Réseaux sociaux: Facebook confirme Girard (Universal theater of envy: Welcome to the brave new world of mimetic desire that social media has now brought to our personal computers !)

31 décembre, 2018

Facebook could trigger envy, depression – new study - YouTube

Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. Exode 20: 17
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. Jésus (Matthieu 25: 40)
Comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. (…) Là où le péché abonde, la grâce surabonde. Paul (Romains 5 : 18-20)
Les envieux mourront, mais non jamais l’envie. Molière (Tartuffe, V, III)
Il ne faut pas dissimuler que les institutions démocratiques développent à un très haut niveau le sentiment de l’envie dans le coeur humain. Ce n’est point tant parce qu’elle offrent à chacun les moyens de s’égaler aux autres, mais parce que ces moyens défaillent sans cesse à ceux qui les emploient. Les institutions démocratiques réveillent et flattent la passion de l’égalité sans pouvoir jamais la satisfaire entièrement. Cette égalité complète s’échappe tous les jours des mains du peuples au moment où il croit la saisir, et fuit, comme dit Pascal, d’une fuite éternelle; le peuple s’échauffe à la recherche de ce bien d’autant plus précieux qu’il est assez proche pour être connu et assez loin pour ne pas être goûté. Tout ce qui le dépasse par quelque endroit lui paraît un obstacle à ses désirs, et il n’y a pas de supériorité si légitime dont la vue ne fatigue ses yeux. Tocqueville
Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté. Tocqueville
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Si le Décalogue consacre son commandement ultime à interdire le désir des biens du prochain, c’est parce qu’il reconnaît lucidement dans ce désir le responsable des violences interdites dans les quatre commandements qui le précèdent. Si on cessait de désirer les biens du prochain, on ne se rendrait jamais coupable ni de meurtre, ni d’adultère, ni de vol, ni de faux témoignage. Si le dixième commandement était respecté, il rendrait superflus les quatre commandements qui le précèdent. Au lieu de commencer par la cause et de poursuivre par les conséquences, comme ferait un exposé philosophique, le Décalogue suit l’ordre inverse. Il pare d’abord au plus pressé: pour écarter la violence, il interdit les actions violentes. Il se retourne ensuite vers la cause et découvre le désir inspiré par le prochain. René Girard
Si Jésus ne parle jamais en termes d’interdits et toujours en termes de modèles et d’imitation, c’est parce qu’il tire jusqu’au bout la leçon du dixième commandement. Ce n’est pas par narcissisme qu’il nous recommande de l’imiter lui-même, c’est pour nous détourner des rivalités mimétiques. Sur quoi exactement l’imitation de Jésus-Christ doit-elle porter ? Ce ne peut pas être sur ses façons d’être ou ses habitudes personnelles : il n’est jamais question de cela dans les Evangiles. Jésus ne propose pas non plus une règle de vie ascétique au sens de Thomas a Kempis et de sa célèbre Imitation de Jésus-Christ, si admirable que soit cet ouvrage. Ce que Jésus nous invite à imiter c’est son propre désir, c’est l’élan qui le dirige lui, Jésus, vers le but qu’il s’est fixé : ressembler le plus possible à Dieu le Père. L’invitation à imiter le désir de Jésus peut sembler paradoxale car Jésus ne prétend pas posséder de désir propre, de désir « bien à lui ». Contrairement à ce que nous prétendons nous-mêmes, il ne prétend pas « être lui-même », il ne se flatte pas de « n’obéir qu’à son propre désir ». Son but est de devenir l’image parfaite de Dieu. Il consacre donc toutes ses forces à imiter ce Père. En nous invitant à l’imiter lui, il nous invite à imiter sa propre imitation. Loin d’être paradoxale, cette invitation est plus raisonnable que celle de nos gourous modernes. Ceux-ci nous invitent tous à faire le contraire de ce qu’ils font eux-mêmes, ou tout au moins prétendent faire. Chacun d’eux demande à ses disciples d’imiter en lui le grand homme qui n’imite personne. Jésus, tout au contraire, nous invite à faire ce qu’il fait lui-même, à devenir tout comme lui un imitateur de Dieu le Père. Pourquoi Jésus regarde-t-il le Père et lui-même comme les meilleurs modèles pour tous les hommes ? Parce que ni le Père ni le Fils ne désirent avidement, égoïstement. Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Il donne aux hommes sans compter, sans marquer entre eux la moindre différence. Il laisse les mauvaises herbes pousser avec les bonnes jusqu’au temps de la moisson. Si nous imitons le désintéressement divin, jamais le piège des rivalités mimétiques ne se refermera sur nous. C’est pourquoi Jésus dit aussi : « Demandez et l’on vous donnera… » Lorsque Jésus déclare que, loin d’abolir la Loi, il l’accomplit, il formule une conséquence logique de son enseignement. Le but de la Loi, c’est la paix entre les hommes. Jésus ne méprise jamais la Loi, même lorsqu’elle prend la forme des interdits. A la différence des penseurs modernes, il sait très bien que, pour empêcher les conflits, il faut commencer par les interdits. L’inconvénient des interdits, toutefois, c’est qu’ils ne jouent pas leur rôle de façon satisfaisante. Leur caractère surtout négatif, saint Paul l’a bien vu, chatouille en nous, forcément, la tendance mimétique à la transgression. La meilleure façon de prévenir la violence consiste non pas à interdire des objets, ou même le désir rivalitaire, comme fait le dixième commandement, mais à fournir aux hommes le modèle qui, au lieu de les entraîner dans les rivalités mimétiques, les en protégera. (…) Loin de surgir dans un univers exempt d’imitation, le commandement d’imiter Jésus s’adresse à des êtres pénétrés de mimétisme. Les non-chrétiens s’imaginent que, pour se convertir, il leur faudrait renoncer à une autonomie que tous les hommes possèdent naturellement, une autonomie dont Jésus voudrait les priver. En réalité, dès que nous imitons Jésus, nous nous découvrons imitateurs depuis toujours. Notre aspiration à l’autonomie nous agenouillait devant des êtres qui, même s’ils ne sont pas pires que nous, n’en sont pas moins de mauvais modèles en ceci que nous ne pouvons pas les imiter sans tomber avec eux dans le piège des rivalités inextricables. (…) Même si le mimétisme du désir humain est le grand responsable des violences qui nous accablent, il ne faut pas en conclure que le désir mimétique est mauvais. Si nos désirs n’étaient pas mimétiques, ils seraient à jamais fixés sur des objets prédéterminés, ils seraient une forme particulière d’instinct. Les hommes ne pourraient pas plus changer de désir que les vaches dans un pré. Sans désir mimétique il n’y aurait ni liberté ni humanité. Le désir mimétique est intrinsèquement bon. L’homme est cette créature qui a perdu une partie de son instinct animal pour accéder à ce qu’on appelle le désir. Une fois leurs besoins naturels assouvis, les hommes désirent intensément, mais ils ne savent pas exactement quoi car aucun instinct ne les guide. Ils n’ont pas de désir propre. Le propre du désir est de ne pas être propre. Pour désirer vraiment, nous devons recourir aux hommes qui nous entourent, nous devons leur emprunter leurs désirs. Cet emprunt se fait souvent sans que ni le prêteur ni l’emprunteur s’en aperçoivent. Ce n’est pas seulement leur désir qu’on emprunte à ceux qu’on prend pour modèles c’est une foule de comportements, d’attitudes, de savoirs, de préjugés, de préférences, etc., au sein desquels l’emprunt le plus lourd de conséquences, le désir, passe souvent inaperçu. La seule culture vraiment nôtre n’est pas celle où nous sommes nés, c’est la culture dont nous imitons les modèles à l’âge où notre puissance d’assimilation mimétique est la plus grande. Si leur désir n’était pas mimétique, si les enfants ne choisissaient pas pour modèles, forcément, les êtres humains qui les entourent, l’humanité n’aurait ni langage ni culture. Si le désir n’était pas mimétique, nous ne serions ouverts ni à l’humain ni au divin. C’est dans ce dernier domaine, nécessairement, que notre incertitude est la plus grande et notre besoin de modèles le plus intense. René Girard (Je vois Satan tomber comme l’éclair)
Nous sommes encore proches de cette période des grandes expositions internationales qui regardait de façon utopique la mondialisation comme l’Exposition de Londres – la « Fameuse » dont parle Dostoievski, les expositions de Paris… Plus on s’approche de la vraie mondialisation plus on s’aperçoit que la non-différence ce n’est pas du tout la paix parmi les hommes mais ce peut être la rivalité mimétique la plus extravagante. On était encore dans cette idée selon laquelle on vivait dans le même monde: on n’est plus séparé par rien de ce qui séparait les hommes auparavant donc c’est forcément le paradis. Ce que voulait la Révolution française. Après la nuit du 4 août, plus de problème ! René Girard
L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la « différence », alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la « concurrence », la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde « différent » du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette « différence » qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. (…) Ce qui se vit aujourd’hui est une forme de rivalité mimétique à l’échelle planétaire. Lorsque j’ai lu les premiers documents de Ben Laden, constaté ses allusions aux bombes américaines tombées sur le Japon, je me suis senti d’emblée à un niveau qui est au-delà de l’islam, celui de la planète entière. Sous l’étiquette de l’islam, on trouve une volonté de rallier et de mobiliser tout un tiers-monde de frustrés et de victimes dans leurs rapports de rivalité mimétique avec l’Occident. Mais les tours détruites occupaient autant d’étrangers que d’Américains. Et par leur efficacité, par la sophistication des moyens employés, par la connaissance qu’ils avaient des Etats-Unis, par leurs conditions d’entraînement, les auteurs des attentats n’étaient-ils pas un peu américains ? On est en plein mimétisme.Ce sentiment n’est pas vrai des masses, mais des dirigeants. Sur le plan de la fortune personnelle, on sait qu’un homme comme Ben Laden n’a rien à envier à personne. Et combien de chefs de parti ou de faction sont dans cette situation intermédiaire, identique à la sienne. Regardez un Mirabeau au début de la Révolution française : il a un pied dans un camp et un pied dans l’autre, et il n’en vit que de manière plus aiguë son ressentiment. Aux Etats-Unis, des immigrés s’intègrent avec facilité, alors que d’autres, même si leur réussite est éclatante, vivent aussi dans un déchirement et un ressentiment permanents. Parce qu’ils sont ramenés à leur enfance, à des frustrations et des humiliations héritées du passé. Cette dimension est essentielle, en particulier chez des musulmans qui ont des traditions de fierté et un style de rapports individuels encore proche de la féodalité. (…) Cette concurrence mimétique, quand elle est malheureuse, ressort toujours, à un moment donné, sous une forme violente. A cet égard, c’est l’islam qui fournit aujourd’hui le ciment qu’on trouvait autrefois dans le marxisme.  René Girard
Notre monde est de plus en plus imprégné par cette vérité évangélique de l’innocence des victimes. L’attention qu’on porte aux victimes a commencé au Moyen Age, avec l’invention de l’hôpital. L’Hôtel-Dieu, comme on disait, accueillait toutes les victimes, indépendamment de leur origine. Les sociétés primitives n’étaient pas inhumaines, mais elles n’avaient d’attention que pour leurs membres. Le monde moderne a inventé la « victime inconnue », comme on dirait aujourd’hui le « soldat inconnu ». Le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales, notre souci des victimes et notre attention à ne pas nous fabriquer de boucs émissaires, ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent. René Girard
« Que celui qui se croit sans péché lui jette la première pierre ! » Pourquoi la première pierre ? Parce qu’elle est seule décisive. Celui qui la jette n’a personne à imiter. Rien de plus facile que d’imiter un exemple déjà donné. Donner soi-même l’exemple est tout autre chose. La foule est mimétiquement mobilisée, mais il lui reste un dernier seuil à franchir, celui de la violence réelle. Si quelqu’un jetait la première pierre, aussitôt les pierres pleuvraient. En attirant l’attention sur la première pierre, la parole de Jésus renforce cet obstacle ultime à la lapidation. Il donne aux meilleurs de cette foule le temps d’entendre sa parole et de s’examiner eux-mêmes. S’il est réel, cet examen ne peut manquer de découvrir le rapport circulaire de la victime et du bourreau. Le scandale qu’incarne cette femme à leurs yeux, ces hommes le portent déjà en eux-mêmes, et c’est pour s’en débarrasser qu’ils le projettent sur elle, d’autant plus aisément, bien sûr, qu’elle est vraiment coupable. Pour lapider une victime de bon coeur, il faut se croire différent d’elle, et la convergence mimétique, je le rappelle, s’accompagne d’une illusion de divergence. C’est la convergence réelle combinée avec l’illusion de divergence qui déclenche ce que Jésus cherche à prévenir, le mécanisme du bouc émissaire. La foule précède l’individu. Ne devient vraiment individu que celui qui, se détachant de la foule, échappe à l’unanimité violente. Tous ne sont pas capables d’autant d’initiative. Ceux qui en sont capables se détachent les premiers et, ce faisant, empêchent la lapidation. (…) A côté des temps individuels, donc, il y a toujours un temps social dans notre texte, mais il singe désormais les temps individuels, c’est le temps des modes et des engouements politiques, intellectuels, etc. Le temps reste ponctué par des mécanismes mimétiques. Sortir de la foule le premier, renoncer le premier à jeter des pierres, c’est prendre le risque d’en recevoir. La décision en sens inverse aurait été plus facile, car elle se situait dans le droit fil d’un emballement mimétique déjà amorcé. La première pierre est moins mimétique que les suivantes, mais elle n’en est pas moins portée par la vague de mimétisme qui a engendré la foule. Et les premiers à décider contre la lapidation ? Faut-il penser que chez eux au moins il n’y a aucune imitation ? Certainement pas. Même là il y en a, puisque c’est Jésus qui suggère à ces hommes d’agir comme ils le font. La décision contre la violence resterait impossible, nous dit le christianisme, sans cet Esprit divin qui s’appelle le Paraclet, c’est-à-dire, en grec ordinaire, « l’avocat de la défense » : c’est bien ici le rôle de Jésus lui-même. Il laisse d’ailleurs entendre qu’il est lui-même le premier Paraclet, le premier défenseur des victimes. Et il l’est surtout par la Passion qui est ici, bien sûr, sous-entendue. La théorie mimétique insiste sur le suivisme universel, sur l’impuissance des hommes à ne pas imiter les exemples les plus faciles, les plus suivis, parce que c’est cela qui prédomine dans toute société. Il ne faut pas en conclure qu’elle nie la liberté individuelle. En situant la décision véritable dans son contexte vrai, celui des contagions mimétiques partout présentes, cette théorie donne à ce qui n’est pas mécanique, et qui pourtant ne diffère pas du tout dans sa forme de ce qui l’est, un relief que la libre décision n’a pas chez les penseurs qui ont toujours la liberté à la bouche et de ce fait même, croyant l’exalter, la dévaluent complètement. Si on glorifie le décisif sans voir ce qui le rend très difficile, on ne sort jamais de la métaphysique la plus creuse. Même le renoncement au mimétisme violent ne peut pas se répandre sans se transformer en mécanisme social, en mimétisme aveugle. Il y a une lapidation à l’envers symétrique de la lapidation à l’endroit non dénuée de violence, elle aussi. C’est ce que montrent bien les parodies de notre temps. Tous ceux qui auraient jeté des pierres s’il s’était trouvé quelqu’un pour jeter la première sont mimétiquement amenés à n’en pas jeter. Pour la plupart d’entre eux, la vraie raison de la non-violence n’est pas la dure réflexion sur soi, le renoncement à la violence : c’est le mimétisme, comme d’habitude. Il y a toujours emballement mimétique dans une direction ou dans une autre. En s’engouffrant dans la direction déjà choisie par les premiers, les « mimic men » se félicitent de leur esprit de décision et de liberté. Il ne faut pas se leurrer. Dans une société qui ne lapide plus les femmes adultères, beaucoup d’hommes n’ont pas vraiment changé. La violence est moindre, mieux dissimulée, mais structurellement identique à ce qu’elle a toujours été. Il n’y a pas sortie authentique du mimétisme, mais soumission mimétique à une culture qui prône cette sortie. Dans toute aventure sociale, quelle qu’en soit la nature, la part d’individualisme authentique est forcément minime mais pas inexistante. Il ne faut pas oublier surtout que le mimétisme qui épargne les victimes est infiniment supérieur objectivement, moralement, à celui qui les tue à coups de pierres. Il faut laisser les fausses équivalences à Nietzsche et aux esthétismes décadents. Le récit de la femme adultère nous fait voir que des comportements sociaux identiques dans leur forme et même jusqu’à un certain point dans leur fond, puisqu’ils sont tous mimétiques, peuvent néanmoins différer les uns des autres à l’infini. La part de mécanisme et de liberté qu’ils comportent est infiniment variable. Mais cette inépuisable diversité ne prouve rien en faveur du nihilisme cognitif ; elle ne prouve pas que les comportements sont incomparables et inconnaissables. Tout ce que nous avons besoin de connaître pour résister aux automatismes sociaux, aux contagions mimétiques galopantes, est accessible à la connaissance. René Girard
Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour. (…) Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50) (…) Livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité. (…) Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants. (…) En même temps, le devoir du chrétien est de dénoncer le péché là où il se trouve. Le communisme a pu s’effondrer sans violence parce que le monde libre et le monde communiste avaient accepté de ne plus remettre en cause les frontières existantes ; à l’intérieur de ces frontières, des millions de chrétiens ont combattu sans violence pour la vérité, pour que la lumière soit faite sur le mensonge et la violence des régimes qui asservissaient leurs pays. Encore une fois, face au danger de mimétisme universel de la violence, vous n’avez qu’une réponse possible : le christianisme. René Girard
Our supposedly insatiable appetite for the forbidden stops short of envy. Primitive cultures fear and repress envy so much that they have no word for it; we hardly use the one we have, and this fact must be significant. We no longer prohibit many actions that generate envy, but silently ostracize whatever can remind us of its presence in our midst. Psychic phenomena, we are told, are important in proportion to the resistance they generate toward revelation. If we apply this yardstick to envy as well as to what psychoanalysis designates as repressed, which of the two will make the more plausible candidate for the role of best-defended secret? René Girard
In the affluent West, we live in a world where there is less and less need therefore and more and more desire…. One has today real possibilities of true autonomy, of individual judgments. However, those possibilities are more commonly sold down the river in favour of false individuality, of negative mimesis…. The only way modernity can be defined is the universalization of internal mediation, for one doesn’t have areas of life that would keep people apart from each other, and that would mean that the construction of our beliefs and identity cannot but have strong mimetic components. René Girard
Ce n’est pas parce qu’on a écrit un traité de quatre-cents pages sur les tornades qu’on doit en écrire un aussi long sur le beau temps. (…) Cela ne signifie pas que la violence est fondatrice des relations humaines, seulement que les institutions doivent tenir compte de la violence que l’imitation produit comme une sorte d’effet secondaire. (…) La primauté  de l’amour maternel, qui nous semble si naturelle aujoud’hui, n’était pas toujours assurée. René Girard
Although the literary theorist and anthropologist René Girard has many Silicon Valley disciples, surely the most notable of them is the German-born venture capitalist and founder of PayPal, Peter Thiel. A student of Girard’s while at Stanford in the late 1980s, Thiel would go on to report, in several interviews, and somewhat more sub-rosa in his 2014 book, From Zero to One, that Girard is his greatest intellectual inspiration. He is in the habit of recommending Girard’s Things Hidden Since the Foundation of the World (1978) to others in the tech industry. (…) For Girard, everything is imitation. Or rather, every human action that rises above “merely” biological appetite and that is experienced as desire for a given object, in fact is not a desire for that object itself, but a desire to have the object that somebody else already has. This makes obvious sense, in a Veblenian key — plainly, indisputably, nobody wants a Rolex simply in order to be able to keep track of the passage of time with greater precision. Girard notes that the Old Testament authors were lucid enough about human motivation to tackle mimetic desire explicitly in at least four of the Ten Commandments, most notably in the prohibition on coveting, specifically, your neighbor’s goods. The great problem of our shared social existence is not wanting things, it’s wanting things because they are someone else’s. Of course, the problem did not go away with the prohibition, and for Girard this can only be because it is the universal basis of all human culture. Desire for what the other person has brings about a situation in which individuals in a community grow more similar to one another over time in a process of competition-cum-emulation. Such dual-natured social encounters, more precisely, are typical of people who are socially more or less equal. In relation to a movie star who does not even know some average schlub exists, that schlub can experience only emulation (this is what Girard calls “external mediation”), but in relation to a fellow schlub down the street (a “neighbor” in the Girardian-Biblical sense), emulation is a much more intimate affair (“internal mediation”, Girard calls it), which necessarily carries with it a simultaneous negative charge of desire to annihilate the person we seek to resemble. Among neighbors, the object of desire itself is eventually forgotten in the course of this process, and at the end the competitors stand in relation to one another as “doubles”: neither recalls what that thing is that the other had and that he or she wanted, and each has become undifferentiable from the other. This is the moment of what Girard calls “mimetic crisis”, which is resolved by the selection of a scapegoat, whose casting-out from the community has the salvific effect of unifying the opposed but undifferentiated doubles. The scapegoat occupies a liminal status between the sacred and the despised (compare Giorgio Agamben’s analysis of the dual meaning of the sacred as exemplified by the figure of the Homo sacer), and is in many cultures someone with a notable physical and mental disability — people with albinism, for example, are a common target in much of sub-Saharan Africa. In a community in which the mimetic mechanism has led to widespread non-differentiation, or in other words to a high degree of conformity, it can however happen that scapegoating approaches something like the horror scenario in Shirley Jackson’s 1948 tale, “The Lottery”. As Girard explains in an interview, published in 2004 under the title Les origines de la culture, “The more undifferentiated people become, the easier it is to decide that any one of them whatsoever is guilty”. (…) One cannot help but be touched by Girard’s desultory, go-it-alone method. He seems to have sought to stay on at Indiana after his Ph.D., but was driven away after failing to publish anything at all — he is consistently reproached by his American colleagues of “spreading himself too thin” (“C’est vous comparer à un trop petit morceau de beurre pour une trop grande tartine,” he will later explain for a French audience unfamiliar with the idiom). He somehow ends up next in Baltimore, where he has a hand in organizing the infamous meeting at Johns Hopkins that brought Jacques Derrida, Jacques Lacan, et al., to America in 1966 — recalling this event, Girard will later riff on Freud’s arrival in the US three decades earlier, when, coming into New York Harbor for his first visit, the psychoanalyst reportedly declared: “I have brought the plague”. Lacan played the clown, insisting on giving his talk in English even though he readily admitted he had basically zero knowledge of the language. Derrida mesmerized. Girard seems to have been there in a mostly organizational capacity — organizing the bringing of the plague, that is. In any case he does not seem to have met any truly like-minded people at this superspreader event. French theory on American shores has always been a dialogue des sourds, and Girard was already playing the American, which is to say enjoying the spectacle of all those puffed-up mandarins. Circumstances would soon bring Girard from Hopkins to SUNY Buffalo, where he developed a life-long interest in Shakespeare. He recalls, in the interview already quoted, having discovered the Bard while watching a theater production on TV. Now your typical high-mandarin French intellectual is not likely to admit that his knowledge of Shakespeare comes from solitary evenings watching the Buffalo PBS affiliate (presumably). But Girard is not your typical French intellectual. He is a would-be French civil-servant archivist gone rogue, via Bloomington, Baltimore, Buffalo, and finally at Stanford, where his individual brand of New World self-reinvention would be well-received by some in the Silicon Valley subculture of, let us say, hyper-Whitmanian intellectual invention and reinvention. (…) In a 2014 interview with Business Insider, Thiel is confronted directly with the question as to how, concretely, his former professor inspires his understanding of the workings of the tech industry. The venture capitalist attempts to illustrate with an example of the theory of mimetic desire at work in Silicon Valley: “When the payments company Square came out with its flagship credit card reader, competitors jumped in one after the other to do the same thing with triangles or half-moons instead of squares.” It is assuredly true that start-ups imitate one another, but I do not see anything more powerfully explanatory of this phenomenon in the work of Girard than in, say, Roland Barthes’s analysis of haute-couture in his ingenious 1967 System of Fashion, or for that matter Thorstein Veblen on conspicuous consumption, or indeed any number of other authors who have noticed that indubitable truth of human existence: that we copy each other. This hardly counts as a theoretical insight at all, so much as one of the given features of all human cultural life that presents itself at the outset as in need of theoretical explanation. Girard does, to be fair, offer some such explanation, but Thiel does not seem to have retained any of this. For him “Girard” stands mostly as a shorthand name for this pretheoretical fact, instances of which are of course multiplied in Silicon Valley life, as everywhere else. What about the other element of Girard’s theory, the scapegoat mechanism? Here Thiel’s preferred instance is particularly flat-footed: “As for scapegoating,” he says, “what happened to Bill Gates during the antitrust prosecution of Microsoft is a great example of the tendency to gang up and blame one person.” If you thought antitrust cases were about maintaining a rationally regulated system of moderate free-market capitalism that encourages competition and innovation, think again: go back to Girard, with his faithful student as guide, and find the primordial origins of the Microsoft lawsuit in the Vedic sacrifice of the cosmic horse. Thiel’s demoticized Girard would over the next years become a thoroughly vulgarized Girard, so that by 2018 there were online articles being generated —perhaps by bots, perhaps in offshore content-factories— with titles like “How the Idea of a French Philosopher Can Save Your E-Commerce Business”. “Rene Girad [sic, sic], a French Philosopher,” this particular article tells us, “has given a solid theory of human desire that can save anyone’s E-commerce.” Again, it is not that one wants to discourage a struggling Amazon-partnered retailer from reading French philosophy, but only that it is not at all clear that Girard is any better placed than any number of other theorists to provide any practical tools to help an e-merchant along towards his or her narrow goals — let alone to provide anything like a critique of the ideological structures that have imposed these goals. But whatever has money behind it will inevitably have intelligent-looking people at least pretending to take it seriously, and with the foundation of the Imitatio Project by the Thiel Foundation (executive director Jimmy Kaltreider, a principal at Thiel Capital), the study and promotion of Girardian mimetic theory is by now a solid edifice in the intellectual landscape of California. For Girard, there is at least some desire that falls outside of the logic of mimesis, but only because it is a sort of proto-desire, a merely biological drive. I am naturally wary of human-scientists who seek to contain the biological with modifiers such as “merely”, but with Girard what frustrates me even more is that he does not seem to detect the non-mimetic varieties of desire that would seem to await us beyond, rather than before, desire that is coupled with imitation. For the sake of an example, let us return to that old, discomforting observation from Claude Lévi-Strauss according to which the “exchange” of women is the foundation of traditional societies, manifesting itself as “kinship”, and that therefore women are a good comparable to cattle (Françoise Héritier compellingly critiques this element of her teacher’s theory). Whether this is a correct account of society in general, it is at least true that some men seek out young, attractive, glamorous women in the aim of enhancing their own social status — the pure delectation in the other’s beauty may be at least part of the man’s satisfaction in the pairing, but it seems fair to say that this delectation is often inseparable from the self-contentment he feels at the status-enhancement she confers to him, and that achieving this status is in turn inseparable from depriving other men of the opportunity to achieve it. This is certainly the subtext of countless commercial-rap-music videos (or Romanian manele, or Serbian turbofolk, or any number of other analogous musical forms in the Balkans or elsewhere), which do not seem anthropologically far, in their smooth blending of the iconic images of luxury products with images of beautiful women, from a pastoralist society’s ceremonial display of prize cattle. But, pace Girard, we must admit that at least on occasion it happens that a vain and foolish man falls sincerely in love with his trophy wife. That is, at least sometimes a man “acquires” a woman by the logic of neighborly competition and status anxiety, but then discovers that she has a soul too, and is worthy of love just like any human being, quite apart from her significance for his social status. Such love strikes me as an instance of post-mimetic desire, just as we might say that “mere” appetite is pre-mimetic desire. Girard does not seem prepared to acknowledge it, at least not in a theoretical vein (though he seems to have been happily married). And come to think of it, nor is it inconceivable that some status-obsessed fellow should buy a Rolex, only to find that his early tutorials in its proper care and maintenance draw him into a world of sincere and nerdy love of Swiss precision chronometry. I confess many of my own interests have followed such an evolution, even if they seem far away from the logic of material acquisitiveness: I start doing something because I think it will make me look cool, and I keep doing it because I discover it is itself cool. Perhaps even more worrisome for Girard’s mimetic theory is that it appears to leave out all those instances in which imitation serves as a force for social cohesion and cannot plausibly be said to involve any process of “internal mediation” leading to a culmination in scapegoating. In this respect, we might adapt Michel Serres’s comment and say not so much that Girard is the human-scientists’ Darwin, as that he is their Herbert Spencer, and just as the nineteenth century’s idea of evolution as ruthless competition needed to be supplemented by rigorous accounts of the evolutionary role of altruism in the twentieth century, so too might we say that Girard is missing at least half the story. Most ritual, in fact, strikes me as characterized by imitation without internal mediation or scapegoating. Indeed, still in infancy, before we have any idea of ourselves as occupying any social node at all, we respond to music with rhythmic motions of the body, feeling ourselves taken up in a sort of cosmic repetition of something, be it only a sequence of drumbeats, that somehow expresses the true nature of our existence. Eventually, this repetition develops into dancing with others, and this dancing may be given ritual meaning — a social significance encoded by human bodies doing the same thing simultaneously, and therefore in some sense becoming identical, but without any underlying desire at all to annihilate one another. It is this significance that the Australian poet Les Murray sees as constituting the essence of both poetry and religion: both are performed, as he puts it, “in loving repetition”. I often think of a video I saw, and cannot now locate, of Cameroonian Baka hunters performing a dance that is a reenactment of their most recent hunt. In a sort of conga-line formation, they weave up and down, imitating the motion of an animal through the forest, but also becoming, relative to one another, like the metameric segments of a millipede. This is pure imitation, without internal mediation, and it seems to me fair to say that it is indeed the foundation of human society. Nor is it irrelevant that the Baka organize this foundational ritual around a reenactment of the hunt. Contrary to Girard’s theory of the scapegoat, a promising alternative account of sacrifice has been defended by such thinkers as the pioneering classicist Walter Burkert, for whom the origins of culture lie in a recognition of the transgressive nature of the killing of animals — even if it is necessary for human life, the spilling of animal blood is a sufficiently powerful action to knock the cosmos out of alignment, and it is only by rituals of atonement that it may be set right again. To kill an animal is not merely to satisfy an appetite, but to enter into sociocosmic relations with the natural world, and, by offering a sacrificed portion of it to the gods, to enter also into relation with the supernatural. On such an account, it is only with the rise of states over the past few thousand years that ritual slaughter and sacrifice turned on occasion to human targets, and in this light the scapegoating of humans may be seen as an attenuated instance of what in the most extreme cases may be enacted by a high priest pulling out another man’s beating heart. Rather than seeing scapegoating as laying a load on a chosen individual human and punishing him or her, for reasons that cannot possibly be articulated in the terms of any modern liberal theory of justice, thereby canceling out the desire among individuals in a community to annihilate one another, we might do better to see it within the larger frame of the ecology of human communities, and the role of ritual in the adaptation of these communities to their ecological niches. At the basis of ritual, as Les Murray understood, there lies repetition. It is significant that in French the verb répéter is used to mean both “to repeat” but also “to practice” (for example, to practice a musical instrument or a dance routine, or to rehearse for a play). At one moment in the 2004 interview already cited, Girard seems to come around to the sort of view of ritual that I have been attempting to sketch, on which it is a communal processing of the inevitabilities of our existence in nature. “Primitive societies,” he writes, using an outmoded term evocative of the era of pith-helmeted British colonial anthropologists who so influenced him, “do not repeat [ne répètent pas] in order to learn, like schoolchildren, they repeat in order not to have any more violence, but in the end these come out to the same thing”. The Baka sublimation of the hunt and the Eliasian “civilizing process” as two instances of the same general phenomenon of becoming human: this is an explanation I could get behind. But in such repetitions there is no (human) scapegoat to dwell on, so soon enough Girard leaves this promising line of thinking behind and returns to his pair of treasured hobby-horses, like Uncle Toby forever reliving the same old battles. On my understanding, the human sciences differ from the natural sciences primarily to the extent that we humanists are not looking for fundamental mechanisms that explain everything. We are rather interested in surveying the diversity of the expressions of humanity, cataloguing them, and waiting, but not impatiently, for patterns to appear. There are different kinds of theorists, of course, and there is plenty of room for all of us. It is however somewhat a shame that the everything-explainers, the hammerers for whom all is nail, should be the ones so consistently to capture the popular imagination. How refreshing it is when we come across a footnote in Girard’s work to the infinitely curious and suitably modest Carlo Ginzburg! What an attractive alternative model of the intellectual! Part of Girard’s appeal in the Silicon Valley setting lies not only in his totalizing urge, but also in his embrace of a certain interpretation of Catholicism that stresses the naturalness of hierarchy, all the way up to the archangels, rather than the radical egalitarianism of other tendencies within this faith. At one amusing point in the interview from which I have been liberally citing, Girard explains that the positive reception in France of his On Things Hidden Since the Foundation of the World had to do with the widespread misreading of it as a work of anti-Christian theory. “If they had known that there is no hostility in me towards the Church, they would have dismissed me. I appeared as the heretic, the revolted person that one has to be in order to reassure the media. If they had known that I do not feel oppressed by western phallocracy, or even by the pope, they would have dropped me real quick”. Peter Thiel, for his part, certainly does not seem to feel oppressed by western phallocracy either — in fact he appears intent on coming out somewhere at the top of the phallocratic order, and in any case has explicitly stated that the aspirations of liberal democracy towards freedom and equality for all should rightly be seen as a thing of the past. In his demotic glosses on Girard, the venture capitalist also seems happy to promote the Girardian version of Catholicism as a clerical institution ideally suited to the newly emerging techno-feudalist order. Justin E. H. Smith
Dans notre époque où il n’est plus indécent de se vanter de manipulations en tous genres, le marketing a franchi un pas décisif grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Il avait compris depuis longtemps les mécanismes du mimétisme et le rôle des modèles dans les décisions d’achat : la publicité n’a cessé d’en jouer. Mais délibérément ou en suivant un mouvement dont il n’a pas eu l’initiative, le marketing vient de révéler le pot aux roses. Des modèles de consommation officiels ont désormais un nom : influenceuses ou influenceurs. Et les victimes du désir mimétique sont des « followers », autrement dit des suiveurs ou des suiveuses des conseils ainsi dispensés. Ces modèles ont le plus souvent des comptes Instagram ou des chaînes YouTube. Ils parlent de beauté, de mode, de voyages, de sport, de culture… bref interviennent dans autant de marchés sur lesquels ils sont susceptibles d’orienter des comportements de consommation. Du point de vue de la théorie mimétique, ils sont plutôt des médiateurs externes, insusceptibles d’entrer en rivalité avec la plupart de leurs suiveurs, si ce n’est certains d’entre eux mus par leur ressentiment et qui sont dénommés « haters », donc haineux. Nous retrouvons ici les passions stendhaliennes de l’envie, de la jalousie et de la haine impuissante ou encore la figure du narrateur des Carnets du sous-sol de Dostoïevski, cet homme du ressentiment par excellence. La puissance des influenceurs se mesure au volume et à la croissance du nombre de leurs suiveurs. En découle une valeur économique qui se traduit par les rémunérations que leur servent les marques promues. Mais la relation n’est pas si simple : elle suppose aussi que l’influenceur donne des gages d’indépendance à ceux qui suivent leurs conseils. L’influenceur ne peut étendre et maintenir son influence qu’en apparaissant comme souverain vis-à-vis de ses suiveurs mais aussi des marques qu’il promeut. Sinon, il serait lui-même considéré comme influençable par les entreprises dont il vante les qualités, du moins celles de leurs produits et services. Cette suprématie est obtenue par sa capacité à modeler les goûts de ses suiveurs. Il est en effet beaucoup plus efficace, efficient et pertinent qu’une campagne de publicité par voie de presse – écrite, radiophonique ou télévisuelle. Il regroupe une population rendue homogène par l’attraction commune que ses membres ressentent pour son «charisme». Des jeunes gens de moins de vingt peuvent ainsi devenir ce qu’on appelait autrefois des leaders d’opinion. Sans avoir fait autre chose que s’enregistrer en vidéo dans leur appartement en tenant des propos persuasifs, ils peuvent être suivis par des millions d’admirateurs qui attendent leurs avis pour faire leurs choix. Enjoy Phenix, Cyprien, Natoo, Caroline Receveur ou encore SqueeZie seraient-ils les nouveaux maîtres du désir mimétique ? Au moins sont-ils d’indéniables révélateurs de sa persistante actualité et de sa pertinence. Jean-Marc Bourdin
[Les réseaux sociaux] Donald Trump les a utilisés avec beaucoup d’efficacité pour capter l’attention de l’ensemble des médias. Il l’a particulièrement bien fait avec Twitter. Ses visions controversées, son utilisation très personnelle de cet outil ont rendu sa campagne très visible auprès des utilisateurs des réseaux sociaux. Souvent, les gens sont moins inhibés à l’idée d’y partager des idées extrêmes. Twitter et Facebook – surtout Twitter car l’anonymat y est possible – permettent à leurs utilisateurs de dire ou montrer ce qu’ils n’auraient jamais exprimé dans un autre contexte. Voir d’autres personnes exprimer librement des visions relativement proches des leurs les incite à exprimer à leur tour ce qu’ils veulent. Cela contribue à rendre acceptables les idées extrêmes. (…) Les recherches scientifiques suggèrent que les gens utilisent les médias sociaux pour avoir une récompense, pour obtenir des likes, pour que les gens aiment ce qu’ils font ou ce qu’ils sont, les soutiennent. Ils se sentent ainsi plus forts pour dire ce qu’ils ressentent et donner leur avis sur le monde qui les entoure. Ils le font de la même manière qu’un Donald Trump a tenu des propos choquants pour susciter de l’attention et obtenir un maximum de retweets. S’ils n’adhèrent pas à des théories circulant sur le net, ils finissent par s’en détacher. Cela peut plus spécialement concerner ceux qui expriment des visions politiques typiques ou modérées, et qui peuvent très vite constater que les expressions d’idéologies politiques plus tranchantes, clivantes, tendent à prendre naturellement le dessus, à dominer le débat. Sur les réseaux sociaux, les modérés sont voués à s’effacer. (…) Il y a une défiance généralisée envers les élites, qu’il s’agisse des journalistes ou des hommes politiques. C’est en ce sens que les gens tendent de plus en plus à accéder à l’information en passant par des citoyens « ordinaires ». Mais je ne suis pas sûr qu’ils soient conscients du pouvoir des robots et des programmes informatiques lorsqu’ils sont sur internet. Les interactions leur semblent naturelles, pas déterminées par des formules automatiques. D’ailleurs, Facebook ne crée pas de contenu, il filtre et oriente du contenu à partir du comportement en ligne. Plus les utilisateurs s’expriment, plus ils se voient proposer par les algorithmes des idées et des contenus créés par des personnes qui leur ressemblent, et en qui ils ont confiance. Darren Lilleker (Université de Bournemouth)
After a few minutes of rendering, the new plot appeared, and I was a bit taken aback by what I saw. The blob had turned into a surprisingly detailed map of the world. Not only were continents visible, certain international borders were apparent as well. What really struck me, though, was knowing that the lines didn’t represent coasts or rivers or political borders, but real human relationships. Each line might represent a friendship made while travelling, a family member abroad, or an old college friend pulled away by the various forces of life…When I shared the image with others within Facebook, it resonated with many people. It’s not just a pretty picture, it’s a reaffirmation of the impact we have in connecting people, even across oceans and borders. Paul Butler
Les médias sociaux ont porté « l’universalisation de la médiation interne » à un nouveau niveau, tout en réduisant considérablement les « domaines de la vie qui séparaient les gens les uns des autres ». Les médias sociaux sont le miasme du désir mimétique. Si vous publiez des photos de vos vacances d’été en Grèce, vous pouvez vous attendre à ce que vos « amis » publient des photos d’une autre destination attrayante. Les photos de votre dîner seront égalées ou surpassées par les leurs. Si vous m’assurez, par le biais des médias sociaux, que vous aimez votre vie, je trouverai un moyen de dire à quel point j’aime la mienne. Lorsque je publie mes plaisirs, mes activités et mes nouvelles familiales sur une page Facebook, je cherche à susciter le désir de mes médiateurs. En ce sens, les médias sociaux fournissent une plate-forme hyperbolique pour la circulation imprudente du désir axé sur le médiateur. Alors qu’il se cache dans tous les aspects de la vie quotidienne, Facebook s’insinue précisément dans les domaines de la vie qui sépareraient les gens. Très certainement, l’énorme potentiel commercial de Facebook n’a pas échappé à Peter Thiel, l’investisseur en capital-risque et l’un de ses étudiants à Stanford à la fin des années 80 et au début des années 90. Girardien dévoué qui a fondé et financé un institut appelé Imitatio, dont le but est de « poursuivre la recherche et l’application de la théorie mimétique dans les sciences sociales et les domaines critiques du comportement humain », Thiel a été le premier investisseur extérieur de Facebook, vendant la plupart de ses actions. en 2012 pour plus d’un milliard de dollars (elles lui avaient coûté 500 000 dollars en 2004). Seul un girardien très intelligent, bien initié à la théorie mimétique, pouvait comprendre aussi tôt que Facebook était sur le point d’ouvrir un théâtre mondial de désir mimétique sur les ordinateurs personnels de ses utilisateurs. Robert Pogue Harrison

Après la neuroscience et les djihadistesHarry Potter et Superman, devinez qui confirme René Girard ?

En ce nouveau et dernier réveillon de l’année 2018 …

Dont les meilleures photos ne devraient pas manquer pour bon nombre d’entre nous …

De faire les meilleures pages et les beaux jours de la formidable invention du docteur Frankenstein-Zuckerberg

Comme hélas depuis bientôt deux mois le déchainement auto-entretenu de la violence et de l’envie des casseurs aux gilets jaunes

Comment ne pas repenser avec la NY Review of books

Ou le girardien Jean-Marc Bourdin

Aux découvertes et analyses de René Girard sur « l’universalisation de la médiation interne » dont est faite notre modernité même …

Avec la réduction toujours plus implacable qu’elle implique …

Des « domaines de la vie qui séparaient les gens les uns des autres » …

Et qui avec les réseaux sociaux et ses « influenceurs » et « suiveurs » trouve sa confirmation la plus éclatante …

Ouvrant littéralement à la planète entière

Et pour le meilleur comme pour le pire

La scène sur laquelle chacun peut désormais s’exposer …

Au déchainement quasiment sans frein des « feux de l’envie »  ?

The Prophet of Envy
Robert Pogue Harrison
NY Review of Books
December 20, 2018

Violence and the Sacred

by René Girard, translated from the French by Patrick Gregory
Johns Hopkins University Press (1977)

Battling to the End: Conversations with Benoît Chantre

by René Girard, translated from the French by Mary Baker
Michigan State University Press (2010)

René Girard (1923–2015) was one of the last of that race of Titans who dominated the human sciences in the nineteenth and twentieth centuries with their grand, synthetic theories about history, society, psychology, and aesthetics. That race has since given way to a more cautious breed of “researchers” who prefer to look at things up close, to see their fine grain rather than their larger patterns. Yet the times certainly seem to attest to the enduring relevance of Girard’s thought to our social and political realities. Not only are his ideas about mimetic desire and human violence as far-reaching as Marx’s theories of political economy or Freud’s claims about the Oedipus complex, but the explosion of social media, the resurgence of populism, and the increasing virulence of reciprocal violence all suggest that the contemporary world is becoming more and more recognizably “Girardian” in its behavior.

In Evolution of Desire: A Life of René Girard, Cynthia Haven—a literary journalist and the author of books on Joseph Brodsky and Czesław Miłosz—offers a lively, well-documented, highly readable account of how Girard built up his grand “mimetic theory,” as it’s sometimes called, over time. Her decision to introduce his thought to a broader public by way of an intellectual biography was a good one. Girard was not a man of action—the most important events of his life took place inside his head—so for the most part she follows the winding path of his academic career, from its beginnings in France, where he studied medieval history at the École des Chartes, to his migration to the United States in 1947, to the various American universities at which he taught over the years: Indiana, Duke, Bryn Mawr, Johns Hopkins, SUNY Buffalo, and finally Stanford, where he retired in 1997.

Girard began and ended his career as a professor of French and comparative literature. That was as it should have been. Although he was never formally trained in literary studies (he received a Ph.D. in history from Indiana University in 1950), he effectively built his theory of mimetic desire, in all its expansive anthropological aspects, on literary foundations. Somewhat like Heinrich Schliemann, who discovered the site of ancient Troy by assuming that the Homeric epics contained a substrate of historical truth, Girard approached literary works as coffers containing the most fundamental truths about human desire, conflict, and self-deception.

His first book, Deceit, Desire, and the Novel, published in French in 1961 when he was a professor at Johns Hopkins, treated the novels of Cervantes, Stendhal, Flaubert, Dostoevsky, and Proust as forensic evidence of the essential structures of desire, not just of literary characters but of those who find themselves reflected in them. The prevailing modern belief that my desires are my own, that they arise from my autonomous inner self, is a “Romantic” falsehood that the novelistic tradition, according to Girard, exposes as a delusion (I’m echoing here the French title of the book: Mensonge romantique et vérité romanesque, literally “Romantic falsehood and novelistic truth”). Instead, he argues, my desires are mimetic: I want what others seem to want. Whether I am conscious of it or not (mostly not), I imitate their desires to such a degree that the object itself becomes secondary, and in some cases superfluous, to the rivalries that form around it.

Girard postulated that between a desiring subject and its object there is usually a “model” or “mediator,” who can be either “external” or “internal.” External mediators exist outside of my time and place, like Amadís de Gaule’s chivalric heroes, who impel Don Quixote’s desire to become a knight-errant; or Lancelot and Guinevere, whose adulterous kiss is imitated by Paolo and Francesca in Dante’s account in canto 5 of the Inferno; or the celebrities whom advertisers enlist to sell us products. The external mediator often figures as a hero or ego ideal, and there is typically no rivalry involved.

With internal mediators, however, we are in the realm of what Girard calls “interdividuals,” or people who interact with one another in the same social world. The internal mediator is my neighbor, so to speak, and is often a rival who arouses hatred or envy, or both at once. In the novels Girard dealt with, internal mediation often involves “triangulated desire” between three characters, two of whom vie for the other: Mathilde and Mme de Fervacques vying for Julien in Stendhal’s The Red and the Black, for instance, or Julien and Valenod vying for Mme de Rênal. Even when a character views the mediator as an enemy, the former often secretly envies and idolizes the latter, as in the case of Proust’s Mme Verdurin, who loathed the Guermantes family until she married into it.

A crucial concept in Deceit, Desire, and the Novel is that of “metaphysical desire,” a somewhat misleading term for a common sentiment. We tend to attribute to the mediator a “fullness of being” that he or she does not in fact enjoy. For Girard there is no such thing as fullness of being among mortals. All of us—including the rich, the famous, the powerful, and the glamorous—have our mimetic models and suffer from a deficiency of being. That deficiency nourishes our desires, physical or metaphysical.

The English translation of Deceit, Desire, and the Novel came out in 1965, two years before V.S. Naipaul published The Mimic Men, which seems like a ringing endorsement of Girard’s claims about deficiency. (I don’t know if he ever read Girard.) In the novel Naipaul probes the psychology of elite ex-colonial “mimic men” who, after decolonization, model their desires on their former British masters. The mimic man will never enjoy the “fullness of being” he ascribes to his model, who, in Girard’s words, “shows the disciple the gate of paradise and forbids him to enter with one and the same gesture.” Naipaul’s narrator, Ralph Singh, knows this, yet such knowledge does not alleviate his unhappy consciousness. “We become what we see of ourselves in the eyes of others,” he declares. Girard would most likely deny Singh his one consolation, namely his belief that he is different from, and superior to, the mimic men who lack his own heightened self-awareness.

Girard might go even further and ask whether Naipaul’s mimic men in fact imitate one another more than the British models they share. The whole business gets altogether murkier—and more Girardian—when one considers that Naipaul himself was the perfect expression of the mimic man he defined and despised. The writer’s bearing, speech, racism, and invectives betray an ex-colonial subject mimicking the habits of his masters and the class to which he desperately wanted to belong. In this Naipaul falls well short of the novelists Girard dealt with in Deceit, Desire, and the Novel, all of whom, Girard claims, ended up forswearing the mimetic mechanisms they so insightfully depicted in their work.

The common currency of mimetic desire is envy. Envy is a form of hostile worship. It turns admiration into resentment. Dante considered it radix malorum, the root of all evil, and Girard agreed. He claimed that envy is the one taboo that is alive and well in contemporary society—the vice that few will ever talk about or confess to:

Our supposedly insatiable appetite for the forbidden stops short of envy. Primitive cultures fear and repress envy so much that they have no word for it; we hardly use the one we have, and this fact must be significant. We no longer prohibit many actions that generate envy, but silently ostracize whatever can remind us of its presence in our midst. Psychic phenomena, we are told, are important in proportion to the resistance they generate toward revelation. If we apply this yardstick to envy as well as to what psychoanalysis designates as repressed, which of the two will make the more plausible candidate for the role of best-defended secret?

