Regarde, et fais d’après le modèle qui t’est montré sur la montagne. Le Seigneur (Exode 25: 40)
En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne fait que ce qu’il voit faire au Père; et tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait pareillement. (…) Je ne puis rien faire de moi-même: selon que j’entends, je juge; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Jésus (Jean 5: 19-30)
Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. Jésus (Matthieu 5:48)
Je ne fais rien de moi-même, mais je parle selon ce que le Père m’a enseigné. Jésus (Jean 8: 28)
Je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait. Jésus (Jean 13: 15)
Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même.Jésus (Luc 10 : 35-37)
Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. Jésus (Matthieu 25: 40)
Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ. Saint Paul (I Corinthiens 11 : 1)
Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes.Jésus (Matthieu 7: 12)
Le roi d’Égypte parla aussi aux sages-femmes des Hébreux (…) Il leur dit: Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux (…), si c’est un garçon, faites-le mourir; si c’est une fille, laissez-la vivre. Un homme de la maison de Lévi avait pris pour femme une fille de Lévi. Cette femme devint enceinte et enfanta un fils. Elle vit qu’il était beau, et elle le cacha pendant trois mois. Ne pouvant plus le cacher, elle prit une caisse de jonc, qu’elle enduisit de bitume et de poix; elle y mit l’enfant, et le déposa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve. (…) La fille de Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, et ses compagnes se promenèrent le long du fleuve. Elle aperçut la caisse au milieu des roseaux, et elle envoya sa servante pour la prendre. Elle l’ouvrit, et vit l’enfant: c’était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié, et elle dit: C’est un enfant des Hébreux! (…) Quand il eut grandi, elle l’amena à la fille de Pharaon, et il fut pour elle comme un fils. Elle lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle, je l’ai retiré des eaux.Exode (1: 15 – 2: 1-10)
Jerry Siegel, un garçon intellectuellement et physiquement circoncis qui a ses sièges sociaux à New York, est l’inventeur d’une figure colorée dotée d’un physique impressionnant, d’un corps puissant et d’un maillot de bain rouge qui possède la capacité de voler à travers l’éther. L’inventif Israélite a baptisé ce type sympathique au corps surdéveloppé et à l’esprit sous-développé « Superman. » Il a clamé haut et fort le sens de la justice de ce Superman, parfait modèle pour la jeunesse américaine. Comme on peut le voir, il n’y a rien que les Sadducéens ne feront pour gagner de l’argent! (…) Une image finale triomphante montre Superman, le conquérant de la mort, s’invitant au siège des moulins à paroles de la Ligue des Nations à Genève. Bien que les règles de l’établissement interdisent probablement aux personnes vêtues de maillots de bain de participer à leurs discussions, Superman les ignore tout comme les autres lois de la physique, de la logique, et de la vie en général. Il apporte avec lui le méchant ennemi allemand ainsi que la Russie Soviétique. Certes, il vaudrait probablement mieux ignorer ces élucubrations de Jerry Israel Siegel, mais il y a une entourloupe. Les audacieux exploits de Superman sont ceux d’un doryphore. Il travaille dans l’obscurité, de manière incompréhensible. Il crie « Force ! Courage ! Justice! » aux désirs nobles des enfants américains. Au lieu de profiter de l’occasion pour encourager des vertus vraiment utiles, il sème la haine, le soupçon, le mal, la paresse, et la criminalité dans leurs jeunes coeurs (..) Jerry Siegellack pue. Malheur à la jeunesse américaine, qui doit vivre dans une atmosphère si empoisonnée et ne remarque même pas le poison qu’elle avale quotidiennement.Das Schwarze Korps (hebdomadaire des SS, le 25 avril, 1940)
C’est ainsi qu’une innocente souris peut cacher, dans son ombre, un grand fauve hitlérien. (…) L’esthétique de Brick Bradford est celle du music hall, femmes nues ou peu s’en faut, hommes non moins déshabillés, défilés de girls empanachées, baisers et étreintes partout, c’est le plus bas et le plus direct appel au sexe. Qu’on n’oublie pas que cette publication est lue par des enfants de huit à seize ans et qu’une telle littérature de style Folies-Bergères est de nature à compromettre leur formation et leur équilibre sexuel. Georges Sadoul (1938?)
Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. Exode 20: 17
Les envieux mourront, mais non jamais l’envie. Molière (Tartuffe, V, III)
Si le Décalogue consacre son commandement ultime à interdire le désir des biens du prochain, c’est parce qu’il reconnaît lucidement dans ce désir le responsable des violences interdites dans les quatre commandements qui le précèdent. Si on cessait de désirer les biens du prochain, on ne se rendrait jamais coupable ni de meurtre, ni d’adultère, ni de vol, ni de faux témoignage. Si le dixième commandement était respecté, il rendrait superflus les quatre commandements qui le précèdent. Au lieu de commencer par la cause et de poursuivre par les conséquences, comme ferait un exposé philosophique, le Décalogue suit l’ordre inverse. Il pare d’abord au plus pressé: pour écarter la violence, il interdit les actions violentes. Il se retourne ensuite vers la cause et découvre le désir inspiré par le prochain.René Girard
« Que celui qui se croit sans péché lui jette la première pierre ! » Pourquoi la première pierre ? Parce qu’elle est seule décisive. Celui qui la jette n’a personne à imiter. Rien de plus facile que d’imiter un exemple déjà donné. Donner soi-même l’exemple est tout autre chose. La foule est mimétiquement mobilisée, mais il lui reste un dernier seuil à franchir, celui de la violence réelle. Si quelqu’un jetait la première pierre, aussitôt les pierres pleuvraient. En attirant l’attention sur la première pierre, la parole de Jésus renforce cet obstacle ultime à la lapidation. Il donne aux meilleurs de cette foule le temps d’entendre sa parole et de s’examiner eux-mêmes. S’il est réel, cet examen ne peut manquer de découvrir le rapport circulaire de la victime et du bourreau. Le scandale qu’incarne cette femme à leurs yeux, ces hommes le portent déjà en eux-mêmes, et c’est pour s’en débarrasser qu’ils le projettent sur elle, d’autant plus aisément, bien sûr, qu’elle est vraiment coupable. Pour lapider une victime de bon coeur, il faut se croire différent d’elle, et la convergence mimétique, je le rappelle, s’accompagne d’une illusion de divergence. C’est la convergence réelle combinée avec l’illusion de divergence qui déclenche ce que Jésus cherche à prévenir, le mécanisme du bouc émissaire. La foule précède l’individu. Ne devient vraiment individu que celui qui, se détachant de la foule, échappe à l’unanimité violente. Tous ne sont pas capables d’autant d’initiative. Ceux qui en sont capables se détachent les premiers et, ce faisant, empêchent la lapidation. (…) A côté des temps individuels, donc, il y a toujours un temps social dans notre texte, mais il singe désormais les temps individuels, c’est le temps des modes et des engouements politiques, intellectuels, etc. Le temps reste ponctué par des mécanismes mimétiques. Sortir de la foule le premier, renoncer le premier à jeter des pierres, c’est prendre le risque d’en recevoir. La décision en sens inverse aurait été plus facile, car elle se situait dans le droit fil d’un emballement mimétique déjà amorcé. La première pierre est moins mimétique que les suivantes, mais elle n’en est pas moins portée par la vague de mimétisme qui a engendré la foule. Et les premiers à décider contre la lapidation ? Faut-il penser que chez eux au moins il n’y a aucune imitation ? Certainement pas. Même là il y en a, puisque c’est Jésus qui suggère à ces hommes d’agir comme ils le font. La décision contre la violence resterait impossible, nous dit le christianisme, sans cet Esprit divin qui s’appelle le Paraclet, c’est-à-dire, en grec ordinaire, « l’avocat de la défense » : c’est bien ici le rôle de Jésus lui-même. Il laisse d’ailleurs entendre qu’il est lui-même le premier Paraclet, le premier défenseur des victimes. Et il l’est surtout par la Passion qui est ici, bien sûr, sous-entendue. La théorie mimétique insiste sur le suivisme universel, sur l’impuissance des hommes à ne pas imiter les exemples les plus faciles, les plus suivis, parce que c’est cela qui prédomine dans toute société. Il ne faut pas en conclure qu’elle nie la liberté individuelle. En situant la décision véritable dans son contexte vrai, celui des contagions mimétiques partout présentes, cette théorie donne à ce qui n’est pas mécanique, et qui pourtant ne diffère pas du tout dans sa forme de ce qui l’est, un relief que la libre décision n’a pas chez les penseurs qui ont toujours la liberté à la bouche et de ce fait même, croyant l’exalter, la dévaluent complètement. Si on glorifie le décisif sans voir ce qui le rend très difficile, on ne sort jamais de la métaphysique la plus creuse. Même le renoncement au mimétisme violent ne peut pas se répandre sans se transformer en mécanisme social, en mimétisme aveugle. Il y a une lapidation à l’envers symétrique de la lapidation à l’endroit non dénuée de violence, elle aussi. C’est ce que montrent bien les parodies de notre temps. Tous ceux qui auraient jeté des pierres s’il s’était trouvé quelqu’un pour jeter la première sont mimétiquement amenés à n’en pas jeter. Pour la plupart d’entre eux, la vraie raison de la non-violence n’est pas la dure réflexion sur soi, le renoncement à la violence : c’est le mimétisme, comme d’habitude. Il y a toujours emballement mimétique dans une direction ou dans une autre. En s’engouffrant dans la direction déjà choisie par les premiers, les « mimic men » se félicitent de leur esprit de décision et de liberté. Il ne faut pas se leurrer. Dans une société qui ne lapide plus les femmes adultères, beaucoup d’hommes n’ont pas vraiment changé. La violence est moindre, mieux dissimulée, mais structurellement identique à ce qu’elle a toujours été. Il n’y a pas sortie authentique du mimétisme, mais soumission mimétique à une culture qui prône cette sortie. Dans toute aventure sociale, quelle qu’en soit la nature, la part d’individualisme authentique est forcément minime mais pas inexistante. Il ne faut pas oublier surtout que le mimétisme qui épargne les victimes est infiniment supérieur objectivement, moralement, à celui qui les tue à coups de pierres. Il faut laisser les fausses équivalences à Nietzsche et aux esthétismes décadents. Le récit de la femme adultère nous fait voir que des comportements sociaux identiques dans leur forme et même jusqu’à un certain point dans leur fond, puisqu’ils sont tous mimétiques, peuvent néanmoins différer les uns des autres à l’infini. La part de mécanisme et de liberté qu’ils comportent est infiniment variable. Mais cette inépuisable diversité ne prouve rien en faveur du nihilisme cognitif ; elle ne prouve pas que les comportements sont incomparables et inconnaissables. Tout ce que nous avons besoin de connaître pour résister aux automatismes sociaux, aux contagions mimétiques galopantes, est accessible à la connaissance. René Girard
Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour. (…) Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50) (…) Livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité. (…) Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants. (…) En même temps, le devoir du chrétien est de dénoncer le péché là où il se trouve. Le communisme a pu s’effondrer sans violence parce que le monde libre et le monde communiste avaient accepté de ne plus remettre en cause les frontières existantes ; à l’intérieur de ces frontières, des millions de chrétiens ont combattu sans violence pour la vérité, pour que la lumière soit faite sur le mensonge et la violence des régimes qui asservissaient leurs pays. Encore une fois, face au danger de mimétisme universel de la violence, vous n’avez qu’une réponse possible : le christianisme. René Girard
Des neurones qui stimulent en même temps, sont des neurones qui se lient ensemble. Règle de Hebb (1949)
Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui ! C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences ! (…) Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur. (…) et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. De toutes ces applications du désir mimétique, j’en suis venu à la théorie plus globale d’une « psychologie mimétique » – qui trouve également une vérification dans la découverte des neurones miroirs et leur rôle dans l’apprentissage. Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne aussi, ainsi, la formation du moi. En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement. Nous sommes des « moi du désir ». Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas ! Seulement voilà : le temps psychologique fonctionnant à l’inverse de celui de l’horloge, le moi s’imagine être possesseur de son désir, et s’étonne de voir le désir de l’autre se porter sur le même objet que lui. Il y a là deux points nodaux, qui rendent la psychologie mimétique scientifique, en étant aussi constants et universels que la gravitation l’est en physique : la revendication du moi de la propriété de son désir et celle de son antériorité sur celui de l’autre. Et comme la gravitation, qui permet aussi bien de construire des maisons que de faire voler des avions, toutes les figures de psychologie – normale ou pathologique – ne sont que des façons pour le sujet de faire aboutir ces deux revendications. On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre. (…) Boris Cyrulnik explique (…) que – souvent par défaut d’éducation et pour n’avoir pas été suffisamment regardé lui-même – l’être humain peut ne pas avoir d’empathie. Les neurones miroirs ne se développent pas, ou ils ne fonctionnent pas, et cela donne ce que Cyrulnik appelle un pervers. Je ne sais pas si c’est vrai, ça mérite une longue réflexion. (…) Ce rôle de la pression sociale est extraordinairement bien expliqué dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littel. Il montre qu’en fait, ce sont des modèles qui rivalisent : révolté dans un premier temps par le traitement réservé aux prisonniers, le personnage principal, officier SS, finit par renoncer devant l’impossibilité de changer les choses. Ses neurones miroirs sont tellement imprégnés du modèle SS qu’il perd sa sensibilité aux influences de ses propres perceptions, et notamment à la pitié. Il y a lutte entre deux influences, et les neurones miroirs du régime SS l’emportent. La cruauté envers les prisonniers devient finalement une habitude justifiée. Plutôt qu’une absence ou carence des neurones miroirs, cela indique peut-être simplement la force du mimétisme de groupe. Impossible de rester assis quand la « ola » emporte la foule autour de vous lors d’un match de football – même si vous n’aimez pas le foot ! Parce que tous vos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. De même, les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des auditeurs ou spectateurs. Et c’est encore la suggestion qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon. Il semblerait normal que les neurones miroirs soient dotés, comme les autres, d’une certaine plasticité. Ils agissent en tout cas tout au long de la vie. Et la pression du groupe n’a pas besoin d’être totalitaire : dans nos sociétés, c’est de façon « spontanée » que tout le monde fait la même chose.Jean-Michel Oughourlian
You might be a rock ‘n’ roll addict prancing on the stage You might have drugs at your command, women in a cage But you’re gonna have to serve somebody Well, it may be the devil or it may be the Lord But you’re gonna have to serve somebody … Bob Dylan
Among devoted conservatives, 97 percent believe that political correctness is a problem. Among traditional liberals, 61 percent do. Progressive activists are the only group that strongly backs political correctness: Only 30 percent see it as a problem. So what does this group look like? Compared with the rest of the (nationally representative) polling sample, progressive activists are much more likely to be rich, highly educated—and white. They are nearly twice as likely as the average to make more than $100,000 a year. They are nearly three times as likely to have a postgraduate degree. And while 12 percent of the overall sample in the study is African American, only 3 percent of progressive activists are. With the exception of the small tribe of devoted conservatives, progressive activists are the most racially homogeneous group in the country. Yascha Mounk
Contrary to western mythology, black resistance to American apartheid did not come purely through Ghandi and nonviolence .… Rather, slave revolts and self-defense and tactics otherwise divergent from Dr. King or Gandhi were equally important to preserving safety and attaining freedom. If we are to operate in true solidarity with the Palestinian people, we must allow Palestinian people the same range of opportunity and political possibility.If we are standing in solidarity with the Palestinian people, we must recognize the right of an occupied people to defend itself. We must prioritize peace, but we must not romanticize or fetishize it. We must advocate and promote nonviolence at every opportunity, but cannot endorse a narrow politics of respectability that shames Palestinians for resisting, for refusing to do nothing in the face of state violence and ethnic cleansing. We have an opportunity to not just offer solidarity in words but to commit to political action, grassroots action, local action, and international action that will give us what justice requires. And that is a free Palestine from the river to the sea.Marc Lamont Hill
Nous devons donner au peuple palestinien le même éventail d’opportunités et de possibilités politiques. Si nous sommes solidaires du peuple palestinien, nous devons reconnaître le droit d’un peuple occupé à se défendre. Nous devons défendre et promouvoir la non-violence chaque fois que l’occasion se présente, mais nous ne pouvons souscrire à une politique étroite de respectabilité qui fait honte aux Palestiniens qui résistent, qui refusent de faire quoi que ce soit face à la violence étatique et au nettoyage ethnique. (…) Nous avons l’occasion non seulement d’offrir notre solidarité en paroles, mais aussi de nous engager dans l’action politique, l’action à la base, l’action locale et l’action internationale qui nous donneront ce que la justice exige, à savoir une Palestine libre du fleuve à la mer.Marc Lamont Hill
Cette phrase n’était pas un appel à détruire quoi que ce soit ou qui que ce soit (…) Dans mon discours, j’ai parlé de la nécessité de revenir aux frontières d’avant 1967, de donner tous les droits aux citoyens palestiniens d’Israël et d’autoriser le droit au retour. Il ne s’agit en aucun cas d’un appel à la destruction d’Israël. C’est absurde en soi. Je soutiens la liberté de la Palestine. Je soutiens l’auto-détermination de la Palestine. Je suis profondément critique de la politique et des pratiques d’Israël. Je ne soutiens pas l’antisémitisme, l’assassinat de personnes juives, ou toutes les autres choses attribuées à mon discours. J’ai passé ma vie à combattre ces choses.Marc Lamont Hill
While social networking sites are powerful tools for building relationships, research has shown that certain social media features can adversely affect users. For instance, a study found that impersonal gestures such as the one-click ‘like’ communication may not promote user well-being. A particularly harmful byproduct of the ‘like’ button is found in the way social networking sites foster negative social comparisons. A review of research on the topic has found that social media use correlates with measurable increases in envy and depression. These feelings of envy can take two different forms: malicious envy and benign envy. Malicious envy involves resentment and a desire to harm the other person. Benign envy involves admiration and a desire to obtain what the other person possesses. One of the studies in the review involved 194 college-aged Facebook users in Germany. In this study, researchers found that ‘the closer the relationship, the more a Facebook user will experience benign envy.’ These digital showrooms allow people to present the best version of themselves for everyone else to see. Often, people use the number of likes to judge others and themselves. That little heart-shaped button becomes a publicly quantifiable measure of social support. According to this research, the ‘like’ button works as a ‘mechanism to compare oneself with others.’ The number of ‘likes,’ make social support quantifiable. It can then be easily viewed for making social comparisons. Daily Mail
Given that superheroes are an increasingly large and accessible part of our cultures, even if merely symbolically, we were interested in exploring their role in inspiring virtuous and meaningful lives. These experiments highlight how even the subtle activation of heroic constructs through visual images of superheroes may influence intentions to help as well as actual helping behaviour. Heroes loom large as exemplars of morality. They often embody virtues that we wish to express in our lives. If subtle images of heroes trigger such positive behaviors, their inspirational role may well have the potential to extend beyond the prosocial behaviors explored in this study. Jeffrey Green (Virginia Commonwealth University)
Being generous really does make people happier, according to research from an international team of experts. Neurons in an area of the brain associated with generosity activate neurons in the ventral striatum, which are associated with happiness, the study found. In the future, the team says it would be useful to explore the effects of real-life heroic figures as well, instead of just fictional superheroes. Different types of media, including talking or writing about a hero, may also influence a person’s prosocial inclinations. Daily Mail
Si Jésus ne parle jamais en termes d’interdits et toujours en termes de modèles et d’imitation, c’est parce qu’il tire jusqu’au bout la leçon du dixième commandement. Ce n’est pas par narcissisme qu’il nous recommande de l’imiter lui-même, c’est pour nous détourner des rivalités mimétiques. Sur quoi exactement l’imitation de Jésus-Christ doit-elle porter ? Ce ne peut pas être sur ses façons d’être ou ses habitudes personnelles : il n’est jamais question de cela dans les Evangiles. Jésus ne propose pas non plus une règle de vie ascétique au sens de Thomas a Kempis et de sa célèbre Imitation de Jésus-Christ, si admirable que soit cet ouvrage. Ce que Jésus nous invite à imiter c’est son propre désir, c’est l’élan qui le dirige lui, Jésus, vers le but qu’il s’est fixé : ressembler le plus possible à Dieu le Père. L’invitation à imiter le désir de Jésus peut sembler paradoxale car Jésus ne prétend pas posséder de désir propre, de désir « bien à lui ». Contrairement à ce que nous prétendons nous-mêmes, il ne prétend pas « être lui-même », il ne se flatte pas de « n’obéir qu’à son propre désir ». Son but est de devenir l’image parfaite de Dieu. Il consacre donc toutes ses forces à imiter ce Père. En nous invitant à l’imiter lui, il nous invite à imiter sa propre imitation. Loin d’être paradoxale, cette invitation est plus raisonnable que celle de nos gourous modernes. Ceux-ci nous invitent tous à faire le contraire de ce qu’ils font eux-mêmes, ou tout au moins prétendent faire. Chacun d’eux demande à ses disciples d’imiter en lui le grand homme qui n’imite personne. Jésus, tout au contraire, nous invite à faire ce qu’il fait lui-même, à devenir tout comme lui un imitateur de Dieu le Père. Pourquoi Jésus regarde-t-il le Père et lui-même comme les meilleurs modèles pour tous les hommes ? Parce que ni le Père ni le Fils ne désirent avidement, égoïstement. Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Il donne aux hommes sans compter, sans marquer entre eux la moindre différence. Il laisse les mauvaises herbes pousser avec les bonnes jusqu’au temps de la moisson. Si nous imitons le désintéressement divin, jamais le piège des rivalités mimétiques ne se refermera sur nous. C’est pourquoi Jésus dit aussi : « Demandez et l’on vous donnera… » Lorsque Jésus déclare que, loin d’abolir la Loi, il l’accomplit, il formule une conséquence logique de son enseignement. Le but de la Loi, c’est la paix entre les hommes. Jésus ne méprise jamais la Loi, même lorsqu’elle prend la forme des interdits. A la différence des penseurs modernes, il sait très bien que, pour empêcher les conflits, il faut commencer par les interdits. L’inconvénient des interdits, toutefois, c’est qu’ils ne jouent pas leur rôle de façon satisfaisante. Leur caractère surtout négatif, saint Paul l’a bien vu, chatouille en nous, forcément, la tendance mimétique à la transgression. La meilleure façon de prévenir la violence consiste non pas à interdire des objets, ou même le désir rivalitaire, comme fait le dixième commandement, mais à fournir aux hommes le modèle qui, au lieu de les entraîner dans les rivalités mimétiques, les en protégera. (…) Loin de surgir dans un univers exempt d’imitation, le commandement d’imiter Jésus s’adresse à des êtres pénétrés de mimétisme. Les non-chrétiens s’imaginent que, pour se convertir, il leur faudrait renoncer à une autonomie que tous les hommes possèdent naturellement, une autonomie dont Jésus voudrait les priver. En réalité, dès que nous imitons Jésus, nous nous découvrons imitateurs depuis toujours. Notre aspiration à l’autonomie nous agenouillait devant des êtres qui, même s’ils ne sont pas pires que nous, n’en sont pas moins de mauvais modèles en ceci que nous ne pouvons pas les imiter sans tomber avec eux dans le piège des rivalités inextricables. (…) Même si le mimétisme du désir humain est le grand responsable des violences qui nous accablent, il ne faut pas en conclure que le désir mimétique est mauvais. Si nos désirs n’étaient pas mimétiques, ils seraient à jamais fixés sur des objets prédéterminés, ils seraient une forme particulière d’instinct. Les hommes ne pourraient pas plus changer de désir que les vaches dans un pré. Sans désir mimétique il n’y aurait ni liberté ni humanité. Le désir mimétique est intrinsèquement bon. L’homme est cette créature qui a perdu une partie de son instinct animal pour accéder à ce qu’on appelle le désir. Une fois leurs besoins naturels assouvis, les hommes désirent intensément, mais ils ne savent pas exactement quoi car aucun instinct ne les guide. Ils n’ont pas de désir propre. Le propre du désir est de ne pas être propre. Pour désirer vraiment, nous devons recourir aux hommes qui nous entourent, nous devons leur emprunter leurs désirs. Cet emprunt se fait souvent sans que ni le prêteur ni l’emprunteur s’en aperçoivent. Ce n’est pas seulement leur désir qu’on emprunte à ceux qu’on prend pour modèles c’est une foule de comportements, d’attitudes, de savoirs, de préjugés, de préférences, etc., au sein desquels l’emprunt le plus lourd de conséquences, le désir, passe souvent inaperçu. La seule culture vraiment nôtre n’est pas celle où nous sommes nés, c’est la culture dont nous imitons les modèles à l’âge où notre puissance d’assimilation mimétique est la plus grande. Si leur désir n’était pas mimétique, si les enfants ne choisissaient pas pour modèles, forcément, les êtres humains qui les entourent, l’humanité n’aurait ni langage ni culture. Si le désir n’était pas mimétique, nous ne serions ouverts ni à l’humain ni au divin. C’est dans ce dernier domaine, nécessairement, que notre incertitude est la plus grande et notre besoin de modèles le plus intense.René Girard (Je vois Satan tomber comme l’éclair)
Après Harry Potter, devinez qui confirme René Girard ?
A l’heure où les apprentis-sorciers qui nous gouvernent …
N’ont de cesse de casser, au nom de l’ouverture à l’autre, tout ce qui nous restait de protections et de frontières …
Et pouvait encore nous retenir ensemble ou nous empêcher du moins de nous entre-tuer …
Où un universitaire américain et intervenant à CNN pousse la solidarité avec le peuple palestinien jusqu’à appeler en pleine session des Nations unies à rien de moins que la Solution finale …
Et au moment où la science confirme, comme accélérateurs d’envie, les effets potentiellement délétères de nos médias sociaux …
Voilà que l’on redécouvre, entre Superman et Spiderman, les vertus de la contemplation de ces nouvelles images pieuses et de ces nouvelles vies de saints …
Mais aussi comme l’avait magistralement théorisé le regretté René Girard …
Cette nécessité proprement humaine où nous sommes …
De nous trouver des modèles qui ne se transforment pas en rivaux …
Participants were exposed to images containing superheroes or neutral objects
They found people who saw superhero images were more likely to be prosocial
The effects applied to both intentions and their likelihood to help in tedious task
Cheyenne Macdonald
The Daily Mail
26 November 2018
Watching superhero movies just might help you become a better person.
A new study has found that exposure to superhero imagery, even in subtle forms, can inspire people to help others and engage in pro-social activities.
While the imagery wasn’t enough to reshape participants’ perception of their own purpose, the researchers found it did boost their helping intentions, which in turn caused some to feel their lives had more meaning.
Watching superhero movies just might help you become a better person. A new study has found that exposure to superhero imagery, even in subtle forms, can inspire people to help others and engage in pro-social activities. A still from the 2016 Superman film is pictured
‘Given that superheroes are an increasingly large and accessible part of our cultures, even if merely symbolically, we were interested in exploring their role in inspiring virtuous and meaningful lives,’ says Dr Jeffrey Green of the Virginia Commonwealth University.
‘Heroes come in many shapes and forms. Some are fictional and others are real-life role models.
‘We decided to study the effect of well-known fictional heroes, such as Superman or Spiderman, as people may tend to be more motivated to emulate behaviors where there is a little realism.’
More than 200 participants in the study were exposed to common household images which either contained superheroes or neutral objects, such as a bicycle.
Those who were primed with the superhero imagery reported they were more likely to partake in prosocial behaviors.
In a second experiment, participants were invited to actually help with a tedious experiment, rather than simply report their intentions.
And, the team found those who had been primed with a Superman poster were much more likely to help than those exposed to neutral imagery.
‘These experiments highlight how even the subtle activation of heroic constructs through visual images of superheroes may influence intentions to help as well as actual helping behaviour,’ Green says.
In the future, the team says it would be useful to explore the effects of real-life heroic figures as well, instead of just fictional superheroes.
Different types of media, including talking or writing about a hero, may also influence a person’s prosocial inclinations.
‘Heroes loom large as exemplars of morality,’ Green says.
‘They often embody virtues that we wish to express in our lives. If subtle images of heroes trigger such positive behaviors, their inspirational role may well have the potential to extend beyond the prosocial behaviors explored in this study.’
DOES GENEROSITY BRING HAPPINESS?
Being generous really does make people happier, according to research from an international team of experts.
Neurons in an area of the brain associated with generosity activate neurons in the ventral striatum, which are associated with happiness, the study found.
A group of 50 volunteers in Switzerland took part in a spending experiment, with each given 25 Swiss Francs (£20/$25) per week for four weeks.
As part of the experiment, participants performed an independent decision-making task, in which they could behave more or less generously while brain activity was measured using functional magnetic resonance imaging (fMRI).
They were asked to choose to give between three and 25 francs of their money as a present to a recipient different from those previously chosen.
The researchers found that participants who had committed to spending their endowment on others behaved more generously in the decision-making task.
They also discovered greater self-reported increases in happiness as compared to the control group.
The ‘like’ buttons on Facebook and Twitter are likely to cause malicious envy
Social media users use the ‘like’ button as a gauge of social support and when a post receives little recognition, it’s likely to heightens feelings of depression
People behind the platforms should be cognizant of how their design decisions – such as the like button – have real ‘ripple effects’ on society over time
A. Trevor Sutton
The Daily mail
27 November 2018
Jack Dorsey, Twitter’s founder and CEO, was recently reported to have questioned how the site ‘incentivizes people to want (the number of likes on their posts) to go up.’
He also said that ‘he was not a fan of the heart-shaped (‘like’) button and that Twitter would be getting rid of it ‘soon.’
Twitter has since released a statement indicating that there are no immediate plans to remove the ‘like’ button.
Whatever the future of Twitter’s ‘like’ button may be, as a scholar of social media and religion I’d argue that the cute little heart-shaped button on Twitter and Facebook is far more impactful than it appears.
Twitter is considering killing off the ‘like’ button on its platform. CEO Jack Dorsey has spoken out at length about how it may contribute to negative behavior on the site
WHY IS THE LIKE BUTTON EVIL?
Many studies have shown that the ‘like button’ on social media platforms has tangible effects on users’ mental health, leading to negative social comparisons.
In particular, the like button has been found to increase envy and depression.
The like button fuels two types of envy: benign envy and malicious envy.
Benign envy mostly concerns us comparing ourselves to other people and feeling jealous, while malicious envy results in not just jealousy, but also the desire to harm someone.
Researchers found that ‘the closer the relationship, the more a Facebook user will experience benign envy.’
The ‘like’ button is not there by accident.
Instead, this one-click feature exists as an intentional design decision.
Like most big tech companies, Twitter has an entire department dedicated to understanding users.
Every feature and font, based on their research, is there to maximize the overall user experience.
The design decisions furtively influence users’ feelings and behaviors.
Chris Nodder, a user experience researcher and the author of ‘Evil by Design,’ explains how designers must always ask the question: ‘How do we influence behavior through the medium of software?’
In other words, design decisions are made not only to improve a users’ experience but also influence their behaviors.
The ‘like’ button is one example.
While the heart-shaped button is seemingly only for expressing appreciation for the content of a social media post, researchers have determined that people use the button for many other reasons.
A team of researchers, for example, found that users in the United States often chose to like something for bonding purposes rather than simply liking the content.
Another study of Facebook users found that the ‘like’ button is used to maintain relationships with existing friends or to develop new relationships.
A team of researchers, for example, found that users in the United States often chose to like something for bonding purposes rather than simply liking the content. A study of Facebook users found the ‘like’ button is used to maintain relationships or to develop new ones
IS TWITTER KILLING OFF THE LIKE BUTTON?
Twitter could soon kill off the ‘Like’ button.
The social media giant said it’s in the ‘early stages’ of considering whether or not to remove the like button, which appears as a heart icon, as part of an overall redesign of the platform.
It comes after CEO Jack Dorsey reportedly said that he would get rid of the heart-shaped button ‘soon.’
Some have noted that Twitter may get rid of the like button and, in its place, emphasize the ‘Bookmark’ feature rolled out earlier this year.
Twitter has gradually introduced new features to its platform while phasing out others, as it works to improve the ‘health’ of its platform.
The firm continues to face big concerns around the proliferation of hate speech, harassment and other toxic user behavior on the site.
People may use the ‘like’ button as a way to publicly show closeness to another person, or even as an effort toward dating someone.
The point being that the ‘like’ button does far more than just express how much a person likes a particular picture or post.
Research has also shown that the ‘like’ button is not entirely harmless.
While social networking sites are powerful tools for building relationships, research has shown that certain social media features can adversely affect users.
For instance, a study found that impersonal gestures such as the one-click ‘like’ communication may not promote user well-being.
According to Facebook researcher Moira Burke and Robert Kraut, an emeritus professor at Carnegie Mellon University, ‘simply reading about friends, receiving text communication from weak ties, and receiving one-click communication did not affect well-being.’
On the other hand, more personal and direct communication such as a direct message or personalized comment can have an impact on user well-being.
A particularly harmful byproduct of the ‘like’ button is found in the way social networking sites foster negative social comparisons.
A review of research on the topic has found that social media use correlates with measurable increases in envy and depression.
These feelings of envy can take two different forms: malicious envy and benign envy.
Malicious envy involves resentment and a desire to harm the other person. Benign envy involves admiration and a desire to obtain what the other person possesses.
A byproduct of the ‘like’ button is found in the way social networking sites foster negative comparisons. Research has found social media is linked with increases in envy and depression
HOW CAN SOCIAL MEDIA HARM USERS’ HEALTH?
Twitter isn’t the first social media giant to look into how its platform affects users’ health.
Facebook admitted in December that the site could be damaging to people’s health if used the wrong way.
The company recommended that people use Facebook in an active, rather than passive, way, by communicating with friends, instead of just scrolling through their fee
Facebook said it consulted with social psychologists, social scientists and sociologists to determine that the site can be good for users’ well-being if used the right way
By interacting with people when you use Facebook, it can improve your well-being, according to the company.
The report came after a former Facebook executive Chamath Palihapitiya said Facebook ‘destroyed how society works’.
Facebook went on to say that while there were some downsides to social media, that by and large it has the potential for benefits if it’s used correctly.
In January, Facebook also acknowledged that social media can harm democracy.
One of the studies in the review involved 194 college-aged Facebook users in Germany.
In this study, researchers found that ‘the closer the relationship, the more a Facebook user will experience benign envy.’
These digital showrooms allow people to present the best version of themselves for everyone else to see.
Often, people use the number of likes to judge others and themselves.
That little heart-shaped button becomes a publicly quantifiable measure of social support.
According to this research, the ‘like’ button works as a ‘mechanism to compare oneself with others.’
The number of ‘likes,’ make social support quantifiable. It can then be easily viewed for making social comparisons.
Given the impact of social networking sites on the feelings and behaviors of billions of users, I believe there needs to be an ethical component to designing these technologies.
As Twitter is busy ‘rethinking everything,’ the company would do well to think about how the platform is shaping the feelings and behaviors of its users.
Michigan Tech humanities scholar Robert Johnson, in his book, ‘User-Centered Technology,’ writes how technologies have ‘ripple effects’ that ‘shape culture in defining ways.’
The same argument is true for social networking sites.
As such, every design feature – even that little heart-shaped button – must be carefully scrutinized.
Voir enfin:
Americans Strongly Dislike PC Culture
Youth isn’t a good proxy for support of political correctness, and race isn’t either.
The Atlantic
October 10, 2018
Yascha Mounk
On social media, the country seems to divide into two neat camps: Call them the woke and the resentful. Team Resentment is manned—pun very much intended—by people who are predominantly old and almost exclusively white. Team Woke is young, likely to be female, and predominantly black, brown, or Asian (though white “allies” do their dutiful part). These teams are roughly equal in number, and they disagree most vehemently, as well as most routinely, about the catchall known as political correctness.
Reality is nothing like this. As scholars Stephen Hawkins, Daniel Yudkin, Miriam Juan-Torres, and Tim Dixon argue in a report published Wednesday, “Hidden Tribes: A Study of America’s Polarized Landscape,” most Americans don’t fit into either of these camps. They also share more common ground than the daily fights on social media might suggest—including a general aversion to PC culture.
The study was written by More in Common, an organization founded in memory of Jo Cox, the British MP who was murdered in the run-up to the Brexit referendum. It is based on a nationally representative poll with 8,000 respondents, 30 one-hour interviews, and six focus groups conducted from December 2017 to September 2018.
If you look at what Americans have to say on issues such as immigration, the extent of white privilege, and the prevalence of sexual harassment, the authors argue, seven distinct clusters emerge: progressive activists, traditional liberals, passive liberals, the politically disengaged, moderates, traditional conservatives, and devoted conservatives.
According to the report, 25 percent of Americans are traditional or devoted conservatives, and their views are far outside the American mainstream. Some 8 percent of Americans are progressive activists, and their views are even less typical. By contrast, the two-thirds of Americans who don’t belong to either extreme constitute an “exhausted majority.” Their members “share a sense of fatigue with our polarized national conversation, a willingness to be flexible in their political viewpoints, and a lack of voice in the national conversation.”
Most members of the “exhausted majority,” and then some, dislike political correctness. Among the general population, a full 80 percent believe that “political correctness is a problem in our country.” Even young people are uncomfortable with it, including 74 percent ages 24 to 29, and 79 percent under age 24. On this particular issue, the woke are in a clear minority across all ages.
Youth isn’t a good proxy for support of political correctness—and it turns out race isn’t, either.
Whites are ever so slightly less likely than average to believe that political correctness is a problem in the country: 79 percent of them share this sentiment. Instead, it is Asians (82 percent), Hispanics (87 percent), and American Indians (88 percent) who are most likely to oppose political correctness. As one 40-year-old American Indian in Oklahoma said in his focus group, according to the report:
It seems like everyday you wake up something has changed … Do you say Jew? Or Jewish? Is it a black guy? African-American? … You are on your toes because you never know what to say. So political correctness in that sense is scary.
The one part of the standard narrative that the data partially affirm is that African Americans are most likely to support political correctness. But the difference between them and other groups is much smaller than generally supposed: Three quarters of African Americans oppose political correctness. This means that they are only four percentage points less likely than whites, and only five percentage points less likely than the average, to believe that political correctness is a problem.
If age and race do not predict support for political correctness, what does? Income and education.
While 83 percent of respondents who make less than $50,000 dislike political correctness, just 70 percent of those who make more than $100,000 are skeptical about it. And while 87 percent who have never attended college think that political correctness has grown to be a problem, only 66 percent of those with a postgraduate degree share that sentiment.
Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits, et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité. (…) Parmi quelques hommes excellents, il y en eut de faibles, de médiocres & de tout à fait mauvais. De là cette bigarrure dans l’ouvrage où l’on trouve une ébauche d’écolier, à côté d’un morceau de maître ; une sottise voisine d’une chose sublime, une page écrite avec force, pûreté, chaleur, jugement, raison, élégance au verso d’une page pauvre, mesquine, plate & misérable.Diderot
Imaginez un monde où chaque individu peut accéder gratuitement à la totalité des connaissances de l’humanité. C’est ce que nous voulons faire. Jimmy Wales
Consulter Wikipedia, c’est comme poser des questions à un type rencontré dans un bar. Vous pouvez tomber sur un physicien nucléaire ou… le premier cinglé venu!Paul Vallely
On n’avait pas connu une telle mobilisation, une telle émotion du monde instruit depuis L’Encyclopédie de D’Alembert et Diderot (1772), accusée elle aussi de déposséder les « maîtres » de leur pouvoir. Bruno Le Gendre
Wikipedia est une encyclopédie, et toutes les encyclopédies ont des limites intrinsèques. (…) Les encyclopédies « vous donnent les têtes de chapitre »; elles sont » le Reader’s Digest de la connaissance en profondeur « . Il y a cinquante ans, l’encyclopédie familiale offrait cette » notion brute de fonderie sur un nom ou une idée « ; désormais c’est Internet qui joue ce rôle et de plus en plus Wikipedia. (…) Mais faut-il reprocher à Wikipedia l’appétit pour de l’information prédigérée et préparée ou pour la tendance à croire que tout ce qu’on lit est vrai? Ce problème existait déjà à l’époque des encyclopédies familiales. Et une des solutions cruciales est restée la même: Prendre plus de temps à enseigner les limites de toutes les sources d’information, y compris Wikipedia, et à souligner les qualités d’analyse critique des sources primaires et secondaires. (…) Si les historiens croient que ce qu’on trouve gratuitement sur la Toile est de mauvaise qualité, alors nous avons la responsabilité de rendre de meilleures sources d’information disponibles en ligne. Pourquoi autant de nos revues universitaires sont-elles enfermées derrière les grilles de l’abonnement? Que dire de l’American National Biography Online—écrite par des historiens professionnels, soutenue par nos sociétés savantes, et avec des millions de dollars de subventions venant de fondations et de l’Etat? Pourquoi n’est-elle disponible qu’aux bibliothèques qui paient souvent des milliers de dollars par an, plutôt qu’à tout le monde sur la Toile comme l’est Wikipedia? Les historiens professionnels ne devraient-ils pas se joindre à la grande democratisation de l’accès au savoir que reflètent Wikipedia et l’Internet en général? (…) Pourrions-nous, par exemple, écrire à plusieurs mains un manuel d’histoire des EU qui serait en accès libre et gratuit pour tous nos étudiants ? Après tout, les deux douzaines de manuels en usage dans nos universités se recoupent massivement, aussi bien dans les contenus factuels que dans l’interprétation. Malgré tout, cela n’empêche pas chaque éditeur de demander aux auteurs de systématiquement repartir de zéro. Un manuel » libre » garantirait non seulement un accès libre à la lecture, mais il permettrait à chacun de contribuer librement à la rédaction. (…) Un enseignant qui n’apprécierait pas la présentation de la guerre de 1812 pourrait écrire une autre version, libre aux autres utilisateurs de l’intégrer ou non à l’ouvrage. De même, un professeur qui estimerait que l’histoire du Nouveau-Mexique au XIXe siècle occupe une place insuffisante pourrait proposer de compléter le chapitre. Roy Rosenzweig
J’aime Renaud sur certains chansons… pas toutes. Celle-là, je ne l’ai pas entendue, donc je ne peux pas vous dire si je l’aime ou pas. Nadine Morano
Déjà, en avril 2011, Nadine Morano, alors invitée de la matinale de Canal+ avait été interrogée sur le constructeur automobiles mais avait répondu à côté… (…) avant d’être reprise par la journaliste, estomaquée. Cette séquence avait animé les médias et les réseaux sociaux à l’époque. Cette fois, c’est la chaîne d’informations franceinfo qui a confondu le chanteur et le constructeur français. En plein sommaire, « Renault recrute 1000 CDI » s’inscrit sur l’écran, tandis que des images de Renaud sur scène sont projetées en arrière-plan. « Renault va embaucher mille personnes en CDI d’ici la fin de l’année. Le constructeur automobile a besoin de main d’oeuvre pour mener à bien ses nouveaux projets. Reportage à suivre dans l’usine de Sandouville » nous dit la journaliste avec aplomb. Un fail – signé du stagiaire de franceinfo ? – qui amuse la toile depuis plusieurs heures déjà... Charts in France
Zadig et Voltaire. C’est une leçon de vie et je m’y replonge d’ailleurs assez souvent. Frédéric Lefebvre
J’avoue sans aucun problème que je n’ai pas du tout le temps de lire depuis deux ans (…) Je lis beaucoup de notes, beaucoup de textes de loi, les nouvelles, les dépêches AFP mais je lis très peu.Fleur Pellerin
Je suis un peu scandalisée quand je lis certaines choses ! Ce n’est pas parce que j’ai dit que je lisais *moins* actuellement – et ça me semble naturel quand on travaille 16 heures par jour – qu’il y a deux ans où je lisais à peu près deux livres par semaine. Et j’entends dire que je suis inculte, je trouve ça proprement scandaleux ! Je n’ai aucune difficulté à le dire, j’ai toujours été une très grande lectrice, et donc faire ce procès je trouve ça absolument lamentable. Je ne vois pas très bien comment on peut s’autoriser à déformer mes propos : j’ai dit que je lisais *moins*, je n’ai pas dit que je ne lisais *pas*. J’ai lu beaucoup pendant mes vacances, je peux faire des fiches de lecture à ceux qui le souhaitent … Voilà, on n’est pas autorisé à raconter n’importe quoi.Fleur Pellerin
La nostalgie, et notamment la nostalgie de l’Algérie française, n’apportera rien de bon. Aujourd’hui, on a besoin de regarder l’avenir avec de l’optimisme et le Front national n’aime pas la France. Le Front national n’est pas un parti républicain, c’est rance, c’est triste. La France, elle a besoin d’optimisme et de regarder son histoire avec lucidité, mais elle a aussi besoin de regarder l’avenir. Je suis mobilisé parce que je ne veux pas que le Front national soit le premier parti de France.Manuel Valls
Nous sommes rentrés dans un monde de puissances, qui se développent à l’échelle planétaire, dans une forme de concurrence et un ordre qui reste à composer. L’Europe est face à un risque : celui de se démembrer par la lèpre nationaliste et d’être bousculée par des puissances extérieures. Et donc de perdre sa souveraineté. C’est-à-dire d’avoir sa sécurité qui dépende des choix américains et de ses changements, d’avoir une Chine de plus en plus présente sur les infrastructures essentielles, une Russie qui parfois est tentée par la manipulation, des grands intérêts financiers et des marchés qui dépassent parfois la place que les États peuvent prendre. (…) Je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres. Dans une Europe qui est divisée par les peurs, le repli nationaliste, les conséquences de la crise économique, on voit presque méthodiquement se réarticuler tout ce qui a rythmé la vie de l’Europe de l’après Première Guerre mondiale à la crise de 1929. Il faut l’avoir en tête, être lucide, savoir comment on y résiste. Emmanuel Macron
Les démons anciens resurgissent, prêts à accomplir leur œuvre de chaos et de mort: des idéologies nouvelles manipulent des religions, l’Histoire menace de reprendre son cours tragique.Emmanuel Macron
Le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme : le nationalisme en est la trahison. En disant ‘nos intérêts d’abord et qu’importent les autres !’, on gomme ce qu’une Nation a de plus précieux, ce qui la fait vivre : ses valeurs morales.Emmanuel Macron
Quand je regarde le monde où nous vivons, l’Europe est de plus en plus fracturée. Quand je regarde le monde où nous vivons, vous avez des puissances autoritaires qui réémergent et qui se réarment aux confins de l’Europe. Nous sommes basculés par les tentatives d’intrusion dans le cyberespace et l’intervention d’ailleurs dans notre vie démocratique de plusieurs… Nous nous devons nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des Etats-Unis d’Amérique. Quand je vois le président Trump annoncer il y a quelques semaines le fait qu’ils sortent d’un grand traité de désarmement, qui avait été pris je le rappelle après la crise des euromissiles, au milieu des années 80, qui avaient frappé l’Europe, qui en est la victime principale? L’Europe et sa sécurité. (…) Moi je crois dans un projet d’une Europe souveraine, d’une Europe puissante. On ne protégera pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne. Face à la Russie qui est à nos frontières et qui a montré qu’elle pouvait être menaçante. Moi, je veux construire un vrai dialogue de sécurité avec la Russie, qui est un pays que je respecte, qui est européen. Mais on doit avoir une Europe qui se défend, davantage seule, sans dépendre seulement des Etats-Unis, et de manière plus souveraine» Emmanuel Macron
Le président Macron vient de suggérer que l’Europe construise sa propre armée pour se protéger contre les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Très insultant mais peut-être que l’Europe devrait d’abord payer sa part à l’OTAN que les Etats-Unis subventionnent largement ! Donald Trump
On ne devrait jamais imiter Mitterrand. François Hollande n’est pas Tonton et Manuel Valls n’est pas Max Gallo. En 1983, l’historien, alors porte-parole du gouvernement, publiait à la fin du mois de juillet une tribune de très bonne facture dans Le Monde: «Les intellectuels, la politique et la modernité.» Il y déplorait l’abandon par la gauche de la bataille des idées et le silence des penseurs et des philosophes retirés «sur l’Aventin». Le 5 mars dernier, Manuel Valls lançait à son tour «Où sont les intellectuels? Où sont les grandes consciences de ce pays, les hommes, les femmes de culture qui doivent monter eux aussi au créneau? Où est la gauche?» C’est le même qui, pourtant, rejetait dans les rayons de l’enfer un essayiste, un romancier et un philosophe dont les œuvres cristallisent une large partie des angoisses contemporaines et qui à eux trois vendent des centaines de milliers de livres. Le Suicide français, d’Éric Zemmour, selon Manuel Valls, ne méritait pas d’être lu. La France ça n’est pas «celle de Houellebecq» a-t-il affirmé. Enfin, il s’est embrouillé dans ses fiches, sur Europe 1, en estampillant, malgré lui, Bernard-Henri Lévy comme penseur officiel du régime et en tatouant sur le bras de Michel Onfray le signe infâmant de l’extrême droite. Si l’on comprend bien le premier ministre, le silence des intellectuels est révoltant quand ils sont issus de la gauche morale mais impératif quand ils ont emprunté d’autres chemins. Pour savoir qui doit parler et qui doit se taire, s’adresser à l’hôtel Matignon. Cette approche enfantine illustre la place qu’ont véritablement les intellectuels dans l’esprit du gouvernement (et disons-le de la plus grande part de la droite): des pions noirs ou blancs que des communicants, plus ou moins incultes, placent sur le damier. L’ouvrage de François Bazin,Les Ombres d’un président (Plon),détaille avec cruauté cette paresse et cette indifférence chez François Hollande. La littérature et la vie de l’esprit établissent pourtant des liens indestructibles entre l’homme public et la population. Plus encore que la séance du marché le samedi matin, la lecture de Balzac expose toutes les nuances de l’âme humaine et de l’ambition, celle de Proust des vanités sociales et des intermittences du cœur. Les Particules élémentaires ou Soumission offrent un tableau de la classe moyenne que les sociologues mettront dix ans à établir dans leurs rapports. Mais ceux qui nous gouvernent ou souhaiteraient le faire considèrent le livre comme un meuble. L’ornement secondaire d’une ambition accomplie. Le chef de l’État assume son ignorance et se fait prendre en photo, sourire ravi, avec L’Histoire de France pour les Nuls. Manuel Valls ne sait pas qui est Hélie de Saint Marc, Fleur Pellerin se fout de Modiano, Frédéric Lefebvre confond Zadig et Voltaire, Nicolas Sarkozy s’est longtemps demandé à quoi pouvait bien servir La Princesse de Clèves. Les journalistes, reconnaissons-le, ne sont pas en reste. Ils classent eux aussi les auteurs chez les blancs ou chez les noirs sans même prendre la peine d’ouvrir leur livre. Christophe Guilluy, géographe de gauche qui ne cesse d’essai en essai d’établir les causes de la dérive identitaire, est qualifié de «pousse» de la droite la plus réactionnaire. L’auteur de L’Insécurité culturelle, Laurent Bouvet, alerte la gauche sur ses impensés: il est renvoyé sur l’autre rive parce qu’il a osé évoquer la crise de l’intégration. L’œuvre d’Alain Finkielkraut, maître de l’inquiétude et de la nuance, est réduite au rang de tract pour le Front national. Leurs noms remplissent les listes noires. Contre eux, le lexique olfactif, «rance», «moisi», est exploité jusqu’à la nausée. Tous sont coupables du même crime: plutôt que de peindre une surréalité heureuse, ils livrent par fragments les peurs et les espérances de l’inconscient collectif. En un mot, ils appellent un chat, un chat. Ce que les sondeurs voient venir, à la veille des élections départementales, ils l’annoncent et le déplorent depuis des années. Ils ne se sont pas contentés de publier des essais et d’attendre «sur l’Aventin». Ils supportent les ricanements, les couleurs criardes des studios de télévision, les comiques pas drôles, les critiques jaloux. En vain. Certes, les politiques les reçoivent, les écoutent, les raccompagnent, leur tapotent l’épaule, mais l’idée ne leur est pas encore venue de jeter un œil sur leurs livres. Pas le temps: le rappeur Joey Starr, fondateur de l’inoubliable Nique ta mère, vient dîner à l’Élysée. Vincent Tremolet de Villers
Dans le passé, le patriotisme a été souvent compris comme défense de la liberté politique, qu’il s’agisse de la liberté d’une nation ou d’une autre entité, une cité, une ville, un royaume, une province. Il était classique d’opposer Pétain et De Gaulle sur ce point: le patriotisme du Général De Gaulle l’a conduit à la résistance, alors que le nationalisme du Maréchal Pétain l’a poussé au contraire à la collaboration avec l’Allemagne nazie. Cette opposition, valable pour l’époque, n’est plus très évidente dans le contexte actuel. Le souverainisme n’est pas fasciste par nature, la liberté politique prend parfois un chemin nationaliste, comme on l’a vu à chaque phase de décolonisation ou de fin d’un empire. L’éclatement de l’Union soviétique en plusieurs États-nations en est l’exemple le plus récent. Dans les années 20, De Gaulle avait douté de l’efficacité du Traité de Versailles, aujourd’hui exagérément tenu pour responsable de tous les maux du siècle, parce que, selon le général inquiet, il n’offrait pas assez de garanties contre une remilitarisation de l’Allemagne. L’avenir ne lui a pas donné tort. Aujourd’hui une telle analyse serait probablement qualifiée de nationaliste et non de patriotique. Dans un autre registre, De Gaulle, dirigeant une France active dans le Marché Commun européen de l’époque, n’hésitait pas à utiliser la politique de la «chaise vide» ou des rapports de force. Il semble que ces positions sont nationalistes, tout au moins si l’on suit la définition suggérée par le président Macron dans son discours: «nos intérêts d’abord et qu’importent les autres!» L’opposition entre patriotisme et nationalisme n’est pas nouvelle chez les présidents français: De Gaulle se considérait uniquement comme patriote et rejetait le terme «nationaliste» sur les pétainistes. Quant à Mitterrand, il déclarait d’une part devant le Parlement européen en janvier 1995: «le nationalisme, c’est la guerre!» et parlait quelques mois plus tard, le 8 mai 1995 à Berlin, du patriotisme des soldats allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit, remarquons-le, du «patriotisme» des soldats d’Hitler et d’une armée qui a combattu jusqu’au bout, même quand la guerre était évidemment perdue. Quelle liberté défendaient-ils? Le nationalisme non-violent proclamé et pratiqué par Gandhi apparaît préférable au supposé patriotisme des soldats allemands des années 40. Emmanuel Macron a utilisé cette opposition entre patriotisme et nationalisme devant 70 chefs d’État du monde entier qui parlent des dizaines de langues différentes. Cela pose un vrai problème de traduction. Toutes les langues ne font pas une telle distinction entre «patriotisme» et «nationalisme». Il aurait au moins fallu préciser en quoi le patriotisme se distinguait du nationalisme, ce qui dans de nombreuses langues oblige à distinguer deux sortes de nationalisme. Quant au patriotisme, n’est-il que politique? Une mesure protectionniste, par exemple, est-elle nationaliste ou patriotique? Autre exemple: la défense d’une langue, est-ce nationaliste ou patriotique? Le but du président, si l’on adopte un point de vue plus mondial que provincial dans l’usage des mots, revenait à faire la différence entre un «bon» et un «mauvais» nationalisme, et à faire entrer les dirigeants de certains pays (suivez mon regard…) dans la case des mauvais. (…) Si l’on écoute le discours de Macron avec des oreilles d’historien, ce qu’il tente de faire, c’est de «dégermaniser» ces deux conflits, en attribuant toute la responsabilité à des passions nationalistes très générales, très vagues. On oublie au passage les rivalités entre l’Allemagne et les autres empires coloniaux, en premier lieu le Royaume-Uni et la France. On met Angela Merkel au centre de la cérémonie et «en même temps», on relègue dans l’ombre les Britanniques. Le Brexit a-t-il un rapport avec la Guerre de 14? Pour expliquer sérieusement la Première Guerre et ses atrocités, il faut au minimum parler des nationalismes et des impérialismes. Au pluriel! Quant à la Seconde Guerre mondiale, dans cette perspective, elle se trouve également dégermanisée, présentée comme moment du nazisme, du totalitarisme, apogée du fascisme. Les situations nationales historiques deviennent secondaires au regard de la possibilité du fascisme à toute époque, en tout lieu. Hitler est vu comme un dictateur antisémite à la tête d’un totalitarisme concentrationnaire. Toute continuité avec les politiques de Bismarck ou de Stresemann a disparu. La volonté politique de revanche dans les années 30 n’était pourtant pas le monopole des nazis. Et la rivalité avec le communisme stalinien pour la suprématie mondiale semble n’avoir joué aucun rôle dans la constitution du nazisme comme totalitarisme. C’est pourtant lui qui donnait certains éléments du modèle totalitaire, et non les passions nationalistes ou patriotiques du début du siècle. Dans les millions d’exemplaires de Mein Kampf vendus avant 1933, les thèmes racistes, conspirationnistes et exterminateurs, très nouveaux, voisinent avec la reprise d’une politique de militarisme et d’expansion bien antérieure au nazisme. Et puis il y a des causes imputables aux démocraties européennes et au stalinisme. La France a agi à contretemps: l’intransigeance de Poincaré au début des années 20 n’a pas aidé l’Allemagne de Weimar. Après 1925 c’est l’erreur inverse, et c’est quand l’Allemagne devient revancharde que Briand fait une politique de compromis dépourvue de fermeté. Pire, Staline renvoie dos à dos sociaux-démocrates et nazis, contribuant ainsi à la victoire de ces derniers aux élections de 1933. Il signe un pacte germano-soviétique quelques années plus tard. Toutes ces erreurs à répétition sont une des causes de la guerre de 40. (…) Le monde d’aujourd’hui est tellement différent de celui des années 30! L’économie s’est mondialisée, globalisée, l’Union européenne existe, de nouvelles tensions religieuses sont apparues. (…) Ce genre de comparaison est largement contre-productif. Cela ne permet pas d’identifier les causes spécifiques de la poussée des nationalismes actuels, qui sont entre autres choses, un mouvement de défense économique et d’inquiétude ethnoculturelle. Le nationalisme des années 30 était, au contraire, un nationalisme de conquête et entraînait une compétition aux conséquences impérialistes. Le nationalisme contemporain veut protéger ses frontières, celui des années 30 les franchissait par la force et la guerre. Il existe plusieurs types de nationalismes, comme il existe plusieurs types de démocraties, plusieurs catégories de dictatures, plusieurs sortes d’économie de marché… Le nationalisme de Gandhi n’est pas le nationalisme de Bismarck et celui de Franco n’est pas celui de Mandela. Certains nationalismes sont fascistes et d’autres démocratiques. Si le nationalisme d’aujourd’hui était vraiment celui des années 30, alors cela signifierait l’imminence d’un totalitarisme ou de la dictature sous sa forme la plus brutale. Notons au passage que l’impact du communisme soviétique dans l’Europe des années 30 est toujours oublié ou gommé dans les raccourcis historiques qu’on nous propose. Emmanuel Macron semble faire la critique d’un nationalisme illibéral, qui refuse les droits de l’homme et s’oppose à la démocratie. Le nationalisme qui perce aujourd’hui en Europe ou dans le monde (aux États-Unis, au Royaume-Uni par exemple) s’appuie sur des procédures démocratiques (élections, référendums) et se manifeste comme réaction face aux changements économiques, sociaux et culturels. Qu’est-ce qui doit définir le nationalisme aujourd’hui? Trump ou Poutine? Erdogan ou Bolsonaro? Le Brexit ou le souverainisme écossais? On voit bien qu’une réponse unique est absurde. Se protéger n’est pas toujours méprisable et la compétition sans fin, sans limite, sans frontière n’améliore pas toujours la qualité de la vie. Il faut donc se méfier des oppositions binaires trop creuses, telles qu’«ouvert/fermé», «repli/diversité». S’il ne s’agit pas de propagande, il s’agit au minimum de simplification, non exempte d’intérêts matériels bien cachés. Le capitalisme contemporain s’est paré d’un vernis d’ouverture. Comme si l’ouverture des marchés était le seul véritable cosmopolitisme. Sans parler des dégâts écologiques et toxicologiques induits. Limiter les pires effets du commerce mondialisé n’est ni nationaliste, ni patriotique. Seuls ceux qui s’opposent à toute limitation ont intérêt à les qualifier ainsi.Gil Delannoi
D’un pacifisme à l’autre. En quelques jours, Emmanuel Macron est passé d’Angela Merkel à Philippe Pétain. Il y a une semaine, il voulait un 11 novembre civil, voué à célébrer l’amitié-franco-allemande et voilà qu’il nous ressort le père de la Collaboration. Lui qui, il y a quelques jours encore, prétendait escamoter le souvenir de l’affrontement militaire, pour ne pas fâcher nos amis allemands avec ces sombres rappels, craint aujourd’hui qu’on efface les faits d’armes du vainqueur de Verdun. Entretemps, le président a sans doute remarqué que, dans les rangs de l’armée, l’idée de démilitariser la mémoire de la guerre n’avait pas le succès escompté. Sans doute a-t-il cru se rattraper avec cet hommage aux maréchaux, y compris au moins sortable d’entre eux. Croire que l’on peut câliner les militaires en honorant (même entre autres) celui qui a trahi la patrie qu’ils servent, c’est au minimum désinvolte et au pire insultant. Ce grand écart prouve bien, si besoin était, que la mémoire n’obéit pas aux lois de l’histoire. L’histoire recherche (avec plus ou moins de bonheur) la vérité. La mémoire choisit, hiérarchise, promeut, sacralise ou oublie. En l’occurrence, elle n’a pas très bien choisi. Depuis qu’a éclaté cette nouvelle affaire Pétain, les défenseurs du président se drapent dans la vérité historique et accusent leurs contradicteurs de céder à l’injonction du politiquement correct. Une belle entourloupe. Nul ne conteste que Pétain fut un des artisans de la drôle de victoire de 1918, ni que c’est ce passé qui lui a permis, en 1940, d’accéder à la direction du pays. S’il y a discussion, c’est en réalité, sur le Pétain de 1940, en particulier depuis qu’Eric Zemmour a remis au goût du jour la thèse du glaive et du bouclier. Du reste, aucune discussion ne devrait être interdite quant à l’histoire et son interprétation. Il n’y a pas d’histoire officielle – fût-elle écrite par Paxton. En revanche, il y a bel et bien une mémoire officielle. Et Emmanuel Macron n’est pas prof d’histoire, il est le médiateur privilégié de cette mémoire. « Le futur n’efface pas le passé », affirme l’historien Michel Goya dans Le Figaro. Personne ne veut effacer le passé. Mais le président ne s’est pas contenté de rappeler factuellement la contribution de Pétain à la Grande guerre, ce qui aurait été parfaitement acceptable, il a déclaré qu’il était légitime de l’honorer. Même si on sait qu’il n’a voulu honorer que le vainqueur de Verdun, cette position est difficilement tenable. Simone Veil serait-elle au Panthéon si elle avait tué ou volé ? Sans doute que non. Une vie humaine ne se découpe pas en tranches aussi aisément. Ajoutons qu’aujourd’hui, n’importe quel grand homme suspecté d’avoir troussé trop de jupons serait décrété inéligible à l’hommage de la nation – à l’exception de Johnny Hallyday, mais lui, c’était un artiste… Philippe Pétain a été condamné à l’indignité nationale et, comme me l’apprend l’excellent Jean-Baptiste Roques, de la web-télé La France libre, la première mesure de ses geôliers, après sa condamnation, a été de le priver de son uniforme. Le 15 août 1945, Philippe Pétain a cessé d’être un soldat. Il appartient à l’histoire de l’armée française – car on ne peut pas réécrire l’histoire – pas à sa mémoire. Il en a été effacé au nom du peuple français. Emmanuel Macron n’a pas le pouvoir de l’y réintégrer. Macron (…) voulait-il adresser un clin d’œil au parti zemmourien – non pas que celui-ci soit pétainiste dans l’âme mais parce que beaucoup, en son sein, considèrent que le fait de ne pas partager l’opinion générale au sujet du maréchal (ça il paraît qu’il l’est toujours car maréchal n’est pas un titre militaire) est le comble de l’insolence ? Peut-être a-t-il simplement fait une gaffe. On nous bassine depuis des jours avec son « itinérance mémorielle » – qui a donc inventé un truc aussi ridicule ? On imaginait que des tas de conseillers avaient planché sur le contenu, voire qu’ils s’étaient interrogés sur le traitement à réserver au cas Pétain. Que le président, sur un sujet aussi épineux, se contente d’improviser, c’est un peu fâcheux. (…) Mais pour nombre de lecteurs de Zemmour, comme chez beaucoup de dieudonnistes, agiter le nom de Pétain est d’abord l’une des mille façons d’épater le bourgeois. (…) Ce qui rend la bourde d’Emmanuel Macron passablement agaçante, c’est que, jusque-là, il était un anti-pétainiste de choc, qui multipliait les allusions lourdingues sur le retour des années 30, suivez mon regard. Traquant les miasmes des heures les plus sombres chez ses adversaires populistes, il se campait volontiers en Saint Georges terrassant la nouvelle bête immonde. Et il est vraisemblable qu’il recommencera dès que le 11 novembre sera derrière lui et qu’il entrera en campagne pour les européennes. En somme, Macron voit du pétainisme partout, sauf sur la tombe de Pétain. Reste que la magie qui lui a permis de faire passer son incohérence idéologique pour la pratique du consensuel « en même temps » a cessé d’opérer. « Une cuillère pour Zemmour, une cuillère pour Plenel » (ou en l’occurrence pour Raphaël Glucksmann, nouvel espoir de la gauche), ça ne marche pas. Ça veut juste dire que le président nous prend pour des billes.Elisabeth Lévy
Avant, les spécialistes réputés rechignaient à collaborer avec nous ; aujourd’hui, ce sont eux qui nous sollicitent. Vincent Barbare
Souvenez-vous, cet été, François Hollande en train de lire L’Histoire de France pour les Nuls, pendant ses vacances dans le sud de la France… La photo n’est pas passée inaperçue. « Même Hollande s’y est mis », clamait un article du Nouvel Observateur sur le succès de ce titre, sorti fin 2004 aux Éditions First et vendu, à ce jour, à 430 000 exemplaires. Les Guignols en ont fait leurs choux gras, exhibant la marionnette du premier secrétaire du PS le livre entre les mains ! Une consécration pour l’auteur, Jean-Joseph Julaud, 56 ans, prof d’histoire-géo et de français pendant trente ans dans un collège de Conquereuil (Loire-Atlantique), qui a signé ensuite La Littérature française pour les Nuls et qui vient récemment de rempiler avec La Géographie française pour les Nuls. Il revient de loin, lui dont les élites ont longtemps boudé l’entreprise, sa typographie, son ton potache, et cette façon de prendre constamment le lecteur par la main. For Dummies est né aux États-Unis en 1993 à l’initiative d’un jeune informaticien soucieux de rendre la micro-informatique intelligible aux néophytes. Gros succès, des licences dans le monde entier, du Para Totos portugais au Per Negati italien, et déjà 150 millions d’exemplaires écoulés. Quelques variantes sur le jardinage, le tricot, la santé et le bien-être. Les Éditions First, fondées en 1992, sont justement sur ce créneau. Pourquoi ne pas l’élargir à d’autres domaines de la connaissance, réputés moins accessibles ? « Puisque le concept marchait si bien pour l’informatique, qui représente toujours un quart des ventes de la collection, nous avons eu l’idée de le décliner sur d’autres thèmes, avec des créations spécifiquement françaises », explique Vincent Barbare, PDG des Éditions First pour la France. Au début, l’éditeur américain est sceptique mais La Bible pour les Nuls, qui paraît en 2003 et se vendra à quelque 35 000 exemplaires, le convainc de laisser le champ libre à sa licence française. Laquelle, depuis, a enfoncé le clou, multipliant son chiffre d’affaires par quinze en dix ans (40 millions d’euros en 2006) avec la philosophie (60 000 exemplaires vendus), la mythologie, l’histoire de l’art, la culture générale, l’Égypte ancienne, l’opéra, la franc-maçonnerie, sans oublier la chanson française, dernier ouvrage paru (…) Du reste, bon nombre d’enseignants ont été séduits par la formule, même s’il reste quelques sceptiques. En tout cas, aujourd’hui, les auteurs se bousculent au portillon (…) Avis à François Hollande : un titre sur la politique française est en préparation… Le Figaro
Et si Emmanuel Macron se mettait à L’Histoire pour les nuls ?
