, un « À la po-o-orte ! » dont les vibrations déchirantes se prolongeaient par toute la salle. Pierre Laloy (Le Temps, le 3 juin 1913)
Si M. Igor Stravinski ne nous avait pas donné un chef d’œuvre, L’oiseau de Feu, et cette œuvre pittoresque et charmante, Petrouchka, je me résignerais à être déconcerté sur ce que je viens d’entendre. Je me bornerai à constater un orchestre où tout est singulier, étrange, et ingénié, multiplié pour confondre l’ouïe et la raison. Que cet orchestre soit extraordinaire, rien n’est plus certain; je crains même qu’il ne soit que cela. Pas une fois, le quatuor ne s’y laisse entendre ; seule y dominent les instruments aux sons violents et bizarres. Et encore M. Stravinsky a-t-il pris soin, le plus souvent, de les dénaturer dans la sonorité qui leur est propre. Aussi nulle trêve, qui ne serait que simplicité, n’est-elle accordée à la stupeur de l’auditeur. (…) Je n’en ai eu que stupeur ; je vais admettre que voici l’avènement d’une nouvelle musique à l’audience de laquelle ma sensibilité et mon goût ne sont pas encore préparés. Il n’est peut-être qu’ordre, harmonie et clarté, ce sacre du Printemps, où je n’ai guère discerné que de l’incohérence, des dissonances, de la lourdeur et de l’obscurité. (…) La chorégraphie de M. Nijinski se résume, ici, à une stylisation laborieuse des liesses très lourdes, des frénésies très gauches et des extases très mornes des tous premiers Russes. Nulle beauté, nulle grâce en tout cela : mais il est probable que M. Nijinski n’en a pas eu cure ; il en est justifié par ce qu’il eut dessein de nous évoquer. Et voilà un fort mélancolique spectacle. Georges Pisch (Gil Blas, le 30 mai 1913)
Toute réflexion faite, le Sacre est encore une « œuvre fauve », une œuvre fauve organisée. Gauguin et Matisse s’inclinent devant lui. Mais si le retard de la musique sur la peinture empêchait nécessairement le Sacre d’être en coïncidence avec d’autres inquiétudes, il n’en apportait pas moins, une dynamite indispensable. De plus, n’oublions pas que la collaboration tenace de Stravinsky avec l’entreprise Diaghilev, et les soins qu’il prodigue à sa femme, en Suisse, le tenaient écarté du centre. Son audace était donc toute gratuite. Enfin, telle quelle, l’œuvre était et reste un chef-d’œuvre ; symphonie empreinte d’une tristesse sauvage, de terre en gésine, bruits de ferme et de camp, petites mélodies qui arrivent du fond des siècles, halètement de bétail, secousses profondes, géorgiques de préhistoire. Jean Cocteau (Le Coq et l’Arlequin, 1918)
Il y a quelque chose qui circule du début à la fin qui fait que cette musique draine comme une lame de fond. L’idée est une sorte de désir, de rituel sacrificiel bien sûr, qui serait là pour réactiver la fécondité de la tribu. Je trouve, cette musique le dit très bien, cela. Cette espèce de pulsion à la fois effrayante et irrésistible, qui est finalement la sexualité. Alors j’ai essayé d’évoquer le désir féminin à travers cela. Et l’idée est que cette femme qui est choisie comme étant l’élue et donc le bouc émissaire, dans ma vision, elle passe du statut de victime au statut d’héroïne. Finalement, elle va au-delà de ce qu’on lui demande. Par cette force-là, cette détermination, elle réussit à vaincre les idées préconçues de la tribu. C’est l’œuvre qui ouvre la musique du 20e siècle. C’est un peu comme on dit que le 11-Septembre a ouvert le 21e siècle, le Sacre du Printemps a ouvert le 20e siècle en termes de musique. Angelin Preljocaj (Ballet Preljocaj, Pavillon Noir, Aix-en-Provence)
1913, c’était une période de l’histoire très curieuse dans le monde de l’art et dans l’histoire de l’Europe et de la France. Toutes ces dissonances musicales, toute cette énergie de Nijinsky – beaucoup disent que c’est là que sa folie a commencé à l’envahir – tous ces excès, tout est excessif dans le Sacre du Printemps, et quand on l’entend et qu’on le réentend, tout est magnifiquement orchestré. Et en même temps, quand on pense aux œuvres musicales et chorégraphiques qui étaient appréciées à cette période-là, on n’était pas du tout prêt pour beaucoup à entendre et à voir cela. En même temps, ce qui est très important dans des œuvres qui bouleversent, c’est qu’on sait, à partir de là, on ne pourra plus jamais regarder la danse ou entendre la musique de la même manière. Brigitte Lefebvre (Opéra de Paris)
La première du Sacre du printemps de Stravinsky, c’était le 29 mai 1913. Chorégraphiée par le danseur russe Vaslav Nijinsky, la pièce avait créé un scandale au Théâtre des Champs-Élysées à Paris. (…) Le public rit, chahute, le vacarme est tel que les danseurs n’entendent plus l’orchestre et que Nijinsky doit compter dans les coulisses pour que le ballet se poursuive. Aujourd’hui considérée comme un monument de la musique classique et du ballet, cette œuvre a été si mal reçue, parce qu’elle était complètement révolutionnaire. Il y a la musique de Stravinski où le rythme est le principal élément. Le compositeur imagine un grand rite sacral païen où des vieux sages, assis en cercle, observent la danse à la mort d’une jeune fille sacrifiée au Dieu du printemps. Et il y a aussi le ballet de Nijinsky qui renversait tous les codes de la danse classique. Fi des pointes et du célèbre en-dehors des pieds. Le chorégraphe russe avant-gardiste et inspiré présente des ballerines aux chaussons tournés vers l’intérieur, les genoux pliés. La danse moderne s’impose en pleine tradition du ballet russe. Mais le public n’est pas prêt. Et pour les puristes le choc esthétique est tel et la réaction des spectateurs tellement forte que la pièce doit s’interrompre tant le vacarme est importante dans la salle. Elle ne se poursuivra qu’après l’intervention de la police. (…) Depuis la chorégraphie de Nijinsky qui a créé le scandale, de nombreux chorégraphes se sont frottés au Sacre du Printemps. C’est devenu un passage obligé, la marque de la consécration. Parmi les grands noms de la danse qui ont signé un Sacre, il y a d’abord Maurice Béjart qui a marqué les esprits avec une chorégraphie d’une énergie et d’une grande modernité à l’époque, même si aujourd’hui cette version paraît un peu datée. Il y a le Sacre de Pina Bausch, un monument de la danse contemporaine où les interprètes vêtues de robes couleurs de sable dansent dans la terre, s’en imprègnent jusqu’à l’épuisement le corps battant au rythme infernal de la musique de Stravinski. Et puis d’autres Sacre encore, celui de Jean-Claude Gallota, Martha Graham, Paul Taylor, Mats Ek et Angelin Preljocaj. Muriel Maalouf
Il recèle une force ancienne, c’est comme s’il était rempli de la puissance de la Terre. Sasha Waltz
Je dois admettre que lorsque nous arrivons au moment qui précède la dernière danse… ma pression sanguine augmente. Je ressens une sorte de poussée d’adrénaline. Le miracle de cette pièce, c’est son éternelle jeunesse. Elle est si fraîche qu’elle est toujours aussi géniale. Esa-Pekka Salonen (Philharmonia Orchestra in London)
Même au point culminant, lorsque le groupe arrache ses vêtements à l’une des femmes et lui fait danser une sorte d’orgasme sacrificiel, le mouvement ne retient pas entièrement notre attention. C’est la frénésie contrôlée de Stravinsky qui domine la scène… Judith Mackrell
C’est, semble-t-il, la laideur volontaire et la grossièreté de l’évocation par Nijinski de la préhistoire russe qui ont réellement choqué le public. (…) Le paradoxe du primitivisme dans le Sacre est qu’il peut être entendu à la fois comme une vision horrifiante de l’impitoyabilité de la nature et comme une expression de l’inhumanité de l’ère de la machine. Le destin de « l’élue » dans la Danse sacrificielle est particulièrement effrayant. Elle est prise dans un tourbillon rythmique imparable dont elle ne peut s’échapper que par la terrible dissonance qui clôt la pièce et l’accord unique qui la tue. Cette musique parvient à sonner à la fois comme mécaniste et élémentaire, ce qui rend le Sacre aussi radical en 2013 qu’il l’était il y a 100 ans. Pourtant, malgré toute sa modernité, malgré l’insistance de Stravinsky à dire que tout est venu de « ce que j’ai entendu » (et malgré le fait que Puccini l’appellera plus tard « l’œuvre d’un fou »), le Sacre est enraciné dans les traditions musicales. Comme Bela Bartók en avait eu l’intuition, et comme l’a montré le musicologue Richard Taruskin, de nombreuses mélodies du Sacre proviennent d’airs folkloriques – y compris le solo de basson d’ouverture, qui est en fait une chanson de mariage lituanienne. Les chercheurs ont identifié plus d’une douzaine de références folkloriques à ce jour, mais il existe une tradition encore plus importante derrière le Sacre. L’œuvre est l’apothéose d’une façon de concevoir la musique qui a vu le jour dans les années 1830 avec Mikhaïl Glinka, le premier grand compositeur russe, et qui a inspiré Stravinsky, dont il aimait la musique. Le mouvement du Sacre, avec ses blocs de musique juxtaposés et superposés comme une mosaïque, est préfiguré non seulement par les précédents ballets de Stravinsky pour Diaghilev (L’Oiseau de feu et Petrouchka), mais aussi par la musique de son professeur Rimski-Korsakov et même par celle de Tchaïkovski. Ces « nouveaux » sons avec toutes ces dissonances en forme de poignard ? Si vous les regardez de près, vous constaterez qu’il s’agit de versions d’accords communs empilés les uns sur les autres ou construits à partir des gammes et des harmonies que Rimski-Korsakov, Moussorgski et Debussy avaient déjà découvertes. Et tous ces rythmes saccadés ? Ils sont dérivés, quoique de loin, de la manière dont fonctionnent certains de ces airs folkloriques. Il n’y a donc rien de si vieux qu’une révolution musicale. Mais même s’il est vrai que Stravinsky a pillé des traditions anciennes et modernes pour créer le Sacre, il y a quelque chose qui, finalement, ne peut pas être expliqué, quelque chose que vous devriez ressentir dans vos tripes lorsque vous faites l’expérience de l’œuvre. Un siècle plus tard, ce qui est vraiment choquant dans Le Sacre est toujours là, à son apogée. Une bonne représentation vous pulvérisera simplement. Mais une grande représentation vous fera sentir que c’est vous – que c’est nous tous – qui sommes sacrifiés par la musique envoûtante et sauvagement cruelle de Stravinsky. Tom Service
Sifflets, hurlements, interruptions : le vacarme que suscita l’œuvre scandaleuse résonne dans toute l’histoire… Heurtant le bon goût dressé sur les barricades de l’académisme, la musique de Stravinsky autant que la chorégraphie de Nijinski ont renversé en effet toutes les lignes esthétiques de l’époque par la liberté sauvage de leur composition… avant de devenir des classiques ! Inspiré du folklore russe, le Sacre met en scène de jeunes gens, une vieille voyante et un sage qui célèbrent l’arrivée du printemps par des danses et des jeux , jusqu’à la désignation d’une Elue parmi les vierges, destinée au sacrifice. Innombrables sont les artistes qui ont depuis défié cette partition, l’une des plus puissantes de la modernité, reconstituée dans sa version originale en 1987 par deux archéologues chercheurs de la danse, Milicent Hodson et Kenneth Archer. En 1975, Pina Bausch livre sa vision, magistrale, qui exalte la force tellurique des rites anciens par un chœur tournoyant, piétinant la terre matricielle autour de l’élue. Les syncopes, le feu percussif et les notes stridentes de violon emportent les corps dans un sabbat initiatique et sensuel jusqu’à la délivrance. Aujourd’hui Sasha Waltz crée son interprétation avec le Ballet du Théâtre Mariinsky, tandis qu’Akram Khan explore la musique de Stravinsky, son impact fulgurant, sa rudesse et ses aspérités révolutionnaires. Réunies au Théâtre des Champs-Elysées, ces quatre versions témoignent de l’inépuisable richesse du Sacre. Gwénola David
Impossible de faire l’impasse sur l’un des plus célèbres scandales de l’histoire de la musique : Le Sacre du Printemps crée en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées reste assurément le choc musical du siècle.(…) Qu’est ce qui a le plus choqué les spectateurs le soir de la première du Sacre du Printemps : la musique ou la danse ? A moins que ce ne soit l’attitude des spectateurs les plus virulents présents dans la salle et la cacophonie devenue légendaire qui y régnait ? (…) Nous sommes à l’aube de la première guerre mondiale, deux mois après l’inauguration du Théâtre des Champs-Elysées. La salle est tournée vers la musique française : celle de Debussy ou encore de Dukas. La saison musicale est conçue par Gabriel Astruc, qu’il souhaite moderne et audacieuse. C’est donc naturellement qu’il fait appel aux célèbres Ballets russes de Diaghilev, compagnie qui crée à chaque fois l’événement lors de sa venue dans la capitale. Pour ce nouveau spectacle, Diaghilev propose à Vaslav Nijinski de s’atteler à la chorégraphie, tout en confiant la musique au jeune compositeur russe Igor Stravinsky. Le jour de la première, on peut apercevoir dans la salle, Picasso, Paul Claudel, Debussy, Florent Schmitt, Ravel, Cocteau, Poulenc et tant d’autres… Le Tout-Paris est présent ! (…) Alors qu’à peine les premières notes commencent à résonner, quelques murmures se font entendre dans la salle… Rapidement, un certain désordre gagne une grande partie du théâtre, avant de laisser échapper des sifflets et des huées. La musique n’est quasiment plus dicible et est recouverte d’invectives en tout genre : « C’est la première fois en soixante ans qu’on ose se moquer de moi ! » entend-on. Les spectateurs se déplacent dans la pénombre, s’alpaguant pour tantôt défendre tantôt railler ce qui se passe sur scène et en fosse : dans une loge, une dame en vient même à gifler son voisin qui venait de siffler. Des policiers ne tardent pas à arriver pour tenter d’atténuer ce pugilat. Durant tout ce temps, le spectacle subsiste tant bien que mal : les musiciens continuent de faire vivre la rythmique enivrante de la partition de Stravinsky pendant que les danseurs poursuivent leur rite païen dans une frénésie animale qui se clôturera par le sacrifice de l’élue. Pour Stravinsky, c’est la désolation la plus totale. Pourtant Gabriel Astruc avait bien tenté de calmer les esprits en interpellant le public à plusieurs reprises : »Ecoutez d’abord, vous sifflerez après », mais pour le compositeur, l’originalité de sa partition n’a pas eu l’écho mérité, rejetant la faute à Nijinski et à sa chorégraphie… Il aura fallu attendre l’année suivante, pour que Stravinsky assiste au succès de la version de concert de ce Sacre, réhabilitant ainsi tout le génie de sa musique. Jérémie Rousseau
Imaginé initialement par Stravinsky, l’idée de mettre en scène la Russie préhistorique à travers un rite ancestral a séduit Diaghilev. La rédaction de l’argument a été confiée à Stravinsky et Roerich, qui se trouvait être aussi un spécialiste des rites slaves anciens. Cet argument, fondé sur la renaissance du printemps et la nécessité de sacrifier une jeune fille désignée par les Dieux, contribua à générer chez le public une réaction emportée. (…) Dans ses Chroniques, Stravinsky a explicité l’objet de ce prélude, où tout l’orchestre permet de recréer l’apparition du Printemps. On peut y percevoir un ensemble de courtes mélodies, isolées et indépendantes, qui apparaissent progressivement et se superposent, combinées à des éléments rythmiques, tel le réveil ancestral et le bourgeonnement de la Nature. Uneprolifération d’idées qui s’étagent et s’opposent ; le discours musical semble hétéroclite, décousu et désorganisé. Les éléments entendus se juxtaposent, se chevauchent tel un collage; certaines mélodies sont interrompues avant de réapparaître et la partition peut s’apparenter à une improvisation notée. De plus, Stravinsky use d’un langage plus archaïque, fondé sur des échelles défectives, comme un matériau originel. Les échelles musicales s’apparent aux gammes ; les gammes majeure et mineure, employées à partir de la fin du XVIIe siècle jusqu’à alors dans la musique occidentale savante, comportaient sept sons. Les échelles défectives employées par Stravinsky sont davantage tétraphoniques ou hexaphoniques. Il s’inspire des langages musicaux beaucoup plus anciens, langages que l’on retrouvait aussi dans les musiques traditionnelles et folkloriques. Le compositeur aimait en effet emprunter des thèmes populaires russes ; ainsi, la mélodie initiale jouée par le basson dans l’aigu, découle d’une chanson lituanienne. Le plus souvent cependant, Stravinsky n’imite pas mais propose une recréation de mélodies folkloriques. Là encore, ces échelles défectives sont superposées et cette surimpression peut créer des dissonances, des effets simultanés majeur/mineur et de la polymodalité. Ce passage [des Augures printaniers], l’un des plus surprenants et agressifs pour le public, repose sur une pulsation marquée sur une mesure à deux temps, un ostinato qui évoque un aspect motoriste, mais perturbé par des accentuations sonores inattendues qui déstabilisent cette organisation rythmique. Les accentuations sont placées sur des temps faibles et positionnées à des moments différents pour créer cette instabilité. Le choc musical est aussi harmonique et repose sur l’usage d’un accord nommé par Stravinsky », massif et dissonant, qui sera répété en ostinato, contribuant par cette répétition inlassable à constituer une musique incantatoire. Cet agrégat-accord, dont la nature a alimenté de nombreux débats analytiques, peut être entendu comme la superposition de deux accords consonants qui ensemble forment une masse discordante et perçue comme cacophonique, assénée dans une nuance fortissimo. Certains perçoivent cet accord comme un bloc sonore de timbres. On peut l’interpréter comme un procédé de surimpression tel un décalage de type cubiste musicalisé. La danse sacrale clôt le ballet ; le rite du sacrifice y est accompli. Construit à partir d’une forme rondo (alternance d’un refrain et de couplets différents), cette danse sacrale permet de retrouver l’ensemble des signatures musicales du ballet : la continuité-discontinuité du discours, la clarté formelle à grande échelle mais cependant noyée par la multiplicité des éléments sonores, la perturbation entre une pulsation marquée et un jeu d’accents décalés, renforcé par des changements de mesure et des cellules rythmiques asymétriques et apériodiques doublée de leurs superpositions créant de la polyrythmie, le chevauchement d’éléments hétéroclites et les innovations harmoniques (retour de « l’accord-toltchok). Dans le prélude du ballet, Stravinsky confie le premier thème au basson mais dans l’aigu, de sorte que l’instrument est à peine reconnaissable. Ce détournement de l’usage traditionnel du basson caractérise l’attitude du compositeur qui s’emploie à proposer des couleurs et des alliages davantage insolites. Si ce chatoiement orchestral n’a pas provoqué en lui-même de réactions vives et houleuses, il a contribué à façonner l’identité musicale du Sacre du printemps. La montée en puissance de la tension qui accompagne la danse de l’Élue est réalisée par l’ajout progressif des vents, des cuivres et des percussions dans un crescendo orchestral rugissant. La Belle au bois dormant (…) est un exemple emblématique du ballet romantique, avec une réelle intrigue, des péripéties, qui reposent sur un ensemble de pas, d’attitudes et de sauts qui caractérisent la danse classique, légère et aérienne. (…) Par opposition, la chorégraphie de Nijinsky abandonne ces caractéristiques ou les revisite il ne s’agit pas pour autant d’une volonté de rupture. Nijinsky a réalisé la chorégraphie après avoir pris connaissance de la musique, des décors et des costumes. Il propose de transposer les motifs géométriques des costumes en privilégiant le cercle mais aussi les ovales et des croisements de ligne. Le cercle y est valorisé car il a une signification symbolique, celle du cycle de la vie et de la Nature. Le vocabulaire de la danse classique est questionné ; Nijinsky a débuté par le solo de l’Élue à partir duquel l’ensemble de la chorégraphie a été élaborée. L’attitude des corps est en repli, courbée dans une attitude craintive, avec les pieds en dedans. Les sauts sont lourds et massifs ; on ne recherche pas la légèreté mais au contraire le trépignement et le piétinement qui s’ancre dans la Terre. Plusieurs danseurs se positionnent aussi de côté comme dans le Prélude à l’après midi d’un faune (première chorégraphie de Nijinsky signée en 1912), avec la tête penchée sur le côté. Les gestes sont saccadés et anguleux. Par ailleurs, les solos ou duos y sont rares et Nijinsky opte davantage pour des blocs et des masses. On observe aussi des moments d’exaltation où les corps sont pris de tremblements et de convulsions. Aucune expression ne transparaît sur les visages car tout passe par le corps. Ainsi, en inversant et en détournant le vocabulaire chorégraphique classique, Nijinsky a provoqué une réaction très vive de la part des spectateurs qui ont été totalement déroutés. (…) La musique du Sacre du printemps stimule d’autres chorégraphes et aujourd’hui, on compte plus d’une centaine de chorégraphies et spectacles réalisés à partir de la partition de Stravinsky. Dès 1920, Diaghilev demande à Léonide Massine de proposer une nouvelle version chorégraphique sur la musique du maître russe. Cette émulation prend un essor spécifique avec la relecture de Maurice Béjart. Donnée au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 1959, sa version chorégraphique détourne l’argument pour en faire un rituel amoureux qui s’achève sur le coït des couples réunis (…) Dirigée par Pierre Boulez, [la] version de Bartabas [2000] renoue avec l’argument du Sacre du printemps en proposant un spectacle qui se rapporte aux racines primitives de l’humanité. Cependant, il inverse l’argument en présentant le sacrifice d’un jeune homme. La renaissance du printemps est incarnée par l’apparition de jeunes hommes qui rampent dans l’obscurité jusqu’au centre de la piste et commencent à exécuter divers mouvements séparément dans une polyrythmie du corps. À partir des « Augures printaniers » entrent en scène des cavaliers et des amazones avec lesquels les danseurs vont s’opposer, s’observer, s’évaluer, se pourchasser et se mesurer. La chorégraphie mélange danse équestre et Kalarippayat, un art martial du sud de l’Inde très ancien, que l’on date du Ve siècle, et dont les mouvements évoquent une danse rituelle. Les danseurs empruntent tantôt des postures proches du sol, y rampent, pour marquer leur ancrage dans la Terre ; tantôt ils exécutent des mouvements et des sauts qui les élèvent vers le ciel. Les jeux de lumière contribuent à renforcer la sacralité qui émane du ballet. La couleur ocre et feu y domine dans un éclairage en clair-obscur, complété par le bronze des corps demi-nus des danseurs et contrepointé par les robes des chevaux, blancs, noirs, crème et isabelle. La piste est recouverte de terre. L’espace scénique est marqué par un double cercle, en hommage à Nijinsky.Le metteur en scène Romeo Castelluci [2014] questionne les notions de sacrifice et de rituel à notre époque où ces mots semblent oubliés ou s’incarner dans l’industrie et la chimie. Les spectateurs découvrent ainsi sur scène des machines suspendues, accrochées au plafond, qui déversent de la poussière dans un ballet rythmé par la musique de Stravinsky. Cette danse de la poussière épouse chaque élan rythmique, chaque accent, et plonge le spectateur, par les jeux de lumière bleutée, dans une atmosphère irréelle, à la fois onirique et inquiétante. Les danseurs y sont absents ou, plus exactement selon le metteur en scène, « atomisés dans l’air ». Les particules poudreuses qui s’éparpillent sous les projecteurs sont constituées de poussière d’os d’animaux, utilisée comme fertilisant actuellement pour les cultures. Les références à la mort, au sacrifice, à la nécessité de nourrir la Terre sont ici revisitées de manière symbolique. C’est une vision synthétique où la danse renvoie autant à la vie qu’à une mort céleste. Eduscol
[Le]  scandale (…) qui accompagna la création du Sacre du printemps fut si considérable que sur la scène, les quarante-six danseurs n’entendaient plus le grand orchestre symphonique de cent vingt musiciens. Vaslav Nijinski, debout sur une chaise dans la coulisse, devait leur hurler les mesures. «Étonne-moi», avait dit Serge de Diaghilev à Jean Cocteau, pour résumer sa ligne artistique. Ce 29 mai 1913, le mentor des Ballets russes s’avouait un peu dépassé par sa propre formule. Igor Stravinsky est à l’origine du Sacre du printemps. Dans la Russie qui s’ouvre alors vertigineusement vers l’Occident, il se veut, comme d’autres artistes, attentif aux racines slaves. (…) Avec le peintre et ethnographe Nicolas Roerich, qui signe les costumes et les décors, ils ébauchent un livret. Serge de Diaghilev confie la chorégraphie de ces tableaux de la Russie païenne à Nijinski. Le dieu de la danse est fatigué des grands sauts qui font pâmer le Tout-Paris. Il cherche d’autres révolutions. Stravinsky aussi, qui devine qu’elles pourraient ne pas faire l’unanimité: «Je crains que Le Sacre du printemps, où je ne fais plus appel à l’esprit des contes de fées ni à la douleur et à la joie tout humaines, mais où je m’efforce vers une abstraction un peu plus vaste, ne déroute», écrit-il, sans museler pour autant son inspiration. «Combien de temps ça va durer?», demande Diaghilev quand Stravinsky lui joue pour la première fois au piano «La danse des adolescentes». «Le temps qu’il faudra», répond le ­compositeur. Nijinski ne cherche pas davantage à plaire. Les trois complices sont immergés dans leur souci de ­donner à voir et à entendre, selon le mot de Stravinsky, «la montée totale, panique, de la sève universelle» dans la Russie primitive. Nicolas Roerich ­habille les danseurs de longues ­tuniques. En cent vingt laborieuses ­répétitions, Nijinski leur commande de marteler le sol pieds en dedans et poings sur les joues. «La chorégraphie était incomparable ; à l’exception de quelques endroits, tout était comme je le voulais», écrit en 1913 Stravinsky, qui s’en dédiera plus tard. «Un docteur!», non «Un dentiste», «Deux dentistes», hurle-t-on dans la salle le soir de la création de ce qu’on surnomme déjà «Le Massacre du printemps». (…) En vain, Diaghilev commande-t-il aux machinistes d’éteindre et de rallumer la lumière du théâtre pour calmer le public. Ravel, qui défend l’œuvre se fait traiter de sale Juif. Debussy, qui a cru perdre l’ouïe pendant les trente-trois minutes du spectacle, résume: «C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne.» «Le travail d’un fou», assène Puccini, qui assiste à la seconde le 1er juin. Le scandale est si fracassant que son écho se propage encore: pourquoi tant de bruit? «La grande nouveauté du Sacre du printemps, c’est le renoncement à la sauce», analyse génialement Jacques Rivière, détaillant son propos sur la musique et la danse dans la Nouvelle Revue ­française, en 1913. «Voici une œuvre absolument pure. Aigre et dure, si vous voulez, mais dont aucun jus ne ternit l’éclat, dont aucune cuisine n’arrange ni ne salit les contours ; (….) tout est ici franc, intact, limpide et grossier. Le ­Sacre du printemps est le premier chef-d’œuvre que nous puissions opposer à l’impressionnisme.» Avant d’être repris quatre fois à ­Londres, Le Sacre sera donné quatre fois à Paris. Dans la salle, Valentine Gross Hugo saisit les danses au crayon. Ses dessins, ajoutés à quelques photos, ­témoignages, notations de Marie ­Rambert, qui a assisté Nijinski, serviront à Millicent Hodson et Kenneth ­Archer à le reconstituer en 1987, soixante-quatorze ans après sa création. Le Figaro
« Le Sacre du Printemps » naquit d’une idée du peintre Nicolas Roerich à qui Stravinsky avait demandé le livret d’un ballet. Passionné par l’antique patrimoine des peuples slaves, mais en amateur plus ou moins éclairé, un patrimoine que des artistes comme lui faisaient découvrir à leurs compatriotes russes sans nécessairement faire preuve de rigueur scientifique, Roerich conçut l’ouvrage comme un rite païen des anciens âges, un rituel barbare célébrant le retour du printemps en sacrifiant une vierge, l’Elue, aux forces de la Nature. Le thème était brutal, même si rien de ce que l’on savait des anciens Slaves ne parlait de tels sacrifices humains. Envoûté, Stravinsky composa une musique d’une puissance tellurique qui aujourd’hui encore révolutionne les sens. Et Nijinski s’engouffrera dans le projet avec toute la sauvagerie de son génie, persuadé de la nécessité d’inventer des formes nouvelles. (…) Au Théâtre des Champs-Elysées, la Saison russe confiée à Diaghilev dure du 15 mai au 21 juin avec opéras et ballets en alternance (…) la création du « Sacre » est (…) prévue pour le 29. La générale s’est déroulée sans heurts, mais Diaghilev qui a flairé ce qui pouvait advenir dès que Stravinsky lui joua « le Sacre » au piano, l’été précédent, à Venise, installe au promenoir tout un bataillon d’inconditionnels. Il y a là Maurice Ravel, premier admirateur de Stravinsky, Florent Schmitt, Maurice Delage, Jean Cocteau, Léon-Paul Fargue et Valentine Gross, future Valentine Hugo. Pour la première qui voit accourir le Tout Paris, celui du Faubourg Saint-Germain, du côté des Guermantes, comme celui des Verdurin, un Tout Paris étincelant de pierreries et de décorations, ce promenoir courant entre les loges de la corbeille et les premières loges est donc investi par des modernes prêts à en découdre. Mais alors que pour les batailles d’ »Hernani » ou de « Tannhäuser », les belligérants étaient nettement séparés, ils sont ici au coude à coude. Un plan de guerre qui annonce l’inévitable pugilat. (…) Le public élégant se déchaîne dès les premières mesures du « Sacre ». Ou plus précisément dès que les danseurs arrivent sur scène dans des attitudes voulues primitives qui font un effet désastreux. Le vacarme est tel que sur le plateau ceux-ci n’entendent plus l’orchestre dirigé par Pierre Monteux, héroïque dans la tempête, et que Nijinski, blême, juché sur une chaise, doit leur hurler des indications depuis la coulisse. Quand les danseuses apparaissent, genoux pliés, pieds en dedans, un crétin en habit lance : »Un docteur ! » et un autre : « Un dentiste ! » alors que les jeunes femmes soutiennent du poing droit leur visage incliné de côté, selon une figure des danses russes traditionnelles dont s’est inspiré le chorégraphe. Coups, gifles, invectives fusent de toutes parts. « Taisez-vous, les garces du XVIe », hurle Florent Schmitt aux hystériques des loges alors que Ravel se fait traiter de « sale juif » par des messieurs à monocle, toujours la formule élégante à la bouche. (…) Un an plus tard, « le Sacre du Printemps » est joué en concert au Casino de Paris dans un tel climat d’exaltation que le public portera Stravinsky en triomphe jusqu’à la place de la Trinité. Mais après avoir été exécutée quatre fois à Paris et autant à Londres en juillet, la chorégraphie de Nijinski, elle, est abandonnée. Borné, Stravinsky lui attribue l’échec du « Sacre », sans réaliser l’extraordinaire accord entre danse et partition, l’une et l’autre révolutionnaires. (…) Diaghilev commandera une autre version du « Sacre » à Léonide Massine qui a succédé à Vaslav dans le lit du maître et au poste de chorégraphe. Mais il n’a pas le génie de son prédécesseur, même si sa talentueuse version, dansée elle aussi aux Champs-Elysées en 1920, annonce le style que plus tard développera Maurice Béjart. La version de Massine sera la deuxième des quelque 250 chorégraphies écrites à ce jour sur « le Sacre du printemps ». Dont deux sont des chefs d’œuvre. Celle de Maurice Béjart, créée à Bruxelles en 1960 par le futur Ballet du XXe Siècle, et reprise dans ce même Théâtre des Champs Elysées en 1971 et en 1980 par le Ballet de l’Opéra de Paris. Et celle de Pina Bausch, datant de 1975, que le Tanztheater de Wuppertal vient interpréter en juin pour la saison du centenaire. Perdue, mais demeurée dans les mémoires, la chorégraphie de Nijinski était devenue un mythe. Ayant longuement travaillé avec Marie Rambert, étudié dessins, documents de toutes sortes dont les notes rédigées par Nijinski et Roerich ou celles des danseurs, guidés encore par leur instinct de savants passionnés, deux Anglo-saxons, Milicent Hodson et Kenneth Archer, parviennent miraculeusement à reconstituer la chorégraphie originale en 1987 pour les Américains du Joffrey Ballet. Personne n’en savait plus rien et moins encore les Pourtalès d’aujourd’hui. C’est une révélation. Avec la chorégraphie ressuscitée, réapparaît tout le génie sauvage, immodéré de Nijinski, ses outrances aussi, et son œuvre est aussi bouleversante aujourd’hui qu’elle le fut en 1913, pour ceux capables de la comprendre. Presque tous les danseurs des Ballets Russes avaient appartenu au Théâtre impérial Marie, à Saint-Pétersbourg, le Mariinsky. Ce sont leurs lointains successeurs qui viennent aujourd’hui danser « le Sacre du printemps » au Théâtre des Champs-Elysées dans sa chorégraphie originale. Le 29 mai 2013, cent ans, jour pour jour, après le légendaire scandale qui salua la naissance de l’art du XXe siècle. Raphaël de Gubernatis
Un an avant que la Grande Guerre de 14-18 n’embrase l’Europe entière, la musique ouvre violemment les hostilités. Le 29 mai 1913, les Ballets russes de Serge de Diaghilev lâchent sur Paris un obus orchestral de première puissance : Le Sacre du printemps, d’Igor Stravinsky. Chorégraphié par Nijinski, danseur vedette de la troupe, ce ballet transforme en champ de bataille le Théâtre des Champs-Elysées, inauguré un mois plus tôt avenue Montaigne. Chargée d’un reportage dessiné sur le spectacle et sa préparation, Valentine Hugo se souvenait : « Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre, elle semblait vaciller dans le tumulte. » Mais le théâtre bâti par les frères Perret, premier édifice parisien à être construit en béton armé, repose sur des fondations solides. (…) Quant à la composition de Stravinsky, le scandale de sa création marque un tournant historique, l’avènement d’une nouvelle ère musicale, balayant l’académisme et le ronron ambiants. Le mot mi-admiratif, mi-narquois de Debussy a fait fortune : « De la musique de sauvage avec tout le confort moderne. » Musique de sauvage comme, à la même époque, Les Demoiselles d’Avignon, de Picasso, La Femme au chapeau, de Matisse, sont de la peinture de sauvage. Fatiguée des tourments égotistes du romantisme, lassée des alanguissements morbides du symbolisme, l’Europe semble vouloir se régénérer en puisant une force brute, une vigueur vierge dans l’art primitif. Recette aussi salutaire qu’efficace. Fleuron permanent des programmes symphoniques, Le Sacre du printemps témoigne d’une vitalité intacte (…) Dans ce cadre huppé, rien ne laisse prévoir le scandale qui éclate le 29 mai 1913. La veille, la générale se déroule sans incident, devant un parterre de professionnels et d’invités. Le succès incontesté de L’Oiseau de feu, en 1909, puis celui de Petrouchka, en 1911, ont confirmé la maîtrise, gagnée à pas de géant, d’un compositeur de 30 ans. « En deux ans, j’ai l’impression d’avoir bondi de vingt »,constate l’ancien élève de Rimski-Korsakov. L’oreille avertie de Debussy ne s’y trompe pas : « Il y a dans Petrouchka une sorte de magie sonore, des sûretés orchestrales que je n’ai rencontrées que dans Parsifal ; vous irez plus loin, assure l’aîné à son cadet, mais vous pouvez déjà être fier. » Avec ce Sacre, auquel il pense depuis 1910, Stravinsky fonce plus vite et plus loin, pour frapper plus fort. Ces « Images de la Russie païenne » – sous-titre de l’œuvre –, il les a d’abord visualisées avec son compatriote le peintre et ethnologue Nicolas Roerich, futur réalisateur des costumes et des décors. C’est lui qui a évoqué au compositeur ce rite très ancien, à l’arrivée du printemps, d’adoration de la terre, à laquelle les ancêtres sacrifient en gage de fertilité une jeune vierge, « l’élue ». Cette cérémonie d’une barbarie archaïque, cette sauvagerie tribale, Stravinsky les instrumente de couleurs criarde (clarinette piccolo), agressive (petite trompette en ré) ou crue (trombones, grosse caisse) ; il les rythme de martèlements brutaux, de déflagrations tonitruantes, de chocs répétés entre blocs sonores qui se heurtent de plein fouet. En imprésario avisé, Diaghilev y pressent les clés d’un succès renouvelé pour sa huitième saison parisienne. Il en confie la chorégraphie à son danseur fétiche, Vaslav Nijinski, dont les poses lascives, d’un érotisme équivoque, ont déjà choqué dans Prélude à l’après-midi d’un faune. Cette fois, le jeune félin imagine des gestes anguleux, des piétinements saccadés, qui contreviennent aux canons classiques : pieds et genoux en dedans, cou cassé, dos voûté et bras ballants. « La vraie grâce se moque du gracieux », admire Jacques Rivière, patron clairvoyant de la NRF. « Exactement ce que je voulais », se félicite Diaghilev au sortir de cette nouvelle bataille d’Hernani, qui se reproduit les soirs suivants et s’exporte même outre-Manche pour les représentations londoniennes ! Mais, l’année suivante, l’exécution symphonique seule, sans ballet, au Casino de Paris, remporte une ovation sans bémol, tandis que Stravinsky est porté en triomphe jusqu’à la place de la Trinité. Musique sans précurseurs ni descendance, même dans le catalogue du compositeur, Le Sacre du printemps – ces « Géorgiques de la préhistoire », selon Cocteau – libère et défriche l’horizon musical, loin des macérations liturgiques d’un Wagner, de l’alchimie vaporeuse d’un Debussy. Emblème de la modernité pour tout le xxe siècle, le Sacre, si radical dans l’audace et la liberté de son écriture, ne pouvait être qu’un météore unique ; mais l’exemple de son émancipation harmonique, de ses combinaisons à l’infini de timbres et de rythmes a stimulé l’imaginaire des générations ultérieures – d’Olivier Messiaen à Steve Reich, de Pierre Boulez à John Adams. Les chorégraphes n’ont pas été en reste, de Maurice Béjart à Mats Ek, de Pina Bausch à Angelin Preljocaj. Télérama
On peut parler d’une mosaïque sonore analogue au cubisme en peinture. Benoît Chantre
Quelques livres sur Le Sacre du printemps ont pressenti la relation de ce ballet avec le cubisme, le primitivisme et le commencement de la guerre. On peut dire également que le caractère mosaïque de la danse rappelle le cubisme. Chaque groupe de danseurs a simultanément des rythmes différents à suivre. Il s’agit de la simultanéité du mouvement divers de plusieurs danseurs. Il y a plusieurs points de vue dans une oeuvre. Cette idée rejoint le cubo-futurisme russe qui est marqué par le cubisme. Par exemple en 1912, Kasilir Malevich, dans sa peinture The Knife-Grinder, a commencé à repenser l’interprétation du corps humain en déplaçant l’accent sur le temps et sur le mouvement à partir de la forme, du volume. Il a montré différentes étapes du même mouvement, comme la représentation séquentielle du corps humain dans un tableau. Préhistoire et modernité
Ce Sacre du printemps, lorsque je l’ai découvert, m’a paru comme une œuvre absolument extraordinaire sur le plan de ce que j’appelle la révélation du meurtre fondateur dans la culture moderne. C’est-à-dire le véritable avènement du christianisme. La découverte du meurtre fondateur sous une forme telle qu’il rend sa reproduction impensable, impossible, trop révélatrice ! Si on regarde Le Sacre du printemps de près, on s’aperçoit que c’est un sacrifice, le sacrifice de n’importe qui, d’une jeune femme qui est là, par une espèce de tribu païenne et sauvage de la Russie archaïque, qui se termine par la mort de cette femme. (…) est-ce qu’elle meurt d’avoir trop dansé ou est-ce que c’est un euphémisme pour nous dire la vérité sur ce qui se passe, et qui est son étouffement par la foule ? À mon avis, « mourir d’avoir trop dansé » est l’euphémisme esthétique qui explique la chose. Dans une reconstitution que j’ai vue récemment de la représentation initiale du Sacre du printemps, tout commence par une dame extrêmement respectable, de l’aristocratie américaine, qui a certainement donné de l’argent pour cette reconstitution, et qui dit : « Surtout, ne vous imaginez pas qu’il s’agit d’un sacrifice. Et qu’il s’agit d’une mort religieuse », etc. Alors je pense que cet avertissement doit être pris en sens contraire et fait partie de la révélation de la chose et la rend en quelque sorte aussi comique que tragique, ce qui me paraît parfaitement justifié. (…) à mon avis c’est la danse qui a le plus scandalisé le public parisien, danse très moderne en ceci qu’elle est faite de coups sourds, de piétinements : elle rythme les piétinements de la foule, qui au fond piétine la victime. Le spectacle n’est pas très exactement reproduit sous sa forme la plus tragique, bien entendu, mais il est là et ces piétinements sont là et en même temps, il y a quelque chose qui correspond dans les costumes de la représentation originale. (…) Dans les motifs. Ces bandes parallèles les unes aux autres, parfaitement parallèles, dont on peut dire qu’elles annoncent le cubisme ou qu’elles le rappellent. Donc un refus de la joliesse, du joli. Et une entrée dans une espèce de primitivisme dont on ne peut pas dire, chez Stravinsky, qu’il soit influencé par qui que ce soit, parce que si je comprends bien, Le Sacre du printemps c’est son arrivée de Russie. Il n’a pas été en contact avec toute l’agitation de l’art moderne. Mais il pénètre dedans avec une espèce de volupté narquoise, moqueuse et très consciente de ce qu’elle fait. Les photos de Stravinsky à l’époque me semblent faire partie du spectacle. Il a quelque chose de sardonique et de diabolique qui a l’air de dire : « Je leur fiche un truc dans la figure dont ils ne soupçonnent pas la puissance. » Mais cette puissance était quand même manifeste dans l’émeute qui a eu lieu. (…) La foule a tout cassé littéralement, les chaises, etc. Et je pense que cette émeute, parce qu’on peut parler d’une véritable émeute, c’est essentiel qu’elle soit là : à partir du moment où l’art moderne ne crée plus des réactions de ce genre, il est mort. Il est devenu beaucoup plus académique que tout art académique, dans ce sens qu’il essaie de ritualiser la révolution. On peut dire que tout le monde moderne depuis très peu de temps après 1913 n’a été qu’un effort pour ritualiser la révolution. (…) On a vu sa puissance, mais enfin on est déjà en plein art moderne et le refus du public d’une certaine manière a servi l’œuvre, a accompli son triomphe. (…) [avec] Nijinski, qui tout de suite après Le Sacre du printemps, si je comprends bien, devient fou ? (…) Il y a donc (…) un parallèle très net avec la retraite de Hölderlin, à partir du moment où il a vu que la synthèse qu’il espérait entre l’archaïque et le chrétien n’était pas possible. (…) Stravinsky était un chrétien, beaucoup plus calme que ne l’était Nijinski, mais c’était quand même un chrétien, donc il y a dans Le Sacre du printemps et c’est une chose essentielle pour moi, un aspect terreur ou tout au moins j’ai cru le percevoir dans cette scène qui démentit complètement l’idée que la jeune fille meurt par abus de la danse, donc que l’œuvre est essentiellement esthétique. C’est-à-dire qu’il voit l’idée du sacrifice, qui refait sur cette scène ce que font au fond tous les sacrifices fondateurs, c’est-à-dire la cacher, la dissimuler. Mais que d’une certaine manière Stravinsky amène une conscience qui me paraît exceptionnelle et qui fait partie de ce que j’appellerais la révélation moderne du meurtre fondateur qui est essentiellement une révélation chrétienne. (…) Et les œuvres qui révèlent ne sont pas des parodies, ce sont des œuvres qui prennent le phénomène sérieusement et qui le regardent comme étant essentiellement la tragédie de l’humanité, la tragédie de l’archaïque, c’est-à-dire le rôle que joue la violence dans le religieux et qui est indispensable à l’homme pour écarter sa propre violence, c’est-à-dire le sacrifice, qui est de rejeter notre violence sur une victime innocente, mais qui est le geste principal par lequel l’humanité se distingue au départ de l’animalité, c’est-à-dire a besoin d’évacuer sa violence. Étant trop mimétique pour vivre dans la paix et étant toujours en rivalité avec ses semblables, elle a besoin de ces expériences dont Aristote dit justement qu’elles sont cathartiques et qui sont la mise à mort d’une victime solennelle, religieuse. L’archaïque c’est cela. (…) C’est-à-dire que ce qu’il y a d’extraordinaire dans le chrétien, c’est qu’il peut apparaître à tous les gens qui se sont occupés de lui, à tous les ethnologues, comme ce qu’il est apparu à Celse au IIe siècle après J.-C. : « C’est la même chose que nos mythes et vous ne voyez pas que c’est exactement pareil. » C’est tellement vrai que c’est complètement faux, dans la mesure où la victime véritable, celle qui révèle tout, nous dit son innocence et le texte des Evangiles nous répète cette innocence sur tous les tons ; alors que la victime archaïque est essentiellement coupable aux yeux de ceux qui l’accusent, coupable du parricide et de l’inceste. C’est l’opposition entre Œdipe et le Christ. (…) L’archaïque occulte le mal de l’humanité en le rejetant sur la victime. Il n’y a qu’un héros parricide et inceste, c’est Œdipe. (…) [Le chrétien] révèle le péché de l’humanité (…) [fait de l’archaïque un spectacle (…) et un spectacle accusateur. Accusateur à juste titre. René Girard
Le réchauffement climatique met au jour des restes d’humains, d’animaux et de végétaux conservés dans le permafrost, parfois depuis des centaines de milliers d’années. Les bactéries, les virus et les parasites qu’ils contiennent ne sont pas forcément morts avec leurs hôtes, ils sont pour beaucoup seulement endormis. Les virus semblent perdre en intensité avec la congélation et le temps, ce qui n’est pas le cas pour les bactéries. En 2016, une épidémie de la maladie du charbon (anthrax) a décimé les troupeaux de rennes en Sibérie. Les deux souches de ce bacille étudiées par les scientifiques remontaient au XVIIIe et au début du XXe siècle. Le risque de propagation est bien réel. Pour l’instant, la résurgence se fait de manière locale, mais elle pourrait se répandre à l’ensemble de la planète. Avec la liquéfaction du permafrost, les agents infectieux peuvent migrer dans les eaux mais aussi s’agglomérer sous les semelles des chaussures. Car si les régions du Grand Nord abritent des populations parfois très isolées, elles attirent aussi des touristes, des scientifiques, des chasseurs de fossiles… Il est indispensable que des précautions sanitaires drastiques soient prises pour éviter une éventuelle propagation. Aujourd’hui, trop peu de scientifiques s’y intéressent. Il y a pourtant une vraie urgence à prévoir l’avenir. Des épidémies peuvent toujours survenir, causées par des bactéries très résistantes, comme le charbon (anthrax), que l’on a retrouvé dans des cadavres d’animaux en Sibérie en 2016. Ces germes sont effectivement très robustes. Mais une épidémie de charbon s’arrête facilement. Les virus, eux, tels que nous les connaissons, ne sont pas très résistants. Il y a peu de risques qu’ils puissent être conservés au point d’être viables. Ils supportent difficilement les changements d’état. Pour qu’ils soient viables, il faudrait qu’il n’y ait jamais eu de décongélation et qu’ils soient récupérés à l’état congelé. En revanche, le risque pourrait venir des expériences de l’homme. Le danger serait de pouvoir reconstituer des virus disparus à partir de virus morts. Ça a déjà été le cas. Des scientifiques ont prélevé des fragments du génome du virus de la grippe espagnole sur le cadavre d’un esquimau inuit. Ces fragments, associés à des échantillons d’hôpitaux, ont permis de reconstituer la séquence de ce virus disparu qui a décimé des populations. Philippe Charlier (médecin légiste et archéo-anthropologue)
Cette découverte démontre que si on est capable de ressusciter des virus âgés de 30.000 ans, il n’y a aucune raison pour que certains virus beaucoup plus embêtants pour l’Homme, les animaux ou les plantes ne survivent pas également plus de 30.000 ans. » Pr Claverie

Le virus venait donc bien du froid…

Que le réchauffement climatique pourrait réveiller de leur sommeil de 30 000 ans …
Poutine et ses sbires nous ressuscitent sur le peuple ukrainien une barbarie que l’on croyait enterrée depuis bientot 80 ans …
Pendant que plus près de chez nous décuplé par les réseaux sociauxle mécanisme victimaire continue à faire ses ravages dans nos écoles …
Comment ne pas repenser …
En ce 110e anniversaire, jour pour jour à Paris même, de sa légendaire première …
Au fameux Sacre du printemps du compositeur lui aussi de Saint-Pétersbourg Igor Stravinsky
Qui sous l’inspiration du peintre passionné d’ethnologie qui avait fait également les dessins, décors et costumes Nicolas Roerich
Avait livré à la veille de la 1ère Guerre mondiale ces fameuses « Images de [s]a Russie païenne », rebaptisées « massacre du printemps », par ses détracteurs …
Qui avant de devenir le classique reconnu et vénéré que l’on sait …
Via, de l’entourbisation d’une Pina Bausch à la sexualisation d’un Béjart ou d’un Prejlocaj et à la cérébralisation d’un Louis Barreau , des centaines de choréographies 
Avait sous les yeux enthousiastes d’un Ravel, Debussy, Proust ou Picasso …
Mais aussi la violente et compréhensible indignation d’un public choisi mais non averti …
Provoqué avec ses rituels printaniers primitifs et le sacrifice à la fin d’une jeune femme piétinée par la troupe …
L’un des plus grands scandales, émeute comprise, de l’histoire de la musique occidentale ?
Et comment ne pas repenser en retour en effet …
En redécouvrant ce véritable « 11-Septembre » de la musique du 20e siècle comme l’avait qualifié il y a dix ans lors de son centenaire le chorégraphe franco-albanais Angelin Preljocaj
Qui avait tant impressionné aussi le René Girard d’Achever Clausewitz lors de l’exposition du Centre Pompidou de 2008 intitulée « Traces du sacré »
Parce qu’il y retrouvait dans toute sa crudité et sa brutalité de coups sourds et de piétinements …
Préparée par les découvertes de l’ethnologie qui commencaient à infuser jusque dans les masques africains de nos Braque et de nos Picasso …
La mise au jour d’une vérité presque complètement explicite et en même temps prophétique …
Comme en a témoigné sans compter peut-être la folie subséquente de son chorégraphe Nijinski …
La violence et l’indignation de sa réception pour une bonne société endormie par des siècles d’adagios vivaldiens ou de contes de fée hoffmanisés …
Mais qui devait accoucher un an plus tard d’une des pires boucheries de l’histoire de l’humanité …
A savoir le dévoilement de la vérité au fondement même de tous nos rituels que seule pouvait permettre 2000 ans de révélation chrétienne …
De l’évacuation violente et proprement cathartique sur le dos d’une victime innocente …
Du ressentiment et des tensions accumulés de toute une société …
Au nom de divinités prétendument assoiffées de sang …
Comment ne pas repenser donc …
A cette sauvagerie et cette barbarie qui semblent nous revenir …
Du fin fond d’une Russie à nouveau aussi primitive qu’archaïque ?

Le « Sacre du printemps » a 100 ans
Cent ans après sa création, la version originale du « Sacre du printemps » est retransmise sur Arte et devant l’Hôtel de Ville de Paris depuis le théâtre des Champs-Elysées.
Raphaël de Gubernatis
Le Nouvel Obs
29 mai 2013

« J’ai soixante ans, et c’est la première fois qu’on ose se moquer de moi », s’étrangle la comtesse René de Pourtalès à la première du « Sacre du Printemps ». Ses glapissements d’idiote endiamantée résonnent encore comme un prodigieux résumé de la fureur des mondains quand ils découvrent le double chef d’œuvre d’Igor Stravinsky et de Vaslav Nijinski, le 29 mai 1913, au Théâtre des Champs-Elysées. Un an plus tard éclate la Grande Guerre qui entraînera la chute des trois empires de Russie, d’Autriche-Hongrie et d’Allemagne et la multitude des royaumes, grands duchés et principautés qui en font partie. L’ancien monde va s’écrouler et le fracas du « Sacre », annonçant le XXe siècle, semble préfigurer le séisme à venir.

Une compagnie extraordinaire

A Paris, l’impresario Gabriel Astruc vient de faire édifier par Auguste Perret ce somptueux théâtre de l’avenue Montaigne qui lui aussi annonce des temps nouveaux et ce que l’on nommera Art Déco dans les années 30. Pour la brillante saison inaugurale qui débute le 31 mars 1913 avec « Benvenuto Cellini » de Berlioz, Astruc a bien entendu convié ce qu’il y a de plus extraordinaire à l’époque, ces Ballets Russes de Serge de Diaghilev apparus pour la première fois en 1909 à Paris alors capitale mondiale des arts. Les Ballets Russes ont suscité un tel bouleversement esthétique que le monde entier, c’est-à-dire en ce temps là l’Europe et les Amériques, se dispute le bonheur de les recevoir.

La séduction des Ballets Russes

Jusque-là, en admirant « Shéhérazade », « les Danses polovtsiennes », « le Pavillon d’Armide », « l’Oiseau de feu », « Petrouchka » ou le « Spectre de la Rose », gens du monde, intellectuels, artistes s’étaient enivrés de musiques souvent inconnues, de décors fabuleux, de costumes chatoyants aux teintes inouïes où le raffinement d’un chorégraphe novateur comme Michel Fokine, les scénographies de Léon Bakst, Alexandre Benois ou Nicolas Roerich, les partitions de Rimsky-Korsakov, Borodine et Stravinsky, animaient des interprètes fascinants comme Tamara Karsavina, Anna Pavlova, Ida Rubinstein, Bronislava Nijinska, Adolf Bolm et surtout, surtout, cet être sur scène irréel qui avait pour nom Vaslav Nijinski. Diaghilev en a fait son amant et admire tant ce prodige qu’il décide d’en faire un chorégraphe. Si le danseur a du génie, le créateur en aura davantage encore. Mais cela le public ne le comprendra pas. On acclame sans retenue l’interprète de « Petrouchka » ou du « Spectre de la Rose » ; on ne saura pas mesurer la stature du chorégraphe de « L’Après-midi d’un faune » (1912), et moins encore de celui du « Sacre ».

Une puissance tellurique

« Le Sacre du Printemps » naquit d’une idée du peintre Nicolas Roerich à qui Stravinsky avait demandé le livret d’un ballet. Passionné par l’antique patrimoine des peuples slaves, mais en amateur plus ou moins éclairé, un patrimoine que des artistes comme lui faisaient découvrir à leurs compatriotes russes sans nécessairement faire preuve de rigueur scientifique, Roerich conçut l’ouvrage comme un rite païen des anciens âges, un rituel barbare célébrant le retour du printemps en sacrifiant une vierge, l’Elue, aux forces de la Nature.

Le thème était brutal, même si rien de ce que l’on savait des anciens Slaves ne parlait de tels sacrifices humains.

Envoûté, Stravinsky composa une musique d’une puissance tellurique qui aujourd’hui encore révolutionne les sens. Et Nijinski s’engouffrera dans le projet avec toute la sauvagerie de son génie, persuadé de la nécessité d’inventer des formes nouvelles.

Ardeur révolutionnaire

Menées de ville en ville, au gré des « saisons », les répétitions du « Sacre » sont difficiles, épouvantables même. Pour les danseurs, confrontés à une partition d’une nature inédite, et rebelles à une gestuelle en contradiction absolue avec leur formation académique. Et plus encore pour Nijinski, orgueilleux, buté, incapable d’expliquer son dessein à ses interprètes. Assisté par Mimi Ramberg, qui deviendra Dame de l’Empire britannique sous le nom de Marie Rambert, appuyé par sa sœur Bronislava qui croit en son talent, et plus encore soutenu par Roerich, lequel a conçu les décors (d’un intérêt assez moyen) ainsi que les extraordinaires costumes du ballet, et fortifie le jeune homme de 24 ans dans son ardeur révolutionnaire, Nijinski doit lutter pied à pied pour imposer ses vues. Et quand il apprend que sa sœur, enceinte, ne pourra danser le rôle de l’Elue, il manque, de rage, de tuer le coupable qui n’est autre que son beau-frère.

Le scandale du « Sacre »

Au Théâtre des Champs-Elysées, la Saison russe confiée à Diaghilev dure du 15 mai au 21 juin avec opéras et ballets en alternance, car on donne aussi « la Khovantchina » et « Boris Godounov » avec l’inévitable Chaliapine. Après celle de « Jeux », le 15, autre chorégraphie novatrice de Nijinski qui est un semi- échec, la création du « Sacre » est donc prévue pour le 29. La générale s’est déroulée sans heurts, mais Diaghilev qui a flairé ce qui pouvait advenir dès que Stravinsky lui joua « le Sacre » au piano, l’été précédent, à Venise, installe au promenoir tout un bataillon d’inconditionnels. Il y a là Maurice Ravel, premier admirateur de Stravinsky, Florent Schmitt, Maurice Delage, Jean Cocteau, Léon-Paul Fargue et Valentine Gross, future Valentine Hugo. Pour la première qui voit accourir le Tout Paris, celui du Faubourg Saint-Germain, du côté des Guermantes, comme celui des Verdurin, un Tout Paris étincelant de pierreries et de décorations, ce promenoir courant entre les loges de la corbeille et les premières loges est donc investi par des modernes prêts à en découdre. Mais alors que pour les batailles d’ »Hernani » ou de « Tannhäuser », les belligérants étaient nettement séparés, ils sont ici au coude à coude. Un plan de guerre qui annonce l’inévitable pugilat.

La bataille

« L’orchestre commença, le rideau s’ouvrit et de la salle s’éleva soudain un cri outragé. Vaslav pâlit », se souviendra Bronislava Nijinska. Le public élégant se déchaîne dès les premières mesures du « Sacre ». Ou plus précisément dès que les danseurs arrivent sur scène dans des attitudes voulues primitives qui font un effet désastreux. Le vacarme est tel que sur le plateau ceux-ci n’entendent plus l’orchestre dirigé par Pierre Monteux, héroïque dans la tempête, et que Nijinski, blême, juché sur une chaise, doit leur hurler des indications depuis la coulisse. Quand les danseuses apparaissent, genoux pliés, pieds en dedans, un crétin en habit lance : »Un docteur ! » et un autre : « Un dentiste ! » alors que les jeunes femmes soutiennent du poing droit leur visage incliné de côté, selon une figure des danses russes traditionnelles dont s’est inspiré le chorégraphe. Coups, gifles, invectives fusent de toutes parts. « Taisez-vous, les garces du XVIe », hurle Florent Schmitt aux hystériques des loges alors que Ravel se fait traiter de « sale juif » par des messieurs à monocle, toujours la formule élégante à la bouche.

Un tremblement de terre

« Tout ce qu’on a écrit sur la bataille du « Sacre du printemps » reste inférieur à la réalité, dira Valentine Gross. Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, des gifles, voire des coups. Les mots semblent bénins lorsqu’on évoque une telle soirée. Le calme reparaissait un peu quand on donnait soudain la lumière dans la salle. Je m’amusais beaucoup de voir certaines loges vindicatives et tonitruantes dans l’obscurité, s’apaiser aussitôt dans la clarté. Je ne cacherai pas que notre calme rivière était devenue un torrent tumultueux. On y voyait entre autres Maurice Delage grenat d’indignation, Maurice Ravel combatif comme un coq furieux, Léon-Paul Fargue vociférant des épithètes vengeresses vers les loges sifflantes. Et je me demande comment cette œuvre si difficile pour 1913 put être jouée et dansée jusqu’au bout dans un tel vacarme… »

Ravagé par tant de violence, Nijinski doit cependant courir passer son costume du « Spectre de la rose » dès l’entracte afin de faire le joli cœur devant ce public qui va l’applaudir après l’avoir conspué.

« Exactement ce que je voulais »

« A l’issue de la représentation, rappellera Igor Stravinsky, nous étions excités, furieux, dégoûtés et …heureux. J’allai au restaurant avec Diaghilev et Nijinski. Le seul commentaire de Diaghilev fut : « Exactement ce que je voulais ». Personne n’était plus prompt que lui à saisir la valeur publicitaire d’une situation. A ce point de vue ce qui était arrivé ne pouvait être qu’excellent ». Un an plus tard, « le Sacre du Printemps » est joué en concert au Casino de Paris dans un tel climat d’exaltation que le public portera Stravinsky en triomphe jusqu’à la place de la Trinité.

On abandonne la chorégraphie de Nijinski

Mais après avoir été exécutée quatre fois à Paris et autant à Londres en juillet, la chorégraphie de Nijinski, elle, est abandonnée. Borné, Stravinsky lui attribue l’échec du « Sacre », sans réaliser l’extraordinaire accord entre danse et partition, l’une et l’autre révolutionnaires. Quant à Vaslav, sur lequel la Hongroise Romola de Pulsky a jeté son dévolu en profitant de l’absence de Diaghilev lors d’une tournée des Ballets Russes au Brésil et en Argentine, il se marie dès septembre à Buenos Aires… et se voit bientôt renvoyé de la compagnie. Diaghilev commandera une autre version du « Sacre » à Léonide Massine qui a succédé à Vaslav dans le lit du maître et au poste de chorégraphe. Mais il n’a pas le génie de son prédécesseur, même si sa talentueuse version, dansée elle aussi aux Champs-Elysées en 1920, annonce le style que plus tard développera Maurice Béjart.

Plus de 250 « Sacre du printemps » en 100 ans

La version de Massine sera la deuxième des quelque 250 chorégraphies écrites à ce jour sur « le Sacre du printemps ». Dont deux sont des chefs d’œuvre. Celle de Maurice Béjart, créée à Bruxelles en 1960 par le futur Ballet du XXe Siècle, et reprise dans ce même Théâtre des Champs Elysées en 1971 et en 1980 par le Ballet de l’Opéra de Paris. Et celle de Pina Bausch, datant de 1975, que le Tanztheater de Wuppertal vient interpréter en juin pour la saison du centenaire.

La résurrection de l’original

Perdue, mais demeurée dans les mémoires, la chorégraphie de Nijinski était devenue un mythe. Ayant longuement travaillé avec Marie Rambert, étudié dessins, documents de toutes sortes dont les notes rédigées par Nijinski et Roerich ou celles des danseurs, guidés encore par leur instinct de savants passionnés, deux Anglo-saxons, Milicent Hodson et Kenneth Archer, parviennent miraculeusement à reconstituer la chorégraphie originale en 1987 pour les Américains du Joffrey Ballet. Personne n’en savait plus rien et moins encore les Pourtalès d’aujourd’hui. C’est une révélation. Avec la chorégraphie ressuscitée, réapparaît tout le génie sauvage, immodéré de Nijinski, ses outrances aussi, et son œuvre est aussi bouleversante aujourd’hui qu’elle le fut en 1913, pour ceux capables de la comprendre.

Presque tous les danseurs des Ballets Russes avaient appartenu au Théâtre impérial Marie, à Saint-Pétersbourg, le Mariinsky. Ce sont leurs lointains successeurs qui viennent aujourd’hui danser « le Sacre du printemps » au Théâtre des Champs-Elysées dans sa chorégraphie originale. Le 29 mai 2013, cent ans, jour pour jour, après le légendaire scandale qui salua la naissance de l’art du XXe siècle.

« Le Sacre du printemps » : chorégraphie de Vaslav Nijinski, Ballet du Théâtre Mariinsky, du 29 au 31 mai à 20h; chorégraphie de Pina Bausch. Tanztheater de Wuppertal, du 4 au 7 juin à 20h. Théâtre des Champs-Elysées ; 01 49 52 50 50 ou theatrechampselysees.fr.

Diffusion en direct sur Arte ce 29 mai à 20h50. Et retransmission publique sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris dès 20h50.

Voir aussi:

« Le Sacre du printemps » de Stravinsky fête ses cent ans

Le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre le centenaire du "Sacre du printemps" ce 29 mai, le ballet et la musique sont interprétés par le Mariinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du chef Valery Gergiev.

Le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre le centenaire du « Sacre du printemps » ce 29 mai, le ballet et la musique sont interprétés par le Mariinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du chef Valery Gergiev. Bernd Uhlig

La première du Sacre du printemps de Stravinsky, c’était le 29 mai 1913. Chorégraphiée par le danseur russe Vaslav Nijinsky, la pièce avait créé un scandale au Théâtre des Champs-Élysées à Paris. Le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre l’événement avec un gala exceptionnel, la mairie de Paris diffusera la soirée ce 29 mai à partir de 21 h sur l’écran géant de l’Hôtel de Ville. Elle sera également retransmise en direct sur la chaîne Arte. Le ballet et la musique sont interprétés par le Mariinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du chef Valery Gergiev. Une nouvelle version de l’oeuvre par la chorégraphe Sacha Waltz est donnée après la reconstitution du ballet historique.

Le public rit, chahute, le vacarme est tel que les danseurs n’entendent plus l’orchestre et que Nijinsky doit compter dans les coulisses pour que le ballet se poursuive. Aujourd’hui considérée comme un monument de la musique classique et du ballet, cette œuvre a été si mal reçue, parce qu’elle était complètement révolutionnaire.

Stravinski et Nijinsky

Il y a la musique de Stravinski où le rythme est le principal élément. Le compositeur imagine un grand rite sacral païen où des vieux sages, assis en cercle, observent la danse à la mort d’une jeune fille sacrifiée au Dieu du printemps. Et il y a aussi le ballet de Nijinsky qui renversait tous les codes de la danse classique. Fi des pointes et du célèbre en-dehors des pieds. Le chorégraphe russe avant-gardiste et inspiré présente des ballerines aux chaussons tournés vers l’intérieur, les genoux pliés. La danse moderne s’impose en pleine tradition du ballet russe. Mais le public n’est pas prêt. Et pour les puristes le choc esthétique est tel et la réaction des spectateurs tellement forte que la pièce doit s’interrompre tant le vacarme est importante dans la salle. Elle ne se poursuivra qu’après l’intervention de la police.

1913, une période très curieuse

 1913, c’était une période de l’histoire très curieuse dans le monde de l’art et dans l’histoire de l’Europe et de la France, explique Brigitte Lefebvre, la directrice de la danse à l’Opéra de Paris. Toutes ces dissonances musicales, toute cette énergie de Nijinsky – beaucoup disent que c’est là que sa folie a commencé à l’envahir – tous ces excès, tout est excessif dans le Sacre du Printemps, et quand on l’entend et qu’on le réentend, tout est magnifiquement orchestré. Et en même temps, quand on pense aux œuvres musicales et chorégraphiques qui étaient appréciées à cette période-là, on n’était pas du tout prêt pour beaucoup à entendre et à voir cela. En même temps, ce qui est très important dans des œuvres qui bouleversent, c’est qu’on sait, à partir de là, on ne pourra plus jamais regarder la danse ou entendre la musique de la même manière. »

De Maurice Béjart à Angelin Preljocaj

Depuis la chorégraphie de Nijinsky qui a créé le scandale, de nombreux chorégraphes se sont frottés au Sacre du Printemps. C’est devenu un passage obligé, la marque de la consécration. Parmi les grands noms de la danse qui ont signé un Sacre, il y a d’abord Maurice Béjart qui a marqué les esprits avec une chorégraphie d’une énergie et d’une grande modernité à l’époque, même si aujourd’hui cette version paraît un peu datée. Il y a le Sacre de Pina Bausch, un monument de la danse contemporaine où les interprètes vêtues de robes couleurs de sable dansent dans la terre, s’en imprègnent jusqu’à l’épuisement le corps battant au rythme infernal de la musique de Stravinski. Et puis d’autres Sacre encore, celui de Jean-Claude Gallota, Martha Graham, Paul Taylor, Mats Ek et Angelin Preljocaj :

« Il y a quelque chose qui circule du début à la fin qui fait que cette musique draine comme une lame de fond, dit Angelin Preljocaj, chorégraphe et directeur artistique du Ballet Preljocaj, installé aujourd’hui au Pavillon Noir à Aix-en-Provence. L’idée est une sorte de désir, de rituel sacrificiel bien sûr, qui serait là pour réactiver la fécondité de la tribu. Je trouve cette musique le dit très bien cela. Cette espèce de pulsion à la fois effrayante et irrésistible, qui est finalement la sexualité. Alors j’ai essayé d’évoquer le désir féminin à travers cela. Et l’idée est que cette femme qui est choisie comme étant l’élue et donc le bouc émissaire, dans ma vision, elle passe du statut de victime au statut d’héroïne. Finalement, elle va au-delà de ce qu’on lui demande. Par cette force-là, cette détermination, elle réussit à vaincre les idées préconçues de la tribu. »
 
« C’est l’œuvre qui ouvre la musique du 20e siècle »
 
Pour Angelin Preljocaj, la musique du Sacre du Printemps reste une œuvre innovatrice jusqu’à aujourd’hui : « C’est l’œuvre qui ouvre la musique du 20e siècle. C’est un peu comme on dit que le 11-Septembre a ouvert le 21e siècle, le Sacre du Printemps a ouvert le 20e siècle en termes de musique. »

Dès ce 29 mai au soir et cela jusqu’au 31 mai, le Théâtre des Champs-Élysées à Paris célèbre le centenaire du Sacre du Printemps. Là où l’œuvre a fait scandale, le Ballet russe Mariinski présente la chorégraphie originale de Nijinski ainsi que celle de Sasha Waltz, en présence de la chorégraphe allemande. L’orchestre sera dirigé par le grand chef Valéri Gergiev. Le spectacle sera retransmis ce soir en direct sur Arte et sur écran géant à l’Hôtel de Ville. Et nombre de Sacre sont en tournée cette année, notamment celui d’Angelin Preljocaj.

Voir également:

Deux « Sacre » pour un centenaire

Mercredi, le Théâtre des Champs-Élysées ressuscitait l’œuvre de Stravinsky et Nijinski, et donnait la version d’aujourd’hui de Sasha Waltz.

Un livre monumental comme l’histoire du Théâtre des Champs-Élysées (TCE), un faisceau doré tombant de la tour Eiffel sur la façade pour accompagner les spectateurs s’évanouissant dans la nuit, cent ans d’affiches en cartes postales, champagne à flots à l’entracte, spectacle au diapason: Michel Franck, directeur général du Théâtre des Champs-Élysées, ne s’est pas ménagé pour commémorer le centenaire de la salle.

François Hollande n’était pas là, mais la soirée, placée sous son haut patronage, rassemblait au balcon Valérie Trierweiler, Aurélie Filippetti, Manuel Valls et son épouse, Bertrand Delanoë… autour des maîtres des lieux: Raymond Soubie, président du TCE, et Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire du théâtre. Autant de politiques, de mécènes (ceux du passé, comme Misia Sert, ont été remplacés par Gazprom et GDF Suez), et presque autant de personnalités des arts et des lettres qu’au moment où les Ballets russes de Diaghilev créèrent Le Sacre du printemps le 29 mai 1913. Enfin, grâce à Arte, Le Sacre a réuni un million de spectateurs entre la France et l’Allemagne.

La vitalité du Sacre célébrée

Mercredi soir, aucune duchesse en proie à l’hystérie n’a voulu arracher un strapontin pour se le briser sur la tête. Mais la soirée était électrique. On n’y remuait pas la poussière de cent ans d’histoire: on célébrait la vitalité du Sacre de Nijinski et Stravinsky. Sasha Waltz créait Le Sacre du printemps de 2013, en dialogue avec celui chorégraphié en 1913. Valeri Gergiev dirigeait son orchestre et ses danseurs du Mariinski, lointains descendants de ceux des Ballets russes de 1913. Enfin, assise au premier rang d’orchestre, Tamara Nijinski, 93 ans, fille de Nijinski, assistait pour la première fois à une représentation du Sacre dans la chorégraphie somptueusement reconstituée, en 1987, par deux chercheurs anglo-saxons, Millicent Hodson et Kenneth Archer, après dix-sept ans de recherches.

«Jusqu’à présent, j’avais refusé d’assister au spectacle. Non que je conteste sa qualité mais je ne voulais pas cautionner le fait qu’une œuvre de mon père soit donnée sans que nous touchions un centime de droits d’auteur», dit la vieille dame, qui grâce à l’intervention de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a enfin reçu pour la première fois des droits sur Le Sacre du printemps. Venue exprès de Phoenix (Arizona), où elle s’est retirée après une carrière de marionnettiste, Tamara, émue mais alerte, s’est dite impressionnée par l’œuvre d’un Nijinski de seulement 24 ans. Tandis qu’Aurélie Filippetti lui remettait les insignes de commandeur des Arts et des Lettres, elle a rappelé les liens entre Paris et son père, révélé dans ses théâtres, et qui repose au cimetière de Montmartre.

L’événement de la soirée reste Le Sacre, de Sacha Waltz. Avant de le créer, elle a demandé à Hodson et Archer d’enseigner à ses danseurs leur version d’après Nijinski. Son Sacre se souvient des cercles et des sauts de l’œuvre première. Elle en restitue aussi la puissance, perdue dans l’interprétation trop élégante que les danseurs du Mariinsky en donnent en première partie.

Chaos de relations

L’exploit de Sasha Waltz est de signer une œuvre forte, autant par sa facture que par l’hommage qu’elle rend aux deux grands Sacre du siècle. Celui de Pina Baus­ch, bien sûr, auquel elle emprunte la fluidité des mouvements, la robe remise à l’élue et la terre apportée sur le plateau. Celui de Béjart, aussi, dans les étreintes et les fentes au sol des garçons.

Mais Waltz a son propos: dans une scénographie dépouillée, elle met en scène un rituel de sacrifice dans un groupe social réel avec des enfants et des hommes et des femmes pris dans un chaos de relations bien d’aujour­d’hui. Signe que l’œil écoute: la partition du Sacre ne résonne pas pareil quand on la «voit» avec Le Sacre de 1913 ou celui de 2013.

Au TCE, Paris VIIIe, jusqu’à vendredi et à disposition sur Arte Live Web.

Voir de même:

Danse: cent printemps pour Le Sacre 

L’anniversaire du chef-d’œuvre de Stravinsky et Nijinski, créé en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, est célébré dans le monde entier.

Le bruit est l’unité de mesure d’un scandale. Celui qui accompagna la création du Sacre du printemps fut si considérable que sur la scène, les quarante-six danseurs n’entendaient plus le grand orchestre symphonique de cent vingt musiciens. Vaslav Nijinski, debout sur une chaise dans la coulisse, devait leur hurler les mesures. «Étonne-moi», avait dit Serge de Diaghilev à Jean Cocteau, pour résumer sa ligne artistique. Ce 29 mai 1913, le mentor des Ballets russes s’avouait un peu dépassé par sa propre formule.

Igor Stravinsky est à l’origine du Sacre du printemps. Dans la Russie qui s’ouvre alors vertigineusement vers l’Occident, il se veut, comme d’autres artistes, attentif aux racines slaves. «J’entrevis dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen: les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à la mort d’une jeune fille qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps», note-t-il dans ses chroniques, alors qu’il travaille sur L’Oiseau de feu, en 1910.

« Je crains que Le Sacre du printemps , où je ne fais plus appel à l’esprit des contes de fées ni à la douleur et à la joie tout humaines, mais où je m’efforce vers une abstraction un peu plus vaste, ne déroute »

Igor Stravinsky

Avec le peintre et ethnographe Nicolas Roerich, qui signe les costumes et les décors, ils ébauchent un livret. Serge de Diaghilev confie la chorégraphie de ces tableaux de la Russie païenne à Nijinski. Le dieu de la danse est fatigué des grands sauts qui font pâmer le Tout-Paris. Il cherche d’autres révolutions. Stravinsky aussi, qui devine qu’elles pourraient ne pas faire l’unanimité: «Je crains queLe Sacre du printemps, où je ne fais plus appel à l’esprit des contes de fées ni à la douleur et à la joie tout humaines, mais où je m’efforce vers une abstraction un peu plus vaste, ne déroute», écrit-il, sans museler pour autant son inspiration.

«Combien de temps ça va durer?», demande Diaghilev quand Stravinsky lui joue pour la première fois au piano «La danse des adolescentes». «Le temps qu’il faudra», répond le ­compositeur. Nijinski ne cherche pas davantage à plaire. Les trois complices sont immergés dans leur souci de ­donner à voir et à entendre, selon le mot de Stravinsky, «la montée totale, panique, de la sève universelle» dans la Russie primitive. Nicolas Roerich ­habille les danseurs de longues ­tuniques. En cent vingt laborieuses ­répétitions, Nijinski leur commande de marteler le sol pieds en dedans et poings sur les joues. «La chorégraphie était incomparable ; à l’exception de quelques endroits, tout était comme je le voulais», écrit en 1913 Stravinsky, qui s’en dédiera plus tard.

« Le travail d’un fou »

«Un docteur!», non «Un dentiste», «Deux dentistes», hurle-t-on dans la salle le soir de la création de ce qu’on surnomme déjà «Le Massacre du printemps». Pierre Lanoy, journaliste au Temps, raconte: «J’étais placé au-dessous d’une loge remplie d’élégantes et charmantes personnes de qui les remarques plaisantes, les joyeux caquetages, (…) enfin les rires aigus et convulsifs formaient un tapage comparable à celui dont on est assourdi quand on entre dans une oisellerie. (…) Mais j’avais à ma gauche un groupe d’esthètes dans l’âme desquels Le Sacre du printemps suscitait un enthousiasme frénétique, une sorte de délire jaculatoire et qui ripostaient (…). L’un d’eux, pourvu d’une voix pareille à celle d’un cheval, hennissait de temps en temps (…) un“à la poooorte!” dont les vibrations déchirantes se prolongeaient dans toutes la salle.»

« C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne »

Claude Debussy

En vain, Diaghilev commande-t-il aux machinistes d’éteindre et de rallumer la lumière du théâtre pour calmer le public. Ravel, qui défend l’œuvre se fait traiter de sale Juif. Debussy, qui a cru perdre l’ouïe pendant les trente-trois minutes du spectacle, résume: «C’est de la musique de sauvage avec tout le confort moderne.» «Le travail d’un fou», assène Puccini, qui assiste à la seconde le 1er juin. Le scandale est si fracassant que son écho se propage encore: pourquoi tant de bruit? «La grande nouveauté duSacre du printemps, c’est le renoncement à la sauce», analyse génialement Jacques Rivière, détaillant son propos sur la musique et la danse dans la Nouvelle Revue ­française, en 1913. «Voici une œuvre absolument pure. Aigre et dure, si vous voulez, mais dont aucun jus ne ternit l’éclat, dont aucune cuisine n’arrange ni ne salit les contours ; (….) tout est ici franc, intact, limpide et grossier. Le ­Sacre du printemps est le premier chef-d’œuvre que nous puissions opposer à l’impressionnisme.» Avant d’être repris quatre fois à ­Londres, Le Sacre sera donné quatre fois à Paris. Dans la salle, Valentine Gross Hugo saisit les danses au crayon. Ses dessins, ajoutés à quelques photos, ­témoignages, notations de Marie ­Rambert, qui a assisté Nijinski, serviront à Millicent Hodson et Kenneth ­Archer à le reconstituer en 1987, soixante-quatorze ans après sa création.

Voir de plus:

Le massacre du printemps

Radio France

8 août 2021

Impossible de faire l’impasse sur l’un des plus célèbres scandales de l’histoire de la musique : Le Sacre du Printemps crée en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées reste assurément le choc musical du siècle. Mais que s’est-il véritablement passé lors de la mythique soirée du 29 mai 1913 ?

Qu’est ce qui a le plus choqué les spectateurs le soir de la première du Sacre du Printemps : la musique ou la danse ? A moins que ce ne soit l’attitude des spectateurs les plus virulents présents dans la salle et la cacophonie devenue légendaire qui y régnait ?
Pour le comprendre, revenons à ce fameux soir de mai 1913. Nous sommes à l’aube de la première guerre mondiale, deux mois après l’inauguration du Théâtre des Champs-Elysées. La salle est tournée vers la musique française : celle de Debussy ou encore de Dukas. La saison musicale est conçue par Gabriel Astruc, qu’il souhaite moderne et audacieuse. C’est donc naturellement qu’il fait appel aux célèbres Ballets russes de Diaghilev, compagnie qui crée à chaque fois l’événement lors de sa venue dans la capitale.
Pour ce nouveau spectacle, Diaghilev propose à Vaslav Nijinski de s’atteler à la chorégraphie, tout en confiant la musique au jeune compositeur russe Igor Stravinsky. Le jour de la première, on peut apercevoir dans la salle, Picasso, Paul Claudel, Debussy, Florent Schmitt, Ravel, Cocteau, Poulenc et tant d’autres… Le Tout-Paris est présent !

« Taisez-vous, les garces du XVIe »

C’est au basson d’ouvrir le bal ! Alors qu’à peine les premières notes commencent à résonner, quelques murmures se font entendre dans la salle… Rapidement, un certain désordre gagne une grande partie du théâtre, avant de laisser échapper des sifflets et des huées. La musique n’est quasiment plus dicible et est recouverte d’invectives en tout genre : « C’est la première fois en soixante ans qu’on ose se moquer de moi ! » entend-on. Les spectateurs se déplacent dans la pénombre, s’alpaguant pour tantôt défendre tantôt railler ce qui se passe sur scène et en fosse : dans une loge, une dame en vient même à gifler son voisin qui venait de siffler. Des policiers ne tardent pas à arriver pour tenter d’atténuer ce pugilat.

Durant tout ce temps, le spectacle subsiste tant bien que mal : les musiciens continuent de faire vivre la rythmique enivrante de la partition de Stravinsky pendant que les danseurs poursuivent leur rite païen dans une frénésie animale qui se clôturera par le sacrifice de l’élue.

Pour Stravinsky, c’est la désolation la plus totale. Pourtant Gabriel Astruc avait bien tenté de calmer les esprits en interpellant le public à plusieurs reprises : « Ecoutez d’abord, vous sifflerez après« , mais pour le compositeur, l’originalité de sa partition n’a pas eu l’écho mérité, rejetant la faute à Nijinski et à sa chorégraphie…
Il aura fallu attendre l’année suivante, pour que Stravinsky assiste au succès de la version de concert de ce Sacre, réhabilitant ainsi tout le génie de sa musique.

Voir encore:

“Le Sacre du printemps”, ce grand coup de ballet

29 mai 1913. Stravinsky tire un obus musical depuis un lieu tout aussi novateur : le Théâtre des Champs-Elysées flambant neuf. Scandale. 100 ans après, “Le Sacre du printemps” a été rejoué là où il a éclot. A revoir en replay sur Arte+7.

Gilles Macassar

Télérama

01 juin 2013

Un an avant que la Grande Guerre de 14-18 n’embrase l’Europe entière, la musique ouvre violemment les hostilités. Le 29 mai 1913, les Ballets russes de Serge de Diaghilev lâchent sur Paris un obus orchestral de première puissance : Le Sacre du printemps, d’Igor Stravinsky. Chorégraphié par Nijinski, danseur vedette de la troupe, ce ballet transforme en champ de bataille le Théâtre des Champs-Elysées, inauguré un mois plus tôt avenue Montaigne. Chargée d’un reportage dessiné sur le spectacle et sa préparation, Valentine Hugo se souvenait : « Ce fut comme si la salle avait été secouée par un tremblement de terre, elle semblait vaciller dans le tumulte. » Mais le théâtre bâti par les frères Perret, premier édifice parisien à être construit en béton armé, repose sur des fondations solides. Un siècle plus tard, il demeure toujours la salle de concert aux architectures – intérieure et extérieure – les plus élégantes, alliant, avec un bon goût indémodable, modernité et classicisme, esthétisme et fonctionnalité.

Quant à la composition de Stravinsky, le scandale de sa création marque un tournant historique, l’avènement d’une nouvelle ère musicale, balayant l’académisme et le ronron ambiants. Le mot mi-admiratif, mi-narquois de Debussy a fait fortune : « De la musique de sauvage avec tout le confort moderne. » Musique de sauvage comme, à la même époque, Les Demoiselles d’Avignon, de Picasso, La Femme au chapeau, de Matisse, sont de la peinture de sauvage. Fatiguée des tourments égotistes du romantisme, lassée des alanguissements morbides du symbolisme, l’Europe semble vouloir se régénérer en puisant une force brute, une vigueur vierge dans l’art primitif. Recette aussi salutaire qu’efficace. Fleuron permanent des programmes symphoniques, Le Sacre du printemps témoigne d’une vitalité intacte, comme le théâtre de l’avenue Montaigne, restauré à l’identique à la fin des années 1980. Deux centenaires jumeaux, qui s’apprêtent à souffler vaillamment les bougies de leur gâteau d’anniversaire.

Le 1er avril 1913, Gabriel Astruc inaugure le théâtre de ses rêves. Après être passé par bien des cauchemars. A commencer par celui de l’acquisition d’un terrain. En 1906, Astruc, qui a fixé son choix sur les Champs-Elysées – de préférence aux grands boulevards, qu’il juge ne plus être assez chics –, obtient du conseil municipal de Paris une promesse de concession, sur l’emplacement de l’ancien Cirque d’été, entre les Champs-Elysées et l’avenue de Marigny. Et l’ancien journaliste-éditeur de musique, devenu entrepreneur de spectacles, de déposer dans la foulée les statuts d’une société du « Théâtre des Champs-Elysées ». Le nom sonne bien, il sera gardé, même lorsque, deux ans plus tard, le conseil municipal revient sur sa promesse. D’origine israélite, ne comptant pas que des amis politiques en ces temps d’antisémitisme virulent, Gabriel Astruc doit trouver un nouveau lieu. La mise en vente de l’hôtel du marquis de Lillers, au 15 de l’avenue Montaigne, offre l’opportunité inespérée. L’acte de vente est signé en février 1910, au plus fort de la crue de la Seine, qui, à deux pas, menace d’engloutir le zouave du pont de l’Alma.

Commence alors ce que Jean-Michel Nectoux a appelé joliment, dans le précieux catalogue de l’exposition que le musée d’Orsay a consacrée à l’histoire du théâtre en 1987, « le ballet des architectes ». D’Henri Fivaz à Roger Bouvard – chargé d’un transitoire « palais philharmonique » –, du Belge Henry Van de Velde, haute figure de l’Art nouveau, aux deux frères Perret, Auguste et Gustave, les derniers concurrents à rester en lice, ce ne fut que pas de deux rivaux, entrechats assassins.

Dans ce cadre huppé, rien ne laisse prévoir le scandale qui éclate le 29 mai 1913. La veille, la générale se déroule sans incident, devant un parterre de professionnels et d’invités. Le succès incontesté de L’Oiseau de feu, en 1909, puis celui de Petrouchka, en 1911, ont confirmé la maîtrise, gagnée à pas de géant, d’un compositeur de 30 ans. « En deux ans, j’ai l’impression d’avoir bondi de vingt », constate l’ancien élève de Rimski-Korsakov. L’oreille avertie de Debussy ne s’y trompe pas : « Il y a dans Petrouchka une sorte de magie sonore, des sûretés orchestrales que je n’ai rencontrées que dans Parsifal ; vous irez plus loin, assure l’aîné à son cadet, mais vous pouvez déjà être fier. »

Avec ce Sacre, auquel il pense depuis 1910, Stravinsky fonce plus vite et plus loin, pour frapper plus fort. Ces « Images de la Russie païenne » – sous-titre de l’œuvre –, il les a d’abord visualisées avec son compatriote le peintre et ethnologue Nicolas Roerich, futur réalisateur des costumes et des décors. C’est lui qui a évoqué au compositeur ce rite très ancien, à l’arrivée du printemps, d’adoration de la terre, à laquelle les ancêtres sacrifient en gage de fertilité une jeune vierge, « l’élue ».