These sentences come from the introduction to the only book that Girard wrote in English, A Theater of Envy: William Shakespeare (1991), which is full of insights into the envy and imitative behavior of Shakespeare’s characters. Proceeding as incautiously as Schliemann did in his excavations, Girard bores through Shakespeare’s corpus to arrive at the substrate of mediated desire that he believed lies at its foundation. Girard plays by none of the rules of the tradition of commentary on Shakespeare, so it is not surprising that the book remains largely neglected, yet one day A Theater of Envy will likely be acknowledged as one of the most original, illuminating books on Shakespeare of its time, despite its speculative recklessness and relative ignorance of the vast body of secondary literature on Shakespeare’s works.

Speaking of “a theater of envy,” in Evolution and Conversion (in French, Les origines de la culture, 2004; the English translation was recently republished by Bloomsbury)—his conversations with Pierpaolo Antonello and João Cezar de Castro Rocha, which took place a couple of years before Facebook launched its website in 2004—Girard made some remarks that seem particularly resonant today:

In the affluent West, we live in a world where there is less and less need therefore and more and more desire…. One has today real possibilities of true autonomy, of individual judgments. However, those possibilities are more commonly sold down the river in favour of false individuality, of negative mimesis…. The only way modernity can be defined is the universalization of internal mediation, for one doesn’t have areas of life that would keep people apart from each other, and that would mean that the construction of our beliefs and identity cannot but have strong mimetic components.

Since then social media has brought “the universalization of internal mediation” to a new level, while at the same time dramatically narrowing the “areas of life that would keep people apart from each other.”

Social media is the miasma of mimetic desire. If you post pictures of your summer vacation in Greece, you can expect your “friends” to post pictures from some other desirable destination. The photos of your dinner party will be matched or outmatched by theirs. If you assure me through social media that you love your life, I will find a way to profess how much I love mine. When I post my pleasures, activities, and family news on a Facebook page, I am seeking to arouse my mediators’ desires. In that sense social media provides a hyperbolic platform for the promiscuous circulation of mediator-oriented desire. As it burrows into every aspect of everyday life, Facebook insinuates itself precisely into those areas of life that would keep people apart.

Certainly the enormous market potential of Facebook was not lost on Girard’s student Peter Thiel, the venture capitalist who studied with him at Stanford in the late 1980s and early 1990s. A devoted Girardian who founded and funds an institute called Imitatio, whose goal is to “pursue research and application of mimetic theory across the social sciences and critical areas of human behavior,” Thiel was the first outside investor in Facebook, selling most of his shares in 2012 for over a billion dollars (they cost him $500,000 in 2004). It took a highly intelligent Girardian, well schooled in mimetic theory, to intuit early on that Facebook was about to open a worldwide theater of imitative desire on people’s personal computers.

In 1972, eleven years after Deceit, Desire, and the Novel appeared, Girard published Violence and the Sacred. It came as a shock to those familiar with his previous work. Here the literary critic assumed the mantle of cultural anthropologist, moving from the triangular desire of fictional bourgeois characters to the group behavior of primitive societies. Having immersed himself during the intervening decade in the work of Alfred Radcliffe-Brown, Bronisław Malinowski, Claude Lévi-Strauss, Émile Durkheim, Gabriel Tarde, and Walter Burkert, Girard offered in Violence and the Sacred nothing less than an anthropogenic theory of mimetic violence.

I will not attempt to describe the theory in all its speculative complexity. Suffice it to say that the only thing more contagious than desire is violence. Girard postulates that, prior to the establishment of laws, prohibitions, and taboos, prehistoric societies would periodically succumb to “mimetic crises.” Usually brought on by a destabilizing event—be it drought, pestilence, or some other adversity—mimetic crises amount to mass panics in which communities become unnerved, impassioned, and crazed, as people imitate one another’s violence and hysteria rather than responding directly to the event itself. Distinctions disappear, members of the group become identical to one another in their vehemence, and a mob psychology takes over. In such moments the community’s very survival is threated by internecine strife and a Hobbesian war of all against all.

Girard interpreted archaic rituals, sacrifices, and myth as the symbolic traces or aftermath of prehistoric traumas brought on by mimetic crises. Those societies that saved themselves from self-immolation did so through what he called the scapegoat mechanism. Scapegoating begins with accusation and ends in collective murder. Singling out a random individual or subgroup of individuals as being responsible for the crisis, the community turns against the “guilty” victim (guilty in the eyes of the persecutors, that is, since according to Girard the victim is in fact innocent and chosen quite at random, although is frequently slightly different or distinct in some regard). A unanimous act of violence against the scapegoat miraculously restores peace and social cohesion (unum pro multis, “one for the sake of many,” as the Roman saying puts it).

The scapegoat’s murder has such healing power over the community that the victim retroactively assumes an aura of sacredness, and is sometimes even deified. Behind the practice of sacrifice in ancient societies Girard saw the spasmodic, scapegoat-directed violence of communities in the throes of mimetic crises—a primal murder, as it were, for which there exists no hard evidence but plenty of indirect evidence in ancient sacrificial practices, which he viewed as ritualized reenactments of the scapegoat mechanism that everywhere founded the archaic religions of humanity. (“Every observation suggests that, in human culture, sacrificial rites and the immolation of victims come first.”)

Violence and the Sacred deals almost exclusively with archaic religion. Its argument is more hypothetical and abstract, more remote and less intuitive, than what Girard put forward in Deceit, Desire, and the Novel. The same can be said for the main claims of his next major book, Things Hidden Since the Foundation of the World (1978; the title comes from Matthew 13:35). There he argued that the Hebrew Scriptures and the Christian Gospels expose the “scandal” of the violent foundations of archaic religions. By revealing the inherent innocence of the victim—Jesus—as well as the inherent guilt of those who persecute and put him to death, “Christianity truly demystifies religion because it points out the error on which archaic religion is based.”*

Girard’s anthropological interpretation of Christianity in Things Hidden is as original as it is unorthodox. It views the Crucifixion as a revelation in the profane sense, namely a bringing to light of the arbitrary nature of the scapegoat mechanism that underlies sacrificial religions. After publishing Things Hidden, Girard gained a devoted following among various Christian scholars, some of whom lobbied him hard to open his theory to a more traditional theological interpretation of the Cross as the crux of man’s deliverance from sin. Girard eventually (and somewhat reluctantly) made room for a redemptive understanding of the Crucifixion, yet in principle his theory posits only its revelatory, demystifying, and scandalous aspect.

Orthodox Girardians insist that his corpusfrom Deceit, Desire, and the Novel to his last worksforms a coherent, integrated system that must be accepted or rejected as a whole. In my view, that is far from the case. One need not buy into the entire système Girard to recognize that his most fundamental insights can stand on their own.

Some of Girard’s most acute ideas come from his psychology of accusation. He championed legal systems that protect the rights of the accused because he believed that impassioned accusation, especially when it gains momentum by wrapping itself in the mantle of indignation, has a potential for mimetic diffusion that disregards any considered distinction between guilt and innocence. The word “Satan” in Hebrew means “adversary” or “accuser,” and Girard insisted in his later work that there is a distinctly satanic element at work in the zeal for accusation and prosecution.

Girard’s most valuable insight is that rivalry and violence arise from sameness rather than difference. Where conflicts erupt between neighbors or ethnic groups, or even among nations, more often than not it’s because of what they have in common rather than what distinguishes them. In Girard’s words: “The error is always to reason within categories of ‘difference’ when the root of all conflicts is rather ‘competition,’ mimetic rivalry between persons, countries, cultures.” Often we fight or go to war to prove our difference from an enemy who in fact resembles us in ways we are all too eager to deny.

A related insight of equal importance concerns the deadly cycles of revenge and reciprocal violence. Girard taught that retaliation hardly ever limits itself to “an eye for an eye” but almost always escalates the level of violence. Every escalation is imitated in turn by the other party:

Clausewitz sees very clearly that modern wars are as violent as they are only because they are “reciprocal”: mobilization involves more and more people until it is “total,” as Ernst Junger wrote of the 1914 war…. It was because he was “responding” to the humiliations inflicted by the Treaty of Versailles and the occupation of the Rhineland that Hitler was able to mobilize a whole people. Likewise, it was because he was “responding” to the German invasion that Stalin achieved a decisive victory over Hitler. It was because he was “responding” to the United States that Bin Laden planned 9/11…. The one who believes he can control violence by setting up defenses is in fact controlled by violence.

Those remarks come from the last book Girard wrote, Battling to the End (2010). It is in many ways one of his most interesting, for here he leaves behind speculations about archaic origins and turns his attention to modern history. The book’s conversations with Benoît Chantre, an eminent French Girardian, feature a major discussion of the war theorist Carl von Clausewitz (1780–1831), whose ideas about the “escalation to extremes” in modern warfare converge uncannily with Girard’s ideas about the acceleration of mimetic violence.

Toward the end of his life, Girard did not harbor much hope for history in the short term. In the past, politics was able to restrain mass violence and prevent its tendency to escalate to extremes, but in our time, he believed, politics had lost its power of containment. “Violence is a terrible adversary,” he wrote in Battling to the End, “especially since it always wins.” Yet it is necessary to battle violence with a new “heroic attitude,” for “it alone can link violence and reconciliation…[and] make tangible both the possibility of the end of the world and reconciliation among all members of humanity.” To that statement he felt compelled to add: “More than ever, I am convinced that history has meaning, and that its meaning is terrifying.” That meaning has to do with the primacy of violence in human relations. And to that statement, in turn, he added some verses of Friedrich Hölderlin: “But where danger threatens/that which saves from it also grows.”

  • *Girard goes so far as to argue that “Christianity is not only one of the destroyed religions but it is the destroyer of all religions. The death of God is a Christian phenomenon. In its modern sense, atheism is a Christian invention.” The Italian philosopher Gianni Vattimo was very drawn to Girard’s understanding of Christianity as a secularizing religion, and the two collaborated on a fine book on the topic, Christianity, Truth, and Weakening Faith: A Dialogue (Columbia University Press, 2010). 

Voir aussi:

Influenceurs et «followers» : les nouveaux maîtres du désir mimétique

Jean-Marc Bourdin

Iphilo

17/12/2018

BILLET : Sur Instagram ou sur leur chaîne YouTube, les influenceurs médiatisent nos désirs dans une relation triangulaire qui est au cœur de la thèse du désir mimétique de René Girard, analyse Jean-Marc Bourdin dans iPhilo. 


Ancien élève de l’ENA, inspecteur général de la ville de Paris, Jean-Marc Bourdin a également soutenu en 2016 une thèse de doctorat en philosophie sur René Girard à l’Université Paris-VIII. Créateur du blog L’Emissaire et membre de l’Association Recherche Mimétique (ARM), il a publié René Girard philosophe malgré lui et René Girard promoteur d’une science des rapports humains chez L’Harmattan en 2018.


René Girard affirme en 1961 dans Mensonge romantique et vérité romanesqueque seuls les plus grands romanciers, à la liste desquels il ajoutera par la suite quelques dramaturges, ont la faculté de comprendre les mécanismes du désir mimétique. Ceux-ci resteraient inconnus non seulement du commun des mortels mais aussi d’écrivains moins doués qui se laissent duper par la prétention du désir à l’autonomie.

Cette affirmation radicale souffrirait-elle désormais d’au moins une exception de taille ? Dans notre époque où il n’est plus indécent de se vanter de manipulations en tous genres, le marketing a franchi un pas décisif grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Il avait compris depuis longtemps les mécanismes du mimétisme et le rôle des modèles dans les décisions d’achat : la publicité n’a cessé d’en jouer. Mais délibérément ou en suivant un mouvement dont il n’a pas eu l’initiative, le marketing vient de révéler le pot aux roses. Des modèles de consommation officiels ont désormais un nom : influenceuses ou influenceurs. Et les victimes du désir mimétique sont des « followers », autrement dit des suiveurs ou des suiveuses des conseils ainsi dispensés.

Ces modèles ont le plus souvent des comptes Instagram ou des chaînes YouTube. Ils parlent de beauté, de mode, de voyages, de sport, de culture… bref interviennent dans autant de marchés sur lesquels ils sont susceptibles d’orienter des comportements de consommation.

Du point de vue de la théorie mimétique, ils sont plutôt des médiateurs externes, insusceptibles d’entrer en rivalité avec la plupart de leurs suiveurs, si ce n’est certains d’entre eux mus par leur ressentiment et qui sont dénommés « haters », donc haineux. Nous retrouvons ici les passions stendhaliennes de l’envie, de la jalousie et de la haine impuissante ou encore la figure du narrateur des Carnets du sous-sol de Dostoïevski, cet homme du ressentiment par excellence.

La puissance des influenceurs se mesure au volume et à la croissance du nombre de leurs suiveurs. En découle une valeur économique qui se traduit par les rémunérations que leur servent les marques promues. Mais la relation n’est pas si simple : elle suppose aussi que l’influenceur donne des gages d’indépendance à ceux qui suivent leurs conseils.

L’influenceur ne peut étendre et maintenir son influence qu’en apparaissant comme souverain vis-à-vis de ses suiveurs mais aussi des marques qu’il promeut. Sinon, il serait lui-même considéré comme influençable par les entreprises dont il vante les qualités, du moins celles de leurs produits et services. Cette suprématie est obtenue par sa capacité à modeler les goûts de ses suiveurs. Il est en effet beaucoup plus efficace, efficient et pertinent qu’une campagne de publicité par voie de presse – écrite, radiophonique ou télévisuelle. Il regroupe une population rendue homogène par l’attraction commune que ses membres ressentent pour son «charisme».

Des jeunes gens de moins de vingt peuvent ainsi devenir ce qu’on appelait autrefois des leaders d’opinion. Sans avoir fait autre chose que s’enregistrer en vidéo dans leur appartement en tenant des propos persuasifs, ils peuvent être suivis par des millions d’admirateurs qui attendent leurs avis pour faire leurs choix.

Enjoy Phenix, Cyprien, Natoo, Caroline Receveur ou encore SqueeZie seraient-ils les nouveaux maîtres du désir mimétique ? Au moins sont-ils d’indéniables révélateurs de sa persistante actualité et de sa pertinence.

Voir encore:

Visualizing Friendships
Paul Butler
Facebook
December 14, 2010

Visualizing data is like photography. Instead of starting with a blank canvas, you manipulate the lens used to present the data from a certain angle.

When the data is the social graph of 500 million people, there are a lot of lenses through which you can view it. One that piqued my curiosity was the locality of friendship. I was interested in seeing how geography and political borders affected where people lived relative to their friends. I wanted a visualization that would show which cities had a lot of friendships between them.

I began by taking a sample of about ten million pairs of friends from Apache Hive, our data warehouse. I combined that data with each user’s current city and summed the number of friends between each pair of cities. Then I merged the data with the longitude and latitude of each city.

At that point, I began exploring it in R, an open-source statistics environment. As a sanity check, I plotted points at some of the latitude and longitude coordinates. To my relief, what I saw was roughly an outline of the world. Next I erased the dots and plotted lines between the points. After a few minutes of rendering, a big white blob appeared in the center of the map. Some of the outer edges of the blob vaguely resembled the continents, but it was clear that I had too much data to get interesting results just by drawing lines. I thought that making the lines semi-transparent would do the trick, but I quickly realized that my graphing environment couldn’t handle enough shades of color for it to work the way I wanted.

Instead I found a way to simulate the effect I wanted. I defined weights for each pair of cities as a function of the Euclidean distance between them and the number of friends between them. Then I plotted lines between the pairs by weight, so that pairs of cities with the most friendships between them were drawn on top of the others. I used a color ramp from black to blue to white, with each line’s color depending on its weight. I also transformed some of the lines to wrap around the image, rather than spanning more than halfway around the world.

After a few minutes of rendering, the new plot appeared, and I was a bit taken aback by what I saw. The blob had turned into a surprisingly detailed map of the world. Not only were continents visible, certain international borders were apparent as well. What really struck me, though, was knowing that the lines didn’t represent coasts or rivers or political borders, but real human relationships. Each line might represent a friendship made while travelling, a family member abroad, or an old college friend pulled away by the various forces of life.

Later I replaced the lines with great circle arcs, which are the shortest routes between two points on the Earth. Because the Earth is a sphere, these are often not straight lines on the projection.

When I shared the image with others within Facebook, it resonated with many people. It’s not just a pretty picture, it’s a reaffirmation of the impact we have in connecting people, even across oceans and borders.

Paul is an intern on Facebook’s data infrastructure engineering team.

Voir également:

Check out this stunning Facebook world map

Jeffrey Van Camp

Digital trends

12.14.10

Have you ever wondered what 10 million friendships would look like on a world map? Well, a Facebook engineer has the answer for you. The map below was made by Paul Butler, an engineering intern at Facebook. In a blog post, he explains how he created this visualized representation of friendships. His quest began when he became curious as to whether country or physical location had a big impact on friendships. In other words, he wondered if people had a lot of friends who live far away from them, perhaps around the world. So he took a sample of 10 million friendship pairs from the Facebook database and made this image.

The results are fairly evident and we recommend you check it out in high resolution to fully understand what you’re looking at. This data was not graphed onto a map, by the way. Every lit up dot of land is the geo-location of a friend. The map formed itself by the sheer number of connections. The most lit areas–Europe and the United States–are bright because of the density of smaller range friendships inside them.

“After a few minutes of rendering, the new plot appeared, and I was a bit taken aback by what I saw,” said Butler. “The blob had turned into a surprisingly detailed map of the world. Not only were continents visible, certain international borders were apparent as well. What really struck me, though, was knowing that the lines didn’t represent coasts or rivers or political borders, but real human relationships. Each line might represent a friendship made while travelling, a family member abroad, or an old college friend pulled away by the various forces of life…When I shared the image with others within Facebook, it resonated with many people. It’s not just a pretty picture, it’s a reaffirmation of the impact we have in connecting people, even across oceans and borders.”

As much as we dog Facebook here and there, this perfectly shows the great qualities of social networking. With only 10 million of the 500 million connections, we are able to build a map of the world solely from our own personal connections. Very cool.

Voir aussi:

« Les réseaux sociaux servent les idées extrêmes »
Johann-Harscoët
L’Echo
10 novembre 2016

Il y a une défiance généralisée envers les élites, qu’il s’agisse des journalistes ou des hommes politiques. C’est en ce sens que les gens tendent de plus en plus à accéder à l’information en passant par des citoyens « ordinaires », nous explique un expert en communication.

Darren Lilleker est professeur de communication politique à l’Université de Bournemouth (Angleterre). Il est l’auteur de l’ouvrage « Political Communication and Cognition », dans lequel il analyse la façon dont les citoyens reçoivent et s’approprient les messages politiques avant d’exprimer leurs opinions. Dans cette interview, il explique en quoi les réseaux sociaux ont transformé leur rapport à la démocratie.

La puissance médiatique de personnalités politiques clivantes comme Donald Trump est-elle un phénomène lié exclusivement aux réseaux sociaux?

Donald Trump les a utilisés avec beaucoup d’efficacité pour capter l’attention de l’ensemble des médias. Il l’a particulièrement bien fait avec Twitter. Ses visions controversées, son utilisation très personnelle de cet outil ont rendu sa campagne très visible auprès des utilisateurs des réseaux sociaux. Souvent, les gens sont moins inhibés à l’idée d’y partager des idées extrêmes. Twitter et Facebook – surtout Twitter car l’anonymat y est possible – permettent à leurs utilisateurs de dire ou montrer ce qu’ils n’auraient jamais exprimé dans un autre contexte. Voir d’autres personnes exprimer librement des visions relativement proches des leurs les incite à exprimer à leur tour ce qu’ils veulent. Cela contribue à rendre acceptables les idées extrêmes.

La nature profonde de Facebook ou Twitter n’est-elle pas celle d’un serpent qui se mord la queue?

Les recherches scientifiques suggèrent que les gens utilisent les médias sociaux pour avoir une récompense, pour obtenir des likes, pour que les gens aiment ce qu’ils font ou ce qu’ils sont, les soutiennent. Ils se sentent ainsi plus forts pour dire ce qu’ils ressentent et donner leur avis sur le monde qui les entoure. Ils le font de la même manière qu’un Donald Trump a tenu des propos choquants pour susciter de l’attention et obtenir un maximum de retweets.

« Sur les réseaux sociaux, les modérés sont voués à s’effacer. »

Darren Lilleker
prof. Université de Bournemouth

S’ils n’adhèrent pas à des théories circulant sur le net, ils finissent par s’en détacher. Cela peut plus spécialement concerner ceux qui expriment des visions politiques typiques ou modérées, et qui peuvent très vite constater que les expressions d’idéologies politiques plus tranchantes, clivantes, tendent à prendre naturellement le dessus, à dominer le débat. Sur les réseaux sociaux, les modérés sont voués à s’effacer.

Comment expliquer cette défiance face aux médias traditionnels et à l’information humaine, et cette confiance aveugle envers les réseaux sociaux et leurs algorithmes?

Il y a une défiance généralisée envers les élites, qu’il s’agisse des journalistes ou des hommes politiques. C’est en ce sens que les gens tendent de plus en plus à accéder à l’information en passant par des citoyens « ordinaires ». Mais je ne suis pas sûr qu’ils soient conscients du pouvoir des robots et des programmes informatiques lorsqu’ils sont sur internet. Les interactions leur semblent naturelles, pas déterminées par des formules automatiques. D’ailleurs, Facebook ne crée pas de contenu, il filtre et oriente du contenu à partir du comportement en ligne. Plus les utilisateurs s’expriment, plus ils se voient proposer par les algorithmes des idées et des contenus créés par des personnes qui leur ressemblent, et en qui ils ont confiance.

COMPLEMENT:

Who Is René Girard?

And Why Does Silicon Valley Care?

Justin E. H. Smith
Jan 3, 2021

1.

Although the literary theorist and anthropologist René Girard has many Silicon Valley disciples, surely the most notable of them is the German-born venture capitalist and founder of PayPal, Peter Thiel. A student of Girard’s while at Stanford in the late 1980s, Thiel would go on to report, in several interviews, and somewhat more sub-rosa in his 2014 book, From Zero to One, that Girard is his greatest intellectual inspiration. He is in the habit of recommending Girard’s Things Hidden Since the Foundation of the World (1978) to others in the tech industry.

Girard has two big ideas, each intertwined with the other: the theory of mimesis, and the theory of the scapegoat. Michel Serres, another French theorist long resident at Stanford, and a strong advocate for Girard’s ideas, has described Girard as the “Darwin of the human sciences”, and has identified the mimetic theory as the relevant analog in the humanities of the Darwinian theory of natural selection.

For Girard, everything is imitation. Or rather, every human action that rises above “merely” biological appetite and that is experienced as desire for a given object, in fact is not a desire for that object itself, but a desire to have the object that somebody else already has. This makes obvious sense, in a Veblenian key — plainly, indisputably, nobody wants a Rolex simply in order to be able to keep track of the passage of time with greater precision. Girard notes that the Old Testament authors were lucid enough about human motivation to tackle mimetic desire explicitly in at least four of the Ten Commandments, most notably in the prohibition on coveting, specifically, your neighbor’s goods. The great problem of our shared social existence is not wanting things, it’s wanting things because they are someone else’s.

Of course, the problem did not go away with the prohibition, and for Girard this can only be because it is the universal basis of all human culture. Desire for what the other person has brings about a situation in which individuals in a community grow more similar to one another over time in a process of competition-cum-emulation. Such dual-natured social encounters, more precisely, are typical of people who are socially more or less equal. In relation to a movie star who does not even know some average schlub exists, that schlub can experience only emulation (this is what Girard calls “external mediation”), but in relation to a fellow schlub down the street (a “neighbor” in the Girardian-Biblical sense), emulation is a much more intimate affair (“internal mediation”, Girard calls it), which necessarily carries with it a simultaneous negative charge of desire to annihilate the person we seek to resemble. Among neighbors, the object of desire itself is eventually forgotten in the course of this process, and at the end the competitors stand in relation to one another as “doubles”: neither recalls what that thing is that the other had and that he or she wanted, and each has become undifferentiable from the other.

This is the moment of what Girard calls “mimetic crisis”, which is resolved by the selection of a scapegoat, whose casting-out from the community has the salvific effect of unifying the opposed but undifferentiated doubles. The scapegoat occupies a liminal status between the sacred and the despised (compare Giorgio Agamben’s analysis of the dual meaning of the sacred as exemplified by the figure of the Homo sacer), and is in many cultures someone with a notable physical and mental disability — people with albinism, for example, are a common target in much of sub-Saharan Africa. In a community in which the mimetic mechanism has led to widespread non-differentiation, or in other words to a high degree of conformity, it can however happen that scapegoating approaches something like the horror scenario in Shirley Jackson’s 1948 tale, “The Lottery”. As Girard explains in an interview, published in 2004 under the title Les origines de la culture, “The more undifferentiated people become, the easier it is to decide that any one of them whatsoever is guilty” [plus les gens deviennent indifférenciés, plus il est facile de décider que n’importe lequel d’entre eux est coupable] (82).

As a modest theory of the anthropology of punishment, these observations have some promise. As a general theory of human culture, one feels bound to raise some objections.

2.

It has been compellingly said of Jordan B. Peterson that he is a dumb person’s idea of what a smart person is like. I would not say the same of René Girard, at least not without modifying the formula: he is a practically-minded person’s idea of what a theorist is like. Girard himself appears to share in this idea: a theorist for him is someone who comes up with a simple, elegant account of how everything works, and spends a whole career driving that account home. A theorist spends all of their time on the positive construction of a case, and none of their time on skeptical doubts or objections, and least of all on the nagging call of humility that pipes back up again whenever a philosophically minded person starts to feel as if they’ve got something right — the call that says, “Why should I, of all people, be the one to have got things right? It seems so improbable.”

Girard’s answer to this question would probably be as straightforward as his theory: because I’ve read a lot, and because I am smart. Although he passed through credentialing institutions, Girard’s education resembles more that of some used-book-store owner who will talk your ear off about Schopenhauer or H. L. Mencken while his cat purrs happily on an otherwise unwanted stack of Will and Ariel Durant volumes. This is a species of learnedness that I associate with the United States (the model of the bookseller I have in mind is one I knew in Cincinnati) —improvisational, superficial, Whitmanian, free—, and it is indeed to the US that Girard went to get his reading done. He had already completed his studies at the prestigious École des chartes, in the peculiarly French field of paleography and “archivistics”, which ordinarily would have destined him to some sort of quiet career as a civil servant tending to old papers.

No graduate of such a program can have failed to acquire a good deal of old-world erudition; but in a milieu where everyone is erudite, there’s no one to impress. He disappointed his associates, notably the surrealist poet and résistant René Char (Girard himself seems mostly to have experienced the war and the Nazi occupation as an inconvenient obstacle to his studies), by striking out for the US in the immediate post-war years, landing somehow in Bloomington, Indiana. There he concocted what to all appearances was a very hasty Ph.D. thesis in history, on American Opinion of France, 1940-43. Girard himself boasts about throwing this work together by summarizing the documents in a box of newspaper clippings the French embassy in Washington DC had sent to him, all the while spending the better part of his days in the IU library reading widely in comparative religion, mythology, and anthropology, above all the great British social anthropologists of the late nineteenth and early twentieth centuries: Tylor, Morgan, Frazer, and (par courtoisie) Bronisław Malinowski.

One cannot help but be touched by Girard’s desultory, go-it-alone method. He seems to have sought to stay on at Indiana after his Ph.D., but was driven away after failing to publish anything at all — he is consistently reproached by his American colleagues “spreading himself too thin” (“C’est vous comparer à un trop petit morceau de beurre pour une trop grande tartine,” he will later explain for a French audience unfamiliar with the idiom). He somehow ends up next in Baltimore, where he has a hand in organizing the infamous meeting at Johns Hopkins that brought Jacques Derrida, Jacques Lacan, et al., to America in 1966 — recalling this event, Girard will later riff on Freud’s arrival in the US three decades earlier, when, coming into New York Harbor for his first visit, the psychoanalyst reportedly declared: “I have brought the plague”. Lacan played the clown, insisting on giving his talk in English even though he readily admitted he had basically zero knowledge of the language. Derrida mesmerized. Girard seems to have been there in a mostly organizational capacity — organizing the bringing of the plague, that is. In any case he does not seem to have met any truly like-minded people at this superspreader event. French theory on American shores has always been a dialogue des sourds, and Girard was already playing the American, which is to say enjoying the spectacle of all those puffed-up mandarins.

Circumstances would soon bring Girard from Hopkins to SUNY Buffalo, where he developed a life-long interest in Shakespeare. He recalls, in the interview already quoted, having discovered the Bard while watching a theater production on TV. Now your typical high-mandarin French intellectual is not likely admit that his knowledge of Shakespeare comes from solitary evenings watching the Buffalo PBS affiliate (presumably). But Girard is not your typical French intellectual. He is a would-be French civil-servant archivist gone rogue, via Bloomington, Baltimore, Buffalo, and finally at Stanford, where his individual brand of New World self-reinvention would be well-received by some in the Silicon Valley subculture of, let us say, hyper-Whitmanian intellectual invention and reinvention.

3.

As far as I can tell, the idea that anything Girard has to say might be particularly well-suited to adaptation as a “business philosophy” is entirely without merit.

In a 2014 interview with Business Insider, Thiel is confronted directly with the question as to how, concretely, his former professor inspires his understanding of the workings of the tech industry. The venture capitalist attempts to illustrate with an example of the theory of mimetic desire at work in Silicon Valley: “When the payments company Square came out with its flagship credit card reader, competitors jumped in one after the other to do the same thing with triangles or half-moons instead of squares.”

It is assuredly true that start-ups imitate one another, but I do not see anything more powerfully explanatory of this phenomenon in the work of Girard than in, say, Roland Barthes’s analysis of haute-couture in his ingenious 1967 System of Fashion, or for that matter Thorstein Veblen on conspicuous consumption, or indeed any number of other authors who have noticed that indubitable truth of human existence: that we copy each other. This hardly counts as a theoretical insight at all, so much as one of the given features of all human cultural life that presents itself at the outset as in need of theoretical explanation. Girard does, to be fair, offer some such explanation, but Thiel does not seem to have retained any of this. For him “Girard” stands mostly as a shorthand name for this pretheoretical fact, instances of which are of course multiplied in Silicon Valley life, as everywhere else.

What about the other element of Girard’s theory, the scapegoat mechanism? Here Thiel’s preferred instance is particularly flat-footed: “As for scapegoating,” he says, “what happened to Bill Gates during the antitrust prosecution of Microsoft is a great example of the tendency to gang up and blame one person.” If you thought antitrust cases were about maintaining a rationally regulated system of moderate free-market capitalism that encourages competition and innovation, think again: go back to Girard, with his faithful student as guide, and find the primordial origins of the Microsoft lawsuit in the Vedic sacrifice of the cosmic horse.

Thiel’s demoticized Girard would over the next years become a thoroughly vulgarized Girard, so that by 2018 there were online articles being generated —perhaps by bots, perhaps in offshore content-factories— with titles like “How the Idea of a French Philosopher Can Save Your E-Commerce Business”. “Rene Girad [sic, sic], a French Philosopher,” this particular article tells us, “has given a solid theory of human desire that can save anyone’s E-commerce.”

Again, it is not that one wants to discourage a struggling Amazon-partnered retailer from reading French philosophy, but only that it is not at all clear that Girard is any better placed than any number of other theorists to provide any practical tools to help an e-merchant along towards his or her narrow goals — let alone to provide anything like a critique of the ideological structures that have imposed these goals.

But whatever has money behind it will inevitably have intelligent-looking people at least pretending to take it seriously, and with the foundation of the Imitatio Project by the Thiel Foundation (executive director Jimmy Kaltreider, a principal at Thiel Capital), the study and promotion of Girardian mimetic theory is by now a solid edifice in the intellectual landscape of California.

4.

For Girard, there is at least some desire that falls outside of the logic of mimesis, but only because it is a sort of proto-desire, a merely biological drive. I am naturally wary of human-scientists who seek to contain the biological with modifiers such as “merely”, but with Girard what frustrates me even more is that he does not seem to detect the non-mimetic varieties of desire that would seem to await us beyond, rather than before, desire that is coupled with imitation.

For the sake of an example, let us return to that old, discomforting observation from Claude Lévi-Strauss according to which the “exchange” of women is the foundation of traditional societies, manifesting itself as “kinship”, and that therefore women are a good comparable to cattle (Françoise Héritier compellingly critiques this element of her teacher’s theory). Whether this is a correct account of society in general, it is at least true that some men seek out young, attractive, glamorous women in the aim of enhancing their own social status — the pure delectation in the other’s beauty may be at least part of the man’s satisfaction in the pairing, but it seems fair to say that this delectation is often inseparable from the self-contentment he feels at the status-enhancement she confers to him, and that achieving this status is in turn inseparable from depriving other men of the opportunity to achieve it. This is certainly the subtext of countless commercial-rap-music videos (or Romanian manele, or Serbian turbofolk, or any number of other analogous musical forms in the Balkans or elsewhere), which do not seem anthropologically far, in their smooth blending of the iconic images of luxury products with images of beautiful women, from a pastoralist society’s ceremonial display of prize cattle.

But, pace Girard, we must admit that at least on occasion it happens that a vain and foolish man falls sincerely in love with his trophy wife. That is, at least sometimes a man “acquires” a woman by the logic of neighborly competition and status anxiety, but then discovers that she has a soul too, and is worthy of love just like any human being, quite apart from her significance for his social status. Such love strikes me as an instance of post-mimetic desire, just as we might say that “mere” appetite is pre-mimetic desire. Girard does not seem prepared to acknowledge it, at least not in a theoretical vein (though he seems to have been happily married). And come to think of it, nor is it inconceivable that some status-obsessed fellow should buy a Rolex, only to find that his early tutorials in its proper care and maintenance draw him into a world of sincere and nerdy love of Swiss precision chronometry. I confess many of my own interests have followed such an evolution, even if they seem far away from the logic of material acquisitiveness: I start doing something because I think it will make me look cool, and I keep doing it because I discover it is itself cool.

Perhaps even more worrisome for Girard’s mimetic theory is that it appears to leave out all those instances in which imitation serves as a force for social cohesion and cannot plausibly be said to involve any process of “internal mediation” leading to a culmination in scapegoating. In this respect, we might adapt Michel Serres’s comment and say not so much that Girard is the human-scientists’ Darwin, as that he is their Herbert Spencer, and just as the nineteenth century’s idea of evolution as ruthless competition needed to be supplemented by rigorous accounts of the evolutionary role of altruism in the twentieth century, so too might we say that Girard is missing at least half the story.

Most ritual, in fact, strikes me as characterized by imitation without internal mediation or scapegoating. Indeed, still in infancy, before we have any idea of ourselves as occupying any social node at all, we respond to music with rhythmic motions of the body, feeling ourselves taken up in a sort of cosmic repetition of something, be it only a sequence of drumbeats, that somehow expresses the true nature of our existence. Eventually, this repetition develops into dancing with others, and this dancing may be given ritual meaning — a social significance encoded by human bodies doing the same thing simultaneously, and therefore in some sense becoming identical, but without any underlying desire at all to annihilate one another. It is this significance that the Australian poet Les Murray sees as constituting the essence of both poetry and religion: both are performed, as he puts it, “in loving repetition”.

I often think of a video I saw, and cannot now locate, of Cameroonian Baka hunters performing a dance that is a reenactment of their most recent hunt. In a sort of conga-line formation, they weave up and down, imitating the motion of an animal through the forest, but also becoming, relative to one another, like the metameric segments of a millipede. This is pure imitation, without internal mediation, and it seems to me fair to say that it is indeed the foundation of human society.

Nor is it irrelevant that the Baka organize this foundational ritual around a reenactment of the hunt. Contrary to Girard’s theory of the scapegoat, a promising alternative account of sacrifice has been defended by such thinkers as the pioneering classicist Walter Burkert, for whom the origins of culture lie in a recognition of the transgressive nature of the killing of animals — even if it is necessary for human life, the spilling of animal blood is a sufficiently powerful action to knock the cosmos out of alignment, and it is only by rituals of atonement that it may be set right again. To kill an animal is not merely to satisfy an appetite, but to enter into sociocosmic relations with the natural world, and, by offering a sacrificed portion of it to the gods, to enter also into relation with the supernatural.

On such an account, it is only with the rise of states over the past few thousand years that ritual slaughter and sacrifice turned on occasion to human targets, and in this light the scapegoating of humans may be seen as an attenuated instance of what in the most extreme cases may be enacted by a high priest pulling out another man’s beating heart. Rather than seeing scapegoating as laying a load on a chosen individual human and punishing him or her, for reasons that cannot possibly be articulated in the terms of any modern liberal theory of justice, thereby canceling out the desire among individuals in a community to annihilate one another, we might do better to see it within the larger frame of the ecology of human communities, and the role of ritual in the adaptation of these communities to their ecological niches.

At the basis of ritual, as Les Murray understood, there lies repetition. It is significant that in French the verb répéter is used to mean both “to repeat” but also “to practice” (for example, to practice a musical instrument or a dance routine, or to rehearse for a play). At one moment in the 2004 interview already cited, Girard seems to come around to the sort of view of ritual that I have been attempting to sketch, on which it is a communal processing of the inevitabilities of our existence in nature. “Primitive societies,” he writes, using an outmoded term evocative of the era of pith-helmeted British colonial anthropologists who so influenced him, “do not repeat [ne répètent pas] in order to learn, like schoolchildren, they repeat in order not to have any more violence, but in the end these come out to the same thing” [les sociétés primitives ne répètent pas pour apprendre comme les petits écoliers, elles répètent pour ne plus avoir de violence, mais, en fin de compte, cela revient au même] (49).

The Baka sublimation of the hunt and the Eliasian “civilizing process” as two instances of the same general phenomenon of becoming human: this is an explanation I could get behind. But in such repetitions there is no (human) scapegoat to dwell on, so soon enough Girard leaves this promising line of thinking behind and returns to his pair of treasured hobby-horses, like Uncle Toby forever reliving the same old battles

5.

On my understanding, the human sciences differ from the natural sciences primarily to the extent that we humanists are not looking for fundamental mechanisms that explain everything. We are rather interested in surveying the diversity of the expressions of humanity, cataloguing them, and waiting, but not impatiently, for patterns to appear. There are different kinds of theorist, of course, and there is plenty of room for all of us. It is however somewhat a shame that the everything-explainers, the hammerers for whom all is nail, should be the ones so consistently to capture the popular imagination. How refreshing it is when we come across a footnote in Girard’s work to the infinitely curious and suitably modest Carlo Ginzburg! What an attractive alternative model of the intellectual!

Part of Girard’s appeal in the Silicon Valley setting lies not only in his totalizing urge, but also in his embrace of a certain interpretation of Catholicism that stresses the naturalness of hierarchy, all the way up to the archangels, rather than the radical egalitarianism of other tendencies within this faith. At one amusing point in the interview from which I have been liberally citing, Girard explains that the positive reception in France of his On Things Hidden Since the Foundation of the World had to do with the widespread misreading of it as a work of anti-Christian theory. “If they had known that there is no hostility in me towards the Church, they would have dismissed me. I appeared as the heretic, the revolted person that one has to be in order to reassure the media. If they had known that I do not feel oppressed by western phallocracy, or even by the pope, they would have dropped me real quick [on m’aurait laissé royalement tomber]” (52).

Peter Thiel, for his part, certainly does not seem to feel oppressed by western phallocracy either — in fact he appears intent on coming out somewhere at the top of the phallocratic order, and in any case has explicitly stated that the aspirations of liberal democracy towards freedom and equality for all should rightly be seen as a thing of the past. In his demotic glosses on Girard, the venture capitalist also seems happy to promote the Girardian version of Catholicism as a clerical institution ideally suited to the newly emerging techno-feudalist order.

René Girard, in sum, is not a particularly great theorist — it is easy on even a casual study of his work to spot the weaknesses and lacunae. But he may well be the theorist our era deserves.


Retrait américain de Syrie: Quelle mauvaise foi ? (Damned if you do, damned if you don’t: Guess who after being blamed for his war-mongering is now blamed for his non-interventionism ?)