A l’heure où, de François Lefebvre à Nadine Morano ou de Manuel Valls à Fleur Pellerin …
Les lapsus ou rares accents de vérité de nos responsables politiques surmenés sur leurs ignorances respectives font les choux gras de nos médias en panne de contenu …
Et où entre une variation sur lexique olfactif du « rance » ou du « moisi …
Un lamento sur « les heures les plus sombres de notre histoire », « le retour des années 30 » ou « la lèpre nationaliste » …
Un appel aux armes à l’Europe contre les cyberattaques russes et chinoises comme américaines …
Ou une leçon d’histoire publique à son principal invité au centenaire même du premier, sans compter les 50 ans de bouclier nucléaire contre l’ours communiste, de ses deux sauvetages du Vieux continent …
Au moment même où se vérifie presque quotidiennement dans la rue …
Les avertissements d’un Finkielkraut à un Zemmour ou d’un Houellbecq à un Guilluy …
Et sans compter les pestiférés de la famille Le Pen …
Des lanceurs d’alerte longtemps voués aux gémonies sur la colère du peuple qui montait …
Comment ne pas regretter …
Cette étrange suspicion qui semble s’attacher après le cas, on s’en souvient, de l’encyclopédie collaborative Wikipedia …
A une étonnante et méritante entreprise de vulgarisation …
Qui née aux États-Unis sous le titre de For Dummies mais écrite à l’heure des premiers balbutiements de la micro-informatique voilà 25 ans par des spécialistes à l’instar du jeune informaticien Dan Gookin qui en fut à l’initiative …
Se décline depuis dans tous les domaines et la plupart des grandes langues de la planète …
Et qui avec L’Histoire de France pour les nuls …
Et ses plus de 400 000 titres vendus et l’aide bien involontaire d’un autre président français …
A produit le best-seller non-anglophone absolu de la célèbre collection aux bandes noire et jaune ?
SOUVENEZ-VOUS, cet été, François Hollande en train de lire L’Histoire de France pour les Nuls, pendant ses vacances dans le sud de la France… La photo n’est pas passée inaperçue. « Même Hollande s’y est mis », clamait un article du Nouvel Observateur sur le succès de ce titre, sorti fin 2004 aux Éditions First et vendu, à ce jour, à 430 000 exemplaires. Les Guignols en ont fait leurs choux gras, exhibant la marionnette du premier secrétaire du PS le livre entre les mains ! Une consécration pour l’auteur, Jean-Joseph Julaud, 56 ans, prof d’histoire-géo et de français pendant trente ans dans un collège de Conquereuil (Loire-Atlantique), qui a signé ensuite La Littérature française pour les Nuls et qui vient récemment de rempiler avec La Géographie française pour les Nuls. Il revient de loin, lui dont les élites ont longtemps boudé l’entreprise, sa typographie, son ton potache, et cette façon de prendre constamment le lecteur par la main. For Dummies est né aux États-Unis en 1993 à l’initiative d’un jeune informaticien soucieux de rendre la micro-informatique intelligible aux néophytes. Gros succès, des licences dans le monde entier, du Para Totos portugais au Per Negati italien, et déjà 150 millions d’exemplaires écoulés. Quelques variantes sur le jardinage, le tricot, la santé et le bien-être. Les Éditions First, fondées en 1992, sont justement sur ce créneau.
Derniers titres : L’Histoire de l’art pour les Nuls ; La Géographie française pour les Nuls ; La Mythologiepour les Nuls ; L’Opéra pour les Nuls ; L’Égypte ancienne pour les Nuls ; La Culture générale pour les Nuls (en librairie le 6 décembre) ; Le Rugby pour les Nuls (en librairie le 17 janvier) ; L’Arabe pour les Nuls (14 janvier) et, pour le mois de mars, est annoncée La Politique pour les Nuls.
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Lors de la cérémonie de célébration des 100 ans de l’armistice, à Paris, ce dimanche, Emmanuel Macron a opposé le nationalisme au patriotisme. Mais pour Gil Delannoi, tout n’est pas si simple : ce chercheur rappelle qu’il n’existe pas un, mais des nationalismes, et que celui d’aujourd’hui n’est pas celui des années 30.
Gil Delannoi est docteur en science politique, professeur à Sciences Po et chercheur au CEVIPOF. Il a notamment publié La Nation contre le nationalisme (PUF, 2018).
FIGAROVOX.- Emmanuel Macron a déclaré dimanche, dans son discours de commémoration de l’armistice: «le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme: le nationalisme en est la trahison». Que vous inspirent ces propos?
Gil DELANNOI.- Il y a deux façons de comprendre cette phrase: au passé, auquel cas on parle du nationalisme tel qu’il s’est manifesté dans l’histoire, ou alors au présent, et il faudrait en ce cas savoir plus précisément et plus clairement ce qu’Emmanuel Macron désigne par là.
Dans le passé, le patriotisme a été souvent compris comme défense de la liberté politique, qu’il s’agisse de la liberté d’une nation ou d’une autre entité, une cité, une ville, un royaume, une province. Il était classique d’opposer Pétain et De Gaulle sur ce point: le patriotisme du Général De Gaulle l’a conduit à la résistance, alors que le nationalisme du Maréchal Pétain l’a poussé au contraire à la collaboration avec l’Allemagne nazie. Cette opposition, valable pour l’époque, n’est plus très évidente dans le contexte actuel. Le souverainisme n’est pas fasciste par nature, la liberté politique prend parfois un chemin nationaliste, comme on l’a vu à chaque phase de décolonisation ou de fin d’un empire. L’éclatement de l’Union soviétique en plusieurs États-nations en est l’exemple le plus récent.
Dans les années 20, De Gaulle avait douté de l’efficacité du Traité de Versailles, aujourd’hui exagérément tenu pour responsable de tous les maux du siècle, parce que, selon le général inquiet, il n’offrait pas assez de garanties contre une remilitarisation de l’Allemagne. L’avenir ne lui a pas donné tort. Aujourd’hui une telle analyse serait probablement qualifiée de nationaliste et non de patriotique. Dans un autre registre, De Gaulle, dirigeant une France active dans le Marché Commun européen de l’époque, n’hésitait pas à utiliser la politique de la «chaise vide» ou des rapports de force. Il semble que ces positions sont nationalistes, tout au moins si l’on suit la définition suggérée par le président Macron dans son discours: «nos intérêts d’abord et qu’importent les autres!»
L’opposition entre patriotisme et nationalisme n’est pas nouvelle chez les présidents français: De Gaulle se considérait uniquement comme patriote et rejetait le terme «nationaliste» sur les pétainistes. Quant à Mitterrand, il déclarait d’une part devant le Parlement européen en janvier 1995: «le nationalisme, c’est la guerre!» et parlait quelques mois plus tard, le 8 mai 1995 à Berlin, du patriotisme des soldats allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit, remarquons-le, du «patriotisme» des soldats d’Hitler et d’une armée qui a combattu jusqu’au bout, même quand la guerre était évidemment perdue. Quelle liberté défendaient-ils? Le nationalisme non-violent proclamé et pratiqué par Gandhi apparaît préférable au supposé patriotisme des soldats allemands des années 40.
Emmanuel Macron a utilisé cette opposition entre patriotisme et nationalisme devant 70 chefs d’État du monde entier qui parlent des dizaines de langues différentes. Cela pose un vrai problème de traduction. Toutes les langues ne font pas une telle distinction entre «patriotisme» et «nationalisme». Il aurait au moins fallu préciser en quoi le patriotisme se distinguait du nationalisme, ce qui dans de nombreuses langues oblige à distinguer deux sortes de nationalisme. Quant au patriotisme, n’est-il que politique? Une mesure protectionniste, par exemple, est-elle nationaliste ou patriotique? Autre exemple: la défense d’une langue, est-ce nationaliste ou patriotique? Le but du président, si l’on adopte un point de vue plus mondial que provincial dans l’usage des mots, revenait à faire la différence entre un «bon» et un «mauvais» nationalisme, et à faire entrer les dirigeants de certains pays (suivez mon regard…) dans la case des mauvais.
La guerre, en particulier les deux conflits mondiaux du XXe siècle, est-elle seulement imputable au nationalisme?
Non. Si l’on écoute le discours de Macron avec des oreilles d’historien, ce qu’il tente de faire, c’est de «dégermaniser» ces deux conflits, en attribuant toute la responsabilité à des passions nationalistes très générales, très vagues. On oublie au passage les rivalités entre l’Allemagne et les autres empires coloniaux, en premier lieu le Royaume-Uni et la France. On met Angela Merkel au centre de la cérémonie et «en même temps», on relègue dans l’ombre les Britanniques. Le Brexit a-t-il un rapport avec la Guerre de 14? Pour expliquer sérieusement la Première Guerre et ses atrocités, il faut au minimum parler des nationalismes et des impérialismes. Au pluriel! Quant à la Seconde Guerre mondiale, dans cette perspective, elle se trouve également dégermanisée, présentée comme moment du nazisme, du totalitarisme, apogée du fascisme. Les situations nationales historiques deviennent secondaires au regard de la possibilité du fascisme à toute époque, en tout lieu. Hitler est vu comme un dictateur antisémite à la tête d’un totalitarisme concentrationnaire. Toute continuité avec les politiques de Bismarck ou de Stresemann a disparu. La volonté politique de revanche dans les années 30 n’était pourtant pas le monopole des nazis. Et la rivalité avec le communisme stalinien pour la suprématie mondiale semble n’avoir joué aucun rôle dans la constitution du nazisme comme totalitarisme. C’est pourtant lui qui donnait certains éléments du modèle totalitaire, et non les passions nationalistes ou patriotiques du début du siècle. Dans les millions d’exemplaires de Mein Kampf vendus avant 1933, les thèmes racistes, conspirationnistes et exterminateurs, très nouveaux, voisinent avec la reprise d’une politique de militarisme et d’expansion bien antérieure au nazisme.
Et puis il y a des causes imputables aux démocraties européennes et au stalinisme. La France a agi à contretemps: l’intransigeance de Poincaré au début des années 20 n’a pas aidé l’Allemagne de Weimar. Après 1925 c’est l’erreur inverse, et c’est quand l’Allemagne devient revancharde que Briand fait une politique de compromis dépourvue de fermeté. Pire, Staline renvoie dos à dos sociaux-démocrates et nazis, contribuant ainsi à la victoire de ces derniers aux élections de 1933. Il signe un pacte germano-soviétique quelques années plus tard. Toutes ces erreurs à répétition sont une des causes de la guerre de 40.
Tout ramener au nationalisme est un raccourci. Cette interprétation fait s’écrouler plusieurs pans de l’histoire, n’en retient que quelques-uns. Une telle conception de l’amitié est discutable: rappeler les faits n’est en rien un obstacle à la réconciliation, bien au contraire. Entre amis on se doit la vérité, et on prend plaisir au franc-parler. Les guerres sont des compétitions que l’on perd ou gagne d’abord sur le terrain militaire. La France a perdu deux fois sur trois face à l’Allemagne. L’Allemagne a perdu les deux dernières guerres en raison de leur mondialisation. Garder en mémoire les victimes ne doit pas obliger à méconnaître les détails de l’histoire. La paix aujourd’hui ne reproduira pas celle du passé. Ce qui la menace est, au moins, aussi différent que comparable aux dangers du passé.
Emmanuel Macron a également multiplié les références aux années 30 ces derniers jours. Là encore, la comparaison avec aujourd’hui est-elle valable?
Le monde d’aujourd’hui est tellement différent de celui des années 30! L’économie s’est mondialisée, globalisée, l’Union européenne existe, de nouvelles tensions religieuses sont apparues.
On pourrait tout aussi bien comparer la période actuelle avec un bon nombre d’autres époques. Pourquoi pas les années 1900, par exemple? Ce genre de comparaison est largement contre-productif. Cela ne permet pas d’identifier les causes spécifiques de la poussée des nationalismes actuels, qui sont entre autres choses, un mouvement de défense économique et d’inquiétude ethnoculturelle. Le nationalisme des années 30 était, au contraire, un nationalisme de conquête et entraînait une compétition aux conséquences impérialistes. Le nationalisme contemporain veut protéger ses frontières, celui des années 30 les franchissait par la force et la guerre.
Il existe plusieurs types de nationalismes, comme il existe plusieurs types de démocraties, plusieurs catégories de dictatures, plusieurs sortes d’économie de marché… Le nationalisme de Gandhi n’est pas le nationalisme de Bismarck et celui de Franco n’est pas celui de Mandela. Certains nationalismes sont fascistes et d’autres démocratiques. Si le nationalisme d’aujourd’hui était vraiment celui des années 30, alors cela signifierait l’imminence d’un totalitarisme ou de la dictature sous sa forme la plus brutale. Notons au passage que l’impact du communisme soviétique dans l’Europe des années 30 est toujours oublié ou gommé dans les raccourcis historiques qu’on nous propose.
Emmanuel Macron semble faire la critique d’un nationalisme illibéral, qui refuse les droits de l’homme et s’oppose à la démocratie. Le nationalisme qui perce aujourd’hui en Europe ou dans le monde (aux États-Unis, au Royaume-Uni par exemple) s’appuie sur des procédures démocratiques (élections, référendums) et se manifeste comme réaction face aux changements économiques, sociaux et culturels. Qu’est-ce qui doit définir le nationalisme aujourd’hui? Trump ou Poutine? Erdogan ou Bolsonaro? Le Brexit ou le souverainisme écossais? On voit bien qu’une réponse unique est absurde. Se protéger n’est pas toujours méprisable et la compétition sans fin, sans limite, sans frontière n’améliore pas toujours la qualité de la vie. Il faut donc se méfier des oppositions binaires trop creuses, telles qu’«ouvert/fermé», «repli/diversité». S’il ne s’agit pas de propagande, il s’agit au minimum de simplification, non exempte d’intérêts matériels bien cachés. Le capitalisme contemporain s’est paré d’un vernis d’ouverture. Comme si l’ouverture des marchés était le seul véritable cosmopolitisme. Sans parler des dégâts écologiques et toxicologiques induits. Limiter les pires effets du commerce mondialisé n’est ni nationaliste, ni patriotique. Seuls ceux qui s’opposent à toute limitation ont intérêt à les qualifier ainsi. Il faut observer sérieusement et tâcher de comprendre précisément les causes et les effets des nationalismes contemporains, et les relier aux défaillances des sociétés dans lesquelles ils émergent.
FIGAROVOX/ ANALYSE- Plus de trente ans après Max Gallo, Manuel Valls se plaint du silence des intellectuels. Pour Vincent Trémolet de Villers les politiques ne les lisent pas et les utilisent comme des outils de communication.
Vincent Tremolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/opinions du Figaro et du FigaroVox
On ne devrait jamais imiter Mitterrand. François Hollande n’est pas Tonton et Manuel Valls n’est pas Max Gallo. En 1983, l’historien, alors porte-parole du gouvernement, publiait à la fin du mois de juillet une tribune de très bonne facture dans Le Monde: «Les intellectuels, la politique et la modernité.» Il y déplorait l’abandon par la gauche de la bataille des idées et le silence des penseurs et des philosophes retirés «sur l’Aventin». Le 5 mars dernier, Manuel Valls lançait à son tour «Où sont les intellectuels? Où sont les grandes consciences de ce pays, les hommes, les femmes de culture qui doivent monter eux aussi au créneau? Où est la gauche?» C’est le même qui, pourtant, rejetait dans les rayons de l’enfer un essayiste, un romancier et un philosophe dont les œuvres cristallisent une large partie des angoisses contemporaines et qui à eux trois vendent des centaines de milliers de livres.
Le Suicide français, d’Éric Zemmour, selon Manuel Valls, ne méritait pas d’être lu. La France ça n’est pas «celle de Houellebecq» a-t-il affirmé. Enfin, il s’est embrouillé dans ses fiches, sur Europe 1, en estampillant, malgré lui, Bernard-Henri Lévy comme penseur officiel du régime et en tatouant sur le bras de Michel Onfray le signe infâmant de l’extrême droite.
Si l’on comprend bien le premier ministre, le silence des intellectuels est révoltant quand ils sont issus de la gauche morale mais impératif quand ils ont emprunté d’autres chemins. Pour savoir qui doit parler et qui doit se taire, s’adresser à l’hôtel Matignon. Cette approche enfantine illustre la place qu’ont véritablement les intellectuels dans l’esprit du gouvernement (et disons-le de la plus grande part de la droite): des pions noirs ou blancs que des communicants, plus ou moins incultes, placent sur le damier. L’ouvrage de François Bazin,Les Ombres d’un président (Plon),détaille avec cruauté cette paresse et cette indifférence chez François Hollande.
La littérature et la vie de l’esprit établissent pourtant des liens indestructibles entre l’homme public et la population. Plus encore que la séance du marché le samedi matin, la lecture de Balzac expose toutes les nuances de l’âme humaine et de l’ambition, celle de Proust des vanités sociales et des intermittences du cœur. Les Particules élémentaires ou Soumission offrent un tableau de la classe moyenne que les sociologues mettront dix ans à établir dans leurs rapports. Mais ceux qui nous gouvernent ou souhaiteraient le faire considèrent le livre comme un meuble. L’ornement secondaire d’une ambition accomplie. Le chef de l’État assume son ignorance et se fait prendre en photo, sourire ravi, avec L’Histoire de France pour les Nuls. Manuel Valls ne sait pas qui est Hélie de Saint Marc, Fleur Pellerin se fout de Modiano, Frédéric Lefebvre confond Zadig et Voltaire, Nicolas Sarkozy s’est longtemps demandé à quoi pouvait bien servir La Princesse de Clèves.
Les journalistes, reconnaissons-le, ne sont pas en reste. Ils classent eux aussi les auteurs chez les blancs ou chez les noirs sans même prendre la peine d’ouvrir leur livre. Christophe Guilluy, géographe de gauche qui ne cesse d’essai en essai d’établir les causes de la dérive identitaire, est qualifié de «pousse» de la droite la plus réactionnaire. L’auteur de L’Insécurité culturelle, Laurent Bouvet, alerte la gauche sur ses impensés: il est renvoyé sur l’autre rive parce qu’il a osé évoquer la crise de l’intégration. L’œuvre d’Alain Finkielkraut, maître de l’inquiétude et de la nuance, est réduite au rang de tract pour le Front national. Leurs noms remplissent les listes noires. Contre eux, le lexique olfactif, «rance», «moisi», est exploité jusqu’à la nausée. Tous sont coupables du même crime: plutôt que de peindre une surréalité heureuse, ils livrent par fragments les peurs et les espérances de l’inconscient collectif. En un mot, ils appellent un chat, un chat. Ce que les sondeurs voient venir, à la veille des élections départementales, ils l’annoncent et le déplorent depuis des années. Ils ne se sont pas contentés de publier des essais et d’attendre «sur l’Aventin». Ils supportent les ricanements, les couleurs criardes des studios de télévision, les comiques pas drôles, les critiques jaloux. En vain. Certes, les politiques les reçoivent, les écoutent, les raccompagnent, leur tapotent l’épaule, mais l’idée ne leur est pas encore venue de jeter un œil sur leurs livres. Pas le temps: le rappeur Joey Starr, fondateur de l’inoubliable Nique ta mère, vient dîner à l’Élysée.
FIGAROVOX/TRIBUNE – Robert Ménard a rebaptisé ce samedi l’une des rues de Béziers «Commandant Hélie Denoix de Saint Marc», honneur qui a suscité l’indignation de la gauche. Ce dernier était pourtant une grande figure de l’histoire militaire française rappelle Etienne de Montety.
Journaliste et écrivain, Etienne de Montety est directeur du Figaro Littéraire.
Le maire de Béziers a inauguré samedi une rue Hélie Denoix de Saint Marc. L’électorat pied-noir, nombreux dans cette ville, a certainement été sensible à ce geste qui met à l’honneur une figure des dernières heures de la présence française en Algérie. La gauche, elle, s’est indignée. Manuel Valls a commenté la cérémonie: «C’est rance, c’est triste» et Stéphane Le Foll dénoncé «la nostalgie de l’Algérie française».
«Rance», «nostalgie», des mots qui conviennent bien mal à la personnalité du commandant de Saint Marc. Né en 1922, il était entré très jeune dans la Résistance (réseau Jade Amicol). Est-il rance ce geste de révolte, cet engagement courageux qui lui valut d’être arrêté par la police allemande et déporté à Buchenwald où il passera dix-huit mois dans un des pires satellites du camp, Langenstein?
«Les justes mouraient comme des chiens, écrira-t-il plus tard dans ses Mémoires. Les crapules avaient leur chance (…). Dans ma chute, j’ai éprouvé la validité de quelques attitudes éthiques élémentaires: refuser la lâcheté, la délation, l’avilissement.»
Après la Libération, il choisira la carrière des armes, servant en Indochine et en Algérie. En désaccord avec la politique du général de Gaulle -notamment le choix du FLN comme unique interlocuteur des négociations pour l’indépendance-, il entraîna le 1er régiment étranger de parachutistes dans la sédition, en rejoignant les généraux du putsch d’Alger. Il paiera cet acte d’une condamnation de dix ans de réclusion. À son procès, de nombreux observateurs comme Jean Daniel, Jacques Duquesne, Gilles Perrault furent frappés par sa personnalité lumineuse et sa hauteur de vues. Sa déclaration devant le tribunal militaire en avait saisi plus d’un: «Depuis mon âge d’homme, Monsieur le Président, j’ai vécu pas mal d’épreuves: la Résistance, la Gestapo, Buchenwald, trois séjours en Indochine, la guerre d’Algérie, Suezet puis, encore, la guerre d’Algérie…»Il n’était ni un idéologue, ni un factieux.
Fut-il nostalgique l’homme qui, tournant le dos à tout militantisme, se lança dans l’écriture de livres (avec le concours de son neveu l’éditeur Laurent Beccaria) qui rencontrèrent un large public? Leur qualité valut à l’un d’eux, Les Champs de braises, de recevoir le prix Femina. Et l’armée française lui décerna son prix littéraire Erwan-Bergot. À la même époque, Saint Marc prononça des centaines de conférences. À chaque fois, son auditoire était frappé par son souci de faire des événements qu’il avait vécus un récit apaisé. Il parlait posément de sa vie, de ses passions, de ses doutes, de ses contradictions, sans que jamais n’affleure l’esprit de revanche. Son message évoquait souvent la résistance, c’est-à-dire un état d’esprit face à l’oppression ou à des ordres qui heurtent manifestement la conscience de l’homme. L’actualité du monde (terrorisme islamique, menace technologique, dérives médicales) donnait à ses propos une résonance exceptionnelle.
Un moment important de la vie d’Hélie de Saint Marc avait été ce jour de septembre 1982 où il avait été réintégré dans ses droits; ses décorations lui avaient été restituées. Cette réhabilitation, il la devait à un personnage qui a façonné François Hollande et que tout le PS révère: c’était le président Mitterrand. En novembre 2011, par les mains du président Nicolas Sarkozy, la République française l’avait fait grand-croix de la Légion d’honneur.
À ses obsèques à Lyon, en août 2013, se pressaient tous les corps constitués de l’État, au premier rang desquels le sénateur maire de la ville, Gérard Collomb, qui salua alors «une figure d’une extrême intégrité, un être authentique habité d’un humanisme profond». Honneurs, décorations, reconnaissances: Hélie de Saint-Marc n’était cependant pas dupe des grandeurs d’établissements:«Je cherche constamment à décaper sur mon visage, écrivait-il, le fard insensible qui vient à ceux qui accède à une petite renommée, ceux qu’on mentionne en note dans les livres d’histoire (…). Je me souviens du Revier de Langenstein, de la cellule de Tulle et d’une chambre d’hôpital la nuit. Là, j’ai rencontré la vérité de mon destin.» Rance? Nostalgique?
Manuel Valls et Stéphane Le Foll devraient s’inspirer du conseil qu’Hélie de Saint Marc donnait à ses jeunes lecteurs: «comprendre avant de juger».
D’un pacifisme à l’autre. En quelques jours, Emmanuel Macron est passé d’Angela Merkel à Philippe Pétain. Il y a une semaine, il voulait un 11 novembre civil, voué à célébrer l’amitié-franco-allemande et voilà qu’il nous ressort le père de la Collaboration. Lui qui, il y a quelques jours encore, prétendait escamoter le souvenir de l’affrontement militaire, pour ne pas fâcher nos amis allemands avec ces sombres rappels, craint aujourd’hui qu’on efface les faits d’armes du vainqueur de Verdun. Entretemps, le président a sans doute remarqué que, dans les rangs de l’armée, l’idée de démilitariser la mémoire de la guerre n’avait pas le succès escompté. Sans doute a-t-il cru se rattraper avec cet hommage aux maréchaux, y compris au moins sortable d’entre eux. Croire que l’on peut câliner les militaires en honorant (même entre autres) celui qui a trahi la patrie qu’ils servent, c’est au minimum désinvolte et au pire insultant.
Les choix de bois
Ce grand écart prouve bien, si besoin était, que la mémoire n’obéit pas aux lois de l’histoire. L’histoire recherche (avec plus ou moins de bonheur) la vérité. La mémoire choisit, hiérarchise, promeut, sacralise ou oublie. En l’occurrence, elle n’a pas très bien choisi. Depuis qu’a éclaté cette nouvelle affaire Pétain, les défenseurs du président se drapent dans la vérité historique et accusent leurs contradicteurs de céder à l’injonction du politiquement correct. Une belle entourloupe. Nul ne conteste que Pétain fut un des artisans de la drôle de victoire de 1918, ni que c’est ce passé qui lui a permis, en 1940, d’accéder à la direction du pays. S’il y a discussion, c’est en réalité, sur le Pétain de 1940, en particulier depuis qu’Eric Zemmour a remis au goût du jour la thèse du glaive et du bouclier. Du reste, aucune discussion ne devrait être interdite quant à l’histoire et son interprétation. Il n’y a pas d’histoire officielle – fût-elle écrite par Paxton.
Pétain appartient à l’histoire, pas à la mémoire
En revanche, il y a bel et bien une mémoire officielle. Et Emmanuel Macron n’est pas prof d’histoire, il est le médiateur privilégié de cette mémoire. « Le futur n’efface pas le passé », affirme l’historien Michel Goya dans Le Figaro. Personne ne veut effacer le passé. Mais le président ne s’est pas contenté de rappeler factuellement la contribution de Pétain à la Grande guerre, ce qui aurait été parfaitement acceptable, il a déclaré qu’il était légitime de l’honorer. Même si on sait qu’il n’a voulu honorer que le vainqueur de Verdun, cette position est difficilement tenable. Simone Veil serait-elle au Panthéon si elle avait tué ou volé ? Sans doute que non. Une vie humaine ne se découpe pas en tranches aussi aisément. Ajoutons qu’aujourd’hui, n’importe quel grand homme suspecté d’avoir troussé trop de jupons serait décrété inéligible à l’hommage de la nation – à l’exception de Johnny Hallyday, mais lui, c’était un artiste… Philippe Pétain a été condamné à l’indignité nationale et, comme me l’apprend l’excellent Jean-Baptiste Roques, de la web-télé La France libre, la première mesure de ses geôliers, après sa condamnation, a été de le priver de son uniforme. Le 15 août 1945, Philippe Pétain a cessé d’être un soldat. Il appartient à l’histoire de l’armée française – car on ne peut pas réécrire l’histoire – pas à sa mémoire. Il en a été effacé au nom du peuple français. Emmanuel Macron n’a pas le pouvoir de l’y réintégrer.
Les limites de la com’
Macron savait-il que ses propos ne seraient pas disséqués avec minutie mais résumés, rapportés et évidemment déformés pour devenir une sorte de réhabilitation générale ? Autrement dit, voulait-il adresser un clin d’œil au parti zemmourien – non pas que celui-ci soit pétainiste dans l’âme mais parce que beaucoup, en son sein, considèrent que le fait de ne pas partager l’opinion générale au sujet du maréchal (ça il paraît qu’il l’est toujours car maréchal n’est pas un titre militaire) est le comble de l’insolence ? Peut-être a-t-il simplement fait une gaffe. On nous bassine depuis des jours avec son « itinérance mémorielle » – qui a donc inventé un truc aussi ridicule ? On imaginait que des tas de conseillers avaient planché sur le contenu, voire qu’ils s’étaient interrogés sur le traitement à réserver au cas Pétain. Que le président, sur un sujet aussi épineux, se contente d’improviser, c’est un peu fâcheux.On l’a abondamment rappelé, Macron n’est pas le premier à vouloir honorer le héros de Verdun – ni à susciter la polémique en le faisant. Rappelons cependant que De Gaulle devait bien faire avec les Français tels qu’ils étaient – vichysso-résistants comme l’a dit un historien. Ceux d’aujourd’hui ont été déniaisés. Il doit bien rester quelques vrais maréchalistes parmi les ex-partisans de l’Algérie française – et c’est peut-être la raison pour laquelle on attend toujours une réaction de Marine Le Pen. Mais pour nombre de lecteurs de Zemmour, comme chez beaucoup de dieudonnistes, agiter le nom de Pétain est d’abord l’une des mille façons d’épater le bourgeois.
« Une cuillère pour Zemmour, une cuillère pour Plenel »
Ce qui rend la bourde d’Emmanuel Macron passablement agaçante, c’est que, jusque-là, il était un anti-pétainiste de choc, qui multipliait les allusions lourdingues sur le retour des années 30, suivez mon regard. Traquant les miasmes des heures les plus sombres chez ses adversaires populistes, il se campait volontiers en Saint Georges terrassant la nouvelle bête immonde. Et il est vraisemblable qu’il recommencera dès que le 11 novembre sera derrière lui et qu’il entrera en campagne pour les européennes. En somme, Macron voit du pétainisme partout, sauf sur la tombe de Pétain. Reste que la magie qui lui a permis de faire passer son incohérence idéologique pour la pratique du consensuel « en même temps » a cessé d’opérer. « Une cuillère pour Zemmour, une cuillère pour Plenel » (ou en l’occurrence pour Raphaël Glucksmann, nouvel espoir de la gauche), ça ne marche pas. Ça veut juste dire que le président nous prend pour des billes.
Gaining notice and garnering popularity quickly after the series’ introduction, For Dummies has become a widely recognized and regarded companion around the world — a personal or professional friend who’s not only informative and reliable, but also downright fun.
Starting with the publication of DOS For Dummies in November 1991, For Dummies products have shown millions how to make the most of their PCs, get on the Internet, and explore the world of Windows.
Now — with more than 150 million books in print — For Dummies products show you how to do everything — cook, garden, manage finances, run a business, plan a trip, exercise, and eat right.
The inspiration
In 1987, new technologies were popping up all over the place. But computer manuals were dull and difficult to understand. A frustrated customer in a computer store, who knew nothing about computers, was looking for a simple, basic book about the difficult DOS operating system. « Something, » he suggested, « like DOS for dummies. » We knew the man’s frustration was shared by many other computer users, and we set out to do something about it. Thus, the For Dummies phenomenon began.
From the start, For Dummies was a simple, yet powerful concept: Relate to the anxiety and frustration that people feel about technology by poking fun at it with books that are insightful and educational and make difficult material interesting and easy. Add a strong dose of personality, a dash of comic relief with entertaining cartoons, and — voilá — you have a For Dummies book.
The presses roll
In November 1991, DOS For Dummies by Dan Gookin was initially met with skepticism — most bookstore chains didn’t want to carry the book at all, claiming that the title insulted their customers and readers in general. But we responded to the critics by calling the title a « term of endearment » that readers would immediately relate to and identify with. After convincing the bookstores to give us a chance, consumers agreed.
Onward and upward
And the For Dummies experience just keeps expanding! For Dummies now covers virtually all topics, including Flipping Houses For Dummies, Manga For Dummies, eBay For Dummies, Blogging For Dummies, and even Food Allergies For Dummies. For Dummies tackles any topic that’s complex, confusing, intimidating, or conjures up any feelings of anxiety. What’s more, For Dummies books are now translated into over 30 languages.
Today, the For Dummies impact extends beyond the printed word — into the realms of software, videos, and Dummies.com.
I guess you could say I was judging a book by its cover when I first saw the “Books for Dummies” series. I had some serious doubts about the publisher’s approach to getting the message across. After all, who would pick up a book written for Dummies? Well come to find out a huge number of people did and still do.
The series was first created in 1991, to help readers with computer related topics. They were such a hit that before long there was an extensive list of titles on a wide variety of subjects being offered. The statistics I found on dummies.com are impressive.
“Books for Dummies.” More than 1,800: With books covering everything from A+ certification to the Zune, it’s not surprising that the “For Dummies” series boasts such a large number of titles – and the list just keeps on growing!
More than 250 million: That’s how many “For Dummies” books are in print today – a far cry from those DOS days. Just 7,500: This relatively small number is how many copies of “DOS For Dummies,” the first book in the series, were printed back in 1991.
More than 30: Dummies truly is a global phenomenon, with books having been translated into this many languages, including Arabic, Estonian, Greek, Russian, and Vietnamese.
“iPad Apps for Kids For Dummies” by Jinny Gudmundsen; “Kindle Fire HD For Dummies” by Nancy Muir; “French All-in-one For Dummies” by Eliane Kurbegov; and “Small Business For Dummies” by Tyson, Eric are just a few of the many titles the library owns in the series. In addition, electronic resources are available to download from the library website at http://www.bossierlibrary.org.
Each book is written by specialists in their field. The easy to follow format is concise, provides tips for the reader, things to remember, warnings, illustrations, and technical stuff. Students can take advantage of the cheat sheet feature found at http://www.dummies.com/cheatsheet and print out a study guide. The website also offers “videos, step-by-step examples, how-to-articles, and shopping.”
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ.Paul (Galates 3: 28)
La loi naturelle n’est pas un système de valeurs possible parmi beaucoup d’autres. C’est la seule source de tous les jugements de valeur. Si on la rejette, on rejette toute valeur. Si on conserve une seule valeur, on la conserve tout entier. (. . .) La rébellion des nouvelles idéologies contre la loi naturelle est une rébellion des branches contre l’arbre : si les rebelles réussissaient, ils découvriraient qu’ils se sont détruits eux-mêmes. L’intelligence humaine n’a pas davantage le pouvoir d’inventer une nouvelle valeur qu’il n’en a d’imaginer une nouvelle couleur primaire ou de créer un nouveau soleil avec un nouveau firmament pour qu’il s’y déplace. (…) Tout nouveau pouvoir conquis par l’homme est aussi un pouvoir sur l’homme. Tout progrès le laisse à la fois plus faible et plus fort. Dans chaque victoire, il est à la fois le général qui triomphe et le prisonnier qui suit le char triomphal . (…) Le processus qui, si on ne l’arrête pas, abolira l’homme, va aussi vite dans les pays communistes que chez les démocrates et les fascistes. Les méthodes peuvent (au premier abord) différer dans leur brutalité. Mais il y a parmi nous plus d’un savant au regard inoffensif derrière son pince-nez, plus d’un dramaturge populaire, plus d’un philosophe amateur qui poursuivent en fin de compte les mêmes buts que les dirigeants de l’Allemagne nazie. Il s’agit toujours de discréditer totalement les valeurs traditionnelles et de donner à l’humanité une forme nouvelle conformément à la volonté (qui ne peut être qu’arbitraire) de quelques membres ″chanceux″ d’une génération ″chanceuse″ qui a appris comment s’y prendre.C.S. Lewis (L’abolition de l’homme, 1943)
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.G.K. Chesterton
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème !René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
Ceux qui considèrent l’hébraïsme et le christianisme comme des religions du bouc émissaire parce qu’elles le rendent visible font comme s’ils punissaient l’ambassadeur en raison du message qu’il apporte.René Girard
L’organisateur doit se faire schizophrène, politiquement parlant, afin de ne pas se laisser prendre totalement au jeu. (…) Seule une personne organisée peut à la fois se diviser et rester unifiée. (…) La trame de toutes ces qualités souhaitées chez un organisateur est un ego très fort, très solide. L’ego est la certitude absolue qu’a l’organisateur de pouvoir faire ce qu’il pense devoir faire et de réussir dans la tâche qu’il a entreprise. Un organisateur doit accepter sans crainte, ni anxiété, que les chances ne soient jamais de son bord. Le moi de l’organizer est plus fort et plus monumental que le moi du leader. Le leader est poussé par un désir pour le pouvoir, tandis que l’organizer est poussé par un désir de créer. L’organizer essaie dans un sens profond d’atteindre le plus haut niveau qu’un homme puisse atteindre—créer, être ‘grand créateur,’ jouer à être Dieu.Saul Alinsky
Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain, on vive face à face. Gérard Colomb
Le passeport américain fait toujours des envieux. Si l’on en croit une enquête publiée par le « New York Times « , obtenir le fameux document bleu marine serait même devenu une activité économique comme une autre. Les autorités viennent de fermer une sorte de maternité clandestine abritée dans une maison de San Gabriel (Californie). S’y rendaient des femmes chinoises prêtes à payer des milliers de dollars pour y accoucher. Entrées avec leur visa de touriste, elles repartaient ensuite dans leur pays, leur bébé américain sous le bras. Car, aux Etats-Unis, le 14e amendement de la Constitution accorde la nationalité à tout enfant né sur le territoire. Le « tourisme maternel » se développe ainsi depuis la Chine, la Corée du Sud et le Mexique. Des annonceurs vendent des forfaits qui incluent le voyage, le séjour et les soins médicaux. Les dernières statistiques disponibles de 2008 font part de 7.462 bébés nés de parents étrangers résidant aux Etats-Unis, ce qui est peu au regard des 4,3 millions de naissances enregistrées cette année-là. L’empressement à donner la nationalité américaine à un enfant qui, a priori, ne vivra pas aux Etats-Unis est perçu comme une sorte d’assurance sur l’avenir : il pourra lui-même la demander, à 21 ans, pour ses parents. Mais contrairement à des enfants de clandestins, qui vivent sur place et qui finiront par s’intégrer, les enfants nés du tourisme maternel demeureront, a priori, totalement étrangers à la civilisation américaine. La prééminence du droit du sol aux Etats-Unis est aujourd’hui contestée par ceux qui ne supportent plus les flux d’immigration clandestine. En Arizona, les législateurs de l’Etat ont déposé un projet de loi qui nierait la nationalité américaine à des enfants nés de parents sans papiers. Même s’il peut être contesté au niveau fédéral, ce texte n’en est pas moins un indice de la montée de la xénophobie aux Etats-Unis.Les Echos
Jim Acosta was called on by the president to ask a question. He was called on by Donald Trump to ask whatever question he liked. And when he’d finished asking one, he then asked another – with interruption follow-ups in between. It was only when he attempted his third question – or possibly fourth depending on how you define the follow-ups – that the president got angry and asked him to sit down. There ensued a tussle with the mic. the scene was an incredible bit of theatre. We couldn’t take our eyes off it. It just went on and on. You could argue the president came looking for it – he does well, electorally, when he’s berating the press. But make no mistake. The media also does well when they are baiting the bear. The urge to poke can sometimes seem irresistible. (…) What happened in that room was not the ultimate fight for press freedom. This wasn’t someone risking life and limb against a regime where freedom of speech is forbidden. This was a bloke sitting in a room full of colleagues who were all trying to ask questions too. This was a man who’d had his turn and had been told he couldn’t hog the whole time. (…) The president took CNN’s question and then took more. And when he tried to move on, he couldn’t. Once the Acosta incident was over, he went on to take questions from journalists from all over the world – for a total of 90 minutes. What worries me is the wider question of how Trump and the media interact. When you watch the US morning shows – and evening shows come to that – what you notice is how things have changed. Even those who were not originally taking sides are now nailing their colours to the mast. Fox and MSNBC have always played to their own bases. But now CNN, too, has editorialised its evening slot with Chris Cuomo – who gives us an essay, a comment piece, on whatever is getting him fired up. It’s a good watch actually. And makes you engaged. But make no mistake – it’s the same game that Trump is playing. The one they pretend to despise. If DJT can rally his base – then – goes the logic – why shouldn’t TV do it too. It works for viewing figures in the same way it works for electoral success. It works, in other words, for those who like their chambers echoed – but it’s an odd place for news to sit. Emily Maitlis
Had Acosta phrased his question in a more neutral tone, he likely would have had more information for his audience to digest. Acosta asked the president if Trump had demonized the caravan of Central Americans trekking toward the United States, ending his exchange by stating, “It is not an invasion.” If Acosta had asked “What about that seems like an invasion?” he could have both sought an answer and avoided becoming bigger than the event he was covering. If you look closely at the video, when Acosta was asking questions, his exchange with the president was on track and normal. Acosta asked. “Do you think that you demonize immigrants?” To which the president answered, “No.” A better question might have been, “How do you respond to the criticism that you are demonizing certain types of immigrants, namely poor immigrants?” But then Acosta’s questions ended and his statements began. “Your campaign had an ad showing migrants climbing over walls,” he said. And then, “They are hundreds of miles away, that’s not an invasion.” The heated exchange grew from there. Things got uncomfortable when Acosta refused to turn over the microphone to an intern who reached out to remove it from him, and then stood up to continue his banter without the microphone. This was a White House event and he was talking to the president of the United States. A briefing is not the same as a cable news wrestling match, where sides shout at each other. Acosta should have handed over the microphone. President Trump deftly used the Acosta incident to play the victim of unfair press treatment. Journalists should not give more fuel to such accusations. Ask tough questions, avoid making statements or arguing during a press event and report the news, don’t become the news. Poynter
Ce que l’on appelle le populisme ou encore le nationalisme ethnique n’est pas un mouvement idéologique, mais une réaction tribale. Les récentes élections aux États-Unis le démontrent amplement. Donald Trump et, d’une manière générale, les candidats républicains qui se sont réclamés de lui n’ont obtenu que les suffrages des Blancs dans des circonscriptions blanches. Le découpage électoral et la complexité du mode de scrutin ne peuvent pas masquer cette réalité politique. Les Noirs, les Latinos, les Asiatiques ne votent jamais pour Trump. Si le Parti républicain conserve sa majorité au Sénat, c’est seulement parce que les États ruraux et dépeuplés du centre des États-Unis sont surreprésentés. Les métropoles cosmopolites comme New York ou Los Angeles se sont prononcées massivement contre Trump, à plus des deux tiers dans ces deux villes qui sont l’avenir du pays : un référendum que le président a perdu, avec au total, dans toute la nation, près de 60 % des voix pour la gauche démocrate. Le recul de Trump en deux ans est spectaculaire. (…) Les Américains votent maintenant soit « blanc », soit démocrate ; le Parti républicain est devenu pour l’essentiel, en son cœur, le parti des Blancs et le Parti démocrate une grande tente qui abrite tous les partisans de la société ouverte et du progressisme, de la droite libérale à la gauche socialiste. Sous cette tente se réfugie l’Amérique de demain : les candidats féminins, issus de la diversité, indiens, musulmans, noirs sont tous démocrates. (…) Sans aucun doute, les Blancs trumpistes (tous les Blancs ne sont pas pour Trump, mais tous les partisans de Trump sont blancs) se perçoivent comme une communauté assiégée : face à la diversité ethnique croissante de leur pays, à la mondialisation économique et au bouleversement des mœurs, ils adoptent des réflexes tribaux d’autodéfense. Trump joue à fond sur ce sentiment d’insécurité, il l’exploite et, aussi, il l’aggrave. Ses agressions vociférantes contre les immigrants font écho à la crainte des Blancs de perdre leur domination ancienne sur la société américaine. Son incitation répétée à porter des armes et à s’en servir alimente cette même paranoïa. Paranoïa parce que les angoisses des Blancs ne sont pas fondées. (…) Le trumpisme, comme les différentes formes de populisme que l’on connaît en Europe, n’a aucune relation avec la réalité : c’est une forme de récession politique et, surtout, morale. Il est aussi paradoxal que la défense des traditions par Donald Trump et ses photocopies en Europe s’exprime de manière extraordinairement violente et vulgaire. On ne comprend pas comment les nationalistes ethniques vont sauver l’Occident chrétien en recourant à des insultes machistes, sexistes, homophobes et racistes. Mais probablement le populisme est-il déjà en recul. L’élection de Trump, il y a deux ans, était fondée sur un malentendu : on a cru aux États-Unis et en Europe que le trumpisme annonçait des temps nouveaux. Il paraît maintenant que le trumpisme n’annonçait rien, clairement minoritaire désormais. Les Blancs eux-mêmes commencent à s’en apercevoir : les banlieues ouvrières du Nord-Est qui avaient soutenu Trump en 2016 l’ont lâché. Mais on se débarrassera véritablement de cette imposture trumpiste, non en niant ses origines, mais en rénovant le discours démocratique et en offrant des perspectives créatives ; celles-ci prendront en compte toutes les anxiétés collectives, qu’elles soient fondées ou pas. Guy Sorman
Trump (…) is one of the few political leaders in America that recognises the frustration that exists in large parts of Ohio, Pennsylvania, eastern Kentucky and so forth. [But] The part that is forward-looking and answers the question ‘What do we do now?’ — it’s just not there yet. (…) I wasn’t as critical of my party in 2016 as I was of the person. But when I look at tax reform, when I look at healthcare reform, I see Trump as the least worrisome part of the Republican party’s problem, which is that we are basically living in the 1980s. We are constantly trying to resurrect domestic policies from the 1980s. (…) Let’s cut taxes for the wealthy! Let’s cut the social safety net! . . . The fundamental thesis that underlined basic Republican policies in the early 1980s, which is right, is that you had an economy which was simultaneously stagnating and experiencing high inflation. I don’t think the primary problem facing the American economy right now is that. It is that the opportunities that are out there require an adjustment in skills, an adjustment in training. (…) Mamaw would not have voted for Trump, had she been alive, because of his history as a philanderer. Yet the vulgarity that turns a lot of people off, Mamaw would have appreciated and thought was hilarious. (…) I think, like a lot of folks, [my grandfather] would have voted against Hillary Clinton. That sort of condescending elitism that the Clinton campaign came to represent would have turned my grandfather off. (…) The elite Republican view of why people voted for Donald Trump is that Trump voters are stupid. I think the elite Democratic view is that Trump people were bigoted and immoral. And that’s probably still very much reflected in popular culture. (…) There is this level of comfort that, I think, is completely weird. I understood for the first time what the Bible means when it talks about the difficulty of a rich man entering Heaven. It’s really tough to be a virtuous person when everyone is constantly taking care of you. (…) There are a lot of entrepreneurs [in Silicon Valley] developing the next app for clothes shopping who say, not ironically, that ‘we are changing the world’. You’re not changing the world. The guy that’s developing a new therapy that’s non-opioid analgesic pain relief? That guy’s changing the world. He’s going to save thousands of lives. (…) I’d say I’m a short-term realist, a long-term optimist. I do really believe in the power of identification and recognition. We’re in this period where everyone is starting to wake up, whether it’s because they know someone who has just had a heroin overdose or whether they are a policy expert and they have read this paper by [Nobel laureate] Angus Deaton [and his wife and fellow economist Anne Case] about dying in poor white America . . . That recognition gives me a lot of optimism. (…) I do think that whatever is happening right now is really transformational and the postwar order is probably going to have to change in some fundamental way. But I am still an optimist on that front. I think that my theory for what is happening is not that classical liberalism has failed. It’s not that western democracy has failed. It’s not that the postwar consensus has failed. It’s that the people who have been calling the shots for 20-30 years really screwed up.J.D. Vance
Our differences — on immigration, race, the role of work, the value of America itself — are intensifying. Slavery was the issue that blew up America in 1861 and led to the Civil War. (…) Something similar to that array of differences is slowly intensifying America’s traditional liberal–conservative and Democratic–Republican divides. (…) Globalization is accentuating two distinct cultures, not just economically but also culturally and geographically. Anywhere industries based on muscular labor could be outsourced, they often were. Anywhere they could not be so easily outsourced — such as Wall Street, Silicon Valley, the entertainment industry, the media, and academia — consumer markets grew from 300 million to 7 billion. The two coasts with cosmopolitan ports on Asia and Europe thrived. (…) Never in the history of civilization had there been such a rapid accumulation of global wealth in private hands as has entered the coffers of Amazon, Apple, Facebook, Google, Microsoft, and hundreds of affiliated tech companies. Never have private research marquee universities had such huge multibillion-dollar endowments. Never had the electronic media and social media had such consumer reach. Never has Wall Street had such capital. The result has been the creation of a new class of millions of coastal hyper-wealthy professionals with salaries five and more times higher than those of affluent counterparts in traditional America. The old working-class Democrat ethos was insidiously superseded by a novel affluent progressivism. Conservationism morphed into radical green activism. Warnings about global warming transmogrified into a fundamentalist religious doctrine. Once contested social issues such as gay marriage, abortion, gun control, and identity politics were now all-or-nothing litmus tests of not just ideological but moral purity. A strange new progressive profile supplanted the old caricature of a limousine liberal, in that many of the new affluent social-justice warriors rarely seemed to be subject to the ramifications of their own ideological zealotry. New share-the-wealth gentry were as comfortable as right-wing capitalists with private prep schools, expansive and largely apartheid gated neighborhoods, designer cars, apprentices, and vacations. For the other half of America, cause and effect were soon forgotten, and a new gospel about “losers” (deplorables, irredeemables, crazies, clingers, wacko birds) explained why the red-state interior seemed to stagnate both culturally and economically — as if youth first turned to opioids and thereby drove industry away rather than vice versa. Half the country, the self-described beautiful and smart people, imagined a future of high-tech octopuses, financial investments, health-care services, and ever more government employment. The other half still believed that America could make things, farm, mine, produce gas and oil — if international trade was fair and the government was a partner rather than indifferent or hostile. (…) As was true in 1861 or 1965, geography often intensified existing discord. The old consensus about immigration eroded, namely that while European and British commonwealth immigration was largely declining, it mattered little given that immigration from Latin America, Asia, and Africa would be diverse, meritocratic, measured — and legal. (…) Indeed, the professed views of Bill and Hillary Clinton, Joe Biden, Barack Obama, and Harry Reid before 2009 about illegal immigration were identical to those of Donald Trump in 2018: Secure the border; ensure that immigration was legal and meritocratic; deport many of those who had arrived illegally; and allow some sort of green-card reprieve for illegal aliens who had resided for years in the U.S., were working, and had no arrest record — all in exchange for paying a small fine, learning English, and applying for legal-resident status. The huge influxes of the 1990s and 21st century — 60 million non-native residents (citizens, illegal aliens, and green-card holders) now reside in the U.S. — destroyed that consensus, once shared across the racial and ideological spectrum, from the late civil-rights leader and Democratic representative Barbara Jordan to labor leader Cesar Chavez. Instead, a new opportunistic and progressive Democratic party assumed that the Latino population now included some 20 million illegal residents, and about that same number of first- and second-generation Hispanics. The 2008 Obama victory raised new possibilities of minority-bloc voting and seemed to offer a winning formula of galvanizing minority voters through salad-bowl identity-politics strategies. Purple states such as California, Colorado, Nevada, and New Mexico gradually turned blue, apparently due to new legions of minority-bloc voters. (…) On entry to the U.S., affluent immigrants from Mumbai, poor arrivals from Oaxaca, Chilean aristocrats, or Taiwanese dentists would all be deemed “minorities” and courted as such by political operatives. Stepping foot on American soil equated with experiencing racism, and racism generated reparational claims of an aggrieved identity. (…) Increasingly, half the country views its history and institutions as inspirational, despite prior flaws and shortcomings, and therefore deserving of reverence and continuance. The other half sees American history and tradition as a pathology that requires rejection or radical transformation. The world of post-1945 is coming to a close — after the end of the Cold War, the collapse of the Soviet Union, the unification of Germany, the creation of the European Union, the ascendance of a mercantilist and authoritarian China, and the post-9/11 rise of radical Islamic terrorism. Our closest NATO allies near the barricades of Russian aggression and radical Islam are the least likely of the alliance to prepare militarily. Yet Russia is a joke compared with the challenge of China. The European Union project is trisected by north-south financial feuding, east-west immigration discord, and Brexit — and the increasing realization that pan-European ecumenicalism requires more force and less democracy to survive than did the old caricatured nation-state. The post-war rationales for American global leadership — we would accept huge trade imbalances, unfair trading agreements, often unilateral and costly interventions given our inordinate wealth and power and fears of another 1939 — no longer persuade half the nation. (…) America is not isolationist, but an increasing number of its citizens sees overseas interventions as an artifact of globalization. Rightly or wrongly, they do not believe that the resulting rewards and costs are evenly distributed, much less in the interest of America as a whole. It is now old-hat to say that the Detroit of 1945, at the time perhaps the world’s most innovative and ascendant city, now looks like Hiroshima or Hamburg of 1945, while Hiroshima and Hamburg of 2018 resemble the equivalent of 1945 Detroit. The point is not that the post-war order itself destroyed Detroit, but that Americans see something somewhere wrong when we helped rebuild the industrial cities of the world and crafted an order under which they thrived but in the process ignored many of our own. The various ties that bind us — a collective educational experience, adherence to the verdict of elections, integration and assimilation, sovereignty between delineated borders, a vibrant popular and shared culture, and an expansive economy that makes our innate desire to become well-off far more important than vestigial tribalism — all waned. Entering a campus, watching cable news, switching on the NFL, listening to popular music, or watching a new movie is not salve but salt for our wounds.Victor Davis Hanson
Many conservatives did not see that Trump had framed the 2016 election as a choice between two mutually exclusive regimes: multiculturalism and America. What I call “multiculturalism” includes “identity politics” and “political correctness.” If multiculturalism continues to worm its way into the public mind, it will ultimately destroy America. Consequently, the election should have been seen as a contest between a woman who, perhaps without quite intending it, was leading a movement to destroy America and a man who wanted to save America. The same contest is being played out in the midterm elections. (…) Multiculturalism conceives of society as a collection of cultural identity groups, each with its own worldview, all oppressed by white males, collectively existing within permeable national boundaries. Multiculturalism replaces American citizens with so-called “global citizens.” It carves “tribes” out of a society whose most extraordinary success has been their assimilation into one people. It makes education a political exercise in the liberation of an increasing number of “others,” and makes American history a collection of stories of white oppression, thereby dismantling our unifying, self-affirming narrative—without which no nation can long survive. During the 2016 campaign, Trump exposed multiculturalism as the revolutionary movement it is. He showed us that multiculturalism, like slavery in the 1850’s, is an existential threat. Trump exposed this threat by standing up to it and its enforcement arm, political correctness. Indeed, he made it his business to kick political correctness in the groin on a regular basis. In countless variations of crassness, he said over and over exactly what political correctness prohibits one from saying: “America does not want cultural diversity; we have our culture, it’s exceptional, and we want to keep it that way.” He also said, implicitly but distinctly: the plight of various “oppressed groups” is not the fault of white males. This too violates a sacred tenet of multiculturalism. Trump said these things at a time when they were the most needful things to say, and he said them as only he could, with enough New York “attitude” to jolt the entire country. Then, to add spicy mustard to the pretzel, he identified the media as not just anti-truth, but anti-American. Trump is a walking, talking rejection of multiculturalism and the post-modern ideas that support it. Trump believes there are such things as truth and history and his belief in these things is much more important than whether he always tells the truth himself or knows his history—which admittedly is sometimes doubtful. His pungent assertion that there are “shithole” countries was an example of Trump asserting that there is truth. He was saying that some countries are better than others and America is one of the better ones, perhaps even the best. Multiculturalism says it is wrong to say this (as it was “wrong” for Reagan to call the Soviet Union “evil”). Trump is the only national political figure who does not care what multiculturalism thinks is wrong. He, and he alone, categorically and brazenly rejects the morality of multiculturalism. He is virtually the only one on our national political stage defending America’s understanding of right and wrong, and thus nearly alone in truly defending America. This why he is so valuable—so much depends on him. His shortcomings are many and some matter, but under present circumstances what matters more is that Trump understands we are at war and he is willing to fight. In conventional times, Trump might have been one of the worst presidents we ever had; but in these most unconventional times, he may be the best president we could have had. (…) Multiculturalism, not Trumpism, is the revolution. Trump’s campaign, and its defense by his intellectual supporters, was not a call for a revolution but a call to stop a revolution. Trump’s intellectual supporters did not say things could not get worse; they said without a sharp change in course there was a good chance we shall never get back home again. (…) Perhaps Trump’s most effective answer to Clinton’s and the Democrats’ multiculturalism was his attacks on political correctness, both before and after the election. Trump scolded Jeb Bush for speaking Spanish on the campaign trail. He pointed out that on 9/11 some Muslims cheered the collapse of the twin towers. He said Mexico was sending us its dregs, suggested a boycott of Starbucks after employees were told to stop saying “Merry Xmas,” told NFL owners they should fire players who did not respect the flag, expressed the view that people from what he called “shitholes” (Haiti and African countries being his examples) should not be allowed to immigrate, exposed the danger of selecting judges based on ethnicity, and said Black Lives Matter should stop blaming others. The core idea of each of these anti-P.C. blasts, when taken in aggregate, represent a commitment to America’s bourgeois culture, which is culturally “Judeo-Christian,” insists on having but one language and one set of laws, and values: among other things, loyalty, practical experience, self-reliance, and hard work. (…) Trump is hardly the ideal preacher, but in a society where people are thirsting for public confirmation of the values they hold dear, they do not require pure spring water. (…) Another [example] occurred in 2015 when Trump, after a terrorist attack, proposed a ban on all Muslims until “we figure out what the hell is going on.” Virtually everyone, the Right included, screamed “racism” and “Islamophobia.” Of course, to have defended Trump would have violated the multicultural diktat that Islam be spoken of as a religion of peace. But like Trump, the average American does not care whether Islam is or is not a religion of peace; he can see with his own eyes that it is being used as an instrument of war. When Muslim terrorists say they are doing the will of Allah, Americans take them at their word. This is nothing but common sense. (…) In exposing the dangers of multiculturalism, Trump exposed its source: radical liberal intellectuals, most of whom hang about the humanities departments (and their modern day equivalents) at our best colleges and universities, where they teach the multicultural arts and set multicultural rules. And from the academy these ideas and rules are drained into the mostly liberal, mostly unthinking opinion-forming elite who then push for open borders, diversity requirements, racism (which somehow they get us to call its opposite), and other aspects of multiculturalism.Thomas D. Klingenstein