Cette cérémonie d’une barbarie archaïque, cette sauvagerie tribale, Stravinsky les instrumente de couleurs criarde (clarinette piccolo), agressive (petite trompette en ) ou crue (trombones, grosse caisse) ; il les rythme de martèlements brutaux, de déflagrations tonitruantes, de chocs répétés entre blocs sonores qui se heurtent de plein fouet.

En imprésario avisé, Diaghilev y pressent les clés d’un succès renouvelé pour sa huitième saison parisienne. Il en confie la chorégraphie à son danseur fétiche, Vaslav Nijinski, dont les poses lascives, d’un érotisme équivoque, ont déjà choqué dans Prélude à l’après-midi d’un faune. Cette fois, le jeune félin imagine des gestes anguleux, des piétinements saccadés, qui contreviennent aux canons classiques : pieds et genoux en dedans, cou cassé, dos voûté et bras ballants. « La vraie grâce se moque du gracieux », admire Jacques Rivière, patron clairvoyant de la NRF.

« Exactement ce que je voulais », se félicite Diaghilev au sortir de cette nouvelle bataille d’Hernani, qui se reproduit les soirs suivants et s’exporte même outre-Manche pour les représentations londoniennes ! Mais, l’année suivante, l’exécution symphonique seule, sans ballet, au Casino de Paris, remporte une ovation sans bémol, tandis que Stravinsky est porté en triomphe jusqu’à la place de la Trinité. Musique sans précurseurs ni descendance, même dans le catalogue du compositeur, Le Sacre du printemps – ces « Géorgiques de la préhistoire », selon Cocteau – libère et défriche l’horizon musical, loin des macérations liturgiques d’un Wagner, de l’alchimie vaporeuse d’un Debussy.

Emblème de la modernité pour tout le xxe siècle, le Sacre, si radical dans l’audace et la liberté de son écriture, ne pouvait être qu’un météore unique ; mais l’exemple de son émancipation harmonique, de ses combinaisons à l’infini de timbres et de rythmes a stimulé l’imaginaire des générations ultérieures – d’Olivier Messiaen à Steve Reich, de Pierre Boulez à John Adams. Les chorégraphes n’ont pas été en reste, de Maurice Béjart à Mats Ek, de Pina Bausch à Angelin Preljocaj.

Météore unique, la saison de Gabriel Astruc le sera aussi. Formé aux affaires aux Etats-Unis, l’entrepreneur de spectacles munificent ne mégotait sur rien : « Si j’ai vu grand, transporté l’Opéra de New York au Châtelet, donné à Paris six fois de suite le Salomé de Richard Strauss, construit le Théâtre des Champs-Elysées, c’est parce que j’ai compris la mentalité américaine et conçu mes projets sous le signe du dollar. »

Mais la surenchère des cachets pratiquée par Diaghilev, la défection du public mondain devant un modernisme trop radical (Jeux, de Debussy, créé deux semaines avant le Sacre, passe inaperçu) creusent un déficit galopant. Malgré le soutien de grandes fortunes privées (Rothschild, Camondo), Gabriel Astruc dépose son bilan à la mi-octobre. Sacre du printemps, déroute de l’automne. Le bal des repreneurs est ouvert, jusqu’à la stabilisation d’aujourd’hui, sous l’autorité financière de la Caisse des dépôts et consignations. A Marcel Proust revient le mot de la fin, dans une lettre émue à Astruc : « Les difficultés qu’a rencontrées votre entreprise vous donneront plus sûrement une place dans l’histoire de l’art que n’eût fait un succès immédiat. »

À revoir
Sur le site d’Arte+7, le replay de leur soirée spéciale consacrée au 100 ans du Sacre du printemps : la retransmission en direct du ballet donné au Théâtre des Champs-Elysées
À voir
Le Sacre dans tous ses états, ballets, concerts, jusqu’au 26 juin au Théâtre des Champs-Elysées, tél. : 01 49 52 50 50.À lire
Théâtre, Comédie et Studio, trois scènes et une formidable aventure, ouvrage collectif sous la direction de Nathalie Sergent, coéd. Verlhac/15.Montaigne, 660 p., 89 €.À écouter
Igor Stravinsky dirige Le Sacre, 2 CD Sony Classical.
Igor Stravinsky, Le Sacre du printemps, 100e anniversaire, coffret de 20 CD Decca/Universal (38 interprétations de référence, d’Eduard van Beinum, en 1946, à Gustavo Dudamel, en 2010).
Voir aussi:

Rite that caused riots: celebrating 100 years of The Rite of SpringStravinsky’s work caused a scandal in 1913 but has since been recognised as one of the 20th century’s most important piecesKim Willsher in ParisThe Guardian 27 May 2013 The audience, packed into the newly-opened Théâtre des Champs-Élysées to the point of standing room only, had neither seen nor heard anything like it.As the first few bars of the orchestral work The Rite of Spring – Le Sacre du Printemps – by the young, little-known Russian composer Igor Stravinsky sounded, there was a disturbance in the audience. It was, according to some of those present – who included Marcel Proust, Pablo Picasso, Gertrude Stein, Maurice Ravel and Claude Debussy – the sound of derisive laughter.By the time the curtain rose to reveal ballet dancers stomping the stage, the protests had reached a crescendo. The orchestra and dancers, choreographed by the legendary Vaslav Nijinsky, continued but it was impossible to hear the music above what Stravinsky described as a « terrific uproar ».As a riot ensured, two factions in the audience attacked each other, then the orchestra, which kept playing under a hail of vegetables and other objects. Forty people were forcibly ejected.The reviews were merciless. « The work of a madman … sheer cacophony, » wrote the composer Puccini. « A laborious and puerile barbarity, » added Le Figaro’s critic, Henri Quittard.It was 29 May 1913. Classical music would never be the same again.On Wednesday evening at the same theatre in Paris, a 21st-century audience – hopefully without vegetables — will fill the Théâtre des Champs-Élysées for a reconstruction of the original performance to mark the 100th anniversary of the notorious premiere. It will be followed by a new version of The Rite by the Berlin-based choreographer Sasha Waltz, among a series of commemorative performances.Today, the piece has gone from rioting to rave reviews and is widely considered one of the most influential musical works of the 20th century.« It conceals some ancient force, it is as if it’s filled with the power of the Earth, » Waltz said of Stravinsky’s music.Finnish composer and conductor Esa-Pekka Salonen, currently principal conductor and artistic adviser for the Philharmonia Orchestra in London, who will conduct the Rite of Spring at the Royal Festival Hall on Thursday and at the Théâtre des Champs-Élysées shortly afterwards, said The Rite still made his spine tingle. « I have to admit that when we come to the moment just before the last dance … my blood pressure is up. I have this kind of adrenaline surge, » he told Reuters.« It’s an old caveman reaction. »Salonen added: « The miracle of the piece is the eternal youth of it. It’s so fresh, it still kicks ass. »There is still confusion and disagreement about events that night in 1913, which the theatre describes as « provoking one of the greatest scandals in the history of music » and turning The Rite into the « founding work of all modern music ».Stravinsky, was virtually unknown before Sergei Diaghilev hired him to compose for his Ballets Russes’s 1913 Paris season. His first two works, The Firebird, performed in 1910, and Petrushka, in 1911, were generally acclaimed. The Rite, subtitled « Pictures of Pagan Russia in Two Parts », begins with primitive rituals celebrating spring, and ends with a young sacrificial victim dancing herself to death.Not only was the theatre hall packed that evening in 1913, but the stairways and corridors were full to bursting with excited and jostling spectators.The Rite opened with an introductory melody adapted from a Lithuanian folk song, featuring a bassoon playing, unusually, at the top of its register, and prompting composer Camille Saint-Saëns to exclaim: « If that’s a bassoon, then I’m a baboon! » The heavy, stomping steps were a world away from the elegance of traditional ballet, as the dancers enacted the brutal plot.As the audience erupted, Diaghilev called for calm and flashed the house lights on and off, while Nijinsky was forced to call out steps to the dancers as the beat of the music was drowned out by the riotous cacophony. Even now there is debate over whether the audience reaction was spontaneous or the work of outraged traditionalists armed with vegetables who had come looking for trouble.The turbulent premiere was followed by five more relatively peaceful performances before one show in London, which received mixed reviews, but the complete ballet and orchestral work were only performed seven times before the outbreak of the first world war.After the fighting ended, Diaghilev attempted to revive The Rite of Spring, but found nobody remembered the choreography. By then Nijinsky, the greatest dancer of his generation, was in mental decline.Since then The Rite has been adapted for and included in an estimated 150 productions around the world including gangster films, a punk rock interpretation, a nightmarish vision of Aboriginal Australia by Kenneth MacMillan, and Walt Disney’s 1940s film Fantasia. A commemorative performance was staged at the Royal Albert Hall in London to mark the 50th anniversary of the premiere.To mark this year’s centenary of The Rite of Spring, described by Leonard Bernstein as the most important piece of music of the 20th century, both Sony and Universal have released box sets reprising the best versions in their back catalogues.

Voir également:

The Rite of Spring: ‘The work of a madman’It is one of the great works of the 20th century, a ballet so revolutionary it is said to have caused a riot at its premiere. But is Stravinsky’s Rite of Spring all it was claimed to be? As the work’s centenary is celebrated, Tom Service separates fact from fictionTom ServiceThe Guardian12 Feb 2013‘Mild protests against the music, » wrote Stravinsky, « could be heard from the beginning. » The composer was remembering the night of 29 May 1913 at the Théâtre des Champs-Elysées in Paris. The event was the premiere of a new ballet called The Rite of Spring – and, if you believe all the stories about what happened that celebrated evening, not least the one about the riot that ensued, it’s as if the 20th century only really got going when the audience in that gilded art-nouveau auditorium started kicking off.If you know how Stravinsky’s music begins, you may not be too surprised by the audience’s reaction to The Rite, which was choreographed by the young dancer Vaslav Nijinsky and performed by Serge Diaghilev’s Ballets Russes. After the strangest, highest and most terrifyingly exposed bassoon solo ever to open an orchestral work, the music becomes a sinewy braid of teeming, complex woodwind lines. « Then, » Stravinsky told his biographer, « when the curtain opened on the group of knock-kneed and long-braided Lolitas jumping up and down, the storm broke. »That was Nijinsky’s choreography for the Dance of the Adolescents section, the music’s first and still-shocking moment of crunching dissonance and skewed rhythm. Stravinsky said that at this point, « Cries of ‘Ta gueule’ [shut up] came from behind me. I left the hall in a rage. I have never again been that angry. » Stravinsky spent the rest of the performance in the wings, holding on to Nijinksy’s tails as the choreographer shouted out cues to his dancers over the din.What really happened on that night of nights? Was this a genuine riot, as it is so often described – a shocked response to Stravinsky’s simultaneously primitivist and modernist depiction of an ancient Russian ritual devoted to the seasons? Or was it simply a publicity stunt, a wilfully orchestrated succès de scandale that has, in the years and the retelling, grown into a great musical myth? And was The Rite really such a revolution in music, a gigantic leap of faith into a terra incognita that would inspire every subsequent composer?There is still no more influential piece of music in the 20th century. The Rite is the work that invariably tops polls of the biggest and baddest of the last 100 years. From Elliott Carter to Pierre Boulez, from Steve Reich to Thomas Adès, other composers couldn’t have done what they did without it as inspiration. Talking many years after its composition, Stravinsky claimed he had to put himself in a kind of creative trance to compose it, an echo of the fate that befalls the poor girl who dances herself to death in the ballet’s climactic Sacrificial Dance: « Very little immediate tradition lies behind The Rite of Spring – and no theory. I had only my ear to help me; I heard and I wrote what I heard. I am the vessel through which The Rite passed. »Let’s deal with the riot first. For all the « heavy noises » and shouts Stravinsky says came from the auditorium, there is no evidence of mass brawling, and nobody tried to attack the dancers (although the conductor Pierre Monteux remembered that « everything available was tossed in our direction »). One critic described the whole thing as merely a « rowdy debate » between rival factions in the audience. And if the boos and hisses had been so appalling, why would Diaghilev have been as pleased as Stravinsky says he was? « After the performance, » he noted, « we were excited, disgusted, and … happy. I went with Diaghilev and Nijinsky to a restaurant. Diaghilev’s only comment was, ‘Exactly what I wanted.’ Quite probably, he had already thought about the possibility of such a scandal when I first played him the score, months before. »It would certainly be an exaggeration to say the whole thing was engineered as a publicity stunt. But how to explain the fact that the audience was protesting right from the start about something they hadn’t properly heard yet? Significantly, when the score was performed in Paris for the first time as a concert piece just a year later, there were huge ovations, with Stravinsky carried on the shoulders of his fans in triumph.It was, it seems, the wilful ugliness and lumpenness of Nijinsky’s evocation of Russian prehistory that was really shocking to audiences – the « knock-kneed Lolitas » Stravinsky wrote of. The dance offended their sense of beauty and their vision of what a ballet should be, as much as if not more than the music. Anyway, at the premiere, the radicalism of Stravinsky’s score could hardly be heard for cat-calls, although some reports suggest the boos had calmed down before the climax. Stravinsky had great praise for Monteux’s cool head, calling the conductor as « impervious and as nerveless as a crocodile ». He added: « It is still almost incredible to me that he actually brought the orchestra through to the end. »The paradox of the primitivism in The Rite is that it can be heard as both a horrifying vision of the pitilessness of nature – and as an expression of the inhumanity of the machine age. The fate of the « chosen one » in the Sacrificial Dance is particularly chilling. She is caught in an unstoppable rhythmic vortex from which there is only one way out: through the terrible dissonance that ends the piece, and the single chord that kills her. This is music that manages to sound both mechanistic and elemental, making The Rite as radical in 2013 as it was 100 years ago.Still, for all its modernity, for all Stravinsky’s insistence that the whole thing came from « what I heard » (and for all that Puccini would later call it « the work of a madman »), The Rite is rooted in musical traditions. As Bela Bartók intuited, and as musicologist Richard Taruskin has shown, many of The Rite’s melodies come from folk tunes – including that opening bassoon solo, which is actually a Lithuanian wedding song. Scholars have identified more than a dozen folk references so far, but there’s an even more significant tradition behind The Rite.The work is the apotheosis of a way of thinking about music that began in the 1830s with Mikhail Glinka, the first important Russian composer, and an inpiration to Stravinsky, whose music he loved. The way The Rite moves, with its blocks of music juxtaposed next to and on top of one another like a mosaic, is prefigured not just by Stravinsky’s previous ballets for Diaghilev (The Firebird and Petrushka), but in music by his teacher Rimsky-Korsakov and even Tchaikovsky. Those « new » sounds with all those dagger-like dissonances? If you look at them closely, you’ll find they’re all versions either of common chords stacked up on top of each other, or are built from the scales and harmonies that Rimsky-Korsakov, Mussorgsky and Debussy had already discovered. And all those jerky, jolting rhythms? They’re derived, albeit distantly, from the way some of those folk tunes work.So there’s nothing so old as a musical revolution. But even if it’s true that Stravinsky plundered traditions both ancient and modern to create The Rite, there’s something that, finally, can’t be explained away, something you should feel in your gut when you experience the piece. A century on, the truly shocking thing about The Rite is still with us, right there at its climax. A good performance will merely pulverise you. But a great one will make you feel that it’s you – that it’s all of us – being sacrificed by Stravinsky’s spellbinding and savagely cruel music.The London Philharmonic Orchestra plays The Rite of Spring on 17 February at the Royal Festival Hall, London SW1, as part of The Rest Is Noise festival. Box office: 0844 875 0073.

Voir de plus:

Ballet PreljocajJudith MackrellThe Guardian1 May 2002 Angelin Preljocaj has already stamped his sparky revisionist ideas on three of the old Ballets Russes masterpieces, but recreating The Rite of Spring is a different kind of challenge. How do you add to the history of a ballet that’s already made legends of its most distinguished interpreters? Where do you find a choreographic idea strong enough to survive the treacherous peaks and unyielding terrain of Stravinsky’s score? Unfortunately, Preljocaj doesn’t have totally convincing answers to these questions, though he looks very hard for them in sex. Picking up from the implacable energy which propels the music, Preljocaj opts to portray the rites of modern lovers rather than the sacred rituals of a prehistoric tribe. From the moment that his six women throw down their knickers as casual gauntlets to the six watching men, the piece embarks on a trajectory from the titillation of desire through to its destruction. I like the analytic cast of Preljocaj’s mind in this piece – the way he moves from the lovers’ constrained taunting of each other, to the first blows that tighten the strings of their desire, to the aggressive seduction routines, and to the sex itself which becomes flagellatory in its efforts to sustain its own excitement. Preljocaj mocks the men as studs and forces the exhausted lovers to shuffle like a slave gang in thrall to their own libidos. Yet rarely does he find enough material to elaborate these images into substantial choreography. Even at the climax, when the group strip one of the woman naked and make her dance a kind of sacrificial orgasm, the movement doesn’t fully hold our attention. It is left to Stravinsky’s controlled frenzy to dominate the stage…

Voir aussi:

‘If that’s a bassoon, I’m a baboon’: How Stravinsky and Nijinsky choreographed the worst opening night ever

The fight of Spring: A riot, a ballet without a tune and bankruptcy. 100 years on, why Stravinsky’s opening night ballet was a disaster

The Fight of Spring: The score was so unlike anything heard before that, at rehearsals, the musicians wondered if there had been a printing mistake

The Fight of Spring: The score was so unlike anything heard before that, at rehearsals, the musicians wondered if there had been a printing mistake

PARIS 1913

Looking nervously through the peephole in the curtain of the Théâtre des Champs-Élysées, the young choreographer Vaslav Nijinsky could see a murmuring ocean of bejewelled ladies, and their escorts in white tie and tails, waiting for his ballet to begin.

It was the French capital, on May 29, 1913, and the audience’s mood was one of excited expectation.

They were about to witness one of the most hotly anticipated cultural events in history; the first performance of Igor Stravinsky’s Le Sacre Du Printemps (The Rite Of Spring), designed by Nicholas Roerich, choreographed by Nijinsky and produced by Sergei Diaghilev.

The people packed into the sweltering theatre represented ‘the thousand varieties of snobbism, super-snobbism, (and) anti-snobbism’.

First there were the grandes dames of French society, diamonds blazing on their powdered bosoms.

These powerful women were life models for Marcel Proust, the reclusive novelist whose ground-breaking À La Recherche Du Temps Perdu, the first section of which was published in 1913, chronicled this tiny group of aristocrats and their hangers-on.

Although they could be generous patrons, their kindness came at a price – they expected their world view to be reflected in the work they supported.

While the grandees in their red velvet boxes had paid double the usual ticket price, Diaghilev – the charismatic impresario of the Ballets Russes, the company that had bewitched Paris four years earlier – had also given out free passes to a group of rebellious intellectuals.

The young men wore soft collars and short jackets, and the women were in turbans and bright, loose dresses.

Sergei Diaghilev, left, with Igor Stravinsky

Sergei Diaghilev, left, with Igor Stravinsky

Even if they could have afforded better clothes they would have refused to wear them, as a demonstration of their rejection of outdated traditions.

Torn between his devotion to art as an ideal and his need for a hit, and devastated by the private knowledge that Nijinsky, his acknowledged lover for the past four years, was moving away from him, Diaghilev was desperate for Sacre to succeed.

He had opened the programme with Les Sylphides, his favourite piece and one of the Ballets Russes’ most popular shows.

The lonely poet dancing with ghostly maidens in long white tutus was romantic and heart-stoppingly beautiful; for most of the audience, exactly what they expected.

Others, though, had begun to hope that ballet, like literature and the visual arts, might begin to form a new, truer idea of beauty.

Even though the first strains of Sacre are hauntingly delicate, the unusually high register used by Stravinsky for the opening bassoon solo caused a commotion.

The ballet was 24-year-old Vaslav Nijinsky's first major composition

The ballet was 24-year-old Vaslav Nijinsky’s first major composition

The composer Camille Saint-Saëns hissed to his neighbour: ‘If that’s a bassoon, I’m a baboon.’

Whistles, boos and laughter broke out. The score was so unlike anything heard before that, at rehearsals, the musicians wondered if there had been a printing mistake.

Stravinsky would shout: ‘Gentlemen, you do not have to laugh, I know what I wrote!’ and would race to the piano to pound out the music as he wanted  it played.

The sweating dancers waited in their heavy costumes to begin the performance, an imagined enactment of the fertility ritual of an ancient Slavonic tribe.

The ballet was 24-year-old Nijinsky’s first major composition.

Despite his universally acknowledged genius as a dancer (since his Parisian debut in 1909, aged 20, he had been acclaimed Le Dieu De La Danse) his talents as a choreographer aroused debate.

Some found his two previous ballets – L’Après-Midi D’un Faune (1912) and Jeux, which had premiered only weeks earlier – thrillingly new, but many dismissed them as ugly, even obscene.

As the music swelled into a frenzy of dissonance, the dancers began moving, but what the audience saw bore almost no relation to the grace of Les Sylphides.

The dancers’ steps were heavy, as Nijinsky imagined the movements of ancient tribespeople. For much of the performance they faced away from the audience and there was no storyline to follow.

This was, as one critic later wrote, ‘not the usual spring sung by poets . . . [but] spring seen from inside, with its violence, its spasms and its fissions’.

The audience erupted – with some shouting in rage at having been mocked and insulted, as they saw it, by this ‘non-ballet’ and others defending it, understanding that what they were seeing and hearing was as revolutionary as the writings of Nietzsche and Freud, the discoveries of Einstein, the paintings of Cézanne and Picasso.

As one said, they were witnessing ‘an utterly new vision, something never before seen . . . art and anti-art at once’.

However, the arguments quickly descended into the visceral. Members of rival factions were observed rapping one another on the head with their canes; one tugged another’s top hat down over his face.

One of the young bohemians, a critic, cried out: ‘Down with the whores of the Sixteenth (arrondissement; Paris’s Mayfair)!’

HIGH JINKS: The Finnish National Ballet performing a reconstruction of Nijinsky's The Rite Of Spring

HIGH JINKS: The Finnish National Ballet performing a reconstruction of Nijinsky’s The Rite Of Spring

Gabriel Astruc, the theatre’s owner and a long-term supporter of the Ballets Russes, leaned out of his box and screamed: ‘First listen! Then hiss!’

Nijinsky’s mother fainted. Some people remembered seeing  policemen arriving to break up fights.

The premiere would pass into legend as one of the great moments of cultural history, but for each of the protagonists it was a personal turning point, too.

Although some critics hailed Le Sacre Du Printemps as a masterpiece it was a commercial failure. Nijinsky’s choreography was dismissed and all but forgotten until the first revival of his work more than 70 years later.

Stravinsky and Nijinsky would never work together again. Astruc was forced to close the Théâtre des Champs-Élysées because Sacre had bankrupted him.

Diaghilev was on the verge of sacking Nijinsky when the choreographer eloped with a female follower of the Ballets Russes.

After the performance, Diaghilev, Nijinsky and Stravinsky drove around the empty city.

The evening ended with Diaghilev reciting Pushkin in the Bois de Boulogne, the tears on his face lit up in the carriage lamps, while Stravinsky and Nijinsky listened intently.

They were, said Stravinsky, ‘excited, angry, disgusted and . . . happy’, convinced that it would take people years to understand what they had been shown.

Even so, they could scarcely have imagined that Nijinsky’s choreography would never be danced again after its nine performances in 1913 but would resonate throughout the century to come, while Stravinsky’s score would go on to be acclaimed the soundtrack of the 20th century.

‘Nijinsky’ by Lucy Moore is published by Profile, priced £25. To order your copy at £18 with free p&p, please call the Mail Book Shop on 0844 472 4157 or visit mailbookshop.co.uk.

THE LORD OF MODERN DANCE

Nijinsky – the journey from genius to tortured madman

Nijinsky’s parents were Polish itinerant dancers who often performed in the large theatre-circuses, such as Salamonsky’s, which were hugely popular attractions throughout the Russian empire.

His first paid role, aged seven, was as a chimney sweep.

Almost immediately after graduating from the Imperial Theatre School, Nijinsky attracted the attention of a rich patron, Prince Lvov, who seduced him by pretending that a princess who was in love with Nijinsky had asked him to act as her go-between.

Lvov introduced Nijinsky to Diaghilev and encouraged their romance, well aware of how instrumental Diaghilev could be in promoting Nijinsky’s career.

It was only dancer Anna Pavlova’s last-minute absence from the Ballets Russes’ opening two weeks in Paris in 1909 that allowed Diaghilev to present Nijinsky as his star.

In 1913, soon after the debacle in Paris, Nijinsky met a star-struck Hungarian socialite Romola de Pulszky on a month-long voyage to South America – and they married.

When he discovered Nijinsky had eloped, Diaghilev consoled himself with a debauched tour through Southern Italy before his thoughts turned to revenge.

Nijinsky’s first mental breakdown probably took place in 1914, soon after Diaghilev sacked him.

He put on a programme at a London music hall, but it was a disaster. Nijinsky was so hysterical that, on one occasion, the stage manager had to pour a jug of water over him.

As Nijinsky’s mental health declined in the mid-1910s his behaviour became increasingly erratic. Influenced by the writings of Tolstoy, he began wearing hair shirts next to his skin and refusing to eat meat.

By 1919 Nijinksy was experiencing periods of lucidity and terrifying moments of hallucination and mania.

Nijinksy, Romola and their daughter, Kyra, were living quietly in St Moritz and he took to driving their sleigh into the paths of oncoming sleighs.

He pushed Romola down the stairs and spent hundreds of francs on sweaters in a rainbow of colours.

According to the frenzied diary he began on the day of his last public performance, Nijinsky believed that he was entering into a marriage with God.

When Romola took him to a psychiatrist to be diagnosed, he was told by the doctor that he was incurably insane.

His daughter, Tamara, aged 17, seeing Nijinsky after many years’ absence in 1937, was alone with him for a moment.

She picked him a bunch of flowers, and recalled: ‘Silently, he gazed at the daisies, lifted them upward to the sky . . . like an offering, then sank back in his chair, shut his eyes, and pressed the flowers to his heart.’

Nijinsky died in a London clinic in 1950.

Voir enfin:

Le Sacre du printemps

Introduction

La danse devrait exprimer … toute l’époque à laquelle appartient le sujet du ballet» – Michel Forkin

En 1913, la danse « Le Sacre du printemps » est achevée. Avant cela, Isadora Duncan et Fokine nous avaient déjà montré le retour à la nature et aux sources grecques pour trouver le nouveau vocabulaire de la danse.

Mais aussi nous avons déjà Les Demoiselles d’Avignon de Picasso où l’on trouve la recherche des cubistes sur la forme géométrique et l’idée du primitivisme.

Également on a déjà commencé à sentir l’air de la guerre qui commence l’année suivante. Le Sacre du printemps représente le sacrifice de la Russie païenne à l’époque de la préhistoire. C’est le commencement de la danse contemporaine. Voici la photo de l’idole slave.

Sa pose évoque une pose de la danse du « Sacre du printemps » comme ce qui suit.

Est-ce qu’il y a une relation entre la chorégraphie de la danse du XX siècle et les idoles slaves en bois sculptées, typiques des communautés païennes dans le pré-christianisme russe ? Une problématique s’apparente au rapport entre préhistoire et modernité. En quoi le Sacre du printemps de 1913 recherchait-il le nouveau vocabulaire de la danse classique en consultant l’idée de préhistoire. D’abord nous voyons le contexte du retour à la préhistoire, ensuite le primitivisme dans cette danse enfin la manière dont elle reflète l’influence de l’âge de la pierre.

1.1. Un rôle important de Roerich, artiste, érudit en archéologie

Le sacre du printemps de 1913 est une collaboration parmi trois principaux artistes. On attribue la musique à Stravinsky, la chorégraphie à Nijinsky et les dessins, décors et costumes à Roerich.

Cependant il reste une question: qui a écrit ce scénario? Kenneth Archer indique la possibilité de la grande influence de Roerich non seulement sur ce scénario mais aussi sur cette danse classique totale. Car pour créer Le sacre du printemps, on a besoin d’une connaissance sûre de la Russie archaïque.

Roerich est un grand artiste, un philosophe et un érudit. Nijinska écrit dans son livre qu’au cours de ses nombreuses fouilles et explorations de grottes, il a découvert des vestiges de l’âge primordial.

1 Il semble que Roerich ait partagé des sources de rites, comme l’idole avec Nijinsky. Nous revenons à cette idole.

Kenneth indique que le geste de la figure masculine en haut est similaire à celui du danseur du Sacre du printemps. Tous les deux posent leur main droite sur l’estomac ou la poitrine et leur main gauche sur la taille en pliant les bras. Leur pose met les pointes des coudes en évidence. C’est tout à fait contraire à la tradition de la danse classique où « la courbe l’emporta sur la ligne droite »2.

1.2. La différence et l’analogie entre Isadora Duncan et Nijinsky

Duncan a essayé de libérer le corps et de retourner à la nature en s’inspirant de la danse grecque antique peinte sur le vase. Elle reste sous l’influence de la Grèce classique et de la ligne serpentine. Nous pouvons trouver son influence (à travers Folkin) dans l’Après-midi d’un Faune que Nijinsky a chorégraphié. Les attitudes des Nymphes étaient bien stylisées en continuant à nous montrer la silhouette latérale. Cela évoque une frise peinte.

Leurs gestes et attitudes se trouvent sur des vases attiques aux alentours du Vème et du IVème siècles avant J.-C.1 Cependant il semble que à l’aide de Diaghilev, Nijinsky ait pu aller plus loin. Diaghilev a parlé de « repenser le temps passé plutôt que de tenter de le faire revivre.»2 La structuration et stylisation de la nouvelle grammaire de la danse sont caractéristiques chez Nijinsky. À savoir qu’il ne retient pas le passé, il a avancé jusqu’à la modernité en restructurant le mouvement du passé.

Il a pu créer un système cohérent de la danse en s’inspirant des techniques dormantes de danse rituelle archaïque.

2.1. Roerich et le design

Les dessins du peintre, Roerich pour les costumes ont beaucoup inspiré la chorégraphie du Sacre à Nijinsky. Sa série de tableaux nommée « Slav series » traite les sites religieux d’ ancien Slave où l’on voit la disposition des idoles basées sur une géométrie rituelle. Nous voyons un tableau « The idols » de Roerich.1

Un certain nombre d’idoles forment un cercle entourant une roche au centre. Des piquets en bois aiguisés font cercle autour de ces objets rituels. Sur ces pieux, on pose les crânes blancs des bêtes. Selon Archer, nous pouvons trouver le même motif géométrique rituel dans le costume dessiné par Roerich et dans la chorégraphie de Nijinsky pour le premier Acte. Par exemple, le sarrau rouge que les jeunes filles portent au premier acte évoque une disposition religieuse.1 Voici Reconstructing Roerich’s Costumes.

Le motif circulaire est omniprésent. Il y a un cercle noir au centre qui ressemble à la roche et des cercles rouges entourent ce noir. Enfin une ligne noire fait cercle autour d’eux. Ces trois couches du cercle se trouvent dans la composition de la chorégraphie du premier acte.

Au centre de la scène un sage se tient debout comme une roche, autour de lui, huit personnes courent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, et puis de plus grands groupes de jeunes filles courent dans le sens des aiguilles d’une montre. Le motif du cercle rituel de l’âge de pierre apparaît dans la composition géométrique du costume et de la chorégraphie du XXème siècle.

En outre, le dessin de Roerich a directement influencé sur le geste. Voici son dessin : « run away looking to the left »3 Nijinsky a introduit ce geste dans le premier Acte-Scene « Ritual of Abduction ».

3.1. Le cubisme, Cubo-Futurisme et Sacre du printemps

« On peut parler d’une mosaïque sonore analogue au cubisme en peinture. » -Benoît Chantre1

Quelques livres sur Le Sacre du printemps ont pressenti la relation de ce ballet avec le cubisme, le primitivisme et le commencement de la guerre. On peut dire également que le caractère mosaïque de la danse rappelle le cubisme. Chaque groupe de danseurs a simultanément des rythmes différents à suivre. Il s’agit de la simultanéité du mouvement divers de plusieurs danseurs. Il y a plusieurs points de vue dans une oeuvre. Cette idée rejoint le cubo-futurisme russe qui est marqué par le cubisme. Par exemple en 1912, Kasilir Malevich, dans sa peinture The Knife-Grinder, a commencé à repenser l’interprétation du corps humain en déplaçant l’accent sur le temps et sur le mouvement à partir de la forme, du volume. Il a montré différentes étapes du même mouvement, comme la représentation séquentielle du corps humain dans un tableau.

Conclusion

En conclusion, à travers les connaissances de Roerich en préhistoire, Nijinsky a trouvé le nouveau style qui est tout à fait contraire à la base du ballet traditionnel. Le Sacre du printemps reflète le sacrifice non seulement de la préhistoire mais aussi l’atmosphère des foules avant la guerre. Également serait il possible d’approfondir la question du lien du cubisme avec ce ballet appelé « Cubist Dancing »  à partir de point de vue de la déshumanisation dans le pressentiment de la guerre ?

Notes:

1. W.Beaymont, Cyril. Michel Fokine and His Ballets, Londres,1935, (cité par Eksteins, Modris. Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité, Trans. Leroy-Battistelli, Martine. Paris : Plon, 1991, p.44.).
2. Hodson, Millicent,Nijinsky’s crime against grace : reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996,XXVII-205 p. : voir aussi p.103, «A Slavic idol, this nine foot high obelisk reflects earlier Russian pagan beliefs. The large figures at the tops probably sky gods, with a horse at the foot of one-dwarf the tiny men below, underworld demons crouch at the idol’s base.»

1.Kisselgoff, Anna. « Introduction » in Bronislava, Nijinska. (ed.), Nijinska, Irina. Rawlinson, Jean, Early Memoire,   NewYork : Holt, Rinehart and Winston, 1981, 448p. ( cité par Archer, Kenneth. Hodson, Millicent. The lost Rite: rediscovery of the 1913 Rite of spring, London : KMS, 2014,  p. 31).
2.Eksteins, Modris. Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité, Trans. Leroy-Battistelli, Martine. Paris : Plon, 1991, 424 p., p.55  « En 1828, dans le Code de Terpsichore, Carlo Blasis écrivait : « Veillez à ce que vos bras soient si arrondis que les pointes des coudes soient imperceptibles. »

1.Kenneth, Archer. Millicent, Hodson. The lost Rite: rediscovery of the 1913 Rite of spring, London : KMS, 2014, p.31.

2.Hodson, Millicent. Nijinsky’s crime against grace: reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps ,Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996, p.119.

3.Hodson, Millicent.Nijinsky’s Crime against grace, ibid. p.40, « Ritual of Abduction (Act I, Scene 2 ) at 37 in the orchestral score. ».

[fig] Kenneth, Archer. Millicent, Hodson. The lost Rite: rediscovery of the 1913, op.cit. p.33, « Costume design in tempera on paper by Nichoras Roerich for an Act 1 Maiden, Le Sacre du Printemps, Paris,1913″.

1.Girard, René. « Le Religieux, vraie science de l’homme Entretien avec Benoît Chantre », in La conversion de l’art, Paris,  Carnets Nord, 2008, p.222.
2.Millicent, Hodson. Nijinsky’s crime against grace: reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.), Pendragon, 1996. p.114

[fig.] Malevich, Kasimir. The Knife Grinder or Principle of Glitterin, 1912-13, Oil on canvas, 79.5 x 79.5 cm (31 5/16 x 31 5/16 in.), Yale University Art Gallery.

Bibliographie

Buckle, (Richard)., Diaghilev : biographie, traduit de l’anglais par Tony Mayer, Paris: J.-C. Lattès, 1980, 717 p.

Eksteins, (Modris)., Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité ;trad. de l’anglais par Martine Leroy-Battistelli, Paris:Plon, 1991, 424 p.

Girard, (René)., « Le religieux, vraie science de l’homme Entretien avec Benoît Chantre », in La conversion de l’art, Paris : Carnets Nord, 2008,287 p.

Kenneth,(Archer). Millicent,(Hodson)., The lost Rite: rediscovery of the 1913 Rite of spring, London : KMS, 2014, 266 p.

Millicent,(Hodson)., Nijinsky’s crime against grace: reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996, XXVII-205 p.

Nectoux, (Jean-Michel)., Après-midi d’un Faune Mallarmé, Debussy, Nijinsky,1989, Paris : Les Dossiers du musée d’orsay,64 p.

Wilfrid Dyson, (Hambly)., Tribal dancing and social development, Binsted :Noverre, 2009,296 p.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Est-ce qu’il y a une relation entre la chorégraphie de la danse du XX siècle et les idoles slaves en bois sculptées, typiques des communautés païennes dans le pré-christianisme russe ? Une problématique s’apparente au rapport entre préhistoire et modernité. En quoi le Sacre du printemps de 1913 recherchait-il le nouveau vocabulaire de la danse classique en consultant l’idée de préhistoire. D’abord nous voyons le contexte du retour à la préhistoire, ensuite le primitivisme dans cette danse enfin la manière dont elle reflète l’influence de l’âge de la pierre.

W.Beaymont, Cyril. Michel Fokine and His Ballets, Londres,1935, ( cité par Eksteins, Modris. Le sacre du printemps:la Grande Guerre et la naissance de la modernité, Trans. Leroy-Battistelli, Martine. Paris : Plon, 1991, p.44.).
Hodson, Millicent,Nijinsky’s crime against grace : reconstruction score of the original choreography for Le Sacre du printemps, Stuyvesant (N.Y.) : Pendragon, 1996,XXVII-205 p. : voir aussi p.103, «A Slavic idol, this nine foot high obelisk reflects earlier Russian pagan beliefs. The large figures at the tops probably sky gods, with a horse at the foot of one-dwarf the tiny men below, underworld demons crouch at the idol’s base.»

Voir par ailleurs:

Faut-il craindre la résurgence de virus et de bactérie disparus, avec le dégel du permafrost ?
Les réponses de Philippe Charlier, médecin légiste et archéo-anthropologue, Jean-Claude Manuguerra, virologiste, directeur de la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Cibu) de l’Institut Pasteur.
Recueilli par Laureline Dubuy
La Croix
02/12/2019

Faut-il craindre la résurgence de virus et de bactérie disparus, avec le dégel du permafrost ?

« Il y a un risque réel de propagation planétaire des agents infectieux »

Philippe Charlier, médecin légiste et archéo-anthropologue (1)

Le réchauffement climatique met au jour des restes d’humains, d’animaux et de végétaux conservés dans le permafrost, parfois depuis des centaines de milliers d’années. Les bactéries, les virus et les parasites qu’ils contiennent ne sont pas forcément morts avec leurs hôtes, ils sont pour beaucoup seulement endormis. Les virus semblent perdre en intensité avec la congélation et le temps, ce qui n’est pas le cas pour les bactéries. En 2016, une épidémie de la maladie du charbon (anthrax) a décimé les troupeaux de rennes en Sibérie. Les deux souches de ce bacille étudiées par les scientifiques remontaient au XVIIIe et au début du XXe siècle.

Le risque de propagation est bien réel. Pour l’instant, la résurgence se fait de manière locale, mais elle pourrait se répandre à l’ensemble de la planète. Avec la liquéfaction du permafrost, les agents infectieux peuvent migrer dans les eaux mais aussi s’agglomérer sous les semelles des chaussures. Car si les régions du Grand Nord abritent des populations parfois très isolées, elles attirent aussi des touristes, des scientifiques, des chasseurs de fossiles…

Il est indispensable que des précautions sanitaires drastiques soient prises pour éviter une éventuelle propagation. Aujourd’hui, trop peu de scientifiques s’y intéressent. Il y a pourtant une vraie urgence à prévoir l’avenir.

« Le danger serait de reconstituer des virus disparus à partir de virus morts »

Jean-Claude Manuguerra, virologiste, directeur de la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Cibu) de l’Institut Pasteur

Des épidémies peuvent toujours survenir, causées par des bactéries très résistantes, comme le charbon (anthrax), que l’on a retrouvé dans des cadavres d’animaux en Sibérie en 2016. Ces germes sont effectivement très robustes. Mais une épidémie de charbon s’arrête facilement. Les virus, eux, tels que nous les connaissons, ne sont pas très résistants. Il y a peu de risques qu’ils puissent être conservés au point d’être viables. Ils supportent difficilement les changements d’état. Pour qu’ils soient viables, il faudrait qu’il n’y ait jamais eu de décongélation et qu’ils soient récupérés à l’état congelé.

→ VIDEO. La fonte du pergélisol, bombe à retardement pour le climat

En revanche, le risque pourrait venir des expériences de l’homme. Le danger serait de pouvoir reconstituer des virus disparus à partir de virus morts. Ça a déjà été le cas. Des scientifiques ont prélevé des fragments du génome du virus de la grippe espagnole sur le cadavre d’un esquimau inuit. Ces fragments, associés à des échantillons d’hôpitaux, ont permis de reconstituer la séquence de ce virus disparu qui a décimé des populations.

Aujourd’hui, nous avons des outils très performants pour identifier les bactéries ou les virus et réagir rapidement. Le risque microbiologique venu de l’Arctique n’est pas le plus grand danger du réchauffement climatique, selon moi. Par exemple, le virus contemporain du chikungunya étend de plus en plus sa zone géographique avec l’augmentation des températures.

(1) Auteur avec David Alliot de « Autopsies des morts célèbres », éditions Tallandier, 272 p., 19,90 €

Voir enfin:

Changement climatique
CO2 et virus oubliés : le permafrost est « une boîte de Pandore »
Boris Loumagne
Radio France
15 décembre 2018

Vue aérienne de lacs formés par le dégel du pergélisol sibérien à Yamalo-Nenets, en Russie.

Vue aérienne de lacs formés par le dégel du pergélisol sibérien à Yamalo-Nenets, en Russie.

© Getty – Asahi Shimbun

Tandis que les règles d’application de l’accord de Paris ont été adoptées lors de la COP24 en Pologne, en Sibérie ou au Canada le pergélisol (permafrost en anglais) poursuit son dégel. Cette couche de sol renferme d’énormes quantités de carbone et des virus potentiellement dangereux pour l’Homme.

Les effets du réchauffement climatique sont multiples : hausse des températures, fontes des glaciers, hausse du niveau des mers, sécheresse, changements de la biodiversité, migrations humaines, etc. Parmi toutes ces catastrophes en cours ou à venir, il en est une majeure, qui se déroule en ce moment en Alaska, au Canada et en Russie. Selon les scénarios les plus optimistes, d’ici 2100, 30% du pergélisol pourraient disparaître. Entamé depuis plusieurs années, le dégel de cette couche géologique, composée de glace et de matières organiques, menace de libérer des quantités astronomiques de CO2, entraînant potentiellement un réchauffement climatique encore plus important et rapide que prévu. Le pergélisol préserve également de nombreux virus, oubliés ou inconnus. En 2016, un enfant a ainsi été tué par de l’anthrax. Le virus de la maladie du charbon avait été libéré suite au dégel d’un cadavre de renne vieux de 70 ans !

Pour étudier les risques liés au dégel du pergélisol, nous avons sollicité l’éclairage de deux spécialistes. Florent Dominé, d’une part, est chercheur, directeur de recherche au CNRS. Il travaille à l’Unité Mixte Internationale Takuvik, issue d’un partenariat entre l’Université Laval à Québec (Canada) et le Centre National de la Recherche Scientifique. Ses activités se concentrent essentiellement dans l’Arctique canadien où il travaille sur les problématiques climatiques et en particulier sur la transformation et le dégel du pergélisol. Sur place, il étudie également l’évolution de la végétation et de la biodiversité. Par ailleurs, concernant la question des virus, nous avons fait appel à Jean-Michel Claverie, professeur de médecine de l’Université Aix-Marseille, directeur de l’institut de Microbiologie de la Méditerranée et du laboratoire Information Génomique et Structurale. En 2014, lui et son équipe ont découvert deux nouveaux virus, des virus géants, datés de 30 000 ans, dans le pergélisol sibérien.

Un réservoir de gaz à effet de serre

Le pergélisol est un vaste territoire. Sa superficie est estimée entre 10 et 15 millions de mètres carrés (entre 20 et 30 fois la superficie de la France). On trouve du pergélisol au nord du Canada et de l’Alaska, ainsi qu’au nord de la Sibérie. Selon les zones, la profondeur de cette couche varie : de quelques mètres à environ un kilomètre dans certains points de la Sibérie où le pergélisol se maintient alors depuis des millions d’années. Selon certaines études, ces couches du sol renfermeraient des milliards de tonnes de carbone. Une analyse confirmée par le chercheur Florent Dominé :

Le pergélisol contient de la glace et de la matière organique issue essentiellement de la décomposition partielle des végétaux. Cette matière organique est formée en grande partie de carbone. Il y a environ deux fois plus de carbone dans le pergélisol que dans l’atmosphère. Ce carbone, quand il est gelé, est peu accessible à la minéralisation bactérienne. Les bactéries peuvent se nourrir de cette matière organique dès lors qu’elle est dégelée. Et là, les bactéries vont pouvoir la métaboliser et la transformer en CO2. Ce dioxyde de carbone va alors s’échapper dans l’atmosphère et potentiellement faire augmenter les teneurs de ce gaz à effet de serre.

En somme, le CO2 qui s’échappe dans l’atmosphère participerait au réchauffement climatique, qui lui même accélère la fonte du pergélisol. Toutefois, difficile de prévoir exactement quelle sera la quantité réelle de ces émissions, comme le rappelle Florent Dominé : « La fourchette serait comprise entre 50 et 250 milliards de tonnes de CO2. Mais il y a tellement de rétroactions qui n’ont pas encore été découvertes et qui n’ont pas été incluses dans les modèles, que toutes ces projections sont soumises à d’énormes incertitudes. Et puis il y a des incertitudes sur le processus inverse qui est celui de la fixation de matière organique, de carbone, par la végétation. Imaginons : si il fait plus chaud, la végétation pousse. La toundra herbacée est remplacée par de la toundra arbustive. Il y a plus de biomasse dans les arbustes que dans les herbes. Donc les sols arctiques vont servir de puits de carbone quand le pergélisol servira de source de carbone. Bref, il y a encore trop d’incertitudes. Mais quoiqu’il en soit, au nom de principe de précaution, il y a lieu de faire très attention à cette libération du carbone.« 

Florent Dominé, lors d'une étude du réchauffement du pergélisol, près de Kuujjuarapik, au Canada en décembre 2014
Florent Dominé, lors d’une étude du réchauffement du pergélisol, près de Kuujjuarapik, au Canada en décembre 2014

© AFP – Clément Sabourin

De plus, le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre que peut produire le pergélisol dégelé. « Quand la matière organique du pergélisol dégèle, détaille le chercheur_, et qu’il n’y a pas d’oxygène disponible parce que la zone est saturée en eau, alors à ce moment-là, on va avoir une fermentation bactérienne et donc_ une émission de méthane par le pergélisol. Le méthane est un gaz à effet de serre trente fois plus puissant que le CO2__. Toutefois, dans le pergélisol, il y a 100 fois moins de méthane que de CO2. » Du mercure a également été découvert dans certaines zones de l’Alaska mais d’après Florent Dominé, « le principal danger climatique reste le dioxyde de carbone« .

Biodiversité modifiée, infrastructures menacées

L’impact du dégel du pergélisol est donc potentiellement planétaire. Mais avant cela, les retombées négatives de ce réchauffement global se mesurent aussi localement. Dans les zones qui voient leur pergélisol dégeler, la biodiversité se modifie profondément. C’est ce qu’a constaté sur place Florent Dominé : « On a des changements phénoménaux dans les assemblages végétaux et dans les migrations d’espèces animales. Je travaille notamment près d’un village inuit, Umiujaq, au nord du Québec. Il y a 50 ans, la végétation était essentiellement composée de lichen à caribou. Désormais, c’est envahi par les bouleaux glanduleux, des bouleaux nains. Les renards arctiques ont disparu et ont été remplacés par des renards roux. Des orignaux commencent à arriver alors qu’avant ils étaient cantonnés plus au sud.« 

Ces changements d’éco-systèmes fondamentaux peuvent également s’accompagner de la disparation pure et simple d’espèces végétales. « Il y a également le danger, poursuit le chercheur, que des espèces cantonnées beaucoup plus au nord, au désert polaire  – certains types d’herbes ou de lichens – deviennent de plus en plus rares, voire même disparaissent avec le réchauffement climatique. »

A Newtok, en Alaska, des planches de bois ont été installées pour se déplacer sans s'enfoncer dans le permafrost dégelé
A Newtok, en Alaska, des planches de bois ont été installées pour se déplacer sans s’enfoncer dans le permafrost dégelé

© Getty – Andrew Burton

Localement, le dégel du pergélisol a également de lourdes conséquences sur les Hommes. Quand la glace du sol fond, cela peut conduire à un affaiblissement, voire à une destruction, des infrastructures bâties à une époque où le pergélisol était encore stable. « A Umiujaq, la route qui mène à l’aéroport s’est effondrée, se souvient Florent Dominé. A Iqaluit, la plus grande ville du territoire du Nunavut, la piste de l’aéroport a dû être refaite. A Salluit, à l’extrême nord du Québec, la caserne de pompier s’est effondrée. Et dans ce village construit quasiment entièrement sur une zone riche en glace et qui existe depuis des dizaines d’années, on parle de déménager tous les habitants. On en arrive à ces situations qui peuvent être dramatiques pour les populations locales. » L’une des missions du chercheur Florent Dominé est donc notamment d’encourager les populations locales à construire sur des zones rocheuses, parfaitement stables et sans risque.

Mines d’or et virus oubliés 

En découvrant dans une revue scientifique que des chercheurs russes étaient parvenus à faire ressusciter une espèce végétale prisonnière du pergélisol pendant 30.000 ans que le Professeur Jean-Michel Claverie s’est posé cette question : « Est-il possible de faire la même chose pour un virus ? » En 2014, le Pr Claverie et son équipe ont découvert deux virus géants, inoffensifs pour l’Homme, qu’ils ont réussi à réactiver : « Cette découverte démontre que si on est capable de ressusciter des virus âgés de 30.000 ans, il n’y a aucune raison pour que certains virus beaucoup plus embêtants pour l’Homme, les animaux ou les plantes ne survivent pas également plus de 30.000 ans.« 

Pour autant, nul besoin de replonger aussi loin dans le temps pour trouver des virus dangereux pour les espèces vivantes. En 2016 en Sibérie, des spores d’anthrax vieilles de 70 ans se sont libérées du cadavre d’un renne après le dégel d’une couche de permafrost. Cet épisode a causé la mort d’un enfant ; des milliers de rennes ont également été infectés. Un drame imputable au changement climatique selon le Pr Claverie : « On a beau dire que l’on a cloîtré un certain nombre d’agents bioterroristes comme la maladie du charbon (l’anthrax), mais l’on voit bien que chaque année, quand il y a un hiver un peu chaud en Sibérie, vous avez des épidémies gigantesques dans les troupeaux de rennes. Cela est lié au réchauffement climatique puisque ces étés chauds sont de plus en plus fréquents. Chaque été une couche du permafrost dégèle. Et cet été, en 2016, la couche dégelée a été plus profonde que les années précédentes.« 

Des centaines de soldats et de vétérinaires déployés en août 2016 pour stopper le virus de l'anthrax en Sibérie
Des centaines de soldats et de vétérinaires déployés en août 2016 pour stopper le virus de l’anthrax en Sibérie

© AFP – Maria Antonova

On éradique peut-être certains agents infectieux de la surface de la planète. Mais en profondeur, dans les endroits froids et très conservateurs comme le permafrost, il est probable qu’aucun de ces agents infectieux n’ait disparu. Pr Jean-Michel Claverie

Toutefois, aussi dramatiques que puissent être ces épidémies d’anthrax, les virus libérés par le réchauffement climatique sont ceux présents dans les couches superficielles du pergélisol. Ces agents infectieux sont donc les plus récents et ils sont par conséquence connus de la médecine moderne. C’est ce qui fait dire au Pr Claverie qu’en matière de virologie, ce dégel lent des couches superficielles n’est pas le danger le plus imminent : « A cause du réchauffement climatique, des routes maritimes sont désormais ouvertes six mois par an. Vous pouvez donc accéder assez facilement en bateau jusqu’à la Sibérie. Ces côtes et ces régions, auparavant désertiques, sont connus pour receler d’importants gisements de gaz et de pétrole ; il y a également beaucoup de métaux précieux comme l’or ou les diamants. Désormais ces zones peuvent être exploitées. Là est le danger ! Prenons les Russes. Ils installent des mines à ciel ouvert. Et ils retirent le pergélisol, parce que les minerais ne sont pas dans cette couche d’humus. Ces mines font 3 à 4 kilomètres de diamètre et jusqu’à un kilomètre de profondeur. On exhume alors du permafrost qui peut être âgé d’un million d’années. Et là on tripote des choses avec lesquelles on n’a jamais été mis en contact. C’est un peu la boîte de pandore. Et connaissant les Russes, ils ne prennent aucune précaution bactériologique, il n’y a aucun encadrement pour sécuriser au mieux ces mines. Les industriels n’extraient pas des minerais en situation de confinement biologique.« 

Une mine de diamant, dans l'est de la Sibérie. L'eau noire est la glace fondue du permafrost.
Une mine de diamant, dans l’est de la Sibérie. L’eau noire est la glace fondue du permafrost.

© Getty – Scott Peterson

Qui plus est, le danger est potentiellement partout dans le permafrost, car « même si l’on se limite à creuser jusqu’à 30 mètres de profondeur, ce qui équivaut à 30.000 ans et donc à la disparition de Neandertal, cela peut être dangereux. » Le professeur Claverie argue du fait que la cause de la disparition de Neandertal est inconnue : « Imaginons qu’il ait été tué par un virus particulier. On sait désormais que les virus peuvent survivre au moins 30.000 ans. Sauf que les médecins actuels n’ont jamais vu le type d’infections auxquelles devait faire face Neandertal. Il y a là un véritable danger, qui reste toutefois difficile à évaluer. » De plus, ce danger est renforcé par la volonté politique du président russe Vladimir Poutine d’exploiter industriellement cette région du globe. « Le changement climatique fournit des conditions plus favorables pour développer le potentiel économique de cette région » avait-il déclaré en mars 2017 à propos du nord de la Russie.

Voir enfin:

Justine Chevalier
DOCUMENT BFMTV. Lindsay, une collégienne de 13 ans scolarisée à Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, s’est suicidée le 12 mai dernier. Elle avait dénoncé un harcèlement, une situation pas suffisament prise en compte par l’établissement et les autorités selon ses proches.

« 13 ans pour toujours ». Le 12 mai dernier, Lindsay, une collégienne de 13 ans scolarisée à Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais, s’est suicidée à son domicile, après avoir été victime de harcèlement au collège et sur les réseaux sociaux. Sa famille dénonce aujourd’hui l’attitude de la direction de l’établissement, estimant que rien n’a été fait pour protéger leur fille.

« On veut des explications, en tant que parents, on doit avoir des réponses, on doit savoir ce qu’il s’est passé », insiste le beau-père de Lindsay sur BFMTV, appelant à ce que « justice soit faite ».

« Elle aimait s’instruire »

Lindsay était élève au collège Bracke-Desrousseaux. Ce sont ses proches qui ont découvert son corps le 12 mai.

« Lindsay, c’était une petite fille joyeuse, souriante, agréable, très serviable, qui s’occupait très très bien de ses petits frères. Toujours là pour nous donner un petit coup de main. Elle aimait s’instruire », témoigne sur BFMTV le beau-père de Lindsay.

Ce mercredi 24 mai, date de l’anniversaire de Lindsay, une marche blanche a été organisée devant le collège par la famille et les proches de l’adolescente. Ils souhaitaient alerter sur le phénomène du harcèlement scolaire dont était victime la jeune fille. « Elle avait des rêves qui sont maintenant gâchés », déplore sur BFMTV son oncle Corentin.

Harcelée depuis septembre

Selon la famille de Lindsay, l’adolescente était victime de harcèlement depuis la rentrée de septembre dernier par d’autres collégiennes, qui se matérialisait par des insultes puis un harcèlement en ligne sur les réseaux sociaux.

« Elle se faisait harceler dans la rue, à l’école, chez elle… », s’indigne l’oncle de la jeune fille.

Ce harcèlement régulier s’est accentué au mois de février, alors que le mal-être de l’adolescente semble lui aussi se renforcer. À cette époque, une bagarre de plusieurs minutes éclate au sein de l’établissement entre Lindsay et une autre jeune fille. La scène est filmée et circule sur les réseaux sociaux. Cette bagarre vaudra une sanction aux deux collégiennes.

Cette situation a été dénoncée auprès de la direction de l’établissement. La mère de Lindsay a porté plainte à deux reprises au mois de février. Sa grand-mère découvre une « lettre d’adieu » rédigée par l’adolescente à la même époque, elle décide alors de se tourner vers Emmanuel Macron pour le sensibiliser à ce que vit sa petite-fille.

« On a signalé les faits, que ce n’était pas une histoire banale, mais c’est resté sans réponse », déplore le beau-père de l’adolescente.

La veille de son suicide, Lindsay a été victime d’un malaise au collège qui avait nécessité l’intervention des pompiers.

Une adolescente « habituée aux insultes »

Alertée de la situation dans laquelle vivait Lindsay en début d’année, la direction du collège a lancé une commission « harcèlement ». Des entretiens avaient été menées avec la victime, la famille, différents élèves.

« La seule réponse qu’on a eu de la part du principal, c’était ‘confisquez le téléphone de votre fille et ça s’arrêtera’, on s’est demandé si ce n’était pas une farce », dénonce le beau-père de la collégienne, qui en appelle aux autorités pour prendre des « mesures » contre le phénomène de harcèlement scolaire.

« Des sanctions adéquates ont été prononcées » assure le ministère de l’Éducation nationale contacté par BFMTV, sans donner plus de détails et rappelant qu’une enquête judiciaire est en cours.

Lindsay, elle, n’a jamais souhaité changer de collège, se disant « habituée » aux insultes, selon son oncle. « On savait qu’elle se battait avec ces filles-là, mais après quand on la voyait elle était tout le temps en train de rigoler, elle était toujours joyeuse », témoigne une collégienne.

« Le harcèlement à l’école est un fléau que nous devons combattre collectivement: pour le bien-être de nos élèves, pour leur sécurité, pour le vivre-ensemble. En remettant aujourd’hui le prix ‘Non au Harcèlement’, je pense à Lindsay, sa famille, ses amis », a écrit Pap Ndiaye mercredi soir sur Twitter.

Une cellule de soutien a été mise en place au sein du collège depuis le décès de Lindsay.

L’émotion et la colère sur les réseaux sociaux

Sur TikTok, l’émotion est très grande. Ce jeudi matin, les douze vidéos les plus vues sur la page d’accueil du réseau social étaient liées à Lindsay. Restée jusqu’alors confidentielle, l’affaire du suicide de la jeune fille est désormais largement relayée.

« Depuis des mois, elle se plaint d’être harcelée, humiliée, torturée au quotidien et aujourd’hui à 13 ans elle a mis fin à ses jours », ne décolère pas Ramous, suivi par 1,4 million d’abonnés sur TikTok.

Le nom d’une jeune fille considérée comme l’une des harceleuses de Lindsay a été révélé sur les réseaux sociaux.

Depuis février 2022, les peines en cas de harcèlement scolaire ont été alourdies. Il peut entraîner une peine de dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire.


Parchemins: Tu as étendu comme une peau le firmament de ton livre au-dessus de nous (From our present day of cheap but fragile paper and digitalization, looking back at the old days of parchments that could survive millenia but took thousands of animals and hundreds of animal skins to make a single Bible)

16 avril, 2023

https://codexsinaiticus.org/en/img/ParchmentScarQ78f6r_BL237_full.jpgMa parole n’est-elle pas comme un feu, dit l’Éternel, et comme un marteau qui brise le roc? Jérémie 23: 29
De même que le marteau divise la roche en une multitude d’éclats, de même un seul verset frappé fait jaillir d’innombrables étincelles. Le Talmud (Traité Sanhédrin 34a)
En ce temps-là, un jour de sabbat, Jésus vint à passer à travers les champs de blé ; ses disciples eurent faim et commencèrent à arracher des épis de maïs, les frottèrent avec leurs mains et les mangèrent. Matthieu 12:1
Les textes étaient (…) recopiés sur du parchemin, issus de peaux de bêtes séchées, matériel rare et coûteux à l’époque, ce qui conduisait les moines à réutiliser des pages déjà rédigées pour les réemployer. Ils lavaient alors à grande eau ces feuilles de parchemin solides et épaisses pour faire disparaître les lignes écrites. Une fois séchées, ils recopiaient un autre texte. Cela pouvait se produire plusieurs fois au cours des siècles suivants. On appelle ces parchemins réutilisés des palimpsestes. Le fragment retrouvé en syriaque se trouvait donc effacé, sous un texte liturgique géorgien visible, et sous un texte grec d’un Père de l’Église, ces théologiens du premier millénaire, deuxième utilisation elle aussi éclipsée. C’est par la photographie sous lumières ultraviolettes et multi-spectrale que ces trois textes, en trois langues, copiés successivement sur la même page, ont été rendus visibles. Ils sont ensuite devenus lisibles par un traitement numérique qui a séparé les types de phrases entremêlés, en délimitant trois versions grâce aux différences de formes de caractères des lettres. Jean-Marie Guénois
About 1,300 years ago a scribe in Palestine took a book of the Gospels inscribed with a Syriac text and erased it. Parchment was scarce in the desert in the Middle Ages, so manuscripts were often erased and reused. A medievalist from the Austrian Academy of Sciences (OeAW) has now been able to make the lost words on this layered manuscript, a so-called palimpsest, legible again: Grigory Kessel discovered one of the earliest translations of the Gospels, made in the 3rd century and copied in the 6th century, on individual surviving pages of this manuscript. « The tradition of Syriac Christianity knows several translations of the Old and New Testaments, » says medievalist Grigory Kessel. « Until recently, only two manuscripts were known to contain the Old Syriac translation of the gospels. » While one of these is now kept in the British Library in London, another was discovered as a palimpsest in St. Catherine’s Monastery at Mount Sinai. The fragments from the third manuscript were recently identified in the course of the « Sinai Palimpsests Project ». The small manuscript fragment, which can now be considered as the fourth textual witness, was identified by Grigory Kessel using ultraviolet photography as the third layer of text, i.e., double palimpsest, in the Vatican Library manuscript. The fragment is so far the only known remnant of the fourth manuscript that attests to the Old Syriac version – and offers a unique gateway to the very early phase in the history of the textual transmission of the Gospels. For example, while the original Greek of Matthew chapter 12, verse 1 says: « At that time Jesus went through the grainfields on the Sabbath; and his disciples became hungry and began to pick the heads of grain and eat, » the Syriac translation says: « […] began to pick the heads of grain, rub them in their hands, and eat them. » Austrian academy of science
L’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit. Genèse 3: 21
Toute l’armée des cieux se dissout; les cieux sont roulés comme un livre, et toute leur armée tombe, comme tombe la feuille de la vigne, comme tombe celle du figuier. Esaïe 34: 4
Le ciel se retira comme un livre qu’on roule; et toutes les montagnes et les îles furent remuées de leurs places. Apocalypse 6: 14
Qui encore, si ce n’est toi, notre Dieu, a fait pour nous un firmament d’autorité au-dessus de nous, dans ta divine Écriture? Oui, le ciel se repliera comme un livre, et maintenant, comme une peau il est tendu au-dessus de nous. Ta divine Écriture en effet possède une plus sublime autorité, maintenant qu’ont subi la mort d’ici-bas ces mortels par qui tu nous l’as dispensée. Et tu sais, toi, Seigneur, tu sais comment tu as revêtu de peau les hommes, quand le péché les rendit mortels. Aussi as-tu étendu, comme une peau, le firmament de ton livre, je veux dire tes paroles concordantes que, par le ministère des mortels, tu as établies au-dessus de nous. Augustin
Or la peau du ciel, ne l’as-tu pas donnée comme un livre? Et qui donc que toi, notre dieu, nous fit un firmament d’autorité, par-dessus nous avec ton écriture divine? Car le ciel sera replié comme un livre et voici qu’à présent il est tendu par-dessus nous à la manière d’une peau. La pelisse que tu étires en tente sur nos têtes est faite en peau de bête, la même vêture que nos parents endossèrent après qu’ils eurent péché, la pelure des exilés pour voyager dans le froid et la nuit des vies perdues, noctambules trébuchant (…). La nuit qui nous éteint, suspendue sur nos yeux, n’est pourtant pas irrévocable comme la leur, aux bêtes. La peau dont l’écran nous interdit la vision claire ouvre le dos d’un livre replié, peut-être retourné. Notre ciel, tout indéchiffrable que le rende l’ombre qu’il projette dans nos regards, ne porte pas moins, sur sa face tournée vers nous, les signes de ton écriture. La couverture du volume relié à pleine peau, on la devine frappée de lettres. C’est que le firmament que tu jettes par-dessus nous en anathème annonce aussi ta promesse Jean-François Lyotard
Abel est celui qui sacrifie des animaux et nous sommes au stade : Abel n’a pas envie de tuer son frère peut-être parce qu’il sacrifie des animaux et Caïn, c’est l’agriculteur. Et là, il n’y a pas de sacrifices d’animaux. Caïn n’a pas d’autre moyen d’expulser la violence que de tuer son frère. Il y a des textes tout à fait extraordinaires dans le Coran qui disent que l’animal envoyé par Dieu à Abraham pour épargner Isaac est le même animal qui est tué par Abel pour l’empêcher de tuer son frère. Cela est fascinant et montre que le Coran n’est pas insignifiant sur le plan biblique. C’est très métaphorique mais d’une puissance incomparable. Cela me frappe profondément. Vous avez des scènes très comparables dans l’Odyssée, ce qui est extraordinaire. Celles du Cyclope. Comment échappe-t-on au Cyclope ? En se mettant sous la bête. Et de la même manière qu’Isaac tâte la peau de son fils pour reconnaître, croit-il, Jacob alors qu’il y a une peau d’animal, le Cyclope tâte l’animal et voit qu’il n’y a pas l’homme qu’il cherche et qu’il voudrait tuer. Il apparaît donc que dans l’Odyssée l’animal sauve l’homme. D’une certaine manière, le troupeau de bêtes du Cyclope est ce qui sauve. On retrouve la même chose dans les Mille et une nuits, beaucoup plus tard, dans le monde de l’islam et cette partie de l’histoire du Cyclope disparaît, elle n’est plus nécessaire, elle ne joue plus un rôle. Mais dans l’Odyssée il y a une intuition sacrificielle tout-à-fait remarquable. (…) L’absence de lieu non sacrificiel où l’on pourrait s’installer pour rédiger une science du religieux, qui n’aurait aucun rapport avec lui, est une utopie rationaliste. Autrement dit il n’y a que le religieux chrétien qui lise vraiment de façon scientifique le religieux non chrétien. René Girard
Les Psaumes sont comme une fourrure magnifique de l’extérieur, mais qui, une fois retournée, laisse découvrir une peau sanglante. Ils sont typiques de la violence qui pèse sur l’homme et du recours que celui-ci trouve dans son Dieu. René Girard
Un parchemin est une peau d’animal, généralement de mouton, parfois de chèvre ou de veau, qui est apprêtée spécialement pour servir de support à l’écriture. Par extension, il en est venu à désigner aussi tout document écrit sur ce type de support.  (…) Succédant au papyrus, principal médium de l’écriture en Occident jusqu’au VIIe siècle, le parchemin a été abondamment utilisé durant tout le Moyen Âge pour les manuscrits et les chartes, jusqu’à ce qu’il soit à son tour détrôné par le papier. Son usage persista par la suite de façon plus restreinte, à cause de son coût très élevé. D’après Pline l’Ancien, le roi de Pergame aurait introduit son emploi au IIe siècle av. J.-C. à la suite d’une interdiction des exportations de papyrus décrétée par les Égyptiens, qui craignaient que la bibliothèque de Pergame surpassât celle d’Alexandrie. Ainsi, si des peaux préparées avaient déjà été utilisées pendant un ou deux millénaires, le « parchemin » proprement dit (mot dérivé de pergamena, « peau de Pergame ») a été perfectionné vers le IIe siècle av. J.-C. à la bibliothèque de Pergame en Asie Mineure. (…) Les peaux animales sont dégraissées et écharnées pour ne conserver que le derme. Par la suite elles sont trempées dans un bain de chaux, raclées à l’aide d’un couteau pour ôter facilement les poils et les restes de chair, et enfin amincies, polies et blanchies avec une pierre ponce et de la poudre de craie. Une fois la préparation achevée, on peut distinguer une différence de couleur et de texture entre le « côté poil » (appelé également « côté fleur ») et le côté chair. Cette préparation permet ainsi l’écriture sur les deux faces de la peau. Selon l’animal, la qualité du parchemin varie (épaisseur, souplesse, grain, texture, couleur…). Le parchemin est découpé en feuilles. « D’après les calculs effectués, à partir des dimensions du rectangle de parchemin obtenu d’une peau de mouton, les manuscrits de grands formats, d’une hauteur supérieure à 400 mm et de 200 à 250 folios, nécessitaient 100 à 125 peaux de mouton ». Copier une Bible complète nécessitait 650 peaux de moutons, d’où le prix élevé de sa copie. Les feuilles peuvent être assemblées sous différentes formes : le volumen est un ensemble de feuilles cousues bout à bout et forme un rouleau (utilisé jusqu’au IVe-Ve siècle). On le retrouve encore très souvent au XVe siècle, par exemple en Bretagne, pour servir à la longue rédaction des procès. Le codex (utilisé à partir du Ier-IIe siècle) est un ensemble de feuilles cousues en cahiers et peut être considéré comme l’ancêtre du livre moderne. Les parchemins en peau de veau mort-né, d’une structure très fine, sont appelés vélins. Ils diffèrent des parchemins par leur aspect demi-transparent. Ils sont fabriqués à partir de très jeunes veaux, les plus beaux et les plus recherchés provenant en général du fœtus. Le parchemin est un support complexe à fabriquer, onéreux (environ 10 fois plus cher que le papier), mais extrêmement durable dans le temps. Si les papiers habituels jaunissent en quelques années, on trouve aux archives nationales quantité de parchemins encore parfaitement blancs, et dont l’encre est parfaitement noire. Aussi, il offre l’avantage d’être plus résistant et permet le pliage. Il fut le seul support des copistes européens au Moyen Âge jusqu’à ce que le papier apparaisse et le supplante. À la fin du XIVe siècle, il est utilisé essentiellement pour la réalisation de documents précieux, d’imprimés de luxe ou encore pour réaliser des reliures. Support onéreux, on évitait de le gaspiller. Aussi réparait-on les peaux abîmées avec du fil et on réutilisait les vieux parchemins après que l’écriture en avait été grattée : on les appelle les palimpsestes. Wikipedia
Codex Sinaiticus was written on prepared animal skin, called parchment. Parchment is very often made from calf, goat or sheep’s skin and has been widely used as a writing support. The making process of lime soaking, de-hairing, stretching and scraping skins has remained essentially the same for over two millennia. Being animal skin, parchment has a ‘flesh’ (facing the inner body of the animal) and a ‘hair’ (from which the hair grew) side. The ‘flesh’ side tends to be lighter in colour and smoother in appearance whilst the ‘hair’ side tends to be darker, less smooth and in some cases easily identifiable by remains of the actual hair follicles. Skin characteristics such as follicle patterns, skeletal marks, scar tissue and variance of colour can tell us much about the type of animal and its condition. Other man-made characteristics like makers’ holes and repairs, striation, uniformity of thinness, and veining evidence tell us much about the quality of process and skill of workmanship All these features have been recorded on the documentation form. Follicle patterns vary according to the animal of origin and can be used to identify the type of animal. The location and amount of follicle marks can also be indicative of the size of the beast, where on the skin the parchment was cut from, and the quality of the workmanship. Follicles are often visible on the axilla area, which is the loosely structured and stretchy area of the animal skin behind the forelegs and in front of the hind legs. Such areas are also characterized by a more widely spaced hair follicle network. Axilla evidence can indicate the size of the animal which in turn informs the identification process. In prepared skins this will tend to appear at the outer edges and more rippled than the rest of the skin. Due to the way the skin is folded to form bifolia, axilla is frequently found at the edges of the leaves. Other characteristic marks, some times found along the outer edges of the folia, are caused by proximity to the animal’s skeleton and, particularly, from the highpoints of the pelvic, spine and shoulder areas. They often appear as dark patches clearly visible in transmitted light. On the documentation form the Conservators referred to these evidences as ‘skeletal marks’ and recorded the area where they were visible. Injuries sustained by animals whilst alive are often still visible on the parchment produced from their skins. They appear as a thinner tissue (scar tissue) which grows over to heal an injury. The amount of scarring evident can indicate the quality of life the beast may have had as well as informing the observer about the quality of parchment selection Parchment can sometimes still show evidence of the vein network which will appear of a light colour if the animal has been bled thoroughly or dark if this process has been poorly done. Conservators called the visible vein network ‘veining’. The occasional jagging action of the knives when thinning down the skin could also sometimes leave parallel marks on the parchment. This type of damage is called striation. The knives used by parchment makers to de-hair and scrape the stretched skin could leave marks on the parchment. Any minor damage to the skin could end up as a hole after stretching, unless these holes were repaired. The conservators recorded the location of such un-repaired parchment maker’s holes as well as of the parchment maker’s repairs. The folios are made of vellum parchment primarily from calf skins, secondarily from sheep skins … Most of the quires or signatures contain four leaves save two containing five. It is estimated that about 360 animals were slaughtered for making the folios of this codex, assuming all animals yielded a good enough skin. Codex sinaiticus project
The oldest known complete Bible is the Codex Sinaiticus, which was produced in 350AD or thereabouts. It’s a copy in one volume of most of the then known books of the Bible. Its 1478 pages required 370 animal skins – sheep and cows – to make. Study the pages closely and you can still see veins, follicles, scars (In 700 AD when the burghers of Jarrow ordered three copies of the complete Bible made, they petitioned the crown for the additional land required to raise the 2000 animals that would be needed for the pages: in those days ordering a book had remarkable economic and environmental consequences). The scribes who transcribed it sometimes forgot bits, or repeated themselves, or changed the meaning by annotating in the margins, their judgments and idiosyncracies subtly altering the meaning of the sacred texts. It took a few more centuries and the printing press to introduce standardised editions that allowed the Church and other bodies to decree a literary or religious canon of unchallenged texts. David Parker, professor of theology at Birmingham, and a scholar of early religious texts, has helped bring the Codex to a global audience by putting it online and allowing anyone to do what previously only scholars could, namely study the different bits – held in London, St Petersburg and St Catherine’s monastery in Sinai – and draw their own conclusions. But at his session he went further by suggesting that in a digital age when we can each download the Bible to our tablet or smartphone, annotate it, share it, edit it, and alter its phrases, we are subverting the very idea of a set text, of a religious canon. (…) Which, if you think about it, poses some fundamental questions for the Church. If he is right, and we are entering an age in which we will each be able to edit out own Bible, or Torah, or even Koran, what does that mean for the authority of established religions. Who decides the canon? Benedict Brogan
The last fragments, from the lecture “The Skin of the Skies,” comment a passage from Confessions XIII xv in which Augustine envisions the firmament as covered by a tent, made by the skin that Adam and Eve had to wear after the Fall (Augustine’s interpretation of Isaiah xxxiv, 3-4). Though this eternal night is the punishment of Yahweh, the skin of the Heaven at the same time bears the Holy Scripture as inscription: the signs of bestiality have been transformed into the Holy Scripture. Hanne Roer
We can get so much onto an iPhone or tablet that the idea of a canon of texts is out of date. How in the digital age are we going to change our attitude to sacred scripture ? The history of Christianity has been ruled by the idea of set texts. In the world we are entering into the idea of the Bible will be fundamentally different. Do we really need authorised texts? What happens if we accept they don’t exist? What my grandchildren will be able to do with it is beyond my imagination. I’m pretty sure they won’t have the same view of sacred texts that I inherited. David Parker
Comme beaucoup de chercheurs, je suis à la veille de faire le grand saut dans le cyberespace, et j’ai peur. Que vais-je y trouver? Que vais-je y perdre? Vais-je m’y perdre moi-même? Robert Darnton (directeur des bibliothèques de Harvard)

Alors que revient dans l’actualité …

Grâce aux nouvelles techniques de la photographie multi-spectrale sous lumières ultraviolettes …

Et aux fameux palimpsestes, ces parchemins qui, issus de peaux de bêtes et donc très rares et très chers, étaient souvent effacés et réutilisés …

La redécouverte d’une toute petite variante du fameux texte de Matthieu du Seigneur du sabbat …

Retour sur ces précieux parchemins auxquels nous devons la transmission jusqu’à nous de la plupart de nos textes les plus anciens de la Bible …

Et qui pour la plus ancienne Bible complète connue pouvait nécessiter jusquà 370 peaux d’animaux, moutons ou vaches …

Dont on peut encore voir les veines, les follicules et les cicatrices …

Rappelant comme l’avait remarqué Saint Augustin …

Entre la peau dont le Créateur avait revêtu nos premiers parents après le premier péché …

Et le firmament, dont on nous dit qu’il a été étendu au-dessus de nous comme un livre …

Le sanglant coût, les signes de notre bestialité transformés en Ecriture sainte, de notre salut …

Mais aussi avec le remplacement par le papier dix fois moins cher mais si peu durable …

Ou, plus fragile encore, l’écriture électronique de nos ordinateurs et tablettes …

La question même de la survie de tout notre patrimoine ?

Benedict Brogan’s Hay Week
A personal view from Hay Festival 2013, the greatest literary festival in the world
Benedict Brogan

Daily Telegraph

31 May 2013
(…)
The oldest known complete Bible is the Codex Sinaiticus, which was produced in 350AD or thereabouts. It’s a copy in one volume of most of the then known books of the Bible. Its 1478 pages required 370 animal skins – sheep and cows – to make. Study the pages closely and you can still see veins, follicles, scars (In 700AD when the burghers of Jarrow ordered three copies of the complete Bible made, they petitioned the crown for the additional land required to raise the 2000 animals that would be needed for the pages: in those days ordering a book had remarkable economic and environmental consequences). The scribes who transcribed it sometimes forgot bits, or repeated themselves, or changed the meaning by annotating in the margins, their judgments and idiosyncracies subtly altering the meaning of the sacred texts. It took a few more centuries and the printing press to introduce standardised editions that allowed the Church and other bodies to decree a literary or religious canon of unchallenged texts.

David Parker, professor of theology at Birmingham, and a scholar of early religious texts, has helped bring the Codex to a global audience by putting it online and allowing anyone to do what previously only scholars could, namely study the different bits – held in London, St Petersburg and St Catherine’s monastery in Sinai – and draw their own conclusions. But at his session he went further by suggesting that in a digital age when we can each download the Bible to our tablet or smartphone, annotate it, share it, edit it, and alter its phrases, we are subverting the very idea of a set text, of a religious canon. « We can get so much onto an iPhone or tablet that the idea of a canon of texts is out of date, » he said. « How in the digital age are we going to change our attitude to sacred scripture? » he asked. « The history of Christianity has been ruled by the idea of set texts. In the world we are entering into the idea of the Bible will be fundamentally different. » Which, if you think about it, poses some fundamental questions for the Church. If he is right, and we are entering an age in which we will each be able to edit out own Bible, or Torah, or even Koran, what does that mean for the authority of established religions. Who decides the canon? « Do we really need authorised texts? What happens if we accept they don’t exist? » he asked. « What my grandchildren will be able to do with it is beyond my imagination. I’m pretty sure they won’t have the same view of sacred texts that I inherited. »

(…)

La vraie fausse découverte d’un « nouveau » texte de l’Évangile
Jean-Marie Guénois
Le Figaro
14/04/2023


DÉCRYPTAGE – Certains médias français annoncent la découverte d’un « nouveau » passage de l’Évangile dans la Bibliothèque du Vatican. À tort.

La bibliothèque du Vatican n’a pas encore livré tous ses secrets comme Le Figaro a pu l’expliquer récemment. Certains médias français viennent pourtant d’annoncer qu’un passage « inconnu » de l’Évangile aurait été découvert, au Vatican, par un chercheur russe associé à l’Académie autrichienne, Grigory Kessel. Ce qui est faux.

Le passage en question est en effet connu. C’est sa traduction en syriaque ancien – une langue sémitique, issue des langues araméennes – qui l’était moins. Elle est tirée d’un texte originel et classique, rédigé en grec, relatant le verset 1 du chapitre XII de l’Évangile de Saint Matthieu.

Traduction vers le syriaque ancien

Le texte grec – connu – dit : «En ce temps-là, un jour de sabbat, Jésus vint à passer à travers les champs de blé ; ses disciples eurent faim et ils se mirent à arracher des épis et à les manger». Le fragment retrouvé, écrit : «commencèrent à arracher des épis de maïs, ils se frottèrent avec ses [?] mains et mangèrent». Pas de nouveauté donc, sinon ce détail qui ne change rien au sens de l’histoire : les disciples «se frottèrent les mains».

Par ailleurs, cette soi-disant «découverte» d’un nouveau fragment, daté du VI° siècle, confirme une nouvelle fois l’existence certaine d’une traduction de cet Évangile de Matthieu, à partir de sa version grecque, vers le syriaque ancien. Deux autres fragments en syriaque avaient déjà été découverts avant 2016 et un troisième le fut cette année-là. Ils sont conservés à la British Library à Londres, à la bibliothèque du monastère Sainte-Catherine au Mont Sinaï en Égypte et au Vatican.

Le fragment de ce manuscrit de la bibliothèque apostolique du Vatican atteste l’existence de traductions de l’Évangile vers le syriaque, plus anciennes qu’on ne le pensait. Elles remonteraient au III° siècle. Soit bien avant les manuscrits grecs qui ont pu traverser les âges et qui sont pourtant la matrice de ces traductions. Quant à la date de rédaction du fragment découvert, il serait du VI° siècle.

Mais contrairement aux affirmations de l’Académie de Vienne qui a lancé cette nouvelle le 6 avril par communiqué comme une «découverte», il apparaît que, non seulement, la bibliothèque du Vatican connaissait ce fragment – redécouvert il y a une dizaine d’années et déjà signalé comme une trace de l’évangile de Matthieu par Bernard Outtier dans les années 70 – et sur lequel elle avait déjà publié trois articles, dans sa revue, The Vatican Library Review, – et une notice scientifique le décrivant – mais que c’est elle qui avait commandé l’étude scientifique de ce fragment et réalisé le traitement par images multi-spectrales. La paternité de cette «découverte» revient donc au Vatican.

Palimpsestes

En effet, comment cette «découverte» a-t-elle été réalisée ? Par un travail de haute technologie sur des documents antiques. Les textes étaient en effet recopiés sur du parchemin, issus de peaux de bêtes séchées, matériel rare et coûteux à l’époque, ce qui conduisait les moines à réutiliser des pages déjà rédigées pour les réemployer.

Ils lavaient alors à grande eau ces feuilles de parchemin solides et épaisses pour faire disparaître les lignes écrites. Une fois séchées, ils recopiaient un autre texte. Cela pouvait se produire plusieurs fois au cours des siècles suivants. On appelle ces parchemins réutilisés des palimpsestes. Le fragment retrouvé en syriaque se trouvait donc effacé, sous un texte liturgique géorgien visible, et sous un texte grec d’un Père de l’Église, ces théologiens du premier millénaire, deuxième utilisation elle aussi éclipsée.

C’est par la photographie sous lumières ultraviolettes et multi-spectrale que ces trois textes, en trois langues, copiés successivement sur la même page, ont été rendus visibles. Ils sont ensuite devenus lisibles par un traitement numérique qui a séparé les types de phrases entremêlés, en délimitant trois versions grâce aux différences de formes de caractères des lettres.

La bibliothèque apostolique vaticane possède un laboratoire de premier plan en ce domaine. D’autres textes que l’on croyait perdus ont déjà été retrouvés avec la même technique au Vatican qui détient l’une des plus grandes collections de manuscrits du monde. Cette «découverte» annoncée comme telle par l’Académie autrichienne concerne donc un fragment qui avait déjà été repéré et étudié par la bibliothèque vaticane. Il ne met pas à jour un texte inconnu de l’Évangile puisque ce passage très classique est une traduction de texte rédigé en grec.

Voir également:

Reading the Negative: Kenneth Burke and Jean-Francois Lyotard on Augustine’s Confessions

Hanne Roer, University of Copenhagen

Abstract

This article offers a contrastive reading of Burke’s chapter on Augustine’s Confessions in The Rhetoric of Religion (1961) with Lyotard’s posthumous La Confession d’Augustin (1998). Burke’s chapter on Augustine throws new light on his logology, in particular its gendered character. Central to the interpretations of Burke and Lyotard is the notion of negativity that Burke explores in order to understand the human subject as a social actor, whereas Lyotard unfolds the radical non-identity of the writing subject.

Introduction

In this article I compare Kenneth Burke’s reading of Augustine’s Confessions in The Rhetoric of Religion (1961) to Jean-Francois Lyotard’s posthumous La Confession d’Augustin (1998, English 2000). The publication has attracted many readers because it offers new perspectives on Lyotard’s preoccupation with the philosophy and phenomenology of time. Understanding time is no simple matter as Augustine famously put it in the Confessions (book 11, 4):

    What, then, is time? If no one asks me, I know what it is. If I wish to explain it to him who asks me, I do not know. Yet I say with confidence that I know that if nothing passed away, there would be no past time; and if nothing were still coming, there would be no future time; and if there were nothing at all, there would be no present time. But, then, how is it that there are the two times, past and future, when even the past is now no longer and the future is now not yet?

This paradoxical circularity of time, the absence of presence, is central to Lyotard and also to Burke’s reading of the Confessions. It is inextricably connected to the notion of negativity, and I hope that my juxtaposition of Burke and Lyotard’s readings may clarify what the negative means to these two philosophers. My point is that although Burke’s reflections in The Rhetoric of Religion in many ways are related to and anticipating poststructuralism, his logology still presupposes some traditional assumptions, such as a gendered notion of the subject, that come to light in the comparison to Lyotard. Last but not least, Burke’s cluster reading of Augustine deserves more scholarly attention, often disappearing between the other parts of the work.