28 décembre, 2018

No automatic alt text available.SyriaThere will be a strong, deliberate, and orderly withdrawal of U.S. forces from Syria — very deliberate, very orderly — while maintaining the U.S. presence in Iraq to prevent an ISIS resurgence and to protect U.S. interests, and also to always watch very closely over any potential reformation of ISIS and also to watch over Iran. We’ll be watching. (..) Now … the nations of the region must step up and take more responsibility for their future. While American might can defeat terrorist armies on the battlefield, each nation of the world must decide for itself what kind of future it wants to build for its people, and what kind of sacrifices they are willing to make for their children. America shouldn’t be doing the fighting for every nation on Earth not being reimbursed, in many cases, at all. (…) If they want us to do the fighting, they also have to pay a price — and sometimes that’s also a monetary price — so we’re not the suckers of the world. We’re no longer the suckers, folks. And people aren’t looking at us as suckers. Donald Trump
De l’extrême gauche anarchiste aux « identitaires » de la droite dure, tout le monde veut voir sa victoire dans le recul de Macron face aux gilets jaunes. Mais au-delà des agendas politiques français, ce sont bien les conservateurs américains qui voient leur vision du monde confortée ! Certains esprits ont vu dans le mouvement des gilets jaunes une exaltation des valeurs françaises. Rien de moins ! (…) Les acteurs les plus variés ont vu dans le mouvement des gilets jaunes l’expression populaire bienvenue de leurs propres revendications. Par exemple, lorsque les graves débordements éclatent à Paris, du NPA d’Olivier Besancenot à la droite identitaire, tous les radicaux se réjouissent et comptent leurs troupes en présence. Dans la partie plus présentable de l’échiquier politique, c’est un peu la même chose. Les libéraux ont vu dans le mouvement l’expression du trop-plein de taxes, amplifié par un président pourtant un temps identifié comme libéral. Les socialistes, eux, ont cru y voir le « retour de la question sociale », alors que le débat politique et intellectuel hexagonal était, selon eux, occupé par les questions d’identité ou de sécurité depuis des mois. On le voit : chacun a endossé son gilet jaune. Le philosophe Alain Finkielkraut déclare préférer les « ploucs » de province aux « bobos » parisiens. Il est gilet jaune. Mais le romancier Edouard Louis aussi, même si c’est dans une approche bien différente, et peut-être car il a des choses à se faire pardonner… Un soutien de plus, en tout cas. De peur apparaître « déconnectés » dans leurs rédactions parisiennes, les médiatiques n’ont jamais osé vraiment recadrer les propos parfois outranciers de certains gilets jaunes qui se pressaient devant les micros. Sans vouloir manifester ici le moindre mépris de classe, il faut reconnaître que les propos les plus crétins ont parfois été largement diffusés. De peur de passer pour « bourgeois » ou pour un « jaune » (le comble !), les esprits sensés se sont effacés devant les plus forts en gueule. Après les mesures lâchées, lundi soir, par un Macron en pleine tourmente, tout le monde devrait avoir remporté une grande victoire. Seul le président semble affaibli. Mais n’oublions pas que c’est notre chef pour encore quelques années. Macron voit le rythme des réformes de son quinquennat brutalement interrompu, tout comme son combat pour le « rafraîchissement » de la planète. (…) De leur côté, les conservateurs américains ne demandaient qu’à voir le programme de Trump appliqué dans leur coin… Même si la voix de la France ne porte plus tant que ça, ils ont été à de nombreuses reprises contrariés par les reproches français d’un Macron arrogant présenté comme le nouveau leader du monde libre (par une presse et une intelligentsia en sédition avec le pouvoir politique). Aussi, l’occasion était trop bonne : les conservateurs américains voient dans la situation sociale française actuelle une raison de plus de se détourner des politiques « vertes ». Outre-Atlantique, on ne se demande pas qui est gagnant ou perdant parmi les Français ou leurs élites politiques. C’est Trump : 1, Macron : 0. La croissance économique française déjà faiblarde ne pâtit-elle pas du mouvement social ? On évalue son impact à – 0,1 point. En termes d’image du pays à l’étranger ou de concorde civile, les dégâts sont désastreux et plus difficiles encore à mesurer. (…) Alors que la situation s’envenimait en France, Donald Trump s’est ainsi autorisé un tweet dont il a la recette à l’attention de son « ami » Emmanuel. Dans son esprit, les protestations des gilets jaunes et le recul de Macron ne font que confirmer ce qu’il disait des accords de Paris depuis deux ans. Les images de violence parisienne relayées par les télévisions comme Fox News sont l’illustration d’un petit peuple qui n’en peut plus d’être pressuré de taxes vertes et que l’administration Trump se garde bien d’imiter. Selon la rhétorique trumpiste, des élites technocratiques ont mis en place chez nous des politiques environnementales qui étranglent les familles modestes de la périphérie, bien contraintes d’utiliser leurs véhicules diesel. Pour les conservateurs américains, le peuple français rural – comme l’électorat de Trump – n’a pas d’autre choix pour aller travailler. Le mécontentement envers Macron était déjà grandissant : politique économique qui tarde à porter ses fruits et adoubement devant une vision mondialiste de l’économie qui fracasse les classes moyennes inférieures. Lesquelles entrent en révolte contre une élite qui les dirige depuis des métropoles où l’on se déplace en transport en commun… Martin Pimentel
L’idéologie encore dominante dans les médias de grande surface, mais en deuil de son pouvoir monopolistique à cause des courants d’information et d’opinion souterrains, aimerait pouvoir édicter de nouveaux principes moraux d’intimidation. C’est ainsi qu’il devrait être acquis sans discussions aux débats que les «fake news» relèvent précisément des réseaux underground et qu’il serait inconvenant parce qu’antidémocratique et complotiste de critiquer irrespectueusement les médias respectables. Malheureusement pour nous et eux, les grands cas de désinformation médiatique des dernières années proviennent des courants d’information de grande surface et sont précisément à l’origine de la profonde défiance publique souterraine. La semaine passée est tristement illustrative de cette réalité inavouée. C’est ainsi que Claas Relotius, l’un des journalistes vedettes du Spiegel, hebdomadaire emblématique de la gauche libérale allemande, vient d’être convaincu de falsifications et mensonges grossiers dans ses articles sur les orphelins syriens et les migrants mexicains refusés par Trump, sujets à haute teneur idéologique. En France, le 15 décembre, était découvert un trucage intervenu lors du journal télévisé «Soir 3» de la chaîne de service public France 3. Il est apparu en effet qu’une pancarte tenue par un gilet jaune et portant l’inscription «Macron dégage!» avait fait l’objet d’un nettoyage circonstancié et ne portait plus que l’improbable et laconique inscription «Macron»… La manipulation du soir mise à jour, la journaliste présentait le lendemain aux téléspectateurs mystifiés des excuses inexcusables car aggravantes, en invoquant, contre l’évidence aveuglante, une «erreur humaine» extravagante. Deux jours plus tard, avec une spontanéité relative, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, sentant venir le vent du boulet, réclamait des sanctions à l’égard d’une faute délibérée dont elle ne pouvait contester la gravité. Dans ce cadre médiatique rien moins que sécure, et où l’idéologie affleure, comment dès lors empêcher le public de douter de ceux qui l’informent en le désinformant? Comment ne pas voir que ce journalisme idéologique fait le jeu des conspirationnistes de tous poils, rien n’étant plus incontrôlable qu’un paranoïaque victime d’un apparent complot? Gilles William Goldnadel
Trump, le golem du business ? Pur produit du capitalisme le plus cynique, spéculateur immobilier sans scrupule, milliardaire ostentatoire et provocant, héros d’une émission de télé-réalité (The Apprentice) dont le leitmotiv symbolise le fantasme des patrons décomplexés – «you’re fired», «vous êtes viré» -, il échappe désormais à son milieu d’origine, jusqu’à angoisser la Bourse, éternel thermomètre des investisseurs. Ceux-ci l’avaient pourtant accueilli à bras ouverts, transportés de bonheur par les baisses d’impôt massives prévues dans son programme. Mais voici que ce capitaliste emblématique inquiète désormais les capitalistes eux-mêmes. Le monde des affaires aime la stabilité : l’imprévisibilité fantasque du Président heurte son amour de l’ordre ; les démissions qui se succèdent jettent un doute sur la santé mentale de celui qui gère la Maison Blanche avec la même devise que son émission ; ses attaques répétées contre le président de la Banque centrale américaine (qu’il a lui-même nommé) ébranlent cette institution que les épargnants voient comme un rempart contre les folies spéculatives ; son bras de fer avec la Chambre des représentants démocrate autour de la construction d’un mur à la frontière sud des Etats-Unis jette le désordre dans l’administration… Bref, l’hubris de ce président adepte plus qu’un autre des lois du marché vient troubler le bon fonctionnement dudit marché. Péché que les capitalistes jugent à tous égards… capital. Cela suffira-t-il à dessiller les yeux de la démocratie américaine ? Sans doute non. Trump est l’homme de la démagogie plus que des milieux d’affaires. A moins que son comportement n’en vienne à provoquer un véritable ralentissement économique. Auquel cas ses électeurs pourraient l’abandonner. Faudra-t-il une récession mondiale pour éviter la réélection de Trump ? Voilà le peu réjouissant paradoxe devant lequel nous sommes. Laurent Joffrin (Libération)
Le retour du balancier est en cours. Non seulement la montée des droites partout dans le monde a déjà pour effet de mater les excès de la rectitude, mais cette dernière commence à douter d’elle-même. La constance de Trump aux États-Unis n’y est pas étrangère. La victoire récente de Bolsonaro au Brésil non plus, de même que la résistance culturelle de certains pays d’Europe de l’Est. Trop longtemps refoulée, l’identité refait surface. L’identité malheureuse, diront certains, sera peut-être finalement l’identité victorieuse. Ils se sont employés à multiplier les tabous et les interdits. Ils ont surfé sur la vague de la déconstruction sans réaliser qu’ils déclencheraient un tsunami en sens inverse. Ils ont voulu assurer leur mainmise sur le langage, important des États-Unis une multitude de concepts que la population n’allait pas digérer. Ils ont décrit le monde avec des mots que le peuple ne connaissait pas, pour marquer sa distance avec lui et le faire passer pour ignorant. Ils ont décrit la France avec des mots qui niaient son universalité, pour lui dérober subtilement ce qui faisait sa grandeur. Ils ont racialisé tous les rapports sociaux au nom de l’antiracisme. Sont devenus presque courants en France les concepts de racisme systémique, de violence symbolique et d’appropriation culturelle, autant d’outils idéologiques destinés à cadenasser le débat. Au Québec, il y a quelques années, certains ont inventé la « laïcité ouverte » pour ne prôner rien d’autre que l’absence de laïcité. Si la première fonction du langage est de nommer la réalité, force est de constater que c’est de moins en moins vrai. Pour certains intellectuels, leur tâche n’est plus de décrire le réel, mais de faire abstraction des enjeux qui préoccupent les gens ordinaires. Le peuple a toujours tort prétendent des néo-progressistes, contrairement à ce que disait Rousseau. Comme dans le vaste monde de la sexualité, les tabous et les interdits ne produisent que des phénomènes de refoulement. Aux États-Unis, plusieurs observateurs ont déjà écrit que le phénomène Trump visait directement à rompre avec le politiquement correct. En fait, le refoulement lié aux interdits produit souvent des déviances. L’avènement de Trump est une extravagance de l’histoire venue répondre à un trop-plein. La gauche américaine en prendra-t-elle acte durant l’année qui vient ? (…) Il y a un parfum de conservatisme dans l’air, qui est de plus en plus difficile à ignorer un peu partout en Occident. Jérome Blanchet-Gravel
After only two years in office, in the face of unprecedented and relentless resistance from the Democrats, the media, and the metastasizing Mueller investigation, President Trump has accomplished more than many presidents accomplish in two terms. He has not, of course, achieved all of his goals. The most obvious disappointments involved Obamacare and the border wall. Yet, even in these areas, his administration has made measureable progress and there is good reason to believe that he will eventually overcome Democratic obstructionism and achieve his ultimate objectives. Meanwhile, Trump’s long list of unalloyed successes keeps growing. Trump’s most conspicuous successes have involved the economy. Under his predecessor GDP growth was characterized by the kind of malaise that prevailed during the Carter era, and we were told that a growth rate of about 2% and an unemployment rate of about 4.5% was the new normal. Trump rejected that prognosis and took steps to energize the economy. Now, despite the somewhat inexplicable meddling with interest rates by the Fed, GDP growth is at 3.4% and the unemployment rate is 3.7%. As Investor’s Business Daily points out, much of this is directly attributable to the Trump tax cuts so often maligned by the Democrats and the media: Contrary to Democrats’ claims, workers are clearly sharing in the tax-cut windfall. Not just through tax-cut bonuses and lower withholdings, but through increased opportunities and wage growth.… Average hourly wages are rising at 3.1%, the fastest rate since 1999. Unemployment rates are at lows not seen since 1969, and for minority groups, they’re lower than any time on record. Median household income is at all-time highs. This means job opportunities for the blue collar “deplorables” who voted for Trump. Of the more than 4 million jobs created during his tenure in the White House, at least 10% have been in the manufacturing sector that the Democrats long ago left for dead. And among the most delicious ironies of the Trump economy is its positive effect on the job prospects of minority voters ostensibly represented by the Democrats. Black and Hispanic unemployment rates are at all-time lows. Female unemployment and youth unemployment are at their lowest points in half a century. Meanwhile, household incomes are rising. Yet Nancy Pelosi insists that all this is bad news: From day one, the White House and Republicans in Congress have sold out working and middle class families to further enrich the wealthy and big corporations shipping jobs overseas.… At the same time, the President’s reckless policies are exploding gas prices, wiping out the few meager gains that some families should have received from the GOP tax scam, as wages remain stagnant.… Democrats will never stop fighting for the hard-working middle class families. Every syllable of this is nonsense, of course. Pelosi’s claim that Americans are experiencing “exploding gas prices,” for example, is Orwellian fiction. Either the presumptive Speaker of the House doesn’t read the news or she is just another Democrat fabulist. In reality gas prices are dropping all across the country. U.S. News & World Report advised its readers last week that the average cost of gas has hit its lowest level in six years: “The national average price of gas dropped below $2 Monday morning for the first time since 2009, according to AAA. The average price at the pump was $1.998 per gallon.” If that’s hurting us, beat us harder please. But Pelosi and the Democrats have no choice but to lie about the positive changes that have occurred on Trump’s watch. This is particularly true of the Tax Cuts and Jobs Act that he signed into law last year. They can’t admit that most of its $5.5 trillion in gross cuts eased the tax burden on families. They must mislead the voters about its dramatic increase in the standard deduction for individuals and families. They can’t admit that it doubled the child tax credit. They can’t tell the truth about the 85% of American workers who saw their paychecks increase as a result of the cuts, or the entrepreneurs who can now deduct 20% of their business income. Likewise, the Democrats can’t tell the truth about the President’s efforts to free Americans from the Obamacare gulag by expanding short-term, limited-duration health plans and enabling more small businesses to join Association Health Plans. The Democrats can’t talk honestly about the repeal of the law’s “death panel,” the Independent Payment Advisory Board (IPAB), whose sole purpose was the rationing of essential health care to the elderly. They must lie about the effective repeal of Obamacare’s individual insurance mandate when the President and Congress eliminated the law’s “tax-penalty” for failing to purchase exorbitantly priced health plans. Nor can the Democrats tell the truth about Trump’s progress in reforming the federal judiciary by appointing judges willing to follow the Constitution. They can’t talk about his nomination and the Senate’s confirmation of two Supreme Court Justices — Neil Gorsuch and Brett Kavanaugh. Nor can they discuss the President’s nomination and the Senate’s confirmation of 83 additional federal judges who will sit on United States Courts of Appeals and United States District Courts. And they certainly can’t breathe a word about the very real possibility that he may well have to appoint a third justice to the Supreme Court during the next two years. The Democrats must also remain mum about the benefits of Trump energy initiatives like the approval of the Keystone XL Pipeline, opening up the Alaska National Wildlife Refuge to energy exploration, withdrawing from the economically unsustainable Paris climate agreement, reforming National Ambient Air Quality Standards, rescinding his predecessor’s deliberately cumbersome hydraulic fracturing rule, expansion of offshore drilling, ad infinitum. They can’t admit that Trump has largely defanged the disastrous Dodd-Frank “reform” legislation that has been strangling credit unions, community banks, and regional financial institutions. And then there’s foreign policy and defense. The President moved the U.S. Embassy in Israel to Jerusalem. He withdrew from the outrageous Obama Iran deal and re-imposed nuclear-related sanctions. He initiated an historic summit with North Korean President Kim Jong-Un in an effort to denuclearize the Korean Peninsula. Trump changed the rules of engagement with regard to the fight against ISIS resulting in the liberation of virtually all Iraqi territory from the tender mercies of that terrorist group, and announced the withdrawal of U.S. forces from Syria. Finally, Trump dramatically increased military funding to more than $700 billion for FY 2018. The list of Trump’s accomplishments is far longer than the above, but the point should be obvious. So let’s wrap it up with Criminal Justice Reform, something to which several administrations have devoted earnest lip service. As Wayne Allyn Root put it a few days ago, “If Obama passed criminal justice reform, he’d be hailed as a hero by the media, black leaders, the black community and the ACLU.… Trump did. I hear crickets.” Instead, the Democrats, the media, and Robert Mueller want to take him down. Why? Precisely because he has been so successful. I think he’ll beat them in the end, and I know he’ll get my vote in 2020. David Catron
Many observers have asserted that the withdrawal gives victory in Syria to Russia, Iran and the Syrian government. That’s absurd. Bashar al-Assad’s regime already controls about two-thirds of Syria, including all of the major cities. The portion of Syria that U.S. forces control alongside their Syrian Democratic Forces (SDF) allies is mostly either desert or drought-prone plains. The oil fields there produce high-sulfur, low-value crude, and production has long been diminishing. Oil revenue made up only about 5 percent of Syrian gross domestic product before the 2011 uprising, according to the International Monetary Fund. In sum, holding northeastern Syria would not have enabled Washington to leverage any important concessions from Damascus, Tehran or Moscow. Stability, not a deeply embattled Syrian Kurdish autonomous zone, is the vital long-term U.S. interest in northeastern Syria. Turkey can accept with conditions the return of Syrian government forces into the area, as Russia and Iran want. Ankara dislikes the Assad government, but it dislikes more the prospect of an autonomous Kurdish region along its border. The United States’ erstwhile friends, the Syrian Kurds, have always allowed Damascus to keep its security offices open in northeastern Syria; the Kurds never closed that channel of communication. If anything, the Syrian Kurds prefer the deployment of Syrian government forces along the Turkish border to deter Ankara. Agile Russian diplomacy should be able to secure the deal for an orderly, perhaps gradual, deployment of those Syrian government forces into the region formerly controlled by the United States. Nor will the U.S. withdrawal be a game changer for Israeli security. Already, Yaakov Amidror, a former chief of Israeli military intelligence, noted that the U.S. troops’ contribution against the Iranian forces in Syria was “marginal to zero.” If Iran tries to build a land bridge from Tehran to its allies in Lebanon, the Israeli Air Force is more than capable of interdicting those convoys. Critics also warn that the U.S. withdrawal could lead to a resurgence of the Islamic State. This is possible, although in western Syria, which is under the control of the Syrian government and its allies, there is little visible Islamic State activity. In any case, U.S. troops can’t destroy the Islamic State ideology, and restraining future recruitment by the extremist group requires more than some infrastructure rehabilitation projects. Syrians had electricity and water when they rose up against Assad in 2011; it is Syria’s underlying societal problems that spawned the unrest and spurred Islamist extremist recruitment. Only Syrians, not U.S. troops and stabilization teams, can reverse that. We would do well to be humbler about our abilities, especially in the face of sustained, widespread regional hostility. Going forward, the Trump administration should use the next few weeks to support SDF fighters’ efforts to capture remaining villages in eastern Syria still held by the Islamic State. Meanwhile, the administration needs to deliver three messages to Moscow. First, it should offer Russia cooperation in smoothing the way for a deal between the SDF and Damascus that would allow Syrian troops to return to eastern Syria in a manner that meets Turkish security concerns and gives no new space to the Islamic State. Second, Washington could offer to share with the Russians actionable intelligence about the Islamic State in eastern Syria and arrange an effective hotline in case the United States decides that a strike force stationed in the region should hit Islamic State targets inside Syria. Third, it should inform the Kremlin that the United States will support Israeli moves to counter Iranian actions in Syria that threaten Israel’s security. Finally, the president needs to consider how his own foreign policy team got so far out ahead of him on Syria. He needs a National Security Council staff that can more clearly relay his cautions and concerns about U.S. foreign policy to the people in charge of executing it. That staff needs to make clear to officials in the departments that, while he hears various departments’ views, those departments must act on his guidance. Ensuring implementation is the NSC’s job. The president would benefit politically and, more importantly, U.S. national security would benefit from a more effective foreign policy team. Robert S. Ford (Middle East Institute and Yale University, U.S. ambassador to Syria from 2011 to 2014)
C’est là un paradoxe inédit : la Maison Blanche, longtemps critiquée pour son interventionnisme sous couvert de « bienfaisance » (ou de « Manifest Destiny), est aujourd’hui fustigée pour son attitude inverse ! Les contempteurs de Trump en appellent ainsi au rôle de « leader » dévolu aux États-Unis depuis la seconde guerre mondiale, et à défaut attendent du reste du monde qu’il reprenne le flambeau de la protection de « l’ordre mondial », de la démocratie et du libre marché. Alors que l’Union Européenne manœuvre pour contrecarrer la Russie perçue comme l’ennemi existentiel, soutient un projet mondialiste sous couvert de globalisation, les États-Unis montrent un sens de la mesure et de la realpolitik inédits. (…) Choqué, le Secrétaire de la Défense, James Mattis, dont on attendait qu’il émousse la vision « America First » du président Trump, a remis sa démission en signe de désaccord total. Les « alliés » occidentaux s’en inquiètent, car Mattis était vu comme un grand soutien de l’OTAN, là où Trump menaçait (bluff) parfois même d’en sortir, au motif que les pays membres de l’Alliance ne prennent pas leur part du fardeau financier, ce qui est la stricte vérité. Cette plainte n’est d’ailleurs pas nouvelle, car tous les présidents des États-Unis ont regretté depuis des décennies que le budget devant être alloué à la défense n’ait jamais été atteint par les pays membres, notamment ceux de la « vieille Europe ». (…) Les États-Unis supportent en fait près de 75% des coûts de l’OTAN, dont l’objectif est pourtant en premier lieu de défendre la sécurité européenne, objectif hérité de la guerre froide et qui n’a plus grand sens aujourd’hui pour certains. (…) Cependant, ceux qui, parmi les capitales occidentales moralisatrices, accusent Donald Trump « d’abandonner les Kurdes », se sont souvent bien gardés de dénoncer les agissements d’Erdogan contre les kurdes, et ce dans une logique du double standard devenue la norme à l’international ces dernières années. Ils se gardent également de noter qu’en réalité, le président américain respecte tout simplement le droit international, et en particulier celui des Nations Unies, en réitérant son attachement non seulement au « patriotisme » (« America first ») mais aussi par là même occasion, celui de l’intangibilité des frontières. Un principe fondateur du droit international que la plupart des prédécesseurs de « Donald » ont tous violé, à commencer par les Bush et les Clinton, que ce soit en Amérique latine, en Irak, ou en ex-Yougoslavie. Les kurdes ont certes combattu avec une bravoure remarquée par la « communauté internationale », mais leur désir de former un État indépendant ne pouvait signifier, en cas de victoire pour eux, que la fin de la Syrie telle qu’on la connaît, et de surcroit la déstabilisation des trois autres pays abritant des forces et populations kurdes travaillées par le désir séparatiste (Irak, Iran, Turquie). (…) Et l’aide militaire américaine apportée aux milices kurdes et FDS à l’est de l’Euphrate n’est pas pour autant totalement supprimée : tout dépendra en fait de la façon dont l’armée turque et le néo-Sultan Erdogan profitera de façon sage ou inconsidérée du vide stratégique laissé par le retrait américain. (…) de l’avis de nombre de ses soutiens et électeurs, globalement restés fidèles, les mesures prises par le président américain depuis le début de sa présidence ont eu un effet particulièrement positif pour les Américains : le taux de chômage est au plus bas – y compris chez les Noirs américains, le prix du carburant a chuté, et la bourse n’a cessé de progresser jusqu’à la très récente crise du shutdown. Comme le rappelle Randall Schweller dans Foreign Affairs, Trump respecte en fait son engagement de mettre fin à l’ère où « nos politiciens semblent plus intéressés de défendre les frontières d’autres pays que du leur ». C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’on peut comprendre le bras de fer actuel du président avec son administration visant à faire voter le financement du mur de la frontière sud avec le Mexique. Plutôt qu’un retrait du jeu mondial dont il laisserait la direction à d’autres, Trump entend en fait « responsabiliser » ses alliés, qu’ils soient latino-américains, européens ou asiatiques, et par conséquent redistribuer les cartes. (…) La triste ironie est que ces élites moralisatrices cosmopolitiquement correctes qui blâment les États-Unis de Donald Trump pour leur « manque d’engagement dans la grande lutte mondiale contre le réchauffement climatique » ou le fait de resserrer l’étau sur les tarifs douaniers avec la Chine, se couchent devant la Chine néo-impériale et feignent de nier la stratégie déloyale de Pékin qui pille les technologies occidentales, viole les règles de libre-échange de l’OMC, pratique un protectionnisme sournois et demeure de loin le plus grand pollueur au monde. A noter d’ailleurs que ce que les experts annonçaient comme un « désastre économique » pour les Américains a en fait été l’occasion de redresser un rapport de forces complètement déséquilibré entre la Chine et les États-Unis. En effet, Beijing a fini par céder en offrant à l’administration de Donald Trump d’augmenter ses importations de produits américains en échange du desserrement par les Etats-Unis de l’étau sur la douane et de la baisse sa taxe sur les voitures à 15 % (contre 25%, sachant que la taxe américaine équivalente était de 2,5% !). De même, alors que les États non-signataires du Pacte global sur les Migrations qui a tant fait jaser le « boboland » immigrationniste se voyaient sermonnés sur leur manque de vision – Donald Trump s’étant retiré de la table des négociations déjà un an avant le document final – on feint d’oublier que les États-Unis ont le plus haut pourcentage de migrants dans le monde. (…) Le recentrage voulu par Trump montre en fait que cette administration « isolationniste » est veut faire entrer les Etats-Unis dans une phase de maturité « multipolariste » alors que ses autres partenaires occidentaux (européens et canadien) de l’OTAN puis « l’Etat profond » démocrate-néo-cons américain s’enfonce dans ce qui ressemble très fort à de l’hubris. Il est facile de tout mettre sur le compte d’une « folie » du président américain, mais nombre des accords qu’il a répudiés (accord sur le nucléaire iranien, accord sur le climat, pacte global sur la migration) et des organisations qu’il critique étaient problématiques à plusieurs points de vue, et avant tout du point de vue américain lui-même qui en supporte le coût financier. Là où en Europe, on fait fi du contexte et de l’histoire, Donald Trump est finalement plus attentif à la situation actuelle de « multipolarisation » du monde de l’après-guerre froide. En effet, n’en déplaise à ceux qui s’évertuent à faire de Moscou l’œil de Sauron, la Guerre froide n’est plus, et le rôle de l’OTAN est donc à revoir de fond en comble. Ce qui ne veut pas dire détruire cette organisation, contrairement à ce que l’on a stupidement reproché à Donald Trump. La réelle aversion de Trump à faire usage de l’interventionnisme militaire et à privilégier la négociation (même très « hard » ou « cash »), dans un style souvent discutable, peut choquer, mais force est de constater son efficacité, comme on l’a vu par exemple avec la Corée du Nord, et peut être bientôt avec le régime totalitaire iranien, sur le point d’être économiquement à genoux. Alexandre Del Valle

Retrait de l’accord iranien, retrait du traité de Paris, transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, accord sur la Corée du nord, pressions sur les mauvais payeurs de l’OTAN, renégociation des traités avec Chine, Canada et Europe, records de croissance et de baisse du chômage, minorités comprises …

Y aura-t-il une gaffe aux conséquences catastrophiques annoncées que Trump n’aura pas faite ?

Et comment ne pas comprendre …

L’embarras et la rage décuplée de ses nombreux détracteurs et ennemis …

Entre une dénonciation de ses « fake news » et de sa dernière théorie du complot anti-Père Noël

Qui lorsqu’ils ne se voient pas complètement rejetés par leur propre population

En sont réduits pour le remettre enfin à sa place au rêve, souvent évoqué et à chaque fois démenti, d’une catastrophe boursière et financière américaine …

Et à lui reprocher aujourd’hui après son annonce du retrait de Syrie …

Après lui avoir si longtemps reproché hier son bellicisme…

Son coupable non-interventionnisme ?

Le président américain est en plein bras de fer avec son gouvernement, décidé à maintenir son shutdown jusqu’à ce que le budget devant financer le mur de la frontière sud avec le Mexique soit approuvé. Politique « à la force du poignet » ou façon de responsabiliser les acteurs tant au pays qu’à l’étranger

Alors que le retrait des troupes américaines de Syrie, annoncé le 19 décembre par Donald Trump, a largement été commenté ces derniers jours, Alexandre del Valle analyse l’envers d’une telle décision et dégage ce qu’elle signifie pour l’avènement d’un « monde multipolaire ». C’est là un paradoxe inédit : la Maison Blanche, longtemps critiquée pour son interventionnisme sous couvert de « bienfaisance » (ou de « Manifest Destiny), est aujourd’hui fustigée pour son attitude inverse ! Les contempteurs de Trump en appellent ainsi au rôle de « leader » dévolu aux États-Unis depuis la seconde guerre mondiale, et à défaut attendent du reste du monde qu’il reprenne le flambeau de la protection de « l’ordre mondial », de la démocratie et du libre marché. Alors que l’Union Européenne manœuvre pour contrecarrer la Russie perçue comme l’ennemi existentiel, soutient un projet mondialiste sous couvert de globalisation, les États-Unis montrent un sens de la mesure et de la realpolitik inédits. L’abandon des Kurdes – critiqué avec justesse – est, certes, le dommage collatéral de l’opposition entre deux visions du monde totalement opposées: l’hyper-globalisation d’un côté, le « pays » d’abord de l’autre.

Décidément, Donald Trump a le don de tenir ses promesses de campagne, au grand dam de ses contempteurs qui avaient cyniquement compté sur son « assagissement » post-victoire – c’est-à-dire escompté qu’il n’ait fait que de l’esbroufe pour gagner mais qu’il rentre dans les rangs par la suite et trahissent ainsi ses électeurs. Le président américain avait promis de mettre un terme aux guerres coûteuses et interminables menées par les États-Unis à l’étranger, et voilà qu’il retire ses troupes de Syrie. Il compte également réduire de moitié la présence des troupes américaines en Afghanistan, après 18 ans de guerre « interminable ». Choqué, le Secrétaire de la Défense, James Mattis, dont on attendait qu’il émousse la vision « America First » du président Trump, a remis sa démission en signe de désaccord total. Les « alliés » occidentaux s’en inquiètent,  car Mattis était vu comme un grand soutien de l’OTAN, là où Trump menaçait (bluff) parfois même d’en sortir, au motif que les pays membres de l’Alliance ne prennent pas leur part du fardeau financier, ce qui est la stricte vérité. Cette plainte n’est d’ailleurs pas nouvelle, car tous les présidents des États-Unis ont regretté depuis des décennies que le budget devant être alloué à la défense n’ait jamais été atteint par les pays membres, notamment ceux de la « vieille Europe ». Toutefois, Donald Trump, avec sa verve coutumière, l’a exprimé plus clairement encore, avec sa manière toute particulière de mener des « deals », c’est-à-dire des « propositions que l’on ne peut pas refuser », pour paraphraser un célèbre mafieux new yorkais… Les États-Unis supportent en fait près de 75% des coûts de l’OTAN, dont l’objectif est pourtant en premier lieu de défendre la sécurité européenne, objectif hérité de la guerre froide et qui n’a plus grand sens aujourd’hui pour certains.

L’abandon des forces kurdes qui ont combattu DAECH ?

Le retrait de Syrie pourrait signer le coup d’arrêt pour les forces Kurdes qui ont pourtant joué un rôle crucial dans les multiples défaites de l’Etat Islamique depuis 2016. D’un autre côté, sans leur allié américain, les Kurdes pourraient être amenés à reformer leur alliance avec les forces pro-gouvernementales afin de contrer la répression turque, Erdogan cherchant à les écraser des deux côtés de l’Euphrate. Ce serait donc l’opportunité pour le régime de Bachar Al-Assad de recouvrer l’entièreté du territoire syrien, avec bien sûr un fort appui russe, territoire pour l’instant laissé à la gestion des Forces de Défense Syriennes (principalement composées de Kurdes des YPG et de leurs alliés arabes locaux), ceci du fait de la faiblesse de l’armée syrienne qui devait privilégier l’ennemi principal, à savoir les jihadistes internationaux et les rebelles sunnites arabes et turcophones. Il est clair que sans les Américains sur le sol syrien, le jeu des forces en présence (Russie, Turquie, Iran) peut basculer à tout moment sans qu’on en connaisse l’issue.

Cependant, ceux qui, parmi les capitales occidentales moralisatrices, accusent Donald Trump « d’abandonner les Kurdes », se sont souvent bien gardés de dénoncer les agissements d’Erdogan contre les kurdes, et ce dans une logique du double standard devenue la norme à l’international ces dernières années. Ils se gardent également de noter qu’en réalité, le président américain respecte tout simplement le droit international, et en particulier celui des Nations Unies, en réitérant son attachement non seulement au « patriotisme » (« America first ») mais aussi par là même occasion, celui de l’intangibilité des frontières. Un principe fondateur du droit international que la plupart des prédécesseurs de « Donald » ont tous violé, à commencer par les Bush et les Clinton, que ce soit en Amérique latine, en Irak, ou en ex-Yougoslavie. Les kurdes ont certes combattu avec une bravoure remarquée par la « communauté internationale », mais leur désir de former un État indépendant ne pouvait signifier, en cas de victoire pour eux, que la fin de la Syrie telle qu’on la connaît, et de surcroit la déstabilisation des trois autres pays abritant des forces et populations kurdes travaillées par le désir séparatiste (Irak, Iran, Turquie).

Cette fois-ci, c’est peut-être donc l’occasion pour le régime syrien de contrôlée à nouveau l’ensemble de son territoire, ce que Trump semble bien avoir à la fois compris et accepté, voir négocié tant avec les Turcs qu’avec les Russes. En fait, en bon adepte de la Realpolitik, certes, non fait de bons sentiments mais de réalisme et de cynisme, le président étatsunien a de facto décidé de laisser la main haute aux deux puissances étrangères les plus décisives en Syrie : la Russie et la Turquie, lesquelles se sont elles-mêmes entendues depuis 2016 dans le cadre des accords d’Astana (militaires) et de Sotchi (politiques), alors qu’elles poursuivent au départ des intérêts totalement opposés en Syrie. De ce fait, si Ankara s’est vengée du soutien américain aux forces kurdes en se rapprochant depuis 2016 de Moscou (après une crise pourtant très grave en 2015), le retrait américain peut finalement rééquilibrer la donne et finalement mener à une sortie du conflit. Et l’aide militaire américaine apportée aux milices kurdes et FDS à l’est de l’Euphrate n’est pas pour autant totalement supprimée : tout dépendra en fait de la façon dont l’armée turque et le néo-Sultan Erdogan profitera de façon sage ou inconsidérée du vide stratégique laissé par le retrait américain.

Les Américains se retirent-ils du jeu mondial ?

Les réactions au retrait américain n’ont pas manqué, certains estimant que le « versatile » Donald Trump « lâchait » ses alliés. En réalité, les critiques viennent de deux camps opposés. D’une part, celle des néoconservateurs et des Démocrates, adeptes de l’interventionnisme américain, et qui voient dans le « repli » de leur Président « l’abandon » du rôle de « leader mondial » dévolu aux États-Unis, voire même un « manquement au devoir moral » de répandre la démocratie et le « bien » puis soutenir la « liberté dans le monde». Ce n’est d’ailleurs sans doute pas Donald Trump qui les détromperait : après tout, sa promesse est de mettre « l’Amérique d’abord », et l’on ne soigne jamais aussi bien son chez-Soi qu’en cessant de se dépenser pour le compte des Autres. L’autre camp des critiques est celui des Européens qui s’indignent de ce que les États-Unis ne jouent plus le « jeu mondial », celui de la globalisation d’abord, entendue non plus comme des moyens d’échanges mais comme un projet mondialiste, nuance que Trump a explicitement évoquée.

Or de l’avis de nombre de ses soutiens et électeurs, globalement restés fidèles, les mesures prises par le président américain depuis le début de sa présidence ont eu un effet particulièrement positif pour les Américains : le taux de chômage est au plus bas – y compris chez les Noirs américains, le prix du carburant a chuté, et la bourse n’a cessé de progresser jusqu’à la très récente crise du shutdown. Comme le rappelle Randall Schweller dans Foreign Affairs, Trump respecte en fait son engagement de mettre fin à l’ère où « nos politiciens semblent plus intéressés de défendre les frontières d’autres pays que du leur ».

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’on peut comprendre le bras de fer actuel du président avec son administration visant à faire voter le financement du mur de la frontière sud avec le Mexique. Plutôt qu’un retrait du jeu mondial dont il laisserait la direction à d’autres, Trump entend en fait « responsabiliser » ses alliés, qu’ils soient latino-américains, européens ou asiatiques, et par conséquent redistribuer les cartes.

Trump à contre-courant de la grande unification « libérale »

Alors qu’en Europe les alliances se succèdent dans le sens d’un soutien idéologique à une globalisation effrénée qui cache mal un projet mondialiste, Trump a clairement montré son intention de recentrer la politique américaine sur les intérêts des citoyens américains. Qu’on le dénonce comme téméraire, imprudent ou irréfléchi ne le gêne pas outre-mesure, autre pied de nez à la règle informelle internationale du « (cosmo)politiquement correct » qui veut que « dénoncer » les trublions suffirait à les faire rentrer dans le rang. Or Donald Trump est bien décidé à mettre fin au multilatéralisme excessif, pas celui des années 1950 originel, mais celui, actuel, hérité de l’Après-Guerre froide, qui réduit la capacité des Etats à contrôler « leurs » affaires nationales propres par toute une série de contraintes morales et juridictionnelles.

Les Etats-Unis se sont ainsi retirée de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, de l’accord de Libre-échange pacifique TTIP ; des négociations sur le Pacte global sur la migration des Nations Unies, etc. En d’autres mots, Trump va entièrement à l’encontre du mouvement que poursuit l’Establishment européen, canadien et états-unien, plus soucieux d’ouvrir les frontières, de favoriser la « migration », et d’accélérer la globalisation que de répondre aux « passions » dangereuses et « identitaires » des citoyens lambdas que l’on doit de ce fait « rééduquer ». La triste ironie est que ces élites moralisatrices cosmopolitiquement correctes qui blâment les États-Unis de Donald Trump pour leur « manque d’engagement dans la grande lutte mondiale contre le réchauffement climatique » ou le fait de resserrer l’étau sur les tarifs douaniers avec la Chine, se couchent devant la Chine néo-impériale et feignent de nier la stratégie déloyale de Pékin qui pille les technologies occidentales, viole les règles de libre-échange de l’OMC, pratique un protectionnisme sournois et demeure de loin le plus grand pollueur au monde. A noter d’ailleurs que ce que les experts annonçaient comme un « désastre économique » pour les Américains a en fait été l’occasion de redresser un rapport de forces complètement déséquilibré entre la Chine et les États-Unis. En effet, Beijing a fini par céder en offrant à l’administration de Donald Trump d’augmenter ses importations de produits américains en échange du desserrement par les Etats-Unis de l’étau sur la douane et de la baisse sa taxe sur les voitures à 15 % (contre 25%, sachant que la taxe américaine équivalente était de 2,5% !).

De même, alors que les États non-signataires du Pacte global sur les Migrations qui a tant fait jaser le « boboland » immigrationniste se voyaient sermonnés sur leur manque de vision – Donald Trump s’étant retiré de la table des négociations déjà un an avant le document final – on feint d’oublier que les États-Unis ont le plus haut pourcentage de migrants dans le monde.

Deux visions du monde, deux types de gouvernance ?

Les critiques ne manquent pas, en particulier concernant le dédain supposé de Trump pour ses alliés. Or derrière cette critique, il convient de voir deux visions du monde – et du rôle joué par les États-Unis – qui s’opposent radicalement. Le respect des alliés est en fait l’autre face de l’interventionnisme américain sous couvert de « répandre » la démocratie – comme si l’on pouvait l’étaler à travers le monde, au mépris des spécificités géopolitiques et des jeux d’équilibres précaires propres à la région du Moyen-Orient.

Le recentrage voulu par Trump montre en fait que cette administration « isolationniste » est veut faire entrer les Etats-Unis dans une phase de maturité « multipolariste » alors que ses autres partenaires occidentaux (européens et canadien) de l’OTAN puis « l’Etat profond » démocrate-néo-cons américain s’enfonce dans ce qui ressemble très fort à de l’hubris. Il est facile de tout mettre sur le compte d’une « folie » du président américain, mais nombre des accords qu’il a répudiés (accord sur le nucléaire iranien, accord sur le climat, pacte global sur la migration) et des organisations qu’il critique étaient problématiques à plusieurs points de vue, et avant tout du point de vue américain lui-même qui en supporte le coût financier. Là où en Europe, on fait fi du contexte et de l’histoire, Donald Trump est finalement plus attentif à la situation actuelle de « multipolarisation » du monde de l’après-guerre froide. En effet, n’en déplaise à ceux qui s’évertuent à faire de Moscou l’œil de Sauron, la Guerre froide n’est plus, et le rôle de l’OTAN est donc à revoir de fond en comble. Ce qui ne veut pas dire détruire cette organisation, contrairement à ce que l’on a stupidement reproché à Donald Trump.

La réelle aversion de Trump à faire usage de l’interventionnisme militaire et à privilégier la négociation (même très « hard » ou « cash »), dans un style souvent discutable, peut choquer, mais force est de constater son efficacité, comme on l’a vu par exemple avec la Corée du Nord, et peut être bientôt avec le régime totalitaire iranien, sur le point d’être économiquement à genoux. C’est d’ailleurs peut-être le secrétaire d’État américain Michael Pompeo qui l’a le mieux exprimé, notamment lorsqu’il a parlé de la capacité de Donald Trump à discuter même avec ses adversaires les plus déterminés : comme Ronald Reagan en son temps, Trump a le mérite de mélanger la clarté morale et l’acuité diplomatique. Une forme de réalisme politique auquel on aimerait voir nos dirigeants revenir.

Voir aussi:

Gilets jaunes: le vrai gagnant, c’est Donald Trump?

Je vous l’avais bien dit que les gens ne voulaient pas de votre écologie!


Tout le monde a vu sa victoire dans la « défaite » de Macron. Mais le vrai gagnant du mouvement des gilets jaunes est peut-être à chercher ailleurs. De l’autre côté de l’Atlantique…


De l’extrême gauche anarchiste aux « identitaires » de la droite dure, tout le monde veut voir sa victoire dans le recul de Macron face aux gilets jaunes. Mais au-delà des agendas politiques français, ce sont bien les conservateurs américains qui voient leur vision du monde confortée !

Certains esprits ont vu dans le mouvement des gilets jaunes une exaltation des valeurs françaises. Rien de moins ! Les regroupements spontanés de nombreux citoyens sur les ronds-points de France font certes plaisir à voir. Mais tout de même : quelle France divisée ! N’oublions pas trop vite tous ceux qui ont pris peur en restant des samedis entiers devant BFM TV. Ni ceux qui regrettent qu’un mouvement de contestation ait pu arriver à ses fins en faisant plier le pouvoir. Mouvement d’autant plus inquiétant qu’il est complètement désorganisé et manipulé de toutes parts. Je reconnais pour ma pomme m’être uniquement réjoui que le pays ne soit pas complètement mort, finalement.

Chacun voit la victoire à sa porte

Les acteurs les plus variés ont vu dans le mouvement des gilets jaunes l’expression populaire bienvenue de leurs propres revendications. Par exemple, lorsque les graves débordements éclatent à Paris, du NPA d’Olivier Besancenot à la droite identitaire, tous les radicaux se réjouissent et comptent leurs troupes en présence. Dans la partie plus présentable de l’échiquier politique, c’est un peu la même chose. Les libéraux ont vu dans le mouvement l’expression du trop-plein de taxes, amplifié par un président pourtant un temps identifié comme libéral. Les socialistes, eux, ont cru y voir le « retour de la question sociale », alors que le débat politique et intellectuel hexagonal était, selon eux, occupé par les questions d’identité ou de sécurité depuis des mois.

On le voit : chacun a endossé son gilet jaune. Le philosophe Alain Finkielkraut déclare préférer les « ploucs » de province aux « bobos » parisiens. Il est gilet jaune. Mais le romancier Edouard Louis aussi, même si c’est dans une approche bien différente, et peut-être car il a des choses à se faire pardonner… Un soutien de plus, en tout cas. De peur apparaître « déconnectés » dans leurs rédactions parisiennes, les médiatiques n’ont jamais osé vraiment recadrer les propos parfois outranciers de certains gilets jaunes qui se pressaient devant les micros. Sans vouloir manifester ici le moindre mépris de classe, il faut reconnaître que les propos les plus crétins ont parfois été largement diffusés. De peur de passer pour « bourgeois » ou pour un « jaune » (le comble !), les esprits sensés se sont effacés devant les plus forts en gueule. Après les mesures lâchées, lundi soir, par un Macron en pleine tourmente, tout le monde devrait avoir remporté une grande victoire. Seul le président semble affaibli. Mais n’oublions pas que c’est notre chef pour encore quelques années.

Macron vertement affaibli

Macron voit le rythme des réformes de son quinquennat brutalement interrompu, tout comme son combat pour le « rafraîchissement » de la planète. Sarkozy, qui le conseillerait discrètement, aurait vu venir la catastrophe. Le 1er novembre dans Le Point, il déclarait : « A peine le président émerge-t-il que le système cherche à laffaiblir ou à le détruire à travers les réseaux sociaux. » Il ajoutait aussi : « Le modèle démocratique touche aujourdhui brutalement ses limites. » Prémonitoire ?

De leur côté, les conservateurs américains ne demandaient qu’à voir le programme de Trump appliqué dans leur coin… Même si la voix de la France ne porte plus tant que ça, ils ont été à de nombreuses reprises contrariés par les reproches français d’un Macron arrogant présenté comme le nouveau leader du monde libre (par une presse et une intelligentsia en sédition avec le pouvoir politique). Aussi, l’occasion était trop bonne : les conservateurs américains voient dans la situation sociale française actuelle une raison de plus de se détourner des politiques « vertes ».

Trump et les « rednecks » français

Outre-Atlantique, on ne se demande pas qui est gagnant ou perdant parmi les Français ou leurs élites politiques. C’est Trump : 1, Macron : 0. La croissance économique française déjà faiblarde ne pâtit-elle pas du mouvement social ? On évalue son impact à – 0,1 point. En termes d’image du pays à l’étranger ou de concorde civile, les dégâts sont désastreux et plus difficiles encore à mesurer. Il est connu que Trump se moque éperdument du rafraichissement du climat. Sur les questions d’écologie, si l’on caricature un peu, le plus important pour le président américain est de s’assurer qu’il pourra continuer à arroser les greens des nombreux golfs qu’il possède. Alors que la situation s’envenimait en France, Donald Trump s’est ainsi autorisé un tweet dont il a la recette à l’attention de son « ami » Emmanuel.

Dans son esprit, les protestations des gilets jaunes et le recul de Macron ne font que confirmer ce qu’il disait des accords de Paris depuis deux ans. Les images de violence parisienne relayées par les télévisions comme Fox News sont l’illustration d’un petit peuple qui n’en peut plus d’être pressuré de taxes vertes et que l’administration Trump se garde bien d’imiter. Selon la rhétorique trumpiste, des élites technocratiques ont mis en place chez nous des politiques environnementales qui étranglent les familles modestes de la périphérie, bien contraintes d’utiliser leurs véhicules diesel. Pour les conservateurs américains, le peuple français rural – comme l’électorat de Trump – n’a pas d’autre choix pour aller travailler. Le mécontentement envers Macron était déjà grandissant : politique économique qui tarde à porter ses fruits et adoubement devant une vision mondialiste de l’économie qui fracasse les classes moyennes inférieures. Lesquelles entrent en révolte contre une élite qui les dirige depuis des métropoles où l’on se déplace en transport en commun…

Selon le président américain, les manifestants français qui ont déboulé dans la capitale – qu’il adore – chantaient « We want Trump ! » dans les rues. Voilà autre chose ! Si j’en crois les nombreux comptes-rendus des journalistes français présents sur place, on a quand même envie de crier à la fake news…


Noël/2018e: Attention à la marche ! (Like reading the Constitution today: Looking back at the 400-year intertestamental gap of Jewish writings and incredible religious change without which you can’t truly appreciate the break with the religion of the past that Jesus actually was)

25 décembre, 2018

La Cène, Léonard de Vinci, 1494 (Crédit : domaine public, via Wikipedia)

 
 
 