Les Démocrates comme les Républicains ont à nouveau tenté d’instrumentaliser à leur profit les revendications identitaires qui dominent et divisent la société américaine depuis des années. Les premiers sont convaincus qu’il y a un stock de votes en leur faveur à récupérer chez les “minorités” (Noirs, Latinos, femmes, musulmans, homosexuels) et au lieu de concentrer leurs efforts et leurs discours sur le contenu de leur programme économique et politique, ils se dispersent dans le clientélisme. Les seconds se posent en défenseurs d’une identité américaine blanche et chrétienne menacée. Des deux côtés, on part du principe que l’électeur voudra voter pour une personne qui lui ressemble, et non pas pour une personne dont les idées le convainquent. Et gare aux traîtres! En 2017, un sénateur noir républicain s’est ainsi fait insulter comme “house negro” – nègre de case – parce qu’il soutenait la candidature d’un membre blanc de son parti au poste de ministre de la Justice. À l’inverse, certains de mes amis ne sont plus les bienvenus chez leurs parents pour avoir soutenu Hillary Clinton à la présidentielle de 2016. (…) Je crois que le pays est divisé depuis longtemps et que l’avènement de Trump n’a fait que mettre en lumière le malaise profond de la société américaine. (…) Plus encore qu’ailleurs, la fracture est béante entre de grands gagnants de la mondialisation et des gens “largués”. (…) Alors parfois, des parents sont même prêts à donner des amphétamines à leurs enfants, dès le CP, pour qu’ils obtiennent de bonnes notes. Dans la communauté noire, les aînés convaincus qu’il suffisait d’être honnête et laborieux, de «filer doux» pour réussir, sont moqués par une jeunesse qui se radicalise. Je vous donne un autre exemple de la panique ambiante: à la fin des années soixante, une large majorité d’Américains se déclarait très optimiste sur l’avenir multiracial du pays. En 2001, 70% des Noirs et 62% des Blancs pensaient encore que les relations avec l’autre communauté étaient bonnes. En 2016, avant l’élection de Donald Trump, ils n’étaient plus que 49% des Noirs et 55% des Blancs. (…) La classe politique mais aussi les réseaux sociaux alimentent une vision catastrophiste et spectrale de la réalité. Chacun vit dans sa cave identitaire, sans vue sur l’extérieur et des faits relativement rares prennent une importance disproportionnée dès qu’ils sont massivement diffusés: quand la vidéo d’un homme noir abattu par la police pour avoir traversé en dehors des clous devient virale, le sentiment d’injustice est décuplé. Quand la nouvelle d’un enfant retrouvé assassiné dans les toilettes d’une station-service est commentée ad nauseam à la sortie de chaque école du pays, la peur du prédateur pédophile gagne les foyers. 60% des Américains sont convaincus que la criminalité augmente alors que, selon le FBI, le taux de crimes violents a chuté de 43% depuis 1993. Le danger réel diminue mais le sentiment être en danger augmente, ce qui incite au repli sur soi et sa communauté. (…) L’abondance de l’information disponible donne l’illusion du contrôle, alors qu’elle est en réalité le combustible d’une anxiété souvent paranoïaque. On croit pouvoir tout savoir, tout comprendre tout seul, on se méfie des experts et des intermédiaires – médecins, journalistes – dont la compétence nous rassurait auparavant. D’autres causes de l’anxiété sont la nécessité de s’adapter à des changements de plus en plus rapides, la désagrégation de la cellule familiale, la baisse de la religiosité, la précarisation de l’emploi ou encore l’obsession du risque zéro. Dans un pays riche, on finit par être beaucoup plus angoissé à l’idée que “quelque chose pourrait nous arriver” que dans un pays pauvre ou, objectivement, les risques encourus – de maladie, d’accident – sont infiniment plus élevés. 18% des Américains souffrent officiellement de troubles anxieux contre seulement 10% en France, où le chiffre est cependant en hausse. Vous verrez que la France va être gagnée par cette maladie (…) L’espérance de vie a diminué pour la seconde année consécutive aux États-Unis à cause d’une épidémie qui touche toutes les classes sociales: depuis 1999, 350 000 Américains sont morts d’une overdose d’opioïdes. Ces médicaments contre la douleur, efficaces et bon marché dans un pays où se soigner coûte très cher, ont été massivement prescrits pendant des années en dépit de leur fort potentiel addictif. En cause, une collusion avérée entre des laboratoires pharmaceutiques et des médecins rémunérés pour promouvoir leurs opioïdes, mais aussi la demande croissante des patients de ne pas avoir mal. Malgré les efforts des pouvoirs publics, l’épidémie n’a pas diminué en 2017: pour les trois millions d’accro aux opioïdes que comptent les États-Unis, il est facile de se procurer les pilules, importées de Chine, sur le Dark Web, l’internet caché. (…) La classe ouvrière et la classe moyenne américaine souffrent des répercussions d’un ultralibéralisme que, Bernie Sanders mis à part, les Démocrates n’ont jamais vraiment dénoncé, quand ils ne l’ont pas eux aussi encouragé. Leur langage de solidarité est sélectif — il cible certaines «communautés» au détriment d’autres – et hypocrite puisque ces élites tirent leur rente de situation d’une mondialisation débridée qui est à l’origine du malheur de leurs concitoyens. Or, quand on vient dire à un type qui se tue à la tâche sur un chantier mais n’a pas de quoi se payer le dentiste qu’il est un “blanc privilégié”, il ne faut pas s’étonner qu’il le prenne mal. Cela explique aussi, bien sûr, le succès de Donald Trump. (…) Sincèrement, je trouve que les relations entre hommes et femmes sont plus agréables en France qu’aux États-Unis. Metoo va sans doute aggraver la défiance qui existe déjà ici entre les deux sexes. D’ailleurs, MeToo n’a pas été initié par les féministes radicales. C’est le prolongement d’un mouvement amorcé depuis longtemps sur les campus américains et connu sous le nom de Title IX, nom d’une mesure adoptée en 1972 pour obliger les universités à financer à parts égales les équipes de sport féminines et masculines. Au fil des ans, son application s’est étendue à la lutte contre le harcèlement sexuel et les discriminations. Title IX a fait beaucoup pour l’égalité entre les sexes mais les meilleures intentions sont souvent perverties. La question du consentement, largement reprise par MeToo, l’illustre: est-il raisonnable, par exemple, qu’une femme puisse retirer son consentement après l’acte sexuel parce que, le lendemain, elle apprend que son partenaire lui a menti sur sa situation matrimoniale? (…) Vous n’imaginez pas (…) à quel point les féministes sont divisées. Les plus radicales ne cherchent pas à en finir avec le patriarcat mais à prendre leur revanche en instaurant le matriarcat. L’homme blanc de plus de 50 ans est la cible préférée (…) ce genre de féminisme, si l’on peut dire, n’est pas une alternative au trumpisme puisqu’il est lui aussi, une manifestation de la «fracturation identitaire» qui mine les États-Unis. Géraldine Smith
Ce qui est nouveau, c’est d’abord que la bourgeoisie a le visage de l’ouverture et de la bienveillance. Elle a trouvé un truc génial : plutôt que de parler de « loi du marché », elle dit « société ouverte », « ouverture à l’Autre » et liberté de choisir… Les Rougon-Macquart sont déguisés en hipsters. Ils sont tous très cools, ils aiment l’Autre. Mieux : ils ne cessent de critiquer le système, « la finance », les « paradis fiscaux ». On appelle cela la rebellocratie. C’est un discours imparable : on ne peut pas s’opposer à des gens bienveillants et ouverts aux autres ! Mais derrière cette posture, il y a le brouillage de classes, et la fin de la classe moyenne. La classe moyenne telle qu’on l’a connue, celle des Trente Glorieuses, qui a profité de l’intégration économique, d’une ascension sociale conjuguée à une intégration politique et culturelle, n’existe plus même si, pour des raisons politiques, culturelles et anthropologiques, on continue de la faire vivre par le discours et les représentations. (…) C’est aussi une conséquence de la non-intégration économique. Aujourd’hui, quand on regarde les chiffres – notamment le dernier rapport sur les inégalités territoriales publié en juillet dernier –, on constate une hyper-concentration de l’emploi dans les grands centres urbains et une désertification de ce même emploi partout ailleurs. Et cette tendance ne cesse de s’accélérer ! Or, face à cette situation, ce même rapport préconise seulement de continuer vers encore plus de métropolisation et de mondialisation pour permettre un peu de redistribution. Aujourd’hui, et c’est une grande nouveauté, il y a une majorité qui, sans être « pauvre » ni faire les poubelles, n’est plus intégrée à la machine économique et ne vit plus là où se crée la richesse. Notre système économique nécessite essentiellement des cadres et n’a donc plus besoin de ces millions d’ouvriers, d’employés et de paysans. La mondialisation aboutit à une division internationale du travail : cadres, ingénieurs et bac+5 dans les pays du Nord, ouvriers, contremaîtres et employés là où le coût du travail est moindre. La mondialisation s’est donc faite sur le dos des anciennes classes moyennes, sans qu’on le leur dise ! Ces catégories sociales sont éjectées du marché du travail et éloignées des poumons économiques. Cependant, cette« France périphérique » représente quand même 60 % de la population. (…) Ce phénomène présent en France, en Europe et aux États-Unis a des répercussions politiques : les scores du FN se gonflent à mesure que la classe moyenne décroît car il est aujourd’hui le parti de ces « superflus invisibles » déclassés de l’ancienne classe moyenne. (…) Toucher 100 % d’un groupe ou d’un territoire est impossible. Mais j’insiste sur le fait que les classes populaires (jeunes, actifs, retraités) restent majoritaires en France. La France périphérique, c’est 60 % de la population. Elle ne se résume pas aux zones rurales identifiées par l’Insee, qui représentent 20 %. Je décris un continuum entre les habitants des petites villes et des zones rurales qui vivent avec en moyenne au maximum le revenu médian et n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Face à eux, et sans eux, dans les quinze plus grandes aires urbaines, le système marche parfaitement. Le marché de l’emploi y est désormais polarisé. Dans les grandes métropoles il faut d’une part beaucoup de cadres, de travailleurs très qualifiés, et de l’autre des immigrés pour les emplois subalternes dans le BTP, la restauration ou le ménage. Ainsi les immigrés permettent-ils à la nouvelle bourgeoisie de maintenir son niveau de vie en ayant une nounou et des restaurants pas trop chers. (…) Il n’y a aucun complot mais le fait, logique, que la classe supérieure soutient un système dont elle bénéficie – c’est ça, la « main invisible du marché» ! Et aujourd’hui, elle a un nom plus sympathique : la « société ouverte ». Mais je ne pense pas qu’aux bobos. Globalement, on trouve dans les métropoles tous ceux qui profitent de la mondialisation, qu’ils votent Mélenchon ou Juppé ! D’ailleurs, la gauche votera Juppé. C’est pour cela que je ne parle ni de gauche, ni de droite, ni d’élites, mais de « la France d’en haut », de tous ceux qui bénéficient peu ou prou du système et y sont intégrés, ainsi que des gens aux statuts protégés : les cadres de la fonction publique ou les retraités aisés. Tout ce monde fait un bloc d’environ 30 ou 35 %, qui vit là où la richesse se crée. Et c’est la raison pour laquelle le système tient si bien. (…) La France périphérique connaît une phase de sédentarisation. Aujourd’hui, la majorité des Français vivent dans le département où ils sont nés, dans les territoires de la France périphérique il s’agit de plus de 60 % de la population. C’est pourquoi quand une usine ferme – comme Alstom à Belfort –, une espèce de rage désespérée s’empare des habitants. Les gens deviennent dingues parce qu’ils savent que pour eux « il n’y a pas d’alternative » ! Le discours libéral répond : « Il n’y a qu’à bouger ! » Mais pour aller où ? Vous allez vendre votre baraque et déménager à Paris ou à Bordeaux quand vous êtes licencié par ArcelorMittal ou par les abattoirs Gad ? Avec quel argent ? Des logiques foncières, sociales, culturelles et économiques se superposent pour rendre cette mobilité quasi impossible. Et on le voit : autrefois, les vieux restaient ou revenaient au village pour leur retraite. Aujourd’hui, la pyramide des âges de la France périphérique se normalise. Jeunes, actifs, retraités, tous sont logés à la même enseigne. La mobilité pour tous est un mythe. Les jeunes qui bougent, vont dans les métropoles et à l’étranger sont en majorité issus des couches supérieures. Pour les autres ce sera la sédentarisation. Autrefois, les emplois publics permettaient de maintenir un semblant d’équilibre économique et proposaient quelques débouchés aux populations. Seulement, en plus de la mondialisation et donc de la désindustrialisation, ces territoires ont subi la retraite de l’État. (…) Même si l’on installe 20 % de logements sociaux partout dans les grandes métropoles, cela reste une goutte d’eau par rapport au parc privé « social de fait » qui existait à une époque. Les ouvriers, autrefois, n’habitaient pas dans des bâtiments sociaux, mais dans de petits logements, ils étaient locataires, voire propriétaires, dans le parc privé à Paris ou à Lyon. C’est le marché qui crée les conditions de la présence des gens et non pas le logement social. Aujourd’hui, ce parc privé « social de fait » s’est gentrifié et accueille des catégories supérieures. Quant au parc social, il est devenu la piste d’atterrissage des flux migratoires. Si l’on regarde la carte de l’immigration, la dynamique principale se situe dans le Grand Ouest, et ce n’est pas dans les villages que les immigrés s’installent, mais dans les quartiers de logements sociaux de Rennes, de Brest ou de Nantes. (…) In fine, il y a aussi un rejet du multiculturalisme. Les gens n’ont pas envie d’aller vivre dans les derniers territoires des grandes villes ouverts aux catégories populaires : les banlieues et les quartiers à logements sociaux qui accueillent et concentrent les flux migratoires. Christophe Guilluy
Les excès de l’individualisme aboutissent au fait que chaque individu se pense autorisé à dicter sa vision du bien et du mal au reste de la société. Dans une société où le bien commun a disparu, on ne peut plus faire vivre la liberté, à savoir la capacité des uns à exercer leur liberté en comprenant celle des autres. Aujourd’hui, les individus se regroupent en minorités agissantes sur des intérêts spécifiques liés à leur conception de leur identité. Ce que nous appelons le minoritarisme considère que la majorité est oppressive et que le libre jeu des minorités aboutira au bien commun. Cette conception est profondément anglo-saxonne et n’a rien à voir avec les différentes traditions européennes, en particulier la tradition républicaine française, qui repose sur la distinction entre un espace privé et un espace public où nous sommes des citoyens égaux. Elle nous fait sortir du champ politique démocratique parce que le principe de la démocratie est de débattre – la démocratie, c’est du conflit civilisé – et de résoudre le conflit par le choix de la majorité, différente selon les sujets. Si l’on considère que la majorité est oppressive et toujours la même – pour le dire simplement, les mâles blancs hétérosexuels – et qu’il faut s’en défendre, on fausse le jeu démocratique et on entre dans quelque chose qui est de l’ordre du religieux puisqu’il s’agit de dicter une vision du bien et de l’imposer aux autres. (…) La responsabilité des dirigeants est sans doute d’avoir petit à petit abandonné le politique. A partir du moment où ils ont accepté le primat de l’économie, ils ont adhéré à la vision du monde portée par le néolibéralisme qui nie la société et ne considère que les individus et les groupes minoritaires. Rappelez-vous la phrase de Margaret Thatcher : » La société n’existe pas. Je ne connais que des individus. » Ces groupes minoritaires militants font sans le savoir le jeu du néolibéralisme et de la dérégulation. Ils fragilisent un peu plus la communauté politique de telle sorte que les intérêts économiques vont prévaloir. En termes marxistes, ils sont les idiots utiles du néolibéralisme. La gauche américaine est en train de le redécouvrir. Beaucoup d’intellectuels, dont Mark Lilla, l’auteur de La Gauche identitaire (Stock), se sont interrogés sur les raisons de la victoire de Donald Trump. Ils ont observé que la gauche avait pris l’habitude de ne s’adresser qu’à des minorités, des groupes conçus comme des cibles marketing, et qu’elle ne développait plus de discours commun sur la nation. Donald Trump, lui, l’a fait, certes de la façon la plus déplorable qui soit. (…) La défense désintéressée d’une cause est très honorable. Le problème survient lorsque des associations, qui ont construit un fonds de commerce avec ces combats et qui détiennent une puissance financière démesurée, en arrivent à faire exister la cause au-delà de toute raison parce qu’elles en ont besoin pour exister. Des militantes féministes ont monté des sociétés pour conseiller les collectivités sur l’égalité hommes-femmes. Quand elles clament qu’il n’y a pas assez d’égalité, le font-elles de façon désintéressée ou dans l’optique de vendre leur formation aux institutions publiques ? (…) le minoritarisme est le versant culturel de la globalisation économique. Et il s’impose de plus en plus. L’universalisme européen perd du terrain, notamment auprès des jeunes. Ils ne sont pas choqués d’être confrontés à des ateliers en non-mixité dans tel mouvement social ou dans telle université. Ils adhèrent de plus en plus à la vision anglo-saxonne du féminisme conçu comme une lutte de minorités et se détournent de la vision française universaliste. Je n’ai pas envie de vivre dans un monde où il faudra signer un document de consentement avant de draguer. Je n’ai pas envie de ne plus manger de viande parce que cela relèverait du nazisme… Désormais, discuter de ces thèmes de manière approfondie et en recourant à une certaine complexité est d’autant plus difficile que la pression des réseaux sociaux est extrêmement forte. Ils sont devenus le lieu de la nouvelle inquisition. A travers eux, des minorités peuvent peser plus que ce qu’elles ne représentent réellement. Le fonctionnement de Twitter en témoigne. Un scandale éclate. Un pic d’agressions s’en suit contre celui qui a osé enfreindre les règles non écrites. Il doit alors battre sa coulpe et demander pardon. Un délai d’une à six heures est nécessaire pour qu’un revirement s’opère et que des gens de bon sens rétorquent : » Mais enfin, on va se calmer, peut-être ? » Sauf que l’écho sur les sites Internet sera celui du début de la polémique. Et la personne incriminée ne sera jamais réhabilitée. (…) C’est un retour du religieux sous une autre forme. Nous avons hérité des Lumières la foi en le progrès de l’humanité via l’émancipation par le savoir. Si vous partez du principe que l’être humain ne peut pas s’amender, qu’il a chevillé au fond de lui le mal à extirper et qu’il doit pour cela être culpabilisé, vous êtes dans un discours religieux. Ces groupes de pression fonctionnent comme cela. Il est frappant d’observer qu’ils entretiennent un rapport très particulier au désir. Le féminisme ou le veganisme entretiennent le sentiment d’une détestation de l’homme, être faillible, pas forcément ni transparent à lui-même, ni sûr de ce qu’il veut, ni maître de ses désirs. Quand on vous explique que le plaisir qu’il y a à manger une côte de boeuf est coupable et ignoble, notre humanité même est remise en cause, c’est-à-dire notre capacité à transformer notre condition d’animal omnivore en un moment de civilisation. La difficulté de la démocratie est de faire avec l’être humain tel qu’il est et d’élaborer des règles en fonction de la possibilité qu’il s’améliore. Les mouvements minoritaires radicaux, eux, veulent créer l’homme nouveau. (…) [Pour le néolibéralisme et le macronisme], la société n’existe pas ; il n’y a que des individus et ceux-ci sont responsables de leur sort. (…) Sa vision de la laïcité – ou plutôt son absence de vision – et ses quelques prises de position démontrent une orientation à l’anglo-saxonne, acquise au multiculturalisme. Nous serions une addition de communautés les unes à côté des autres. La phrase du ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérard Colomb lors de la passation de pouvoir avec Edouard Philippe y apporte à cet égard un démenti terrible : » Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain, on vive face à face « . Le résultat est un éclatement de la société, une somme d’individus vivant côte à côte mais qui n’ont rien à voir entre eux, hors l’envie d’être régulés par le droit et les marchés. Ma conception de la laïcité repose au contraire sur une vision du bien commun. La laïcité est un principe politique qui consiste à penser un espace public dans lequel nous qui portons des histoires et des identités différentes sommes tous citoyens. Le rôle de l’Etat est de préserver cet espace public neutre des intérêts particuliers. Cela ne concerne pas que les intérêts religieux mais aussi les intérêts financiers. Qu’une multinationale essaie d’orienter les décisions politiques dans l’intérêt de ses activités est une façon d’enfreindre ce principe. Je ne comprends pas ceux qui prétendent défendre à tout prix la laïcité contre les communautés religieuses mais qui se moquent du travail des lobbys pour essayer de dépecer l’État.Natacha Polony
Où faisant mentir, avec le plus bas taux de chômage depuis près de 40 ans minorités comprises, le dictum de l’ancien directeur de campagne de Bill Clinton …
Mais conformément à la tradition, un président Bush post-11/9 excepté …
La perte – d’à peine 28 sièges – de la majorité à la Chambre des Représentants …
Se voit qualifier de « vague bleue » …
La dérive identitaire du parti démocrate avec l’élection de quelques femmes de minorités noire, hispanique, amérindienne ou musulmane …
Le rappel présidentiel de la réalité du dévoiement, tourisme maternel compris, du droit du sol et des règles élémentaires de l’asile et de l’immigration …
L’implosion, sous le choc du véritable tonneau des danaïdes de l’immigration incontrôlée, de services sociaux se préparant désormais à l’explosion qui vient …
Les 18 Mohamed de plus – mais bien sûr pas les presque deux fois plus nombreux John – qu’un prénom à l’époque plus rare que Claudius …
Font la triomphale une de nos quotidiens …
Le rejet par la grande-Bretagne de l’asile d’une chrétienne pakistanaise persécutée ou l’appel par un président français à une défense européenne contre l’Amérique …
Excusée ou motivé par des « raisons de sécurité » …
Comment ne pas reconnaitre …
Dans la nouvelle religion et inquisition du multiculturalisme et la véritable perte du sens du bien commun qu’il entraine …
Au-delà de ses inutiles imprécations, politiquement correct oblige, contre le judéo-christianisme ici dévoyé ou le seul dirigeant à en avoir véritablement pris la mesure …
L’intellectuelle française s’alarme, dans Délivrez-nous du bien ! coécrit avec Jean-Michel Quatrepoint, de la progression en Europe du minoritarisme à l’anglo-saxonne. Pour elle, les groupes minoritaires militants jouent le jeu du néolibéralisme.
Gérald Papy
Vif/L’Express
08/11/2018
Comment expliquez-vous la recrudescence des interdits, des restrictions, des suspicions dans une société qui, comme vous l’écrivez, n’a que le mot « liberté » à la bouche ?/
Les excès de l’individualisme aboutissent au fait que chaque individu se pense autorisé à dicter sa vision du bien et du mal au reste de la société. Dans une société où le bien commun a disparu, on ne peut plus faire vivre la liberté, à savoir la capacité des uns à exercer leur liberté en comprenant celle des autres. Aujourd’hui, les individus se regroupent en minorités agissantes sur des intérêts spécifiques liés à leur conception de leur identité. Ce que nous appelons le minoritarisme considère que la majorité est oppressive et que le libre jeu des minorités aboutira au bien commun. Cette conception est profondément anglo-saxonne et n’a rien à voir avec les différentes traditions européennes, en particulier la tradition républicaine française, qui repose sur la distinction entre un espace privé et un espace public où nous sommes des citoyens égaux. Elle nous fait sortir du champ politique démocratique parce que le principe de la démocratie est de débattre – la démocratie, c’est du conflit civilisé – et de résoudre le conflit par le choix de la majorité, différente selon les sujets. Si l’on considère que la majorité est oppressive et toujours la même – pour le dire simplement, les mâles blancs hétérosexuels – et qu’il faut s’en défendre, on fausse le jeu démocratique et on entre dans quelque chose qui est de l’ordre du religieux puisqu’il s’agit de dicter une vision du bien et de l’imposer aux autres./p>
« Les réseaux sociaux sont devenus le lieu de la nouvelle inquisition ».
Quelle est la responsabilité des politiques dans cette perte du bien commun et comment restaurer le débat démocratique ?
La responsabilité des dirigeants est sans doute d’avoir petit à petit abandonné le politique. A partir du moment où ils ont accepté le primat de l’économie, ils ont adhéré à la vision du monde portée par le néolibéralisme qui nie la société et ne considère que les individus et les groupes minoritaires. Rappelez-vous la phrase de Margaret Thatcher : » La société n’existe pas. Je ne connais que des individus. » Ces groupes minoritaires militants font sans le savoir le jeu du néolibéralisme et de la dérégulation. Ils fragilisent un peu plus la communauté politique de telle sorte que les intérêts économiques vont prévaloir. En termes marxistes, ils sont les idiots utiles du néolibéralisme. La gauche américaine est en train de le redécouvrir. Beaucoup d’intellectuels, dont Mark Lilla, l’auteur de La Gauche identitaire (Stock), se sont interrogés sur les raisons de la victoire de Donald Trump. Ils ont observé que la gauche avait pris l’habitude de ne s’adresser qu’à des minorités, des groupes conçus comme des cibles marketing, et qu’elle ne développait plus de discours commun sur la nation. Donald Trump, lui, l’a fait, certes de la façon la plus déplorable qui soit./p>
Vous observez pourtant que ces minorités défendent de bonnes causes…
La défense désintéressée d’une cause est très honorable. Le problème survient lorsque des associations, qui ont construit un fonds de commerce avec ces combats et qui détiennent une puissance financière démesurée, en arrivent à faire exister la cause au-delà de toute raison parce qu’elles en ont besoin pour exister. Des militantes féministes ont monté des sociétés pour conseiller les collectivités sur l’égalité hommes-femmes. Quand elles clament qu’il n’y a pas assez d’égalité, le font-elles de façon désintéressée ou dans l’optique de vendre leur formation aux institutions publiques ?/p>
Pourquoi l’Europe est-elle à ce point influencée par le modèle américain de lutte des minorités ?
Parce que le minoritarisme est le versant culturel de la globalisation économique. Et il s’impose de plus en plus. L’universalisme européen perd du terrain, notamment auprès des jeunes. Ils ne sont pas choqués d’être confrontés à des ateliers en non-mixité dans tel mouvement social ou dans telle université. Ils adhèrent de plus en plus à la vision anglo-saxonne du féminisme conçu comme une lutte de minorités et se détournent de la vision française universaliste. Je n’ai pas envie de vivre dans un monde où il faudra signer un document de consentement avant de draguer. Je n’ai pas envie de ne plus manger de viande parce que cela relèverait du nazisme… Désormais, discuter de ces thèmes de manière approfondie et en recourant à une certaine complexité est d’autant plus difficile que la pression des réseaux sociaux est extrêmement forte. Ils sont devenus le lieu de la nouvelle inquisition. A travers eux, des minorités peuvent peser plus que ce qu’elles ne représentent réellement. Le fonctionnement de Twitter en témoigne. Un scandale éclate. Un pic d’agressions s’en suit contre celui qui a osé enfreindre les règles non écrites. Il doit alors battre sa coulpe et demander pardon. Un délai d’une à six heures est nécessaire pour qu’un revirement s’opère et que des gens de bon sens rétorquent : » Mais enfin, on va se calmer, peut-être ? » Sauf que l’écho sur les sites Internet sera celui du début de la polémique. Et la personne incriminée ne sera jamais réhabilitée./p>
La réponse à ce phénomène passe-t-elle par la réintroduction d’une norme majoritaire ?
Non, il faut simplement rétablir l’idée que la norme n’est pas oppressive.
« Le minoritarisme est le versant culturel de la globalisation. »
Cette volonté de dicter le chemin vers le bien plutôt que d’encourager à user de son libre arbitre n’est-elle pas un héritage de siècles de traditions judéo-chrétiennes ?
Bien sûr. C’est un retour du religieux sous une autre forme. Nous avons hérité des Lumières la foi en le progrès de l’humanité via l’émancipation par le savoir. Si vous partez du principe que l’être humain ne peut pas s’amender, qu’il a chevillé au fond de lui le mal à extirper et qu’il doit pour cela être culpabilisé, vous êtes dans un discours religieux. Ces groupes de pression fonctionnent comme cela. Il est frappant d’observer qu’ils entretiennent un rapport très particulier au désir. Le féminisme ou le veganisme entretiennent le sentiment d’une détestation de l’homme, être faillible, pas forcément ni transparent à lui-même, ni sûr de ce qu’il veut, ni maître de ses désirs. Quand on vous explique que le plaisir qu’il y a à manger une côte de boeuf est coupable et ignoble, notre humanité même est remise en cause, c’est-à-dire notre capacité à transformer notre condition d’animal omnivore en un moment de civilisation. La difficulté de la démocratie est de faire avec l’être humain tel qu’il est et d’élaborer des règles en fonction de la possibilité qu’il s’améliore. Les mouvements minoritaires radicaux, eux, veulent créer l’homme nouveau./p>
Certains commentateurs identifient une « phobie anti-Macron probablement irréversible ». Partagez-vous ce constat ?
Ce pouvoir semble fragilisé et en train de se déliter. Nul ne sait comment le mécontentement profond ressenti par une partie des citoyens va s’exprimer. Cette perte de capacité à peser sur les événements en seulement dix-huit mois ne m’étonne pas dans la mesure où l’attelage de départ était sans cohérence idéologique. Le macronisme recèle seulement une cohérence interne : Emmanuel Macron est profondément néolibéral. Pour lui, la société n’existe pas ; il n’y a que des individus et ceux-ci sont responsables de leur sort. Cela n’a rien à voir avec le » en même temps » qu’il avait mis en avant pendant sa campagne. Cette contradiction de départ est en train d’être levée.
Délivrez-nous du bien ! Halte aux nouveaux inquisiteurs, par Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint, éd. de l’Observatoire, 192 p.
Emmanuel Macron favorise-t-il l’importation du modèle anglo-saxon du vivre-ensemble ?
Oui. Sa vision de la laïcité – ou plutôt son absence de vision – et ses quelques prises de position démontrent une orientation à l’anglo-saxonne, acquise au multiculturalisme. Nous serions une addition de communautés les unes à côté des autres. La phrase du ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérard Colomb lors de la passation de pouvoir avec Edouard Philippe y apporte à cet égard un démenti terrible : » Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain, on vive face à face « . Le résultat est un éclatement de la société, une somme d’individus vivant côte à côte mais qui n’ont rien à voir entre eux, hors l’envie d’être régulés par le droit et les marchés. Ma conception de la laïcité repose au contraire sur une vision du bien commun. La laïcité est un principe politique qui consiste à penser un espace public dans lequel nous qui portons des histoires et des identités différentes sommes tous citoyens. Le rôle de l’Etat est de préserver cet espace public neutre des intérêts particuliers. Cela ne concerne pas que les intérêts religieux mais aussi les intérêts financiers. Qu’une multinationale essaie d’orienter les décisions politiques dans l’intérêt de ses activités est une façon d’enfreindre ce principe. Je ne comprends pas ceux qui prétendent défendre à tout prix la laïcité contre les communautés religieuses mais qui se moquent du travail des lobbys pour essayer de dépecer l’État.
Natacha Polony Bio express : 1975 Naissance le 15 avril à Paris. /2002-2009 Journaliste à l’hebdomadaire Marianne, en charge des questions d’éducation. /2011-2014 Chroniqueuse de l’émission TV On n’est pas couché, sur France 2. /2017 Publie Changer la vie : pour une reconquête démocratique (éd. de l’Observatoire). /2018 Directrice de la rédaction de Marianne./p>
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – De la politique identitaire au féminisme radical, en passant par la crise des opiacées, la journaliste Géraldine Smith explore diverses facettes de l’Amérique contemporaine dans un essai passionnant Vu en Amérique, bientôt en France.
Géraldine Smith vit depuis onze ans en Caroline du Nord. L’ancienne journaliste raconte l’Amérique contemporaine dans son livre Vu en Amérique, Bientôt en France, publié chez Stock.
FIGAROVOX.- Au lendemain des Midterms, on a beaucoup mis en avant dans la presse américaine et française le nouveau visage des élus démocrates: un gay, une musulmane, une latino, etc. Deux ans après l’élection de Donald Trump, la politique identitaire est-elle toujours au cœur de l’agenda politique aux États-Unis? Les démocrates ont-ils pris la mesure de leur échec en 2016?/p>
Géraldine SMITH.- Les Démocrates comme les Républicains ont à nouveau tenté d’instrumentaliser à leur profit les revendications identitaires qui dominent et divisent la société américaine depuis des années. Les premiers sont convaincus qu’il y a un stock de votes en leur faveur à récupérer chez les “minorités” (Noirs, Latinos, femmes, musulmans, homosexuels) et au lieu de concentrer leurs efforts et leurs discours sur le contenu de leur programme économique et politique, ils se dispersent dans le clientélisme. Les seconds se posent en défenseurs d’une identité américaine blanche et chrétienne menacée. Des deux côtés, on part du principe que l’électeur voudra voter pour une personne qui lui ressemble, et non pas pour une personne dont les idées le convainquent. Et gare aux traîtres! En 2017, un sénateur noir républicain s’est ainsi fait insulter comme “house negro” – nègre de case – parce qu’il soutenait la candidature d’un membre blanc de son parti au poste de ministre de la Justice. À l’inverse, certains de mes amis ne sont plus les bienvenus chez leurs parents pour avoir soutenu Hillary Clinton à la présidentielle de 2016./p>
Comment jugez-vous globalement l’ambiance du pays aux lendemains de ces élections? Avez-vous le sentiment que le pays est plus divisé que jamais?/p>
Je crois que le pays est divisé depuis longtemps et que l’avènement de Trump n’a fait que mettre en lumière le malaise profond de la société américaine. Les inégalités économiques phénoménales ont longtemps été acceptées par ceux qui croyaient dur comme fer que chacun avait sa chance. Il faut être profondément endormi pour le penser dans un pays où 1% de la population possède 50% des richesses! Mais en Amérique on trouve encore partout des drapeaux étoilés, même devant des bicoques à demi effondrées. Or, sauf dans le domaine militaire (40% des dépenses militaires dans le monde), l’Amérique est en train de perdre son statut d’“hyperpuissance”. Pour la première fois, elle est battue à son propre jeu, à savoir le “libre marché” et l’internationalisation de la compétition. Une assez grande partie de la société qu’on croit si “vitale” et “dynamique” résiste mal à cette épreuve. Plus encore qu’ailleurs, la fracture est béante entre de grands gagnants de la mondialisation et des gens “largués”. En somme, le rêve américain est en panne. Le doute s’est instillé partout, jusque dans les foyers. Que faire pour s’en sortir? Les Américains ne sont plus sûrs de la réponse. Alors parfois, des parents sont même prêts à donner des amphétamines à leurs enfants, dès le CP, pour qu’ils obtiennent de bonnes notes. Dans la communauté noire, les aînés convaincus qu’il suffisait d’être honnête et laborieux, de «filer doux» pour réussir, sont moqués par une jeunesse qui se radicalise. Je vous donne un autre exemple de la panique ambiante: à la fin des années soixante, une large majorité d’Américains se déclarait très optimiste sur l’avenir multiracial du pays. En 2001, 70% des Noirs et 62% des Blancs pensaient encore que les relations avec l’autre communauté étaient bonnes. En 2016, avant l’élection de Donald Trump, ils n’étaient plus que 49% des Noirs et 55% des Blancs./p>
Comment l’expliquez-vous?/p>
La classe politique mais aussi les réseaux sociaux alimentent une vision catastrophiste et spectrale de la réalité. Chacun vit dans sa cave identitaire, sans vue sur l’extérieur et des faits relativement rares prennent une importance disproportionnée dès qu’ils sont massivement diffusés: quand la vidéo d’un homme noir abattu par la police pour avoir traversé en dehors des clous devient virale, le sentiment d’injustice est décuplé. Quand la nouvelle d’un enfant retrouvé assassiné dans les toilettes d’une station-service est commentée ad nauseam à la sortie de chaque école du pays, la peur du prédateur pédophile gagne les foyers. 60% des Américains sont convaincus que la criminalité augmente alors que, selon le FBI, le taux de crimes violents a chuté de 43% depuis 1993. Le danger réel diminue mais le sentiment être en danger augmente, ce qui incite au repli sur soi et sa communauté./p>
Dans votre livre «Vu en Amérique, bientôt en France», vous insistez sur «l’anxiété» qui ravage l’Amérique. Pourquoi cette anxiété est-elle si forte dans un pays qui est pourtant la première puissance économique de la planète? Comment se manifeste cette anxiété?/p>
L’un de mes voisins consulte chaque matin sur Internet une carte des crimes commis la veille près de chez nous. Résultat, il est convaincu que nous sommes cernés par des voyous et ne laisse plus son fils sortir. L’abondance de l’information disponible donne l’illusion du contrôle, alors qu’elle est en réalité le combustible d’une anxiété souvent paranoïaque. On croit pouvoir tout savoir, tout comprendre tout seul, on se méfie des experts et des intermédiaires – médecins, journalistes – dont la compétence nous rassurait auparavant. D’autres causes de l’anxiété sont la nécessité de s’adapter à des changements de plus en plus rapides, la désagrégation de la cellule familiale, la baisse de la religiosité, la précarisation de l’emploi ou encore l’obsession du risque zéro. Dans un pays riche, on finit par être beaucoup plus angoissé à l’idée que “quelque chose pourrait nous arriver” que dans un pays pauvre ou, objectivement, les risques encourus – de maladie, d’accident – sont infiniment plus élevés. 18% des Américains souffrent officiellement de troubles anxieux contre seulement 10% en France, où le chiffre est cependant en hausse. Vous verrez que la France va être gagnée par cette maladie: ce n’est pas un hasard si Christophe André, le pape de la lutte antistress, a publié 25 ouvrages qui ont été autant de best-sellers./p>
Cette anxiété se manifeste notamment par la prise massive de drogues, amphétamines et opiacées. Quelle est l’ampleur de ce phénomène? Est-il traité par les pouvoir publics?/p>
L’espérance de vie a diminué pour la seconde année consécutive aux États-Unis à cause d’une épidémie qui touche toutes les classes sociales: depuis 1999, 350 000 Américains sont morts d’une overdose d’opioïdes. Ces médicaments contre la douleur, efficaces et bon marché dans un pays où se soigner coûte très cher, ont été massivement prescrits pendant des années en dépit de leur fort potentiel addictif. En cause, une collusion avérée entre des laboratoires pharmaceutiques et des médecins rémunérés pour promouvoir leurs opioïdes, mais aussi la demande croissante des patients de ne pas avoir mal. Malgré les efforts des pouvoirs publics, l’épidémie n’a pas diminué en 2017: pour les trois millions d’accro aux opioïdes que comptent les États-Unis, il est facile de se procurer les pilules, importées de Chine, sur le Dark Web, l’internet caché./p>
Vous évoquez aussi le système ultralibéral qui régit le droit du travail. Les bons chiffres économiques des États-Unis (notamment ceux du chômage) masquent-ils une réalité sociale plus précaire?/p>
Je raconte le sort d’un employé qui enchaîne chaque jour deux pleins-temps, chez MacDo puis chez Burger King, mais est toujours si pauvre qu’il dépend des bons de nourriture de l’Etat. Autrement dit, le contribuable subventionne indirectement l’industrie du fast-food! La classe ouvrière et la classe moyenne américaine souffrent des répercussions d’un ultralibéralisme que, Bernie Sanders mis à part, les Démocrates n’ont jamais vraiment dénoncé, quand ils ne l’ont pas eux aussi encouragé. Leur langage de solidarité est sélectif — il cible certaines «communautés» au détriment d’autres – et hypocrite puisque ces élites tirent leur rente de situation d’une mondialisation débridée qui est à l’origine du malheur de leurs concitoyens. Or, quand on vient dire à un type qui se tue à la tâche sur un chantier mais n’a pas de quoi se payer le dentiste qu’il est un “blanc privilégié”, il ne faut pas s’étonner qu’il le prenne mal. Cela explique aussi, bien sûr, le succès de Donald Trump./p>
Un an après l’affaire Weinstein, comment analysez-vous l’impact de Me Too sur la société américaine?/p>
Sincèrement, je trouve que les relations entre hommes et femmes sont plus agréables en France qu’aux États-Unis. Metoo va sans doute aggraver la défiance qui existe déjà ici entre les deux sexes. D’ailleurs, MeToo n’a pas été initié par les féministes radicales. C’est le prolongement d’un mouvement amorcé depuis longtemps sur les campus américains et connu sous le nom de Title IX, nom d’une mesure adoptée en 1972 pour obliger les universités à financer à parts égales les équipes de sport féminines et masculines. Au fil des ans, son application s’est étendue à la lutte contre le harcèlement sexuel et les discriminations. Title IX a fait beaucoup pour l’égalité entre les sexes mais les meilleures intentions sont souvent perverties. La question du consentement, largement reprise par MeToo, l’illustre: est-il raisonnable, par exemple, qu’une femme puisse retirer son consentement après l’acte sexuel parce que, le lendemain, elle apprend que son partenaire lui a menti sur sa situation matrimoniale?/p>
Vous décrivez dans votre livre la puissance du féminisme radical américain. Le féminisme est-il devenu l’alternative au «trumpisme»?/p>
Dans un pays qui pointe à la 49e place mondiale en termes d’égalité professionnelle et où un cinquième des hommes pensent encore que les femmes feraient mieux de rester à la maison, je comprends l’activisme des féministes américaines. Et c’est vrai que depuis la Marche des Femmes à Washington en 2016, elles sont très en pointe dans la lutte anti-Trump. On l’a encore vu lors des élections il y a quelques jours. Vous n’imaginez pas cependant à quel point les féministes sont divisées. Les plus radicales ne cherchent pas à en finir avec le patriarcat mais à prendre leur revanche en instaurant le matriarcat. L’homme blanc de plus de 50 ans est la cible préférée de ces féministes, mais elles s’en prennent aussi aux femmes blanches, accusées de ne pas être suffisamment conscientes des privilèges «associés» à leur couleur de peau. Alors pour répondre à votre question: non, ce genre de féminisme, si l’on peut dire, n’est pas une alternative au trumpisme puisqu’il est lui aussi, une manifestation de la «fracturation identitaire» qui mine les États-Unis./p>
Our differences — on immigration, race, the role of work, the value of America itself — are intensifying.Slavery was the issue that blew up America in 1861 and led to the Civil War.
But for the 85 years between the nation’s founding and that war, it had seemed that somehow America could eventually phase out the horrific institution and do so largely peacefully.
But by 1861, an array of other differences had magnified the great divide over slavery. The plantation class of the South had grown fabulously rich — and solely dependent — on King Cotton and by extension slave labor. It bragged that it was supplying the new mills of the industrial revolution in Europe and had wrongly convinced itself that not just the U.S. but also Britain could not live without Southern plantations.
Federal tariffs hurt the exporting South far more than the North. Immigration and industrialization focused on the North, often bypassing the rural, largely Scotch-Irish South, which grew increasingly disconnected culturally from the North.
By 1861, millions of Southerners saw themselves as different from their Northern counterparts, even in how they sounded and acted. And they had convinced themselves that their supposedly superior culture of spirit, chivalry, and bellicosity, without much manufacturing or a middle class, could defeat the juggernaut of Northern industrialism and the mettle of Midwestern yeomanry.
Something similar to that array of differences is slowly intensifying America’s traditional liberal–conservative and Democratic–Republican divides.
I. Globalization
Globalization is accentuating two distinct cultures, not just economically but also culturally and geographically.
Anywhere industries based on muscular labor could be outsourced, they often were. Anywhere they could not be so easily outsourced — such as Wall Street, Silicon Valley, the entertainment industry, the media, and academia — consumer markets grew from 300 million to 7 billion. The two coasts with cosmopolitan ports on Asia and Europe thrived.
Perhaps “thrived” is an understatement. Never in the history of civilization had there been such a rapid accumulation of global wealth in private hands as has entered the coffers of Amazon, Apple, Facebook, Google, Microsoft, and hundreds of affiliated tech companies. Never have private research marquee universities had such huge multibillion-dollar endowments. Never had the electronic media and social media had such consumer reach. Never has Wall Street had such capital.
The result has been the creation of a new class of millions of coastal hyper-wealthy professionals with salaries five and more times higher than those of affluent counterparts in traditional America. The old working-class Democrat ethos was insidiously superseded by a novel affluent progressivism.
Conservationism morphed into radical green activism. Warnings about global warming transmogrified into a fundamentalist religious doctrine. Once contested social issues such as gay marriage, abortion, gun control, and identity politics were now all-or-nothing litmus tests of not just ideological but moral purity.
A strange new progressive profile supplanted the old caricature of a limousine liberal, in that many of the new affluent social-justice warriors rarely seemed to be subject to the ramifications of their own ideological zealotry. New share-the-wealth gentry were as comfortable as right-wing capitalists with private prep schools, expansive and largely apartheid gated neighborhoods, designer cars, apprentices, and vacations.
For the other half of America, cause and effect were soon forgotten, and a new gospel about “losers” (deplorables, irredeemables, crazies, clingers, wacko birds) explained why the red-state interior seemed to stagnate both culturally and economically — as if youth first turned to opioids and thereby drove industry away rather than vice versa.
Half the country, the self-described beautiful and smart people, imagined a future of high-tech octopuses, financial investments, health-care services, and ever more government employment. The other half still believed that America could make things, farm, mine, produce gas and oil — if international trade was fair and the government was a partner rather than indifferent or hostile.
II. Clustering
Cheap transportation and instant communications paradoxically made the country far more familiar and fluid, even as local and distinct state cultures made Americans far more estranged from one another. The ironic result was that Americans got to know far more about states other than their own, and they now had the ability to move easily to places more compatible with their own politics. Self-selection increased, especially among retirees.
Small-government, low-tax, pro-business states grew more attractive for the middle classes. Big-government, generous-welfare, and high-tax blue states mostly drew in the poor and the wealthy. Gradually, in the last 20 years, our old differences began to be defined by geography as well.
In the old days, the legacy of frontier life had made Idaho somewhat similar to Colorado. But now immigration and migration made them quite different. East versus West, or North versus South, no longer meant much. Instead, what united a Massachusetts with a California, or an Idaho with Alabama, were their shared views of government, politics, and culture, and whether they shared (or did not share) bicoastal status. The Atlantic and Pacific coasts were set off against the noncoastal states; Portland was similar to Cambridge in the fashion that Nashville and Bozeman voted alike. As was true in 1861 or 1965, geography often intensified existing discord.
III. Open Borders
The old consensus about immigration eroded, namely that while European and British commonwealth immigration was largely declining, it mattered little given that immigration from Latin America, Asia, and Africa would be diverse, meritocratic, measured — and legal.
The old melting pot would always turn foreigners into Americans. No one seemed to care whether new arrivals increasingly did not superficially look like most Americans of European descent. After all, soon no one would be able to predict whether a Lopez or a Gonzalez was a conservative or liberal, any more than he had been able to distinguish the politics of a Cuomo from a Giuliani on the basis of shared Italian ancestry.
Indeed, the professed views of Bill and Hillary Clinton, Joe Biden, Barack Obama, and Harry Reid before 2009 about illegal immigration were identical to those of Donald Trump in 2018: Secure the border; ensure that immigration was legal and meritocratic; deport many of those who had arrived illegally; and allow some sort of green-card reprieve for illegal aliens who had resided for years in the U.S., were working, and had no arrest record — all in exchange for paying a small fine, learning English, and applying for legal-resident status.
The huge influxes of the 1990s and 21st century — 60 million non-native residents (citizens, illegal aliens, and green-card holders) now reside in the U.S. — destroyed that consensus, once shared across the racial and ideological spectrum, from the late civil-rights leader and Democratic representative Barbara Jordan to labor leader Cesar Chavez.
Instead, a new opportunistic and progressive Democratic party assumed that the Latino population now included some 20 million illegal residents, and about that same number of first- and second-generation Hispanics. The 2008 Obama victory raised new possibilities of minority-bloc voting and seemed to offer a winning formula of galvanizing minority voters through salad-bowl identity-politics strategies. Purple states such as California, Colorado, Nevada, and New Mexico gradually turned blue, apparently due to new legions of minority-bloc voters.
One way of making America progressive was not just winning the war of ideas with voters, but changing the nature and number of voters, namely by welcoming in large numbers of mostly impoverished immigrants, assuring them generous state help, appealing to their old rather than new identities, and thereby creating a new coalition of progressives committed to de facto and perpetually open borders.
IV. The Salad Bowl
Racial relations deteriorated. Affirmative action was no longer predicated on the sins of slavery and Jim Crow and aimed at reparations in hiring and admissions for African Americans, often on the implicit rational of helping the poorer to enter the middle class.
Instead, “diversity” superseded affirmative action and eventually constituted an incoherent binary of white–non-white. Yet that divide could not be logically defined either by race (hence the anomalies of everything from Elizabeth Warren’s constructed minority identity to the nomenclature gymnastics of Kevin de León), or by economic or historical oppression, or by present income and wealth.
On entry to the U.S., affluent immigrants from Mumbai, poor arrivals from Oaxaca, Chilean aristocrats, or Taiwanese dentists would all be deemed “minorities” and courted as such by political operatives. Stepping foot on American soil equated with experiencing racism, and racism generated reparational claims of an aggrieved identity.
Of course, when a third of the country was now asked to self-identify in existential fashion and for self-interested purposes as non-white rather than incidentally as Americans of Punjabi, Arab, Mexican, African, or Chinese heritage, then it was natural that those who did not fit the racial arc that supposedly always bent to predetermined justice would began to shed their own once proud ethnic heritages as Americans of Irish, Armenian, Greek, or Eastern European descent. They’d likewise start to reactively see themselves as “white” — in a way that overshadowed their prior particular ethnic fides. We were well on our way to embracing an old but also quite new force multiplier of existing difference.
Increasingly, half the country views its history and institutions as inspirational, despite prior flaws and shortcomings, and therefore deserving of reverence and continuance. The other half sees American history and tradition as a pathology that requires rejection or radical transformation.
V. The Post-War Order
The world of post-1945 is coming to a close — after the end of the Cold War, the collapse of the Soviet Union, the unification of Germany, the creation of the European Union, the ascendance of a mercantilist and authoritarian China, and the post-9/11 rise of radical Islamic terrorism. Our closest NATO allies near the barricades of Russian aggression and radical Islam are the least likely of the alliance to prepare militarily. Yet Russia is a joke compared with the challenge of China. The European Union project is trisected by north-south financial feuding, east-west immigration discord, and Brexit — and the increasing realization that pan-European ecumenicalism requires more force and less democracy to survive than did the old caricatured nation-state.
The post-war rationales for American global leadership — we would accept huge trade imbalances, unfair trading agreements, often unilateral and costly interventions given our inordinate wealth and power and fears of another 1939 — no longer persuade half the nation.
The descendants of the architects of the old order were no longer able to make the argument that warplanes over Afghanistan, Iraq, or Libya were central to U.S. security, or at least in cost-to-benefit terms aided the United States. And it did not help that the classes who made the argument for American preemptory international interventions had few answers on how to deter Iran, challenge an aggressive China, or denuclearize North Korea; further, they appeared to have weird contempt for those Americans who were asked to pay the taxes and send their daughters and sons abroad to fight and sometime die for what seemed an increasingly ungrateful “other.”
The lesson of Iraq was about more than the wisdom or folly of that intervention. It was a warning that those who advocated optional wars might not always continue to support the war when it turned ugly and unpopular — and was deemed injurious to their own careers. That fact also turned half the country off on its leadership.
America is not isolationist, but an increasing number of its citizens sees overseas interventions as an artifact of globalization. Rightly or wrongly, they do not believe that the resulting rewards and costs are evenly distributed, much less in the interest of America as a whole.
It is now old-hat to say that the Detroit of 1945, at the time perhaps the world’s most innovative and ascendant city, now looks like Hiroshima or Hamburg of 1945, while Hiroshima and Hamburg of 2018 resemble the equivalent of 1945 Detroit. The point is not that the post-war order itself destroyed Detroit, but that Americans see something somewhere wrong when we helped rebuild the industrial cities of the world and crafted an order under which they thrived but in the process ignored many of our own.
Advice from Hippocrates
The various ties that bind us — a collective educational experience, adherence to the verdict of elections, integration and assimilation, sovereignty between delineated borders, a vibrant popular and shared culture, and an expansive economy that makes our innate desire to become well-off far more important than vestigial tribalism — all waned. Entering a campus, watching cable news, switching on the NFL, listening to popular music, or watching a new movie is not salve but salt for our wounds.
In the absence of political, cultural, or social ecumenicalism, perhaps we can at least for now privately retreat to the old Hippocratic adage of “first, do no harm” to one another.
Many conservatives did not see that Trump had framed the 2016 election as a choice between two mutually exclusive regimes: multiculturalism and America. What I call “multiculturalism” includes “identity politics” and “political correctness.” If multiculturalism continues to worm its way into the public mind, it will ultimately destroy America. Consequently, the election should have been seen as a contest between a woman who, perhaps without quite intending it, was leading a movement to destroy America and a man who wanted to save America. The same contest is being played out in the midterm elections.
I realize the term “multiculturalism” is somewhat dated, but I mean to freshen it up by using it in its most comprehensive sense—as a political philosophy. Multiculturalism conceives of society as a collection of cultural identity groups, each with its own worldview, all oppressed by white males, collectively existing within permeable national boundaries. Multiculturalism replaces American citizens with so-called “global citizens.” It carves “tribes” out of a society whose most extraordinary success has been their assimilation into one people. It makes education a political exercise in the liberation of an increasing number of “others,” and makes American history a collection of stories of white oppression, thereby dismantling our unifying, self-affirming narrative—without which no nation can long survive.