In the first part of The Rhetoric of Religion, “On Words and The Word, Burke defines his new metalinguistic project, logology, leading to the outlining of six analogies between language and theology. The second part, ”Chapter 2: Verbal Action in St. Augustine’s Confessions,” deals with Augustine’s Confessions, of which the last book (XIII) deals with beginnings and the interpretation of Genesis. Burke in the third part of The Rhetoric of Religion similarly proceeds to a reading of Genesis. It probably is unfair to concentrate on just one part of the work, since there might be a greater plan involved. According to Robert McMahon, Burke imitates the structure of Augustine’s Confessions, its upward movement towards the divine, ending with an exegesis of Genesis. Burke too goes from his reading of the Confessions to an interpretation of Genesis, but the last part of the book, “Prologue in Heavens” lends a comic frame to his ‘Augustinian’ enterprise (McMahon 1989). Rhetoricians, however, have focused mainly on the first part, the third chapter on Genesis and “Prologue in Heaven” (e.g. Barbara Biesecker 1994, Robert Wess 1996).

Scholars in the field of Augustinian studies have paid even less attention than rhetoricians to Burke’s reading. Thus Annemare Kotzé in her book Augustine’s Confessions: Communicative Purpose and Audience (2004) laments the lack of coherent, literary analyses of Augustine’s Confessions, one of the most read but least understood of all ancient texts (Kotzé 1). Today most scholars have given up the idea that the Confessions consists of a first autobiographical part, followed by a second philosophical part, arbitrarily put together by an Augustine who did not really know what he was doing! Kotzé does not mention Burke at all, as is often the case in scholarly works on Augustine.

Burke on Augustine’s Confessions

In the chapter on Augustine, Burke defines theology as ‘language about language’ (logology), words turning the non-existing into existence. The Confessions demonstrate this movement from word to Word, hence Augustine’s importance to Burke’s logological project: the study of the nature of language through the language of theology. Burke’s reading of the Confessions is essentially a commentary, following the dialectical moves of crucial pairs of oppositions (such as conversion/perversion) and comparing them to later authors such as Joyce, Shakespeare and Keats. It is not a literary analysis, in Kotzé’s sense, because Burke does not discuss the character of the authorial voice nor questions that the first half (books 1-9) of the Confessions is an autobiography (a modern idea, according to Kotzé).Burke is closer to literary analysis when it comes to the structure of the work. He focuses on the interplay between narrative and purely logical forms, as he calls it. His subtle reading points to the paradoxical circularity of Augustine’s work, working on many levels. The transcendent state of mind pondered upon books 10-13 is the result of the conversion, but it is also the condition allowing Augustine to write his story ten years after the event. The first and the second parts are stories about two different kinds of conversion. Book 8, the conversion scene in the garden, is the centre of the whole book and it has a counterpart in book 13, “the book of the Trinity,” where Monica’s maternal love is transformed into that of the Holy Spirit. This is, in Burke’s words, a dramatic tale, professed by a paradigmatic individual and addressed to God (and thus, one may add, not really an autobiography in the modern sense).

Another indication of the highly structured character of the Confessions is that the personal narrative in books 1-9 does not follow a chronological pattern but presents the events according to their “symbolic value,” in Burke’s words. This is the tension usually described by plot/story in narratology. For example, Burke notes, we are told that Monica dies before Adeodatus, but the scene describing Augustine’s last conversation with her and her death the following day comes after the information that Adeodatus has died.

Burke also demonstrates that the Confessions is tightly woven together by clusters of words forming their own associative networks. Burke’s cluster criticism is a kind of close reading, following the dialectical interplay between opposites. For example, in the Confessions, Burke observes, the word “open” (aperire) is central and knits the work together in a circle without beginning or end. Thus the work begins with the ”I” opening itself to God in a passionate invocation, the word “open” is also central to the moment of conversion in book 8 and, finally, it ends with these words: “It shall be opened.” Throughout the work “open” is used about important events, especially when the true meanings of the Scriptures open themselves to Augustine.

Verbum is another central term, not surprisingly, in the Confessions where Augustine transforms the rhetorical word into a theological Word. Burke claims that Augustine plays on the familiarity between the word verbum and a word meaning to strike (a verberando) when saying that God struck him with his Word (percussisti, p. 50). Verbum has several meanings in the Confessions: the spoken word, the word conceived in silence, the Word of God in the sense of doctrine and as Wisdom (second person of the Trinity). Burke also notes that Augustine links language with will (voluntas, velle), which is grounded in his conception of the Trinity. Burke thus recognises his own ideas about motivations in language in Augustine.

Another cluster of words and verbal cognates that form their own web of musical and semantic associations throughout the Confessions are the words with the root vert, such as: “adverse, diverse, reverse, perverse, eversion, avert, revert, advert, animadvert, universe, etc.” (Burke’s translations p. 63). These words abound in book 8 where God finally brings about the conversion of Augustine (conversisti enim ad te). The most important dialectical pair is conversion/perversion, which runs through all of the books. Book 8 is the dialectical antithesis of book 2: the two scenes – the perverse stealing of the pears and the conversion in the garden – are juxtaposed.

Burke also notices that the word for weight, pondus, is used in a negative sense in the beginning of the Confessions (the material weight of the body is what leads him away from God), but its sense is being converted until designating an upward drift in the last part of the book. This conversion of a single word is another evidence of Augustine thinking of language-as-action.
Burke concludes that the Confessions offer a double plot about two conversions – one formed by the narrator’s personal history, the other his intellectual transformation. In the last four books Augustine turns from the narrative of memories to the principles of Memory, a logological equivalent of the turn from “time” to “eternity,” Burke says (p. 123 ff). Memory (memoria) for Augustine is a category that subsumes mind (opposite modern uses of the word memory), thus his reflections on time and memory are also reflections on epistemology.

The Confessions are full of triadic patterns alluding to the Trinity, for example in Book XIII, xi where Augustine says that knowing, being and willing are inseparable. His road to conversion was triadic and involving the sacrifice of his material lusts, paralleling the sacrifice of Christ the Mediator: “And the Word took over his victimage, by becoming Mediator in the cathartic sense. In the role of willing sacrifice (a sacrifice done through love) the Second Person thus became infused with the motive of the Third Person (the term analogous to will or appetition, with corresponding problems). Similarly, just as Holy Spirit is pre-eminently identified with the idea of a “Gift,” so the sacrificial Son becomes a Gift sent by God. By this strategic arrangement, the world is “Christianized” at three strategic spots: The emergence of “time” out of “eternity” is through the Word as creative; present communication between “time” and “eternity” is maintained by the Word as Mediatory (in the Logos’ role as “Godman”); and the return from “time” back to “eternity” is through the Mediatory Godman in the role of sacrificial victim the fruits of Whose sacrifice the believer shares by believing in the teachings of the Word, as spread by the words of Scriptures and Churchmen” (pp. 167-8).

As a conclusion to his long analysis, Burke suggests that the clusters of terms (especially the vert-family) may be summed up in a single image (159), a god-term, that somehow is “another variant of the subtle and elusive relation between logical and temporal terminologies” (160). Burke also notices that Augustine in his search for spiritual perfection is on the way to delineate a new ecclesiastical hierarchy ready to replace the hierarchies of the Roman Empire.

The Frame: Logology and the Six Analogies Between Language and Theology

An explanation of the lack of interest among scholars in Burke’s reading of Augustine might be that in some ways it simply illustrates what he says about logology in the first part of The Rhetoric of Religion. The reading on Genesis in part Three, however, goes a step further ahead from the analogy between the philosophy of language and theology to the hierarchical aspects of language, the way language is constitutive of social order (Biesecker pp. 66-73). In this context I shall look closer at the first chapter, in order to understand Augustine’s role in the logological enterprise.

Augustine analysed the relation between the secular word and the Word of God, thus approaching the divine mystery through language, but Burke goes the opposite way. His logology is the study of theology as “pure” language, words without denotation, in order to understand how human beings signify through language. Logology is the successor to the dramatism of A Grammar of Motives (1945) and A Rhetoric of Motives (1950). Burke apparently grew more and more dissatisfied with the ‘positive dialectics’ inherent in dramatism and its reading strategy, the pentad, preventing him from writing the promised “A Symbolic of Motives.”1 Burke initially thought of dramatism as an ontology, a philosophy of human relations. These relations, similar to those between the persons in a drama, were thought of as determining human actions. Analysing these situations and the relations between the elements of the human drama would reveal the character of human motives.

However, having discovered the importance of the idea of negativity in philosophy and aesthetics, Burke became unsatisfied with dramatism conceived as ontology because this ignored the absence of meaning involved in language use. He studied the range of the meaning of negativity in philosophy and theology in three long articles from 1952-3 (reprinted in LSA, to which I refer). I shall look briefly at them because they are the forerunners of the logological project of The Rhetoric of Religion. In the first of these articles, Burke examines the notion of negativity in theology (Augustine, Bossuet), philosophy (Nietzsche, Bergson, Kant, Heidegger) and literature (Coleridge), leading to his own “logological” definitions, analyzing the role of the negative in symbolic action. He credits Bergson for the discovery of negativity as the basis of language but criticizes him for reducing it to the idea of Nothingness. The negative is primarily admonitory, the Decalogue being the perfect example of “Thou-shalt-nots” (LSA 422).

Burke produces a host of examples of the inherent negativity of our notions such as “freedom” (from what) and “victim” (seemingly the negation of guilt). There are formalist (negative propositions), scientist and anthropological ways of analysing the negative but the dramatistic focuses on the “”essential” instances of an admonitory or pedagogical negative.”

In the second article, Burke turns to Kant’s The Critique of Practical Reasoning. Burke sees Kant’s categorical imperative as a negative similar to the Decalogue. He also discusses the way the negative may be signified in literature, painting and music. An analysis of a sermon by Bossuet focuses on the interaction of positive images and negative ideas, linking it to Augustine’s “grand style” in De doctrina christiana. Behind moral advocacy and positive styles lies a negative without which great art has no meaning (453).
In the third article, Burke outlines a series of different kinds of negativity: the hortatory, the attitudinal, the propositional negative, the zero-negative (including ‘infinity’), the privative negative (blindness), the minus-negative (from debt and moral guilt) (459). From the original hortatory No language develops propositional negatives.

Now let us return to The Rhetoric of Religion in which Burke arranges these definitions into a new system, the logology replacing dramatism. The distinction between motion (natural) and act (determined by will) was a principal idea to dramatism and also to logology though Burke now discusses whether there are overlaps. He still claims that nothing in nature is negative, but exists positively, and hence language is what allows human beings to think in terms of negativity. Burke translates Augustine’s notion of eternity as God-given in contrast to sequential, human time into a distinction between logical and temporal patterns. This paradox between logical and narrative patterns is a leading principle of the logological project that seeks to explain the relation between the individual and social order, between free will and structural constraints.

Though the opposition between motion and act runs through all of Burke’s texts he now questions the clear boundary between them. In a similar way he questions his own analogy between words and the Word, hence his logology implies a deconstructive turn:

“So, if we could “analogize” by the logological transforming of terms from their “supernatural” reference into their possible use in a realm so wholly “natural” as that of language considered as a purely empirical phenomenon, such “analogizing” in this sense would really be a kind of “de-analogizing.” Or it would be, except that a new dimension really has been added” (8).

Burke thus nuances his former definition of language as referencing to everyday life and the natural world. As Biesecker puts it, there is an exchange between the natural and the supernatural taking place in language itself (56). Language is not just a system of symbols denoting objects or concepts because linguistic symbols create meaning by internal differences or similarities. Rhymes such as “tree, be, see, knee” form “associations wholly different from entities with which a tree is physically connected” (RR 9). What Burke observes here is what Saussure referred to as the arbitrariness of language or perhaps, more precisely, Roman Jakobson’s distinctive features. But is Burke’s logology based on theory of the sign? Again, we do not hear much about that, but there is a telling footnote in which Burke defines the symbol as a sign:

    • A distinction between the thing tree (nonsymbolic) and the word for tree (a symbol) makes the cut at a different place. By the “symbolic” we have in mind that kind of distinction first of all. As regards “symbolic” in the other sense (the sense in which an object possesses motivational ingredients not intrinsic to it in its sheer materiality), even the things of nature can become “symbolic” (p. 9).

2Words are symbols that stand for things, a classical definition of the sign going back to Aristotle (who uses the term “symbolon” in De interpretatione) and Augustine (De doctrina christiana II). We may also note that Burke mostly talks about words, which at a first glance places him in this classical rhetorical tradition, in contrast to modern semiotics according to which the word is not the fundamental sign-unit. Burke is not primarily interested in linguistics but in the philosophy of language, i.e. theories concerning the relation between language and reality, meaning and language use. He warns against an empirical, “naturalistic” view of language that conceals the motivated character of language (p. 10). This shows his affinity to, on the one hand, the American pragmatic tradition of language philosophy (such as C. S. Peirce), and on the other, to reference and descriptivist theories of meaning. The latter is evident in his interest in naming, leading to his theory of title, entitlements and god-terms, terms that subsume classes of words.

Burke summarises these dialectics of theology in the six analogies between language and theology: The ‘words-Word’ analogy; the ‘Matter-Spirit’ analogy; the ‘Negative’ analogy; the ‘Titular’ analogy; the ‘Time-Eternity’ analogy; and the ‘Formal’ analogy. I shall shortly characterize these analogies in which the negative is the linking term, as Biesecker has argued (56-65).

1) The likeness between words about words and words about The Word: “our master analogy, the architectonic element from which all the other analogies could be deduced. In sum: What we say about words, in the empirical realm, will bear a notable likeness to what is said about God, in theology” (RR 13). Burke then defines four realms of reference for language: a) natural phenomena b) the socio-political sphere c) words and d) the supernatural, the ineffable. In a footnote he explains that language is empirically confined to referring to the first three realms, hence theology may show us how language can be stretched into almost transcending its nature as a symbol-system (p. 15). Hence the logologist should forget about the referential function and look at the linguistic operations that allow this exchange between words and the Word (cf. Biesecker 57).

2) Words are to non-verbal nature as Spirit is to Matter. By the second analogy, Burke emphasizes that the meaning of words are not material, though words have material aspects. As Burke puts it, there is a qualitative difference between the symbol and the symbolized. Biesecker (58) interprets the first two analogies this way: “If the purpose of the first two analogies is, at least in part, to calculate the force of linguistic or symbolic acts, to determine the kind of work they do by contemplating how they operate, the purpose of the third analogy is to try to account for such force by specifying its starting point.”

3) The third analogy concerns this starting point, the negative. Burke dismisses any naïve verbal realism (RR 17) and explains “the paradox of the negative: […] Quite as the word “tree” is verbal and the thing tree is non-verbal, so all words for the non-verbal must, be the very nature of the case, discuss the realm of the non-verbal in terms of what it is not. Hence, to use words properly, we must spontaneously have a feeling for the principle of the negative” (18).

Burke’s exposition of the ‘Negative’ analogy summarizes his reflections from the three articles mentioned above. Interestingly he interprets Bergson’s interest in propositional negatives as a symptom of “scientism” and prefers talking “dramatistically” about “the hortatory negative, “the idea of no” rather than the idea of the negative (20). Burke emphasizes that symbol-systems inevitably “transcend” nature being essentially different from the realm they symbolize. Analogies and metaphors only make sense because we understand what they do not mean. As Biesecker points out (58), the paradox of the negative governs all symbol systems and secures the ‘words-Word’ analogy that is the basis of logological operations. It is also the principle of the negative that produces the last three analogies.

4) The fourth analogy involves a movement upwards, the “via negativa” towards ever higher orders of generalizations. Whereas the third analogy concerned the correspondence between negativity in language and its place in negative theology, the fourth concerns the nature of language as a process of entitlement, leading in the secular realm towards an over-all title of title, this secular summarizing term that Burke calls a “god-term” (RR 25). Paradoxically this god-term is also a kind of emptying, and this doubled significance, in Biesecker’s words (60), is also central to the next analogy.

5) The fifth analogy: Time is to “eternity” as the particulars in the unfolding of a sentence’s unitary meaning. Burke is inspired by the passage in the Confessiones 4, 10, where Augustine ponders on signs: a sign does not mean anything before it has disappeared, giving room for a new sign. Burke finds an analogy between this linguistic phenomenon (the parts of the sentence signify retrospectively in the sequence of a sentence) and the theological distinction between time and eternity (27). For Augustine as well as Burke, meaning exceeds the temporal or diachronic series of signs through which it is communicated.

According to Biesecker, Burke’s Time-Eternity analogy reproduces the Appearance/Thing polarity so essential to Romantic idealism (62). Burke’s quote from Alice in Wonderland concerning the Cheshire cat’s smile tells us that the phenomenon is nothing in it self but “points to something [“smiliness”] in which meaning and being coincide.” Biesecker concludes: “… the movement of the argument implies the persistence rather than the undoing of a metaphysics of presence and the reaffirmation rather than the denigration of ontology, for what is being proposed here is that truth is accessible.” She does not agree with those have interpreted this passage as anticipating poststructuralism or Foucault. This priority of the essential receives support from the sixth analogy (Biesecker 63).

6) The sixth analogy concerns the relation between the thing and its name that really is a triadic relationship similar to “the design of the Trinity.” There is something between the thing and its name, a kind of knowledge (RR 29). Burke continues: “Quite as the first person of the Trinity is said to “generate the second, so the thing can be said to “generate” the word that names it, to call the word into being (in response to the thing’s primary reality, which calls for a name).” Burke next claims that there is a “There is a state of conformity, or communion, between the symbolized and the symbol” (30), an almost mystical realism that is not further explained, but supports Biesecker’s claim that this is a metaphysics of presence.

As a conclusion to his exposition of the six analogies, Burke says that they may help as conceptual instruments for shifting between “philosophical” and “narrative,” between temporal and logical sequences, hence enabling us to discuss “principles” or “beginnings” as variations of these styles (33). The new interpretative strategy, cluster criticism, is grounded in Burke’s preference for logical priority. Since temporal succession is secondary to logical structures, the task is now to discover “a detemporalized cycle of terms, a terminological necessity” (Melia quoted in Biesecker 66).

Lyotard on the Confession of Augustine

Burke characterizes his logology as a fragmentary, uncertain way of thinking, in opposition to a positivist thinking (RR 34). This certainly also holds for Lyotard’s way of reading, focusing on fissures and breaks in the text. Whereas Burke prioritizes the ‘logical’ patterns that so to say engender the narration, Lyotard, however, seeks to do away with this metaphysics of presence. The little book compiled after his death by his wife is a collection of fragments and thoughts, intended for a work on Augustine – as it is, it is “a book broken off” (Lyotard vii). The French text La confession d’Augustin consists of 20 fragments with these titles: Blason, Homme intérieur, Témoin, Coupure, Résistance, Distentio, Le sexuel, Consuetudo, Oubli, Temporiser, Immémorable, Diffèrend, Firmament, Auteur, Anges, Signes, Animus, Félure, Trance, Laudes (Blazon, The Inner Human, Witness, Cut, Resistance, Distentio, The Sexual, Consuetudo, Oblivion, Temporize, Immemorable, Differend, Firmament, Author, Angels, Signs, Animus, Fissure, Trance, Laudes). The Confession of Augustine unites two texts, the first 12 fragments are based on a lecture given October 1997, the last eight on a lecture given May 1997 and published under the title “The Skin of the Skies.” This is marked by a white page in the French text, but not in the English translation. The book also offers a last part, cahier/Notebook, containing collections of fragments and handwritten notes

Though Lyotard did not intend a publication as fragmented as it turned it out to be, the book is an example of Lyotard’s way of commenting sublime art. He interweaves quotations from the Confessions – particularly from the last four books on time and memory, also at centre of Lyotard’s own philosophy – with his own thoughts, creating a new persona, Augustine-Lyotard. In what follows I mostly quote the English text, but it should be remembered that there are differences, such as the choice of an old English translation of Augustine’s text. In this way the translation slightly differentiates between Augustine’s text and Lyotard’s commentary. Maria Muresan in her penetrating article, “Belated strokes: Lyotard’s writing of The Confession of Augustine,” points to the fact that Augustine also blends quotations from the Psalms without reference into his own text, a cut-up technique that Lyotard repeats in his reading (“the writing takes the form of a marginal gloss, which is a citation of the original text without quotations marks,” p. 155; Lyotard 85). These cuts are the effects of the stroke, the way the “I” in Confessions was struck by the divine word (percussisti, percuti, ursi), also noted by Burke. This original event is an absent cause, one that cannot be represented in language, but its effect is felt as a series of belated strokes, après-coups, a concept central to Lyotard, translating Freud’s Nachträglichkeit. These textual cuts perform a continued conversion, a process rather than a finite event (Muresan 152, 162).
Lyotard does not, as Burke, accept the narrative of Confessions locating the moment of confession to the scene in the garden (Tolle, lege) in book 8, but insists that Augustine’s work is an attempt at witnessing, not representing, a moment of conversion. Hence his book is called the “Confession d’Augustin,” in the singular instead of Augustine’s plural (ibid. 155). The words of Lyotard-Augustine intertwine in a co-penetration, a dramatic enactment of this conversion-experience, in which the “I” and “You” blend, the personae of Augustine’s work that imitate the ecstatic mode of the Psalms, the individual addressing his God, or rather his unknown, absent cause. Like Burke, Lyotard deconstructs the Christian theology, inverting the paradigm: “Lyotard discovered in the poetic parts of the Confessions the possibility of an inversed paradigm, namely verbalisation: instead of the Word made flesh, he found the possibility of the flesh made word […] what Lyotard reads in the Christian mystery is not primarily incarnation, the Word (the law, the concept) made flesh, but the opposite movement of the convulsion of flesh that liberates words, making itself word” (159).

Lyotard thus reverses the pattern between literature and theology, but his commentary is very different from Burke’s. He pays no attention to the narrative patterns but cuts out the lyrical, ecstatic passages (see his comment, Lyotard 67). He opens with this passage from Confessions 10, 27 that Burke also noted:

    Thou calledst and criest aloud to me; thou even breakedst open my deafness: thou shinest thine beams upon me, and hath put my blindness to flight: thou didst most fragrantly blow upon me, and I drew in my breath and I pant after thee; I tasted thee, and now do hunger and thirst after thee; thou didst touch me, and I even burn again to enjoy thy peace.

Lyotard’s commentary:

    • Infatuated with earthly delights, wallowing in the poverty of satisfaction, the I was sitting idle, smug, like a becalmed boat in a null agitation. Then – but when? – you sweep down upon him and force entrance through his five estuaries. A destructive wind, a typhoon, you draw the closed lips of the flat sea toward you, you open them and turn them unfurling, inside out. Thus the lover excites the five mouths of the woman, swells her vowels, those of ear, of eye, of nose and tongue, and skin that stridulates. At present he is consumed by your fire, impatient for the return to peace that your fivefold ferocity brings him.Thine eye seekest us out, he protests, it piercest the lattice of our flesh, thou strokedst us with thy voice, we hasten on thy scent like lost saluki hounds. Thou art victorious; open-mouthed he gapes at your beatitude, you took him as a woman, cut him through, opened him, turned him inside out. Placing your outside within, you converted the most intimate part of him into his outside. And with this exteriority to himself, yours, an incision henceforth from within, you make your saints of saints,

penetrale meum

    • , he confesses, thy shine in me. The flesh, forced five times, violated in its five senses, does not cry out, but chants, brings to each assault rhythm and rhyme, in a recitative, a

Sprechgesang

    . Athanasius, bishop of Alexandria, invented the practice, from what Augustine says, for the Psalms to be read in this way, a modulation of respectful voices, in the same pitch of voice, to whose accents the community of Hebrews swayed (2-3).

Lyotard picks such passages from Confessions where the “I” tells us about being penetrated with God, feeling the terror accompanying the destruction of the subject, and the repercussions hereof in memory (most of the quotes are from Book X). Lyotard is exclusively interested in the intense aspects of Augustine’s religious experience that he finds expressed in the passages in which Augustine invokes his God or himself.

In the passage above and elsewhere in the text, Lyotard spells out the erotic connotations of Augustine’s words that occur particularly in his quotations from the Psalms. The first fragment has the title “Blazon,” a late medieval genre praising the parts of the female body, that Lyotard considers an inheritor to an ancient near-eastern tradition of love poetry. In Muresan’s words: “this erotic tradition was an intensive writing on the female body, whose beauty was located in a part of this body (sourcil, têtin, larme, bouche, oreille etc). […] In order to make visible this world of desire, the technique of the cut-out receives its full effect here: only parts of a body can make the writer write, and the reader love” (158). Whereas Burke tries to follow Augustine’s wish of controlling desire on the terms of the narrative, Lyotard goes the opposite way. When Burke notices that Augustine transfers his love for his mother to Continentia and the Holy Spirit, it is a subtle interpretation, relevant to the academic altercations about Augustine’s views on women and sex. Lyotard, on the other hand, does not take Augustine’s words for granted, but insists that the conversion-strokes are of an erotic character. Augustine does not transfer his desire into Continentia, rather he is transformed into a woman, a container of the divine (“the five holes”). Lyotard has not ‘given up’ Freud though he does not consider the Freudian unconscious a privileged source of the negative.3 Rather it is the belatedness (Nachträglichkeit) of the subjective experience that causes negativity, removing the origin into the unknown. The desire for God is related to the erotic urge: “ Two attractions, two twin appetites, almost equal in force, what does it take for one to prevail upon the other? A nuance, an accent, a child humming an old tune?” (Lyotard 22).

Lyotard reads Augustine’s conversion-stroke as a “Sprechgesang,” focusing on his rhythm, style and figures. The Confessions abound in figures combining metaphor and metonymy, such as “de manu linguae mea,” from the hand of my tongue. Read allegorically these figures express the sublimation of the physical into the spiritual, but they still convey a figural sensuality, alluding to the link between writing, beauty and desire. It is this ambiguity that Lyotard unfolds: “Receive here the sacrifice of my confessions, de manu linguae mea, from the hand of my tongue which thou hast formed and stirred up to confess unto thy name” (Confessions V I, cut into Lyotard’s fragment “Oblivion,” 26).

The belated stroke, the conversion-experience, is linked to beauty, being the aftermath of an a-temporal creative principle (Muresan 152). Augustine calls this process of creation pulchritudo (Divine beauty), in contrast to beautiful forms, species. Lyotard opens his commentary with the famous words from Confessions X 27: Sero te amavi, pulchritudo. Freud placed the artistic drive in the sexual desire, an expression of libidinal urges, and Lyotard agrees: “the feeling of Beauty and religion are both immanent movements of desire […] the illusory part of any transcendence” (Muresan 157).

Muresan’ emphasizes that Lyotard’s main interest in the Confessions are Augustine’s species and pulchritudo, both a-temporal principles creating time (163; see also Caputo 503-4). It is also an important observation that this pulchritudo is not identical to the Kantian sublime: “The sublime is a feeling opposing the senses’ interest (Kant), while Beauty-Pulchritudo is carried at the heart of this interest, which it actually endorses from the place of a surplus-value and a hyper-interest” (163). Beauty is a belated stroke, and writing is an act of recollecting the act, from memory. Beauty is the origin, a creating instant, a principium in which “God enjoyed this perfect coincidence of creation and the Word” (166).

Here as elsewhere, Lyotard comments on Augustine’s pair of opposites, distentio/intentio, the erring of the subject in earthly matters versus the urge for finding God, the conflict that the Confessions on the level of the narrative seems to dissolve. But the lyrical parts, according to Lyotard, reveals the act of writing is distensio, which is the constant companion of intentio. The confessive writing reveals a split subject, a subject penetrated by the other, and a product of time: “Dissidio, dissensio, dissipatio, distensio, despite wanting to say everything, the I infatuated with putting its life back together remains sundered, separated from itself. Subject of the confessive work, the first person author forgets that he is the work of writing. He is the work of time: he is waiting for himself to arrive, he believes he is enacting himself, he is catching himself up; he is, however, duped by the repeated deception that the sexual hatches, in the very gesture of writing, postponing the instant of presence for all times” (Lyotard 36).

The last fragments, from the lecture “The Skin of the Skies,” comment a passage from Confessions XIII xv in which Augustine envisions the firmament as covered by a tent, made by the skin that Adam and Eve had to wear after the Fall (Augustine’s interpretation of Isaiah xxxiv, 3-4). Though this eternal night is the punishment of Yahweh, the skin of the Heaven at the same time bears the Holy Scripture as inscription: the signs of bestiality have been transformed into the Holy Scripture.

Lyotard writes:

    Firmament. Is it not true that you dispensed the skin of the skies like a book? And who except you, O our God, made that firmament of the authority of the divine Scripture to be over us? For the sky shall be folded up like a book, and is even now stretched over us like a skin. […] The mantle of fur that you stretch out like a canopy over our heads is made from animal skin, the same clothing that our parents put on after they had sinned, the coverings of the exiled, with which to travel in the cold and the night of lost lives, sleepwalkers stumbling to their death (37).

This is the writing of God, the writing of the creator: “ Auctoritas is the faculty of growing, of founding, of instituting, of vouchsaving” (39). We are waiting for the divine to break through, knowing that without the protecting skin of the heaven it would crush us (40). We are reading the signs, the traces of the divine, but the confessive writing stems from a fissure, a stroke undermining the belief in the universal referents of sign systems. The writing intellect, the animus, tries in vain to understand itself.

This is far from the rhetoric of the law court, Lyotard notices: arguments, reasons, causes, the philosophical and rhetorical modes only presume to find light in the obscurity of signs (46). Still, the animus finds an escape in time and in memory making it possible to write its own story, not as a presentation of a reality but as a witness of this confession-experience. Surprisingly, perhaps, Lyotard’s La confession d’Augustin ends on a note of hope:

    What I am not yet, I am. Its short glow makes us dead to the night of our days. So hope threads a ray of fire in the black web of immanence. What is missing, the absolute, cuts its presence into the shallow furrow of its absence. The fissure that zigzags across the confession spreads with all speed over life, over lives. The end of the night forever begins” (57).

Burke’s and Lyotard’s Inverted Paradigms

Burke, too, comments briefly on this passage (158-9) in which he sees an exemplary mode of logological thinking, showing analogies between the secular and sacred realms: “In particular, logology would lay much store by Augustine’s chapter xv, in the “firmament of authority,” since it forms a perfect terministic bridge linking ideas of sky, Scriptures and ecclesiastical leadership” (159). In fact, Burke does not say much about this passage, contrary to Lyotard’s lengthy reflections on the writing of the creator, the mystical letters left for humans to decipher. Burke, on the other hand, twice emphasizes that this “the-world-is-a-book”-allegory legitimizes the church offering the authoritative exegesis of the obscure signs (158,159), something that Lyotard only briefly hints at. This, I believe, shows a major difference between these two readings of the Confessions. Burke is more interested in the social-hierarchical implications of the negativity of language than Lyotard (in this text, at least). They are both radical in their insistence upon the emptiness of origins, but whereas Lyotard deconstructs the notions of subject, form, narration, Burke is focused on the sociological implications, the links between subject and society, and his reading is also an ideological critique. Biesecker in her book takes up this suggestion and develops a critical logology combining Burke and Habermas’ philosophy of communication, a surprising combination at first sight, but the comparison of Burke with Lyotard’s reading also brings out this “sociological” aspect of logology.

Burke’s ideological critique reveals the power structures built into theological language. He is radical in his philosophy of the negative, stressing the missing referents even of God-terms, but he stops at a certain limit: that of the subject and the narrative forms it is built upon. Burke’s reading points to the circularity of the Confessions and clusters of terms that he sees as “families” summing up ideas, “another variant of the subtle and elusive relation between logical and temporal terminologies” (159-160). But the subject is basically intact and ready to act in the hierarchies of society, obeying the “Thou-shalt-nots.” Moreover this subject is male. Burke does not unfold the gendered metaphors, in the way Lyotard does, thus missing some radical transgressions in Augustine’s text (see also Freccero 58). Burke sees that the “I” of the Confessions relegates the feminine to an allegorical level, sacrificing sex and women in order to obtain closeness to the divine Beauty, but he does not see the paradoxical transformation of this subject into a “feminine” receiver of the divine, a topos in Christian mysticism.

Burke and Lyotard’s inverted paradigms, the reading of theology as a philosophy of language or aesthetics, are based on the idea that negativity in language is a human condition. Burke, however, still adheres to a metaphysics of presence, allowing for the mystical union between symbol and thing. His logology is partly based on metaphysical opposites, most important being-appearance lying behind the distinction between logical structures and sequential narratives. At the same time, his reading points out the breaks and contradictions inherent in this way of thinking. Lyotard is more consequent, taking the notion of negativity to its extreme, seeing the differentiating process in every sentence. Each phrase has its diffèrend, a central notion to Lyotard’s thinking, its own perspective formed by history and interests, making it difficult to communicate across language games. A central problem in Lyotard’s linguistic theory is whether or how it is possible to shift between different language games, or phrase regimes. His “inverted paradigm” does not try to translate theology into linguistics but demonstrates the fissure of the split subject writing a poem that becomes the witness of an event beyond representation.

I am not saying that Lyotard’s reading is better than Burke’s but pointing out that Burke does not carry through his Negativity-project to its logical conclusions (which might be a cul-de-sac). Apart from the romantic opposition between being and appearance, the potentially dualistic opposition motion-act still haunts Burke and this is a remnant of a traditional philosophy of the subject.4 Burke, for sure, has his reasons for not deconstructing the subject, as it is the social, acting subject that lies at his heart. The future that already is presence is a threat to humankind, according to Burke. He seeks the transgression of functional language and the abuses of it in a world threatened by technology – this is his last warning in the section on Augustine in The Rhetoric of Religion. Hence the two readings of the Confessions should be valued on their own terms, Burke for having shown the narrative forms allowing humans to think and act, Lyotard for demonstrating the radical aesthetics of Augustine’s confessive writing.

Notes

1. Rueckert (1963) is still a good presentation of Burke’ move from dramatism to logology. Wess (1996, chapter 8) is a thorough study of this development.

2. Burke did discuss his own dichotomy critically in several texts, e.g. in the chapter “What are signs of what? (A Theory of “Entitlements),” where Burke turns the picture upside down, suggesting that things are signs of words. The idea is that the ‘word as sign of thing’ is the common sense theory (that he ascribes to Augustine) that one should qualify by admitting for the possibility that language sums up “complex nonverbal” situations, thus letting “things become the material exemplars of the values which the tribal idiom has placed upon them” (LSA 361). Se Wess (op.cit.) for further references. Carter (1992) sees Burke as a structuralist, but a structuralist with his own philosophy of a language.

3. Helms offers a brief introduction to Lyotard’s treatment of the relation between negativity and the unconscious (125-6). Burke grapples with the same question in “Mind, Body and the Unconscious” (LSA 63-80) resulting in the famous “five dogs.”

4. Burke’s humanism has been pointed out by many scholars, e.g. Scott-Coe (2004) who points to Burke’s lingering between a traditional humanism and a radical constructivism. Burke in fact nuances this distinction between act and motion by defining action as “motion-plus” (“Mind, Body, and the Unconscious,” LSA, p. 67), hence offering a pair of opposites in Jakobson’s sense (marked-unmarked) instead of a contradictory opposition. Another take on Burke’s act-motion distinction is offered by Biesecker (1997) who emphasizes that humans move and act, that we are mixtures of mechanical bodily function and the nervous system underlying conscious thinking. This is in fact a much more interesting interpretation which brings out an affinity with psychoanalysis, for example Lacan’s the “real,” the unknown to the subject, in contrast to the imaginary and the symbolic (see Thomas 1993 for a structural relation between Burke and Lacan). Debra Hawhee (2009) also has brought this aspect of Burke’s interest in human biology to the fore. In “Theology and logology” (1979), Burke suggests (admits?) that action-motion is a dualism. Still, critics have pointed to a certain “positivism” in Burke’s own thinking. Thomas Carmichael emphasizes that Burke is not at all clear when it comes to the referential functions of language: “This question of the relation between the verbal and nonverbal rests, too, at the heart of every effort to discuss Burke and his relationship to contemporary theory and is the focus of most prior discussions of the epistemological and ontological in Burke” (2001:149).

Works Cited

Biesecker, Barbara. Addressing Postmodernity: Kenneth Burke, Rhetoric, and a Theory of Social Change. Tuscaloosa: U of Alabama P, 1997. Print. Studies in Rhetoric & Communication

Burke, Kenneth. Language as Symbolic Action. Essays on Life, Literature, and Method. Berkeley and Los Angeles: U of California P, 1966. Print.

—. The Rhetoric of Religion. Studies in Logology. Berkeley and Los Angeles: U of California P, 1970. Print.

—.“Dramatism and Logology.” Communication Quarterly 33.2 (1985): 89-93. Print.

—. “Theology and logology.” The Kenyon Review 1.1 (1979): 151-85. Print.

Caputo, John D. “Augustine and Postmodernism.” A Companion to Augustine. Ed. Mark Vessey. Chichester: Wiley-Blackwell, 2012. Print.

Carmichael, Thomas: “Screening Symbolicity: Kenneth Burke and Contemporary Theory.”Unending Conversations. New Writings by and about Kenneth Burke. Ed. G. Henderson and D.C. Williams. Carbondale: SIUP, 2001. Print.

Carter, Allen C. “Logology and Religion: Kenneth Burke on the Metalinguistic Dimensions of Language.” The Journal of Religion 72.1 (1992). Print.

Freccero, John. “Logology: Burke on St. Augustine.” Representing Kenneth Burke. Ed. Hayden White and Margaret Brose. Baltimore: John Hopkins UP, 1982. Print.

Hawhee, Debra. Moving Bodies. Kenneth Burke at the Edges of Language. Columbia: U of South Carolina P, 2009. Print

Helms, Jason. “Discourse, Figure by Jean-Francois Lyotard.” Philosophy & Rhetoric 46.1 (2013): 122-30. Print.

Kotzé, Annemare. Augustine’s Confessions: Communicative Purpose and Audience. Leiden: Brill Academic Publishers, 2004. Print.

Lyotard, Jean-Francois. La Confession d’Augustin. Paris: Galilée, 1998. Print.

Lyotard, Jean-Francois. The Confession of Augustine. Stanford: Stanford UP, 2000. Print.

Lyotard, Jean-Francois. Discourse, Figure. Minneapolis: U of Minnesota P, 2010. Print.

McMahon, Robert. “Kenneth Burke’s Divine Comedy: The Literary Form of The Rhetoric of Religion.” PMLA 104.1 (1989): 53-63. Print.

Muresan, Marcia. “Belated Strokes: Lyotard’s Writing of the Confession of Augustine.” The Romanic Review 95.1-2 (2004): 151. Print.

Rueckert, William H. Kenneth Burke and the Drama of Human Relations. Minneapolis: U of Minnesota P, 1963. Print.

Scott-Coe, Jo. “Canonical Doubt, Critical Certainty: Counter-Conventions in Augustine and Kenneth Burke.” KB Journal 1.1 (2004. Web.20 July 2015.

Thomas, Douglas. “Burke, Nietzsche, Lacan: Three Perspectives on the Rhetoric of Order.”Quarterly Journal of Speech 79.3 (1993): 336-55. Print.

Wess, Robert. Kenneth Burke. Rhetoric, Subjectivity, Postmodernism. Cambridge: Cambridge UP, 1996. Print.

 

 

 


Complotisme: Mon but n’était pas d’attaquer les Juifs mais de défendre la position adventiste (21st century Gnostic revivalism: Guess why conspiracy evangelism is so popular for people fed from birth on the apocalyptic reading of the Bible and news headlines as « signs of the times » and of their own election as part of God’s true “remnant » ?)

13 avril, 2023

Facts Are Facts: Freedman, Benjamin, Freedman, Ben: 9780979917660: Books - Amazon.caFacts Are Facts, Truth About the Khazars, by Benjamin H. Freedman 9781098644666 | eBay

Amazon.in: Buy Truth Matters: Escaping the Labyrinth of Error Book Online at Low Prices in India | Truth Matters: Escaping the Labyrinth of Error Reviews & Ratings Daniel, le livre qui annonce le futur - Dieu | Pensées | Arts

May be an image of 4 people and text that says 'வமம FOX HIGH SCHOOL STUDENT FILES COMPLAINT OVER TRANSGENDER ATHLETES FILED COMPLAINT AINT WITH DEPARTMENT OF EDUCATION'S OFFICE FOR CIVIL RIGHTS 61 WEATHER MANCHESTER NOW 75° TONIGHT 64° MERIDEN NOW 70° TONIGHT 63° 75° FOX61.COM 4:34PM'

Le salut vient des Juifs. Jésus (Jean 4:22)
Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtement de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. (…) C’est (…) à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Jésus (Matthieu 7: 15-20)
Si tu te glorifies, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte. Paul (Lettre aux Romains 11: 18)
Je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Paul (Rm 9: 3)
Lorsque Simon vit que le Saint Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, en disant: Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint Esprit. Mais Pierre lui dit: Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent! Actes des apôtres 8: 18-20
La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant: Va, fais le dénombrement d’Israël et de Juda. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé; et, de Dan à Beer Schéba, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple. Comme l’ange étendait la main sur Jérusalem pour la détruire, l’Éternel se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui faisait périr le peuple: Assez! Retire maintenant ta main. L’ange de l’Éternel était près de l’aire d’Aravna, le Jébusien. David, voyant l’ange qui frappait parmi le peuple, dit à l’Éternel: Voici, j’ai péché! C’est moi qui suis coupable; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père! 2 Samuel 24: 1-17
Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël.Cet ordre déplut à Dieu, qui frappa Israël. (…)  Et David dit à Dieu: J’ai commis un grand péché en faisant cela! Maintenant, daigne pardonner l’iniquité de ton serviteur, car j’ai complètement agi en insensé!L’Éternel adressa ainsi la parole à Gad, le voyant de David: Va dire à David: Ainsi parle l’Éternel: Je te propose trois fléaux; choisis-en un, et je t’en frapperai. (…) Accepte, ou trois années de famine, ou trois mois pendant lesquels tu seras détruit par tes adversaires et atteint par l’épée de tes ennemis, ou trois jours pendant lesquels l’épée de l’Éternel et la peste seront dans le pays et l’ange de l’Éternel portera la destruction dans tout le territoire d’Israël. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, et il tomba soixante-dix mille hommes d’Israël. Dieu envoya un ange à Jérusalem pour la détruire; et comme il la détruisait, l’Éternel regarda et se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui détruisait: Assez! Retire maintenant ta main.(…) David leva les yeux, et vit l’ange de l’Éternel se tenant entre la terre et le ciel et ayant à la main son épée nue tournée contre Jérusalem. Alors David et les anciens, couverts de sacs, tombèrent sur leur visage.Et David dit à Dieu: N’est-ce pas moi qui ai ordonné le dénombrement du peuple? C’est moi qui ai péché et qui ai fait le mal; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Éternel, mon Dieu, que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, et qu’elle ne fasse point une plaie parmi ton peuple! I Chroniques 21: 1-17
Ainsi parle l’Éternel à son oint, à Cyrus. Esaïe 45 : 1
Il me fit voir Josué, le souverain sacrificateur, debout devant l’ange de l’Éternel  (…) C’est ici la parole que l’Éternel adresse à Zorobabel (…) Les mains de Zorobabel ont fondé cette maison, et ses mains l’achèveront; et tu sauras que l’Éternel des armées m’a envoyé vers vous. (…) Ce sont les deux oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre. Zacharie 3:1 – 4: 6-14
Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans. Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone. Jérémie 25: 11-12
Mais voici ce que dit l’Éternel: Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. Jérémie 29: 10
En ces jours-là surgit d’Israël une génération de vauriens qui séduisirent beaucoup de personnes en disant : “Allons, faisons alliance avec les nations qui nous entourent, car depuis que nous nous sommes séparés d’elles, bien des maux nous sont advenus.” (…) Plusieurs parmi le peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, qui leur donna l’autorisation d’observer les coutumes païennes. Ils construisirent donc un gymnase à Jérusalem, selon les usages des nations, se refirent des prépuces et renièrent l’alliance sainte pour s’associer aux nations. 1 Maccabées 1: 11-15
On n’avait pas le droit d’observer le sabbat, ni de célébrer les fêtes traditionnelles, ni même simplement de se déclarer juif. Chaque mois, au jour commémorant la naissance du roi, on était contraint de façon humiliante à participer à un repas sacrificiel; et quand arrivait la fête de Dionysos, on était forcé de se couronner de lierre et d’accompagner le cortège en l’honneur de ce dieu. Sur la proposition des habitants de Ptolémaïs, un décret fut publié: les villes grecques des régions voisines de la Judée devaient adopter la même politique à l’égard des Juifs qui s’y trouvaient et les obliger à participer aux repas sacrificiels; l’ordre fut donné d’égorger quiconque refuserait d’adopter les coutumes grecques. Il était donc facile de prévoir les malheurs à venir. Ainsi deux femmes furent déférées en justice pour avoir circoncis leurs enfants. On les produisit en public à travers la ville, leurs enfants suspendus à leurs mamelles, avant de les précipiter ainsi du haut des remparts. D’autres s’étaient rendus ensemble dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le septième jour. Dénoncés à Philippe, ils furent brûlés ensemble, se gardant bien de se défendre eux-mêmes par respect pour la sainteté du jour. (…) Parmi les principaux maîtres de la loi, il y avait alors un certain Élazar. Il était avancé en âge et de fort belle apparence. On lui tint la bouche ouverte pour l’obliger à avaler de la viande de porc. Mais il préférait mourir avec honneur plutôt que de vivre dans la honte. Il recracha donc la viande et se dirigea volontairement vers le lieu du supplice. Voilà un exemple pour ceux qui devraient avoir le courage, même au prix de leur vie, de repousser la nourriture que la loi de Dieu interdit de manger. 2 Maccabées 6 : 6-20
Pendant que les habitants de la ville sainte jouissaient d’une paix entière, et que les lois étaient encore exactement observées, grâce à la piété du grand prêtre Onias et à sa haine du mal (…) Mais, après la mort de Séleucus, Antiochus surnommé Épiphane lui ayant succédé, Jason, frère d’Onias, entreprit d’usurper le souverain pontificat. Dans un entretien avec le roi, il lui promit trois cent soixante talents d’argent et quatre-vingts talents pris sur d’autres revenus. Il promettait en outre de s’engager par écrit pour cent cinquante autres talents, si on lui accordait d’établir, de sa propre autorité et selon ses vues, un gymnase avec un éphébée, et d’inscrire les habitants de Jérusalem comme citoyens d’Antioche. Le roi consentit à tout. Dès que Jason eut obtenu le pouvoir, il se mit à introduire les moeurs grecques parmi ses concitoyens.(…) Lorsque Onias eut connu d’une manière certaine ce nouveau crime de Ménélas, il lui en adressa des reproches, après s’être retiré dans un lieu d’asile, a Daphné, près d’Antioche. C’est pourquoi Ménélas, prenant à part Andronique, le pressait de mettre à mort Onias. Andronique vint donc trouver Onias et, usant de ruse, il lui présenta la main droite avec serment; puis, quoique suspect, il le décida à sortir de son asile et le mit aussitôt à mort, sans égard pour la justice. Aussi, non seulement les Juifs, mais beaucoup d’entre les autres nations furent indignés et affligés du meurtre injuste de cet homme. II Maccabbées 3: 1 – 4: 7-35
Les Syriens prirent les villes fortes du pays d’Égypte, et Antiochus enleva les dépouilles de toute l’Égypte. Après avoir battu l’Égypte l’an cent quarante-trois, Antiochus revint sur ses pas et marcha contre Israël. Etant monté à Jérusalem avec une armée puissante, il entra avec une audace insolente dans le sanctuaire et en enleva l’autel d’or, le chandelier de la lumière avec tous ses ustensiles, la table des pains de proposition, les coupes, tasses et écuelles d’or, le rideau, les couronnes et les ornements d’or sur la façade du temple, et il détacha partout le placage. Il prit aussi l’or et l’argent et les vases précieux, ainsi que les trésors cachés qu’il put trouver. I Maccabbées 1: 20 – 24
Ces événements étant arrivés à la connaissance du roi, il crut que la Judée faisait défection. Il partit donc d’Égypte, furieux comme une bête féroce, et s’empara de la ville à main armée. Il ordonna aux soldats de tuer sans pitié ceux qui tomberaient entre leurs mains, et d’égorger ceux qui monteraient sur les toits ces maisons. Ainsi furent tués des jeunes gens et des vieillards; ainsi périrent des hommes faits, des femmes et des enfants; ainsi furent égorgés des jeunes filles et des nourrissons. Le nombre des victimes pendant ces trois jours, fut de quatre-vingt mille, dont quarante mille furent massacrés et autant furent vendus comme esclaves. Non content de ces atrocités, il osa pénétrer dans le temple le plus saint de toute la terre, ayant pour guide Ménélas, traître envers les lois et envers sa patrie. Et prenant de ses mains souillées les objets sacrés, et arrachant les offrandes déposées par les autres rois pour rehausser ta gloire et la dignité de ce lieu, il les remettait à des mains profanes. Antiochus s’enflait d’orgueil dans son esprit, ne considérant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville, et que c’était pour cela qu’il détournait ses regards de ce lieu. Autrement, s’ils n’avaient pas été coupables d’un grand nombre de péchés, lui aussi, comme Héliodore, envoyé par le roi Séleucus pour inspecter le trésor, il aurait été, dès son arrivée, flagellé et réprimé dans son audace. Mais Dieu n’a pas choisi le peuple à cause de ce lieu; il a choisi ce lieu à cause du peuple. C’est pourquoi ce lieu a participé aux malheurs du peuple, comme il a été ensuite associé aux bienfaits du Seigneur; délaissé dans la colère du Tout-Puissant, il a été de nouveau, quand le souverain Seigneur s’est réconcilié avec son peuple, rétabli en toute sa gloire. Antiochus, ayant donc enlevé au temple dix-huit cents talents, s’en retourna en hâte à Antioche, s’imaginant dans son orgueil, à cause de l’enivrement de son coeur, pouvoir rendre navigable la terre ferme et viable la mer. II Maccabbées 5: 11-21
De ces rois sortit une racine d’iniquité, Antiochus Épiphane, fils du roi Antiochus, qui avait été à Rome comme otage; et il devint roi en la cent trente-septième année du royaume des Grecs. En ces jours-là, il sortit d’Israël des enfants infidèles qui en entraînaient beaucoup d’autres en disant: « Allons et unissons-nous aux nations qui saut autour de nous; car, depuis que nous nous tenons séparés d’elles, il nous est arrivé beaucoup de malheurs. » Et ce discours parut bon à leurs yeux. Quelques-uns du peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, et il leur donna l’autorisation de suivre les coutumes des nations. Ils construisirent donc à Jérusalem un gymnase, selon les usages des nations. I Maccabbées 1: 11-15
Il fit la paix avec ceux qui étaient à Bethsur, et ceux-ci sortirent de la ville, parce qu’il n’y avait pas eu de vivres à renfermer pour eux dans la place, car c’était l’année du repos de la terre. Le roi s’empara ainsi de Bethsur, et il y laissa une garnison pour la garder. Il établit son camp devant le lieu saint pendant beaucoup de jours, et il y dressa des tours à balistes, des machines de guerre, des catapultes pour lancer des traits enflammés et des pierres, des scorpions pour lancer des flèches, et des frondes. Les assiégés construisirent aussi des machines pour les opposer à celles des assiégeants, et prolongèrent longtemps la résistance. Mais il n’y avait pas de vivres dans les magasins, parce que c’était la septième année, et que les Israélites qui s’étaient réfugiés en Judée devant les nations avaient consommé le reste de ce qu’on avait mis en réserve. Il ne resta dans le lieu saint qu’un petit nombre de Juifs, car la faim se faisait de plus en plus sentir; les autres se dispersèrent chacun chez soi. I Maccabbées 6: 49-54
Il prononcera des paroles contre le Très Haut, il opprimera les saints du Très Haut, et il espérera changer les temps et la loi; et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps, et la moitié d’un temps. Daniel 7: 25
J’entendis parler un saint; et un autre saint dit à celui qui parlait: Pendant combien de temps s’accomplira la vision sur le sacrifice perpétuel et sur le péché dévastateur? Jusques à quand le sanctuaire et l’armée seront-ils foulés? Et il me dit: Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. Daniel 8: 13-14
L’abomination du dévastateur (…) séduira par des flatteries les traîtres de l’alliance. Daniel 11: 31-32
Et j’entendis l’homme vêtu de lin, qui se tenait au-dessus des eaux du fleuve; il leva vers les cieux sa main droite et sa main gauche, et il jura par celui qui vit éternellement que ce sera dans un temps, des temps, et la moitié d’un temps, et que toutes ces choses finiront quand la force du peuple saint sera entièrement brisée. Daniel 12: 7
Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l’iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des saints. Sache-le donc, et comprends! Depuis le moment où la parole a annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu’à l’Oint, au Conducteur, il y a sept semaines et soixante-deux semaines, les places et les fossés seront rétablis, mais en des temps fâcheux. Après les soixante-deux semaines, un Oint sera retranché, et il n’aura pas de successeur. Le peuple d’un chef qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera comme par une inondation; il est arrêté que les dévastations dureront jusqu’au terme de la guerre. Il fera une solide alliance avec plusieurs pour une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande; le dévastateur commettra les choses les plus abominables, jusqu’à ce que la ruine et ce qui a été résolu fondent sur le dévastateur. Daniel 9: 24-27
Daniel, qui s’exprime en « je » tout au long des chapitres 7 à 12, est censé vivre à Babylone au VIe siècle av. J.-C., mais — en dépit de l’opinion traditionnelle encore défendue par quelques auteurs fondamentalistes américains — il est certain que le livre est beaucoup plus récent. En effet, on y remarque de nombreuses invraisemblances ; par exemple, Belshatsar (Balthazar) n’était pas le fils de Nabuchodonosor, comme l’ouvrage le présente, mais celui de Nabonide, et il n’a jamais eu le titre de roi. Daniel annonce des événements à venir, mais il devient de plus en plus exact au fur et à mesure que l’histoire avance, comme s’il connaissait mieux les événements de la première moitié du IIe siècle que ceux des siècles précédents. L’hébreu utilisé aux chapitres 1 et 8 à 12 est influencé par l’araméen ; cette langue est elle-même utilisée aux chapitres 2 à 7, avec des caractéristiques plus tardives que l’araméen du Livre d’Esdras et des papyri d’Eléphantine (VIe et Ve siècles av. J.-C.). Tout cela converge vers une conclusion aujourd’hui largement acceptée : l’auteur de l’ouvrage dans sa forme finale utilise le procédé de pseudépigraphie ; il n’écrit pas au VIe siècle av. J.-C., mais à l’époque des derniers évènements annoncés, c’est-à-dire au IIe siècle av. J.-C. Daniel est inconnu par l’auteur du Siracide (vers 180 av. J.-C.) qui contient une longue section (chapitres 44-50) en l’honneur des « hommes illustres » qui ont compté dans l’histoire juive. Toutefois, le livre est connu par l’auteur du Premier livre des Maccabées, entre 134 et 104 av. J.-C. (1 M 1,54 = Da 9. 27 et Da 11. 37), et sa première version grecque est même utilisée par le livre III des Oracles sibyllins. L’auteur connait la profanation du Temple, le 7 décembre 167 (Da 11. 31), et la mise à mort des Juifs fidèles (Da 11. 33), la révolte des Maccabées et les premiers succès de Judas (allusion de Da 11. 34) en 166 av. J.-C. Toutefois, l’auteur ne connaît pas les circonstances de la mort du roi persécuteur en automne 164, ce qui indique une fin de composition d’ensemble du Livre de Daniel entre 167 et 164. Rien dans le reste du livre ne vient contredire ces dates. (…) Les quatre visions des chapitres 7 à 12 sont des exemples types des écrits apocalyptiques, un genre littéraire d’écrits juifs et chrétiens. Contrairement aux six premiers chapitres qui parlent de Daniel à la troisième personne, le rédacteur parle ici à la première personne. L’un des traits caractéristiques de cette section concerne la dépendance de Daniel à des créatures spirituelles pour interpréter et expliquer ses visions. Le cadre historique de ces visions n’est pas indiqué, à l’exception de quelques dates de règnes mentionnées. Le chapitre 7 est écrit en araméen alors que les chapitres 8 à 12 sont écrits en hébreu. La section « visions apocalyptiques » de Daniel comprend trois visions et une prophétie concernant le destin d’Israël. Ces écrits apocalyptiques et eschatologiques ont donné lieu à de multiples interprétations chez les Esséniens et chez les Chrétiens. (…) La vision dans la première année de Balthazar roi de Babylone (7,1) concerne quatre bêtes énormes (7,3) représentant quatre futurs rois (7,17) ou royaumes (7,23), la quatrième bête qui mangera toute la terre, la foulera aux pieds et l’écrasera (7,23) ; ce quatrième royaume est représenté par une bête avec dix cornes représentant dix rois, suivi d’une petite corne qui abat trois rois (7,24), parlant contre le Très-Haut, et voulant changer les temps et le droit (7,25). Après « un temps et des temps et un demi-temps », cette corne est jugée et sa domination lui est ôtée et détruite (7,26) ; finalement, le royaume et l’empire et les grandeurs des royaumes sous tous les cieux sont donnés au peuple des saints du Très Haut (7,27). La vision de la troisième année de Balthazar concerne un bélier (8,1-27) qui représente les rois de Médie et de Perse (8,20), la Grèce (8,21) étant représentée par un bouc. La grande corne du bouc est cassée pour être remplacée par quatre royaumes plus faibles. La vision se consacre ensuite à « un roi impudent et expert en astuces qui opère des destructions prodigieuses » en supprimant les sacrifices au Temple de Jérusalem pour une période de deux mille trois cents soirs et matins (8,14). Ensuite, l’auteur attend le jugement final de ce roi dans les temps futurs avec le rétablissement du sanctuaire. Cette vision incorpore des boucs, des béliers et des cornes étaient utilisées pour le service du sanctuaire du Temple à Jérusalem. La vision dans la première année de Xerxès Ier fils de Darius Ier (9,1) concerne la prophétie des 70 semaines d’années. Cette prophétie concerne l’histoire de l’ancien Israël et l’histoire de Jérusalem (9,24). Elle consiste en une méditation sur la prédiction du prophète Jérémie que la désolation de Jérusalem durerait 70 ans, une longue prière de Daniel afin que Dieu restaure Jérusalem et son temple, et une explication de l’archange Gabriel qui indique une future restauration par un messie-chef. Une longue vision (10,1-12,13) dans la troisième année de Cyrus II roi de la Perse, qui concerne les conflits entre le « roi du Nord » et le « roi du Midi » (l’Égypte, 11,8). Cette vision commence par des références à la Perse et à la Grèce. Puis la vision atteint son paroxysme par une nouvelle description d’un roi arrogant qui profane le temple, installe « l’abomination de la désolation », supprime les sacrifices rituels et persécute les justes. La résurrection est enfin promise à Daniel par un homme sur le bord d’un fleuve. Wikipedia
La Prophétie des 70 semaines (ou littéralement « 70 fois 7 ») fait partie du chapitre 9 du Livre de Daniel. Elle est prononcée par l’ange Gabriel à l’attention de Daniel. Cette prophétie fait aussi bien partie de l’histoire juive que de l’eschatologie chrétienne. (…) Cette prophétie est une ré-interprétation d’un oracle du livre de Jérémie annonçant la ruine de Babylone (25,12) et le retour de l’exil (29,10). Celui-ci annonçait la durée de la désolation en Terre sainte et de l’exil en Babylonie, châtiment infligé aux fils d’Israël infidèles à l’Alliance abrahamique : 70 années ; estimation chiffrée qu’il convient d’ailleurs de contrôler sans trop de rigueur. Or voici que le messager céleste encourage une supputation qui fixerait un terme aux nouvelles épreuves subies par la « Ville Sainte » et le « peuple de Dieu » : au temps d’Antiochos IV sans doute, un roi Séleucide qui persécuta les Judéens, mais probablement aussi, à travers celui-là, aux temps de toute persécution dont pâtiront les justes fidèles au vrai Dieu, jusqu’au triomphe final. Ce n’est plus alors « 70 ans » qu’il faut entendre, mais « 70 semaines d’années » réparties en trois périodes : l’une de 7 (soit 49 années), achevée par l’avènement d’un « oint » qui sera un « chef » ; l’autre de 62 (soit 434 ans), à la fin de laquelle « un oint sera supprimé » ; la dernière d’une seule semaine d’années, et dont la moitié (3 ans et demi) s’écoulera avant que le dévastateur soit exterminé. Wikipedia
Antiochos IV Épiphane, « l’Illustre » ou « le Révélé » (en grec ancien Aντίoχoς Έπιφανής / Antiochos Épiphanès), né vers 215 av. J.-C. et mort en 164 av. J.-C., est un roi séleucide qui règne de 175 à sa mort en 164 av. J.-C. Fils d’Antiochos III, il est décrit comme un « ennemi » du peuple juif selon la tradition judaïque, qui inspire Hanoucca (ou fête de l’Édification), car il participe à l’hellénisation de la Judée et s’oppose à la révolte des Maccabées qu’il ne parvient pas à réprimer. Réputé instable psychologiquement, il montre tout de même des qualités d’homme d’État et peut être considéré comme l’un des derniers grands souverains séleucides. (…) La titulature d’Épiphane (l’« Illustre »), transmis par la tradition littéraire et attestée par les monnaies séleucides ainsi que par des dédicaces extérieures à l’empire (Délos et Milet), est habituellement réservée aux dieux. Les épithètes complets d’Antiochos incluent : Théos Épiphanès (Θεὸς Ἐπιφανής ou « Dieu révélé ») et après sa victoire lors de la guerre de Syrie, Niképhoros (Νικηφόρος ou « Porteur de la victoire »). Il a été le premier souverain séleucide à utiliser des épithètes divines sur des pièces de monnaie, peut-être inspiré par les rois grecs de Bactriane ou par le culte royal que son père a codifié. Cette titulature aurait pu servir à renforcer l’autorité royale au sein d’un empire disparate. (…) Antiochos est réputé pour avoir été un promoteur zélé de la culture hellénique à l’intérieur comme à l’extérieur de son empire ; il finance notamment la construction du temple de Zeus Olympien à Athènes ou fait ériger un autel et des statues à Délos. Mais cette réputation qui a traversé les siècles est d’abord une interprétation de sa politique envers les Juifs, sachant qu’il est considéré comme l’Antéchrist dans la tradition judéo-chrétienne. (…)  Mais cette hellénisation de la Judée est d’abord le fait des élites juives hellénisées sous l’impulsion des grands-prêtres Jason (Joshua hellénisé) et Ménélas, et provoque la réaction des Juifs traditionalistes. En effet, la culture impériale engendre un progrès politique et matériel, ce qui mène à la formation d’élites hellénisés au sein de la population juive. Cette hellénisation engendre des tensions entre les Juifs les plus orthodoxes et leurs coreligionnaires qui adoptent la culture grecque. En 175 av. J.-C., au moment où meurt Séleucos IV, le grand-prêtre Onias III vient à Antioche pour se justifier d’avoir refusé le prélèvement des trésors du Temple. Il est accompagné de son frère Joshua qui se fait appeler Jason. Celui-ci intrigue auprès d’Antiochos IV qui le désigne comme Grand-prêtre, à la place de son frère. Surtout, il lui accorde le droit de transformer Jérusalem en polis grecque ; en échange, Jason lui promet une augmentation du tribut. Selon l’historien Édouard Will, la transformation de Jérusalem en cité grecque n’est pas de l’initiative du roi, mais bien des Juifs hellénisés. Jason finit par être évincé par Ménélas vers 172. Ce dernier agit en tyran, soumettant Jérusalem à une forte pression fiscale. Ménélas vient plaider sa cause à Antioche et fait assassiner Onias qui s’est réfugié dans la capitale. (…) Les Séleucides, comme les Lagides avant eux, détiennent une suzeraineté sur la Judée : ils respectent la culture juive et ne nuisent pas aux institutions juives, ni aux autres religions locales de leur empire. Le soutien des Juifs à Antiochos III a été récompensé à travers une charte affirmant l’autonomie de la religion juive, tout en interdisant l’accès des étrangers et des animaux impurs à l’enceinte du Temple de Jérusalem, et l’attribution de fonds officiels afin de maintenir certains rituels religieux au sein du Temple. Cette politique est radicalement remise en cause par son fils Antiochos IV, après soit une dispute sur la direction du Temple de Jérusalem et la fonction de grand-prêtre, soit une révolte dont la nature a été perdue avec le temps après avoir été écrasée. Antiochos en vient en 168 av. J.-C. à consacrer le temple de Jérusalem à Baalshamin, une divinité phénicienne et y place même un culte de Zeus. Les Juifs hellénisés continuent de servir Yahweh dont un autel subsiste dans le Temple profané, alors sous une autorité mixte de Juifs « modernistes » hellénisés, de Grecs et d’Orientaux également hellénisés. Il apparaît donc que cette transformation du Temple répond à une volonté syncrétiste adaptée aux besoins des colons militaires de l’Acra, alors majoritairement syro-phéniciens, mais elle suscite une forte agitation dans une Jérusalem déjà sensibilisée par le poids des taxes et la résistance à l’hellénisation. L’année suivante, en décembre 167, Antiochos promulgue un édit de persécution (qui concerne les Juifs de la Samarie et de la Judée mais non ceux de la diaspora) : il ordonne d’abolir la Torah (ou la Loi dans le sens le plus large : foi, traditions, mœurs). Il impose d’offrir des porcs en holocauste au Temple de Jérusalem et interdit la circoncision. Selon Édouard Will, cette persécution religieuse ne semble pas avoir été motivée par un fanatisme anti-judaïque (fanatisme qu’exclut son épicurisme) ou par la volonté d’imposer les cultes grecs. Il s’agit d’abord de mettre fin à une révolte locale. Là où Antiochos commet une terrible maladresse, c’est qu’il n’a pas compris qu’abolir la Torah ne revient pas seulement à priver les Juifs de leurs lois civiques, mais conduit à l’abolition du judaïsme. Cette politique lui vaut le surnom d’Épimanès (l’« Insensé ») par jeu de mots. Les érudits du judaïsme du Second Temple se réfèrent donc parfois au règne d’Antiochos comme aux « crises d’Antioche » pour les Juifs. La politique d’Antiochos envers les Juifs est connue grâce au Livre de Daniel et aux Livres des Maccabées (inclus dans la Septante et l’Ancien Testament chrétien, mais pas dans la Bible hébraïque). Elle est marquée par la révolte des Maccabées, qui aboutit finalement à l’émancipation politique de la Judée et contribue à la désintégration de l’Empire séleucide au ier siècle av. J.-C. Cette crise politique et religieuse se poursuit sous ses successeurs. Les troubles commencent à Jérusalem pendant qu’Antiochos est occupé en Égypte, début 169 av. J.-C. Au retour de cette campagne, le roi saisit en effet le trésor du Temple, prétextant le paiement de trois années de retard du tribut. Mais l’agitation reste à cette date d’abord un conflit interne aux Juifs. En 168, après l’ultimatum des Romains lui enjoignant de quitter l’Égypte, Antiochos revient à Jérusalem qu’il pille, alors que le summum du sacrilège est qu’un roi entre dans le saint des saints, ce que seul le grand-prêtre est autorisé à faire une fois par an. Outre cette profanation, il massacre de nombreux Juifs et rétablit Ménélas, le grand prêtre pro-séleucide. Des historiens affirment qu’Antiochos est certes responsable du pillage du Temple de Jérusalem mais qu’il a été inspiré et soutenu par Ménélas. D’autres historiens estiment par ailleurs qu’ Antiochos a la réputation d’un pilleur de temples mais que ces actions ne sont pas le résultat de difficultés financières. Afin de financer ses objectifs militaires et diplomatiques à long terme, dans le cadre d’une politique dynastique ambitieuse, il a accepté que des parties de la population se retournent à court terme contre lui en dévalisant des temples. Finalement, cette approche n’a pas porté ses fruits en raison de la vive résistance qu’elle a provoquée. Après le départ d’Antiochos, une nouvelle révolte des Juifs traditionalistes dirigée par la famille des Maccabées éclate et Antiochos fait alors détruire les murailles de la ville de Jérusalem et bâtir la forteresse de l’Acra où trouvent refuge les Juifs hellénisés. Dès 168, des habitants de Jérusalem se réfugient dans les campagnes et le désert, la révolte prenant corps après l’édit de persécution. Antiochos, occupé en Iran, envoie des stratèges qui sont battus par Judas Maccabée : Apollonios à Samarie, Nicanor et Gorgias à Emmaüs et Lysias à Beth Zur. Cette nouvelle insurrection de Jérusalem dépasse le cadre d’une lutte entre clans aristocratiques et paraît avoir des motivations anti-séleucides. L’ambiance de la ville est aussi exacerbée par le poids de la fiscalité et la résistance aux mœurs grecques. En 164, Antiochos met fin à la persécution et amnistie les Juifs afin qu’ils regagnent leurs foyers par l’intermédiaire de son vizir, Lysias ; ce dernier traite avec Ménélas qui est rétabli dans ses fonctions. Mais Judas Maccabée poursuit la lutte après la mort d’Antiochos et finit par s’emparer de Jérusalem ; il procède à la purification du Temple et rend le sanctuaire aux Juifs pour le culte de YHWH. En décembre 164, la fête de l’Édification, Hanoucca, est célébrée pour la première fois dans le Temple rendu au seul culte juif. La révolte des Maccabées conduit à une interprétation du Livre de Daniel dans lequel un méchant appelé le « Roi du Nord » est généralement considéré comme une référence à Antiochos IV. La représentation d’Antiochos attaquant la ville sainte de Jérusalem mais rencontrant bientôt sa fin influence plus tard les représentations chrétiennes de l’Antéchrist. Traditionnellement, telle qu’exprimée dans les premier et deuxième livres des Maccabées, la révolte des Maccabées est dépeinte comme une résistance nationale à une oppression politique, culturelle et cultuelle étrangère. Cependant les érudits modernes soutiennent qu’Antiochos intervient davantage dans une guerre civile entre les Juifs traditionalistes du pays et les Juifs hellénisés de Jérusalem. Wikipedia
La crise maccabéenne n’est pas un affrontement entre un roi grec fanatique et des Juifs pieux attachés à leurs traditions. C’est d’abord une crise interne au judaïsme, d’un affrontement entre ceux qui estiment qu’on peut rester fidèle au judaïsme en adoptant néanmoins certains traits de la civilisation du monde moderne, le grec, la pratique du sport, etc.., et ceux qui au contraire, pensent que toute adoption des mœurs grecques porte atteinte de façon insupportable à la religion des ancêtres. Si le roi Antiochos IV intervient, ce n’est pas par fanatisme, mais bien pour rétablir l’ordre dans une province de son royaume qui, de plus, se place sur la route qu’il emprunte pour faire campagne en Égypte. (…) Là où Antiochos IV commettait une magistrale erreur politique, c’est qu’il n’avait pas compris qu’abolir la Torah ne revenait pas seulement à priver les Juifs de leurs lois civiles, mais conduisait à l’abolition du judaïsme. Maurice Sartre
Les juifs s’appellent les êtres humains, mais les non-juifs ne sont pas des humains. Ils sont des bêtes. Talmud: Mezia de baba, 114b
Il est autorisé de prendre le corps et la vie d’un Gentil. Ikkarim III C 25 de Sepher –
Chaque juif, qui renverse le sang de l’athée (non-juifs), est comme s’il faisait un sacrifice à Dieu. Talmud: Raba c 21 et Jalkut 772 de Bammidber
En citant de façon sélective divers passages du Talmud et du Midrash, des faiseurs de polémiques ont cherché à démontrer que le judaïsme prône la haine des non-Juifs (et des chrétiens en particulier), et promeut l’obscénité, la perversion sexuelle, et d’autres conduites immorales. Afin de rendre ces passages conformes à leurs buts, ces personnes les traduisent souvent de façon erronée ou les citent hors de leur contexte (la fabrication de passages entiers n’est pas inconnue) […] En déformant les significations normatives des textes rabbiniques, les écrivains anti-Talmud extraient fréquemment les passages de leur contexte textuel et historique. Même lorsqu’ils présentent leurs citations correctement, ils jugent les passages d’après les critères moraux actuels, ‘ignorant’ le fait que ces passages furent en majorité composés il y a près de deux mille ans par des gens vivant dans des cultures radicalement différentes de la nôtre. Ils sont donc capables d’ignorer la longue histoire du judaïsme en matière de progrès social, et la dépeindre comme une religion primitive et bornée. Ceux qui attaquent le Talmud citent fréquemment d’anciennes sources rabbiniques sans tenir compte des développements subséquents de la pensée juive, et sans faire un effort de bonne foi de consulter des autorités juives contemporaines qui pourraient expliquer le rôle de ces sources dans la pensée et la pratique juives normatives. Rapport de l’Anti-Defamation League
Les accusations envers le Talmud ont une longue histoire, datant du XIIIe siècle, lorsque les associés de l’Inquisition tentèrent de diffamer les Juifs et leur religion. Les premiers ouvrages, compilés par des prédicateurs haineux comme Raymond Martini et Nicholas Donin demeurent la base de toutes les accusations subséquentes envers le Talmud. Certaines sont vraies, la plupart sont fausses et basées sur des citations tirées de leur contexte, et certaines sont des fabrications totales. Sur Internet de nos jours, on peut trouver beaucoup de ces vieilles accusations ressassées… Gil Student (rabbin)
Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard
Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire ad usum delphini puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. Balzac (Illusions perdues)
Selon la théorie de la conspiration, tout ce qui arrive a été voulu par ceux à qui cela profite. (…) On ne croit plus aux machinations des divinités homériques, auxquelles on imputait les péripéties de la Guerre de Troie. Mais ce sont les Sages de Sion, les monopoles, les capitalistes ou les impérialistes qui ont pris la place des dieux de l’Olympe homérique. Karl Popper (1948)
Selon le sociologisme — cette perversion de la sociologie — l’individu étant le jouet des structures et des institutions, la seule question intéressante et pertinente est celle de savoir à qui profitent ces structures et ces institutions ? Plus familièrement, qui tire les ficelles ? Par définition, la classe dominante, bien entendu. La popularité de ce schéma a été si grande dans les années 60 et 70 que beaucoup de livres ont porté ou auraient pu porter un titre de type : A qui profite… ? A qui profite l’Ecole ? A qui profite la Justice ? A qui profite la Culture ? A qui profite la Langue ? Bref, le sociologisme utilise toujours de façon plus ou moins subtile, le schéma explicatif familier que Popper appelle la « théorie de la conspiration ». Raymond Boudon (1983)
Il est peu probable que les nouvelles religions émergeront des grottes d’Afghanistan ou des madrasas du Moyen-Orient. Elles sortiront plutôt des laboratoires de recherche. De même que le socialisme s’est emparé du monde en lui promettant le salut par la vapeur et l’électricité, dans les prochaines décennies les nouvelles techno-religions conquerront peut-être le monde en promettant le salut par les algorithmes et les gènes. Yuval Harari
L’athéisme libère les gens pour qu’ils soient leur propre dieu. Et puis il les libère pour croire que leur divinité est supérieure à celle des autres. C’est aussi l’impulsion que les êtres humains peuvent réorganiser la réalité par leur seule volonté, dont le point culminant (jusque ici) est le mouvement transgenre et la demande que nous reconnaissions une myriade de « genres » plutôt qu’une réalité biologique objective. C’est une extension du péché d’Adam et Eve en essayant d’usurper la création de Dieu. Sam Harris
Je suis curieux. J’essaie de comprendre ce que vous entendez par « contenu haineux ». Et je demande des exemples précis. Et vous venez de dire que si quelque chose est un peu sexiste, c’est un contenu haineux. Est-ce que ça veut dire qu’il faut l’interdire ? (…) C’est pour ça que je demande des exemples. Vous pouvez me donner un exemple ? (…) Donnez-moi un exemple. (…) Vous avez littéralement dit que vous aviez rencontré plus de contenu haineux et que vous ne pouviez pas citer un seul exemple. (…) Vous ne pouvez pas donner un seul exemple de contenu haineux. Pas même un tweet. Et pourtant, vous avez affirmé que le contenu haineux était élevé. (…) La BBC se tient-elle responsable de la désinformation concernant les masques et les effets secondaires des vaccinations, et n’en parle-t-elle pas du tout ? Et qu’en est-il du fait que la BBC a été mise sous pression par le gouvernement britannique pour changer sa politique éditoriale ? Vous êtes au courant ? Elon Musk (propriétaire de Twitter)
Je n’ai pas vraiment regardé ce flux. (…) Parce que je dis que c’est ce que j’ai vu il y a quelques semaines. Je ne peux pas vous donner d’exemple exact. Passons à autre chose. Notre temps est limité. Désinformation Covid. (…) Ce n’est pas une interview sur la BBC (…) Je ne suis pas un représentant de la politique éditoriale de la BBC. Je tiens à le préciser. Parlons d’autre chose. James Clayton (BBC)
Un gnostique (…) Au sens large, c’est un homme qui sait. Gnostique vient du grec gnôsis, connaissance. Mais ce terme prit un sens plus particulier pour désigner un certain nombre de penseurs et de sectes qui, dès l’aube de notre ère, vécurent et enseignèrent en Egypte et dans le Proche-Orient. Le mot vient d’ailleurs des Chrétiens. Ce sont les auteurs chrétiens, les Pères de l’Eglise notamment, qui, par dérision, appelèrent Gnostiques ces hommes qui prétendaient détenir la véritable connaissance des mystères de la vie et du monde et rejetaient une grande partie de la prédication chrétienne. Car, le gnosticisme, malgré des emprunts évidents à certaines doctrines de son temps, fut avant tout une attitude originale, une pensée mutante, une réflexion inquisitrice et neuve sur le destin de l’homme et de la nature de l’univers. (…) Un seul problème domine la réflexion gnostique : celui du mal. Mais (…) Le mal, pour le Gnostique, ce n’est pas le péché, ce n’est pas la condition de l’homme après la chute. C’est l’homme tout entier, l’univers, la matière, la chair, la pensée, la terre, les lois et les institutions, l’histoire, le temps, l’espace lui-même où nous vivons. C’est ce monde fait de matière, soumis aux contraintes de la pesanteur, de l’obscurité, du froid, de l’inertie et de la mort. . (…) La gnose apparaît dans l’histoire dès les premiers siècles du christianisme, prêchée par un personnage que mentionnent les Actes des Apôtres du nom de Simon le Mage. On y trouve déjà les principes essentiels qui la caractérisent : la création du monde est l’œuvre d’un faux Dieu, le vrai Dieu est inconnu de l’homme, le monde n’est là que pour le séparer de Lui. Pour Simon le Mage, le seul moyen pour l’homme de briser l’illusion du monde et d’atteindre à la plénitude est de vivre librement ses désirs. Le désir, sous toutes ses formes, est la seule part divine qui réside en l’être humain. Jacques Lacarrière
Autrefois je croyais que le gnosticisme était un phénomène bien défini de l’histoire des religions de l’antiquité tardive. Bien sûr, j’étais prêt à accepter l’idée de diverses continuations de la gnose ancienne et même celle de la génération spontanée de visions du monde dans lesquelles, à différentes époques, les caractéristiques distinctives du gnosticisme réapparaissaient. J’ai vite appris cependant que j’étais en fait naïf. Non seulement la gnose était gnostique, mais les auteurs catholiques étaient gnostiques, les néoplatoniciens aussi, la Réforme était gnostique, le communisme était gnostique, le nazisme était gnostique, le libéralisme, l’existentialisme et la psychanalyse étaient également gnostiques, la biologie moderne était gnostique, Blake, Yeats, Kafka, Rilke, Proust, Joyce, Musil, Hesse et Thomas Mann étaient gnostiques. D’interprètes faisant autorité sur la gnose, j’appris en outre que la science est gnostique, et que la superstition est gnostique ; que le pouvoir, le contre-pouvoir et le manque de pouvoir sont gnostiques ; que Freud est gnostique et Jung est gnostique ; toute chose et son contraire sont également gnostiques.  Ioan Couliano (1984)
Le gnosticisme ou « gnosticisme historique » est un terme employé pour désigner certains mouvements du christianisme ancien qui relèvent d’une idéologie dualiste (croyance dans l’existence d’un Dieu du Mal et d’un Dieu du Bien). Cette gnose dualiste contraire aux principes métaphysiques du christianisme, a été combattue par les théologiens chrétiens des premiers siècles qui l’ont qualifiée de pseudo-gnose (Paul de Tarse), ou de « gnose au faux nom » (Irénée de Lyon). Le mot gnose désigne ainsi pour la période antique deux concepts théologiques opposés : une gnose chrétienne qui considère que tout homme est capable de percevoir Dieu, en lui, de devenir lumière et donc d’obtenir la vie éternelle ; et une gnose dualiste (gnosticisme) qui considère le corps et la vie terrestre comme une prison dont l’homme doit se libérer pour être sauvé. À partir du XIXe siècle, le terme gnose et les concepts qu’il recouvre ont été utilisés dans des contextes beaucoup plus larges, en histoire des religions (y compris non chrétienne), en philosophie, mais aussi en littérature ou en politique, ainsi que par les « nouveaux mouvements religieux », ésotériques et New Age. Wikipedia
INSCRIBED UPON THE CROSS WHEN JESUS WAS CRUCIFIED were the latin words « Jesus Nazarenus Rex Iudeorum. » Pontius Pilate was the author of that famous inscription. Latin was Pontius Pilate’s mother tongue. Authorities competent to translate and pass upon the correct translation into English agree that is « Jesus the Nazarene Ruler of the Judeans. » There is no disagreement among them of that. THE WORD « JEW » did not occur anywhere in the English Language until the 18th Century. Jesus referred to himself as a Judean. The modern day « Jews » were historically Khazars or Chazars, a Mongolian Nordic tribe who roamed northern Europe. Benjamin H. Freedman
Les faits sont les faits, la vérité sur les Khazars » est un pamphlet se présentant comme le texte d’une lettre qu’un homme d’affaires juif, Benjamin H. Freedman, a écrit à un médecin « converso », David Goldstein, en 1954. Cette lettre défend l’idée selon laquelle le christianisme est une réalité du judaïsme. Le texte expose la notion selon laquelle la plupart des individus désormais identifiés comme juifs, ne sont pas le peuple sémitique israélite de la Bible, mais les descendants des Khazars, un peuple turcophone d’Asie centrale converti en masse au judaïsme au 8ème siècle. Freedman ne se réfère pas aux Juifs, mais à des « soi-disant » Juifs. Né dans une famille juive ashkénaze, Benjamin H. Freedman se convertit au christianisme et devient un virulent orateur, conférencier et pamphlétaire antisioniste et critique du judaïsme. Il fut l’assistant de Bernard Baruch à la campagne présidentielle de 1912. Il assistait régulièrement à des réunions avec le futur président des États-Unis Woodrow Wilson au sein du Comité démocratique national où il croisa également Samuel Untermyer. Il aurait été présent parmi la délégation envoyés par les milieux sionistes lors de la conférence de Versailles qui devait aboutir au traité afin de veiller aux suites de la déclaration Balfour de 1917. Parmi ses relations, on peut citer Franklin Roosevelt, Joseph Kennedy et son fils John F. Kennedy ainsi que d’autres personnes influentes telles que Haroldson Lafayette Hunt, Jr. et son fils Nelson Bunker Hunt. En 1946, il fonda la « Ligue pour la paix et la justice en Palestine ». (…) Cet ouvrage ne plaira pas à de nombreuses personnes car il fait vibrer une corde extrêmement sensible : l’origine des peuples. En effet, ce texte remet « littéralement » en cause l’origine de la plus ancienne des civilisations : celle du peuple hébreu (rien que cela !) Dans ses différentes fonctions au service des intérêts sionistes, Benjamin H. Freedman eut l’occasion d’avoir un grand nombre d’entretiens personnels et approfondis avec sept présidents des Etats Unis. Il fut témoin, et même acteur, des manipulations dans la politique internationale et dans les medias. Il fut l’ami personnel de nombreux acteurs politiques -Bernard Baruch, Samuel Untermyer, Woodrow Wilson, Franklin Roosevelt, Joseph Kennedy, John F. Kennedy-. Benjamin Freedman était très riche, étant le principal actionnaire de l’immense compagnie des savons Woodbury et disposait d’un carnet d’adresses exceptionnel : ce sont sans doute les raisons qui l’ont maintenu en vie et parallèlement, les raisons qui l’ont poussé à écrire une série d’ouvrages explosifs. Après la Seconde Guerre mondiale, Freeman écoeuré par ce à quoi il avait assisté, décida de révéler tout ce qu’il pourrait sur le sionisme et ses origines, sujet qu’il connaissait parfaitement, étant lui-même juif et ancien sioniste. Il rompit avec ses idéaux et fonda en 1946 la « Ligue pour la paix et la Justice en Palestine » ; puis passa le reste de sa vie et une grande partie de sa fortune considérable, à lutter contre ce qu’il nommait « la tyrannie sioniste » qui enserrait le monde. Il consacra à cette activité plus de 2 millions et demi de dollars, tirés de son portefeuille personnel. Les faits sont les faits (1ère et 4e de couverture)
Ce n’est pas une théorie du complot mais une réalité prophétique et l’Esprit de prophétie avertit que si nous nous associons à ceux qui combattent contre le Christ, nous en viendrons bientôt à voir les choses sous le même jour qu’eux et nous perdrons notre discernement. Je vous supplie, chers frères, de noter les temps difficiles dans lesquels nous vivons et de tenir compte des avertissements que Dieu nous a si gracieusement donnés par l’Esprit de prophétie. Le but de la conférence était de montrer que l’Israël littéral (à la fois physiquement et théologiquement) ne peut en aucun cas représenter «l’Israël spirituel» de la Bible et que toute gymnastique théologique contraire ne peut nier ce fait. En effet, c’est la position adventiste et elle est contraire à la plupart des opinions théologiques modernes détenues par d’autres évangéliques. Mon but n’était pas d’attaquer les Juifs mais de défendre la position adventiste. Par nécessité, la position adventiste crée la controverse car elle se situe en juxtaposition avec toutes les autres opinions. Je souhaite sincèrement que tous les peuples, y compris les Juifs, acceptent la position adventiste qui glorifie le Christ et l’établit fermement comme Sauveur et Souverain de «l’Israël de Dieu». Walter Veith
The Inter-European Division’s Administrative Committee was profoundly disturbed by the contents of your presentation at the Seventh-day Adventist Church of Nurnberg-Marienberg in Germany, on October 20, 2012. The committee does not take lightly what you said for it is absolutely inappropriate to speak words like « yellow piece of clothing » and others in connection with the Jewish past. This is not the way we should speak about the Jews in the Seventh-day Adventist church. These comments have hurt people. I have personally tried on a few occasions to contact you by phone and e-mail to discuss this matter with you. However, I did not get a response from you. The committee acknowledges your apology concerning some of the expressions you used in association with the Jewish people. Understanding that, this is of the highest importance the committee asks you that you meet with the Inter-European Division’s officers during your next trip to our territories, so that we get some clarification on this issue and also about your theories regarding Freemasons and Jesuits amongst other topics. Bruno Vertallier (President of the SDA Inter-European Division)
Le public de Veith est déjà bien préparé pour entendre son message de conspiration catholique diabolique. Ses affirmations incroyables sur les stratagèmes des francs-maçons et les conspirations politiques derrière chaque événement mondial majeur ne font aucun doute pour beaucoup de ceux qui assistent à ses conférences parce que ce ne sont que des fioritures improvisées sur un thème bien établi qui pour la plupart des Adventistes est au-delà de toute question ou de révision. Beaucoup d’Adventistes apprennent à penser comme Veith dès leur plus jeune âge. Et les jeunes Adventistes sont très vulnérables aux théories du complot de Veith parce que c’est en fait l’enseignement officiel de l’église que la bonne façon de lire la littérature apocalyptique biblique est de parcourir ses pages pour une connaissance détaillée et ésotérique de la façon dont les événements de la fin vont se dérouler – et de se tourner ensuite vers les derniers titres de l’actualité pour confirmer la preuve des « signes des temps », dont la compréhension pourrait également confirmer son élection comme faisant partie du vrai « reste » de Dieu. (…) Comprendre Walter Veith ne nécessite aucune théorie du complot. Ce qu’il faut, c’est une compréhension plus profonde des expressions fondamentalistes de l’identité apocalyptique adventiste près de deux siècles après leur formulation originale. Ron Osborn

Obsession du rôle supposé des Jésuites et Francs-maçons dans le génocide juif,  allusions péjoratives aux Juifs telles que « petit tissu jaune » ou « troupeau », reprise des thèses du juif américain apostat et antisémite notoire Benjamin Freedman, idéologie  supersessioniste, thèses créationistes Mandela et Stalin présentés comme frères spirituels du même club contrôlé par Rome, Francs-maçons envoyés sur la lune par Rome à la recherche de la technologie perdue des anté-déluviens, conseils diététiques,  sosie de Saddam lynché  en 2003 après sa mort en 1999, pléthore de plus de 6,000 vidéos, déluge d’images ou de gros titres de journaux présentés à toute vitesse,  avec une autorité et une condescension professorale, décryptage d’images, de symboles ou gestes phalliques ou sataniques, personnages, dates, lieux ou sources souvent non identifiés, performance mesmérique, attentats du 11 septembre attribués à Bush et à la CIA, islam présenté comme création secrète du Vatican, références philosophiques,  Illuminati eux aussi contrôlés par Rome dont  Marx, Rhodes, Carnegie,  Churchill, Hoover,  Kissinger,  Reagan,  Peres, Arafat, les Bush, Ted Kennedy, Greenspan, Hilary Clinton, Carter, Saddam, Holbrooke, Gore,  Blair,  Mandela…

A l’heure où triomphent …

Sur fond, entre théorie critique de la race et idéologie trans, d’incroyables dérives dites progressistes …

Et de programmes d’intelligence artificielle devenus les nouvelles Pythies de notre temps …

Tant la désinformation de nos médias et gouvernants

Que celle de nos réseaux sociaux

Devinez pourquoi …

Au-delà, à partir de citations du Talmud décontextualisées et  d’interprétations indues de textes bibliques, d’un antijudaïsme d’un autre temps …

L’évangélisme complotiste à la Walter Veith est si populaire …

Pour les personnes biberonnées dès leur naissance à la lecture apocalyptique de la Bible…

Comme de l’actualité comme « signes des temps » …

Et de leur propre appartenance au véritable « reste » de la fin des temps ?