Le salut vient des Juifs. Jésus (Jean 4:22)
On célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace. C’était l’hiver. Et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Jean (10: 22-23)
Jésus (…) enseignait dans les synagogues, et il était glorifié par tous. Il se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Luc 4: 14-16
Pendant ce temps, les disciples le pressaient de manger, disant: Rabbi, mange… Jean 4: 31
J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le coeur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen! Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël, et, pour être la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants; mais il est dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité, c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité. Paul (Romans 9: 2-8)
Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple, qu’il a connu d’avance. Ne savez-vous pas ce que l’Écriture rapporte d’Élie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y a un reste, selon l’élection de la grâce. Or, si c’est par grâce, ce n’est plus par les oeuvres; autrement la grâce n’est plus une grâce. Et si c’est par les oeuvres, ce n’est plus une grâce; autrement l’oeuvre n’est plus une oeuvre. Quoi donc? Ce qu’Israël cherche, il ne l’a pas obtenu, mais l’élection l’a obtenu, tandis que les autres ont été endurcis, selon qu’il est écrit: Dieu leur a donné un esprit d’assoupissement, Des yeux pour ne point voir, Et des oreilles pour ne point entendre, Jusqu’à ce jour. Paul (Romans 11: 1-8)
La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant: Va, fais le dénombrement d’Israël et de Juda. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé; et, de Dan à Beer Schéba, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple. Comme l’ange étendait la main sur Jérusalem pour la détruire, l’Éternel se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui faisait périr le peuple: Assez! Retire maintenant ta main. L’ange de l’Éternel était près de l’aire d’Aravna, le Jébusien. David, voyant l’ange qui frappait parmi le peuple, dit à l’Éternel: Voici, j’ai péché! C’est moi qui suis coupable; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père! 2 Samuel 24: 1-17
Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël.Cet ordre déplut à Dieu, qui frappa Israël. (…)  Et David dit à Dieu: J’ai commis un grand péché en faisant cela! Maintenant, daigne pardonner l’iniquité de ton serviteur, car j’ai complètement agi en insensé!L’Éternel adressa ainsi la parole à Gad, le voyant de David: Va dire à David: Ainsi parle l’Éternel: Je te propose trois fléaux; choisis-en un, et je t’en frapperai. (…) Accepte, ou trois années de famine, ou trois mois pendant lesquels tu seras détruit par tes adversaires et atteint par l’épée de tes ennemis, ou trois jours pendant lesquels l’épée de l’Éternel et la peste seront dans le pays et l’ange de l’Éternel portera la destruction dans tout le territoire d’Israël. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, et il tomba soixante-dix mille hommes d’Israël. Dieu envoya un ange à Jérusalem pour la détruire; et comme il la détruisait, l’Éternel regarda et se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui détruisait: Assez! Retire maintenant ta main.(…) David leva les yeux, et vit l’ange de l’Éternel se tenant entre la terre et le ciel et ayant à la main son épée nue tournée contre Jérusalem. Alors David et les anciens, couverts de sacs, tombèrent sur leur visage.Et David dit à Dieu: N’est-ce pas moi qui ai ordonné le dénombrement du peuple? C’est moi qui ai péché et qui ai fait le mal; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Éternel, mon Dieu, que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, et qu’elle ne fasse point une plaie parmi ton peuple! I Chroniques 21: 1-17
Si le judaïsme n’avait qu’à résoudre la  question juive, il aurait beaucoup à faire, mais il serait peu de chose. Lévinas
Quand un Juif devient chrétien, on a un Chrétien de plus mais pas un Juif de moins. Edouard Drumont
La principale opposition de frères ennemis dans l’Histoire, c’est bien les juifs et les chrétiens. Mais le premier christianisme est dominé par l’Epître aux Romains qui dit : la faute des juifs est très réelle, mais elle est votre salut. N’allez surtout pas vous vanter vous chrétiens. Vous avez été greffés grâce à la faute des juifs. On voit l’idée que les chrétiens pourraient se révéler tout aussi indignes de la Révélation chrétienne que les juifs se sont révélés indignes de leur révélation. (…)  Il faut reconnaître que le christianisme n’a pas à se vanter. Les chrétiens héritent de Saint Paul et des Evangiles de la même façon que les Juifs héritaient de la Genèse et du Lévitique et de toute la Loi. Mais ils n’ont pas compris cela puisqu’ils ont continué à se battre et à mépriser les Juifs. (…) ils ont recréé de l’ordre sacrificiel. Ce qui est historiquement fatal et je dirais même nécessaire. Un passage trop brusque aurait été impossible et impensable. Nous avons eu deux mille ans d’histoire et cela est fondamental. (…) la religion doit être historicisée : elle fait des hommes des êtres qui restent toujours violents mais qui deviennent plus subtils, moins spectaculaires, moins proches de la bête et des formes sacrificielles comme le sacrifice humain. Il se pourrait qu’il y ait un christianisme historique qui soit une nécessité historique. Après deux mille ans de christianisme historique, il semble que nous soyons aujourd’hui à une période charnière – soit qui ouvre sur l’Apocalypse directement, soit qui nous prépare une période de compréhension plus grande et de trahison plus subtile du christianisme. René Girard
Il y a deux grandes attitudes à mon avis dans l’histoire humaine, il y a celle de la mythologie qui s’efforce de dissimuler la violence (…) la plus répandue, la plus normale, la plus naturelle à l’homme et (…) l ’autre (…) beaucoup plus rare et (…) même unique au monde (…) réservée tout entière aux grands moments de l’inspiration biblique et chrétienne [qui]  consiste non pas à pudiquement dissimuler mais, au contraire, à révéler la violence dans toute son injustice et son mensonge, partout où il est possible de la repérer. C’est l’attitude du Livre de Job et c’est l’attitude des Evangiles. […]. C’est l’attitude qui nous a permis de découvrir l’innocence de la plupart des victimes que même les hommes les plus religieux, au cours de leur histoire, n’ont jamais cessé de massacrer et de persécuter. C’est là qu’est l’inspiration commune au judaïsme et au christianisme, et c’est la clef, il faut l’espérer, de leur réconciliation future. C’est la tendance héroïque à mettre la vérité au-dessus même de l’ordre social. René Girard
Mais pourquoi donc le christianisme est-il devenu une religion non-juive ?  Gilles Bernheim
Les Juifs témoignent de l’absolue transcendance sur laquelle est fondée toute morale: la loi. Les chrétiens témoignent de l’incarnation de la Parole. deux voix pour le même Dieu! Deux voix différentes, dont  l’harmonie a été promise au-delà du temps. Mark Fressler
L’Histoire juive a été arrachée de son cadre étroit de la Palestine; par l’intermédiaire du christianisme, le Juif a cessé d’être un provincial insignifiant se pavanant sur l’étroite scène de la Judée; il a pénétré dans l’importance de la scène mondiale et est devenu une bénédiction pour toute l’humanité. Sans le christianisme, le judaïsme et le Juif auraient pu rester aussi insignifiants que l’ont été les disciples de Zoroastre. Maurice S. Eisendrath
Est-ce vraiment la volonté de Dieu qu’il n’existe plus aucun judaïsme dans le monde? Serait-ce vraiment le triomphe de Dieu si les rouleaux n’étaient plus sortis de l’arche  et si la Torah n’était plus lue dans les synagogues, si nos anciennes prières hébraïques, que Jésus lui-même utilisa pour adorer Dieu, n’étaient plus récitées, si le Seder de la Pâque n’était plus célébré dans nos vies, si la loi de Moïse n’était plus observée dans nos foyers?  Serait-ce vraiment ad majorem Dei gloriam d’avoir un monde sans Juifs? Abraham Heschel
Au travers des siècles, la communauté juive a interprété la décision de l’Eglise d’adorer Dieu le dimanche comme un rejet du coeur même de l’expérience juive: le rejet de la loi. Ce transfert du jour d’adoration au dimanche a rendu excessivement difficile, sinon virtuellement impossible, pour le juif, d’accorder une considération sérieuse au message chrétien. R. Marvin Wilson
Au IVe siècle, on disait aux Juifs; « Vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous en tant que juifs ». A partir du Moyen-Age jusqu’au XIXe siècle, on disait aux Juifs; « Vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous. » A l’époque nazie, on disait aux Juifs: « Vous n’avez pas le droit de vivre. » Paul Hillburg
Il a fallu la « solution finale » des nazis allemands pour que les chrétiens commencent à prendre conscience que le prétendu problème juif est en réalité un problème chrétien et qu’il l’a toujours été. Alice L. Eckardt
Après Auschwitz, (…) demander aux juifs de devenir chrétiens est une manière spirituelle de les effacer de l’existence et ne fait donc que renforcer les conséquences de l’Holocauste. (…)  Après Auschwitz et la participation des nations à ce massacre, c’est le monde chrétien qui a besoin de conversion. Gregory Baum
Tant que l’Eglise chrétienne se considère comme le successeur d’Israël, comme le nouveau peuple de Dieu, aucun espace théologique n’est laissé aux autres confessions et surtout à la religion juive. Gregory Baum
Si la loi du sabbat appartient au cérémoniel et n’est plus obligatoire, pourquoi remplacer le sabbat par un autre jour? Jacques Doukhan
Si la grâce chrétienne a mis fin à la loi juive, si le dimanche chrétien a abrogé le sabbat juif, si la notion d’un Dieu invisible indéfiniment suspendu à une croix a remplacé la notion du Tout-puissant invisible, si le salut et son emphase sur le spirituel l’a emporté sur la création, sur la nature et sur le corps, si le Nouveau Testament a supprimé l’Ancien, si les païens ont remplacé Israël; alors les juifs ont eu théologiquement raison, et ont encore raison aujourd’hui, de rejeter la religion chrétienne. Jacques Doukhan
Le Messie a été représenté dans les écritures hébraïques et dans la tradition juive comme une étoile, une étoile isolée, la dernière étoile qui annonce la venue du jour: l’étoile de David, celle-là même qui est représentée sur le drapeau israélien.  Les chrétiens ont si souvent mis l’accent sur l’événement passé de la crucifixion qu’ils se sont souvent arrêtés à la croix. Ils n’attendent plus. Ils sont déjà sauvés. La croix a éclipsé l’étoile. Jacques Doukhan
Because of the painful and shameful history (…), the name of Jesus has been associated in the Jewish consciousness with the memory of massacre, discrimination, and rejection for 2,000 years, the systematic « teaching of contempt » all climaxing at Auschwitz. Many Christians still do not realize the nature of that connection; and, consciously or not, they keep nurturing their mentalities with the old poison teaching and preaching the curse against the Jews who are charged with the most horrible crime of humanity, deicide: the killing of God. Meanwhile, there is the supersession theology, which denies the Jews and Israel the right even to be Israel, since the « true Israel » is another people. (This theory has been denounced as « a spiritual holocaust. ») This goes along with all kinds of strange ideas that Christians still entertain about the Jews: the myth of the Jewish plot, the association of the Jew with deception and money, etc. I am here referring to the old beast called « anti-Semitism. » You asked me if there is hope of reconciliation after Auschwitz. As long as Christians, whoever they are and whatever community they belong to, do not understand and recognize their responsibility at Auschwitz; as long as they are still fueling the fire and pushing in the same direction; as long as they keep in their heart anti-Semitic ideas and feelings there is no hope of reconciliation. With Auschwitz, Jewish-Christian history has reached a point of no return. After Auschwitz, it is no more decent to think or act or feel in the ways that have produced Auschwitz. To hope for a reconciliation after Auschwitz amounts then to hope in a genuine « conversion » on the part of the Christians. As long as Christians will not take this sin of anti-Semitism seriously, as long as they are not ready to turn back, repent, and recognize the Jewish roots that bear them, there is no hope for reconciliation. As a result, we can even say that there is no hope for any other reconciliation, and I mean here especially the Christian reconciliation with the God of Israel Himself. (..) According to the Jewish law (Halakhah), a Jew always remains a Jew whatever he does, even if he identifies himself as a Christian. Ironically, the Nazis have demonstrated the truth of this observation. The anti-Semite Drumont used to say, « When a Jew becomes Christian, we have one more Christian, but we don’t have one less Jew. » (…) Today, after the Holocaust and centuries of Christian effort to eliminate the Jews from the scene of history, any open at tempt to « convert » Jewish people will trigger strong reactions. Christians who want to share with Jews « the hope of Jesus » should, therefore, first of all ask themselves a question about their real motives. Why do they want to « convert » Jews? Do they intend to transform them into their image and thus erase their Jewish identity? (…) In other words, the conversion of the Christian is a prerequisite for the conversion of the Jew. (…) But in saying that, he does not imply that we have to change our identity in order to be able to reach out to Jews. A man does not need to become a woman in order to be able to reach out to women, and vice versa. (…) Paradoxically after the Holocaust and the creation of the State of Israel, more and more Jews are able to disassociate Jesus from the offensive Christian testimony. It is interesting that much more has been written about Jesus in Hebrew in the last thirty years than in the eighteen previous centuries. Along with Christians who begin to reconsider their Jewish roots and learn to love the law of the God of Israel, many Jews begin to realize that Jesus belongs to their Jewish heritage and as such deserves their attention. Jacques B. Doukhan
The festivals are nothing but a pedagogical or evangelistic tool to be used, just as we sometimes do when we use the model of the sanctuary to witness through this object lesson to our unique message. It should be descriptive and instructive, not prescriptive. If we desire to mark the festival, it would therefore be advisable to do it during its season, not because we want or need to be faithful to agricultural, ritualistic, and legalistic norms, but rather as an opportune moment when other people think about it, just as we traditionally do for Christmas, Easter, or Thanksgiving (although these festivals contain some elements of pagan origin, such as Santa Claus, the Christmas tree, and the Easter bunny). Jacques B. Doukhan
Juifs et chrétiens vont devoir à l’avenir changer ce qu’ils racontent les uns sur les autres. D’un côté, les chrétiens ne seront plus en mesure de prétendre que les juifs en tant que groupe ont consciemment rejeté Jésus comme Dieu. De telles croyances sur les juifs ont conduit à une histoire profonde, sanglante et douloureuse d’antijudaïsme et d’antisémitisme. […] De l’autre côté, les juifs vont devoir arrêter de railler les idées chrétiennes sur Dieu comme une simple collection d’idées fantaisistes “non juives”, peut-être païennes, et en tous les cas bizarres. Daniel Boyarin
Nous définissons habituellement les membres d’une religion en utilisant une sorte de check-list. Par exemple, on pourrait dire que si une personne croit en la Trinité et en l’incarnation, elle est un membre de la religion appelée christianisme, et que, si elle n’y croit pas, elle n’est pas un véritable membre de cette religion. Réciproquement, on pourrait dire que si quelqu’un ne croit pas en la Trinité et l’incarnation, alors il appartient à la religion appelée judaïsme mais que, s’il y croit, il n’y appartient pas. Quelqu’un pourrait aussi dire que, si une personne respecte le shabbat le samedi, ne mange que de la nourriture casher et fait circoncire ses fils, elle est un membre de la religion juive, et que, si elle ne le fait pas, elle ne l’est pas. Ou réciproquement, que, si un certain groupe croit que chacun doit respecter le shabbat, manger casher et circoncire ses fils, cela signifie qu’il n’est pas chrétien mais que, s’il croit que ces pratiques ont été remplacées, alors c’est un groupe chrétien. Comme je l’ai dit, voilà notre façon habituelle de considérer ces questions. (…) Un autre grand problème que ces check-lists ne peuvent pas gérer concerne les personnes dont les croyances et comportements sont un mélange de caractéristiques tirées de deux listes. Dans le cas des Juifs et des chrétiens, c’est un problème qui n’a tout simplement pas voulu disparaître. Des siècles après la mort de Jésus, certains croyaient en la divinité de Jésus, Messie incarné, mais insistaient également sur le fait que, pour être sauvés, ils devaient ne manger que de la nourriture casher, respecter le shabbat comme les autres Juifs et faire circoncire leurs fils. C’était un milieu où bien des personnes ne voyaient pas de contradiction, semble-t-il, à être à la fois juif et chrétien. En outre, beaucoup des éléments qui en sont venus à faire partie de la check-list éventuelle pour déterminer si l’on est juif ou si l’on est chrétien, ne déterminaient absolument pas à l’époque une ligne de frontière. Que devons-nous faire de ces gens là ? Pendant un grand nombre de générations après la venue du Christ, différents disciples, et groupes de disciples, de Jésus ont tenu des positions théologiques variées et se sont engagés dans une grande diversité d’observances relativement à la Loi juive de leurs ancêtres. L’un des débats les plus importants a porté sur la relation entre les deux entités qui allaient finir par former les deux premières personnes de la Trinité. Beaucoup de chrétiens croyaient que le Fils ou le Verbe (Logos) était subordonné à Dieu le Père voire même créé par lui. Pour d’autres, bien que le Fils soit incréé et ait existé dès avant le début du temps, il était seulement d’une substance similaire au Père. Un troisième groupe croyait qu’il n’y avait pas de différence du tout entre le Père et le Fils quant à la substance. Il existait aussi des différences très prononcées d’observances entre chrétien et chrétien : certains chrétiens conservaient une bonne part de la Loi juive (ou même la totalité), d’autres en avaient conservé certaines pratiques mais en avaient abandonné d’autres (par exemple, la règle apostolique d’Actes 15 5 ), et d’autres encore croyaient que la Loi entière devait être abolie et écartée pour les chrétiens (même pour ceux qui étaient nés juifs). Enfin, certains chrétiens étaient d’avis que la Pâque chrétienne était une forme de la Pâque juive, convenablement interprétée, avec Jésus comme agneau de Dieu et sacrifice pascal, tandis que d’autres niaient vigoureusement une telle relation. Cela avait également une portée pratique dans la mesure où le premier groupe célébrait Pâques le même jour où les Juifs célébraient Pessah tandis que le second insistait tout aussi fermement que Pâques ne devait pas tomber le jour de Pessah. Il y avait bien d’autres pommes de discorde. Jusqu’au début du quatrième siècle, tous ces groupes s’appelaient eux -mêmes chrétiens et un bon nombre d’entre eux se définissaient tout autant juifs que chrétiens. Selon cette vue, tenue par beaucoup de penseurs et d’exégètes, chrétiens aussi bien que juifs, après l’humiliation, la souffrance et la mort du Messie Jésus, la théologie de la souffrance vicaire rédemptrice aurait été découverte, apparemment en Is 53. On prétend alors que ce dernier texte a été réinterprété pour renvoyer non au peuple d’Israël persécuté mais au Messie souffrant. “ Le Seigneur a voulu l’écraser par la souffrance. S ’il fait de sa vie un sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours ; par lui la volonté du Seigneur s’accomplira. A la suite de son épreuve, il verra la lumière ; il sera comblé par sa connaissance. Le juste, mon serviteur, justifiera des multitudes et il portera lui-même leurs fautes. C’est pourquoi je lui donnerai une part parmi les princes et il partagera le butin avec les puissants ; parce qu ’il s’est livré lui-même à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels ; alors qu’il portait pourtant le péché des multitudes et intercédait pour les criminels” (Is 5 3,10-12). Si ces versets se réfèrent effectivement au Messie, ils prédisent clairement ses souffrances et sa mort pour expier les péchés des humains. Cependant, on nous affirme que les Juifs auraient toujours interprété ces versets comme une évocation des souffrances du peuple d’Israël lui-même et non du Messie, qui serait quant à lui uniquement triomphant. Résumons ainsi cette opinion communément reçue : la théologie des souffrances du Messie est une réponse apologétique a posteriori pour expliquer les souffrances et l’humiliation subies par Jésus puisque les ‘chrétiens’ le tenaient pour le Messie. Selon cette vue, le christianisme a été inauguré au moment de la crucifixion, qui aurait mis en branle la nouvelle religion. En outre, beaucoup de ceux qui défendent ce point de vue sont aussi d’avis que le sens original d’Isaïe 53 a été déformé par les chrétiens pour expliquer et rendre compte du fait choquant de la crucifixion du Messie, alors qu’il se référait initialement aux souffrances du peuple d’Israël. Ce lieu commun doit être entièrement rejeté. La notion d’un Messie humilié et souffrant n’était pas du tout étrangère au judaïsme avant la venue de Jésus et elle est demeurée courante chez les Juifs postérieurement, et ce jusque dans la première période moderne. C’est un fait fascinant (et sans doute inconfortable pour certains) que cette tradition a été bien établie par les Juifs messianiques modernes soucieux de démontrer que leur foi en Jésus ne les ‘déjudaïse’ pas. Que l’on accepte ou non leur théologie, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils ont constitué un très fort dossier textuel à l’appui de l’idée que la conception d’un Messie souffrant est enracinée dans des écrits profondément juifs, tant anciens que plus récents. Les Juifs n’ont apparemment pas eu de difficulté à envisager un Messie qui offrirait sa souffrance pour racheter le monde. Redisons-le : ce qu’on aurait dit de Jésus soi-disant après coup est en fait un ensemble d’attentes et de spéculations messianiques bien établies qui étaient courantes avant même que Jésus ne vienne au monde. Des Juifs avaient appris par une lecture attentive de certains textes bibliques que le Messie souffrirait et serait humilié ; cette lecture assumait précisément la forme de l’interprétation rabbinique classique que nous connaissons sous le nom de midrash, une façon de faire se répondre des versets et des passages de l’Ecriture pour en tirer de nouveaux récits, de nouvelles images et idées théologiques. » Daniel Boyarin
Tout le monde sait bien que Jésus est juif, mais l’auteur affirme que le Christ l’est aussi. Les bases de la christologie chrétienne appartiennent à la pensée israélite du second Temple et les divergences invoquées pour justifier une rupture historique prétendument immédiate entre « judaïsme » et « christianisme » sont erronées. La notion d’un Messie humano-divin, la pensée qu’en Dieu réside une seconde figure divine, la conception d’un Messie qui porte les péchés et sauve par sa souffrance, entre autres, ne sont pas une réinterprétation chrétienne, rétrospective et abusive, du Fils de l’Homme de Daniel 7 et du Serviteur souffrant d’Isaïe 53, mais des interprétations largement attestées dans la littérature juive contemporaine (Hénoch, Esdras, etc.). La nouveauté chrétienne est de voir leur réalisation dans cet homme-là Jésus et tous les juifs ne vont pas l’accepter. Même la prétendue rupture de Jésus avec les observances de la Torah résulte d’une mauvaise lecture de Marc 7 Trinité, messie humano-divin, messie souffrant, lois alimentaires, sabbat, circoncision, Yavné et Nicée, Qumran et autres. Ces textes intertestamentaires sont des textes qui montrent la diversité de pensée qui était dans ce qu’on appelle le judaïsme des premiers siècles (avant Jésus). Sébastien Lapaque
In the Soviet Union, run as it was by the self-declared militant godless, Christmas was a secular holiday: It was called New Year’s. People had New Year’s trees, decorated with New Year’s ornaments, under which Father Frost would leave New Year’s gifts. These images are central, beloved memories of my childhood — waking up to a sparkling, decorated tree in my room, piled high with presents that, given that it was the Soviet Union, were often slightly defective. When we came to the United States, we brought ornaments, some of which have been in the family for generations. For the first few years in the States, we’d get a New Year’s tree on Dec. 26, decorate it, lay presents under it and celebrate the New Year as we had for as long as anyone could remember. But after a few years, we stopped. It was no longer a New Year’s tree in a Soviet house. It had become a Christian symbol in a Jewish house. Christmas was all around us, for nearly one-tenth of the year, every year. It began to feel deeply alien precisely because we were secular, but it was not. Despite the movies and the shopping, despite the Germanic decor, Christmas is still, at its core and by design, about the birth of Christ, a point that seems bizarre to argue. Just look at all those nativity scenes! And we don’t observe the holiday on just any day. Dec. 25 has Christian significance. Whenever I hear the name, I hear the “Christ” in it. To me, it’s strange that many of its celebrants do not. And despite its celebration of a Christian god, it is everywhere, for over a month, in a way no other holiday is — not even Easter. It is in every ad, in every window and doorway, and on everyone’s lips. If you’re not a part of the festivities, even its sparkling aesthetic can wear you down. When you are from a minority religion, you’re used to the fact that cabdrivers don’t wish you an easy fast on Yom Kippur. But it’s harder to get used to the oppressive ubiquity of a holiday like Christmas. “This is always the time of year I feel most excluded from society,” one Jewish friend told me. Another told me it made him feel “un-American.” To say it’s off-putting to be wished a merry holiday you don’t celebrate — like someone randomly wishing you a happy birthday when the actual date is months away — is not to say you hate Christmas. It is simply to say that, to me, Julia Ioffe, it is alienating and weird, even though I know that is not intended. I respond: “Thanks. You, too.” But that feels alienating and weird, too, because now I’m pretending to celebrate Christmas. It feels like I’ve verbally tripped, as when I reply “You, too!” to the airport employee wishing me a good flight. There’s nothing evil or mean-spirited about any of it; it’s just ill-fitting and uncomfortable. And that’s when it happens once. When it happens several times a day for a month, and is amplified by the audiovisual Christmas blanketing, it’s exhausting and isolating. It makes me feel like a stranger in my own land. Julia Ioffe
Christmas is basically a traditional Jewish way of life. We know Jesus Christ was Jewish, and that for centuries our people have been the targets of anti-Semitism because of it. However, this practicing Jew looks at Christmas and all the joy it brings as a sign of Jewish values and many, many successes. Look at the time spent on family gatherings. Waiting on crowded highways, sitting in airport lounges and spending hundreds of dollars to share a meal, an overnight stay, and to spend valuable time together. We observant Jews do it weekly. My non-Jewish friends often joke about wishing how they had the ability to turn off a phone, like we observant Jews all do every Shabbat. Some wonder how they will ever get everything together in time for a festive meal. My answer: You don’t have religious laws restricting your time, so just Go For It! I admit: I am a Christmas movie addict. What better way to spend quality family time than to watch the classics like “It’s a Wonderful Life” or the Hallmark Channels and their 24-hour features? Personally, I wish there were a Hanukkah story or two. Why not a movie called “Latkes Fried With Love” or “Dreidel Competition”? David Lehman, author of “A Fine Romance: Jewish Songwriters, American Songs”, from Nextbook Press, says that this Christmas phenomenon is just one example of his larger point: that the story of American popular music is massively a Jewish story. Tablet magazine asked Lehman to list his 10 favorite Christmas songs written by Jews. His only regret? “I really wish that ‘Have Yourself a Merry Little Christmas’ was by Jews,” he says. “That would definitely be in the top five.” As we light our next Shabbos candles, let’s appreciate the feelings of love, the extra holiday greetings we share on the street with strangers and the sweetness of a simple cup of hot cocoa or a bite from a basic sugar cookie. Cindy Grosz
First of all, I love Christmas music. The innocent, hopeful melodies, the joyous diddies, the corny jingles — all of them bring smiles to my face. And when they become too cheesy or too much, I change the station. The fact that many of the most famous songs have Jewish composers only underscores the amazing cross-cultural pollination that is America at its best. Next, I think the decorations are wonderful. The lights are festive. The inflatables are mildly ridiculous — in a fun way. The projections on the houses get more and more colorful each year. I’ve inoculated my children against Christmas envy with a steady diet of Christmas house viewing and helping our Christian friends celebrate at their homes. Boring office building lobbies are filled with green and red, people try to be a bit more cheerful and friendly. Outside many local stores the Salvation Army stands asking for charity amid the rampant consumerism — and people give! Christmas has also boosted the profile of our minor festival of Hanukkah. Every Jew knows the story of the miraculous light burning for eight days, they know of the brave Maccabees standing up for their religious freedom, they celebrate with friends and family and synagogue communities. As a rabbi, I sincerely wish that we got the same enthusiasm for Sukkot or Shavuot, two traditionally major festivals on the Jewish calendar that do not get enough attention in the liberal Jewish world. But I’ll happily go along with the enthusiasm for Hanukkah and use it to offer Jewish teachings about appreciation for miraculous things in our lives and our ability to stand up for our values. I do not bemoan the popularity of a minor festival; I embrace it. Finally, I’m grateful that this time of years allows many of my friends, neighbors and Christian colleagues to embrace the highest and best values of their faith. The Christmas message of hope and the values of generosity, kindness, and joy are ideals that we share with Christians. In a world so torn by strife, how wonderful to have a time when our friends and neighbors can celebrate such goodness. The Christmas decorations we see all around remind me of this more than anything else. Each year at this season I see a lot of articles and blogs by my co-religionists worried about how the profusion of Christmas in public spaces impacts them and their children. I have a few suggestions for people who feel this way. First, recognize that we are, indeed, only one religious group in America and that the Christians should, by all means, be able to celebrate their most important holiday in a way that is meaningful to them. Most decorations in public spaces tend toward tinsel and lights rather than public Nativity Scenes — in other words, festive, not religious. Ironically, the menorah that many stores and office buildings put out is a religious ritual object — not just a fanciful symbol. Schools public and private recognize Christmas in myriad ways. If your children are forced to accept Jesus as their Lord and Savior in school, that is a problem. If they sing Frosty the Snowman or Jingle Bells in the school chorus, offer to teach the chorus some Hanukkah songs or Passover diddies — just make sure that they are innocuous like Jingle Bell Rock rather than holy like O Come, All Ye Faithful. If the chorus is singing explicitly religious Christian songs, use it as an opportunity to teach your children about multi-culturalism and then, based on your feelings and beliefs, ensure that your child can opt out of those songs. It is worth noting that much of the great art of Western Civilization depicts Christian themes — the Christmas Chorus Concert may be a perfect chance to introduce your children to this fact and how to appreciate the art without accepting its theology. On a public policy level, I am grateful that my children’s public school is closed on Rosh Hashanah and Yom Kippur. I am also sure that closing for those two days is a major inconvenience for the Christian parents. In financial terms, it must have a greater impact on them than the school Christmas celebrations have on my family. I think that a coherent argument could be made against closing on Rosh Hashanah and Yom Kippur based the Establishment Clause of the First Amendment. I am eternally grateful that school does close and that my Christian friends and neighbors graciously enable me to celebrate my faith. I’m happy to offer the quid pro quo of gingerbread houses at the 2nd grade “Holiday” party. In the end, the best thing that any Jew can do to inoculate ourselves in this season (beside getting a flu shot — which you should get!), is to get involved in Jewish religious life. When we practice Judaism, embrace Jewish culture, and live out Jewish values in our day to day lives, it becomes much easier to celebrate the fact that our Christian neighbors are doing the same thing. Their celebration need not be a threat to our identity. Instead, their we can find joy and satisfaction in the meaning and spiritual uplift they experience during their most precious holiday. Rabbi Howard Goldsmith
Christmas fascinates me. I’m drawn to its history, its color, its atmosphere, its music. And, of course, I’m drawn to the fact that Jesus was a Jew. He was born a Jew, lived as a Jew and died a Jew. If for nothing else, I can appreciate Christmas as the celebration of one Jew’s epic birthday. . . . I am grateful to my Christian neighbors and friends. Through their religious holy day, I am better able to confront and clarify my own religious convictions and theological certitudes. Like a brightly lighted Christmas tree, Christianity dispels a lot of darkness, theological as well as moral. In its glow, it challenges Christians and non-Christians alike to consider that which is transcendent, eternal, and greater than us all. Rabbi Michael Gottlieb
As Jews I think we ought to recognize that today the greatest challenge to our faith is not another faith, but faithlessness. Our greatest fear should not be those who worship in a different way but those who mockingly reject the very idea of worship to a higher power. Our children today are threatened by the spirit of secularism more than by songs dedicated to proclaiming a holy night. Living among Christians who demonstrate commitment to their religious beliefs to my mind is a far better example to my coreligionists than a secular lifestyle determined solely by hedonistic choices. Surrounded by Christmas celebrations, I have never had difficulty explaining to my children and my students that although we share with Christians a belief in God we go our separate ways in observance. They are a religion of creed and we are a religion of deed. They believe God became man. We believe man must strive to become more and more like God. We differ in countless ways. Yet Christmas allows us to remember that we are not alone in our recognition of the Creator of the universe. We have faith in a higher power. Wondering why we don’t celebrate Christmas is the first step on the road to Jewish self-awareness. To be perfectly honest, Christmas season in America has been responsible for some very positive Jewish results. This is the time when many Jews, by dint of their neighbors’ concern with their religion, are motivated to ask themselves what they know of their own. To begin to wonder why we don’t celebrate Christmas is to take the first step on the road to Jewish self-awareness. My parents were « reminded » of being Jewish through the force of violence. Our reminders are much more subtle, yet present nonetheless. And when Jews take the trouble to look for the Jewish alternative to Christmas and perhaps for the first time discover the beautiful messages of Chanukah and of Judaism, their forced encounter with the holiday of another faith may end up granting them the holiness of a Jewish holiday of their own. So this Christmas, pick up a good Jewish book or attend a Jewish seminar. Or check out my online course, Deed and Creed at JewishPathways.com, which explores the key philosophical differences between Judaism and Christianity. Call me naïve, but nowadays I really love this season. Because together all people of goodwill are joined in the task to place the sacred above the profane. Rabbi Benjamin Bech
I’m an Orthodox Jew for whom Dec. 25 has zero theological significance. My family doesn’t put up a tree, my kids never wrote letters to Santa, and we don’t go to church for midnight Mass. But while I may not celebrate Christmas, I love seeing my Christian friends and neighbors celebrate it. I like living in a society that makes a big deal out of religious holidays. Far from feeling excluded or oppressed when the sights and sounds of Christmas return each December — OK, November — I find them reassuring. To my mind, they reaffirm the importance of the Judeo-Christian culture that has made America so exceptional — and such a safe and tolerant haven for a religious minority like mine. (…) As an observant Jew, I don’t celebrate Christmas and never have. Do the inescapable reminders at this time of year that hundreds of millions of my fellow Americans do celebrate it make me feel excluded or offended? Not in the least: They make me feel grateful — grateful to live in a land where freedom of religion shields the Chanukah menorah in my window no less than it shields the Christmas tree in my neighbor’s. That freedom is a reflection of America’s Judeo-Christian culture, and a central reason why, in this overwhelmingly Christian country, it isn’t only Christians for whom Christmas is a season of joy. And why it isn’t only Christians who should make a point of saying so. Jeff Jacoby
Comme tous les ans durant la période de Noël, des milliers de pèlerins et touristes du monde entier convergent vers la ville de Bethléem. Mais pour les chrétiens de Gaza, soumis à des restrictions de mouvements, cette possibilité semble désormais relever du privilège. L’accès au territoire palestinien est en effet rigoureusement contrôlé par les autorités militaires israéliennes qui délivrent des permis d’entrée et de sortie. Chaque année, un certain nombre d’entre eux est concédé aux chrétiens de Gaza souhaitant se rendre à Jérusalem ou en Cisjordanie pour les fêtes de Noël et de Pâques. Pour Noël 2018, 500 permis de sortie ont été promis par Israël, mais en pratique, seuls 220 ont été effectivement délivrés pour le moment à des personnes âgées entre 16 et 35 ans ou de plus de 55 ans, ce qui donne lieu à des situations problématiques au sein de plusieurs familles: le père obtenant un permis mais pas la mère et inversement, ou des permis accordés aux enfants mais pas aux parents et inversement. Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine avoue ne pas saisir la politique choisie par Israël dans ce domaine. «C’est une logique d’occupation que nous ne comprenons pas, ni ne justifions», assène-t-il. Pouvoir se rendre à Bethléem pour fêter Noël devrait être un droit naturel pour un chrétien gazaoui et non pas un privilège, déplore l’évêque italien. Mgr Marcuzzo se trouvait d’ailleurs à Gaza dimanche dernier, en compagnie de l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, pour célébrer Noël avec la petite communauté latine locale, selon une tradition désormais bien installée. Le vicaire patriarcal évoque une atmosphère générale empreinte de tristesse, même si la médiation égyptienne et qatarie entreprise ces derniers jours a fait baisser la tension dans le territoire palestinien, après des semaines de fièvre et d’affrontements liés aux «marches du retour». La présence chrétienne quant à elle s’amoindrit sensiblement. Face à des conditions de vie précaires et au manque évident de perspectives, l’émigration reste une tentation inexorable. On comptait il y a encore quelques années environ 3 000 chrétiens de toute confessions à Gaza; ils ne représentent aujourd’hui que 1 200 âmes, dont 120 catholiques latins. Vatican news
A Gaza également, l’ambiance est sombre (…) Une partie de la communauté chrétienne de la bande Gaza ne pourra pas se rendre dans la ville natale du Christ en raison des restrictions de circulation imposées par Israël qui comme chaque année n’a délivré des permis qu’au compte-gouttes. (…) Tous aimeraient être à Béthléem pour Noël, mais cette année seules 600 personnes ont reçu des permis, plus d’un tiers de la toute petite communauté chrétienne de l’enclave s’apprête donc à passer le réveillon sur place et sans grand enthousiasme.  (…) Un Noël maussade dans une bande de Gaza soumise à un sévère blocus israélien et ces restrictions de circulation concernent plus de deux millions de Palestiniens (…) Une situation qui a contribué à l’exode des chrétiens de Gaza. On en comptait 3.500 il y a 15 ans, selon les estimations, ils ne seraient plus qu’un millier aujourd’hui. France Inter
A la Maison de la Radio, les vieilles traditions de Noël ne se perdent pas. Dans les temps anciens, la fête de la nativité était l’occasion d’accabler les Juifs afin rappeler sa faute inexpiable au « peuple déicide ». Reprenant le flambeau, France Inter semble s’ingénier à diffuser tous les 24 décembre une petite perfidie anti-israélienne, afin de mieux stigmatiser ceux qui aux yeux de la station constituent les fauteurs de trouble dans la région. Cette année, dans la page consacrée aux préparatifs de Noël, nous avons ainsi eu droit à un reportage sur le triste sort des chrétiens de Gaza. Vivre dans l’enclave islamiste aux mains des terroristes du Hamas n’est certes pas une sinécure lorsque l’on n’est pas musulman. Mais à écouter le journal du matin, présenté par Agnès Soubiran, « l’ambiance sombre » qui affecte le petit territoire palestinien n’est due qu’à une cause : « Une partie de la communauté chrétienne de la bande Gaza ne pourra pas se rendre dans la ville natale du Christ en raison des restrictions de circulation imposées par Israël qui comme chaque année n’a délivré des permis qu’au compte-gouttes… » Suit le reportage à Gaza de la journaliste Marine Vlahovic. On y apprend que « seules 600 personnes ont reçu un permis » de la part des autorités israéliennes pour pouvoir quitter Gaza et se rendre à Bethléem. Les autres ont célébré la messe à Gaza. « On fait un petit dîner pour le réveillon et ensuite on assiste à la messe de minuit ici. A par ça, il n’y a rien à faire. Alors qu’ailleurs il y a plein de festivités. C’est vraiment très frustrant de rester ici. En fait c’est comme si ce n’était pas vraiment Noël », explique une jeune Gazaouite chrétienne au micro de France Inter. Les responsables de ce « Noël maussade » ? Les Israéliens bien sûr, en raison du « blocus sévère » qu’ils imposent à Gaza. Sur les conditions et les raisons de ce « blocus » (qui n’en est pas un puisque chaque jour des centaines de camions de marchandises pénètrent à Gaza et de très nombreux Gazaouites ont la possibilité de pénétrer en Israël ne serait-ce que pour aller se faire soigner dans les hôpitaux israéliens), on ne saura rien. Ni l’irrédentisme du Hamas, ni la violence qu’il dirige chaque jour contre Israël, ni les tirs de roquettes et de missiles sur les villes israéliennes ne sont évoqués dans ce reportage. Si les chrétiens souffrent à Gaza, c’est de la faute des Juifs, pas des milices islamistes qui ont imposé leur loi sur le territoire. Rien sur les discriminations, les menaces et les humiliations dont sont quotidiennement victimes les chrétiens (sans parler des conversions forcées). L’envoyée spéciale de France Inter à Gaza, Marine Vlahovic, n’a peut-être pas réussi à mettre la main sur le tract diffusé par les brigades al-Nasser al-Din, l’une des plus implacables milices islamiques à Gaza, intimant à la population de ne pas célébrer Noël ? Si la journaliste s’était donnée la peine de lire le Jerusalem Post, elle aurait pu apprendre que ce tract a été diffusé auprès des musulmans mais également des chrétiens auxquels on a bien fait comprendre qu’il leur est demandé d’adopter un profil bas en toutes circonstances. Le tract, qui a été distribué dans les jours précédant Noël, rappelle, versets du Coran à l’appui, la stricte interdiction de célébrer cette fête. « Dieu n’est pas pour le peuple du mal », peut-on y lire à gauche (juste au-dessus d’un sapin barré d’une croix rouge). (…) Dans son reportage radio, la journaliste de France Inter a aussi omis de préciser que les églises de Gaza étaient illuminées en vert, aux couleurs de l’islam ! La petite minorité chrétienne de l’enclave aux mains des islamistes a-t-elle manifesté son consentement pour ces illuminations de Noël d’un genre très particulier ? (…) Bien entendu, à aucun moment l’envoyée spéciale à Gaza n’a jugé utile de prendre contact avec les autorités israéliennes pour connaître leur position sur ce dossier. Le reportage en tout cas n’en parle pas. (…) Pareillement, le reportage rend les Israéliens responsables de l’exode des chrétiens dont une grande majorité a quitté Gaza ces dernières années. Pour la radio de service public, ce n’est certes pas l’instauration implacable de la charia – la loi islamique – qui a poussé ces chrétiens à fuir mais bien les « sionistes » qui auraient rendu l’atmosphère irrespirable. « Une situation qui a contribué à l’exode des chrétiens de Gaza. On en comptait 3.500 il y a 15 ans, selon les estimations, ils ne seraient plus qu’un millier aujourd’hui », conclut la journaliste. On sursaute un peu à la lecture de cette dernière information qui change un tantinet la donne (c’est à se demander si les journalistes et les présentateurs comprennent ce qu’ils disent à l’antenne). Les Israéliens ont donc distribué cette année 600 autorisations pour se rendre à la messe de minuit à Bethléem pour une population estimée à mille âmes ? Malgré le climat de violence que le Hamas fait régner depuis le printemps dernier à la frontière avec Israël, plus d’un chrétien sur deux s’est vu autorisé à la franchir ? Et c’est ce que la présentatrice appelle des autorisations délivrées « au compte-gouttes » ? (…) Cette enquête sur les tourments infligés par Israël aux chrétiens de Gaza est tellement bidon qu’aucun grand titre de la presse française ne l’a reprise. En cherchant bien, nous avons retrouvé l’info sur ce site turc francophone pro-Erdogan… accompagnée d’une photo de propagande qui relève plus de la mise en scène que de l’authentique reportage. InfoEquitable
Mind the gap. Annonce du métro londonien
La période intertestamentaire désigne, selon l’exégèse chrétienne, l’intervalle historique s’étendant entre la rédaction des textes canoniques de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament. On considère généralement qu’elle s’étend sur environ quatre siècles, entre la mort de Malachie, dernier prophète vétérotestamentaire, autour du Ve siècle av. J.-C., et la prédication de Jean le Baptiste, bien que cette division soit discutée. L’adjectif intertestamentaire s’applique en particulier à certains écrits religieux issus du judaïsme au cours de cette période, rédigés en grec ou en langue hébraïque. Une grande partie de ces textes sont jugés apocryphes ou pseudépigraphes. Plusieurs Livres deutérocanoniques considérés comme canoniques par l’Église catholique et l’Église orthodoxe ont toutefois été rédigés au cours de cette période. Cette appellation est critiquée par certains spécialistes, d’une part parce que cette littérature s’est maintenue pendant et dans une certaine mesure après la prédication du Christ, et d’autre part parce que selon eux plusieurs livres du Tanakh, dont Daniel, Esdras/Néhémie et Chroniques, furent écrits au cours cette période dite « intertestamentaire ». Bon nombre d’écrits intertestamentaires relèvent de la littérature apocalyptique et furent rédigés entre le début du IIe siècle av. J.-C. et la fin du Ier siècle av. J.-C.. Certains textes furent réunis en collection avec d’autres plus anciens, comme le Livre d’Hénoch. Ces écrits étaient généralement attribués à des figures bibliques anciennes, peut-être dans le but d’échapper à la répression des autorités. Parmi ceux-ci on peut citer l’Apocalypse d’Esdras, l’Apocalypse de Baruch, l’Apocalypse d’Élie, le Livre des Jubilés, les Testaments des douze patriarches et les Psaumes de Salomon, entre autres. La littérature rabbinique fut abondante au cours de cette période, bien qu’on ne le classe généralement pas dans la littérature intertestamentaire, s’agissant dans bien des cas de transcriptions de règles orales plus anciennes. Les manuscrits de la mer Morte constituent un important échantillon de littérature intertestamentaire. Wikipedia
Une synagogue (du grec Συναγωγή / Sunagôgê, « assemblée » adapté de l’hébreu בית כנסת (Beit Knesset), « maison de l’assemblée ») est un lieu de culte juif. L’origine de la synagogue, c’est-à-dire d’un lieu de rassemblement des fidèles dissociés de l’ancien rituel de l’autel du Temple, remonte peut-être aux prophètes et à leurs disciples ; originellement elle ne possède pas un caractère sacré, mais l’acquiert au fil du temps. La synagogue en tant qu’institution caractéristique du judaïsme naquit avec l’œuvre d’Esdras. Elle y a depuis pris une telle importance que « la Synagogue » en vient à désigner figurativement le système du judaïsme, par opposition à « l’Église » (…) Ni le terme, ni le concept d’une synagogue ne se retrouvent dans le Pentateuque (bien que la tradition rabbinique ainsi que Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe affirment que l’institution remonte à Moïse). L’idée d’une prière collective n’y est pas davantage mentionnée, et le seul lieu du culte décrit est le Tabernacle, un sanctuaire transportable abritant en son Saint des Saints l’Arche d’alliance. Celle-ci se retrouve dans le Temple de Salomon, construit pour l’abriter de façon permanente. La première évocation d’un rassemblement hors du Temple est trouvée dans Isaïe 8:16 : il s’agit d’un cercle de disciples réunis autour d’Isaïe, afin d’entendre de lui la parole de Dieu et la Torah. C’est également le cas dans Ézéchiel 8:11, où les anciens de Juda se réunissent dans la maison d’Ezéchiel. Le psaume 74:8 probablement daté du premier exil, mentionne « les centres consacrés à Dieu dans le pays ». Il semblerait que les synagogues se soient multipliées après la destruction du premier et du second Temples : selon une tradition rabbinique consignée dans la Mishnah (laquelle fut compilée vers 200 EC, plus d’un siècle après la destruction du second Temple), une grande ville compte obligatoirement dix batlanim, sinon c’est un village ; un batlan étant défini comme un individu renonçant à son travail pour aller prier, la Mishna enseigne qu’il existe une synagogue en tout endroit où un minyan de dix hommes est capable, à n’importe quel moment, de se réunir pour prier. Les Actes des Apôtres indiquent également que les synagogues que l’on trouvait dans chaque ville existaient depuis de nombreuses années (Actes 15:21), et en citent plusieurs, dont celle des Affranchis, celle des Cyrénéens et celle des Alexandrins. Le Talmud mentionne de nombreuses synagogues en Mésopotamie, dont celle de Néhardéa, et plus de 400 synagogues à Jérusalem avant la destruction du second Temple (Keritot 105a), tandis que les Évangiles évoquent celles de Nazareth et de Capharnaüm. Paul prêche dans les synagogues de Damas, de Salamine en Chypre, d’Antioche, etc. La chute du second Temple amplifie l’importance de la synagogue, car c’est là que seront perpétués les rites du Temple à l’exception capitale du sacrifice et c’est dans les synagogues que pourra se réunir le minyan composé de 10 hommes. Les synagogues vont donc se multiplier dans la diaspora. Celle d’Alexandrie décrite dans le Talmud était énorme puisque le chantre y indiquait aux fidèles à l’aide de drapeaux quand dire Amen. Wikipedia
Dans la Bible, la racine śāṭan apparaît à la fois sous forme de nom et verbe. Sous la forme de verbe, śāṭan apparaît 6 fois dans le texte massorétique de la Bible hébraïque, principalement dans le livre des Psaumes (Psaumes 38, 71 et 109). En dehors des Psaumes, le verbe n’est attesté que dans le livre de Zacharie (3.1)3. Le texte grec de la Septante rend le verbe par endieballon. Sous forme de nom, le terme śāṭān n’existe presque exclusivement qu’en tant que nom commun, désignant une fonction qui peut s’appliquer à des êtres humains, des créatures célestes ou une allégorie. Le roi David est par exemple qualifié de śāṭān par les Philistins, c’est-à-dire d’adversaire militaire. Lui-même qualifie Abishaï, un membre de sa cour, de śāṭān pour avoir proposé de condamner à mort un ancien opposant au roi. Dans sa lettre à Hiram de Tyr, on voit le roi Salomon utiliser le terme śāṭān pour signifier qu’il n’a plus d’ennemi qui menace son royaume. Plus tard, lorsque Hadad d’Édom et Rezin de Syrie s’attaquent à son royaume, ils sont qualifiés de śāṭān. Dans quatre passages de la Bible, le nom śāṭan est utilisé pour désigner des créatures célestes : livre des Nombres 22.22 et 22.32, Premier livre des Chroniques 21.1, livre de Zacharie 3.1 et livre de Job, chapitre 1 et 2. Dans les Nombres et les Chroniques, śāṭān apparaît à la forme indéfinie (« un satan »). Dans les Nombres, il désigne un ange de Yahweh placé sur le chemin du prophète Balaam pour empêcher son ânesse d’avancer. Il est l’envoyé de Yahweh et n’a rien en commun avec Satan tel qu’on le concevra plus tard. Dans les deux premiers chapitres du livre de Job, où le terme revient 14 fois, il apparaît toujours à la forme définie (haśśāṭān « le satan »). Il ne s’agit donc pas d’un nom propre. Le satan a une fonction judiciaire, celle d’accusateur. Il assiste Yahweh dans le jugement de Job mais il n’est pas autonome. Même s’il s’en prend à Job, il est soumis à Yahweh et n’agit qu’avec sa permission. Certains chercheurs ont proposé de voir dans cette fonction d’accusateur le reflet d’une pratique du système légal dans l’Israël antique ou à l’époque perse. Même dans ce cas, il ne s’agit pas nécessairement d’une fonction officielle pour un accusateur professionnel, il peut s’agir d’un statut légal donné temporairement dans des circonstances appropriées. La forme définie utilisée dans le livre de Job est généralement comprise comme un exemple de détermination imparfaite où l’article n’insiste pas sur l’identité précise d’un personnage mais sur ce qui le caractérise dans les circonstances particulières du récit. Le satan apparaît également comme une figure allégorique dans le troisième chapitre du livre de Zacharie. Dans la quatrième vision de Zacharie, le grand prêtre Josué se tient devant l’ange de Yahweh avec le satan pour l’accuser. L’ange réprimande le satan et donne de nouveaux vêtements au grand prêtre. Cette vision peut être comprise comme le symbole d’une communauté juive nouvellement restaurée au retour de l’exil à Babylone à la fin du VIe siècle av. J.-C. et à qui Yahweh a pardonné ses péchés. Elle peut aussi être comprise comme une allégorie politique qui symbolise la lutte entre Néhémie (l’ange) et Sanballat le Horonite (le satan) pour l’influence sur le sacerdoce du petit-fils de Josué, Eliashiv. La communauté juive est alors profondément divisée sur les questions cultuelles et sur la grande prêtrise. L’intervention du satan contre le grand prêtre peut symboliser les divisions internes de la communauté. Dans le premier livre des Chroniques, le mot śāṭān apparaît à la forme indéfinie et c’est le seul endroit dans la Bible hébraïque où cette forme désigne peut-être un nom propre (« Satan ») et pas un nom commun (« un satan »). Ce passage indique que c’est Satan qui a incité David à recenser le peuple. Dans le passage parallèle du second livre de Samuel, c’est pourtant Yahweh qui est à l’origine de ce recensement. Différentes explications ont été proposées pour expliquer ce transfert de responsabilité de Yahweh à Satan. Lorsque l’auteur des Chroniques retravaille le livre de Samuel, il a pu vouloir exonérer Yahweh d’un acte manifestement condamnable. Une autre explication y voit une réflexion sur l’origine du mal dans la littérature biblique tardive. La littérature ancienne, dont Samuel, ne connaît qu’une seule cause dans l’histoire humaine : Yahweh. Le Chroniste semble proposer un nouveau développement en introduisant une cause secondaire, Satan. Dans la littérature juive de l’époque hellénistique, d’autres points de vue sur le satan commencent à circuler dans le judaïsme. La démonologie devient plus développée, peut-être sous l’influence de la religion perse et du dualisme zoroastrien. Dans cette littérature post-biblique, Satan apparaît comme le nom d’un démon. Il figure dans le Livre des Jubilés (23.29) et dans l’Assomption de Moïse (en) (10.1). Le texte pseudépigraphique de l’Apocalypse de Moïse contient une légende sur la façon dont Satan a été transformé en ange de lumière et a travaillé avec le serpent pour tromper Ève. La littérature de cette période cite aussi d’autres démons par leur nom, Asmodée dans le livre de Tobie, Azazel dans le livre d’Hénoch (8.1-2). Même si Satan figure dans les Jubilés, c’est surtout Mastema qui est à la tête des esprits démoniaques et qui se voit transférer la responsabilité des actions problématiques de Yahweh. Dans les manuscrits de Qumrân, les forces des ténèbres sont représentées par Belial. Dans la Bible, belial est un terme qui caractérise une personne « sans valeur » alors qu’à Qumrân, belial devient un nom propre. La prolifération des démons dans la littérature post-biblique reflète une évolution de la perception du monde. Alors que dans la Bible, le monde est régi par la seule volonté de Yahweh, le judaïsme post-biblique voit l’émergence d’une mythologie qui reprend des thèmes déjà présents dans la Bible, quoique rejetés par les prophètes4. Dans le Nouveau Testament, on voit Jésus de Nazareth utiliser le vocable de Satan comme un nom propre « diabolique ». Satan est connu par l’expression latine : Vade retro Satana (« Arrière, Satan ! ») extraite de l’Évangile selon Matthieu (4,10) selon la Vulgate de Jérôme de Stridon, lors de la tentation de Jésus dans le désert. Il est également cité dans le passage correspondant de l’évangile selon Marc : « Aussitôt, l’Esprit poussa Jésus dans le désert, Où il passa quarante jours, tenté par Satan » (Marc 1,11 et Marc 1,12), ainsi que dans un autre passage, dans l’évangile selon Luc : « Jésus leur dit : Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ! » (Luc 10,18). Les Sages de la Mishna mentionnent rarement Satan. Il y apparaît comme une force du mal impersonnelle. Chez les Amoraïm, Satan occupe une place plus importante. Il développe une identité propre. Il est identifié au yetser hara qui désigne le mauvais penchant, la tentation. Il est responsable de tous les péchés décrits dans la Bible. Les sources rabbiniques identifient Satan au serpent du Jardin d’Éden (Sanhédrin 29a). Elles le tiennent pour responsable de la faute du Veau d’or (Shabbat 89a) et de celle de David avec Bethsabée (Sanhédrin 107a). Une des fonctions du shofar pendant la célébration du Roch Hachana est de couvrir les accusations portées par Satan contre les Enfants d’Israël (Roch Hachana 16b). Satan est d’ailleurs sans pouvoir contre eux le jour du Yom Kippour (Yoma 20a). Tel que l’enseigne la Torah d’Israël, l’autorité divine ne se partage pas et en ce sens le « diable » n’existe pas : il existe une instance appelée « le satan », avec l’article défini parce que ce n’est pas un nom propre mais une fonction, dont l’objet est d’éprouver toute réussite afin de l’authentifier comme dans le livre de Job où le satan participe à l’assemblée des anges. Après la destruction du Second Temple en 70, et la révolte de Bar-Kokhba en 132, le judaïsme rabbinique a rejoint le point de vue strictement monothéiste de la Bible hébraïque. Par exemple, Tryphon le juif critiquait les idées de Justin le Martyr concernant les Nephilim du Genèse ch.6 comme blasphématoire, mais, en fait, les croyances de Justin trouvent leur source dans les mythes juifs, comme le Livre d’Hénoch. Wikipedia
There are three explicit examples in the Hebrew Bible of people being resurrected from the dead: The prophet Elijah prays and God raises a young boy from death (1 Kings 17:17-24) Elisha raises the son of the Shunammite woman (2 Kings 4:32-37); this was the very same child whose birth he previously foretold (2 Kings 4:8-16) A dead man’s body that was thrown into the dead Elisha’s tomb is resurrected when the body touches Elisha’s bones (2 Kings 13:21) During the period of the Second Temple, there developed a diversity of beliefs concerning the resurrection. The concept of resurrection of the physical body is found in 2 Maccabees, according to which it will happen through recreation of the flesh. Resurrection of the dead also appears in detail in the extra-canonical books of Enoch, in Apocalypse of Baruch, and 2 Esdras. According to the British scholar in ancient Judaism Philip R. Davies, there is “little or no clear reference … either to immortality or to resurrection from the dead” in the Dead Sea scrolls texts. Both Josephus and the New Testament record that the Sadducees did not believe in an afterlife, but the sources vary on the beliefs of the Pharisees. The New Testament claims that the Pharisees believed in the resurrection, but does not specify whether this included the flesh or not. According to Josephus, who himself was a Pharisee, the Pharisees held that only the soul was immortal and the souls of good people will “pass into other bodies,” while “the souls of the wicked will suffer eternal punishment.” Paul, who also was a Pharisee, said that at the resurrection what is « sown as a natural body is raised a spiritual body. » Jubilees seems to refer to the resurrection of the soul only, or to a more general idea of an immortal soul. Wikipedia
Jésus a maintenant un contexte. Nous l’avons mis là où il doit être. Il n’est plus un personnage tout seul, il n’est plus ponctuel. Et une fois que nous comprenons Jésus comme faisant partie d’un monde juif plus large, je pense que nous rendons beaucoup plus justice au Nouveau Testament. (…) Ma thèse est que pendant cet intervalle, les juifs se sont sentis libres d’écrire de nouveaux textes, de penser de nouvelles choses, de développer de nouvelles formes d’expression littéraire. (…) À la fin de cette période, les Juifs se sont courageusement essayés à de nouvelles idées, et le christianisme émerge … Jésus arrive, l’héritier de ces idées. (…) Nous ouvrons le Nouveau Testament et nous trouvons un Jésus qui faisait partie du judaïsme de son époque. Il était Juif, né en Israël de parents juifs, élevé là, présenté au Temple, et qui est mort juif. (…) Dans le Nouveau Testament, Jésus se rend à la synagogue dans le chapitre 4 de l’évangile de saint Luc, ‘suivant sa coutume’, le jour du Shabbat. Il n’y a pas de synagogue dans l’Ancien Testament et la Bible hébraïque. Jésus est appelé ‘rabbi’ par ses disciples. Il n’y a pas de rabbins dans le Tanakh. Jésus passe beaucoup de temps à discuter de la Torah et des Pharisiens, comme tout chrétien le sait. Il n’y a pas de Pharisiens dans le Tanakh. On dit que la résurrection est la fin de la vie. Ce n’est pas le cas dans la Bible hébraïque, sauf le Livre de Daniel, le dernier livre dans la Bible. (…) Oui, tout cela vient de l’Ancien Testament. Mais ils ne sont pas vraiment évoqués dans l’Ancien Testament. Ils étaient plus tirés de la littérature très riche qui suivait l’Ancien Testament et qui précède le Nouveau Testament, où ces thèmes étaient plus systématiques. (…) lorsque les chrétiens lisent ceci et se tournent vers l’Ancien Testament, et qu’il n’y a pas de textes qui l’expliquent, ils supposent que Jésus rompait vraiment avec tout. … L’argument du livre est que oui, c’est extraordinaire, mais seulement si tout ce que vous lisez est l’Ancien Testament. Nous négligeons le fait que Jésus faisait partie d’un judaïsme dérivé qui s’est écarté de la Bible hébraïque. (…) Je lance quelques défis aux lecteurs chrétiens. Comment notre compréhension de Jésus et du Nouveau Testament change-t-elle si nous prenons au sérieux le fait que Jésus était un juif ? (…) Beaucoup de chrétiens croient que Jésus était exactement comme eux, qu’il avait la même théologie, il vous ressemblait, il était de la même confession et vivait dans l’Israël du premier siècle. (…) Mon espoir pour le livre est qu’il va trouver un large public et les gens vont commencer à repenser ce qu’ils croyaient connaître. Matthias Henze
Lorsque Matthias Henze, professeur de religion à Rice University, se rend dans des églises et des synagogues locales de Houston pour promouvoir la compréhension interconfessionnelle entre le christianisme et le judaïsme, il aborde une période particulière : le fossé de quatre à cinq siècles qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament. (…) Selon Henze, le « fossé de plusieurs siècles » entre le quatrième siècle avant notre ère et le premier siècle de notre ère est crucial pour comprendre que l’abîme entre les deux religions pourrait être beaucoup, beaucoup moins important qu’on ne le pense. Il soutient que les textes religieux hébraïques de cette période, y compris les manuscrits de la mer Morte, ont contribué à influencer Jésus, qu’il décrit comme un juif qui pratiquait le judaïsme de son époque. (…) Ces années d’intervalle ont commencé après que les derniers livres de l’Ancien Testament ont été écrits au quatrième siècle avant l’ère commune (la seule exception étant le Livre de Daniel, qui a été rédigé à partir du deuxième siècle avant l’ère commune) et prennent fin avec le Nouveau Testament, écrit dans la seconde moitié du premier siècle de l’ère commune. (…) C’était une époque où les royaumes d’Israël et de Judas étaient gouvernés, successivement, par les Perses, les Grecs, les Hasmonéens et les Romains. Seuls les Hasmonéens, de la dynastie des Maccabées, étaient une lignée locale. À la fin de cette période, déclare Henze, les juifs se sont courageusement essayés à de nouvelles idées, et « le christianisme émerge … Jésus arrive, l’héritier de ces idées. » Mais cette pensée nouvelle a été suivie par des actes punitifs — la crucifixion de Jésus et la destruction du Second Temple. La date généralement acceptée de la crucifixion de Jésus se situe entre 30 et 33 de l’ère commune. Le Second Temple est tombé en 70 de notre ère. Les manuscrits de la mer Morte, compilés par la communauté essénienne à Qumrân, font partie des textes religieux hébreux les plus connus de cette période de vide liturgique. Henze en cite d’autres également. La Septante, ou la traduction grecque du Tanakh, inclut les Apocryphes, que Henze a qualifiés de « liste bien définie de certains anciens livres juifs » non retrouvés dans la Bible hébraïque, tels que les livres de Tobith et Judith, et le livre 1 et 2 des Maccabées. D’autres textes juifs plus anciens datant de la même époque, ou d’un peu avant, ne faisaient pas partie d’une liste fixe et ont été désignés comme des pseudépigraphes, un terme grec signifiant « écrit sous un pseudonyme », déclare Henze. Dans ce cas, « ils ont été écrits sous le nom d’une ancienne figure biblique ». Il mentionne le livre d’Énoch, qui évoque « un personnage mentionné dans le 5e chapitre de la Genèse, une figure très importante pour les juifs aux troisième et deuxième siècles avant notre ère », ainsi que le Livre des Jubilés, « un livre juif du deuxième siècle avant notre ère qui racontait [les faits décrits dans] le Livre de la Genèse et de l’Exode. » Collectivement, explique Henze, ces œuvres éclairent sur le judaïsme de Jésus. (…) Mais le judaïsme de l’époque de Jésus diffère de celui de l’Ancien Testament. (…) Pour faire valoir son point de vue, Henze se concentre sur ce qu’il décrit comme les quatre grands thèmes du christianisme primitif : « le messianisme, les démons et esprits impurs — un monde vivant densément peuplé d’anges et de démons — la Torah, sa signification et son interprétation correcte, et la croyance en la résurrection ou la vie sur la mort, la vie avec les anges. (….) L’idée que Jésus était le Messie d’Israël est née de « l’attente d’un messie [qui viendrait] à la fin des temps, l’histoire telle que nous la connaissons, un agent de Dieu, moshiach [le Messie] », a-t-il expliqué. « C’est le genre de choses que l’on ne trouve pas dans le Tanakh en tant que tel. » Mais, nuance-t-il, « il existe un certain nombre de textes, principalement tirés des manuscrits de la mer Morte, sur les premières attentes messianiques juives comparables à la description de Jésus dans les Evangiles. Il est évident que l’écrivain évangélique essayait de prouver que Jésus était le messie qu’Israël attendait, en utilisant des termes que la population juive connaissait [à l’époque]. » Et, poursuit-il, bien que « la résurrection, était [un thème] si central au début du christianisme à l’époque, il n’y avait aucune croyance en la résurrection des morts dans le Tanakh », sauf dans le Livre de Daniel, qui date de la fin de la période du Second Temple. « Entre l’Ancien et le Nouveau Testament, un certain nombre de textes juifs parlent de la résurrection, de la vie en compagnie des anges. Nous devons l’étudier dans le contexte d’autres textes juifs », a déclaré Henze. (…) Les autres collègues de Henze trouvent ses arguments intrigants — mais mettent toutefois en garde. (…) Darrell L. Bock, professeur de recherche des études sur le Nouveau Testament au Dallas Theological Seminary, met en garde contre la surestimation de la signification de l’écart entre ces siècles. Par exemple, Bock disait que, ce n’est pas parce que les rabbins « n’émergent pas d’une manière significative jusqu’à ce que la centralité du Temple soit perdue, que la destruction du Temple signifie pour autant qu’il n’y avait pas de rabbins. » « Faites attention lorsque vous [qualifiez les rabbins] d’anachronisme », met-il en garde.  (…) Il a également noté que l’évolution pendant la période d’intervalle pourrait ne pas avoir été causée exclusivement par des facteurs religieux, mais aussi par des facteurs politiques et sociaux. L’Israël biblique « contrôlait la situation politique et sociale sur le territoire », explique Bock. « Ce n’était pas le cas du temps de Jésus. L’influence gréco-romaine était omnipotente, omniprésente. Ces différences sont importantes. Des concepts sont développés — le Messie, un espoir, un retour à la règle dynastique effective de l’Ancien Testament. (…) Bock précise pour le Times of Israël que Jésus finit par différer de tous les groupes de son époque : les Sadducéens, les Pharisiens, les Esséniens et les Zélotes. (…) Henze appelle les chrétiens à se familiariser avec le judaïsme — celui de leur voisin d’aujourd’hui, mais aussi avec la version vieille de 2 000 ans pratiquée par Jésus et d’autres juifs de son époque. Henze espère que tous les lecteurs, de toutes religions, « s’ouvriront à la possibilité d’un contexte historique et religieux » et « liront le Nouveau Testament d’une manière plus responsable et mieux informée. » The Times of Israël
Fortunately, there is a growing number of scholars and students who take the Jewish context of the New Testament seriously (even though I continue to be surprised how few New Testament scholars know the Jewish sources from the Second Temple period well and write about them in their work with authority). The book is intended primarily for the general public, but also as a first introduction for college students and seminarians to the Jewish world of the New Testament. To them, this is all new. The chapters of the book grew out of lectures I gave in various churches and synagogues. My experience has been that there is a significant divide: whereas an increasing number of scholars is well familiar with the Scrolls, the Apocrypha and Pseudepigrapha, and is able to explain why these texts are significant for our understanding of the early Jesus movement, the same is not true for the general audience. Time and again my audiences have told me that everything I told them in my talks was completely new to them. In general, Christians know little about Judaism, of any period, and they certainly do not know the Judaism of the late Second Temple period. (…) My interest in Mind the Gap is in the worldview and theological concepts in general that are taken for granted in the New Testament but that are never explained, such as the expectation of the Messiah as a divine agent of the end-time, or the belief in demons and evil spirits and all they represent, to name only two examples. There is a risk that we are grossly anachronistic and read into the New Testament texts who we think the Messiah is or what demons are. (…) my argument is that there was a variety of different understandings of the Messiah and of demons and of many other issues in Early Judaism. The authors of the New Testament were well aware of, participated in, and contributed to this vigorous Jewish debate of the first century. (…) my basic claim is that the New Testament needs to be read within the context of early Jewish writings in general, with which it has so much in common. (…) The point I always emphasize in my book talks is that there is a significant historical divide between the Old and the New Testament. By turning the page, the reader of the Protestant Bible moves effortlessly from the prophet Malachi to Matthew’s Gospel. Theologically, the transition from the Old to the New Testament makes good sense. After all, Matthew goes to great lengths to claim that Jesus emerged straight out of Israel’s prophetic tradition. But the reader may not be aware that there is a gap of no less than half a millennium between these two books. Recognizing that there is a chronological gap between the Testaments, a period of at least four centuries that is simply glossed over in the Protestant Bible, is a first step. Realizing that this was a time of incredible literary creativity during which Jewish intellectuals thought new thoughts and wrote new texts is the next step. And becoming familiar with at least some of the Jewish texts from the gap years and learning what they can and cannot tell us about the Judaism we find in the New Testament is the third and most important step. That’s what I do in Mind the Gap. (…) few readers of the New Testament are aware of the gap between the Testaments, let alone that the gap years were a time of significant change in the religion of ancient Israel. (…) wfor most readers of the New Testament, the New Testament does not have a context, it is in a category by itself. If you do not realize that the Judaism of Jesus is no longer the religion of the Old Testament and that it has developed significantly, and if you do not realize that the issues Jesus debates with the Pharisees have been debated for centuries, and continue to be debated at the time, then Jesus must seem totally radical, a break with the religion of the past. In my talks, I invite my audience to engage in a thought experiment. Suppose you welcome a visitor to the U.S. who has never been here before. She marvels at the high risers, at the ethnic diversity in our society, at iPhones and the internet. “What is all this?,” she wonders, to which you answer: “ Don’t worry. Just read the U.S. Constitution and everything will become clear.” Reading the Old Testament at the time of Jesus must have been a bit like reading the Constitution today: it continues to be the fundamental text, but it cannot explain the changes in society in recent centuries. Matthias Henze