During the 2016 campaign, Trump exposed multiculturalism as the revolutionary movement it is. He showed us that multiculturalism, like slavery in the 1850’s, is an existential threat. Trump exposed this threat by standing up to it and its enforcement arm, political correctness. Indeed, he made it his business to kick political correctness in the groin on a regular basis. In countless variations of crassness, he said over and over exactly what political correctness prohibits one from saying: “America does not want cultural diversity; we have our culture, it’s exceptional, and we want to keep it that way.” He also said, implicitly but distinctly: the plight of various “oppressed groups” is not the fault of white males. This too violates a sacred tenet of multiculturalism. Trump said these things at a time when they were the most needful things to say, and he said them as only he could, with enough New York “attitude” to jolt the entire country. Then, to add spicy mustard to the pretzel, he identified the media as not just anti-truth, but anti-American.
Trump is a walking, talking rejection of multiculturalism and the post-modern ideas that support it. Trump believes there are such things as truth and history and his belief in these things is much more important than whether he always tells the truth himself or knows his history—which admittedly is sometimes doubtful.
His pungent assertion that there are “shithole” countries was an example of Trump asserting that there is truth. He was saying that some countries are better than others and America is one of the better ones, perhaps even the best. Multiculturalism says it is wrong to say this (as it was “wrong” for Reagan to call the Soviet Union “evil”). Trump is the only national political figure who does not care what multiculturalism thinks is wrong. He, and he alone, categorically and brazenly rejects the morality of multiculturalism. He is virtually the only one on our national political stage defending America’s understanding of right and wrong, and thus nearly alone in truly defending America. This why he is so valuable—so much depends on him.
His shortcomings are many and some matter, but under present circumstances what matters more is that Trump understands we are at war and he is willing to fight. In conventional times, Trump might have been one of the worst presidents we ever had; but in these most unconventional times, he may be the best president we could have had.
2016 and the Meaning of America
“If we could first know where we are, and whither we are tending, we could then better judge what to do, and how to do it.”
Most conservatives did not see Trump in 2016 as a man defending America. This was in large part because they did not see that America was in need of defending. What conservatives did see was Trump’s policies (which didn’t line up with conservative ones) and his character (which didn’t line up, period), and they concluded the country was nowhere near in bad enough shape, and Hillary Clinton not enough of a danger, to justify enthusiasm for a man so manifestly unfit for the role.
In what might be a case of everybody’s-out-of-step-but-me, many conservatives have concluded that if the electorate voted into office a man so obviously unfit to be president, there must be something wrong with the electorate.
I think the explanation for Trump’s victory is actually quite straightforward and literal: Americans, plenty of whom still have common sense and are patriotic, voted for Trump for the very reason he said they should vote for him, to put America first or, as his campaign slogan had it, “to make America great again”—where “America” was not, as many conservatives imagine, code for “white people.” In other words, the impulse for electing Trump was patriotic, the defense of one’s own culture, rather than racist./p>
In a thoughtful essay in the Spring of 2017 on the future of the conservative movement, Yuval Levin expressed the view, common among conservatives, that the country was in decent shape. He was puzzled therefore why a number of thinkers associated with the Claremont school held “that things almost could not be worse” and that it was therefore necessary “to mount a total revolution.”/p>
Levin and like-minded conservatives have matters backwards. Multiculturalism, not Trumpism, is the revolution. Trump’s campaign, and its defense by his intellectual supporters, was not a call for a revolution but a call to stop a revolution. Trump’s intellectual supporters did not say things could not get worse; they said without a sharp change in course there was a good chance we shall never get back home again./p>
Trump’s entire campaign was a defense of America. The election was fought not so much over policies, character, email servers, or James Comey, as it was over the meaning of America. Trump’s wall was not so much about keeping foreigners out as it was a commitment to a distinctive country; immigration, free trade, and foreign policy were about protecting our own. In all these policies, Trump was raising the question, “Who are we as a nation?” He answered by being Trump, a man made in America, unmistakably and unapologetically American, and like most of his fellow citizens, one who does not give a hoot what Europeans or intellectuals think./p>
Clinton, in the other corner, was the great disdainer, a citizen not of America but of the world: a postmodern, entitled elitist who was just more of Obama, the man who contemptuously dismissed America’s claim to being exceptional. What she called the “deplorables” were the “anti-multiculturalists.” She was saying, in effect, that she did not recognize the “deplorables” as fellow citizens, and they were, as far as she was concerned, not part of the regime she proposed to lead./p>
Perhaps Trump’s most effective answer to Clinton’s and the Democrats’ multiculturalism was his attacks on political correctness, both before and after the election. Trump scolded Jeb Bush for speaking Spanish on the campaign trail. He pointed out that on 9/11 some Muslims cheered the collapse of the twin towers. He said Mexico was sending us its dregs, suggested a boycott of Starbucks after employees were told to stop saying “Merry Xmas,” told NFL owners they should fire players who did not respect the flag, expressed the view that people from what he called “shitholes” (Haiti and African countries being his examples) should not be allowed to immigrate, exposed the danger of selecting judges based on ethnicity, and said Black Lives Matter should stop blaming others./p>
The core idea of each of these anti-P.C. blasts, when taken in aggregate, represent a commitment to America’s bourgeois culture, which is culturally “Judeo-Christian,” insists on having but one language and one set of laws, and values: among other things, loyalty, practical experience, self-reliance, and hard work. Trump was affirming the goodness of our culture. Odd as it may sound, he was telling us how to live a worthy life. Trump is hardly the ideal preacher, but in a society where people are thirsting for public confirmation of the values they hold dear, they do not require pure spring water. Even Trump’s crass statements objectifying women did not seem to rattle Trump women voters, perhaps because it did not come as news to them that men objectify women. In other words, Trump was being a man, albeit not the model man, but what mattered was that he was not the multicultural sexless man. A similar rejection of androgyny may have been at work in the Kavanaugh hearings./p>
It was only a generation or so ago that our elite, liberals as well as conservatives, were willing to defend America’s bourgeois culture, American exceptionalism, and full assimilation for immigrants. Arthur Schlesinger expressed his view of assimilation this way: the “American Anglo-Saxon Protestant tradition … provides the standard to which other immigrant nationalities are expected to conform, the matrix into which they are to be assimilated.” That meant giving up one’s home culture, not necessarily every feature and not right away, but ultimately giving up its essential features in favor of American culture. In other words, there are no hyphenated Americans./p>
Trump understands that “diversity is our greatest strength,” which is multiculturalism boiled down to an aphorism, is exactly backwards. America’s greatest strength is having transcended race, and the one major exception was very nearly our undoing. In light of this history, the history of the world (one “tribal” war after another), and the multicultural car wreck that is Europe today, to manufacture cultural diversity is nothing less than self-immolating idiocy. Trump might not put it in these words, but he gets it. The average American gets it too, because it is not very difficult to get: it is common sense./p>
Conservatives and Republicans are Complicit/p>
Trump’s strengths are his courage, his common sense, and his rhetoric. He gets to the essential thing, the thing that no one else will say for fear of being called a “racist” or “fascist” or one of the other slurs that incite the virtue-signaling lynch mob./p>
His “shithole” remark was one example. Another occurred in 2015 when Trump, after a terrorist attack, proposed a ban on all Muslims until “we figure out what the hell is going on.” Virtually everyone, the Right included, screamed “racism” and “Islamophobia.” Of course, to have defended Trump would have violated the multicultural diktat that Islam be spoken of as a religion of peace. But like Trump, the average American does not care whether Islam is or is not a religion of peace; he can see with his own eyes that it is being used as an instrument of war. When Muslim terrorists say they are doing the will of Allah, Americans take them at their word. This is nothing but common sense./p>
Trump’s attempt to remove District Judge Gonzalo Curiel from a lawsuit in which Trump University was the defendant, in part because of the judge’s Mexican ancestry, was another instance where cries of “racism,” from the Right every bit as loud as from the Left, substituted for common sense. It was thought absurd for Trump to claim the judge was biased because of his ethnicity, yet it was the elite’s very insistence in making ethnicity a factor in the appointment of judges that invited Trump to respond in kind. We make ethnicity an essential consideration and then claim ethnicity should not matter. That is not common sense./p>
Getting to the essential, commonsensical heart of the matter is the most important element of Trump’s rhetoric, but even his often cringeworthy choice of words sometimes advances the conservative cause. This is a sad reflection of the times, but these are the times we live in, and we must judge political things accordingly. When, for example, Trump mocked Judge Kavanaugh’s accuser, he was doing something else that only he can: taking multiculturalism, and its “believe all women” narrative, head on. We should continue to cringe at Trump’s puerility, but we should appreciate when it has value./p>
In each of these instances, when conservatives joined liberals in excoriating Trump, conservatives were beating up our most important truth teller. Conservatives and Republicans should be using these instances to explain America and what is required for its perpetuation. In the examples listed above, they should have explained the importance of having one set of laws, full assimilation, and color blindness; the incompatibility of theocracy with the American way of life; that under certain circumstances we might rightly exclude some foreign immigrants, not because of their skin color but because they come from countries unfamiliar with republican government. Instead conservatives are doing the work of the multiculturalists for them: insinuating multiculturalism further into the public mind. Conservatives have, without quite realizing it, agreed to play by the multiculturalist’s rules and in so doing they have disarmed themselves; they have laid down on the ground their most powerful weapon: arguments that defend America./p>
The Kavanaugh Hearings: Multiculturalism at Work /p>
In exposing the dangers of multiculturalism, Trump exposed its source: radical liberal intellectuals, most of whom hang about the humanities departments (and their modern day equivalents) at our best colleges and universities, where they teach the multicultural arts and set multicultural rules. And from the academy these ideas and rules are drained into the mostly liberal, mostly unthinking opinion-forming elite who then push for open borders, diversity requirements, racism (which somehow they get us to call its opposite), and other aspects of multiculturalism./p>
Multicultural rules were in full force in the Kavanaugh hearings. Armed with the chapter of the multicultural creed that covers “male oppression of women,” Democrats could attack Kavanaugh with accusations conjured out of nothing. At the same time, multicultural rules required Republicans to fight with one hand behind their backs: they were forced to allow a case with no basis to go forward, could not attack the accuser, and had to use a woman to question her. Republicans reflexively accepted their assigned role as misogynists (and would have been accepting the role of racists had the accuser been black). True, Republicans had no choice; still when one is being played one needs to notice./p>
Had Trump tweeted, “I don’t give a rat’s ass about the sex or color of the questioner,” I suspect the majority of Americans would have applauded. After all, that is the American view of the matter. It’s not the average American who requires a woman questioner or a black one. We know that because Trumpsters have told us. It’s not typically the parents in our inner-city schools who demand teachers and administrators with skin color that matches that of their children. It’s not ordinary Mexican immigrants who are agitating to preserve their native culture. It’s the multiculturalists./p>
Multicultural rules flow from multiculturalism’s understanding of justice, which is based not on the equality of individuals (the American understanding) but on the equality of identity groups oppressed by white males. In the Kavanaugh hearings, the multiculturalists did not see a contest between two individuals but rather between all women who are all oppressed and all white men who are all oppressors. Americans claimed the multiculturalists violated due process and conventional rules of evidence, but from the multiculturalists’ perspective what Americans saw as violations were actually multiculturalism’s understanding of due process and rules of evidence. Americans were seeing a revolution in action./p>
We now find ourselves in a situation not unlike that which existed before the Civil War, where one side had an understanding of justice that rested on the principle of human equality, while the other side rested on the principle that all men are equal except black men. One side implied a contraction and ultimate extinction of slavery; the other, its expansion. It was a case of a ship being asked to go in two directions at once. Or to use Lincoln’s Biblical metaphor, “a house divided against itself cannot stand.” Lincoln did not mean that the country could not stand part free and part slave. It could, as long as there was agreement that slavery was bad and on the road to extinction. But once half the country thought slavery a good thing and the other thought it a bad thing the country could no longer stand. It was the different understandings of justice that were decisive because when there are two understandings of justice, as in the Civil War and now, law-abidingness breaks down. In the Civil War, this resulted in secession. Today, this results in sanctuary cities and the “resistance.” To get a sense of how close we are to a complete breakdown, imagine that the 2016 election, like the Bush-Gore election, had been decided by the Supreme Court. One shudders to think./p>
“What to do, and How to do it.”/p>
Conservatives have been dazed by Trumpism. Even those conservatives who now acknowledge that Trump has accomplished some good things are not certain what is to be learned from Trumpism that might inform the future of the conservative movement./p>
The lesson is this: get right with Lincoln. He made opposition to slavery the non-negotiable center of the Republican party, and he was prepared to compromise on all else. Conservatives should do likewise with multiculturalism. We should make our opposition to it the center of our movement. Multiculturalism should guide our rhetorical strategy, provide a conceptual frame for interpreting events, and tie together the domestic dangers we face. We must understand all these dangers as part of one overarching thing./p>
This approach, however, will not work unless conservatives begin to think about politics like Lincoln did. That they do not may explain why so many of them missed the meaning of the 2016 election. This topic is complex but I think it comes down to this: As compared to Lincoln’s thinking about politics, conservative thinking tends to be too narrow (i.e., excludes too much) and too rigid./p>
What for Lincoln was the single most important political thing—the public’s understanding of justice—many of today’s conservatives think not important at all. It should not then be surprising why they missed, or underappreciated, the political dangers of multiculturalism with its assault on the American understanding of justice. Having missed or underappreciated multiculturalism, conservatives could not see that those attributes of Trump that in conventional times would have been disqualifying were in these times just the ones needed to take on multiculturalism. Trump was not a conventional conservative, yet his entire campaign was about saving America. This is where conservatism begins./p>
Education is another area that conservatives believe is less politically important than Lincoln did. Conservatives must relearn what Lincoln knew, and what, until the mid-twentieth century, our universities and colleges also knew: the purpose of higher education, in particular elite higher education, is to train future citizens on behalf of the common good. If the elite universities are promoting multiculturalism, and if multiculturalism is undermining America, then the universities are violating their obligation to the common good no less than were they giving comfort to the enemy in time of war. In such a case, the government, the federal government if need be, can rightfully impose any remedy as long as it is commensurate with the risk posed to the country and is the least intrusive option available./p>
Reorienting the conservative movement is a formidable undertaking, but we have a few big things in our favor: for starters, most of the country, including many who are not Trumpsters, appear to object to multiculturalism and its accompanying speech codes. In addition, multiculturalism, as with abolition, has the potential to energize the conservative movement. Conservatives, who are in the business of conserving things, come to life when there is something important to conserve because this allows them to stake out a very distinctive and morally powerful position with enough room to accommodate a broad coalition. In this case, that really important “something” is our country./p>
Thomas D. Klingenstein is a principal in the investment firm of Cohen, Klingenstein, LLC and the chairman of the Board of Directors of the Claremont Institute./p>
Le passeport américain fait toujours des envieux. Si l’on en croit une enquête publiée par le « New York Times « , obtenir le fameux document bleu marine serait même devenu une activité économique comme une autre. Les autorités viennent de fermer une sorte de maternité clandestine abritée dans une maison de San Gabriel (Californie). S’y rendaient des femmes chinoises prêtes à payer des milliers de dollars pour y accoucher. Entrées avec leur visa de touriste, elles repartaient ensuite dans leur pays, leur bébé américain sous le bras. Car, aux Etats-Unis, le 14eamendement de la Constitution accorde la nationalité à tout enfant né sur le territoire.
Le « tourisme maternel » se développe ainsi depuis la Chine, la Corée du Sud et le Mexique. Des annonceurs vendent des forfaits qui incluent le voyage, le séjour et les soins médicaux. Les dernières statistiques disponibles de 2008 font part de 7.462 bébés nés de parents étrangers résidant aux Etats-Unis, ce qui est peu au regard des 4,3 millions de naissances enregistrées cette année-là. L’empressement à donner la nationalité américaine à un enfant qui, a priori, ne vivra pas aux Etats-Unis est perçu comme une sorte d’assurance sur l’avenir : il pourra lui-même la demander, à 21 ans, pour ses parents. Mais contrairement à des enfants de clandestins, qui vivent sur place et qui finiront par s’intégrer, les enfants nés du tourisme maternel demeureront, a priori, totalement étrangers à la civilisation américaine.
La prééminence du droit du sol aux Etats-Unis est aujourd’hui contestée par ceux qui ne supportent plus les flux d’immigration clandestine. En Arizona, les législateurs de l’Etat ont déposé un projet de loi qui nierait la nationalité américaine à des enfants nés de parents sans papiers. Même s’il peut être contesté au niveau fédéral, ce texte n’en est pas moins un indice de la montée de la xénophobie aux Etats-Unis.
Ça se passe dans une ville moyenne de Seine-Saint-Denis (93), limitrophe de Paris. Une petite fille de huit ans pleure à la fin des cours. La maîtresse vient la voir, la console, l’interroge. La petite ne parle pas. L’institutrice s’inquiète, insiste. Elle sent bien que quelque chose ne va pas./p>
Un jour, l’enfant finit par lui dire qu’elle souffre. Elle a mal parce que sa mère la frappe quotidiennement. La maîtresse fait ce qu’elle est censée faire : elle en informe sa hiérarchie./p>
Tout le dispositif de la protection de l’enfance se met alors en branle : l’école fait un signalement à l’organisme chargé de recueillir les informations préoccupantes pour l’enfance en danger, la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP). La CRIP transmet ensuite cette information aux professionnels médicaux-socio afin qu’ils puissent prendre la mesure de la situation : concrètement, rendre visite à la famille de l’enfant pour évaluer le danger et proposer une mesure de placement d’urgence le cas échéant.
Rien ne s’est passé
Si tout s’était passé comme prévu, la PMI (Protection maternelle et infantile), les travailleurs sociaux et les éducateurs de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) se seraient réunis pour réfléchir ensemble à la meilleure façon de protéger la fillette. Peut-être aurait-elle été placée, du moins temporairement. Peut-être aurait-on proposé une aide psychologique à ses parents. Mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Rien ne s’est passé en réalité./p>
Depuis le signalement, aucune visite familiale n’a été programmée, aucune médiation proposée, aucune mesure décidée. Non par manquement professionnel mais par manque de personnel chez les professionnels de la petite enfance./p>
C’était il y a un an. Depuis, comme tous les après-midis, la petite fille rentre chez ses parents après l’école. Et tous les matins, sa maîtresse fait semblant de ne pas voir les bleus qui recouvrent sa peau.
Les « familles 115 »
Des histoires comme celle de cette petite fille, Patricia* en entend tous les jours. Elle a 55 ans et se décrit comme une assistante sociale « à l’ancienne ». Formée il y a 25 ans par des humanistes passionnés, dévoués, enthousiastes, à une époque où « ce métier avait encore un sens », dit-elle.
Il y a neuf mois, elle a fait un burn-out.
« Parce qu’il n’y a rien de pire que de recevoir de la souffrance et de ne pouvoir rien faire, pour nous les travailleurs sociaux qui dédions notre vie professionnelle à accompagner les gens. »Elle raconte que son travail a commencé à se dégrader il y a dix ans environ. « Avant, on pouvait mener des actions collectives, nous étions encore entendus par le gouvernement », dit-elle. Mais aujourd’hui, « les familles viennent nous voir avec des problématiques multiples qu’il nous est devenu impossible de résoudre seuls ».
Au cœur de la détresse sociale du 93, le plus pauvre de France, Patricia voit le même scénario se répéter depuis quelques années : coup dur, perte d’emploi, chômage, dettes qui s’accumulent et, in fine, des familles entières qui ne peuvent plus payer leur loyer et se retrouvent à la rue du jour au lendemain.
Celles-là, Patricia et ses collègues les appellent les « familles 115 » :
« Parce que numéro pour les signaler au Samu social est saturé continuellement. Et qu’il n’y a souvent pas d’autres solutions que de les envoyer aux urgences de l’hôpital pour qu’elles aient un toit pour la nuit. »
« Avant, insiste Patricia, on avait des relais dans les administrations, comme la CAF, pour les cas urgents comme ceux-là, on était écouté, estimé ». Mais depuis quatre ans, « tout l’administratif est dématérialisé avec des délais de traitement qui ont triplé depuis quatre ans ».
Alors que dire à un vieux monsieur qui touche moins de 800 euros de retraite par mois et n’arrive plus à payer son loyer parce que ses allocations de solidarité ne sont toujours pas arrivées après un an d’attente ? Que répondre à une maman qui a besoin d’une aide financière en urgence parce qu’elle n’a plus de quoi faire les courses pour manger alors qu’il faut minimum deux mois pour faire valider une telle demande ?
Avant de partir en congé maladie, Patricia a reçu une mère de famille en détresse, avec trois enfants à charge.
« La mère soupçonnait sa fille de 15 ans d’être rentrée dans la prostitution après avoir retrouvé dans sa chambre une carte électronique d’un hôtel miteux. Elle a écrit elle-même au juge en expliquant la situation, expliquant qu’elle ne s’en sortait pas et qu’elle avait besoin d’une aide socio-éducative. »Le juge a traité sa demande et ordonné une mesure éducative… qui n’a toujours pas été suivie d’effets, faute de personnel suffisant dans l’organisme de protection de l’enfance pour suivre son dossier.
« Vous vous rendez compte ? Il a fallu que le juge prolonge sa mesure pour espérer qu’elle soit un jour appliquée ! »
Hiérarchie obsédée par les chiffres
Patricia n’est pas la seule assistante sociale à avoir craqué. Dans son service, les arrêts maladie se sont multipliés ces dernières années.
« Tous les matins, on se demandait laquelle de nous se mettrait à pleurer la première dans l’open space. »Ce qu’elle raconte, c’est ce qui se passe « dans tous les départements de France, dans tous les services de protection sociale », selon elle : une hiérarchie « obsédée par l’idée de faire du chiffre, qui nous demande de recevoir les familles à la chaîne, mais ne nous donne pas le temps ni les moyens de les aider ».
Une direction « sourde et aveugle », « qui ne cesse de répéter mécaniquement qu’il faut de faire plus et mieux avec moins », au point d’en arriver à des restrictions de budget aussi absurdes que stupides, « comme celles de devoir se fournir soi-même en feuilles, crayons et post-it ».
Un jour, Patricia a fait un signalement sur une mère toxique, probablement atteinte du syndrome de Münchhausen.
« J’ai mené mon enquête pendant plusieurs mois et j’ai préconisé un placement parce que l’enfant était en danger. Persuadée que son petit de trois ans était atteint d’une grave maladie, sa mère lui avait fait faire des dizaines d’examens inutiles dans tous les hôpitaux d’Île-de-France ! »Quand elle a soumis son dossier à son supérieur, ce dernier a levé un sourcil, refusant la demande de placement au prétexte qu’il ne faut pas séparer la mère de l’enfant :
« Il n’avait même pas lu mon enquête. »
Intoxiqués au plomb
Patricia ne s’est pas découragée et a fait comme d’habitude : elle a continué malgré tout à prendre le temps de recevoir correctement les personnes, d’assurer un suivi de qualité sur la durée. Comme cette mère, victime de violences conjugales importantes, qu’elle recevait régulièrement depuis 2009.
« Après s’être réfugiée un temps chez sa sœur, cette dame a réussi à trouver un petit deux-pièces insalubre pour elle et son fils qu’elle payait tout de même 750 euros. »Patricia a tout fait pour faire avancer son dossier de demande de logement social. Peine perdue.
« Neuf ans plus tard, elle n’a toujours aucune nouvelle de sa demande de logement social. Et entre-temps, elle et son fils ont été gravement intoxiqués au plomb dans leur appartement. »
« Dernier rempart humain »
En février dernier, Patricia a fini par jeter l’éponge, épuisée, dégoûtée. « C’est comme ça », se désole-t-elle :
« Les pauvres, tout le monde s’en fout. Contrairement à ce qui se passe dans les hôpitaux, ils ne menacent pas notre système de santé. »Elle dit que si les travailleurs sociaux sont sacrifiés, c’est que leur travail touche à l’essence même de ce qui terrifie la plupart des gens de la classe moyenne : la dégringolade brutale, la mise au ban sociale, le déclassement./p>
« Pourtant, nous sommes le dernier rempart humain avant la grande bascule et les garde-fous de la paix sociale. »A force de grignoter sur ce bien commun, elle prédit que bientôt, il ne restera plus grand-chose d’humain au pays des droits de l’homme :/p>
« On va se retrouver avec des émeutes sociales monstres comme aux Etats-Unis, et ce sera trop tard pour réagir. »
The writer talks about elitism, the American underclass — and why his ‘Mamaw’ would have sympathised with Trump
Shawn Donnan
The Financial Times
The first rule of Lunch with the FT is that there must be lunch. So I am somewhat unnerved when I walk into Hadley’s Bar + Kitchen, which JD Vance, hillbilly bard and venture capitalist, has nominated as the venue for a late lunch. Vance is already sitting in a booth with a colleague and his son. More importantly, he is diving enthusiastically into a mountain of french fries and chicken wings.
“Are you the guy from the FT?” he asks when he spots me, wiping his chin and standing up to shake hands. We exchange pleasantries, and I venture that we’re supposed to be having lunch. He smiles, pleads hunger, and asks for a few more minutes to wrap things up. So I repair to the empty bar, where I study the menu and chat to a friendly bartender who is effusive about the restaurant’s beer-battered avocado tacos.
Hadley’s is emblematic of the sort of refashioned, Americana-laden eateries that you find increasingly in heartland cities such as Columbus, Ohio, where Vance is in the process of moving with his family. Think of it as a millennial-supervised remake of the American diner. The menu is heavy on reasonably priced burgers but loaded with urbanite flourishes (“Vegan Club Sandwich with heirloom tomatoes”) and improbably named craft beers (“Barley’s Blood Thirst”). Monday was “Vegan Monday”. Today is “Taco Tuesday”, and with $3 tacos on offer, the bill looks like a bargain.
Before there was Fire and Fury, Michael Wolff’s gossipy insider account of Donald Trump’s first year in office, arguably the most talked-about work of the Trumpian era was Hillbilly Elegy, Vance’s bestselling memoir of growing up in the heart of deindustrialised America. The book turned the 33-year-old into a national figure in the US, as the spokesman cum anthropological explainer for the downtrodden people of rural Appalachia — his family’s ancestral home — and small-town, rust belt Ohio, where he was raised. In the countdown to Trump’s election in November 2016, it was hailed as a handbook to the frustrations of the millions of voters in the white American underclass.
Vance depicts his family with deep affection, but Hillbilly Elegy also offers a clear-eyed critique of his clan’s violent and dysfunctional ways. Vance gives an unforgiving portrait of his mother, who struggled with heroin addiction; in one terrifying incident when he was 12, she got behind the wheel in a drug-induced haze, and threatened to drive the car off the road and kill them both. And all morning I’ve been thinking of “Uncle Pet”, the relative Vance introduces early in his book by recounting the time he almost skinned a man with an electric saw for insulting his mother. I’ve also been mulling Vance’s own frank confessions of his inherited Scots-Irish temper and his pugilistic social media persona and wondering what to brace for from this supposed whisperer of Trumpians.
The man who eventually sits down across from me has the conservative appearance of a politician from middle America — and behaves like one. He is wearing a dark grey suit and pressed blue shirt and tie. He is also studiously polite. If there is an inverse of the hillbilly stereotype, this is it.
The sober mien isn’t accidental. Vance features heavily in Republican discussions in Ohio. He has twice explored and decided against a run for the US Senate in the past year, although senior Republicans pressed him to jump in. When he was first considering his options last summer, Vance tells me, he and his wife decided they “would be miserable” if he pursued it. “The more I thought about it, the more I thought, if I go ahead and do this, given where my family is right now, I’m actually a bad person.”
Like so many Americans before him, Vance’s escape route from poverty came via the military. He served in Iraq before going to Yale Law School and then completed a meteoric rise with a stint in Silicon Valley. As a rising star in venture capital circles, he worked for the entrepreneur and one-time outspoken Trump supporter Peter Thiel. There is a whiff of the metropolitan elite about his life today: he now travels the country giving speeches and working with investor Steve Case, the AOL co-founder.
I see Trump as the least worrisome part of the Republican party’s problem, which is that we are basically living in the 1980s
Yet we are meeting in Columbus, the capital of Ohio, because Vance has made a deliberate choice to move with his family to low-key middle America, far from the coastal metropolises most people with his qualifications choose to inhabit. Middletown, the former factory town where he was raised largely by his maternal grandmother (“Mamaw” to his readers), is less than two hours away by car. Jackson, Kentucky, spiritual mountain home to the Vances, is four hours away. “I’ve basically been homesick ever since I left for [Marines] boot camp,” he says. “It’s always been this process of ‘When do I go back?’ ”
Vance has bigger expectations for his return, too. If Hillbilly Elegy was about documenting the broken parts of America, his goal now is to find fixes. He has already established a non-profit to address issues raised by the opioid crisis ravaging many communities. But the move to Columbus also looks like a bit of pragmatic branding. Much of his appeal, beyond his storytelling talents, lies in the intersection of several attributes: his sense of place; his loyalty to what before 2016 was often a forgotten demographic; and his status as a dedicated conservative who is critical of both Trump and his Republican party as well as opposition Democrats. Without a move home, it’s not hard to imagine Vance losing relevance.
We order: fish tacos for him and one of the same for me, paired with a deep-fried avocado taco. We pass on beer and both order Diet Cokes. Vance’s criticism-for-all ethos has already prompted a backlash from the left and the right. The left-leaning New Republic has dubbed him a “false prophet” for the white working-class. Some Republicans in Ohio mock him in private for what they see as his naked political ambition.
The truth is that his politics are complicated. A year into Trump’s presidency, Vance still has an ambivalent view of the man, melding awe and discomfort. “He is one of the few political leaders in America that recognises the frustration that exists in large parts of Ohio, Pennsylvania, eastern Kentucky and so forth,” Vance says. He has been and remains critical of Trump’s dog-whistle politics related to race and immigration. And he is sceptical about the president’s long-term strategy. “The part that is forward-looking and answers the question ‘What do we do now?’ — it’s just not there yet.”
Vance is more scathing still when he discusses a broader Republican party that he sees as intellectually ossified. It cleared the way for Trump, he argues, by blindly pushing an agenda of Reaganesque trickle-down economics and engaging in misplaced military adventures in the years before the real estate developer’s brash arrival.
“I wasn’t as critical of my party in 2016 as I was the person,” he says. “But when I look at tax reform, when I look at healthcare reform, I see Trump as the least worrisome part of the Republican party’s problem, which is that we are basically living in the 1980s. We are constantly trying to resurrect domestic policies from the 1980s.”
Such as? “Let’s cut taxes for the wealthy! Let’s cut the social safety net! . . . The fundamental thesis that underlined basic Republican policies in the early 1980s, which is right, is that you had an economy which was simultaneously stagnating and experiencing high inflation. I don’t think the primary problem facing the American economy right now is that. It is that the opportunities that are out there require an adjustment in skills, an adjustment in training . . . And if that’s the problem, I don’t necessarily see how unleashing tax cuts for the wealthy . . . ” Vance trails off as our food arrives. The tacos are small enough that I immediately order another.
In the end Vance did not vote for Trump. He voted for Evan McMullin, the conservative independent, instead. But he still has a charitable view of the man who has blown up the norms of American political discourse. That is partly because Vance believes that Trump’s crudeness — and what he sees as the prudish response it elicits from city elites — was vital to the president’s appeal in places such as Appalachia.
Mamaw would not have voted for Trump, had she been alive, because of his history as a philanderer. Yet “the vulgarity that turns a lot of people off, Mamaw would have appreciated and thought was hilarious”. His grandfather was a life-long Democrat, although he voted for Ronald Reagan in 1984. “I think, like a lot of folks, he would have voted against Hillary Clinton,” says Vance. “That sort of condescending elitism that the Clinton campaign came to represent would have turned my grandfather off.”
By this point I have bitten into my deep-fried avocado taco. While everything around it — the cabbage slaw and black bean and corn salsa — is delicious, the avocado itself is a flavourless mush.
The top-down condescension that he found so aggravating in 2016 remains alive and well in American politics, Vance argues. “The elite Republican view of why people voted for Donald Trump is that Trump voters are stupid. I think the elite Democratic view is that Trump people were bigoted and immoral. And that’s probably still very much reflected in popular culture,” he says, picking at his fish tacos.
I point out that based on his Ivy League résumé, profession and accomplished spouse — he met his wife Usha at Yale and she is currently clerking for the chief justice of the US Supreme Court — he has become a card-carrying member of the very elite he scorns. Vance laughs. “I react viscerally to this idea that I am a member of the elite, even though it’s objectively true.”
Becoming a father has made him consider this question more seriously. The arrival of his son helped him to reconcile with his now-clean mother, and Vance says he feels an urgent need to make sure his child understands his own impoverished roots.
“My greatest fear, within that context, is that, in 18 years, will [my son] feel more comfortable around our law school classmates — or will he feel more comfortable around people like my grandma? I want him to feel more comfortable around people like my grandma. But my intuition is that is going to take a lot of work,” Vance says.
In Sun Valley, Idaho, last summer with his wife and then four-week-old son for the annual Allen & Co media conference, he found himself perplexed by his luxurious surroundings. “There is this level of comfort that, I think, is completely weird,” he says. “I understood for the first time what the Bible means when it talks about the difficulty of a rich man entering Heaven. It’s really tough to be a virtuous person when everyone is constantly taking care of you.”
Discomfort is also a theme when Vance talks about Silicon Valley. In the years that he lived there, he says, he found the relentless optimism jarring. “There are a lot of entrepreneurs [in Silicon Valley] developing the next app for clothes shopping who say, not ironically, that ‘we are changing the world’. You’re not changing the world. The guy that’s developing a new therapy that’s non-opioid analgesic pain relief? That guy’s changing the world. He’s going to save thousands of lives.”
His new life in Columbus is built around a belief that many of the entrepreneurs in cities in the American heartland don’t have the access to risk capital that they deserve. He works for Revolution, Steve Case’s venture capital firm, on a campaign called “Rise of the Rest” that is intended to fill the gap. Already he has found companies to invest in, like one in Indianapolis that makes cheap home tests to allow people to check for lead in their water. Vance also embraces wholeheartedly Case’s vision of a looming “third wave” of technological change that is more industrial and about “hard tech”. Much of that wave of innovation, he believes, will come out of America’s traditional industrial centres and universities rather than places such as Silicon Valley. His faith goes beyond the future of American industry. God is a growing theme in his personal life, too. He is in the process of converting to Catholicism and mulling a book on “Christianity and social capital”, which he describes as an exploration of the role of religious institutions in society viewed through his own personal story.
Just as he is explaining that, we are interrupted by our desserts. We have each ordered what turn out to be towering milkshakes, and we share a moment of awe when they arrive.
I’m curious about the future he sees for poor white Americans. Amid all the studies of rising mortality rates and a growing drug crisis fuelled by prescription opioids, isn’t he pessimistic?
“No,” he answers. “I’d say I’m a short-term realist, a long-term optimist. I do really believe in the power of identification and recognition. We’re in this period where everyone is starting to wake up, whether it’s because they know someone who has just had a heroin overdose or whether they are a policy expert and they have read this paper by [Nobel laureate] Angus Deaton [and his wife and fellow economist Anne Case] about dying in poor white America . . . That recognition gives me a lot of optimism.”
And what of America? His book is often grouped into a genre you might call “American decline” that covers predictions of everything from the end of the American dream to the crumbling of the postwar international order. “I do think that whatever is happening right now is really transformational and the postwar order is probably going to have to change in some fundamental way,” he says. “But I am still an optimist on that front. I think that my theory for what is happening is not that classical liberalism has failed. It’s not that western democracy has failed. It’s not that the postwar consensus has failed. It’s that the people who have been calling the shots for 20-30 years really screwed up.”
“So you’re still optimistic about America?” I ask.
“I am. I am. You just have to be. I don’t want to be one of those people who thinks the next 50 years are going to be a story of decline.”
That feels like a rare bit of optimism in a polarised America, I think as I pay the bill. In a country where vitriol rules, Vance is remarkably sanguine. America, he seems to be saying, will comfortably survive Donald Trump.
Il y a une grande colère dans notre pays causée en partie par le traitement erroné, et souvent fourbe, des informations par les médias. Les médias Fake News, le véritable Ennemi du Peuple, doivent arrêter l’hostilité ouverte et évidente et rapporter les informations correctement et de manière équitable. Ça fera beaucoup pour éteindre l’incendie de la Colère et de l’Indignation et nous serons alors en mesure de rapprocher les deux côtés dans la Paix et l’Harmonie. Les Fake News Doivent Cesser! Donald Trump
Le président a pris des mesures, mais, sur le plan législatif, il n’a rien fait hormis la baisse des impôts. Il y a très peu de chances qu’il forge un compromis sur les projets sociaux. Les démocrates ont déjà sorti les couteaux, préparé des enquêtes, et ils sont prêts à engager une procédure de destitution. Je serais étonnée qu’ils ne trouvent pas de chefs d’inculpation contre Donald Trump, sachant qu’une procédure de destitution peut être adoptée à la majorité simple à la Chambre des représentants. Au Sénat, une telle procédure n’aboutirait pas avec des républicains toujours majoritaires. Mais face à une Chambre sous contrôle démocrate, je ne sais pas où Donald Trump s’arrêtera pour sauver sa peau. (…) [l’élément le plus saillant de la campagne électorale, c’est] La mobilisation des femmes. Je n’ai jamais vu autant de femmes faire acte de candidature au Congrès, surtout dans le camp démocrate. Mais les circonscriptions électorales étant ce qu’elles sont, il n’y aura pas de tsunami féminin à Washington. (…) Dans la même semaine, des Noirs américains ont été tués parce qu’ils étaient Noirs, des colis piégés auraient pu tuer des figures démocrates comme Barack Obama ou Hillary Clinton, et enfin Pittsburgh a été le théâtre de la pire tuerie antisémite de l’histoire du pays. A l’époque de la présidence de George W. Bush, Elie Wiesel m’avait demandé: faut-il avoir peur pour l’Amérique? Avec ce qu’on a vu ces derniers jours, je dirais qu’il faut avoir peur pour, mais aussi de l’Amérique. On sait que c’est un pays violent où circulent 300 millions d’armes à feu. En 2016, plus de 11 000 personnes ont été tuées par de telles armes. Mais je n’ai pas souvenir d’avoir vu un tel déferlement de haine raciste et meurtrière dans un temps aussi resserré. Sous la présidence de George W. Bush, il y avait de fortes divisions, mais les gens se parlaient encore de manière civile. Je l’ai vécu. On n’avait pas le sentiment d’être remis en cause dans son être profond. Là, avec Donald Trump, c’est très différent. Les pro- et anti-Trump divergent tellement sur des valeurs essentielles qu’ils ne peuvent plus s’adresser la parole. (…) Si vous regardez ses meetings, ils se déroulent tous selon le même schéma. Il dramatise la question de l’immigration, décrit les journalistes comme des ennemis du peuple et vitupère contre les alliés qui profitent de l’Amérique. Il arrive à susciter une rage incroyable chez les gens. Il a un grand talent pour manipuler les foules. Il désigne à la vindicte publique tous ceux qui représentent une opposition. L’exemple vient d’en haut. Les gens se sentent habilités à insulter, voire à tuer, des individus qui ne pensent pas comme eux. Dans ces meetings, il y a indubitablement des incitations à la violence. Les Américains ont un président qui piétine toutes les valeurs de civilité, de tolérance mutuelle propres à une démocratie, et qui a fait de la violence une valeur à part entière. (…) Pour la communauté juive, c’est un choc énorme. Dans l’histoire américaine, il y a eu des agressions et des insultes antisémites, des périodes de quotas défavorables ou d’hostilité envers les juifs de Pologne et de Russie qui arrivaient aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Mais les juifs ont toujours eu le sentiment de vivre aux Etats-Unis plus en liberté qu’ailleurs à l’exception d’Israël, d’être des piliers du pays. Ils ont beaucoup défendu l’intégration des migrants, se sont engagés pour les droits civiques. Ils se sont souvent considérés comme ce qu’il y avait de plus américain. Donald Trump n’a pas appelé à la violence antisémite. Mais la manière dont il a libéré la parole raciste a un impact. Quand des suprémacistes blancs criaient à Charlottesville en 2017 que «les juifs ne les remplaceraient pas» et qu’ils défilaient avec des torches enflammées rappelant Nuremberg, Donald Trump ne les a pas encouragés, mais il ne les a pas contredits. (…) C’est son calcul. Il ne cherche pas à apaiser les tensions, mais à générer le plus de colère possible au sein même de son électorat. Sa technique, c’est le mensonge avéré quotidien, sans vergogne, érigé en système. Or, quand les faits ne comptent plus, cela rappelle les années 1930. C’est en tout cas ainsi que ça commence. La honte a disparu. Le migrant devient l’ennemi. Si je pouvais résumer la présidence Trump, je choisirais cette image: l’homme à la tête de l’armée la plus puissante du monde promet d’envoyer jusqu’à 15 000 soldats à la frontière américano-mexicaine face à quelque 4000 déguenillés. Il y a la grandeur de la fonction et la petitesse de l’homme. Donald Trump maintient son électorat dans une vraie paranoïa. Si vous êtes un Américain qui regarde Fox News et qui écoute le polémiste Rush Limbaugh, vous vous sentez menacé par tout. Selon moi, Donald Trump est habité par la peur. Il l’a identifiée avec un véritable génie comme un moyen qui fait sa fortune. Quand les gens n’auront plus peur, ils ne voteront plus pour lui. (…) Le temps commence à presser. Un an et demi avant leur élection en 1992 et en 2008, on voyait toutefois mal Bill Clinton et Barack Obama l’emporter. Chez les démocrates, ils sont très nombreux à vouloir se lancer pour la présidentielle. Mais ils restent pour l’heure assommés par la défaite de novembre 2016, qui n’aurait pas dû avoir lieu. C’est un fait: sans chercher à l’éteindre, Barack Obama n’a pas porté la nouvelle génération. Le parti est aussi très divisé entre les héritiers d’Obama et de Clinton d’un côté et le camp Bernie Sanders de l’autre. Les premiers n’ont pas un message très emballant pour l’instant et les seconds, qui ont une volonté marquée de s’en prendre frontalement aux inégalités sociales, n’auront jamais de majorité dans un pays comme les Etats-Unis. (…) Les républicains n’ont rien accompli en termes législatifs. Ils n’ont pas réussi à abroger l’Obamacare, la loi sur le système de santé. Mais leur stratégie électorale à long terme s’est révélée très payante. Je pense que les démocrates ont désormais appris la leçon, même s’ils n’ont pas forcément un système en place pour renverser la vapeur. (…) On se pose en effet beaucoup de questions sur l’avenir de la démocratie et de la Constitution américaine, en particulier à l’ère des réseaux sociaux. La Constitution a déjà résisté à des périodes très difficiles. L’Amérique est au bord du gouffre. (…) la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême a été dévastatrice. La manière très partisane dont il a répondu aux questions d’une commission sénatoriale aurait dû le disqualifier. Or il n’en fut rien. La Cour suprême n’est plus respectée. Elle est devenue une institution purement partisane, avec d’un côté des juges progressistes et de l’autre des juges non pas conservateurs, mais ultra-conservateurs. On va sans doute voir une haute cour en décalage continu avec l’évolution de la société américaine. (…) Face à l’érosion de la vérité et à la promotion de la violence politique combinées à l’effet amplificateur des réseaux sociaux, il faudra de grandes ressources démocratiques aux Etats-Unis pour se remettre de la présidence d’un Donald Trump qui se décrit comme l’Ernest Hemingway des 140 signes, de Twitter. L’Amérique est capable de nous surprendre. En bien et en mal. (…) C’est un aspect de la dégradation du climat politique outre-Atlantique dont Donald Trump n’est pas responsable. Le Parti républicain est à la dérive depuis une vingtaine d’années. On est désormais à des années-lumière du parti de Rockefeller. Il est aujourd’hui la carpette du président. Le Tea Party a pris le pouvoir en 2009 avec une haine raciale incroyable sous la présidence Obama et un refus complet de l’esprit de compromis qui est pourtant l’essence même de la Constitution américaine. Nicole Bacharan
Non, Monsieur Macron, notre époque n’a rien à voir avec les années 30 (…) l’URSS et le IIIe Reich avaient des ambitions d’expansion territoriale, sinon d’hégémonie planétaire, et il s’agissait de nations hyper militarisées. En quoi les «lépreux» Orban et Salvini – pour ne retenir qu’eux – ont-ils une quelconque ambition belliqueuse de cette nature? Ils souhaitent simplement se concentrer sur leurs intérêts strictement nationaux, protéger leurs frontières de flux migratoires incontrôlés par l’Europe de Schengen, refuser la société multiculturelle dont ils observent les échecs en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique. C’est un choix de souveraineté politique, leurs citoyens les ont élus pour cette politique et peuvent se dédire aux prochaines élections puisque ni Orban ni Salvini pour l’heure n’ont remplacé la démocratie par l’autocratie.Barbara Lefebvre
The media have devolved into a weird Ministry of Truth. News seems defined now as what information is necessary to release to arrive at correct views. In recent elections, centrists, like John McCain and Mitt Romney – once found useful by the media when running against more-conservative Republicans — were reinvented as caricatures of Potterville scoundrels right out of a Frank Capra movie. When the media got through with a good man like McCain, he was left an adulterous, confused septuagenarian, unsure of how many mansions he owned, and a likely closeted bigot. Another gentleman like Romney was reduced to a comic-book Ri¢hie Ri¢h, who owned an elevator, never talked to his garbage man, hazed innocents in prep school, and tortured his dog on the roof of his car. If it were a choice between shouting down debate moderator Candy Crowley and shaming her unprofessionalism, or allowing her to hijack the debate, Romney in Ajaxian style (“nobly live, or nobly die”) chose the decorous path of dignified abdication. In contrast, we were to believe Obama’s adolescent faux Greek columns, hokey “lowering the seas and cooling the planet,” vero possumus seal on his podium as president-elect, and 57 states were Lincolnesque. Why would 2016 not end up again in losing nobly? Would once again campaigning under the Marquess of Queensberry rules win Republicans a Munich reprieve? In such a hysterical landscape, it was possible that no traditional Republican in 2016 was likely to win, even against a flawed candidate like Hillary Clinton, who emerged wounded from a bruising primary win over aged socialist Bernie Sanders. Then came along the Trump, the seducer of the Right when the Republican establishment was busy early on coronating Jeb Bush. (…) That Trump was an amateur, a cad, his own worst enemy, cynically leveraging a new business or brand, and at any time could say anything was supposedly confirmation of Hillary’s inevitable victory. Trump’s hare-and-tortoise strategy, his mishmash politics, reinventions, mastery of free publicity, and El Jefe celebrity had always offered him an outside chance of winning. But he is most aided by the daily news cycle that cannot be quite contorted to favor Hillary Clinton. (…) That the establishment was repulsed by his carroty look, his past scheming, his Queens-accented bombast, and his nationalist policies only made him seem more authentic to his supporters, old and possibly new as well.Victor Davis Hanson (20.09.2016)
European reporters were more likely than American journalists to directly question Trump’s fitness for office. Trump has received unsparing coverage for most weeks of his presidency, without a single major topic where Trump’s coverage, on balance, was more positive than negative, setting a new standard for unfavorable press coverage of a president. Fox was the only news outlet in the study that came close to giving Trump positive coverage overall, however, there was variation in the tone of Fox’s coverage depending on the topic. (…) Trump’s coverage during his first 100 days was negative even by the standards of today’s hyper-critical press. Studies of earlier presidents found nothing comparable to the level of unfavorable coverage afforded Trump. Should it continue, it would exceed even that received by Bill Clinton. There was not a single quarter during any year of Clinton’s presidency where his positive coverage exceeded his negative coverage, a dubious record no president before or since has matched. Trump can’t top that string of bad news but he could take it to a new level. During his first 100 days, Clinton’s coverage was 3-to-2 negative over positive.[30] Trump’s first 100 days were 4-to-1 negative over positive. Have the mainstream media covered Trump in a fair and balanced way? That question cannot be answered definitively in the absence of an agreed-upon version of “reality” against which to compare Trump’s coverage. Any such assessment would also have to weigh the news media’s preference for the negative, a tendency in place long before Trump became president. Given that tendency, the fact that Trump has received more negative coverage than his predecessor is hardly surprising. The early days of his presidency have been marked by far more missteps and miss-hits, often self-inflicted, than any presidency in memory, perhaps ever. What’s truly atypical about Trump’s coverage is that it’s sharply negative despite the fact that he’s the source of nearly two-thirds of the sound bites surrounding his coverage. Typically, newsmakers and groups complain that their media narrative is negative because they’re not given a chance to speak for themselves. Over the past decade, U.S. coverage of Muslims has been more than 75 percent negative. And Muslims have had little chance to tell their side of the story. Muslims account for less than 5 percent of the voices heard in news reports about Islam. So why is Trump’s coverage so negative even though he does most of the talking? The fact is, he’s been on the defensive during most of his 100 days in office, trying to put the best face possible on executive orders, legislative initiatives, appointments, and other undertakings that have gone bad. Even Fox has not been able to save him from what analyst David Gergen called the “’worst 100 days we’ve ever seen.” Nevertheless, the sheer level of negative coverage gives weight to Trump’s contention, one shared by his core constituency, that the media are hell bent on destroying his presidency. As he tweeted a month after taking office, “The FAKE NEWS media (failing @nytimes, @NBCNews, @ABC, @CBS, @CNN) is not my enemy, it is the enemy of the American People!” That tweet made headlines, as have many of Trump’s attacks on the press. It’s understandable why journalists would report and respond to such attacks, but it could be counterproductive. A long-running battle in which Trump accuses the press of trafficking in fake news while journalists reply that their news is anything but fake would probably, fairly or not, weaken the public’s confidence in the press. Research has found that familiarity with a claim increases the likelihood people will believe it, whether it’s true or not. The more they hear of something, the more likely they are to believe it. If a mud fight with Trump will not serve the media’s interests, neither will a soft peddling of his coverage. Never in the nation’s history has the country had a president with so little fidelity to the facts, so little appreciation for the dignity of the presidential office, and so little understanding of the underpinnings of democracy. The media’s credibility today is at low ebb, but the Trump presidency is not the time for the press to pull back. The news media gave Trump a boost when he entered presidential politics. But a head-on collision at some point was inevitable. It’s happened, it isn’t pretty, and it isn’t over. At the same time, the news media need to give Trump credit when his actions warrant it. The public’s low level of confidence in the press is the result of several factors, one of which is a belief that journalists are biased. That perception weakens the press’s watchdog role. One of the more remarkable features of news coverage of Trump’s first 100 days is that it has changed few minds about the president, for better or worse. The nation’s watchdog has lost much of its bite and won’t regain it until the public perceives it as an impartial broker, applying the same reporting standards to both parties. The news media’s exemplary coverage of Trump’s cruise missile strike on Syria illustrates the type of even-handedness that needs to be consistently and rigorously applied. How might the press better navigate the days ahead? For starters, journalists need to keep their eye on the ball. We live in a fast-paced media era, as journalists rush to be at the crest of breaking news. Through his tweets and actions, Trump exploits this habit, enabling him to change the subject when it suits his needs. During the presidential campaign, that tactic enabled him to shed a number of damaging revelations before many voters had a chance to hear about them, much less think about them. The press should also start doing what it hasn’t done well for a long time—focus on policy effects. Journalists’ focus on the Washington power game—who’s up and who’s down, who’s getting the better of whom—can be a fascinating story but at the end of the day, it’s food for political junkies. It’s remote enough from the lives of most Americans to convince them that the political system doesn’t speak for them, or to them. A broadening of the scope of political coverage would require journalists to spend less time peering at the White House. Our analysis of news coverage of Trump’s first 100 days found that, except for his court-challenged immigration orders, the press paid only minimal attention to Trump’s executive orders. He issued a large number of them, covering everything from financial regulation to climate change. Collectively, these orders, immigration aside, accounted for less than 1 percent of Trump’s coverage, and rarely did a news report track an executive order into the agencies to see how it was being handled. Since Trump’s inauguration, the press has been paying more attention to Main Street. But judging from the extent to which Trump’s voice has dominated coverage of his presidency, the balance is still off. More voices need to be aired. Journalists would also do well to spend less time in Washington and more time in places where policy intersects with people’s lives. If they had done so during the presidential campaign, they would not have missed the story that keyed Trump’s victory—the fading of the American Dream for millions of ordinary people. Nor do all such narratives have to be a tale of woe. America at the moment is a divided society in some respects, but it’s not a broken society and the divisions in Washington are deeper than those beyond the Beltway. The lesson of the 2016 election has been taken to heart by many journalists. Since Trump’s inauguration, the press has been paying more attention to Main Street. But judging from the extent to which Trump’s voice has dominated coverage of his presidency, the balance is still off. More voices need to be aired. Trump might be good for ratings but he’s not the only voice worth hearing. Never have journalists fixated on a single newsmaker for as long as they have on Trump. If he sees journalists as his main opponents, one reason is that between Trump and themselves there’s not much air time for everyone else. Journalists need to resist even the smallest temptation to see themselves as opponents of government. It’s the competition between the party in power and the opposing party, and not between government and the press, that’s at the core of the democratic process. When spokespersons for the opposing party get a mere 6 percent of the airtime, something’s amiss. Shorenstein center
Entre janvier et avril 2017, le Centre Shorenstein (en) sur les médias et la politique de l’université Harvard examine ce que les journalistes de dix grands médias ont publié par écrit sur Donald Trump durant les cent premiers jours de sa présidence. De cette étude, il ressort que538,539 : Trump domine la couverture médiatique. Il est le sujet de 41 % de toutes les nouvelles (trois fois plus que pour les précédents présidents américains). Son aptitude à présider est mise en doute plus souvent en Europe qu’aux États-Unis. La couverture journalistique crée un nouveau standard en matière de presse défavorable. Pas un seul media n’est plus positif que négatif. Globalement, le ton est négatif dans 80 % des nouvelles (57 % négatif pour George W. Bush, 60 % pour Bill Clinton). Le ton négatif s’élève à 93 % pour CNN et NBC, à 91 % pour CBS, à 87 % pour le New York Times, à 83 % pour le Washington Post, à 70 % pour The Wall Street Journal, à 52 % pour Fox News ; en Europe, le ton négatif atteint un record de 98 % pour ARD, de 84 % pour le Financial Times et de 74 % pour la BBC. Les trois sujets les moins contestés par les journalistes sont l’économie (54 % de ton négatif), la menace terroriste (70 %) et les autres affaires de politique intérieure (72 %)538. Commentant cette étude, plusieurs médias rappellent qu’une tonalité négative ne signifie pas que le traitement de l’information soit biaisé540,541. Commentant cette étude, le Washington Post souligne par ailleurs que « quand on fait des choses controversées – et les sondages montrent qu’une énorme quantité des choses que fait Trump le sont – on se retrouve critiqué par certaines personnes. Et quand on promet d’accomplir des choses extraordinaires et que les résultats contredisent vos promesses, il est difficile de couvrir cela comme une victoire. »Wikipedia
While we understand this is a work of fiction, the insinuation that the U.S. Secret Service would participate in the assassination of a President is outrageous and an insult to the men and women of this agency. The U.S. Secret Service prides itself on being an apolitical agency with a long and distinguished history of protecting our nation’s elected officials.Secret Service spokesperson
Some 40 percent of black likely voters approve of the job President Donald Trump is doing, according to the daily Rasmussen poll released on Oct. 29. The number marks a record high, the pollster noted, and shows a rapid rise in support for the president among black voters, compared to Rasmussen’s own results from a year ago. The poll showed 29 percent support for Trump among blacks on Aug. 6, compared with 15 percent on Aug. 3, 2017. Reuters/Ipsos polls also have revealed an increase, though more modest, to 16.5 percent approval among blacks in an Oct. 18–22 survey, from 11 percent at the end of August. Among all likely voters, Rasmussen has been tracking Trump job approval at around the 50 percent mark throughout October, compared to the 40 to 47 percent range being reported by other pollsters. Black Americans have voted exceedingly left since the 1960s. The presidential election in 1964, especially, fixated black voters on the Democrats. The assassination of President John F. Kennedy the year before primed the nation to choose his vice president, Lyndon Johnson, to continue his legacy. Democrats also portrayed the Republican contender, Barry Goldwater, as a racist, because he opposed the 1964 Civil Rights Act. (…) Trump, with an unabashedness of his own, received only 8 percent of the black vote in 2016. But that was still more than Goldwater or even Mitt Romney. Trump has steered clear of talking up welfare cuts at large, taking more popular angles, such as repealing Obamacare and imposing job requirements on welfare seekers. But, perhaps more than Goldwater, he was liberally accused of racism by Democrats. Those attacks, however, seem to be losing effectiveness. To begin with, Trump hadn’t been considered racist in the left-leaning circles of mainstream media and entertainment until he ran for president. He’s also spent considerable effort to appeal to black voters, asking them to consider how electing Democrats for decades benefited them. Trump promised them jobs, safety, and education. (…) Black unemployment, a powerful talking point, has dropped to historic lows under his administration’s “America First” economic agenda. Violent crime also slightly declined in 2017, after two years of increases. The support of singer, producer, and businessman Kanye West has been helping Trump from another angle. (…) Conservative political commentators such as Candace Owens and Dinesh D’Souza have popularized the expression “the Democratic Plantation,” which draws a parallel between the racism against blacks advocated by the Democratic Party in the past and the system of government dependency represented by the welfare state advocated by the Democrats of the present. Some effects of the efforts of Owens and others can be seen among the blacks joining the Walk Away movement to leave the Democratic Party. Owens has recently announced a new initiative called “Blexit,” which specifically urges black Americans to leave the Democratic Party.The Epoch Times
There were 1,211 antisemitic incidents in Obama’s first year in office. This was after four straight years of declining antisemitism. For instance, in 2008, there were 1,352 incidents. Attacks had peaked in 2004 with 1,821. Over the years, the number of incidents continued to decline. After an initial uptick to 1,239 in 2010, they declined to 751 in 2013. They began to rise again to 914 in 2015, the last year for which we have data. When we tally the total number of incidents between 2009 and 2015, the overall number of attacks reaches more than 7,000. However, the number of assaults increased, almost doubling during the Obama administration. Overall, there was an average of 84 incidents a month under the Obama administration. Let’s step back for a moment and compare that to the 95 incidents between January and February 2017. That’s a 10% increase. It could be more once all the data comes in. But the media haven’t been telling us there is a slight increase; the narrative has been that there is an antisemitic wave sweeping the US. In Berlin, there was a 16% increase in antisemitic incidents by comparison. It was also “sweeping” the UK in 2014. One of the key indicators of rising antisemitism during the Obama years was the number of physical assaults. From a low of 17 in 2012 they rose to 56 in 2015. The ADL noted a “dramatic rise” in assaults that year. So why are headlines today claiming a “pandemic” of antisemitism in the US? Abe Foxman used the word “pandemic” to describe antisemitism in the US in 2009. “This is the worst, the most intense, the most global that it’s been in most of our memories. And the effort to get the good people to stand up is not easy,” he said in a speech that year. Jonathan Greenblatt said in November of 2016 that the US was suffering extreme levels of hate. “Anti-Jewish public and political discourse in America is worse than at any point since the 1930s,” he was quoted by JTA as saying. Looking back almost a decade puts things in perspective. Where was the media in 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 to highlight thousands of incidents of antisemitism? 210 physical assaults on Jews. 3,900 threats against Jews and Jewish institutions. 2,900 incidents of vandalism. 180 incidents of antisemitism on campus. Every six days, a Jewish person in America was being attacked in 2015 and it went largely ignored. On average, there were threats every day against Jews and Jewish institutions over the last eight years and most of them did not receive headlines. There were also incidents of vandalism every day on average. Why did 7,034 incidents of antisemitism not get major headlines for so long? Was it because of an agenda to protect the Obama administration from criticism, or due to complacency and people becoming inured to the phenomenon? The cesspool and swamp from which today’s hate crimes on Jewish cemeteries emerge is not in a vacuum and it may not be due to the toxic divisions of 2016; it may have deeper roots. That’s the elephant in the room: 7,000 incidents that were recorded — and reported by the ADL — which almost no one wants to talk about. Is the media misleading us through fear-mongering about antisemitism in the United States? The data seems to show that the recent wave of threats, while unique in their target and regularity, are not a massive increase from years past. Threats occurred throughout the last decades, and many went unreported. The key indicator of physical assaults has been rising in the last years. Campus antisemitism, the ADL says, peaked in 2015. The most important thing is to present the public with real data on the number of incidents. The 24-hour news cycle tends to encourage the feeling that antisemitism is leaving people under siege, with swastikas on subways and memorials, at rural synagogues and on homes. There is also a tendency to feed a narrative that there is a major rise in hate crimes in the United States connected with the toxic election of Trump. There may be a rise in hate crimes, but many of them are not directed at Jews; many of them are directed at Muslims and other groups, such as the Georgia couple recently sentenced for threatening African-Americans. The reality is that the American press even ignores serious antisemitism in other countries, while reporting on its expression in the US. Video footage recently emerged of a preacher at Canada’s Al Andalous Islamic Centre — Sheikh Wael Al-Ghitawi — claiming Jews were “people who slayed the prophets, shed their blood and cursed the Lord.” Another sermon in Toronto referred to the “filth of the Jews.” Are there videos in America of anyone preaching such hatred openly without a pushback? This raises serious questions about how we discuss and learn from antisemitism. When people sit through a sermon and don’t raise a hand in protest when a preacher says Jews should be killed, that’s a huge problem. What about when there are clear cases of antisemitism whose perpetrators are not charged with hate crimes? In Avignon, a man tried to light firecrackers in front of a synagogue, but was cleared of antisemitism charges. He just happened to do it in front of a synagogue, not any of the dozens of churches in the town? This is one of but many examples. The question is: Are we only offended by certain types of antisemitism and not others? Seth Frantzman
Donald Trump pourrait être pour les médias d’information la plus grande opportunité de construire un modèle économique viable. Ken Doctor
There is a segment of the ideological national media that’s actively working to stoke divisions for shorter or long-term political gain. The press themselves have become a tribe, as opposed to a foundational source of information. They’re viewed as much as a political player as advocate groups or partisan interests are.Angelo Carusone (Media Matters)
To a certain extent, a new Morning Consult/Politico survey suggests Trump’s criticism rang true for roughly two-thirds of Americans, although it shows a majority also says he has been a mostly divisive presence. In the new Morning Consult/Politico poll, 64 percent of registered voters said the press has done more to divide the country than unite it since Trump took office, compared with 56 percent who said the same was true of the president. The poll of 2,543 voters was conducted Oct. 25-30, after news first broke of mail bomb suspect Cesar Sayoc’s attempted acts of politically motivated violence and amid news of a shooting by suspect Robert Bowers at the Tree of Life Synagogue in Pittsburgh. The view that the national news media has been a mostly divisive presence was shared among partisans: A plurality of Democrats (46 percent) said the national media has done more to divide than unite — about half the share of Democrats (88 percent) who said the same of Trump. Eight in 10 Republicans agree that the media has done more to divide, while a quarter of Republicans said Trump has been mostly divisive. Much of this can be driven by opinions from political elites, such as that of the president, as political commentator Craig Crawford wrote in his 2005 book on politicians in the press: “Politicians won the war against the media with a simple rule: first, attack the messenger.” A Morning Consult/Politico poll in July found that 28 percent of voters said they had “a lot” of confidence in the presidency — more than twice the 13 percent who said the same of television news and double the 14 percent who said the same of newspapers. When it comes to the media’s involvement in political division, one theory — detailed in a 2013 paper by Matthew Levendusky of the University of Pennsylvania and Neil Malhotra of Stanford — suggests that press coverage of polarization leads people to overestimate its actual degree, leading to a phenomenon among moderates of antipathy toward partisans and more intensity in opposition to the other side among shrewder partisans.Morning consult
Across multiple studies, we show that media coverage of polarization leads citizens to exaggerate the degree of polarization in the mass public, a phenomenon known as false polarization. We also find that false polarization causes voters to moderate their own issue positions but increases dislike of the opposing party. (…) Our findings (…) suggest that the media likely are not shrinking mass polarization, as their moderating effects are centered on those who are already middle-of-the-road ex ante. Rather, the media help to further segment and stratify the electorate into a more moderate core turned off by polarization (…) and a more extreme segment (…). However, our results also make clear that polarized media coverage causes all citizens come to view the opposing party less positively. (…) By presenting the public as deeply polarized, similar to political elites, the media shape ordinary Americans’ attitudes and their perceptions of politics more generally. Although false polarization is a basic cognitive phenomenon, media coverage exacerbates people’s views of the partisan divide, and has real—and politically important—consequences.Matthew S. Levendusky & Neil A. Malhotra
People say all the time, ‘Oh, I don’t want to talk about Trump. I’ve had too much Trump. And yet at the end of the day, all they want to do is talk about Trump. We’ve seen that, anytime you break away from the Trump story and cover other events in this era, the audience goes away. So we know that, right now, Donald Trump dominates.Jeff Zucker (CNN)
Un sondage américain qui montre (à quelques arrondis près ?) des médias perçus comme plus clivants même que le président … ?