The Dark Fantasy World of Walter Veith
Ron Osborn
Spectrum magazine
October 31, 2011

The name of Walter Veith may be unknown to many Spectrum readers but according to Veith’s own website it is well known to thousands of people around the globe. Veith is a “world renowned scientist, author, and lecturer,” WalterVeith.org reports. He is “deeply interested in the ecological deterioration of our planet” and speaks “to standing-room-only crowds around the world on his findings in archaeology, history, Bible prophecy, secret societies, and political intrigue.” What precisely qualifies Veith as a “world renowned scientist” and author is difficult to say from the four published titles that appear under his name on Amazon.com. His bestselling work Amazon indicates is a self-published 2002 tome of over 500 pages entitled Truth Matters: Escaping the Labyrinth of Error, which at last check had not received a single customer review. One of the most comprehensive online archives of peer-reviewed journal articles, JSTOR, does not show a single peer-reviewed article—scientific or otherwise—published in Veith’s name. But Veith’s primary mode of communication is not the printed but rather the spoken word. For anyone desiring to enter the dark fantasy world of Walter Veith—a universe that seamlessly blends nutritional advice and traditional Adventist apocalyptic beliefs with Veith’s own idiosyncratic, surreal, and sinister conspiracy theories—the portal is any computer with an internet connection.

Veith is a South African Seventh-day Adventist who was born in 1949 and was at one time chair of zoology at the University of the Western Cape. He was also at one time by his own telling a committed atheist who underwent a dramatic conversion. He now leads an independent evangelistic and itinerate speaking ministry based out of British Columbia entitled “Amazing Discoveries.” A Google Videos search for “Walter Veith” returns nearly 6,000 films. Veith’s most watched video of all time is “Saddam Hussein Dead Since 1999,” which has had nearly a quarter of a million views since it was posted on Youtube in June 2007. (By comparison, the most watched YouTube video of Ted Wilson, the first 10 minutes of his inaugural sermon as GC president in Atlanta, has had fewer than 20,000 views since it was posted by AYA Ministries in July 2010.)

“Saddam Hussein Dead Since 1999” is a ten-minute excerpt from a nearly two-hour lecture, “A New World Order,” originally filmed in 2004, which in turn is a single episode from a 36-part DVD lecture series entitled Total Onslaught that Veith sells on his website for $260, copies available in English, Spanish, and Russian.

In the lecture, the zoologist turned religious entrepreneur makes heavy use of crude but effective Powerpoint images, which he flashes at his audience with breathtaking speed as he unfolds the diabolical forces at work behind the daily news headlines (or the headlines of the parched newspapers he has kept on file dating back to the 1980s as the case may be). The “total onslaught” of demonic spirits acting through their human minions—virtually all of the world’s political and religious leaders—is in fact not so much behind these news clippings as it is transparently visible on their surface, self-evidently clear for those who have the secret knowledge necessary to decode the signs of the times. Veith does not analyze texts or images but rather dispatches them in tones of great authority and with an air of professorial condescension toward the somewhat bewildered looking people we catch occasional glimpses of in his audience.

Queue image of upside down European identity card. “What do you see?,” Veith demands, scrolling a cursor over what to this uninitiated viewer’s eyes is nothing more than an abstract pattern. The question is rhetorical, however, with Veith leaving no time for guesses. “You see the goat of Mendes,” he proclaims. “The horns are slightly modified to give another symbolism of the seat of the earth, but the inner facial features of the goat are very clearly discernible.” Veith then highlights another nebulous cluster of shapes on the card. “What these mean over here,” he says with a hint of deviousness, “I would rather not say.” The scales at last fall from one’s eyes. The shapes are surely phallic. How could anyone think otherwise? Or how could one think otherwise after being exposed to Veith’s not so subtle insinuation? Such is the power of suggestion.

But there is no time to linger on the goat of Mendes or to ponder why the European Union would think it vital to place such satanic symbolism on the otherwise numbingly dull documents of modern state bureaucracy. Veith is already on to the next slide, an image of former German Chancellor Schröder shaking hands in a business-like way with an unidentified man on an unidentified occasion at an unidentified date (he is in fact Helmut Kohl). “That is a Masonic handshake,” Veith declares, “signifying the new Mason is taking over where the old Mason is leaving.” It seems the diabolical secret of Masonic handshakes when compared with others is that they are actually just ordinary handshakes—which would, of course, be the most cunning disguise of all.

Veith quickly moves on to a set of images showing Bill Clinton and Vladimir Putin pointing with their index fingers toward other political leaders as they pose for photographs. This is also a Masonic gesture Veith informs his audience, something he refers to as “fingering.” “They are all showing that they are part of the same system.” Next slide. Veith has moved from the alleged goat of Mendes to Schröder’s alleged Masonic handshake to Clinton’s and Putin’s Masonic “fingering” to Russia’s adoption of the symbol of the double-headed eagle (the mark of its satanic allegiance to Freemasonry) in the span of less than one minute. His lecture has just begun. He will maintain this pace for the next hour and a half.

Veith, it goes without saying, is trading in a world of fantasy and myth that has considerably less logic than a Dan Brown novel and a great deal more creepiness. There is, however, something mesmeric in his performance. If nothing else, he knows how to play the chords of apocalyptic menace with a campy but bravura showmanship. And he seems to know exactly what he is doing. Veith repeatedly states in his performances that he is not telling his listeners what to believe but is simply presenting them with the “facts” so that they can make informed judgments for themselves. But these claims are also simply part of the show. Veith is by every indication a religious confidence man who has carved out his own niche market by convincing sadly credulous listeners to suspend their critical judgment just long enough to become convinced that what he is saying is not only entirely plausible but is in fact the very height of reason.

Who was responsible for plotting the terrorist attacks of September 11, 2001? George W. Bush and the CIA. What made the Twin Towers fall? They were brought down not by the airplanes but by explosives previously planted by the CIA in the buildings. What was the actual fate of Saddam Hussein? He died in 1999—it was his body double that was hung in 2003. What is the truth behind Islam? It is a secret creation of the Roman Catholic Church, invented by the Vatican and planted in the Middle East to stamp out the last remnants of non-Catholic “true” Christianity. “They are only playing the game of Hegelian idealism, thesis and antithesis,” Veith explains with pseudo-philosophical profundity, “but behind the scenes they all belong to the same club.”

The “club”—a term Veith uses often in his lectures—is interchangeably the Freemasons and the Catholic papacy. The extent of the Catholic Church’s diabolical control of world events through the tireless plotting of its puppets, the secret societies, is truly astounding. The ranks of the Illuminati, secretly and tirelessly working in consort across the ages toward the goal of one world government controlled by Rome, includes: Karl Marx, Cecil Rhodes, Andrew Carnegie, Winston Churchill, J. Edgar Hoover, Henry Kissinger, Ronald Reagan, Shimon Peres, Yassir Arafat, both George Bushes, Ted Kennedy, Alan Greenspan (part of the Illuminati’s “Committee of 300”), Hilary Clinton (a “6th Grand Dame,” according to Veith), Jimmy Carter, Saddam Hussein, Richard Holbrooke (a “thirty-three degree Freemason”), Al Gore, Tony Blair, and Nelson Mandela.

Veith does not discuss his sources for these fantastical claims. He simply declares at one point in this role call of the Illuminati’s greatest hits that the information can be found “on a website” (the address is included at the bottom of one of his slides but it is in a font too small to make out from the video).

The fact that Veith has been able to gain a hearing peddling in such ideas might be baffling to many. It is, though, not so difficult to grasp. To become a fellow traveler with Veith is to become the partaker of a profound secret wisdom, which the rest of the world is either too ignorant or too wicked to comprehend. But those who will just journey with him for these “amazing” 36 DVDs will discover at the end of the journey that it is not the rich, the powerful, or the well-educated, but rather they along with Veith who are the real Chosen Ones—the elect few who through their initiation into secret knowledge of end-time events will somehow escape this veil of corruption while the rest of the world burns. The Gospel according to Walter is nothing other than a 21st century Gnostic revivalism.

The great irony is that Veith himself is well educated and—at least judging from the slick packaging and merchandising of hundreds of his lectures in multiple languages—doing well from the power he exercises in the Adventist circles in which he operates. There is a Facebook page devoted to Veith that includes nearly 4,000 fans, the majority seemingly young adults of the Seventh-day Adventist church. His acolytes frequent the Generation of Youth for Christ (GYC) annual conferences. Herein lies an important fact. Veith’s audiences are already well primed to hear his message of diabolical Catholic conspiracy. His incredible claims about the schemes of the Freemasons and the political conspiracies behind every major world event go without question by many who attend his talks because they are merely improvisational flourishes on a well-established theme that for most Adventists is beyond question or revision.

Many Adventists are taught to think like Veith from an early age. And Adventist young people are highly vulnerable to Veith’s conspiracy theories because it is in fact official church teaching that the correct way to read Biblical apocalyptic literature is to scour its pages for detailed and esoteric knowledge of how final events will unfold—and to then turn to the latest news headlines for confirming evidence of the “signs of the times,” the understanding of which might also confirm one’s election as part of God’s true “remnant.”

CONSPIRACY CREATIONISM

Many Adventists also give Veith a free pass in his handling of historical evidence because they are pleased by what he has to tell them about the evidences of science. In addition to his lectures on the conspiracies of the Illuminati and the Catholic Church, Veith is a popular speaker on some Adventist circuits as an apologist for young earth creationism. Any Adventist theologian or scientist publicly expressing views on creation similar to rigorous and sober evangelical scholars like John Stott, Alister McGrath, John Walton, and Nancey Murphy today stands to be denounced as an “infidel” Adventist and “Seventh-day Darwinian” by high-ranking church officials. Meanwhile, any and every incredible claim about the creation is now apparently deemed theologically acceptable by church leaders (judging from their conspicuous silence when confronted by figures like Veith) provided only that it is a fundamentalist one.

On May 19 and 20, 2011, Veith delivered two lectures at La Sierra University at the invitation of a student group, the “Sci-Fai” Club (formed by student Louie Bishop to agitate for strictly fundamentalist readings of Genesis and “scientific” creationism in the classroom). Veith’s visit was reported as a significant event by one fundamentalist lay Adventist website, EducateTruth.com. Amid fulsome praise for Veith’s ideas, a few commenters on the site raised concerns about Veith’s conspiracy theories. Site operator Shane Hilde quickly intervened to steer the conversation away from these questions. “Veith lectures on many topics, a lot of which are considered controversial,” Hilde wrote, “however, let’s only focus on his lectures regarding science and creation. This forum is not intended to be grounds for discussing the plethora of topics he has covered.”

Yet Veith’s handling of the evidences of history is directly relevant to his credibility as a creationist claiming to speak with authority and integrity about the evidences of natural science. And Veith’s reasoning is not of a radically different kind when he is dealing with scientific problems. Whether discussing evolution or the Illuminati, he is blithely unconcerned with the actual weight of the evidence. His interest is in data mining for anomalous or puzzling facts that can be amplified in a sensational way to confirm for his followers what they think they already know. In answer to a question from an audience member at La Sierra about his views on “amalgamation,” Veith made clear that his conspiracy theories and his “scientific” creationism are in fact deeply intertwined.

“Do you think the antideluvian world with its tremendous brain capacity was not as advanced as we are?” Veith asked (without waiting for any replies). After suggesting that the myth of the lost city of Atlantis is evidence for a hyper-advanced pre-flood civilization fully capable of conducting genetics experiments to blend human and animal DNA, Veith continued (from 6:40 here):

There are some that say that this great race to go to the moon and to discover what is on the moon and on the other side is perhaps a race to pick up some of the lost technology of the antideluvians, because if we could get there they surely got there. Maybe there’s something there. And it’s fascinating to me that in the space race it’s only the esoterics [sic] that take part. You have to be a high-ranking Freemason or a high-ranking Mormon in order to go to space. So there are all kinds of circumstantial evidences. Yes, I believe there was amalgamation and I believe that God destroyed that amalgamation and eventually he will destroy it again.

The harm done to Adventism’s name by such unscrupulous conspiracy evangelism and “scientific” creationism might tempt one to offer an elaborate counter-conspiracy theory (“thesis and antithesis”) to explain Veith himself. What better way for the secret societies to disorient Adventists and discredit the Adventist church, after all, than to dispatch someone like Veith expounding in Adventism’s name about how Nelson Mandela and Joseph Stalin are spiritual brothers in the same “club” controlled by Rome? Or how the Freemasons working at the bidding of Rome may well have journeyed to the moon in the 1960s in search of the lost technology of the antideluvians, since the pre-flood civilization of the days of Noah “surely got there” first? Is it really just a coincidence that “Veith” is the Germanized name for Vitus, who was one of the Fourteen Holy Helpers of the Roman Catholic Church and who also happens to be the patron saint of actors?

But of course the only sane answer to this question is, yes, it really is just a coincidence. To understand Walter Veith requires no conspiracy theory. What it does require is deeper understanding of fundamentalist expressions of Adventist apocalyptic identity nearly two centuries after their original formulation. It also requires, it seems to this observer, some theological discernment of the meaning of Christ’s words in the Gospel of Matthew: “Beware of the false prophets, who come to you in sheep’s clothing, but inwardly are ravenous wolves.”

Voir aussi:

Under Investigation for Antisemitism, Walter Veith Banned in Churches by European Adventist Leaders

Spectrum magazine

December 5, 2012

Walter Veith, a speaker for Amazing Discoveries™,* is under investigation by the German government regarding allegations of antisemitism and incitement of popular hatred [Volksverhetzung].

Because it is not clear who complained, Walter Veith has falsely lashed out at Spectrum and another independent Adventist magazine in Germany, EANN, edited by the former Euro-Africa Division communication director. EANN published an article, « Veith’s dangerous game with the Jewish question – a disturbing fact-check » on Veith’s talk titled « King of the North-Part 2. » In it Veith, a noted conspiracy theorist, mixed interpretations of the Bible with theories about Jesuit and Masonic roles in the Holocaust, offensive language about « little yellow cloth » and « herding » of Jews and a positive citation of Benjamin Freedman, a « professional antisemite » according to the Anti-Defemation League.

Not only has this drawn the attention of the authorities, but both German Unions and the Inter-European Division have issued statements prohibiting Veith from speaking in Adventist churches.

This has only played into Veith’s persecution complex as his public comments includes lists of Ellen White comments showing that this « violent opposition » of him is a sign of the last days. In a letter to the German Unions, Veith has appealed to his South African history as a campaigner against racism, credited the offense to his sloppy German while also doubling-down on his dualist worldview:

This is not a conspiracy theory but a prophetic reality and the Spirit of Prophecy warns that if we associate with those who war against Christ we will soon come to see matters in the same light as they and lose our discernment. I plead with you dear brethren to note the serious times we are living in and heed the warnings that God has so graciously given us through the Spirit of Prophecy.

The purpose of the lecture was to show that literal Israel (both physically and theologically) can in no way represent the ‘Spiritual Israel’ of the Bible and that any theological gymnastics to the contrary cannot negate this fact. Indeed this is the Advent position and stands contrary to most modern theological views held by other evangelicals. My purpose was not to attack the Jews but to defend the Advent position. Of necessity the Advent position will create controversy as it stands in juxtaposition to all other views. It is my sincere wish that that all people, including the Jews, will accept the Advent position which glorifies Christ and firmly establishes Him as Saviour and Ruler of the ‘Israel of God’.

Even in his apology, Veith shows the underlying anti-Jewish supersessionist idealogy that drives his conspiratorial gloss on Adventist theology. In mid-November, Adventist leaders in Germany, Switzerland and Austria issued the following statement (translated from the German):

We dissociate from such statements and conspiracy. . . Here is a speculative worldview, there is no basis in the Bible and it distracts from the real purpose of the gospel. Moreover, that the manner of the presentation is not an ethically justifiable way of dealing with other religions. The Adventist departments and communities are encouraged to ensure that such events take place neither in our name nor in our premises.

In a November 30 letter cc’ed to Ted Wilson, Bruno Vertallier, President of the Inter-European Division wrote the following:

The Inter-European Division’s Administrative Committee was profoundly disturbed by the contents of your presentation at the Seventh-day Adventist Church of Nurnberg-Marienberg in Germany, on October 20, 2012. The committee does not take lightly what you said for it is absolutely inappropriate to speak words like « yellow piece of clothing » and others in connection with the Jewish past. This is not the way we should speak about the Jews in the Seventh-day Adventist church. These comments have hurt people. I have personally tried on a few occasions to contact you by phone and e-mail to discuss this matter with you. However, I did not get a response from you. The committee acknowledges your apology concerning some of the expressions you used in association with the Jewish people. Understanding that, this is of the highest importance the committee asks you that you meet with the Inter-European Division’s officers during your next trip to our territories, so that we get some clarification on this issue and also about your theories regarding Freemasons and Jesuits amongst other topics.

Last year, in a Spectrum article that holds the record for comments—1383—Ron Osborn explored « The Dark Fantasy World of Walter Veith: »

The harm done to Adventism’s name by such unscrupulous conspiracy evangelism and “scientific” creationism might tempt one to offer an elaborate counter-conspiracy theory (“thesis and antithesis”) to explain Veith himself. What better way for the secret societies to disorient Adventists and discredit the Adventist church, after all, than to dispatch someone like Veith expounding in Adventism’s name about how Nelson Mandela and Joseph Stalin are spiritual brothers in the same “club” controlled by Rome? Or how the Freemasons working at the bidding of Rome may well have journeyed to the moon in the 1960s in search of the lost technology of the antideluvians, since the pre-flood civilization of the days of Noah “surely got there” first?  Is it really just a coincidence that “Veith” is the Germanized name for Vitus, who was one of the Fourteen Holy Helpers of the Roman Catholic Church and who also happens to be the patron saint of actors?

Image: Walter Veith doing a talk sponsored by the Beaumont Seventh-day Adventist church and presented at the Loma Linda Filipino church in 2011.

*This story was updated to reflect Walter Veith’s connection to Amazing Discoveries™, a media company that works closely with Walter Veith and a few other speakers to promote their presentations.

Voir également:

Intelligence artificielle. Un journal allemand demande à ChatGPT comment régler la guerre en UkraineLa “Berliner Zeitung” a fait appel au logiciel conversationnel pour trouver une solution permettant de rétablir la paix en Europe. Elle lui a notamment demandé d’écrire un accord de paix équilibré, placé sous le signe du compromis. Sans préciser les raisons d’une telle expérience.Courrier international11 avril 2023“L’intelligence artificielle peut-elle aider à résoudre la guerre en Ukraine ?” La Berliner Zeitung est partie de ce postulat et a demandé à ChatGPT de régler le conflit entre Moscou et Kiev. Le logiciel d’intelligence artificielle de la start-up américaine OpenAI “a donc écrit des lettres [aux présidents russe et ukrainien] Poutine et Zelensky et élaboré une proposition d’accord de paix”, assure le titre berlinois, dont l’un des dirigeants a signé une pétition demandant l’arrêt des livraisons d’armes en Ukraine par l’Allemagne. Le média n’a pas précisé les motivations qui l’ont poussé à se livrer à cette expérience.L’agent conversationnel devait, selon les indications du journal, demander aux deux camps de faire des compromis. Mais il avait aussi pour instruction de “parvenir à une situation aussi stable que possible, afin d’éviter toute résurgence du conflit”. Concernant le traité de paix, le programme d’intelligence artificielle devait endosser “le rôle neutre de meneur des négociations”. Les lettres écrites aux dirigeants ukrainien et russe devaient quant à elles imiter le style du gouvernement allemand.Statut spécial pour Donetsk et LouhanskMême s’il paraît aujourd’hui difficilement réalisable, l’accord de paix écrit par ChatGPT est sans doute le plus intéressant des documents générés par le logiciel. Il propose, entre autres, la mise en place d’un “cessez-le-feu immédiat et durable”, incluant le retrait des troupes vers “leurs positions d’avant le début de la guerre, en février 2022”.La Russie et l’Ukraine devraient, toujours selon le document élaboré par le logiciel, accepter la création d’“une zone démilitarisée le long de l’actuelle ligne de front”. Celle-ci pourrait être déterminée par un comité d’experts indépendants ainsi que par des représentants russes et ukrainiens, et elle pourrait rester sous la surveillance d’organisations internationales.Les régions de Donetsk et Louhansk, intégrées fin 2022 à la Fédération de Russie après des référendums non reconnus par les Occidentaux, devraient quant à elles demeurer ukrainiennes, tranche ChatGPT. Mais avec “un statut autonome particulier”, et à la condition que l’Ukraine s’engage à “respecter et défendre les droits des populations russophones dans ces régions”.La proposition du logiciel inclut des dispositions pour la reconstruction de l’Ukraine et pour la “normalisation des relations” entre les Russes et les Ukrainiens. Mais elle plaide surtout pour une reprise des discussions diplomatiques, afin de “favoriser le retour de la paix en Europe”.La rédaction de la Berliner Zeitung n’a pas précisé sa position vis-à-vis des documents produits par ChatGPT, se contentant de relayer les réponses de l’intelligence artificielle.

Les Gnostiques, libertaires de l’absolu
Jacques Lacarrière
Revue Planète

Si Basilide, Valentin ou Carpocrate revenaient parmi nous aujourd’hui, trouveraient-ils le
monde tellement changé ? Ils constateraient sans nul doute que le Mal – selon eux – n’a pas régressé.
Dormons-nous depuis des millénaires ? Vivons-nous dans un univers de mirages où le réel
n’est que le reflet d’un monde lui-même illusoire ? Et ce que nous appelons conscience n’est-elle pas en fait une inconscience, impuissante à rendre compte de notre condition ? Bref, vivons-nous vraiment ou sommes-nous pris dans un piège cosmique, une énorme machination qui a vicié nos corps, nos pensées, notre histoire pour nous interdire d’être vraiment des hommes ?
Ces questions, je les formule ici de façon schématique mais c’est bien en ces termes — parfois même d’une façon plus radicale encore — que les posèrent il. y a huit siècles quelques hommes appelés Gnostiques. Si leur histoire est méconnue, ce n’est pas seulement parce que leurs écrits, condamnés et brûlés par les Chrétiens sont aujourd’hui presque entièrement perdus. C’est aussi parce qu’il était dans la nature des questions qu’ils posèrent à l’énigme du monde qu’elles demeurent clandestines et secrètes. A seule fin de pouvoir survivre dans un temps où le christianisme vainqueur ne pouvait tolérer qu’on mit en doute ses propres dogmes et pourchassait les, maîtres et les communautés gnostiques comme autant de foyers d’hérésie.

Qu’est-ce donc qu’un gnostique ? Au sens large, c’est un homme qui sait. Gnostique vient du grec gnôsis, connaissance. Mais ce terme prit un sens plus particulier pour désigner un certain nombre de penseurs et de sectes qui, dès l’aube de notre ère, vécurent et enseignèrent en Egypte et dans le Proche-Orient. Le mot vient d’ailleurs des Chrétiens. Ce sont les auteurs chrétiens, les Pères de l’Eglise notamment, qui, par dérision, appelèrent Gnostiques ces hommes qui prétendaient détenir la véritable connaissance des mystères de la vie et du monde et rejetaient une grande partie de la prédication chrétienne. Car, le gnosticisme, malgré des emprunts évidents à certaines doctrines de son temps, fut avant tout une attitude originale, une pensée mutante, une réflexion inquisitrice et neuve sur le destin de l’homme et de la nature de l’univers. En quoi consistait-elle ?

Un seul problème domine la réflexion gnostique : celui du mal. Mais d’emblée il prend avec
elle des dimensions inusitées. Le mal, pour le Gnostique, ce n’est pas le péché, ce n’est pas la condition de l’homme après la chute. C’est l’homme tout entier, l’univers, la matière, la chair, la pensée, la terre, les lois et les institutions, l’histoire, le temps, l’espace lui-même où nous vivons. C’est ce monde fait de matière, soumis aux contraintes de la pesanteur, de l’obscurité, du froid, de l’inertie et de la mort. C’est le tissu de l’univers — des atomes aux étoiles — pollué par la matière comme une mer sans fin où l’homme est enlisé. Et c’est avec la matière, ce qui en procède, en émane : la psyché, la pseudo conscience, frappée comme le corps des mêmes insuffisances, qui se heurte aux prisons des concepts, aux chimères du langage, aux catégories du mental inhérentes à sa finitude. Et c’est, au-delà de ces données premières, les produits de l’intellect humain, les systèmes, les lois, toutes les institutions qui ne sont là, en définitive, que pour consolider, armer et perpétuer l’injustice et la perversité innées de l’homme. Tout porte ainsi, dans le corps, dans l’âme et dans l’histoire, la marque de ce vice congénital de l’univers : la misère, la souffrance, la maladie, la mort, les guerres, les génocides, les inquisitions et le néant évident qui clôt le cycle des échecs. Le temps lui-même n’est qu’un produit de la matière maudite, le temps qui ne propose à son dépassement qu’une fausse éternité et nous enchaîne à l’éphémère : la croyance à l’histoire, au progrès eut semblé aux Gnostiques la pire des impostures. Le ciel lui-même, malgré son apparence infinie, éternelle, n’échappe pas à la loi de la servitude et de la corruption : le feu des étoiles s’éteindra dans la nuit cosmique, et l’espace étendra à jamais sur notre planète stérile cette muraille d’ombre, ce couvercle de ténèbres qui déjà ce nous enserre. Le ciel qui dépose lentement la sur la terre, à la façon d’une rouille céleste, la substance apesantie, opaque, inerte du les cosmos. « L’angoisse et la misère accompagne l’existence comme la rouille couvre le ce fer » dit Basilide, un des maîtres gnostiques. Telle est la première vision proposée à notre lucidité : celle d’un abîme obscur, séparé du de feu primordial par toute l’épaisseur des espaces infinis et qui emprisonne notre terre, astre moribond, épave engloutie dans l’abysse céleste.

Le vrai et le faux Dieu

D’où est née cette vision déprimante ? Pourquoi cette attention, portée au mal, à la misère, et cette obsession de la mort ? Cette attitude pourrait paraître inexplicable si elle n’était qu’une pure spéculation intellectuelle. Mais en réalité, elle procède d’un sentiment, d’une certitude : celui, celle des évidentes imperfections de l’homme, du caractère fini, limité, fragmenté, éphémère de sa chair et de ses pensées.

Mais elle implique aussi une exigence, une revendication : celles d’un homme différent, libéré, nanti d’une conscience véritable. Quiconque n’a jamais éprouvé en lui ce sentiment, cette angoisse devant l’éphémère, le relatif, quiconque accepte sans le moindre sursaut de révolte la mort de toute vie — celle d’un insecte comme celle de l’homme – ne peut comprendre l’angoisse existentielle des Gnostiques.

Et c’est pour y répondre – peut-être aussi pour l’apaiser – que quelques-uns d’entre eux
conçurent, pour expliquer l’inexplicable et combattre l’inadmissible, un enseignement radical, qui devait tant scandaliser leurs contemporains. Cet enseignement repose sur un constat fort simple : l’évidence du mal. Cette évidence en implique une autre, plus nette encore : ce monde mauvais ne peut être l’oeuvre de Dieu. C’est en réfléchissant sur la Bible et surtout sur la Genèse que les premiers Gnostiques furent amenés à poser ce principe émancipateur, qui les exclut de toute communauté chrétienne et les rejeta en marge de toutes les églises : Jehovah-Yahweh-Elohim, le dieu créateur de l’Ancien Testament, est en réalité un faux dieu, un simple démiurge qui a usurpé la fonction créatrice du Dieu suprême. Apprenti sorcier des astres et de la vie, il a mis au monde une créature imparfaite — l’homme — un univers soumis à la corruption et à la mort, Il a créé une oeuvre manquée. La preuve en est qu’à tout moment, il doit intervenir dans cette création malheureuse pour la modifier, la corriger, l’améliorer. Il doit sévir aussi contre les initiatives de l’homme, contraint de se « débrouiller » comme il peut dans un monde inadapté à ses besoins. Rien d’étonnant que toute l’histoire humaine, telle que la relate la Bible, ne soit qu’une suite de meurtres, de génocides, d’interventions répressives du faux-Dieu, de déluges, d’exterminations, de foudroiements, et pour finir, d’apocalypses.

Rien d’étonnant non plus à ce que le premier édit, du faux-Dieu, proclamé au temps de l’Eden, soit justement un interdit, un Non scandaleux, arbitraire opposé au désir adamique de connaissance, Seul le Serpent y a vu clair qui d’emblée s’est dressé contre l’interdiction
répressive du démiurge pour transmettre à l’homme – en le faisant mordre au fruit défendu du savoir — une parcelle de la connaissance salvatrice. C’est à lui que nous devons de ne pas vivre entièrement dans les ténèbres de l’ignorance, d’avoir conservée la mémoire de la
trahison primordiale, de l’imposture originelle qu’est notre présence en ce monde, de savoir au fond qui nous sommes et pourquoi nous sommes imparfaits. Ce qui explique que nombre de Gnostiques aient vu dans le Serpent le premier rebelle et le premier sauveur du genre humain, et aussi le premier initié de l’histoire terrestre.

Nous sommes tous des prématurés

Toute la réflexion gnostique part donc de ce postulat : nous sommes les produits d’une
création manquée, le résultat d’une initiative désastreuse d’un démiurge qui s’est pris pour
Dieu et qui continue de tromper le monde qu’il gouverne. Mais les Gnostiques ne se contentèrent pas d’interpréter la Bible dans un sens dualiste — comme le récit d’une fausse
création — ils ont alimenté leurs réflexions de leurs propres spéculations sur cet instant
premier de notre préhistoire céleste. Quelques-uns d’entre eux, comme Basilide et Valentin qui fondèrent à Alexandrie, au cours du second siècle de notre ère, des écoles importantes,
revinrent en détail sur ce moment crucial de la genèse de l’homme et proposèrent leur propre schéma cosmique. Ce schéma comporte de nombreuses variantes mais toutes racontent en définitive une histoire identique : celle de la chute, de l’enlisement progressif de l’homme dans la matière terrestre.

Car l’homme procède d’une image lumineuse et numineuse, jaillie à l’aurore des temps, dans la virginité du cosmos incréé, dans l’esprit du vrai Dieu, aujourd’hui méconnu, oublié, séparé de la terre et de Flemme par les abîmes du ciel, les cercles enflammés des astres et les nappes du temps. Cet Anthropos mentalement conçu, les Eons le perçurent et en furent
éblouis. Qui étaient les Eons ? Des créatures immatérielles, éternelles (aiôn signifie éternel en grec), compagnes du vrai Dieu, des anges donc ou plutôt des archontes, comme les nomment aussi les gnostiques, c’est-à-dire des entités principales, qui aussitôt voulurent reproduire, imiter cette image radieuse de l’homme. Mais, démunis de la parole de vie, ifs ne réussirent à créer qu’un être imparfait lombriforme, qui sous leurs yeux, se mit à vivre d’une existence purement végétative, et à « se tortiller sur le sol comme un ver ». Lombric, ver, amphibien peut-être (un texte gnostique dit curieusement que ce premier Ancêtre « se débattait dans les eaux noires »), l’homme n’était qu’un monstrueux foetus, une triste caricature de l’Anthropos conçu par Dieu. Ce dernier le prit néanmoins en pitié et lui insuffla la parole de vie, pour parfaire l’oeuvre manquée des Eons. L’homme put se dresser sur ses jambes, parachever sa forme anthropienne et parler l’homme bipédus, sapiens et loquens était né.
Telle est, grossièrement résumée, l’histoire de notre origine : nous sommes une sorte de ver
rectifié, un foetus jeté avant terme dans les déserts de l’univers, une créature organiquement et psychiquement prématurée.
Cette histoire ou plutôt ce mythe cauchemardesque ne cessa d’être enrichi par la spéculation gnostique. Il explique en tout cas de façon radicale notre état d’immature: nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes — pour reprendre une image entomologique — que des imagos d’hommes. Ce mythe explique aussi pourquoi – bien que nés prématurément, d’une expérience présomptueuse des Eons accomplie sur une matière vivante encore en gestation — réside en nous une étincelle, un fragment du Feu divin, une émulsion de lumière divine. Cette émulsion, les Gnostiques croyaient l’entrevoir dans le fond de la pupille humaine. C’est là, d’après certains, dans cet abîme obscur, microcosmique, de l’ail, que résidait l’empreinte infime mais perceptible laissée par la splendeur du vrai Dieu. Et l’on peut voir alors, en partant des prémices de ce mythe, en quoi consistait l’enseignement gnostique : à restituer à l’homme sa maturité véritable, sa plénitude inachevée, à le contraindre à naître véritablement au monde, pour effacer les traces de sa première et désastreuse naissance. Tels sont d’ailleurs les deux sens du mot ptôsis : une connaissance (la connaissance de notre véritable histoire, de notre vraie nature) et une naissance (génésis en grec) qui doit faire de nous des êtres enfin adultes.

Mener une contre-vie

Mais l’essentiel de l’aventure gnostique, c’est l’attitude concrète qu’ils adoptèrent à partir de ce schéma mythique. Puisque tout, absolument tout, en ce monde est vicié et porte en soi l’empreinte d’une imposture universelle, l’homme ne pourra échapper aux illusions du monde, atteindre le vrai savoir et retrouver sa vraie nature qu’en prenant en tous points le contre-pied de la création. Tout ce qui peut consolider, perpétuer, accroître le monde matériel ne fait qu’augmenter l’épaisseur des obstacles et la densité des ténèbres qui nous séparent du vrai Dieu. Il faut donc refuser l’emprise de la chair — par l’ascèse ou par la libre pratique des activités érotiques — refuser la procréation (car procréer c’est ajouter une fausse vie à toutes celles qui existent déjà, augmenter la matière du cosmos}, refuser aussi toutes les lois et institutions dont le but avoué ou inavoué est de maintenir, de conserver les structures viciées de ce monde les nations, les états, les églises sont des conceptions limitées, marquées du sceau inhibiteur de la fragmentation qui s’oppose à l’élan unificateur qui seul peut assurer le salut de l’homme en tant qu’espèce. Les premiers, les Gnostiques se sont clairement proclamés des citoyens du monde, des terriens à part entière. Et ils ont magnifié fatalement tous ceux qui, dans l’histoire terrestre et cosmique, se sont dressés contre l’ordre aliénant de cette création : le Serpent, Lucifer, Caïn (qui s’opposa, en tuant son frère Abel à l’ordre familial fondé sur les liens du sang, la véritable famille étant pour l’homme de nature spirituelle), Seth, le troisième fils d’Adam, bref les grands rebelles qui furent les seuls à connaître ou à deviner le vrai Dieu. L’homme est un étranger sur terre, détenteur d’une lumière venue d’ailleurs, il est au monde mais il n’est pas du monde et c’est pourquoi tous ses efforts doivent tendre à fuir les pièges de la chair, les prisons de la terre et la ronde absurde des astres pour retrouver la plénitude originelle et regagner sa patrie perdue.
Reste à savoir comment, dans l’histoire à laquelle ils ne purent échapper, malgré leur refus du temps, les Gnostiques ont exprimé ces convictions. Il est facile de deviner que leur attitude radicale envers le monde, leur affranchissement total, à l’égard de toutes les doctrines et de toutes les morales devaient leur valoir maints déboires et l’hostilité générale de leurs contemporains. Leurs oeuvres elles-mêmes n’échappèrent pas à cette hostilité. La plupart ont toutes disparu, à l’exception d’un petit nombre retrouvé en Egypte. Tout ce qu’on peut savoir de la pensée gnostique repose en grande partie sur les témoignages, toujours agressifs, des Pères de l’église qui dénoncèrent leur hérésie.

Hélène ou la Sagesse venue des cieux

La gnose apparaît dans l’histoire dès les premiers siècles du christianisme, prêchée par un
personnage que mentionnent les Actes des Apôtres du nom de Simon le Mage. On y trouve
déjà les principes essentiels qui la caractérisent : la création du monde est l’oeuvre d’un faux Dieu, le vrai Dieu est inconnu de l’homme, le monde n’est là que pour le séparer de Lui. Pour Simon le Mage, le seul moyen pour l’homme de briser l’illusion du monde et d’atteindre à la plénitude est de vivre librement ses désirs. Le désir, sous toutes ses formes, est la seule part divine qui réside en l’être humain. Il y apparaît sous sa forme physique — par le sang et la semence — et sous sa forme psychique, par ce feu, cette étincelle déposée par Dieu. C’est donc en le développant, en l’intensifiant, en l’exprimant totalement, que l’homme aura des chances de retourner à son origine. L’union des âmes et des corps, voilà pour Simon la gnose et la voie du salut. Lui-même pratiquait l’une et l’autre avec application.
Il parcourait les routes de Samarie et d’Anatolie en compagnie d’une femme du nom d’Hélène, ancienne prostituée découverte dans un bouge de Tyr et qui était, selon lui, la sagesse suprême descendue du ciel, sur la terre. Des disciples ne tardèrent pas à se former autour du couple, vivant en union libre et pratiquant probablement des exercices ascétiques qui leur conférèrent certains pouvoirs. Les Actes des Apôtres mentionnent les « prodiges » que le couple opérait. Les légendes qui circulèrent par la suite sur la mort de Simon le Mage attestent elles aussi la fascination ambiguë exercée par ce personnage — mage ou sage, on ne sait — : il se serait élevé vers le ciel et aurait chu à la suite d’une intervention de l’apôtre Pierre, jaloux de ses pouvoirs.

Mais c’est surtout au siècle suivant, au second siècle donc, que le gnosticisme connut son plein épanouissement. De nombreux maîtres prêchèrent à Alexandrie et les sectes y connurent une floraison inespérée, Basilide, Valentin, Carpocrate sont les trois plus connus d’entre eux. Ils prêchaient et écrivaient en grec et recrutèrent, parmi les milieux hellénisés de la ville, un nombre important de disciples.

Ce qui les caractérise, c’est avant tout leur immense érudition. Ils possèdent à fond les
philosophes grecs, la Bible, les auteurs orientaux, les textes hermétiques. Pour eux, l’histoire de l’humanité est celle des errances de l’homme, c’est une histoire de ténèbres, un devenir aveugle où seuls quelques illuminés perçurent la vérité et l’existence du Dieu caché. C’est pourquoi ils empruntèrent indifféremment aux philosophes grecs comme Platon, Pythagore, Aristote, à des figures mythiques comme Orphée, Prométhée, Hermès ou Seth, à tel ou tel texte d’auteur hermétiste, les éléments de leur vision du monde.

Cette vision s’exprime à travers les mythes étonnants que nous avons décrits mais avec un tel luxe de détails, une telle foule d’Eons, d’archontes, d’entités sublunaires, supralunaires,
cosmiques et hypercosmiques que leur cosmologie apparaît comme une tragédie fantastique et complexe qui aboutit à la naissance prématurée, involontaire de l’homme. Certains auteurs chrétiens se sont gaussés à juste titre du caractère confus, parfois inextricable, de leurs spéculations. Mais derrière ces constructions savantes perce une exigence profonde, un désir intense de saisir, jusque dans ses rouages les plus ténus, le mécanisme de l’erreur primordiale, les raisons de la solitude et de l’angoisse humaines.

Les trois états de l’homme

Et leur implication est nette : il faut briser les lois du monde, refuser de collaborer au devenir d’une matière corrompue, d’un temps vicié dans sa substance, d’un espace contaminé par la présence du faux Dieu. Il faut violer toutes les lois du monde, stopper l’engrenage fatal, démanteler l’édifice organique et mental de l’homme, pour le réveiller de son inertie asphyxiante, de ce sommeil de l’âme au sein duquel il est plongé depuis son origine. Bref, pour reprendre une expression connue, pratiquer un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens, mener, en tous domaines, une contre-vie.
Pour Valentin, les étapes de cette libération passent par trois stades. Le premier est celui de
l’homme matériel, l’homme hylique, attaché aux plaisirs et aux biens de ce monde, qui vit
dans l’inconscience et dont la seule issue possible est le néant. Rivé à la terre, faute d’avoir
acquis en ce monde la conscience de son véritable état, il y retournera inéluctablement à sa
mort.
Le second, c’est celui de l’homme psychique, qui, par la voie des philosophies, de certaines
religions comme le christianisme, et d’une ascèse appropriée s’est dégagé partiellement de la gangue corporelle. Il a acquis un principe pensant, une psyché mais faute de posséder la
gnose, il demeure étranger à la vérité. Cet état est celui des Chrétiens, notamment, dont
l’âme, après la mort, sera contrainte d’errer dans les espaces sublunaires, loin du vrai Dieu.
L’ultime état, c’est celui que seul peut obtenir la gnose, celui de l’homme pneumatique, c’est-à-dire détenteur de l’esprit, du pneuma divin. Il est alors totalement affranchi de tous les liens avec la matière de ce monde, car selon les propres termes de Valentin, il a « tué en lui la mort» et il « est devenu un être indestructible ».

Cette sotériologie rend un son familier. Ces principes, les Gnostiques ne furent pas les seuls à les proclamer et l’on peut retrouver, dans le tantrisme indien, notamment, une attitude très proche. Mais ce qui caractérise l’attitude gnostique et lui confère un sens très particulier, ce sont les méthodes, les techniques libératrices que certains ont prônées pour parvenir à l’état pneumatique. Car le problème est simple et il exige, pour être résolu, un peu de logique et beaucoup de courage. Pour échapper au mal, l’ascèse est. une voie possible mais elle n’est pas la seule.

La voie la plus radicale consiste justement, pour dominer le mal, à en épuiser la substance, à le pratiquer systématiquement pour rendre aux maîtres de ce monde, le tribut qui leur est dû et s’affranchir ainsi de leur tutelle. Idée singulière mais qui repose sur un principe logique, celui d’une ascèse homéopathique : lutter contre le mal avec ses propres armes.
Carpocrate, un gnostique d’Alexandrie, enseigne donc que la libération de l’homme ne peut se faire qu’en violant systématiquement toutes les lois de ce monde. La première, c’est la loi de division, de séparation, de fragmentation qui émiette et multiplie les supports matériels du mal. Il faut vivre en communauté, créer une conscience collective contre l’ennemi commun. La seconde, c’est l’attachement aux biens du monde, l’appropriation de ses richesses qui fragmentent l’unité première et perpétuent l’injustice. Il faut donc refuser la propriété, pratiquer la communauté des biens. La troisième, ce sont les institutions scandaleuses et aliénatrices du mariage, de la famille, de l’Etat, des églises, qui consolident la fragmentation, pétrifient le libre échange, la libre communion des corps et des âmes. Il faut donc pratiquer l’union libre et la communauté des femmes. La dernière enfin — et la plus redoutable — ce sont les interdits qui pèsent sur le sexe — le conditionnement de l’amour, la prohibition de la sodomie, de l’inceste, l’incitation à la procréation qui, toutes, détournent le désir de sa vraie voie. On pratiquera donc l’inceste, la sodomie, le coïtus interruptus pour éviter la fécondation et, en cas « d’accident », l’avortement.

Une orgie gnostique

De tous les enseignements gnostiques, c’est évidemment ce dernier domaine qui devait
provoquer, chez les Chrétiens, la fureur et la consternation. Cette incitation à l’union libre, ce « viol » du mariage, ce refus de l’amour en tant que sentiment et cette exaltation de l’éros en tant que feu divin, bref, cette révolution totale pratiquée sur et par le sexe, devaient conférer à certains gnostiques une réputation qui ne les quittera plus et dont on perçoit aujourd’hui encore, l’écho horrifié dans les ouvrages contemporains. Un certain nombre d’auteurs chrétiens ont apporté en tout cas sur ces pratiques singulières, ces « orgies » scandaleuses, un témoignage assez précis pour qu’on ne puisse douter de leur réalité. L’un d’eux surtout, saint Epiphane, venu à Alexandrie au IV° siècle pour suivre l’enseignement des maîtres chrétiens, tomba, selon ses propres dires, dans les filets d’une secte gnostique. Il nous transmit , ainsi le seul témoignage de visu de ces rites « licencieux », dont il sortit si horrifié qu’il s’empressa d’aller dénoncer la secte à l’évêque d’Alexandrie.
Que vit exactement Epiphane ? « Quand ils se sont bien repus et se sont, si je puis dire.
rempli les veines d’un surplus de puissance, ils passent à la débauche. L’homme quitte sa
place à côté de sa femme et dit, à celle-ci : « Lève-toi et accomplis l’agapè (l’union d’amour)
avec le frère ». Les malheureux se mettent alors à forniquer tous ensemble… Une fois qu’ils
se sont unis, comme si ce crime de prostitution ne leur suffisait pas, ils élèvent vers le ciel leur propre ignominie : l’homme et la femme recueillent dans leur main le sperme de l’homme, s’avancent les yeux au ciel et. leur ignominie dans les mains, l’offrent au Père en disant : « Nous t’offrons ce don, le corps du Christ ». Puis ils mangent et communient avec leur propre sperme. Ils font exactement de même avec les menstrues de la femme. Ils recueillent le sang de son impureté et y communient de la même manière. Mais tout en pratiquant ces promiscuités, ils enseignent qu’il ne faut pas procréer d’enfants. C’est par pure volupté qu’ils pratiquent ces actes honteux. »

Les Gnostiques en question, toutefois, ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Au cours de ces
orgies, des « accidents » sont inévitables. Que se passe-t-il alors ? « Lorsque l’un d’eux a par erreur laissé sa semence pénétrer trop avant et que la femme tombe enceinte, écoutez les horreurs qu’ils commettent. Ils extirpent l’embryon dès qu’ils peuvent le saisir avec les doigts, prennent cet avorton, le pilent dans une sorte de mortier, y mélangent du miel, du poivre, et différents condiments ainsi que des huiles parfumées pour conjurer le dégoût puis ils se réunissent et chacun communie de ses doigts avec cette pâtée d’avorton en terminant par cette prière : « Nous n’avons pas permis à l’Archonte de la volupté de se jouer de nous mais nous avons recueilli l’erreur du frère ». Voilà, à leurs yeux la Pâque parfaite. Mais ils pratiquent encore d’autres abominations. Lorsque, dans leurs réunions, ils entrent en extase, ils barbouillent leurs mains avec la honte de leur sperme, l’étendent partout, et les mains ainsi souillées et le corps entièrement nu, ils prient pour obtenir, par cette action, le libre accès auprès de Dieu ».

Une étrange initiation

C’est là évidemment un mode de prière assez. peu usité. On comprend qu’il ait pu horrifier les Chrétiens mais il mérite tout de même, de notre part, une réflexion., plus objective. Ce
qu’ignore saint Epiphane ou qu’il feint d’ignorer, c’est le sens profond ou second de ces
pratiques, dont certaines tournaient peut-être à l’orgie pure et simple, mais qui ne sont jamais que l’illustration révélatrice par son excès même de l’attitude gnostique devant l’enfer du monde. Derrière cette exaltation forcenée du désir érotique, se profilent les mythes, les archétypes qui les justifient et les fondent. Et on retrouve cette propension typiquement gnostique à inverser toutes les valeurs de ce monde, à vivre une contre-vie, à fonder une contre-histoire en exaltant tes grands rebelles.

D’autres sectes, qui vécurent à la même époque et qui s’appelaient les Ophites, les Pérates,
les Séthiens, pratiquaient le culte du Serpent. Ils élevaient un serpent apprivoisé qu’on
déposait sur les pains destinés à la communion et qui les consacrait par ce seul contact.
D’autres, les Caïnites, voyaient en Caïn le premier initié qui avait tenté de s’opposer aux
commandements du faux Dieu. Ce refus des valeurs et des institutions traditionnelles, certains Gnostiques l’exprimaient parfois sur des terrains moins scandaleux. Les Saccophores, par exemple, allaient vêtus de sacs, le vêtement étant pour eux le signe majeur de l’aliénation sociale. D’autres, les Adamites, se réunissaient nus pour prier. D’autres enfin, les Phibionites, pratiquaient chaque jour l’union sexuelle avec une femme différente. Les Eons dominateurs du monde étant au nombre de 365, d’après leur cosmologie, il fallait rendre à chacun son dû. Au ternie de cette étrange initiation, le postulant devenait un homme pneumatique, désormais délivré de l’emprise de la chair.
On voit que toutes ces voies, aussi surprenantes soient-elles, mènent toutes vers un but
unique et émancipateur : tout connaître, tout éprouver, faire l’expérience totale et absolue de tous les possibles. C’est là sans doute une exigence luciférienne. Mais elle devait conduire les Gnostiques au seuil de vérités jusqu’alors ignorées, leur faire franchir les portes de bien des mondes interdits. C’est en cela peut-être que leur attitude et pleur sensibilité demeurent étonnamment modernes. Car ils furent les premiers à entrevoir qu’aucune émancipation réelle n’est possible, aucune révolution véritablement positive, si elle n’est totalement libertaire, si elle ne lève pas d’abord tous les interdits pesant sur l’homme.

Bibliographie sur les Gnostiques

La plupart des textes gnostiques figurent, en tant qu’extraits, dans les oeuvres des Pères de
l’Eglise des premiers siècles : saint Justin, saint Irénée, saint Hippolyte de Rome et saint
Epiphane de Chypre. Un certain nombre de textes authentiques existent et ont été traduits,
depuis un demi-siècle. La plupart d’entre eux sont reproduits dans les ouvrages cités ici :
• Jean Doresse :
Les livres secrets des Gnostiques d’Egypte
Tome 1 – Introduction à la littérature gnostique.
Tome 2 – Les manuscrits de Nag-Hammadi et l’Evangile de Thomas.
(Plon, 1958-1963).
• H. Leisengang
La gnose (Payot, 1951)
• S. Hutin
Les Gnostiques (Que sais-je ? P.U.F. 1963).
• Robert M. Grant :
La gnose et les origines chrétiennes (Le seuil, 1964).


Environnement: Comme les Aztèques qui tuaient toujours plus de victimes (While climate change turns into cargo cult science, what of our quasi-religious addiction to growth as the rest of the world demands its own American dream and our finite planet eventually runs out of resources ?)

2 mai, 2021

PageCommuniqués de Presse Archives - Page 4 sur 16 - Alternatiba

Socialter N°34 Fin du monde, fin du mois, même combat ? - avril/mai 2019 - POLLEN DIFPOP
Students at the International School of Beijing playing in one of two domes with air-filtration systems for when smog is severeChinese millionaire and philanthropist Chen Guangbiao hands out cans of air during a publicity stunt on a day of heavy air pollution last week at a financial district in Beijing.DIEU EST AMERICAIN
 
Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il y aura de grands tremblements de terre, et, en divers lieux, des pestes et des famines; il y aura des phénomènes terribles, et de grands signes dans le ciel. (…) Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre, il y aura de l’angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots. Jésus (Luc 21: 10-25)
Où est Dieu? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué – vous et moi! Nous tous sommes ses meurtriers! Mais comment avons-nous fait cela? Comment avons-nous pu vider la mer? Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon tout entier? Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
Quand vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, aussi improbable cela soit-il, doit être la vérité. Sherlock Holmes
Ce sont les enjeux ! Pour faire un monde où chaque enfant de Dieu puisse vivre, ou entrer dans l’obscurité, nous devons soit nous aimer l’un l’autre, soit mourir. Lyndon Johnson (1964)
Interdire le DDT a tué plus de personnes qu’Hitler. Personnage d’un roman de  Michael Crichton (State of Fear, 2004)
Dans la mythologie grecque, Prométhée est le titan qui donne le feu aux hommes. Il incarne désormais la civilisation industrielle si décriée par l’écologie politique. Je tente de restituer son bilan en lui offrant un procès équitable. Il ne s’agit pas seulement de rappeler que la société industrielle nous a délivrés de la famine, de l’ignorance, de la maladie, des effets ravageurs des aléas naturels et de la pénibilité. Il convient aussi de liquider le mythe du paradis perdu qui prétend que notre environnement n’a jamais été aussi toxique qu’aujourd’hui. On doit cette fable aux penchants rousseauistes de l’idéologie écologiste : ils reprochent au progrès industriel de souiller notre monde. (…) Ce récit décliniste suggère que les sociétés prémodernes entretenaient avec leur environnement une relation plus harmonieuse. Mais cette nostalgie n’a aucun fondement. Les hommes des cavernes et les villes préindustrielles étaient exposés à des nuisances environnementales bien plus ravageuses que les citadins des métropoles modernes. La pollution et les catastrophes naturelles font plus de victimes dans les pays faiblement industrialisés que dans les nations développées. Enfin, les secondes sont mieux armées que les premières pour affronter le changement climatique. Il serait immoral et contreproductif de renoncer à l’expansion de l’industrialisme. On trahirait les peuples enfermés dans les fléaux écologiques prémodernes en éloignant l’humanité des solutions aux nouveaux défis. (…) La technologie provient toujours de ce que le philosophe Jacques Ellul appelait avec dédain la «passion de l’efficacité». Elle a pour objet d’augmenter notre puissance. La question est de savoir si cette quête de puissance est bienveillante ou non. L’écologie politique l’envisage avec pessimisme. Hans Jonas écrivait que la véritable menace que porte la technologie «ne réside pas tant dans ses moyens de destruction que dans son paisible usage quotidien». On accuse la technique d’augmenter les penchants destructeurs de l’homme. Les tragédies du XXe siècle et l’attention accordée aux nouveaux risques ont renforcé le prestige de cette lecture, quitte encore à sombrer dans la fable du bon sauvage. Pourtant, les travaux de Lawrence Keeley montrent que les guerres préhistoriques étaient plus fréquentes et meurtrières que les conflits modernes. Les Hutus n’ont guère eu besoin de la haute technologie pour décimer les Tutsis. Si l’on revient à l’environnement, les outils rudimentaires des chasseurs-cueilleurs ont suffi à conduire une partie de la mégafaune du Pléistocène à l’extinction tandis que leur mode de vie exigeait des infanticides et des géronticides réguliers. Bien sûr, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse, qui voit dans le progrès technique la condition suffisante du progrès moral, en oubliant la variable culturelle. Mais en l’occurrence, et en dépit des nouveaux risques, le bilan sécuritaire de la modernité est positif, comme en témoigne notre succès évolutif. Il n’appartient qu’à nous de faire en sorte qu’il le demeure en usant de notre puissance pour servir notre espèce et non l’asservir. (…) Déjà au XVIIe siècle, l’humaniste Hugo Grotius constatait que le fondement du commerce mondial résidait dans l’inégale répartition géographique des ressources et des terres fertiles ainsi que l’incapacité des nations à subvenir seules à leurs besoins. En s’inscrivant à contre-courant de la mondialisation, localisme et décroissance constituent un profond désintérêt pour le sort de l’humanité. Des études suggèrent que seul un tiers de l’humanité pourrait se nourrir dans un monde localiste. Faut-il tuer les autres ? Lorsque les écologistes pourfendent le productivisme, veulent diminuer les rendements agricoles, préfèrent les sources d’énergie intermittentes aux énergies abondantes, on peut se demander si l’hécatombe humanitaire n’est pas délibérément recherchée. D’autant que les vertus écologiques de ces propositions sont surestimées. Toutes choses égales par ailleurs, une agriculture aux rendements faibles, c’est plus de déforestation. Le localisme néglige le fait que le transport contribue, en proportion, peu aux pollutions, contrairement à la phase de production. C’est pourquoi il est parfois moins polluant de se procurer une marchandise produite par un industriel étranger qui, pour des raisons géographiques, climatiques, techniques, logistiques ou par le jeu des économies d’échelle, parvient à utiliser moins de ressources pour produire une unité de richesses qu’un producteur local aux méthodes inefficientes. Si chaque ville française produisait sa nourriture localement, le gaspillage exploserait. Enfin, un effondrement du commerce mondial appauvrirait l’humanité, ainsi qu’on l’a vu avec la Covid, ce qui amputerait ses capacités à investir dans des technologies propres, mais coûteuses. Pour verdir notre monde sans renoncer à améliorer le sort de l’humanité, il serait plus vertueux que les pays riches investissent dans la modernisation de leur appareil productif ainsi que dans celui des pays du Sud. (…) L’écologie profonde personnifie la nature sauvage en la plaçant au-dessus de l’homme tandis que l’écologie intégrale, selon les termes du Manifeste de la nouvelle droite publié en 2000, «en appelle au dépassement de l’anthropocentrisme moderne». Certes, elle «ne gomme pas la spécificité de l’homme», mais elle lui dénie tout de même «la place exclusive que lui avaient donnée le christianisme et l’humanisme classique». Ces deux écoles ont en commun de se méfier de la souveraineté que l’homme exerce sur la nature. Cette méfiance est désormais partagée par le Pape. Preuve en est qu’il préfère dénoncer la «démesure anthropocentrique» qui définirait notre époque que souligner les atteintes aux droits de l’homme qui ralentissent le développement des pays du Sud. Le souverain pontife propose d’ailleurs de ralentir le développement, voire d’y renoncer. Ce qui montre que l’humanisme n’est plus sa grille de lecture. Comment ne pas déceler des bribes de paganisme dans un discours qui compte parmi les pauvres notre «Terre opprimée», accuse les hommes de «piller» la nature comme si seule Gaïa était propriétaire des ressources et que nous ne serions plus légitimes à en disposer (comme le font tous les autres êtres vivants à leur humble échelle) ? Je ne parle même pas de l’image figée de la biosphère héritée de l’ère pré-darwinienne qui assimile toute transformation des écosystèmes à une destruction. François taxe enfin d’extrémisme ceux qui, dans le sillage des Lumières, placent leur confiance dans le progrès pour résoudre nos problèmes actuels ! Je vois dans cette inflexion du discours catholique le signe de l’hégémonie d’une écologie misanthrope à qui il faut donner des gages : elle ne définit plus la protection de la nature comme la sauvegarde d’un milieu hospitalier pour l’homme, mais comme la «sanctuarisation» d’un milieu dont il faut l’exclure. Pourtant, les écologistes insistent – à raison – sur le fait que l’homme appartient à la nature ! Sapiens doit visiblement se chercher d’autres alliés. (…) Depuis Platon, la philosophie politique occidentale admet que le but des sociétés réside dans l’allégement de la peine que l’homme s’inflige pour assouvir ses besoins. C’est pourquoi on préfère la Cité à l’ermitage. La réduction du labeur est une aspiration naturelle et universelle. Elle n’a pas attendu l’émergence de la question ouvrière au XIXe siècle pour se manifester. En 1516, le penseur humaniste Thomas More imaginait un monde utopique où 6 heures de travail par jour suffisent pour bien vivre. Et tandis que l’ouvrier occidental moyen devait besogner plus de 3000 heures par an pour s’acheter le niveau de vie du XIXe siècle, il peut désormais travailler 1500 heures par an, soit 4 heures par jour, pour obtenir le confort du XXIe siècle. Le progrès de l’industrie et l’ouverture du commerce permettent de faire mieux que l’utopie de More. Le libéral que je suis ne considère pas le travail comme une fin en soi. Ce n’est que le vulgaire prix à payer pour vivre, assouvir ses besoins et servir ses semblables. Le but du progrès est de réduire ce prix pour tendre vers la perfection (même si nous ne l’atteindrons jamais) que décrivait l’économiste Frédéric Bastiat en son temps : un effort nul pour un gain infini. Ces idéaux ont longtemps été consensuels. Mais le comble est de voir désormais la gauche radicale, naguère favorable au «droit à la paresse», plaider pour assigner l’humanité à la malédiction de Sisyphe : un effort infini pour un gain nul. C’est ainsi qu’il faut interpréter les propositions d’un Nicolas Hulot ou d’un Dominique Bourg. Ce dernier veut reconduire un tiers de la population dans les champs, avec pour seule aide «l’énergie musculaire et animale». Ces délires réactionnaires seraient amusants s’ils n’influençaient pas les responsables «modérés» : nous avons déjà entendu un ministre français plaider pour le retour aux pratiques agricoles de nos grands-parents. (…) Malthus craignait le scénario d’une production de richesses incapable de suivre une croissance démographique exponentielle. En dépit de ses erreurs, l’épouvantail de la surpopulation continue d’être agité par les écologistes, comme en témoignent les cas de Paul Ehrlich, qui envisageait la stérilisation forcée, ou de Pablo Servigne, qui suggère dans son best-seller que nous devons dès maintenant choisir qui doit naître pour ne pas avoir à choisir qui devra mourir demain. Rappelons qu’au temps de Malthus, nous étions un milliard et la misère était la norme. Aujourd’hui, nous sommes 8 milliards et la misère devient l’exception, ce qui infirme les scénarios apocalyptiques que l’on pouvait lire dans les années 70 à travers le rapport au Club de Rome. Ces progrès humanitaires s’expliquent par le fait que les hommes, loin de n’être que des ventres sur pattes, sont d’abord des ouvriers, des ingénieurs et des innovateurs. Ils créent plus qu’ils ne détruisent. Jean Bodin avait raison de souligner dès le XVIe siècle qu’il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de citoyens dans la mesure où il n’y a de richesse que d’hommes. Désormais, le néo-malthusianisme prétend qu’une «surpopulation» d’êtres opulents menace de rendre notre planète toxique. Le raisonnement semble a priori logique. On peut en effet se dire que, toutes choses égales par ailleurs, plus on est, plus on consomme, plus on pollue. Sauf que la variable technologique fait que les choses ne sont jamais égales par ailleurs ! Par exemple, Paris comptait 200 000 âmes en 1328, soit 10 fois moins qu’aujourd’hui. Pourtant, la pollution tuait une proportion de Parisiens plus forte au Moyen Âge qu’au XXIe siècle : une métropole équipée de l’électricité et du traitement des eaux usées bénéficie d’un environnement de meilleure qualité qu’une petite bourgade dépourvue de ces technologies. (…) Le raisonnement vaut pour le changement climatique. Entre 1979 et 2019, grâce au nucléaire et à l’efficacité énergétique, les émissions territoriales françaises de CO2 ont baissé tandis que la population française a gagné 11 millions d’habitants sur la même période et que notre production industrielle est plus élevée en 2019 qu’en 1979 en valeur absolue. Les émissions importées suivront la même trajectoire à mesure que nos partenaires commerciaux obtiendront nos technologies. Or, ainsi que le rappelait l’économiste Julian Simon, une large démographie favorise l’innovation, car elle permet une abondance de bras et de cerveaux brillants. Enfin, le jeu des économies d’échelle fait que les grandes communautés obtiennent plus aisément les technologies propres qui, parce que coûteuses, seraient inaccessibles aux petites communautés. C’est la raison pour laquelle les villes sont mieux équipées que les campagnes en infrastructures essentielles à un environnement sain, comme les réseaux d’égout ou les stations d’épuration. Pour sauver notre habitat, mieux vaut des familles nombreuses composées d’ingénieurs que des zadistes célibataires. D’ailleurs, si l’on regarde les trajectoires démographiques actuelles, la menace qui plane sur nous est plutôt le vieillissement et le déclin démographique de notre espèce. (…) Je dénonce une récurrence étrange chez les écologistes. Les mesures qu’ils proposent contreviennent toujours à la résolution des problèmes qu’ils soulignent, voire les aggravent. On ne peut pas comprendre cette dissonance si on ne la met pas en lien avec les arrière-pensées anticapitalistes de ce mouvement. Je cite dans mon ouvrage d’éminents auteurs écologistes qui redoutent le scénario d’une humanité qui parvient à se doter d’une énergie abondante, fut-elle propre, et qui présentent la pauvreté comme l’horizon souhaitable de notre espèce. Ce qui suffit à prouver leur insincérité. Si le but est de lutter contre le changement climatique en assurant à l’humanité le niveau de vie le plus élevé possible, alors, outre l’efficacité énergétique, il faut que celle-ci cesse de fermer des centrales nucléaires et se convertisse massivement à l’énergie atomique, soit la source d’énergie la plus décarbonée, fiable et efficace à grande échelle. Les centaines de milliards que les pouvoirs publics et le secteur privé des pays développés dilapident dans l’éolien et le solaire doivent être immédiatement réaffectés vers l’atome. Sans cela, toute tentative de décarboner l’électricité mondiale, d’électrifier nos usages, de synthétiser des carburants ou des engrais propres ou d’investir dans la capture du CO₂ sera inefficiente. Plutôt que de culpabiliser les pays émergents, nous devrions porter l’idéal d’une filière nucléaire ambitieuse, capable de frapper à la porte de tous les pays soucieux de se délivrer de la misère et des énergies fossiles. Il ne faut pas non plus oublier l’impératif de l’adaptation, qui montre là encore l’inanité de la post-croissance : la résistance des sociétés face aux aléas naturels augmente avec la richesse. Un Israélien ou un Néerlandais qui peut se procurer des stations pour dessaler l’eau de mer ou un système de protection côtière ultra-sophistiqué contre la montée des eaux est moins vulnérable à la sécheresse et aux inondations qu’un Malgache ou qu’un Bangladais. Une des réponses au changement climatique consiste à nous assurer que ces gains en résilience devancent l’émergence des nouveaux risques. Ce ne sont là que des premières pistes qui méritent d’être approfondies par des entrepreneurs, ingénieurs et scientifiques assez humanistes pour refuser le discours qui feint de s’inquiéter des maux du changement climatique pour assigner les hommes aux fléaux de la misère. Ferghane Azihari
Combien de dirigeants mondiaux, depuis combien de décennies ont vu et su ce qui vient, mais ont décidé qu’il était politiquement plus opportun de le garder à huis clos ? Ma génération et les générations après moi n’ont pas ce luxe. En 2050, j’aurai 56 ans. Pourtant, aujourd’hui, l’âge moyen de ce 52e Parlement est de 49 ans. OK, boomer ! Les institutions politiques actuelles se sont avérées incompétentes pour penser en dehors du court terme politique. Chloe Swarbruck
Parents have scrambled to buy air purifiers. IQAir, a Swiss company, makes purifiers that cost up to $3,000 here and are displayed in shiny showrooms. Mike Murphy, the chief executive of IQAir China, said sales had tripled in the first three months of 2013 over the same period last year. Face masks are now part of the urban dress code. Ms. Zhang laid out half a dozen masks on her dining room table and held up one with a picture of a teddy bear that fits Xiaotian. Schools are adopting emergency measures. Xiaotian’s private kindergarten used to take the children on a field trip once a week, but it has canceled most of those this year. At the prestigious Beijing No. 4 High School, which has long trained Chinese leaders and their children, outdoor physical education classes are now canceled when the pollution index is high. (…) Elite schools are investing in infrastructure to keep children active. Among them are Dulwich College Beijing and the International School of Beijing, which in January completed two large white sports domes of synthetic fabric that cover athletic fields and tennis courts. The construction of the domes and an accompanying building began a year ago, to give the 1,900 students a place to exercise in both bad weather and high pollution, said Jeff Johanson, director of student activities. The project cost $5.7 million and includes hospital-grade air-filtration systems. Teachers check the hourly air ratings from the United States Embassy to determine whether children should play outside or beneath the domes. NYT
From gigantic domes that keep out pollution to face masks with fancy fiber filters, purifiers and even canned air, Chinese businesses are trying to find a way to market that most elusive commodity: clean air. An unprecedented wave of pollution throughout China (dubbed the “airpocalypse” or “airmageddon” by headline writers) has spawned an almost entirely new industry. The biggest ticket item is a huge dome that looks like a cross between the Biosphere and an overgrown wedding tent. Two of them recently went up at the International School of Beijing, one with six tennis courts, another large enough to harbor kids playing soccer and badminton and shooting hoops simultaneously Friday afternoon. The contraptions are held up with pressure from the system pumping in fresh air. Your ears pop when you go in through one of three revolving doors that maintain a tight air lock. The anti-pollution dome is the joint creation of a Shenzhen-based manufacturer of outdoor enclosures and a California company, Valencia-based UVDI, that makes air filtration and disinfection systems for hospitals, schools, museums and airports, including the new international terminal at Los Angeles International Airport. Although the technologies aren’t new, this is the first time they’ve been put together specifically to keep out pollution, the manufacturers say. (…) Since air pollution skyrocketed in mid-January, Xiao said, orders for domes were pouring in from schools, government sports facilities and wealthy individuals who want them in their backyards. He said domes measuring more than 54,000 square feet each cost more than $1 million. (…) Because it’s not possible to put a dome over all of Beijing, where air quality is the worst, people are taking matters into their own hands. Not since the 2003 epidemic of SARS have face masks been such hot sellers. Many manufacturers are reporting record sales of devices varying from high-tech neoprene masks with exhalation valves, designed for urban bicyclists, that cost up to $50 each, to cheap cloth masks (some in stripes, polka dots, paisley and some emulating animal faces). (…) In mid-January, measurements of particulate matter reached more than 1,000 micrograms per cubic meter in some parts of northeast China. Anything above 300 is considered “hazardous” and the index stops at 500. By comparison, the U.S. has seen readings of 1,000 only in areas downwind of forest fires. The U.S. Centers for Disease Control and Prevention reported last year that the average particulate matter reading from 16 airport smokers’ lounges was 166.6. The Chinese government has been experimenting with various emergency measures, curtailing the use of official cars and ordering factories and construction sites to shut down. Some cities are even considering curbs on fireworks during the upcoming Chinese New Year holiday, interfering with an almost sacred tradition. In the meantime, home air filters have joined the new must-have appliances for middle class Chinese. (…) Many distributors report panic buying of air purifiers. In China, home air purifiers range from $15 gizmos that look like night lights to handsome $6,000 wood-finished models that are supplied to Zhongnanhai, the headquarters of the Chinese Communist Party and to other leadership facilities. One model is advertised as emitting vitamin C to build immunity and to prevent skin aging. In a more tongue in cheek approach to the problem, a self-promoting Chinese millionaire has been selling soda-sized cans of, you guessed it, air. (…) “I want to tell mayors, county chiefs and heads of big companies,” Chen told reporters Wednesday, while giving out free cans of air on a Beijing sidewalk as a publicity stunt. “Don’t just chase GDP growth, don’t chase the biggest profits at the expense of our children and grandchildren. » LA Times
Plus la guerre froide s’éloigne, plus le nombre de conflits diminue. (…) il n’y a eu ainsi en 2010 que 15 conflits d’ampleur significative, tous internes. (…)  Grosso modo, le nombre de conflits d’importance a diminué de 60% depuis la fin de la guerre froide (…) outre le fait que les guerres sont plutôt moins meurtrières, en moyenne, qu’elles ne l’étaient jusque dans les années 1960, cette réduction trouve sa source essentiellement dans la diminution spectaculaire du nombre de guerres civiles. La fin des conflits indirects entre l’Est et l’Ouest, l’intervention croissante des organisations internationales et des médiateurs externes, et dans une certaine mesure le développement économique et social des États, sont les causes principales de cette tendance. S’y ajoutent sans doute (…) des évolutions démographiques favorables. Bruno Tertrais
Imaginez que [Fukushima] se soit produit dans un pays non-développé: le nombre de morts aurait été de 200 000. Le développement et la croissance nous protègent des catastrophes naturelles. Bruno Tertrais
Longtemps, les divinités représentèrent le lieu de cette extériorité. Les sociétés modernes ont voulu s’en affranchir: mais cette désacralisation peut nous laisser sans protection aucune face à notre violence et nous mener à la catastrophe finale. Jean-Pierre Dupuy
Nous étions installés dans le temps des catastrophes. Le monde a vécu l’événement du 11 septembre moins comme l’inscription dans le réel de quelque chose d’insensé, donc d’impossible, que comme l’irruption du possible dans l’impossible. La pire horreur devient désormais possible. Si elle est devenue possible, c’est qu’elle ne l’était pas. Et pourtant, objecte le bon sens, si elle s’est produite, c’est bien qu’elle était possible. […] C’est bien là la source de notre problème. Car s’il faut prévenir la catastrophe, on a besoin de croire en sa possibilité avant qu’elle ne se produise. Si, inversement, on réussit à la prévenir, sa non-réalisation la maintient dans le domaine de l’impossible, et les efforts de prévention en apparaissent rétrospectivement inutiles. J.-P. Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé – Quand l’impossible est certain, 2002)
Le catastrophisme éclairé, c’est être pessimiste pour se donner les moyens d’être optimiste. Il faut regarder la catastrophe en face pour se donner une chance de l’éviter. Jean-Pierre Dupuy
On peut dire de ce type de prophétie qu’elle est auto-invalidante de la même manière que l’on parle de prophétie auto-réalisatrice. (…) S’il veut être un vrai prophète, le prophète, en annonçant l’avenir, doit donc tenir compte de l’effet de sa parole sur le comportement des gens. Il doit annoncer un avenir tel que les réactions de ses auditeurs co-produisent l’avenir en question, ou, en tout cas, ne l’empêchent pas de se réaliser. (…) En d’autres termes, le prophète prétend annoncer un futur fixe c’est-à-dire indépendant des actions des agents, un avenir destinal en somme, alors qu’il a en réalité tenu compte des réactions de son auditoire pour se caler en un avenir tel que, celui-ci une fois annoncé, les réactions des agents l’engendreront. Ce procédé fonctionne d’autant mieux que les agents ignorent qu’ils participent à un tel schème. Ils tiennent que la parole du prophète dit ce que sera l’avenir. Si le prophète s’est calé sur un point fixe, l’avenir devenu présent ne les démentira pas. Si, de plus, cet avenir est celui que le prophète voulait faire arriver, soit parce qu’il est bon soit parce qu’il évite un désastre, qui songera à soupçonner le prophète ? Il aura eu recours à un détour métaphysique pour aller dans le bon sens. Autrement dit, le prophète fait fond sur la logique de la prophétie auto-réalisatrice. Le défi que doit relever le prophète de malheur apparaît dès lors dans sa singularité : il doit résoudre en termes de prophétie auto-réalisatrice un problème dont la nature est celui d’une prophétie auto-invalidante. C’est l’objectif que je me suis fixé dès mon livre de 2002 sur le « catastrophisme éclairé » et c’est en ce point que je me suis écarté tant de Jonas que d’Anders, lesquels en sont restés au stade de la prophétie auto-invalidante, celle qui rend le prophète ridicule mais fier d’avoir sauvegardé la vie. (…) Existe-t-il une manière de prophétiser la catastrophe par l’annonce d’un avenir nécessaire qui l’évite et qui soit tel que cette annonce induise des comportements qui favorisent cet évitement ? Peut-on vraiment rabattre la prophétie auto-invalidante sur la prophétie auto-réalisatrice ? Comme nous l’avons déjà vu, deux types opposés de rapport prophétique à l’avenir conduisent à renforcer la probabilité d’une catastrophe majeure. Celui des optimistes béats qui voient les choses s’arranger de toute façon, quoi que fassent les agents, par la grâce du principe qui veut que l’humanité se soit toujours sortie des pires situations. Et celui des catastrophistes mortifères que sont les collapsologues, qui annoncent comme certain ce qu’ils appellent l’effondrement. Dans l’un et l’autre cas, on contribue à en renforcer le caractère probable en démobilisant les agents, mais dans le second cas, cela va dans le sens de la prophétie, et dans le premier en sens opposé. (…) Prophétiser que la catastrophe est sur le point de se produire, c’est contribuer à la faire advenir. La passer sous silence ou en minimiser l’importance, à la façon des optimistes béats, conduit au même résultat. Ce qu’il faudrait, c’est combiner les deux démarches : annoncer un avenir nécessaire qui superposerait l’occurrence de la catastrophe, pour qu’elle puisse faire office de dissuasion, et sa non-occurrence, pour préserver l’espoir. (…) Il existe diverses manières de concevoir la superposition des états qui réalise l’indétermination. Je me contenterai ici de deux sortes d’exemples, tirés de mes travaux passés. D’abord le concept de near miss (ou near hit), familier aux stratèges nucléaires. Plusieurs dizaines de fois au cours de la Guerre froide, mais aussi plus tard, on est passé « à un cheveu » du déclenchement d’une guerre nucléaire. Est-ce à mettre au crédit ou au passif de la dissuasion ? Les deux réponses sont simultanément bonnes. McNamara conclut à l’inefficacité de la dissuasion. «We lucked out » (Nous avons eu du bol) dit-il à ce sujet en recourant à une expression argotique bien trempée. Cette conclusion n’est-elle pas trop hâtive ? Ne pourrait-on pas dire au contraire que c’est ce flirt répété avec le tigre nucléaire, cette série d’apocalypses qui n’ont pas eu lieu, qui nous a protégés du danger que représentent l’accoutumance, le contentement de soi, l’indifférence, le cynisme, la bêtise, la croyance béate que le pire nous sera épargné ? Ni trop près, ni trop loin du trou noir, ou bien être à la fois proche et distant de l’abîme, telle semble être la leçon à tirer de la Guerre froide. Le point fixe endogène est ici une apocalypse qui n’a pas eu lieu mais il s’en est fallu de peu. Je suis encore tout secoué que ma fille brésilienne se soit trouvée à bord du vol Air France AF 447 qui relie quotidiennement Rio de Janeiro à Paris le 31 mai 2009, soit la veille du jour où le même vol a disparu en mer. Mais si elle avait été sur ce vol une semaine, un mois, une année avant le crash, mon sentiment de peur rétroactive aurait-il été le même ? La catastrophe n’a pas eu lieu, cela arrive tous les jours, sinon c’en serait fini de l’industrie aéronautique. Le near miss, c’est autre chose. Il y a, sous-jacente à l’absence de la catastrophe, l’image de la catastrophe elle-même, l’ensemble constituant ce qu’on peut appeler une présence-absence. La nouvelle de Philippe K. Dick, « Minority Report », développe une idée contenue dans le Zadig de Voltaire et illustre d’une autre façon les paradoxes examinés ici. La police du futur y est représentée comme ce qu’on appelle aujourd’hui, alors qu’elle est mise en place dans diverses villes du monde, une police prédictive qui prévoit tous les crimes qui vont être commis dans une zone donnée. Elle intervient parfois au tout dernier moment pour empêcher le criminel d’accomplir son forfait, ce qui fait dire à ce dernier : « Mais je n’ai rien fait ! », à quoi la police répond : « Mais vous alliez le faire. » L’un des policiers, plus tourné vers la métaphysique que les autres, a ce mot : « Ce n’est pas l’avenir si on l’empêche de se produire ! ». Mais c’est sur le titre de la nouvelle que je veux insister ici. L’« avis minoritaire » se réfère à cette pratique à laquelle ont recours nombre d’institutions importantes de par le monde, par exemple la Cour Suprême des États-Unis ou le Conseil d’État français, qui consiste, lorsqu’elles rendent un avis qui ne fait pas l’unanimité, à inclure, à côté de l’avis majoritaire qui devient de ce fait l’avis de la Cour ou du Conseil, l’avis de la minorité. Dans la nouvelle de Dick, la prophétie est faite par un trio de Parques nommées Precogs (pour Pre-cognition). Trois est un nombre très intéressant car, ou bien les trois Parques sont d’accord, ou bien c’est deux contre une. La minorité, s’il y en a une, ne contient qu’un élément. L’avis de celui-ci apparaît en supplément de l’avis rendu, qu’il contredit tout en en faisant partie. Voilà à quoi devrait ressembler la prophétie face à une catastrophe anticipée mais dont la date est inconnue : le malheur ne devrait y figurer qu’en filigrane d’une annonce de bonheur, ce bonheur consistant en l’évitement du malheur. On pourrait dire que le bonheur contient le malheur tout en étant son contraire, en prenant le verbe « contenir » dans son double sens d’avoir en soi et de faire barrage à. Jean-Pierre Dupuy
Nous vivons à la fois dans lehttp://www.lekairn.fr/article-231120-jean-pierre-dupuy/ meilleur et le pire des mondes. Les progrès de l’humanité sont réels. Nos lois sont meilleures et nous nous tuons moins les uns les autres. En même temps, nous ne voulons pas voir notre responsabilité dans les menaces et les possibilités de destruction qui pèsent sur nous. René Girard
Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard
L’interprétation que Dupuy et Dumouchel donnent de notre société me paraît juste, seulement un peu trop optimiste. D’après eux, la société de consommation constitue une façon de désamorcer la rivalité mimétique, de réduire sa puissance conflictuelle. C’est vrai. S’arranger pour que les mêmes objets, les mêmes marchandises soient accessibles à tout le monde, c’est réduire les occasions de conflit et de rivalité entre les individus. Lorsque ce système devient permanent, toutefois, les individus finissent par se désintéresser de ces objets trop accessibles et identiques. Il faut du temps pour que cette « usure » se produise, mais elle se produit toujours. Parce qu’elle rend les objets trop faciles à acquérir, la société de consommation travaille à sa propre destruction. Comme tout mécanisme sacrificiel, cette société a besoin de se réinventer de temps à autre. Pour survivre, elle doit inventer des gadgets toujours nouveaux. Et la société de marché engloutit les ressources de la terre, un peu comme les Aztèques qui tuaient toujours plus de victimes. Tout remède sacrificiel perd son efficacité avec le temps. René Girard
Certains spécialistes avancent le chiffre de vingt mille victimes par an au moment de la conquête de Cortès. Même s’il y avait beaucoup d’exagération, le sacrifice humain n’en jouerait pas moins chez les Aztèques un rôle proprement monstrueux. Ce peuple était constamment occupé à guerroyer, non pour étendre son territoire, mais pour se procurer les victimes nécessaires aux innombrables sacrifices recensés par Bernardino de Sahagun. Les ethnologues possèdent toutes ces données depuis des siècles, depuis l’époque, en vérité, qui effectua les premiers déchiffrements de la représentation persécutrice dans le monde occidental. Mais ils ne tirent pas les mêmes conclusions dans les deux cas. Aujourd’hui moins que jamais. Ils passent le plus clair de leur temps à minimiser, sinon à justifier entièrement, chez les Aztèques, ce qu’ils condamnent à juste titre dans leur propre univers. Une fois de plus nous retrouvons les deux poids et les deux mesures qui caractérisent les sciences de l’homme dans leur traitement des sociétés historiques et des sociétés ethnologiques. Notre impuissance à repérer dans les mythes une représentation persécutrice plus mystifiée encore que la nôtre ne tient pas seulement à la difficulté plus grande de l’entreprise, à la transfiguration plus extrême des données, elle relève “modernes sont surtout obsédés par le mépris et ils s’efforcent de présenter ces univers disparus sous les couleurs les plus favorables. (…) Les ethnologues décrivent avec gourmandise le sort enviable de ces victimes. Pendant la période qui précède leur sacrifice, elles jouissent de privilèges extraordinaires et c’est sereinement, peut-être même joyeusement, qu’elles s’avancent vers la mort. Jacques Soustelle, entre autres, recommande à ses lecteurs de ne pas interpréter ces boucheries religieuses à la lumière de nos concepts. L’affreux péché d’ethnocentrisme nous guette et, quoi que fassent les sociétés exotiques, il faut se garder du moindre jugement négatif. Si louable que soit le souci de « réhabiliter » des mondes méconnus, il faut y mettre du discernement. Les excès actuels rivalisent de ridicule avec l’enflure orgueilleuse de naguère, mais en sens contraire. Au fond, c’est toujours la même condescendance : nous n’appliquons pas à ces sociétés les critères que nous appliquons à nous-mêmes, mais à la suite, cette fois, d’une inversion démagogique bien caractéristique de notre fin de siècle. Ou bien nos sources ne valent rien et nous n’avons plus qu’à nous taire : nous ne saurons jamais rien de certain sur les Aztèques, ou bien nos sources valent quelque chose, et l’honnêteté oblige à conclure que la religion de ce peuple n’a pas usurpé sa place au musée planétaire de l’horreur humaine. Le zèle antiethnocentrique s’égare quand il justifie les orgies sanglantes de l’image visiblement trompeuse qu’elles donnent d’elles-mêmes. Bien que pénétré d’idéologie sacrificielle, le mythe atroce et magnifique de Teotihuacan porte sourdement témoignage contre cette vision mystificatrice. Si quelque chose humanise ce texte, ce n’est pas la fausse idylle des victimes et des bourreaux qu’épousent fâcheusement le néo-rousseauisme et le néo-nietzschéisme de nos deux après-guerres, c’est ce qui s’oppose à cette hypocrite vision, sans aller jusqu’à la contredire ouvertement, ce sont les hésitations que j’ai notées face aux fausses évidences qui les entourent. René Girard
Cargo cult: any of the religious movements chiefly, but not solely, in Melanesia that exhibit belief in the imminence of a new age of blessing, to be initiated by the arrival of a special “cargo” of goods from supernatural sources—based on the observation by local residents of the delivery of supplies to colonial officials. Tribal divinities, culture heroes, or ancestors may be expected to return with the cargo, or the goods may be expected to come through foreigners, who are sometimes accused of having intercepted material goods intended for the native peoples. If the cargo is expected by ship or plane, symbolic wharves or landing strips and warehouses are sometimes built in preparation, and traditional material resources are abandoned—gardening ceases, and pigs and foodstocks are destroyed. Former customs may be revived or current practices drastically changed, and new social organizations, sometimes imitative of the colonial police or armed forces, initiated. Encyclopaedia Britannica
Pur produit des sociétés dans lesquelles les élites ignorent que les processus culturels précèdent le succès, le Culte du Cargo, qui consiste à investir dans une infrastructure dont est dotée une société prospère en espérant que cette acquisition produise les mêmes effets pour soi, fut l’un des moteurs des emprunts toxiques des collectivités locales. L’expression a été popularisée lors de la seconde guerre mondiale, quand elle s’est exprimée par de fausses infrastructures créées par les insulaires et destinées à attirer les cargos.(…) Les collectivités ont développé une addiction à la dépense et, comme les ménages victimes plus ou moins conscientes des subprimes, elles ont facilement trouvé un dealer pour leur répondre. Les causes en sont assez évidentes : multiplication des élus locaux n’ayant pas toujours de compétences techniques et encore moins financières, peu ou pas formés, tenus parfois par leur administration devenue maîtresse des lieux, et engagés dans une concurrence à la visibilité entre la ville, l’agglomération, le département à qui voudra montrer qu’il construit ou qu’il anime plus et mieux que l’autre, dans une relation finalement assez féodale. (…) Il serait sans doute erroné de porter l’opprobre sur les élus locaux ou même sur les banques, car il s’agit là de la manifestation d’une tendance de fond très profonde et très simple qui a à faire avec le désir mimétique et le Culte du Cargo. Ce dernier fut particulièrement évident en Océanie pendant la seconde guerre mondiale, où des habitants des îles observant une corrélation entre l’appel du radio et l’arrivée d’un cargo de vivres, ou bien entre l’existence d’une piste et l’arrivée d’avions, se mirent à construire un culte fait de simulacre de radio et de fausses pistes d’atterrissage, espérant ainsi que l’existence de moyens ferait venir l’objet désiré. Il s’agit d’un phénomène général, comme par exemple en informatique lorsque l’on recopie une procédure que l’on ne comprend pas dans son propre programme, en espérant qu’elle y produise le même effet que dans son programme d’origine. (…) Bien que paradoxale, l’addiction à la dette est synchrone avec les difficultés financières et correspond peut-être inconsciemment à l’instinct du joueur à se “refaire”. Ce qui est toutefois plus grave est, d’une part, l’hallucination collective qui permet le phénomène de Culte du Cargo, mais aussi l’absence totale de contre-pouvoir à cette pensée devenue unique, voire magique. Le Culte du Cargo aggrave toujours la situation. La raison est aussi simple que diabolique : les prêtres du Culte du Cargo dépensent pour acheter des infrastructures similaires à ce qu’ils ont vu ailleurs dans l’espoir d’attirer la fortune sur leur tribu. Malheureusement, dans le même temps, les “esprits” qui restaient dans la tribu se sont enfuis ou se taisent devant la pression de la foule en attente de miracle. Alors, les élites, qui ignorent totalement que derrière l’apparent résultat se cachent des processus culturels complexes qu’ils ne comprennent pas, se dotent d’un faux aéroport ou d’une fausse radio et dilapident ainsi, en pure perte, leurs dernières ressources. Il serait injuste de penser que ce phénomène ne concerne que des populations peu avancées. En 1974, Richard Feynman dénonça la “Cargo Cult Science” lors d’un discours à Caltech. Les collectivités confrontées à une concurrence pour la population organisent agendas et ateliers (en fait des brainstormings) pour évoquer les raisons de leurs handicaps par rapport à d’autres. Il suit généralement une liste de solutions précédées de “Il faut” : de la Recherche, des Jeunes, des Cadres, une communauté homosexuelle, une patinoire, une piscine, le TGV, un festival, une équipe sportive onéreuse, son gymnase…Tout cela est peut-être vrai, mais cela revient à confondre les effets avec les processus requis pour les obtenir. Comme nul ne comprend les processus culturels qui ont conduit à ce qu’une collectivité réussisse, il est plus facile de croire que boire le café de George Clooney vous apportera le même succès. Rien de nouveau ici : la publicité et ses 700 milliards de dollars de budget mondial annuel manipule cela depuis le début de la société de consommation. Routes menant à des plateformes logistiques ou des zones industrielles jamais construites, bureaux vides, duplication des infrastructures (piscines, technopoles, pépinières…) à quelques mètres les unes des autres, le Culte du Cargo nous coûte cher : il faut que cela se voit, même si cela ne sert à rien. Malheureusement, les vraies actions de création des processus culturels et sociaux ne se voient généralement pas aussi bien qu’un beau bâtiment tout neuf. (…) Ainsi, les pôles de compétitivité marchent d’autant mieux qu’ils viennent seulement labelliser un système culturel déjà préexistant. Lorsqu’ils sont des créations dans l’urgence, en hydroponique, par la volonté rituelle de reproduire, leurs effets relèvent de l’espoir, non d’une stratégie. (…) Ainsi, la tentation française de copier les mesures allemandes qui ont conduit au succès, sans que les dirigeants français aient vraiment compris pourquoi, mais en espérant les mêmes bénéfices, peut être considérée comme une expression du Culte du Cargo. C’est en effet faire fi des processus culturels engagés depuis des décennies en Allemagne et qui ont conduit à une culture de la négociation sociale et à des syndicats représentatifs. (…) Contrairement à ce que veulent faire croire les prêtres du Culte du Cargo, les danses de la pluie ne marchent pas, il faut réfléchir. Luc Brunet
Je crois qu’il y a  quelque chose qui se passe. Il y a quelque chose qui est en train de changer et cela va changer à nouveau. Je ne pense pas que ce soit un canular, je pense qu’il y a probablement une différence. Mais je ne sais pas si c’est à cause de l’homme. (…) Je ne veux pas donner des trillions et des trillions de dollars. Je ne veux pas perdre des millions et des millions d’emplois. Je ne veux pas qu’on y perde au change. (…) Et on ne sait pas si ça se serait passé avec ou sans l’homme. On ne sait pas. (…) Il y a des scientifiques qui ne sont pas d’accord avec ça. (…) Je ne nie pas le changement climatique. Mais cela pourrait très bien repartir dans l’autre sens. Vous savez, on parle de plus de millions d’années. Il y en a qui disent que nous avons eu des ouragans qui étaient bien pires que ce que nous venons d’avoir avec Michael. (…) Vous savez, les scientifiques aussi ont leurs visées politiques. Président Trump (15.10.2018)
La « fin du monde » contre la « fin du mois ». L’expression, supposée avoir été employée initialement par un gilet jaune, a fait florès : comment concilier les impératifs de pouvoir d’achat à court terme, et les exigences écologiques vitales pour la survie de la planète ? La formule a même été reprise ce mardi par Emmanuel Macron, dans son discours sur la transition énergétique. « On l’entend, le président, le gouvernement, a-t-il expliqué, en paraphrasant les requêtes supposées des contestataires. Ils évoquent la fin du monde, nous on parle de la fin du mois. Nous allons traiter les deux, et nous devons traiter les deux. » (…) C’est dire que l’expression – si elle a pu être reprise ponctuellement par tel ou tel manifestant – émane en fait de nos élites boboïsantes. Elle correspond bien à la vision méprisante qu’elles ont d’une France périphérique aux idées étriquées, obsédée par le « pognon » indifférente au bien commun, là où nos dirigeants auraient la capacité à embrasser plus large, et à voir plus loin. Or, la réalité est toute autre : quand on prend le temps de parler à ces gilets jaunes, on constate qu’ils sont parfaitement conscients de la problématique écologique. Parmi leurs revendications, dévoilées ces derniers jours, il y a ainsi l’interdiction immédiate du glyphosate, cancérogène probable que le gouvernement a en revanche autorisé pour encore au moins trois ans. Mais, s’ils se sentent concernés par l’avenir de la planète, les représentants de cette France rurale et périurbaine refusent de payer pour les turpitudes d’un système économique qui détruit l’environnement. D’autant que c’est ce même système qui est à l’origine de la désindustrialisation et de la dévitalisation des territoires, dont ils subissent depuis trente ans les conséquences en première ligne. A l’inverse, nos grandes consciences donneuses de leçon sont bien souvent les principaux bénéficiaires de cette économie mondialisée. Qui est égoïste, et qui est altruiste ? Parmi les doléances des gilets jaunes, on trouve d’ailleurs aussi nombre de revendications politiques : comptabilisation du vote blanc, présence obligatoire des députés à l’Assemblée nationale, promulgation des lois par les citoyens eux-mêmes. Des revendications qu’on peut bien moquer, ou balayer d’un revers de manche en estimant qu’elles ne sont pas de leur ressort. Elles n’en témoignent pas moins d’un souci du politique, au sens le plus noble du terme, celui du devenir de la Cité. A l’inverse, en se repaissant d’une figure rhétorique caricaturale, reprise comme un « gimmick » de communication, nos élites démontrent leur goût pour le paraître et la superficialité, ainsi que la facilité avec laquelle elles s’entichent de clichés qui ne font que conforter leurs préjugés. Alors, qui est ouvert, et qui est étriqué ? Qui voit loin, et qui est replié sur lui-même ? Qui pense à ses fins de mois, et qui, à la fin du monde ? Benjamin Masse-Stamberger
In the South Seas there is a Cargo Cult of people. During the war they saw airplanes land with lots of good materials, and they want the same thing to happen now. So they’ve arranged to make things like runways, to put fires along the sides of the runways, to make a wooden hut for a man to sit in, with two wooden pieces on his head like headphones and bars of bamboo sticking out like antennas—he’s the controller—and they wait for the airplanes to land. They’re doing everything right. The form is perfect. It looks exactly the way it looked before. But it doesn’t work. No airplanes land. So I call these things Cargo Cult Science, because they follow all the apparent precepts and forms of scientific investigation, but they’re missing something essential, because the planes don’t land. Now it behooves me, of course, to tell you what they’re missing. But it would he just about as difficult to explain to the South Sea Islanders how they have to arrange things so that they get some wealth in their system. It is not something simple like telling them how to improve the shapes of the earphones. But there is one feature I notice that is generally missing in Cargo Cult Science. That is the idea that we all hope you have learned in studying science in school (…) It’s a kind of scientific integrity, a principle of scientific thought that corresponds to a kind of utter honesty—a kind of leaning over backwards. For example, if you’re doing an experiment, you should report everything that you think might make it invalid—not only what you think is right about it: other causes that could possibly explain your results; and things you thought of that you’ve eliminated by some other experiment, and how they worked—to make sure the other fellow can tell they have been eliminated. Details that could throw doubt on your interpretation must be given, if you know them. You must do the best you can—if you know anything at all wrong, or possibly wrong—to explain it. If you make a theory, for example, and advertise it, or put it out, then you must also put down all the facts that disagree with it, as well as those that agree with it. There is also a more subtle problem. When you have put a lot of ideas together to make an elaborate theory, you want to make sure, when explaining what it fits, that those things it fits are not just the things that gave you the idea for the theory; but that the finished theory makes something else come out right, in addition. In summary, the idea is to try to give all of the information to help others to judge the value of your contribution; not just the information that leads to judgment in one particular direction or another. The first principle is that you must not fool yourself—and you are the easiest person to fool. So you have to be very careful about that. After you’ve not fooled yourself, it’s easy not to fool other scientists… You just have to be honest in a conventional way after that. Richard Feynman (1974)
If it’s consensus, it isn’t science. If it’s science, it isn’t consensus. Period. Michael Crichton (2013)
Humans exert a growing, but physically small, warming influence on the climate. The results from many different climate models disagree with, or even contradict, each other and many kinds of observations. In short, the science is insufficient to make useful predictions about how the climate will change over the coming decades, much less what effect our actions will have on it. Dr. Steven E. Koonin
‘The Science,” we’re told, is settled. How many times have you heard it? Humans have broken the earth’s climate. Temperatures are rising, sea level is surging, ice is disappearing, and heat waves, storms, droughts, floods, and wildfires are an ever-worsening scourge on the world. Greenhouse gas emissions are causing all of this. And unless they’re eliminated promptly by radical changes to society and its energy systems, “The Science” says Earth is doomed.  Yes, it’s true that the globe is warming, and that humans are exerting a warming influence upon it. But beyond that — to paraphrase the classic movie “The Princess Bride” — “I do not think ‘The Science’ says what you think it says.”  For example, both research literature and government reports state clearly that heat waves in the US are now no more common than they were in 1900, and that the warmest temperatures in the US have not risen in the past fifty years. When I tell people this, most are incredulous. Some gasp. And some get downright hostile.  These are almost certainly not the only climate facts you haven’t heard. Here are three more that might surprise you, drawn from recent published research or assessments of climate science published by the US government and the UN:   Humans have had no detectable impact on hurricanes over the past century. Greenland’s ice sheet isn’t shrinking any more rapidly today than it was 80 years ago. The global area burned by wildfires has declined more than 25 percent since 2003 and 2020 was one of the lowest years on record.  Why haven’t you heard these facts before?  Most of the disconnect comes from the long game of telephone that starts with the research literature and runs through the assessment reports to the summaries of the assessment reports and on to the media coverage. There are abundant opportunities to get things wrong — both accidentally and on purpose — as the information goes through filter after filter to be packaged for various audiences. The public gets their climate information almost exclusively from the media; very few people actually read the assessment summaries, let alone the reports and research papers themselves. That’s perfectly understandable — the data and analyses are nearly impenetrable for non-experts, and the writing is not exactly gripping. As a result, most people don’t get the whole story. Policymakers, too, have to rely on information that’s been put through several different wringers by the time it gets to them. Because most government officials are not themselves scientists, it’s up to scientists to make sure that those who make key policy decisions get an accurate, complete and transparent picture of what’s known (and unknown) about the changing climate, one undistorted by “agenda” or “narrative.” Unfortunately, getting that story straight isn’t as easy as it sounds. (…) the public discussions of climate and energy [have become] increasingly distant from the science. Phrases like “climate emergency,” “climate crisis” and “climate disaster” are now routinely bandied about to support sweeping policy proposals to “fight climate change” with government interventions and subsidies. Not surprisingly, the Biden administration has made climate and energy a major priority infused throughout the government, with the appointment of John Kerry as climate envoy and proposed spending of almost $2 trillion dollars to fight this “existential threat to humanity.” Trillion-dollar decisions about reducing human influences on the climate should be informed by an accurate understanding of scientific certainties and uncertainties. My late Nobel-prizewinning Caltech colleague Richard Feynman was one of the greatest physicists of the 20th century. At the 1974 Caltech commencement, he gave a now famous address titled “Cargo Cult Science” about the rigor scientists must adopt to avoid fooling not only themselves. “Give all of the information to help others to judge the value of your contribution; not just the information that leads to judgment in one particular direction or another,” he implored.  Much of the public portrayal of climate science ignores the great late physicist’s advice. It is an effort to persuade rather than inform, and the information presented withholds either essential context or what doesn’t “fit.” Scientists write and too-casually review the reports, reporters uncritically repeat them, editors allow that to happen, activists and their organizations fan the fires of alarm, and experts endorse the deception by keeping silent.  As a result, the constant repetition of these and many other climate fallacies are turned into accepted truths known as “The Science.” Dr. Steven E. Koonin
Physicist Steven Koonin kicks the hornet’s nest right out of the gate in “Unsettled.” In the book’s first sentences he asserts that “the Science” about our planet’s climate is anything but “settled.” Mr. Koonin knows well that it is nonetheless a settled subject in the minds of most pundits and politicians and most of the population. Further proof of the public’s sentiment: Earlier this year the United Nations Development Programme published the mother of all climate surveys, titled “The Peoples’ Climate Vote.” With more than a million respondents from 50 countries, the survey, unsurprisingly, found “64% of people said that climate change was an emergency.” But science itself is not conducted by polls, regardless of how often we are urged to heed a “scientific consensus” on climate. As the science-trained novelist Michael Crichton summarized in a famous 2003 lecture at Caltech: “If it’s consensus, it isn’t science. If it’s science, it isn’t consensus. Period.” Mr. Koonin says much the same in “Unsettled.” The book is no polemic. It’s a plea for understanding how scientists extract clarity from complexity. And, as Mr. Koonin makes clear, few areas of science are as complex and multidisciplinary as the planet’s climate. (…) But Mr. Koonin is no “climate denier,” to use the concocted phrase used to shut down debate. The word “denier” is of course meant to associate skeptics of climate alarmism with Holocaust deniers. (…) Mr. Koonin makes it clear, on the book’s first page, that “it’s true that the globe is warming, and that humans are exerting a warming influence upon it.” The heart of the science debate, however, isn’t about whether the globe is warmer or whether humanity contributed. The important questions are about the magnitude of civilization’s contribution and the speed of changes; and, derivatively, about the urgency and scale of governmental response. (…) As Mr Koonin illustrates, tornado frequency and severity are also not trending up; nor are the number and severity of droughts. The extent of global fires has been trending significantly downward. The rate of sea-level rise has not accelerated. Global crop yields are rising, not falling. And while global atmospheric CO2 levels are obviously higher now than two centuries ago, they’re not at any record planetary high—they’re at a low that has only been seen once before in the past 500 million years. Mr. Koonin laments the sloppiness of those using local weather “events” to make claims about long-cycle planetary phenomena. He chastises not so much local news media as journalists with prestigious national media who should know better. (…) When it comes to the vaunted computer models, Mr. Koonin is persuasively skeptical. It’s a big problem, he says, when models can’t retroactively “predict” events that have already happened. And he notes that some of the “tuning” done to models so that they work better amounts to “cooking the books.” (…) Since all the data that Mr. Koonin uses are available to others, he poses the obvious question: “Why haven’t you heard these facts before?” (…) He points to such things as incentives to invoke alarm for fundraising purposes and official reports that “mislead by omission.” Many of the primary scientific reports, he observes repeatedly, are factual. Still, “the public gets their climate information almost exclusively from the media; very few people actually read the assessment summaries.” (…) But even if one remains unconvinced by his arguments, the right response is to debate the science. We’ll see if that happens in a world in which politicians assert the science is settled and plan astronomical levels of spending to replace the nation’s massive infrastructures with “green” alternatives. Never have so many spent so much public money on the basis of claims that are so unsettled. The prospects for a reasoned debate are not good. Mark P. Mills
La prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise; et se gausser ultérieurement d’éventuels sonneurs d’alarme en leur rappelant que le pire ne s’est pas réalisé serait le comble de l’injustice: il se peut que leur impair soit leur mérite. Hans Jonas
(Noah was tired of playing the prophet of doom and of always foretelling a catastrophe that would not occur and that no one would take seriously. One day,) he clothed himself in sackcloth and put ashes on his head. This act was only permitted to someone lamenting the loss of his dear child or his wife. Clothed in the habit of truth, acting sorrowful, he went back to the city, intent on using to his advantage the curiosity, malignity and superstition of its people. Within a short time, he had gathered around him a small crowd, and the questions began to surface. He was asked if someone was dead and who the dead person was. Noah answered them that many were dead and, much to the amusement of those who were listening, that they themselves were dead. Asked when this catastrophe had taken place, he answered: tomorrow. Seizing this moment of attention and disarray, Noah stood up to his full height and began to speak: the day after tomorrow, the flood will be something that will have been. And when the flood will have been, all that is will never have existed. When the flood will have carried away all that is, all that will have been, it will be too late to remember, for there will be no one left. So there will no longer be any difference between the dead and those who weep for them. If I have come before you, it is to reverse time, it is to weep today for tomorrow’s dead. The day after tomorrow, it will be too late. Upon this, he went back home, took his clothes off, removed the ashes covering his face, and went to his workshop. In the evening, a carpenter knocked on his door and said to him: let me help you build an ark, so that this may become false. Later, a roofer joined with them and said: it is raining over the mountains, let me help you, so that this may become false. Günther Anders
Si nous nous distinguons des apocalypticiens judéo-chrétiens classiques, ce n’est pas seulement parce que nous craignons la fin (qu’ils ont, eux, espérée), mais surtout parce que notre passion apocalyptique n’a pas d’autre objectif que celui d’empêcher l’apocalypse. Nous ne sommes apocalypticiens que pour avoir tort. Que pour jouir chaque jour à nouveau de la chance d’être là, ridicules mais toujours debout. Günther Anders
Quiconque tient une guerre imminente pour certaine contribue à son déclenchement, précisément par la certitude qu’il en a. Quiconque tient la paix pour certaine se conduit avec insouciance et nous mène sans le vouloir à la guerre. Seul celui qui voit le péril et ne l’oublie pas un seul instant se montre capable de se comporter rationnellement et de faire tout le possible pour l’exorciser. Karl Jaspers
To make the prospect of a catastrophe credible, one must increase the ontological force of its inscription in the future. But to do this with too much success would be to lose sight of the goal, which is precisely to raise awareness and spur action so that the catastrophe does not take place. Jean-Pierre Dupuy (The Paradox of Enlightened Doomsaying/The Jonah Paradox]
Annoncer que la catastrophe est certaine, c’est contribuer à la rendre telle. La passer sous silence ou en minimiser l’importance, à la façon des optimistes béats, conduit au même résultat. Ce qu’il faudrait, c’est combiner les deux démarches : annoncer un avenir destinal qui superposerait l’occurrence de la catastrophe, pour qu’elle puisse faire office de dissuasion, et sa non-occurrence, pour préserver l’espoir. C’est parce que la catastrophe constitue un destin détestable dont nous devons dire que nous n’en voulons pas qu’il faut garder les yeux fixés sur elle, sans jamais la perdre de vue. Jean-Pierre Dupuy
La modernité (…) repose sur la conviction que la croissance économique n’est pas seulement possible mais absolument essentielle. Prières, bonnes actions et méditation pourraient bien être une source de consolation et d’inspiration, mais des problèmes tels que la famine, les épidémies et la guerre ne sauraient être résolus que par la croissance. Ce dogme fondamental se laisse résumer par une idée simple : « Si tu as un problème, tu as probablement besoin de plus, et pour avoir plus, il faut produire plus ! » Les responsables politiques et les économistes modernes insistent : la croissance est vitale pour trois grandes raisons. Premièrement, quand nous produisons plus, nous pouvons consommer plus, accroître notre niveau de vie et, prétendument, jouir d’une vie plus heureuse. Deuxièmement, tant que l’espèce humaine se multiplie, la croissance économique est nécessaire à seule fin de rester où nous en sommes. (…) La modernité a fait du « toujours plus » une panacée applicable à la quasi-totalité des problèmes publics et privés – du fondamentalisme religieux au mariage raté, en passant par l’autoritarisme dans le tiers-monde. (…) La croissance économique est ainsi devenue le carrefour où se rejoignent la quasi-totalité des religions, idéologies et mouvements modernes. L’Union soviétique, avec ses plans quinquennaux mégalomaniaques, n’était pas moins obsédée par la croissance que l’impitoyable requin de la finance américain. De même que chrétiens et musulmans croient tous au ciel et ne divergent que sur le moyen d’y parvenir, au cours de la guerre froide, capitalistes et communistes imaginaient créer le paradis sur terre par la croissance économique et ne se disputaient que sur la méthode exacte. (…) De fait, on n’a sans doute pas tort de parler de religion lorsqu’il s’agit de la croyance dans la croissance économique : elle prétend aujourd’hui résoudre nombre de nos problèmes éthiques, sinon la plupart. La croissance économique étant prétendument la source de toutes les bonnes choses, elle encourage les gens à enterrer leurs désaccords éthiques pour adopter la ligne d’action qui maximise la croissance à long terme. Le credo du « toujours plus » presse en conséquence les individus, les entreprises et les gouvernements de mépriser tout ce qui pourrait entraver la croissance économique : par exemple, préserver l’égalité sociale, assurer l’harmonie écologique ou honorer ses parents. En Union soviétique, les dirigeants pensaient que le communisme étatique était la voie de la croissance la plus rapide : tout ce qui se mettait en travers de la collectivisation fut donc passé au bulldozer, y compris des millions de koulaks, la liberté d’expression et la mer d’Aral. De nos jours, il est généralement admis qu’une forme de capitalisme de marché est une manière beaucoup plus efficace d’assurer la croissance à long terme : on protège donc les magnats cupides, les paysans riches et la liberté d’expression, tout en démantelant et détruisant les habitats écologiques, les structures sociales et les valeurs traditionnelles qui gênent le capitalisme de marché. (….) Le capitalisme de marché a une réponse sans appel. Si la croissance économique exige que nous relâchions les liens familiaux, encouragions les gens à vivre loin de leurs parents, et importions des aides de l’autre bout du monde, ainsi soit-il. Cette réponse implique cependant un jugement éthique, plutôt qu’un énoncé factuel. Lorsque certains se spécialisent dans les logiciels quand d’autres consacrent leur temps à soigner les aînés, on peut sans nul doute produire plus de logiciels et assurer aux personnes âgées des soins plus professionnels. Mais la croissance économique est-elle plus importante que les liens familiaux ? En se permettant de porter des jugements éthiques de ce type, le capitalisme de marché a franchi la frontière qui séparait le champ de la science de celui de la religion. L’étiquette de « religion » déplairait probablement à la plupart des capitalistes, mais, pour ce qui est des religions, le capitalisme peut au moins tenir la tête haute. À la différence des autres religions qui nous promettent un gâteau au ciel, le capitalisme promet des miracles ici, sur terre… et parfois même en accomplit. Le capitalisme mérite même des lauriers pour avoir réduit la violence humaine et accru la tolérance et la coopération. (…) La croissance économique peut-elle cependant se poursuivre éternellement ? L’économie ne finira-t-elle pas par être à court de ressources et par s’arrêter ? Pour assurer une croissance perpétuelle, il nous faut découvrir un stock de ressources inépuisable. Une solution consiste à explorer et à conquérir de nouvelles terres. Des siècles durant, la croissance de l’économie européenne et l’expansion du système capitaliste se sont largement nourries de conquêtes impériales outre-mer. Or le nombre d’îles et de continents est limité. Certains entrepreneurs espèrent finalement explorer et conquérir de nouvelles planètes, voire de nouvelles galaxies, mais, en attendant, l’économie moderne doit trouver une meilleure méthode pour poursuivre son expansion. (…) La véritable némésis de l’économie moderne est l’effondrement écologique. Le progrès scientifique et la croissance économique prennent place dans une biosphère fragile et, à mesure qu’ils prennent de l’ampleur, les ondes de choc déstabilisent l’écologie. Pour assurer à chaque personne dans le monde le même niveau de vie que dans la société d’abondance américaine, il faudrait quelques planètes de plus ; or nous n’avons que celle-ci. (…) Une débâcle écologique provoquera une ruine économique, des troubles politiques et une chute du niveau de vie. Elle pourrait bien menacer l’existence même de la civilisation humaine. (…) Nous pourrions amoindrir le danger en ralentissant le rythme du progrès et de la croissance. Si cette année les investisseurs attendent un retour de 6 % sur leurs portefeuilles, dans dix ans ils pourraient apprendre à se satisfaire de 3 %, puis de 1 % dans vingt ans ; dans trente ans, l’économie cessera de croître et nous nous contenterons de ce que nous avons déjà. Le credo de la croissance s’oppose pourtant fermement à cette idée hérétique et il suggère plutôt d’aller encore plus vite. Si nos découvertes déstabilisent l’écosystème et menacent l’humanité, il nous faut découvrir quelque chose qui nous protège. Si la couche d’ozone s’amenuise et nous expose au cancer de la peau, à nous d’inventer un meilleur écran solaire et de meilleurs traitements contre le cancer, favorisant ainsi l’essor de nouvelles usines de crèmes solaires et de centres anticancéreux. Si les nouvelles industries polluent l’atmosphère et les océans, provoquant un réchauffement général et des extinctions massives, il nous appartient de construire des mondes virtuels et des sanctuaires high-tech qui nous offriront toutes les bonnes choses de la vie, même si la planète devient aussi chaude, morne et polluée que l’enfer. (…) L’humanité se trouve coincée dans une course double. D’un côté, nous nous sentons obligés d’accélérer le rythme du progrès scientifique et de la croissance économique. Un milliard de Chinois et un milliard d’Indiens aspirent au niveau de vie de la classe moyenne américaine, et ils ne voient aucune raison de brider leurs rêves quand les Américains ne sont pas disposés à renoncer à leurs 4×4 et à leurs centres commerciaux. D’un autre côté, nous devons garder au moins une longueur d’avance sur l’Armageddon écologique. Mener de front cette double course devient chaque année plus difficile, parce que chaque pas qui rapproche l’habitant des bidonvilles de Delhi du rêve américain rapproche aussi la planète du gouffre. (…) Qui sait si la science sera toujours capable de sauver simultanément l’économie du gel et l’écologie du point d’ébullition. Et puisque le rythme continue de s’accélérer, les marges d’erreur ne cessent de se rétrécir. Si, précédemment, il suffisait d’une invention stupéfiante une fois par siècle, nous avons aujourd’hui besoin d’un miracle tous les deux ans. (…) Paradoxalement, le pouvoir même de la science peut accroître ledanger, en rendant les plus riches complaisants. (…) Trop de politiciens et d’électeurs pensent que, tant que l’économie poursuit sa croissance, les ingénieurs et les hommes de science pourront toujours la sauver du jugement dernier. S’agissant du changement climatique, beaucoup de défenseurs de la croissance ne se contentent pas d’espérer des miracles : ils tiennent pour acquis que les miracles se produiront. (…) Même si les choses tournent au pire, et que la science ne peut empêcher le déluge, les ingénieurs pourraient encore construire une arche de Noé high-tech pour la caste supérieure, et laisser les milliards d’autres hommes se noyer. La croyance en cette arche high-tech est actuellement une des plus grosses menaces sur l’avenir de l’humanité et de tout l’écosystème. (…) Et les plus pauvres ? Pourquoi ne protestent-ils pas ? Si le déluge survient un jour, ils en supporteront le coût, mais ils seront aussi les premiers à faire les frais de la stagnation économique. Dans un monde capitaliste, leur vie s’améliore uniquement quand l’économie croît. Aussi est-il peu probable qu’ils soutiennent des mesures pour réduire les menaces écologiques futures fondées sur le ralentissement de la croissance économique actuelle. Protéger l’environnement est une très belle idée, mais ceux qui n’arrivent pas à payer leur loyer s’inquiètent bien davantage de leur découvert bancaire que de la fonte de la calotte glaciaire. (…) Même si nous continuons de courir assez vite et parvenons à parer à la foi l’effondrement économique et la débâcle écologique, la course elle-même crée d’immenses problèmes. (…) Sur un plan collectif, les gouvernements, les entreprises et les organismes sont encouragés à mesurer leur succès en termes de croissance et à craindre l’équilibre comme le diable. Sur le plan individuel, nous sommes constamment poussés à accroître nos revenus et notre niveau de vie. Même si vous êtes satisfait de votre situation actuelle, vous devez rechercher toujours plus. Le luxe d’hier devient nécessité d’aujourd’hui. (…) Le deal moderne nous promettait un pouvoir sans précédent. La promesse a été tenue. Mais à quel prix ? Yuval Harari
Les outils dont l’homme dispose aujourd’hui sont infiniment plus puissants que tous ceux qu’il a connus auparavant. Ces outils, l’homme est parfaitement capable de les utiliser de façon égoïste et rivalitaire. Ce qui m’intéresse, c’est cet accroissement de la puissance de l’homme sur le réel. Les statistiques de production et de consommation d’énergie sont en progrès constant, et la rapidité d’augmentation de ce progrès augmente elle aussi constamment, dessinant une courbe parfaite, presque verticale. C’est pour moi une immense source d’effroi tant les hommes, essentiellement, restent des rivaux, rivalisant pour le même objet ou la même gloire – ce qui est la même chose. Nous sommes arrivés à un stade où le milieu humain est menacé par la puissance même de l’homme. Il s’agit avant tout de la menace écologique, des armes et des manipulations biologiques. (…) Loin d’être absurdes ou impensables, les grands textes eschatologiques – ceux des Évangiles synoptiques, en particulier Matthieu, chapitre 24, et Marc, chapitre 13 –, sont d’une actualité saisissante. La science moderne a séparé la nature et la culture, alors qu’on avait défini la religion comme le tonnerre de Zeus, etc. Dans les textes apocalyptiques, ce qui frappe, c’est ce mélange de nature et de culture ; les guerres et rumeurs de guerre, le fracas de la mer et des flots ne forment qu’un. Or si nous regardons ce qui se passe autour de nous, si nous nous interrogeons sur l’action des hommes sur le réel, le réchauffement global, la montée du niveau la mer, nous nous retrouvons face à un univers où les choses naturelles et culturelles sont confondues. La science elle-même le reconnaît. J’ai voulu radicaliser cet aspect apocalyptique. Je pense que les gens sont trop rassurés. Ils se rassurent eux-mêmes. L’homme est comme un insecte qui fait son nid ; il fait confiance à l’environnement. La créature fait toujours confiance à l’environnement… Le rationalisme issu des Lumières continue aussi à rassurer. (…) La Chine a favorisé le développement de l’automobile. Cette priorité dénote une rivalité avec les Américains sur un terrain très redoutable ; la pollution dans la région de Shanghai est effrayante. Mais avoir autant d’automobiles que l’Amérique est un but dont il est, semble-t-il, impossible de priver les hommes. L’Occident conseille aux pays en voie de développement et aux pays les plus peuplés du globe, comme la Chine et l’Inde, de ne pas faire la même chose que lui ! Il y a là quelque chose de paradoxal et de scandaleux pour ceux auxquels ces conseils s’adressent. Aux États-Unis, les politiciens vous diront tous qu’ils sont d’accord pour prendre des mesures écologiques si elles ne touchent pas les accroissements de production. Or, s’il y a une partie du monde qui n’a pas besoin d’accroissement de production, c’est bien les États-Unis ; le profit individuel et les rivalités, qui ne sont pas immédiatement guerrières et destructrices mais qui le seront peut-être indirectement, et de façon plus massive encore, sont sacrées ; pas question de les toucher. Que faut-il pour qu’elles cessent d’être sacrées ? Il n’est pas certain que la situation actuelle, notamment la disparition croissante des espèces, soit menaçante pour la vie sur la planète, mais il y a une possibilité très forte qu’elle le soit. Ne pas prendre de précaution, alors qu’on est dans le doute, est dément. Des mesures écologiques sérieuses impliqueraient des diminutions de production. Mais ce raisonnement ne joue pas dans l’écologie, l’humanité étant follement attachée à ce type de concurrence qui structure en particulier la réalité occidentale, les habitudes de vie, de goût de l’humanité dite « développée ». René Girard