Attention à la marche en descendant… de l’Ancien testament !

En ce 2018e jour-anniversaire de notre ère commune que l’on n’ose même plus nommer (judéo-)chrétienne

Et probable 2011e anniversaire de l’incarnation de son Fondateur

Qui après l’abandon du sabbat et sur fond de rengaines d’auteurs plus américains que les Américains devrait plus que tout autre jour rapprocher mais souvent – sauf rares heureuses exceptions – continue à séparer Juifs et Chrétiens …

Pendant que dans l’antisémitisme vulgaire comme dans l’anti-israélisme prétendument savant et bienpensant et faisant opportunément oublier la vraie menace islamiste et tout simplement musulmane, nos quenellistes de caniveau comme nos beaux esprits des médias ou des arts, voire du Vatican lui-même, profitent du chaos ambiant pour rallumer les inimitiés entre nos deux peuples …

Mais qu’après l’épuration ethnique des deux tiers de ses chrétiens (cherchez l’erreur !), les Irakiens viennent officiellement de reconnaitre

Comment ne pas se réjouir …

De la place toujours plus grande qu’accorde à la judaïté enfin retrouvée du Jésus de nos évangiles tout un courant, tant du côté chrétien que juif, des recherches historiques et théologiques récentes …

Et avec des livres comme celui du bibliste germano-américain de Rice University Matthias Henze, du fait que les résultats desdites recherches atteignent enfin le grand public …

Concernant notamment les quelque 400 ans d’écart (jusque ici négligés, d’où le titre de l’ouvrage) de la période inter-testamentaire

Comme si autrement dit on n’avait à sa disposition pour expliquer l’ensemble des innovations actuelles (gratte-ciels, diversité ethnique, Iphones, internet) que le seul texte de la Constitution américaine !

Mais aussi une période qui par l’intensité de sa production littéraire (apocryphes, pseudépigraphes, littérature apocalyptique, textes esséniens de Qumran) …

Et de ses innovations théologiques et religieuses totalement ou presque absentes de la Bible hébraïque (synagogues, rabbins, pharisiens, anges, démons, Satan, résurrection – à un ou deux livres tardifs près, Daniel, Job) …

Permet d’enfin apprécier à leur juste valeur nombre de débats dont sont truffés les Evangiles …

Et partant, la véritable nouveauté et radicalité de l’apport du Christ … ?

Jésus était plus juif que vous ne le pensez, affirme un expert de la Bible
L’origine de la foi du Messie chrétien se comprend mieux après une plongée dans l’ère du Second Temple, où judaïsme et christianisme se mêlaient
Rich Tenorio
The Times of Israel
25 décembre 2018

Lorsque Matthias Henze, professeur de religion à Rice University, se rend dans des églises et des synagogues locales de Houston pour promouvoir la compréhension interconfessionnelle entre le christianisme et le judaïsme, il aborde une période particulière : le fossé de quatre à cinq siècles qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

« Cela a été négligé pour un certain nombre de raisons », analyse Henze, érudit de la Bible hébraïque et du judaïsme, en mettant l’accent sur le Second Temple. « Les juifs et les chrétiens ne prêtent pas beaucoup attention à cette période. »

Selon Henze, le « fossé de plusieurs siècles » entre le quatrième siècle avant notre ère et le premier siècle de notre ère est crucial pour comprendre que l’abîme entre les deux religions pourrait être beaucoup, beaucoup moins important qu’on ne le pense. Il soutient que les textes religieux hébraïques de cette période, y compris les manuscrits de la mer Morte, ont contribué à influencer Jésus, qu’il décrit comme un juif qui pratiquait le judaïsme de son époque.

Cet argument est évoqué dans le sous-titre de son nouveau livre, « Attention à la différence : comment les écrits juifs entre l’Ancien et le Nouveau Testament nous aident à comprendre Jésus. »

Ayant connaissance des textes religieux hébraïques de ces années d’intervalle, « Jésus a maintenant un contexte », se félicite Henze. « Nous l’avons mis là où il doit être. Il n’est plus un personnage tout seul, il n’est plus ponctuel. »

Et, ajoute-t-il, « une fois que nous comprenons Jésus comme faisant partie d’un monde juif plus large, je pense que nous rendons beaucoup plus justice au Nouveau Testament. »

Le côté face de la pièce

Henze est un fervent partisan de la sensibilisation interconfessionnelle. Luthérien originaire de Hanovre, en Allemagne, il est le directeur du département des études juives de Rice University, qu’il a fondé en 2009.

« J’ai un profond intérêt pour le judaïsme et l’histoire de Jésus, et aussi pour l’hébreu », déclare Henze.

Des centres d’intérêt qui l’ont bien préparé pour ses séminaires sur le judaïsme et le christianisme dans les institutions religieuses locales.

« Je suis très à l’aise lorsque je fais des conférences dans les églises sur les questions juives et la construction de la communauté », s’est réjoui Henze. « Les gens veulent parler du christianisme, en particulier de Jésus. Ils ont un grand désir d’en apprendre plus sur les origines du christianisme, le mouvement du début de Jésus. »

Cela a été essentiel pour comprendre les années d’intervalle — en gros, « la dernière partie de la période du Second Temple », écrit Henze dans un courriel.

Ces années d’intervalle ont commencé après que les derniers livres de l’Ancien Testament ont été écrits au quatrième siècle avant l’ère commune (la seule exception étant le Livre de Daniel, qui a été rédigé à partir du deuxième siècle avant l’ère commune) et prennent fin avec le Nouveau Testament, écrit dans la seconde moitié du premier siècle de l’ère commune.

« Ma thèse est que pendant cet intervalle », analyse Henze, « les juifs se sont sentis libres d’écrire de nouveaux textes, de penser de nouvelles choses, de développer de nouvelles formes d’expression littéraire. »

C’était une époque où les royaumes d’Israël et de Judas étaient gouvernés, successivement, par les Perses, les Grecs, les Hasmonéens et les Romains. Seuls les Hasmonéens, de la dynastie des Maccabées, étaient une lignée locale.

À la fin de cette période, déclare Henze, les juifs se sont courageusement essayés à de nouvelles idées, et « le christianisme émerge … Jésus arrive, l’héritier de ces idées. »

Mais cette pensée nouvelle a été suivie par des actes punitifs — la crucifixion de Jésus et la destruction du Second Temple. La date généralement acceptée de la crucifixion de Jésus se situe entre 30 et 33 de l’ère commune. Le Second Temple est tombé en 70 de notre ère.

Les manuscrits de la mer Morte, compilés par la communauté essénienne à Qumrân, font partie des textes religieux hébreux les plus connus de cette période de vide liturgique. Henze en cite d’autres également.

La Septante, ou la traduction grecque du Tanakh, inclut les Apocryphes, que Henze a qualifiés de « liste bien définie de certains anciens livres juifs » non retrouvés dans la Bible hébraïque, tels que les livres de Tobith et Judith, et le livre 1 et 2 des Maccabées.

D’autres textes juifs plus anciens datant de la même époque, ou d’un peu avant, ne faisaient pas partie d’une liste fixe et ont été désignés comme des pseudépigraphes, un terme grec signifiant « écrit sous un pseudonyme », déclare Henze. Dans ce cas, « ils ont été écrits sous le nom d’une ancienne figure biblique ».

Il mentionne le livre d’Énoch, qui évoque « un personnage mentionné dans le 5e chapitre de la Genèse, une figure très importante pour les juifs aux troisième et deuxième siècles avant notre ère », ainsi que le Livre des Jubilés, « un livre juif du deuxième siècle avant notre ère qui racontait [les faits décrits dans] le Livre de la Genèse et de l’Exode. »

Un produit de son temps

Collectivement, explique Henze, ces œuvres éclairent sur le judaïsme de Jésus.

« Nous ouvrons le Nouveau Testament et nous trouvons un Jésus qui faisait partie du judaïsme de son époque », déclare Henze. « Il était Juif, né en Israël de parents juifs, élevé [là], présenté au Temple, et qui est mort juif. »

Mais le judaïsme de l’époque de Jésus diffère de celui de l’Ancien Testament.

« Dans le Nouveau Testament, Jésus se rend à la synagogue dans le chapitre 4 de l’évangile de saint Luc, ‘suivant sa coutume’, le jour du Shabbat. Il n’y a pas de synagogue dans l’Ancien Testament et la Bible hébraïque », déclare Henze.

« Jésus est appelé ‘rabbi’ par ses disciples. Il n’y a pas de rabbins dans le Tanakh. Jésus passe beaucoup de temps à discuter de la Torah et des Pharisiens, comme tout chrétien le sait. Il n’y a pas de Pharisiens dans le Tanakh. On dit que la résurrection est la fin de la vie. Ce n’est pas le cas dans la Bible hébraïque, sauf le Livre de Daniel, le dernier livre dans la Bible. »

Henze ajoute que « lorsque les chrétiens lisent ceci et se tournent vers l’Ancien Testament, et qu’il n’y a pas de textes qui l’expliquent, ils supposent que Jésus rompait vraiment avec tout. … L’argument du livre est que oui, c’est extraordinaire, mais seulement si tout ce que vous lisez est l’Ancien Testament. Nous négligeons le fait que Jésus faisait partie d’un judaïsme dérivé qui s’est écarté de la Bible hébraïque. »

Pour faire valoir son point de vue, Henze se concentre sur ce qu’il décrit comme les quatre grands thèmes du christianisme primitif : « le messianisme, les démons et esprits impurs — un monde vivant densément peuplé d’anges et de démons — la Torah, sa signification et son interprétation correcte, et la croyance en la résurrection ou la vie sur la mort, la vie avec les anges. »

« Oui, tout cela vient de l’Ancien Testament », opine-t-il. « Mais ils ne sont pas vraiment évoqués dans l’Ancien Testament. Ils étaient plus tirés de la littérature très riche qui suivait l’Ancien Testament et qui précède le Nouveau Testament, où ces thèmes étaient plus systématiques. »

L’idée que Jésus était le Messie d’Israël est née de « l’attente d’un messie [qui viendrait] à la fin des temps, l’histoire telle que nous la connaissons, un agent de Dieu, moshiach [le Messie] », a-t-il expliqué. « C’est le genre de choses que l’on ne trouve pas dans le Tanakh en tant que tel. »

Mais, nuance-t-il, « il existe un certain nombre de textes, principalement tirés des manuscrits de la mer Morte, sur les premières attentes messianiques juives comparables à la description de Jésus dans les Evangiles. Il est évident que l’écrivain évangélique essayait de prouver que Jésus était le messie qu’Israël attendait, en utilisant des termes que la population juive connaissait [à l’époque]. »

Et, poursuit-il, bien que « la résurrection, était [un thème] si central au début du christianisme à l’époque, il n’y avait aucune croyance en la résurrection des morts dans le Tanakh », sauf dans le Livre de Daniel, qui date de la fin de la période du Second Temple.

« Entre l’Ancien et le Nouveau Testament, un certain nombre de textes juifs parlent de la résurrection, de la vie en compagnie des anges. Nous devons l’étudier dans le contexte d’autres textes juifs », a déclaré Henze.

Une chronologie fascinante

Les autres collègues de Henze trouvent ses arguments intrigants — mais mettent toutefois en garde.

« Les sources de notre compréhension de Jésus sont complexes », déclare David Lincicum, professeur associé à l’université américaine Notre-Dame, qui s’intéresse aux études bibliques, au christianisme et au judaïsme dans l’Antiquité et qui collabore avec Henze sur un autre projet. « On ne sait pas quel genre d’éducation [Jésus] recevait. »

« Je pense qu’il est juste de dire que beaucoup de textes [hébraïques pendant cet intervalle] reflètent les discussions dans l’air au premier siècle. Les Apocryphes semblent avoir été répandus au début du judaïsme. Il y avait une connaissance en dehors des textes », déclare Lincicum.

Et « si la Bible hébraïque est relativement silencieuse sur le messie, [le sujet devient un thème familier plus tard], soudain tout le monde parle du messie. Il y a des fossés qui se creusent dans le judaïsme. Dans certaines branches, il y a une figure consacrée pour sauver Israël. Il se peut que Jésus ne connaisse pas de texte particulier, mais cela pourrait attester d’un courant dominant auquel il n’avait peut-être pas accès », estime-t-il.

Cependant, Darrell L. Bock, professeur de recherche des études sur le Nouveau Testament au Dallas Theological Seminary, met en garde contre la surestimation de la signification de l’écart entre ces siècles.

Par exemple, Bock disait que, ce n’est pas parce que les rabbins « n’émergent pas d’une manière significative jusqu’à ce que la centralité du Temple soit perdue, que la destruction du Temple signifie pour autant qu’il n’y avait pas de rabbins. »

« Faites attention lorsque vous [qualifiez les rabbins] d’anachronisme », met-il en garde. La connaissance de Bock sur Jésus est peut-être mieux résumée dans son best-seller de 2004 Briser le code Da Vinci: réponses aux questions que tout le monde se pose.

Il a également noté que l’évolution pendant la période d’intervalle pourrait ne pas avoir été causée exclusivement par des facteurs religieux, mais aussi par des facteurs politiques et sociaux.

L’Israël biblique « contrôlait la situation politique et sociale sur le territoire », explique Bock. « Ce n’était pas le cas du temps de Jésus. L’influence gréco-romaine était omnipotente, omniprésente. Ces différences sont importantes. Des concepts sont développés — le Messie, un espoir, un retour à la règle dynastique effective de l’Ancien Testament. »

« Dans le texte inter-testamentaire, on met l’accent sur le culte messianique, qui suscitera l’espoir et la justification. Jésus se présente comme le messie pas seulement pour Israël. Il se concentre également sur la façon dont les autres sont traités. C’est similaire d’un côté et distinct de l’autre », a déclaré Bock.

Bock précise pour le Times of Israël que Jésus finit par se différer de tous les groupes de son époque : les Sadducéens, les Pharisiens, les Esséniens et les Zélotes.

« Je pense que Jésus espérait qu’il se distinguerait quelque peu de la variété de ces approches », déclare Bock. « Il a développé une tradition qui réagissait dans une certaine mesure contre tous ces groupes. »

Bock convient que « Jésus n’a pas rempli un vide. Il ne l’a pas fait en tant que juif qui s’est éloigné de tout ce qui était juif. Clairement, Jésus pensait indépendamment les choses : la tradition juive, ce genre de chose. »

Qu’en penserait Jésus ?

Que l’on soit d’accord ou non avec Henze, l’auteur espère encourager la pensée indépendante avec son livre — y compris dans sa section finale.

« Je lance quelques défis aux lecteurs chrétiens », explique-t-il. « Comment notre compréhension de Jésus et du Nouveau Testament change-t-elle si nous prenons au sérieux le fait que Jésus était un juif ? ».

« Beaucoup de chrétiens croient que Jésus était exactement comme eux, qu’il avait la même théologie, il vous ressemblait, il était de la même confession et vivait dans l’Israël du premier siècle », a déclaré Henze.

Henze appelle les chrétiens à se familiariser avec le judaïsme — celui de leur voisin d’aujourd’hui, mais aussi avec la version vieille de 2 000 ans pratiquée par Jésus et d’autres juifs de son époque.

Henze espère que tous les lecteurs, de toutes religions, « s’ouvriront à la possibilité d’un contexte historique et religieux » et « liront le Nouveau Testament d’une manière plus responsable et mieux informée ».

« Mon espoir pour le livre est qu’il va trouver un large public et les gens vont commencer à repenser ce qu’ils croyaient connaître », a-t-il conclu.

Voir aussi:

Mind The Gap: An Interview with Matthias Henze
James F. McGrath
Patheos
December 12, 2017

I am ever so grateful to Matthias Henze for allowing me the opportunity to interview him about his new book, Mind the Gap. Here are the questions that I posed to him, followed by his answers:

JM: I saw an article in the Times of Israel about your book, the headline of which said that a Bible prof had said that Jesus is “more Jewish” than you think. How did you feel about that headline as a way of encapsulating the message of your book? Is it appropriate to talk about any particular Jew as “more Jewish” or “less Jewish”?

MH: The author of the Times article, Rich Tenorio, called me up out of nowhere and asked me whether I’d be willing to do an interview with him. When I spoke with him, it quickly became clear to me that he had not read the book, and that he knew very little about Early Judaism, the historical Jesus, or the early Jesus movement. The headline, “more Jewish than you think,” is certainly not taken from anything I write in the book. It is misleading to say that Jesus was “more Jewish” or “less Jewish.” I suspect the headline was intended to catch the attention of the Jewish readers and to suggest to them that they, too, should care about Jesus.

JM: When I shared that article (mentioned in my previous question) on social media, at least one scholar that I am connected with reshared it, adding the comment, “In other news, water is wet.” And in the book, you tell the story of a student who reacted similarly when you mentioned what you were writing on. How can the Jewish identity and heritage of Jesus be so widely accepted by scholars and students, and yet still insufficiently grasped by significant portions the general public?

This is an excellent question. Fortunately, there is a growing number of scholars and students who take the Jewish context of the New Testament seriously (even though I continue to be surprised how few New Testament scholars know the Jewish sources from the Second Temple period well and write about them in their work with authority). The book is intended primarily for the general public, but also as a first introduction for college students and seminarians to the Jewish world of the New Testament. To them, this is all new.

The chapters of the book grew out of lectures I gave in various churches and synagogues. My experience has been that there is a significant divide: whereas an increasing number of scholars is well familiar with the Scrolls, the Apocrypha and Pseudepigrapha, and is able to explain why these texts are significant for our understanding of the early Jesus movement, the same is not true for the general audience. Time and again my audiences have told me that everything I told them in my talks was completely new to them. In general, Christians know little about Judaism, of any period, and they certainly do not know the Judaism of the late Second Temple period.

JM: Just as the “Jewishness of Jesus” is insufficiently known or appreciated in many circles, the value of and creative energy evidenced in first-century Jewish literature and thought is also underappreciated. Do you find that that is a harder case to make to Christian and Jewish audiences in our time than your point about Jesus?

MH: I think these two aspects are interrelated and cannot be separated from each other. To say that Jesus was a Jew remains an empty phrase, unless we can be more specific about the kind of Judaism Jesus practiced. And in order to be able to do that, we need to turn to the texts that describe the Jewish world of first century Israel. Reading only the New Testament will not do. My experience has been that so-called lay people are much more open to a comparative reading of New Testament and early Jewish texts than many of our colleagues. The responses to Mind the Gap from both Jewish and Christian readers have been overwhelmingly positive; people are eager to learn.

JM: The question of Jesus’ literacy has been debated much. Is there any work from before Jesus’ time, apart from those that became part of a Jewish or Christian Bible such as is known today, the influence of which seems so apparent in his words and teaching, you feel confident that Jesus had read it (as opposed to simply sharing a cultural and conceptual world of ideas with the author)?

MH: No. We have absolutely no idea what Jesus read, or whether he read at all. I am not making the case for a direct literary connection between any early Jewish texts and the New Testament. John J. Collins has wondered whether Luke knew the Son of God text from Qumran, but I am not willing to go that far. My interest in Mind the Gap is in the worldview and theological concepts in general that are taken for granted in the New Testament but that are never explained, such as the expectation of the Messiah as a divine agent of the end-time, or the belief in demons and evil spirits and all they represent, to name only two examples. There is a risk that we are grossly anachronistic and read into the New Testament texts who we think the Messiah is or what demons are.

Rather than pointing to connections between specific texts, which in my view would be difficult to prove, my argument is that there was a variety of different understandings of the Messiah and of demons and of many other issues in Early Judaism. The authors of the New Testament were well aware of, participated in, and contributed to this vigorous Jewish debate of the first century. Instead of postulating that Jesus, or the authors of the anew Testament, knew specific ancient Jewish texts, my basic claim is that the New Testament needs to be read within the context of early Jewish writings in general, with which it has so much in common.

JM: If you had to choose, what one point that you emphasize in your book would you consider it most important that readers learn and remember?

MH: The point I always emphasize in my book talks is that there is a significant historical divide between the Old and the New Testament. By turning the page, the reader of the Protestant Bible moves effortlessly from the prophet Malachi to Matthew’s Gospel. Theologically, the transition from the Old to the New Testament makes good sense. After all, Matthew goes to great lengths to claim that Jesus emerged straight out of Israel’s prophetic tradition. But the reader may not be aware that there is a gap of no less than half a millennium between these two books.

Recognizing that there is a chronological gap between the Testaments, a period of at least four centuries that is simply glossed over in the Protestant Bible, is a first step. Realizing that this was a time of incredible literary creativity during which Jewish intellectuals thought new thoughts and wrote new texts is the next step. And becoming familiar with at least some of the Jewish texts from the gap years and learning what they can and cannot tell us about the Judaism we find in the New Testament is the third and most important step. That’s what I do in Mind the Gap. This is, of course, much more than simply claiming that Jesus was Jewish.

JM: Was there anything that you learned about Jesus and his historical religious context, or came to appreciate in a new way, as a result of writing this book?

MH: Prior to writing the book, I had never quite understood why people are so eager to set Jesus apart from his contemporary Judaism and think of him as the one who radically broke with, and in the end overcame Judaism. Now I understand their reasoning much better.

I think there are two things coming together here. One is that few readers of the New Testament are aware of the gap between the Testaments, let alone that the gap years were a time of significant change in the religion of ancient Israel. The other is that for most readers of the New Testament, the New Testament does not have a context, it is in a category by itself. If you do not realize that the Judaism of Jesus is no longer the religion of the Old Testament and that it has developed significantly, and if you do not realize that the issues Jesus debates with the Pharisees have been debated for centuries, and continue to be debated at the time, then Jesus must seem totally radical, a break with the religion of the past.

In my talks, I invite my audience to engage in a thought experiment. Suppose you welcome a visitor to the U.S. who has never been here before. She marvels at the high risers, at the ethnic diversity in our society, at iPhons and the internet. “What is all this?,” she wonders, to which you answer: “ Don’t worry. Just read the U.S. Constitution and everything will become clear.” Reading the Old Testament at the time of Jesus must have been a bit like reading the Constitution today: it continues to be the fundamental text, but it cannot explain the changes in society in recent centuries.

JM:  Thank you for taking the time to talk with me about Mind the Gap. I hope it makes a lasting impact, and continues to generate useful conversations about Jesus, ancient Judaism, and the connection between the two!

Voir encore:

Christmas in America is good for the Jews
Jeff Jacoby
The Boston Globe
December 24, 2018

Liberals snicker at the idea that Americans are engaged in a “War on Christmas ,” and considering how robustly and pervasively the holiday is celebrated, it’s often hard to deny that they have a point. But then, just as the skirmishing over whether to say “Merry Christmas” or “Happy Holidays” seems to be finally fading away, along comes someone like Julia Ioffe — a widely-published journalist (The Atlantic, The New Republic, GQ) — to fire up the hostilities anew.

Please don’t wish me ‘Merry Christmas,’” admonished a cranky Ioffe in a Washington Post op-ed column on Friday. “It’s wonderful if you celebrate it, but I don’t — and I don’t feel like explaining that to you. It’s lonely to be reminded a thousand times every winter that the dominant American cultural event occurs without me.”

And why does it occur without her? Because, she says, she’s “a Jewish person” and Christmas is a Christian holiday. Or at least it is here in America. Ioffe didn’t mind Christmas as it was observed in the militantly anti-religious Soviet Union where she grew up. There it was a secular New Year’s celebration, and “waking up to a sparkling, decorated tree in my room, piled high with presents” remains one of the “central, beloved memories” of her childhood.

But everything changed, and Christmas became intolerable, after her family moved to America:

It was no longer a New Year’s tree in a Soviet house. It had become a Christian symbol in a Jewish house. Christmas was all around us, for nearly one-tenth of the year, every year. It began to feel deeply alien precisely because we were secular, but it was not . Despite the movies and the shopping, despite the Germanic decor, Christmas is still, at its core and by design, about the birth of Christ, a point that seems bizarre to argue. Just look at all those nativity scenes! And we don’t observe the holiday on just any day. Dec. 25 has Christian significance. Whenever I hear the name, I hear the “Christ” in it. To me, it’s strange that many of its celebrants do not.

And despite its celebration of a Christian god, it is everywhere, for over a month, in a way no other holiday is — not even Easter. It is in every ad, in every window and doorway, and on everyone’s lips. If you’re not a part of the festivities, even its sparkling aesthetic can wear you down. When you are from a minority religion, you’re used to the fact that cabdrivers don’t wish you an easy fast on Yom Kippur. But it’s harder to get used to the oppressive ubiquity of a holiday like Christmas. “This is always the time of year I feel most excluded from society,” one Jewish friend told me. Another told me it made him feel “un-American.”

Seriously? It doesn’t make me feel that way.

I’m an Orthodox Jew for whom Dec. 25 has zero theological significance. My family doesn’t put up a tree, my kids never wrote letters to Santa, and we don’t go to church for midnight Mass. But while I may not celebrate Christmas, I love seeing my Christian friends and neighbors celebrate it. I like living in a society that makes a big deal out of religious holidays. Far from feeling excluded or oppressed when the sights and sounds of Christmas return each December — OK, November — I find them reassuring. To my mind, they reaffirm the importance of the Judeo-Christian culture that has made America so exceptional — and such a safe and tolerant haven for a religious minority like mine.

Ioffe writes that being told “Merry Christmas,” even once, is “ill-fitting and uncomfortable.” Hearing it for weeks on end is almost more than she can bear. “It’s exhausting and isolating,” she writes. “It makes me feel like a stranger in my own land.”

Is it really the Christmas cheer that makes her feel so alienated? That certainly isn’t the reaction Christmas evoked in other Jewish immigrants and their children. Not only were many of the greatest Christmas songs composed by Jewish songwriters , but several of those songwriters were themselves first-generation Americans. Irving Berlin (“White Christmas”) was born in Russia. So were the parents of Mel Torme (“The Christmas Song”). Edward Pola (“It’s the Most Wonderful Time of the Year”) was the son of immigrants from Hungary. And the parents of Sammy Cahn (“The Christmas Waltz”) came to America from Galicia.

Granted, Berlin, Torme, and the others weren’t known for their Jewish scholarship or observance. But it isn’t only highly secularized Jews who appreciate Christmas. Rabbis do, too.

“Christmas fascinates me,” wrote Rabbi Michael Gottlieb in a Wall Street Journal column a couple years ago.
I’m drawn to its history, its color, its atmosphere, its music. And, of course, I’m drawn to the fact that Jesus was a Jew. He was born a Jew, lived as a Jew and died a Jew. If for nothing else, I can appreciate Christmas as the celebration of one Jew’s epic birthday. . . .

I am grateful to my Christian neighbors and friends. Through their religious holy day, I am better able to confront and clarify my own religious convictions and theological certitudes.

Like a brightly lighted Christmas tree, Christianity dispels a lot of darkness, theological as well as moral. In its glow, it challenges Christians and non-Christians alike to consider that which is transcendent, eternal, and greater than us all.”

If that seems too abstract, consider a different rabbi’s more concrete take on why Christmas in America should be meaningful even for those who aren’t Christian.

In a 2013 essay titled “Is Christmas Good for the Jews?” Rabbi Benjamin Blech, a widely admired Orthodox Jewish scholar, describes how Christmas was a season of fear and danger for his parents, who grew up in Poland a century ago, when Poles were steeped in anti-Semitic bigotry actively fueled by the Catholic Church. For Polish Jews of his parents’ generation, Blech writes, the advent of Christmas was “far too often filled with pogroms, beatings, and violent anti-Semitic demonstrations.”

But for Jews and other religious minorities in America, Christianity has shown a far more gentle and brotherly face. Here, non-Christians are not subjected to forced conversions or beaten because they don’t celebrate Christian holidays. Unlike the beleaguered Jewish minority in the Poland of his parents’ generation, members of the comparatively tiny Jewish minority in America — less than 1.5% of the population — are free to believe and worship as they please.

Surrounded by Christmas celebrations, I have never had difficulty explaining to my children and my students that although we share with Christians a belief in God, we go our separate ways in observance. They are a religion of creed and we are a religion of deed. They believe God became man. We believe man must strive to become more and more like God.

We differ in countless ways. Yet Christmas allows us to remember that we are not alone in our recognition of the Creator of the universe. [Christians and Jews alike] have faith in a higher power.

Indeed, Blech points out, the Christmas season in America has often motivated Jews, who see their neighbors’ concern with their religion, to ask themselves what they know of their own. “To begin to wonder why we don’t celebrate Christmas,” he suggests, “is to take the first step on the road to Jewish self-awareness.”

Unlike the Eastern European Jews of his parents’ generation a century ago — and unlike Julia Ioffe today — Blech doesn’t dread the yearly showering of Christmas spirit. “Call me naïve, but nowadays I really love this season,” he writes. “Because together all people of goodwill are joined in the task to place the sacred above the profane.”

As an observant Jew, I don’t celebrate Christmas and never have. Do the inescapable reminders at this time of year that hundreds of millions of my fellow Americans do celebrate it make me feel excluded or offended? Not in the least: They make me feel grateful — grateful to live in a land where freedom of religion shields the Chanukah menorah in my window no less than it shields the Christmas tree in my neighbor’s. That freedom is a reflection of America’s Judeo-Christian culture, and a central reason why, in this overwhelmingly Christian country, it isn’t only Christians for whom Christmas is a season of joy. And why it isn’t only Christians who should make a point of saying so.

Voir par ailleurs:

Noël à Gaza: toujours moins de permis pour les chrétiens
Vatican news
19 décembre 2018

Comme tous les ans durant la période de Noël, des milliers de pèlerins et touristes du monde entier convergent vers la ville de Bethléem. Mais pour les chrétiens de Gaza, soumis à des restrictions de mouvements, cette possibilité semble désormais relever du privilège.

Entretien réalisé par Manuella Affejee- Cité du Vatican

L’accès au territoire palestinien est en effet rigoureusement contrôlé par les autorités militaires israéliennes qui délivrent des permis d’entrée et de sortie. Chaque année, un certain nombre d’entre eux est concédé aux chrétiens de Gaza souhaitant se rendre à Jérusalem ou en Cisjordanie pour les fêtes de Noël et de Pâques.

Pour Noël 2018, 500 permis de sortie ont été promis par Israël, mais en pratique, seuls 220 ont été effectivement délivrés pour le moment à des personnes âgées entre 16 et 35 ans ou de plus de 55 ans, ce qui donne lieu à des situations problématiques au sein de plusieurs familles: le père obtenant un permis mais pas la mère et inversement, ou des permis accordés aux enfants mais pas aux parents et inversement. Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine avoue ne pas saisir la politique choisie par Israël dans ce domaine. «C’est une logique d’occupation que nous ne comprenons pas, ni ne justifions», assène-t-il. Pouvoir se rendre à Bethléem pour fêter Noël devrait être un droit naturel pour un chrétien gazaoui et non pas un privilège, déplore l’évêque italien.

Mgr Marcuzzo se trouvait d’ailleurs à Gaza dimanche dernier, en compagnie de l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, pour célébrer Noël avec la petite communauté latine locale, selon une tradition désormais bien installée. Le vicaire patriarcal évoque une atmosphère générale empreinte de tristesse, même si la médiation égyptienne et qatarie entreprise ces derniers jours a fait baisser la tension dans le territoire palestinien, après des semaines de fièvre et d’affrontements liés aux «marches du retour».

La présence chrétienne quant à elle s’amoindrit sensiblement. Face à des conditions de vie précaires et au manque évident de perspectives, l’émigration reste une tentation inexorable. On comptait il y a encore quelques années environ 3 000 chrétiens de toute confessions à Gaza; ils ne représentent aujourd’hui que 1 200 âmes, dont 120 catholiques latins.

Voir enfin:

Désinformation anti-israélienne: pas de trêve de Noël sur France Inter!

Selon la radio de service public, Israël serait responsable des malheurs des chrétiens de Gaza. Le reportage passe sous silence l’action des islamistes du Hamas.
InfoEquitable
25 décembre 2018

A la Maison de la Radio, les vieilles traditions de Noël ne se perdent pas. Dans les temps anciens, la fête de la nativité était l’occasion d’accabler les Juifs afin rappeler sa faute inexpiable au « peuple déicide ».

Reprenant le flambeau, France Inter semble s’ingénier à diffuser tous les 24 décembre une petite perfidie anti-israélienne, afin de mieux stigmatiser ceux qui aux yeux de la station constituent les fauteurs de trouble dans la région.

Cette année, dans la page consacrée aux préparatifs de Noël, nous avons ainsi eu droit à un reportage sur le triste sort des chrétiens de Gaza.

 

 

Vivre dans l’enclave islamiste aux mains des terroristes du Hamas n’est certes pas une sinécure lorsque l’on n’est pas musulman.

Mais à écouter le journal du matin, présenté par Agnès Soubiran, « l’ambiance sombre » qui affecte le petit territoire palestinien n’est due qu’à une cause : « Une partie de la communauté chrétienne de la bande Gaza ne pourra pas se rendre dans la ville natale du Christ en raison des restrictions de circulation imposées par Israël qui comme chaque année n’a délivré des permis qu’au compte-gouttes… »

Suit le reportage à Gaza de la journaliste Marine Vlahovic.

On y apprend que « seules 600 personnes ont reçu un permis » de la part des autorités israéliennes pour pouvoir quitter Gaza et se rendre à Bethléem.

Les autres ont célébré la messe à Gaza.

 

 

« On fait un petit dîner pour le réveillon et ensuite on assiste à la messe de minuit ici. A par ça, il n’y a rien à faire. Alors qu’ailleurs il y a plein de festivités. C’est vraiment très frustrant de rester ici. En fait c’est comme si ce n’était pas vraiment Noël », explique une jeune Gazaouite chrétienne au micro de France Inter.

Les responsables de ce « Noël maussade » ? Les Israéliens bien sûr, en raison du « blocus sévère » qu’ils imposent à Gaza.

Sur les conditions et les raisons de ce « blocus » (qui n’en est pas un puisque chaque jour des centaines de camions de marchandises pénètrent à Gaza et de très nombreux Gazaouites ont la possibilité de pénétrer en Israël ne serait-ce que pour aller se faire soigner dans les hôpitaux israéliens), on ne saura rien.

Ni l’irrédentisme du Hamas, ni la violence qu’il dirige chaque jour contre Israël, ni les tirs de roquettes et de missiles sur les villes israéliennes ne sont évoqués dans ce reportage.

Si les chrétiens souffrent à Gaza, c’est de la faute des Juifs, pas des milices islamistes qui ont imposé leur loi sur le territoire.

Rien sur les discriminations, les menaces et les humiliations dont sont quotidiennement victimes les chrétiens (sans parler des conversions forcées).

A Gaza, les islamistes distribuent des tracts pour interdire la célébration de Noël

L’envoyée spéciale de France Inter à Gaza, Marine Vlahovic, n’a peut-être pas réussi à mettre la main sur le tract diffusé par les brigades al-Nasser al-Din, l’une des plus implacables milices islamiques à Gaza, intimant à la population de ne pas célébrer Noël ?

Si la journaliste s’était donnée la peine de lire le Jerusalem Postelle aurait pu apprendre que ce tract a été diffusé auprès des musulmans mais également des chrétiens auxquels on a bien fait comprendre qu’il leur est demandé d’adopter un profil bas en toutes circonstances.

 

 

Voici le tract qui a échappé à la grande reporter de terrain envoyée par France Inter à Gaza :

 

 

Le tract, qui a été distribué dans les jours précédant Noël, rappelle, versets du Coran à l’appui, la stricte interdiction de célébrer cette fête. « Dieu n’est pas pour le peuple du mal », peut-on y lire à gauche (juste au-dessus d’un sapin barré d’une croix rouge).

Mais à France Inter, on ne lit pas le Jerusalem Post et on se méfie de la presse israélienne.

On préfère mettre en garde les auditeurs : ce sont les Juifs qui persécutent les chrétiens de Gaza. Pas les musulmans. Pas les islamistes.

 

Les églises de Gaza illuminées… aux couleurs de l’islam

Dans son reportage radio, la journaliste de France Inter a aussi omis de préciser que les églises de Gaza étaient illuminées en vert, aux couleurs de l’islam !

 

 

La petite minorité chrétienne de l’enclave aux mains des islamistes a-t-elle manifesté son consentement pour ces illuminations de Noël d’un genre très particulier ?

Nous sommes prêts à parier que non.

L’effet saisissant de cette déco gazaouite donne en tout cas une idée de l’état de soumission et de dhimmitude dans lequel les chrétiens sont cantonnés.

 

Le point de vue israélien n’est pas donné

Bien entendu, à aucun moment l’envoyée spéciale à Gaza n’a jugé utile de prendre contact avec les autorités israéliennes pour connaître leur position sur ce dossier.

Le reportage en tout cas n’en parle pas.

Mettre en cause une partie sans lui donner la parole, c’est presque une habitude sur France Inter lorsqu’il s’agit d’Israël.

Cette année, plus d’un chrétien sur deux a pu se rendre à Bethléem

Pareillement, le reportage rend les Israéliens responsables de l’exode des chrétiens dont une grande majorité a quitté Gaza ces dernières années.

Pour la radio de service public, ce n’est certes pas l’instauration implacable de la charia – la loi islamique – qui a poussé ces chrétiens à fuir mais bien les « sionistes » qui auraient rendu l’atmosphère irrespirable.

« Une situation qui a contribué à l’exode des chrétiens de Gaza. On en comptait 3.500 il y a 15 ans, selon les estimations, ils ne seraient plus qu’un millier aujourd’hui », conclut la journaliste.

 

 

On sursaute un peu à la lecture de cette dernière information qui change un tantinet la donne (c’est à se demander si les journalistes et les présentateurs comprennent ce qu’ils disent à l’antenne).

Les Israéliens ont donc distribué cette année 600 autorisations pour se rendre à la messe de minuit à Bethléem pour une population estimée à mille âmes ?

Malgré le climat de violence que le Hamas fait régner depuis le printemps dernier à la frontière avec Israël, plus d’un chrétien sur deux s’est vu autorisé à la franchir ? Et c’est ce que la présentatrice appelle des autorisations délivrées « au compte-gouttes » ?

On demeure pantois devant une telle présentation des faits qui relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Cette enquête sur les tourments infligés par Israël aux chrétiens de Gaza est tellement bidon qu’aucun grand titre de la presse française ne l’a reprise.