Un décompte de mars 2017 rappelant que plus de 7 000 actes antisémites sous la présidence Obama avaient quasiment été passés sous silence … ?
Une étude américaine qui dès 2013 montrait qu’à la manière des prophéties auto-réalisatrices les médias peuvent non seulement exagérer le degré de polarisation du pays mais l’accentuer dans la perception des gens … ?
Les déclarations du président américain interviennent au lendemain d’un week-end endeuillé par la tuerie dans une synagogue de Pittsburgh
Le HuffPost avec AFP
9/10/2018
ÉTATS-UNIS – Les attaques du président américain contre les journalistes se répètent, encore. Donald Trump a rejeté la responsabilité de la « grande colère » ressentie à travers les États-Unis sur les médias, ce lundi 29 octobre. « Il y a une grande colère dans notre pays causée en partie par le traitement erroné, et souvent fourbe, des informations par les médias », a tweeté le milliardaire républicain, deux jours après la tuerie dans une synagogue de Pittsburgh.
« Les médias Fake News, le véritable Ennemi du Peuple, doivent arrêter l’hostilité ouverte et évidente et rapporter les informations correctement et de manière équitable », a-t-il poursuivi. « Ça fera beaucoup pour éteindre l’incendie de la Colère et de l’Indignation et nous serons alors en mesure de rapprocher les deux côtés dans la Paix et l’Harmonie. Les Fake News Doivent Cesser! ».
There is great anger in our Country caused in part by inaccurate, and even fraudulent, reporting of the news. The Fake News Media, the true Enemy of the People, must stop the open & obvious hostility & report the news accurately & fairly. That will do much to put out the flame…
Familier des attaques, le président américain voit sa rhétorique anti-médias de plus en plus critiquée, y compris au sein de son propre camp. « Il n’y a aucune raison d’avoir une guerre avec les médias », a ainsi indiqué Anthony Scaramucci, ex-directeur de la communication de la Maison Blanche, au micro de CNN dimanche.
À Pittsburgh, Trump accusé d’attiser la haine
Ces déclarations sur les réseaux sociaux interviennent surtout au lendemain d’un week-end endeuillé par une fusillade dans un synagogue de Pittsburgh. Au total, onze personnes ont été abattues samedi dernier. Donald Trump a fait savoir qu’il se rendrait dans cette ville de Pennsylvanie pour présenter ses condoléances. Mais des familles de victimes ne souhaitent pas rencontrer celui qu’elles accusent d’attiser la haine.
Lynnette Lederman, ancienne présidente de la synagogue Tree of Life où s’est déroulé le drame, a fait savoir lundi matin sur CNN que Donald Trump n’était « pas le bienvenu dans [sa] ville ». « Parce que c’est un pourvoyeur du discours de haine. Les mots hypocrites qui sortent de sa bouche ne signifient rien pour moi », a-t-elle expliqué. « Nous avons des gens auprès de nous qui croient en nos valeurs, pas seulement les valeurs juives, et ce ne sont pas les valeurs de ce président ».
Trump « toujours le bienvenu »
En revanche, le rabbin de la synagogue, Jeffrey Myers, a précisé sur la chaîne américaine que le « président des Etats-Unis est toujours le bienvenu ». « Je suis un citoyen. Il est mon président. Il est bien sûr le bienvenu », a ajouté le rabbin qui se trouvait dans le bâtiment lorsque Robert Bowers, 46 ans, y a fait irruption et a fait feu sur les fidèles.
« Je ne jette pas vraiment le blâme sur quiconque. La haine ne connaît pas de religion, de race, de croyance, de parti politique. Ce n’est pas un problème politique d’une quelconque manière. La haine ne connaît pas l’une de ces choses. Elle existe dans toute personne », a-t-il relevé.
FIGAROVOX/TRIBUNE – Dans ses propos rapportés par Ouest-France, le chef de l’État a comparé la période actuelle avec celle de l’entre-deux-guerres. Selon l’enseignante, le contexte est radicalement différent : les États nations européens ne cherchent pas à s’étendre mais à conserver leur souveraineté.
Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste, est l’auteur de Génération j’ai le droit, (éd. Albin Michel 2018).
Pierre Nora avait mis en garde contre «ce moment historique habité par l’obsession commémorative» et la captation de cette belle expression, les «lieux de mémoire», utilisée pour célébrer la mémoire alors que la profondeur du travail historiographique des trois tomes qu’il avait dirigés était précisément de composer «une histoire de type contre-commémoratif». Les historiens scrupuleux, ceux qui écrivent l’histoire sans tomber dans les pièges idéologiques de leur temps, sont souvent incompris par les technocrates, qui ne s’embarrassent pas de nuances pour rédiger les formules-chocs autrement appelées «éléments de langage». Le service communication de l’Élysée nous a annoncé une semaine «d’itinérance mémorielle» pour commémorer le centenaire de l’armistice, et elle s’ouvre par une «itinérance historique» du président Macron dans Ouest France suivant un chemin tortueux qui le conduit à une impasse comparative!
Dans les propos rapportés par Ouest-France, le Président Macron se lance dans des comparaisons historiques pour le moins problématiques: «je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres». Tout y est: «la lèpre nationaliste», «la souveraineté européenne (sic) bousculée par des puissances extérieures», «la crise économique». Et dans un élan de prophétie, véritable représentation mécaniste de l’Histoire avec son «H» majuscule grandiloquent, Emmanuel Macron nous révèle sa vision: «on voit presque méthodiquement se réarticuler tout ce qui a rythmé la vie de l’Europe de l’après Première Guerre mondiale à la crise de 1929». L’histoire, éternelle répétition du même? Emmanuel Macron, président-historien après le président-philosophe? Les permanences et les continuités de l’histoire ne sont pas des répétitions, Monsieur le Président, et les ruptures ne sont en général comprises et analysées qu’une fois survenues. Non l’histoire n’a pas le hoquet, car l’histoire n’est pas une réalité tangible qui s’opère sous nos yeux comme des bactéries visibles sous la loupe du microscope. L’histoire est modeste, elle n’est qu’une écriture, un récit humain qui se modifie sans cesse, se réécrit au fil du temps qui passe. L’histoire n’est pas un point fixe, établie une fois pour toutes. En revanche, on le sait, elle est fort utile pour servir les idéologies, servir la politique politicienne, pour jouer le «sachant» qui éclaire les ténèbres du présent en se donnant des airs de prophète d’un futur, si possible apocalyptique, sauf à suivre la marche du sauveur.
Comparer l’Europe de 2018 à celle des années 1930 répond à cette inflation inquiétante de la récupération politicienne de l’histoire nationale et européenne, inflation qui s’accentue depuis bientôt vingt ans à mesure que nous produisons des générations d’amnésiques sortis frais émoulus avec un baccalauréat mais ignorants de leur histoire. Il faut faire un détour par l’histoire scolaire actuelle pour comprendre comment de tels propos peuvent être entendus par l’opinion en dépit de leur non-véracité. En effet, elle alimente les élèves en simplismes manichéens depuis plus de trois décennies, depuis que l’histoire postmoderne (donc postnationale) a mis la main sur l’organisation des programmes officiels. Au lieu de transmettre des connaissances simplifiées qui rendent la complexité du passé intelligible pour des élèves âgés de dix à dix-sept ans, on a réduit l’histoire scolaire à une histoire finaliste. Le passé n’est plus qu’un perpétuel combat entre des gentils et des méchants. Ce simplisme autorise tous les anachronismes. Or la simplification n’est pas le simplisme ; la vulgarisation n’est pas la platitude du binaire. L’histoire scolaire qui avait forgé, pendant près d’un siècle, chez des générations de Français – autochtones ou venus d’ailleurs – le sentiment d’appartenance nationale, aussi appelé patriotisme, s’appuyait certes sur des simplifications historiques non exemptes d’une part de mythes, mais elle ne versait pas dans les simplismes actuels où l’idéologie postmoderne affleure sous chaque thématique, où l’histoire nationale n’est plus qu’une histoire criminelle. La France a une histoire nationale. Les mémoires des groupes composant notre nation qui n’est pas fondée sur l’homogénéité ethno-religieuse, ont toujours existé mais jusqu’aux années 1990 elles n’avaient pas été valorisées au point de supplanter l’histoire nationale. En glorifiant les revendications mémorielles, souvent réinventions du passé, contre l’histoire commune, le projet poursuivi est bien la destruction de l’attachement à la nation, à cet héritage forgé par l’histoire et porté par des mœurs et des coutumes communes.
Ni de Gaulle, ni Mitterrand n’auraient osé une comparaison aussi manichéenne.
Ni de Gaulle, ni Mitterrand n’auraient osé une comparaison aussi manichéenne, simpliste, que celle opérée par Emmanuel Macron. Et pour cause, les deux seuls «vrais» Présidents d’après-guerre avaient une vision, car ils étaient d’abord «enracinés» par une ample culture littéraire et historique – la composition de la bibliothèque de François Mitterrand en est l’illustration frappante – et ensuite parce qu’ils avaient connu l’entre-deux-guerres et la guerre. Cela fait toute la différence. Cela explique leur hauteur de vue, eux qui étaient passés par cette épreuve de la guerre, qu’ils connaissaient la complexité de cet avant-guerre, qu’ils ne réduisaient pas cette période à des caricatures binaires. L’un comme l’autre ont vu monter les périls, ils ont eux-mêmes fait des choix politiques qui ne suivaient pas toujours la ligne droite que les politiques actuels ont réinventée pour trier dans cette époque troublée les bons des méchants, pour juger les hommes du passé au regard du confort dans lequel est plongée notre Europe pacifiée, abrutie par la société de consommation.
Personne ne viendrait nier que Staline, Hitler et Mussolini étaient des dirigeants néfastes pour leurs peuples et pour la paix du monde, que les idéologies portées par les deux premiers en particulier ont conduit à des ravages d’une ampleur inédite en Europe et au-delà et que nous sommes encore héritiers des ravages moraux qu’ils ont constitués pour l’humanité. Néanmoins oser les comparer à Orban, Salvini et pourquoi pas Morawiecki en Pologne et Kurz en Autriche, est non seulement une absurdité historique, mais une opération politique profondément anti-européenne qui attise les colères. Anti-européenne car celui qui aggrave les tensions entre partenaires européens en insultant les peuples qui ont élu les dirigeants précités, c’est le président français. Cette montée en tension n’est pas imputable au seul Emmanuel Macron, elle est à l’œuvre depuis que les progressistes autoproclamés ont décidé que l’Europe se ferait contre les peuples, c’est-à-dire depuis le non au référendum sur la Constitution européenne en 2005 qui ne fut pas respecté. Le mépris du «non», pourtant majoritaire, par les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron est fondamental pour comprendre la défiance des Français à qui on dénie toute forme d’intelligence politique quand ils ne votent pas comme on le leur prescrit. Cette atteinte profonde au contrat civique fondateur de la démocratie n’est pas le fait des partis «lépreux» que je sache.
Plus grave, l’énormité historique suivante: l’Europe de l’entre-deux-guerres n’est évidemment pas lisible en termes politiques comme l’Union européenne des 28. Elle était composée d’États-nations souverains qui n’obéissaient pas à une entité supranationale comme c’est notre cas. En outre, aujourd’hui, l’hégémonie mondiale de l’idéologie capitaliste ultralibérale est telle qu’aucun modèle n’émerge pour s’opposer sérieusement à elle, alors que dans l’Europe d’entre-deux-guerres, des idéologies concurrentes puissantes avaient pris forme parmi les peuples (communisme, fascisme, nazisme) et se sont cristallisées politiquement dans trois pays, la Russie, l’Italie puis l’Allemagne. Autre différence et non des moindres s’agissant de menaces pour la paix: l’URSS et le IIIe Reich avaient des ambitions d’expansion territoriale, sinon d’hégémonie planétaire, et il s’agissait de nations hyper militarisées. En quoi les «lépreux» Orban et Salvini – pour ne retenir qu’eux – ont-ils une quelconque ambition belliqueuse de cette nature? Ils souhaitent simplement se concentrer sur leurs intérêts strictement nationaux, protéger leurs frontières de flux migratoires incontrôlés par l’Europe de Schengen, refuser la société multiculturelle dont ils observent les échecs en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique. C’est un choix de souveraineté politique, leurs citoyens les ont élus pour cette politique et peuvent se dédire aux prochaines élections puisque ni Orban ni Salvini pour l’heure n’ont remplacé la démocratie par l’autocratie.
Autre aspect de cet absurde raccourci comparatif: dans les trois cas, URSS, Italie fasciste, Allemagne nazie, la prise du pouvoir n’a rien eu de démocratique à la différence des gouvernements italiens, autrichiens ou hongrois vilipendés par Emmanuel Macron. La Russie est devenue l’URSS à la suite de la révolution bolchévique qui fut pour le moins un coup de force, venue d’une minorité politique extrémiste, favorisé par le contexte tragique des défaites militaires russes, la Russie de Nicolas II étant membre de la Triple entente. Staline prit le pouvoir après la mort de Lénine en 1924 après avoir éliminé tous ses concurrents, tout aussi violents politiquement et antidémocrates que lui, mais probablement moins malades mentalement que le Petit père des peuples. Mussolini accéda au pouvoir après une forme d’itinérance au demeurant ratée, la marche sur Rome d’octobre 1922. Cette démonstration de force maquillée a posteriori par le Duce en coup d’État, aura suffi à vaincre une démocratie italienne sans boussole, minée par les conflits internes, qui s’effondrera d’elle-même laissant Mussolini instaurer sa dictature fasciste, qui servira en partie de modèle à Hitler.
Dans les trois cas, URSS, Italie fasciste, Allemagne nazie, la prise du pouvoir n’a rien eu de démocratique.
Ce dernier n’a pas été élu démocratiquement, contrairement à la doxa qui sert le discours sentencieux actuel envers les citoyens-électeurs, à grand renfort de «retour des heures sombres» et d’entrisme par les Forces du Mal au sein de notre vertueuse machine démocratique. En effet, dans l’Allemagne de la jeune République de Weimar, née de l’effondrement du Reich en 1918, l’assemblée était élue à la proportionnelle intégrale et jusqu’aux élections de 1932 le NSDAP, le Parti des Travailleurs allemands Socialiste et National, ne dépasse pas les 20 %. Hitler échoue également à l’élection présidentielle de 1932 qui voit la réélection d’Hindenburg. Cette campagne aidera en effet le NSDAP à engranger des voix aux législatives suivantes puisque le parti dépasse les 30 % des suffrages, pour autant il n’est pas majoritaire. La majorité était composée par une coalition de centre-gauche qui n’échappa pas aux luttes intestines largement alimentées par la gauche (SPD et KPD), et empêchera la nomination d’un gouvernement d’union nationale qui aurait peut-être pu réduire la puissance montante du NSDAP. C’est l’incapacité des forces politiques démocratiques (cet adjectif est-il seulement admissible pour le KPD…) à s’entendre pour gouverner ensemble qui explique aussi qu’Hindenburg dût se résoudre à nommer Hitler. Il était après tout le chef du parti qui avait obtenu, seul, 33 % des voix aux législatives, mais les démocrates, en se coalisant durablement, pouvaient faire obstacle à sa nomination au poste de Chancelier. C’est leur faiblesse qui fit sa force, et non pas un imaginaire raz-de-marée électoral laissant penser que le peuple allemand aspirait unanimement à suivre Hitler dans les années 1930.
Quant à réduire la montée des totalitarismes dans l’entre-deux-guerres à une conséquence de la crise de 1929 comme le laisse croire le président Macron, c’est encore ne voir l’histoire par le petit bout de la lorgnette. Ce genre de raccourci ne sert à faire comprendre ni le passé, ni le présent, il sert à manipuler l’opinion pour une politique à venir décidée sans le consulter. La crise de 1929 a montré pour la première fois à l’échelle mondiale, où conduisaient le capitalisme financier et sa spéculation sans limite, les prises de bénéfices indignes des gros opérateurs financiers en plein cœur d’une crise sans précédent, son culte de l’argent-roi et déjà l’économie ouverte à tous les vents mauvais. La critique de ce capitalisme amoral, contraire aux intérêts des peuples souverains, destructeur de la nature, asservi aux machines et transformant l’homme lui-même en machine, fut étouffée pendant des décennies par les délires des théoriciens de la lutte prolétarienne. Ils ne firent qu’alimenter la puissance capitaliste qui conduira à la multiplication des crises économiques jusqu’à celle de 2008 dont aucun dirigeant n’a réellement tiré la moindre analyse qui se transformerait en action politique. Au contraire, comme dans une course vers l’abyme on alimente plus que jamais la destruction de tout ce que l’humanité a forgé en plus de cinq mille ans d’histoire. L’homme atomisé machine à consommer est le produit de cette crise, on l’endort en lui promettant comme seul horizon de bonheur «plus de pouvoir d’achat». Emmanuel Macron est l’homme de ce système: la société ouverte, inclusive, du village global, des flux sans contrôle de marchandises et des hommes – catégories bientôt synonymes. Et pourtant il ose accuser dans ces propos les «grands intérêts financiers qui dépassent parfois la place des États». On peut être stupéfait quand cela est dit par le fondé de pouvoir de la Commission de Bruxelles! Mais c’est habile pour convaincre une opinion publique rendue amnésique qu’on la protège des petits Hitler à nos portes, elle qu’on a rendue aveugle aux conséquences de l’irréparable. Cet irréparable est né quand l’économie industrielle au XIXe siècle prit le pas sur la politique au nom du Progrès, quand le capitalisme financier décréta la mise à mort des nations européennes seules capables de circonscrire sa dangerosité tant pour l’humanité que les écosystèmes. Cet irréparable est né quand des experts-comptables au service d’une oligarchie financière mondiale prirent la place des hommes d’État soucieux de défendre les intérêts de leur nation et de protéger leurs citoyens, tous leurs citoyens.
CNN President Jeff Zucker said his network’s audience would dwindle if its news programming shifted away from covering President Trump.
In an interview published in the latest issue of Vanity Fair, Zucker said the reason why CNN spends much of the day reporting on Trump’s day-to-day activities and his rhetoric is viewer demand.
“People say all the time, ‘Oh, I don’t want to talk about Trump, I’ve had too much Trump,’ ” Zucker told Vanity Fair. “And yet at the end of the day, all they want to do is talk about Trump. »
« We’ve seen that anytime you break away from the Trump story and cover other events in this era, the audience goes away, » he added. « So we know that, right now, Donald Trump dominates.”
Zucker said he wants CNN to be a home for both supporters and opponents of the president, despite harsh criticism of the news outlet from Trump and other Republicans.
“On MSNBC, you rarely hear from people who do support Trump, » Zucker said. « We want to be home to both those points of view. »
« It is true some of these folks are not very good with the facts, but that’s OK in the sense that it’s our job then to call them out, » he added.
CNN is projected to report its most profitable year ever, a source familiar told Vanity Fair, though it lags behind both Fox News and MSNBC in average prime-time viewership.
Donald Trump Jr. on Thursday suggested it was time for CNN to embrace a « new business model. »
« CNN’s audience went away anyway. That’s why their ratings are so bad, » he tweeted, adding that the network should focus on his father’s « amazing wins. »
The president frequently trashes CNN and its ratings, and has taken aim at Zucker in the past. He wrote in August on Twitter that CNN’s parent company should fire Zucker over CNN’s ratings, which have improved significantly since Zucker took over.
« The hatred and extreme bias of me by @CNN has clouded their thinking and made them unable to function, » the president tweeted. « But actually, as I have always said, this has been going on for a long time. Little Jeff Z has done a terrible job, his ratings suck, & AT&T should fire him to save credibility! »
A larger part of the electorate believes the media does more to divide the country than President Donald Trump, a new Politico/Morning Consult poll finds.
Sixty four percent of voters told Politico/Morning Consult they believe the media has done more to divide the country than unite it, compared with 56 percent of those who responded similarly when discussing Trump. Opinions on divisiveness diverges significantly along party lines with the vast majority of Democrats believing the president is responsible for dividing the country and a slight majority of Republicans believing he has done more to unite it.
The poll has a sampling error of +/- 2 percentage points.
The poll comes as Trump continues to accuse a large group of the U.S. media of playing the most divisive role in American politics. “The left wing media doesn’t want to solve problems, they want to stoke resentment, it has to stop,” he declared Wednesday evening at a Florida rally.
Trump has tweeted multiple times to this effect making a distinction between the media writ large and what he calls “the fake news media.”
Some 40 percent of black likely voters approve of the job President Donald Trump is doing, according to the daily Rasmussen poll released on Oct. 29.
The number marks a record high, the pollster noted, and shows a rapid rise in support for the president among black voters, compared to Rasmussen’s own results from a year ago.
The poll showed 29 percent support for Trump among blacks on Aug. 6, compared with 15 percent on Aug. 3, 2017.
Reuters/Ipsos polls also have revealed an increase, though more modest, to 16.5 percent approval among blacks in an Oct. 18–22 survey, from 11 percent at the end of August.
Among all likely voters, Rasmussen has been tracking Trump job approval at around the 50 percent mark throughout October, compared to the 40 to 47 percent range being reported by other pollsters.
Why Trump
Black Americans have voted exceedingly left since the 1960s. The presidential election in 1964, especially, fixated black voters on the Democrats. The assassination of President John F. Kennedy the year before primed the nation to choose his vice president, Lyndon Johnson, to continue his legacy. Democrats also portrayed the Republican contender, Barry Goldwater, as a racist, because he opposed the 1964 Civil Rights Act.
Goldwater was actually against segregation and racial discrimination, The Heritage Foundation’s Lee Edwards wrote in 2014. Goldwater had voted for the civil rights bills of 1957 and 1960, but warned, prophetically, that the 1964 legislation was written in a way that would lead to another form of racial discrimination—affirmative action.
It didn’t help that Goldwater was, to a degree, a small-government libertarian who believed that welfare would lead to moral erosion by means of government dependency. His unabashed rhetoric gave his opponents ammunition to accuse him of wanting to drastically cut welfare.
Trump, with an unabashedness of his own, received only 8 percent of the black vote in 2016. But that was still more than Goldwater or even Mitt Romney.
Trump has steered clear of talking up welfare cuts at large, taking more popular angles, such as repealing Obamacare and imposing job requirements on welfare seekers. But, perhaps more than Goldwater, he was liberally accused of racism by Democrats.
Those attacks, however, seem to be losing effectiveness. To begin with, Trump hadn’t been considered racist in the left-leaning circles of mainstream media and entertainment until he ran for president.
He’s also spent considerable effort to appeal to black voters, asking them to consider how electing Democrats for decades benefited them. Trump promised them jobs, safety, and education.
“We’re fighting every day for African-Americans, for more jobs, for higher wages, for safer communities, for great schools, and we want school choice. We got to have,” Trump said at the Oct. 27 rally in Evansville, Indiana. “We’re fighting hard. It’s going to make a big difference.”
Black unemployment, a powerful talking point, has dropped to historic lows under his administration’s “America First” economic agenda. Violent crime also slightly declined in 2017, after two years of increases.
‘Blexit’
The support of singer, producer, and businessman Kanye West has been helping Trump from another angle. West says he doesn’t agree with Trump on everything, but that it frees his mind to put on a Trump hat, as it allows him to escape the certain modes of thinking that society expects of him.
Conservative political commentators such as Candace Owens and Dinesh D’Souza have popularized the expression “the Democratic Plantation,” which draws a parallel between the racism against blacks advocated by the Democratic Party in the past and the system of government dependency represented by the welfare state advocated by the Democrats of the present.
Some effects of the efforts of Owens and others can be seen among the blacks joining the Walk Away movement to leave the Democratic Party.
Owens has recently announced a new initiative called “Blexit,” which specifically urges black Americans to leave the Democratic Party. A clothing line accompanies the movement, sporting “Blexit” and “We Free” in capital letters.
Readers have finally understood that their payments for the news will actually make a difference in what they and their community know. That model needs to be extended down to states and cities.
Ken Doctor
Nieman lab
Jan. 20, 2017
As we feel the ever-louder banging on the doors of a free press, we should also hear, weirdly, another knocking. That’s the knocking of opportunity.
It’s not just the “journalistic spring” that Jack Shafer predicts as the conflicts and controversies of the Trump administration prove fertile ground for investigation. It’s the opportunity to rewrite the tattered social contract between journalists and readers, a chance to rebuild a relationship that’s been weakening by the year for a decade now.
That’s not just some wishful sentiment expressed in the face of the reality of Trump. We’ve seen it proven out over the past several months, and we must grasp this chance to reset an American press that has been withering away.
In both the immediate run-up to the election, and more so in its dramatic aftermath, we’ve witnessed one greatly ironic unintended benefit of Trumpism. More than 200,000 new subscribers signed up for New York Times subscriptions, many of them not even directly solicited — they just figured out it was the right thing to do. The Washington Post saw its own double-digit percentage increase in new subscriptions, and Jeff Bezos — sensing opportunity —- has just taken the dramatic step of adding more than five dozen journalists to the
Readers opened their wallets more widely, as The Atlantic, ProPublica, The Guardian, NPR, The New Yorker, Mother Jones, Vanity Fair, and the Los Angeles Times have all reported increased public support.What’s the lesson here?
Beyond “support,” readers clearly recognize value. They reward reporting, factual reporting, secure in the knowledge that certain news brands are more immune from the fakeries, forgeries, and foolishness than others. They see their own questions being answered with dutiful reporting and thoughtful analysis. The Times, in its 2020 report, long in the works, renewed the new social contract, as it designated $5 million for deeper and wider national government coverage, given the Trump ascendance.
Readers see courage and they support it. The Times and the Post led courageously in 2016, even as the din of press attacks got louder. (And, here, let us recognize the uneven but growing courage of CNN, its reporters and its hosts, for more insistently piercing the bellows of nonsense they encounter. At the same, time, let’s recognize the potential of CNN-taming implicit in Trump’s meeting last week with AT&T chief Randall Stephenson, the would-be buyer of CNN through the acquisition of its corporate parent, Time Warner.)And, yet, all of that outpouring of post-election support still amounts to a meager down payment on what the American press needs. The national news media lives on the thread of profit. It is not “failing,” as in the Trumpian taunt, but it’s just hanging on, having absorbed financial blow after blow of digital disruption. At the local level — where all but four of the nation’s 1,375 or so dailies operate -— the unraveling is far worse.
Those dailies approached the election emaciated, their weakness exacerbated by 10 years of disinvestment. Make no mistake: Most of the U.S. daily press still returns profits. They just don’t return as much news, or reporting, or knowledge, as they used to.
Further, it’s in that local press that Americans long got their basic news, the basic facts that informed their voting habits. We can draw a straight line between the decline of the American local press and a populace whose factual ignorance has been further distorted by the polarization of democratic discourse. We may struggle to point out a few direct illustrations of that straight line, but the impact — civic and electoral — is only logical. We can’t cut the number of journalists in the American daily workforce in half — replacing the most locally knowledgeable with less experienced, lower-paid recruits — and expect no loss.Looking forward, though, it’s that local press that we must look to cover the day-by-day repercussions of health, environmental, education, and racial justice policies and laws turned upside down. We’ll see mad spin coming out of Washington, and the national media will cover that. That national media, stretched as thin as it is, has little prayer to cover what seems likely to happen in the 50 states to the formerly insured, the women facing clinic closures, the aggrieved looking to federal legal insistence on fairness and justice, and the families seeking clean drinking water. Those are stories that must be unearthed, and told, across the country.
It’s a question that comes down to a single word: capacity.
Long-time media watcher Merrill Brown pointed recently to the drained ability of American news companies to adequately report on the administration that takes power today.
“There are not enough institutions in the American journalism community that are healthy enough to deal with what the Trump administration is likely to do in its early years,” he said on Brian Stelter’s Reliable Sources on CNN a week ago. Speaking of both national and regional insufficiency, “We need more ProPublicas. We need more Jeff Bezoses. Philanthropists and investors need to be focused on how important media is, right now, during a dramatic change in government. We need more people to step up to the changes in journalism.”
Is it a news emergency? We can make a good case for that, but even if we want to classify it merely as a deepening crisis, let’s remember the advice of Rahm Emanuel as Barack Obama took over a country on the edge of depression in 2009. “You never let a serious crisis go to waste. And what I mean by that is it’s an opportunity to do things you think you could not do before.”
I’ve had many conversations with those in and around the industry since the election, and there’s clearly a greater realization of this existential moment in American journalistic life, yet no singular sense of what to do.
Let me suggest we act on what we’ve learned.
First, that means recognizing the new power of the reader/journalist relationship, one underutilized by-product of the digital age. Though the national/global newspaper-based media (The New York Times, the Financial Times, The Washington Post, and The Wall Street Journal, which is finally finding its feet, bringing its business acumen to tougher Trump conflict of interest reporting) still struggle with the digital transition, they’ve each crossed over. More than 50 percent of their revenue comes directly from readers; that’s up from the industry average of 20 to 25 percent just a decade ago.That not only provides them a more stable source of ongoing revenue, as digital ad markets prove increasingly troublesome — it also makes the point of journalists’ work crystal-clear. Journalists report and write to satisfy readers.
Finally, in the recent cases of Times and Post subscription spurts, paying readers have finally understood that deeper connection: My payment for the news will actually make a difference in what I know and what my community and country know.
So, on a national level, that message needs to be reinforced at every opportunity, just as John Oliver and Meryl Streep, among others, have begun to do. Another half million to a million digital subscriptions could well certify the successful digital transformation of national news outlets proving themselves indispensable to the democracy. That number now appears in reach, as we assess the progress noted in Monday’s New York Times 2020 report.
It is in local markets that the reader revenue lesson is going largely untested. Yes, most dailies have put up paywalls, but only a relative handful — mostly outside the major chains — have funded still-robust, if diminished, newsrooms. The common arithmetic I’ve described: Halve the product, double the price. Rather than invest in that reader/journalist relationship, too many companies simply milk the life of the disappearing print paper.My simple proposition: More Americans will pay more for a growing, smarter, and in-touch local news source if they are presented with one. As the local newspaper industry has shriveled, most readers have never been presented with that choice. Rather they’ve had to witness smaller and smaller papers, and then less and lower-quality digital news offerings.
It’s not simply an “It’s the content, stupid” moment. Too many news publishers have failed to create products, especially smartphone ones, that display well even what these local companies today produce. That, though, is a topic for another day.)Out of the welter of possibility in 2017, we need to see multiple tests of ramping up local quality, volume, and product. We need new scale brought back to local news reporting, which can now exploit the wonders of multimedia presentation, and do it far more cheaply than print could ever offer.
Will any of the local chain owners invest in a Bezosian long-term strategy? Already, I’ve heard discussion at the high levels of a couple of chains about the new public expectation of “watchdog journalism” and how to meet it — and benefit from it.
Will the trying-to-be-feisty independents — perhaps led by The Boston Globe with its own small bump to 70,000 paying digital subscribers and a broad reinvention plan taking shape — see Times- or Post-like rewards for their efforts? Will any of the larger public radio stations tie growing news capabilities to a kind of “news membership,” moving to fill the vacuum of news in their cities? How many local TV stations will test out the idea of becoming broader TV/digital news providers, and doing enough to get reader payment? What kind of stronger, regional roles might the likes of Kaiser Health News (health), The Marshall Project (criminal justice), and Chalkbeat (education) play? Can any of the most ambitious of LION’s 110 local member news sites step up their coverage to benefit significantly from the new reader/journalist virtuous circle?
In business — and news is a business — consumers expect the improved product to be offered first, and then to be asked to pay (or pay more) for it. That’s why we need to see the kind of investment — from investors to philanthropists, as Merrill Brown suggests.
It’s been astounding to me that so few people of wealth have come forward to rebuild the American press in digital form. Why will an Elon Musk, an early investor in newspaper entertainment product Zip2, pour hundreds of millions into space, cars, and batteries, but nothing into his local Silicon Valley news sources? For the most part, even the most sympathetic haven’t seen a sustainable model that they thought worthy of their time and money.Now, though, that model cries out before us: Majority reader revenue, built on a nationally proven next-generation content-and-product strategy. That’s the carrot. The big stick: Unless a new model is worked out soon, know-nothingism will find fewer challenges across the expanse of America’s news deserts.
Majority-reader-revenue models won’t work overnight, and, there, the bridging aid of a small fleet of foundations that have so far failed to fund a new sustainability will be key. I believe they will renew their own spirits — if and when they see building success.
Finally, let’s consider the intangible of civic pride in this strangest of political times. John Oliver made subscribing to the Times and Post and supporting ProPublica hip. Clearly, he tapped an open reservoir of goodwill. As high hundreds of thousands of people take to the streets this weekend, apprehensive of the future, and looking for accountability, the appetite for aggressive news media — national and local — may never have been as high.
In the last two months, almost 100 Jewish community centers and day schools have been targeted with antisemitic threats. The map of the threats is shocking. It stretches from Maine to Florida, Texas, Colorado, all the way to California and Washington. Despite more than 190 antisemitic incidents, no arrests have been made. These are terrifying times for many, and there is a feeling that antisemitism is reaching a crescendo in the US. The perception is that America has historically been safe and tolerant, but today a rising “wave” of antisemitism may be breaking on its golden door.
The US administration’s response has been tepid at best, and a case of denial at worst. Although Vice President Mike Pence stopped by a desecrated cemetery in St. Louis, it took more than a month for US President Donald Trump to make his denunciations clear, despite numerous chances to do. Trump is personally blamed for “unleashing” antisemitism during the election campaign last year. Rabbi Daniel Bogard, a victim of online antisemitic abuse, told the JTA,“There has been permission that’s been given to say these things we didn’t used to say.”
This feeds a growing narrative about the rise in antisemitism. There are more than nine million results in Google relating to “Trump antisemitism,” including the recent headlines “Report: Trump mulling axing antisemitism envoy as part of budget plan,” and “Trump suggests Jewish community is spreading antisemitic threats.”
However, Mark Oppenheimer at The Washington Post notes, “There is no good statistical evidence (yet, anyway) that Americans have grown more anti-Semitic in recent months…Overall, however, we won’t know for many more months, when the FBI and the Anti-Defamation League have better data to work with, if Nov. 9, 2016, was the start of something new or just a continuation of a regrettable but enduring legacy.”
The Anti-Defamation League has released a list of the 10 worst antisemitic incidents of 2016, though the data for that year is not yet complete. There is data, however, for previous years.
If there was a major rise in antisemitism, then the 190 incidents that the media have reported on in the first two months of 2017 should be significant. That’s 95 a month. Let’s use that as a barometer and look at the first seven years of Barack Obama’s presidency. The 2016 data, when it is released, will be influenced by the apparent rise in antisemitism during the election. But the years 2009-2015, for which we have data, are untainted by the alleged rise in attacks from Trump supporters.
There were 1,211 antisemitic incidents in Obama’s first year in office. This was after four straight years of declining antisemitism. For instance, in 2008, there were 1,352 incidents. Attacks had peaked in 2004 with 1,821.
Over the years, the number of incidents continued to decline. After an initial uptick to 1,239 in 2010, they declined to 751 in 2013. They began to rise again to 914 in 2015, the last year for which we have data. When we tally the total number of incidents between 2009 and 2015, the overall number of attacks reaches more than 7,000. However, the number of assaults increased, almost doubling during the Obama administration.
Overall, there was an average of 84 incidents a month under the Obama administration. Let’s step back for a moment and compare that to the 95 incidents between January and February 2017. That’s a 10% increase. It could be more once all the data comes in. But the media haven’t been telling us there is a slight increase; the narrative has been that there is an antisemitic wave sweeping the US. In Berlin, there was a 16% increase in antisemitic incidents by comparison. It was also “sweeping” the UK in 2014.
One of the key indicators of rising antisemitism during the Obama years was the number of physical assaults. From a low of 17 in 2012 they rose to 56 in 2015. The ADL noted a “dramatic rise” in assaults that year.
So why are headlines today claiming a “pandemic” of antisemitism in the US? Abe Foxman used the word “pandemic” to describe antisemitism in the US in 2009. “This is the worst, the most intense, the most global that it’s been in most of our memories. And the effort to get the good people to stand up is not easy,” he said in a speech that year. Jonathan Greenblatt said in November of 2016 that the US was suffering extreme levels of hate. “Anti-Jewish public and political discourse in America is worse than at any point since the 1930s,” he was quoted by JTA as saying.
Looking back almost a decade puts things in perspective. Where was the media in 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 to highlight thousands of incidents of antisemitism? 210 physical assaults on Jews. 3,900 threats against Jews and Jewish institutions. 2,900 incidents of vandalism. 180 incidents of antisemitism on campus. Every six days, a Jewish person in America was being attacked in 2015 and it went largely ignored. On average, there were threats every day against Jews and Jewish institutions over the last eight years and most of them did not receive headlines.
There were also incidents of vandalism every day on average. Why did 7,034 incidents of antisemitism not get major headlines for so long? Was it because of an agenda to protect the Obama administration from criticism, or due to complacency and people becoming inured to the phenomenon? The cesspool and swamp from which today’s hate crimes on Jewish cemeteries emerge is not in a vacuum and it may not be due to the toxic divisions of 2016; it may have deeper roots. That’s the elephant in the room: 7,000 incidents that were recorded — and reported by the ADL — which almost no one wants to talk about.
Is the media misleading us through fear-mongering about antisemitism in the United States? The data seems to show that the recent wave of threats, while unique in their target and regularity, are not a massive increase from years past. Threats occurred throughout the last decades, and many went unreported. The key indicator of physical assaults has been rising in the last years. Campus antisemitism, the ADL says, peaked in 2015. The most important thing is to present the public with real data on the number of incidents. The 24-hour news cycle tends to encourage the feeling that antisemitism is leaving people under siege, with swastikas on subways and memorials, at rural synagogues and on homes.
There is also a tendency to feed a narrative that there is a major rise in hate crimes in the United States connected with the toxic election of Trump. There may be a rise in hate crimes, but many of them are not directed at Jews; many of them are directed at Muslims and other groups, such as the Georgia couple recently sentenced for threatening African-Americans.
The reality is that the American press even ignores serious antisemitism in other countries, while reporting on its expression in the US. Video footage recently emerged of a preacher at Canada’s Al Andalous Islamic Centre — Sheikh Wael Al-Ghitawi — claiming Jews were “people who slayed the prophets, shed their blood and cursed the Lord.” Another sermon in Toronto referred to the “filth of the Jews.”
Are there videos in America of anyone preaching such hatred openly without a pushback?
This raises serious questions about how we discuss and learn from antisemitism. When people sit through a sermon and don’t raise a hand in protest when a preacher says Jews should be killed, that’s a huge problem.
What about when there are clear cases of antisemitism whose perpetrators are not charged with hate crimes? In Avignon, a man tried to light firecrackers in front of a synagogue, but was cleared of antisemitism charges. He just happened to do it in front of a synagogue, not any of the dozens of churches in the town?
This is one of but many examples.
The question is: Are we only offended by certain types of antisemitism and not others?
Politologue et historienne ayant longtemps vécu aux Etats-Unis, Nicole Bacharan commente la violence des mots et des actes sous la présidence Trump, et estime que la deuxième moitié de son mandat pourrait être fortement entravée par les enquêtes de la Chambre des représentants si celle-ci est reconquise par les démocrates
LE TEMPS
2 novembre 2018
Elle connaît Houston et New York comme sa poche pour y avoir vécu. Dans sa famille, on est Français, mais aussi Américains. Auteure de nombreux livres sur l’Amérique, Nicole Bacharan observe la scène politique outre-Atlantique avec intérêt et parfois effroi. A quelques jours des élections de mi-mandat (6 novembre) qui battent un nouveau record en termes de dépenses de campagne (5,2 milliards de dollars), cette historienne et politologue a reçu Le Temps dans son appartement parisien. Elle commente le climat de très forte tension sociale qui règne dans le pays à l’aube d’un scrutin qui pourrait avoir un impact majeur sur la deuxième moitié de la présidence de Donald Trump.
Le Temps: Pour les démocrates, l’un des enjeux majeurs des élections de mi-mandat, c’est la reconquête de la majorité de la Chambre des représentants. La majorité du Sénat étant vouée à rester en mains républicaines, quelles seraient les conséquences d’un tel scénario?
Nicole Bacharan: La première serait l’ouverture de plusieurs enquêtes. La Chambre des représentants a des pouvoirs d’enquête très larges. Je pense d’ailleurs que les enquêtes sont déjà prêtes. Vu ce qui se passe outre-Atlantique, les démocrates ne feront aucun cadeau. On peut imaginer deux scénarios. Les démocrates pourraient chercher un compromis avec Donald Trump sur les investissements dans les infrastructures, sur l’extension de Medicare (l’assurance maladie des plus de 65 ans) ou encore sur la réduction des prix des médicaments. Mais c’est très improbable dans un Washington aussi polarisé. Le président a pris des mesures, mais, sur le plan législatif, il n’a rien fait hormis la baisse des impôts. Il y a très peu de chances qu’il forge un compromis sur les projets sociaux.
Les démocrates ont déjà sorti les couteaux, préparé des enquêtes, et ils sont prêts à engager une procédure de destitution. Je serais étonnée qu’ils ne trouvent pas de chefs d’inculpation contre Donald Trump, sachant qu’une procédure de destitution peut être adoptée à la majorité simple à la Chambre des représentants. Au Sénat, une telle procédure n’aboutirait pas avec des républicains toujours majoritaires. Mais face à une Chambre sous contrôle démocrate, je ne sais pas où Donald Trump s’arrêtera pour sauver sa peau.
Quel est l’élément le plus saillant de la campagne électorale qui s’achève?
La mobilisation des femmes. Je n’ai jamais vu autant de femmes faire acte de candidature au Congrès, surtout dans le camp démocrate. Mais les circonscriptions électorales étant ce qu’elles sont, il n’y aura pas de tsunami féminin à Washington.
Les tentatives d’attentat aux colis piégés contre des personnalités démocrates, la tuerie dans une synagogue de Pittsburgh ont créé un climat délétère. Pour reprendre le titre de l’un de vos ouvrages, faut-il avoir peur de l’Amérique?
Dans la même semaine, des Noirs américains ont été tués parce qu’ils étaient Noirs, des colis piégés auraient pu tuer des figures démocrates comme Barack Obama ou Hillary Clinton, et enfin Pittsburgh a été le théâtre de la pire tuerie antisémite de l’histoire du pays. A l’époque de la présidence de George W. Bush, Elie Wiesel m’avait demandé: faut-il avoir peur pour l’Amérique? Avec ce qu’on a vu ces derniers jours, je dirais qu’il faut avoir peur pour, mais aussi de l’Amérique. On sait que c’est un pays violent où circulent 300 millions d’armes à feu. En 2016, plus de 11 000 personnes ont été tuées par de telles armes. Mais je n’ai pas souvenir d’avoir vu un tel déferlement de haine raciste et meurtrière dans un temps aussi resserré. Sous la présidence de George W. Bush, il y avait de fortes divisions, mais les gens se parlaient encore de manière civile. Je l’ai vécu. On n’avait pas le sentiment d’être remis en cause dans son être profond. Là, avec Donald Trump, c’est très différent. Les pro- et anti-Trump divergent tellement sur des valeurs essentielles qu’ils ne peuvent plus s’adresser la parole.
Donald Trump multiplie les meetings électoraux, radicalise son discours. Porte-t-il une part de responsabilité dans les événements de ces derniers jours?
Si vous regardez ses meetings, ils se déroulent tous selon le même schéma. Il dramatise la question de l’immigration, décrit les journalistes comme des ennemis du peuple et vitupère contre les alliés qui profitent de l’Amérique. Il arrive à susciter une rage incroyable chez les gens. Il a un grand talent pour manipuler les foules. Il désigne à la vindicte publique tous ceux qui représentent une opposition. L’exemple vient d’en haut. Les gens se sentent habilités à insulter, voire à tuer, des individus qui ne pensent pas comme eux. Dans ces meetings, il y a indubitablement des incitations à la violence. Les Américains ont un président qui piétine toutes les valeurs de civilité, de tolérance mutuelle propres à une démocratie, et qui a fait de la violence une valeur à part entière.
La tuerie de onze juifs dans une synagogue de Pittsburgh le week-end dernier a été un traumatisme.
Pour la communauté juive, c’est un choc énorme. Dans l’histoire américaine, il y a eu des agressions et des insultes antisémites, des périodes de quotas défavorables ou d’hostilité envers les juifs de Pologne et de Russie qui arrivaient aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Mais les juifs ont toujours eu le sentiment de vivre aux Etats-Unis plus en liberté qu’ailleurs à l’exception d’Israël, d’être des piliers du pays. Ils ont beaucoup défendu l’intégration des migrants, se sont engagés pour les droits civiques. Ils se sont souvent considérés comme ce qu’il y avait de plus américain. Donald Trump n’a pas appelé à la violence antisémite. Mais la manière dont il a libéré la parole raciste a un impact. Quand des suprémacistes blancs criaient à Charlottesville en 2017 que «les juifs ne les remplaceraient pas» et qu’ils défilaient avec des torches enflammées rappelant Nuremberg, Donald Trump ne les a pas encouragés, mais il ne les a pas contredits.
Donald Trump (et par ricochet les républicains) va-t-il bénéficier de ce climat de haine le 6 novembre?
C’est son calcul. Il ne cherche pas à apaiser les tensions, mais à générer le plus de colère possible au sein même de son électorat. Sa technique, c’est le mensonge avéré quotidien, sans vergogne, érigé en système. Or, quand les faits ne comptent plus, cela rappelle les années 1930. C’est en tout cas ainsi que ça commence. La honte a disparu. Le migrant devient l’ennemi. Si je pouvais résumer la présidence Trump, je choisirais cette image: l’homme à la tête de l’armée la plus puissante du monde promet d’envoyer jusqu’à 15 000 soldats à la frontière américano-mexicaine face à quelque 4000 déguenillés. Il y a la grandeur de la fonction et la petitesse de l’homme. Donald Trump maintient son électorat dans une vraie paranoïa. Si vous êtes un Américain qui regarde Fox News et qui écoute le polémiste Rush Limbaugh, vous vous sentez menacé par tout. Selon moi, Donald Trump est habité par la peur. Il l’a identifiée avec un véritable génie comme un moyen qui fait sa fortune. Quand les gens n’auront plus peur, ils ne voteront plus pour lui.
Les démocrates semblent encore sonnés par la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump le 8 novembre 2016. Les noms qui circulent actuellement pour la présidentielle de 2020 sont ceux de Joe Biden (76 ans), Bernie Sanders (77 ans) voire Hillary Clinton (71 ans) ou Michael Bloomberg (76 ans), l’ex-maire de New York. Où est le renouveau?
Le temps commence à presser. Un an et demi avant leur élection en 1992 et en 2008, on voyait toutefois mal Bill Clinton et Barack Obama l’emporter. Chez les démocrates, ils sont très nombreux à vouloir se lancer pour la présidentielle. Mais ils restent pour l’heure assommés par la défaite de novembre 2016, qui n’aurait pas dû avoir lieu. C’est un fait: sans chercher à l’éteindre, Barack Obama n’a pas porté la nouvelle génération. Le parti est aussi très divisé entre les héritiers d’Obama et de Clinton d’un côté et le camp Bernie Sanders de l’autre. Les premiers n’ont pas un message très emballant pour l’instant et les seconds, qui ont une volonté marquée de s’en prendre frontalement aux inégalités sociales, n’auront jamais de majorité dans un pays comme les Etats-Unis.
Il y a surtout ce constat: les démocrates ont déserté les zones rurales et la politique locale. Ils ont perdu plus de 800 sièges dans les parlements des Etats et 13 postes de gouverneur, le pire bilan depuis Eisenhower.
Les républicains n’ont rien accompli en termes législatifs. Ils n’ont pas réussi à abroger l’Obamacare, la loi sur le système de santé. Mais leur stratégie électorale à long terme s’est révélée très payante. Je pense que les démocrates ont désormais appris la leçon, même s’ils n’ont pas forcément un système en place pour renverser la vapeur.
Au Congrès, ces mêmes républicains que l’éditorialiste américain Frank Rich appelle les «Vichy Republicans» ne constituent pourtant plus un contrepoids au pouvoir exécutif. On pensait que l’Amérique avait un système de poids et contrepoids inébranlable garant du bon fonctionnement démocratique des Etats-Unis…
On se pose en effet beaucoup de questions sur l’avenir de la démocratie et de la Constitution américaine, en particulier à l’ère des réseaux sociaux. La Constitution a déjà résisté à des périodes très difficiles. L’Amérique est au bord du gouffre.
L’autre contrepoids, c’est la Cour suprême…
Oui, la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême a été dévastatrice. La manière très partisane dont il a répondu aux questions d’une commission sénatoriale aurait dû le disqualifier. Or il n’en fut rien. La Cour suprême n’est plus respectée. Elle est devenue une institution purement partisane, avec d’un côté des juges progressistes et de l’autre des juges non pas conservateurs, mais ultra-conservateurs. On va sans doute voir une haute cour en décalage continu avec l’évolution de la société américaine.
Les Américains ont-ils les moyens de restaurer leur démocratie?
Face à l’érosion de la vérité et à la promotion de la violence politique combinées à l’effet amplificateur des réseaux sociaux, il faudra de grandes ressources démocratiques aux Etats-Unis pour se remettre de la présidence d’un Donald Trump qui se décrit comme l’Ernest Hemingway des 140 signes, de Twitter. L’Amérique est capable de nous surprendre. En bien et en mal.
Comment expliquez-vous l’attitude très suiviste du Parti républicain?
C’est un aspect de la dégradation du climat politique outre-Atlantique dont Donald Trump n’est pas responsable. Le Parti républicain est à la dérive depuis une vingtaine d’années. On est désormais à des années-lumière du parti de Rockefeller. Il est aujourd’hui la carpette du président. Le Tea Party a pris le pouvoir en 2009 avec une haine raciale incroyable sous la présidence Obama et un refus complet de l’esprit de compromis qui est pourtant l’essence même de la Constitution américaine.
Quel est votre rapport personnel aux Etats-Unis?
En France, j’ai grandi dans un milieu franco-américain. C’était une volonté de ma mère, qui avait été une très jeune résistante durant la guerre. Ayant vécu des moments très durs, elle avait vu arriver les Américains comme des libérateurs. Elle nous disait: si tout va mal en Europe, il y a toujours l’Amérique. Au vu de cette histoire, ce qui se passe outre-Atlantique me touche affectivement et la présidence Trump est une expérience très difficile à vivre. Je vis personnellement depuis une vingtaine d’années en France, mais j’ai longtemps vécu aux Etats-Unis. J’ai habité à New York et au Texas, à Houston, un endroit que j’aime beaucoup et qui est très agréable pour les familles. Les gens y sont très gentils. J’avais l’impression que, dans les années 1980-1990, Houston était un peu la New York des années 1960 sur le plan culturel. Tout était possible. Les jeunes artistes y démarraient leur carrière.
Plus tard, à Stanford, où j’ai travaillé comme chercheuse associée à la Hoover Institution, j’ai découvert un écosystème où tout est fait pour faciliter le travail. Les bibliothèques sont ouvertes jour et nuit. Il y a un formidable mélange générationnel. Il y a des professeurs qui n’ont plus d’âge qui viennent toujours dans leur labo en déambulateur. Ils ont toujours quelque chose à apporter. Le foisonnement intellectuel est extraordinaire. Mais Stanford, c’est aussi la bulle de la Silicon Valley. Il ne faut jamais l’oublier.
Thomas E. Patterson
Bradlee Professor of Government and the Press
Shorenstein center
May 18, 2017,
A new report from Harvard Kennedy School’s Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy analyzes news coverage of President Trump’s first 100 days in office.
The report is based on an analysis of news reports in the print editions of The New York Times, The Wall Street Journal, and The Washington Post, the main newscasts of CBS, CNN, Fox News, and NBC, and three European news outlets (The UK’s Financial Times and BBC, and Germany’s ARD).
Findings include:
President Trump dominated media coverage in the outlets and programs analyzed, with Trump being the topic of 41 percent of all news stories—three times the amount of coverage received by previous presidents. He was also the featured speaker in nearly two-thirds of his coverage.
Republican voices accounted for 80 percent of what newsmakers said about the Trump presidency, compared to only 6 percent for Democrats and 3 percent for those involved in anti-Trump protests.
European reporters were more likely than American journalists to directly question Trump’s fitness for office.
Trump has received unsparing coverage for most weeks of his presidency, without a single major topic where Trump’s coverage, on balance, was more positive than negative, setting a new standard for unfavorable press coverage of a president.
Fox was the only news outlet in the study that came close to giving Trump positive coverage overall, however, there was variation in the tone of Fox’s coverage depending on the topic.
This research is partially funded by Rebecca Donatelli, with special thanks to the USC Annenberg Center on Communication Leadership & Policy.
“The press is your enemy,” said the president. “Enemies. Understand that? . . . Because they’re trying to stick the knife right in our groin.”
Donald Trump’s ongoing feud with the media is not the first time a president has felt wronged by the press. The opening words are those of Richard Nixon.[1] Virtually every president since Nixon has obsessed over what they’ve seen as unfair treatment by the press. In the first two years of his presidency, Bill Clinton persuaded Congress to enact a tax increase on upper incomes, a family leave program, NAFTA, deficit reduction, the Brady bill, a youth training program, and other initiatives, yet was mired in a slew of headlines about Travelgate, Whitewater, and other alleged wrongdoings. In a Rolling Stone interview, Clinton exploded at his treatment by the press: “I’ve fought more damn battles here than any president in 20 years with the possible exception of Reagan’s first budget and not gotten one damn bit of credit from the knee-jerk liberal press. I am damn sick and tired of it.”[2]
What’s different with President Trump is that he’s taken the fight to the press, openly and with relish. Nixon worked largely behind the scenes, threatening to take away broadcasters’ licenses if they didn’t shape up. Ronald Reagan created what amounted to a White House news service, feeding stories directly to local news outlets in order to bypass the national press. George W. Bush extended that strategy, adding video feeds to the mix. Clinton and Barack Obama relied on one-on-one interviews with reporters in an effort to get out their side of the story. During his presidency, Obama held more than a thousand such interviews.[3]
Trump’s dislike of the press was slow in coming. When he announced his presidential candidacy, journalists embraced him, and he returned the favor. Trump received far more coverage, and far more positive coverage, than did his Republican rivals.[4] Only after he had secured the Republican nomination did the press sharpen its scrutiny and, as his news coverage turned negative, Trump turned on the press. [5] Trump tweeted that the “election is being rigged by the media, in a coordinated effort with the Clinton campaign.”[6] It’s been a running battle ever since. On his 100th day in office, he became the first president in more than three decades to skip the White House Correspondents Dinner, choosing instead to go to Pennsylvania for a rally with supporters. Said Trump: “I could not possibly be more thrilled than to be more than 100 miles away from the Washington swamp spending my evening with all of you and with a much, much larger crowd and much better people.”