Attention: un culte du cargo peut en cacher un autre !

A l’heure où au nom d’une prétendue science hautement selective et de plus en plus douteuse

Et où après avoir ruiné, à coup de délocalisations et d’immigration sauvages, leurs emplois et leurs vies …

Entre deux petites virées à l’autre bout du monde et des annonces de centaines de milliards de dépenses pour reverdir nos économies …

Nos ayatollahs du climat et intermittents du jetset « de la fin du monde » font feu de tout bois contre la France ou l’Amérique « de la fin du mois » qui « fume des clopes et roule en diesel » …

Pendant que pour rattraper tant d’injustices face à l’inextricable dilemme entre environnement et emplois, nos populistes tentent de relancer encore plus fort la folle machine de la croissance à tout prix …

Ou nos nouveaux prêtres du transhumanisme multiplient littéralement les promesses en l’air sur l’éventuelle colonisation de l’une ou l’autre des autres planètes de notre système solaire …

Comment ne pas repenser …

Après le feu prix Nobel de physique américain Richard Feynman

Qui dès les années 70 nous en avait averti …

A la pseudoscience ou nouvelle pensée magique qu’est en train de devenir la science dont nos sociétés ont fait rien de moins qu’une nouvelle religion

Qu’il avait en son temps qualifiée de « science du culte cargo » (improprement dit « culte du cargo » en français, en référence aux bateaux du même nom, alors que le mot anglais, proche du français « cargaison », fait en réalité référence aux marchandises ou aux biens matériels) …

Car ayant quitté, dans une approche non réfléchie et ritualiste, son enracinement dans l’expérience et de plus en plus tentée, sous la pression politique et médiatique, de ne garder que le nom et l’apparence de la méthode scientifique …

A la manière de ces sortes de versions modernisées des antiques danses de la pluie des habitants de certaines petites iles mélanésiennes de la seconde guerre mondiale…

Où observant une corrélation entre l’appel du radio et l’arrivée d’une cargaison de vivres et d’objets manufacturés ou entre l’existence d’une piste et l’arrivée d’avions …

Ces derniers s’étaient mis, on le sait, à construire un culte fait de simulacre de radio et de fausses pistes d’atterrissage, espérant ainsi que l’existence de moyens ferait venir les biens matériels occidentaux désirés tout en dilapidant, en pure perte, leurs propres maigres ressources ?

Mais comment ne pas voir aussi …

Avec de Jonas, Anders, Jaspers à Dupuy, nos penseurs du dilemme du prophète de malheur dont « l’impair pourrait être le mérite » …

Et notre regretté anthropologue français René Girard

Ou plus récemment l’historien israélien Yuval Harari

A la fois fascinés par la formidable capacité de notre monde moderne à désamorcer la puissance conflictuelle de la rivalité mimétique en rendant les mêmes marchandises accessibles à tous …

Et effrayés par la tout aussi formidable puissance des outils dont nous disposons …

Qui entre menace écologique, armes et manipulations biologiques proprement apocalyptiques

Menacent notre propre milieu naturel avec l’entrée dans la danse, mimétisme planétaire oblige, des milliards de Chinois, Indiens ou autres jusque là laissés pour compte  …

Dans une fuite en avant que suppose notre système même puisqu’il ne vit que par l’innovation et la croissance perpétuelles …

Et qui à terme, au nom de la désormais sacro-sainte croissance mais aussi du fait de la simple accoutumance poussant comme pour les drogues à toujours plus de consommation pour conserver les mêmes effets, ne peut qu’engloutir les ressources de la terre …

A la manière de ces Aztèques qui à la veille de leur inévitable défaite devant Cortès…

Multipliaient, jusqu’à des dizaines de milliers par an, le nombre des victimes de leurs sacrifices humains ?

Obama administration scientist says climate ‘emergency’ is based on fallacy

‘The Science,” we’re told, is settled. How many times have you heard it?

Humans have broken the earth’s climate. Temperatures are rising, sea level is surging, ice is disappearing, and heat waves, storms, droughts, floods, and wildfires are an ever-worsening scourge on the world. Greenhouse gas emissions are causing all of this. And unless they’re eliminated promptly by radical changes to society and its energy systems, “The Science” says Earth is doomed. 

Yes, it’s true that the globe is warming, and that humans are exerting a warming influence upon it. But beyond that — to paraphrase the classic movie “The Princess Bride” — “I do not think ‘The Science’ says what you think it says.”

For example, both research literature and government reports state clearly that heat waves in the US are now no more common than they were in 1900, and that the warmest temperatures in the US have not risen in the past fifty years. When I tell people this, most are incredulous. Some gasp. And some get downright hostile.

These are almost certainly not the only climate facts you haven’t heard. Here are three more that might surprise you, drawn from recent published research or assessments of climate science published by the US government and the UN:

  •  Humans have had no detectable impact on hurricanes over the past century.
  • Greenland’s ice sheet isn’t shrinking any more rapidly today than it was 80 years ago.
  • The global area burned by wildfires has declined more than 25 percent since 2003 and 2020 was one of the lowest years on record.

Why haven’t you heard these facts before?

Most of the disconnect comes from the long game of telephone that starts with the research literature and runs through the assessment reports to the summaries of the assessment reports and on to the media coverage. There are abundant opportunities to get things wrong — both accidentally and on purpose — as the information goes through filter after filter to be packaged for various audiences. The public gets their climate information almost exclusively from the media; very few people actually read the assessment summaries, let alone the reports and research papers themselves. That’s perfectly understandable — the data and analyses are nearly impenetrable for non-experts, and the writing is not exactly gripping. As a result, most people don’t get the whole story.

Policymakers, too, have to rely on information that’s been put through several different wringers by the time it gets to them. Because most government officials are not themselves scientists, it’s up to scientists to make sure that those who make key policy decisions get an accurate, complete and transparent picture of what’s known (and unknown) about the changing climate, one undistorted by “agenda” or “narrative.” Unfortunately, getting that story straight isn’t as easy as it sounds.

I should know. That used to be my job.

I’m a scientist — I work to understand the world through measurements and observations, and then to communicate clearly both the excitement and the implications of that understanding. Early in my career, I had great fun doing this for esoteric phenomena in the realm of atoms and nuclei using high-performance computer modeling (which is also an important tool for much of climate science). But beginning in 2004, I spent about a decade turning those same methods to the subject of climate and its implications for energy technologies. I did this first as chief scientist for the oil company BP, where I focused on advancing renewable energy, and then as undersecretary for science in the Obama administration’s Department of Energy, where I helped guide the government’s investments in energy technologies and climate science. I found great satisfaction in these roles, helping to define and catalyze actions that would reduce carbon dioxide emissions, the agreed-upon imperative that would “save the planet.”

But doubts began in late 2013 when I was asked by the American Physical Society to lead an update of its public statement on climate. As part of that effort, in January 2014 I convened a workshop with a specific objective: to “stress test” the state of climate science.

I came away from the APS workshop not only surprised, but shaken by the realization that climate science was far less mature than I had supposed. Here’s what I discovered:

Humans exert a growing, but physically small, warming influence on the climate. The results from many different climate models disagree with, or even contradict, each other and many kinds of observations. In short, the science is insufficient to make useful predictions about how the climate will change over the coming decades, much less what effect our actions will have on it. 

In the seven years since that workshop, I watched with dismay as the public discussions of climate and energy became increasingly distant from the science. Phrases like “climate emergency,” “climate crisis” and “climate disaster” are now routinely bandied about to support sweeping policy proposals to “fight climate change” with government interventions and subsidies. Not surprisingly, the Biden administration has made climate and energy a major priority infused throughout the government, with the appointment of John Kerry as climate envoy and proposed spending of almost $2 trillion dollars to fight this “existential threat to humanity.”

Trillion-dollar decisions about reducing human influences on the climate should be informed by an accurate understanding of scientific certainties and uncertainties. My late Nobel-prizewinning Caltech colleague Richard Feynman was one of the greatest physicists of the 20th century. At the 1974 Caltech commencement, he gave a now famous address titled “Cargo Cult Science” about the rigor scientists must adopt to avoid fooling not only themselves. “Give all of the information to help others to judge the value of your contribution; not just the information that leads to judgment in one particular direction or another,” he implored.

Much of the public portrayal of climate science ignores the great late physicist’s advice. It is an effort to persuade rather than inform, and the information presented withholds either essential context or what doesn’t “fit.” Scientists write and too-casually review the reports, reporters uncritically repeat them, editors allow that to happen, activists and their organizations fan the fires of alarm, and experts endorse the deception by keeping silent.

As a result, the constant repetition of these and many other climate fallacies are turned into accepted truths known as “The Science.”

This article is an adapted excerpt from Dr. Koonin’s book, “Unsettled: What Climate Science Tells Us, What It Doesn’t, and Why It Matters” (BenBella Books), out May 4.

Voir aussi:

‘Unsettled’ Review: The ‘Consensus’ On Climate
A top Obama scientist looks at the evidence on warming and CO2 emissions and rebuts much of the dominant political narrative.
Mark P. Mills
The Wall Street Journal
April 25, 2021

Physicist Steven Koonin kicks the hornet’s nest right out of the gate in “Unsettled.” In the book’s first sentences he asserts that “the Science” about our planet’s climate is anything but “settled.” Mr. Koonin knows well that it is nonetheless a settled subject in the minds of most pundits and politicians and most of the population.

Further proof of the public’s sentiment: Earlier this year the United Nations Development Programme published the mother of all climate surveys, titled “The Peoples’ Climate Vote.” With more than a million respondents from 50 countries, the survey, unsurprisingly, found “64% of people said that climate change was an emergency.”

But science itself is not conducted by polls, regardless of how often we are urged to heed a “scientific consensus” on climate. As the science-trained novelist Michael Crichton summarized in a famous 2003 lecture at Caltech: “If it’s consensus, it isn’t science. If it’s science, it isn’t consensus. Period.” Mr. Koonin says much the same in “Unsettled.”

The book is no polemic. It’s a plea for understanding how scientists extract clarity from complexity. And, as Mr. Koonin makes clear, few areas of science are as complex and multidisciplinary as the planet’s climate.

But Mr. Koonin is no “climate denier,” to use the concocted phrase used to shut down debate. The word “denier” is of course meant to associate skeptics of climate alarmism with Holocaust deniers. Mr. Koonin finds this label particularly abhorrent, since “the Nazis killed more than two hundred of my relatives in Eastern Europe.” As for “denying,” Mr. Koonin makes it clear, on the book’s first page, that “it’s true that the globe is warming, and that humans are exerting a warming influence upon it.”

The heart of the science debate, however, isn’t about whether the globe is warmer or whether humanity contributed. The important questions are about the magnitude of civilization’s contribution and the speed of changes; and, derivatively, about the urgency and scale of governmental response. Mr. Koonin thinks most readers will be surprised at what the data show. I dare say they will.

As Mr Koonin illustrates, tornado frequency and severity are also not trending up; nor are the number and severity of droughts. The extent of global fires has been trending significantly downward. The rate of sea-level rise has not accelerated. Global crop yields are rising, not falling. And while global atmospheric CO2 levels are obviously higher now than two centuries ago, they’re not at any record planetary high—they’re at a low that has only been seen once before in the past 500 million years.

Mr. Koonin laments the sloppiness of those using local weather “events” to make claims about long-cycle planetary phenomena. He chastises not so much local news media as journalists with prestigious national media who should know better. This attribution error evokes one of Mr. Koonin’s rare rebukes: “Pointing to hurricanes as an example of the ravages of human-caused climate change is at best unconvincing, and at worst plainly dishonest.”

When it comes to the vaunted computer models, Mr. Koonin is persuasively skeptical. It’s a big problem, he says, when models can’t retroactively “predict” events that have already happened. And he notes that some of the “tuning” done to models so that they work better amounts to “cooking the books.” He should know, having written one of the first textbooks on using computers to model physics phenomena.

Mr. Koonin’s science credentials are impeccable—unlike, say, those of one well-known Swedish teenager to whom the media affords great attention on climate matters. He has been a professor of physics at Caltech and served as the top scientist in Barack Obama’s Energy Department. The book is copiously referenced and relies on widely accepted government documents.

Since all the data that Mr. Koonin uses are available to others, he poses the obvious question: “Why haven’t you heard these facts before?” He is cautious, perhaps overly so, in proposing the causes for so much misinformation. He points to such things as incentives to invoke alarm for fundraising purposes and official reports that “mislead by omission.” Many of the primary scientific reports, he observes repeatedly, are factual. Still, “the public gets their climate information almost exclusively from the media; very few people actually read the assessment summaries.”

Mr. Koonin says that he knows he’ll be criticized, even “attacked.” You can’t blame him for taking a few pages to shadow box with his critics. But even if one remains unconvinced by his arguments, the right response is to debate the science. We’ll see if that happens in a world in which politicians assert the science is settled and plan astronomical levels of spending to replace the nation’s massive infrastructures with “green” alternatives. Never have so many spent so much public money on the basis of claims that are so unsettled. The prospects for a reasoned debate are not good. Good luck, Mr. Koonin.

Mr. Mills, a senior fellow at the Manhattan Institute, is the author of “Digital Cathedrals” and a forthcoming book on how the cloud and new technologies will create an economic boom.

Voir également:

ANTICIPATION

Culte du Cargo : contagion des collectivités aux Etats

Luc Brunet

MAP

Mars 2012

Pur produit des sociétés dans lesquelles les élites ignorent que les processus culturels précèdent le succès, le Culte du Cargo, qui consiste à investir dans une infrastructure dont est dotée une société prospère en espérant que cette acquisition produise les mêmes effets pour soi, fut l’un des moteurs des emprunts toxiques des collectivités locales. L’expression a été popularisée lors de la seconde guerre mondiale, quand elle s’est exprimée par de fausses infrastructures créées par les insulaires et destinées à attirer les cargos. En 2012, le Culte du Cargo tendra à se généraliser au niveau des Etats.

En septembre 2011, dans l’orbite des difficultés de DEXIA, les personnes qui ne lisent pas le GEAB découvraient avec stupéfaction que des milliers de collectivités locales étaient exposées à des emprunts toxiques1. En décembre, un rapport parlementaire français2 évalue le désastre à 19 Milliards d’euros, près du double de ce qu’estimait la Cours des Comptes six mois plus tôt. Les collectivités représentent, en France par exemple, 70% de l’investissement public3, soit 51,7 milliards d’euros en 2010 (-2,1% par rapport à 2009).

Les collectivités ont développé une addiction à la dépense4 et, comme les ménages victimes plus ou moins conscientes des subprimes, elles ont facilement trouvé un dealer pour leur répondre5. Les causes en sont assez évidentes : multiplication des élus locaux n’ayant pas toujours de compétences techniques et encore moins financières, peu ou pas formés, tenus parfois par leur administration devenue maîtresse des lieux, et engagés dans une concurrence à la visibilité entre la ville, l’agglomération, le département à qui voudra montrer qu’il construit ou qu’il anime plus et mieux que l’autre, dans une relation finalement assez féodale. L’Italie a prévu une baisse de 3 milliards d’euros des subventions aux collectivités, la Suède et le Royaume-Uni6(dont les collectivités avaient par ailleurs été exposées aux faillites des institutions financières islandaises7) s’engagent aussi dans un douloureux sevrage, dans l’optique de gagner en stabilité financière ce qui risque fort d’être perdu en autonomie.

Il serait sans doute erroné de porter l’opprobre sur les élus locaux ou même sur les banques, car il s’agit là de la manifestation d’une tendance de fond très profonde et très simple qui a à faire avec le désir mimétique et le Culte du Cargo. Ce dernier fut particulièrement évident en Océanie pendant la seconde guerre mondiale, où des habitants des îles observant une corrélation entre l’appel du radio et l’arrivée d’un cargo de vivres, ou bien entre l’existence d’une piste et l’arrivée d’avions, se mirent à construire un culte fait de simulacre de radio et de fausses pistes d’atterrissage, espérant ainsi que l’existence de moyens ferait venir l’objet désiré.

Il s’agit d’un phénomène général, comme par exemple en informatique lorsque l’on recopie une procédure que l’on ne comprend pas dans son propre programme, en espérant qu’elle y produise le même effet que dans son programme d’origine.

Un exemple emblématique est celui de Flint, Michigan. La fermeture brutale des usines General Motors a vu la patrie de Michael Moore perdre 25.000 habitants et se paupériser, la population étant pratiquement divisée par deux entre 1960 et 2010. Il s’agit évidemment là d’une distillation : la crise provoque l’évaporation de l’esprit (c’est-à-dire des talents) qui s’envole vers d’autres lieux plus prospères tandis que se concentrent les problèmes et la pauvreté dans la cité autrefois bénie par son parrain industriel. C’est alors que la bénédiction devient un baiser de la mort puisque, dans leur prospérité, ses élus n’ont pas réfléchi ni vu les tendances de fond pourtant évidentes de la mondialisation. C’est alors qu’arrive l’idée de Six Flags Autoworld. Ce parc d’attraction automobile, supposé être “La renaissance de la Grande Cité de Flint” selon le gouverneur du Michigan J. Blanchard, ouvre en 1984. Un an et 80 millions de dollars plus loin, le parc ferme et il sera finalement détruit en 1997.8

Bien que paradoxale, l’addiction à la dette est synchrone avec les difficultés financières et correspond peut-être inconsciemment à l’instinct du joueur à se “refaire”9. Ce qui est toutefois plus grave est, d’une part, l’hallucination collective qui permet le phénomène de Culte du Cargo, mais aussi l’absence totale de contre-pouvoir à cette pensée devenue unique, voire magique. Le Culte du Cargo aggrave toujours la situation.
La raison est aussi simple que diabolique : les prêtres du Culte du Cargo dépensent pour acheter des infrastructures similaires à ce qu’ils ont vu ailleurs dans l’espoir d’attirer la fortune sur leur tribu. Malheureusement, dans le même temps, les “esprits” qui restaient dans la tribu se sont enfuis ou se taisent devant la pression de la foule en attente de miracle. Alors, les élites, qui ignorent totalement que derrière l’apparent résultat se cachent des processus culturels complexes qu’ils ne comprennent pas, se dotent d’un faux aéroport ou d’une fausse radio et dilapident ainsi, en pure perte, leurs dernières ressources.
Il serait injuste de penser que ce phénomène ne concerne que des populations peu avancées. En 1974, Richard Feynman dénonça la “Cargo Cult Science” lors d’un discours à Caltech10.
Les collectivités confrontées à une concurrence pour la population organisent agendas et ateliers (en fait des brainstormings) pour évoquer les raisons de leurs handicaps par rapport à d’autres. Il suit généralement une liste de solutions précédées de “Il faut” : de la Recherche, des Jeunes, des Cadres, une communauté homosexuelle, une patinoire, une piscine, le TGV, un festival, une équipe sportive onéreuse, son gymnase…Tout cela est peut-être vrai, mais cela revient à confondre les effets avec les processus requis pour les obtenir.
Comme nul ne comprend les processus culturels qui ont conduit à ce qu’une collectivité réussisse, il est plus facile de croire que boire le café de Georges Clooney vous apportera le même succès. Rien de nouveau ici : la publicité et ses 700 milliards de dollars de budget mondial annuel manipule cela depuis le début de la société de consommation.
Routes menant à des plateformes logistiques ou des zones industrielles jamais construites, bureaux vides, duplication des infrastructures (piscines, technopoles, pépinières…) à quelques mètres les unes des autres, le Culte du Cargo nous coûte cher : il faut que cela se voit, même si cela ne sert à rien. Malheureusement, les vraies actions de création des processus culturels et sociaux ne se voient généralement pas aussi bien qu’un beau bâtiment tout neuf.
Le processus suit trois étapes et retour : crise, fuite ou éviction des rationnels, rituel de brainstorming puis Culte du Cargo et investissement, qui conduisent enfin à une aggravation de la crise.
Ainsi, les pôles de compétitivité marchent d’autant mieux qu’ils viennent seulement labelliser un système culturel déjà préexistant. Lorsqu’ils sont des créations dans l’urgence, en hydroponique, par la volonté rituelle de reproduire, leurs effets relèvent de l’espoir, non d’une stratégie. Le culte du Cargo est une façon pour les collectivités prises au sens large de ne pas se poser la question véritable : Est-ce que chacune d’entre elles peut de manière identique accéder au même destin dans la société de la connaissance ?
2012 : les Indiens fuient-ils les Amériques ?
Le monde occidental est, contrairement à l’idée reçue, une société dont le moteur est l’inégalité. La compétition pour l’attractivité de la “meilleure” population fait rage et elle a été, tout le XXème siècle, à l’avantage des Etats-Unis. Une des raisons profondes à l’étrange résilience du dollar et à la curieuse faiblesse de l’Euro est l’irrationnel pari de la plus grande attractivité des Etats-Unis pour les compétences.
Depuis la création du G20, il y a au moins quatre “New kids in Town”, les BRICs. Si l’un des révélateurs d’un engrenage de type cargo est la fuite des cerveaux, alors, même si elle ne bat pas encore son plein, l’Occident, et particulièrement les Etats-Unis, risque fort de perdre une part de ses élites asiatiques. La multiplication des études, notamment de la part des institutions académiques indiennes, est révélatrice quant à elle d’une actualité
Si beaucoup des informaticiens des Etats-Unis sont Indiens, parfois mal dans leur peau aux USA11, et qu’une part croissante est maintenant attirée par un retour121314 dans une Inde démocratique et en train de gérer son problème de corruption, les deux premières phases du processus sont déjà bien engagées.
Il reste l’étape du rituel de brainstorming visant à étudier les conditions du succès Suisse, Chinois ou autre, pour que les idées de dépenses les plus incohérentes soient lancées
2012 : Contagion du Culte du Cargo aux Etats
Les campagnes électorales de 2012 seront un révélateur. S’il reste encore quelques esprits pour dire que la mise en place, coûteuse et dérangeante, des actions visant à rétablir les processus culturels conduisant à la création de richesse concrète, c’est-à-dire vendables à d’autres, alors l’Occident aura vécu un de ses énièmes rebonds civilisationnels. Si nous observons des investissements déraisonnables d’un point de vue thermodynamique, dans des infrastructures énergétiques décoratives mais inefficaces, ou bien dans de faux projets d’apparat visant à renforcer l’attractivité perdue, il faudra boire jusqu’à la lie le jus amer de la crise.
Ainsi, la tentation française de copier les mesures allemandes qui ont conduit au succès, sans que les dirigeants français aient vraiment compris pourquoi, mais en espérant les mêmes bénéfices, peut être considérée comme une expression du Culte du Cargo. C’est en effet faire fi des processus culturels engagés depuis des décennies en Allemagne et qui ont conduit à une culture de la négociation sociale et à des syndicats représentatifs.
En période de crise, il faudrait toujours prouver l’utilité des actions, pas le caractère publicitaire qu’elles pourraient avoir. En 2012, il faudra sans doute, dans les pays où des élections vont avoir lieu, poser la question du pourquoi des investissements. Les candidats proposant de séduisants mais coûteux gadgets devront être questionnés par les journalistes sur leur analyse.15
Dernières nouvelles de Flint, en novembre 2011, le gouverneur confirme l’état d’urgence financière de la ville15. Contrairement à ce que veulent faire croire les prêtres du Culte du Cargo, les danses de la pluie ne marchent pas, il faut réfléchir.13
Voir de même:

Cargo Cult Science

Richard P. Feynman

Caltech

1974

Some remarks on science, pseudoscience, and learning how to not fool yourself. Caltech’s 1974 commencement address.

During the Middle Ages there were all kinds of crazy ideas, such as that a piece of rhinoceros horn would increase potency. (Another crazy idea of the Middle Ages is these hats we have on today—which is too loose in my case.) Then a method was discovered for separating the ideas—which was to try one to see if it worked, and if it didn’t work, to eliminate it. This method became organized, of course, into science. And it developed very well, so that we are now in the scientific age. It is such a scientific age, in fact, that we have difficulty in understanding how­ witch doctors could ever have existed, when nothing that they proposed ever really worked—or very little of it did.

But even today I meet lots of people who sooner or later get me into a conversation about UFO’s, or astrology, or some form of mysticism, expanded consciousness, new types of awareness, ESP, and so forth. And I’ve concluded that it’s not a scientific world.

Most people believe so many wonderful things that I decided to investigate why they did. And what has been referred to as my curiosity for investigation has landed me in a difficulty where I found so much junk to talk about that I can’t do it in this talk. I’m overwhelmed. First I started out by investigating various ideas of mysticism, and mystic experiences. I went into isolation tanks (they’re dark and quiet and you float in Epsom salts) and got many hours of hallucinations, so I know something about that. Then I went to Esalen, which is a hotbed of this kind of thought (it’s a wonderful place; you should go visit there). Then I became overwhelmed. I didn’t realize how much there was.

I was sitting, for example, in a hot bath and there’s another guy and a girl in the bath. He says to the girl, “I’m learning massage and I wonder if I could practice on you?” She says OK, so she gets up on a table and he starts off on her foot—working on her big toe and pushing it around. Then he turns to what is apparently his instructor, and says, “I feel a kind of dent. Is that the pituitary?” And she says, “No, that’s not the way it feels.” I say, “You’re a hell of a long way from the pituitary, man.” And they both looked at me—I had blown my cover, you see—and she said, “It’s reflexology.” So I closed my eyes and appeared to be meditating.

That’s just an example of the kind of things that overwhelm me. I also looked into extrasensory perception and PSI phenomena, and the latest craze there was Uri Geller, a man who is supposed to be able to bend keys by rubbing them with his finger. So I went to his hotel room, on his invitation, to see a demonstration of both mind reading and bending keys. He didn’t do any mind reading that succeeded; nobody can read my mind, I guess. And my boy held a key and Geller rubbed it, and nothing happened. Then he told us it works better under water, and so you can picture all of us standing in the bathroom with the water turned on and the key under it, and him rubbing the key with his finger. Nothing happened. So I was unable to investigate that phenomenon.

But then I began to think, what else is there that we believe? (And I thought then about the witch doctors, and how easy it would have been to check on them by noticing that nothing really worked.) So I found things that even more people believe, such as that we have some knowledge of how to educate. There are big schools of reading methods and mathematics methods, and so forth, but if you notice, you’ll see the reading scores keep going down—or hardly going up—in spite of the fact that we continually use these same people to improve the methods. There’s a witch doctor remedy that doesn’t work. It ought to be looked into: how do they know that their method should work? Another example is how to treat criminals. We obviously have made no progress—lots of theory, but no progress—in decreasing the amount of crime by the method that we use to handle criminals.

Yet these things are said to be scientific. We study them. And I think ordinary people with commonsense ideas are intimidated by this pseudoscience. A teacher who has some good idea of how to teach her children to read is forced by the school system to do it some other way—or is even fooled by the school system into thinking that her method is not necessarily a good one. Or a parent of bad boys, after disciplining them in one way or another, feels guilty for the rest of her life because she didn’t do “the right thing,” according to the experts.

So we really ought to look into theories that don’t work, and science that isn’t science.

I tried to find a principle for discovering more of these kinds of things, and came up with the following system. Any time you find yourself in a conversation at a cocktail party—in which you do not feel uncomfortable that the hostess might come around and say, “Why are you fellows talking shop?’’ or that your wife will come around and say, “Why are you flirting again?”—then you can be sure you are talking about something about which nobody knows anything.

Using this method, I discovered a few more topics that I had forgotten—among them the efficacy of various forms of psychotherapy. So I began to investigate through the library, and so on, and I have so much to tell you that I can’t do it at all. I will have to limit myself to just a few little things. I’ll concentrate on the things more people believe in. Maybe I will give a series of speeches next year on all these subjects. It will take a long time.

I think the educational and psychological studies I mentioned are examples of what I would like to call Cargo Cult Science. In the South Seas there is a Cargo Cult of people. During the war they saw airplanes land with lots of good materials, and they want the same thing to happen now. So they’ve arranged to make things like runways, to put fires along the sides of the runways, to make a wooden hut for a man to sit in, with two wooden pieces on his head like headphones and bars of bamboo sticking out like antennas—he’s the controller—and they wait for the airplanes to land. They’re doing everything right. The form is perfect. It looks exactly the way it looked before. But it doesn’t work. No airplanes land. So I call these things Cargo Cult Science, because they follow all the apparent precepts and forms of scientific investigation, but they’re missing something essential, because the planes don’t land.

Now it behooves me, of course, to tell you what they’re missing. But it would he just about as difficult to explain to the South Sea Islanders how they have to arrange things so that they get some wealth in their system. It is not something simple like telling them how to improve the shapes of the earphones. But there is one feature I notice that is generally missing in Cargo Cult Science. That is the idea that we all hope you have learned in studying science in school—we never explicitly say what this is, but just hope that you catch on by all the examples of scientific investigation. It is interesting, therefore, to bring it out now and speak of it explicitly. It’s a kind of scientific integrity, a principle of scientific thought that corresponds to a kind of utter honesty—a kind of leaning over backwards. For example, if you’re doing an experiment, you should report everything that you think might make it invalid—not only what you think is right about it: other causes that could possibly explain your results; and things you thought of that you’ve eliminated by some other experiment, and how they worked—to make sure the other fellow can tell they have been eliminated.

Details that could throw doubt on your interpretation must be given, if you know them. You must do the best you can—if you know anything at all wrong, or possibly wrong—to explain it. If you make a theory, for example, and advertise it, or put it out, then you must also put down all the facts that disagree with it, as well as those that agree with it. There is also a more subtle problem. When you have put a lot of ideas together to make an elaborate theory, you want to make sure, when explaining what it fits, that those things it fits are not just the things that gave you the idea for the theory; but that the finished theory makes something else come out right, in addition.

In summary, the idea is to try to give all of the information to help others to judge the value of your contribution; not just the information that leads to judgment in one particular direction or another.

The easiest way to explain this idea is to contrast it, for example, with advertising. Last night I heard that Wesson Oil doesn’t soak through food. Well, that’s true. It’s not dishonest; but the thing I’m talking about is not just a matter of not being dishonest, it’s a matter of scientific integrity, which is another level. The fact that should be added to that advertising statement is that no oils soak through food, if operated at a certain temperature. If operated at another temperature, they all will—including Wesson Oil. So it’s the implication which has been conveyed, not the fact, which is true, and the difference is what we have to deal with.

We’ve learned from experience that the truth will out. Other experimenters will repeat your experiment and find out whether you were wrong or right. Nature’s phenomena will agree or they’ll disagree with your theory. And, although you may gain some temporary fame and excitement, you will not gain a good reputation as a scientist if you haven’t tried to be very careful in this kind of work. And it’s this type of integrity, this kind of care not to fool yourself, that is missing to a large extent in much of the research in Cargo Cult Science.

A great deal of their difficulty is, of course, the difficulty of the subject and the inapplicability of the scientific method to the subject. Nevertheless, it should be remarked that this is not the only difficulty. That’s why the planes don’t land—but they don’t land.

We have learned a lot from experience about how to handle some of the ways we fool ourselves. One example: Millikan measured the charge on an electron by an experiment with falling oil drops and got an answer which we now know not to be quite right. It’s a little bit off, because he had the incorrect value for the viscosity of air. It’s interesting to look at the history of measurements of the charge of the electron, after Millikan. If you plot them as a function of time, you find that one is a little bigger than Millikan’s, and the next one’s a little bit bigger than that, and the next one’s a little bit bigger than that, until finally they settle down to a number which is higher.

Why didn’t they discover that the new number was higher right away? It’s a thing that scientists are ashamed of—this history—because it’s apparent that people did things like this: When they got a number that was too high above Millikan’s, they thought something must be wrong—and they would look for and find a reason why something might be wrong. When they got a number closer to Millikan’s value they didn’t look so hard. And so they eliminated the numbers that were too far off, and did other things like that. We’ve learned those tricks nowadays, and now we don’t have that kind of a disease.

But this long history of learning how to not fool ourselves—of having utter scientific integrity—is, I’m sorry to say, something that we haven’t specifically included in any particular course that I know of. We just hope you’ve caught on by osmosis.

The first principle is that you must not fool yourself—and you are the easiest person to fool. So you have to be very careful about that. After you’ve not fooled yourself, it’s easy not to fool other scientists. You just have to be honest in a conventional way after that.

I would like to add something that’s not essential to the science, but something I kind of believe, which is that you should not fool the layman when you’re talking as a scientist. I’m not trying to tell you what to do about cheating on your wife, or fooling your girlfriend, or something like that, when you’re not trying to be a scientist, but just trying to be an ordinary human being. We’ll leave those problems up to you and your rabbi. I’m talking about a specific, extra type of integrity that is not lying, but bending over backwards to show how you’re maybe wrong, that you ought to do when acting as a scientist. And this is our responsibility as scientists, certainly to other scientists, and I think to laymen.

For example, I was a little surprised when I was talking to a friend who was going to go on the radio. He does work on cosmology and astronomy, and he wondered how he would explain what the applications of this work were. “Well,” I said, “there aren’t any.” He said, “Yes, but then we won’t get support for more research of this kind.” I think that’s kind of dishonest. If you’re representing yourself as a scientist, then you should explain to the layman what you’re doing—and if they don’t want to support you under those circumstances, then that’s their decision.

One example of the principle is this: If you’ve made up your mind to test a theory, or you want to explain some idea, you should always decide to publish it whichever way it comes out. If we only publish results of a certain kind, we can make the argument look good. We must publish both kinds of result. For example—let’s take advertising again—suppose some particular cigarette has some particular property, like low nicotine. It’s published widely by the company that this means it is good for you—they don’t say, for instance, that the tars are a different proportion, or that something else is the matter with the cigarette. In other words, publication probability depends upon the answer. That should not be done.

I say that’s also important in giving certain types of government advice. Supposing a senator asked you for advice about whether drilling a hole should be done in his state; and you decide it would he better in some other state. If you don’t publish such a result, it seems to me you’re not giving scientific advice. You’re being used. If your answer happens to come out in the direction the government or the politicians like, they can use it as an argument in their favor; if it comes out the other way, they don’t publish it at all. That’s not giving scientific advice.

Other kinds of errors are more characteristic of poor science. When I was at Cornell. I often talked to the people in the psychology department. One of the students told me she wanted to do an experiment that went something like this—I don’t remember it in detail, but it had been found by others that under certain circumstances, X, rats did something, A. She was curious as to whether, if she changed the circumstances to Y, they would still do, A. So her proposal was to do the experiment under circumstances Y and see if they still did A.

I explained to her that it was necessary first to repeat in her laboratory the experiment of the other person—to do it under condition X to see if she could also get result A—and then change to Y and see if A changed. Then she would know that the real difference was the thing she thought she had under control.

She was very delighted with this new idea, and went to her professor. And his reply was, no, you cannot do that, because the experiment has already been done and you would be wasting time. This was in about 1935 or so, and it seems to have been the general policy then to not try to repeat psychological experiments, but only to change the conditions and see what happens.

Nowadays there’s a certain danger of the same thing happening, even in the famous field of physics. I was shocked to hear of an experiment done at the big accelerator at the National Accelerator Laboratory, where a person used deuterium. In order to compare his heavy hydrogen results to what might happen to light hydrogen he had to use data from someone else’s experiment on light hydrogen, which was done on different apparatus. When asked he said it was because he couldn’t get time on the program (because there’s so little time and it’s such expensive apparatus) to do the experiment with light hydrogen on this apparatus because there wouldn’t be any new result. And so the men in charge of programs at NAL are so anxious for new results, in order to get more money to keep the thing going for public relations purposes, they are destroying—possibly—the value of the experiments themselves, which is the whole purpose of the thing. It is often hard for the experimenters there to complete their work as their scientific integrity demands.

All experiments in psychology are not of this type, however. For example, there have been many experiments running rats through all kinds of mazes, and so on—with little clear result. But in 1937 a man named Young did a very interesting one. He had a long corridor with doors all along one side where the rats came in, and doors along the other side where the food was. He wanted to see if he could train the rats to go in at the third door down from wherever he started them off. No. The rats went immediately to the door where the food had been the time before.

The question was, how did the rats know, because the corridor was so beautifully built and so uniform, that this was the same door as before? Obviously there was something about the door that was different from the other doors. So he painted the doors very carefully, arranging the textures on the faces of the doors exactly the same. Still the rats could tell. Then he thought maybe the rats were smelling the food, so he used chemicals to change the smell after each run. Still the rats could tell. Then he realized the rats might be able to tell by seeing the lights and the arrangement in the laboratory like any commonsense person. So he covered the corridor, and, still the rats could tell.

He finally found that they could tell by the way the floor sounded when they ran over it. And he could only fix that by putting his corridor in sand. So he covered one after another of all possible clues and finally was able to fool the rats so that they had to learn to go in the third door. If he relaxed any of his conditions, the rats could tell.

Now, from a scientific standpoint, that is an A‑Number‑l experiment. That is the experiment that makes rat‑running experiments sensible, because it uncovers the clues that the rat is really using—not what you think it’s using. And that is the experiment that tells exactly what conditions you have to use in order to be careful and control everything in an experiment with rat‑running.

I looked into the subsequent history of this research. The subsequent experiment, and the one after that, never referred to Mr. Young. They never used any of his criteria of putting the corridor on sand, or being very careful. They just went right on running rats in the same old way, and paid no attention to the great discoveries of Mr. Young, and his papers are not referred to, because he didn’t discover anything about the rats. In fact, he discovered all the things you have to do to discover something about rats. But not paying attention to experiments like that is a characteristic of Cargo Cult Science.

Another example is the ESP experiments of Mr. Rhine, and other people. As various people have made criticisms—and they themselves have made criticisms of their own experiments—they improve the techniques so that the effects are smaller, and smaller, and smaller until they gradually disappear. All the parapsychologists are looking for some experiment that can be repeated—that you can do again and get the same effect—statistically, even. They run a million rats—no, it’s people this time—they do a lot of things and get a certain statistical effect. Next time they try it they don’t get it any more. And now you find a man saying that it is an irrelevant demand to expect a repeatable experiment. This is science?

This man also speaks about a new institution, in a talk in which he was resigning as Director of the Institute of Parapsychology. And, in telling people what to do next, he says that one of the things they have to do is be sure they only train students who have shown their ability to get PSI results to an acceptable extent—not to waste their time on those ambitious and interested students who get only chance results. It is very dangerous to have such a policy in teaching—to teach students only how to get certain results, rather than how to do an experiment with scientific integrity.

So I wish to you—I have no more time, so I have just one wish for you—the good luck to be somewhere where you are free to maintain the kind of integrity I have described, and where you do not feel forced by a need to maintain your position in the organization, or financial support, or so on, to lose your integrity. May you have that freedom. May I also give you one last bit of advice: Never say that you’ll give a talk unless you know clearly what you’re going to talk about and more or less what you’re going to say.

Voir de plus:

René Girard. « L’accroissement de la puissance de l’homme sur le réel m’effraie »

René Girard, propos recueillis par Juliette Cerf publié le 11 min

[Actualisation: René Girard est mort mercredi 4 novembre 2015, à l’âge de 91 ans] Auteur d’une théorie fertile et discutée, René Girard est un penseur inclassable qui vit aux Etats-Unis depuis 1947. Entre critique littéraire, théologie et anthropologie, il révèle les liens unissant la violence et le religieux, et construit une « science des rapports humains ».

Transdisciplinaire, la théorie du désir mimétique de René Girard repose sur l’idée que l’homme ne désire jamais par lui-même sinon en imitant les désirs d’un tiers pris pour modèle, le médiateur. Aux concepts abstraits et à la fixité, il a toujours préféré la matière des œuvres et le dynamisme des mécanismes, comme celui du bouc émissaire et du sacrifice. Né le 25 décembre 1923 à Avignon, ancien élève de l’École des chartes, venu « de nulle part » comme il aime à le dire, René Girard s’est d’abord intéressé au désir mimétique à travers la littérature (Mensonge romantique et vérité romanesque) avant de prendre pour objet les religions archaïques (La Violence et le Sacré) puis la Bible et le christianisme (Des choses cachées depuis la fondation du monde). Anthropologue autodidacte élu à l’Académie française en 2005, penseur chrétien converti par sa théorie – « Ce n’est pas parce je suis chrétien que je pense comme je le fais ; c’est parce que mes recherches m’ont amené à penser ce que je pense, que je suis devenu chrétien », a-t-il écrit –, René Girard a bâti une anthropologie du phénomène religieux. En insistant sur le passage des religions mythiques au christianisme, il invente une genèse de la culture.

Philosophie magazine : Votre parcours est atypique. Votre position  extérieure à l’université vous a-t-elle permis d’élaborer votre théorie transversale ?

René Girard : Oui, sans conteste, et cela remonte très tôt dans mon enfance. Je n’ai jamais rien appris dans les établissements d’enseignement. J’ai des souvenirs de mon entrée en classe de dixième à Avignon. Je vois encore la maîtresse, aussi peu terrifiante que possible. Elle m’a pourtant causé une véritable panique… Ma mère m’a retiré du lycée et j’ai passé mes premières années d’enseignement dans ce que mon père appelait une école de gâtés. Je suis retourné au lycée en sixième et je suis devenu terriblement chahuteur, si bien que je me suis fait renvoyer de l’année de philo. J’avais passé mon premier bac très médiocrement et j’ai fait ma classe de philo seul. J’ai obtenu une mention bien. À partir de là, mon père a considéré que j’étais le meilleur professeur de moi-même… En 1941, je suis parti pour la khâgne de Lyon. La situation était difficile, il y avait déjà des restrictions alimentaires, et je suis rentré chez mes parents. Mon père, qui était conservateur de la bibliothèque et du musée d’Avignon, m’a suggéré de préparer seul l’École des chartes. J’ai été reçu en 1943. Mais j’ai trouvé cela ennuyeux et suis parti pour les États-Unis en 1947, répondant à une offre d’assistant de français.

C’est la littérature qui est à la source de votre théorie.

«Le christianisme est, selon moi, à la source du scepticisme moderne, il est démystification»

Aux États-Unis, j’ai commencé à enseigner la littérature française. Mon idée première a été de me demander comment enseigner ces romans que, pour beaucoup, je n’avais pas lus. La critique littéraire était déjà très différentialiste ; il fallait découvrir dans les œuvres ce qui les rendait exceptionnelles, différentes les unes des autres. En lisant ces romans, ce qui m’a frappé au contraire, c’est la substance très analogue qui en émanait, de Stendhal à Proust par exemple. La même problématique sociale reparaissait sous un jour différent, mais avec des différences liées à la période plutôt qu’à la personnalité du romancier. Je suis arrivé à l’idée que s’il y a des modes et de l’Histoire, c’est parce que les hommes ont tendance à désirer la même chose. Ils imitent le désir les uns des autres. L’imitation, pour cette raison, est source de conflits. Désirer la même chose, c’est s’opposer à son modèle, c’est essayer de lui enlever l’objet qu’il désire. Le modèle se change en rival. Ces allers-retours accélèrent les échanges hostiles et la puissance du désir ; il y a donc chez l’homme une espèce de spirale ascendante de rivalité, de concurrence et de violence. Si la littérature a été un point de départ pour moi, c’est que le roman ne parle que des rapports concrets, des vraies relations humaines ; il ne monologue pas. C’est à partir de trois personnages que l’on peut parler correctement des rapports humains et jamais à partir d’un sujet seul. C’est la rivalité mimétique qui est première pour moi, non l’individu.

Vous reprochez à la philosophie de ne pas penser assez la relation. Que faire de l’intersubjectivité ?

L’intersubjectivité est la bonne direction mais elle est récente. Lévinas a bien compris le mimétisme ; il cite toujours cette parole talmudique formidable : si tout le monde est d’accord pour condamner un individu, libérez-le, il doit être innocent. L’accord contre lui est un accord mimétique. Dans le Talmud, il y a une conscience du mimétisme, de l’influence réciproque des hommes les uns sur les autres qui tranche complètement sur les religions antiques et en particulier sur la religion grecque. Cette dernière voit les individus comme des boules de billard, isolées les unes des autres. Nous avons vécu une longue période où la philosophie ne voyait que des différences ; la déconstruction et le structuralisme ont alors joué un rôle important. Pour moi, au fond, il n’y a que des identités méconnues. La méconnaissance que l’Amérique a de l’Europe est à cet égard frappante ; les Américains imaginent qu’il y a quelque chose de spécifiquement européen qu’ils n’ont pas et ne comprennent pas. En réalité, ils ne comprennent pas l’identité des réactions de part et d’autre ; les différences ne sont que des différences de situation, de pouvoir relatif. L’Europe fait la même chose vis-à-vis de l’Amérique : elle ne voit pas à quel point l’Amérique est la même chose que l’Europe. Chez les Américains, il y a quand même cette idée qu’on a immigré parce qu’on est des Européens ratés ; par conséquent, l’Amérique est en rivalité permanente, toujours en train de prouver à l’Europe qu’elle peut faire mieux qu’elle.

La violence est au cœur de votre anthropologie mimétique. Cet aspect conflictuel de l’imitation, la philosophie ne l’avait-elle pas déjà mis en lumière ?

Platon est le premier à avoir parlé de l’imitation. Il lui a accordé un rôle prodigieux : l’imitation, pour lui, est essentielle et dangereuse. Il la redoute. L’imitation, c’est le passage de l’essence à l’existence. Dans La République, il y a des textes extraordinaires sur les dangers des gardiens de la cité idéale s’imitant les uns les autres. L’hostilité de Platon envers la foule, qui est dans une imitation déréglée, déchaînée, est impressionnante. Platon est l’un des précurseurs de cette vision conflictuelle de l’imitation, mais il n’en révèle pas vraiment le mécanisme. Tout ceci disparaît avec Aristote qui rend l’imitation anodine et docile ; pour lui, l’imitation, c’est le peintre du dimanche voulant être aussi réaliste que possible ! Depuis Aristote, l’imitation est considérée comme une faculté, une technique assez stupide et dérisoire, qui joue un rôle dans l’éducation élémentaire.

Selon vous, la philosophie est idéaliste, essentialiste. Est-ce votre réalisme qui vous en éloigne ?

Oui, je pense que l’accent mis sur l’observation du réel dans le monde moderne a été quelque chose de très efficace, autant dans le danger que dans le bénéfice. Les outils dont l’homme dispose aujourd’hui sont infiniment plus puissants que tous ceux qu’il a connus auparavant. Ces outils, l’homme est parfaitement capable de les utiliser de façon égoïste et rivalitaire. Ce qui m’intéresse, c’est cet accroissement de la puissance de l’homme sur le réel. Les statistiques de production et de consommation d’énergie sont en progrès constant, et la rapidité d’augmentation de ce progrès augmente elle aussi constamment, dessinant une courbe parfaite, presque verticale. C’est pour moi une immense source d’effroi tant les hommes, essentiellement, restent des rivaux, rivalisant pour le même objet ou la même gloire – ce qui est la même chose. Nous sommes arrivés à un stade où le milieu humain est menacé par la puissance même de l’homme. Il s’agit avant tout de la menace écologique, des armes et des manipulations biologiques.

Dans Achever Clausewitz, vous ne cachez pas votre inquiétude face à ce climat « apocalyptique ».

«L’humanisme occidental ne voit pas que la violence se développe spontanément quand les hommes rivalisent pour un objet»

Loin d’être absurdes ou impensables, les grands textes eschatologiques – ceux des Évangiles synoptiques, en particulier Matthieu, chapitre 24, et Marc, chapitre 13 –, sont d’une actualité saisissante. La science moderne a séparé la nature et la culture, alors qu’on avait défini la religion comme le tonnerre de Zeus, etc. Dans les textes apocalyptiques, ce qui frappe, c’est ce mélange de nature et de culture ; les guerres et rumeurs de guerre, le fracas de la mer et des flots ne forment qu’un. Or si nous regardons ce qui se passe autour de nous, si nous nous interrogeons sur l’action des hommes sur le réel, le réchauffement global, la montée du niveau la mer, nous nous retrouvons face à un univers où les choses naturelles et culturelles sont confondues. La science elle-même le reconnaît. J’ai voulu radicaliser cet aspect apocalyptique. Je pense que les gens sont trop rassurés. Ils se rassurent eux-mêmes. L’homme est comme un insecte qui fait son nid ; il fait confiance à l’environnement. La créature fait toujours confiance à l’environnement… Le rationalisme issu des Lumières continue aussi à rassurer. Les rapports humains, l’humanisme des Lumières les juge stables ; il considère que les rapports hostiles entre individus sont exactement comme ces boules de billard qui s’entrechoquent : c’est la plus grosse ou la plus rapide qui l’emporte sur les autres. L’humanisme occidental ne voit pas que la violence est ce qui se développe spontanément entre les hommes lorsqu’ils rivalisent pour un objet. Clausewitz était un homme des Lumières, et ce n’est, à mon avis, que parce qu’il parle de la guerre qu’il saisit les rapports humains véritables ; libéré, il peut parler de la violence. Quand Clausewitz définit la guerre comme une montée aux extrêmes, il décrit un mécanisme très simple : lorsque nous nous bagarrons avec quelqu’un, nous allons toujours vers le pire, nos injures seront toujours plus violentes. Il se produit ce que nous appelons aujourd’hui une « escalade », escalation en anglais, une montée par échelle d’intensité.

Certains phénomènes contemporains relèvent-ils, pour vous, du mécanisme mimétique ?

La Chine a favorisé le développement de l’automobile. Cette priorité dénote une rivalité avec les Américains sur un terrain très redoutable ; la pollution dans la région de Shanghai est effrayante. Mais avoir autant d’automobiles que l’Amérique est un but dont il est, semble-t-il, impossible de priver les hommes. L’Occident conseille aux pays en voie de développement et aux pays les plus peuplés du globe, comme la Chine et l’Inde, de ne pas faire la même chose que lui ! Il y a là quelque chose de paradoxal et de scandaleux pour ceux auxquels ces conseils s’adressent. Aux États-Unis, les politiciens vous diront tous qu’ils sont d’accord pour prendre des mesures écologiques si elles ne touchent pas les accroissements de production. Or, s’il y a une partie du monde qui n’a pas besoin d’accroissement de production, c’est bien les États-Unis ; le profit individuel et les rivalités, qui ne sont pas immédiatement guerrières et destructrices mais qui le seront peut-être indirectement, et de façon plus massive encore, sont sacrées ; pas question de les toucher. Que faut-il pour qu’elles cessent d’être sacrées ? Il n’est pas certain que la situation actuelle, notamment la disparition croissante des espèces, soit menaçante pour la vie sur la planète, mais il y a une possibilité très forte qu’elle le soit. Ne pas prendre de précaution, alors qu’on est dans le doute, est dément. Des mesures écologiques sérieuses impliqueraient des diminutions de production. Mais ce raisonnement ne joue pas dans l’écologie, l’humanité étant follement attachée à ce type de concurrence qui structure en particulier la réalité occidentale, les habitudes de vie, de goût de l’humanité dite « développée ».

Vivons-nous dans une société de victimes ? Ce processus actuel de victimisation ressemble-t-il à celui que vous avez analysé dans Le Bouc émissaire ?

Notre société s’intéresse aux victimes et dénonce la victimisation collective d’individus innocents. Le besoin de bouc émissaire est si puissant que nous accusons toujours les gens de faire des boucs émissaires. Aujourd’hui, nous victimisons les victimisateurs ou ceux que nous jugeons comme tels. Dès que nous sommes hostiles à quelqu’un, nous l’accusons de faire des victimes, ce qui est très différent de l’hostilité qui structure les sociétés archaïques. Dans mon système, il y a deux types de religions. D’abord, les religions archaïques, qui sont fondées sur des crises de violence se résolvant par des phénomènes de bouc émissaire, c’est-à-dire par le choix d’une victime insignifiante mais dont on comprend, au regard des mythes, qu’elle n’est pas choisie au hasard : Œdipe est boiteux, il a attiré l’attention pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le parricide et l’inceste. Le fait religieux, c’est un bouc émissaire qui rassemble contre lui une communauté troublée et qui fait cesser ce trouble. Ce bouc émissaire apparaît très méchant, dangereux, mais aussi très bon et secourable puisqu’il ressoude la communauté et purge la violence. Il faut l’apaiser. Pour cela, on recommence prudemment sur des victimes désignées à l’avance qui n’appartiennent pas à la communauté, qui lui sont un peu extérieures ; c’est-à-dire qu’on fait des sacrifices, des moments de violence contrôlés, ritualisés. La religion protège ainsi les sociétés de la violence mimétique. Ensuite, le judaïque et le chrétien révèlent la vérité du système. Dans les sociétés archaïques, le système fonctionne parce qu’on ne le comprend pas. C’est ce que j’appelle la méconnaissance : avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a ; apprendre qu’on en a un, c’est le perdre. L’anthropologie moderne a compris que, d’une certaine manière, le drame dans le judaïque et le chrétien, et en particulier la crucifixion du Christ, a la même structure que les mythes. Mais ce que les antropologues n’ont pas vu, c’est que dans les mythes, la victime apparaît comme coupable, tandis que les Évangiles reconnaissent l’innocence de la victime sacrificielle. On peut les considérer comme une explication de la religion archaïque : mieux on comprend les Évangiles, plus on comprend qu’ils suppriment les religions. J’exalte le christianisme d’une façon paradoxale. Selon moi, il est à la source du scepticisme moderne. Il est révélation des boucs émissaires. Il est démystification.