En cherchant bien, nous avons retrouvé l’info sur ce site turc francophone pro-Erdogan…

 

 

 

… accompagnée d’une photo de propagande qui relève plus de la mise en scène que de l’authentique reportage.

Ce site Medyatürk ne bénéficie que d’une faible visibilité auprès de l’opinion publique française.

France Inter peut se féliciter d’avoir donné une plus grande audience à cette campagne de désinformation anti-israélienne.

Voir enfin:

Rice Jewish Studies head illuminates the world from which rabbinic Judaism emerged
Aaron Howard
JHV
Aug 17, 2017

2 Baruch is a Jewish text attributed to the biblical Baruch, Jeremiah’s scribe. Believed to have been written in the late first century C.E., in a style that is similar to the Book of Jeremiah, the text predicts the imminent destruction of Jerusalem and the coming messianic era, complete with resurrection of the dead.

Never heard of 2 Baruch? You’re not alone. The text was never recognized as Jewish scripture, although it was one of many Jewish religious texts written in the 500 years between the end of the writing of the books in the Tanach and the earliest rabbinic texts. That half-a-millennium time gap is the subject of Matthias Henze’s new book, “Mind The Gap” (Fortress Press).

Henze is professor of Hebrew Bible and Early Judaism and founding director of the Jewish Studies Program at Rice University.

The book is written for a general audience that is interested in ancient Judaism. For Jewish readers, the book argues that to understand the Jewish world from which rabbinic Judaism emerged, one needs to read ancient Jewish texts outside the Bible. For Christian readers, the book will inform them about the Jewish world of Jesus beyond what is read in the New Testament. The New Testament assumes that its readers are familiar with Jewish beliefs and practices of first century Israel. In fact, most Christians are not. But, if Jesus were a practicing Jew, and if one knows little about his Judaism, how can one understand Jesus, his life and message?

The gap, as Henze calls it, is the period between the canonized Hebrew Bible and the early writings that made up rabbinic Judaism.

“We’re talking about Second Temple period Jewish texts,” Henze told the JHV. “The books of the Tanach date as late as sixth to fifth centuries B.C.E.: Haggai, the end of Isaiah and Malachi. And, in the fourth century B.C.E.: First and Second Chronicles, Esther and Kohelet (Ecclesiastes). There is a consensus among biblical scholars that all the books of the Tanach were written with the exception of the Book Of Daniel, which comes from the second century B.C.E.

“The earliest rabbinic writing, which typically people say is the Mishnah, dates from the late second century C.E. If we can agree on those dates, then there’s a gap between the Tanakh and the rabbinic writings of about a of half a millennium.

“The rabbis claim that they stand in an unbroken chain going back to Moses. That is underscored in the chain of transmission of the Written and Oral Torahs that open the Pirkei Avot.

“Most of us are familiar with Tanach and with the Mishna. But, we will not be familiar with the literature written during those gap years. The reason for that is those books are not part of any corpus of texts that we usually study. They were simply forgotten for two millennia.”

They were forgotten because they never achieved the status of authority that the biblical and later Talmudic texts did. Or, to put it in other terms, these books were not canonized.


Polémique Chouard: Attention, un hommage fâcheux peut en cacher un autre ! (When Ruffin quotes Chouard, guess who quotes Castro and Chavez ?)

24 décembre, 2018

"Macron -whore of the Jews"

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Les fascistes de demain s’appelleront eux-mêmes antifascistes. Huey Long (?)
Il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. (…) Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. (…) Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Pierre Bourdieu
Un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir” et “un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur” qui “en dépit du flot tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement dans certains pays et à certaines époques” … Charles De Gaulle (conférence de presse de nov. 67)
Ah, Vichy, Ah Pétain (…) c’était un vieillard un peu dépassé mais… magnifique … Une carrière ainsi brisée à trente-cinq ans, ce n’est pas supportable… Bousquet en souffrait cruellement. Imaginez cette cassure, cette carrière foudroyée … François Mitterrand (sur Pétain et l’ancien secrétaire général de la police de Vichy René Bousquet)
Ce n’est pas une politique de tuer des enfants. Chirac (accueillant Barak à Paris, le 4 octobre 2000)
La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Dominique de Villepin (Paris, automne 2001)
Pourquoi accepterions-nous une troisième guerre mondiale à cause de ces gens là? Daniel Bernard (ambassadeur de France, après avoir qualifié Israël de « petit pays de merde », Londres, décembre 2001)
Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision. Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale … Michel Rocard (Al Ahram, 2006)
Cet attentat odieux a voulu frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue, il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. Raymond Barre (le 3 octobre 1980, TFI, suite à l’attentat de la synagogue parisienne de la rue Copernic, 4 morts, 20 blessés)
J’ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m’émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n’y porte plus attention. Raymond Barre
Pendant toutes les années du mitterrandisme, nous n’avons jamais été face à une menace fasciste, donc tout antifascisme n’était que du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front National, qui était un parti d’extrême droite, un parti populiste aussi, à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste, et même pas face à un parti fasciste. D’abord le procès en fascisme à l’égard de Nicolas Sarkozy est à la fois absurde et scandaleux. Je suis profondément attaché à l’identité nationale et je crois même ressentir et savoir ce qu’elle est, en tout cas pour moi. L’identité nationale, c’est notre bien commun, c’est une langue, c’est une histoire, c’est une mémoire, ce qui n’est pas exactement la même chose, c’est une culture, c’est-à-dire une littérature, des arts, la philo, les philosophies. Et puis, c’est une organisation politique avec ses principes et ses lois. Quand on vit en France, j’ajouterai : l’identité nationale, c’est aussi un art de vivre, peut-être, que cette identité nationale. Je crois profondément que les nations existent, existent encore, et en France, ce qui est frappant, c’est que nous sommes à la fois attachés à la multiplicité des expressions qui font notre nation, et à la singularité de notre propre nation. Et donc ce que je me dis, c’est que s’il y a aujourd’hui une crise de l’identité, crise de l’identité à travers notamment des institutions qui l’exprimaient, la représentaient, c’est peut-être parce qu’il y a une crise de la tradition, une crise de la transmission. Il faut que nous rappelions les éléments essentiels de notre identité nationale parce que si nous doutons de notre identité nationale, nous aurons évidemment beaucoup plus de mal à intégrer. Lionel Jospin (France Culture, 29.09.07)
Je n’oublie pas d’où je viens. Je ne suis pas l’enfant naturel de temps calme de la vie politique. Je suis le fruit d’une forme de brutalité de l’histoire, d’une effraction parce que la France était malheureuse et inquiète, si j’oublie tout cela, ce sera le début de l’épreuve. Emmanuel Macron
French Jews have become a focal point for the “Yellow Vest” protests across France, with an increase in anti-Semitism by demonstrators. In recent days, the Jewish community has reported numerous anti-Semitic videos, graffiti and actual threats appearing in central locations and on social media. Last Saturday, the Chabad House on the Champs-Elysées Boulevard temporarily closed its doors for the first time due to safety concerns. (…) On Route A6, the main artery between Paris and Marseilles, a huge banner was hung on a bridge, accusing Jews of controlling French President Emmanuel Macron. The banner read: “Macron is a whore of the Jews.” Social networks have also become an arena for spreading anti-Semitic expression. Thus, for example, a message circulated by an anonymous source wearing a mask: “It was the rich Jews who brought Macron to power so that he would be their puppet and they are pulling the strings. The Jews are responsible for the lowering of taxes on the rich and for the whole financial situation.” In another video, an activist from the “Yellow Vests” invited demonstrators to come to a Chabad Hanukkah candle lighting, saying: “The Jewish people celebrate while the French have nothing to eat.” The anti-Semitic French entertainer Dieudonné M’bala M’bala and his admirers joined the demonstrators and gave the Nazi salute. (…) The International Fellowship of Christians and Jews, which helps Jews immigrate to Israel, noted that following the events in France there has been a surge in the number of Jews interested in immigrating to Israel. Uriel Saada, head of the France Desk at the Fellowship, said that he received dozens of requests from Jewish families interested in immigrating to Israel. Ynet
Inconnu de la plupart des Français, le militant politique est devenu en une grosse dizaine d’années une des étoiles de la contre-culture politique sur Internet. Sa notoriété remonte à 2005, au moment de la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen (TCE). Âgé de 48 ans, Etienne Chouard est alors un anonyme prof de lycée à Marseille, électeur sans grande conviction du Parti socialiste (PS). Happé par les débats autour du TCE, il se décide à analyser de près le projet de nouveau traité européen, et en tire une tribune percutante, publiée sur son blog, qui dénonce le projet comme un « secret cancer de notre démocratie ». Fouillé, argumenté, offensif voire excessif, le texte est partagé en masse et se répand comme la poudre. Etienne Chouard devient, à sa propre surprise, un des chefs de file discrets du camp du « non », qui triomphe au référendum. Il change de dimension. Le professeur se fait penseur et militant : lui qui ne s’y était jamais intéressé dévore des milliers de livres sur la politique et économique, partage ses réflexions sur son blog, donne des conférences. Il forme autour de lui une communauté de fidèles qui répandent ses idées, surnommés les « gentils virus ». Chantre de l’éducation populaire, Etienne Chouard élabore de bric et de broc sa propre doctrine politique. Au centre de sa réflexion, la nécessité d’un « processus constituant ». D’après lui, l’origine des maux de nos sociétés est inscrite dans la Constitution : en laissant le soin aux « responsables politiques, aux mains des grands marchands », de « l’écrire à notre place », nous (c’est-à-dire les 99% de moins riches) leur (les 1%) avons cédé le pouvoir. Dans la pensée de Chouard, toutes les dérives du capitalisme financier (inégalités, pauvreté, disparition des services publics, destruction de l’écosystème) sont reliées à ce péché originel : confier le pouvoir à des représentants, acte qui équivaudrait immanquablement à en priver le peuple. (…) Afin d’y remédier, le blogueur exclut logiquement toute élection : il veut former une assemblée constituante tirée au sort, qui définirait par la discussion collective des nouvelles institutions. Celles-ci devraient faire la part belle à la démocratie directe : les responsables seraient tirés au sort, pourraient être révoqués à tout moment, et le peuple prendrait lui-même l’initiative d’écrire les lois… grâce au RIC, évidemment. (…) En attendant cette révolution pacifique, le blogueur s’est attaché à appliquer ses principes au niveau local, en organisant des « ateliers constituants » destinés à faire de simples citoyens des « adultes politiques », souverains et capables de penser le bien commun. Influencé par la pensée anarchiste, il se définit comme un démocrate radical, persuadé que le peuple est « capable de mener lui-même ses affaires » ; convaincu de la nature intrinsèquement bonne des humains, Etienne Chouard est convaincu que « si on prend les décisions ensemble à la majorité, ce ne seront pas les quelques affreux, égoïstes, violents, méchants, qui sont minoritaires, qui vont faire la loi. » A cette pensée politique, le sexagénaire adjoint des idées économiques radicalement opposées au libéralisme de l’Union Européenne. Dénonçant le statut de la Banque centrale européenne, Chouard affirme que « le premier privilège est celui pour un petit nombre de créer la monnaie », et que « les peuples qui ont perdu, renoncé à la création monétaire publique ont perdu en même temps leur souveraineté politique. La création monétaire est actuellement entre les mains des banquiers. » Invité de l’émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais en 2014, Etienne Chouard s’y livre à une longue tirade, très partagée sur Internet, qui synthétise ses idées. Elle lui permet d’accroître encore sa notoriété (…) Détournement de la démocratie, désir de représentation des idées populaires, impuissance du politique face aux grands intérêts économiques : les thèmes développés par Etienne Chouard depuis 13 ans sont en parfaite concordance avec le mouvement des gilets jaunes. Il n’est donc pas très étonnant de voir le blogueur, abondamment cité sur les rond-points par des gilets jaunes ayant formé leur réflexion politique sur Internet, soutenir le mouvement et s’afficher à ses côtés. Jacline Mourand, l’une des têtes d’affiches, l’a spontanément mentionné comme influence clé auprès de Marianne. Le 4 décembre, à Saint-Claire du Rhône (Isère), il a tenu une réunion publique sur le RIC en compagnie de plusieurs gilets jaunes, dont Maxime Nicolle, alias « Fly Rider », un autre leader. Mais Etienne Chouard, ce n’est pas que la démocratie directe et la critique des banques. Entre 2005 et aujourd’hui, dans sa volonté effrénée de dialogue avec tous les pans de la société, le professeur a frayé avec de nombreuses figures controversées… sans s’en détacher clairement, et parfois en les soutenant ouvertement. Ainsi, le 9 décembre 2007, Etienne Chouard conseille sur son blog le visionnage d’un « entretien passionnant » entre Thierry Meyssan (écrivain et diffuseur privilégié de théories du complot concernant le 11 septembre 2001) et l’essayiste Alain Soral, connu pour sa vision conspirationniste et violemment antisémite du monde. Ce dernier, qu’il rencontre en chair et en os dans les années 2010, ne va plus cesser d’empoisonner la réputation d’Etienne Chouard : incapable de s’en détacher clairement, le blogueur s’est longtemps montré d’une complaisance incompréhensible avec ce pamphlétaire virulent, condamné par la justice à de multiples reprises pour injures antisémites ou incitation à la haine raciale. Récusant les propos de Soral concernant les homosexuels et les féministes, Chouard ne le situe pas moins dans L’Express en 2014 comme « à gauche parce qu’il se bat contre les privilèges », et indique qu’il l’a « rendu sensible » à la problématique du sionisme. Les qualificatifs élogieux pleuvent : « courageux », « résistant », « lanceur d’alerte qui proteste contre l’ordre établi »… Comme un renvoi d’ascenseur, Etienne Chouard est alors mis régulièrement en valeur sur Egalité et Réconciliation (E&R), le site internet qui promeut les idées d’Alain Soral. Culture libre, une association dont l’animateur est un responsable local d’E&R, diffuse et commercialise même certaines des conférences de Chouard. Iconoclaste ou sulfureux, Etienne Chouard brouille en tout cas tous les repères politiques traditionnels : originellement identifié dans les rangs de la gauche radicale, il s’affiche avec des personnalités de l’autre versant : conférence commune sur les Lumières avec Marion Sigaut, militante d’E&R, en novembre 2012. Proximité avec François Asselineau, candidat souverainiste à la présidentielle de 2017 (Chouard a finalement voté pour Jean-Luc Mélenchon) et fondateur de l’Union populaire républicaine (UPR). Il conseille aussi des lectures pour le moins curieuses aux visiteurs de son blog – notamment les ouvrages du conspirationnistes Antony C. Sutton et du négationniste Eustace Mullins. Chouard défend son éthique politique : la volonté de se situer en dehors des clivages partisans et des critères de respectabilité édictés par le mainstream. « Cela fait douze ans que je travaille, parle en public, réfléchis aux pouvoirs et abus de pouvoir ; que je cherche à mettre un processus constituant qui, à mon avis, doit intégrer tout le monde », argumente le prof de gestion, bien décidé à n’exclure personne tout en enjambant le clivage gauche-droite. Mais il ne s’est pas contenté de discuter : au fil des années, les contacts avec la sphère « dissidente » ont semblé infuser dans les analyses d’Etienne Chouard. Dans un entretien vidéo en 2014, il qualifie l’Union européenne de « projet fasciste », et applaudit la manière dont Alain Soral « dénonce le colonialisme guerrier du sionisme, explique que le sionisme est un projet colonial, raciste, militaire (…) ». Ses développements s’apparentent fréquemment au complotisme : on y trouve les mêmes méthodes d’analyse, trouvant dans un grand complot ourdi par les plus riches l’unique explication des malheurs du monde, élaborant des chaînes d’équivalence bancales mais définitives, faisant référence à des faits historiques parfois obscurs (notamment la création de la banque d’Angleterre en 1694) mais considérés comme capitaux… Etienne Chouard a également une manière bien à lui de définir le fascisme : dans un entretien avec le média Internet La Mutinerie, il explique refuser de « lyncher untel ou untel parce qu’il est fasciste, parce qu’il est d’extrême droite ». D’après lui, on commet une erreur en utilisant le vocable ‘fasciste’ pour « désigner ceux qui ont un avis non conforme sur les étrangers, sur la peine de mort, sur l’avortement, sur la religion catholique, sur la nation. » Les vrais fascistes ? Ce sont « les grands propriétaires, les possédants, les ultra-privilégiés, qui veulent bien de la République quand les élections leur donnent tout le pouvoir. Ils se montrent comme fascistes et d’extrême droite quand ils sentent qu’ils vont perdre les élections. C’est les 1% contre les 99%. C’est ça l’extrême droite. » Une classification qui permet notamment à Chouard de ranger le Parti socialiste dans le camp du fascisme… A sa manière, Etienne Chouard est parfaitement représentatif des « gentils virus » qui le soutiennent : comme eux, il a construit sa culture politique sur le tas. Sur Internet et dans les livres plutôt que par l’intermédiaire de professeurs dispensant un savoir officiel. (…) Résultat : les constructions idéologiques traditionnelles sont totalement brouillées. Dans cette « culture YouTube », faite de liberté et de désordre, on a parfois l’impression que tout ce qui se situe en dehors du mainstream est adoubé par principe comme faisant partie du combat pour la démocratie. (…) Dans une longue analyse publiée en 2013, où il était déjà accusé de complaisances avec Etienne Chouard, François Ruffin livrait une lecture similaire, qualifiant la « construction idéologique » du blogueur, bâtie « en accéléré, de bric et de broc, comme tout le monde », de « bien récente, bien fragile, bien confuse ».  Ces errances ont valu de nombreuses excommunications à Chouard, faisant souvent suite à des pressions exercées par des groupes antifascistes. Comme en novembre 2012, où les cinémas Utopia et le Front de gauche annulent la venue du blogueur à une projection, après avoir découvert que le site de Chouard mentionnait dans sa liste de liens le Réseau Voltaire ainsi qu’Egalité & Réconciliation. Un an plus tard survient la première explication avec François Ruffin, que le fondateur de Fakir a donc relatée sur le site de son journal, qui venait alors de faire la promotion de la pièce de théâtre d’Etienne Chouard, La dette expliquée à mon banquier. Après une première rencontre peu productive en 2009, Ruffin aborde frontalement la question de l’antisémitisme d’Alain Soral avec Chouard, qui se borne alors à répondre que l’auteur de Comprendre l’empire évoque l’antisionisme, refuse de « trier selon les appartenances politiques » et affirme sa volonté de « toucher tout le monde de gauche à droite ». Finalement, Ruffin tiendra encore un dialogue avec Etienne Chouard, sans parvenir à se mettre tout à fait d’accord avec lui, mais indiquant qu’il se sent « davantage son ‘ami’, un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges. » (…) En novembre 2014, Etienne Chouard s’est nettement éloigné du penseur d’extrême droite. Faisant le constat des « accusations violentes » reçues après avoir posté le lien d’E&R sur son blog, le militant écrivait avoir « rapidement compris que [Soral] n’est pas du tout un démocrate », mais estimait que « une partie de son analyse du monde actuel » lui semblait « utile ». Abordant enfin la question de l’antisémitisme, Chouard regrette que l’injure « antisémite » serve trop souvent « à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont absolument racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien ». Mais il se rend enfin à l’évidence, après avoir découvert une vidéo accablante datée de juin 2014, dans laquelle Soral tient « des propos terribles et dangereux ». Reconnaissant s’être « trompé en publiant un lien sans mise en garde », Chouard retire le lien d’E&R de son site, dénonçant un « mélange toxique » entre une « lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination » et « un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés ». Et aujourd’hui ? A franceinfo, il assure qu’il refuse désormais les invitations d’E&R et a coupé tous les liens avec son leader, tout en objectant : « Le danger pour la société humaine, ça n’est pas Soral ! On n’en a rien à foutre de ces mecs-là, ils ne représentent que des groupuscules ». Il a également publié une nouvelle note de blog ce jeudi 20 décembre, dans laquelle il assure que depuis son billet de 2014, il « ne parle jamais de Soral, absolument jamais, et que, par contre, tous ceux qui [l’]accusent de le fréquenter (ce qui n’est pas vrai), eux, en parlent tout le temps… » Populaire et controversée, la figure d’Etienne Chouard illustre à sa manière les clivages qui minent la France insoumise en interne. Certains, adeptes d’une stratégie « populiste », estiment que LFI a vocation a s’adresser à des figures qui transcendent son électorat traditionnel de gauche radicale, devenu très minoritaire – sans forcément aller jusqu’à prôner un dialogue régulier avec Etienne Chouard. D’autres, qui défendent plutôt une union de la gauche, sont partisans d’un strict « cordon sanitaire » et jugent que LFI se compromettrait en approchant des figures n’étant pas clairement identifiées sur le spectre politique. Les deux conceptions ont leurs raisons d’être, et également leurs dérives. A vouloir ratisser trop large pour ne pas s’enfermer à gauche, on court ainsi le risque de s’acoquiner avec des personnalités a priori peu compatibles avec le « nouvel humanisme » défendu par Jean-Luc Mélenchon ; de l’autre côté, en cherchant à excommunier tous ceux qui ne s’identifient pas à la gauche, la base se rétrécit, et ceux qui cherchent à dialoguer avec d’autres reçoivent des anathèmes insensés. Autre lecture possible : François Ruffin, qui donne des gages à l’une ou l’autre des deux options à intervalles réguliers, a tout simplement pris acte du fait que s’agissant du référendum d’initiative citoyenne, Etienne Chouard est devenu en France une référence incontournable. Qu’on l’apprécie ou non. Hadrien Mathoux (Marianne)
Mon curseur politique est simple, c’est celui de la révolution. Celui qui soutient le peuple qui veut se soulever contre ses maîtres est à gauche. A droite, il y a la défense des privilèges. Etienne Chouard
Pour Chouard, il suffit de critiquer l’Union Européenne, les banques, la mondialisation, le capitalisme, pour être du bon côté. Philippe Marlière
Et puis, on a vu aussi le petit Elkabach (..) qui est finalement  le petit sémite sépharade (…) se soumettre comme une femme à quelqu’un qui représente encore – je dirais – la virilité aryenne. Alain Solal
Mon sentiment profond, c’est que tu es comme un adolescent en politique. Tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance. François Ruffin
Le référendum d’initiative citoyenne a fleuri. Oh, il n’a pas fleuri par hasard. Il a fleuri parce que des hommes de conviction – nommons-les : Etienne Chouard et ses amis – ont semé, ont arrosé, depuis des années. François Ruffin (député LFI)
Je suis évidemment en phase avec la proposition pour le RIC mais j’avoue, je n’aurais pas pris en modèle Etienne Chouard. Mais sans doute suis-je trop sensible aux dérives rouge-brun…Clémentine Autain (députée LFI)
J’ai cité Chouard dans mon discours sur le RIC hier. Parce que, objectivement, quel nom revient sur les ronds-points : le sien. Parce que, avec honnêteté, il faut dire que sur ce RIC, avec foi, il a battu la campagne et les estrades depuis une décennie. Ce qui n’ôte rien à nos désaccords, déjà signalés avec force, avec clarté, il y a plusieurs années. Depuis, Chouard a mis fin à ses étranges liens. Alors, doit-on éternellement traiter les hommes en pestiférés ? Tel n’est pas [mon] choix. François Ruffin (député LFI)
De grands médias et des politiciens de métier sont en train d’essayer de faire de moi un « Soralien », ce qui leur permettrait de discréditer d’un coup, sans argument de fond, la proposition ultra-démocratique de processus constituant populaire que je défends depuis dix ans. (…) Un jour, il y a trois ans je pense, je suis tombé sur une vidéo de Soral, que je ne connaissais pas, qui m’a intéressé : il y dénonçait le colonialisme raciste du gouvernement israélien et le sionisme comme idéologie de conquête, aux États-Unis mais aussi en France (en s’appuyant sur les livres — bouleversants — d’Israël Shahak, de Shlomo Sand, de Gilad Atzmon et d’autres que nous devrions tous lire, je pense). Pour moi qui travaille sur les abus de pouvoir, il est naturel d’être intéressé par toute étude d’un projet de domination, quel qu’il soit. En regardant un peu son site, j’ai vu qu’il étudiait, condamnait et résistait (comme moi), entre autres, à l’Union européenne, au capitalisme, à l’impérialisme, au colonialisme, au racisme, aux communautarismes, aux multinationales, aux complexes militaro-industriels et aux grandes banques d’affaires, à la prise de contrôle des grands médias par les banques et par les marchands d’armes, au libre-échange et au sabotage monétaire, aux innombrables et scandaleuses trahisons des élites, à toutes les guerres, à toutes les réductions des libertés publiques justifiées par la « lutte contre le terrorisme », etc. Bref, tous ces fronts de résistance étant, à mon avis, des fronts de gauche, et même de gauche radicale et vraie, j’ai ajouté naturellement un lien sur ma page d’accueil vers le site de Soral. Un lien, parmi des milliers — je ne savais pas encore que cela allait faire de moi, en quelques années, un homme à abattre. Je n’ai pas fait l’exégèse de l’auteur et du site signalés : j’ai juste cité le lien déniché, comptant comme d’habitude sur l’intelligence des gens — que je considère comme des adultes — pour distinguer ce qui y est pertinent de ce qui ne l’est pas, ce qui est bon de ce qui est mauvais. Et puis, je suis passé à autre chose, évidemment ; ma vie est une course permanente d’une idée à l’autre. À partir de ce moment, j’ai reçu des accusations violentes et des injonctions — souvent anonymes — à retirer ce lien, jugé diabolique. Or, j’ai horreur qu’on m’impose ce que je dois penser ou dire ; je veux bien changer d’avis (j’aime découvrir que je me trompe et progresser en changeant d’opinion), mais il ne suffit pas d’affirmer que je me trompe, même en criant que je suis un fasciste (sic), il faut me le prouver. Et si on veut me forcer à retirer un lien, il y a toutes les chances pour que je m’obstine (bêtement, je sais). (…) Pour revenir à Soral, j’ai rapidement compris qu’il n’est pas du tout un démocrate, évidemment : il est autoritaire et il défend une idéologie autoritaire, au strict opposé de ce que je défends moi. Je ne veux pas plus de sa « dictature éclairée » que de n’importe quelle dictature, évidemment. Mais malgré cela, une partie de son analyse du monde actuel (et non pas ses projets de société) me semble utile, objectivement, pour mon projet à moi, de compréhension des abus de pouvoir et de constituante populaire. Donc, pour ma part, je ne monte pas en épingle ce qui me déplaît chez Soral, je prends ce qui m’intéresse (les infos sur les fronts de gauche et sur la résistance au sionisme) et je laisse le reste, comme l’adulte libre de penser et de parler que je suis. On reproche à Soral un antisémitisme intense et assumé. Pourtant, quand on lui demande « êtes-vous antisémite ? », Soral répond « NON, dans le vrai sens du mot c’est-à-dire raciste ». Et il souligne aussitôt que le mot « antisémite », avec des guillemets, a progressivement changé de sens pour servir aujourd’hui de bouclier anti-critiques (ce que Mélenchon dénonce lui aussi, amèrement, avec raison et courage, je trouve, en appelant cette calomnie systématique « le rayon paralysant du CRIF ») : dans ce nouveau sens, complètement dévoyé, « antisémite » sert à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont ABSOLUMENT PAS racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien (critiques d’un racisme qui sont donc un antiracisme). C’est ce nouveau sens seulement que Soral assumait, en martelant, en substance : « j’en ai marre de ce chantage à « l’antisémitisme » et de ces intimidations permanentes de la part d’ultra-racistes qui osent accuser de racisme des résistants à leur racisme ». Je trouve que ça se défend très bien, si on arrive à tenir le cap de l’humanisme, c’est-à-dire à ne pas devenir soi-même raciste en réaction à un racisme premier : il est essentiel, je pense, de ne pas devenir antisémite en réaction au sionisme : il ne faut surtout pas s’en prendre à tous les juifs au motif que certains sionistes seraient odieux et dangereux. Or, tout récemment, j’ai découvert dans une publication de Soral des propos terribles et dangereux qui me conduisent à changer d’avis sur la portée du lien que j’ai mis sur mon site. Dans une vidéo en direct de juin 2014 (1 minute, à partir de 47:54), Soral dit les mots suivants, que je n’avais jamais entendus de lui avant, et qui me choquent tous profondément : [Bon, j’ai commencé à transcrire, mais j’ai honte de seulement écrire des trucs pareils… Donc, j’arrête. Je vous laisse lire le lien si ça vous chante.] Je ne peux évidemment pas valider une parole pareille, froidement raciste, sexiste, autoritaire. Je n’avais jamais vu Soral parler comme ça. C’est un peu comme un désaveu, parce que je l’ai entendu maintes fois jurer qu’il n’était pas antisémite. Alors, je cède, je reconnais que me suis trompé, en publiant un lien sans mise en garde : il y a un risque d’escalade des racismes. Ce mélange de lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination (résistance qui m’intéresse toujours et dont je ne me désolidarise pas), avec un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés (qui me hérissent vraiment), ce mélange est toxique. Stop. Et puis, je n’arrive plus à m’occuper de nos ateliers constituants : on nous interpelle sans arrêt sur notre prétendue identification à Soral, et la violence des échanges qui s’en suivent partout me désespère ; j’en ai assez, il faut faire quelque chose pour marquer une différence, une limite : je supprime le lien de mon site vers Soral. Désormais, je ferai le filtre, en évoquant moi-même les auteurs que je trouve utiles, comme Shlomo Sand, Jacob Cohen, Bernard Lazare, Israël Shahak, Gilad Atzmon, Norman Finkelstein, Gideon Levy, Mearsheimer et Walt, Éric Hazan, etc. En conclusion, j’insisterai sur l’essentiel : à mon avis, tous ces reproches sont montés en épingle de mauvaise foi par les professionnels de la politique pour entretenir une CONFUSION entre les vrais démocrates et « l’extrême droite » ; confusion qui leur permet de se débarrasser des vrais démocrates à bon compte, sans avoir à argumenter. Étienne Chouard (28.11.2014)
Je vais donc remettre un lien, différent, commenté, vers E&R, que je considère comme un portail utile pour comprendre et résister à certains abus de pouvoir terribles, même s’il est évidemment très critiquable par certains côtés (comme tout le monde) ; je reviens donc à ma position ouverte d’avant-hier, que je tiens depuis des années : il faut que chacun se forge une opinion en adulte, et une vraie démocratie doit laisser une place aux non démocrates. Et pour les ulcérés, faut quand même pas charrier, ce n’est qu’un lien suggéré, pas du tout une identité, une allégeance ou une caution : je ne suis pas « soralien », je cherche à RENDRE POSSIBLE UN MONDE VRAIMENT COMMUN, je ne suis pas « complaisant avec le fascisme » que je combats du mieux que je peux, en conscience, librement, à ma façon, et je vous pense tous libres de penser. Soyez gentils de ne pas tout surinterpréter, tâchez de modérer. Vous savez maintenant ce que je pense de l’antisémitisme et du racisme : je les considère comme des fléaux, une honte pour l’humanité. Mais je pense que les combattre en traitant les gens de « racistes » comme si c’était leur nature, et en leur coupant la parole (comme on coupe une tête), c’est croire éteindre un incendie en jetant de l’essence sur les flammes. Etienne Chouard (29.11.2014)
Je désapprouve ce prix qui entre dans les rites, les ritournelles du Parlement. C’est la troisième fois qu’un Cubain reçoit ce prix de la part d’un Parlement qui n’a pas trouvé une minute pour condamner le coup d’Etat au Honduras, et ne s’est jamais intéressé aux Cinq de Miami. Le Parlement européen est embrigadé dans des croisades anticommunistes qui m’exaspèrent. Ça ne veut pas dire qu’on approuve l’emprisonnement, ça veut dire qu’on désapprouve la manière dont le Parlement est bienveillant pour des dictatures fascistes, et malveillant vis-à-vis du camp progressiste. Jean-Luc Mélenchon
Les dirigeants du PS français et de la social-démocratie européenne, en effet, sont en général des personnages que je considère comme des poulets élevés en batterie. Ils sortent des grandes écoles, sans aucun passé militant dans les luttes populaires, et encore moins dans l’internationalisme politique. Ils montent les marches du pouvoir politique en croyant que leur discours de gestionnaires, c’est du socialisme. Et ils font croire que ça se résume à ça. Ces dirigeants n’ont jamais compris ce qui se passe en Amérique latine parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Dans le meilleur des cas, ils se contentent de reproduire le discours de la propagande étasunienne, repris par la majorité des médias. (…) Le président Hugo Chavez note, comme moi : « Les gens ne veulent pas comprendre que pour redistribuer les richesses auprès des pauvres, il faut changer les institutions ». Et Chavez nous interpelle : « Parce qu’il existerait une alternative ? Et où se trouvent donc vos magnifiques modèles, vous les Européens, que l’on devrait prétendument imiter ? ». (…) C’est donc pour cela que j’ai demandé à ces dirigeants qu’ils se taisent, et qu’ils observent avec respect le chemin montré par Chavez, Evo Morales en Bolivie, Rafael Correa en Équateur ou José Mujica en Uruguay. Non pas pour les imiter, mais pour apprendre d’euxJean-Luc Mélenchon
Soljenitsyne était une baderne passéiste absurde et pontifiante, machiste, homophobe, et confis en bigoteries nostalgiques de la grande Russie féodale et croyante.(…) C’était un perroquet utile de la propagande « occidentale ». Utile car au contraire de tous ceux qui avaient dénoncé avant lui le goulag et les camps staliniens, Soljenitsyne était une voix de droite parmi les plus réactionnaire. Jean-Luc Mélenchon (sénateur membre du bureau national du PS, 04/08/08)
Je ne partage pas du tout l’enthousiasme béat pour le Dalaï-lama ni pour le régime qu’il incarne. (…) seule l’enquête « d’arrêt sur image » rapporte que les « évènements du Tibet » ont commencé par un pogrom de commerçants chinois par des « Tibétains ». (…) autant dire que le gouvernement français de l’époque a ordonné de pousser deux jeunes dans un transformateur électrique à Clichy Sous Bois au motif qu’il avait alors une politique de main dure face aux banlieues. Personne n’oserait avancer une bêtise aussi infâme. Dans les émeutes urbaines américaines la répression a aussi la main lourde. (…) Robert Ménard est un défenseur des droits de l’homme à géométrie variable. A-t-il mené une seule action, même ultra symbolique, quand les Etats-Unis d’Amérique ont légalisé la torture ? A-t-il mené une seule action pour que les détenus de Guantanamo soient assistés d’avocat ? (…) Le Tibet est chinois depuis le quatorzième siècle. (…) Parler « d’invasion » en 1959 pour qualifier un évènement à l’intérieur de la révolution chinoise est aberrant. Dit-on que la France a « envahi » la Vendée quand les armées de notre République y sont entrées contre les insurgés royalistes du cru ? (…) La version tibétaine de la Charia a pris fin avec les communistes. La révolte de 1959 fut préparée, armée, entretenue et financée par les USA dans le cadre de la guerre froide. (…) Depuis la scolarisation des enfants du Tibet concerne 81% d’entre eux là où il n’y en avait que 2% au temps bénis des traditions. Et l’espérance de vie dans l’enfer chinois contemporain prolonge la vie des esclaves de cette vallée de larmes de 35, 5 à 67 ans. Jean-Luc Melenchon
Parler d’invasion en 1959 pour qualifier un événement à l’intérieur de la révolution chinoise est aberrant. Jean-Luc Mélenchon
Il y a entre nous une culture commune bien plus étendue et profonde qu’avec les Nord-Américains. Les Chinois, comme nous, accordent depuis des siècles une place centrale à l’Etat dans leur développement. Dans leurs relations internationales, ils ne pratiquent pas l’impérialisme aveugle des Américains. La Chine est une puissance pacifique. Il n’existe aucune base militaire chinoise dans le monde. (…) La Chine n’est pas intéressée au rapport de forces de cet ordre. Jean-Luc Mélenchon
Car la consigne (« Qu’ils s’en aillent tous ») ne visera pas seulement ce président, roi des accointances, et ses ministres, ce conseil d’administration gouvernemental de la clique du Fouquet’s ! Elle concernera toute l’oligarchie bénéficiaire du gâchis actuel. « Qu’ils s’en aillent tous ! » : les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises. Qu’ils s’en aillent aussi, les griots du prétendu « déclin de la France » avec leurs salles refrains qui injectent le poison de la résignation. Et pendant que j’y suis, « Qu’ils s’en aillent tous » aussi ces antihéros du sport, gorgés d’argent, planqués du fisc, blindés d’ingratitude. Du balai ! Ouste ! De l’air ! Jean-Luc Mélenchon (extrait du livre)
Je suis toujours partisan d’interdire les partis contre-républicains. Jean-Luc Mélenchon
Quand Ruffin cite Chouard, devinez qui cite… Castro et Chavez ?
 
 Alors qu’à la faveur de la levée des censures qui a suivi la remise en cause, par la France d’en bas des gilets jaunes, du casse du siècle présidentiel et législatif du printemps 2017
Ressurgissent avec le retour du réel et faisant opportunément oublier la vraie menace islamiste et tout simplement musulmane, tant le racisme ordinaire des « déplorables » que la version prétendument « savante » des professionnels de l’antisémitisme à la Dieudonné ou Soral …
Et que l’antifachosphère bruisse et bourdonne de l’ « hommage fâcheux » du député de la France insoumise Ruffin au chantre anti-européen du référendum d’initiative citoyenne et actuel théoricien des gilets jaunes Etienne Chouard …
Qui rejetant avec raison la stigmatisation faschisante systématique de toute pensée refusant la pensée unique …
Dont on a tant abusé pour condamner les avertissements qui se sont révélés ô combien justifiés du Front national contre l’immigration incontrôlée …
S’était un temps laissé tenter emporté par son révolutionnarisme attrape-tout …
Par la séparation condamnée à l’avance entre l’antisémitisme « dévoyé » …
Et l’antisémitisme prétendument légitime d’un Soral
Qui  entre la défense de la « virilité aryenne » d’un Poutine et la condamnation de la « soumission » féminine d’un « petit sémite sépharade » comme Elkabach …
Dénonce le colonialisme raciste du gouvernement israélien et le sionisme comme idéologie de conquête aux États-Unis mais aussi en France » …
Comment ne pas s’étonner en même temps …
De l’étrange indulgence pour le chef de file d’un mouvement et parti qui a lui multiplié les références …
A Castro et Chavez ?
Portrait

Vrai démocrate ou complotiste infréquentable ? Le blogueur Etienne Chouard divise la France insoumise

Marianne
21/12/2018

Militant infatigable du référendum d’initiative citoyenne, le blogueur s’est imposé comme une référence des gilets jaunes. Mais ses fréquentations sulfureuses et ses ambiguïtés avec l’extrême droite ont valu à François Ruffin, qui l’a cité, une polémique au sein de la France insoumise…

Bastien Lachaud et Caroline Fiat échangent un regard interloqué. Adrien Quatennens sursaute et tourne la tête vers ses collègues, bientôt suivi dans sa surprise par Michel Larive. Ce mardi 18 décembre, réunis pour une conférence de presse de soutien à l’idée de « référendum d’initiative citoyenne » (RIC), les députés de la France insoumise (LFI) sont pris de court. François Ruffin, membre du groupe parlementaire, vient de rendre un hommage inattendu à Etienne Chouard : « Le référendum d’initiative citoyenne a fleuri. Oh, il n’a pas fleuri par hasard. Il a fleuri parce que des hommes de conviction – nommons-les : Etienne Chouard et ses amis – ont semé, ont arrosé, depuis des années. »

La référence au blogueur de 61 ans n’est pas anodine : depuis 2005, ce professeur de gestion est devenu un des chantres de la démocratie directe, un penseur influent voire un gourou pour certains… mais dans le même temps, ses « errances » et ambivalences lui ont valu d’être considéré comme infréquentable par toute une partie de la gauche. Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, a ainsi dégainé un tweet offensif à l’encontre de François Ruffin : « Je suis évidemment en phase avec la proposition pour le RIC mais j’avoue, je n’aurais pas pris en modèle Etienne Chouard. Mais sans doute suis-je trop sensible aux dérives rouge-brun… »

Le qualificatif est lancé : « rouge-brun », adjectif infamant désignant des personnalités politiques issues du marxisme et du communisme ayant dérivé vers le fascisme ou l’extrême droite. Il a forcé François Ruffin à une mise au point, via Twitter lui aussi : « J’ai cité Chouard dans mon discours sur le RIC hier. Parce que, objectivement, quel nom revient sur les ronds-points : le sien. Parce que, avec honnêteté, il faut dire que sur ce RIC, avec foi, il a battu la campagne et les estrades depuis une décennie. Ce qui n’ôte rien à nos désaccords, déjà signalés avec force, avec clarté, il y a plusieurs années. Depuis, Chouard a mis fin à ses étranges liens. Alors, doit-on éternellement traiter les hommes en pestiférés ? Tel n’est pas [mon] choix. »

Qui donc est Etienne Chouard, et pourquoi fait-il tant parler ? Inconnu de la plupart des Français, le militant politique est devenu en une grosse dizaine d’années une des étoiles de la contre-culture politique sur Internet. Sa notoriété remonte à 2005, au moment de la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen (TCE). Âgé de 48 ans, Etienne Chouard est alors un anonyme prof de lycée à Marseille, électeur sans grande conviction du Parti socialiste (PS). Happé par les débats autour du TCE, il se décide à analyser de près le projet de nouveau traité européen, et en tire une tribune percutante, publiée sur son blog, qui dénonce le projet comme un « secret cancer de notre démocratie« . Fouillé, argumenté, offensif voire excessif, le texte est partagé en masse et se répand comme la poudre. Etienne Chouard devient, à sa propre surprise, un des chefs de file discrets du camp du « non », qui triomphe au référendum. Il change de dimension. Le professeur se fait penseur et militant : lui qui ne s’y était jamais intéressé dévore des milliers de livres sur la politique et économique, partage ses réflexions sur son blog, donne des conférences. Il forme autour de lui une communauté de fidèles qui répandent ses idées, surnommés les « gentils virus« .

Un démocrate radical

Chantre de l’éducation populaire, Etienne Chouard élabore de bric et de broc sa propre doctrine politique. Au centre de sa réflexion, la nécessité d’un « processus constituant« . D’après lui, l’origine des maux de nos sociétés est inscrite dans la Constitution : en laissant le soin aux « responsables politiques, aux mains des grands marchands« , de « l’écrire à notre place« , nous (c’est-à-dire les 99% de moins riches) leur (les 1%) avons cédé le pouvoir. Dans la pensée de Chouard, toutes les dérives du capitalisme financier (inégalités, pauvreté, disparition des services publics, destruction de l’écosystème) sont reliées à ce péché originel : confier le pouvoir à des représentants, acte qui équivaudrait immanquablement à en priver le peuple.

« Les grands marchands, notamment les marchands d’argent ont pris le contrôle du politique et c’est une catastrophe, affirmait-il ainsi l’an dernier dans un long entretien pour Thinkerview. Depuis 200 ans, les marchands se sont mis à écrire la Constitution, ils ont donc mis en place l’élection leur permettant de désigner les acteurs qui les aideraient et qui sont donc leur « chose » écrivant leurs lois (…)« . Afin d’y remédier, le blogueur exclut logiquement toute élection : il veut former une assemblée constituante tirée au sort, qui définirait par la discussion collective des nouvelles institutions. Celles-ci devraient faire la part belle à la démocratie directe : les responsables seraient tirés au sort, pourraient être révoqués à tout moment, et le peuple prendrait lui-même l’initiative d’écrire les lois… grâce au RIC, évidemment. « Le suffrage universel digne de ce nom, c’est : nous devrions voter nos propres lois« , soutient le professeur Chouard.

En attendant cette révolution pacifique, le blogueur s’est attaché à appliquer ses principes au niveau local, en organisant des « ateliers constituants » destinés à faire de simples citoyens des « adultes politiques« , souverains et capables de penser le bien commun. Influencé par la pensée anarchiste, il se définit comme un démocrate radical, persuadé que le peuple est « capable de mener lui-même ses affaires » ; convaincu de la nature intrinsèquement bonne des humains, Etienne Chouard est convaincu que « si on prend les décisions ensemble à la majorité, ce ne seront pas les quelques affreux, égoïstes, violents, méchants, qui sont minoritaires, qui vont faire la loi. »

1% contre 99%

A cette pensée politique, le sexagénaire adjoint des idées économiques radicalement opposées au libéralisme de l’Union Européenne. Dénonçant le statut de la Banque centrale européenne, Chouard affirme que « le premier privilège est celui pour un petit nombre de créer la monnaie« , et que « les peuples qui ont perdu, renoncé à la création monétaire publique ont perdu en même temps leur souveraineté politique. La création monétaire est actuellement entre les mains des banquiers. »

Invité de l’émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais en 2014, Etienne Chouard s’y livre à une longue tirade, très partagée sur Internet, qui synthétise ses idées. Elle lui permet d’accroître encore sa notoriété : « C’est une erreur de penser que les politiques sont impuissants, incapables ou ne comprennent pas. Comme s’ils voulaient servir l’intérêt général et n’étaient pas bons. Si on renverse la perspective en comprenant que ces gens-là servent les intérêts de ceux qui les ont fait élire, à savoir les 1% les plus riches de la population, à ce moment-là ce n’est pas une catastrophe. C’est même formidable : tout se passe comme prévu. (…) Tout se passe bien du point de vue des 1% qui se gavent plus que jamais. (…) Les gens sont gentils, ils croient les candidats pendant les campagnes électorales. Mais après 200 ans d’échec du suffrage universel qui permet aux riches d’acheter le pouvoir politique… Le fait de désigner des maîtres au lieu de voter des lois est une imposture politique. Nous ne sommes pas en démocratie. En démocratie, nous voterions nos lois nous-mêmes. L’impuissance politique est programmée, il y a un endroit où il est proclamé que le peuple n’a aucune puissance : ça s’appelle la constitution, le problème c’est que tout le monde s’en fout. »

Détournement de la démocratie, désir de représentation des idées populaires, impuissance du politique face aux grands intérêts économiques : les thèmes développés par Etienne Chouard depuis 13 ans sont en parfaite concordance avec le mouvement des gilets jaunes. Il n’est donc pas très étonnant de voir le blogueur, abondamment cité sur les rond-points par des gilets jaunes ayant formé leur réflexion politique sur Internet, soutenir le mouvement et s’afficher à ses côtés. Jacline Mourand, l’une des têtes d’affiches, l’a spontanément mentionné comme influence clé auprès de Marianne. Le 4 décembre, à Saint-Claire du Rhône (Isère), il a tenu une réunion publique sur le RIC en compagnie de plusieurs gilets jaunes, dont Maxime Nicolle, alias « Fly Rider », un autre leader.

Sulfureuses fréquentations

Mais Etienne Chouard, ce n’est pas que la démocratie directe et la critique des banques. Entre 2005 et aujourd’hui, dans sa volonté effrénée de dialogue avec tous les pans de la société, le professeur a frayé avec de nombreuses figures controversées… sans s’en détacher clairement, et parfois en les soutenant ouvertement. Ainsi, le 9 décembre 2007, Etienne Chouard conseille sur son blog le visionnage d’un « entretien passionnant » entre Thierry Meyssan (écrivain et diffuseur privilégié de théories du complot concernant le 11 septembre 2001) et l’essayiste Alain Soral, connu pour sa vision conspirationniste et violemment antisémite du monde. Ce dernier, qu’il rencontre en chair et en os dans les années 2010, ne va plus cesser d’empoisonner la réputation d’Etienne Chouard : incapable de s’en détacher clairement, le blogueur s’est longtemps montré d’une complaisance incompréhensible avec ce pamphlétaire virulent, condamné par la justice à de multiples reprises pour injures antisémites ou incitation à la haine raciale.

Récusant les propos de Soral concernant les homosexuels et les féministes, Chouard ne le situe pas moins dans L’Express en 2014 comme « à gauche parce qu’il se bat contre les privilèges« , et indique qu’il l’a « rendu sensible » à la problématique du sionisme. Les qualificatifs élogieux pleuvent : « courageux« , « résistant« , « lanceur d’alerte qui proteste contre l’ordre établi« … Comme un renvoi d’ascenseur, Etienne Chouard est alors mis régulièrement en valeur sur Egalité et Réconciliation (E&R), le site internet qui promeut les idées d’Alain Soral. Culture libre, une association dont l’animateur est un responsable local d’E&R, diffuse et commercialise même certaines des conférences de Chouard.

Brouilleur de repères

Iconoclaste ou sulfureux, Etienne Chouard brouille en tout cas tous les repères politiques traditionnels : originellement identifié dans les rangs de la gauche radicale, il s’affiche avec des personnalités de l’autre versant : conférence commune sur les Lumières avec Marion Sigaut, militante d’E&R, en novembre 2012. Proximité avec François Asselineau, candidat souverainiste à la présidentielle de 2017 (Chouard a finalement voté pour Jean-Luc Mélenchon) et fondateur de l’Union populaire républicaine (UPR). Il conseille aussi des lectures pour le moins curieuses aux visiteurs de son blog – notamment les ouvrages du conspirationnistes Antony C. Sutton et du négationniste Eustace Mullins. Chouard défend son éthique politique : la volonté de se situer en dehors des clivages partisans et des critères de respectabilité édictés par le mainstream. « Cela fait douze ans que je travaille, parle en public, réfléchis aux pouvoirs et abus de pouvoir ; que je cherche à mettre un processus constituant qui, à mon avis, doit intégrer tout le monde« , argumente le prof de gestion, bien décidé à n’exclure personne tout en enjambant le clivage gauche-droite.