This paper examines Trump’s first 100 days in office, not through the lens of what he said about the news media, but what they reported about him. The research is based on news coverage in the print editions of three U.S. daily papers (TheNew York Times, The Wall Street Journal, and The Washington Post), the main newscasts of four U.S. television networks (CBS Evening News, CNN’s The Situation Room, Fox’s Special Report, and NBC Nightly News), and three European news outlets (Financial Times, based in London; BBC, Britain’s public service broadcaster; and ARD, Germany’s oldest public service broadcaster). The president’s role as a global leader, and Trump’s pledge to redefine that role, prompted the inclusion of European news in the study.[7]
The newspaper analysis covers all sections except sports, obituaries, and letters to the editor. Op-eds and editorials are included, but letters from the public are not. For television, the analysis covers the full daily content of each network’s major newscast. Network talk shows are not included. Except where individual news outlets are identified, the U.S. percentages presented in this paper are the combined averages for the seven U.S. news outlets whereas the European percentages are the combined averages for the three European news outlets.
The data for our studies are provided by Media Tenor, a firm that specializes in collecting and coding news content. Media Tenor’s coding of print and television news stories is conducted by trained full-time employees who visually evaluate the content. Coding of individual actors (in this case, Trump) is done on a comprehensive basis, capturing all mentions of more than five lines (print) or five seconds (TV) of coverage. For each report, coders identify the source(s), topic(s), and tone.
Tone is judged from the perspective of the actor. Negative stories include stories where the actor is criticized directly. An example is a headline story where Senate minority leader Chuck Schumer criticized Trump when the Labor Department’s April economic report showed that fewer jobs were created than had been predicted. Schumer was quoted as saying, in part: “Eleven weeks into his administration, we have seen nothing from President Trump on infrastructure, on trade, or on any other serious job-creating initiative.”[8] Negative stories also consist of stories where an event, trend, or development reflects unfavorably on the actor. Examples are the stories that appeared under the headlines “President Trump’s approval rating hits a new low”[9] and “GOP withdraws embattled health care bill, handing major setback to Trump, Ryan.”[10]
All Trump, All the Time
On national television, Trump was the topic of 41 percent of all news stories—three times the usual amount.
Until the early 1960s, news coverage of national politics divided rather evenly between Congress and the president.[11] That situation began to shift in 1963, the year that the broadcast television networks expanded their evening newscasts to 30 minutes and hired the correspondents and camera crews needed to produce picture-driven news. With a national audience, the networks focused their coverage on the president who, in any case, was easier than Congress to capture on camera. Newspapers followed suit and, ever since, the president has received more coverage in the national press than all 535 members of Congress combined.[12] The White House’s dominance has been such that, on national television, the president typically accounts for roughly one-eighth of all news coverage.[13]
Even by that standard, Trump’s first 100 days were a landmark.[14] On national television, Trump was the topic of 41 percent of all news stories—three times the usual amount.[15] It was also the case that Trump did most of the talking (see Figure 1). He was the featured speaker in nearly two-thirds (65 percent) of his coverage. Members of the administration, including his press secretary, accounted for 11 percent of the sound bites. Other Republicans, including Mitch McConnell and Paul Ryan, accounted for 4 percent. Altogether, Republicans, inside and outside the administration, accounted for 80 percent of what newsmakers said about the Trump presidency.
Figure 1. Who Does the Talking When Trump Is the Story?
For their part, Democrats did not have a large voice in Trump’s coverage, accounting for only 6 percent of the sound bites. Participants in anti-Trump protests and demonstrations accounted for an additional 3 percent.
For their part, Democrats did not have a large voice in Trump’s coverage, accounting for only 6 percent of the sound bites.
The media have been fascinated by Trump since the first days of his presidential candidacy. Our studies of 2016 presidential election coverage found that Trump received more news coverage than rival candidates during virtually every week of the campaign.[16] The reason is clear enough. Trump is a journalist’s dream. Reporters are tuned to what’s new and different, better yet if it’s laced with controversy. Trump delivers that type of material by the shovel full. Trump is also good for business.[17] News ratings were slumping until Trump entered the arena. Said one network executive, “[Trump] may not be good for America, but [he’s] damn good for [us].”[18]
Immigration, Health Care, Russia, and the Rest
Given the number of tasks facing an incoming administration, it is no surprise that Trump’s news coverage during his first 100 days in office touched on an array of topics (see Figure 2). Immigration was the most heavily covered topic, accounting for 17 percent of Trump’s coverage.[19] Health care ranked second (12 percent), followed by the terrorism threat (9 percent), and Russia’s involvement in the 2016 election (6 percent). Presidential appointments, global trade, Trump’s family and personal life, and the economy were the other topics that received 4 percent or more of the coverage.
Figure 2. Topics of Trump’s U.S. Coverage
Compared with American journalists, [European reporters] were more likely to question directly Trump’s fitness for office.
The seven U.S. news outlets in our study had similar agendas. Each of them devoted considerable attention to immigration, health care, and the terrorist threat. Nevertheless, there were some measurable differences. Our print outlets devoted proportionally more attention to the immigration issue and Trump appointees while the TV outlets devoted proportionally more attention to the health care issue. Fox News was an outlier on one topic—Russia’s meddling in the U.S. election. Fox gave it less than half as much attention as it received on average from the other six U.S. outlets.
The European media’s coverage of Trump had a somewhat different focus (see Figure 3). Although, like their American counterparts, immigration was at the top of the agenda, they gave relatively more space to international trade, military, and foreign policy issues, a reflection of the extent to which Europe is affected by U.S. policies in these areas. On the other hand, Russia’s interference in the U.S. election received considerably less attention in the European media than in the U.S. media.[1]
Figure 3. Topics of Trump’s European Coverage
European reporters stood out in another way as well. Compared with American journalists, they were more likely to question directly Trump’s fitness for office. For the most part, U.S. journalists worked around the edges of that issue, as when one of them reported that “Sen. Al Franken (D-Minn.) suggested Sunday that he thought President Trump was suffering from poor mental health and claimed some of his Republican colleagues felt the same way.”[20] Only 3 percent of Trump’s U.S. coverage explicitly explored the issue of Trump’s fitness for office. European journalists were less restrained with the exception of BBC journalists, who are governed by impartiality rules that prohibit such reporting.[21] Journalists at ARD, Germany’s main public broadcasting outlet, are not governed by the same rules, and Trump’s suitability for the presidency was ARD’s leading topic in January, accounting for a full fifth (20 percent) of its Trump coverage. ARD stayed on the issue in its February coverage, when it consumed 18 percent of its Trump coverage. In March and April, Trump’s fitness for office got less attention from ARD, but it nonetheless accounted for about 10 percent of ARD’s coverage. Even that reduced amount exceeded the level of any of our seven U.S. outlets in any month. And ARD’s journalists were unequivocal in their judgment—98 percent of their evaluations of Trump’s fitness for office were negative, only 2 percent were positive.
[1] Trump’s first 100 days were nearing their end when Russian meddling in the French presidential election was becoming a major issue. If the French election had come earlier, it’s conceivable that the European media would have given more coverage to Russia’s involvement in the U.S. election.
Bad News, Twice Over
Trump’s coverage during his first 100 days set a new standard for negativity.
Presidents are more than the main focus of U.S. reporters. Presidents are also their main target. Although journalists are accused of having a liberal bias, their real bias is a preference for the negative.[22] News reporting turned sour during the Vietnam and Watergate era and has stayed that way.[23] Journalists’ incentives, everything from getting their stories on the air to acquiring a reputation as a hard-hitting reporter, encourage journalists to focus on what’s wrong with politicians rather than what’s right.[24] Once upon a time, the “honeymoon” period for a newly inaugurated president included favorable press coverage.[25] That era is now decades in the past. Today’s presidents can expect rough treatment at the hands of the press, and Donald Trump is no exception (see Figure 4). Of the past four presidents, only Barack Obama received favorable coverage during his first 100 days, after which the press reverted to form. During his second 100 days, Obama’s coverage was 57 percent negative to 43 percent positive.[26]
Figure 4. Tone of President’s News Coverage during First 100 Days
Trump’s coverage during his first 100 days set a new standard for negativity. Of news reports with a clear tone, negative reports outpaced positive ones by 80 percent to 20 percent. Trump’s coverage was unsparing. In no week did the coverage drop below 70 percent negative and it reached 90 percent negative at its peak (see Figure 5). The best period for Trump was week 12 of his presidency, when he ordered a cruise missile strike on a Syrian airbase in retaliation for the Assad regime’s use of nerve gas on civilians. That week, his coverage divided 70 percent negative to 30 percent positive. Trump’s worst periods were weeks 3 and 4 (a combined 87 percent negative) when federal judges struck down his first executive order banning Muslim immigrants, and weeks 9 and 10 (a combined 88 percent negative) when the House of Representatives was struggling without success to muster the votes to pass a “repeal and replace” health care bill.
Figure 5. Weekly Tone of Trump’s Coverage
In Unison, Almost
Fox was the only outlet where Trump’s overall coverage nearly crept into positive territory…Fox’s coverage was 34 percentage points less negative than the average for the other six outlets.
Trump’s attacks on the press have been aimed at what he calls the “mainstream media.” Six of the seven U.S. outlets in our study—CBS, CNN, NBC, The New York Times, TheWall Street Journal, and TheWashington Post—are among those he’s attacked by name. All six portrayed Trump’s first 100 days in highly unfavorable terms (see Figure 6). CNN and NBC’s coverage was the most unrelenting—negative stories about Trump outpaced positive ones by 13-to-1 on the two networks. Trump’s coverage on CBS also exceeded the 90 percent mark. Trump’s coverage exceeded the 80 percent level in The New York Times (87 percent negative) and TheWashington Post (83 percent negative). TheWall Street Journal came in below that level (70 percent negative), a difference largely attributable to the Journal’s more frequent and more favorable economic coverage.
Figure 6. Tone of Trump’s Coverage by News Outlet
Fox was the only outlet where Trump’s overall coverage nearly crept into positive territory—52 percent of Fox’s reports with a clear tone were negative, while 48 percent were positive. Fox’s coverage was 34 percentage points less negative than the average for the other six outlets.
Trump’s news coverage in the three European news outlets tilted strongly in the negative direction. Of the three, the BBC provided Trump with his best coverage, though only in relative terms. BBC’s coverage ran 3-to-1 negative over positive. The Financial Times’ reporting was roughly 6-to-1 negative over positive. Germany’s ARD portrayed Trump in deeply unfavorable terms—98 percent of its Trump-based stories with a clear tone were negative.
Negative on All Counts
Trump’s coverage during his first 100 days was not merely negative in overall terms. It was unfavorable on every dimension. There was not a single major topic where Trump’s coverage was more positive than negative (see Figure 7).
Figure 7. Tone of Trump’s U.S. Coverage by Topic
Immigration was, at once, both the most heavily covered topic in U.S. news outlets and the topic that drew the most negative coverage. The proportion of negative news reports to positive ones exceeded 30-to-1. Health care reform and Russia’s election involvement were also subject to starkly negative coverage—in each case, the breakdown was 87 percent negative to 13 percent positive. International trade, Trump’s personal background, foreign and defense issues, Trump’s appointees, and Trump’s fitness for office were the other topics where the coverage was at least 80 percent negative.
The economy provided Trump with his most favorable coverage. Sources of positive stories were upward trends in economic growth, employment, and the stock market, as were Trump’s negotiations with firms threatening to relocate abroad. Nevertheless, when the full range of news about the economy is taken into account, the balance of coverage was slightly unfavorable—54 percent of reports were negative, while 46 percent were positive.
When Trump’s category-by-category coverage was examined for each of the seven U.S. news outlets in our study, a consistent pattern emerged. The sources of Trump’s most and least negative coverage were similar for every outlet, except for Fox News, as will be described in the next section.[2]
[2]The Wall Street Journal’s coverage less closely resembled Fox’s coverage than it did that of the other news outlets in our study. The main difference between their coverage and the Journal’s was on the issue of the economy. The Journal gave it more coverage, which, on balance, was more positive than negative. It was the only news category in which the Journal’s coverage was in positive territory. In the case of the other outlets, except Fox, no category had a positive balance of coverage.
A Ray of Sunshine
Trump had a few moments during his first 100 days when all the news outlets in our study gave him positive press, none more so than when he launched cruise missile strikes on a Syrian airbase.
Fox was the only news outlet in our study that came close to giving Trump positive coverage overall—the split was 52 percent negative to 48 percent positive. But Fox’s coverage varied widely by topic, ranging from highly negative to highly positive (Figure 8).[27] As was true at the other outlets, Fox’s reporters found few good things to say about the public and judicial response to Trump’s executive orders banning Muslim immigrants or the collapse of the House of Representatives’ first attempt to repeal and replace Obamacare. Fox’s reporting on Trump’s appointees and Russian involvement in the election was also negative in tone.
Figure 8. Tone of Trump’s Coverage on Fox News
On the other hand, trade and terrorism were news categories where Fox’s coverage was starkly different from that of the other outlets. Whereas their coverage in these areas tipped strongly in the negative direction, Fox’s coverage tipped strongly positive.
Trump’s suitability for the presidency was also a topic where Fox News was at odds with what the other outlets were reporting (see Figure 9). Fox was the only U.S. outlet where news reports that spoke directly to Trump’s fitness for office were positive on balance. The ratio on Fox was 2-to-1 favorable. The other outlets averaged 6-to-1 unfavorable, with the range varying from 24-to-1 unfavorable to 4-to-1 unfavorable.
Figure 9. Trump’s “Fitness for Office” Coverage by Outlet
Trump had a few moments during his first 100 days when all the news outlets in our study gave him positive press, none more so than when he launched cruise missile strikes on a Syrian airbase. Although some critics questioned Trump’s larger objective in ordering the strikes, his action was widely praised in the policy community, including many top Democrats (see Figure 10).[28] In this instance, the tone of the other news outlets aligned with Fox’s—in each case, positive stories outnumbered negative ones by 4-1 (see Figure 10).
Figure 10. Tone of Coverage on Cruise Missile Attack on Syria
Thoughts on Trump’s Coverage
…the fact that Trump has received more negative coverage than his predecessor is hardly surprising. The early days of his presidency have been marked by far more missteps and miss-hits, often self-inflicted, than any presidency in memory, perhaps ever.
Trump’s coverage during his first 100 days was negative even by the standards of today’s hyper-critical press. Studies of earlier presidents found nothing comparable to the level of unfavorable coverage afforded Trump. Should it continue, it would exceed even that received by Bill Clinton. There was not a single quarter during any year of Clinton’s presidency where his positive coverage exceeded his negative coverage, a dubious record no president before or since has matched.[29] Trump can’t top that string of bad news but he could take it to a new level. During his first 100 days, Clinton’s coverage was 3-to-2 negative over positive.[30] Trump’s first 100 days were 4-to-1 negative over positive.
Have the mainstream media covered Trump in a fair and balanced way? That question cannot be answered definitively in the absence of an agreed-upon version of “reality” against which to compare Trump’s coverage. Any such assessment would also have to weigh the news media’s preference for the negative, a tendency in place long before Trump became president. Given that tendency, the fact that Trump has received more negative coverage than his predecessor is hardly surprising. The early days of his presidency have been marked by far more missteps and miss-hits, often self-inflicted, than any presidency in memory, perhaps ever.
What’s truly atypical about Trump’s coverage is that it’s sharply negative despite the fact that he’s the source of nearly two-thirds of the sound bites surrounding his coverage. Typically, newsmakers and groups complain that their media narrative is negative because they’re not given a chance to speak for themselves. Over the past decade, U.S. coverage of Muslims has been more than 75 percent negative. And Muslims have had little chance to tell their side of the story. Muslims account for less than 5 percent of the voices heard in news reports about Islam.[31] So why is Trump’s coverage so negative even though he does most of the talking? The fact is, he’s been on the defensive during most of his 100 days in office, trying to put the best face possible on executive orders, legislative initiatives, appointments, and other undertakings that have gone bad. Even Fox has not been able to save him from what analyst David Gergen called the “’worst 100 days we’ve ever seen.”[32]
Nevertheless, the sheer level of negative coverage gives weight to Trump’s contention, one shared by his core constituency, that the media are hell bent on destroying his presidency. As he tweeted a month after taking office, “The FAKE NEWS media (failing @nytimes, @NBCNews, @ABC, @CBS, @CNN) is not my enemy, it is the enemy of the American People!”
That tweet made headlines, as have many of Trump’s attacks on the press.[33] It’s understandable why journalists would report and respond to such attacks, but it could be counterproductive. A long-running battle in which Trump accuses the press of trafficking in fake news while journalists reply that their news is anything but fake would probably, fairly or not, weaken the public’s confidence in the press. Research has found that familiarity with a claim increases the likelihood people will believe it, whether it’s true or not. The more they hear of something, the more likely they are to believe it.[34]
If a mud fight with Trump will not serve the media’s interests, neither will a soft peddling of his coverage. Never in the nation’s history has the country had a president with so little fidelity to the facts, so little appreciation for the dignity of the presidential office, and so little understanding of the underpinnings of democracy. The media’s credibility today is at low ebb, but the Trump presidency is not the time for the press to pull back. The news media gave Trump a boost when he entered presidential politics. But a head-on collision at some point was inevitable. It’s happened, it isn’t pretty, and it isn’t over.
…except for his court-challenged immigration orders, the press paid only minimal attention to Trump’s executive orders…Collectively, these orders, immigration aside, accounted for less than 1 percent of Trump’s coverage, and rarely did a news report track an executive order into the agencies to see how it was being handled.
At the same time, the news media need to give Trump credit when his actions warrant it. The public’s low level of confidence in the press is the result of several factors, one of which is a belief that journalists are biased. That perception weakens the press’s watchdog role. One of the more remarkable features of news coverage of Trump’s first 100 days is that it has changed few minds about the president, for better or worse. The nation’s watchdog has lost much of its bite and won’t regain it until the public perceives it as an impartial broker, applying the same reporting standards to both parties. The news media’s exemplary coverage of Trump’s cruise missile strike on Syria illustrates the type of even-handedness that needs to be consistently and rigorously applied.
How might the press better navigate the days ahead? For starters, journalists need to keep their eye on the ball. We live in a fast-paced media era, as journalists rush to be at the crest of breaking news. Through his tweets and actions, Trump exploits this habit, enabling him to change the subject when it suits his needs. During the presidential campaign, that tactic enabled him to shed a number of damaging revelations before many voters had a chance to hear about them, much less think about them.
The press should also start doing what it hasn’t done well for a long time—focus on policy effects. Journalists’ focus on the Washington power game—who’s up and who’s down, who’s getting the better of whom—can be a fascinating story but at the end of the day, it’s food for political junkies. It’s remote enough from the lives of most Americans to convince them that the political system doesn’t speak for them, or to them.
A broadening of the scope of political coverage would require journalists to spend less time peering at the White House. Our analysis of news coverage of Trump’s first 100 days found that, except for his court-challenged immigration orders, the press paid only minimal attention to Trump’s executive orders. He issued a large number of them, covering everything from financial regulation to climate change. Collectively, these orders, immigration aside, accounted for less than 1 percent of Trump’s coverage, and rarely did a news report track an executive order into the agencies to see how it was being handled.
Since Trump’s inauguration, the press has been paying more attention to Main Street. But judging from the extent to which Trump’s voice has dominated coverage of his presidency, the balance is still off. More voices need to be aired.
Journalists would also do well to spend less time in Washington and more time in places where policy intersects with people’s lives. If they had done so during the presidential campaign, they would not have missed the story that keyed Trump’s victory—the fading of the American Dream for millions of ordinary people. Nor do all such narratives have to be a tale of woe. America at the moment is a divided society in some respects, but it’s not a broken society and the divisions in Washington are deeper than those beyond the Beltway.
The lesson of the 2016 election has been taken to heart by many journalists. Since Trump’s inauguration, the press has been paying more attention to Main Street. But judging from the extent to which Trump’s voice has dominated coverage of his presidency, the balance is still off. More voices need to be aired. Trump might be good for ratings but he’s not the only voice worth hearing. Never have journalists fixated on a single newsmaker for as long as they have on Trump. If he sees journalists as his main opponents, one reason is that between Trump and themselves there’s not much air time for everyone else. Journalists need to resist even the smallest temptation to see themselves as opponents of government. It’s the competition between the party in power and the opposing party, and not between government and the press, that’s at the core of the democratic process.[35] When spokespersons for the opposing party get a mere 6 percent of the airtime, something’s amiss.
[4] Thomas E. Patterson, “Pre-Primary News Coverage of the 2016 Presidential Race: Trump’s Rise, Sanders’ Emergence, Clinton’s Struggle,” Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy, Kennedy School of Government, Harvard University, June 13, 2016. http://shorensteincenter.org/pre-primary-news-coverage-2016-trump-clinton-sanders/
[5] Thomas E. Patterson, “News Coverage of the 2016 Presidential Primaries: Horse Race Reporting Has Consequences,” Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy, Kennedy School of Government, Harvard University, July 11, 2016. http://shorensteincenter.org/news-coverage-2016-presidential-primaries/
[7] See Stephen J. Farnsworth, S. Robert Lichter, and Roland Schatz, The Global President: International Media and the US Government (Lanham, MD: Rowman & Littlefield, 2006).
[11] Richard Davis, “News Coverage of National Political Institutions,” Ph.D. dissertation, Syracuse University, 1986, p. 58.
[12] See, for example, Stephen J. Farnsworth and Robert S. Lichter, The Mediated Presidency: Television News and Presidential Governance (Lanham, MD: Rowman & Littlefield, 2006), 29-58.
[13] Estimated from data in Jeffrey E. Cohen, The Presidency in the Era of 24-Hour News (Princeton, NJ: Princeton University Press, 2008), 33.
[14] One indicator of Trump’s dominance is MediaQuant’s analysis. It records the number of times a newsmaker’s name is mentioned and then compares the relative amount of attention each of them receives. In January, 2017, Trump broke MediaQuant’s record for the most news attention afforded a newsmaker. Excluding outgoing President Barack Obama, Trump got more coverage than the next 1000 most heavily covered newsmakers combined.
[15] Media Tenor, January 20-April 29, 2017. Based on combined average for CBS, CNN, Fox, and NBC.
[16] Thomas E. Patterson, “News Coverage of the 2016 General Election: How the Press Failed the Voters,” Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy, Kennedy School of Government, Harvard University, December 7, 2016. https://shorensteincenter.org/news-coverage-2016-general-election/
[19] Media Tenor has several hundred topic categories that are applied to news reports. The graphs and percentages reported in this paper are based on all categories that received more than 0.5 percent of the coverage.
[21] Helen Boaden, draft paper, untitled, comparing U.S. and BBC journalism norms, Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy, Kennedy School of Government, Harvard University, May 6, 2017. Expected publication date of summer, 2017.
[22] See, for example, Patricia Moy and Michael Pfau, With Malice Toward All? (Westport, CT: Praeger, 2000).
[23] Thomas E. Patterson, The Vanishing Voter (New York: Knopf, 2002), 70.
[24] Kathleen Hall Jamieson, Dirty Politics (New York: Oxford University Press, 1992), 215; Joe Klein, quoted in Peter Hamby, “Did Twitter Kill the Boys on the Bus?” Shorenstein Center on the Media, Politics and Public Policy, Kennedy School of Government, Harvard University, Cambridge, MA., September 2013, p. 93. http://shorensteincenter.org/d80-hamby/
[25] Cohen, The Presidency in the Era of 24-Hour News, 35.
[27] There were a few marginal differences of note in the amount of attention Fox gave to various issues. Fox gave somewhat more news attention to health care and presidential appointments and somewhat less attention to immigration than did the other news outlets.
[29] Center for Media and Public Affairs, Media Monitor, various dates.
[30] Farnsworth and Lichter, The Mediated Presidency, p. 37.
[31] The content and data for the Muslim example, as well as the suggestion to compare it to Trump, were provided to the author in an email on May 15, 2017 from Roland Schatz, CEO of Media Tenor. The data cited are those of Media Tenor.
[32] Gergen spoke those words on CNN, March 24, 2017.
[33] Examples: Michael M. Grynbaum, “Trump Calls the News Media the ‘Enemy of the American People,’” TheNew York Times, February 17, 2017; Jenna Johnson and Matea Gold, “Trump calls the news media ‘the enemy of the American People,’” Chicago Tribune, February 17, 2017.
[34] In forming their opinions, rather than through careful study, people typically rely on heuristics, as when they adopt an opinion because a trusted friend holds it. As it turns out, “familiarity” is a heuristic for many people, which is why a claim that is heard repeatedly is more likely to be believed than one that people find unfamiliar. The extent to which this is true was documented in research presented by Gordon Pennycook’s presentation at the Fake News Conference held at Harvard University on February 17, 2017. https://shorensteincenter.org/combating-fake-news-agenda-for-research/
[35] The classic analysis of the role of political parties in democratic government is E.E. Schattschneider, Party Government (New York: Rinehart, 1942), p. 1.
Bohémien : artiste, littérateur, personne vivant sans règles, au jour le jour, hors des cadres sociaux. Trésor de la langue française
Is this the real life? Is this just fantasy? Caught in a landslide No escape from reality Open your eyes Look up to the skies and see I’m just a poor boy, I need no sympathy Because I’m easy come, easy go A little high, little low Anyway the wind blows, doesn’t really matter to me, to me (…) Nothing really matters Anyone can see Nothing really matters nothing really matters to me Anyway the wind blows.Bohemian rhapsody
Personne n’aspirerait à la culture si l’on savait à quel point le nombre d’hommes vraiment cultivés est finalement et ne peut être qu’incroyablement petit; et cependant ce petit nombre n’est possible que si une grande masse, déterminée au fond contre sa nature et uniquement par des illusions séduisantes, s’adonne à la culture; on ne devrait donc rien trahir publiquement de cette ridicule disproportion entre le nombre des hommes vraiment cultivés et l’énorme appareil de la culture; le vrai secret de la culture est là: des hommes innombrables luttent pour acquérir la culture, travaillent pour la culture, apparemment dans leur propre intérêt, mais au fond seulement pour permettre l’existence du petit nombre. Nietzsche (Réflexions sur l’avenir de nos établissements d’enseignement, 1869)
Voilà pourquoi j’aime l’Art. C’est que là, au moins, tout est liberté, dans ce monde de fictions. On y assouvit tout, on y fait tout, on est à la fois son roi et son peuple, actif et passif, victime et prêtre. Pas de limites; l’humanité est pour vous un pantin à grelots que l’on fait sonner au bout de sa phrase comme un bateleur au bout de son pied. Gustave Flaubert (A Louise Colet, 15-16 mai 1852)
Et si l’ambition intellectuelle n’était que l’inversion imaginaire de la faillite des ambitions temporelles ? (…) Comment l’écrivain pourrait-il ne pas se demander si le mépris de l’écrivain pour le bourgeois et pour les possessions temporelles où il s’emprisonne, propriétés, titres, décorations, ne doit pas quelque chose au ressentiment de bourgeois manqué, porté à convertir son échec en aristocratisme du renoncement électif ? (…) Toute l’ambivalence de la relation subjective que l’intellectuel entretient avec les fractions dominantes et leurs pouvoirs mal acquis tient dans l’illogisme de ce propos. Le mépris affiché pour le succès, pour ce qu’il procure et pour ceux qui savent l’obtenir coexiste avec la reconnaissance honteuse que trahissent la honte et l’envie devant la réussite des autres ou l’effort pour transformer l’échec en refus. (…) Mais l’Art industriel est aussi une industrie artistique capable d’exploiter économiquement le travail des artistes non pas bien qu’il soit mais parce qu’il est, indissociablement, une instance de pouvoir proprement intellectuel et artistique capable d’orienter la production des écrivains et des artistes en la consacrant. Arnoux était d’une certaine façon prédisposé à remplir la fonction double du marchand d’art, qui ne peut assurer le succès de son entreprise qu’en en dissimulant la vérité, c’est-à- dire l’exploitation, par un double-jeu permanent entre l’art et l’argent : il n’y a place sur le marché des biens symboliques, que pour la forme douce de violence qu’est la violence symbolique (…). Cet être double, « alliage de mercantilisme et d’ingénuité », d’avarice calculatrice et de « folie » (…) c’est-à-dire d’extravagance et de générosité autant que d’impudence et d’inconvenance, ne peut cumuler à son profit les avantages des deux logiques antithétiques, celle de l’art désintéressé qui ne connaît de profits que symboliques et celle du commerce, que parce que sa dualité plus profonde que toutes les duplicités lui permet de prendre les artistes à leur propre jeu, celui du désintéressement, de la confiance, de la générosité, de l’amitié et de leur laisser ainsi la meilleure part, les profits tout symboliques de ce qu’ils appellent eux-mêmes « la gloire » pour se réserver les profits matériels prélevés sur leur travail. Homme d’affaires et de commerce parmi des gens qui se doivent de refuser de reconnaître, sinon de connaître, leur intérêt matériel, il est voué à apparaître comme un bourgeois aux artistes et comme un artiste aux bourgeois. Entre la bohème et le « monde », le « demi-monde », représenté par le salon de Rosanette, se recrute à la fois dans les deux univers opposés : « Les salons des filles (c’est de ce temps-là que date leur importance) étaient un terrain neutre où les réactionnaires de bords différents se rencontraient ». Ces « filles » de luxe -et même d’art, comme les danseuses et les actrices, ou la Vatnaz, moitié femme entretenue et moitié femme de lettres- sont aussi de ‘bonnes filles », comme dit Arnoux à propos de Rosanette. Souvent issues des « basses classes », elles ne s’embarrassent pas de manières et n’en embarrassent pas les autres. Payées pour être frivoles, elles chassent le sérieux et l’ennui par leurs fantaisies et leur extravagance. (…) Ce « milieu fait pour plaire », d’où sont bannies toutes les règles et les vertus bourgeoises, sauf le respect de l’argent, qui, comme ailleurs la vertu, peut empêcher l’amour, cumule les avantages des deux mondes opposés, conservant la liberté de l’un et le luxe de l’autre, sans en cumuler les manques, puisque les uns y abandonnent leur ascétisme forcé et les autres leur masque de vertu. Et c’est bien à « une petite fête de famille », comme dit ironiquement Hussonnet, que les « filles » convient les artistes parmi lesquels elles recrutent parfois leurs amis de coeur (ici Delmar), et les bourgeois qui les entretiennent (ici Oudry); mais une fête de famille à l’envers, encore dominée, comme la messe noire, par ce qu’elle nie, où l’on va masqué pour déposer un moment le vrai masque.Pierre Bourdieu
Le jeu de l’art est, du point de vue des affaires, un jeu « à qui perd gagne ». Dans ce monde économique renversé, on ne peut conquérir l’argent, les honneurs (…) , les femmes, légitimes ou illégitimes, bref tous les symboles du succès mondain, succès dans le monde et succès en ce monde, sans compromettre son salut dans l’au-delà. La loi fondamentale de ce jeu paradoxal est qu’on y a intérêt au désintéressement: l’amour de l’art est l’amour fou, au moins lorsqu’on le considère du point de vue des normes du monde ordinaire, « normal », celui que met en scène le théâtre bourgeois.Pierre Bourdieu
La pièce de Patrick Süskind, La Contrebasse, fournit une image particulièrement réussie de l’expérience douloureuse que peuvent avoir tous ceux qui, comme le contrebassiste au sein de l’orchestre, occupent une position inférieure et obscure à l’intérieur d’un univers prestigieux et privilégié, expérience d’autant plus douloureuse sans doute que cet univers, auquel ils participent juste assez pour éprouver leur abaissement relatif, est situé plus haut dans l’espace social. Cette misère de position, relative au point de vue de celui qui l’éprouve en s’enfermant dans les limites du microcosme, est vouée à paraître « toute relative », comme on dit, c’est-à-dire tout à fait irréelle, si, prenant le point de vue du macrocosme, on la compare à la grande misère de condition ; référence quotidiennement utilisée à des fins de condamnation (« tu n’as pas à te plaindre ») ou de consolation (« il y a bien pire, tu sais »). Pierre Bourdieu
Well, my joke is that I consider myself a bobo with bad grades. If I’d studied more, I would have gotten into Harvard and I could afford the big kitchen and all that. But I am a bobo in some sense. You know, the essence of bobo life is people who consider themselves sort of artistic or writers or intellectuals but find themselves in the world of making money, in the world of commerce. And so I certainly am in that. You know, I consider myself a writer, and I live for ideas and things like that. But I also want a big house, so I’m caught between money and spirituality.David Brooks
Si nos ancêtres pouvaient voir les cadavres gesticulants qui ornent les pages de nos revues de mode, ils les interprèteraient vraisemblablement comme un memento mori, un rappel de la mort équivalent, peut-être, aux danses macabres sur les murs de certaines églises médiévales. Si nous leur expliquions que ces squelettes désarticulés symbolisent à nos yeux le plaisir, le bonheur, le luxe, le succès, ils se lanceraient probablement dans une fuite panique, nous imaginant possédés par un diable particulièrement malfaisant.René Girard
Quand les riches s’habituent à leur richesse, la simple consommation ostentatoire perd de son attrait et les nouveaux riches se métamorphosent en anciens riches. Ils considèrent ce changement comme le summum du raffinement culturel et font de leur mieux pour le rendre aussi visible que la consommation qu’ils pratiquaient auparavant. C’est à ce moment-là qu’ils inventent la non-consommation ostentatoire, qui paraît, en surface, rompre avec l’attitude qu’elle supplante mais qui n’est, au fond, qu’une surenchère mimétique du même processus. Dans notre société la non-consommation ostentatoire est présente dans bien des domaines, dans l’habillement par exemple. Les jeans déchirés, le blouson trop large, le pantalon baggy, le refus de s’apprêter sont des formes de non-consommation ostentatoire. La lecture politiquement correcte de ce phénomène est que les jeunes gens riches se sentent coupables en raison de leur pouvoir d’achat supérieur ; ils désirent, si ce n’est être pauvres, du moins le paraitre. Cette interprétation est trop idéaliste. Le vrai but est une indifférence calculée à l’égard des vêtements, un rejet ostentatoire de l’ostentation. Le message est: « Je suis au-delà d’un certain type de consommation. Je cultive des plaisirs plus ésotériques que la foule. » S’abstenir volontairement de quelque chose, quoi que ce soit, est la démonstration ultime qu’on est supérieur à quelque chose et à ceux qui la convoitent. Plus nous sommes riches en fait, moins nous pouvons nous permettre de nous montrer grossièrement matérialistes car nous entrons dans une hiérarchie de jeux compétitifs qui deviennent toujours plus subtils à mesure que l’escalade progresse. A la fin, ce processus peut aboutir à un rejet total de la compétition, ce qui peut être, même si ce n’est pas toujours le cas, la plus intense des compétitions. (…) Ainsi, il existe des rivalités de renoncement plutôt que d’acquisition, de privation plutôt que de jouissance. (…) Dans toute société, la compétition peut assumer des formes paradoxales parce qu’elle peut contaminer les activités qui lui sont en principe les plus étrangères, en particulier le don. Dans le potlatch, comme dans notre société, la course au toujours moins peut se substituer à la course au toujours plus, et signifier en définitive la même chose. René Girard
Ma vision de la France de 2030, c’est celle d’une France où tous partagent la fierté et le bonheur d’être Français. Fierté d’être citoyen d’un grand pays qui ait repris sa place en Europe et dans le monde. Bonheur de vivre en liberté, en égalité, en fraternité dans une République rassemblée. Oui, je refuse d’avoir l’identité malheureuse, frileuse, anxieuse , presque névrotique. Pour moi , identité ne rime pas avec exclusion ni refus de l’autre. Je veux faire rimer identité avec diversité et unité : respect de notre diversité, affirmation de notre unité. (…) Nous , Français, nous sommes divers, nous n’avons pas les mêmes origines, la même couleur de peau, la même religion ni les mêmes croyances. Cette diversité, qui remonte loin dans le temps, est une richesse, une force. Il ne faut pas chercher à l’effacer en prétendant nous couler tous dans le même moule. Entreprise vaine et dangereuse. Il faut respecter nos différences. (…) Je continuerai à tracer la route d’une France apaisée, juste, ouverte au dialogue et à la recherche d’une identité heureuse. Alain Juppé (2016)
Though everybody in the fashion industry is gay — all the good ones, I mean the men — they stay closeted to protect their jobs. Rudi Gernreich (The Advocate, 1985 ?)
Women are very unsupportive of each other in the fashion world … This is a gay man’s profession. Tara Subkoff (2005)
A 30-year-old woman who is not very glamorous, but approaching fashion from a different point of view, maybe would not get the same attention as a young, cute and probably gay man. There are some really deep-seated tensions and resentment that has existed for a long time about gender in fashion and who gets things. A lot of those things are not necessarily real, or true, and they may be just suspicions. But you can look at certain examples of people who have had a faster rise to stardom, and the percentage of gay men is higher. Liz Collins (Rhode Island School of Design)
Gay men stick together like a band of brothers. It’s more common for a man to bring up a younger assistant who is male and be proud of that, whereas a woman would be threatened to promote another woman. Liz Collins
I don’t show up in the fashion press a lot. If you look at who is touted in the fashion press, it is overwhelmingly young gay men. I wear my own clothes. I have lived the life of my customer. This disparity is tied in with a lot of areas, not just fashion, where women have achieved less in the eyes of the world. It is puzzling and troubling to me as a 1970’s feminist but who knows, maybe this generation will be the one to change it all. Dana Buchman
Women still prioritize getting married and having babies. There are fewer women willing to give up the time that is required for this kind of career. It’s about passion, about being so focused that nothing could distract you. Norma Kamali
Men are often better designers for women than other women. Of course there are many more gay male designers. I think we are more objective. We don’t come with the baggage of hating certain parts of our bodies. Sometimes women are trapped by their own views of themselves, but some have built careers around that. Donna Karan was obsessed with her hips and used her own idiosyncrasies to define her brand. Tom Ford
I come from a time when gay men dressed women. We didn’t bed them. Or at least I didn’t. I am someone who is really pro-homosexual. I am an elitist. I am better than straight people. Women are confused about who they want to be. I believe that male designers have the fantasy level that women do not. Michael Vollbracht
There are all of these unexamined and frankly invalid ideas that still seem to be bandied about. I think there are more likely cultural and sociopolitical explanations. But the perception that all good designers are men and that all male designers are gay, which Rudi Gernreich said 30 years ago, all gets down to the totally unprovable to the grossly homophobic. Valerie Steele (Museum of the Fashion Institute of Technology)
The Council of Fashion Designers of America, a trade group that vets those who apply for membership, is made up of 121 women and 156 men. Since 1986 its annual Perry Ellis awards for young talent have been given to 8 women and 29 men (20 of them openly gay). (…) The large number of visible gay men in fashion, say many in the industry, traces to the fact that Seventh Avenue has seemed a less homophobic career choice than, say, law enforcement or Wall Street. And the prominence of gay men enjoying fame and prosperity draws others into the field. Paradoxically, at the grass roots many more women seek entry to the industry than men. Fewer than 7 percent of students in the fashion department at the Parsons the New School for Design in New York are men, said Timothy Gunn, the department chairman. That figure that has been declining for a decade. At the Fashion Institute of Technology, the city’s other leading fashion college, the student body is 85 percent women. Even though women are entering the industry at the bottom, they are not rising proportionally to the top. « It’s startling to think about it, » said Mary Gehlhar, the fashion director of Gen Art, a nonprofit organization that showcases new designers and artists. In her database of designers there are far more women than men with their own labels, but fewer cases of measurable success. « You don’t necessarily see that at all in the press, » she said. « With more publicity and awards, like the Vogue Fashion Fund, the finalists for a lot of those things do tend to be often male. » Fashion, unlike finance or politics, has always included some women at the top. But their visibility has not increased incrementally over the decades like other professions. In the 1920’s and 30’s, there were many female designers — Alix Grès, Elsa Schiaparelli and Chanel — but after World War II, the big names were male — Bill Blass, Yves Saint Laurent and Pierre Cardin. Ms. Steele of F.I.T. said the change could be attributed to the evolving role of women in society, from one of strength and independence before the war to the postwar ideal of a feminine mystique. Likewise, the impression that gay men are more likely to succeed in fashion today, she said, is a reflection of contemporary attitudes and stereotypes. NYT
La création de 1 000 emplois en France, c’est toujours une bonne nouvelle, largement relayée. Mais à quel prix pour ses futurs salariés ? Amazon a annoncé, mardi 3 octobre, l’ouverture à l’automne 2018 d’un sixième centre de distribution en France, à Brétigny-sur-Orge (Essonne), et l’embauche de 1 000 CDI à temps plein. Mais entre cadences minutées, troubles musculo-squelettiques et lettres recommandées au moindre fléchissement du salarié, le revers de la médaille est beaucoup moins doré. Franceinfo s’est penché sur les conditions de travail dans les allées du géant de la vente en ligne. (…) sur le site de Sevrey (Saône-et-Loire) (…) Selon un rapport de la médecine du travail, auquel franceinfo a eu accès, sur les 121 personnes du site examinées par les médecins en 2015, 75 présentaient des « affections périarticulaires », c’est-à-dire des troubles musculo-squelletiques liés à leur travail et 30, des « affections chroniques du rachis lombaire » en lien avec leur activité de manutention. (…) En temps normal, un salarié peut parcourir entre 15 et 20 kilomètres par jour dans les allées des entrepôts. Car dans les allées des entrepôts d’Amazon, tout est minuté, codifié, scruté, grâce aux scanners utilisés à chaque étape du traitement des colis. Une méthode qui permet à un employé d’en empaqueter jusqu’à 250 par heure. »Avec ça, ils savent exactement où vous vous trouvez et se servent de ces informations pour calculer votre temps d’arrêt », accuse Alain Jeault. Et même s’hydrater peut poser problème, rapporte de son côté France 3 Nord. Si dans la journée, vous êtes allé aux toilettes, si vous avez pris un verre d’eau ou que vous ne pouvez pas justifier un temps d’arrêt, vous recevez une lettre de sensibilisation. Si dans la journée, vous êtes allé aux toilettes, si vous avez pris un verre d’eau ou que vous ne pouvez pas justifier un temps d’arrêt, vous recevez une lettre de sensibilisation. Gérald Defauquet, délégué CGT sur le site de Douai à France 3. Si ces temps sont trop longs ou trop fréquents, « on se fait convoquer ou on reçoit chez nous un courrier recommandé nous incitant à accélérer la cadence », confirme Alain Jeault, qui dénonce « un véritable stress, que le salarié ramène à la maison ». Elodie raconte ainsi avoir déjà été convoquée jusqu’à quatre fois dans une même semaine, pour faire le point sur ces temps d' »inactivité ».Fr3
Pour les artistes, il devient difficile de se faire un nom et de vivre de leur art sans plaire aux grands collectionneurs, « des multimillionnaires qui n’ont pas forcément une ouverture artistique énorme », précise Stéphane Corréard. (…) Les critiques voient surgir des artistes « qui défraient le marché et dont on se demande pourquoi ils sont mis en avant », estime Elisabeth Couturier, si ce n’est qu’ils plaisent à ceux qui ont les moyens de les acheter. Elle se souvient notamment des « formalistes zombies », des peintres abstraits à la mode en 2014 « et qui ne valent plus un clou aujourd’hui ». Leurs tableaux ne portaient aucune idée forte mais étaient « parfaits pour les décorateurs », résume le New York Magazine. Béatrice Joyeux-Prunel rappelle que nombre de ces mouvements d’avant-garde « ont pu innover parce que les artistes vendaient une production plus classique à côté », tel Monet, envoyé peindre des vues sur la Côte d’Azur parce qu’elles plaisaient aux collectionneurs américains. En revanche, ce phénomène prend aujourd’hui des proportions jamais vues dans le cas de certains artistes les plus chers du monde. La production de Damien Hirst ou Jeff Koons s’est transformée en une industrie qui emploie des dizaines de personnes, pour satisfaire la demande. « Je pense qu’ils sont aujourd’hui plus proches de ce qu’est une maison de couture qu’un artiste », estime Stéphane Corréard : des marques qui produisent de façon créative, mais pour vendre à des clients fortunés. Il imagine même un futur où ces stars auraient « vocation à être remplacées un jour, à la tête de leur griffe, par de jeunes stylistes qui apporteraient de nouvelles idées ». La métamorphose de certains artistes en marques, que vous pouvez déplorer, serait alors complète.FranceTVinfos
Pour beaucoup, Amazon est quelque chose de très virtuel. Or, même avec l’économie numérique, le travail est toujours présent. Je voulais également montrer que les potentialités d’Internet ont bouleversé le monde du travail sur ce secteur. Amazon, c’est une révolution dans le monde industriel. Les entrepôts logistiques sont régis par une organisation du travail très précise qui n’est pas simplement celle du taylorisme ou du fordisme. Elle inclut toutes les potentialités d’Internet et fournit des outils de contrôle de productivité parfaitement inédits. (…) Chacun à sa propre image d’Internet. Je ne veux pas tenir un discours moral, simplement rappeler des faits et décrire ce qui se passe dans une usine logistique. Les travailleurs chez Amazon, loin, très loin des progrès du XXIe siècle, ont des conditions de travail qui sont dignes du XIXe siècle. Que ce soit en ce qui concerne les conditions de travail des intérimaires, que ce soit dans les cadences qui sont imposées, dans les contrôles de productivité, dans les fouilles au corps qui sont réalisées chaque fois qu’un travailleur franchit les portiques. Les exemples foisonnent dans mon livre et tendent tous à montrer qu’Amazon, en ce qui concerne le respect des droits sociaux, est une entreprise qui n’est pas progressiste mais parfaitement réactionnaire. (…) il faut garder en tête que Jeff Bezos (actuel PDG d’Amazon) est libertarien. J’étais d’ailleurs surpris de voir le nombre de portraits apologistes qu’on a pu faire de cet homme. Dans le slogan il y a « make history », mais il faut voir qui écrit l’histoire. On ne peut se contenter d’une apologie des puissants et des milliardaires sous prétexte qu’ils arrivent à rassembler des énergies. Il faut voir à quel coût et à quelle société ils nous préparent. Pour l’heure, Amazon, avant de représenter un progrès, c’est d’abord une formidable régression en ce qui concerne le devenir de notre humanité. (…) La force d’Amazon, vis-à-vis du commerce de proximité, c’est d’avoir des coûts de stockage et de distribution beaucoup plus faibles. Un entrepôt logistique en zone périurbaine, c’est un loyer qui est beaucoup plus faible que celui d’un commerce de proximité. Après, il est incontestable que ce qui fait l’efficacité d’Amazon, c’est son infrastructure informatique, qui permet l’expédition de colis au plus vite une fois la commande passée car tout est fluidifié par le réseau. Cette infrastructure permet un contrôle total de tout ce qui se passe dans les entrepôts, y compris au niveau des travailleurs. Par ailleurs Amazon n’a pas besoin de machines complexes comme l’automobile : en réalité, Amazon ce sont de grand entrepôts avec des étagères métalliques, quelques ordinateurs et des bornes Wi-Fi. La machine la plus complexe étant l’être humain qui, grâce au levier informatique, peut générer des richesses incroyables. La multinationale réalise également des économies sur les pointeuses, placées non pas à l’entrée de l’entrepôt mais à trois minutes de marche, sur le recours outrancier à l’intérim et sur son évasion fiscale. Il faut savoir qu’Amazon doit 198 millions au fisc français. (…) Je m’attendais à un travail pénible, à la culture à l’américaine, mais pas à devoir subir des discours moralistes. Chaque jour on vous demande d’être meilleur que la veille. Il y a un aspect très idéologique au travail et on va applaudir ce qu’on appelle le « top performer », la résurgence de l’ouvrier Stakhanov en URSS, qui va au-delà de ce qu’on lui a demandé de faire. Les contre-pouvoirs sont complètement muselés. La plupart des syndicalistes ont la vie dure [la CGT a déposé plainte car ils étaient fouillés arbitrairement]. Et c’est assez surprenant de voir qu’une multinationale, dans le cadre de son travail, une fois qu’elle a nié tous les droits les plus élémentaires contenus dans le code du travail, ensuite s’ingénie à reproduire une forme de collectivisme. Je pense que cela est dû au fait qu’Amazon est un univers qui est coupé du monde. (…) En dernier échelon, et ce n’est pas quelque chose de dérisoire, le consommateur lui-même peut se poser la question de savoir ce qu’il gagne en consommant sur Amazon et ce qu’il y perd. Je ne suis pas convaincu que la plupart des Français souhaitent voir le politique distribuer des subventions publiques pour l’implantation de tels entrepôts, d’autant qu’Amazon n’a pas besoin d’argent public aujourd’hui. D’ailleurs, lors de l’implantation du quatrième entrepôt dans le Nord-Pas-de-Calais, la région n’a pas donné d’aide publique. Jean-Baptiste Malet
L’industrie du jeu vidéo est éclaboussée par une polémique sur les cadences infernales imposées aux employés. Le grand patron du studio Rockstar, connu pour la série « Grand Theft Auto » ou encore « Red Dead Redemption », a lui-même lâché cette information sans réaliser l’impact de cet aveu involontaire. Pour faire la promotion de son prochain jeu, Dan Houser, qui a fondé le studio Rockstar avec son frère Sam, a évoqué « les semaines de 100 heures de travail », nécessaires pour arriver à sortir ce nouveau petit bijou, Red Dead Redemption 2, sans doute le jeu le plus attendu de l’année. Cent heures, cela fait du 14 heures par jour, 7 jours sur 7. Après l’avalanche de réactions négatives sur les réseaux sociaux, il s’est empressé de minimiser. Sans vraiment convaincre, car ces fameuses périodes de crunch, c’est comme ça que les studios ont baptisé ces sessions de travail hyper intense qui sont une réalité trop fréquente pour être ignorées. (…) Un jeu de belle facture contient aujourd’hui des millions de lignes de code, des centaines de personnages, des décors complexes et détaillés, et bien sûr des vérifications minutieuses pour éliminer tous les bugs avant la sortie. Cela passe par des tâches très répétitives dans les périodes de bouclage, périodes qui peuvent durer parfois non pas quelques semaines, mais une année entière. D’où les burn-out, les dépressions et les protestations de plus en plus véhémentes des employés; (…) C’est sans doute aux Etats-Unis où cette industrie emploie le plus de monde, plus de 220 000 l’an dernier, et donc où les abus sont les plus nombreux et les plus médiatisés. Mais cela concerne le monde entier, car cette activité est mondialisée. Rockstar a des studios en Europe, aux Etats-Unis et même en Inde. Cela concerne aussi la France où les plus grands comme les plus modestes ont été pointés du doigt pour leurs pratiques abusives. En début d’année, les employés d’Eugen System se sont mis en grève pendant plusieurs semaines pour défendre leurs droits. Le studio Quantic Dream, rendu célèbre pour ses jeux Heavy Rain, Beyond Two Souls et plus récemment Detroit : Become Human, a été dénoncé par nos confrères de Mediapart pour sa culture d’entreprise limite, avec du harcèlement, des propos racistes ou homophobes. Et Ubisoft, l’autre fleuron français (Assassin’s Creed, The Division, Just Dance, Watch Dogs…) a été épinglé au début du siècle et est devenu depuis un modèle social.RFI
A la démesure de la catastrophe asiatique répondent un élan de solidarité inédit et un flux incroyable de dons venus du monde entier, un pactole d’environ 10 milliards de dollars offerts par des millions de particuliers, des milliers d’entreprises et des Etats. Mais, au bout de la chaîne, ce sont des associations, souvent fragiles, et des équipes réduites qui doivent assumer toutes les responsabilités, et elles tentent, tant bien que mal, de gérer cette manne colossale. Toutes ne sont pas équipées pour canaliser cette vague de générosité. Pour la première fois de son histoire, Médecins sans frontières (MSF) a interrompu sa collecte mondiale, après avoir récolté 40 millions d’euros en une semaine : » Notre structure ne nous permet pas de gérer plus d’argent « , ont affirmé ces pionniers de l’urgence, au grand dam de plusieurs de leurs collègues humanitaires. Le petit monde des ONG n’a jamais paru si éclaté, si divers. En vingt-cinq ans, elles seraient passées de 4 000 à quelque 35 000 dans le monde. La France est, avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis, au tout premier rang mondial. » Il n’y a pas un mouvement humanitaire unifié, mais des organisations qui oeuvrent un peu chacune dans leur coin « , constate Thierry Pech, auteur avec Marc-Olivier Padis d’un ouvrage de référence, Les Multinationales du coeur (Seuil). Cela va des petites structures d’une demi-douzaine de personnes à la Croix-Rouge française, dont le budget dépasse les 700 millions d’euros. Le charity business fait des émules et a explosé depuis une bonne dizaine d’années. En France et en Europe, surtout, mais pas seulement. La Banque mondiale affirme travailler avec près de 1 000 ONG dans le monde entier. Un tri s’impose entre celles qui tiennent leurs engagements et d’autres, aussi opaques qu’opportunistes. Sans oublier » les « faux nez », ces organisations derrière lesquelles on trouve un gouvernement, une idéologie, une organisation religieuse ou un lobby industriel « , ajoute Thierry Pech. Un tabou est peut-être en passe de voler en éclats : le petit monde des ONG découvre les exigences du contrôle et de l’évaluation. Le mouvement est d’abord venu des grandes organisations internationales, qui ont commencé à poser des conditions. Pour une raison simple : plus de 10 % de l’aide au développement distribuée par les Etats passent aujourd’hui par les ONG. Les bailleurs de fonds internationaux ont structuré leurs procédures de financement de projets. A l’instar de la Banque mondiale, qui a imposé une longue liste de critères aux organisations avec lesquelles elle travaille. Mais aussi de l’Union européenne, qui, en créant Echo en 1992, s’est donné les moyens de superviser ses opérations d’aide humanitaire. Bruxelles n’accorde ses financements – 600 millions d’euros par an – qu’après la signature de contrats-cadres très pointus. Echo veille au grain et a audité en 2003 près de 150 de ses partenaires. Audit : le mot est lancé. Il a fallu un énorme scandale français pour voir enfin cette pratique se développer. En 1996, la justice découvrait un détournement massif au sein de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), dont le président, Jacques Crozemarie, » siphonnait » la caisse. Il fut condamné à quatre ans de prison. » On sort enfin de l’opacité « , observe Thierry Pech. » Cette affaire nous a poussés à être beaucoup plus rigoureux « , renchérit Jean-Luc Bellynck, directeur financier de la Croix-Rouge française. Les contrôleurs se sont mis au travail. » De telles dérives ne sont plus envisageables, car la probabilité de se faire contrôler est beaucoup plus forte « , estime ainsi Jean-François Carrez, président de la 5e chambre de la Cour des comptes. Cette dernière et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) auditent chaque année une demi-douzaine d’associations. Un chiffre ridicule par rapport à la quantité d’organisations, mais Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, assure ne pas vouloir relâcher la pression : les contrôles seront renforcés en 2006, surtout en ce qui concerne l’utilisation des fonds collectés pour l’Asie. (…) Les Restos du coeur ont eux aussi revu leur système de contrôle après la découverte de détournements par des bénévoles, au siège et en région. Ils ont ainsi recruté une directrice financière, créé une commission d’appels d’offres et développé un service interne d’audit. Ils ont obligé leurs 113 antennes départementales à s’entourer de commissaires aux comptes, cinq ans avant que la loi l’impose, en 2003. » Il n’existe pas de système infaillible, avoue Olivier Berthe. On peut juste mettre en place un maximum de garde-fous afin d’éviter les dérives. (…) l’association Raoul-Follereau, créée pour lutter contre la lèpre, a été épinglée par l’Igas en 2002, car elle investissait dans des plantations de palmiers en Côte d’Ivoire et finançait les oeuvres de cardinaux conservateurs du Vatican, deux missions sans rapport avec ses objectifs initiaux. Le Comité de la charte a mis plusieurs mois avant de lui retirer son précieux label. (…) S’il devient de plus en plus difficile pour les organisations, du moins pour les plus importantes et les plus connues, de frauder ou d’affecter l’argent des donateurs comme bon leur semble, la question de l’évaluation du travail accompli sur le terrain demeure taboue : combien de personnes ont-elles été secourues, les moyens utilisés ont-ils été les plus pertinents, l’argent a-t-il été dépensé de la façon la plus efficace ?… » On en est, dans ce domaine, au stade infantile « , lâche Thierry Pech. (…) Il faut dire que l’humanitaire fascine. On estime à 20 000 par an le nombre de candidats au départ pour le bout du monde. La Croix-Rouge reçoit 20 curriculum vitae par jour en temps normal, plus de 70 depuis le désastre en Asie. L’an dernier, 8 000 candidatures sont arrivées au siège de Médecins du monde ! Beaucoup d’entre elles proviennent de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur plus attirés par le charity business que par le monde de l’entreprise. Né en 1998 de la volonté de proposer aux populations sinistrées des coups de téléphone gratuits, Télécoms sans frontières emploie ainsi deux jeunes ingénieurs recrutés à la fin de leur stage. Et 15 % des jeunes diplômés affirment vouloir faire tout ou partie de leur carrière dans l’humanitaire. Une fascination pour les ONG dont s’est emparé le milieu de la formation. Dès 1983 naissait Bioforce Développement, un institut spécialisé préparant des techniciens de l’humanitaire (voir encadré page 37). Depuis le milieu des années 90, les universités rivalisent d’imagination pour créer à leur tour des formations aux métiers du développement ou de la santé dans les pays pauvres. La collecte de dons n’échappe pas à cette tendance. Cinquante ans après le célèbre » Mes amis, au secours ! » de l’abbé Pierre au profit des mal-logés, les techniques de marketing visant à alimenter la machine à dons ont beaucoup évolué. Une ONG doit parfois investir jusqu’à 30 % de ses ressources pour faire la différence sur le marché compétitif de la générosité, évalué à environ 2 milliards d’euros en France. Mais obtenir l’appui d’une personnalité reste le meilleur moyen d’acquérir de la notoriété à bon prix. Les Restos du coeur reçoivent ainsi un cinquième de leur budget annuel grâce aux Enfoirés (voir encadré ci-contre). La Voix de l’enfant, dont le budget ne dépasse pas 1 million d’euros, accède aux plateaux de télévision grâce une ambassadrice de charme, l’actrice Carole Bouquet. » La télévision est le meilleur moyen de susciter l’émotion, et c’est l’émotion qui déclenche les dons « , analyse Laurent Terrisse, directeur de Non Profit, filiale de l’agence de communication TBWA, spécialiste des ONG. L’Express