Voir encore:

« Fin du monde » contre « fin du mois », la rhétorique méprisante de nos élites

En reprenant à son compte cette expression, Emmanuel Macron a illustré la vision caricaturale qu’ont nos dirigeants de la France périphérique.

Benjamin Masse-Stamberger

Marianne

La « fin du monde » contre la « fin du mois ». L’expression, supposée avoir été employée initialement par un gilet jaune, a fait florès : comment concilier les impératifs de pouvoir d’achat à court terme, et les exigences écologiques vitales pour la survie de la planète ? La formule a même été reprise ce mardi par Emmanuel Macron, dans son discours sur la transition énergétique. « On l’entend, le président, le gouvernement, a-t-il expliqué, en paraphrasant les requêtes supposées des contestataires. Ils évoquent la fin du monde, nous on parle de la fin du mois. Nous allons traiter les deux, et nous devons traiter les deux. »

L’expression a-t-elle effectivement été employée par des gilets jaunes ? Peut-être. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que nos élites se sont saisies avec gourmandise de cette dialectique rassurante, reprise comme une antienne sur tous les plateaux de télévision pour résumer la problématique soulevée par ce mouvement sans précédent. Les politiques eux-mêmes en ont fait leurs choux gras : l’expression avait déjà été employée par Nicolas Hulot le 22 novembre, lors de l’Emission politique sur France 2, puis par Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, le 24 novembre sur LCI enfin par Ségolène Royal le 25 novembre dernier, sur France 3. A vrai dire, elle avait même été utilisée par David Cormand, le secrétaire national d’Europe-Ecologie-Les Verts, sur France Info… dès le 4 septembre !

Quand on prend le temps de parler à ces gilets jaunes, on constate qu’ils sont parfaitement conscients de la problématique écologique

C’est dire que l’expression – si elle a pu être reprise ponctuellement par tel ou tel manifestant – émane en fait de nos élites boboïsantes. Elle correspond bien à la vision méprisante qu’elles ont d’une France périphérique aux idées étriquées, obsédée par le « pognon » indifférente au bien commun, là où nos dirigeants auraient la capacité à embrasser plus large, et à voir plus loin.

Or, la réalité est toute autre : quand on prend le temps de parler à ces gilets jaunes, on constate qu’ils sont parfaitement conscients de la problématique écologique. Parmi leurs revendications, dévoilées ces derniers jours, il y a ainsi l’interdiction immédiate du glyphosate, cancérogène probable que le gouvernement a en revanche autorisé pour encore au moins trois ans. Mais, s’ils se sentent concernés par l’avenir de la planète, les représentants de cette France rurale et périurbaine refusent de payer pour les turpitudes d’un système économique qui détruit l’environnement. D’autant que c’est ce même système qui est à l’origine de la désindustrialisation et de la dévitalisation des territoires, dont ils subissent depuis trente ans les conséquences en première ligne. A l’inverse, nos grandes consciences donneuses de leçon sont bien souvent les principaux bénéficiaires de cette économie mondialisée. Qui est égoïste, et qui est altruiste ?

Parmi les doléances des gilets jaunes, on trouve d’ailleurs aussi nombre de revendications politiques : comptabilisation du vote blanc, présence obligatoire des députés à l’Assemblée nationale, promulgation des lois par les citoyens eux-mêmes. Des revendications qu’on peut bien moquer, ou balayer d’un revers de manche en estimant qu’elles ne sont pas de leur ressort. Elles n’en témoignent pas moins d’un souci du politique, au sens le plus noble du terme, celui du devenir de la Cité. A l’inverse, en se repaissant d’une figure rhétorique caricaturale, reprise comme un « gimmick » de communication, nos élites démontrent leur goût pour le paraître et la superficialité, ainsi que la facilité avec laquelle elles s’entichent de clichés qui ne font que conforter leurs préjugés. Alors, qui est ouvert, et qui est étriqué ? Qui voit loin, et qui est replié sur lui-même ? Qui pense à ses fins de mois, et qui, à la fin du monde ?

Voir enfin:

LE GATEAU MIRACLE

Homo deus

Yuval Noah Harari

2015

/…/ La modernité (…) repose sur la conviction que la croissance économique n’est pas seulement possible mais absolument essentielle. Prières, bonnes actions et méditation pourraient bien être une source de consolation et d’inspiration, mais des problèmes tels que la famine, les épidémies et la guerre ne sauraient être résolus que par la croissance. Ce dogme fondamental se laisse résumer par une idée simple : « Si tu as un problème, tu as probablement besoin de plus, et pour avoir plus, il faut produire plus ! »

Les responsables politiques et les économistes modernes insistent : la croissance est vitale pour trois grandes raisons. Premièrement, quand nous produisons plus, nous pouvons consommer plus, accroître notre niveau de vie et, prétendument, jouir d’une vie plus heureuse. Deuxièmement, tant que l’espèce humaine se multiplie, la croissance économique est nécessaire à seule fin de rester où nous en sommes. En Inde, par exemple, la croissance démographique est de 1,2 % par an. Cela signifie que, si l’économie indienne n’enregistre pas une croissance annuelle d’au moins 1,2 %, le chômage augmentera, les salaires diminueront et le niveau de vie moyen déclinera. Troisièmement, même si les Indiens cessent de se multiplier, et si la classe moyenne indienne peut secontenter de son niveau de vie actuel, que devrait faire l’Inde de ses centaines demillions de citoyens frappés par la pauvreté ? Sans croissance, le gâteau reste dela même taille ; on ne saurait par conséquent donner plus aux pauvres qu’en prenant aux riches. Cela obligera à des choix très difficiles, et causera probablement beaucoup de rancœur, voire de violence. Si vous souhaitez éviter des choix douloureux, le ressentiment et les violences, il vous faut un gâteau plus gros.

La modernité a fait du « toujours plus » une panacée applicable à la quasi-totalité des problèmes publics et privés – du fondamentalisme religieux au mariage raté, en passant par l’autoritarisme dans le tiers-monde. Si seulement des pays comme le Pakistan et l’Égypte pouvaient soutenir une croissance régulière, leurs citoyens profiteraient des avantages que constituent voitures individuelles et réfrigérateurs pleins à craquer ; dès lors, ils suivraient la voie dela prospérité ici-bas au lieu d’emboîter le pas au joueur de pipeau fondamentaliste. De même, dans des pays comme le Congo et la Birmanie, lacroissance économique produirait une classe moyenne prospère, qui est le socle de la démocratie libérale. Quant au couple qui traverse une mauvaise passe, il serait sauvé si seulement il pouvait acquérir une maison plus grande (que mari et femme n’aient pas à partager un bureau encombré), acheter un lave-vaisselle (qu’ils cessent de se disputer pour savoir à qui le tour de faire la vaisselle) et suivre de coûteuses séances de thérapie deux fois par semaine.

La croissance économique est ainsi devenue le carrefour où se rejoignent la quasi-totalité des religions, idéologies et mouvements modernes. L’Union soviétique, avec ses plans quinquennaux mégalomaniaques, n’était pas moins obsédée par la croissance que l’impitoyable requin de la finance américain. De même que chrétiens et musulmans croient tous au ciel et ne divergent que sur le moyen d’y parvenir, au cours de la guerre froide, capitalistes et communistes imaginaient créer le paradis sur terre par la croissance économique et ne sedisputaient que sur la méthode exacte.

Aujourd’hui, les revivalistes hindous, les musulmans pieux, les nationalistes japonais et les communistes chinois peuvent bien proclamer leur adhésion à de valeurs et objectifs très différents : tous ont cependant fini par croire que la croissance économique est la clé pour atteindre leurs buts disparates. En 2014, Narendra Modi, hindou fervent, a ainsi été élu Premier ministre de l’Inde ; sonélection a largement été due au fait qu’il a su stimuler la croissance économiquedans son État du Gujarât et à l’idée largement partagée que lui seul pourrait ranimer une économie nationale léthargique. En Turquie, des vues analogues ontpermis à l’islamiste Recep Tayyip Erdoğan de conserver le pouvoir depuis 2003. Le nom de son parti – Parti de la justice et du développement – souligne sonattachement au développement économique ; de fait, le gouvernement Erdoğan aréussi à obtenir des taux de croissance impressionnants depuis plus de dix ans.

En 2012, le Premier ministre japonais, le nationaliste Shinzō Abe, est arrivé au pouvoir en promettant d’arracher l’économie japonaise à deux décennies de stagnation. À cette fin, il a recouru à des mesures si agressives et inhabituellesqu’on a parlé d’ « abenomie ». Dans le même temps, en Chine, le particommuniste a rendu hommage du bout des lèvres aux idéaux marxistes-léninistes traditionnels ; dans les faits, cependant, il s’en tient aux célèbresmaximes de Deng Xiaoping : « le développement est la seule vérité tangible » et « qu’importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris ». Ce qui veut dire en clair : faites tout ce qui sert la croissance économique, même sicela aurait déplu à Marx et à Lénine.

À Singapour, comme il sied à cet État-cité qui va droit au but, cet axe de réflexion est poussé encore plus loin, au point que les salaires des ministres sontindexés sur le PIB. Quand l’économie croît, le salaire des ministres estaugmenté, comme si leur mission se réduisait à cela. Cette obsession de la croissance pourrait sembler aller de soi, mais c’est uniquement parce que nous vivons dans le monde moderne. Les maharajas indiens, les sultans ottomans, les shoguns de Kamakura et les empereurs Han fondaient rarement leur destin politique sur la croissance économique. Que Modi, Erdoğan, Abe et le président chinois Xi Jinping aient tous misé leur carrière sur la croissance atteste le statut quasi religieux que la croissance a fini par acquérir à travers le monde. De fait, on n’a sans doute pas tort de parler de religion lorsqu’il s’agit de la croyance dans la croissance économique : elle prétend aujourd’hui résoudre nombre de nos problèmes éthiques, sinon la plupart. La croissance économique étant prétendument la source de toutes les bonnes choses, elle encourage les gens à enterrer leurs désaccords éthiques pour adopter la ligne d’action qui maximise la croissance à long terme. L’Inde de Modi abrite des milliers de sectes, de partis, de mouvements et de gourous : bien que leurs objectifs ultimes puissent diverger, tous doivent passer par le même goulet d’étranglement de la croissance économique. Alors, en attendant, pourquoi ne pas tous se serrer les coudes ?

Le credo du « toujours plus » presse en conséquence les individus, les entreprises et les gouvernements de mépriser tout ce qui pourrait entraver la croissance économique : par exemple, préserver l’égalité sociale, assurer l’harmonie écologique ou honorer ses parents. En Union soviétique, lesdirigeants pensaient que le communisme étatique était la voie de la croissance laplus rapide : tout ce qui se mettait en travers de la collectivisation fut donc passé au bulldozer, y compris des millions de koulaks, la liberté d’expression et la mer d’Aral. De nos jours, il est généralement admis qu’une forme de capitalisme de marché est une manière beaucoup plus efficace d’assurer la croissance à long terme : on protège donc les magnats cupides, les paysans riches et la liberté d’expression, tout en démantelant et détruisant les habitats écologiques, les structures sociales et les valeurs traditionnelles qui gênent le capitalisme de marché.

Prenez, par exemple, une ingénieure logiciel qui touche 100 dollars par heure de travail dans une start-up de high-tech. Un jour, son vieux père fait un AVC. Il a besoin d’aide pour faire ses courses, la cuisine et même sa toilette. Elle pourrait installer son père chez elle, partir plus tard au travail le matin, rentrer plus tôt le soir et prendre soin personnellement de son père. Ses revenus et la productivité de la start-up en souffriraient, mais son père profiterait des soins d’une fille dévouée et aimante. Inversement, elle pourrait faire appel à une aide mexicaine qui, pour 12 dollars de l’heure, vivrait avec son père et pourvoirait à tous ses besoins. Cela ne changerait rien à sa vie d’ingénieure et à la start-up, et cela profiterait à l’aide et l’économie mexicaines. Que doit faire notre ingénieure ?

Le capitalisme de marché a une réponse sans appel. Si la croissance économique exige que nous relâchions les liens familiaux, encouragions les gens à vivre loin de leurs parents, et importions des aides de l’autre bout du monde, ainsi soit-il. Cette réponse implique cependant un jugement éthique, plutôt qu’unénoncé factuel. Lorsque certains se spécialisent dans les logiciels quand d’autresconsacrent leur temps à soigner les aînés, on peut sans nul doute produire plus de logiciels et assurer aux personnes âgées des soins plus professionnels. Mais la croissance économique est-elle plus importante que les liens familiaux ? En sepermettant de porter des jugements éthiques de ce type, le capitalisme de marchéa franchi la frontière qui séparait le champ de la science de celui de la religion.

L’étiquette de « religion » déplairait probablement à la plupart des capitalistes, mais, pour ce qui est des religions, le capitalisme peut au moins tenir la tête haute. À la différence des autres religions qui nous promettent un gâteau au ciel, le capitalisme promet des miracles ici, sur terre… et parfois même en accomplit. Le capitalisme mérite même des lauriers pour avoir réduit la violence humaine etaccru la tolérance et la coopération. Ainsi que l’explique le chapitre suivant, d’autres facteurs entrent ici en jeu, mais le capitalisme a amplement contribué à l’harmonie mondiale en encourageant les hommes à cesser de voir l’économie comme un jeu à somme nulle, où votre profit est ma perte, pour y voir plutôt une situation gagnant-gagnant, où votre profit est aussi le mien. Cette approche dubénéfice mutuel a probablement bien plus contribué à l’harmonie générale quedes siècles de prédication chrétienne sur le thème du « aime ton prochain » et « tends l’autre joue ».

De sa croyance en la valeur suprême de la croissance, le capitalisme déduit son commandement numéro un : tu investiras tes profits pour augmenter la croissance. Pendant le plus clair de l’histoire, les princes et les prêtres ont dilapidé leurs profits en carnavals flamboyants, somptueux palais et guerres inutiles. Inversement, ils ont placé leurs pièces d’or dans des coffres de fer, scellés et enfermés dans un donjon. Aujourd’hui, les fervents capitalistes se servent de leurs profits pour embaucher, développer leur usine ou mettre au point un nouveau produit.

S’ils ne savent comment faire, ils confient leur argent à quelqu’un qui saura : un banquier ou un spécialiste du capital-risque. Ce dernier prête de l’argent à divers entrepreneurs. Des paysans empruntent pour planter de nouveaux champs de blé ; des sous-traitants, pour construire de nouvelles maisons, des compagniesénergétiques, pour explorer de nouveaux champs de pétrole et les usinesd’armement, pour mettre au point de nouvelles armes. Les profits de toutes cesactivités permettent aux entrepreneurs de rembourser avec intérêts. Non seulement nous avons maintenant plus de blé, de maisons, de pétrole et d’armes, mais nous avons aussi plus d’argent, que les banques et les fonds peuvent denouveau prêter. Cette roue ne cessera jamais de tourner, du moins pas selon le capitalisme. Jamais n’arrivera un moment où le capitalisme dira : « Ça suffit. Il y a assez de croissance ! On peut se la couler douce. » Si vous voulez savoir pourquoi la roue capitaliste a peu de chance de s’arrêter un jour de tourner, discutez donc une heure avec un ami qui a accumulé 100 000 dollars et se demande qu’en faire.

« Les banques offrent des taux d’intérêt si bas, déplore-t-il. Je ne veux pasmettre mon argent sur un compte d’épargne qui rapporte à peine 0,5 % par an. Peut-être puis-je obtenir 2 % en bons du Trésor. L’an dernier, mon cousin Richie a acheté un appartement à Seattle, et son investissement lui a déjà rapporté 20 % ! Peut-être devrais-je me lancer dans l’immobilier, mais tout le monde parle d’une nouvelle bulle spéculative. Alors que penses-tu de la Bourse ? Un ami m’a dit que le bon plan, ces derniers temps, c’est d’acheter un fonds négocié en Bourse qui suit les économies émergentes comme le Brésil ou la Chine. » Il s’arrête un moment pour reprendre son souffle, et vous lui posez la questionsuivante : « Eh bien, pourquoi ne pas te contenter de tes 100 000 dollars ? » Il vous expliquera mieux que je ne saurais le faire pourquoi le capitalisme nes’arrêtera jamais.

On apprend même cette leçon aux enfants et aux adolescents à travers des jeux capitalistes omniprésents. Les jeux prémodernes, comme les échecs, supposaient une économie stagnante. Vous commencez une partie d’échecs avec seize pièces et, à la fin, vous n’en avez plus. Dans de rares cas, un pion peut être transformé en reine, mais vous ne pouvez produire de nouveaux pions ni métamorphoser vos cavaliers en chars. Les joueurs d’échecs n’ont donc jamais à  penser investissement. À l’opposé, beaucoup de jeux de société modernes et de jeux vidéo se focalisent sur l’investissement et la croissance.

Particulièrement révélateurs sont les jeux de stratégie du genre de Minecraft,Les Colons de Catane ou Civilizationde Sid Meier. Le jeu peut avoir pour cadre le Moyen Âge, l’âge de pierre ou quelque pays imaginaire, mais les principes restent les mêmes – et sont toujours capitalistes. Votre but est d’établir une ville,un royaume, voire toute une civilisation. Vous partez d’une base très modeste : juste un village, peut-être, avec les champs voisins. Vos actifs vous assurent un revenu initial sous forme de blé, de bois, de fer ou d’or. À vous d’investir ce revenu à bon escient. Il vous faut choisir entre des outils improductifs mais encore nécessaires, comme les soldats, et des actifs productifs, tels que des villages, des mines et des champs supplémentaires. La stratégie gagnante consiste habituellement à investir le strict minimum dans des produits de première nécessité improductifs, tout en maximisant vos actifs productifs. Aménager des villages supplémentaires signifie qu’au prochain tour vous disposerez d’un revenu plus important qui pourrait vous permettre non seulement d’acheter d’autres soldats, si besoin, mais aussi d’augmenter vos investissements productifs. Bientôt vous pourrez ainsi transformer vos villages en villes, bâtir des universités, des ports et des usines, explorer les mers et les océans, créer votre civilisation et gagner la partie.

LE SYNDROME DE L’ARCHE

La croissance économique peut-elle cependant se poursuivre éternellement ? L’économie ne finira-t-elle pas par être à court de ressources et par s’arrêter ? Pour assurer une croissance perpétuelle, il nous faut découvrir un stock de ressources inépuisable. Une solution consiste à explorer et à conquérir de nouvelles terres. Des siècles durant, la croissance de l’économie européenne et l’expansion du système capitaliste se sont largement nourries de conquêtes impériales outre-mer. Or le nombre d’îles et de continents est limité. Certains entrepreneurs espèrent finalement explorer et conquérir de nouvelles planètes, voire de nouvelles galaxies, mais, en attendant, l’économie moderne doit trouver une meilleure méthode pour poursuivre son expansion.

C’est la science qui a fourni la solution à la modernité. L’économie des renards ne saurait croître, parce qu’ils ne savent pas produire plus de lapins. L’économie des lapins stagne, parce qu’ils ne peuvent faire pousser l’herbe plus vite. Mais l’économie humaine peut croître, parce que les hommes peuvent découvrir des sources d’énergie et des matériaux nouveaux.

La vision traditionnelle du monde comme un gâteau de taille fixe présuppose qu’il n’y a que deux types de ressources : les matières premières et l’énergie. En vérité, cependant, il y en a trois : les matières premières, l’énergie et la connaissance. Les matières premières et l’énergie sont épuisables : plus vous les utilisez, moins vous en avez. Le savoir, en revanche, est une ressource en perpétuelle croissance : plus vous l’utilisez, plus vous en possédez. En fait,quand vous augmentez votre stock de connaissances, il peut vous faire accéder aussi à plus de matières premières et d’énergie. Si j’investis 100 millions de dollars dans la recherche de pétrole en Alaska et si j’en trouve, j’ai plus de pétrole, mais mes petits-enfants en auront moins. En revanche, si j’investis la même somme dans la recherche sur l’énergie solaire et que je découvre une nouvelle façon plus efficace de la domestiquer, mes petits-enfants et moi aurons davantage d’énergie.

Pendant des millénaires, la route scientifique de la croissance est restée bloquée parce que les gens croyaient que les Saintes Écritures et les anciennes traditions contenaient tout ce que le monde avait à offrir en connaissances importantes. Une société convaincue que tous les gisements de pétrole ont déjà été découverts ne perdrait pas de temps ni d’argent à chercher du pétrole. De même, une culture humaine persuadée de savoir déjà tout ce qui vaut la peine d’être su ne ferait pas l’effort de se mettre en quête de nouvelles connaissances. Telle était la position de la plupart des civilisations humaines prémodernes. La révolution scientifique a cependant libéré l’humanité de cette conviction naïve. La plus grande découverte scientifique a été la découverte de l’ignorance. Du jour où les hommes ont compris à quel point ils en savaient peu sur le monde, ils ont eu soudain une excellente raison de rechercher des connaissances nouvelles, ce qui a ouvert la voie scientifique du progrès.

À chaque génération, la science a contribué à découvrir de nouvelles sources d’énergie, de nouvelles matières premières, des machines plus performantes et des méthodes de production inédites. En 2017, l’humanité dispose donc de bien plus d’énergie et de matières premières que jamais, et la production s’envole. Des inventions comme la machine à vapeur, le moteur à combustion interne et l’ordinateur ont créé de toutes pièces des industries nouvelles. Si nous nous projetons dans vingt ans, en 2037, nous produirons et consommerons beaucoup plus qu’en 2017. Nous faisons confiance aux nanotechnologies, au géniegénétique et à l’intelligence artificielle pour révolutionner encore la production et ouvrir de nouveaux rayons dans nos supermarchés en perpétuelle expansion.

Nous avons donc de bonnes chances de triompher du problème de la rareté des ressources. La véritable némésis de l’économie moderne est l’effondrement écologique. Le progrès scientifique et la croissance économique prennent place dans une biosphère fragile et, à mesure qu’ils prennent de l’ampleur, les ondes de choc déstabilisent l’écologie. Pour assurer à chaque personne dans le mondele même niveau de vie que dans la société d’abondance américaine, il faudrait quelques planètes de plus ; or nous n’avons que celle-ci. Si le progrès et la croissance finissent par détruire l’écosystème, cela n’en coûtera pas seulement aux chauves-souris vampires, aux renards et aux lapins. Mais aussi à Sapiens. Une débâcle écologique provoquera une ruine économique, des troubles politiques et une chute du niveau de vie. Elle pourrait bien menacer l’existence même de la civilisation humaine.

Nous pourrions amoindrir le danger en ralentissant le rythme du progrès et de la croissance. Si cette année les investisseurs attendent un retour de 6 % sur leursportefeuilles, dans dix ans ils pourraient apprendre à se satisfaire de 3 %, puis de 1 % dans vingt ans ; dans trente ans, l’économie cessera de croître et nous nous contenterons de ce que nous avons déjà. Le credo de la croissance s’oppose pourtant fermement à cette idée hérétique et il suggère plutôt d’aller encore plus vite. Si nos découvertes déstabilisent l’écosystème et menacent l’humanité, il nous faut découvrir quelque chose qui nous protège. Si la couche d’ozone s’amenuise et nous expose au cancer de la peau, à nous d’inventer un meilleur écran solaire et de meilleurs traitements contre le cancer, favorisant ainsi l’essor de nouvelles usines de crèmes solaires et de centres anticancéreux. Si les nouvelles industries polluent l’atmosphère et les océans, provoquant un réchauffement général et des extinctions massives, il nous appartient de construire des mondes virtuels et des sanctuaires high-tech qui nous offriront toutes les bonnes choses de la vie, même si la planète devient aussi chaude, morne et polluée que l’enfer.

Pékin est déjà tellement polluée que la population évite de sortir, et que les riches Chinois dépensent des milliers de dollars en purificateurs d’air intérieur. Les super-riches construisent même des protections au-dessus de leur cour. En 2013, l’École internationale de Pékin, destinée aux enfants de diplomatesétrangers et de la haute société chinoise, est allée encore plus loin et a construitune immense coupole de 5 millions de dollars au-dessus de ses six courts detennis et de ses terrains de jeux. D’autres écoles suivent le mouvement, et le marché chinois des purificateurs d’air explose. Bien entendu, la plupart des Pékinois ne peuvent s’offrir pareil luxe, ni envoyer leurs enfants à l’École internationale.

L’humanité se trouve coincée dans une course double. D’un côté, nous nous sentons obligés d’accélérer le rythme du progrès scientifique et de la croissance économique. Un milliard de Chinois et un milliard d’Indiens aspirent au niveau de vie de la classe moyenne américaine, et ils ne voient aucune raison de brider leurs rêves quand les Américains ne sont pas disposés à renoncer à leurs 4×4 et à leurs centres commerciaux. D’un autre côté, nous devons garder au moins une longueur d’avance sur l’Armageddon écologique. Mener de front cette double course devient chaque année plus difficile, parce que chaque pas qui rapproche l’habitant des bidonvilles de Delhi du rêve américain rapproche aussi la planète du gouffre.

La bonne nouvelle, c’est que l’humanité jouit depuis des siècles de la croissance économique sans pour autant être victime de la débâcle écologique. Bien d’autres espèces ont péri en cours de route, et les hommes se sont aussi retrouvés face à un certain nombre de crises économiques et de désastres écologiques, mais jusqu’ici nous avons toujours réussi à nous en tirer. Reste qu’aucune loi de la nature ne garantit le succès futur. Qui sait si la science sera toujours capable de sauver simultanément l’économie du gel et l’écologie du point d’ébullition. Et puisque le rythme continue de s’accélérer, les marges d’erreur ne cessent de se rétrécir. Si, précédemment, il suffisait d’une invention stupéfiante une fois par siècle, nous avons aujourd’hui besoin d’un miracle tous les deux ans.

Nous devrions aussi nous inquiéter qu’une apocalypse écologique puisse avoirdes conséquences différentes en fonction des différentes castes humaines. Il n’ya pas de justice dans l’histoire. Quand une catastrophe s’abat, les pauvressouffrent toujours bien plus que les riches, même si ce sont ces derniers qui sontresponsables de la tragédie. Le réchauffement climatique affecte déjà la vie desplus pauvres dans les pays arides d’Afrique bien plus que la vie des Occidentauxplus aisés. Paradoxalement, le pouvoir même de la science peut accroître ledanger, en rendant les plus riches complaisants.

Prenez les émissions de gaz à effet de serre. La plupart des savants et un nombre croissant de responsables politiques reconnaissent la réalité du réchauffement climatique et l’ampleur du danger. Jusqu’ici, pourtant, cette reconnaissance n’a pas suffi à changer sensiblement notre comportement. Nous parlons beaucoup du réchauffement, mais, en pratique, l’humanité n’est pas prête aux sérieux sacrifices économiques, sociaux ou politiques nécessaires pour arrêter la catastrophe. Les émissions n’ont pas du tout diminué entre 2000 et 2010. Elles ont au contraire augmenté de 2,2 % par an, contre un taux annuel de 1,3 % entre 1970 et 2000(4). Signé en 1997, le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre visait à ralentir le réchauffement plutôt qu’à l’arrêter, mais le pollueur numéro un du monde, les États-Unis, a refusé de le ratifier et n’a fait aucun effort pour essayer de réduire de manière notable ses émissions, de peur de gêner sa croissance économique.

En décembre 2015, l’accord de Paris a fixé des objectifs plus ambitieux, appelant à limiter l’augmentation de la température moyenne à 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels. Toutefois, nombre des douloureuses mesures nécessaires pour atteindre ce but ont été comme par hasard différées après 2030, ce qui revient de fait à passer la patate chaude à la génération suivante. Les administrations actuelles peuvent ainsi récolter les avantages politiques immédiats de leur apparent engagement vert, tandis que le lourd prix politique de la réduction des émissions (et du ralentissement de la croissance) est légué aux administrations futures. Malgré tout, au moment où j’écris (janvier 2016), il est loin d’être certain que les États-Unis et d’autres grands pollueurs ratifieront et mettront en œuvre l’accord de Paris. Trop de politiciens et d’électeurs pensent que, tant que l’économie poursuit sa croissance, les ingénieurs et les hommes de science pourront toujours la sauver du jugement dernier. S’agissant du changement climatique, beaucoup de défenseurs de la croissance ne se contentent pas d’espérer des miracles : ils tiennent pour acquis que les miracles se produiront.

À quel point est-il rationnel de risquer l’avenir de l’humanité en supposant que les futurs chercheurs feront des découvertes insoupçonnées qui sauveront la planète ? La plupart des présidents, ministres et PDG qui dirigent le monde sont des gens très rationnels. Pourquoi sont-ils disposés à faire un tel pari ? Peut-être parce qu’ils ne pensent pas parier sur leur avenir personnel. Même si les choses tournent au pire, et que la science ne peut empêcher le déluge, les ingénieurs pourraient encore construire une arche de Noé high-tech pour la caste supérieure, et laisser les milliards d’autres hommes se noyer. La croyance en cette arche high-tech est actuellement une des plus grosses menaces sur l’avenir de l’humanité et de tout l’écosystème. Les gens qui croient à l’arche high-tech ne devraient pas être en charge de l’écologie mondiale, pour la même raison qu’ilne faut pas confier les armes nucléaires à ceux qui croient à un au-delà céleste.

Et les plus pauvres ? Pourquoi ne protestent-ils pas ? Si le déluge survient un jour, ils en supporteront le coût, mais ils seront aussi les premiers à faire les frais de la stagnation économique. Dans un monde capitaliste, leur vie s’améliore uniquement quand l’économie croît. Aussi est-il peu probable qu’ils soutiennent des mesures pour réduire les menaces écologiques futures fondées sur le ralentissement de la croissance économique actuelle. Protéger l’environnement est une très belle idée, mais ceux qui n’arrivent pas à payer leur loyer s’inquiètent bien davantage de leur découvert bancaire que de la fonte de la calotte glaciaire.

FOIRE D’EMPOIGNE

Même si nous continuons de courir assez vite et parvenons à parer à la foi ’effondrement économique et la débâcle écologique, la course elle-même créed’immenses problèmes. Pour l’individu, elle se traduit par de hauts niveaux destress et de tension. Après des siècles de croissance économique et de progrèsscientifique, la vie aurait dû devenir calme et paisible, tout au moins dans lespays les plus avancés. Si nos ancêtres avaient eu un aperçu des outils et desressources dont nous disposons, ils auraient conjecturé que nous jouissons d’unetranquillité céleste, débarrassés de tout tracas et de tout souci. La vérité est trèsdifférente. Malgré toutes nos réalisations, nous sommes constamment pressés defaire et produire toujours plus.

Nous nous en prenons à nous-mêmes, au patron, à l’hypothèque, au gouvernement, au système scolaire. Mais ce n’est pas vraiment leur faute. C’est le deal moderne, que nous avons tous souscrit le jour de notre naissance. Dans le monde prémoderne, les gens étaient proches des modestes employés d’une bureaucratie socialiste. Ils pointaient et attendaient qu’un autre fasse quelque chose. Dans le monde moderne, c’est nous, les hommes, qui avons les choses en main, et nous sommes soumis jour et nuit à une pression constante.

Sur le plan collectif, la course se manifeste par des chambardements incessants. Alors que les systèmes politiques et sociaux duraient autrefois des siècles, aujourd’hui chaque génération détruit le vieux monde pour en construire un nouveau à la place. Comme le Manifeste communiste le montre brillamment,le monde moderne a absolument besoin d’incertitude et de perturbation. Toutes les relations fixes, tous les vieux préjugés sont balayés, les nouvelles structures deviennent archaïques avant même de pouvoir faire de vieux os. Tout ce qui est solide se dissipe dans l’air. Il n’est pas facile de vivre dans un monde aussi chaotique, et encore moins de le gouverner.

La modernité doit donc travailler dur pour s’assurer que ni les individus ni le collectif n’essaient de se retirer de la course, malgré la tension et le chaos qu’elle crée. À cette fin, elle brandit la croissance comme la valeur suprême au nom de laquelle on devrait tout sacrifier et braver tous les dangers. Sur un plan collectif, les gouvernements, les entreprises et les organismes sont encouragés à mesurer leur succès en termes de croissance et à craindre l’équilibre comme le diable. Sur le plan individuel, nous sommes constamment poussés à accroître nos revenus et notre niveau de vie. Même si vous êtes satisfait de votre situation actuelle, vous devez rechercher toujours plus. Le luxe d’hier devient nécessité d’aujourd’hui. Si autrefois vous viviez bien dans un appartement avec trois chambres, une voiture et un ordinateur fixe, aujourd’hui il vous faut une maison de cinq chambres, avec deux voitures et une nuée d’iPods, de tablettes et de smartphones.

Il n’était pas très difficile de convaincre les individus de vouloir plus. La cupidité vient facilement aux êtres humains. Le gros problème a été de convaincre les institutions collectives comme les États et les Églises d’accompagner le nouvel idéal. Des millénaires durant, les sociétés se sont efforcées de freiner les désirs individuels et de promouvoir une sorte d’équilibre. Il était notoire que les gens voulaient toujours plus pour eux-mêmes, mais le gâteau étant d’une taille fixe, l’harmonie sociale dépendait de la retenue. L’avarice était mauvaise. La modernité a mis le monde sens dessus dessous. Elle a convaincu les instances collectives que l’équilibre est bien plus effrayant que le chaos, et que comme l’avarice nourrit la croissance, c’est une force du bien. Dès lors, la modernité a incité les gens à vouloir plus, et a démantelé les disciplines séculaires qui tempéraient la cupidité.

Les angoisses qui en résultèrent furent largement apaisées par le capitalisme de marché : c’est une des raisons de la popularité de cette idéologie. Les penseurs capitalistes ne cessent de nous calmer : « Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Du moment que l’économie croît, la main invisible du marché pourvoira à tout. » Le capitalisme a donc sanctifié un système vorace et chaotique qui croît à pas de géant, sans que personne comprenne ce qui se passe et où nous courons. (Le communisme, qui croyait aussi à la croissance, pensait pouvoir empêcher le chaos et orchestrer la croissance par la planification. Après ses premiers succès, cependant, il s’est laissé largement distancer par la cavalcade désordonnée du marché.)

Il est de bon ton aujourd’hui, chez les intellectuels, de dénigrer le capitalisme. Puisqu’il domine le monde, nous ne devons rien négliger pour en saisir les insuffisances avant qu’elles ne produisent des catastrophes apocalyptiques. La critique du capitalisme ne doit pourtant pas nous aveugler sur ses avantages et ses réalisations. Il a été jusqu’ici un succès stupéfiant, du moins si nous ignorons les risques de débâcle écologique future, et si nous mesurons la réussite à l’aune de la production et de la croissance. Sans doute vivons-nous en 2017 dans un monde de stress et de chaos, mais les sombres prophéties d’effondrement et de violence ne se sont pas matérialisées, tandis que les scandaleuses promesses de croissance perpétuelle et de coopération mondiale s’accomplissent. Nous connaissons certes des crises économiques épisodiques et des guerres internationales, mais, à long terme, le capitalisme ne s’est pas seulement imposé, il a aussi réussi à surmonter la famine, les épidémies et la guerre. Des millénaires durant, prêtres, rabbins et muftis nous avaient expliqué que les hommes n’y parviendraient pas par leurs propres efforts. Puis sont venus les banquiers, les investisseurs et les industriels : en deux siècles, ils y sont arrivés !

Le deal moderne nous promettait un pouvoir sans précédent. La promesse a été tenue. Mais à quel prix ? En échange du pouvoir, le deal moderne attend de nous que nous renoncions au sens. Comment les hommes ont-ils accueilli cette exigence glaçante ? Obtempérer aurait pu aisément se traduire par un monde sinistre, dénué d’éthique, d’esthétique et de compassion. Il n’en reste pas moins vrai que l’humanité est aujourd’hui non seulement bien plus puissante que jamais, mais aussi beaucoup plus paisible et coopérative. Comment y sommes-nous parvenus ? Comment la morale, la beauté et même la compassion ont-elles survécu et fleuri dans un monde sans dieux, ni ciel, ni enfer ?

Une fois encore, les capitalistes sont prompts à en créditer la main invisible du marché. Pourtant, celle-ci n’est pas seulement invisible, elle est aussi aveugle : toute seule, jamais elle n’aurait pu sauver la société humaine. En vérité, même une foire d’empoigne générale ne saurait se passer de la main secourable d’un dieu, d’un roi ou d’une Église. Si tout est à vendre, y compris les tribunaux et la police, la confiance s’évapore, le crédit se dissipe et les affaires périclitent. Qu’est-ce qui a sauvé la société moderne de l’effondrement ? L’espèce humaine n’a pas été sauvée par la loi de l’offre et de la demande, mais par l’essor d’une nouvelle religion révolutionnaire : l’humanisme.

Voir par ailleurs:

In China, Breathing Becomes a Childhood Risk
Edward Wong
The New York Times
April 22, 2013

BEIJING — The boy’s chronic cough and stuffy nose began last year at the age of 3. His symptoms worsened this winter, when smog across northern China surged to record levels. Now he needs his sinuses cleared every night with saltwater piped through a machine’s tubes.

The boy’s mother, Zhang Zixuan, said she almost never lets him go outside, and when she does she usually makes him wear a face mask. The difference between Britain, where she once studied, and China is “heaven and hell,” she said.

Levels of deadly pollutants up to 40 times the recommended exposure limit in Beijing and other cities have struck fear into parents and led them to take steps that are radically altering the nature of urban life for their children.

Parents are confining sons and daughters to their homes, even if it means keeping them away from friends. Schools are canceling outdoor activities and field trips. Parents with means are choosing schools based on air-filtration systems, and some international schools have built gigantic, futuristic-looking domes over sports fields to ensure healthy breathing.

“I hope in the future we’ll move to a foreign country,” Ms. Zhang, a lawyer, said as her ailing son, Wu Xiaotian, played on a mat in their apartment, near a new air purifier. “Otherwise we’ll choke to death.”

She is not alone in looking to leave. Some middle- and upper-class Chinese parents and expatriates have already begun leaving China, a trend that executives say could result in a huge loss of talent and experience. Foreign parents are also turning down prestigious jobs or negotiating for hardship pay from their employers, citing the pollution.

There are no statistics for the flight, and many people are still eager to come work in Beijing, but talk of leaving is gaining urgency around the capital and on Chinese microblogs and parenting forums. Chinese are also discussing holidays to what they call the “clean-air destinations” of Tibet, Hainan and Fujian.

“I’ve been here for six years and I’ve never seen anxiety levels the way they are now,” said Dr. Richard Saint Cyr, a new father and a family health doctor at Beijing United Family Hospital, whose patients are half Chinese and half foreigners. “Even for me, I’ve never been as anxious as I am now. It has been extraordinarily bad.”

He added: “Many mothers, especially, have been second-guessing their living in Beijing. I think many mothers are fed up with keeping their children inside.”

Few developments have eroded trust in the Communist Party as quickly as the realization that the leaders have failed to rein in threats to children’s health and safety. There was national outrage in 2008 after more than 5,000 children were killed when their schools collapsed in an earthquake, and hundreds of thousands were sickened and six infants died in a tainted-formula scandal. Officials tried to suppress angry parents, sometimes by force or with payoffs.

But the fury over air pollution is much more widespread and is just beginning to gain momentum.

“I don’t trust the pollution measurements of the Beijing government,” said Ms. Zhang’s father, Zhang Xiaochuan, a retired newspaper administrator.

Scientific studies justify fears of long-term damage to children and fetuses. A study published by The New England Journal of Medicine showed that children exposed to high levels of air pollution can suffer permanent lung damage. The research was done in the 1990s in Los Angeles, where levels of pollution were much lower than those in Chinese cities today.

A study by California researchers published last month suggested a link between autism in children and the exposure of pregnant women to traffic-related air pollution. Columbia University researchers, in a study done in New York, found that prenatal exposure to air pollutants could result in children with anxiety, depression and attention-span problems. Some of the same researchers found in an earlier study that children in Chongqing, China, who had prenatal exposure to high levels of air pollutants from a coal-fired plant were born with smaller head circumferences, showed slower growth and performed less well on cognitive development tests at age 2. The shutdown of the plant resulted in children born with fewer difficulties.

Analyses show little relief ahead if China does not change growth policies and strengthen environmental regulation. A Deutsche Bank report released in February said the current trends of coal use and automobile emissions meant air pollution was expected to worsen by an additional 70 percent by 2025.

Some children’s hospitals in northern China reported a large number of patients with respiratory illnesses this winter, when the air pollution soared. During one bad week in January, Beijing Children’s Hospital admitted up to 9,000 patients a day for emergency visits, half of them for respiratory problems, according to a report by Xinhua, the state news agency.

Parents have scrambled to buy air purifiers. IQAir, a Swiss company, makes purifiers that cost up to $3,000 here and are displayed in shiny showrooms. Mike Murphy, the chief executive of IQAir China, said sales had tripled in the first three months of 2013 over the same period last year.

Face masks are now part of the urban dress code. Ms. Zhang laid out half a dozen masks on her dining room table and held up one with a picture of a teddy bear that fits Xiaotian. Schools are adopting emergency measures. Xiaotian’s private kindergarten used to take the children on a field trip once a week, but it has canceled most of those this year.

At the prestigious Beijing No. 4 High School, which has long trained Chinese leaders and their children, outdoor physical education classes are now canceled when the pollution index is high.

“The days with blue sky and seemingly clean air are treasured, and I usually go out and do exercise,” said Dong Yifu, a senior there who was just accepted to Yale University.

Elite schools are investing in infrastructure to keep children active. Among them are Dulwich College Beijing and the International School of Beijing, which in January completed two large white sports domes of synthetic fabric that cover athletic fields and tennis courts.

The construction of the domes and an accompanying building began a year ago, to give the 1,900 students a place to exercise in both bad weather and high pollution, said Jeff Johanson, director of student activities. The project cost $5.7 million and includes hospital-grade air-filtration systems.

Teachers check the hourly air ratings from the United States Embassy to determine whether children should play outside or beneath the domes. “The elementary schoolchildren don’t miss recess anymore,” Mr. Johanson said.

One American mother, Tara Duffy, said she had chosen a prekindergarten school for her daughter in part because the school had air filters in the classrooms. The school, called the 3e International School, also brings in doctors to talk about pollution and bars the children from playing outdoors during increases in smog levels. “In the past six months, there have been a lot more ‘red flag’ days, and they keep the kids inside,” said Ms. Duffy, a writer and former foundation consultant.

Ms. Duffy said she also checked the daily air quality index to decide whether to take her daughter to an outdoor picnic or an indoor play space.

Now, after nine years here, Ms. Duffy is leaving China, and she cites the pollution and traffic as major factors.

That calculus is playing out with expatriates across Beijing, and even with foreigners outside China. One American couple with a young child discussed the pollution when considering a prestigious foundation job in Beijing, and it was among the reasons they turned down the offer.

James McGregor, a senior counselor in the Beijing office of APCO Worldwide, a consulting company, said he had heard of an American diplomat with young children who had turned down a posting here. That was despite the fact that the State Department provides a 15 percent salary bonus for Beijing that exists partly because of the pollution. The hardship bonus for other Chinese cities, which also suffer from awful air, ranges from 20 percent to 30 percent, except for Shanghai, where it is 10 percent.

“I’ve lived in Beijing 23 years, and my children were brought up here, but if I had young children I’d have to leave,” Mr. McGregor said. “A lot of people have started exit plans.”

Voir aussi:

China entrepreneurs cash in on air pollution

BEIJING — Bad air is good news for many Chinese entrepreneurs.

From gigantic domes that keep out pollution to face masks with fancy fiber filters, purifiers and even canned air, Chinese businesses are trying to find a way to market that most elusive commodity: clean air.

An unprecedented wave of pollution throughout China (dubbed the “airpocalypse” or “airmageddon” by headline writers) has spawned an almost entirely new industry.

The biggest ticket item is a huge dome that looks like a cross between the Biosphere and an overgrown wedding tent. Two of them recently went up at the International School of Beijing, one with six tennis courts, another large enough to harbor kids playing soccer and badminton and shooting hoops simultaneously Friday afternoon.

The contraptions are held up with pressure from the system pumping in fresh air. Your ears pop when you go in through one of three revolving doors that maintain a tight air lock.

The anti-pollution dome is the joint creation of a Shenzhen-based manufacturer of outdoor enclosures and a California company, Valencia-based UVDI, that makes air filtration and disinfection systems for hospitals, schools, museums and airports, including the new international terminal at Los Angeles International Airport.

Although the technologies aren’t new, this is the first time they’ve been put together specifically to keep out pollution, the manufacturers say.

“So far there is no better way to solve the pollution problem,” said Xiao Long, the head of the Shenzhen company, Broadwell Technologies.

On a recent day when the fine particulate matter in the air reached 650 micrograms per cubic meter, well into the hazardous range, the measurement inside was 25. Before the dome, the international school, like many others, had to suspend outdoor activities on high pollution days. By U.S. standards, readings below 50 are considered “good” and those below 100 are considered “moderate.”

Since air pollution skyrocketed in mid-January, Xiao said, orders for domes were pouring in from schools, government sports facilities and wealthy individuals who want them in their backyards. He said domes measuring more than 54,000 square feet each cost more than $1 million.

“This is a product only for China. You don’t have pollution this bad in California,” Xiao said.

Because it’s not possible to put a dome over all of Beijing, where air quality is the worst, people are taking matters into their own hands.

Not since the 2003 epidemic of SARS have face masks been such hot sellers. Many manufacturers are reporting record sales of devices varying from high-tech neoprene masks with exhalation valves, designed for urban bicyclists, that cost up to $50 each, to cheap cloth masks (some in stripes, polka dots, paisley and some emulating animal faces).

“Practically speaking, people have no other options,” said Zhao Danqing, head of a Shanghai-based mask manufacturer that registered its name as PM 2.5, referring to particulate matter smaller than 2.5 micrograms.

The term, virtually unknown in China a few years ago, is now as much a feature of daily weather chitchat as temperature and humidity, and Zhao’s company has sold 1 million masks at $5 each since the summer.

Having China clean up the air would be preferable to making a profit from the crisis, Zhao said.

“When people ask me what is the future of our product, I tell them I hope it will be retired soon,” Zhao said.

A combination of windless weather, rising temperatures and emissions from coal heating has created some of the worst air pollution on record in the country.

In mid-January, measurements of particulate matter reached more than 1,000 micrograms per cubic meter in some parts of northeast China. Anything above 300 is considered “hazardous” and the index stops at 500. By comparison, the U.S. has seen readings of 1,000 only in areas downwind of forest fires. The U.S. Centers for Disease Control and Prevention reported last year that the average particulate matter reading from 16 airport smokers’ lounges was 166.6.

The Chinese government has been experimenting with various emergency measures, curtailing the use of official cars and ordering factories and construction sites to shut down. Some cities are even considering curbs on fireworks during the upcoming Chinese New Year holiday, interfering with an almost sacred tradition.

In the meantime, home air filters have joined the new must-have appliances for middle class Chinese.

“Our customers used to be all foreigners. Now they are mostly Chinese,” said Cathy Liu, a sales manager at a branch of Villa Lifestyles, a distributor of Swiss IQAir purifiers, which start at $1,600 here for a machine large enough for a bedroom. The weekend of Jan. 12, when the poor air quality hit unprecedented levels, the stock sold out, she said.

Many distributors report panic buying of air purifiers. In China, home air purifiers range from $15 gizmos that look like night lights to handsome $6,000 wood-finished models that are supplied to Zhongnanhai, the headquarters of the Chinese Communist Party and to other leadership facilities. One model is advertised as emitting vitamin C to build immunity and to prevent skin aging.

In a more tongue in cheek approach to the problem, a self-promoting Chinese millionaire has been selling soda-sized cans of, you guessed it, air.

Chen Guangbiao, a relentless self-promoter who made his fortune in the recycling business, claims to have collected the air from remote parts of western China and Taiwan. The cans, which are emblazoned with Chen’s name and labeled “fresh air,” sell for 80 cents each, with proceeds going to charity, he said.

“I want to tell mayors, county chiefs and heads of big companies,” Chen told reporters Wednesday, while giving out free cans of air on a Beijing sidewalk as a publicity stunt. “Don’t just chase GDP growth, don’t chase the biggest profits at the expense of our children and grandchild. »

Voir enfin:

Contre les collapsologues et les optimistes béats, réaffirmer le catastrophisme éclairé

Jean-Pierre Dupuy

Le Kairn

23/11/20

Le « catastrophisme éclairé » théorisé il y a près de vingt ans par Jean-Pierre Dupuy est aujourd’hui l’objet de beaucoup de malentendus. Pour lui redonner son sens, il faut mener de front la critique des collapsologues et des «optimistes béats », dont les positions miroirs sont en réalité le plus sûr moyen de faire advenir la catastrophe. Ce qu’il faudrait, c’est combiner les deux démarches : annoncer un avenir nécessaire qui superposerait l’occurrence de la catastrophe, pour qu’elle puisse faire office de dissuasion, et sa non-occurrence, pour préserver l’espoir.

La critique assez radicale que j’ai faite des collapsologues dans AOC a semble-t-il surpris voire choqué. On me tenait pour au moins aussi « catastrophiste » qu’eux. Ne me citaient-ils pas positivement ? Et voilà que je m’écarte d’eux en leur faisant la leçon, les accusant de discréditer la cause qu’ils entendent servir. En vérité, j’avais prévu en accord avec les éditeurs d’AOC d’équilibrer mon propos par un second article qui serait une critique non moins ace rbe de ceux que j’appelle les aveugles bienheureux, les optimistes béats, tous ceux dont l’anti-catastrophisme militant mène à nier l’évidence, à savoir que nous sommes engagés dans une course suicidaire.

Critique des « optimistes béats »

J’ai donc lu leurs ouvrages et en suis sorti consterné. La plupart sont si honteusement mauvais que ce serait leur faire trop d’honneur que de citer même leur titre[1] et le nom de leurs auteurs. Faut-il donc être ignorant, malhonnête et bête pour critiquer le catastrophisme ? La haine de l’écologie est-elle si pernicieuse qu’elle fait perdre tout sens critique et toute éthique professionnelle à des auteurs qui peuvent par ailleurs avoir des œuvres reconnues ?

Je m’empresse d’ajouter que toutes les critiques du catastrophisme ne sont pas de la même farine. Les plus solides représentent un défi sérieux pour tous ceux qui comme moi insistent pour regarder la terrible réalité en face tout en s’en tenant aux normes de la rationalité la plus exigeante[2].

Entre les collapsologues et les anti-catastrophistes, un jeu de miroirs s’est formé. Tout se passe comme si les collapsologues donnaient raison aux critiques les plus radicales du catastrophisme. S’ils n’existaient pas, les anti-catastrophistes les auraient inventés. L’homme de paille que ces derniers ont construit pour mieux l’incendier est devenu réel. Mais, comme toujours avec les extrêmes, des points de contact apparaissent. J’en vois au moins trois.

En premier lieu, toutes les parties en présence ont tendance à considérer qu’il n’y a qu’une forme de catastrophisme, à savoir une quelconque variante de la collapsologie. De la part des collapsologues, cela n’est pas pour étonner. Mais il en va de même de leurs critiques. Comme s’il ne pouvait pas exister un catastrophisme rationnel ou « éclairé ».

Le deuxième point de contact est l’incapacité des uns et des autres à penser le rôle paradoxal du prophète de malheur aujourd’hui. Tous ont repéré chez les fondateurs allemands du catastrophisme, Hans Jonas et Günther Anders, des citations comme celles-ci :
Hans Jonas : « La prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise ; et se gausser ultérieurement d’éventuels sonneurs d’alarme en leur rappelant que le pire ne s’est pas réalisé serait le comble de l’injustice : il se peut que leur impair soit leur mérite. [3] »
Günther Anders : « Si nous nous distinguons des apocalypticiens judéo-chrétiens classiques, ce n’est pas seulement parce que nous craignons la fin (qu’ils ont, eux, espérée), mais surtout parce que notre passion apocalyptique n’a pas d’autre objectif que celui d’empêcher l’apocalypse. Nous ne sommes apocalypticiens que pour avoir tort. Que pour jouir chaque jour à nouveau de la chance d’être là, ridicules mais toujours debout. [4]»

Au regard de cette philosophie, qu’ils citent mais ne respectent pas, on peut dire que les collapsologues ont renoncé à se battre pour éviter que « l’effondrement » ne se produise, jugeant que l’apocalypse est certaine et ne faisant rien pour l’empêcher.

Quant aux critiques du catastrophisme, trop souvent ils ne prennent pas la mesure de la tragédie qui est celle de l’éveilleur de conscience face à la catastrophe annoncée : s’il veut être efficace, et faire par sa parole que le malheur ne se produise pas, il doit être un faux prophète[5], au sens qu’il doit annoncer publiquement un avenir dont il sait qu’il ne se réalisera pas, et cela du fait même de cette parole[6].

Enfin, tant les catastrophistes mortifères que les aveugles satisfaits d’eux-mêmes accélèrent la marche vers l’abîme, les premiers en excluant que nous puissions l’arrêter, les seconds en tournant la tête ailleurs.

Comment donc analyser les implications du type de prophétie que préconisent Jonas et Anders ?

Notons qu’en soi, annoncer un avenir possible et désastreux de façon à modifier les comportements des gens et faire que cet avenir ne se réalise pas ne soulève aucun problème logique ou métaphysique particulier, comme le montre l’exemple massif de la prévention, à quoi on peut ajouter aujourd’hui la précaution, forte de son fameux principe. La prévention, lorsqu’elle s’exprime dans un discours public, annonce non ce que sera l’avenir, mais ce qu’il serait si les sujets ne changeaient pas leurs comportements. Elle n’a aucune vocation à jouer les prophètes.

Qu’est-ce donc qui fait qu’un prophète est un prophète ? C’est qu’il se présente comme annonçant le seul avenir qui sera, avenir qu’on peut appeler « actuel » aux sens latin et anglais du terme : « notre » avenir. La prophétie à la Hans Jonas pose alors un problème apparemment insurmontable, comme l’histoire de Jonas[7], le prophète biblique du VIIIe siècle avant JC, le montre magnifiquement.

« La parole de Yahvé advint à Jonas, fils d’Amittaï, en ces termes : “Debout ! Va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle que leur méchanceté est montée devant moi.” Jonas partit pour fuir à Tarsis, loin de la Face de Yahvé. »

Dieu demande à Jonas de prophétiser la chute de Ninive qui a péché devant la Face de l’Éternel. Au lieu de faire son travail de prophète, Jonas s’enfuit. Pourquoi ? À ce stade, la question est sans réponse. Tout le monde sait la suite de l’histoire, l’embarquement sur le vaisseau étranger qui se rend à Tarsis (détroit de Gibraltar), la grande tempête punitive, le tirage au sort qui révèle la culpabilité de Jonas, celui-ci jeté par-dessus bord par les marins afin de calmer le courroux de Yahvé, le grand poisson miséricordieux qui l’avale et, finalement, après que trois jours et trois nuits se sont écoulés, le vomit sur la terre sèche.

Mais se rappelle-t-on la fin de l’histoire ? C’est là seulement que l’on comprend pourquoi Jonas a désobéi à Dieu. C’est que Jonas avait prévu, en tant que prophète efficace, ce qui allait se passer s’il faisait sa prophétie ! Ce qui se serait passé, c’est ce qui se passe maintenant, alors que Yahvé, pour la seconde fois, lui donne l’ordre de prophétiser la chute de Ninive et que cette fois, ayant compris ce qu’il lui en coûtait de désobéir, il obtempère. Les Ninivites se repentent, se convertissent, et Dieu leur pardonne. Leur cité sera épargnée. Mais pour Jonas, c’est un échec cuisant, qui le laisse tout « contrarié », nous dit le texte.

On peut dire de ce type de prophétie qu’elle est auto-invalidante de la même manière que l’on parle de prophétie auto-réalisatrice. Le prophète traditionnel, par exemple le prophète biblique, quelle que soit la nature de sa prophétie, est un homme public, en vue, doté d’un grand prestige, et tous prêtent grande attention à sa parole, qu’ils tiennent pour vraie. C’est tout le contraire du Troyen Laocoon ou de sa sœur Cassandre que le dieu avait condamnés à ne pas être entendus.

S’il veut être un vrai prophète, le prophète, en annonçant l’avenir, doit donc tenir compte de l’effet de sa parole sur le comportement des gens. Il doit annoncer un avenir tel que les réactions de ses auditeurs co-produisent l’avenir en question, ou, en tout cas, ne l’empêchent pas de se réaliser. C’est, ce qu’en mathématiques, logique et métaphysique, on appelle la recherche d’un point fixe. Ce type de point fixe n’est pas donné de l’extérieur (comme Dieu chez Leibniz, voir les travaux éminents du premier Michel Serres), il est une émergence produite par le système des relations entre le prophète et le peuple auquel il s’adresse. J’ai proposé l’expression « point fixe endogène » pour désigner ce type de point fixe[8].

En d’autres termes, le prophète prétend annoncer un futur fixe c’est-à-dire indépendant des actions des agents, un avenir destinal en somme, alors qu’il a en réalité tenu compte des réactions de son auditoire pour se caler en un avenir tel que, celui-ci une fois annoncé, les réactions des agents l’engendreront. Ce procédé fonctionne d’autant mieux que les agents ignorent qu’ils participent à un tel schème. Ils tiennent que la parole du prophète dit ce que sera l’avenir. Si le prophète s’est calé sur un point fixe, l’avenir devenu présent ne les démentira pas. Si, de plus, cet avenir est celui que le prophète voulait faire arriver, soit parce qu’il est bon soit parce qu’il évite un désastre, qui songera à soupçonner le prophète ? Il aura eu recours à un détour métaphysique pour aller dans le bon sens.

Autrement dit, le prophète fait fond sur la logique de la prophétie auto-réalisatrice. Le défi que doit relever le prophète de malheur apparaît dès lors dans sa singularité : il doit résoudre en termes de prophétie auto-réalisatrice un problème dont la nature est celui d’une prophétie auto-invalidante. C’est l’objectif que je me suis fixé dès mon livre de 2002 sur le « catastrophisme éclairé » et c’est en ce point que je me suis écarté tant de Jonas que d’Anders, lesquels en sont restés au stade de la prophétie auto-invalidante, celle qui rend le prophète ridicule mais fier d’avoir sauvegardé la vie. C’est un point essentiel que j’ai échoué à faire comprendre, puisqu’on m’associe toujours à Jonas, et je le regrette. Je profite de l’hospitalité d’AOC pour tenter de faire mieux.

Peut-on rabattre la prophétie auto-invalidante sur la prophétie auto-réalisatrice ?

Jusqu’ici, nous avons considéré le cas du prophète isolé, extérieur au groupe dont il dit le destin, tout en étant suffisamment proche de lui pour tout savoir à son sujet y compris son avenir, un peu à la manière du Législateur selon Rousseau. Il existe une version beaucoup plus démocratique de cette configuration dans laquelle c’est le groupe lui-même, ou en tout cas ses représentants, qui prend par rapport à lui-même la position de prophète. Dans ce cas, prédire l’avenir (comme s’il était inscrit dans les astres : fatalisme) ou se le fixer comme objectif (volontarisme) coïncident tout en restant contradictoires.

Puisque, une fois décidé, tous prennent cet avenir pour point de repère fixe, intangible, c’est-à-dire indépendant des actions présentes, alors même que tous savent que l’avenir en dépend causalement[9], on peut dire que tous tiennent l’avenir pour nécessaire[10], sans pour autant faire de cet avenir un destin : c’est une convention[11] que tous acceptent parce qu’ils se la donnent à eux-mêmes[12].

Il devrait être évident que, comme dans le cas de la prophétie d’un individu isolé, cette convention ne peut pas être n’importe quoi. Elle ne peut « tenir », c’est-à-dire résister à l’observation, que si « ça boucle » : les réactions à l’avenir annoncé ne doivent pas empêcher la réalisation causale de cet avenir. En d’autres termes, elle doit être un point fixe endogène. Dans le cas positif, j’ai pris l’exemple du Plan quinquennal français, dont le mot d’ordre était : obtenir par la concertation et l’étude une image de l’avenir suffisamment attirante pour qu’on désire la voir se réaliser et suffisamment crédible pour qu’on ait des raisons de penser qu’on peut y arriver. La condition de bouclage est indispensable, sinon n’importe quelle utopie ferait l’affaire.

C’est sur cette configuration que je repose la question de la logique paradoxale de la prophétie de malheur. Existe-t-il une manière de prophétiser la catastrophe par l’annonce d’un avenir nécessaire qui l’évite et qui soit tel que cette annonce induise des comportements qui favorisent cet évitement ? Peut-on vraiment rabattre la prophétie auto-invalidante sur la prophétie auto-réalisatrice ?

Comme nous l’avons déjà vu, deux types opposés de rapport prophétique à l’avenir conduisent à renforcer la probabilité d’une catastrophe majeure. Celui des optimistes béats qui voient les choses s’arranger de toute façon, quoi que fassent les agents, par la grâce du principe qui veut que l’humanité se soit toujours sortie des pires situations. Et celui des catastrophistes mortifères que sont les collapsologues, qui annoncent comme certain ce qu’ils appellent l’effondrement. Dans l’un et l’autre cas, on contribue à en renforcer le caractère probable en démobilisant les agents, mais dans le second cas, cela va dans le sens de la prophétie, et dans le premier en sens opposé.

Nul mieux que le philosophe allemand Karl Jaspers, au sortir de la seconde guerre mondiale, n’a dit cette double impasse : « Quiconque tient une guerre imminente pour certaine contribue à son déclenchement, précisément par la certitude qu’il en a. Quiconque tient la paix pour certaine se conduit avec insouciance et nous mène sans le vouloir à la guerre. Seul celui qui voit le péril et ne l’oublie pas un seul instant se montre capable de se comporter rationnellement et de faire tout le possible pour l’exorciser.[13] »

Prophétiser que la catastrophe est sur le point de se produire, c’est contribuer à la faire advenir. La passer sous silence ou en minimiser l’importance, à la façon des optimistes béats, conduit au même résultat. Ce qu’il faudrait, c’est combiner les deux démarches : annoncer un avenir nécessaire qui superposerait l’occurrence de la catastrophe, pour qu’elle puisse faire office de dissuasion, et sa non-occurrence, pour préserver l’espoir. En mécanique quantique, une superposition de ce type est la marque d’une indétermination (Unbestimmtheit en allemand). Sans vouloir chercher ici une analogie qui poserait trop de problèmes, j’ai proposé de retenir ce terme pour désigner le type d’incertitude radicale qui caractérise un tel avenir. Elle n’est pas probabilisable car les probabilités présupposent des disjonctions, alors qu’un avenir nécessaire ne connaît que des conjonctions. Le « poids » accordé à la catastrophe doit par ailleurs être aussi petit que possible, évanescent ou infinitésimal dans le cas d’une catastrophe majeure telle qu’une guerre nucléaire mondiale. La prophétie de malheur aura alors accompli son programme, à cet infinitésimal près[14].

Comment penser un avenir à la fois nécessaire et indéterminé ?

Cette question par laquelle je conclus cette mise au point est la plus problématique[15]. Elle fait l’objet de recherches que je suis heureux de ne pas conduire seul, tant elles posent de défis. Il existe diverses manières de concevoir la superposition des états qui réalise l’indétermination. Je me contenterai ici de deux sortes d’exemples, tirés de mes travaux passés.

D’abord le concept de near miss (ou near hit), familier aux stratèges nucléaires. Plusieurs dizaines de fois au cours de la Guerre froide, mais aussi plus tard, on est passé « à un cheveu » du déclenchement d’une guerre nucléaire. Est-ce à mettre au crédit ou au passif de la dissuasion ? Les deux réponses sont simultanément bonnes. McNamara conclut à l’inefficacité de la dissuasion. «We lucked out » (Nous avons eu du bol) dit-il à ce sujet en recourant à une expression argotique bien trempée.

Cette conclusion n’est-elle pas trop hâtive ? Ne pourrait-on pas dire au contraire que c’est ce flirt répété avec le tigre nucléaire, cette série d’apocalypses qui n’ont pas eu lieu, qui nous a protégés du danger que représentent l’accoutumance, le contentement de soi, l’indifférence, le cynisme, la bêtise, la croyance béate que le pire nous sera épargné ? Ni trop près, ni trop loin du trou noir, ou bien être à la fois proche et distant de l’abîme, telle semble être la leçon à tirer de la Guerre froide.

Le point fixe endogène est ici une apocalypse qui n’a pas eu lieu mais il s’en est fallu de peu. Je suis encore tout secoué que ma fille brésilienne se soit trouvée à bord du vol Air France AF 447 qui relie quotidiennement Rio de Janeiro à Paris le 31 mai 2009, soit la veille du jour où le même vol a disparu en mer. Mais si elle avait été sur ce vol une semaine, un mois, une année avant le crash, mon sentiment de peur rétroactive aurait-il été le même ? La catastrophe n’a pas eu lieu, cela arrive tous les jours, sinon c’en serait fini de l’industrie aéronautique. Le near miss, c’est autre chose. Il y a, sous-jacente à l’absence de la catastrophe, l’image de la catastrophe elle-même, l’ensemble constituant ce qu’on peut appeler une présence-absence.

La nouvelle de Philippe K. Dick, « Minority Report », développe une idée contenue dans le Zadig de Voltaire et illustre d’une autre façon les paradoxes examinés ici. La police du futur y est représentée comme ce qu’on appelle aujourd’hui, alors qu’elle est mise en place dans diverses villes du monde, une police prédictive qui prévoit tous les crimes qui vont être commis dans une zone donnée. Elle intervient parfois au tout dernier moment pour empêcher le criminel d’accomplir son forfait, ce qui fait dire à ce dernier : « Mais je n’ai rien fait ! », à quoi la police répond : « Mais vous alliez le faire. » L’un des policiers, plus tourné vers la métaphysique que les autres, a ce mot : « Ce n’est pas l’avenir si on l’empêche de se produire ! ».

Mais c’est sur le titre de la nouvelle que je veux insister ici. L’« avis minoritaire » se réfère à cette pratique à laquelle ont recours nombre d’institutions importantes de par le monde, par exemple la Cour Suprême des États-Unis ou le Conseil d’État français, qui consiste, lorsqu’elles rendent un avis qui ne fait pas l’unanimité, à inclure, à côté de l’avis majoritaire qui devient de ce fait l’avis de la Cour ou du Conseil, l’avis de la minorité. Dans la nouvelle de Dick, la prophétie est faite par un trio de Parques nommées Precogs (pour Pre-cognition). Trois est un nombre très intéressant car, ou bien les trois Parques sont d’accord, ou bien c’est deux contre une. La minorité, s’il y en a une, ne contient qu’un élément. L’avis de celui-ci apparaît en supplément de l’avis rendu, qu’il contredit tout en en faisant partie[16].

Voilà à quoi devrait ressembler la prophétie face à une catastrophe anticipée mais dont la date est inconnue : le malheur ne devrait y figurer qu’en filigrane d’une annonce de bonheur, ce bonheur consistant en l’évitement du malheur. On pourrait dire que le bonheur contient le malheur tout en étant son contraire, en prenant le verbe « contenir » dans son double sens d’avoir en soi et de faire barrage à.

 


[1] Ces titres ou sous-titres ont tous plus ou moins la même forme, du genre « Pour en finir avec l’apocalypse », « Halte à la déraison catastrophiste », « La fin du monde n’est pas pour tout de suite » (titres que j’invente sans préjuger de leur existence possible).

[2] Parmi les chercheurs dont les critiques m’ont aidé même si je reste en désaccord sur des points essentiels avec la plupart d’entre eux : Catherine Larrère, Michael Foessel, Luc Ferry, Gérald Bronner, Hicham-Stéphane Afeissa et quelques autres.

[3] Hans Jonas, Le Principe Responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Flammarion, Coll. Champs, 1995, p. 233. Je souligne.

[4] Günther Anders, Le temps de la fin, L’Herne, 2007, p. 88. Je souligne.

[5] Pour ce qui est de la Bible, le Deutéronome nous apprend que le seul et véritable critère de reconnaissance du vrai prophète était que sa parole s’accomplissait, que sa prophétie s’avérait exacte : « Peut-être diras-tu en ton cœur : “Comment reconnaîtrons-nous la parole que Yahvé n’a pas dite ?” Quand le prophète aura parlé au nom de Yahvé, si ce qu’il dit n’a pas lieu et n’arrive pas, voilà la parole que Yahvé n’a pas dite ; c’est par présomption qu’a parlé le prophète : tu ne le redouteras pas ! » [Deut. 18: 21-22]. C’est la non-réalisation de la prophétie qui prouve qu’elle n’est pas d’origine divine. Dans un monde laïc, ce même critère peut servir à distinguer les charlatans des autres prédicteurs.

[6] Deux livres fort différents illustrent cette incompréhension. L’essayiste Pascal Bruckner, dans son pamphlet Le fanatisme de l’apocalypse (Grasset, 2011), use jusqu’à la corde une technique qui atteint bien vite le point de rupture : alors qu’il devrait se faire tout petit devant l’importance des enjeux, il se moque de ce qu’il ne comprend pas. Se référant à la citation d’Anders que j’ai faite plus haut, il y voit une manifestation de fausse humilité, sans saisir que l’humilité n’a rien à voir à l’affaire et que le prophète efficace se condamne vraiment à avoir tort. Citant Jonas comme je l’ai également fait, il ironise : « Gagner, ce serait perdre mais perdre c’est gagner », incapable de comprendre la logique perverse de la prophétie de malheur. Le livre de Michaël Foessel, Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique, (Seuil, coll. Points Essais, 2012/2019) est d’une autre facture, un livre de vrai philosophe cette fois. Cependant, Foessel fait dire aux catastrophistes que « l’apocalypticien contemporain est animé par la passion d’avoir tort. » (p. 30).  Non, le catastrophiste rationnel d’aujourd’hui n’a aucunement la passion d’être ridicule : il veut éviter la catastrophe même s’il lui faut pour cela payer le prix de paraître un mauvais, c’est-à-dire un faux prophète. Ce n’est pas du tout la même chose !

[7] Le fait que Hans Jonas porte le nom de ce prophète est l’un de ces clins d’œil de l’histoire qui laisse confondu.

[8] Voir Jean-Pierre Dupuy, Introduction aux sciences sociales. Logique des phénomènes collectifs, Ellipses, coll. Cours de l’École Polytechnique, 1982.

[9] En philosophie, on dirait que l’avenir est contrefactuellement indépendant des actions présentes alors même qu’il en dépend causalement. Le non-parallélisme entre de telles dépendances ne bute pas sur une impossibilité logique.

[10] Dire que l’avenir est nécessaire c’est dire que tous les événements futurs s’y produisent nécessairement : il est impossible qu’ils ne s’y produisent pas. Il est équivalent de dire – mais cela requiert une démonstration – que l’avenir est nécessaire et de dire que tout événement qui ne se produira jamais est impossible.

[11] Au sens technique donné à ce terme par David K. Lewis, à la suite de David Hume, dans son livre Convention, Wiley-Blackwell, 2008.

[12] Dans mon livre L’Avenir de l’économie (Flammarion, 2012), j’ai nommé « coordination par l’avenir » cette modalité de la régulation sociale.

[13] Karl Jaspers, Von Ursprung und Ziel der Geschichte (De l’origine et du but de l’histoire), Munich/Zürich: R. Piper & Co. Verlag, 1949. (Je traduis et souligne).

[14] Trois livres marquent les étapes de ma réflexion : Pour un catastrophisme éclairé, 2002, op. cit.; L’Avenir de l’économie, 2012, op. cit.; La Guerre qui ne peut pas avoir lieu, Desclée de Brouwer, 2019.

[15] La nécessité, à l’instar de la possibilité chez Bergson, ne peut être que rétrospective. Un événement qui se produit devient nécessaire, non seulement parce qu’il entre dans le passé, mais parce qu’il devient vrai qu’il aura toujours été nécessaire.

[16] Cette figure paradoxale est exactement celle que le regretté anthropologue et sociologue Louis Dumont nommait la « hiérarchie comme englobement du contraire ». Voir Louis Dumont, Homo Hierarchicus, Gallimard, 1967 ; repris in Coll. Tel, 1979.

Jean-Pierre Dupuy

PHILOSOPHE, PROFESSEUR À STANFORD UNIVERSITY

COMPLEMENT:

Ferghane Azihari: «Doit-on nécessairement être anti-moderne pour être écologiste ?»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Le jeune auteur libéral publie Les écologistes contre la modernité, un essai argumenté qui dresse les contradictions des écologistes, et déconstruit le mythe d’un paradis perdu que la civilisation industrielle aurait saccagé.

Ferghane Azihari est délégué général de l’Académie libre des sciences humaines (ALSH) et membre de la Société d’économie politique (SEP). Il publie Les Écologistes contre la modernité aux Presses de la Cité.


FIGAROVOX. – Votre livre Les écologistes contre la modernité est sous-titré «Le procès de Prométhée». Dans le Principe responsabilité (1979), le philosophe Hans Jonas fait référence au mythe de Prométhée pour dénoncer les risques inconsidérés de certains comportements humains et de certains choix techniques, par rapport à l’équilibre écologique, social, et économique de la planète. Cherchez-vous dans ce livre à prendre le parti de l’accusé ?

Ferghane AZIHARI. – Dans la mythologie grecque, Prométhée est le titan qui donne le feu aux hommes. Il incarne désormais la civilisation industrielle si décriée par l’écologie politique. Je tente de restituer son bilan en lui offrant un procès équitable.

Il ne s’agit pas seulement de rappeler que la société industrielle nous a délivrés de la famine, de l’ignorance, de la maladie, des effets ravageurs des aléas naturels et de la pénibilité. Il convient aussi de liquider le mythe du paradis perdu qui prétend que notre environnement n’a jamais été aussi toxique qu’aujourd’hui. On doit cette fable aux penchants rousseauistes de l’idéologie écologiste : ils reprochent au progrès industriel de souiller notre monde.

Ce récit décliniste suggère que les sociétés prémodernes entretenaient avec leur environnement une relation plus harmonieuse. Mais cette nostalgie n’a aucun fondement. Les hommes des cavernes et les villes préindustrielles étaient exposés à des nuisances environnementales bien plus ravageuses que les citadins des métropoles modernes. La pollution et les catastrophes naturelles font plus de victimes dans les pays faiblement industrialisés que dans les nations développées. Enfin, les secondes sont mieux armées que les premières pour affronter le changement climatique. Il serait immoral et contreproductif de renoncer à l’expansion de l’industrialisme. On trahirait les peuples enfermés dans les fléaux écologiques prémodernes en éloignant l’humanité des solutions aux nouveaux défis.

Vous dénoncez une lecture technocritique du mythe de Prométhée. Ne pensez-vous pas qu’il faille toutefois distinguer la technique ancienne (outils) et la technique moderne – en tant que manifestation ultime de volonté de puissance (capable de se retourner contre l’humain) ?

La technologie provient toujours de ce que le philosophe Jacques Ellul appelait avec dédain la «passion de l’efficacité». Elle a pour objet d’augmenter notre puissance. La question est de savoir si cette quête de puissance est bienveillante ou non.

L’écologie politique l’envisage avec pessimisme. Hans Jonas écrivait que la véritable menace que porte la technologie «ne réside pas tant dans ses moyens de destruction que dans son paisible usage quotidien». On accuse la technique d’augmenter les penchants destructeurs de l’homme.

Les tragédies du XXe siècle et l’attention accordée aux nouveaux risques ont renforcé le prestige de cette lecture, quitte encore à sombrer dans la fable du bon sauvage. Pourtant, les travaux de Lawrence Keeley montrent que les guerres préhistoriques étaient plus fréquentes et meurtrières que les conflits modernes. Les Hutus n’ont guère eu besoin de la haute technologie pour décimer les Tutsis. Si l’on revient à l’environnement, les outils rudimentaires des chasseurs-cueilleurs ont suffi à conduire une partie de la mégafaune du Pléistocène à l’extinction tandis que leur mode de vie exigeait des infanticides et des géronticides réguliers.

Bien sûr, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse, qui voit dans le progrès technique la condition suffisante du progrès moral, en oubliant la variable culturelle. Mais en l’occurrence, et en dépit des nouveaux risques, le bilan sécuritaire de la modernité est positif, comme en témoigne notre succès évolutif. Il n’appartient qu’à nous de faire en sorte qu’il le demeure en usant de notre puissance pour servir notre espèce et non l’asservir.

Pourquoi, ni le programme des Verts, ni le localisme d’un Hervé Juvin ne peuvent constituer des alternatives viables, selon vous ?

Déjà au XVIIe siècle, l’humaniste Hugo Grotius constatait que le fondement du commerce mondial résidait dans l’inégale répartition géographique des ressources et des terres fertiles ainsi que l’incapacité des nations à subvenir seules à leurs besoins. En s’inscrivant à contre-courant de la mondialisation, localisme et décroissance constituent un profond désintérêt pour le sort de l’humanité. Des études suggèrent que seul un tiers de l’humanité pourrait se nourrir dans un monde localiste. Faut-il tuer les autres ?

Lorsque les écologistes pourfendent le productivisme, veulent diminuer les rendements agricoles, préfèrent les sources d’énergie intermittentes aux énergies abondantes, on peut se demander si l’hécatombe humanitaire n’est pas délibérément recherchée. D’autant que les vertus écologiques de ces propositions sont surestimées. Toutes choses égales par ailleurs, une agriculture aux rendements faibles, c’est plus de déforestation.

Le localisme néglige le fait que le transport contribue, en proportion, peu aux pollutions, contrairement à la phase de production. C’est pourquoi il est parfois moins polluant de se procurer une marchandise produite par un industriel étranger qui, pour des raisons géographiques, climatiques, techniques, logistiques ou par le jeu des économies d’échelle, parvient à utiliser moins de ressources pour produire une unité de richesses qu’un producteur local aux méthodes inefficientes. Si chaque ville française produisait sa nourriture localement, le gaspillage exploserait.

Enfin, un effondrement du commerce mondial appauvrirait l’humanité, ainsi qu’on l’a vu avec la Covid, ce qui amputerait ses capacités à investir dans des technologies propres, mais coûteuses. Pour verdir notre monde sans renoncer à améliorer le sort de l’humanité, il serait plus vertueux que les pays riches investissent dans la modernisation de leur appareil productif ainsi que dans celui des pays du Sud.

Vous assimilez l’«écologie intégrale» au panthéisme et affirmez que cette écologie «qui séduit tant de conservateurs est à l’origine le pur produit d’une droite néopaïenne et anti-chrétienne ». Ne faites-vous pas ici la confusion entre l’«écologie profonde» de la Nouvelle Droite et l’«écologie intégrale» proposée par le pape François dans son encyclique Laudato Si ? En effet, l’Eglise prône une écologie anthropocentrée, qui rend responsables les hommes en leur demandant de respecter la «maison commune »

L’écologie profonde personnifie la nature sauvage en la plaçant au-dessus de l’homme tandis que l’écologie intégrale, selon les termes du Manifeste de la nouvelle droite publié en 2000, «en appelle au dépassement de l’anthropocentrisme moderne». Certes, elle «ne gomme pas la spécificité de l’homme», mais elle lui dénie tout de même «la place exclusive que lui avaient donnée le christianisme et l’humanisme classique».

Ces deux écoles ont en commun de se méfier de la souveraineté que l’homme exerce sur la nature. Cette méfiance est désormais partagée par le Pape. Preuve en est qu’il préfère dénoncer la «démesure anthropocentrique» qui définirait notre époque que souligner les atteintes aux droits de l’homme qui ralentissent le développement des pays du Sud. Le souverain pontife propose d’ailleurs de ralentir le développement, voire d’y renoncer. Ce qui montre que l’humanisme n’est plus sa grille de lecture.

Comment ne pas déceler des bribes de paganisme dans un discours qui compte parmi les pauvres notre «Terre opprimée», accuse les hommes de «piller» la nature comme si seule Gaïa était propriétaire des ressources et que nous ne serions plus légitimes à en disposer (comme le font tous les autres êtres vivants à leur humble échelle) ?

Je ne parle même pas de l’image figée de la biosphère héritée de l’ère pré-darwinienne qui assimile toute transformation des écosystèmes à une destruction. François taxe enfin d’extrémisme ceux qui, dans le sillage des Lumières, placent leur confiance dans le progrès pour résoudre nos problèmes actuels ! Je vois dans cette inflexion du discours catholique le signe de l’hégémonie d’une écologie misanthrope à qui il faut donner des gages : elle ne définit plus la protection de la nature comme la sauvegarde d’un milieu hospitalier pour l’homme, mais comme la «sanctuarisation» d’un milieu dont il faut l’exclure. Pourtant, les écologistes insistent – à raison – sur le fait que l’homme appartient à la nature ! Sapiens doit visiblement se chercher d’autres alliés.

Vous démontrez que le temps de travail s’est considérablement réduit depuis la révolution industrielle. Si nous devons nous réjouir de la non-pénibilité du travail, est-il souhaitable de le voir disparaître ?

Depuis Platon, la philosophie politique occidentale admet que le but des sociétés réside dans l’allégement de la peine que l’homme s’inflige pour assouvir ses besoins. C’est pourquoi on préfère la Cité à l’ermitage. La réduction du labeur est une aspiration naturelle et universelle.

Elle n’a pas attendu l’émergence de la question ouvrière au XIXe siècle pour se manifester. En 1516, le penseur humaniste Thomas More imaginait un monde utopique où 6 heures de travail par jour suffisent pour bien vivre. Et tandis que l’ouvrier occidental moyen devait besogner plus de 3000 heures par an pour s’acheter le niveau de vie du XIXe siècle, il peut désormais travailler 1500 heures par an, soit 4 heures par jour, pour obtenir le confort du XXIe siècle. Le progrès de l’industrie et l’ouverture du commerce permettent de faire mieux que l’utopie de More.

Le libéral que je suis ne considère pas le travail comme une fin en soi. Ce n’est que le vulgaire prix à payer pour vivre, assouvir ses besoins et servir ses semblables. Le but du progrès est de réduire ce prix pour tendre vers la perfection (même si nous ne l’atteindrons jamais) que décrivait l’économiste Frédéric Bastiat en son temps : un effort nul pour un gain infini.

Ces idéaux ont longtemps été consensuels. Mais le comble est de voir désormais la gauche radicale, naguère favorable au «droit à la paresse», plaider pour assigner l’humanité à la malédiction de Sisyphe : un effort infini pour un gain nul. C’est ainsi qu’il faut interpréter les propositions d’un Nicolas Hulot ou d’un Dominique Bourg. Ce dernier veut reconduire un tiers de la population dans les champs, avec pour seule aide «l’énergie musculaire et animale». Ces délires réactionnaires seraient amusants s’ils n’influençaient pas les responsables «modérés» : nous avons déjà entendu un ministre français plaider pour le retour aux pratiques agricoles de nos grands-parents.

Vous considérez que Thomas Malthus, qui proposait une politique de contrôle des naissances pour préserver les ressources, s’est trompé. Pourquoi ?

Malthus craignait le scénario d’une production de richesses incapable de suivre une croissance démographique exponentielle. En dépit de ses erreurs, l’épouvantail de la surpopulation continue d’être agité par les écologistes, comme en témoignent les cas de Paul Ehrlich, qui envisageait la stérilisation forcée, ou de Pablo Servigne, qui suggère dans son best-seller que nous devons dès maintenant choisir qui doit naître pour ne pas avoir à choisir qui devra mourir demain.

Rappelons qu’au temps de Malthus, nous étions un milliard et la misère était la norme. Aujourd’hui, nous sommes 8 milliards et la misère devient l’exception, ce qui infirme les scénarios apocalyptiques que l’on pouvait lire dans les années 70 à travers le rapport au Club de Rome. Ces progrès humanitaires s’expliquent par le fait que les hommes, loin de n’être que des ventres sur pattes, sont d’abord des ouvriers, des ingénieurs et des innovateurs. Ils créent plus qu’ils ne détruisent.

Jean Bodin avait raison de souligner dès le XVIe siècle qu’il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de citoyens dans la mesure où il n’y a de richesse que d’hommes. Désormais, le néo-malthusianisme prétend qu’une «surpopulation» d’êtres opulents menace de rendre notre planète toxique. Le raisonnement semble a priori logique. On peut en effet se dire que, toutes choses égales par ailleurs, plus on est, plus on consomme, plus on pollue. Sauf que la variable technologique fait que les choses ne sont jamais égales par ailleurs !

Par exemple, Paris comptait 200 000 âmes en 1328, soit 10 fois moins qu’aujourd’hui. Pourtant, la pollution tuait une proportion de Parisiens plus forte au Moyen Âge qu’au XXIe siècle : une métropole équipée de l’électricité et du traitement des eaux usées bénéficie d’un environnement de meilleure qualité qu’une petite bourgade dépourvue de ces technologies.

Le raisonnement vaut pour le changement climatique. Entre 1979 et 2019, grâce au nucléaire et à l’efficacité énergétique, les émissions territoriales françaises de CO2 ont baissé tandis que la population française a gagné 11 millions d’habitants sur la même période et que notre production industrielle est plus élevée en 2019 qu’en 1979 en valeur absolue. Les émissions importées suivront la même trajectoire à mesure que nos partenaires commerciaux obtiendront nos technologies.

Or, ainsi que le rappelait l’économiste Julian Simon, une large démographie favorise l’innovation, car elle permet une abondance de bras et de cerveaux brillants. Enfin, le jeu des économies d’échelle fait que les grandes communautés obtiennent plus aisément les technologies propres qui, parce que coûteuses, seraient inaccessibles aux petites communautés. C’est la raison pour laquelle les villes sont mieux équipées que les campagnes en infrastructures essentielles à un environnement sain, comme les réseaux d’égout ou les stations d’épuration. Pour sauver notre habitat, mieux vaut des familles nombreuses composées d’ingénieurs que des zadistes célibataires. D’ailleurs, si l’on regarde les trajectoires démographiques actuelles, la menace qui plane sur nous est plutôt le vieillissement et le déclin démographique de notre espèce.

Si aucune solution écologiste ne trouve grâce à vos yeux, que proposez-vous pour répondre à l’urgence climatique, au sujet de laquelle les scientifiques nous alertent ?

Je dénonce une récurrence étrange chez les écologistes. Les mesures qu’ils proposent contreviennent toujours à la résolution des problèmes qu’ils soulignent, voire les aggravent. On ne peut pas comprendre cette dissonance si on ne la met pas en lien avec les arrière-pensées anticapitalistes de ce mouvement. Je cite dans mon ouvrage d’éminents auteurs écologistes qui redoutent le scénario d’une humanité qui parvient à se doter d’une énergie abondante, fut-elle propre, et qui présentent la pauvreté comme l’horizon souhaitable de notre espèce. Ce qui suffit à prouver leur insincérité.

Si le but est de lutter contre le changement climatique en assurant à l’humanité le niveau de vie le plus élevé possible, alors, outre l’efficacité énergétique, il faut que celle-ci cesse de fermer des centrales nucléaires et se convertisse massivement à l’énergie atomique, soit la source d’énergie la plus décarbonée, fiable et efficace à grande échelle. Les centaines de milliards que les pouvoirs publics et le secteur privé des pays développés dilapident dans l’éolien et le solaire doivent être immédiatement réaffectés vers l’atome. Sans cela, toute tentative de décarboner l’électricité mondiale, d’électrifier nos usages, de synthétiser des carburants ou des engrais propres ou d’investir dans la capture du CO₂ sera inefficiente.