Proximité de la sphère « dissidente »… d’extrême-droite

Mais il ne s’est pas contenté de discuter : au fil des années, les contacts avec la sphère « dissidente » ont semblé infuser dans les analyses d’Etienne Chouard. Dans un entretien vidéo en 2014, il qualifie l’Union européenne de « projet fasciste« , et applaudit la manière dont Alain Soral « dénonce le colonialisme guerrier du sionisme, explique que le sionisme est un projet colonial, raciste, militaire (…) ».

Ses développements s’apparentent fréquemment au complotisme : on y trouve les mêmes méthodes d’analyse, trouvant dans un grand complot ourdi par les plus riches l’unique explication des malheurs du monde, élaborant des chaînes d’équivalence bancales mais définitives, faisant référence à des faits historiques parfois obscurs (notamment la création de la banque d’Angleterre en 1694) mais considérés comme capitaux… Etienne Chouard a également une manière bien à lui de définir le fascisme : dans un entretien avec le média Internet La Mutinerie, il explique refuser de « lyncher untel ou untel parce qu’il est fasciste, parce qu’il est d’extrême droite« .

D’après lui, on commet une erreur en utilisant le vocable ‘fasciste’ pour « désigner ceux qui ont un avis non conforme sur les étrangers, sur la peine de mort, sur l’avortement, sur la religion catholique, sur la nation. » Les vrais fascistes ? Ce sont « les grands propriétaires, les possédants, les ultra-privilégiés, qui veulent bien de la République quand les élections leur donnent tout le pouvoir. Ils se montrent comme fascistes et d’extrême droite quand ils sentent qu’ils vont perdre les élections. C’est les 1% contre les 99%. C’est ça l’extrême droite. » Une classification qui permet notamment à Chouard de ranger le Parti socialiste dans le camp du fascisme…

A sa manière, Etienne Chouard est parfaitement représentatif des « gentils virus » qui le soutiennent : comme eux, il a construit sa culture politique sur le tas. Sur Internet et dans les livres plutôt que par l’intermédiaire de professeurs dispensant un savoir officiel. Chouard indique avoir dévoré, depuis 2005, plus de 3.500 ouvrages en tous genres. « (…) Je lis beaucoup, dans toutes les directions, tout ce qui touche aux pouvoirs, aux abus de pouvoir et aux institutions : histoire, droit, économie, philosophie politique, sociologie, anthropologie, de la bible à nos jours, tout m’intéresse, pourvu que ça me donne des idées et des forces pour organiser la résistance des êtres humains à tous les systèmes de domination« , écrit-il sur son blog. Tout y passe, et est partagé instantanément et « exposé à l’intérêt et à la critique de [ses] lecteurs« . Résultat : les constructions idéologiques traditionnelles sont totalement brouillées.

Dans cette « culture YouTube« , faite de liberté et de désordre, on a parfois l’impression que tout ce qui se situe en dehors du mainstream est adoubé par principe comme faisant partie du combat pour la démocratie. Ce que résumait ainsi Chouard en 2014 dans L’Express : « Mon curseur politique est simple, c’est celui de la révolution. Celui qui soutient le peuple qui veut se soulever contre ses maîtres est à gauche. A droite, il y a la défense des privilèges. » Philippe Marlière, universitaire de gauche opposé au professeur de gestion, est plus sévère : « Pour Chouard, il suffit de critiquer l’Union Européenne, les banques, la mondialisation, le capitalisme, pour être du bon côté« .

Sentiments mêlés de Ruffin

Dans une longue analyse publiée en 2013, où il était déjà accusé de complaisances avec Etienne Chouard, François Ruffin livrait une lecture similaire, qualifiant la « construction idéologique » du blogueur, bâtie « en accéléré, de bric et de broc, comme tout le monde« , de « bien récente, bien fragile, bien confuse« . « Mon sentiment profond, c’est que tu es comme un adolescent en politique, jugeait alors Ruffin. Tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance. » Ces errances ont valu de nombreuses excommunications à Chouard, faisant souvent suite à des pressions exercées par des groupes antifascistes. Comme en novembre 2012, où les cinémas Utopia et le Front de gauche annulent la venue du blogueur à une projection, après avoir découvert que le site de Chouard mentionnait dans sa liste de liens le Réseau Voltaire ainsi qu’Egalité & Réconciliation.

Un an plus tard survient la première explication avec François Ruffin, que le fondateur de Fakir a donc relatée sur le site de son journal, qui venait alors de faire la promotion de la pièce de théâtre d’Etienne Chouard, La dette expliquée à mon banquier. Après une première rencontre peu productive en 2009, Ruffin aborde frontalement la question de l’antisémitisme d’Alain Soral avec Chouard, qui se borne alors à répondre que l’auteur de Comprendre l’empire évoque l’antisionisme, refuse de « trier selon les appartenances politiques » et affirme sa volonté de « toucher tout le monde de gauche à droite« . Finalement, Ruffin tiendra encore un dialogue avec Etienne Chouard, sans parvenir à se mettre tout à fait d’accord avec lui, mais indiquant qu’il se sent « davantage son ‘ami’, un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges. »

Plus de liens avec Soral depuis 2014

Depuis, le blogueur qui divise s’est-il rangé de ces douteuses fréquentations ? C’est toute la question. D’après le site Conspiracy Watch, la réponse est non. « Non seulement le blogueur n’est jamais revenu sur les multiples théories du complot qu’il a pu diffuser publiquement sur son blog ou dans des interviews mais, le 6 août 2018, Le Média pour tous, la chaîne YouTube récemment lancée par l’ancien collaborateur d’Alain Soral, Vincent Lapierre, mettait en ligne un entretien de 14 minutes avec lui« , relève l’observatoire sur son site, tout en précisant que « Chouard n’a, du reste, jamais pris ses distances avec la nébuleuse antisémite gravitant autour d’Alain Soral et d’E&R » et n’est « jamais non plus revenu sur ses propos élogieux concernant Alain Soral« .

Une assertion quelque peu inexacte. En novembre 2014, Etienne Chouard s’est nettement éloigné du penseur d’extrême droite. Faisant le constat des « accusations violentes » reçues après avoir posté le lien d’E&R sur son blog, le militant écrivait avoir « rapidement compris que [Soral] n’est pas du tout un démocrate« , mais estimait que « une partie de son analyse du monde actuel » lui semblait « utile« . Abordant enfin la question de l’antisémitisme, Chouard regrette que l’injure « antismémite » serve trop souvent « à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont absolument racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien« . Mais il se rend enfin à l’évidence, après avoir découvert une vidéo accablante datée de juin 2014, dans laquelle Soral tient « des propos terribles et dangereux« .

Reconnaissant s’être « trompé en publiant un lien sans mise en garde« , Chouard retire le lien d’E&R de son site, dénonçant un « mélange toxique » entre une « lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination » et « un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés« . Et aujourd’hui ? A franceinfo, il assure qu’il refuse désormais les invitations d’E&R et a coupé tous les liens avec son leader, tout en objectant : « Le danger pour la société humaine, ça n’est pas Soral ! On n’en a rien à foutre de ces mecs-là, ils ne représentent que des groupuscules ». Il a également publié une nouvelle note de blog ce jeudi 20 décembre, dans laquelle il assure que depuis son billet de 2014, il « ne parle jamais de Soral, absolument jamais, et que, par contre, tous ceux qui [l’]accusent de le fréquenter (ce qui n’est pas vrai), eux, en parlent tout le temps… »

Illustration des clivages de FI

Populaire et controversée, la figure d’Etienne Chouard illustre à sa manière les clivages qui minent la France insoumise en interne. Certains, adeptes d’une stratégie « populiste », estiment que LFI a vocation a s’adresser à des figures qui transcendent son électorat traditionnel de gauche radicale, devenu très minoritaire – sans forcément aller jusqu’à prôner un dialogue régulier avec Etienne Chouard. D’autres, qui défendent plutôt une union de la gauche, sont partisans d’un strict « cordon sanitaire » et jugent que LFI se compromettrait en approchant des figures n’étant pas clairement identifiées sur le spectre politique. Les deux conceptions ont leurs raisons d’être, et également leurs dérives.

A vouloir ratisser trop large pour ne pas s’enfermer à gauche, on court ainsi le risque de s’acoquiner avec des personnalités a priori peu compatibles avec le « nouvel humanisme » défendu par Jean-Luc Mélenchon ; de l’autre côté, en cherchant à excommunier tous ceux qui ne s’identifient pas à la gauche, la base se rétrécit, et ceux qui cherchent à dialoguer avec d’autres reçoivent des anathèmes insensés. Autre lecture possible : François Ruffin, qui donne des gages à l’une ou l’autre des deux options à intervalles réguliers, a tout simplement pris acte du fait que s’agissant du référendum d’initiative citoyenne, Etienne Chouard est devenu en France une référence incontournable. Qu’on l’apprécie ou non.

Voir aussi:

Quand Ruffin cite Chouard, un hommage fâcheux

Rachid Laïreche
Libération
19 décembre 2018

Une scène étrange. Mardi matin, dans une petite salle de presse du Palais-Bourbon, La France insoumise (LFI) a organisé une conférence de presse afin de présenter sa proposition de loi visant à instaurer le référendum d’initiative citoyenne, le fameux RIC. Huit députés sur la petite estrade, parmi eux, François Ruffin. Et l’élu de la Somme, jamais avare d’effet de style, ne s’est pas adressé à la petite poignée de journalistes face à lui, mais à la caméra de son collaborateur. Un discours tourné vers l’extérieur sous le regard de ses collègues insoumis les bras croisés, la mine sérieuse. Une gêne mal dissimulée face à l’envolée Ruffin, digne de ses prestations sur les parkings de Goodyear ou Norauto.

Entre les mots et sa rage contre les politiciens qui se «goinfrent» de «petits fours», le député de la Somme a rendu hommage à Etienne Chouard, le chantre du tirage au sort, qui a porté, bien avant la naissance des gilets jaunes, l’idée de référendum d’initiative citoyenne. Une dédicace qui passe mal. Pour cause : il a été un temps proche d’Alain Soral, qui avait des «positions intéressantes» selon lui, et au passage, il a également répandu quelques théories du complot. François Ruffin connaît la réputation d’Etienne Chouard sur le bout des doigts. En 2013, dans un long papier sur Fakir, il soulignait sa trajectoire à sa manière : «Etienne, tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance.»

Depuis, plusieurs collègues insoumis tirent la tronche. Notamment Clémentine Autain. «Je suis évidemment en phase avec la proposition pour le RIC mais j’avoue, je n’aurais pas pris en modèle Etienne Chouard. Mais sans doute suis-je trop sensible aux dérives rouge-brun», a-t-elle tapoté sur les réseaux sociaux. D’autres élus LFI se grattent la tête en cachette. Ils évitent de sortir publiquement, pas question de paraître divisés face au «parti médiatique». Au risque de trinquer collectivement ? «C’est vrai que ce n’est pas toujours évident mais tout le monde sait que François a son style et qu’il parle très souvent en son nom», affirme un député.

Ces derniers mois, François Ruffin évite de répondre aux polémiques qui le concernent. Pas cette fois. «J’ai cité Chouard dans mon discours sur le RIC hier. Parce que, objectivement, quel nom revient sur les ronds-points : le sien. […] Ce qui n’ôte rien à nos désaccords, déjà signalés ici, avec force, avec clarté, il y a plusieurs années. Depuis, Chouard a mis fin à ses étranges liens. Alors, doit-on éternellement traiter les hommes en pestiférés ?» a-t-il argumenté sur Twitter.

Résultat : François Ruffin, après avoir assuré que la DGSI a enquêté sur lui et demandé la démission de Macron de manière étrange, crée une nouvelle polémique. Le député de la Somme, au-delà de sa personne, met en porte-à-faux les insoumis en marchant sur un fil brûlant, persuadé que le peuple est derrière lui, au risque de trébucher, et surtout de se perdre en route.

 Voir de plus:

Pour que les choses soient claires
Etienne Chouard
28 novembre 2014

De grands médias et des politiciens de métier sont en train d’essayer de faire de moi un « Soralien », ce qui leur permettrait de discréditer d’un coup, sans argument de fond, la proposition ultra-démocratique de processus constituant populaire que je défends depuis dix ans.

Quels sont les faits ?

Depuis la bagarre de 2005 contre l’anticonstitution européenne, je travaille jour et nuit pour donner de la force à une idée originale d’émancipation du peuple par lui-même et pas par une élite : je soutiens l’idée que nous n’avons pas de constitution digne de ce nom et que, si nous voulons nous réapproprier une puissance politique populaire et nous débarrasser du capitalisme, nous devrons apprendre à écrire nous-mêmes notre Constitution, notre contrat social, en organisant nous-mêmes un peu partout des ateliers constituants populaires. Selon moi, ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir, ce n’est pas aux professionnels de la politique d’écrire ou de modifier la Constitution, qu’ils doivent craindre et pas maîtriser.

Depuis dix ans, donc, je lis beaucoup, dans toutes les directions, tout ce qui touche aux pouvoirs, aux abus de pouvoir et aux institutions : histoire, droit, économie, philosophie politique, sociologie, anthropologie, de la bible à nos jours, tout m’intéresse, pourvu que ça me donne des idées et des forces pour organiser la résistance des êtres humains à tous les systèmes de domination. J’essaie de comprendre comment on en est arrivé au monde injuste et violent qui est le nôtre, et comment on pourrait (réellement) améliorer la vie sur terre. Chaque fois que je déniche un livre, une thèse, une idée, un fait, une preuve, un intellectuel, un texte, une vidéo, ou tout document qui me semble utile pour comprendre les abus de pouvoir et y résister, je le signale sur mon site et on en parle ensemble. Depuis dix ans, ce sont ainsi des dizaines de milliers de liens que j’ai exposés à l’intérêt et à la critique de mes lecteurs.

Sur le plan de la méthode, même si je me sens (de plus en plus) sûr de moi quant à ma thèse radicalement démocratique, je suis pourtant toujours à l’affût des arguments de TOUS ceux qui ne pensent PAS comme moi ; c’est comme une hygiène de pensée, je cherche les pensées contraires aux miennes, autant pour les comprendre vraiment (ce qui facilite ensuite les échanges constructifs avec des adversaires que je considère, malgré notre opposition, comme des êtres humains, donc ipso facto légitimes pour défendre leur point de vue, quel qu’il soit), que pour détecter mes éventuelles propres erreurs. Comme tout le monde, je ne progresse que dans la controverse.

Un jour, il y a trois ans je pense, je suis tombé sur une vidéo de Soral, que je ne connaissais pas, qui m’a intéressé : il y dénonçait le colonialisme raciste du gouvernement israélien et le sionisme comme idéologie de conquête, aux États-Unis mais aussi en France (en s’appuyant sur les livres — bouleversants — d’Israël Shahak, de Shlomo Sand, de Gilad Atzmon et d’autres que nous devrions tous lire, je pense). Pour moi qui travaille sur les abus de pouvoir, il est naturel d’être intéressé par toute étude d’un projet de domination, quel qu’il soit. En regardant un peu son site, j’ai vu qu’il étudiait, condamnait et résistait (comme moi), entre autres, à l’Union européenne, au capitalisme, à l’impérialisme, au colonialisme, au racisme, aux communautarismes, aux multinationales, aux complexes militaro-industriels et aux grandes banques d’affaires, à la prise de contrôle des grands médias par les banques et par les marchands d’armes, au libre-échange et au sabotage monétaire, aux innombrables et scandaleuses trahisons des élites, à toutes les guerres, à toutes les réductions des libertés publiques justifiées par la « lutte contre le terrorisme », etc. Bref, tous ces fronts de résistance étant, à mon avis, des fronts de gauche, et même de gauche radicale et vraie, j’ai ajouté naturellement un lien sur ma page d’accueil vers le site de Soral. Un lien, parmi des milliers — je ne savais pas encore que cela allait faire de moi, en quelques années, un homme à abattre.

Je n’ai pas fait l’exégèse de l’auteur et du site signalés : j’ai juste cité le lien déniché, comptant comme d’habitude sur l’intelligence des gens — que je considère comme des adultes — pour distinguer ce qui y est pertinent de ce qui ne l’est pas, ce qui est bon de ce qui est mauvais. Et puis, je suis passé à autre chose, évidemment ; ma vie est une course permanente d’une idée à l’autre.

À partir de ce moment, j’ai reçu des accusations violentes et des injonctions — souvent anonymes — à retirer ce lien, jugé diabolique. Or, j’ai horreur qu’on m’impose ce que je dois penser ou dire ; je veux bien changer d’avis (j’aime découvrir que je me trompe et progresser en changeant d’opinion), mais il ne suffit pas d’affirmer que je me trompe, même en criant que je suis un fasciste (sic), il faut me le prouver. Et si on veut me forcer à retirer un lien, il y a toutes les chances pour que je m’obstine (bêtement, je sais).

Autre fait qui m’est reproché : depuis 2011, les militants d’E&R relaient souvent mes textes et vidéos sur leur site (documents qui ne parlent que de démocratie, de constitution d’origine populaire, et de gestion commune du bien commun), signe d’intérêt de militants « de droite » pour la vraie démocratie que — en toute logique — je ne prends pas comme une preuve évidente de « fascisme »…  Lorsque je constate qu’un parti ou un journal ou une radio ou un site quel qu’il soit relaie ma prose radicale d’émancipation par l’auto-institution de la société, je ne peux y voir que des raisons d’être satisfait : mon message est universel, il n’est pas réservé à une famille politique ; plus on sèmera des graines de démocratie auto-instituée, un peu partout, sans exclusive aucune, mieux ce sera.

Justement, j’ai observé une évolution qui me semble importante : les jeunes gens qui suivent et soutiennent Soral, et qui étaient assez radicalement antidémocrates quand ils m’ont connu, étaient en fait « anti-fausse-démocratie », mais ils ne le savaient pas encore : ils pensaient (comme tout le monde) que l’alternative politique était 1) capitalisme-libéralisme-« démocratie » (complètement pourri, mafieux, esclavagiste, des millions de morts, à vomir) ou 2) communisme-socialisme-« démocratie populaire » (complètement pourri, un capitalisme d’État, avec police de la pensée, des camps de travail en Sibérie, des millions de morts, à vomir) ou 3) fascisme-« non-démocratie » (violent aussi, mais sans corruption — choix terrifiant, selon moi, évidemment)… Et puis, voilà qu’ils découvrent, en lisant les livres que je signale (Manin, Hansen, Rousseau, Sintomer, Castoriadis, Guillemin…) un régime alternatif, une quatrième voie, une organisation politique dont personne ne nous a jamais parlé sérieusement à l’école ou dans les journaux : la vraie démocratie, sans guillemets, avec une vraie constitution et des vrais contrôles, que nous écririons nous-mêmes, directement parce que entraînés, pour être sûrs de ne pas nous faire tromper à nouveau… Eh bien, je suis sûr (je l’ai ressenti souvent, nettement) que nombre de ces jeunes militants (de droite dure au début par dépit de la corruption généralisée et faute d’alternative autre — processus identique à la naissance du nazisme en Allemagne) sont en train de devenir (ou sont déjà devenus) des démocrates réels. Non pas par magie, mais parce que cette alternative démocratique réelle est à la fois crédible et prometteuse, elle fait vibrer tous les hommes de bonne volonté. Alors, je maintiens qu’il est pertinent et nécessaire de parler avec enthousiasme de vraie démocratie à absolument tout le monde, en étant convaincu qu’un être humain, ça peut changer d’avis 1) si on le respecte en tant qu’être humain, et 2) si ce qu’on lui propose est émancipant, libérateur, puissant, prometteur.

Et puis, quand on me reproche les médias — soi-disant parfois peu fréquentables— par lesquels sont relayées mes graines de démocratie réelle, je réponds que je ne m’identifie pas au média qui me tend son micro, que je reste moi-même quelle que soit la personne à qui je parle, et surtout que je n’ai guère le choix puisqu’AUCUN grand journal ni aucune grande radio de gauche (que j’aime quand même, hein) — ni Là-bas-si-j’y-suis, ni le Diplo, ni Politis, ni Terre-à-terre, dont je parle pourtant souvent, moi, depuis 2005 —, aucun de ces médias n’a jamais relayé / signalé / commenté mon travail, depuis DIX ans (!)… Comme si la démocratie vraie ne les intéressait pas du tout, ou comme si elle leur faisait peur. Il n’y a QUE les militants de base qui m’invitent à venir débattre sur ces questions : l’idée d’un processus constituant qui deviendrait populaire et d’une procédure authentiquement démocratique comme le tirage au sort, ça n’intéresse pas du tout les chefs, même ceux des médias de gauche…

Parmi les faits qui me sont reprochés, il y a aussi une conférence avec Marion Sigaut (que j’ai trouvée bien intéressante, d’ailleurs), sur la réalité du mouvement des « Lumières ». On s’empaille souvent, Marion et moi : on n’est pas d’accord du tout sur Rousseau, sur Robespierre, sur la Vendée, et sur quelques points historiques importants, mais on arrive bien à se parler, tous les deux, malgré nos désaccords, en essayant de comprendre l’autre, d’apprendre l’un de l’autre, en se respectant, ce qui s’appelle une controverse, processus qui est à la base du progrès de la connaissance. Cet échange intellectuel avec Marion, m’a fait découvrir des faits et documents particulièrement importants sur l’Ancien régime — par exemple, le livre passionnant « Le pain, le peuple et le roi » de Steven Kaplan —, et les intrigues fondatrices des « Philosophes » des « Lumières » (riches et marchandes, tiens tiens), pour faire advenir le « libéralisme », c’est-à-dire la tyrannie-des-marchands-libérés-devenus-législateurs qu’on appelle aujourd’hui le capitalisme.

Pour revenir à Soral, j’ai rapidement compris qu’il n’est pas du tout un démocrate, évidemment : il est autoritaire et il défend une idéologie autoritaire, au strict opposé de ce que je défends moi. Je ne veux pas plus de sa « dictature éclairée » que de n’importe quelle dictature, évidemment.

Mais malgré cela, une partie de son analyse du monde actuel (et non pas ses projets de société) me semble utile, objectivement, pour mon projet à moi, de compréhension des abus de pouvoir et de constituante populaire. Donc, pour ma part, je ne monte pas en épingle ce qui me déplaît chez Soral, je prends ce qui m’intéresse (les infos sur les fronts de gauche et sur la résistance au sionisme) et je laisse le reste, comme l’adulte libre de penser et de parler que je suis.

On reproche à Soral un antisémitisme intense et assumé. Pourtant, quand on lui demande « êtes-vous antisémite ? », Soral répond « NON, dans le vrai sens du mot c’est-à-dire raciste ». Et il souligne aussitôt que le mot « antisémite », avec des guillemets, a progressivement changé de sens pour servir aujourd’hui de bouclier anti-critiques (ce que Mélenchon dénonce lui aussi, amèrement, avec raison et courage, je trouve, en appelant cette calomnie systématique « le rayon paralysant du CRIF ») : dans ce nouveau sens, complètement dévoyé, « antisémite » sert à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont ABSOLUMENT PAS racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien (critiques d’un racisme qui sont donc un antiracisme). C’est ce nouveau sens seulement que Soral assumait, en martelant, en substance : « j’en ai marre de ce chantage à « l’antisémitisme » et de ces intimidations permanentes de la part d’ultra-racistes qui osent accuser de racisme des résistants à leur racisme ».

Je trouve que ça se défend très bien, si on arrive à tenir le cap de l’humanisme, c’est-à-dire à ne pas devenir soi-même raciste en réaction à un racisme premier : il est essentiel, je pense, de ne pas devenir antisémite en réaction au sionisme : il ne faut surtout pas s’en prendre à tous les juifs au motif que certains sionistes seraient odieux et dangereux.

Or, tout récemment, j’ai découvert dans une publication de Soral des propos terribles et dangereux qui me conduisent à changer d’avis sur la portée du lien que j’ai mis sur mon site.

Dans une vidéo en direct de juin 2014 (1 minute, à partir de 47:54), Soral dit les mots suivants, que je n’avais jamais entendus de lui avant, et qui me choquent tous profondément :

[Bon, j’ai commencé à transcrire, mais j’ai honte de seulement écrire des trucs pareils… Donc, j’arrête. Je vous laisse lire le lien si ça vous chante.]

Je ne peux évidemment pas valider une parole pareille, froidement raciste, sexiste, autoritaire. Je n’avais jamais vu Soral parler comme ça. C’est un peu comme un désaveu, parce que je l’ai entendu maintes fois jurer qu’il n’était pas antisémite.

Alors, je cède, je reconnais que me suis trompé, en publiant un lien sans mise en garde : il y a un risque d’escalade des racismes. Ce mélange de lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination (résistance qui m’intéresse toujours et dont je ne me désolidarise pas), avec un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés (qui me hérissent vraiment), ce mélange est toxique. Stop. Et puis, je n’arrive plus à m’occuper de nos ateliers constituants : on nous interpelle sans arrêt sur notre prétendue identification à Soral, et la violence des échanges qui s’en suivent partout me désespère ; j’en ai assez, il faut faire quelque chose pour marquer une différence, une limite : je supprime le lien de mon site vers Soral. Désormais, je ferai le filtre, en évoquant moi-même les auteurs que je trouve utiles, comme Shlomo Sand, Jacob Cohen, Bernard Lazare, Israël Shahak, Gilad Atzmon, Norman Finkelstein, Gideon Levy, Mearsheimer et Walt, Éric Hazan, etc.

En conclusion, j’insisterai sur l’essentiel : à mon avis, tous ces reproches sont montés en épingle de mauvaise foi par les professionnels de la politique pour entretenir une CONFUSION entre les vrais démocrates et « l’extrême droite » ; confusion qui leur permet de se débarrasser des vrais démocrates à bon compte, sans avoir à argumenter.

Post scriptum: si le système de domination parlementaire arrive finalement à me faire passer pour un diable hirsute, infréquentable et banni, ce n’est pas grave, je ne suis qu’une cellule du corps social et je ne cherche absolument aucun pouvoir personnel (je ne perds donc rien d’essentiel si je suis ostracisé par le système, à part le bonheur de bien servir à quelque chose d’utile, que je ressens en ce moment) : prenez alors le relais vous-mêmes ! Notre cerveau collectif survivra très bien à la disparition d’un neurone, changez de nom, et continuez à défendre vous-mêmes, un peu partout et tout le temps, cette idée importante qui va tout changer, mais seulement si on est très nombreux à s’être bien polarisés sur la même idée, simple et forte : ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir, DONC, il ne faut SURTOUT PAS ÉLIRE l’Assemblée constituante ; si on veut une constitution, il faudra l’écrire nous-mêmes et il faut donc, dès maintenant et tous les jours (!), nous entraîner réellement en organisant et en animant partout des mini-ateliers constituants ultra-contagieux.

« Fais ce que tu dois, et advienne que pourra. »

Voir encore:

Pour que les choses soient claires – suite
Etienne Chouard
29 Nov 2014

Quand on s’aperçoit qu’on se trompe, il faut se corriger.

Quand on s’aperçoit qu’on a trop corrigé, ou pas assez, il faut encore se corriger.
C’est un travail qui dure toute la vie.

Ça donne une trajectoire en zig-zag, qui peut suggérer une instabilité ou une fragilité, mais c’est plutôt le résultat d’une honnêteté, et il faut l’assumer : tout ce qui est vivant sur terre se trompe, et se trompe souvent ; et il faut donc s’adapter. Je ne prétends pas, comme les donneurs de leçon qui prétendent avoir définitivement tout compris mieux que tout le monde, avoir trouvé la vérité le premier et ensuite tenir un cap sûr et droit, déterminé à n’en pas changer. Si vous m’accompagnez, préparez-vous à zig-zaguer.

Sur le plan de la pression que je subis, ça devient raide, je vous prie de croire. Je suis là tout seul devant mon clavier, et vous êtes des milliers — des milliers ! — à parler, ou à crier, soit pour féliciter, soit pour condamner, soit pour exiger, soit pour renoncer, mais des milliers c’est inhumain, presque incompréhensible tellement c’est varié et animé de pensées argumentées, contrastées, violemment opposées. Essayer de tous vous contenter, c’est certainement devenir bientôt fou à lier. Je vais donc me retourner sur moi-même, c’est plus simple, et tâcher d’évaluer — isolé — ce que j’ai fait.

J’ai passé des jours et des nuits à préparer le billet d’hier, et il me semble équilibré. Sauf à la fin, où ma conclusion va trop loin, parce qu’elle est, je pense, exagérée. Il fallait exprimer — clairement, fortement — mon opposition farouche aux paroles dangereuses, et peut-être corriger le lien en lui ajoutant un commentaire explicite sur le risque d’escalade des racismes ; mais pas supprimer un lien, ce petit lien, avec toute une communauté (geste trop fort, symboliquement), même pour cause de très mauvaises paroles. En coupant complètement les ponts, je me rends moi-même coupable, précisément, du travers anti-politique que je condamne d’habitude.

Je vous rappelle quelle est ma position sur le racisme et sur « l’antiracisme » :

Je pense (et c’est précisément ce qu’on me reproche, si j’ai bien compris) que, pour servir à quelque chose d’utile, le mot « extrême droite » devrait servir à désigner les ennemis extrêmes du peuple et du bien commun, et PAS « les racistes » ; car les paroles racistes sont un fléau qu’on retrouve partout et elles sont plus une conséquence des problèmes sociaux qu’une cause. J’utilise l’expression paroles racistes car je refuse le mot « raciste » pour désigner une personne, comme si elle n’allait jamais changer d’avis, comme si sa nature c’était d’être raciste, comme si elle n’était plus humaine, inférieure politiquement… Je trouve cette façon de penser précisément… raciste, antipolitique.

La haine de la haine, c’est encore de la haine. En traitant quelqu’un de « raciste », avec haine (et… racisme), en enfermant l’adversaire (à vie) dans ses mauvaises paroles du moment, on s’interdit absolument, selon moi, d’améliorer la situation, aussi peu que ce soit : les accusés vont s’enferrer dans leurs mauvais discours et même se préparer à une guerre. Contre les paroles racistes, je ne vois pas d’autre issue que politique : la vision raciste du monde est une grave erreur d’analyse, une honte au regard de l’humanité, mais ça se démontre, ça ne s’impose pas.

N’oubliez pas que ceux qui ont aujourd’hui des paroles racistes sont des êtres humains. N’oubliez pas que, DONC, ils changent. Peut-être cette personne que vous détestez aujourd’hui (parce qu’elle pense et dit effectivement des horreurs) vous sauvera-t-elle la vie demain. Il ne faut jamais renoncer à l’action politique (qui n’est PAS la guerre sans merci des partis, misérable parodie d’action politique). Il vaut mieux chercher les causes premières du racisme que d’invectiver ceux qui sont aujourd’hui frappés de cette maladie (honteuse).

En plus, quand vous mettez toutes vos forces dans « l’antiracisme » (sic), vous ne mettez plus aucune force dans la lutte contre le capitalisme : contre les 1% « libéraux »-esclavagistes, ni contre leurs « élus » et leurs traîtrises. Donc, ces derniers doivent bien se frotter les mains de « l’antiracisme », ce « confusionnisme politique, sciemment organisé, intellectuellement structuré, qui vise à déplacer la vraie ligne de divergence démocratique majeure entre les héritiers possédants et les dépossédés »…

Et si l’expression extrême droite désigne simplement, comme je pense que nous devrions le décider, la droite extrême, je pense qu’elle est déjà AU POUVOIR en ce moment, et que les chiffons rouges (Soral, Le Pen, etc.) qu’on agite frénétiquement devant nous dans toutes nos discussions servent de LEURRES, qui nous distraient de l’essentiel et qui nous empêchent — littéralement — de penser et de progresser.

Hier, sans m’en apercevoir, je me suis rendu coupable moi-même de cet « antiracisme » qui fabrique une race des « racistes », sorte de sous-hommes à combattre en toute matière pour cause de péché impardonnable, de crime de la pensée : quand on repère une parole raciste, il faut la combattre, bien sûr, en dénoncer fortement le danger, la honte et l’inhumanité, mais pas couper les ponts avec les hommes, pas couper l’humanité en deux catégories (les purs : les non racistes, et les impurs : les racistes), sinon on n’arrivera jamais à faire société : il faut garder confiance dans la politique : les êtres humains peuvent changer, et il faut s’y atteler. Les exclure, c’est y renoncer.

Je vais donc remettre un lien, différent, commenté, vers E&R, que je considère comme un portail utile pour comprendre et résister à certains abus de pouvoir terribles, même s’il est évidemment très critiquable par certains côtés (comme tout le monde) ; je reviens donc à ma position ouverte d’avant-hier, que je tiens depuis des années : il faut que chacun se forge une opinion en adulte, et une vraie démocratie doit laisser une place aux non démocrates. Et pour les ulcérés, faut quand même pas charrier, ce n’est qu’un lien suggéré, pas du tout une identité, une allégeance ou une caution : je ne suis pas « soralien », je cherche à RENDRE POSSIBLE UN MONDE VRAIMENT COMMUN, je ne suis pas « complaisant avec le fascisme » que je combats du mieux que je peux, en conscience, librement, à ma façon, et je vous pense tous libres de penser. Soyez gentils de ne pas tout surinterpréter, tâchez de modérer.

Vous savez maintenant ce que je pense de l’antisémitisme et du racisme : je les considère comme des fléaux, une honte pour l’humanité. Mais je pense que les combattre en traitant les gens de « racistes » comme si c’était leur nature, et en leur coupant la parole (comme on coupe une tête), c’est croire éteindre un incendie en jetant de l’essence sur les flammes.

Je suis désolé de vous mécontenter, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui ; ce ne sont pas les mêmes et je risque fort de tous vous énerver. Je vous demande de me pardonner. Je suis bouleversé, tout noué, mal au bide, comme percé par la violence des mille commentaires qui fusent de toute part chaque jour, comme si je devais ne jamais me tromper, ou comme si, pour m’être trompé, je devais maintenant expier. Vous tous, qui m’aimez ou qui me détestez, vous m’épuisez. Quelque temps, je vais m’éloigner.

Je fais ce que je peux, mais là, je n’en peux plus.

Étienne.

[Edit, 22h30 : j’ai supprimé carrément tous mes liens.]

Voir enfin:

Une mauvaise constitution
qui révèle un secret cancer de notre démocratie
Etienne Chouard
Marseille, le 17 juin 2005

Chers collègues et amis,

Après six mois de réflexion intense, se cristallise une argumentation autour du « traité constitutionnel », à partir de lui mais au-delà de lui, une argumentation qui n’est ni de droite ni de gauche, et qui montre un danger historique pour nous tous, au-dessus de la politique. Pour ces raisons, cette courte argumentation devrait intéresser les citoyens de tous bords.

Il y a six mois, en septembre 2004, j’étais, comme tout le monde, favorable à ce texte sans l’avoir lu, par principe, « pour avancer », même si je savais bien que les institutions étaient très imparfaites. Je ne voulais pas être de ceux qui freinent l’Europe. Je crois vraiment que l’immense majorité des Européens, au-delà des clivages gauche/droite, aiment cette belle idée d’une Europe unie, plus fraternelle, plus forte. C’est un rêve de paix, consensuel, très majoritaire.

Je n’avais pas lu le texte et je n’avais absolument pas le temps : trop de travail… Et puis l’Europe c’est loin, et puis avec tous ces hommes politiques, je me sentais protégé par le nombre : en cas de dérive, il allait bien y en avoir quelques-uns pour nous défendre… et je me dispensais de « faire de la politique », c’est-à-dire que je me dispensais de m’occuper de mes propres affaires.

Déjà des appels s’élevaient contre le traité, mais ils venaient des « extrêmes » de l’échiquier politique et pour cette simple raison, je ne commençais même pas à lire leurs arguments, restant en confiance dans le flot de l’avis du plus grand nombre sans vérifier par moi-même la force des idées en présence.

Et puis soudain, des appels sont venus de personnes non suspectes d’être antieuropéennes. J’ai alors lu leurs appels, sans souci des étiquettes, et j’ai trouvé les arguments très forts. Je me suis mis à lire, beaucoup, des livres entiers, de tous bords, Fabius, Strauss-Kahn, Giscard, Jennar, Fitoussi, Généreux, etc. et beaucoup plus d’articles des partisans du traité parce que je voulais être sûr de ne pas me tromper. Et plus je lis, plus je suis inquiet. Finalement, aujourd’hui, je ne pense plus qu’à ça, je ne dors presque plus, j’ai peur, simplement, de perdre l’essentiel : la protection contre l’arbitraire.

Je continue aujourd’hui à lire toutes les interventions, ceux qui sont pour, ceux qui sont contre, je continue à chercher où est la faille dans mon raisonnement et le présent texte est un appel à réfléchir et à progresser : si vous sentez une faille, parlons-en, s’il vous plaît, tranquillement, honnêtement, c’est très important. Je peux me tromper, je cherche sincèrement à l’éviter, réfléchissons ensemble, si vous le voulez bien.

Je sens que c’est mon rôle de professeur de droit[1] d’en parler un peu plus que les autres, d’en parler à mes collègues, mais aussi à mes élèves, aussi aux journalistes. Je serais complice si je restais coi.

J’ai ainsi trouvé plus de dix raisons graves de s’opposer à ce texte dangereux, et encore dix autres raisons de rejeter un texte désagréable, pas fraternel du tout en réalité. Mais les cinq raisons les plus fortes, les plus convaincantes, celles qui traversent toutes les opinions politiques parce qu’elles remettent en cause carrément l’intérêt d’avoir une réflexion politique, me sont apparues tardivement car il faut beaucoup travailler pour les mettre en évidence. Ce sont ces raisons-là, les cinq plus importantes, sur lesquelles je voudrais attirer votre attention et solliciter votre avis pour que nous en parlions ensemble, puisque les journalistes nous privent de débats publics.

Dans cette affaire d’État, les fondements du droit constitutionnel sont malmenés, ce qui rappelle au premier plan cinq principes traditionnels conçus pour protéger les citoyens.

  1. Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible.
  2. Une Constitution n’impose pas une politique ou une autre : ce texte-là est partisan.
  3. Une Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité.
  4. Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là n’organise pas un vrai contrôle des pouvoirs ni une réelle séparation des pouvoirs.
  5. Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties.

Préalable : Constitution ou traité ?

Quelle est la juste qualification de ce projet ?

Il faut rappeler ce qu’est une Constitution et pourquoi on entoure son élaboration de précautions particulières.

Une Constitution est un pacte passé entre les hommes et leurs gouvernants. C’est parce qu’ils ont signé ce pacte que les hommes acceptent d’obéir aux lois. C’est par ce pacte que l’autorité trouve sa légitimité. Ce pacte doit protéger les hommes contre l’injustice et l’arbitraire. Les principes dont on va parler servent à garantir que le pacte joue son rôle protecteur et que les hommes pourront le contrôler.

Le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) est exécutoire sans limitation de durée[2], il s’impose sur presque tous les sujets essentiels à la vie des gens[3], sa force juridique est supérieure à toutes nos normes nationales (règlements, lois, Constitution)[4], il met en place les grands pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et il en règle les équilibres.

Le projet de TCE est donc, par nature, une Constitution, il fixe « le droit du droit ».

Les débats en cours montrent que ce préalable est au centre des réfutations. Je renforce donc mon affirmation par une citation d’Olivier Gohin, professeur à l’Université de Paris II : « Le nouveau Traité est une véritable Constitution dès lors qu’elle correspond à la définition matérielle de toute constitution : organisation des pouvoirs publics et garantie des libertés fondamentales, avec identification d’un pouvoir constituant (…) la nouvelle Union européenne réunit, dès à présent, les éléments nécessaires de la définition de l’État »[5].

De plus, la primauté du droit européen, même d’un simple règlement, sur l’ensemble du droit des États membres, même sur leur Constitution, est fortement démontrée par plusieurs professeurs d’Université qui tempêtent évidemment contre ce séisme juridique sciemment sous-évalué par le Conseil Constitutionnel (voir les textes de Frédéric Rouvillois et Armel Pécheul, note 4)

Le plus important n’est donc pas, à mon avis, la qualification que les auteurs ont eux-mêmes donnée à leur texte, puisque les principes dont on va parler servent à protéger les citoyens contre des institutions dangereuses : tout texte fondamental qui définit ou modifie les pouvoirs des institutions devrait donc respecter ces principes, quelle que soit sa dénomination officielle.

Est-ce que ce texte à vocation constitutionnelle, donc, offre les garanties qu’on peut en attendre ?[6]

Premier principe de droit constitutionnel : une Constitution est un texte lisible.

Une constitution doit être acceptée, directement, par le peuple qui s’y soumet.

Pour que cette acceptation ait un sens, il faut que le texte soit lisible par le peuple, celui qui va signer (et pas seulement par des experts).

De ce point de vue, le « traité constitutionnel » est long et complexe[7] : 485 pages A4, soit presque une ramette (dans la version compacte actuellement disponible sur le site http://www.constitution-europeenne.fr).

Cette longueur, unique au monde pour une Constitution, se double d’une multiplicité de renvois qui la rendent simplement illisible pour les citoyens de base.

Certains points importants comme la définition des SIEG n’apparaissent pas dans le texte[8].

Des contradictions apparaissent même entre des parties éloignées[9].

Pour illustrer encore la difficulté de lecture de ce texte, on doit relever également, et c’est grave, l’absence de liste des domaines dans lesquels chaque institution peut créer le droit. Ainsi, on ne trouve nulle part (et on peut donc parfaitement ignorer qu’existe) la liste des domaines où le Parlement européen est complètement tenu à l’écart du droit de légiférer (ce n’est pourtant ni banal, ni anodin). Pour connaître cette répartition, il faut scruter les centaines d’articles un à un, en espérant de ne pas en avoir oublié (voir plus loin). Est-ce qu’on peut parler de lisibilité ?

D’autres articles importants, comme l’article I-33 qui institue les « actes non législatifs » (règlements et décisions) qui permettent à une Commission (non élue) de créer sans contrôle parlementaire des normes aussi contraignantes que des lois[10], ne sont pas suivis d’une liste contrôlable.

Cette longueur et cette complexité interdisent la critique pour le commun des mortels[11].

Les 75% d’Espagnols votants qui ont approuvé ce texte, comme les 60% qui se sont abstenus, ne l’ont probablement pas lu : ni les ministres, ni les parlementaires, ni les professeurs, ni les journalistes, ni les citoyens, qui ont tous autre chose à faire : qui a le temps matériel de lire 500 pages A4 ? Il suffit de se poser la question pour soi-même : ce n’est pas différent pour les autres.

Ces citoyens prennent ainsi le risque majeur, pour eux, mais aussi pour leurs enfants et leurs petits-enfants, de découvrir trop tard ce qu’ils ne pourront plus changer.

Il faut évidemment lire et comprendre ce que l’on signe.   Ou bien, on refuse de signer.

Même s’il était simple (et il ne l’est pas), un texte aussi long ne permet pas de le juger avec discernement.

Et pourtant, il faut bien avoir un avis. Comment faire pour avoir un avis sur un texte qu’on ne peut pas lire ? En s’alignant sur « les autres », on se rassure, comme les moutons de Panurge.

Cette longueur est, par elle-même, non démocratique : le débat est réservé aux experts.

Une Constitution est la loi fondamentale, elle est « le droit du droit », elle doit pouvoir être lue par tous, pour être approuvée ou rejetée en connaissance de cause.

Deuxième   principe de droit constitutionnel : une Constitution n’impose pas une politique ou une autre, elle permet le débat politique sans en imposer l’issue

Une Constitution démocratique n’est pas de droite ou de gauche, elle n’est pas socialiste ou libérale, une Constitution n’est pas partisane : elle rend possible le débat politique, elle est au-dessus du débat politique.

À l’inverse, le TCE, en plus de fixer la règle du jeu politique, voudrait fixer le jeu lui-même !

En imposant dans toutes ses parties[12] (I, II et surtout III) des contraintes et références libérales, ce texte n’est pas neutre politiquement : il impose pour longtemps des choix de politique économique qui devraient évidemment dépendre du débat politique quotidien, variable selon la conjoncture. C’est une sorte de hold-up sur l’alternance des politiques économiques.

Notamment, ce texte confirme pour longtemps que l’Europe se prive elle-même des trois principaux leviers économiques qui permettent à tous les États du monde de gouverner :

Pas de politique monétaire : nous sommes les seuls au monde à avoir rendu notre banque centrale totalement indépendante, avec en plus, comme mission principale, constitutionnelle, intangible, la lutte contre l’inflation et pas l’emploi ou la croissance[13]. Aucun moyen n’est accordé aux pouvoirs politiques pour modifier ces missions. On sait pourtant que les politiques anti-inflation­nistes se paient en chômage[14], par un effet presque mécanique. (bien lire la note 14)

Pas de politique budgétaire : le pacte de stabilité[15] enferme les États dans une rigueur budgétaire qui est certes une politique possible, mais qui ne doit pas être la seule ad vitam aeternam. Aucune relance de type Keynésien (grands travaux) n’est plus possible.

Pas de politique industrielle : l’interdiction de toute entrave à la concurrence[16] emporte avec elle l’interdiction d’aider certains acteurs nationaux en difficulté ou fragiles.

C’est une politique de l’impuissance économique décrite par l’économiste Jean-Paul Fitoussi[17] qui est ainsi institutionnalisée, imposée pour longtemps.

À ce sujet, il faut lire la passionnante synthèse de douze économistes contre le TCE[18].

Le projet de TCE infantilise les citoyens d’Europe : il nous prive tous de l’intérêt de réfléchir à des alternatives. À quoi bon continuer le débat politique, en effet, puisque toute alternative réelle est expressément interdite dans le texte suprême ?

Concrètement, si demain, une majorité européenne voulait changer de direction et repasser à un mode d’organisation non marchand, plus solidaire, elle ne le pourrait pas : il faudrait l’unanimité.

Mise à part la constitution soviétique (qui imposait, elle aussi, une politique, le collectivisme), cette constitution partisane serait un cas unique au monde.

Troisième principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique est révisable

Tous les peuples du monde vivant en démocratie peuvent réviser leur pacte de gouvernement.

Le projet de TCE est beaucoup trop difficilement révisable[19] : pour changer une virgule à ce texte, il faut d’abord l’unanimité des gouvernements pour tomber d’accord sur un projet de révision, puis il faut l’unanimité des peuples (parlements ou référendums) pour le ratifier (cela s’appelle la procédure de révision ordinaire).

Avec 25 États, cette procédure de double unanimité est une vraie garantie d’intangibilité pour les partisans de l’immobilisme. Ce texte semble pétrifié dès sa naissance.

Concrètement, si une large majorité d’Européens souhaitent modifier leur loi fondamentale, ils ne le pourront pas. C’est ça qui est choquant, inquiétant.

C’est inacceptable pour une Constitution[20] et ce serait, là encore, un cas unique au monde.

On me répond en mettant en avant le mot « traité » pour prétendre que l’unanimité est normale (ce qui est vrai en matière de traités), mais ça ne tient pas : ce texte, à l’évidence, joue le rôle d’une constitution et l’oxymore « Traité constitutionnel » (assemblage de mots contradictoires) conduit, en jouant sur les mots, à créer une norme suprême trop rigide, trop difficile à réviser.

Curieusement, cette rigidité excessive avoisine une souplesse étonnante à l’occasion d’une autre procédure qui, elle, ne requiert pas l’accord direct des peuples : la procédure de révision simplifiée[21] autorise un des organes de l’Union (le Conseil des ministres) à modifier de sa propre initiative l’un des éléments clefs de la Constitution qui conditionne le degré de souveraineté conservé par les États membres dans tel ou tel domaine (puisque le passage à la majorité fait perdre à tous le droit de blocage)[22].   Ça, c’est grave : cette Constitution est à géométrie variable, mais sans l’aval direct des peuples à chaque variation.

Par ailleurs, pour l’entrée d’un nouvel État dans l’UE, la règle de l’unanimité est une protection, mais ce n’est pas l’unanimité des peuples consultés par référendum qui est requise : c’est d’abord l’unanimité des 25 représentants des gouvernements (dont beaucoup ne sont pas élus, et dont aucun ne l’est avec le mandat de décider sur ce point important), puis l’unanimité des États selon leur procédure nationale de ratification[23]. Seuls les pays qui ont une procédure référendaire, et la France en fait partie, verront donc leur peuple directement consulté.

On dirait vraiment que la volonté des peuples compte peu pour ceux qui les gouvernent.

Quatrième  principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique garantit contre l’arbi­traire en assurant à la fois la séparation des pouvoirs et le contrôle des pouvoirs

L’esprit des lois décrit par Montesquieu est sans doute la meilleure idée de toute l’histoire de l’Humanité : tous les pouvoirs tendent naturellement, mécaniquement, à l’abus de pouvoir. Il est donc essentiel, pour protéger les humains contre la tyrannie, d’abord de séparer les pouvoirs, et ensuite d’organiser le contrôle des pouvoirs : pas de confusion des pouvoirs, et pas de pouvoir sans contre-pouvoirs.