Que la direction confonde bénévolat et salariat, ça, c’est une réalité dans cette entreprise qui manque de transparence. Les cadres ne sont pas payés pour leurs heures supplémentaires et ont du mal à les récupérer. Il n’est pas rare qu’on nous convoque pour des réunions fixées après nos horaires de travail. Comme au siège, ce serait bien que l’inspection du travail fasse un petit tour chez nous.Cadre marseillais de la Croix-Rouge française
C’est beau l’image de la Croix-Rouge, mais l’envers du décor ce sont des petits salaires. Ce n’est pas qu’on soit maltraités mais il y a beaucoup de précarité, des salariés qui ont du mal à joindre les deux bouts, à trouver un logement… On nous dit qu’on est là pour sauver des vies mais cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix.Marie (prénom modifié à sa demande)
Cela fait dix ans que je vis la pression des horaires et du toujours plus, c’est bien que cela sorte au grand jour.Secrétaire (Croix rouge)
Quand ta vie privée ne sera plus qu’un champ de ruines, fais-moi signe : je t’obtiendrai une promotion.Le Diable s’habille en Prada
Les gens pensent que si tu travailles dans la mode, tu es riche mais on mange au McDo comme tout le monde parce qu’on est fauchés. On est tous fauchés. En tout cas moi, je dois faire attention. Dans la mode, tout le monde crève la dalle, les créateurs crèvent la dalle. Mais en même temps, on a des beaux vêtements, on boit du champagne partout, on fait des beaux voyages, on va dans des super hôtels. Philip (styliste et enseignant de mode belge)
C’est un métier de parias parce que c’est un métier qui a toujours été exercé par les juifs, par les homosexuels, par les gens qui avaient l’interdiction de pratiquer d’autres métiers. de fait, ce sont des gens qui sont aussi des parias dans leur famille, aussi. On atterrit dans la mode parce qu’on est homosexuel et que ce n’est pas bien vu, parce qu’on est hypersensible et que ce n’est pas bien vu, parce qu’on est créatif et que ce n’est pas un métier. Marguerite
Depuis 2008, la fortune des plus riches a doublé et augmenté bien plus que la production nationale, qui n’a crû que de 12 %. Et cette concentration s’accroît à mesure qu’on s’élève dans l’échelle de la richesse : les dix premiers de notre classement ont ainsi vu leur fortune cumulée quadrupler en dix ans, alors que celle des 490 suivants ne faisait que doubler. Symbole de cette envolée : Bernard Arnault, dont la fortune est passée de 18 à 73 milliards entre 2008 et 2018. Ce qui fait de lui non seulement la première fortune française, mais aussi, selon le dernier palmarès de notre confrère suisse Bilan, la première en Europe, devant Amancio Ortega, fondateur de Zara. Le secret de ce bond spectaculaire ? Trois éléments se conjuguent. D’abord, la capitalisation du leader mondial du luxe, devenue la première de la place de Paris, a augmenté de 25 % sur un an (au 8 juin, date retenue pour l’évaluation des entreprises cotées de notre classement). Ensuite, la progression des ventes de LVMH (43 milliards en 2017), qui se poursuit à un rythme d’environ 10 % par an depuis une décennie, donnant le sentiment que les arbres peuvent grimper jusqu’au ciel… Enfin, dernier point déterminant : il y a un an, Bernard Arnault a conduit une opération financière assimilable à un « coup d’accordéon », faisant absorber le holding intermédiaire Christian Dior par LVMH, ce qui lui a permis de faire passer sa part du capital du groupe de 35,2 à 46,6 %. Résultat, une fortune qui décolle de 56 % d’une année sur l’autre. Sur ce terrain, il n’est dépassé que par les frères Wertheimer, Gérard et Alain. Les deux héritiers de Chanel détiennent 100 % du groupe de luxe et vont, cette année, voir leur fortune faire un bon de… 100 %. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous disposons désormais de bases solides pour estimer leur patrimoine. Jusqu’à présent, le groupe de luxe ne diffusait aucun chiffre, même pas son chiffre d’affaires, qui était estimé par la concurrence et quelques spécialistes à un niveau légèrement supérieur à 5 milliards. Mais fin juin, le directeur financier de Chanel a communiqué les vrais comptes de l’entreprise, soit un chiffre d’affaires de près de 10 milliards de dollars (8,4 milliards d’euros), proche de celui de Vuitton, numéro un mondial du luxe, et bien supérieur à celui de Gucci (6,4 milliards), considéré jusqu’alors comme le numéro deux du secteur. Une révélation qui nous conduit, bien évidemment, à réévaluer la fortune des deux frères, qui passe de 21 à 40 milliards, et qui les propulse au deuxième rang de notre classement. Sur ce terrain, il n’est dépassé que par les frères Wertheimer, Gérard et Alain. Les deux héritiers de Chanel détiennent 100 % du groupe de luxe et vont, cette année, voir leur fortune faire un bon de… 100 %. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous disposons désormais de bases solides pour estimer leur patrimoine. Jusqu’à présent, le groupe de luxe ne diffusait aucun chiffre, même pas son chiffre d’affaires, qui était estimé par la concurrence et quelques spécialistes à un niveau légèrement supérieur à 5 milliards. Mais fin juin, le directeur financier de Chanel a communiqué les vrais comptes de l’entreprise, soit un chiffre d’affaires de près de 10 milliards de dollars (8,4 milliards d’euros), proche de celui de Vuitton, numéro un mondial du luxe, et bien supérieur à celui de Gucci (6,4 milliards), considéré jusqu’alors comme le numéro deux du secteur. Une révélation qui nous conduit, bien évidemment, à réévaluer la fortune des deux frères, qui passe de 21 à 40 milliards, et qui les propulse au deuxième rang de notre classement. Cette arrivée sur le podium des Wertheimer renforce la place, déjà considérable, du luxe dans le peloton de tête de notre classement : les actionnaires de grands groupes du secteur y trustent en effet quatre des six premières places. Et leur fortune combinée représente l’équivalent du tiers de celle, cumulée, des 500 du classement !Challenges
Joannou évoque ici la présence en nombre d’hommes ouvertement gays dans l’industrie de la mode. Aux côtés des femmes, ils représentent la majeure partie du million d’emplois liés à la mode en France. L’homme hétéro y est minoritaire; il se braque et refuse de devenir un travailleur de cette industrie, de passer par une école de stylisme et de parler chiffons en public. Depuis la fin du XIXe siècle, les hommes excellent dans l’art de l’habillement. Ce sont eux qui donnent naissance à la haute couture en France et en font un business lucratif. Charles Frederick Worth marque l’histoire en étant l’un des rares couturiers hétérosexuels et d’origine étrangère à enrichir la mode française. Son disciple, Paul Poiret, également hétérosexuel, a été la star de la couture des années 1900 à 1930. Un basculement s’opère après la Seconde Guerre mondiale, avec l’arrivée de Christian Dior dans la fashion sphère parisienne. Très secret sur sa vie privée, il ne dévoilera que très tard son homosexualité. Depuis, les designers vedettes –Yves Saint Laurent, Pierre Balmain, Karl Lagerfeld et Jean-Paul Gaultier, entre autres– ne se cachent plus et osent parler de leur orientation sexuelle. La jeune génération, elle aussi, fait rapidement son coming out, d’Olivier Rousteing à Simon Porte Jacquemus. La raison qui explique cette présence massive d’hommes gays est simple: la mode a toujours accueilli ceux considérés comme des parias. Les juifs, les créatifs, les hypersensibles, les marginaux, le vilain petit canard de la famille et les homosexuels, tous trouvent leur place dans ce milieu qui les acceptent comme ils sont. C’est grâce à cette communauté à la tête du navire que la culture gay s’immisce dans la mode. Les costumes italiens flamboyants, le port du rose, les pièces moulantes –dont le jean skinny– ou le cuir et le sportswear fétichistes quittent le microcosme des clubs gays pour rejoindre les moodboards et atterrir sur les défilés. Les marques grand public ont suivi cette mutation de près et ont intégré ces nouveaux codes dans leurs collections masculines, avec un storytelling adapté: dans les années 1990, on assiste à la naissance de la métrosexualité. Pour la première fois, la mode apprivoise ces clients hétéros qui ne veulent surtout pas être vus comme des acheteurs compulsifs frivoles –l’équivalent de «gays» dans leur imagination. Cette image d’homosexuel très efféminé et expert de la mode est également diffusée par la pop culture. En témoigne le personnage de Nigel, journaliste de Vogue et expert du relooking dans Le Diable s’habille en Prada, celui de Kurt dans la série Glee ou plus récemment Tan France, technocrate mode dans Queer Eye sur Netflix. Malgré eux, ces personnages participent à l’auto-exclusion des hommes hétéros de l’industrie de la mode, car ceux-ci veulent s’éloigner le plus possible de cette image. La mode, et surtout celle des podiums, leur apparaît comme un domaine élitiste et complexe, au même titre que l’art contemporain. Ils cherchent alors des chemins de traverse pour éviter celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. L’homme hétéro qui commence à s’intéresser au vêtement part toujours d’une démarche utilitaire. (…) Selon Marc Beaugé, journaliste passionné par le vêtement mais qui se «qualifie rarement de journaliste mode», les hommes ont besoin d’une raison valable et de profondeur pour acheter un vêtement: «Il y a encore, chez beaucoup d’hommes, un complexe par rapport au shopping. Ils refusent d’être des fashion victims, ou de faire du shopping au premier degré. Ils veulent un vêtement entouré de sens, de référence culturelles et historiques. Ils ne veulent pas donner l’impression de répondre simplement aux diktat des magazines ou aux tendances. Moi-même, je déteste me balader avec un shopping bag. Ca ne m’arrive jamais.»(…) Pour Geoffrey Bruyère, il y a eu une vraie évolution du regard de l’homme hétéro sur la mode depuis une dizaine d’années. «Quand on a commencé à faire du coaching et que l’on proposait à des hommes des pièces qu’ils n’avaient pas l’habitude de porter, on nous faisait souvent la remarque: “Ça fait gay.” C’est bête, mais ça montre bien à quel point les hétéros peuvent associer la mode à une communauté. Et la remarque est ensuite passée de “Ça fait gay” à “Ça fait femme”, puis à “C’est pas vraiment mon style, c’est pas vraiment moi.”» La connotation gay est en revanche inexistante lorsque l’homme s’intéresse au vêtement sportif ou urbain. Il est par exemple totalement décomplexé lorsqu’il achète et collectionne des sneakers. Toute la culture du «Hype Beast» a misé sur cette nécessité de virilité amenée par le vêtement sportif, en l’associant à l’exclusivité. Aujourd’hui, les hommes s’arrachent les chaussures et vêtements Supreme et documentent leur passion pour ces chiffons précieux sur les réseaux sociaux. Au Congo, les célèbres sapeurs –membres de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes– vont plus loin que le vestiaire sportif, en assumant sans aucun complexe leur goût pour les vêtements et accessoires chatoyants. Ils ont choisi la mode pour religion, sans que le mot gay ne soit mentionné nulle part. Christelle Bakima, fondatrice du podcast reportage «Bak’s to Congo», explique que cette coquetterie masculine est même source de virilité: «Ce que l’on pourrait qualifier de comportement métrosexuel en France sera considéré comme synonyme de richesse et de bon vivant au Congo. Si cet homme peut s’entretenir, il peut subvenir aux besoins de sa famille, et donc potentiellement d’une femme, ce qui est perçu comme d’autant plus viril.» La virilité est précisément l’élément que l’homme hétéro n’arrive pas à associer à la mode des créateurs et des maisons. Le dessin de mode et la couture étant souvent conjugués au féminin, cet univers lui semble bien trop inhospitalier. En plus des tenues créatives qui effraient, l’androgynie et le très jeune âge des mannequins –souvent filiformes et imberbes– ne leur ressemblent pas et insistent sur cette cassure entre la mode des défilés et la leur. Dans l’enquête sociologique Le plus beau métier du monde, Giulia Mensitieri explique que «depuis l’extérieur, [la mode] apparaît comme un monde homogène fait de paillettes et de lumière, mais, une fois franchi son seuil, on découvre un espace fortement structuré fonctionnant sur des exclusions permanentes, à la fois économiques, sociales et symboliques». Une des exclusions les plus visibles est le nombre réduit de femmes et d’hommes LGBT+ à la tête des grands groupes. Dans ce microcosme, la cooptation et la passation de père en fils règne encore. Les hommes hétéros dominent les conseils d’administration des marques, sont directeurs de publication de magazines de mode ou travaillent l’angle financier de la mode, loin des sphères créatives. Antoine Arnault passe bien du temps sur les défilés, mais parce qu’il fait partie du socle de LVMH. Son couple avec le top model Natalia Vodianova ne fait qu’amplifier son rôle de patron de la mode puissant et hétérosexuel. En France, ces métiers de pouvoir et d’argent sont intimement liés à un idéal de l’homme viril. Craintifs à l’idée de ne pas correspondre à cet idéal, les jeunes hétéros évitent les formations en mode connotées féminines, comme le stylisme ou le marketing du luxe. Ancien étudiant en école d’art, Valentin Esquier en a été témoin: « Les gens qui voulaient s’orienter dans la mode, c’étaient les filles, les gays de la classe et un mec qui ne se disait pas gay, mais qui s’est senti obligé de le préciser. » Slate
La mode est l’une des plus puissantes industries du monde : elle représente 6 % de la consommation mondiale et est en croissance constante. Depuis les années 1980 et l’entrée dans l’économie néolibérale, elle est devenue l’image étincelante du capitalisme, combinant prestige, pouvoir et beauté, et occupe une place centrale dans les médias et les imaginaires. Pourtant, cette industrie, qui apparaît comme un horizon professionnel hautement désirable, repose principalement sur du travail précaire, et ce aussi bien là où la production est externalisée qu’au coeur de la production créative du luxe, comme les prestigieux ateliers des maisons de couture. À partir d’une enquête en immersion auprès des travailleurs créatifs de cette industrie (stylistes, mannequins, créateurs indépendants, coiffeurs, maquilleurs, vendeurs, journalistes, retoucheurs, stagiaires, agents commerciaux, etc.), ce livre dévoile la réalité du travail à l’oeuvre derrière la façade glamour de la mode. Il met notamment en lumière les dynamiques d’exploitation et d’autoexploitation ainsi que le prestige social liés au fait de travailler dans un milieu désirable. Des séances de « shooting » pour magazines spécialisés à la collaboration auprès d’un créateur de mode, en passant par des entretiens avec des stylistes travaillant pour de célèbres maisons de luxe et de couture, cette enquête dévoile une nouvelle forme de précarité caractéristique des industries culturelles du capitalisme contemporain, une précarité combinée au prestige, à la reconnaissance et à la visibilité. Il s’agit ainsi de décrypter les dynamiques invisibles sur lesquelles repose l’industrie de la mode pour mieux la « déglamouriser ». Présentation du Plus beau métier du monde
Il est valorisé et valorisant d’être artiste. Avant, l’artiste, c’était une figure marginale. Maintenant tout le monde veut être créatif. Il y a cette dimension-là qui est mise en avant aussi par les discours publics. La ville qui se fabrique, Paris est une ville pour cette nouvelle population « cool », etc. Eh bien, qu’est-ce qu’on voit ? Que ces mêmes secteurs professionnels qui sont à la base de l’économie et des structurations sociales des nouvelles élites d’une certaine manière, eh bien, ce sont les mêmes secteurs qu’on va précariser de plus en plus. (…) Parce qu’il y a une dynamique qu’on peut faire remonter aux contestations de la « critique artiste » de Mai 68, contre l’aliénation de la société industrielle du travailleur aliéné par la répétition des tâches, qui a été donc complètement approprié par le capitalisme néolibéral. Avec ce discours de l’épanouissement personnel, de l’expression de soi dans le travail qui s’est révélé être un outil très puissant pour démonétiser le travail. Et pour l’individualiser aussi, c’est une dimension que la mode permet de voir d’une manière saisissante. Giulia Mensitieri
Quand j’étais étudiante à Paris, j’étais entourée de chercheurs et de travailleurs impliqués dans les industries créatives. Ils avaient une position sociale privilégiée mais ils étaient tous précaires, essayant de boucler leurs fins de mois. Il y avait un énorme décalage entre leur capital symbolique et leur capital économique. Je voulais comprendre comment on en arrive à une scission si forte. Je m’intéresse depuis plusieurs années aux nouvelles élites de la mondialisation, aux formes de précarité et aux transformations du travail, à la place qu’on cherche dans le travail dans l’Occident soi-disant riche. Je cherchais un terrain d’étude. J’ai rencontré Mia, styliste pour de grandes marques de luxe, qui m’a introduite dans le monde de la mode. Elle portait des habits luxueux mais vivait dans une grande précarité. Son cas n’était pas du tout exceptionnel. Je ne dis pas que c’est la norme mais c’est très diffus dans le monde de la mode qui produit beaucoup de désir et de richesses. (…) Travailler pour le luxe et être exploité, ça a toujours existé, chez les ouvriers et les artisans qui produisent des biens de luxe notamment. Ce qui m’intéressait ici, ce n’était pas la production matérielle, mais le décalage entre le statut social donné par le fait de travailler dans un milieu créatif, ce qu’il représente, et les conditions matérielles. Je ne connaissais pas ce monde et je ne m’attendais pas à ce que l’auto-exploitation y soit aussi forte. (…) On retrouve dans la mode une série d’éléments du capitalisme actuel : le pouvoir des imaginaires sur les individus et sur ses travailleurs, l’interconnexion fondamentale entre les productions matérielles et immatérielles. Si la mode est aussi riche et vend autant, c’est parce qu’elle produit certes des habits et des sacs, mais aussi des images, des campagnes publicitaires qui servent à générer du désir pour les biens matériels et assurent les consommations à l’échelle globale. De Hongkong à Rio, on porte le même sac, on voit les mêmes pubs. Derrière cette dimension globale, on trouve aussi des circulations inégalitaires. Il y a une dimension cosmopolite chez les travailleurs créatifs de la mode : un shooting à Singapour, un défilé à Paris, un casting à New York, une production à suivre en Roumanie. Mais selon votre nationalité, vous êtes plus ou moins rattrapé par les inégalités, bloqué à une frontière, à cause d’un problème de visa par exemple. Par ailleurs, énormément d’argent est distribué de manière très inégalitaire. Le secteur continue de s’enrichir, même en temps de crise, mais ce n’est pas parce que les profits augmentent que les travailleurs sont mieux payés. La mode est exemplaire du capitalisme actuel pour toutes ces raisons. (…) On y cherche autre chose dans le travail : l’expression de la subjectivité, être créatif, reconnu. En ça aussi la mode est exemplaire des transformations du sens et de la valeur du travail dans l’Occident capitaliste : on y cherche avant tout l’épanouissement personnel. Il y a une représentation très négative de ce qui pourrait être le salariat, la routine. Il y a une énorme focalisation sur la dimension individuelle. A la fin des années 60, la revendication était «il faut être sujet dans le travail, mettre de la vie, il faut s’exprimer». Le néolibéralisme s’est approprié ces revendications contestataires, en les injectant dans des modèles managériaux. Ça s’est révélé très efficace. Si on est exceptionnel, créatif, unique, artiste, il est plus compliqué de s’identifier à un projet commun. (…) Dans la mode, il n’y en a aucune [solidarité]. Chez les mannequins, on en voit un peu. Pour avoir la parole, il faut être un sujet. Les stars ont cette visibilité. Derrière, il y a des milliers de mannequins qui circulent une saison et c’est fini. Elles restent des mannequins parmi d’autres, interchangeables, qui n’ont pas d’identité dans le milieu et qui n’en auront peut-être jamais. C’est très compliqué de prendre la parole dans ces circonstances. Dans les autres métiers de la mode, il n’y a pas de solidarité. L’utilisation du mot «créateur» est emblématique de ce point de vue. Son emploi est assez récent. Il coïncide avec la période néolibérale du capitalisme. Avant, on disait couturier ou styliste. Créateur, c’est dieu, un individu seul qui crée un univers. Aucun créateur ne travaille seul, mais c’est la représentation que l’on donne. Toute cette spectacularisation de l’ego est en train de changer un peu. On voit des créateurs plus en retrait, mais il reste cette dimension de mise en scène de soi que la mode exige. C’est l’une des règles : il faut se construire un personnage. Et puis il y a la peur. C’est un marché professionnel relativement petit. Les gens craignent de parler et il existe dans les maisons de luxe et de prêt-à-porter des clauses de confidentialité. Les salariés ne peuvent rien dire de ce qui se passe dans leur entreprise et il n’existe pas de syndicat. Karl Lagerfeld avait même dit un jour que si vous vouliez de la justice, mieux valait faire travailleur social que de travailler dans la mode. (…) C’est difficile de renoncer à cet emplacement social. La mode est un monde clos qui a besoin du regard désirant de l’extérieur. La mode fascine. Les personnes qui sortent de la mode vivent très mal de ne plus avoir cette place. Il y a aussi la dimension créative, l’adrénaline. Dans les grandes maisons, il y a énormément de moyens, on peut créer ce qu’on veut. Ça crée une sorte d’addiction, disent certains travailleurs. Et il y a l’amour de la beauté. Certains restent aussi car ils travaillent trop, ils ont le nez dans le guidon. Ils n’ont pas le temps de chercher autre chose, de réfléchir. Ils sont trop pris par la machine. Et il y a évidemment la dimension de plaisir. (…) La mode est une industrie à la fois créative et vouée au profit. Cette double dimension crée une forme de violence structurelle étant donné le rythme actuel. Certaines maisons produisent dix à douze collections par an. Même si le directeur artistique n’est pas seul, la dimension créative a besoin d’un temps de recherche, d’inspiration. Elle ne coïncide pas avec les rythmes imposés par la recherche de profit. Raf Simons n’est pas un précaire mais même à son niveau, c’est structurellement intenable. Ecologiquement aussi… L’industrie textile est la plus polluante au monde, juste derrière le pétrole. On est habitué à penser par fragments : le Bangladesh avec les ouvriers exploités d’un côté, les mannequins de l’autre… Si on suit tous les stades de la production, la matière première (le coton), ce qui se passe en Inde avec les graines, Monsanto, le suicide des paysans, jusqu’aux travailleurs créatifs et aux mannequins, il y a des formes d’exploitation à tous les niveaux de la chaîne. Giulia Mensitieri
Je me suis intéressée au décalage existant entre leur statut social et leurs conditions matérielles de vie, souvent de galère (…) La mode est intéressante parce qu’elle agit comme une loupe. C’est le lieu de l’individualité, de la singularité. C’est éminemment néo-libéral. C’est « une industrie générant d’énormes bénéfices, où l’argent est distribué de manière totalement inégalitaire. [avec] des conditions de travail où la pression est extrêmement forte, où on n’est pas payé, où on ne sait pas quand on est payé, où la relation avec la hiérarchie est vraiment très dure. Le roman adapté au cinéma « Le Diable s’habille en Prada » est « emblématique: c’est la glamourisation de la domination. (…) il y a cette idée que c’est violent, mais c’est comme ça. Et il y a une compensation non monétaire, celle du prestige social: je reste pour le nom, pour la carte de visite, pour le CV. [Dans ce milieu règne] une perception très négative du salariat, de la routine. Etre dans la norme, c’est presque un stigmate. (…) il y a énormément de concurrence. Du coup tu te tais, parce que derrière, il y en a 200 qui veulent ta place. Giulia Mensitieri
L’usine à rêves qu’est le monde de la mode fonctionne, affirme l’anthropologue Giulia Mensitieri, grâce au consentement de travailleurs précaires qui œuvrent à faire accéder une minorité d’entre eux aux feux de la rampe. Si ces « petites mains » acceptent d’être asservies (travail gratuit, paiement en nature, humiliations), c’est qu’elles valorisent symboliquement leur appartenance à une « élite du désir ». Telle est la thèse principale de l’auteure qui a mené une enquête de plusieurs années entre Paris et Bruxelles. L’intérêt de ce livre tient assurément à la richesse des descriptions ethnographiques : pause casse-croûte lors d’une séance de shooting organisée dans un hôtel de luxe, défilé de mannequins venues d’Europe de l’Est par des filières clandestines, stagiaire éconduit sans ménagement… Si une telle approche permet de vivre de l’intérieur la violence de ce monde professionnel ultrahiérarchisé, on peut malgré tout regretter que G. Mensitieri n’ait pas davantage mis en lumière les trajectoires sociales et scolaires de ces travailleurs de la mode. L’attention portée aux processus de socialisation aurait permis d’appuyer davantage la comparaison qu’elle fait à plusieurs reprises avec le monde des industries créatives. Mais cela n’enlève rien au mérite de ce travail qui met le doigt sur un exemple caractérisé des effets redoutables du néolibéralisme et révèle les liens délétères qui associent prestige social et précarité, travail-passion et exploitation. Anne Both
Manucures, maquilleuses, coiffeurs, stylistes, photographes et même mannequins payés au smic, voire non payés ou payés en sacs à main ou bâtons de rouge à lèvres; horaires démentiels sans weekends ni vacances; multiplication des stagiaires non rémunérés et corvéables à merci; logement, entre deux nuits en palace à l’autre bout de la planète, en studios exigus voire insalubres; pression constante sur l’apparence physique mais aussi sur la vie privée des personnels; appropriation du capital esthétique, social et culturel des employés; harcèlement, stress, surmenage, anorexie, prise de stupéfiants; concentration toujours plus grande des entreprises de luxe et explosion des profits (6% de la consommation mondiale, soit 1 400 milliards d’euros), omerta généralisée des formateurs comme du Pôle emploi et des autorités …
En ces temps étranges …
Où l’on peut faire sans drapeau des films sur la conquête de l’espace …
Ou sans références autres que passagères à ses excès, ses frasques ou son sida, sur l’une des icônes de la scène homosexuelle …
Pendant qu’au moment où elle disparait avec l’immigration incontrôlée, l’identité nous est vendue comme heureuse …
Comment ne pas repenser …
A la lecture de la récente thèse de Giulia Mensitieri sur l’industrie de la mode …
A la fameuse phrase de Nietzsche sur l’incroyable décalage entre la petite minorité de gens cultivés et l’immense majorité de ceux qui, en luttant et travaillant pour la culture, ne font en fait que permettre l’existence des premiers …
Ou étrange retour à la bohème littéraire et artistique du milieu du XIXe siècle via sa réactivation par la contestation étudiante des années 60 …
Comme une sorte de face cachée des fameux bobos qui gentrifient nos centre-villes …
Et notamment, comme l’a montré Bourdieu, sur ce « jeu paradoxal à qui perd gagne » et ce « monde économique renversé » (plus de prestige, moins d’argent) que celle-ci tient du monde de l’art …
Où l’argent et les honneurs apparaissent comme des compromissions parce qu' »on y a intérêt au désintéressement » ?
Mais surtout comment ne pas voir et s’inquiéter de …
La manière dont, pour « cumuler à son profit les avantages les deux logiques antithétiques de l’art désintéressé et du commerce », cette industrie « prend les artistes à leur propre jeu du désintéressement » en ne leur laissant que les « profits symboliques » » pour se « réserver les profits matériels prélevés sur leur travail » …
Et derrière les paillettes et le glamour des pubs de papier glacé et sous couvert, individualisme oblige, d’épanouissement personnel et d’expression de soi dans le travail …
La véritable bohémisation de ces sortes d’intermittents du rêve que sont devenus les employés de la mode …
Une enquête de Giulia Mensitieri montre les conditions de travail des précaires sur lesquels repose l’industrie de la mode, entre rêve et cauchemar.
Anne Both (Anthropologue et collaboratrice du « Monde des livres »)
Le Monde
Le Plus Beau Métier du monde. Dans les coulisses de l’industrie de la mode, de Giulia Mensitieri, La Découverte, 276 p., 22 €.
Vous le saviez, vous, que nombre de modèles qui défilent sur les podiums des maisons de haute couture parisiennes le font gracieusement, quand elles ne sont pas payées en bâtons de rouge à lèvres ? Que les robes présentées sont confectionnées durant des mois, nuit et jour, par de talentueuses petites mains payées au smic ? Des informations de ce type, le livre de Giulia Mensitieri en regorge. Son enquête, menée de 2010 à 2014 à Paris et Bruxelles dans le cadre de sa thèse en anthropologie, lève en effet le voile sur le monde prétendument merveilleux de la mode. Et le passionnant récit qui découle de ses rencontres avec des stylistes, des modèles, des photographes, des créateurs ou des maquilleurs laisse pantois.
Ces professionnels excentriques, arrogants, touchants, ont en commun une passion pour la mode qui confine à la dévotion et leur permet d’accepter l’inacceptable. Evoluant dans un milieu qui ringardise le salariat et fait l’apologie de la flexibilité, ils ont converti leur liberté en esclavage. Le travail précaire, gratuit, les nuits blanches et les humiliations constituent leur ordinaire, le prix à payer pour en être.
Ampleur de la violence qui règne dans cet univers
C’est le stagiaire non rémunéré qui finance sur ses deniers les salades non assaisonnées auxquelles personne ne touche. Ce sont ces filles, très souvent originaires des pays de l’Est, qui s’endettent durablement auprès de leur agence, qui a avancé les frais de visa, de transport ou d’hébergement, pour des castings ou des prises de vue réalisés à des milliers de kilomètres.
L’anthropologue souligne l’ampleur de la violence qui règne dans cet univers, où la cocaïne devient un bon coupe-faim, et les suicides chez les élèves d’une école de mode, des actes banalisés. Quant à la description de la séance de « shooting » d’une fillette de 7 ans pesant 18 kg, sous le regard de sa mère en surpoids se goinfrant de hamburgers, elle est nauséeuse. D’ailleurs, à plusieurs reprises, l’auteure avoue son écœurement. Car ces professionnels de la mode subissent non seulement des humiliations dans des conditions à faire blêmir un inspecteur du travail, mais ils sont soumis à l’injonction d’être « cool », souriants, créatifs et enthousiastes.
Au-delà de sa richesse ethnographique, ce livre montre comment s’agencent, avec une insolente évidence, visibilité et secret, enchantement et déconvenues, indépendance et soumission. Un tissu de contradictions dont se drapent, du reste, depuis déjà plusieurs décennies, des secteurs moins lucratifs, comme la recherche ou la culture.
Circulation de l’imaginaire
Pourtant, Giulia Mensitieri nous explique que Mia, Franck ou Vanja s’estiment heureux, chanceux même de travailler là : « Le fait que le présent ne soit pas à la hauteur des attentes ne pose jamais de problèmes, puisque celui-ci est déjà colonisé par d’autres projections désirables. » Tout est dit. La ruse du système se loge précisément dans le rêve – celui de transformer leur statut pour ces précaires consentants, d’acquérir des petits bouts de luxe pour les consommateurs de produits dérivés ou de s’approprier la beauté des mannequins pour les acheteuses. La circulation de cet imaginaire est rendue possible par les reportages ou les publicités, diffusés dans les magazines du monde entier.
Néanmoins, toute internationale qu’elle est, la mode, notamment parisienne, tient beaucoup à son inscription géographique, qui participe de son supplément d’âme. « L’Europe fait tout pour conserver son pouvoir symbolique, pouvoir économiquement rentable puisque l’industrie du luxe enregistre des bénéfices grâce à la vente d’une certaine idée, hégémonique, de l’élégance et du raffinement », rappelle Giulia Mensitieri. Aussi les défilés privés organisés en Asie ou dans le monde arabe, où sont pourtant les principaux acheteurs, doivent-ils rester confidentiels. Infiniment moins glamour que ceux tenus à Paris, ils ne coïncideraient pas avec « les cartographies imaginaires du luxe ». Les apparences doivent être maintenues pour que la magie opère.
En refermant cet ouvrage, on peut bien sûr lui reprocher de n’accorder que trop peu de lignes à une mise en perspective plus générale de ces nouvelles formes de servitude volontaire. Mais on peut aussi se réjouir de l’élégante acuité avec laquelle l’auteure livre ses réflexions et ses observations sur cet univers surexposé et obscur.
L’anthropologue Giulia Mensitieri publie une enquête sur ce milieu prestigieux, où les travailleurs de l’ombre sont prêts à vivre dans la précarité pour côtoyer le glamour.
Marie Ottavi
«Je ne fabrique pas des vêtements. Je fabrique des rêves.» Ainsi parle Ralph Lauren, grand manitou de la mode américaine et mondialisée. Vendre du beau, faire rêver les foules, incarner un idéal (souvent très formaté), produire de l’exceptionnel – dans le cas de la haute couture -, voilà à quoi sert la mode. Sur ces postulats, l’industrie du secteur est florissante. En France, elle engrange 150 milliards d’euros de chiffre d’affaires direct, selon les données du gouvernement.
Dans le Plus Beau Métier du monde, l’anthropologue Giulia Mensitieri (EHESS) donne la parole aux travailleurs créatifs, pour qui le simple fait de participer à la création de produits désirés par le plus grand nombre sur la planète compense tous les sacrifices. La chercheuse dévoile ainsi les aspects peu reluisants d’une industrie qui constitue pourtant «l’image étincelante du capitalisme, combinant prestige, beauté et pouvoir» : les stagiaires non rémunérés et usés jusqu’à l’os, œuvrant sans jour de repos quand un catalogue ou une collection doit être finalisée, mais prêts à tout pour faire partie d’un milieu fantasmé auquel ils deviennent même accros ; les stylistes qui dorment dans des palaces en marge des shootings mais sous-louent des boîtes à chaussures dans la vraie vie ; les mannequins qui travaillent gratuitement pour améliorer leur book, d’autres endettées auprès de leur agent, d’autres encore rémunérés avec une paire de chaussures, ce qui n’aide guère quand vient l’heure de remplir le frigo.
Qu’est-ce qui vous a poussée, en tant qu’anthropologue, à enquêter sur le milieu de la mode ?
Quand j’étais étudiante à Paris, j’étais entourée de chercheurs et de travailleurs impliqués dans les industries créatives. Ils avaient une position sociale privilégiée mais ils étaient tous précaires, essayant de boucler leurs fins de mois. Il y avait un énorme décalage entre leur capital symbolique et leur capital économique. Je voulais comprendre comment on en arrive à une scission si forte. Je m’intéresse depuis plusieurs années aux nouvelles élites de la mondialisation, aux formes de précarité et aux transformations du travail, à la place qu’on cherche dans le travail dans l’Occident soi-disant riche. Je cherchais un terrain d’étude. J’ai rencontré Mia, styliste pour de grandes marques de luxe, qui m’a introduite dans le monde de la mode. Elle portait des habits luxueux mais vivait dans une grande précarité. Son cas n’était pas du tout exceptionnel. Je ne dis pas que c’est la norme mais c’est très diffus dans le monde de la mode qui produit beaucoup de désir et de richesses.
Vous parlez d’«auto-exploitation», le phénomène est-il répandu dans ce milieu ?
Travailler pour le luxe et être exploité, ça a toujours existé, chez les ouvriers et les artisans qui produisent des biens de luxe notamment. Ce qui m’intéressait ici, ce n’était pas la production matérielle, mais le décalage entre le statut social donné par le fait de travailler dans un milieu créatif, ce qu’il représente, et les conditions matérielles. Je ne connaissais pas ce monde et je ne m’attendais pas à ce que l’auto-exploitation y soit aussi forte.
L’industrie de la mode incarne les valeurs du capitalisme et les dérives du néolibéralisme…
On retrouve dans la mode une série d’éléments du capitalisme actuel : le pouvoir des imaginaires sur les individus et sur ses travailleurs, l’interconnexion fondamentale entre les productions matérielles et immatérielles. Si la mode est aussi riche et vend autant, c’est parce qu’elle produit certes des habits et des sacs, mais aussi des images, des campagnes publicitaires qui servent à générer du désir pour les biens matériels et assurent les consommations à l’échelle globale. De Hongkong à Rio, on porte le même sac, on voit les mêmes pubs. Derrière cette dimension globale, on trouve aussi des circulations inégalitaires. Il y a une dimension cosmopolite chez les travailleurs créatifs de la mode : un shooting à Singapour, un défilé à Paris, un casting à New York, une production à suivre en Roumanie. Mais selon votre nationalité, vous êtes plus ou moins rattrapé par les inégalités, bloqué à une frontière, à cause d’un problème de visa par exemple. Par ailleurs, énormément d’argent est distribué de manière très inégalitaire. Le secteur continue de s’enrichir, même en temps de crise, mais ce n’est pas parce que les profits augmentent que les travailleurs sont mieux payés. La mode est exemplaire du capitalisme actuel pour toutes ces raisons.
On constate une sorte de consentement à l’injustice sociale dans ce milieu…
On y cherche autre chose dans le travail : l’expression de la subjectivité, être créatif, reconnu. En ça aussi la mode est exemplaire des transformations du sens et de la valeur du travail dans l’Occident capitaliste : on y cherche avant tout l’épanouissement personnel. Il y a une représentation très négative de ce qui pourrait être le salariat, la routine. Il y a une énorme focalisation sur la dimension individuelle. A la fin des années 60, la revendication était «il faut être sujet dans le travail, mettre de la vie, il faut s’exprimer». Le néolibéralisme s’est approprié ces revendications contestataires, en les injectant dans des modèles managériaux. Ça s’est révélé très efficace. Si on est exceptionnel, créatif, unique, artiste, il est plus compliqué de s’identifier à un projet commun.
Il n’y a donc pas de solidarité ?
Dans la mode, il n’y en a aucune. Chez les mannequins, on en voit un peu. Pour avoir la parole, il faut être un sujet. Les stars ont cette visibilité. Derrière, il y a des milliers de mannequins qui circulent une saison et c’est fini. Elles restent des mannequins parmi d’autres, interchangeables, qui n’ont pas d’identité dans le milieu et qui n’en auront peut-être jamais. C’est très compliqué de prendre la parole dans ces circonstances. Dans les autres métiers de la mode, il n’y a pas de solidarité. L’utilisation du mot «créateur» est emblématique de ce point de vue. Son emploi est assez récent. Il coïncide avec la période néolibérale du capitalisme. Avant, on disait couturier ou styliste. Créateur, c’est dieu, un individu seul qui crée un univers. Aucun créateur ne travaille seul, mais c’est la représentation que l’on donne.
Toute cette spectacularisation de l’ego est en train de changer un peu. On voit des créateurs plus en retrait, mais il reste cette dimension de mise en scène de soi que la mode exige. C’est l’une des règles : il faut se construire un personnage. Et puis il y a la peur. C’est un marché professionnel relativement petit. Les gens craignent de parler et il existe dans les maisons de luxe et de prêt-à-porter des clauses de confidentialité. Les salariés ne peuvent rien dire de ce qui se passe dans leur entreprise et il n’existe pas de syndicat. Karl Lagerfeld avait même dit un jour que si vous vouliez de la justice, mieux valait faire travailleur social que de travailler dans la mode.
Les travailleurs tolèrent ce système en raison du prestige ?
Entre autres. C’est difficile de renoncer à cet emplacement social. La mode est un monde clos qui a besoin du regard désirant de l’extérieur. La mode fascine. Les personnes qui sortent de la mode vivent très mal de ne plus avoir cette place. Il y a aussi la dimension créative, l’adrénaline. Dans les grandes maisons, il y a énormément de moyens, on peut créer ce qu’on veut. Ça crée une sorte d’addiction, disent certains travailleurs. Et il y a l’amour de la beauté. Certains restent aussi car ils travaillent trop, ils ont le nez dans le guidon. Ils n’ont pas le temps de chercher autre chose, de réfléchir. Ils sont trop pris par la machine. Et il y a évidemment la dimension de plaisir.
Vous débutez votre livre sur les déclarations de Raf Simons et Alber Elbaz sur le temps frénétique de la mode, qui ne leur permettait pas de réfléchir et de trouver l’inspiration.
La mode est une industrie à la fois créative et vouée au profit. Cette double dimension crée une forme de violence structurelle étant donné le rythme actuel. Certaines maisons produisent dix à douze collections par an. Même si le directeur artistique n’est pas seul, la dimension créative a besoin d’un temps de recherche, d’inspiration. Elle ne coïncide pas avec les rythmes imposés par la recherche de profit. Raf Simons n’est pas un précaire mais même à son niveau, c’est structurellement intenable. Ecologiquement aussi… L’industrie textile est la plus polluante au monde, juste derrière le pétrole. On est habitué à penser par fragments : le Bangladesh avec les ouvriers exploités d’un côté, les mannequins de l’autre… Si on suit tous les stades de la production, la matière première (le coton), ce qui se passe en Inde avec les graines, Monsanto, le suicide des paysans, jusqu’aux travailleurs créatifs et aux mannequins, il y a des formes d’exploitation à tous les niveaux de la chaîne.
Marie Ottavi Le Plus Beau Métier du monde. Dans les coulisses de l’industrie de la mode de Giulia Mensitieri 276 pp., éd. La Découverte, 22 euros.
Alors que s’éteignent les projecteurs des défilés parisiens, une enquête de l’anthropologue Giulia Mensitieri met en lumière une face moins glamour de cette industrie, en s’intéressant aux travailleurs de la mode, « autant valorisés que précaires ».
Pour son livre « Le plus beau métier du monde » qui vient de sortir aux éditions La Découverte, tiré de sa thèse de doctorat soutenue à l’EHESS, l’anthropologue Giulia Mensitieri a interviewé pendant trois ans près d’une quarantaine de « travailleurs créatifs de la mode« : stylistes, mannequins, vendeurs, stylistes photo, stagiaires, photographes, maquilleurs, journalistes ou encore étudiants.
« Je me suis intéressée au décalage existant entre leur statut social et leurs conditions matérielles de vie, souvent de galère« , explique à l’AFP cette chercheuse à l’université libre de Bruxelles. Dans cette enquête, où les témoignages sont anonymes, elle suit une styliste photo qui organise des défilés dans des palaces à Hong Kong mais peine à payer le loyer du petit appartement parisien qu’elle habite en colocation, dormant dans le salon.
Elle décrit des mannequins endettés auprès de leurs agences, peu voire pas payées lors des défilés. Une séance photo pour un magazine de mode avant-gardiste pour laquelle personne n’est rémunéré, un journaliste de mode indépendant qui vit dans 15 mètres carrés et gagne sa vie en donnant des cours d’anglais…
L’argent distribué de manière inégalitaire
« La mode est intéressante parce qu’elle agit comme une loupe. C’est le lieu de l’individualité, de la singularité. C’est éminemment néo-libéral« , souligne cette chercheuse italienne. C’est « une industrie générant d’énormes bénéfices, où l’argent est distribué de manière totalement inégalitaire« .
La chercheuse évoque « des conditions de travail où la pression est extrêmement forte, où on n’est pas payé, où on ne sait pas quand on est payé, où la relation avec la hiérarchie est vraiment très dure« . Le roman adapté au cinéma « Le Diable s’habille en Prada » est « emblématique« , dit-elle: « c’est la glamourisation de la domination« .
Chez les travailleurs de la mode, « il y a cette idée que c’est violent, mais c’est comme ça. Et il y a une compensation non monétaire, celle du prestige social: je reste pour le nom, pour la carte de visite, pour le CV« . Dans ce milieu règne « une perception très négative du salariat, de la routine. Etre dans la norme, c’est presque un stigmate« , poursuit-elle.
Et puis « il y a énormément de concurrence. Du coup tu te tais, parce que derrière, il y en a 200 qui veulent ta place« , ajoute la chercheuse, qui dit avoir recueilli de nombreux témoignages « de crises d’angoisse, de panique, de dépression, de burn out« .
La France a besoin de profondes réformes. Je veux que le prochain quinquennat soit celui des réformes réussies. Je les prépare avec vous.
Mais réformer n’est pas une fin en soi. Il faut savoir pourquoi. Il faut donner du sens à l’action réformatrice, il faut fixer un cap, il faut partager un but , il faut une vision qui nous projette ensemble au delà de 2022.
Ma vision de la France de 2030, c’est celle d’une France où tous partagent la fierté et le bonheur d’être Français. Fierté d’etre citoyen d’un grand pays qui ait repris sa place en Europe et dans le monde. Bonheur de vivre en liberté, en égalité, en fraternité dans une République rassemblée .
Oui, je refuse d’avoir l’identité malheureuse, frileuse, anxieuse , presque névrotique. Pour moi , identité ne rime pas avec exclusion ni refus de l’autre. Je veux faire rimer identité avec diversité et unité : respect de notre diversité, affirmation de notre unité.
Naïveté, me dira-t-on … Ma longue expérience du terrain me protège de ce risque. Je sais bien que la France dont je rêve n’est pas la France d’aujourd’hui, pas toute la France d’aujourd’hui. Je vois la France qui doute, qui souffre, qui est en colère. Il faut apporter des réponses à ses légitimes attentes. C’est l’objectif des réformes dont je parlais en commençant.
Mais je ne me résigne pas à laisser se répandre l’idée que demain sera pire qu’aujourd’hui , qui serait déjà pire qu’hier. Non! Il faut une autre ambition : partager demain la fierté et le bonheur d’être Français.
Et pour cela, je veux faire rimer identité avec diversité et unité.
Nous , Français, nous sommes divers, nous n’avons pas les mêmes origines, la même couleur de peau, la même religion ni les mêmes croyances. Cette diversité, qui remonte loin dans le temps, est une richesse, une force. Il ne faut pas chercher à l’effacer en prétendant nous couler tous dans le même moule. Entreprise vaine et dangereuse. Il faut respecter nos différences.
A deux conditions.
D’abord que notre société ne bascule pas dans le communautarisme , c’est-à-dire dans le repli de chaque groupe sur lui-même, dans le refus du dialogue et du partage avec les autres. Dérive détestable qui est en contradiction même avec l’idée que nous avons de la France.
Ensuite que notre diversité converge vers l’unité , c’est-à-dire le partage d’un bien commun autour duquel se rassemblent tous les Français. Sans ce bien commun, reconnu et partagé, il n’y a pas de pays, pas de nation, pas de patrie, pas de France.
Ce bien commun, nous le connaissons : c’est notre histoire, le patrimoine qui nous a été transmis, notre culture, notre langue ; ce sont nos racines , chrétiennes bien sûr (qui pourrait en douter sérieusement?), judéo-chrétiennes, gréco-latines aussi. Le français est une langue latine et il faut continuer à l’enseigner à nos enfants. Ces racines, les nouveaux arrivants doivent les connaître pour s’intégrer à la Nation. Et puis, notre bien commun, c’est aussi l’esprit des Lumières qui est combat contre l’oppression et le fanatisme, et qui prépare 1789. Les valeurs républicaines bien sûr qu’exprime si fortement la devise qui n’a pas pris une ride : « Liberté, égalité, fraternité » . Enfin la laïcité à la française qui est à la fois liberté de religion garantie à chaque citoyen, et strict respect par toutes les religions de la séparation du temporel et du spirituel et des lois de la République. Y compris l’égalité entre les femmes et les hommes qui est un droit fondamental.
Connaître et respecter des principes, des valeurs , des droits ne suffit pas à souder l’unité d’un pays. Il y faut un supplément d’âme, le sentiment d’appartenance à la même patrie, l’élan du cœur que nous éprouvons lorsqu’on hisse le drapeau national ou qu’on entonne l’hymne national. Avez-vous remarqué que , depuis les attentats terroristes qui défient ce que nous sommes, nous chantons la Marseillaise avec plus d’ardeur?
Et l’Islam dans tout cela ? Je ne veux pas éluder cette question qui, formulée plus ou moins explicitement , est omniprésente dans le débat actuel.
J’y ai longuement réfléchi. J’en ai parlé avec des interlocuteurs de tous bords. Récemment encore avec le jeune maire de Tourcoing, Gérald Darmanin , avec lequel je me suis trouvé en grande harmonie de pensée. Peut-être parce que nous sommes tous deux maires et que notre expérience quotidienne nous vaccine contre les simplifications idéologiques .
De deux choses l’une :
ou bien l’on pense que la religion musulmane n’est pas soluble dans la République , et alors il faut se préparer à une forme de guerre civile ;
ou bien l’on est convaincu qu’il existe une lecture du Coran et une pratique de la religion musulmane compatibles avec nos valeurs et notre mode de vie, et alors il faut travailler avec détermination à poser des règles claires entre les musulmans qui partagent cette conviction et la République. Ce ne sera pas facile. G. Darmanin rappelle que cela n’a pas été facile avec l’Eglise catholique jusqu’au début du siècle dernier. Ce sera plus difficile encore avec la religion musulmane qui n’a pas d’organisation hiérarchique. Mais il faudra le faire pour clarifier la question des lieux de culte et de leur financement, la question des imams , de leur recrutement et de leur formation. J’ai dans cet esprit proposé que les imams de France prêchent en français et soient titulaires d’un diplôme de formation à l’histoire et aux lois de la République.
Dans le même temps , nous devons nous montrer intraitables avec toutes les formes de radicalisation des esprits qui menacent notre civilisation. Radicalisation dans nos écoles où nos enseignants doivent recevoir la formation et le soutien hiérarchique pour résister à la propagande des fanatiques et développer le contre-discours adapté à leurs élèves ; radicalisation sur les réseaux sociaux et le web en général qui intoxiquent les esprits faibles et permettent hélas! à la haine de se lâcher; radicalisation dans les prisons où j’ai proposé la création d’une police pénitentiaire spécialisée dans la recherche du renseignement ; radicalisation dans certaines salles de prière ou l’on ne doit pas tolérer des prêches qui appellent à la violence et à la haine, en violation de nos lois.
Il y a longtemps que j’ai observé, dans notre vie politique, qu’il est plus facile d’avoir des positions simplistes qu’une approche équilibrée. Je suis la cible d’attaques venimeuses sur les réseaux sociaux où je suis parfois rebaptisé (sic) « Ali Juppé » ou qualifié de « Grand Mufti » de Bordeaux, ou accusé de financer à Bordeaux la plus grande mosquée de France… qui n’existe pas et n’existera pas ! Ce n’est pas cette campagne qui me fera vaciller. Je continuerai à tracer la route d’une France apaisée, juste, ouverte au dialogue et à la recherche d’une identité heureuse. Parce que je suis profondément convaincu que cette France est possible et que c’est cette France là qui est fidèle à ses racines.
Auteur d’« En Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes », Jean-Baptiste Malet décrit le fonctionnement du géant du commerce en ligne. En Allemagne, les salariés de trois sites sont en grève.
Elvire Camus (Propos recueillis)
Le Monde
La plateforme de vente en ligne Amazon réalise 70 % de son chiffre d’affaires pendant la période des fêtes de fin d’année, selon le syndicat allemand Verdi. Pour faire face à l’explosion de commandes passées en un clic à l’approche de Noël, la multinationale recrute des centaines d’intérimaires pour renforcer ses équipes.
L’année dernière, Jean-Baptiste Malet a fait partie des 1 200 salariés embauchés pour travailler au sein de l’entrepôt de Montélimar. Ce journaliste révèle dans son livre, En Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes, les conditions de travail à la fois archaïques et ultramodernes en vigueur au sein des entrepôts d’Amazon, interdits d’accès aux journalistes.
Pourquoi avoir choisi Noël pour votre infiltration dans un entrepôt d’Amazon ?
Jean-Baptiste Malet : Tout simplement parce que j’avais de grandes chances d’être recruté. Amazon recourt massivement aux intérimaires pendant cette période, qui commence fin octobre et se termine fin décembre. A Montélimar, 1 200 intérimaires ont été recrutés pour Noël. Les travailleurs allemands [actuellement en grève] m’expliquaient cet été que certains entrepôts doublaient voire triplaient leurs effectifs [en fin d’année]. Je tiens à rappeler que je me suis infiltré parce que les employés ont refusé de me parler lorsque je les ai sollicités et qu’il est impossible de visiter les entrepôts en tant que journaliste.
A quel point la période de Noël est-elle importante pour Amazon ?
Amazon réalise 70 % de son chiffre d’affaires à Noël. Début décembre débute ce que l’entreprise appelle la période de « rush ». C’est assez impressionnant quand on se rend aux abords des entrepôts à ce moment-là, d’ailleurs. Des cars de travailleurs qui habitent à plusieurs dizaines de kilomètres sont spécialement affrétés, il y a un va-et-vient de camions poids lourds incessant.
Quel est l’objectif de votre livre ?
Pour beaucoup, Amazon est quelque chose de très virtuel. Or, même avec l’économie numérique, le travail est toujours présent. Je voulais également montrer que les potentialités d’Internet ont bouleversé le monde du travail sur ce secteur. Amazon, c’est une révolution dans le monde industriel. Les entrepôts logistiques sont régis par une organisation du travail très précise qui n’est pas simplement celle du taylorisme ou du fordisme. Elle inclut toutes les potentialités d’Internet et fournit des outils de contrôle de productivité parfaitement inédits.
Les méthodes de travail que vous décrivez dans votre livre, très semblables à celles du travail à la chaîne dans les usines dites traditionnelles, sont-elles en contradiction avec l’image 2.0 d’Amazon ?
Chacun à sa propre image d’Internet. Je ne veux pas tenir un discours moral, simplement rappeler des faits et décrire ce qui se passe dans une usine logistique. Les travailleurs chez Amazon, loin, très loin des progrès du XXIe siècle, ont des conditions de travail qui sont dignes du XIXe siècle. Que ce soit en ce qui concerne les conditions de travail des intérimaires, que ce soit dans les cadences qui sont imposées, dans les contrôles de productivité, dans les fouilles au corps qui sont réalisées chaque fois qu’un travailleur franchit les portiques. Les exemples foisonnent dans mon livre et tendent tous à montrer qu’Amazon, en ce qui concerne le respect des droits sociaux, est une entreprise qui n’est pas progressiste mais parfaitement réactionnaire.
Nous sommes loin du fameux slogan « Work hard, have fun, make history »…
Pour moi, ce n’est pas une contradiction. Car il faut garder en tête que Jeff Bezos (actuel PDG d’Amazon) est libertarien. J’étais d’ailleurs surpris de voir le nombre de portraits apologistes qu’on a pu faire de cet homme. Dans le slogan il y a « make history », mais il faut voir qui écrit l’histoire. On ne peut se contenter d’une apologie des puissants et des milliardaires sous prétexte qu’ils arrivent à rassembler des énergies. Il faut voir à quel coût et à quelle société ils nous préparent. Pour l’heure, Amazon, avant de représenter un progrès, c’est d’abord une formidable régression en ce qui concerne le devenir de notre humanité.
Comment Amazon gagne de l’argent ?
La force d’Amazon, vis-à-vis du commerce de proximité, c’est d’avoir des coûts de stockage et de distribution beaucoup plus faibles. Un entrepôt logistique en zone périurbaine, c’est un loyer qui est beaucoup plus faible que celui d’un commerce de proximité. Après, il est incontestable que ce qui fait l’efficacité d’Amazon, c’est son infrastructure informatique, qui permet l’expédition de colis au plus vite une fois la commande passée car tout est fluidifié par le réseau. Cette infrastructure permet un contrôle total de tout ce qui se passe dans les entrepôts, y compris au niveau des travailleurs. Par ailleurs Amazon n’a pas besoin de machines complexes comme l’automobile : en réalité, Amazon ce sont de grand entrepôts avec des étagères métalliques, quelques ordinateurs et des bornes Wi-Fi. La machine la plus complexe étant l’être humain qui, grâce au levier informatique, peut générer des richesses incroyables. La multinationale réalise également des économies sur les pointeuses, placées non pas à l’entrée de l’entrepôt mais à trois minutes de marche, sur le recours outrancier à l’intérim et sur son évasion fiscale. Il faut savoir qu’Amazon doit 198 millions au fisc français.
Vous ne vous attendiez pas à tout ce que vous avez découvert ?
Je m’attendais à un travail pénible, à la culture à l’américaine, mais pas à devoirsubir des discours moralistes. Chaque jour on vous demande d’être meilleur que la veille. Il y a un aspect très idéologique au travail et on va applaudir ce qu’on appelle le « top performer », la résurgence de l’ouvrier Stakhanov en URSS, qui va au-delà de ce qu’on lui a demandé de faire. Les contre-pouvoirs sont complètement muselés. La plupart des syndicalistes ont la vie dure [la CGT a déposé plainte car ils étaient fouillés arbitrairement]. Et c’est assez surprenant de voir qu’une multinationale, dans le cadre de son travail, une fois qu’elle a nié tous les droits les plus élémentaires contenus dans le code du travail, ensuite s’ingénie à reproduire une forme de collectivisme. Je pense que cela est dû au fait qu’Amazon est un univers qui est coupé du monde.
Comment voyez-vous ces conditions de travail évoluer ?
Je pense qu’il y a un véritable espoir en Allemagne, où les syndicalistes ont réussi avec beaucoup d’intelligence à réinventer les outils du syndicalisme avec le simple argument du droit. Cela pourrait être un exemple pour d’autres entreprises en Europe. Je pense aussi qu’il y a une réponse politique à apporter, notamment au sujet de l’évasion fiscale. En dernier échelon, et ce n’est pas quelque chose de dérisoire, le consommateur lui-même peut se poser la question de savoir ce qu’il gagne en consommant sur Amazon et ce qu’il y perd. Je ne suis pas convaincu que la plupart des Français souhaitent voir le politique distribuer des subventions publiques pour l’implantation de tels entrepôts, d’autant qu’Amazon n’a pas besoin d’argent public aujourd’hui. D’ailleurs, lors de l’implantation du quatrième entrepôt dans le Nord-Pas-de-Calais, la région n’a pas donné d’aide publique.
A l’automne 2018, le géant américain de la distribution en ligne va ouvrir un sixième centre de distribution en France, à Brétigny-sur-Orge (Essonne). A la clé : le recrutement de 1 000 personnes en CDI. Pourtant, dans les allées de ses entrepôts, les conditions de travail sont largement dénoncées.
Alain Jeault travaille depuis septembre 2012 sur le site de Sevrey (Saône-et-Loire). Délégué CGT, il ne compte plus le nombre de ses collègues arrêtés pour se faire opérer du poignet, du coude ou de l’épaule. « Des jeunes de 25 ans », souffle-t-il. Selon un rapport de la médecine du travail, auquel franceinfo a eu accès, sur les 121 personnes du site examinées par les médecins en 2015, 75 présentaient des « affections périarticulaires », c’est-à-dire des troubles musculo-squelletiques liés à leur travail et 30, des « affections chroniques du rachis lombaire » en lien avec leur activité de manutention.
« Personne n’était au courant de mes problèmes »
C’est ce qui est arrivé à Ana. Salariée sur le site de Montélimar (Drôme), cette femme de 46 ans a été licenciée pour inaptitude, en juin dernier. Embauchée en 2010, elle a contracté en 2012 une maladie à l’épaule gauche, à force de soulever des cartons. Elle est reconnue comme travailleur handicapé en mai 2013 par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). De retour à son poste de travail, elle demande simplement à ce que la hauteur de son bureau, sur lequel elle empaquette les colis, soit abaissée. « Je n’ai pas eu de réponse », explique-t-elle à franceinfo.
Elle l’aménage alors toute seule. « Un seul manager me proposait de temps en temps de me servir de la scotcheuse automatique, mais c’est tout. Au contraire, on venait me faire la remarque que je ne traitais que les petits colis. Personne n’était au courant de mes problèmes. » Du coup, Ana se voit contrainte de forcer sur son autre épaule. Il ne faudra que quelques mois pour qu’elle lâche elle aussi. « J’ai alors tenté de me reclasser, mais les documents qu’on m’a fournis étaient tous en anglais, une langue que je maîtrise très mal. »
J’étais inapte à mon poste, mais pas à tous. Ils n’ont pas cherché à trouver une solution.Ana, ancienne salariée d’Amazonà franceinfo
Pour autant, elle n’en veut pas à ses anciens managers. « Eux aussi ont la pression. D’ailleurs, ils ne restent pas très longtemps à leur poste. » Depuis juin, elle se bat pour obtenir ses indemnités de licenciement.
Des scanners pour surveiller les salariés
Sur le site deSevrey (Saône-et-Loire), Elodie se dit également en souffrance. Opérée récemment de la cheville, elle a bénéficié d’aménagements pour sa convalescence. Des restrictions que l’entreprise veut désormais supprimer. Pour cela, elle a été convoquée trois fois en deux mois par la médecine du travail, diligentée par l’entreprise. Ce qu’elle interprète comme un coup de pression. « C’est dur pour moi de marcher des kilomètres toute la journée. Je souffle une à deux minutes. Mais si je fais trop de pauses, ils (les managers) le savent tout de suite et me le font remarquer », confie-t-elle a franceinfo. En temps normal, un salarié peut parcourir entre 15 et 20 kilomètres par jour dans les allées des entrepôts.
Car dans les allées des entrepôts d’Amazon, tout est minuté, codifié, scruté, grâce aux scanners utilisés à chaque étape du traitement des colis. Une méthode qui permet à un employé d’en empaqueter jusqu’à 250 par heure.« Avec ça, ils savent exactement où vous vous trouvez et se servent de ces informations pour calculer votre temps d’arrêt », accuse Alain Jeault. Et même s’hydrater peut poser problème, rapporte de son côté France 3 Nord.
Si dans la journée, vous êtes allé aux toilettes, si vous avez pris un verre d’eau ou que vous ne pouvez pas justifier un temps d’arrêt, vous recevez une lettre de sensibilisation.Gérald Defauquet, délégué CGT sur le site de Douaià France 3
Si ces temps sont trop longs ou trop fréquents, « on se fait convoquer ou on reçoit chez nous un courrier recommandé nous incitant à accélérer la cadence », confirme Alain Jeault, qui dénonce « un véritable stress, que le salarié ramène à la maison ». Elodie raconte ainsi avoir déjà été convoquée jusqu’à quatre fois dans une même semaine, pour faire le point sur ces temps d' »inactivité ».