Plutôt que de culpabiliser les pays émergents, nous devrions porter l’idéal d’une filière nucléaire ambitieuse, capable de frapper à la porte de tous les pays soucieux de se délivrer de la misère et des énergies fossiles. Il ne faut pas non plus oublier l’impératif de l’adaptation, qui montre là encore l’inanité de la post-croissance : la résistance des sociétés face aux aléas naturels augmente avec la richesse. Un Israélien ou un Néerlandais qui peut se procurer des stations pour dessaler l’eau mer ou un système de protection côtière ultra-sophistiqué contre la montée des eaux est moins vulnérable à la sécheresse et aux inondations qu’un Malgache ou qu’un Bangladais.

Une des réponses au changement climatique consiste à nous assurer que ces gains en résilience devancent l’émergence des nouveaux risques. Ce ne sont là que des premières pistes qui méritent d’être approfondies par des entrepreneurs, ingénieurs et scientifiques assez humanistes pour refuser le discours qui feint de s’inquiéter des maux du changement climatique pour assigner les hommes aux fléaux de la misère.


Nostalgie: Quand la pierre qui roule n’amassait pas mousse (But that’s not how it used to be: looking back at Don McLean’s classic song about America’s loss of innocence)

3 octobre, 2020


Rebel Without a Cause R2005 U.S. One Sheet Poster | Posteritati Movie Poster Gallery | New YorkThe Rolling Stones - Altamont Raceway - Livermore, - Catawiki10+ Best Funny Ads images | funny ads, copywriting ads, ads

Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? Jésus (Luc 18: 8)
Christianity will go. It will vanish and shrink. I needn’t argue about that; I’m right and I’ll be proved right. We’re more popular than Jesus now; I don’t know which will go first – rock ‘n’ roll or Christianity. Jesus was all right but his disciples were thick and ordinary. It’s them twisting it that ruins it for me. John Lennon (1966)
Who wrote the book of love? Tell me, tell me… I wonder, wonder who … Was it someone from above? The Monotones (1958)
Well, that’ll be the day, when you say goodbye Yes, that’ll be the day, when you make me cry You say you’re gonna leave, you know it’s a lie ‘Cause that’ll be the day when I die. Buddy Holly (1957)
Well, ya know a rolling stone don’t gather no moss. Buddy Holly (1958)
Now, for ten years we’ve been on our own And moss grows fat on a rolling stone But, that’s not how it used to be. (…) The Father, Son, and the Holy Ghost, they caught the last train for the coast, the day the music died. Don McLean
C’était une sorte de Woodstock, le genre de truc qui marchait à l’époque, mais cette mode allait sur sa fin. Si Woodstock a lancé la mode, elle a pris fin ce jour-là. Charlie Watts
Ça a été horrible, vraiment horrible. Tu te sens responsable. Comment cela a-t-il pu déraper de la sorte ? Mais je n’ai pas pensé à tous ces trucs auxquels les journalistes ont pensé : la grande perte de l’innocence, la fin d’une ère… C’était davantage le côté effroyable de la situation, le fait horrible que quelqu’un soit tué pendant un concert, combien c’était triste pour sa famille, mais aussi le comportement flippant des Hell’s Angels. Mick Jagger
J’y suis pas allé pour faire la police. J’suis pas flic. Je ne prétendrai jamais être flic. Ce Mick Jagger, il met tout sur le dos des Angels. Il nous prend pour des nazes. En ce qui me concerne, on s’est vraiment fait entuber par cet abruti. On m’a dit que si je m’asseyais sur le bord de la scène, pour bloquer les gens, je pourrais boire de la bière jusqu’à la fin du concert. C’est pour ça que j’y suis allé. Et tu sais quoi ? Quand ils ont commencé à toucher nos motos, tout a dérapé. Je sais pas si vous pensez qu’on les paie 50 $ ou qu’on les vole, ou que ça coûte cher ou quoi. Personne ne touche à ma moto. Juste parce qu’il y a une foule de 300 000 personnes ils pensent pouvoir s’en sortir. Mais quand je vois quelque chose qui est toute ma vie, avec tout ce que j’y ai investi, la chose que j’aime le plus au monde, et qu’un type lui donne des coups de pied, on va le choper. Et tu sais quoi ? On les a eus. Je ne suis pas un pacifiste minable, en aucun cas. Et c’est peut-être des hippies à fleurs et tout ça. Certains étaient bourrés de drogue, et c’est dommage qu’on ne l’ait pas été, ils descendaient la colline en courant et en hurlant et en sautant sur les gens. Et pas toujours sur des Angels, mais quand ils ont sauté sur un Angel, ils se sont fait mal.  Sonny Barger
SOS Racisme. SOS Baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme ; dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques, et donc une espèce virtuellement condamnée. Jean Baudrillard (1987)
I had an idea for a big song about America, and I didn’t want to write that this land is your land or some song like that. And I came up with this notion that politics and music flow parallel together forward through history. So the music you get is related somehow to the political environment that’s going on. And in the song, « American Pie, » the verses get somewhat more dire each time until you get to the end, but the good old boys are always there singing and singing, « Bye-bye Miss American Pie » almost like fiddling while Rome is burning. This was all in my head, and it sort of turned out to be true because, you now have a kind of music in America that’s really more spectacle, it owes more to Liberace than it does to Elvis Presley. And it’s somewhat meaningless and loud and bloviating and, and yet — and then we have this sort of spectacle in Washington, this kind of politics, which has gotten so out of control. And so the theory seems to hold up, but again, it was only my theory, and that’s how I wrote the song. That was the principle behind it. Don McLean
For some reason I wanted to write a big song about America and about politics, but I wanted to do it in a different way. As I was fiddling around, I started singing this thing about the Buddy Holly crash, the thing that came out (singing), ‘Long, long time ago, I can still remember how that music used to make me smile.’ I thought, Whoa, what’s that? And then the day the music died, it just came out. And I said, Oh, that is such a great idea. And so that’s all I had. And then I thought, I can’t have another slow song on this record. I’ve got to speed this up. I came up with this chorus, crazy chorus. And then one time about a month later I just woke up and wrote the other five verses. Because I realized what it was, I knew what I had. And basically, all I had to do was speed up the slow verse with the chorus and then slow down the last verse so it was like the first verse, and then tell the story, which was a dream. It is from all these fantasies, all these memories that I made personal. Buddy Holly’s death to me was a personal tragedy. As a child, a 15-year-old, I had no idea that nobody else felt that way much. I mean, I went to school and mentioned it and they said, ‘So what?’ So I carried this yearning and longing, if you will, this weird sadness that would overtake me when I would look at this album, The Buddy Holly Story, because that was my last Buddy record before he passed away. Don McLean
I was headed on a certain course, and the success I got with ‘American Pie’ really threw me off. It just shattered my lifestyle and made me quite neurotic and extremely petulant. I was really prickly for a long time. If the things you’re doing aren’t increasing your energy and awareness and clarity and enjoyment, then you feel as though you’re moving blindly. That’s what happened to me. I seemed to be in a place where nothing felt like anything, and nothing meant anything. Literally nothing mattered. It was very hard for me to wake up in the morning and decide why it was I wanted to get up. Don McLean
I’m very proud of the song. It is biographical in nature and I don’t think anyone has ever picked up on that. The song starts off with my memories of the death of Buddy Holly. But it moves on to describe America as I was seeing it and how I was fantasizing it might become, so it’s part reality and part fantasy but I’m always in the song as a witness or as even the subject sometimes in some of the verses. You know how when you dream something you can see something change into something else and it’s illogical when you examine it in the morning but when you’re dreaming it seems perfectly logical. So it’s perfectly okay for me to talk about being in the gym and seeing this girl dancing with someone else and suddenly have this become this other thing that this verse becomes and moving on just like that. That’s why I’ve never analyzed the lyrics to the song. They’re beyond analysis. They’re poetry. Don McLean
By 1964, you didn’t hear anything about Buddy Holly. He was completely forgotten. But I didn’t forget him, and I think this song helped make people aware that Buddy’s legitimate musical contribution had been overlooked. When I first heard ‘American Pie’ on the radio, I was playing a gig somewhere, and it was immediately followed by ‘Peggy Sue.’ They caught right on to the Holly connection, and that made me very happy. I realized that it was actually gonna perform some good works. Don McLean
It means never having to work again for the rest of my life. Don McLean (1991)
A month or so later I was in Philadelphia and I wrote the rest of the song. I was trying to figure out what this song was trying to tell me and where it was supposed to go. That’s when I realized it had to go forward from 1957 and it had to take in everything that has happened. I had to be a witness to the things going on, kind of like Mickey Mouse in Fantasia. I didn’t know anything about hit records. I was just trying to make the most interesting and exciting record that I could. Once the song was written, there was no doubt that it was the whole enchilada. It was clearly a very interesting, wonderful thing and everybody knew it. Don McLean (2003)
Basically in ‘American Pie’ things are heading in the wrong direction… It is becoming less idyllic. I don’t know whether you consider that wrong or right but it is a morality song in a sense. I was around in 1970 and now I am around in 2015… there is no poetry and very little romance in anything anymore, so it is really like the last phase of ‘American Pie’. Don McLean (2015)
The song has nostalgic themes, stretching from the late 1950s until the late 1960s. Except to acknowledge that he first learned about Buddy Holly’s death on February 3, 1959—McLean was age 13—when he was folding newspapers for his paper route on the morning of February 4, 1959 (hence the line « February made me shiver/with every paper I’d deliver »), McLean has generally avoided responding to direct questions about the song’s lyrics; he has said: « They’re beyond analysis. They’re poetry. » He also stated in an editorial published in 2009, on the 50th anniversary of the crash that killed Holly, Ritchie Valens, and J. P. « The Big Bopper » Richardson (who are alluded to in the final verse in a comparison with the Christian Holy Trinity), that writing the first verse of the song exorcised his long-running grief over Holly’s death and that he considers the song to be « a big song … that summed up the world known as America ». McLean dedicated the American Pie album to Holly. It was also speculated that the song contains numerous references to post-World War II American events (such as the murders of civil rights workers Chaney, Goodman, and Schwerner), and elements of culture, including 1960s culture (e.g. sock hops, cruising, Bob Dylan, The Beatles, Charles Manson, and much more). When asked what « American Pie » meant, McLean jokingly replied, « It means I don’t ever have to work again if I don’t want to. » Later, he stated, « You will find many interpretations of my lyrics but none of them by me … Sorry to leave you all on your own like this but long ago I realized that songwriters should make their statements and move on, maintaining a dignified silence. » He also commented on the popularity of his music, « I didn’t write songs that were just catchy, but with a point of view, or songs about the environment. In February 2015, McLean announced he would reveal the meaning of the lyrics to the song when the original manuscript went for auction in New York City, in April 2015. The lyrics and notes were auctioned on April 7, and sold for $1.2 million. In the sale catalogue notes, McLean revealed the meaning in the song’s lyrics: « Basically in American Pie things are heading in the wrong direction. … It [life] is becoming less idyllic. I don’t know whether you consider that wrong or right but it is a morality song in a sense. » The catalogue confirmed some of the better known references in the song’s lyrics, including mentions of Elvis Presley (« the king ») and Bob Dylan (« the jester »), and confirmed that the song culminates with a near-verbatim description of the death of Meredith Hunter at the Altamont Free Concert, ten years after the plane crash that killed Holly, Valens, and Richardson. Wikipedia
« The Jester » is probably Bob Dylan. It refers to him wearing « A coat he borrowed from James Dean, » and being « On the sidelines in a cast. » Dylan wore a red jacket similar to James Dean’s on the cover of The Freewheeling Bob Dylan, and got in a motorcycle accident in 1966 which put him out of service for most of that year. Dylan also made frequent use of jokers, jesters or clowns in his lyrics. The line, « And a voice that came from you and me » could refer to the folk style he sings, and the line, « And while the king was looking down the jester stole his thorny crown » could be about how Dylan took Elvis Presley’s place as the number one performer. The line, « Eight miles high and falling fast » is likely a reference to The Byrds’ hit « Eight Miles High. » Regarding the line, « The birds (Byrds) flew off from a fallout shelter, » a fallout shelter is a ’60s term for a drug rehabilitation facility, which one of the band members of The Byrds checked into after being caught with drugs. The section with the line, « The flames climbed high into the night, » is probably about the Altamont Speedway concert in 1969. While the Rolling Stones were playing, a fan was stabbed to death by a member of The Hells Angels who was hired for security. The line, « Sergeants played a marching tune, » is likely a reference to The Beatles’ album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. The line, « I met a girl who sang the blues and I asked her for some happy news, but she just smiled and turned away, » is probably about Janis Joplin. She died of a drug overdose in 1970. The lyric, « And while Lenin/Lennon read a book on Marx, » has been interpreted different ways. Some view it as a reference to Vladimir Lenin, the communist dictator who led the Russian Revolution in 1917 and who built the USSR, which was later ruled by Josef Stalin. The « Marx » referred to here would be the socialist philosopher Karl Marx. Others believe it is about John Lennon, whose songs often reflected a very communistic theology (particularly « Imagine »). Some have even suggested that in the latter case, « Marx » is actually Groucho Marx, another cynical entertainer who was suspected of being a socialist, and whose wordplay was often similar to Lennon’s lyrics. « Did you write the book of love » is probably a reference to the 1958 hit « Book Of Love » by the Monotones. The chorus for that song is « Who wrote the book of love? Tell me, tell me… I wonder, wonder who » etc. One of the lines asks, « Was it someone from above? » Don McLean was a practicing Catholic, and believed in the depravity of ’60s music, hence the closing lyric: « The Father, Son, and the Holy Ghost, they caught the last train for the coast, the day the music died. » Some, have postulated that in this line, the Trinity represents Buddy Holly, Ritchie Valens, and the Big Bopper. « And moss grows fat on our rolling stone » – Mick Jagger’s appearance at a concert in skin-tight outfits, displaying a roll of fat, unusual for the skinny Stones frontman. Also, the words, « You know a rolling stone don’t gather no moss » appear in the Buddy Holly song « Early in the Morning, » which is about his ex missing him early in the morning when he’s gone. « The quartet practiced in the park » – The Beatles performing at Shea Stadium. « And we sang dirges in the dark, the day the music died » – The ’60s peace marches. « Helter Skelter in a summer swelter » – The Manson Family’s attack on Sharon Tate and others in California. « We all got up to dance, Oh, but we never got the chance, ’cause the players tried to take the field, the marching band refused to yield » – The huge numbers of young people who went to Chicago for the 1968 Democratic Party National Convention, and who thought they would be part of the process (« the players tried to take the field »), only to receive a violently rude awakening by the Chicago Police Department nightsticks (the commissions who studied the violence after-the-fact would later term the Chicago PD as « conducting a full-scale police riot ») or as McLean calls the police « the marching band. » (…)The line « Jack be nimble, Jack be quick, Jack Flash sat on a candle stick » is taken from a nursery rhyme that goes « Jack be nimble, Jack be quick, Jack jump over the candlestick. » Jumping over the candlestick comes from a game where people would jump over fires. « Jumpin’ Jack Flash » is a Rolling Stones song. Another possible reference to The Stones can be found in the line, « Fire is the devils only friend, » which could be The Rolling Stones « Sympathy For The Devil, » which is on the same Rolling Stones album. (…) McLean wrote the opening verse first, then came up with the chorus, including the famous title. The phrase « as American as apple pie » was part of the lexicon, but « American Pie » was not. When McLean came up with those two words, he says « a light went off in my head. » (…) Regarding the lyrics, « Jack Flash sat on a candlestick, ’cause fire is the devil’s only friend, » this could be a reference to the space program, and to the role it played in the Cold War between America and Russia throughout the ’60s. It is central to McLean’s theme of the blending of the political turmoil and musical protest as they intertwined through our lives during this remarkable point in history. Thus, the reference incorporates Jack Flash (the Rolling Stones), with our first astronaut to orbit the earth, John (common nickname for John is Jack) Glenn, paired with « Flash » (an allusion to fire), with another image for a rocket launch, « candlestick, » then pulls the whole theme together with « ’cause fire is the Devil’s (Russia’s) only friend, » as Russia had beaten America to manned orbital flight. At 8 minutes 32 seconds, this is the longest song in length to hit #1 on the Hot 100. The single was split in two parts because the 45 did not have enough room for the whole song on one side. The A-side ran 4:11 and the B-side was 4:31 – you had to flip the record in the middle to hear all of it. Disc jockeys usually played the album version at full length, which was to their benefit because it gave them time for a snack, a cigarette or a bathroom break. (…) When the original was released at a whopping 8:32, some radio stations in the United States refused to play it because of a policy limiting airplay to 3:30. Some interpret the song as a protest against this policy. When Madonna covered the song many years later, she cut huge swathes of the song, ironically to make it more radio friendly, to 4:34 on the album and under 4 minutes for the radio edit. In 1971, a singer named Lori Lieberman saw McLean perform this at the Troubadour theater in Los Angeles. She claimed that she was so moved by the concert that her experience became the basis for her song « Killing Me Softly With His Song, » which was a huge hit for Roberta Flack in 1973. When we spoke with Charles Fox, who wrote « Killing Me Softly » with Norman Gimbel, he explained that when Lieberman heard their song, it reminded her of the show, and she had nothing to do with writing the song. This song did a great deal to revive interest in Buddy Holly. Says McLean: « By 1964, you didn’t hear anything about Buddy Holly. He was completely forgotten. But I didn’t forget him, and I think this song helped make people aware that Buddy’s legitimate musical contribution had been overlooked. When I first heard ‘American Pie’ on the radio, I was playing a gig somewhere, and it was immediately followed by ‘Peggy Sue.’ They caught right on to the Holly connection, and that made me very happy. I realized that it was actually gonna perform some good works. » In 2002, this was featured in a Chevrolet ad. It showed a guy in his Chevy singing along to the end of this song. At the end, he gets out and it is clear that he was not going to leave the car until the song was over. The ad played up the heritage of Chevrolet, which has a history of being mentioned in famous songs (the line in this one is « Drove my Chevy to the levee »). Chevy used the same idea a year earlier when it ran billboards of a red Corvette that said, « They don’t write songs about Volvos. » Weird Al Yankovic did a parody of this song for his 1999 album Running With Scissors. It was called « The Saga Begins » and was about Star Wars: The Phantom Menace written from the point of view of Obi-Wan Kenobi. Sample lyric: « Bye, bye this here Anakin guy, maybe Vader someday later but now just a small fry. » It was the second Star Wars themed parody for Weird Al – his first being « Yoda, » which is a takeoff on « Lola » by The Kinks. Al admitted that he wrote « The Saga Begins » before the movie came out, entirely based on Internet rumors. (…) This song was enshrined in the Grammy Hall of Fame in 2002, 29 years after it was snubbed for the four categories it was nominated in. At the 1973 ceremony, « American Pie » lost both Song of the Year and Record of the year to « First Time Ever I Saw Your Face. » (…) Fans still make the occasional pilgrimage to the spot of the plane crash that inspired this song. It’s in a location so remote that tourists are few. The song starts in mono, and gradually goes to stereo over its eight-and-a-half minutes. This was done to represent going from the monaural era into the age of stereo. This song was a forebear to the ’50s nostalgia the became popular later in the decade. A year after it was released, Elton John scored a ’50s-themed hit with « Crocodile Rock; in 1973 the George Lucas movie American Graffiti harkened back to that decade, and in 1978 the movie The Buddy Holly Story hit theaters. One of the more bizarre covers of this song came in 1972, when it appeared on the album Meet The Brady Bunch, performed by the cast of the TV show. This version runs just 3:39. This song appears in the films Born on the Fourth of July (1989), Celebrity (1998) and Josie and the Pussycats (2001). Don McLean’s original manuscript of « American Pie » was sold for $1.2 million at a Christie’s New York auction on April 7, 2015. Songfacts

Nostalgie quand tu nous tiens !

En ces jours étranges ….

Où, à l’instar d’une espèce condamnée comme l’avait bien vu Baudrillard …

Le racisme devient « l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques » …

Et SOS racisme attaque à nouveau Eric Zemmour en justice …

Pendant qu’au Sénat ou dans les beaux quartiers parisiens, ses notables de créateurs coulent des jours paisibles …

Comment ne pas repenser …

A la fameuse phrase de la célébrissime chanson de Don McLean …

Qui  entre la mort de Buddy Holly et celle, quatre mois après Woodstock, d’un fan au festival d’Altamont pendant le passage des Rolling Stones ….

Revenait, il y a 50 ans sur la perte d’innocence du rock et de l’Amérique de son adolescence …

Regrettant le temps proverbial …

Où « la pierre qui roule n’amassait pas mousse » ?

What is Don McLean’s song “American Pie” all about?

Dear Cecil:

I’ve been listening to Don McLean sing « American Pie » for twenty years now and I still don’t know what the hell he’s talking about. I know, I know, the « day the music died » is a reference to the Buddy Holly/Ritchie Valens/Big Bopper plane crash, but the rest of the song seems to be chock full of musical symbolism that I’ve never been able to decipher. There are clear references to the Byrds ( » … eight miles high and fallin’ fast … ») and the Rolling Stones (« … Jack Flash sat on a candlestick … »), but the song also mentions the « King and Queen, » the « Jester » (I’ve heard this is either Mick Jagger or Bob Dylan), a « girl who sang the blues » (Janis Joplin?), and the Devil himself. I’ve heard there is an answer key that explains all the symbols. Is there? Even if there isn’t, can you give me a line on who’s who and what’s what in this mediocre but firmly-entrenched-in-my-mind piece of music?

Scott McGough, Baltimore

Cecil replies:

Now, now, Scott. If you can’t clarify the confused, certainly the pinnacle of literary achievement in my mind, history (e.g., the towering rep of James Joyce) instructs us that your next best bet is to obfuscate the obvious. Don McLean has never issued an “answer key” for “American Pie,” undoubtedly on the theory that as long as you can keep ’em guessing, your legend will never die.

He’s probably right. Still, he’s dropped a few hints. Straight Dope musicologist Stefan Daystrom taped the following intro from Casey Kasem’s American Top 40 radio show circa January 1972: “A few days ago we phoned Don McLean for a little help in interpreting his great hit ‘American Pie.’ He was pretty reluctant to give us a straight interpretation of his work; he’d rather let it speak for itself. But he explained some of the specific references that he makes. The most important one is the death of rockabilly singer Buddy Holly in 1959; for McLean, that’s when the music died. The court jester he refers to is Bob Dylan. The Stones and the flames in the sky refer to the concert at Altamont, California. And McLean goes on, painting his picture,” blah blah, segue to record.

Not much to go on, but at least it rules out the Christ imagery. For the rest we turn to the song’s legion of freelance interpreters, whose thoughts were most recently compiled by Rich Kulawiec into a file that I plucked from the Internet. (I love the Internet.) No room to reprint all the lyrics, which you probably haven’t been able to forget anyway, but herewith the high points:

February made me shiver: Holly’s plane crashed February 3, 1959.

Them good ole boys were singing “This’ll be the day that I die”: Holly’s hit “That’ll Be the Day” had a similar line.

The Jester sang for the King and Queen in a coat he borrowed from James Dean: ID of K and Q obscure. Elvis and Connie Francis (or Little Richard)? John and Jackie Kennedy? Or Queen Elizabeth and consort, for whom Dylan apparently did play once? Dean’s coat is the famous red windbreaker he wore in Rebel Without a Cause; Dylan wore a similar one on “The Freewheeling Bob Dylan” album cover.

With the Jester on the sidelines in a cast: On July 29, 1966 Dylan had a motorcycle accident that kept him laid up for nine months.

While sergeants played a marching tune: The Beatles’ “Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band.”

And as I watched him on the stage/ my hands were clenched in fists of rage/ No angel born in hell/ Could break that Satan’s spell/ And as the flames climbed high into the night: Mick Jagger, Altamont.

I met a girl who sang the blues/ And I asked her for some happy news/ But she just smiled and turned away: Janis Joplin OD’d October 4, 1970.

The three men I admire most/ The Father, Son, and Holy Ghost/ They caught the last train for the coast: Major mystery. Holly, Bopper, Valens? Hank Williams, Elvis, Holly? JFK, RFK, ML King? The literal tripartite deity? As for the coast, could be the departure of the music biz for California. Or it simply rhymes, a big determinant of plot direction in pop music lyrics (which may also explain “drove my Chevy to the levee”). Best I can do for now. Just don’t ask me to explain “Stairway to Heaven.”

The last word (probably) on “American Pie”

Dear Cecil:

As you can imagine, over the years I have been asked many times to discuss and explain my song “American Pie.” I have never discussed the lyrics, but have admitted to the Holly reference in the opening stanzas. I dedicated the album American Pie to Buddy Holly as well in order to connect the entire statement to Holly in hopes of bringing about an interest in him, which subsequently did occur.

This brings me to my point. Casey Kasem never spoke to me and none of the references he confirms my making were made by me. You will find many “interpretations” of my lyrics but none of them by me. Isn’t this fun?

Sorry to leave you all on your own like this but long ago I realized that songwriters should make their statements and move on, maintaining a dignified silence.

— Don McLean, Castine, Maine

Cecil Adams

Voir aussi:

It had been a while since I’d seen “Gimme Shelter,” one of the early classics of the Maysles brothers, Albert and David, and I watched it again on the occasion of the passing of Albert Maysles last Thursday. To my surprise, I found that a big part of the story of “Gimme Shelter” is in the end credits, which say that the movie was filmed by “the Maysles Brothers and (in alphabetical order)” the names of twenty-two more camera operators. By way of contrast, the brothers’ previous feature, “Salesman,” credited “photography” solely to Albert Maysles, and “Grey Gardens,” from 1976, was “filmed by” Albert Maysles and David Maysles. The difference is drastic: it’s the distinction between newsgathering and relationships, and relationships are what the Maysleses built their films on.

The Maysleses virtually lived with the Bible peddlers on the road, they virtually inhabited Grey Gardens with Big Edie and Little Edie, but—as Michael Sragow reports in this superb study, from 2000, on the making of “Gimme Shelter”—the Maysleses didn’t and couldn’t move in with the Rolling Stones. Stan Goldstein, a Maysles associate, told Sragow, “In the film there are virtually no personal moments with the Stones—the Maysles were not involved with the Stones’ lives. They did not have unlimited access. It was an outside view.”

It’s a commonplace to consider the documentary filmmaker Frederick Wiseman’s films to be centered on the lives of institutions and those of the Maysleses to be centered on the lives of people, but “Gimme Shelter” does both. Though it’s replete with some exhilarating concert footage—notably, of the Stones performing on the concert tour that led up to the Altamont disaster—its central subject is how the Altamont concert came into being. “Gimme Shelter” is a film about a concert that is only incidentally a concert film. Yet the Maysleses’ vision of the unfolding events is distinctive—and, for that matter, historic—by virtue of their distinctive directorial procedure.

Early on, Charlie Watts, the Stones drummer, is seen in the editing room, watching footage with David Maysles, who tells him that it will take eight weeks to edit the film. Watts asks whether Maysles thinks he can do it in that time, and Maysles answers, waving his arm to indicate the editing room, “This gives us the freedom, you guys watching it.”

Filming in the editing room (which, Sragow reports, was the idea of Charlotte Zwerin, one of the film’s editors and directors, who had joined the project after the rest of the shoot) gave them the freedom to break from the strict chronology of the concert season that went from New York to Altamont while staying within the participatory logic of their direct-cinema program. It’s easy to imagine another filmmaker using a voice-over and a montage to introduce, at the start, the fatal outcome of the Altamont concert and portentously declare the intention to follow the band on their American tour to see how they reached that calamitous result. The Maysleses, repudiating such ex-cathedra interventions, instead create a new, and newly personal, sphere of action for the Stones and themselves that the filmmakers can use to frame the concert footage.

The editing-room sequences render the concert footage archival, making it look like what it is—in effect, found footage of a historical event. The result is to turn the impersonal archive personal and to give the Maysles brothers, as well as the Rolling Stones, a personal implication in even the documentary images that they themselves didn’t film.

Among those images are those of a press conference where Mick Jagger announced his plans for a free concert and his intentions in holding it, which are of a worthy and progressive cast: “It’s creating a microcosmic society which sets examples for the rest of America as to how one can behave at large gatherings.” (Later, though, he frames it in more demotic terms: “The concert is an excuse for everyone to talk to each other, get together, sleep with each other, hold each other, and get very stoned.”)

A strange convergence of interests appears in negotiations filmed by the Maysleses between the attorney Melvin Belli, acting on the Stones’ behalf; Dick Carter, the owner of the Altamont Speedway; and other local authorities. The intense pressure to make the concert happen is suggested in a radio broadcast from the day before the concert, during which the announcer Frank Terry snarks that “apparently it’s one of the most difficult things in the world to give a free concert.” The Stones want to perform; their fans want to see them perform a free concert; the local government wants to deliver that show and not to stand in its way; Belli wants to facilitate it; and the Stones don’t exactly renounce their authority in the process but do, in revealing moments, lay bare to the Maysleses’ cameras their readiness to engage with a mighty system of which they themselves aren’t quite the masters.

Within this convergence of rational interests, one element is overlooked: madness. Jagger approaches the concert with constructive purpose and festive enthusiasm, but he performs like a man possessed, singing with fury of a crossfire hurricane and warning his listeners that to play with him is to play with fire. No, what happened at Altamont is not the music’s fault. Celebrity was already a scene of madness in Frank Sinatra’s first flush of fame and when the Beatles were chased through the train station in “A Hard Day’s Night.” But the Beatles’ celebrity was, almost from the start, their subject as well as their object, and they approached it and managed it with a Warholian consciousness, as in their movies; they managed their music in the same way and became, like Glenn Gould, concert dropouts. By contrast, the Stones were primal and natural performers, whose music seemed to thrive, even to exist, in contact with the audience. That contact becomes the movie’s subject—a subject that surpasses the Rolling Stones and enters into history at large.

The Maysleses and Zwerin intercut the discussions between Belli, Carter, and the authorities with concert footage from the Stones’ other venues along the way. The effect—the music running as the nighttime preparations for the Altamont concert occur, with fires and headlights, a swirling tumult—suggests the forces about to be unleashed on the world at large. A cut from a moment in concert to a helicopter shot of an apocalyptic line of cars winding through the hills toward Altamont and of the crowd already gathered there suggests that something wild has escaped from the closed confines of the Garden and other halls. The Maysleses’ enduring theme of the absent boundary between theatre and life, between show and reality, is stood on its head: art as great as that of the Stones is destined to have a mighty real-world effect. There’s a reason why the crucial adjective for art is “powerful”; it’s ultimately forced to engage with power as such.

What died at Altamont was the notion of spontaneity, of the sense that things could happen on their own and that benevolent spirits would prevail. What ended was the idea of the unproduced. What was born there was infrastructure—the physical infrastructure of facilities, the abstract one of authority. From that point on, concerts were the tip of the iceberg, the superstructure, the mere public face and shining aftermath of elaborate planning. The lawyers and the insurers, the politicians and the police, security consultants and fire-safety experts—the masters and mistresses of management—would be running the show.

The movie ends with concertgoers the morning after, walking away, their backs to the viewer, leaving a blank natural realm of earth and sky; they’re leaving the state of nature and heading back to the city, from which they’ll never be able to leave innocently again. What emerges accursed is the very idea of nature, of the idea that, left to their own inclinations and stripped of the trappings of the wider social order, the young people of the new generation will somehow spontaneously create a higher, gentler, more loving grassroots order. What died at Altamont is the Rousseauian dream itself. What was envisioned in “Lord of the Flies” and subsequently dramatized in such films as “Straw Dogs” and “Deliverance” was presented in reality in “Gimme Shelter.” The haunting freeze-frame on Jagger staring into the camera, at the end of the film, after his forensic examination of the footage of the killing of Meredith Hunter at the concert, reveals not the filmmakers’ accusation or his own sense of guilt but lost illusions.


Guerres culturelles: La ‘wokeité’ serait-elle le christianisme des imbéciles ? (Purer-than-thou: Behind the fourth Great Awakening we now see taking to our streets once again is nothing but the Girardian escalation of mimetic rivalry, former Weekly Standard literary editor Joseph Bottum says)

26 septembre, 2020
Trump Campaign Ad Linking Churchgoers to 'Rioters' Upsets Black Church LeadersClassic Lincoln & Hamlin Wide Awakes 1860 Campaign Ribbon, white | Lot #25784 | Heritage Auctions
Woke | Know Your MemeDictionary.com Adds Words: 'Woke,' 'Butthurt' and 'Pokemon' | Time
PNG - 393.4 koL’antisémitisme est le socialisme des imbéciles. Ferdinand Kronawetter ? (attribué à August Bebel)
Je les ai foulés dans ma colère, Je les ai écrasés dans ma fureur; Leur sang a jailli sur mes vêtements, Et j’ai souillé tous mes habits. Car un jour de vengeance était dans mon coeur (…) J’ai foulé des peuples dans ma colère, Je les ai rendus ivres dans ma fureur, Et j’ai répandu leur sang sur la terre. Esaïe 63: 3-6
Et l’ange jeta sa faucille sur la terre. Et il vendangea la vigne de la terre, et jeta la vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu. Et la cuve fut foulée hors de la ville; et du sang sortit de la cuve, jusqu’aux mors des chevaux, sur une étendue de mille six cents stades. Apocalypse 14: 19-20
Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur; Il piétine le vignoble où sont gardés les raisins de la colère; Il a libéré la foudre fatidique de sa terrible et rapide épée; Sa vérité est en marche. (…) Dans la beauté des lys Christ est né de l’autre côté de l’océan, Avec dans sa poitrine la gloire qui nous transfigure vous et moi; Comme il est mort pour rendre les hommes saints, mourons pour rendre les hommes libres; Tandis que Dieu est en marche. Julia Ward Howe (1861)
La colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. John Steinbeck (1939)
La civilisation atteindra la perfection le jour où la dernière pierre de la dernière église aura assommé le dernier prêtre. Attribué à Zola
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. G.K. Chesterton
La nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion. Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera. C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l’islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. En théorie, la solution paraît d’ailleurs extrêmement difficile. Peut-être serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l’aspect français de la question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d’Etat. Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s’établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis «musulmane» je pense moins aux structures religieuses qu’aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Dès maintenant, le sultan du Maroc est dépassé et Bourguiba ne conservera le pouvoir qu’en devenant une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les «misérables» ont d’ailleurs peu à perdre. Ils préféreront conserver leur misère à l’intérieur d’une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d’eux une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils préféreront l’avenir de leur race. L’Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d’en retarder l’évolution. André Malraux (1956)
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème ! René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
Nous sommes entrés dans un mouvement qui est de l’ordre du religieux. Entrés dans la mécanique du sacrilège: la victime, dans nos sociétés, est entourée de l’aura du sacré. Du coup, l’écriture de l’histoire, la recherche universitaire, se retrouvent soumises à l’appréciation du législateur et du juge comme, autrefois, à celle de la Sorbonne ecclésiastique. Françoise Chandernagor
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
La glorification d’une race et le dénigrement corollaire d’une autre ou d’autres a toujours été et sera une recette de meurtre. Ceci est une loi absolue. Si on laisse quelqu’un subir un traitement particulièrement défavorable à un groupe quelconque d’individus en raison de leur race ou de leur couleur de peau, on ne saurait fixer de limites aux mauvais traitements dont ils seront l’objet et puisque la race entière a été condamnée pour des raisons mystérieuses il n’y a aucune raison pour ne pas essayer de la détruire dans son intégralité. C’est précisément ce que les nazis auraient voulu accomplir (…) J’ai beaucoup à cœur de voir les noirs conquérir leur liberté aux Etats Unis. Mais leur dignité et leur santé spirituelle me tiennent également à cœur et je me dois de m’opposer à toutes tentatives des noirs de faire à d’autres ce qu’on leur a fait. James Baldwin
The recent flurry of marches, demonstrations and even riots, along with the Democratic Party’s spiteful reaction to the Trump presidency, exposes what modern liberalism has become: a politics shrouded in pathos. Unlike the civil-rights movement of the 1950s and ’60s, when protesters wore their Sunday best and carried themselves with heroic dignity, today’s liberal marches are marked by incoherence and downright lunacy—hats designed to evoke sexual organs, poems that scream in anger yet have no point to make, and an hysterical anti-Americanism. All this suggests lostness, the end of something rather than the beginning. (…) America, since the ’60s, has lived through what might be called an age of white guilt. We may still be in this age, but the Trump election suggests an exhaustion with the idea of white guilt, and with the drama of culpability, innocence and correctness in which it mires us. White guilt (…) is the terror of being stigmatized with America’s old bigotries—racism, sexism, homophobia and xenophobia. To be stigmatized as a fellow traveler with any of these bigotries is to be utterly stripped of moral authority and made into a pariah. The terror of this, of having “no name in the street” as the Bible puts it, pressures whites to act guiltily even when they feel no actual guilt. (…) It is also the heart and soul of contemporary liberalism. This liberalism is the politics given to us by white guilt, and it shares white guilt’s central corruption. It is not real liberalism, in the classic sense. It is a mock liberalism. Freedom is not its raison d’être; moral authority is. (…) Barack Obama and Hillary Clinton, good liberals both, pursued power by offering their candidacies as opportunities for Americans to document their innocence of the nation’s past. “I had to vote for Obama,” a rock-ribbed Republican said to me. “I couldn’t tell my grandson that I didn’t vote for the first black president.” For this man liberalism was a moral vaccine that immunized him against stigmatization. For Mr. Obama it was raw political power in the real world, enough to lift him—unknown and untested—into the presidency. But for Mrs. Clinton, liberalism was not enough. The white guilt that lifted Mr. Obama did not carry her into office—even though her opponent was soundly stigmatized as an iconic racist and sexist. Perhaps the Obama presidency was the culmination of the age of white guilt, so that this guiltiness has entered its denouement. (…) Our new conservative president rolls his eyes when he is called a racist, and we all—liberal and conservative alike—know that he isn’t one. The jig is up. Bigotry exists, but it is far down on the list of problems that minorities now face. (…) Today’s liberalism is an anachronism. It has no understanding, really, of what poverty is and how it has to be overcome. (…) Four thousand shootings in Chicago last year, and the mayor announces that his will be a sanctuary city. This is moral esteem over reality; the self-congratulation of idealism. Liberalism is exhausted because it has become a corruption. Shelby Steele
For over forty years the left has been successfully reshaping American culture. Social mores and government policies about sexuality, marriage, the sexes, race relations, morality, and ethics have changed radically. The collective wisdom of the human race that we call tradition has been marginalized or discarded completely. The role of religion in public life has been reduced to a private preference. And politics has been increasingly driven by the assumptions of progressivism: internationalism privileged over nationalism, centralization of power over its dispersal in federalism, elitist technocracy over democratic republicanism, “human sciences” over common sense, and dependent clients over autonomous citizens. But the election of Donald Trump, and the overreach of the left’s response to that victory, suggest that we may be seeing the beginning of the end of the left’s cultural, social, and political dominance. The two terms of Barack Obama seemed to be the crowning validation of the left’s victory. Despite Obama’s “no blue state, no red state” campaign rhetoric, he governed as the most leftist––and ineffectual–– president in history. Deficits exploded, taxes were raised, new entitlements created, and government expanded far beyond the dreams of center-left Democrats. Marriage and sex identities were redefined. The narrative of permanent white racism was endorsed and promoted. Tradition-minded Americans were scorned as “bitter clingers to guns and religion.” Hollywood and Silicon Valley became even more powerful cultural arbiters and left-wing publicists. And cosmopolitan internationalism was privileged over patriotic nationalism, while American exceptionalism was reduced to an irrational parochial prejudice. The shocking repudiation of the establishment left’s anointed successor, Hillary Clinton, was the first sign that perhaps the hubristic left had overreached, and summoned nemesis in the form of a vulgar, braggadocios reality television star and casino developer who scorned the hypocritical rules of decorum and political correctness that even many Republicans adopted to avoid censure and calumny. Yet rather than learning the tragic self-knowledge that Aristotle says compensates the victim of nemesis, the left overreached yet again with its outlandish, hysterical tantrums over Trump’s victory. The result has been a stark exposure of the left’s incoherence and hypocrisy so graphic and preposterous that they can no longer be ignored. First, the now decidedly leftist Democrats refused to acknowledge their political miscalculations. Rather than admit that their party has drifted too far left beyond the beliefs of the bulk of the states’ citizens, they shifted blame onto a whole catalogue of miscreants: Russian meddling, a careerist FBI director, their own lap-dog media, endemic sexism, an out-of-date Electoral College, FOX News, and irredeemable “deplorables” were just a few. Still high on the “permanent majority” Kool-Aid they drank during the Obama years, they pitched a fit and called it “resistance,” as though comfortably preaching to the media, university, and entertainment choirs was like fighting Nazis in occupied France. (…) in colleges and universities. Normal people watched as some of the most privileged young people in history turned their subjective slights and bathetic discontents into weapons of tyranny, shouting down or driving away speakers they didn’t like, and calling for “muscle” to enforce their assault on the First Amendment. Relentlessly repeated on FOX News and on the Drudge Report, these antics galvanized large swaths of American voters who used to be amused, but now were disgusted by such displays of rank ingratitude and arrogant dismissal of Constitutional rights. And voters could see that the Democrats encouraged and enabled this nonsense. The prestige of America’s best universities, where most of these rites of passage for the scions of the well-heeled occurred, was even more damaged than it had been in the previous decades. So too with the world of entertainment. Badly educated actors, musicians, and entertainers, those glorified jugglers, jesters, and sword-swallowers who fancy themselves “artists,” have let loose an endless stream of dull leftwing clichés and bromides that were in their dotage fifty years ago. The spectacle of moral preening coming from the entertainment industry––one that trades in vulgarity, misogyny, sexual exploitation, the glorification of violence, and, worst of all, the production of banal, mindless movies and television shows recycling predictable plots, villains, and heroes––has disgusted millions of voters, who are sick of being lectured to by overpaid carnies. So they vote with their feet for the alternatives, while movie grosses and television ratings decline. As for the media, their long-time habit of substituting political activism for journalism, unleashed during the Obama years, has been freed from its last restraints while covering Trump. The contrast between the “slobbering love affair,” as Bernie Goldberg described the media’s coverage of Obama, and the obsessive Javert-like hounding of Trump has stripped the last veil of objectivity from the media. They’ve been exposed as flacks no longer seeking the truth, but manufacturing partisan narratives. The long cover-up of the Weinstein scandal is further confirmation of the media’s amoral principles and selective outrage. With numerous alternatives to the activism of the mainstream media now available, the legacy media that once dominated the reporting of news and political commentary are now shrinking in influence and lashing out in fury at their diminished prestige and profits. Two recent events have focused this turn against the sixties’ hijacking of the culture. The preposterous “protests” by NFL players disrespecting the flag during pregame ceremonies has angered large numbers of Americans and hit the League in the wallet. The race card that always has trumped every political or social conflict has perhaps lost its power. The spectacle of rich one-percenters recycling lies about police encounters with blacks and the endemic racism of American society has discredited the decades-long racial narrative constantly peddled by Democrats, movies, television shows, and school curricula from grade-school to university. The endless scolding of white people by blacks more privileged than the majority of human beings who ever existed has lost its credibility. The racial good will that got a polished mediocrity like Barack Obama twice elected president perhaps has been squandered in this attempt of rich people who play games to pose as perpetual victims. These supposed victims appear more interested in camouflaging their privilege than improving the lives of their so-called “brothers” and “sisters.” The second is the Harvey Weinstein scandal. A lavish donor to Democrats––praised by Hillary Clinton and the Obamas, given standing ovations at awards shows by the politically correct, slavishly courted and feted by progressive actors and entertainers, and long known to be a vicious sexual predator by these same progressive “feminists” supposedly anguished by the plight of women––perhaps will become the straw that breaks the back of progressive ideology. (…) The spectacle of a rich feminist and progressive icon like Jane Fonda whimpering about her own moral cowardice has destroyed the credibility we foolishly gave to Hollywood’s dunces and poltroons. Bruce Thornton
We disrupt the Western-prescribed nuclear family structure requirement by supporting each other as extended families and “villages” that collectively care for one another, especially our children, to the degree that mothers, parents, and children are comfortable.We foster a queer‐affirming network. When we gather, we do so with the intention of freeing ourselves from the tight grip of heteronormative thinking, or rather, the belief that all in the world are heterosexual (unless s/he or they disclose otherwise). Black Lives Matter
BLM’s « what we believe » page, calling for the destruction of the nuclear family among many other radical left wing agenda items, has been deleted » pic.twitter.com/qCZxUFMZH4 Matt Walsh
Correction: This article’s headline originally stated that People of Praise inspired ‘The Handmaid’s Tale’. The book’s author, Margaret Atwood, has never specifically mentioned the group as being the inspiration for her work. A New Yorker profile of the author from 2017 mentions a newspaper clipping as part of her research for the book of a different charismatic Catholic group, People of Hope. Newsweek regrets the error. Newsweek
Je conseille à tout le monde d’être un peu prudent quand ils passent par là, rester éveillé, garder les yeux ouverts. Leadbelly (« Scottsboro Boys », 1938)
If You’re Woke You Dig It. William Melvin Kelley (1962)
I been sleeping all my life. And now that Mr. Garvey done woke me up, I’m gon’ stay woke. And I’m gon help him wake up other black folk. Barry Beckham (1972)
I am known to stay awake A beautiful world I’m trying to find I’ve been in search of myself (…) I am in the search of something new (A beautiful world I’m trying to find) Searchin’ me Searching inside of you And that’s fo’ real What if it were no niggas Only master teachers? I stay woke. Erykah Badu (2008)
La vérité ne nécessite aucune croyance. / Restez réveillé. Regardez attentivement. / #FreePussyRiot. Erykah Badu
Wikipédia est-il  assez woke ? Bloomberg Businessweek
L’énigme est intégrée. Lorsque les Blancs aspirent à obtenir des points pour la conscience, ils marchent directement dans la ligne de mire entre l’alliance et l’appropriation. Amanda Hess
WOKE: Adjectif dérivé du verbe anglais awake (« s’éveiller »), il désigne un membre d’un groupe dominant, conscient du système oppressant les minorités et n’hésitant pas à dénoncer les discriminations en utilisant le vocabulaire intersectionnel. Marianne
Le grand réveil (Great Awakening) correspond à une vague de réveils religieux dans le Royaume de Grande-Bretagne et ses colonies américaines au milieu du XVIIIe siècle. Le terme de Great Awakening est apparu vers 1842. On le retrouve dans le titre de l’ouvrage consacré par Joseph Tracy au renouveau religieux qui débuta en Grande-Bretagne et dans ses colonies américaines dans les années 1720, progressa considérablement dans les années 1740 pour s’atténuer dans les années 1760 voire 1770. Il sera suivi de nouvelles vagues de réveil, le second grand réveil (1790-1840) et une troisième vague de réveils entre 1855 et les premières décennies du XXe siècle. Ces réveils religieux dans la tradition protestante et surtout dans le contexte américain sont compris comme une période de redynamisation de la vie religieuse. Le Great Awakening toucha des églises protestantes et des églises chrétiennes évangéliques et contribua à la formation de nouvelles Églises. Wikipedia
Woke est un terme apparu durant les années 2010 aux États-Unis, pour décrire un état d’esprit militant et combatif pour la protection des minorités et contre le racisme. Il dérive du verbe wake (réveiller), pour décrire un état d’éveil face à l’injustice. Il est dans un premier temps utilisé dans le mouvement de Black Lives Matter, avant d’être repris plus largement. Depuis la fin des années 2010, le terme Woke s’est déployé et aujourd’hui une personne « woke » se définit comme étant consciente de toutes les injustices et de toutes les formes d’inégalités, d’oppression qui pèsent sur les minorités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales et utilisant généralement un vocabulaire intersectionnel. Son usage répandu serait dû au mouvement Black Lives Matter. Le terme Woke est non seulement associé aux militantismes antiraciste, féministe et LGBT mais aussi à une politique de gauche dite progressiste et à certaines réflexions face aux problèmes socioculturels (les termes culture Woke et politique Woke sont également utilisés). (…) Les termes Woke et wide awake (complètement éveillé) sont apparus pour la première fois dans la culture politique et les annonces politiques lors de l’ élection présidentielle américaine de 1860 pour soutenir Abraham Lincoln. Le Parti républicain a cultivé le mouvement pour s’opposer principalement à la propagation de l’esclavage, comme décrit dans le mouvement Wide Awakes. Les dictionnaires d’Oxford enregistrent  une utilisation politiquement consciente précoce en 1962 dans l’article « If You’re Woke You Dig It » de William Melvin Kelley dans le New York Times et dans la pièce de 1971 Garvey Lives! de Barry Beckham (« I been sleeping all my life. And now that Mr. Garvey done woke me up, I’m gon’ stay woke. And I’m gon help him wake up other black folk. »). Garvey avait lui-même exhorté ses auditoires du début du XXe siècle, « Wake up Ethiopia! Wake up Africa! » (« Réveillez-vous Éthiopie! Réveillez-vous Afrique! »en français). Auparavant, Jay Saunders Redding avait enregistré un commentaire d’un employé afro-américain du syndicat United Mine Workers of America en 1940 (« Laissez-moi vous dire, mon ami. Se réveiller est beaucoup plus difficile que de dormir, mais nous resterons éveillés plus longtemps. »). Leadbelly utilise la phrase vers la fin de l’enregistrement de sa chanson de 1938 « Scottsboro Boys », tout en expliquant l’incident du même nom, en disant « Je conseille à tout le monde d’être un peu prudent quand ils passent par là, rester éveillé, garder les yeux ouverts ». La première utilisation moderne du terme « Woke » apparaît dans la chanson « Master Teacher » de l’album New Amerykah Part One (4th World War) (2008) de la chanteuse de soul Erykah Badu. Tout au long de la chanson, Badu chante la phrase: « I stay woke ». Bien que la phrase n’ait pas encore de lien avec les problèmes de justice, la chanson de Badu est créditée du lien ultérieur avec ces problèmes. To « stay woke » (Rester éveillé) dans ce sens exprime l’aspect grammatical continu et habituel intensifié de l’anglais vernaculaire afro-américain : en substance, être toujours éveillé, ou être toujours vigilant. David Stovall a dit: « Erykah l’a amené vivant dans la culture populaire. Elle veut dire ne pas être apaisée, ne pas être anesthésiée. » Le concept d’être Woke (réveillé en anglais) soutient l’idée que ce type de prise de conscience doit être acquise. Le rappeur Earl Sweatshirt se souvient d’avoir chanté « I stay woke » sur la chanson et sa mère a refusé la chanson et a répondu: « Non, tu ne l’es pas. » En 2012, les utilisateurs de Twitter, y compris Erykah Badu, ont commencé à utiliser « Woke » et « stay Woke » en relation avec des questions de justice sociale et raciale et #StayWoke est devenu un mot-dièse largement utilisé. Badu a incité ceci avec la première utilisation politiquement chargée de l’expression sur Twitter. Elle a tweeté pour soutenir le groupe de musique féministe russe Pussy Riot : « La vérité ne nécessite aucune croyance. / Restez réveillé. Regardez attentivement. / #FreePussyRiot. » Le terme Woke s’est répandu dans un usage courant dans le monde anglo-saxon par les médias sociaux et des cercles militants. Par exemple, en 2016, le titre d’un article de Bloomberg Businessweek demandait « Is Wikipedia Woke? » (« Est-ce que Wikipédia est Woke ? »), en faisant référence à la base de contributeurs largement blancs de l’encyclopédie en ligne. Enfin, le terme Woke s’est étendu à d’autres causes et d’autres usages, plus mondains. Car, en effet, tout semble maintenant ainsi « éveillé » : la 75ème cérémonie des Golden Globes, marquée par l’affaire Weinstein et la volonté d’en finir avec le harcèlement sexuel, était en partie Woke, selon le New York Times. Le magazine London Review of Books affirme même que la famille royale britannique est désormais Woke d’après les récentes fiançailles du prince Harry avec l’actrice métisse Meghan Markle, dont les positions anti-Donald Trump sont bien connues. À la fin des années 2010, le terme « Woke » avait pris pour indiquer « une paranoïa saine, en particulier sur les questions de justice raciale et politique » et a été adopté comme un terme d’argot plus générique et a fait l’objet de mèmes. Par exemple, MTV News l’a identifié comme un mot-clé d’argot adolescent pour 2016. Dans le New York Times, Amanda Hess a exprimé des inquiétudes quant au fait que le mot Woke a été culturellement approprié, écrivant: « L’énigme est intégrée. Lorsque les Blancs aspirent à obtenir des points pour la conscience, ils marchent directement dans la ligne de mire entre l’alliance et l’appropriation. Wikipedia
On ne peut comprendre la gauche si on ne comprend pas que le gauchisme est une religion. Dennis Prager
You cannot understand the Left if you do not understand that leftism is a religion. It is not God-based (some left-wing Christians’ and Jews’ claims notwithstanding), but otherwise it has every characteristic of a religion. The most blatant of those characteristics is dogma. People who believe in leftism have as many dogmas as the most fundamentalist Christian. One of them is material equality as the preeminent moral goal. Another is the villainy of corporations. The bigger the corporation, the greater the villainy. Thus, instead of the devil, the Left has Big Pharma, Big Tobacco, Big Oil, the “military-industrial complex,” and the like. Meanwhile, Big Labor, Big Trial Lawyers, and — of course — Big Government are left-wing angels. And why is that? Why, to be specific, does the Left fear big corporations but not big government? The answer is dogma — a belief system that transcends reason. No rational person can deny that big governments have caused almost all the great evils of the last century, arguably the bloodiest in history. Who killed the 20 to 30 million Soviet citizens in the Gulag Archipelago — big government or big business? Hint: There were no private businesses in the Soviet Union. Who deliberately caused 75 million Chinese to starve to death — big government or big business? Hint: See previous hint. Did Coca-Cola kill 5 million Ukrainians? Did Big Oil slaughter a quarter of the Cambodian population? Would there have been a Holocaust without the huge Nazi state? Whatever bad things big corporations have done is dwarfed by the monstrous crimes — the mass enslavement of people, the deprivation of the most basic human rights, not to mention the mass murder and torture and genocide — committed by big governments. (…) Religious Christians and Jews also have some irrational beliefs, but their irrationality is overwhelmingly confined to theological matters; and these theological irrationalities have no deleterious impact on religious Jews’ and Christians’ ability to see the world rationally and morally. Few religious Jews or Christians believe that big corporations are in any way analogous to big government in terms of evil done. And the few who do are leftists. That the Left demonizes Big Pharma, for instance, is an example of this dogmatism. America’s pharmaceutical companies have saved millions of lives, including millions of leftists’ lives. And I do not doubt that in order to increase profits they have not always played by the rules. But to demonize big pharmaceutical companies while lionizing big government, big labor unions, and big tort-law firms is to stand morality on its head. There is yet another reason to fear big government far more than big corporations. ExxonMobil has no police force, no IRS, no ability to arrest you, no ability to shut you up, and certainly no ability to kill you. ExxonMobil can’t knock on your door in the middle of the night and legally take you away. Apple Computer cannot take your money away without your consent, and it runs no prisons. The government does all of these things. Of course, the Left will respond that government also does good and that corporations and capitalists are, by their very nature, “greedy.” To which the rational response is that, of course, government also does good. But so do the vast majority of corporations, private citizens, church groups, and myriad voluntary associations. On the other hand, only big government can do anything approaching the monstrous evils of the last century. As for greed: Between hunger for money and hunger for power, the latter is incomparably more frightening. It is noteworthy that none of the twentieth century’s monsters — Lenin, Hitler, Stalin, Mao — were preoccupied with material gain. They loved power much more than money. And that is why the Left is much more frightening than the Right. It craves power.  Dennis Prager
What I found most interesting and provocative is Bottum’s thesis that although it seems that the moral core of modern American society has been entirely secularized, and religion and religious institutions play little role in shaping those views, in fact the watered-down gruel of moral views served up by elite establishment opinion (recycling, multiculturalism, and the like) is a remnant of the old collection of Protestant mainline views that dominated American society for decades or even centuries. To highlight the important sociological importance of religion in American society, Bottum uses the now-familiar metaphor of a three-legged stool in describing American society (one that I and others have used as well): a balance between constitutional democracy, free market capitalism, and a strong and vibrant web of civil society institutions where moral lessons are taught and social capital is built. In the United States, the most important civil society organizations traditionally have been family and churches. And, among the churches, by far the most important were those that Bottum deems as the “Protestant Mainline” — Episcopalian, Lutheran, Baptist (Northern), Methodist, Presbyterian, Congregationalist/United Church of Christ, etc. The data on changing membership in these churches is jaw-dropping. In 1965, for example, over half of the United States population claimed membership in one of the Protestant mainline churches. Today, by contrast, less than 10 percent of the population belongs to one of these churches. Moreover, those numbers are likely to continue to decline — the Protestant Mainline (“PM”) churches also sport the highest average age of any church group. Why does the suicide of the Protestant Mainline matter? Because for Bottum, these churches are what provided the sturdy third leg to balance politics and markets in making a good society. Indeed, Bottum sees the PM churches as the heart of American Exceptionalism — they provided the moral code of Americanism. Probity, responsibility, honesty, integrity — all the moral virtues that provided the bedrock of American society and also constrained the hydraulic and leveling tendencies of the state and market to devour spheres of private life. The collapse of this religious-moral consensus has been most pronounced among American elites, who have turned largely indifferent to formal religious belief. And in some leftist elite circles it has turned to outright hostility toward religion — Bottum reminds us of Barack Obama’s observation that rural Americans today cling to their “guns and Bibles” out of bitterness about changes in the world. Perhaps most striking is that anti-Catholic bigotry today is almost exclusively found on “the political Left, as it members rage about insidious Roman influence on the nation: the Catholic justices on the Supreme Court plotting to undo the abortion license, and the Catholic racists of the old rust belt states turning their backs on Obama to vote for Hillary Clinton in the 2008 Democratic primaries. Why is it no surprise that one of the last places in American Christianity to find good, old-fashioned anti-Catholicism is among the administrators of the dying Mainline…. They must be anti-Catholics precisely to the extent that they are also political leftists.” As the recent squabbles over compelling practicing Catholics to toe the new cultural line on same-sex marriage at the risk of losing their jobs or businesses, the political Left today is increasingly intolerant of recognizing a private sphere of belief outside of the crushing hand of political orthodoxy. Yet as Bottum notes, the traditional elite consensus has been replaced by a new spiritual orthodoxy of “morality.” The American elite (however defined) today does subscribe to a set of orthodoxies of what constitutes “proper” behavior: proper views on the environment, feminism, gay rights, etc. Thus, Bottum provocatively argues, the PM hasn’t gone away, it has simply evolved into a new form, a religion without God as it were, in which the Sierra club, universities, and Democratic Party have supplanted the Methodists and Presbyterians as the teachers of proper values. (…) Bottum points to the key moment as the emergence of the Social Gospel movement in the early 20th Century. Led by Walter Rauschenbusch, the Social Gospel movement reached beyond the traditional view that Christianity spoke to personal failings such as sin, but instead reached “the social sin of all mankind, to which all who ever lived have contributed, and under which all who ever lived have suffered.” As Bottum summarizes it, Rauschenbusch identified six social sins: “bigotry, the arrogance of power, the corruption of justice for personal ends, the madness [and groupthink] of the mob, militarism, and class contempt.” As religious belief moved from the pulpit and pew to the voting booth and activism, the role of Jesus and any religious belief became increasingly attenuated. And eventually, Bottum suggests, the political agenda itself came to overwhelm the increasingly irrelevant religious beliefs that initially supported it. Indeed, to again consider contemporary debates, what matters most is outward conformity to orthodox opinion, not persuasion and inward acceptance of a set of particular views–as best illustrated by the lynch mobs that attacked Brendan Eich for his political donations (his outward behavior) and to compel conformity of behavior among wedding cake bakers and the like, all of which bears little relation to (and in fact is likely counterproductive) to changing personal belief. (Of course, that too is an unstable equilibrium–in the future it won’t be sufficient to not merely not be politically opposed to same-sex marriage, it will be a litmus test to be affirmatively in favor of it.). Thus, while the modern elite appears to be largely non-religious, Bottum argues that they are the subconscious heirs to the old Protestant Mainline, but are merely Post-Protestant — the same demographic group of people holding more or less the same views and fighting the same battles as the advocates of the social gospel. In the second part of the book, Bottum turns to his second theme — the effort beginning around 2000 of Catholics and Evangelical Christians to form an alliance to create a new moral consensus to replace the void left by the collapse Protestant Mainline churches. Oversimplified, Bottum’s basic point is that this was an effort to marry the zeal and energy of Evangelical churches to the long, well-developed natural law theory of Catholicism, including Catholic social teaching. Again oversimplified, Bottum’s argument is that this effort was doomed on both sides of the equation–first, Catholicism is simply too dense and “foreign” to ever be a majoritarian church in the United States; and second, because evangelical Christianity itself has lost much of its vibrant nature. Bottum notes, which I hadn’t realized, that after years of rapid growth, evangelical Christianity appears to be in some decline in membership. Thus, the religious void remains. The obvious question with which one is left is if Bottum is correct that religious institutions uphold the third leg of the American stool, and if (as he claims) religion is the key to American exceptionalism, can America survive without a continued vibrant religious tradition? (…) Campus protests today, for example, often seem to be sort of a form of performance art, where the gestures of protest and being seen to “care” are ends in themselves, as often the protests themselves have goals that are somewhat incoherent (compared to, say, protests against the Vietnam War). Bottum describes this as a sort of spirtual angst, a vague discomfort with the way things are and an even vaguer desire for change. On this point I wonder whether he is being too generous to their motives. (…) But there is one thesis that he doesn’t consider that I think contributes much of the explanation of the decline of the importance of the Protestant Mainline, which is the thesis developed by Shelby Steele is his great book “White Guilt.” I think Steele’s argument provides the key to unlocking not only the decline of the Protestant Mainline but also the timing, and why the decline of the Protestant Mainline has been so much more precipitous than Evangelicals and Catholics, as well as why anti-Evangelical and anti-Catholic bigotry is so socially acceptable among liberal elites. Steele’s thesis, oversimplified, is that the elite institutions of American society for many years were complicit in a system that perpetrated injustices on many Americans. The government, large corporations, major universities, white-show law firms, fraternal organizations, etc.–the military being somewhat of an exception to this–all conspired explicitly or tacitly in a social system that supported first slavery then racial discrimination, inequality toward women, anti-Semitism, and other real injustices. Moreover, all of this came to a head in the 1960s, when these long-held and legitimate grievances bubbled to the surface and were finally recognized and acknowledged by those who ran these elite institutions and efforts were taken to remediate their harms. This complicity in America’s evils, Steele argues, discredited the moral authority of these institutions, leaving not only a vacuum at the heart of American society but an ongoing effort at their redemption. But, Steele argues, this is where things have become somewhat perverse. It wasn’t enough for, say, Coca-Cola to actually take steps to remediate its past sins, it was crucial for Coca-Cola to show that it was acknowledging its guilty legacy and, in particular, to demonstrate that it was now truly enlightened. But how to do that? Steele argues that this is the pivotal role played by hustlers like Jesse Jackson and Al Sharpton — they can sell the indulgences to corporations, universities, and the other guilty institutions to allow them to demonstrate that they “understand” and accept their guilt and through bowing to Jackson’s demands, Jackson can give them a clean bill of moral health. Thus, Steele says that what is really going on is an effort by the leaders of these institutions to “dissociate” themselves from their troubled past and peer institutions today that lack the same degree of enlightenment. Moreover, it is crucially important that the Jackson’s of the world set the terms–indeed, the more absurd and ridiculous the penance the better from this perspective, because more ridiculous penances make it easier to demonstrate your acceptance of your guilt. One set of institutions that Steele does not address, but which fits perfectly into his thesis, is the Protestant Mainline churches that Bottum is describing. It is precisely because the Protestant Mainline churches were the moral backbone of American society that they were in need of the same sort of moral redemption that universities, corporations, and the government. Indeed, because of their claim to be the moral exemplar, their complicity in real injustice was especially bad. Much of the goofiness of the Mainline Protestant churches over the past couple of decades can be well-understood, I think, through this lens of efforts to dissociate themselves from their legacy and other less-enlightened churches. In short, it seems that often their religious dogma is reverse-engineered–they start from wanting to make sure that they hold the correct cutting-edge political and social views, then they retrofit a thin veil of religious belief over those social and political opinions. Such that their religious beliefs today, as far as one ever hears about them at all, differ little from the views of The New York Times editorial page. This also explains why Catholics and Evangelicals are so maddening, and threatening, to the modern elites. Unlike the Protestant Mainline churches that were the moral voice of the American establishment, Catholicism and Evangelicals have always been outsiders to the American establishment. Thus they bear none of the guilt of having supported unjust political and social systems and refuse to act like they do. They have no reason to kowtow to elite opinion and, indeed, are often quite populist in their worldview (consider the respect that Justices Scalia or Thomas have for the moral judgments of ordinary Americans on issues like abortion or same-sex marriage vs. the views of elites). Given the sorry record of American elites for decades, there is actually a dividing line between two world views. Modern elites believe that the entire American society was to blame, thus we all share guilt and must all seek forgiveness through affirmative action, compulsory sensitivity training, and recycling mandates. Others, notably Catholics and Evangelicals, refuse to accept blame for a social system that they played no role in creating or maintaining and which, in fact, they were excluded themselves. To some extent, therefore, I think that the often-remarked political fault line in American society along religious lines (which Bottum discusses extensively), is as much cultural and historical (in Steele’s sense) as disagreements over religion per se. At the same time, the decline of its moral authority hit the Protestant Mainline churches harder than well-entrenched universities, corporations, or the government, in part because the embrace of the Social Gospel had laid the foundations for their own obsolescence years before. This also explains why if a religious revival is to occur, it would come from the alliance of Catholics and Evangelicals that he describes in the second half of the book. Mainline Protestantism seems to simply lack the moral authority to revive itself and has essentially made itself obsolete. There appears to be little market for religions without God.
In the end, Bottum leaves us with no answer to his central question–can America, which for so long relied on the Protestant Mainline churches to provide a moral and institutional third leg to the country, survive without it. Can the thin gruel of the post-Protestant New York Times elite consensus provide the moral glue that used to hold the country together? Perhaps, or perhaps not — that is the question we are left with after reading Bottum’s fascinating book. Finally, (…) I wanted to call attention to Jody’s new essay at the Weekly Standard “The Spiritual Shape of Political Ideas” that touches on many of the themes of the book and develops them in light of ongoing controversies, especially on the parallels between the new moral consensus and traditional religious thinking (and, in fact, his comments on “original sin” strike me as similar to the points about Shelby Steele that I raised above).
Todd Zywicki
I was simply going to take up the fact that America was in essence a Protestant nation from its founding, from the arrival of the Puritans—and well, it’s a little more sophisticated than that, really from William and Mary on this was a Protestant country—and that we needed to sort of describe what Tocqueville called the main current of that. Now mainline is a word from much later, from the 1930s, but there always was a kind of main current of a general Protestantism. And I wanted to look at its political consequences and cultural consequences. However much the rival Protestant denominations feuded with one another, disagreed with one another, I thought they gave a tone to the nation. And one of the things that they did particularly from the Civil War on was constrain social and political demons. They corralled them. They gave a shape to America, which was the marriage culture, the shape of funerals, life and death, birth, the family. They gave a shape to the cultural and sociological condition of America. And it struck me at the time, so I followed up that essay on the death of Protestant America with a whole book. And then subsequently applying it to the political situation that I saw emerging then in a big cover story for The Weekly Standard, called “The Spiritual Shape of Political Ideas.” And in that kind of threefold push, I thought, “No one that I know is taking seriously the massive sociological change, perhaps the biggest in American history.” From 1965 when the Protestant churches, the mainline churches, by which I mean the founding churches in the National Council of Churches and the God box up on Riverside Drive—those churches, and their affiliated black churches, constituted or had membership that was just over fifty percent of America, as late as 1965. Today that number is well under 10 percent and that’s a huge sociological change that nobody to me seems to be paying sufficient attention to. (…) in (…) mainstream sociological discussions of America that just was not appearing as anything significant, and I thought it was profoundly significant and that the attempt of some of our neoconservative Catholic friends—and I was in the belly of that beast in those days—to substitute Catholicism for the failed American cultural pillar of the mainline Protestant churches—that project, interesting as it was, failed, and that consequently, I predicted, we were going to see ever-larger sociological and cultural and political upset. Because there was no turning these demons of the human condition into an understanding of their personal application. Instead they just became cultural. And I trace this move, perhaps unfairly, but I traced it to Rauschenbusch. And said when you say that it’s not individual sin, it’s social sin. And he lists six of them and they are exactly what the protestors are out in the street against right now. It’s what he called bigotry, which we used the word racism for, its militarism, its authoritarianism, and he names these six social sins and they are exactly the ones that the protesters are out against. But I said the trouble with Rauschenbusch, who was a believer—I think he was a serious Christian and profoundly biblically educated so that his speech was just ripe with biblical quotations—the problem with him is the subsequent generations don’t need the church anymore. They don’t need Jesus anymore. He thinks of Jesus—in the metaphor I use—for the social gospel movement as it developed into just the social movement. Christ is the ladder by which we climb to the new ledge of understanding, but once we’re on that ledge, we don’t need the ladder anymore. The logic of it is quite clear. We’ve reached this new height of moral and ethical understanding. Yes, thank you, Jesus Christ and the revelations taught it to us, but we’re there now. What need have we for a personal relationship with Jesus, what we need have we for a church? Having achieved this sentiment that knows that sin is these social constructs of destructiveness and our anxiety, the spiritual anxiety that human beings always feel, just by being human, is here answered. How do you know that you are saved today? You know that you are saved because you have the right attitude toward social sins. That’s how you know. Now they wouldn’t say saved; they would say, “How do you know you’re a good person?” But that’s just the logic. The logical pattern is the same. And I develop that in the essay, “The Spiritual Shape of Political Ideas” by analyzing as tightly as I could the way in which white guilt is original sin. It’s original sin divorced from the theology that let it make sense. But the pattern of internal logic is exactly the same. It produces the same need to find salvation. It produces the same need to know that you are good by knowing that you are bad. It produces the same logic by which Paul would say, “Before the law there was no sin.” It has all of the same patterns of reason, except as you pointed out in your introduction, there’s no atonement. It’s as though (…) we’re living in St. Augustine’s metaphysics, but with all the Christ stuff stripped out. It’s a dark world; it’s a grim world. We’re inherently guilty and there’s no salvation. There’s no escape from it. Except for the destruction of all. Which is why I then moved in that essay to talk about shunning in its modern forms, again divorced from the structures that once made it make sense, and apocalypse. The sense that we’re living at the end of the world and things are so terrible and so destructive that all the ordinary niceties of manners, of balancing judgment and so on, those are—if someone says, “We are destroying the planet and we’re all going to die unless you do what I want,” if I say, “Well we need to hear other voices,” they say, “That’s complicity with evil.” Right? The end of the world is coming; this is this apocalyptic imagination. Now all of that I think was once upon a time in America—and I’m speaking only politically and sociologically—all of that was corralled, or much of it was corralled in the churches. You were taught a frame to understand your dissatisfactions with the world. You were taught a frame to understand the horror, the metaphysical horror that is the fact (…) that you and I are going to die. You were taught this frame that made it bearable and made it possible to move somewhere with it. With the breaking of that, these demons are let loose and now they’re out there. I’ve often said (…) that the history of America since World War II is a history of a fourth Great Awakening that never quite happened. In a sense what I’ve seen for some years building and is now taking to the streets once again is the fourth Great Awakening except without the Christianity. I see in other words what’s happening out there as spiritual anxiety. But spiritual anxiety occurring in a world in which these people have no answer. They just have outrage. And it’s an escalating outrage. This is where the single most influential thinker in my thought—a modern thinker—is Rene Girard, and Rene Girard’s idea of the escalation of mimetic rivalry. The ways in which we get ever purer and we seek ever more tiny examples of evil that we can scapegoat and we enter into competition, this rivalry, to see who is more pure. This is exactly the motor, the Girardian motor, on which my idea of the spiritual anxiety runs. And so, statues of George Washington are coming down now. And once upon a time, in the generation that I grew up in, and the generation that you grew up in, George Washington was—there were things bad things to say about him—but this was tantamount to saying America was a mistake. And of course these people think America was a mistake, because they think the whole history of the world is a mistake. There’s this outrage. And the outrage I think is spiritual. And that’s why it doesn’t get answered when voices of calm reason say, “Well, let’s consider all sides. Yes, there were mistakes that were made and evils that were done, but let’s try to fix them.” Spiritual anxiety doesn’t get answered by, “Oh well, let’s fix something.” It gets answered by the flame. It gets answered by the looting. It gets answered by the tearing down. (…) But creation appears to us in concrete guises, and the concrete guise right now is America. So, this is why you’ll get praise of ancient civilizations. Or you get the historical insanity of a US senator standing up on the well of the Senate and saying America invented slavery, that there was no slavery before the United States. That’s historically insane, but it’s not unlearned because we’ve passed beyond ignorance here. There’s something willful about it. And that’s what’s extraordinary, I think. And yeah, I’m glad you look back to my 10-year-old book now because I think I did predict some of this, although obviously not in its particulars. But there was a warning there that the collapse of the mainline Protestant churches was going to introduce a demonic element into American life. And lo and behold, it has. (…) there are multiple questions there (…). Why Catholicism failed, why the evangelicals and Catholics together failed. So Catholicism by itself failed. The evangelicals and Catholics together project failed to provide this moral pillar to American discourse. And then there are a variety of reasons for that, beginning with the fact that Catholicism is an alien religion, alien to America. Jews and Catholics were more or less welcome to live here, but we understood that we lived on the banks of a great Mississippi of Protestantism that poured down the center of this country. But the question of why it failed is one thing. The question of why the mainline Protestant churches failed is yet another part of your question. And although I list several examples that people have offered, I don’t make a decision about that in part because I am a Catholic. I have a suspicion that Protestantism with a higher sense of personal salvation, but a less thick metaphysics, was more susceptible to the line of the social gospel movement. But I don’t know that for certain so in the book I’m merely presenting these possibilities. And then evangelicalism, Catholicism, was under attack for wounds, some of which it committed itself. Evangelicalism is in decline in America. The statistics show that this period when it seemed to be going from strength to strength may have been fueled most of all by the death of the mainline churches. They were just picking up those members. Instead of going to the Methodist Church, they were going to the Bible church out on the prairie. But regardless, that Christian discourse, that slightly secularized Christian discourse, that would allow Abraham Lincoln to make his speeches, that would provide the background to political rhetoric and so on, that’s all gone. And as a consequence, it seems to me we don’t have a shared culture and that’s part of what allows these protests. But also I think (…) a culture that no longer believes in itself, that no longer has horizons, and targets, and goals, that no longer has even the vaguest sense of a telos towards which we ought to move, a culture like that, if we look at it, we no longer have a measure of progress. We can’t say what an advance is along the way. All we can do is look at our history and see it as a catalog of crimes that we perpetrated in order to reach this point that we’re at. And we can’t see the good that came out of it. Because we don’t know what the good is, we don’t know what the telos is, the target, so we have no measure for that. So, we can’t celebrate the Civil War victory that ended slavery. All we can do is condemn slavery. We can’t celebrate the victory over the Nazis. We have to end World War II; all we can do is decry militarism and the crimes we committed to win that war, like the firebombing of Dresden, or  Hiroshima. And I think that that reasoning is quite exact because the young people that I hear speak—now I haven’t spent as much time on this as I perhaps should have, following the ins and outs of every protestor alive today—but what I’ve heard suggests that they condemn America to the core—the whole of America, of American history. There is nothing good about this nation. And there it seems to me the reasoning is quite exact. Unable to see a point to America, unable to see a goal. They are quite right that all they can see are the crimes. Whereas you and I are capable of saying, yes slavery was a great sin, and we got over it, and then the post-reconstruction settlement of Jim Crow was a great sin, but we got over it, and we still are committing sins to this day but the optimism of America is that we’ll get over it, we will find solutions to these because we feel that we are a city on a hill. We feel that we are heading somewhere. The telos may be vague, maybe inchoate, but its pull is real for people like you and me, Mark. These young people—who, I think partly because they’ve been systematically miss-educated—don’t have any feeling for that at all. And because they don’t, I think they are actually being quite rational in saying America is just evil, it’s a history of sin. (…) I think it’ll pass. These things pass. There are various rages that take to the streets, but they are to some degree victims of their own energy. They burn out, and I think this one will burn out. The thing that we are not seeing now—in fact we’re seeing the opposite—is someone standing up to them. The New York Times firing of its op-ed page editor over publication of an op-ed from a sitting US senator is really quite extraordinary if we think about it. But I don’t believe institutions can survive if they pander in this way. And I think eventually we’ll get one standing up. I haven’t heard yet from the publisher of J.K. Rowling, the Harry Potter author, who the staff of her publishing house has declared themselves unwilling to work at a publisher that would publish a woman with such reprobate views of transgenderism. If the publisher doesn’t stand up to her, I think we may be in for another year of this. But I have a feeling she sells so well, that I don’t believe the publisher is going to give in. And if we have one person saying “That’s interesting, but if you can’t work here, you can’t work here, goodbye.” The first time we see that and they survived the subsequent Twitter outrage, I think we’ll see an end to the current cancel culture, which is of course the most insidious of the general social—the burning and the breaking of statues is physical, but the most destructive cultural thing right now is the cancel culture that gets people fired and their relatives fired and the rest of it. I think that has to end and I imagine it will, the first time somebody stands up to them and survives. Joseph Bottum
Quand j’ai écrit mon livre, je suis retourné à Max Weber et à Alexis de Tocqueville, car tous deux avaient identifié l’importance fondamentale de l’anxiété spirituelle que nous éprouvons tous. Il me semble qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, nous avons oublié la centralité de cette anxiété, de ces démons ou anges spirituels qui nous habitent. Ils nous gouvernent de manière profondément dangereuse. Norman Mailer a dit un jour que toute la sociologie américaine avait été un effort désespéré pour essayer de dire quelque chose sur l’Amérique que Tocqueville n’avait pas dit! C’est vrai! Tocqueville avait saisi l’importance du fait religieux et de la panoplie des Églises protestantes qui ont défini la nation américaine. Il a montré que malgré leur nombre innombrable et leurs querelles, elles étaient parvenues à s’unir pour être ce qu’il appelait joliment «le courant central des manières et de la morale». Quelles que soient les empoignades entre anglicans épiscopaliens et congrégationalistes, entre congrégationalistes et presbytériens, entre presbytériens et baptistes, les protestants se sont combinés pour donner une forme à nos vies: celle des mariages, des baptêmes et des funérailles ; des familles, et même de la politique, en cela même que le protestantisme ne cesse d’affirmer qu’il y a quelque chose de plus important que la politique. Ce modèle a perduré jusqu’au milieu des années 1960. (…) Pour moi, c’est avant tout le mouvement de l’Évangile social qui a gagné les Églises protestantes, qui est à la racine de l’effondrement. Dans mon livre, je consacre deux chapitres à Walter Rauschenbusch, la figure clé. Mais il faut comprendre que le déclin des Églises européennes a aussi joué. L’une des sources d’autorité des Églises américaines venait de l’influence de théologiens européens éminents comme Wolfhart Pannenberg ou l’ancien premier ministre néerlandais Abraham Kuyper, esprit d’une grande profondeur qui venait souvent à Princeton donner des conférences devant des milliers de participants! Mais ils n’ont pas été remplacés. Le résultat de tout cela, c’est que l’Église protestante américaine a connu un déclin catastrophique. En 1965, 50 % des Américains appartenaient à l’une des 8 Églises protestantes dominantes. Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à 4 %! Cet effondrement est le changement sociologique le plus fondamental des 50 dernières années, mais personne n’en parle. Une partie de ces protestants ont migré vers les Églises chrétiennes évangéliques, qui dans les années 1970, sous Jimmy Carter, ont émergé comme force politique. On a vu également un nombre surprenant de conversions au catholicisme, surtout chez les intellectuels. Mais la majorité sont devenus ce que j’appelle dans mon livre des «post-protestants», ce qui nous amène au décryptage des événements d’aujourd’hui. Ces post-protestants se sont approprié une série de thèmes empruntés à l’Évangile social de Walter Rauschenbusch. Quand vous reprenez les péchés sociaux qu’il faut selon lui rejeter pour accéder à une forme de rédemption – l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe… vous retrouvez exactement les thèmes que brandissent les gens qui mettent aujourd’hui le feu à Portland et d’autres villes. Ce sont les post-protestants. Ils se sont juste débarrassés de Dieu! Quand je dis à mes étudiants qu’ils sont les héritiers de leurs grands-parents protestants, ils sont offensés. Mais ils ont exactement la même approche moralisatrice et le même sens exacerbé de leur importance, la même condescendance et le même sentiment de supériorité exaspérante et ridicule, que les protestants exprimaient notamment vis-à-vis des catholiques. (…) Mais ils ne le savent pas. En fait, l’état de l’Amérique a été toujours lié à l’état de la religion protestante. Les catholiques se sont fait une place mais le protestantisme a été le Mississippi qui a arrosé le pays. Et c’est toujours le cas! C’est juste que nous avons maintenant une Église du Christ sans le Christ. Cela veut dire qu’il n’y a pas de pardon possible. Dans la religion chrétienne, le péché originel est l’idée que vous êtes né coupable, que l’humanité hérite d’une tache qui corrompt nos désirs et nos actions. Mais le Christ paie les dettes du péché originel, nous en libérant. Si vous enlevez le Christ du tableau en revanche, vous obtenez… la culpabilité blanche et le racisme systémique. Bien sûr, les jeunes radicaux n’utilisent pas le mot «péché originel». Mais ils utilisent exactement les termes qui s’y appliquent. (…) Ils parlent d’«une tache reçue en héritage» qui «infecte votre esprit». C’est une idée très dangereuse, que les Églises canalisaient autrefois. Mais aujourd’hui que cette idée s’est échappée de l’Église, elle a gagné la rue et vous avez des meutes de post-protestants qui parcourent Washington DC, en s’en prenant à des gens dans des restaurants pour exiger d’eux qu’ils lèvent le poing. Leur conviction que l’Amérique est intrinsèquement corrompue par l’esclavage et n’a réalisé que le Mal, n’est pas enracinée dans des faits que l’on pourrait discuter, elle relève de la croyance religieuse. On exclut ceux qui ne se soumettent pas. On dérive vers une vision apocalyptique du monde qui n’est plus équilibrée par rien d’autre. Cela peut donner la pire forme d’environnementalisme, par exemple, parce que toutes les autres dimensions sont disqualifiées au nom de «la fin du monde». C’est l’idée chrétienne de l’apocalypse, mais dégagée du christianisme. Il y a des douzaines d’exemples de religiosité visibles dans le comportement des protestataires: ils s’allongent par terre face au sol et gémissent, comme des prêtres que l’on consacre dans l’Église catholique. Ils ont organisé une cérémonie à Portland durant laquelle ils ont lavé les pieds de personnes noires pour montrer leur repentir pour la culpabilité blanche. Ils s’agenouillent. Tout cela sans savoir que c’est religieux! C’est religieux parce que l’humanité est religieuse. Il y a une faim spirituelle à l’intérieur de nous, qui se manifeste de différentes manières, y compris la violence! Ces gens veulent un monde qui ait un sens, et ils ne l’ont pas. (…) Le marxisme est une religion par analogie. Certes, il porte cette idée d’une nouvelle naissance. Certaines personnes voulaient des certitudes et ne les trouvant plus dans leurs Églises, ils sont allés vers le marxisme. Mais en Amérique, c’est différent, car tout est centré sur le protestantisme. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, avec génie et insolence, prend Marx et le met cul par-dessus tête. Marx avait dit que le protestantisme avait émergé à la faveur de changements économiques. Weber dit l’inverse. Ce n’est pas l’économie qui a transformé la religion, c’est la religion qui a transformé l’économie. Le protestantisme nous a donné le capitalisme, pas l’inverse! Parce que les puritains devaient épargner de l’argent pour assurer leur salut. Le ressort principal n’était pas l’économie mais la faim spirituelle, ce sentiment beaucoup plus profond, selon Weber. Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui. (…) Je n’ai pas voté pour Trump. Bien que conservateur, je fais partie des «Never Trumpers». Mais je vois potentiellement une guerre civile à feu doux éclater si Trump gagne cette élection! Car les parties sont polarisées sur le plan spirituel. Si Trump gagne, pour les gens qui sont dans la rue, ce ne sera pas le triomphe des républicains, mais celui du mal. Rauschenbusch, dans son Évangile, dit que nous devons accomplir la rédemption de notre personnalité. Ces gens-là veulent être sûrs d’être de «bonnes personnes». Ils savent qu’ils sont de bonnes personnes s’ils sont opposés au racisme. Ils pensent être de bonnes personnes parce qu’ils sont opposés à la destruction de l’environnement. Ils veulent avoir la bonne «attitude», c’est la raison pour laquelle ceux qui n’ont pas la bonne attitude sont expulsés de leurs universités ou de leur travail pour des raisons dérisoires. Avant, on était exclu de l’Église, aujourd’hui, on est exclu de la vie publique… C’est pour cela que les gens qui soutiennent Trump, sont vus comme des «déplorables», comme disait Hillary Clinton, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent être rachetés. Ils ont leur bible et leur fusil et ne suivent pas les commandements de la justice sociale. (…) Avant même que Trump ne surgisse, avec Sarah Palin, et même sous Reagan, on a vu émerger à droite le sentiment que tout ce que faisaient les républicains pour l’Amérique traditionnelle, c’était ralentir sa disparition. Il y avait une immense exaspération car toute cette Amérique avait le sentiment que son mode de vie était fondamentalement menacé par les démocrates. Reagan est arrivé et a dit: «Je vais m’y opposer». Et voilà que Trump arrive et dit à son tour qu’il va dire non à tout ça. Je déteste le fait que Trump occupe cet espace, parce qu’il est vulgaire et insupportable. Mais il est vrai que tous ceux qui s’étaient sentis marginalisés ont voté pour Trump parce qu’il s’est mis en travers de la route. C’est d’ailleurs ce que leur dit Trump: «Ils n’en ont pas après moi, mais après vous.» Il faut comprendre que l’idéologie «woke» de la justice sociale a pénétré les institutions américaines à un point incroyable. Je n’imagine pas qu’un professeur ayant une chaire à la Sorbonne soit forcé d’assister à des classes obligatoires organisées pour le corps professoral sur leur «culpabilité blanche», et enseignées par des gens qui viennent à peine de finir le collège. Mais c’est la réalité des universités américaines. Un sondage récent a montré que la majorité des professeurs d’université ne disent rien. Ils abandonnent plutôt toute mention de tout sujet controversé. Pourtant, des études ont montré que la foule des vigies de Twitter qui obtient la tête des professeurs excommuniés, remplirait à peine la moitié d’un terrain de football universitaire! Il y a un manque de courage. (…) La France a fait beaucoup de choses bonnes et glorieuses pour faire avancer la civilisation, mais elle a fait du mal. Si on croit au projet historique français, on peut démêler le bien du mal. Mais mes étudiants, et tous ces post-protestants dont je vous parle, sont absolument convaincus que tous les gens qui ont précédé, étaient stupides et sans doute maléfiques. Ils ne croient plus au projet historique américain. Ils sont contre les «affinités électives» qui, selon Weber, nous ont donné la modernité: la science, le capitalisme, l’État-nation. Si la théorie de la physique de Newton, Principia, est un manuel de viol, comme l’a dit une universitaire féministe, si sa physique est l’invention d’un moyen de violer le monde, cela veut dire que la science est mauvaise. Si vous êtes soupçonneux de la science, du capitalisme, du protestantisme, si vous rejetez tous les moteurs de la modernité la seule chose qui reste, ce sont les péchés qui nous ont menés là où nous sommes. Pour sûr, nous en avons commis. Mais si on ne voit pas que ça, il n’y a plus d’échappatoire, plus de projet. Ce qui passe aujourd’hui est différent de 1968 en France, quand la remise en cause a finalement été absorbée dans quelque chose de plus large. Le mouvement actuel ne peut être absorbé car il vise à défaire les États-Unis dans ses fondements: l’État-nation, le capitalisme et la religion protestante. Mais comme les États-Unis n’ont pas d’histoire prémoderne, nous ne pouvons absorber un mouvement vraiment antimoderne. (…) Il y a une phrase de Heidegger qui dit que «seulement un Dieu pourrait nous sauver»! On a le sentiment qu’on est aux prémices d’une apocalypse, d’une guerre civile, d’une grande destruction de la modernité. Est-ce à cause de la trahison des clercs? Pour moi, l’incapacité des vieux libéraux à faire rempart contre les jeunes radicaux, est aujourd’hui le grand danger. Quand j’ai vu que de jeunes journalistes du New York Times avaient menacé de partir, parce qu’un responsable éditorial avait publié une tribune d’un sénateur américain qui leur déplaisait, j’ai été stupéfait. Je suis assez vieux pour savoir que dans le passé, la direction aurait immédiatement dit à ces jeunes journalistes de prendre la porte s’ils n’étaient pas contents. Mais ce qui s’est passé, c’est que le rédacteur en chef a été limogé. Joseph Bottum

C’est ce qui reste du christianisme quand on a tout oublié, imbécile !