Cette situation tendue n’a pas échappé à certains élus, comme le député PCF du Nord, Alain Bruneel. En août dernier, il s’est rendu sur le site de Douai pour aller à la rencontre des salariés. Une visite suivie par un journaliste de L’Humanité et durant laquelle « une employée a fondu en larmes », se souvient Alain Jeault. Quelle a été la réaction d’Amazon ? « Le député n’a pas été reçu par la direction et des managers ont pris des photos des employés qui lui parlaient… » . Il a finalement été reçu par la direction, rapporte La Voix du Nord.
« Un environnement de travail sûr », selon Amazon
Contacté par franceinfo, Amazon refuse de commenter les situations particulières de ses employés ou ex-employés, mais rappelle que chaque collaborateur qui intègre l’entreprise reçoit « une formation spécifique en matière de sécurité et de manipulation sans risque, complétée tout au long de l’année par une formation progressive et continue, afin que les procédures de travail en toute sécurité soient bien maîtrisées ». L’entreprise estime également offrir « un environnement de travail sûr », avec notamment une « étude et amélioration constante de l’ergonomie des postes de travail ». Elle se défend enfin sur l’utilisation des scanners, en estimant qu’ils permettent plutôt une réduction des itinéraires au sein des entrepôts, et non un contrôle des cadences comme le dénonce le syndicaliste Alain Jeault.
Malgré ces démentis, le manque de dialogue et les conditions de travail sont régulièrement pointés du doigt, notamment dans l’enquête du journaliste Jean-Baptiste Malet, auteur d’En Amazonie : Infiltré dans « le meilleur des mondes », publié en 2013 (et en vente… sur Amazon !). Avec neuf autres de ses collègues, Alain Jeault se bat actuellement pour faire reconnaître leur spécialisation de cariste et faire en sorte qu’ils soient hissés au niveau 5, alors qu’ils ne sont pour le moment qu’au niveau 2. « Je suis cariste à 94% de mon temps, et lorsque l’on m’a embauché, on m’a demandé mon permis et j’ai passé une visite médicale spéciale. Et pourtant, je ne suis pas reconnu comme tel. » Cette reconnaissance porterait leur rémunération de 1 671 euros à 2 254 euros mensuels.
Cette mauvaise image n’empêche pourtant pas le groupe, qui promet des CDI payés 23% de plus que le SMIC selon Challenges, de trouver des candidats. Mais il doit élargir son bassin de recrutement et employer des personnes de plus en plus éloignées des sites. Alain Jeault relève ainsi qu’Amazon a dû mettre en place des navettes sur le site de Sevrey pour faire venir des salariés recrutés à Nemours… situé à 2h30 de là. Ceux qui tentent l’expérience ne restent pas plus de deux ans et demi en moyenne, estime le syndicaliste. Pour Ana, les cadences infernales représentent le véritable problème. « C’est un travail comme un autre, mais si les salariés étaient moins sous pression, ils s’abîmeraient beaucoup moins. »
L’industrie du jeu vidéo est éclaboussée par une polémique sur les cadences infernales imposées aux employés. Le grand patron du studio Rockstar, connu pour la série « Grand Theft Auto » ou encore « Red Dead Redemption », a lui-même lâché cette information sans réaliser l’impact de cet aveu involontaire.
Pour faire la promotion de son prochain jeu, Dan Houser, qui a fondé le studio Rockstar avec son frère Sam, a évoqué « les semaines de 100 heures de travail », nécessaires pour arriver à sortir ce nouveau petit bijou, Red Dead Redemption 2, sans doute le jeu le plus attendu de l’année. Cent heures, cela fait du 14 heures par jour, 7 jours sur 7. Après l’avalanche de réactions négatives sur les réseaux sociaux, il s’est empressé de minimiser. Sans vraiment convaincre, car ces fameuses périodes de crunch, c’est comme ça que les studios ont baptisé ces sessions de travail hyper intense qui sont une réalité trop fréquente pour être ignorées.
Pourquoi les conditions de travail sont-elles aussi dures dans cette industrie ?
C’est une activité encore jeune, donc encore peu organisée sur le plan social, et surtout où la concurrence est féroce. Il n’y a pas de monopole comparable à celui des GAFA qui peuvent attirer les talents et les garder pour eux. La sortie d’un nouveau jeu est donc souvent un enjeu vital pour le studio. Et pour séduire les joueurs du monde entier, il faut proposer le produit le plus innovant et le plus parfait possible sur le plan formel. Le succès mondial de Grand Theft Auto (GTA) a fait de Rockstar l’une des entreprises les plus performantes du secteur, au prix d’un travail titanesque. Un jeu de belle facture contient aujourd’hui des millions de lignes de code, des centaines de personnages, des décors complexes et détaillés, et bien sûr des vérifications minutieuses pour éliminer tous les bugs avant la sortie. Cela passe par des tâches très répétitives dans les périodes de bouclage, périodes qui peuvent durer parfois non pas quelques semaines, mais une année entière. D’où les burn-out, les dépressions et les protestations de plus en plus véhémentes des employés.
Est-ce que cela concerne seulement le marché américain ?
C’est sans doute aux Etats-Unis où cette industrie emploie le plus de monde, plus de 220 000 l’an dernier, et donc où les abus sont les plus nombreux et les plus médiatisés. Mais cela concerne le monde entier, car cette activité est mondialisée. Rockstar a des studios en Europe, aux Etats-Unis et même en Inde. Cela concerne aussi la France où les plus grands comme les plus modestes ont été pointés du doigt pour leurs pratiques abusives. En début d’année, les employés d’Eugen System se sont mis en grève pendant plusieurs semaines pour défendre leurs droits. Le studio Quantic Dream, rendu célèbre pour ses jeux Heavy Rain, Beyond Two Souls et plus récemment Detroit : Become Human, a été dénoncé par nos confrères de Mediapart pour sa culture d’entreprise limite, avec du harcèlement, des propos racistes ou homophobes. Et Ubisoft, l’autre fleuron français (Assassin’s Creed, The Division, Just Dance, Watch Dogs…) a été épinglé au début du siècle et est devenu depuis un modèle social.
Comment réagissent les employés, et les employeurs ?
Les premiers parlent de plus en plus, surtout sur les réseaux sociaux. Le hash tag #AsagameWorker, « en tant que travailleur du jeu », est devenu leur bannière. Maintenant il est plus délicat de contester publiquement des pratiques sans risquer de perdre son emploi. L’organisation Game Workers Unite essaie de fédérer leurs revendications et surtout de dénoncer les abus. En France est né discrètement en 2017 un syndicat des travailleurs du jeu vidéo. Les employeurs de leurs côtés sont encore trop souvent dans le déni, c’est le cas de Rockstar, mais de plus en plus dans la volonté d’améliorer la situation pour éviter de voir leur image dégradée.
Marketing, contrôle, évaluation… Les associations qui croulent sous les dons pour l’Asie doivent concilier bonne gestion et efficacité sur le terrain. Enquête sur les professionnels de l’urgence.
Laurent Barbotin, Marc Landré, Benjamin Neumann et Sabine Syfuss-Arnaud
L’Express
Ce jeudi 6 janvier, au siège parisien de Médecins du monde, une vingtaine de volontaires ont dû déchanter : un géologue, un élagueur d’arbres, une cadre de banque, un retraité et même une femme médecin, spécialisée en chirurgie maxillo-faciale… L’envie de partir et la bonne volonté sont des conditions nécessaires, mais elles ne suffisent plus pour retenir l’attention des » recruteurs » des ONG. Aujourd’hui, il faut parler anglais ou espagnol, pouvoir résister au stress, justifier de compétences techniques recherchées, être disponible trois mois d’affilée. Et pouvoir partir sur-le-champ à l’autre bout du monde secourir les victimes d’un tsunami dévastateur. Le tout pour une rémunération mensuelle comprise entre 510 et 920 euros, agrémentée d’une (modeste) prime de séjour. La solidarité humanitaire demeure une aventure, souvent rude, et elle a désormais des exigences. Ce jour-là, les deux » recruteuses » de Médecins du monde ne retiennent que des infirmières, des sages-femmes, des logisticiens, des urgentistes…
A la démesure de la catastrophe asiatique répondent un élan de solidarité inédit et un flux incroyable de dons venus du monde entier, un pactole d’environ 10 milliards de dollars offerts par des millions de particuliers, des milliers d’entreprises et des Etats. Mais, au bout de la chaîne, ce sont des associations, souvent fragiles, et des équipes réduites qui doivent assumer toutes les responsabilités, et elles tentent, tant bien que mal, de gérer cette manne colossale. Toutes ne sont pas équipées pour canaliser cette vague de générosité. Pour la première fois de son histoire, Médecins sans frontières (MSF) a interrompu sa collecte mondiale, après avoir récolté 40 millions d’euros en une semaine : » Notre structure ne nous permet pas de gérer plus d’argent « , ont affirmé ces pionniers de l’urgence, au grand dam de plusieurs de leurs collègues humanitaires.
Le petit monde des ONG n’a jamais paru si éclaté, si divers. En vingt-cinq ans, elles seraient passées de 4 000 à quelque 35 000 dans le monde. La France est, avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis, au tout premier rang mondial. » Il n’y a pas un mouvement humanitaire unifié, mais des organisations qui oeuvrent un peu chacune dans leur coin « , constate Thierry Pech, auteur avec Marc-Olivier Padis d’un ouvrage de référence, Les Multinationales du coeur (Seuil). Cela va des petites structures d’une demi-douzaine de personnes à la Croix-Rouge française, dont le budget dépasse les 700 millions d’euros.
Le charity business fait des émules et a explosé depuis une bonne dizaine d’années. En France et en Europe, surtout, mais pas seulement. La Banque mondiale affirme travailler avec près de 1 000 ONG dans le monde entier. Un tri s’impose entre celles qui tiennent leurs engagements et d’autres, aussi opaques qu’opportunistes. Sans oublier » les « faux nez », ces organisations derrière lesquelles on trouve un gouvernement, une idéologie, une organisation religieuse ou un lobby industriel « , ajoute Thierry Pech.
Un tabou est peut-être en passe de voler en éclats : le petit monde des ONG découvre les exigences du contrôle et de l’évaluation. Le mouvement est d’abord venu des grandes organisations internationales, qui ont commencé à poser des conditions. Pour une raison simple : plus de 10 % de l’aide au développement distribuée par les Etats passent aujourd’hui par les ONG. Les bailleurs de fonds internationaux ont structuré leurs procédures de financement de projets. A l’instar de la Banque mondiale, qui a imposé une longue liste de critères aux organisations avec lesquelles elle travaille. Mais aussi de l’Union européenne, qui, en créant Echo en 1992, s’est donné les moyens de superviser ses opérations d’aide humanitaire. Bruxelles n’accorde ses financements – 600 millions d’euros par an – qu’après la signature de contrats-cadres très pointus. Echo veille au grain et a audité en 2003 près de 150 de ses partenaires.
Audit : le mot est lancé. Il a fallu un énorme scandale français pour voir enfin cette pratique se développer. En 1996, la justice découvrait un détournement massif au sein de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), dont le président, Jacques Crozemarie, » siphonnait » la caisse. Il fut condamné à quatre ans de prison. » On sort enfin de l’opacité « , observe Thierry Pech. » Cette affaire nous a poussés à être beaucoup plus rigoureux « , renchérit Jean-Luc Bellynck, directeur financier de la Croix-Rouge française. Les contrôleurs se sont mis au travail. » De telles dérives ne sont plus envisageables, car la probabilité de se faire contrôler est beaucoup plus forte « , estime ainsi Jean-François Carrez, président de la 5e chambre de la Cour des comptes. Cette dernière et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) auditent chaque année une demi-douzaine d’associations. Un chiffre ridicule par rapport à la quantité d’organisations, mais Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, assure ne pas vouloir relâcher la pression : les contrôles seront renforcés en 2006, surtout en ce qui concerne l’utilisation des fonds collectés pour l’Asie.
» Ils durent des mois, et tout est épluché, y compris les comptes personnels des dirigeants « , confie Olivier Berthe, président des Restaurants du coeur, contrôlés en 2004. » Nous avons des pouvoirs d’investigation très larges, confirme Jean-François Carrez. Les dirigeants sont même parfois obligés de nous donner des informations qu’ils ne communiquent pas à leur conseil d’administration. » Comme le détail de contrats passés avec des entreprises, la rémunération de dirigeants, voire certains arrangements comptables.
Les Restos du coeur ont eux aussi revu leur système de contrôle après la découverte de détournements par des bénévoles, au siège et en région. Ils ont ainsi recruté une directrice financière, créé une commission d’appels d’offres et développé un service interne d’audit. Ils ont obligé leurs 113 antennes départementales à s’entourer de commissaires aux comptes, cinq ans avant que la loi l’impose, en 2003. » Il n’existe pas de système infaillible, avoue Olivier Berthe. On peut juste mettre en place un maximum de garde-fous afin d’éviter les dérives. »
Certaines ONG ont également tenté de s’organiser et d’élaborer des standards communs de bonne gestion. Créé en 1999, le Comité de la charte de déontologie délivre un label de bonne conduite à ses adhérents. Une bonne idée, en théorie, mais loin d’être suffisante. » Les contrôleurs sont bénévoles et leurs compétences laissent parfois à désirer « , constate Marie-Caroline Bonnet-Galzy, patronne de l’Igas. MSF a d’ailleurs refusé d’intégrer le Comité de la charte, stigmatisant l’amateurisme des contrôles et contestant la validité d’un label que les ONG s’autodécernent… » Le label peut constituer un premier niveau de sécurité, mais il n’est nullement suffisant « , admet un adhérent. Pour preuve : l’association Raoul-Follereau, créée pour lutter contre la lèpre, a été épinglée par l’Igas en 2002, car elle investissait dans des plantations de palmiers en Côte d’Ivoire et finançait les oeuvres de cardinaux conservateurs du Vatican, deux missions sans rapport avec ses objectifs initiaux. Le Comité de la charte a mis plusieurs mois avant de lui retirer son précieux label.
Ce manque de professionnalisme avéré avait conduit en 2000 l’Association française contre les myopathies à quitter ce comité pour faire certifier ses comptes par un cabinet indépendant, le BVQI. Mais celui-ci ne certifie aujourd’hui que quatre associations, dont l’ARC et l’Armée du salut, tandis que le Comité de la charte affiche une cinquantaine d’adhérents…
S’il devient de plus en plus difficile pour les organisations, du moins pour les plus importantes et les plus connues, de frauder ou d’affecter l’argent des donateurs comme bon leur semble, la question de l’évaluation du travail accompli sur le terrain demeure taboue : combien de personnes ont-elles été secourues, les moyens utilisés ont-ils été les plus pertinents, l’argent a-t-il été dépensé de la façon la plus efficace ?… » On en est, dans ce domaine, au stade infantile « , lâche Thierry Pech.
Là encore, l’ampleur du mouvement de solidarité au lendemain du tsunami a permis d’ouvrir le débat. Mais ce dossier est aussi explosif que complexe. Les acteurs concernés sont réticents. A MSF, Marc Sauvagnac, directeur financier, pointe d’emblée » les limites » de l’évaluation : » Un référentiel tout-terrain n’est pas satisfaisant, car chaque contexte est différent. Il est déjà très compliqué d’identifier les populations les plus vulnérables, sur place, dans un contexte de crise. Qui pourrait alors avoir les moyens et la légitimité de noter nos actions ? »
Même dans le secteur de la microfinance, très en avance en termes d’évaluation des structures de crédit via des agences de notation comme Planet Rating, on réfléchit encore aux moyens de mesurer leur impact socio-économique. Sans avoir trouvé la solution miracle.
Certaines associations se sont toutefois lancées dans l’aventure en se dotant de moyens internes d’évaluation. Médecins du monde a mis en place en 1990 un » comité des donateurs « , composé de seize membres bienfaiteurs élus par leurs pairs. Il veille » à ce que les fonds collectés soient utilisés à bon escient « . Ses membres n’hésitent pas à se rendre sur le terrain pour réaliser un rapport comparant les moyens mis en oeuvre et les objectifs. En 2002, l’ARC a créé une commission d’évaluation scientifique de douze membres. Suivi des projets, grille d’évaluation : elle tente de mesurer l’impact des subventions accordées.
Les entreprises donatrices – de plus en plus nombreuses depuis dix ans – pourraient aussi faire fonction d’évaluateurs. Mais elles s’en gardent le plus souvent, préférant le rôle de donateur. La loi du 1er août 2003 sur le mécénat, qui permet de déduire des impôts 60 % des dons, a été un coup d’accélérateur pour les partenariats. Handicap International, la fondation Abbé-Pierre et le Secours catholique se sont même dotés l’an dernier de services chargés de démarcher les entreprises, dont la participation est encore très modeste : en 2003, elle ne représente qu’environ 3 % du budget des grandes ONG françaises.
Il faut dire que la rencontre entre l’humanitaire et l’entreprise est récente et a d’abord été conflictuelle. Au cours des années 90, une cinquantaine de campagnes hostiles à un groupe ou à un secteur d’activité ont été lancées par des ONG, contre Nike, Shell, Total et BP. Même si des associations comme MSF ou la fondation Abbé-Pierre ont leurs listes noires et refusent l’aumône de certains groupes, la tendance est plutôt à la coopération. » Les ONG sont aujourd’hui parties prenantes de la stratégie des sociétés, explique Philippe Chabasse, un ancien de Handicap International qui a créé un cabinet de conseil guidant les entreprises au sein de la nébuleuse humanitaire. C’est même devenu un impératif économique pour certaines d’entre elles. »
Elles ont compris que travailler avec les ONG pouvait être très bénéfique. » On y gagne en termes d’image auprès de nos clients comme de nos salariés « , admet Thierry Desouches, chargé de la communication de Système U, qui développe un partenariat avec Action contre la faim depuis 1997. Les points de fidélité accumulés par les clients peuvent être reversés à l’association sous forme de dons abondés par l’entreprise. En 2004, Système U a versé 500 000 euros à Action contre la faim, soit la moitié des sommes collectées par l’organisation humanitaire auprès des entreprises. Mais cet argent est affecté à un fonds d’intervention d’urgence. L’entreprise est informée de l’affectation de ses dons un an après.
Les partenariats entreprises-ONG peuvent aussi prendre la forme de » produit partage » (versement d’une somme d’argent à une association donnée lors de l’achat d’un bien défini) et de » mécénat de compétences « . Cap Gemini et Ernst & Young mettent ainsi tous les ans des auditeurs à disposition de Planet Rating, qui note les institutions de microfinance : trois personnes à temps plein pour le premier et quatre cents jours/hommes pour le second. Idem pour Sanofi-Aventis, qui offre à Médecins du monde les services d’un juriste et d’un fiscaliste.
Parallèlement, en interne, les ONG sont devenues une affaire de professionnels. » Sur le terrain, le baroudeur au grand coeur a laissé la place à un logisticien très pointu « , observe Thierry Pech. Directeurs des ressources humaines, collecteurs de dons, informaticiens, spécialistes en traitement des eaux… les équipes se sont étoffées et spécialisées. Ainsi, Greenpeace emploie aujourd’hui 45 permanents, contre une dizaine en 1996. Christophe Glenisson, directeur de la collecte de fonds, est arrivé fort d’un mastère de publicité de l’université de Chicago et de son expérience à EuroRSCG. Le directeur financier de la Croix-Rouge française est l’ancien patron d’Air liquide santé. Le directeur général de Médecins du monde est un ancien de HEC, tout comme la coordinatrice qui vient de s’envoler pour le Sri Lanka.
Il faut dire que l’humanitaire fascine. On estime à 20 000 par an le nombre de candidats au départ pour le bout du monde. La Croix-Rouge reçoit 20 curriculum vitae par jour en temps normal, plus de 70 depuis le désastre en Asie. L’an dernier, 8 000 candidatures sont arrivées au siège de Médecins du monde ! Beaucoup d’entre elles proviennent de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur plus attirés par le charity business que par le monde de l’entreprise. Né en 1998 de la volonté de proposer aux populations sinistrées des coups de téléphone gratuits, Télécoms sans frontières emploie ainsi deux jeunes ingénieurs recrutés à la fin de leur stage. Et 15 % des jeunes diplômés affirment vouloir faire tout ou partie de leur carrière dans l’humanitaire.
Une fascination pour les ONG dont s’est emparé le milieu de la formation. Dès 1983 naissait Bioforce Développement, un institut spécialisé préparant des techniciens de l’humanitaire (voir encadré page 37). Depuis le milieu des années 90, les universités rivalisent d’imagination pour créer à leur tour des formations aux métiers du développement ou de la santé dans les pays pauvres.
La collecte de dons n’échappe pas à cette tendance. Cinquante ans après le célèbre » Mes amis, au secours ! » de l’abbé Pierre au profit des mal-logés, les techniques de marketing visant à alimenter la machine à dons ont beaucoup évolué. Une ONG doit parfois investir jusqu’à 30 % de ses ressources pour faire la différence sur le marché compétitif de la générosité, évalué à environ 2 milliards d’euros en France. Mais obtenir l’appui d’une personnalité reste le meilleur moyen d’acquérir de la notoriété à bon prix. Les Restos du coeur reçoivent ainsi un cinquième de leur budget annuel grâce aux Enfoirés (voir encadré ci-contre). La Voix de l’enfant, dont le budget ne dépasse pas 1 million d’euros, accède aux plateaux de télévision grâce une ambassadrice de charme, l’actrice Carole Bouquet. » La télévision est le meilleur moyen de susciter l’émotion, et c’est l’émotion qui déclenche les dons « , analyse Laurent Terrisse, directeur de Non Profit, filiale de l’agence de communication TBWA, spécialiste des ONG.
Dynamisée par les déductions fiscales instituées par le législateur, la collecte de fonds s’effectue principalement au moyen d’opérations de publipostage, sur la base de fichiers que les associations s’échangent, » quand elles ne travaillent pas sur les mêmes secteurs de l’humanitaire « , précise un professionnel. Le message lui-même évolue : un temps culpabilisant, il est aujourd’hui plus concret et surtout personnalisé par le parrainage direct, l’envoi de photos des villages aidés ou des travaux effectués, l’édition d’étiquettes autocollantes ou l’adjonction d’une enveloppe prétimbrée suscitant la réponse. Mais les ONG hexagonales sont moins offensives que leurs homologues anglo-saxonnes. Certaines envoient jusqu’à 24 lettres de relance dans l’année pour reconquérir un donateur perdu, d’autres mettent en oeuvre des loteries qui font un riche et quelques moins pauvres !
Dans les années 80 sont même apparus des cabinets de conseil, comme RMG Connect et Excel, spécialisés dans le marketing humanitaire. Celui-ci se déploie en plusieurs temps : prospection, fidélisation et, dans le meilleur des cas, legs. Ce qu’Antoine Vaccaro, fondateur d’Excel, racheté en 2001 par TBWA, appelle » la trilogie du don « . La prospection est la phase la plus onéreuse et la plus aléatoire : l’association dépense environ 1 euro par personne démarchée et peut, au mieux, espérer rembourser ses frais. Environ la moitié de ceux qui auront répondu favorablement pourront être fidélisés, pour une durée moyenne de cinq à sept ans. » C’est là seulement que le système est rentable « , précise Antoine Vaccaro. MSF a même introduit le prélèvement automatique il y a une dizaine d’années avec son opération » 1 euro par semaine « . Don indolore, il dissipe l’impression de gâchis et de paperasserie. Mais le vrai jackpot, c’est lorsque des personnes âgées lèguent une partie de leur fortune à l’association. Avec un record en la matière : en 2001, les tableaux d’un collectionneur était offerts à l’Unicef par son épouse, Jeanne Gaffé ; un don valorisé à 73 millions de dollars !
D’où vient et où va l’argent. Bilan comptable des associations caritatives (TABLEAU VOIR PDF)
Du Biafra à Bam, six crises qui ont forgé la réputation des humanitaires1967-1970
BIAFRA
Les conséquences de cette guerre civile au Nigeria, avec 3 millions de déplacés, ont provoqué la première réaction humanitaire planétaire. En plus d’un an, la Croix-Rouge va récolter 23 millions de francs et organiser 320 vols pour acheminer 2 135 tonnes de vivres.
1979-1989
AFGHANISTAN
Au début des combats, en 1979, Action contre la faim est créée pour aider les 3 millions d’Afghans vivant dans des camps de réfugiés au Pakistan. Pendant les dix ans de l’occupation soviétique, 1 200 volontaires français vont clandestinement passer la frontière pour monter des dispensaires.
1984-1985
ÉTHIOPIE
Alors que la famine décime tout un peuple, un concert géant, Live Aid, est organisé en juillet 1985. Suivi par 1,5 milliard de téléspectateurs, il rapporte 74 millions de dollars. Tandis que des artistes enregistrent aux Etats-Unis We Are the World et en France SOS Ethiopie.
1992-1993
SOMALIE
Sous la férule des chefs de guerre locaux, 1 million de personnes déplacées sont menacées par la famine. Quand, en décembre 1992, les Etats-Unis lancent l’opération spectacle Restore Hope, qui marque la naissance controversée du droit d’ingérence militaro-humanitaire.
1999
KOSOVO
Deux mois après le début de l’exode de 950 000 réfugiés, près de 150 millions de francs et 17 000 tonnes de nourriture et de produits d’hygiène ont été récoltés. Jamais les ONG françaises n’avaient reçu autant de dons : 80 millions de francs en trois jours pour la Croix-Rouge.
2003
IRAN
Ce 26 décembre, un séisme tue plus de 26 000 personnes à Bam. Un programme d’aide internationale fort de 500 millions d’euros est mis en place. La France promet 6 millions d’euros. Chiffre qui ne sera finalement atteint que grâce aux 4,1 millions des organisations caritatives.
Thierry Bandiera, expert en logistique d’urgence à la Croix-RougeBravo, Alpha, November, Delta, India, Echo… » Lorsque Thierry Bandiera épelle son nom, c’est en alphabet radio. Efficacité, rapidité et disponibilité sont les leitmotivs de ce » Monsieur 100 000 Volts » de 37 ans, responsable de la logistique à la Croix-Rouge française depuis treize ans.
Le 8 janvier, cet ancien de l’armée de l’air a supervisé le décollage d’un DC10 dont la soute était remplie de matériel et de colis pour l’Asie. C’était le quatrième avion qu’il affrétait depuis le tsunami. Lui s’envolait le jour même pour Kuala Lumpur, pour réceptionner la cargaison et ouvrir un bureau en mesure d’accueillir une équipe d’humanitaires.
C’est en » voltigeur » qu’il a débarqué dans la capitale de la Malaisie. Entendez qu’il n’y avait jamais mis les pieds, mais que, malgré tout, il a assuré ses arrières avant le départ, jouant du téléphone, du fax et du courriel pour activer ses réseaux à l’ambassade et dans les entreprises françaises sur place. Son but : trouver des grues pour décharger le DC10 ; disposer de surfaces de stockage pour entreposer les 60 tonnes de marchandises, dont l’essentiel provenait de dons d’entreprises (10 tonnes de shampooing et de savon, des kilomètres de ficelle, 13 citernes pour l’eau, une tronçonneuse thermique…).
Equipé de téléphones satellitaires et d’ordinateurs portables, Thierry Bandiera s’est donné trois semaines pour faire tourner le bureau de Kuala Lumpur. Trois volontaires l’y aident : une logisticienne et deux chefs d’entreprise, qui, de temps en temps, quittent leur quotidien pour le suivre en mission.
La Croix-Rouge française a recueilli plus de 60 millions d’euros pour secourir l’Asie. Une grande partie sera dépensée en médicaments, rations alimentaires, kits de première nécessité, expédiés depuis la France. Sur place, Thierry Bandiera achètera aussi des équipements peu sophistiqués (jerricans, casseroles ou réchauds) chez des fabricants locaux, de Malaisie, d’Indonésie ou de Singapour. Début janvier, déjà, il lançait, depuis son bureau parisien de la rue de Berri, des appels d’offres sur Internet. Car l’humanitaire est prévoyant et ne dépense pas à l’aveugle. D’ailleurs, tous les jours, il envoie un rapport financier au siège.
S.S.-A.
A l’école des » pros » de l’humanitaireCréé en 1983 dans la banlieue de Lyon par Charles Mérieux, l’institut privé Bioforce forme des techniciens de l’humanitaire. Diplômés de niveau bac + 2, ils sont logisticiens, administrateurs, gestionnaires de projet ou spécialistes de l’eau. L’actuelle promotion compte 120 étudiants, dont 62 % d’hommes, de dix-huit nationalités. L’âge moyen est de 29 ans. Bioforce compte un réseau de 850 anciens, dont la moitié travaillent dans des ONG.
Les Enfoirés, recette magique des RestosRien de mieux que des artistes mobilisés autour d’une cause pour faire rentrer des sous dans les caisses. Champions toutes catégories : Les Restos du coeur. Ils réunissent avec Les Enfoirés la plus belle brochette de VIP du pays : Jean-Jacques Goldman, Patricia Kaas, Patrick Bruel, Muriel Robin, Pascal Obispo… Les Enfoirés, c’est une superbe opération de marketing au profit des plus démunis (plus de 66 millions de repas servis l’an dernier). Leur tournée, réalisée chaque année fin janvier à guichets fermés (une date au Zénith de Clermont-Ferrand en 2005 et cinq à Paris-Bercy), bénéficie d’une incroyable couverture médiatique, et sa diffusion, en mars, sur TF 1, est l’une des meilleures audiences annuelles : dix-septième en 2004, avec 11 millions de téléspectateurs ! L’opération financière est excellente. Le CD et le DVD du concert rapportent plus de 16 millions d’euros, soit 17,8 % des recettes de l’association. Cette année, Les Enfoirés ont fait une infidélité aux Restos en donnant un concert supplémentaire au profit de la Croix-Rouge, pour venir eux aussi en aide aux sinistrés de l’Asie du Sud. M.L.
Ce magistrat veille sur vos donsJean-François Carrez, président de la 5e chambre de la Cour des comptes, encadre les magistrats chargés de contrôler les associations faisant appel à la générosité publique. Son programme pour l’année 2005 ? La publication attendue en mars du second rapport sur l’ARC (Association pour la recherche sur le cancer) et, à la rentrée, ceux sur la fondation Abbé-Pierre et France Alzheimer. Ainsi que la supervision des contrôles en cours au Secours catholique et à la Ligue nationale contre le cancer.
Salaires : 10 à 30 % de moins que dans les entreprises Il y a deux ans, la directrice d’Action contre la faim, Sylvie Brunel, lançait un pavé dans la mare en dénonçant le » business » humanitaire et les hauts salaires des cadres du secteur (plus de 4 500 euros par mois). Si certaines associations comme la Croix-Rouge offrent des conditions avantageuses (rémunérations inférieures de 10 % seulement à celles du privé, convention collective), la majorité des salariés d’ONG sont moins bien lotis, avec des différences de 30 % par rapport aux revenus au sein d’entreprises classiques.
Greenpeace
Directeur général : 4 200 à 4 500 euros
Directeur : 3 000 à 3 500 euros
Chargé de mission (bac + 4 en moyenne) : 2 000 à 2 700 euros
Employé : 1 600 euros
Secours populaire
Directeur général : 2 786 euros
Chef comptable : 2 484 euros
Responsable du contrôle de gestion : 2 334 euros
Comptables et assistantes de direction : 1 995 euros
Chargé de développement : 1 844 euros
Agent d’accueil : 1 506 euros
Médecins du monde
Salaire le plus élevé : 7 274 euros
Salaire le plus faible : 1 312 euros.
Volontaire à l’étranger : 510 à 920 euros net, plus une prime de séjour de 200 à 500 euros.
Collecteurs de fonds : 11,10 euros l’heure.
Tous les salaires sont donnés en brut sauf pour les volontaires à l’étranger de Médecins du monde.
Sources : ONG citées
Le tsunami a aussi dopé le volontariatMédecins du monde fait salle comble au lendemain du tsunami lors de la réunion mensuelle sur le volontariat. Au siège parisien, rue Marcadet, ils étaient près de 65, soit deux à trois fois plus que d’habitude, à proposer leurs services pour l’Asie. Des cadres de l’industrie, des employés, de jeunes retraités sont tous prêts à partir aider les victimes du raz de marée. Ne seront retenus que les médecins, infirmières et logisticiens.
Les révélations du « Parisien » sur les entorses au droit du travail à la Croix-Rouge française ont réduit au silence la plupart des employés.
« Je ne prendrai pas le risque de parler. Adressez-vous à la communication ou à la direction. » Les révélations, dimanche 31 mai, du Parisien sur les entorses au droit du travail à la Croix-Rouge française, le non-paiement d’heures supplémentaires et le risque d’une amende de 2,8 millions d’euros, ont eu un premier effet : réduire au silence la plupart des salariés et des bénévoles, que ce soit à Paris, à Lyon ou encore à Marseille. Il est vrai que consigne avait été donnée par la direction de ne pas parler à la presse.
Richard Schittly (Lyon, correspondant), Isabelle Rey-Lefebvre et Luc Leroux (Marseille, correspondant)
Le Monde
« Que la direction confonde bénévolat et salariat, ça, c’est une réalité dans cette entreprise qui manque de transparence », se hasarde un cadre marseillais de la Croix-Rouge française qui préfère conserver l’anonymat. « Les cadres ne sont pas payés pour leurs heures supplémentaires et ont du mal à les récupérer. Il n’est pas rare qu’on nous convoque pour des réunions fixées après nos horaires de travail. Comme au siège, ce serait bien que l’inspection du travail fasse un petit tour chez nous. »
La réalité décrite par Marie (dont le prénom a été modifié à sa demande), employée dans le service d’aide à domicile, tranche avec le renom de l’association. « C’est beau l’image de la Croix-Rouge, mais l’envers du décor ce sont des petits salaires. Ce n’est pas qu’on soit maltraités mais il y a beaucoup de précarité, des salariés qui ont du mal à joindre les deux bouts, à trouver un logement… » Fière malgré tout de travailler à la Croix-Rouge, Marie cite le salaire d’une aide-soignante avec vingt ans d’ancienneté, 1 200 euros pour un trois quart-temps, ou celui d’un brancardier à 1 100 euros en fin de carrière. « On nous dit qu’on est là pour sauver des vies mais cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix. »
« Personne ne vous parlera ici ! »
A Paris, devant le siège rue Didot (14e arrondissement), aucun salarié n’accepte de répondre aux questions si ce n’est sous le couvert de l’anonymat. Une jeune femme pressée lance : « Éloignez-vous un peu, personne ne vous parlera ici !»« Cela fait dix ans que je vis la pression des horaires et du toujours plus, c’est bien que cela sorte au grand jour », témoigne néanmoins une secrétaire. Mais ce sentiment ne fait pas l’unanimité : « Je suis très heureuse de travailler à la Croix-Rouge française où je peux récupérer mes jours », tient à faire savoir une cadre du service juridique. « Les cadres qui se plaignent oublient qu’ils ont 23 jours de RTT par an. Ils peuvent bien faire quelques heures supp’», estiment deux employés. « Les budgets sont en baisse, les demandes en hausse. Notre modèle économique et notre organisation sont bousculés », reconnaît une cadre.
Pour les salariés rhônalpins, cette affaire de défaut de comptage d’heures supplémentaires, est très parisienne. Le siège, où sont traitées les relations internationales, reste un peu à part de la réalité quotidienne de la Croix-Rouge en région. En tout cas, cette affaire ne semble pas devoiraffecter les relations sociales des multiples établissements régionaux. « Pour la Croix-Rouge ça fait désordre. Mais franchement on ne se sent pas concernés. Dans les établissements régionaux, il est très peu question d’heures supplémentaires », confie Carmine Colangeli, brancardier, représentant CFDT au centre des Massues à Lyon. Pour lui, le personnel est plutôt vigilant sur la réorganisation globale engagée : « On nous présente un projet d’optimisation, on est dans une période de rigueur dans un secteur de santé ultra-concurrentiel, les partenaires sociaux discutent de ça dans les instances, c’est l’enjeu actuel. »
« Depuis une dizaine d’années nous sommes lancés dans la professionnalisation à grands pas, observe Marie-Catherine Roquette, directrice régionale Rhône-Alpes. L’association est devenue une entreprise, avec ses contrôleurs de gestion, ses pilotages par métiers, qui cherchent à dépoussiérer son image. »
Le choc est parfois violent
Dans la région Rhône-Alpes, la Croix-Rouge est devenue un acteur économique majeur avec près de 4 000 salariés. Elle gère une soixantaine d’établissements sanitaires et un institut de formation. Avec un budget de l’ordre de 150 millions d’euros, la direction Rhône-Alpes représente 12 % de l’activité de la Croix-Rouge française. « C’est une association magnifique, on est mobilisé pour améliorer la qualité de nos missions », juge Mme Roquette.
Chez les bénévoles, c’est l’incompréhension qui domine. Beaucoup refusent de témoigner, renvoyant à la direction de la communication. « Oui, il faut respecter le code du travail mais nous, nous ne comptons pas nos heures », indique Paul, 60 ans, bénévole à Paris depuis longtemps. « Tout ce que nous espérons, c’est que cette affaire ne ternisse pas l’image de l’association et n’entraîne pas une baisse des dons, car leur produit revient aux unités locales », remarque t-il, témoignant du rapport assez distant qu’entretiennent une grande majorité de bénévoles avec la direction.
Matisse Belusa, qui fut, jusqu’en 2012, président de l’unité locale du 6e arrondissement de Paris, explique :
« La Croix-Rouge française est une énorme organisation. A Paris, nous ne manquons jamais de bras et c’est une aventure humaine incroyable. Mais le choc peut être violent entre les bénévoles, qui s’impliquent énormément, et les instances dirigeantes, qui ne mesurent pas toujours leur travail, n’écoutent pas assez le terrain. Lorsqu’un bénévole a commis une maladresse, elles prennent parfois des sanctions humainement difficiles à vivre »
Un élu du bureau d’une délégation départementale confie :
« Depuis l’arrivée du nouveau président[Jean-Jacques Eledjam]il y a deux ans, nous sentons une gestion assez brutale, avec des instructions que nous ne pouvons pas discuter. Le moindre désaccord est sanctionné »
« Beaucoup d’exagération »
« La Croix-Rouge ne peut pas se permettre d’un côté d’aider les gens par sa vocation essentielle, et de l’autre de mal se conduire avec ses salariés», réagit Jean-Pierre Vainchtock, président de la délégation départementale du Rhône, qui gère 800 bénévoles, dont 180 secouristes de l’organisme caritatif. Pour les bénévoles, l’affaire du droit du travail écorne bien sûr l’image de l’institution. « Une association à vocation humanitaire doit plus que tout autre respecter les règles du droit du travail », reconnaît bien volontiers M. Vainchtock, tout en relativisant la polémique : « Il y a sans doute beaucoup d’exagération dans la présentation médiatique des choses. »
« Cela n’entache pas l’image de la Croix-Rouge, estime Ludovic Lanzi, responsable des équipes mobiles et maraudes de nuit à Marseille. Il s’agit d’une question de gestion de salariés mais les bénévoles savent pourquoi ils font ce qu’ils font. Ils ont été plus choqués par la récupération de notre logo Samu social sur une affiche du Front national lors des dernières élections départementales. »
Si l’on vous demandait le nom d’un couturier français hétérosexuel, vous auriez sans doute bien du mal à en citer un.
Dan Hastings
Slate
Pour célébrer son 300e numéro sorti en septembre 2018, le magazine anglais Attitude –le premier média dédié à la communauté LGBTQ+ en Europe– célèbre l’industrie de la mode en mettant en couverture Olivier Rousteing, directeur artistique de Balmain, Edward Enninful, rédacteur en chef du Vogue britannique, et Nicola Formichetti, designer de Diesel et Lady Gaga.
Pour expliquer ce choix, le rédacteur en chef Cliff Joannou, dans son édito, évoque le rôle central du vêtement dans la vie des homosexuels: «Le style est une fenêtre ouverte sur notre identité, car les vêtements sont bien plus qu’une épaisseur qui nous protège des éléments. Beaucoup d’hommes homosexuels passent des années à cacher leur identité ou à se fondre dans un stéréotype de genre. En grandissant, est-ce si surprenant que ça de les voir faire carrière dans la mode, cet univers qui leur permet de mettre de la couleur dans un monde sombre et discriminant?”»
Joannou évoque ici la présence en nombre d’hommes ouvertement gays dans l’industrie de la mode. Aux côtés des femmes, ils représentent la majeure partie du million d’emplois liés à la mode en France. L’homme hétéro y est minoritaire; il se braque et refuse de devenir un travailleur de cette industrie, de passer par une école de stylisme et de parler chiffons en public.
Affaires d’hommes
Depuis la fin du XIXe siècle, les hommes excellent dans l’art de l’habillement. Ce sont eux qui donnent naissance à la haute couture en France et en font un business lucratif. Charles Frederick Worth marque l’histoire en étant l’un des rares couturiers hétérosexuels et d’origine étrangère à enrichir la mode française. Son disciple, Paul Poiret, également hétérosexuel, a été la star de la couture des années 1900 à 1930.
Un basculement s’opère après la Seconde Guerre mondiale, avec l’arrivée de Christian Dior dans la fashion sphère parisienne. Très secret sur sa vie privée, il ne dévoilera que très tard son homosexualité.
Depuis, les designers vedettes –Yves Saint Laurent, Pierre Balmain, Karl Lagerfeld et Jean-Paul Gaultier, entre autres– ne se cachent plus et osent parler de leur orientation sexuelle. La jeune génération, elle aussi, fait rapidement son coming out, d’Olivier Rousteing à Simon Porte Jacquemus.
La raison qui explique cette présence massive d’hommes gays est simple: la mode a toujours accueilli ceux considérés comme des parias. Les juifs, les créatifs, les hypersensibles, les marginaux, le vilain petit canard de la famille et les homosexuels, tous trouvent leur place dans ce milieu qui les acceptent comme ils sont.
C’est grâce à cette communauté à la tête du navire que la culture gay s’immisce dans la mode. Les costumes italiens flamboyants, le port du rose, les pièces moulantes –dont le jean skinny– ou le cuir et le sportswear fétichistes quittent le microcosme des clubs gays pour rejoindre les moodboards et atterrir sur les défilés.
Les marques grand public ont suivi cette mutation de près et ont intégré ces nouveaux codes dans leurs collections masculines, avec un storytelling adapté: dans les années 1990, on assiste à la naissance de la métrosexualité. Pour la première fois, la mode apprivoise ces clients hétéros qui ne veulent surtout pas être vus comme des acheteurs compulsifs frivoles –l’équivalent de «gays» dans leur imagination.
Cette image d’homosexuel très efféminé et expert de la mode est également diffusée par la pop culture. En témoigne le personnage de Nigel, journaliste de Vogue et expert du relooking dans Le Diable s’habille en Prada, celui de Kurt dans la série Glee ou plus récemment Tan France, technocrate mode dans Queer Eye sur Netflix.
Malgré eux, ces personnages participent à l’auto-exclusion des hommes hétéros de l’industrie de la mode, car ceux-ci veulent s’éloigner le plus possible de cette image. La mode, et surtout celle des podiums, leur apparaît comme un domaine élitiste et complexe, au même titre que l’art contemporain. Ils cherchent alors des chemins de traverse pour éviter celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.
Quête de réassurance
L’homme hétéro qui commence à s’intéresser au vêtement part toujours d’une démarche utilitaire. Pour Valentin Esquier, YouTuber et coach en image, le déclic est arrivé autour de ses 20 ans: «À un moment de ma vie, j’ai pris beaucoup de poids et j’ai mis mon apparence de côté. Après m’être pris en main, je n’avais aucune connaissance des codes du style, savoir comment mettre ma morphologie en valeur, par exemple.»
C’est justement cette quête du manuel parfait avec les bons tuyaux qui a poussé Geoffrey Bruyère à développer en 2007 le blog Bonne Gueule, aux côtés de son associé Benoît Wojtenka. «Pour notre génération, la passation des conseils en style ne se fait plus par le père, mais par Google. On tape “Comment choisir un jean” sur les moteurs de recherche», souligne-t-il.
Le blog est un succès et compte des lecteurs de 15 à 70 ans, en recherche constante de conseils et de marques testées et validées. Quand on parle de mode à l’homme hétéro, il a besoin d’être en confiance avec ce qu’il touche et ce qu’il essaie: c’est ce qui le fera revenir. Cette quête de réassurance pousse les marques à développer tout un storytelling à destination des clients, dans l’espoir qu’ils s’engagent dans la durée.
Selon Marc Beaugé, journaliste passionné par le vêtement mais qui se «qualifie rarement de journaliste mode», les hommes ont besoin d’une raison valable et de profondeur pour acheter un vêtement: «Il y a encore, chez beaucoup d’hommes, un complexe par rapport au shopping. Ils refusent d’être des fashion victims, ou de faire du shopping au premier degré. Ils veulent un vêtement entouré de sens, de référence culturelles et historiques. Ils ne veulent pas donner l’impression de répondre simplement aux diktat des magazines ou aux tendances. Moi-même, je déteste me balader avec un shopping bag. Ca ne m’arrive jamais.»
C’est en apprenant plus sur la matière, l’histoire du vêtement ou de sa coupe et l’association des couleurs que l’homme va au fur et à mesure prendre plaisir à s’habiller. Pour Geoffrey Bruyère, il y a eu une vraie évolution du regard de l’homme hétéro sur la mode depuis une dizaine d’années.
«Quand on a commencé à faire du coaching et que l’on proposait à des hommes des pièces qu’ils n’avaient pas l’habitude de porter, on nous faisait souvent la remarque: “Ça fait gay.” C’est bête, mais ça montre bien à quel point les hétéros peuvent associer la mode à une communauté. Et la remarque est ensuite passée de “Ça fait gay” à “Ça fait femme”, puis à “C’est pas vraiment mon style, c’est pas vraiment moi.”»
Virilité interrogée
La connotation gay est en revanche inexistante lorsque l’homme s’intéresse au vêtement sportif ou urbain. Il est par exemple totalement décomplexé lorsqu’il achète et collectionne des sneakers. Toute la culture du «Hype Beast» a misé sur cette nécessité de virilité amenée par le vêtement sportif, en l’associant à l’exclusivité. Aujourd’hui, les hommes s’arrachent les chaussures et vêtements Supreme et documentent leur passion pour ces chiffons précieux sur les réseaux sociaux.
Au Congo, les célèbres sapeurs –membres de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes– vont plus loin que le vestiaire sportif, en assumant sans aucun complexe leur goût pour les vêtements et accessoires chatoyants. Ils ont choisi la mode pour religion, sans que le mot gay ne soit mentionné nulle part.
Christelle Bakima, fondatrice du podcast reportage «Bak’s to Congo», explique que cette coquetterie masculine est même source de virilité: «Ce que l’on pourrait qualifier de comportement métrosexuel en France sera considéré comme synonyme de richesse et de bon vivant au Congo. Si cet homme peut s’entretenir, il peut subvenir aux besoins de sa famille, et donc potentiellement d’une femme, ce qui est perçu comme d’autant plus viril.»
La virilité est précisément l’élément que l’homme hétéro n’arrive pas à associer à la mode des créateurs et des maisons. Le dessin de mode et la couture étant souvent conjugués au féminin, cet univers lui semble bien trop inhospitalier.
En plus des tenues créatives qui effraient, l’androgynie et le très jeune âge des mannequins –souvent filiformes et imberbes– ne leur ressemblent pas et insistent sur cette cassure entre la mode des défilés et la leur.
Exclusions permanentes
Dans l’enquête sociologique Le plus beau métier du monde, Giulia Mensitieri explique que «depuis l’extérieur, [la mode] apparaît comme un monde homogène fait de paillettes et de lumière, mais, une fois franchi son seuil, on découvre un espace fortement structuré fonctionnant sur des exclusions permanentes, à la fois économiques, sociales et symboliques».
Une des exclusions les plus visibles est le nombre réduit de femmes et d’hommes LGBT+ à la tête des grands groupes. Dans ce microcosme, la cooptation et la passation de père en fils règne encore. Les hommes hétéros dominent les conseils d’administration des marques, sont directeurs de publication de magazines de mode ou travaillent l’angle financier de la mode, loin des sphères créatives.
Antoine Arnault passe bien du temps sur les défilés, mais parce qu’il fait partie du socle de LVMH. Son couple avec le top model Natalia Vodianova ne fait qu’amplifier son rôle de patron de la mode puissant et hétérosexuel.
En France, ces métiers de pouvoir et d’argent sont intimement liés à un idéal de l’homme viril. Craintifs à l’idée de ne pas correspondre à cet idéal, les jeunes hétéros évitent les formations en mode connotées féminines, comme le stylisme ou le marketing du luxe.
Ancien étudiant en école d’art, Valentin Esquier en a été témoin: «Les gens qui voulaient s’orienter dans la mode, c’étaient les filles, les gays de la classe et un mec qui ne se disait pas gay, mais qui s’est senti obligé de le préciser.»
Part de féminité
L’idéal viril à adopter à tout prix est né juste après la Révolution française, comme l’explique Émilie Coutant, sociologue et présidente du Groupe d’études sur la mode: «C’est l’entrée dans la société moderne qui a entraîné un idéal viril. L’homme devait être civilisé, propre sur lui et ne pas s’intéresser au futile. Ensuite, pendant tout le XIXe siècle, il s’est vu imposer un costume sombre et austère qui correspondait à un ordre idéal viril.»
Pourtant, sous l’Ancien Régime, c’étaient bien les hommes de la cour qui se passionnaient pour le vêtement, la coiffure, le maquillage et les chaussures à talons. Ces aristocrates flamboyants se souciaient peu de la différence entre masculin et féminin, puisque c’était la société d’ordres qui prévalait. Ce goût pour la mode a été effacé de l’histoire pendant deux siècles, sous couvert de virilité.
Depuis la fin des années 1990, les archétypes du féminin et du masculin sont une nouvelle fois bousculés, notamment grâce à la culture gay et aux mouvements féministes. L’homme hétéro est à nouveau appelé à embrasser sa part de féminité, comme le furent les dandys du XIXe siècle.
Montrés du doigt par les hommes comme étant des individus loufoques et égarés du bon chemin, ces derniers étaient également les tombeurs de ces dames, qui raffolaient de cette image d’homme soigné, moustachu et qui savait parler chiffons.
L’homme français n’en est qu’au début de cette métamorphose. Il se rendra bientôt compte qu’accepter et maîtriser son côté féminin n’est pas synonyme de destruction du masculin. Le bleu et le rose ne s’annulent pas: ils peuvent former un sublime violet, la couleur de l’année 2018 selon Pantone.
AT a cocktail party at Chelsea Piers on Sunday night, an annual Toys for Tots charity drive that draws a crowd of mostly gay men, the designer Peter Som wryly observed that there were so many designers, retail executives and publicists present that if the pier collapsed, « there would be no fashion industry tomorrow. »
Two months earlier, Tara Subkoff, the agent provocateur behind the label Imitation of Christ, had remarked during a public forum, with a great deal of irritation, that fashion « is a gay man’s profession. »
Ms. Subkoff was annoyed; Mr. Som was amused.
The difference between their attitudes toward the gay male dominance of the fashion industry, a peculiar and widely acknowledged circumstance, illustrates a growing tension between those who feel they are discriminated against and those who feel somewhat favored by a perception, largely unexamined, that men are better designers than women, and gay men are the best designers of all.
Ms. Subkoff’s remarks, made during a panel discussion of « Generation X Fashion » at the New Yorker Festival in late September, landed like an incendiary device in the fashion world — she also accused Anna Wintour, the editor of Vogue, of supporting only « young, gay men. » A debate has continued ever since on Seventh Avenue over who is most likely to succeed in fashion and also on whether women, who make up most of the customers for this industry, face institutional barriers that limit their advancement on the creative side.
Many female designers perceive that their male counterparts have won more industry honors and are featured more prominently in magazines. On television, they note, advice on style and design is almost invariably sought from a vibrantly gay man — witness « Queer Eye for the Straight Guy, » the new « Isaac » talk show with Isaac Mizrahi on the Style channel and « Project Runway » on Bravo, which began its second season on Wednesday night. Its cast of 16 includes 8 male contestants, 7 of them gay, a spokesman for Bravo said.
« A 30-year-old woman who is not very glamorous, but approaching fashion from a different point of view, maybe would not get the same attention as a young, cute and probably gay man, » said Liz Collins, a knitwear designer who has earned several industry accolades but little commercial success. Ms. Collins, who teaches a textiles course at the Rhode Island School of Design while continuing her signature collection, said she did not believe the industry favors gay men over women, citing the obvious examples of women who have had great success — Coco Chanel, Donna Karan and arguably the most influential designer of modern times, Miuccia Prada. But, Ms. Collins said, she has her own suspicions that she was once denied financing from a state program for small businesses because of her sex.
« There are some really deep-seated tensions and resentment that has existed for a long time about gender in fashion and who gets things, » Ms. Collins said. « A lot of those things are not necessarily real, or true, and they may be just suspicions. But you can look at certain examples of people who have had a faster rise to stardom, and the percentage of gay men is higher. »
There is no way to accurately measure the success rate of designers based on sex or sexual orientation, or, somewhat speciously, to examine if men are more talented at design than women. As Valerie Steele, the chief curator of the Museum of the Fashion Institute of Technology, said: « There is no gay gene for creativity. »
But circumstantial evidence is making some designers wonder about the disparities. Of the young American designers most embraced by retailers and celebrated in the fashion press in recent years, the roll call is almost exclusively male: Zac Posen, Marc Jacobs, Narciso Rodriguez and Mr. Som as well as Jack McCollough and Lazaro Hernandez of Proenza Schouler. Their female contemporaries have had a harder time breaking through, among them Behnaz Sarafpour, Alice Roi and Ms. Subkoff.
« Gay men stick together like a band of brothers, » Ms. Subkoff said in an interview. « It’s more common for a man to bring up a younger assistant » who is male « and be proud of that, » she added, « whereas a woman would be threatened » to promote another woman.
The Council of Fashion Designers of America, a trade group that vets those who apply for membership, is made up of 121 women and 156 men. Since 1986 its annual Perry Ellis awards for young talent have been given to 8 women and 29 men (20 of them openly gay).
« Who’s Who in Fashion, » a directory published by Fairchild Publications, is split 60-40 in favor of men, and « The Encyclopedia of Clothing and Fashion, » published last year by Charles Scribner’s Sons, included entries on 36 female and 69 male designers. No doubt such imbalances reflect in part the fact that fashion, like all professions, has historically been dominated by men because women rarely had careers outside the home until contemporary times.
Some of the reasons women don’t have greater visibility today, insiders say, come down to the same work-life issues affecting women’s progress in fields like law and banking. « Women still prioritize getting married and having babies, » said Norma Kamali, one of the most influential female designers of the past century. « There are fewer women willing to give up the time that is required for this kind of career. It’s about passion, about being so focused that nothing could distract you. »
There are also plentiful examples of female designers who have balanced families and work, including Ms. Karan, Cynthia Rowley and Cynthia Steffe. Dana Buchman built a business with an estimated $150 million in annual sales over 19 years with the philosophy that she shares the lifestyle of a working mother and career woman with her customers. Yet, Ms. Buchman’s success has been little reflected in the news media compared with some designers who have barely started selling clothes.
« I don’t show up in the fashion press a lot, » she said. « If you look at who is touted in the fashion press, it is overwhelmingly young gay men. »
Ms. Wintour declined to comment on Ms. Subkoff’s accusation that she favors gay men among designers prominently featured in Vogue. But other designers came to her defense, noting the November and December issues show dresses by Vera Wang on the cover. There is little dispute that the designs of John Galliano, Mr. Jacobs, Mr. Rodriguez, Olivier Theyskens and Karl Lagerfeld, all prominently featured on Vogue covers this year, merit the spotlight.
In some quarters, the perception exists that fashion’s main consumers, women, are more comfortable taking advice about how they should look from a man. « Men are often better designers for women than other women, » said Tom Ford, the former creative director of Gucci and Yves Saint Laurent, who more than anyone in the past decade built a brand on his own persona, that of a man whose sensual appeal is to both men and women. Whereas Bill Blass, Valentino and Oscar de la Renta founded their empires on the strength of a nonthreatening, nonsexual charisma, Mr. Ford aggressively promoted his sexually charged designs. « Of course there are many more gay male designers, » Mr. Ford said. « I think we are more objective. We don’t come with the baggage of hating certain parts of our bodies. »
Some designers embrace an extreme version of this position. Michael Vollbracht, the current designer of Bill Blass, said he believes that gay men are demonstrably superior at design, their aesthetic formed by a perception of a woman as an idealized fantasy. « I come from a time when gay men dressed women, » Mr. Vollbracht said. « We didn’t bed them. Or at least I didn’t. I am someone who is really pro-homosexual. I am an elitist. I am better than straight people. Women are confused about who they want to be. I believe that male designers have the fantasy level that women do not. »
When women design for other women, Mr. Ford said, they proceed from a standpoint of practicality — not fantasy. « Sometimes women are trapped by their own views of themselves, but some have built careers around that, » he said. « Donna Karan was obsessed with her hips and used her own idiosyncrasies to define her brand. »
Ms. Buchman sees little value in such arguments. If men are more objective, she countered, then women are empathetic, which can be useful in understanding the consumer. « I wear my own clothes, » she said. « I have lived the life of my customer. »
« This disparity is tied in with a lot of areas, not just fashion, where women have achieved less in the eyes of the world, » Ms. Buchman said. « It is puzzling and troubling to me as a 1970’s feminist but who knows, maybe this generation will be the one to change it all. »
That some designers would consider there to be a difference in ability between the sexes echoes the results of a survey issued in October by Catalyst, a nonprofit research firm that studies women in the workplace. The report said senior managers in many industries automatically used gender stereotypes, for example that men are more ambitious or better problem solvers, when judging qualifications for leadership roles.
« We can’t explain the gender gap away by differences in qualifications, ambitions or success strategies, » said Jeanine Prime, the author of the study. « A lot of it still has to do with the perception that women don’t have the right leadership stuff. There are a lot of barriers that men just don’t face. » Catalyst’s survey of women in senior management positions showed that those women have the same ambitions as men.
The large number of visible gay men in fashion, say many in the industry, traces to the fact that Seventh Avenue has seemed a less homophobic career choice than, say, law enforcement or Wall Street. And the prominence of gay men enjoying fame and prosperity draws others into the field.
Paradoxically, at the grass roots many more women seek entry to the industry than men. Fewer than 7 percent of students in the fashion department at the Parsons the New School for Design in New York are men, said Timothy Gunn, the department chairman. That figure that has been declining for a decade. At the Fashion Institute of Technology, the city’s other leading fashion college, the student body is 85 percent women.
Even though women are entering the industry at the bottom, they are not rising proportionally to the top. « It’s startling to think about it, » said Mary Gehlhar, the fashion director of Gen Art, a nonprofit organization that showcases new designers and artists. In her database of designers there are far more women than men with their own labels, but fewer cases of measurable success. « You don’t necessarily see that at all in the press, » she said. « With more publicity and awards, like the Vogue Fashion Fund, the finalists for a lot of those things do tend to be often male. »
Fashion, unlike finance or politics, has always included some women at the top. But their visibility has not increased incrementally over the decades like other professions. In the 1920’s and 30’s, there were many female designers — Alix Grès, Elsa Schiaparelli and Chanel — but after World War II, the big names were male — Bill Blass, Yves Saint Laurent and Pierre Cardin. Ms. Steele of F.I.T. said the change could be attributed to the evolving role of women in society, from one of strength and independence before the war to the postwar ideal of a feminine mystique.
Likewise, the impression that gay men are more likely to succeed in fashion today, she said, is a reflection of contemporary attitudes and stereotypes.
« There are all of these unexamined and frankly invalid ideas that still seem to be bandied about, » Ms. Steele said. « I think there are more likely cultural and sociopolitical explanations. But the perception that all good designers are men and that all male designers are gay, which Rudi Gernreich said 30 years ago, all gets down to the totally unprovable to the grossly homophobic. »