Racisme d’état, racisé, cisgenre/cishet, blantriarcat, privilège blanc, appropriation culturelle, larmes blanches, larmes males, biais de confirmation, woke…

A l’heure où après des mois d’émeutes et de casse et l’inévitable retour de bâton et remontée de leur Trump honni dans les sondages …

Les nouveaux protestants de Black lives matter en sont, signe des temps, à effacer leur profession de foi sur leur site …

Mais où leur vocabulaire semble en train d’entrer dans la langue courante …

Tandis que, de la part des médias dits sérieux, tout est bon pour discréditer le catholicisme de la candidate du président Tump pour remplacer une juge de la Cour suprême récemment décédée …

Comment ne pas voir …

Avec le spécialiste du phénomène religieux en politique et girardien Joseph Bottum

Entre iconoclasme, génuflexions, auto-flagellations, lavements des pieds, liturgie, procession, croisades, inquisition, textes sacrés, tabous, catéchisme, dogmatisme, moralisme, excommunications, saints, martyrs…

La dimension proprement religieuse de, pour reprendre le mot attribué à Bebel pour l’antisémitisme en ces temps de décérébration universitaire, cette sorte de « christianisme des imbéciles » …

Suite au fait sociologique central mais sous-estimé des 50 dernières années …

De l’effondrement, à partir du milieu des années 1960, du modèle et socle commun fait de mariages, baptêmes, funérailles, familles et politique, que leur avaient légué les églises protestantes américaines …

Et son remplacement, à partir du mouvement de l’Évangile social d’un Walter Rauschenbusch, par une sorte de version sécularisée que n’ont que compensé partiellement les églises évangéliques et catholique…

Avec ses péchés sociaux à rejeter pour accéder à la rédemption que seraient l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe…

Sauf que derrière ce « Mississippi protestant qui avait arrosé le pays’, c’est en fait de Dieu qu’ils se sont  débarrassés …

Via la sanctification de l’ultime victime du péché originel de l’esclavage, à savoir les noirs …

D’où leur reprise – ô combien transparente et significative – du terme d’argot noir « woke » …

Pour apporter à l’Amérique et au monde une sorte de quatrième Grand Réveil comme l’Amérique les multiplie depuis le milieu du 19e siècle …

Sauf que derrière cette nouvelle église du Christ sans le Christ, il n’y a plus de pardon possible …

Que l’indécrottable péché originel, derrière l’impardonnable privilège blanc, de la culpabilité blanche et du racisme systémique…

Et in fine, libérée du cadre des églises qui avaient autrefois canalisé cette sainte colère, que l’escalade, proprement mimétique, de la course à la pureté idéologique que l’on voit actuellment dans leurs rues et déjà en partie dans les nôtres …

Autrement dit, jusqu’à ce que pourrait peut-être y mettre fin la réaction de la majorité silencieuse que comme nombre de Never-Trumpers, Bottum se refuse à voir derrière la vulgarité d’un Trump …

La démolition pure et simple, entrevue déjà par Malraux comme Girard, de l’essentiel de la culture et du projet non seulement américain mais occidental …

Et donc l’ouverture, derrière cette remise en cause de toutes valeurs partagées et but commun, à la guerre civile  ?

« La passion religieuse a échappé au protestantisme et met le feu à la politique »

GRAND ENTRETIEN – Professeur à l’université du Dakota du Sud, Joseph Bottum est essayiste et spécialiste du phénomène religieux en politique. Il offre un éclairage saisissant sur les élections américaines, dont il craint qu’elles ne dégénèrent en guerre civile si Trump est réélu.
Laure Mandeville
Le Figaro
24 septembre 2020

Dans son livre An Anxious Rage, the Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, écrit il y a six ans, il explique qu’on ne peut comprendre la fureur idéologique qui s’est emparée de l’Amérique, si on ne s’intéresse pas à la centralité du fait religieux et à l’effondrement du protestantisme, «ce Mississippi» qui a arrosé et façonné si longtemps la culture américaine et ses mœurs.

Bottum décrit la marque laissée par le protestantisme à travers l’émergence de ce qu’il appelle les «post-protestants», ces nouveaux puritains sans Dieu qui pratiquent la religion de la culture «woke» et de la justice sociale, et rejettent le projet américain dans son intégralité. Il voit à l’œuvre une entreprise de «destruction de la modernité» sur laquelle sont fondés les États-Unis.

LE FIGARO. – Dans votre livre An Anxious Age, vous revenez sur l’importance fondamentale du protestantisme pour comprendre les États-Unis et vous expliquez que son effondrement a été le fait sociologique central, mais sous-estimé, des 50 dernières années. Vous dites que ce déclin a débouché sur l’émergence d’un post-protestantisme qui est un nouveau puritanisme sans Dieu, qui explique la rage quasi-religieuse qui s’exprime dans les rues du pays. De quoi s’agit-il?

Joseph BOTTUM. –Quand j’ai écrit mon livre, je suis retourné à Max Weber et à Alexis de Tocqueville, car tous deux avaient identifié l’importance fondamentale de l’anxiété spirituelle que nous éprouvons tous. Il me semble qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, nous avons oublié la centralité de cette anxiété, de ces démons ou anges spirituels qui nous habitent. Ils nous gouvernent de manière profondément dangereuse. Norman Mailer a dit un jour que toute la sociologie américaine avait été un effort désespéré pour essayer de dire quelque chose sur l’Amérique que Tocqueville n’avait pas dit! C’est vrai! Tocqueville avait saisi l’importance du fait religieux et de la panoplie des Églises protestantes qui ont défini la nation américaine. Il a montré que malgré leur nombre innombrable et leurs querelles, elles étaient parvenues à s’unir pour être ce qu’il appelait joliment «le courant central des manières et de la morale». Quelles que soient les empoignades entre anglicans épiscopaliens et congrégationalistes, entre congrégationalistes et presbytériens, entre presbytériens et baptistes, les protestants se sont combinés pour donner une forme à nos vies: celle des mariages, des baptêmes et des funérailles ; des familles, et même de la politique, en cela même que le protestantisme ne cesse d’affirmer qu’il y a quelque chose de plus important que la politique. Ce modèle a perduré jusqu’au milieu des années 1960.

Qu’est-ce qui a précipité le déclin du protestantisme? La libération des mœurs des années 1960, l’émergence de la théologie de la justice sociale?

Pour moi, c’est avant tout le mouvement de l’Évangile social qui a gagné les Églises protestantes, qui est à la racine de l’effondrement. Dans mon livre, je consacre deux chapitres à Walter Rauschenbusch, la figure clé. Mais il faut comprendre que le déclin des Églises européennes a aussi joué. L’une des sources d’autorité des Églises américaines venait de l’influence de théologiens européens éminents comme Wolfhart Pannenberg ou l’ancien premier ministre néerlandais Abraham Kuyper, esprit d’une grande profondeur qui venait souvent à Princeton donner des conférences devant des milliers de participants! Mais ils n’ont pas été remplacés. Le résultat de tout cela, c’est que l’Église protestante américaine a connu un déclin catastrophique. En 1965, 50 % des Américains appartenaient à l’une des 8 Églises protestantes dominantes. Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à 4 %! Cet effondrement est le changement sociologique le plus fondamental des 50 dernières années, mais personne n’en parle.

Une partie de ces protestants ont migré vers les Églises chrétiennes évangéliques, qui dans les années 1970, sous Jimmy Carter, ont émergé comme force politique. On a vu également un nombre surprenant de conversions au catholicisme, surtout chez les intellectuels. Mais la majorité sont devenus ce que j’appelle dans mon livre des «post-protestants», ce qui nous amène au décryptage des événements d’aujourd’hui. Ces post-protestants se sont approprié une série de thèmes empruntés à l’Évangile social de Walter Rauschenbusch. Quand vous reprenez les péchés sociaux qu’il faut selon lui rejeter pour accéder à une forme de rédemption – l’intolérance, le pouvoir, le militarisme, l’oppression de classe… vous retrouvez exactement les thèmes que brandissent les gens qui mettent aujourd’hui le feu à Portland et d’autres villes. Ce sont les post-protestants. Ils se sont juste débarrassés de Dieu! Quand je dis à mes étudiants qu’ils sont les héritiers de leurs grands-parents protestants, ils sont offensés. Mais ils ont exactement la même approche moralisatrice et le même sens exacerbé de leur importance, la même condescendance et le même sentiment de supériorité exaspérante et ridicule, que les protestants exprimaient notamment vis-à-vis des catholiques.

La génération «woke» est une nouvelle version du puritanisme?

Absolument! Mais ils ne le savent pas. En fait, l’état de l’Amérique a été toujours lié à l’état de la religion protestante. Les catholiques se sont fait une place mais le protestantisme a été le Mississippi qui a arrosé le pays. Et c’est toujours le cas! C’est juste que nous avons maintenant une Église du Christ sans le Christ. Cela veut dire qu’il n’y a pas de pardon possible. Dans la religion chrétienne, le péché originel est l’idée que vous êtes né coupable, que l’humanité hérite d’une tache qui corrompt nos désirs et nos actions. Mais le Christ paie les dettes du péché originel, nous en libérant. Si vous enlevez le Christ du tableau en revanche, vous obtenez… la culpabilité blanche et le racisme systémique. Bien sûr, les jeunes radicaux n’utilisent pas le mot «péché originel». Mais ils utilisent exactement les termes qui s’y appliquent.

Ils parlent d’«une tache reçue en héritage» qui «infecte votre esprit». C’est une idée très dangereuse, que les Églises canalisaient autrefois. Mais aujourd’hui que cette idée s’est échappée de l’Église, elle a gagné la rue et vous avez des meutes de post-protestants qui parcourent Washington DC, en s’en prenant à des gens dans des restaurants pour exiger d’eux qu’ils lèvent le poing. Leur conviction que l’Amérique est intrinsèquement corrompue par l’esclavage et n’a réalisé que le Mal, n’est pas enracinée dans des faits que l’on pourrait discuter, elle relève de la croyance religieuse. On exclut ceux qui ne se soumettent pas. On dérive vers une vision apocalyptique du monde qui n’est plus équilibrée par rien d’autre. Cela peut donner la pire forme d’environnementalisme, par exemple, parce que toutes les autres dimensions sont disqualifiées au nom de «la fin du monde».

C’est l’idée chrétienne de l’apocalypse, mais dégagée du christianisme. Il y a des douzaines d’exemples de religiosité visibles dans le comportement des protestataires: ils s’allongent par terre face au sol et gémissent, comme des prêtres que l’on consacre dans l’Église catholique. Ils ont organisé une cérémonie à Portland durant laquelle ils ont lavé les pieds de personnes noires pour montrer leur repentir pour la culpabilité blanche. Ils s’agenouillent. Tout cela sans savoir que c’est religieux! C’est religieux parce que l’humanité est religieuse. Il y a une faim spirituelle à l’intérieur de nous, qui se manifeste de différentes manières, y compris la violence! Ces gens veulent un monde qui ait un sens, et ils ne l’ont pas.

Les post-protestants peuvent-ils être comparés aux nihilistes russes qui cherchaient aussi un sens dans la lutte révolutionnaire et le marxisme?

Oui et non. Le marxisme est une religion par analogie. Certes, il porte cette idée d’une nouvelle naissance. Certaines personnes voulaient des certitudes et ne les trouvant plus dans leurs Églises, ils sont allés vers le marxisme. Mais en Amérique, c’est différent, car tout est centré sur le protestantisme. Dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, avec génie et insolence, prend Marx et le met cul par-dessus tête. Marx avait dit que le protestantisme avait émergé à la faveur de changements économiques. Weber dit l’inverse. Ce n’est pas l’économie qui a transformé la religion, c’est la religion qui a transformé l’économie. Le protestantisme nous a donné le capitalisme, pas l’inverse! Parce que les puritains devaient épargner de l’argent pour assurer leur salut. Le ressort principal n’était pas l’économie mais la faim spirituelle, ce sentiment beaucoup plus profond, selon Weber. Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui.

Une faim spirituelle a mené les gens vers le marxisme, et c’est la même faim spirituelle qui fait qu’ils sont dans les rues d’Amérique aujourd’hui.

Trump se présente comme le protecteur du projet américain, ses adversaires le diabolisent… Comment jugez-vous la tournure religieuse prise par la campagne?

Je n’ai pas voté pour Trump. Bien que conservateur, je fais partie des «Never Trumpers». Mais je vois potentiellement une guerre civile à feu doux éclater si Trump gagne cette élection! Car les parties sont polarisées sur le plan spirituel. Si Trump gagne, pour les gens qui sont dans la rue, ce ne sera pas le triomphe des républicains, mais celui du mal. Rauschenbusch, dans son Évangile, dit que nous devons accomplir la rédemption de notre personnalité. Ces gens-là veulent être sûrs d’être de «bonnes personnes». Ils savent qu’ils sont de bonnes personnes s’ils sont opposés au racisme. Ils pensent être de bonnes personnes parce qu’ils sont opposés à la destruction de l’environnement. Ils veulent avoir la bonne «attitude», c’est la raison pour laquelle ceux qui n’ont pas la bonne attitude sont expulsés de leurs universités ou de leur travail pour des raisons dérisoires. Avant, on était exclu de l’Église, aujourd’hui, on est exclu de la vie publique… C’est pour cela que les gens qui soutiennent Trump, sont vus comme des «déplorables», comme disait Hillary Clinton, c’est-à-dire des gens qui ne peuvent être rachetés. Ils ont leur bible et leur fusil et ne suivent pas les commandements de la justice sociale.

Trump a-t-il gagné en 2016 parce qu’il s’est dressé contre ce nouveau catéchisme?

Avant même que Trump ne surgisse, avec Sarah Palin, et même sous Reagan, on a vu émerger à droite le sentiment que tout ce que faisaient les républicains pour l’Amérique traditionnelle, c’était ralentir sa disparition. Il y avait une immense exaspération car toute cette Amérique avait le sentiment que son mode de vie était fondamentalement menacé par les démocrates. Reagan est arrivé et a dit: «Je vais m’y opposer». Et voilà que Trump arrive et dit à son tour qu’il va dire non à tout ça. Je déteste le fait que Trump occupe cet espace, parce qu’il est vulgaire et insupportable. Mais il est vrai que tous ceux qui s’étaient sentis marginalisés ont voté pour Trump parce qu’il s’est mis en travers de la route. C’est d’ailleurs ce que leur dit Trump: «Ils n’en ont pas après moi, mais après vous.» Il faut comprendre que l’idéologie «woke» de la justice sociale a pénétré les institutions américaines à un point incroyable. Je n’imagine pas qu’un professeur ayant une chaire à la Sorbonne soit forcé d’assister à des classes obligatoires organisées pour le corps professoral sur leur «culpabilité blanche», et enseignées par des gens qui viennent à peine de finir le collège. Mais c’est la réalité des universités américaines.

Un sondage récent a montré que la majorité des professeurs d’université ne disent rien. Ils abandonnent plutôt toute mention de tout sujet controversé. Pourtant, des études ont montré que la foule des vigies de Twitter qui obtient la tête des professeurs excommuniés, remplirait à peine la moitié d’un terrain de football universitaire! Il y a un manque de courage.

Vous dites qu’à cause de la disparition des Églises, il n’y a plus de valeurs partagées et donc plus de but commun. Cela explique-t-il la remise en cause du projet américain lui-même?

La France a fait beaucoup de choses bonnes et glorieuses pour faire avancer la civilisation, mais elle a fait du mal. Si on croit au projet historique français, on peut démêler le bien du mal. Mais mes étudiants, et tous ces post-protestants dont je vous parle, sont absolument convaincus que tous les gens qui ont précédé, étaient stupides et sans doute maléfiques. Ils ne croient plus au projet historique américain. Ils sont contre les «affinités électives» qui, selon Weber, nous ont donné la modernité: la science, le capitalisme, l’État-nation. Si la théorie de la physique de Newton, Principia, est un manuel de viol, comme l’a dit une universitaire féministe, si sa physique est l’invention d’un moyen de violer le monde, cela veut dire que la science est mauvaise. Si vous êtes soupçonneux de la science, du capitalisme, du protestantisme, si vous rejetez tous les moteurs de la modernité la seule chose qui reste, ce sont les péchés qui nous ont menés là où nous sommes. Pour sûr, nous en avons commis. Mais si on ne voit pas que ça, il n’y a plus d’échappatoire, plus de projet. Ce qui passe aujourd’hui est différent de 1968 en France, quand la remise en cause a finalement été absorbée dans quelque chose de plus large. Le mouvement actuel ne peut être absorbé car il vise à défaire les États-Unis dans ses fondements: l’État-nation, le capitalisme et la religion protestante. Mais comme les États-Unis n’ont pas d’histoire prémoderne, nous ne pouvons absorber un mouvement vraiment antimoderne.

Comment sort-on de cette impasse?

Je n’en sais rien. Il y a une phrase de Heidegger qui dit que «seulement un Dieu pourrait nous sauver»! On a le sentiment qu’on est aux prémices d’une apocalypse, d’une guerre civile, d’une grande destruction de la modernité. Est-ce à cause de la trahison des clercs? Pour moi, l’incapacité des vieux libéraux à faire rempart contre les jeunes radicaux, est aujourd’hui le grand danger. Quand j’ai vu que de jeunes journalistes du New York Times avaient menacé de partir, parce qu’un responsable éditorial avait publié une tribune d’un sénateur américain qui leur déplaisait, j’ai été stupéfait. Je suis assez vieux pour savoir que dans le passé, la direction aurait immédiatement dit à ces jeunes journalistes de prendre la porte s’ils n’étaient pas contents. Mais ce qui s’est passé, c’est que le rédacteur en chef a été limogé.

Voir aussi:

America amid Spiritual Anxiety: A Conversation with Joseph Bottum
Mark Tooley & Joseph Bottum
Providence
June 19, 2020

Here’s my interview with Jody Bottum, author of An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, who applies his insights about post-Protestant America to contemporary protests.

Bottum theorizes that Mainline Protestantism’s collapse left a spiritual vacuum in American culture that loosed myriad social demons. Post-Protestantism wants to wage war on social sins, but not personal sins. It identifies redemption with having politically correct opinions. And it finds sanctification in denouncing others who lack its spiritual and political insights.

Of course, the post-Protestant theory of salvation is not satisfying, which leads to despair and deconstruction. From its perspective, absent Providence and eschatology, there is no destination, which potentially leads to destruction and nihilism. Bottum warns that a society without a shared culture cannot measure progress or purpose and no longer believes in itself, causing it to see its history as a long list of crimes.

Bottum published his book six years ago, yet its message is so timely today.


Rough Transcript of the Conversation:

TOOLEY: Hello, this is Mark Tooley, president of the Institute on Religion and Democracy here in Washington, DC, and also editor of Providence, a journal of Christianity and American foreign policy. Today I have the great pleasure of conversing with Jody Bottum, whose important book, of, I believe six years ago, called An Anxious Age, has a great application to contemporary events in terms of where America is spiritually and how we’re responding to today’s protests. So, I’m going to ask Jody to expound on that topic. But it’s a great pleasure to talk with you again, Jody.

BOTTUM: Thanks for having me, Mark.

TOOLEY: Well as I mentioned, your book An Anxious Age—and I need to recall the full title of it, it was An Anxious Age: The Post Protestant Ethic and The Spirit of America, quite a mouthful and a mindful. But you address the post-Protestant culture that has become paramount in American culture which continues the habits of the old wasp elite without the core theology of course. And it seems to pertain to contemporary events, among other reasons, and that these post Protestant elites want to contend against sinful forces which in their mind are almost amorphous and impersonal. And certainly, institutional and systemic racism would have ranked among them. They went to atone for this sense of guilt, but they really have no definition of atonement, so they seem to be trapped in a cycle without any conclusion. Do you think I’m understanding your thesis correctly?

BOTTUM: Yeah… now the direction I took that was not theological, but sociological and political. Because it struck me at the time that I wrote the first essay of what would become the book, which was a political theory of the Protestant mainline. And I meant the words political theory quite deliberately—that I wasn’t going to take up the question of a Christian metaphysics and who has a better account of it, whether Protestants or Catholics. I wasn’t going to do that. I was simply going to take up the fact that America was in essence a Protestant nation from its founding, from the arrival of the Puritans—and well, it’s a little more sophisticated than that, really from William and Mary on this was a Protestant country—and that we needed to sort of describe what Tocqueville called the main current of that. Now mainline is a word from much later, from the 1930s, but there always was a kind of main current of a general Protestantism. And I wanted to look at its political consequences and cultural consequences.

However much the rival Protestant denominations feuded with one another, disagreed with one another, I thought they gave a tone to the nation. And one of the things that they did particularly from the Civil War on was constrain social and political demons. They corralled them. They gave a shape to America, which was the marriage culture, the shape of funerals, life and death, birth, the family. They gave a shape to the cultural and sociological condition of America. And it struck me at the time, so I followed up that essay on the death of Protestant America with a whole book. And then subsequently applying it to the political situation that I saw emerging then in a big cover story for The Weekly Standard, called “The Spiritual Shape of Political Ideas.”

And in that kind of threefold push, I thought, “No one that I know is taking seriously the massive sociological change, perhaps the biggest in American history.” From 1965 when the Protestant churches, the mainline churches, by which I mean the founding churches in the National Council of Churches and the God box up on Riverside Drive—those churches, and their affiliated black churches, constituted or had membership that was just over fifty percent of America, as late as 1965. Today that number is well under 10 percent and that’s a huge sociological change that nobody to me seems to be paying sufficient attention to.

Now of course for someone like you, Mark, this is old news. You’ve been following this story for decades. But in kind of mainstream sociological discussions of America that just was not appearing as anything significant, and I thought it was profoundly significant and that the attempt of some of our neoconservative Catholic friends—and I was in the belly of that beast in those days—to substitute Catholicism for the failed American cultural pillar of the mainline Protestant churches—that that project, interesting as it was, failed, and that consequently, I predicted, we were going to see ever-larger sociological and cultural and political upset. Because there was no turning these demons of the human condition into an understanding of their personal application. Instead they just became cultural.

And I trace this move, perhaps unfairly, but I traced it to Rauschenbusch. And said when you say that it’s not individual sin, it’s social sin. And he lists six of them and they are exactly what the protestors are out in the street against right now. It’s what he called bigotry, which we used the word racism for, its militarism, its authoritarianism, and he names these six social sins and they are exactly the ones that the protesters are out against.

But I said the trouble with Rauschenbusch, who was a believer—I think he was a serious Christian and profoundly biblically educated so that his speech was just ripe with biblical quotations—the problem with him is the subsequent generations don’t need the church anymore. They don’t need Jesus anymore. He thinks of Jesus—in the metaphor I use—for the social gospel movement as it developed into just the social movement. Christ is the ladder by which we climb to the new ledge of understanding, but once we’re on that ledge, we don’t need the ladder anymore.

The logic of it is quite clear. We’ve reached this new height of moral and ethical understanding. Yes, thank you, Jesus Christ and the revelations taught it to us, but we’re there now. What need have we for a personal relationship with Jesus, what we need have we for a church? Having achieved this sentiment that knows that sin is these social constructs of destructiveness and our anxiety, the spiritual anxiety that human beings always feel, just by being human, is here answered. How do you know that you are saved today? You know that you are saved because you have the right attitude toward social sins. That’s how you know. Now they wouldn’t say saved; they would say, “How do you know you’re a good person?” But that’s just the logic. The logical pattern is the same.

And I develop that in the essay, “The Spiritual Shape of Political Ideas” by analyzing as tightly as I could the way in which white guilt is original sin. It’s original sin divorced from the theology that let it make sense. But the pattern of internal logic is exactly the same. It produces the same need to find salvation. It produces the same need to know that you are good by knowing that you are bad. It produces the same logic by which Paul would say, “Before the law there was no sin.” It has all of the same patterns of reason, except as you pointed out in your introduction, there’s no atonement. It’s as though, Mark, we’re living in St. Augustine’s metaphysics, but with all the Christ stuff stripped out. It’s a dark world; it’s a grim world. We’re inherently guilty and there’s no salvation. There’s no escape from it.

Except for the destruction of all. Which is why I then moved in that essay to talk about shunning in its modern forms, again divorced from the structures that once made it make sense, and apocalypse. The sense that we’re living at the end of the world and things are so terrible and so destructive that all the ordinary niceties of manners, of balancing judgment and so on, those are—if someone says, “We are destroying the planet and we’re all going to die unless you do what I want,” if I say, “Well we need to hear other voices,” they say, “That’s complicity with evil.” Right? The end of the world is coming; this is this apocalyptic imagination.

Now all of that I think was once upon a time in America—and I’m speaking only politically and sociologically—all of that was corralled, or much of it was corralled in the churches. You were taught a frame to understand your dissatisfactions with the world. You were taught a frame to understand the horror, the metaphysical horror that is the fact, Mark, that you and I are going to die. You were taught this frame that made it bearable and made it possible to move somewhere with it. With the breaking of that, these demons are let loose and now they’re out there.

I’ve often said, Mark, that the history of America since World War II is a history of a fourth Great Awakening that never quite happened. In a sense what I’ve seen for some years building and is now taking to the streets once again is the fourth Great Awakening except without the Christianity. I see in other words what’s happening out there as spiritual anxiety. But spiritual anxiety occurring in a world in which these people have no answer. They just have outrage. And it’s an escalating outrage.

This is where the single most influential thinker in my thought—a modern thinker—is Rene Girard, and Rene Girard’s idea of the escalation of memetic rivalry. The ways in which we get ever purer and we seek ever more tiny examples of evil that we can scapegoat and we enter into competition, this rivalry, to see who is more pure. This is exactly the motor, the Girardian motor, on which my idea of the spiritual anxiety runs.

And so, statues of George Washington are coming down now. And once upon a time, in the generation that I grew up in, and the generation that you grew up in, George Washington was—there were things bad things to say about him—but this was tantamount to saying America was a mistake. And of course these people think America was a mistake, because they think the whole history of the world is a mistake. There’s this outrage. And the outrage I think is spiritual. And that’s why it doesn’t get answered when voices of calm reason say, “Well let’s consider all sides. Yes, there were mistakes that were made and evils that were done, but let’s try to fix them.” Spiritual anxiety doesn’t get answered by, “Oh well let’s fix something.” It gets answered by the flame. It gets answered by the looting. It gets answered by the tearing down.

TOOLEY: So, it’s not just America that’s the mistake or Western civilization, its creation itself that’s the mistake.

BOTTUM: I think so. But creation appears to us in concrete guises, and the concrete guise right now is America. So, this is why you’ll get praise of ancient civilizations. Or you get the historical insanity of a US senator standing up on the well of the Senate and saying America invented slavery, that there was no slavery before the United States. That’s historically insane, but it’s not unlearned because we’ve passed beyond ignorance here. There’s something willful about it. And that’s what’s extraordinary, I think.

And yeah, I’m glad you look back to my 10-year-old book now because I think I did predict some of this, although obviously not in its particulars. But there was a warning there that the collapse of the mainline Protestant churches was going to introduce a demonic element into American life. And lo and behold, it has.

TOOLEY: Now it’s interesting what you described—the collapse in the mainline churches and the social consequences—the inability of Catholicism or evangelicals to fill that social and cultural vacuum and the inability of evangelicals and Catholics, seemingly, to diagnose our current crisis in the way that you just described. Why is that do you think?

BOTTUM: Well there are multiple questions there, Mark. Why Catholicism failed, why the evangelicals and Catholics together failed. So Catholicism by itself failed. The evangelicals and Catholics together project failed to provide this moral pillar to American discourse. And then there are a variety of reasons for that, beginning with the fact that Catholicism is an alien religion, alien to America. Jews and Catholics were more or less welcome to live here, but we understood that we lived on the banks of a great Mississippi of Protestantism that poured down the center of this country.

But the question of why it failed is one thing. The question of why the mainline Protestant churches failed is yet another part of your question. And although I list several examples that people have offered, I don’t make a decision about that in part because I am a Catholic. I have a suspicion that Protestantism with a higher sense of personal salvation, but a less thick metaphysics, was more susceptible to the line of the social gospel movement. But I don’t know that for certain so in the book I’m merely presenting these possibilities.

And then evangelicalism, Catholicism, was under attack for wounds, some of which it committed itself. Evangelicalism is in decline in America. The statistics show that this period when it seemed to be going from strength to strength may have been fueled most of all by the death of the mainline churches. They were just picking up those members. Instead of going to the Methodist Church, they were going to the Bible church out on the prairie.

But regardless, that Christian discourse, that slightly secularized Christian discourse, that would allow Abraham Lincoln to make his speeches, that would provide the background to political rhetoric and so on, that’s all gone. And as a consequence, it seems to me we don’t have a shared culture and that’s part of what allows these protests. But also I think, if there’s a way to put this, a culture that no longer believes in itself, that no longer has horizons, and targets, and goals, that no longer has even the vaguest sense of a telos towards which we ought to move, a culture like that, if we look at it, we no longer have a measure of progress. We can’t say what an advance is along the way. All we can do is look at our history and see it as a catalog of crimes that we perpetrated in order to reach this point that we’re at. And we can’t see the good that came out of it. Because we don’t know what the good is, we don’t know what the telos is, the target, so we have no measure for that.

So, we can’t celebrate the Civil War victory that ended slavery. All we can do is condemn slavery. We can’t celebrate the victory over the Nazis. We have to end World War II; all we can do is decry militarism and the crimes we committed to win that war, like the firebombing of Dresden, or the Hiroshima.

And I think that that reasoning is quite exact because the young people that I hear speak—now I haven’t spent as much time on this as I perhaps should have, following the ins and outs of every protestor alive today—but what I’ve heard suggests that they condemn America to the core—the whole of America, of American history. There is nothing good about this nation. And there it seems to me the reasoning is quite exact. Unable to see a point to America, unable to see a goal. They are quite right that all they can see are the crimes. Whereas you and I are capable of saying, yes slavery was a great sin, and we got over it, and then the post-reconstruction settlement of Jim Crow was a great sin, but we got over it, and we still are committing sins to this day but the optimism of America is that we’ll get over it, we will find solutions to these because we feel that we are a city on a hill. We feel that we are heading somewhere. The telos may be vague, maybe inchoate, but its pull is real for people like you and me, Mark. These young people—who, I think partly because they’ve been systematically miss-educated—don’t have any feeling for that at all. And because they don’t, I think they are actually being quite rational in saying America is just evil, it’s a history of sin.

TOOLEY: So these protests seem to lack any sense of redemption, personal or social, and no sense of providence, there is no historical destination for them. You and I do believe in redemption and in providence, so in conclusion, what words of hope would you have in terms of surviving and coming out of the present moment?

BOTTUM: I think it’ll pass. These things pass. There are various rages that take to the streets, but they are to some degree victims of their own energy. They burn out, and I think this one will burn out. The thing that we are not seeing now—in fact we’re seeing the opposite—is someone standing up to them. The New York Times firing of its op-ed page editor over publication of an op-ed from a sitting US senator is really quite extraordinary if we think about it. But I don’t believe institutions can survive if they pander in this way. And I think eventually we’ll get one standing up. I haven’t heard yet from the publisher of J.K. Rowling, the Harry Potter author, who the staff of her publishing house has declared themselves unwilling to work at a publisher that would publish a woman with such reprobate views of transgenderism. If the publisher doesn’t stand up to her, I think we may be in for another year of this. But I have a feeling she sells so well, that I don’t believe the publisher is going to give in. And if we have one person saying “That’s interesting, but if you can’t work here, you can’t work here, goodbye.” The first time we see that and they survived the subsequent Twitter outrage, I think we’ll see an end to the current cancel culture, which is of course the most insidious of the general social—the burning and the breaking of statues is physical, but the most destructive cultural thing right now is the cancel culture that gets people fired and their relatives fired and the rest of it. I think that has to end and I imagine it will, the first time somebody stands up to them and survives.

TOOLEY: Jody Bottum, author and commentator, thank you for a fascinating conversation about our current anxious age.

BOTTUM: Thanks Mark.

Voir également:
Dec. 2, 2014

I recently read Joseph Bottum’s marvelous book, “An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America.” This is one of the most fascinating books I’ve read in some time.

Bottum will be familiar to many readers through his many essays in the Weekly Standard and elsewhere (this one is one of my favorites, which anticipates some of the ideas in this book) and his term at the helm of First Things. In fact, the prototype for “An Anxious Age” was a First Things cover story that Bottum wrote in 2008, “The Death of Protestant America: A Political Theory of the Protestant Mainline.” That article made a large impression on me when it first came out, and I was happy to learn that Bottum was planning to develop those ideas into a book.

“An Anxious Age” is probably best described as a work of religious sociology — both how society impacts religious practice (and how religious views evolve over time) as well as how religious views impact society. But it is written as an extended essay, not a data-focused academic tome, as is, for example, Charles Murray’s “Coming Apart,” to which the themes of “An Anxious Age” bear a good deal of resemblance.

The book is actually two relatively distinct essays, which bear a somewhat loose but useful connection. Part I of the book deals with the formal decline of the Protestant mainline churches as the moral center of American society, but also the continued rump effect those churches have on American society’s subconscious (if society can have a subconscious). Part II of the book addresses what Bottum characterizes as an effort — ultimately unsuccessful — by Catholics and evangelicals beginning in the mid-2000s to form a sort of alliance to try to create a new moral code and religious institutional ballast to fill the void left in American society by the decline of the Protestant mainline churches that he describes in the first part of the book. What I found most interesting and provocative is Bottum’s thesis that although it seems that the moral core of modern American society has been entirely secularized, and religion and religious institutions play little role in shaping those views, in fact the watered-down gruel of moral views served up by elite establishment opinion (recycling, multiculturalism, and the like) is a remnant of the old collection of Protestant mainline views that dominated American society for decades or even centuries.

To highlight the important sociological importance of religion in American society, Bottum uses the now-familiar metaphor of a three-legged stool in describing American society (one that I and others have used as well): a balance between constitutional democracy, free market capitalism, and a strong and vibrant web of civil society institutions where moral lessons are taught and social capital is built. In the United States, the most important civil society organizations traditionally have been family and churches. And, among the churches, by far the most important were those that Bottum deems as the “Protestant Mainline” — Episcopalian, Lutheran, Baptist (Northern), Methodist, Presbyterian, Congregationalist/United Church of Christ, etc.

The data on changing membership in these churches is jaw-dropping. In 1965, for example, over half of the United States population claimed membership in one of the Protestant mainline churches. Today, by contrast, less than 10 percent of the population belongs to one of these churches. Moreover, those numbers are likely to continue to decline — the Protestant Mainline (“PM”) churches also sport the highest average age of any church group.

Why does the suicide of the Protestant Mainline matter? Because for Bottum, these churches are what provided the sturdy third leg to balance politics and markets in making a good society. Indeed, Bottum sees the PM churches as the heart of American Exceptionalism — they provided the moral code of Americanism. Probity, responsibility, honesty, integrity — all the moral virtues that provided the bedrock of American society and also constrained the hydraulic and leveling tendencies of the state and market to devour spheres of private life.

The collapse of this religious-moral consensus has been most pronounced among American elites, who have turned largely indifferent to formal religious belief. And in some leftist elite circles it has turned to outright hostility toward religion — Bottum reminds us of Barack Obama’s observation that rural Americans today cling to their “guns and Bibles” out of bitterness about changes in the world. Perhaps most striking is that anti-Catholic bigotry today is almost exclusively found on “the political Left, as it members rage about insidious Roman influence on the nation: the Catholic justices on the Supreme Court plotting to undo the abortion license, and the Catholic racists of the old rust belt states turning their backs on Obama to vote for Hillary Clinton in the 2008 Democratic primaries. Why is it no surprise that one of the last places in American Christianity to find good, old-fashioned anti-Catholicism is among the administrators of the dying Mainline…. They must be anti-Catholics precisely to the extent that they are also political leftists.” As the recent squabbles over compelling practicing Catholics to toe the new cultural line on same-sex marriage at the risk of losing their jobs or businesses, the political Left today is increasingly intolerant of recognizing a private sphere of belief outside of the crushing hand of political orthodoxy.

Yet as Bottum notes, the traditional elite consensus has been replaced by a new spiritual orthodoxy of “morality.” The American elite (however defined) today does subscribe to a set of orthodoxies of what constitutes “proper” behavior: proper views on the environment, feminism, gay rights, etc. Thus, Bottum provocatively argues, the PM hasn’t gone away, it has simply evolved into a new form, a religion without God as it were, in which the Sierra club, universities, and Democratic Party have supplanted the Methodists and Presbyterians as the teachers of proper values.

How did this occur? I am Catholic, so this part of the story was one of the elements of the book that struck me as particularly interesting, as much of the history was new to me. Bottum points to the key moment as the emergence of the Social Gospel movement in the early 20th Century. Led by Walter Rauschenbusch, the Social Gospel movement reached beyond the traditional view that Christianity spoke to personal failings such as sin, but instead reached “the social sin of all mankind, to which all who ever lived have contributed, and under which all who ever lived have suffered.” As Bottum summarizes it, Rauschenbusch identified six social sins: “bigotry, the arrogance of power, the corruption of justice for personal ends, the madness [and groupthink] of the mob, militarism, and class contempt.” As religious belief moved from the pulpit and pew to the voting booth and activism, the role of Jesus and any religious belief became increasingly attenuated. And eventually, Bottum suggests, the political agenda itself came to overwhelm the increasingly irrelevant religious beliefs that initially supported it. Indeed, to again consider contemporary debates, what matters most is outward conformity to orthodox opinion, not persuasion and inward acceptance of a set of particular views–as best illustrated by the lynch mobs that attacked Brendan Eich for his political donations (his outward behavior) and to compel conformity of behavior among wedding cake bakers and the like, all of which bears little relation to (and in fact is likely counterproductive) to changing personal belief. (Of course, that too is an unstable equilibrium–in the future it won’t be sufficient to not merely not be politically opposed to same-sex marriage, it will be a litmus test to be affirmatively in favor of it.).

Thus, while the modern elite appears to be largely non-religious, Bottum argues that they are the subconscious heirs to the old Protestant Mainline, but are merely Post-Protestant — the same demographic group of people holding more or less the same views and fighting the same battles as the advocates of the social gospel.

In the second part of the book, Bottum turns to his second theme — the effort beginning around 2000 of Catholics and Evangelical Christians to form an alliance to create a new moral consensus to replace the void left by the collapse Protestant Mainline churches. Oversimplified, Bottum’s basic point is that this was an effort to marry the zeal and energy of Evangelical churches to the long, well-developed natural law theory of Catholicism, including Catholic social teaching. Again oversimplified, Bottum’s argument is that this effort was doomed on both sides of the equation–first, Catholicism is simply too dense and “foreign” to ever be a majoritarian church in the United States; and second, because evangelical Christianity itself has lost much of its vibrant nature. Bottum notes, which I hadn’t realized, that after years of rapid growth, evangelical Christianity appears to be in some decline in membership. Thus, the religious void remains. The obvious question with which one is left is if Bottum is correct that religious institutions uphold the third leg of the American stool, and if (as he claims) religion is the key to American exceptionalism, can America survive without a continued vibrant religious tradition?

Herewith a few of my own thoughts after reading the book:

The first is simply that this is an immensely interesting and readable book. I read almost the whole thing on a plane trip from California and Jody’s writing style just carries you along effortlessly. His writing is high stylistic without be overstylized and is just an absolute joy to read. He has a gift for weaving together larger ideas with anecdotes and exemplars of his point. He has a light touch in making his point that rarely offends (even on controversial issues) and always illuminates.

Second, is that I largely find Bottum’s argument persuasive. The absence of the Protestant Mainline as a central moral force in American society today is largely taken for granted, such that the implications are largely ignored–as if it has always been this way. To the extent that leaders of Mainline Protestant churches are ever noticed in public, my impression is they are viewed as somewhat buffoonish figures trotted out occasionally to add a veneer of religious window-dressing to the elite’s preexisting views on various political issues such as same-sex marriage and the size of the welfare state. I say “buffoonish” because they often seem to come across as intellectual lightweights, to shallow intellectually to be taken seriously by secular analysts and too shallow theologically to be taken seriously by religious analysts. As a result, they seem to have little influence over public life today. They’ve essentially made themselves irrelevant. (My apologies for painting with an overly-broad brush, and I realize that this is a contestable assertion. It just reflects my impression of how leaders of the Mainline Protestant churches are often treated in news coverage and the like).

Third, one  aspect of the modern post-Protestant morality that struck me after reading the book is its ostentatious and somewhat self-congratulatory nature. In the Preface to the book, Bottum explains that the proximate genesis of the book was an experience he had in 2011 when he was commissioned to write an article about the Occupy Wall Street protest movement. Bottum sensed in these young and clueless youth a deep spiritual anxiety. But it was not linked to any coherent political platform or reform agenda–instead, the goal was “change” of some sort and an assertion of the protesters moral rectitude; and, perhaps equally important (as Bottum describes it), an anxiety to be publicly congratulated for their moral rectitude. Campus protests today, for example, often seem to be sort of a form of performance art, where the gestures of protest and being seen to “care” are ends in themselves, as often the protests themselves have goals that are somewhat incoherent (compared to, say, protests against the Vietnam War). Bottum describes this as a sort of spirtual angst, a vague discomfort with the way things are and an even vaguer desire for change. On this point I wonder whether he is being too generous to their motives.

Fourth, and to my mind the most important thought I had while reading it, was that I found Bottum’s description of the causal decline of the Protestant Mainline incomplete. He briefly pauses to address the question: “The question, of course, is why it happened–this sudden decline of the Mainline, this collapse of the Great Church of America, this dwindling of American Protestantism even as it has now found the unity that it always lacked before.” He discusses a few of the hypotheses (at pages 104-107) but simply defers to the work of others.

But there is one thesis that he doesn’t consider that I think contributes much of the explanation of the decline of the importance of the Protestant Mainline, which is the thesis developed by Shelby Steele is his great book “White Guilt.” I think Steele’s argument provides the key to unlocking not only the decline of the Protestant Mainline but also the timing, and why the decline of the Protestant Mainline has been so much more precipitous than Evangelicals and Catholics, as well as why anti-Evangelical and anti-Catholic bigotry is so socially acceptable among liberal elites.

Steele’s thesis, oversimplified, is that the elite institutions of American society for many years were complicit in a system that perpetrated injustices on many Americans. The government, large corporations, major universities, white-show law firms, fraternal organizations, etc.–the military being somewhat of an exception to this–all conspired explicitly or tacitly in a social system that supported first slavery then racial discrimination, inequality toward women, anti-Semitism, and other real injustices. Moreover, all of this came to a head in the 1960s, when these long-held and legitimate grievances bubbled to the surface and were finally recognized and acknowledged by those who ran these elite institutions and efforts were taken to remediate their harms. This complicity in America’s evils, Steele argues, discredited the moral authority of these institutions, leaving not only a vacuum at the heart of American society but an ongoing effort at their redemption.

But, Steele argues, this is where things have become somewhat perverse. It wasn’t enough for, say, Coca-Cola to actually take steps to remediate its past sins, it was crucial for Coca-Cola to show that it was acknowledging its guilty legacy and, in particular, to demonstrate that it was now truly enlightened. But how to do that? Steele argues that this is the pivotal role played by hustlers like Jesse Jackson and Al Sharpton — they can sell the indulgences to corporations, universities, and the other guilty institutions to allow them to demonstrate that they “understand” and accept their guilt and through bowing to Jackson’s demands, Jackson can give them a clean bill of moral health.

Thus, Steele says that what is really going on is an effort by the leaders of these institutions to “dissociate” themselves from their troubled past and peer institutions today that lack the same degree of enlightenment. Moreover, it is crucially important that the Jackson’s of the world set the terms–indeed, the more absurd and ridiculous the penance the better from this perspective, because more ridiculous penances make it easier to demonstrate your acceptance of your guilt.

One set of institutions that Steele does not address, but which fits perfectly into his thesis, is the Protestant Mainline churches that Bottum is describing. It is precisely because the Protestant Mainline churches were the moral backbone of American society that they were in need of the same sort of moral redemption that universities, corporations, and the government. Indeed, because of their claim to be the moral exemplar, their complicity in real injustice was especially bad. Much of the goofiness of the Mainline Protestant churches over the past couple of decades can be well-understood, I think, through this lens of efforts to dissociate themselves from their legacy and other less-enlightened churches. In short, it seems that often their religious dogma is reverse-engineered–they start from wanting to make sure that they hold the correct cutting-edge political and social views, then they retrofit a thin veil of religious belief over those social and political opinions. Such that their religious beliefs today, as far as one ever hears about them at all, differ little from the views of The New York Times editorial page.

This also explains why Catholics and Evangelicals are so maddening, and threatening, to the modern elites. Unlike the Protestant Mainline churches that were the moral voice of the American establishment, Catholicism and Evangelicals have always been outsiders to the American establishment. Thus they bear none of the guilt of having supported unjust political and social systems and refuse to act like they do. They have no reason to kowtow to elite opinion and, indeed, are often quite populist in their worldview (consider the respect that Justices Scalia or Thomas have for the moral judgments of ordinary Americans on issues like abortion or same-sex marriage vs. the views of elites). Given the sorry record of American elites for decades, there is actually a dividing line between two world views. Modern elites believe that the entire American society was to blame, thus we all share guilt and must all seek forgiveness through affirmative action, compulsory sensitivity training, and recycling mandates. Others, notably Catholics and Evangelicals, refuse to accept blame for a social system that they played no role in creating or maintaining and which, in fact, they were excluded themselves. To some extent, therefore, I think that the often-remarked political fault line in American society along religious lines (which Bottum discusses extensively), is as much cultural and historical (in Steele’s sense) as disagreements over religion per se. At the same time, the decline of its moral authority hit the Protestant Mainline churches harder than well-entrenched universities, corporations, or the government, in part because the embrace of the Social Gospel had laid the foundations for their own obsolescence years before.

This also explains why if a religious revival is to occur, it would come from the alliance of Catholics and Evangelicals that he describes in the second half of the book. Mainline Protestantism seems to simply lack the moral authority to revive itself and has essentially made itself obsolete. There appears to be little market for religions without God.

In the end, Bottum leaves us with no answer to his central question–can America, which for so long relied on the Protestant Mainline churches to provide a moral and institutional third leg to the country, survive without it. Can the thin gruel of the post-Protestant New York Times elite consensus provide the moral glue that used to hold the country together? Perhaps, or perhaps not — that is the question we are left with after reading Bottum’s fascinating book.

Finally, I drafted this over the weekend, but I wanted to call attention to Jody’s new essay at the Weekly Standard “The Spiritual Shape of Political Ideas” that touches on many of the themes of the book and develops them in light of ongoing controversies, especially on the parallels between the new moral consensus and traditional religious thinking (and, in fact, his comments on “original sin” strike me as similar to the points about Shelby Steele that I raised above).

He traces this to the early 20th-century Social Gospel movement and the Protestant writer Walter Rauschenbusch. This movement has created a post-Protestant class: “Christian in the righteous timbre of its moral judgments, without any actual Christianity; middle class in social flavor, while ostensibly despising middle-class norms; American in cultural setting, even as [they believe] American history is a tale of tyranny.”

Voir de plus:

« An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America »


An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, by Joseph Bottum. Image Books (February 11, 2014)

We live in a profoundly spiritual age–but in a very strange way, different from every other moment of our history. Huge swaths of American culture are driven by manic spiritual anxiety and relentless supernatural worry. Radicals and traditionalists, liberals and conservatives, together with politicians, artists, environmentalists, followers of food fads, and the chattering classes of television commentators: America is filled with people frantically seeking confirmation of their own essential goodness. We are a nation desperate to stand on the side of morality–to know that we are righteous and dwell in the light.

Or so Joseph Bottum argues in An Anxious Age, an account of modern America as a morality tale, formed by its spiritual disturbances. And the cause, he claims, is the most significant and least noticed historical fact of the last fifty years: the collapse of the Mainline Protestant churches that were the source of social consensus and cultural unity. Our dangerous spiritual anxieties, broken loose from the churches that once contained them, now madden everything in American life.

Updating The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, Max Weber’s sociological classic, An Anxious Age undertakes two case studies in contemporary social class, adrift in a nation without the religious understandings that gave it meaning. Looking at the college-educated elite he calls “The Poster Children,” Bottum sees the post-Protestant heirs of the old Mainline Protestant domination of culture: dutiful descendants who claim the high social position of their Christian ancestors even while they reject their ancestors’ Christianity. Turning to “The Swallows of Capistrano,” the Catholics formed by the pontificate of John Paul II, Bottum evaluates the early victories–and later defeats–of the attempt to substitute Catholicism for the dying Mainline voice in public life.

Sweeping across American intellectual and cultural history, An Anxious Age traces the course of national religion and warns about the strange angels and even stranger demons with which we now wrestle. Insightful and contrarian, wise and unexpected, An Anxious Age ranks among the great modern accounts of American culture.

Voir encore:

The New York Times magazine

There is a strange little cultural feedback loop that’s playing out again and again on social media. It begins with, say, a white American man who becomes interested in taking an outspoken stand against racism or misogyny. Maybe he starts by attending a Black Lives Matter demonstration. Or by reading the novels of Elena Ferrante. At some point, he might be asked to “check his privilege,” to acknowledge the benefits that accrue to him as a white man. At first, it’s humiliating — there’s no script for taking responsibility for advantages that he never asked for and that he can’t actually revoke. But soon, his discomfort is followed by an urge to announce his newfound self-­awareness to the world. He might even want some public recognition, a social affirmation of the work he has done on himself.

These days, it has become almost fashionable for people to telegraph just how aware they have become. And this uneasy performance has increasingly been advertised with one word: “woke.” Think of “woke” as the inverse of “politically correct.” If “P.C.” is a taunt from the right, a way of calling out hypersensitivity in political discourse, then “woke” is a back-pat from the left, a way of affirming the sensitive. It means wanting to be considered correct, and wanting everyone to know just how correct you are.

In the ’70s, Americans who styled themselves as “radical chic” communicated their social commitments by going to cocktail parties with Black Panthers. Now they photograph themselves reading the right books and tweet well-­tuned platitudes in an effort to cultivate an image of themselves as politically engaged. Matt McGorry, the actor who plays a sweetly doofy prison guard in “Orange Is the New Black,” is a helpful case study of this phenomenon. McGorry’s Instagram presence was once blithely ­bro-ey — yacht shots, tank tops, a tribute to coconut water. Then he watched the actress Emma Watson brief the United Nations on the importance of men’s involvement in the feminist movement, and he took it to heart. Now he presents his muscular selfies and butt jokes alongside iconography of feminism and anti-­racism. In one snap, he holds a copy of “The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness,” in bed, shirtless. In December, BuzzFeed nodded at McGorry with a listicle titled: “Can We Talk About How Woke Matt McGorry Was in 2015?”

Earning the “woke” badge is a particularly tantalizing prospect because it implies that you’re down with the historical fight against prejudice. It’s a word that arose from a specific context of black struggle and has recently assumed a new sense of urgency among activists fighting against racial injustices in Ferguson, Sanford, Baltimore and Flint. When Black Lives Matter activists started a website to help recruit volunteers to the cause, they called it StayWoke.org. “Woke” denotes awareness, but it also connotes blackness. It suggests to white allies that if they walk the walk, they get to talk the talk.

The most prominent pop touchstone for “stay woke” is Erykah Badu’s 2008 track “Master Teacher,” in which she sings the refrain “I stay woke.” “Erykah brought it alive in popular culture,” says David Stovall, a professor of African-­American studies at the University of Illinois at Chicago. “She means not being placated, not being anesthetized. She brought out what her elders and my elders had been saying for hundreds of years.” In turn, the track has helped shepherd the next generation into its own political consciousness. In an interview with NPR last year, the rapper Earl Sweatshirt described listening to “Master Teacher” in the car with his mother as a teenager. “I was singing the hook, like, ‘I stay woke,’ ” he said. His mother turned down the music, and “she was like, ‘No you’re not.’ ”

Earl Sweatshirt’s mom was cautioning her son against brandishing a word without understanding its history and power. He got the message years later, he said, and called her up and announced: “I’m grown.” Such reflectiveness is often absent from the promiscuous spread of “woke” online. The word has now been recycled by people hoping to add splashes of drama to their own inconsequential obsessions, tweeting “Raptors will win it all #STAYWOKE” or “new bio … #staywoke.” The new iteration of radical chic is the guy on Tinder who calls himself a “feminist artist in Brooklyn” and then says he’s “looking for the you-know-what in the you-know-where” — the performance of “wokeness” is so conspicuous that it breeds distrust.

In a 2012 paper about race relations on Twitter, Dr. André Brock, a University of Michigan communications professor, wrote about how the surfacing of popular hashtags and trending topics “brought the activities of tech-­literate blacks to mainstream attention,” creating a space where the expressions of black identity are subject to “intense monitoring” by white people — a kind of accelerator for cultural appropriation. When black activists used “stay woke” in their Twitter campaigns against police violence, the term appeared alongside a host of trending hashtags — #ICantBreathe, #IfTheyGunnedMeDown — and was thus flagged for white people who have never listened to a Badu album or joined the crowd at a rally.

Defanged of its political connotations, “stay woke” is the new “plugged in.” In January, MTV announced “woke” as a trendy new slice of teen slang. As Brock said, “The original cultural meaning of ‘stay woke’ gets lost in the shuffle.”

And so those who try to signal their wokeness by saying “woke” have revealed themselves to be very unwoke indeed. Now black cultural critics have retooled “woke” yet again, adding a third layer that claps back at the appropriators. “Woke” now works as a dig against those who claim to be culturally aware and yet are, sadly, lacking in self-awareness. In a sharp essay for The Awl, Maya Binyam coined the term “Woke Olympics,” a “kind of contest” in which white players compete to “name racism when it appears” or condemn “fellow white folk who are lagging behind.”

The latest revolution of “woke” doesn’t roll its eyes at white people who care about racial injustice, but it does narrow them at those who seem overeager to identify with the emblems and vernacular of the struggle. For black activists, there is a certain practicality in publicly naming white allies. Being woke, Stovall says, means being “aware of the real issues” and willing to speak of them “in ways that are uncomfortable for other white folks.” But identifying allies poses risks, too. “There are times when people have been given the ‘black pass,’ and it hasn’t worked out so well,” Stovall says. “Like Clinton in the ’90s.” A white person who gains a kind of license to use power on behalf of black people can easily wield that power on behalf of themselves.

“Woke” feels a little bit like Macklemore rapping in one of his latest tracks about how his whiteness makes his rap music more acceptable to other white people. The conundrum is built in. When white people aspire to get points for consciousness, they walk right into the cross hairs between allyship and appropriation. These two concepts seem at odds with each other, but they’re inextricable. Being an ally means speaking up on behalf of others — but it often means amplifying the ally’s own voice, or centering a white person in a movement created by black activists, or celebrating a man who supports women’s rights when feminists themselves are attacked as man-haters. Wokeness has currency, but it’s all too easy to spend it.

The Puritans Among Us

Mary Eberstadt

National Review

April 21, 2014

Review of An Anxious Age: The Post-Protestant Ethic and the Spirit of America, by Joseph Bottum (Image, 320 pp., $25).

Some writers are “Catholic writers” in the sense that they do their work qua Catholics, and their main subject is the immense intellectual, social, and aesthetic patrimony of the Catholic Church. But there also exists a rarer kind of Catholic writer: the one who is multilingual in secular as well as religious tongues, whose Catholicism nonetheless runs so deep that it cannot help but shape and suffuse his every line.

Joseph Bottum, fortunately for American letters, is an example of the latter sort. In fact, it’s safe to say that if Mr. Bottum were anything but a writer who is also known to be Catholic, his name would be mandatory on any objective short list of public intellectuals, if there were such a thing. He is the author of several books, including a volume of poetry (The Fall & Other Poems), a work of verse set to music (The Second Spring), a bestselling memoir (The Christmas Plains), and now, with An Anxious Age, an immensely ambitious work of sociological criticism. His essays have garnered awards and are included in notable collections. He has also worn the hats of literary critic, columnist, editor, books editor, short-story writer, autobiographer, eulogist, public speaker, television pundit, Amazon author (via the groundbreaking Kindle Singles series), and visiting professor. If there were milliners for intellectuals, his would be the busiest in town.

Yet, as is not widely understood despite this prodigious body of work, Bottum is also, at heart, a storyteller — meaning that he is preoccupied not only with syllogism and validity but also with literary characters and creations. Once in a while, this absorption with dramatis personae ends up confounding readers — as happened just last year, when a long essay of his, published in Commonweal, arguing the futility of continuing Church opposition to same-sex marriage, combusted as instantly and widely as a summer brushfire. That piece, too, as was perhaps insufficiently noted at the time, began with and meandered around a literarycharacter: a former friend and foil with whom the piece amounts to an imaginary conversation.

To observe as much isn’t to say that fiction always trumps. It’s rather to note that with poets and poetry, for better or worse, comes license — including license to chase arguments into places where other people, rightly or wrongly, fear to tread.

That same singular gift is now turned to brilliant advantage in Bottum’s new book. A strikingly original diagnosis of the national moral condition, An Anxious Age bears comparison for significance and scope to only a handful of recent seminal works. Deftly analytical and also beautifully written, it has the head of Christopher Lasch and the heart of Flannery O’Connor. Anyone wishing to chart the deeper intellectual and religious currents of this American time, let alone anyone who purports to navigate them for the rest of the public, must first read and reckon withAn Anxious Age.

The book begins in territory that’s familiar enough: the well-known and ongoing collapse of the Protestant mainline churches, whose floor-by-floor implosion the author traced first in a seminal 2008 essay for First Things on “The Death of Protestant America.” This starting point soon widens dramatically onto a 180-degree view of the national milieu. Contrary to the widely held secularization thesis, according to which the decline of Christianity is inevitable, Bottum argues instead that the Puritans and Protestants of yesteryear still walk the country in new and rarely recognized “secular” guises. Bonnie Paisley of Oregon, Gil Winslow of upstate New York, Ellen Doorn of Texas — these and other characters conjured as the “Poster Children of Post-Protestantism” illustrate via their individual stories the author’s central point: The mainline hasn’t so much vanished as gone underground to become what O’Connor once derisively called “the Church without Christ.”

To be sure, the idea that secularization has not so much killed God as repurposed Him into seemingly secular shapes is not in itself new. It’s the key point in philosopher Charles Taylor’s work, especially in his prodigious book A Secular Age. No author, however, has brought this idea to life as Bottum does in An Anxious Age — whose very title, obviously, suggests the amendment that it is to Taylor’s thesis. Throughout, the Poster Children spring from the pages like so many impish holograms, turning two-dimensional arguments over “believing” and “belonging” into recognizable and ultimately persuasive companions at the reader’s elbow.

These Poster Children, the author argues, are direct descendants of the “social gospel” of Protestant theologian Walter Rauschenbusch: the notion that sin has a social and not merely individual dimension. “Social nature abhors a vacuum,” notes Bottum in a key passage,

and the past thirty years have seen many attempts to fill the space where Protestantism used to stand. Feminism in the 1980s, homosexuality in the 1990s, environmentalism in the 2000s, the quadrennial presidential campaigns that promise to reunify the nation . . . [these] movements have all posed themselves as partial Protestantisms, bastard Christianities, determined not merely to win elections but to be the platform by which all other platforms are judged.

Once again, the millenarian character of contemporary politics — particularly today’s politics of the Left — has been noted before. But once again, Bottum digs deeper here to yield truths not hitherto inspected.Partial Protestantisms, bastard Christianities: It isn’tonly that ostensibly secular leftism is Christianity in some unexpected, other guise. It’s rather that ostensibly secular leftism is a particular kind of truncated Christianity: the theological and sociological equivalent of the fatherless home.

And so, for example, Occupy Wall Street, for all its grubby pretension, is in essence just one more “protest against the continuing reign of Satan and a plea for the coming of the Kingdom of God, with a new heaven and a new earth.” Related yearnings for personal redemption, the author argues, also unite certain ardent young Catholics drawn to “lifeboat theology, escaping the rising sea of evil on small arks of the saved.” These groups are joined, he argues, at the sociological root — proof of what, in a bow to Max Weber, the book calls our “Anxious Age” created by “the catastrophic decline of the mainline Protestant churches that had once been central institutions in public life.”

In a curious way, An Anxious Age also amounts to a limited reenchantment of the intellectual world. When conservatives in particular attack “the elites,” Bottum argues, they “focus entirely on non-spiritual causes.” In this they overlook the essential link between these “elites” and their Puritan forebears, for “the one social ascendency they truly feel, the one deepest in their souls, is the superiority of the spiritually enlightened to those still lost in darkness.” Contrary to what both the Poster Children and their religious critics seem to think, all are leaning toward the same end: a sense of redemption. “Elite or not,” he observes, “they are the elect — people who understand themselves primarily in spiritual terms,” whether they darken the doors of churches or not.

An Anxious Age abounds in logic and clarification (and for that reason among others, it was derelict of the book’s publisher to omit footnotes and an index, both of which would have helped to signal its scholarly nature). Even so, it is the book’s metaphors that will haunt the reader after he puts it down. Who else would describe Protestantism in the United States as “our cultural Mississippi, rolling through the center of the American landscape”? Likely no one — but the image brings to vivid and unexpected life a thousand Pew Research reports on declining attendance and the rise in “nones.” Similarly, the author’s unspooling of the story of the swallows of San Juan Capistrano as a metaphor for explaining what has happened to Catholicism in America is not only arresting but convincing, succeeding both as religious sociology and as literary trope.

None of which is to say that the book’s every fillip and expostulation amounts to the last word. Like any serious work, this one excites demurrals, objections, and second and third thoughts. In particular, one wants to hear more about the other and less cerebral forces that were obviously at work in the implosion of mainline Protestantism and its fallout.

After all, not every religious movement emerging from the “burned-over district” in upstate New York suffered the same communal fate. The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, to take one salient example, went on to become one of the most ascendant faiths of the next century. Why did mainline Presbyterianism, say, fall one way on history’s divide, while Protestant evangelicalism and Mormonism, say, fell another? One likely answer is that the mainline’s doctrinal neglect and practical abandonment of the family led eventually to demographic disaster in the pews. In similar fashion, one can argue, Catholics who have behaved like Catholics have seen their own corners of the religious world prosper — and Catholics who have behaved like mainline Protestants have not.

Other points invite similar friendly debate, including the author’s claim that tomorrow’s Catholicism is necessarily less robust than yesterday’s because it is no longer as “inherited.” And of course one can also question ad infinitum why Bottum chose to discuss some of the thinkers in these pages, and not others. But no shortcomings gainsay the superb achievement here. As his friend and sometime collaborator, the author David P. Goldman, once put it, “One often learns more about the underlying issues from Jody Bottum’s mistakes than from the dutiful plodding of many of his peers.”

Readers who find the Poster Children stalking their imaginations might also hope to see more overt works of fiction from the talented Mr. Bottum down the road. Meanwhile, the daring achievement of the author of An Anxious Age — bringing sociology to unique fictional life — is something that the rest of us will be thinking about for a long time to come.

– Mary Eberstadt is a senior fellow at the Ethics and Public Policy Center and the author of How the West Really Lost God: A New Theory of Secularization.

Voir enfin:
Delphine Le Goff
Stratégies
16/12/2019

C’est le nouveau buzzword, une nouvelle forme de coolitude : être « woke » ou ne pas être. Le terme, dérivé de l’argot afro-américain, désigne l’état d’éveil aux injustices de la société au sens large. Une nouvelle forme de bien-pensance ?

Tenez-vous prêts. Il paraît que dans les mois à venir, on n’aura que ce mot à la bouche. Ringardisée, la bienveillance, mot de l’année 2018 selon Le Robert, utilisée jusqu’à l’écœurement – d’ailleurs bien souvent par des personnes en réalité tout sauf bienveillantes. 2019, paraît-il, sera l’année du « woke ». Même Le Monde, il y a quelques mois, donnait en avant-première ce sage conseil : « Ne soyez plus cool, soyez woke. » Voilà autre chose !
« Woke, c’est le nouveau buzzword, reconnaît Martin Lagache, planneur stratégique chez BETC, qui se lance dans une exégèse du terme, issu de l’argot afro-américain. C’est la chanteuse Erykah Badu qui l’a popularisé il y a une dizaine d’années, avec sa chanson “Master Teacher (I stay woke)”, puis en 2012, en utilisant la phrase “Stay woke” dans un message public de soutien aux Pussy Riot [groupe de rock féministe russe dissident]. » Woke, comme « éveillé », un terme repris à l’envi pendant le mouvement #Blacklivesmatter en 2013. Le terme s’est déployé et désigne aujourd’hui le fait d’être conscient de toutes les formes d’inégalités, du racisme au sexisme en passant par les préoccupations environnementales. En somme, résume Martin Lagache, « le “woke” est le terme étendard de la bien-pensance libérale [au sens anglo-saxon] américaine de gauche. Est-ce que les Gilets jaunes sont woke ? Tout le monde peut être woke. »

Atout séduction

Le terme infuse irrésistiblement, y compris dans les replis de la vie privée. À telle enseigne qu’être « woke » peut même faire de vous un prince ou une princesse de l’amour. Il est désormais de bon ton, dans les pays anglo-saxons, de proclamer que l’on est un « woke bae », c’est-à-dire un(e) petit(e) ami(e) progressiste et averti(e) des injustices de notre triste monde. Pour certains, il ne s’agit plus de débusquer Mr Right, mais Mr Woke : une journaliste du Guardian relatait ainsi, en août dernier, sa recherche éperdue de ce nouveau spécimen hautement désirable dans un déchirant article titré « My search for Mr Woke : a dating diary. » La rédactrice confie gentiment aux lecteurs ses trucs et astuces pour draguer « woke ». À faire : prononcer des phrases comme « la pauvreté n’est pas de la faute des pauvres ». À éviter : la complainte du « on ne peut plus rien dire ». C’est noté.

Grande recycleuse devant l’éternel, la publicité ne pouvait rester immune aux charmes du « woke ». Avec la récente campagne Gillette, « We believe : The best men can be », galerie d’hommes qui expriment leur aversion du sexisme ordinaire, des violences faites aux femmes, du mansplaining, du harcèlement scolaire – en bref, de ce que la marque désigne comme « la masculinité toxique » –, n’atteindrait-on pas un sommet de « wokeité » ? Sans l’ombre d’un doute, selon Olivier et Hervé Bienaimé, directeurs de la création de 84.Paris : « Pour ce qui est du combat contre le machisme et le patriarcat, le message est ultra-positif. » Et archi-opportuniste, aussi ? « Gillette change tout à coup de braquet, après nous avoir vendu pendant des années le modèle de l’homme blanc musclé en pleine réussite sociale », soulignent les créatifs.

Plus engagé que le cool

C’est bien d’être éveillé. Mais trop le faire savoir, ne serait-ce pas suspect ? « Le cool était une attitude anti-mainstream, un peu rebelle mais farouchement individualiste, souligne Martin Lagache. Avec le “woke”, on se situe dans une posture plus engagée. Mais bien souvent, c’est plus une posture qu’autre chose. Et dans la plupart des cas, une posture paresseuse de valorisation personnelle… » Dans une tribune pour le New York Times titrée « The Problem With Wokeness », l’éditorialiste David Brooks pointe les dérives du phénomène : « Le plus grand danger de la “wokeness” extrême est qu’elle rend plus difficile de pratiquer la dextérité nécessaire à toute vie en société, c’est-à-dire la faculté à appréhender deux vérités dans le même temps. »
Marie Nossereau, directrice du planning stratégique de Publicis Sapient, affiche carrément de la défiance par rapport à tout ce qui se prétend « woke ». « Les gens qui se disent plus éveillés que les autres, ça a toujours existé. C’est assez méprisant, cela sous-entend que tous les autres dorment, sont aux mains des multinationales… Le terme “woke” m’évoque aussi le discours de l’Église de Scientologie, dont les adeptes se disent “clear” [clairs]. Selon moi, cela fait partie de la même dialectique, je n’aime pas trop ça. In fine, ça ne me paraît pas très clean. »

Un brin hypocrite

Pas clean, peut-être pas, mais hypocrite, sans doute un peu trop souvent. On revient à Gillette : « Dans les faits, la marque continue à vendre des rasoirs pour les femmes plus chers que les rasoirs pour les hommes… », grince Martin Lagache. Gillette, au passage, s’est félicitée publiquement d’avoir vu les ventes de ses rasoirs bondir après sa campagne… Les frères Bienaimé de l’agence 84.Paris rappellent quant à eux « le film “The Talk” de Procter & Gamble qui a raflé des tonnes de prix, pour une marque qui n’a pas vraiment été “woke” pendant des décennies. Une conscience éveillée, OK, si les produits suivent. »
Et si, malgré tout, l’éveil n’en était qu’à ses prémices ? La sociologue Irène Pereira et l’historienne Laurence De Cock ont publié en janvier un ouvrage, Les pédagogies critiques (Éd. Agone contre-feux), qui prône une éducation inspirée des travaux du pédagogue brésilien Paulo Freire et du pédagogue français Célestin Freinet. Il s’agirait non pas de préparer les élèves à devenir des bêtes à concours ou de futurs soldats des entreprises, mais plutôt de leur enseigner les rapports de domination qui régissent le monde pour mieux les réduire à néant. Pour une future génération woke ?

Voir enfin:

Against Moralistic Therapeutic Totalitarianism

 

I have received some of the best comments from readers about retired Catholic theologian Larry Chapp’s short essays, which I’ve published in this space. I was pleased to wake up this morning and find another one from him in my in-box. I count myself fortunate to be in a position of publishing them in this space.

Below is an essay Larry titles “The Collective Of Concupiscence.” In it, he pretty much sums up my take on the current political and social situation, though I have some post-election thoughts to add at the end. First, here’s Larry:

There is talk in some quarters of Oprah Winfrey running for President in 2020. My response to this is, why not? If Donald Trump can be President ­ a man whose only qualification for the job seems to be that he is a rich celebrity, then any rich celebrity can be President I guess.

What all of this probably points to, sadly, is how utterly exhausted and bankrupt our politics has become, with Americans by the millions turning away from the more experienced political insiders in favor of outsiders who promise us that they alone can provide the radical change that is needed. And everyone seems to agree that radical change is indeed needed, so long as “radical change” means ripping the Band-Aids off of everyone else’s scabs but mine. Radical change can also mean, rather simply, that you want the power that the ruling party possesses transferred to your party. Which is to say, no change at all, which is why you have to lie about it.

For example, in our last election, “Drain the swamp!” was the mantra of the Trump supporters. But did anyone really expect that the man we elected, a swamp creature if ever there were one, would be able to do this? And what, exactly, does one do with a drained swamp anyway? Probably sell it to developers who would build overpriced, poorly made, beige and boring condos, nicely accessorized with a strip mall complete with a Dunkin Donuts and a Vape shop. In other words, just a different kind of swamp. The Democrats prefer the fevered swamp of coercive governmental power, whereas the Republicans prefer the fetid swamp of corporate greed. So all we have really done is trade Lenin for Bezos.

Oh, I can hear people now… “Damn it Chapp, you are always so negative about politics and America. You have to live in the real world and the real world is never perfect!” If you are in that cloud of critics, then I can say to you that you are correct about one thing: nothing in this world is wholly perfect. But that does not mean that there aren’t degrees of imperfection. To deny this is to deny that there is such a thing as truth ­ ­– a truth that acts as the barometer for all of our actions, political or otherwise.

Therefore, my claim is this, a claim that you can take or leave as you see fit, but a claim I stand by with full conviction: the contemporary American socio­ economic­-political system is predicated in a foundational way on a profound and tragic falsehood. It is a false first principle shared by every major governmental and economic institution in this country and it stands in total contradiction to the Christian faith.

This false first principle can be stated simply and then its logical conclusions can be teased out as follows: God is irrelevant to the construction of government and our public life together, which is to say, God does not exist, which is to say, nothing spiritual or supernatural exists, which is to say that we are all purely material beings with no purpose or goal or end beyond the satisfaction of our individual desires, which is to say that pleasure (the satisfaction of our base desires) is more rooted in reality than happiness (the joy and peace that comes from pursuing the higher spiritual realities like the moral good). Indeed, according to this false principle, the spiritual dimension of life and the moral good are, at best, “noble lies,” and at worst repressive illusions ­­– repressive, since their pursuit often inhibits the attainment of pleasure.

The late Italian philosopher Augusto del Noce, building on this same insight (that our culture is founded on a false first principle: God does not matter), points out that the ruling philosophy that our culture has adopted as a replacement for God and religion is the philosophy known as “scientism”. In a nutshell, scientism is the belief that only the hard, empirical sciences give us access to truth. Everything else is an illusion. Therefore, when it comes to our common life together as a people ­ — a life that comes to be defined, regulated and controlled by government and corporate elites — there is only one form of reason that is “allowed in” as proper public discourse. And that is the language of science.

Furthermore, given our reduction of life to economics, what the elevation of science really means is the ascendency of “applied science” (technology) to pride of place. Every aspect of our social life thus comes under the purview of governmental control, and all culture and every form of reason becomes a function of politics. And this final step, the submission of culture to politics, is the very heart of totalitarianism. Only, in this case, it is not the totalitarianism of the Nazis or the Stalinists or the Maoists ­– ­brutal, bloody, and quite vulgar in its unsubtle use of blunt violence ­– but rather the much more seductive totalitarianism of techno-­nihilism, where our base bodily desires form what I call a “Collective of Concupiscence” which the government regulates, and the economy inflames.

Our future is thus most likely to be a dystopian one. But it won’t be the dystopia of the concentration camp. Rather, it will be Huxley’s Brave New World with a Disneyland aesthetic. Because… you know… “family values”.

You might think this is an exaggeration. I don’t think it is. It is the logical conclusion of scientism no matter what our elites might say about our bold new future. Because, despite what scientism’s popularizers (such as Carl Sagan and Richard Dawkins) might say in their more poetic moments when speaking about the “beauty” of the cosmos and of science, the fact is, if I am just an ape with a big brain, and an accidental byproduct of the cosmic chemistry of stardust remnants, then I really don’t give a shit about some gaseous blob, or even a vast number of “billions and billions” of gaseous blobs, ten million light years away; or the “fascinating” mating rituals of fruit bats; or the “poetry” of soil regeneration through dung beetle digestive cycles. In other words, when you are told endlessly that there is no meaning to existence, then guess what? You actually start to think that way. And then everything loses its flavor. Everything starts to taste like rice cakes.

Therefore, you cannot have it both ways. You cannot bleach divinity and Transcendence out of the cosmos and tell everyone that the whole affair is just an aimless and pointless accident, and then turn around and talk to us about the “moral necessity” of this or that urgent social cause. Why should I even care about the future of humanity itself? Why should I care about the ultimate destiny of ambulatory, bipedal, chemistry sets?

So really, it doesn’t matter who is in power … Democrats or Republicans, Trump or Oprah, and it does not matter if we place more emphasis on the government to solve our problems or free enterprise economics. Because our entire society operates according to the false premise I articulated above. In that sense we are all Marxists now, insofar as Marx’s controlling idea was the notion that the material world is all that exists and that economics drives everything.

And try as we might to deny that this materialistic view of existence is death to the higher functions of our soul, there is no escaping the fact that fewer and fewer people will devote themselves to higher pursuits, once the notions of God, Transcendence, purpose, meaning, the Good, and so on, are banished from our lexicon of acceptable ideas. We will increasingly privilege pleasure over happiness, which is to say, we will privilege opioids, techno gadgets, virtual reality stimulation, porn, and various other forms of addiction. We will be, if we aren’t already, a nation of addicts. Because if there is one thing we know about our bodily appetites it is that they are insatiable, requiring ever more of the same things to slake our rapacious desires. But partaking of the same thing, addictively, over and over and over, is boring. It crushes and kills the soul. And so what we will really end up with is not a society of liberated selves, but a society of bored, libidinous, pleasure addicts trending toward suicidal despair.

Furthermore, the fact of the matter is that we all share the same basic bodily appetites. It does not matter if you are rich or poor, gay or straight, fat or skinny, old or young, or what race you are, or your ethnicity, or your political party, or if you prefer the vapid and brain-dead banter of “Fox and Friends” over the vicious and pompous self­-importance of the moronic ladies on “The View”. Once you take away the idea that human nature has a spiritual side that, you know, “trends upward”, you are left with staring at your crotch or your gut or your veins. This is, of course, absolutely true, but we ignore the downward spiral of our culture into techno­pagan bacchanalia because our affluent elites, the poor dears, have confused despairing addiction and the “dark” view of life it spawns, with sophistication, and count as “enlightenment” a cultivated anti-intellectual stupidity.

I am struck, for example, by how many of the lead characters in shows made by Netflix or Amazon (especially detective shows) are depressive and “dark” souls, haunted by some hidden pain in their past that is the irritant in the oyster that creates the pearl of their genius. So far so good, since we all have hidden pain in our lives, and the various things we all suffer from really are, quite often, the genesis of much depth and creativity.

But these characters are different. They are nihilistic, often cruel, morally ambiguous, irreligious of course (duh), self­-destructive, and live as radically atomized, alienated and isolated individuals devoid of love or meaningful relationships. And if they do develop a relationship, it usually flounders on the shoals of the lead character’s unfathomably dark pain. Or worse, the love interest is killed off, with a hefty dose of complicit guilt on the part of the lead character, further adding to his or her morose self-­immolation. And all of this is portrayed as “sophisticated”. (There are exceptions of course, but this is just an anecdotal and subjective impression I have of many of these shows).

The irritating thing about all of this, of course, is that it is just so puerile and shallow, with little justification for its pretentious dismissal of “God” or “the Good”. And it is unbearably boring and drab. Is there anything more pitifully awful than being forced to listen to someone drone on and on about their “sexuality”?

By contrast, people only really become interesting when they differentiate themselves from one another, as true individuals, by cultivating the higher levels of the soul. And this is done in many ways, even still today, because the fact is we ARE spiritual beings and the spiritual dimension of our existence cannot be snuffed out. But those among us who still seek these things are becoming ever rarer and are being forced into ghettos or isolated enclaves of activity, and frequently branded as bigots because we adhere to traditional religious views about God and such things. It does appear, in other words, that the Collective of Concupiscence has fangs and claws, because at the end of the day, we are all “God haunted”, which is why members of the Collective view traditional religious believers as their tormentors

However, sadly, gradually the creative power of the majority of people is being perverted and bent to serve the needs of the emerging political and economic collective ­ ­– the Collective of Concupiscence ­ — wherein the true “liberation” of your “identity” can only come about when all of those institutions that represent the values of the Spirit are branded as oppressors. We WILL be liberated, and we WILL use government to enforce that liberation, and we WILL demand that the economy provide us with the means to enjoy the fruits of that liberation. Indeed, we will demand that the economy provide us with all of the gadgets and accouterments that we need to enhance our pleasures to unimaginable heights. Welcome to the wacky, upside down world of the new “sophistication”: mass ­produced individualism where radical “nonconformity” means all public and, increasingly, private speech, will be policed, looking for any sign that someone has breached the canons of non­conforming orthodoxy. So “individualism” here appears to mean its exact opposite.

But that is what you get in the Collective of Concupiscence. Somewhere Orwell is smiling.

Peter Maurin lived before all of this technological wizardry was real. But he lived in an age of totalitarianisms. And he was a thinking Catholic. Which means he had a deep prophetic insight into what was around the corner, so to speak. And just as Rod Dreher, in his wonderful book, The Benedict Option, calls orthodox Christians to a deeper awareness of the profoundly anti­ Christian challenges our culture is putting before us, so too did Peter Maurin warn us that the only way we will endure the coming storm of cultural barbarity is to form deeply intentional communities of Christian intellectual discourse, moral ecology, and liturgical practice. Not so that we can “escape” the world and shun our brothers and sisters who remain within it. But so that we can know ourselves better and come closer to God so as to be better able to serve our neighbor in love.

The members of the Collective of Concupiscence are not our “enemies”. Indeed, we are, if we are honest, infected with the same bacillus as everyone else. We are all in the Collective in one­ way or another. And so there is no question of abandoning the culture because that is, quite simply, neither desirable nor possible.

But we cannot drink from the same poisonous well and so we must cultivate new sources of “living water” in order to share it with everyone. And “everyone” means, literally, “everyone”. So please do not accuse me of “us vs. them” thinking. That kind of approach is not an option for a Christian. But if you do not “have” a Christian sensibility of the big questions of life, then by default you will “have” the template provided by our culture. I will end therefore with an old Latin phrase: “Nemo dat quod non habet”: You cannot give what you do not have.

Larry Chapp writes from the Dorothy Day Catholic Worker Farm in rural Pennyslvania that he runs with his wife, Carmina. You can visit the farm; follow the link for more information.

Larry’s essay made me reflect on why the only thing in politics that seriously engages my interest these days is the appointment of federal judges. I believe that the dystopia Larry Chapp envisions in this essay — this present dystopia, and the dystopia to come — is unstoppable in the short run. The question is only whether or not we will have a right-wing or a left-wing version of it. I care so much about federal judges because I see them as the only institution that can protect the rights of dissenters to be left alone in this new America.

Don’t get me wrong. Leaving aside the courts, it’s not a matter of total indifference whether or not there’s an R or a D sitting in the White House. Despite all his sins and failings, President Trump is not going to sic the Justice Department on Christian schools that fail to Celebrate Diversity — Or Else™. A Democratic president almost certainly would — and almost certainly will. As America secularizes, though — a process that includes professing Christians changing their minds on moral issues that conflict with liberalism — people will cease to understand why the trad holdouts believe what they believe, and do what they do. It is possible that there will be enough libertarian sentiment left in the country to leave us alone — but I very much doubt that. The only exterior protection we can rely on will be a federal judiciary, especially the Supreme Court — that holds strong First Amendment convictions about protecting religious minorities.

Some Benedict Option critics think they’re making a meaningful argument against it when they say some version of, “Ah ha, what do you think is going to happen to your little communities when the State decides they are a public danger, huh?” It’s a reasonable point, but a weak one. It is precisely when the State decides that traditional Christians are a danger to it that the Benedict Option is going to be most needed. But it is still needed up until that time — which may never come — because our faith is not being taken away from us by the State; it is being dissolved by the ambient culture. For example, Washington is not compelling Christian parents to let their children be absorbed by social media and catechized by the Internet.

I see getting good federal judges in place to be an entirely defensive political act, designed to gain more time for religious minorities to develop resilient practices and institutions capable of enduring what’s to come, and keeping the faith alive.

I also see nothing at all wrong with traditional Christians engaging in politics for other reasons. My only caution — and it’s a strong caution — is that they not fool themselves into thinking that by doing so, they are meaningfully addressing the most severe crisis upon us. Let me put it like this: in the Book of Daniel, the Hebrew captives Shadrach, Meshach, and Abednego served the King in high positions of state. You could say that they worked in politics, though they were outsiders. But when it came down to it, those men chose the prospect of martyrdom to the apostasy the King demanded of them. What practices did the three Hebrew men live by in their everyday lives as Jews in Babylon that gave them the presence of mind, and the strength, to choose God over Nebuchadnezzar? That’s the question that ought to be first on the minds of every traditional Christian thinking of going into public service. It’s the same with Sir Thomas More, who went to his martyrdom proclaiming that he was the King’s good servant — but God’s first.

One of the most important lines in Larry Chapp’s essay is his point that we traditional Christians “are infected with the same bacillus as everyone else.” It brought to mind the insufficiency of institutions and habits to protect us fully from the malaise of the broader culture. To be clear: these things are necessary, but not sufficient.

An example: at the Notre Dame conference, I spoke with an academic from a conservative Christian college. He told me that the student body there is quite conservative and observant. They are overwhelmingly pro-life. But they also do not understand at all what’s wrong with gay marriage. There are strong arguments from Scripture and from the authoritative Christian tradition, but these make no sense to them. Mind you, most of these young people were raised in optimal environments for the passing down of the faith and its teachings, and yet, on the key matter of the meaning of sex, marriage, and family, they … don’t get it.

I asked my interlocutor why. He shrugged, and said, “The culture is just too powerful.”

The problem with this is that in order to arrive at the point where one, as a Christian, rejects the Church’s teaching on the interrelated meaning of sex, marriage, and family, one has to reject both the authority of Scripture (and, for Catholics, the Church), and the anthropological core of Christianity — that is, the Biblical model of what man is. Ultimately, you have to reject traditional Christian metaphysics. I cover this all in my Sex and Sexuality chapter of The Benedict Option, but the heart of it is in this 2013 essay, “Sex After Christianity.” The gist of it is that the gay marriage revolution is really a cosmological revolution, and that to affirm gay marriage, as a Christian, means surrendering far more than many Christians think. It means, ultimately, that you see the world through the post-Christian culture’s template, not Christianity’s. What is likely happening with these young people is that they’re pro-life because they see the unborn child as a bearer of rights, including the right to life. And they’re not wrong! But that’s essentially a liberal position, one that is entirely amenable to gay marriage and the rest. The “bacillus” of materialism and radical individualism may find more resistance within the Body of Christ, but it still compromises its health.

Here’s another reason to be concerned, and to resist hoping in politics. It’s from an interview with Sir Roger Scruton:

How do current right-wing populist politics fit (or not) into your conception of conservative thought and conservative politics?

Well, I’m not a populist. I’m a believer in institutions. I think that institutions are the only guarantee we have of continuity and freedom. If you make direct appeals to the people all the time, the result is totally unstable and unpredictable, like the French Revolution. The revolutionaries made direct appeal to the people, and then discovered that they hated the people. So, they cut off their heads.

I believe [British