Ainsi le peuple dit : « Toi, le Parlement, tu fais les lois, mais tu ne les exécutes pas. Et toi, le Gouvernement, tu exécutes les lois, mais tu ne peux pas les écrire toi-même. » Ainsi, aucun pouvoir n’a, à lui seul, les moyens d’imposer sa volonté.   Ceci est essentiel.

« D’autre part, si l’un des pouvoirs estime que l’autre a un comportement inacceptable, il peut le révoquer : l’assemblée peut renverser le gouvernement, et le gouvernement peut dissoudre l’assemblée. Dans les deux cas, on en appelle alors à l’arbitrage (élection) du peuple qui doit rester la source unique de tous les pouvoirs. » Il faut que chaque pouvoir ait à rendre des comptes et se sache contrôlé à tout moment.     Ceci est également essentiel.

C’est peut-être ça, la meilleure idée du monde, celle qui libère de la crainte d’un despote.

Même dans le cadre moderne d’une union d’États, on ne voit pas pourquoi ces principes protecteurs de bons sens auraient perdu leur valeur.

L’équilibre entre les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) est cependant difficile à trouver.

Le pouvoir législatif tire une forte légitimité du suffrage universel direct et il est tentant de le rendre plus fort que les autres. Mais une assemblée, même légitime, peut tout à fait devenir tyrannique car le mécanisme de l’élection ne tient absolument pas lieu de contre-pouvoir. Par ailleurs, une assemblée n’est pas nécessairement le meilleur lieu pour décider : des effets de foule ou une certaine dilution de la responsabilité individuelle au moment de décider collectivement peuvent conduire à des excès[24].

C’est pourquoi on prévoit souvent des limites au pouvoir parlementaire malgré la souveraineté qu‘il incarne : on prévoit ainsi souvent deux chambres (système bicaméral) pour que l’une tempère l’autre : en France, c’est le Sénat, élu lui aussi, mais plus âgé, qui joue ce rôle modérateur de l’Assemblée Nationale, modérateur mais sans risque de blocage (en cas de désaccord, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot).

Souvent, on prévoit une autre limite importante au pouvoir législatif : il faut pouvoir dissoudre l’assemblée, toujours dans cette optique essentielle des contre-pouvoirs qui responsabilisent les acteurs publics.

Dans le cadre de ces limites (deux chambres et menace de dissolution), le Parlement devrait jouer un vrai rôle législatif, avec l’initiative des lois, la possibilité d’amender les textes dans tous les domaines, un vrai rôle dans la fixation des impôts (c’est un de ses rôles primitifs essentiels : contrôler le poids des prélèvements opérés par l’autorité publique)…

Ce n’est pas exactement ce qui est prévu dans le projet de TCE : le Parlement n’a pas du tout l’initiative des lois[25], ce qui est déjà inacceptable, et son rôle dans le vote du budget, quoique augmenté, reste limité, et surtout il est exclu de la délibération des lois dans certains domaines, réservés au Conseil des Ministres (procédures législatives spéciales[26]).

En fait, c’est peut-être plus grave : j’ai longtemps concentré mon attention sur les lois (actes législatifs), et je suis en train de découvrir avec étonnement les « décisions », (art. I-33, I-35), « actes non législatifs » bien distincts des simples règlements. Il n’y a rien à redire au règlement qui est un texte d’application, comme les décrets et arrêtés en France, qui justifie un pouvoir normatif limité traditionnellement conféré à l’exécutif pour fixer rapidement les simples modalités pratiques de l’applica­tion des lois. Mais les « décisions » sont différentes, elles sont décrites à part[27].

Les « décisions » semblent aussi contraignantes que les lois, elles peuvent avoir une portée générale, mais semblent plus faciles à créer que les lois, moins contrôlées (probablement par la CJE mais pas par une discussion parlementaire). En lisant le texte du TCE, je cherche : qui peut prendre ces « décisions » qui ressemblent à des « lois sans Parlement » ? Le Conseil européen (entre chefs d’États et de gouvernements), le Conseil des ministres et la Commission (tous membres de l’exécutif, au niveau national ou européen, et souvent non élus), et… la BCE. La BCE a le pouvoir de prendre seule des « décisions ». Et qui la contrôle, cette banque centrale ? Quels sont les garde-fous qui existent autour de ces normes élaborées sans discussion parlementaire ?

Il nous reste à faire ensemble l’inventaire (puisque la liste ne nous est pas fournie) des articles du TCE qui permettent (pour l’instant) de produire ainsi des « lois sans parlement » (procédure législative spéciale et actes non législatifs à portée générale). À suivre…

On nous présente donc un « triangle » composé du Parlement qui représente les peuples, du Conseil des Ministres qui représente les États et de la Commission qui représente l’intérêt général (sic).

La Commission est principalement l’émanation du Conseil[28] qui en nomme les membres avec un droit de regard du Parlement qui « élit » même son Président (sur proposition du Conseil). La commission est totalement indépendante, elle ne doit recevoir de consignes de personne, mais elle peut quand même être révoquée par le Parlement à travers une motion de censure et chacun des commissaires peut être « démissionné » par le Président de la Commission.

C’est la Commission qui est en charge de la préparation technique du droit et qui soumet ses propositions au Conseil des Ministres et au Parlement, présentés comme deux organes législatifs.

On présente donc le Conseil des Ministres comme une « chambre haute » qui jouerait le rôle du Sénat, mais c’est inacceptable : d’abord, les ministres ne sont pas élus, mais surtout, ils détiennent dans leur pays le pouvoir exécutif, c’est-à-dire qu’il maîtrisent la force publique qui leur permettra, en rentrant au pays, d’appliquer les règles qu’ils ont eux-mêmes élaborées.

Ce sont donc les mêmes personnes qui créent le droit au niveau européen et qui l’appliquent au niveau national (une fois transposé) : il y a donc ici une évidente confusion des pouvoirs.
Le Conseil des M. est un organe clairement lié à l’exécutif à qui on a confié un rôle législatif.

Avec la non séparation des pouvoirs, c’est un important rempart contre l’arbitraire qui nous échappe. Même si c’est sur un nombre limité de sujets (21 ? qui sait ?), c’est dangereux.

Laurent Lemasson, dans l’article précité[29], fait remarquer, lui, que le Parlement est composé d’une seule chambre, et que le Parlement est irresponsable : personne ne peut le dissoudre. On a vu qu’il est privé de l’initiative des lois, mais il peut révoquer la Commission qui dispose de cette initiative, ce qui donne au Parlement un certain ascendant sur elle pour « suggérer » des propositions. L. Lemasson voit dans cette organisation des pouvoirs un risque de régime d’assemblée (une sorte de tyrannie parlementaire). Cette crainte est sans doute exagérée car la censure n’est possible qu’aux deux tiers des suffrages exprimés et surtout seulement sur la gestion de la Commission, ce qui semble bien exclure la censure politique[30].

On peut concevoir la codécision positivement, comme un contre-pouvoir dans les deux sens : ainsi, le Parlement ne peut pas abuser de son pouvoir, et le Conseil des Ministres non plus. Mais on aurait trouvé plus démocratique un système bicaméral qui mette en jeu, par exemple, une Assemblée des Parlements nationaux ou une Assemblée des Régions, plutôt qu’une « Assemblée des Ministres ».

En plus, cette codécision disparaît quand le Parlement est carrément mis à l’écart d’une série de sujets où les Conseils, la Commission et la BCE créent le droit seuls (comme par hasard ce sont des domaines économiques importants) (Art. III-130-3 : marché intérieur et Art. III-163 et III-165 : règles de la concurrence). Alors ça, c’est choquant parce que, sur ces sujets, il n’y a presque plus de contre-pouvoir : la Commission (qui garde souvent l’initiative) peut-elle être considérée comme une vraie force capable de s’interposer en cas de dérive arbitraire des Conseils (dont elle est si proche) ?

Il semble donc y avoir un vrai problème démocratique dans tous les domaines enlevés au Parlement : ni séparation, ni contrôle. La liste de ces sujets interdits n’existe nulle part, et cette exclusion du Parlement de certains domaines n’est même jamais formulée clairement.[31]

Là où le contrôle des pouvoirs n’existe pas, c’est encore un rempart essentiel contre l’arbitraire qui va nous manquer.

Pour un citoyen qui débarque là sans avoir été conditionné psychologiquement au préalable, c’est choquant. Mais peut-être que je me trompe. Peut-on m’expliquer cet étrange « équilibre » des pouvoirs ? Pour qui a-t-on écrit ce texte ?

En tant que citoyen, on aimerait qu’on nous explique pourquoi cette exclusion existe, sur quels critères on a choisi ces sujets interdits, et pourquoi aucune liste explicite (et donc critiquable) n’a été formulée.

On aimerait aussi savoir qui est réellement responsable de ses actes dans cette organisation européenne, car enfin :

Le parlement n’est responsable devant personne (en dehors des élections dont on a déjà dit qu’elles ne peuvent pas tenir lieu de contre-pouvoir) car il n’y a pas de procédure de dissolution.

Le Conseil européen n’est responsable devant personne au niveau européen (et il faut s’en remettre à la lointaine responsabilité nationale pour mettre en cause ses membres un par un). Le fait qu’il soit évidemment difficile d’organiser cette responsabilité, puisqu’il s’agit des chefs d’État, ne suffit pas à nous rassurer car le résultat est quand même une irresponsabilité au niveau fédéral.

Le Conseil des Ministres n’est responsable devant personne au niveau européen (et il faut encore s’en remettre à la responsabilité nationale pour mettre en cause ses membres un par un). Le fait qu’il soit, là aussi, évidemment difficile d’organiser cette responsabilité, puisqu’il s’agit des ministres dépositaires d’une autre souveraineté populaire que celle de l’Europe, ne suffit pas à rassurer non plus car le résultat est quand même une irresponsabilité là où sont prises les décisions.
Sans compter que la mise en œuvre de cette responsabilité paraît aussi compliquée qu’illusoire.

La Cour Européenne de Justice (CJE), non élue, dont les juges dépendent directement des exécutifs qui les nomment (ça c’est fou), est aussi hors de contrôle (parlementaire ou citoyen), (c’est souvent le cas mais avec des juges vraiment indépendants) et sans recours, malgré les pouvoirs immenses dont elle est dotée à travers l’interprétation de tous les textes et l’arbitrage de tous les litiges.   Démocratiques, ces institutions ?   (À lire : [32]).

La Banque Centrale Européenne (BCE), non élue, rigoureusement indépendante des pouvoirs publics, est également hors de contrôle, donc irresponsable, malgré l’influence considérable de ses décisions sur la vie quotidienne des 450 millions d’européens (voir plus haut).

C’est quand même consternant cette impression d’irresponsabilité générale, non ?
Est-il si urgent de signer un texte pareil ?

La commission, finalement, est la seule qui risque quelque chose[33] : la censure globale par le Parlement, d’une part, (mais seulement aux 2/3 ce qui est beaucoup, et seulement pour sa « gestion », ce qui rend peut-être la censure théorique), et d’autre part la démission individuelle d’un commissaire qui peut être exigée par le Président de la Commission.

Mais la Commission est-elle réellement le siège du pouvoir ? Là-dessus, les avis sont partagés, mais compte tenu du tableau d’ensemble, j’aurais tendance à penser comme Yves Salesse[34] que le vrai pouvoir est détenu par le Conseil des Ministres (irresponsable) et que la Commission fait écran, une sorte de « fusible politique », un bouc émissaire commode qui permet aux ministres de créer le droit tout en disant « C’est pas moi, c’est elle, et je n’y peux rien, je ne peux pas la forcer : elle est indépendante… ».

La Commission est cependant un lieu de pouvoir important. Exemple : le commissaire chargé du commerce international, par le mandat qu’il a reçu une fois pour toutes, est le représentant unique de l’Union dans toutes les négociations internationales (OMC et autres). À lui seul, cet homme concentre donc un pouvoir vertigineux. C’est à ce titre qu’il négocie l’AGCS (Accord général sur les services, gigantesque projet de dérégulation[35], version mondiale de la directive Bolkestein) au nom de tous les Européens, mais dans le plus grand secret : il ne rend aucun compte au Parlement des négociations qu’il mène sur un accord qui va pourtant profondément changer la vie de tous les Européens, et le Parlement ne peut pas lui imposer de rendre des comptes[36].

On peut donc déjà observer des signes tangibles d’une dérive de type tyrannique. Et le « traité constitutionnel » verrouille pour longtemps un déséquilibre institutionnel qui le permet.

La commission peut être censurée par le Parlement, mais seulement à la majorité des deux tiers, ce qui signifie que la Commission peut gouverner 450 millions de personnes avec l’accord d’un tiers seulement du Parlement.

Même le mode de scrutin (par liste) garantit aux leaders des partis leur place au Parlement sans aucun risque, ce qui rend plus théorique la responsabilité de ces élus au moment des élections.

Tous ces pouvoirs sans contrôle réel, cette irresponsabilité générale… Où est la démocratie ?
Où sont les garde-fous contre l’arbitraire ?

Il paraît que, depuis vingt ans, les manuels scolaires des étudiants en sciences politiques appellent ça pudiquement le « déficit démocratique » de l’UE. Un terme bien anodin pour désigner en fait un abandon des peuples, trop confiants en ceux qu’ils ont désignés pour les défendre.

Il me semble que toutes les conversations des citoyens de base devraient en ce moment analyser point par point ce recul de la démocratie : dans les institutions européennes, les organes de l’Union semblent être presque tous irresponsables, la volonté des peuples semble compter peu pour les gouvernants, et une certaine politique économique est imposée pour longtemps.

Comment les analystes et commentateurs peuvent-ils glisser là-dessus comme si c’était secondaire ? C’est l’Europe à tout prix ? N’importe quelle Europe ? Même non démocratique ?! On n’a pas le droit d’en parler sans être qualifié d’antieuropéen ?

L’argument selon lequel « c’est partout pareil » ne me rassure pas mais m’inquiète plus encore : pendant que la plupart des citoyens négligent la démocratie, hypnotisés par la pub, le foot et la télé, d’autres s’en occupent activement, et discrètement, on voit comment.

On nous dit : « ce texte est meilleur qu’avant, il faudrait être idiot pour refuser de progresser ». C’est masquer qu’avec ce texte, on ne ferait pas que progresser : on figerait, on bloquerait, on entérinerait, on renforcerait, on donnerait une caution populaire aux textes qui s’en sont dispensés jusque-là, (à l’exception de Maastricht pour la France), on voit pour quel résultat.

Même mieux qu’avant, le texte proposé est dangereux. Montesquieu se retourne dans sa tombe.

Triste paradoxe que ces peuples qui accepteraient eux-mêmes le recul de la démocratie, c’est-à-dire des différents remparts qui les protègent de l’injuste loi du plus fort.

On voudrait nous faire croire que tous ces défauts trouvent une juste compensation dans des avancées spectaculaires :

Par exemple, ceux qui claironnent la naissance d’un référendum d’initiative populaire à l’initiative d’un million de citoyens[37] n’ont pas bien lu : le traité ne définit qu’un triste droit de pétition sans aucune force contraignante pour la Commission qui n’est qu’invitée à réfléchir et qui peut parfaitement jeter la proposition à la poubelle sans même devoir se justifier[38].

Un lecteur vient de m’envoyer la Constitution du Venezuela. J’y ai trouvé des exemples académiques (vivants) de démocratie authentique : ainsi l’article 72 qui permet à 20 % des électeurs inscrits de demander, et à 25 % de provoquer, la révocation de n’importe quel élu et le rappel aux urnes. Il faut un certain courage politique et un réel souci démocratique, je trouve, pour exposer ainsi à tout moment son propre pouvoir à la censure citoyenne. L’instabilité est évitée car cette révocation d’initiative populaire n’est possible qu’après un demi mandat et une seule fois par mandat. Cette procédure a déjà fonctionné plusieurs fois sans semer le trouble. D’autres référendums d’initiative populaire sont également prévus pour créer ou supprimer des lois. On est bien loin, en Europe, d’une telle responsabilité politique des acteurs institutionnels, aussi bien au niveau national qu’au niveau de l’Union. L’article I-47.4 du TCE est bien affligeant.

De la même façon, les beaux principes généraux et généreux, répétés partout, sur toutes les radios, les télés, les journaux, tout au long des spots officiels, sont en fait en recul par rapport à notre droit actuel[39]. Par ailleurs, leur force contraignante est extrêmement controversée parmi les plus grands juristes, qui expriment les plus vifs désaccords sur ce point[40].

Partout, ce texte est en trompe-l’œil et masque une maladie mortelle de la démocratie : progressivement et subrepticement, en affirmant le contraire sans vergogne, les exécutifs nationaux, de droite comme de gauche, à l’occasion de la naissance de l’Europe, sont en train, en cinquante ans, de s’affranchir du contrôle parlementaire là où ils en ont le plus besoin (en matière économique), et d’une façon plus générale de toute responsabilité réelle de la plupart de leurs décisions politiques.

Cinquième  principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique est forcément établie par une assemblée indépendante des pouvoirs en place

Une Constitution n’est pas octroyée au peuple par les puissants. Elle est définie par le peuple lui-même, ou par des représentants choisis pour cette tâche précise, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants.

À l’inverse, les institutions européennes ont été écrites (depuis cinquante ans) par les hommes politiques au pouvoir qui sont donc évidemment juges et parties : de droite comme de gauche, en fixant eux-mêmes les contraintes qui allaient les gêner tous les jours, ces responsables ont été conduits, c’est humain mais c’est aussi prévisible, à une dangereuse partialité.

C’est, là encore, un cas unique au monde, pour une démocratie.

Et on observe les résultats comme une caricature de ce qu’il faut éviter : un exécutif complètement libre de ses mouvements sur des sujets économiques choisis, presque tous les organes de l’Union irresponsables à leur niveau de décision, une apparence de démocratie avec des trompe-l’œil partout, de petits progrès montés en épingle, mais un recul réel des garanties contre l’arbitraire.

La seule voie crédible pour créer un texte fondamental équilibré et protecteur est une assemblée constituante, indépendante des pouvoirs en place, élue pour élaborer une Constitution, rien que pour ça, révoquée après, et respectant une procédure très publique et très contradictoire[41] (en droit, le mot « contradictoire » signifie que les points de vue opposés doivent pouvoir s’exprimer totalement).

C’est aux citoyens d’imposer cette procédure si les responsables politiques tentent de s’en affranchir.

La composition assez variée et riche en personnalités de grande valeur de la Convention Giscard n’est pas un argument satisfaisant : on reste à mille lieues d’une assemblée Constituante : ses membres n’ont pas été élus avec ce mandat, ses membres n’étaient pas tous indépendants des pouvoirs en place, et surtout ses membres n’avaient pas les pouvoirs pour écrire un nouveau texte, équilibré et démocratique : ils ne pouvaient que valider, compiler (et légèrement modifier) les textes antérieurs écrits par des acteurs à la fois juges et parties[42].

De plus, la réécriture du texte, encore par les gouvernants au pouvoir, pendant une année après que la Convention a rendu sa proposition, est encore une énormité d’un point de vue constitutionnel[43].   Ce n’est pas au pouvoir en place d’écrire le droit du droit. L’État n’est pas le peuple.

En établissant une Constitution par voie de traité, procédure beaucoup moins contraignante qu’une lourde assemblée constituante, (publique, longuement contradictoire et validée directement par le peuple), les parlements et gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait comme s’ils étaient propriétaires de la souveraineté populaire, et ce traité, comme les précédents, peut s’analyser comme un abus de pouvoir : nos élus, tout élus qu’ils sont, n’ont pas reçu le mandat d’abdiquer notre souveraineté. C’est au peuple, directement, de contrôler que les conditions de ce transfert, (à mon avis souhaitable pour construire une Europe forte et pacifiée), sont acceptables.

Je respecte profondément, bien sûr, tous les membres éminents de la Convention, mais je crois simplement qu’ils n’avaient pas mandat pour faire ce qu’ils ont fait.

On est d’ailleurs sidéré de voir de nombreux acteurs politiques de premier plan qui osent regretter tout haut que le TCE ait été soumis à référendum, en soulignant que tout ça aurait été moins compliqué et moins incertain avec le Parlement qui aurait voté ça comme un seul homme, sans même rien lire peut-être[44]Que valent les peuples pour nos élites ?

À propos, les nombreux gouvernements qui ont fait ratifier ce texte par leur Parlement national[45], plutôt que par leur peuple (référendum), signent une véritable forfaiture : les peuples de ces pays sont ainsi privés à la fois du débat et de l’expression directe qui leur aurait permis de résister au recul démocratique qui les expose à l’arbitraire.

Quel moyen reste-t-il à ces citoyens pour résister à cette confiscation de leur souveraineté ?[46]
Il y a une solution plus pacifique que l’émeute : un Non ferme et résolu du peuple français.

Ce mépris des peuples et de leurs choix réels est très révélateur du danger qui grandit dans la plus grande discrétion : nos élites, de droite comme de gauche, se méfient de la démocratie et nous en privent délibérément, progressivement et insidieusement.

Conclusion

Le TCE paraît donc dangereux à plusieurs titres. Que m’a-t-on répondu pour l’instant ?
(Pardon pour les arguments encore oubliés, mais c’est un travail immense de compiler tout ça.)

Pour calmer mes craintes, on me parle de progrès, mais à la vérité tout est dans la référence qu’on prend pour évaluer le progrès : car en effet, si l’on prend la situation de Nice (que je tiens pour déplorable sur le plan démocratique), c’est effectivement « mieux », c’est un « progrès », et on comprend donc pourquoi on se réfère à ce texte pour nous vendre le TCE.

Mais si je me réfère à la démocratie nationale que je perds au profit de la « démocratie européenne » que je gagne, c’est objectivement un recul qu’on me demande d’entériner : recul sur la responsabilité des actes quotidiens de tous les pouvoirs, recul sur le contrôle du pouvoir exécutif sur ses (x) domaines réservés, recul sur les droits fondamentaux et surtout recul sur la politique économique imposée, très probablement cause du chômage endémique et de la croissance molle en Europe, et imposée clairement pour longtemps.

Or je rappelle que c’est la première fois en cinquante ans qu’on me demande mon avis : en tant que citoyen, je ne suis donc pas cosignataire de Nice, ni des traités précédents. À Maastricht, on m’interrogeait sur la monnaie et les contraintes économiques, si je me souviens bien, pas ou peu sur l’équilibre et le contrôle des pouvoirs. Et pour les contraintes économiques (les critères de convergence), on s’était bien promis de faire le bilan. A-t-on fait ce bilan ? A-t-on de bonnes raisons d’être satisfaits des performances économiques de ces institutions pourtant à vocation plus économique que politique ? Relire Fitoussi et Généreux.

Pourquoi n’aurais-je donc à juger que du petit différentiel qui sépare Nice du TCE ?

Pourquoi n’aurais-je pas mon mot à dire (« moi », citoyen de base, évidemment) sur l’ensemble de ce fantastique coup de force des exécutifs nationaux, depuis cinquante ans, sur le contrôle citoyen des politiques menées ?

Je ne vois pas pourquoi il faudrait que le texte soumis au vote soit artificiellement circonscrit aux quelque 50 articles nouveaux du TCE.

Quand je vois d’éminents experts prétendre qu’il n’y a que 60 pages à juger, 50 petits articles de rien du tout, prétendre que le reste existe déjà et se trouve donc hors du sujet, pas soumis au référendum, quand j’entends ça, je me dis, et j’ai l’impression que je ne suis pas tout à fait seul, qu’il est temps de se réveiller.

Si on refuse cette vue d’ensemble dont je parle, si cette période de cinquante ans est sacrée, promue intouchable, irréversible, si on impose Nice comme référence, alors, effectivement, le TCE est un « bon texte » puisqu' »on progresse« , mais il ne vous apparaît pas qu’il manque une petite partie de la démonstration ? qu’on nous impose ainsi de valider un chemin qui n’est pas bon ?

C’est vrai que c’est sans doute une erreur (pour ceux qui construisent cette Europe peu démocratique)  d’avoir qualifié le texte de Constitution (ils nous ont mis la puce à l’oreille), et une autre erreur d’avoir proposé le texte par référendum à ces râleurs arrogants que sont les français, mais pour nous, citoyens, j’ai bien l’impression que ces deux erreurs nous donnent une chance historique, celle de voir plus clairement le danger et d’enfin résister.

Il y a quand même un progrès incontestable dans ce traité… C’est la nouvelle possibilité qui est offerte de s’échapper du piège : Article I-60-1 : « Le retrait volontaire de l’Union Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. ». Ce droit actuellement n’existe pas, ce qui fait du rejet du texte un enfermement dans un autre piège, celui de Nice. C’est gai…

Finalement, ce « traité constitutionnel » est un révélateur qui met en lumière ce qui se décide sans nous depuis longtemps.

D’une certaine façon, le loup est sorti du bois et les citoyens peuvent enfin voir le danger, et résister.

Une des grandes erreurs, probablement, c’est de faire passer l’économique avant le politique, c’est de renoncer à la possibilité d’agir, c’est de s’en remettre aveuglément aux marchés, c’est de confier la barre aux économistes alors qu’ils devraient rester dans les soutes pour faire tourner le moteur (c’est Bernard Maris, dans son savoureux antimanuel d’économie, qui le suggère en souriant).

En prônant la liberté comme une valeur supérieure, au lieu de la fraternité, en institutionnalisant la compétition, la concurrence, au lieu de la collaboration et l’entraide, en l’imposant dans le texte suprême à travers le dogme de la concurrence absolue, et finalement une morale du « chacun pour soi et contre tous », en détruisant la régulation par l’État, gardien de l’intérêt général, pour instaurer la régulation par le marché, somme d’intérêts particuliers, les économistes néolibéraux s’en prennent aux fondements de la démocratie pour, tout compte fait, affranchir les principaux décideurs économiques de tout contrôle.

La dérégulation systématique menée en Europe (par ses institutions, par sa politique et par le verrou de la Constitution non révisable), et plus généralement sur la terre entière (OMC, AGCS, ADPIC) est un recul de la civilisation, un retour vers la barbarie de la loi du plus fort[47].

Par optimisme, par crédulité, par indifférence, les peuples modernes laissent s’affaiblir leur bien le plus précieux, très rare sur cette planète, celui qui conditionne leur sérénité quotidienne : les différentes protections contre l’arbitraire des hommes forts, depuis le cœur des entreprises (droits sociaux) jusqu’à la patrie (institutions démocratiques contrôlées et révocables).

La démocratie n’est pas éternelle, elle est même extrêmement fragile. En la croyant invulnérable, nous sommes en train de la laisser perdre.

Même après le refus de ce texte-là, il faudra se battre pour la garder, et continuer à militer pour imposer à nos représentants de construire une autre Europe, simplement démocratique.            Je n’ai pas d’alternative toute prête, peut-être d’autres en ont-ils.
Sinon, il faut l’imaginer et la construire.

Ce texte fondateur en trompe-l’œil est présenté aux citoyens à travers un débat lui aussi en trompe-l’œil[48].

De nombreux journalistes, en assimilant les opposants au texte à des opposants à l’Europe, font un amalgame malhonnête : la double égalité « Oui au traité=Oui à l’Europe, Non au traité=Non à l’Europe » est un mensonge insultant, une inversion de la réalité, un slogan trompeur jamais démontré, fait pour séduire ceux qui n’ont pas lu le traité et qui n’ont pas étudié les arguments, pourtant forts, de ceux qui s’opposent à ce traité précisément pour protéger la perspective d’une Europe démocratique.

Les journalistes sont un rempart essentiel, moderne, pour protéger la démocratie. Montesquieu ne pouvait pas prévoir l’importance capitale qu’ils allaient prendre, mais c’est certain : le pouvoir immense des journalistes mériterait lui-même un vrai contre-pouvoir (de ce point de vue, on peut sûrement se demander si on ne commet pas une grave erreur en laissant acheter et vendre les médias comme de simples marchandises) et leur responsabilité est ici historique.

Plus de 70% des temps de parole pour le Oui, moins de 30% pour le Non, tout un attirail qui ressemble à une propagande d’État, et ces questions bienveillantes quand on questionne un partisan du Oui, ces questions malveillantes quand on questionne un partisan du Non

Est-ce que ce projet est honnête pour nécessiter tant de ruses ?
Consulter le dossier très riche en détails : http://www.acrimed.org/article1950.html

C’est, pour l’instant, l’Internet qui est le média le plus démocratique, non censuré, le meilleur outil pour résister. Si ce message vous semble utile, diffusez-le vite dans vos propres réseaux et au-delà de l’Internet, sur papier.

Conseil aux partisans du TCE (je ne peux pas les aider, je n’ai pas trouvé moi-même les arguments qui leur manquent ;o) : pour rassurer ceux qui sentent un grand danger dans le TCE, c’est une mauvaise réponse de souligner ce qui est bon dans le TCE : ça ne suffit pas à rassurer, évidemment. On ne signe pas un texte s’il contient ne serait-ce qu’une seule ligne inacceptable, quand bien même il contiendrait par ailleurs monts et merveilles. Et ce traité comporte de nombreux points inacceptables.

Il faut donc plutôt démontrer qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter, par exemple que chaque organe de l’Union est pleinement responsable de ses actes (au-delà du simple mécanisme électoral) dans toutes les phases de création du droit, que les politiques économiques ne sont pas aussi encagées qu’il y paraît, que les volontés à venir des peuples européens ont toutes les garanties d’être respectées… Cette démonstration devra bien sûr s’appuyer sur le texte plutôt que sur des incantations ou des imprécations injurieuses.

Quant aux opposants au traité, ils ne convaincront vraiment ceux qui, pour l’instant, votent oui en se bouchant le nez faute de mieux (il y en a tant…) qu’en proposant une alternative crédible, une perspective plausible.

La masse des messages que je reçois tous les jours a une unité, une cohérence, une force : quel que soit le bord politique (et ça vient vraiment de partout), le sentiment général est fondamentalement proeuropéen et exigeant sur la démocratie et le respect de la volonté des peuples. Et il y a beaucoup d’humanité et de générosité dans ces messages (à part les affreux qui m’insultent, mais ils sont rares).

J’y vois un socle (ou un germe de socle) pour que les politiques professionnels se ressourcent, se regroupent différemment, modifient leurs programmes, et imaginent un projet pour l’après non, une vraie Europe pour les hommes, pas pour les États.

On a bien deux ou trois ans pour rallier nos frères européens et engager cet élan partout, n’est-ce pas ? Et si c’était les peuples d’Europe qui réclamaient fermement aux partis politiques cette refondation démocratique, en partant de la base, communiquant à travers le net pour se passer le mot sans forcément respecter les clivages des partis ? On peut rêver…

Je prends conscience, en effet, que ce sont les États (ou leur personnel politique ?) qui ne veulent pas de l’Europe et qui refusent les transferts de souveraineté.

Ne faut-il pas commencer par le commencement : demander aux 25 peuples s’ils veulent s’unir pour créer une République européenne ? Puis engager, seulement avec les pays qui le veulent, un vrai processus constituant, organisé par les pouvoirs en place mais indépendant d’eux ?

On peut y réfléchir, non ?

J’ai entendu à la radio, il y a quelques semaines, une phrase qui a fait mouche, qui depuis résonne sans cesse dans ma tête et qui me change.   Elle dit : on ne naît pas citoyen : on le devient.

Étienne Chouard, Trets (Marseille).
Texte mis à jour le 17 juin 2005.

Je répète ici que je n’ai absolument aucune autorité pour expliquer le droit communautaire que je découvre en ce moment, pas à pas (de surprise en surprise).

Post scriptum (3 & 12 avril 2005) :

Ce texte a un succès inattendu et il a déjà suscité des milliers de réactions. Des centaines de messages me parviennent chaque jour, presque toujours enthousiastes, parfois critiques, ce qui m’a permis de progresser. Certaines questions, des doutes aussi, reviennent dans les messages et je voudrais ici, d’un mot, y répondre pour anticiper les prochaines.

Je suis professeur de droit, d’économie et d’informatique, en BTS, dans un lycée de Marseille, j’ai 48 ans, quatre enfants, je n’appartiens à aucun parti, syndicat ou association. Dans ma vie, j’ai fait beaucoup plus de parapente que de politique où je suis vierge, un débutant absolu qui s’est « réveillé » il y a six mois, et où je ne ferai pas de vieux os (le vol libre est une drogue dure qui me rappellera vite à elle).

Je ne suis donc le « sous-marin » de personne (question marrante reçue récemment).

Je suis un simple citoyen, « de base »… :o)

J’ai reçu des propositions de publication sur des sites ou dans des revues que j’ai acceptées sans contrôler que la CIA ou le KGB n’agisse en sous-main. De nombreux sites ont déjà publié des liens vers ce texte, parfois sans m’en parler, et ils font bien.

Je voudrais anticiper sur les probables calomnies à venir, à base d’étiquetage politique hâtif en vue d’un discrédit facile. Je ne suis pas un homme politique, je n’aspire pas à le devenir, je ne prétends pas non plus être juriste pour imposer mon point de vue de façon prétentieuse mais pour expliquer ma démarche, d’ailleurs je ne suis pas vraiment juriste, j’ai surtout une formation de juriste, ce n’est, de toutes façons, pas important car je voudrais que le débat reste concentré sur le fond des problèmes sans dériver sur de stériles et parfois malveillantes querelles de personne ou procès d’intention dont les commentateurs politiques ont le secret

Ne me rendez pas non plus responsable de tout ce que devient ce document, de toutes les prévisibles récupérations et déformations. Chacun comprendra qu’il m’échappe et vit sa vie tout seul… :o)

Je ne cherche à manipuler personne : je me trompe peut-être dans mon analyse, j’attends simplement qu’on me le démontre et un débat respectueux est toujours fertile : « de la discussion jaillit la lumière » me disait mon père quand j’étais petit.

S’il vous plaît, fiez-vous surtout aux idées et arguments, abordez le débat comme si votre interlocuteur était de bonne foi, sans noires arrière-pensées, et ne vous laissez pas polluer l’analyse par des considérations parasites.

Ce débat important appartient au commun des mortels, c’est la beauté de la démocratie, ne le laissez pas confisquer par les experts. Lisez, réfléchissez et prenez la parole sans complexes   :o)

Ne me reprochez pas les erreurs éventuelles comme si j’étais malhonnête : elles sont prévisibles, prévues, et pas du tout définitives si on recherche sincèrement à identifier les vrais enjeux de ce traité : admettez que la tâche est rude avec ce texte complexe et sibyllin, et qu’on est beaucoup plus forts à plusieurs pour affiner une critique qui deviendra (peut-être) finalement irréfutable.      

Enfin, vous avez compris que ce texte évolue, s’améliore, au gré de vos contributions, il est donc daté. Pour le faire circuler, envoyez donc de préférence un lien vers le site, plutôt qu’un document pdf figé, pour être sûr que ce soit la version la plus récente qui circule.

J’exprime ici un chaud merci aux milliers de personnes qui, c’est émouvant je peux vous dire, m’ont exprimé leur enthousiasme depuis que j’ai lancé cet appel au débat comme on jette une bouteille à la mer. Je voulais un débat, je suis servi :o)

Merci aussi à tous ceux qui, profondément en désaccord avec mes analyses iconoclastes, m’ont écrit des mails splendides, très argumentés, respectueux et comprenant ma crainte sans pourtant la partager. Ces interlocuteurs de toutes origines me font beaucoup progresser, je change, j’essaie de leur répondre individuellement mais je n’y arrive plus comme je voudrais, je dois avoir 1 500 mails de retard (4 000 à la mi mai)…
Ne m’en veuillez pas, c’est juste impossible, vous êtes trop nombreux.

Merci à tous pour votre écoute attentive et bienveillante :o)

ÉC
BIBLIOGRAPHIE

Parmi les livres et articles que j’ai lu depuis six mois, tous profondément proeuropéens, certains aident particulièrement à se forger une opinion construite et solidement argumentée sur ce texte complexe, et plus généralement sur la construction européenne et la dérégulation mondiale :

  • Raoul Marc Jennar, docteur en sciences politiques, chercheur pour le compte de l’ONG OXFAM, « Europe, la trahison des élites», 280 pages, décembre 2004, Fayard : pour un réquisitoire rigoureux et passionnant. Une étude consternante des rouages européens et des dérives foncièrement antidémocratiques de cette Europe qui ment tout le temps. Comment la défense des intérêts privés des grands groupes a d’ores et déjà pris la place de celle de l’intérêt général. Les chapitres sur l’OMC, l’AGCS et l’ADPIC sont absolument é-di-fiants. Un livre essentiel, à lire d’urgence.
    Tous les journalistes, par exemple, devraient avoir lu ce livre.
  • Laurent Lemasson, diplômé de l’IEP de Paris, docteur en droit public et sciences politiques, chargé de cours à l’ESSEC, a écrit un article captivant « Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? », 15 déc. 2004 : une lectrice m’a envoyé cette référence il y a quelques jours et je pense que c’est l’analyse la plus finement argumentée, la plus pénétrante qu’il m’ait été donné de lire sur la question de l’équilibre et du contrôle des pouvoirs. À lire absolument, ça va vous passionner. C’est sur le site le d’institut Thomas More : http://www.institut-thomas-more.org/showNews/24.
  • À 15 jours du scrutin, un jeune homme vient d’écrire un argumentaire, passionnant, serré, convaincant qui s’intitule « témoignage d’un revenu du oui, suivi d’un inventaire d’arguments inédits en faveur du Non », par Thibaud de La Hosseraye. C’est à http://www.ineditspourlenon.com/.
  • « Douze économistes contre le projet de constitution européenne », par Gilles Raveaud, docteur en économie et enseignant (Institut d’études européennes, Université Paris VIII, et onze autres : une analyse remarquable, très argumentée, du projet actuel de l’Union, plus économique que politique, à lire :
    http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2231 et http://econon.free.fr/index.html
  • Paul Alliès, « Une constitution contre la démocratie ? Portrait d’une Europe dépolitisée », 223 pages, mars 2005, Climats : ce professeur de sciences politiques à l’Université de Montpellier I rappelle d’abord les fondements de la démocratie, parmi lesquels un authentique processus constituant, et explique ensuite que le projet de TCE interdit à l’Europe de devenir une véritable puissance politique, sonne le glas d’un gouvernement économique et plus grave encore, d’un fonctionnement démocratique.
  • Stéphane Marchand, « L’Europe est mal partie », 361 pages, février 2005, Fayard : ce journaliste au Figaro a un style agréable à lire, il nous raconte l’Europe politique d’une façon vivante, il défend une Europe des cercles. Un livre optimiste malgré son titre, vraiment intéressant.
  • « La nouvelle Union européenne. Approches critiques de la constitution européenne », 182 pages, avril 2005, éd. XF de Guibert. Sous la direction d’Olivier Gohin et Armel Pécheul, préface de Jean Foyer, tous professeurs de l’Université : ce petit livre important regroupe les analyses de neuf jeunes constitutionnalistes universitaires et argumente de façon rigoureuse sur les vices rédhibitoires du TCE au regard de la démocratie. (rapport du colloque du 12 mars 2005, disponible sur commande, 3 rue JF Gerbillon 75006 PARIS).
  • Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, a écrit dans le Monde, le 11 mars 2005, un article qui résume bien l’essentiel : « Qui veut de la post-démocratie ? »: un article court (une page) et percutant : http://decrypt.politique.free.fr/constitution/lemonde.shtml.
  • Jean-Paul Fitoussi, économiste distingué, Professeur des Universités à l’Institut d’Études Politiques de Paris, Président du Conseil Scientifique de l’IEP de Paris, Président de l’OFCE et Secrétaire général de l’Association Internationale des Sciences Économiques, propose : « La Politique de l’impuissance», 160 pages, janvier 2005, Arléa : un passionnant petit livre d’entretiens avec Jean-Claude Guillebaud pour comprendre comment l’Europe abandonne sciemment la démocratie et renonce à l’intervention économique des États. En nous rappelant la chronologie des grandes décisions, on comprend quelle progression insensible nous a conduit là. Fitoussi est d’une rigueur étonnante, un grand personnage de l’analyse économique.
  • Raoul Marc Jennar, « Quand l’Union Européenne tue l’Europe», 40 pages, janvier 2005 : une brochure résumant un argumentaire serré contre le « traité constitutionnel ». Également un DVD où Jennar présente lui-même, de façon pédagogique, très posée, trois exposés sur l’AGCS, la directive Bolkestein et le traité On y sent très fortement la terrifiante cohérence qui relie ces textes. Documents importants disponibles sur www.urfig.org.
  • Jacques Généreux, économiste, professeur à Sciences Po, « Manuel critique du parfait Européen – Les bonnes raisons de dire « non » à la constitution », 165 pages, février 2005, Seuil : encore un excellent petit livre, très clair, vivant, incisif, très argumenté, avec une tonalité à la fois économique et très humaine.
    Encore un enthousiasmant plaidoyer pour une vraie Europe !
  • « Contre rapport – l’Europe des démocraties », par un groupe de conventionnels qui ont refusé de signer le projet de TCE, jugé comme « allant à l’encontre de tous les principes démocratiques », pour une série de raisons qui méritent d’être étudiées. Voir l’annexe III, pages 21 à 24:
    http://europa.eu.int/constitution/futurum/documents/contrib/doc180703_fr.pdf
  • Dominique Strauss-Kahn, « Oui ! Lettre ouverte aux enfants d’Europe », 173 pages, oct. 2004, Grasset : un petit livre facile à lire qui défend bien les points forts du Traité, avec un style énergique, agréable à lire. Il tempête contre les opposants au traité en insistant sur les avancées qu’on perdrait avec un Non, mais il ne les rassure pas sur les points inacceptables du texte.
  • Laurent Fabius, « Une certaine idée de l’Europe », 125 pages, nov. 2004, Plon : un petit livre sans longueurs, agréable à lire, qui résume bien ce qui n’est pas acceptable et qui dédramatise le Non.
  • Yves Salesse, membre du Conseil d’État, « Manifeste pour une autre Europe », 120 pages, janvier 2005, Le Félin : un argumentaire précis, rigoureux, constructif. Agréable à lire et très instructif.
  • Yves Salesse a également rédigé un article plus court qui résume en 10 pages son analyse : « Dire non à la « constitution » européenne pour construire l’Europe »:
    http://www.fondation-copernic.org/Flash-septembre2004.pdf.
  • Un document passionnant de Raoul Marc Jennar, daté d’avril 2004, intitulé « Combien de temps encore Pascal Lamy ? »: on y comprend rapidement ce qu’est en fait « l’indépendance » de la Commission, l’incroyable perméabilité des commissaires aux pressions extérieures, on découvre l’imbuvable ADPIC (accord sur les droits de propriété intellectuelle) et ses implications en matière de médicaments, on y retrouve le révoltant AGCS (accord général sur le commerce des services). Il faut lire cet article important : http://politique.eu.org/archives/2004/04/11.html.
  • Un petit film d’une demi-heure résume de façon pédagogique les griefs contre le TCE recensés par Jennar, Salesse et Cassen : clip téléchargeable à http://www.fondation-copernic.org/
  • Valéry Giscard d’Estaing, « présente la Constitution pour l’Europe », 396 pages, sept. 2003, Albin Michel : l’introduction est intéressante car elle décrit les travaux de la Convention, les difficultés rencontrées, les choix effectués. Le plus gros du livre est le texte du TCE mais avec une ancienne numérotation.
  • Olivier Duhamel, « Pour l’Europe, le texte intégral de la Constitution expliqué et commenté », Seuil 2004: une explication de texte de première main, par un grand professeur de droit constitutionnel qui a participé à la Convention et à l’écriture du TCE.
  • Ces temps-ci, une source majeure d’information non censurée, très orientée politiquement (à gauche), mais absolument foisonnante, est le site portail rezo.net. J’y trouve chaque jour au moins un document intéressant.
  • Bernard Maris, « Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie», novembre 1999, Albin Michel : pour une démonstration de l’imposture de « l’indispensable guerre économique », avec un parallèle très convaincant avec la guerre de 1914 : comme d’habitude, la guerre n’est pas inévitable, et ceux qui poussent à faire la guerre ne sont pas ceux qui se battent et qui souffrent. Un bel appel à la désertion.
    À mettre en parallèle avec la religion de la concurrence (compétition) sans entrave, rabâchée par le « traité constitutionnel » qui, finalement, monte les États et les peuples les uns contre les autres, à coups de dumping social, fiscal, et environnemental.
  • Bernard Maris, « Anti-manuel d’économie », 355 pages, octobre 2003, Bréal : un livre important et savoureux pour comprendre l’ineptie du dogme de la religion du marché et de la concurrence. Un livre qui remet de la chair et du sang dans les théories économiques, qui fait l’éloge de la collaboration et de la gratuité. Passionnant, souvent drôle. Un livre formidable, à lire et à relire. Un économiste enthousiasmant.
  • Agnès Bertrand et Laurence Kalafatides, « OMC, le pouvoir invisible», 325 pages, juillet 2003, Fayard : un livre palpitant et éclairant pour comprendre les objectifs et les moyens de cette énorme machine à déréguler que sont le GATT puis l’OMC, outils de contrainte pour les États mais jamais pour les entreprises. Ce livre permet de ressentir fortement la parfaite cohérence qui existe entre les objectifs et les influences de l’OMC et ceux de la construction européenne actuelle. À lire en priorité.
  • Joseph E. Stiglitz, « La grande désillusion », 324 pages, sept. 2003, Fayard : un pavé dans la mare : un grand économiste libéral, patron de la banque mondiale, qui a travaillé avec les plus grands hommes de ce monde, et qui décrit en détail le dogmatisme aveugle et criminel des technocrates libéraux du FMI et ses conséquences sur les économies et les peuples. Un style soigné, 0% de matière grasse. Un grand bouquin, une référence. À lire en priorité.
  • Pour comprendre la logique d’ensemble de ce qui prend forme au niveau planétaire, il faut lire l’article à la fois terrifiant et lumineux de Lori M. Wallach, « Le nouveau manifeste du capitalisme mondial », dans Le Monde diplomatique de février 1998, à propos de l’Accord Multilatéral sur l’investissement (AMI), (une de ces « décisions Dracula », appelées ainsi parce qu’elles ne supportent pas la lumière, tellement elles sont évidemment inacceptables) : http://www.monde-diplomatique.fr/1998/02/WALLACH/10055.
    On y perçoit clairement, comme grâce à une caricature, la logique qui sous-tend de nombreux textes et accords essentiels en préparation aujourd’hui : AGCS, Construction européenne libérale, OMC, ADPIC, directive Bolkestein, etc. La parenté de tous ces textes devient évidente : un redoutable « air de famille ».
  • Serge Halimi, « Le grand bond en arrière, comment l’ordre libéral s’est imposé au monde », 618 pages, mars 2004, Fayard : un gros bouquin qui permet de comprendre comment on en est arrivé là. On retrouve cette cohérence d’ensemble, et on ne lit plus le TCE de la même façon après avoir lu Jennar et Halimi. On change. On a l’impression de se réveiller. Référence passionnante.
  • Robert Joumard et Christian Darlot, enfin, simples citoyens comme moi apparemment, ont fait la même démarche : ils ont beaucoup lu, digéré, résumé, rassemblé, organisé tout ça avec talent pour faire deux synthèses un peu longues, comme la mienne, mais vraiment très intéressantes.
    Deux documents très bien faits à : http://institut.fsu.fr/chantiers/europe/traite_constit/joumard.pdf et Liens.

Mise au point importante (21 avril 2005)

Je viens d’apprendre que des hommes politiques se font interpeller dans leurs meetings par des citoyens qui leur demandent : « Que répondez-vous à Étienne Chouard, prof de droit à Marseille qui dit (citation de Chouard) »

Je viens aussi de recevoir un fichier pdf carrément intitulé « Fac de droit Marseille », avec la version du 25 mars qui suit derrière ce titre inventé, cette première version qui contenait encore de gênantes erreurs (sur la Turquie et la durée du traité de Nice, notamment).

Je comprends mieux les messages furieux de quelques profs de fac qui crient à l’imposture.

Si ça tourne comme ça, ils ont raison, il ne faut pas du tout me lire comme si j’étais un spécialiste de droit international, il ne faut pas me présenter comme ça, c’est un malentendu : je n’ai rigoureusement aucune autorité pour dire le droit communautaire, et je commets, comme tout le monde en ce moment parce que le texte n’est pas simple, des erreurs.

Je précise dès mon introduction qu’il y a encore six mois, « comme tout le monde », je m’occupais peu de l’Europe et je ne connaissais donc pas grand-chose au droit communautaire. Je dis partout que je peux me tromper et que je cherche précisément à progresser. Il est paradoxal, et c’est vrai, dangereux pour la qualité de l’information de tous, que je passe après seulement 15 jours pour « le prof de fac de droit public qui fait autorité ».

Ce malentendu m’est imputable par le style que j’employais au début, mais ce document n’était pas destiné à la terre entière. L’enchaînement rapide des faits a, lui aussi, créé ce malentendu.

Il est essentiel de rétablir la réalité de mon message qui est en train d’aller, sans que j’y puisse grand-chose, bien au-delà de ce que j’imaginais au départ : voyez, pour me comprendre, la page Avertissement de mon site, que j’ai actualisée hier matin.

Les interpellations publiques devraient plutôt être ainsi formulées : « Que répondez-vous à Étienne Chouard, citoyen à Marseille qui dit (citation) ».

Je parle en citoyen. J’ai d’ailleurs retiré dans cette version de mon texte (trop tard, je le reconnais, je n’avais pas vu le problème) cette litanie « N’est-ce pas la mission des profs… ? ».

J’insiste : il y a en ce moment un grand débat qui s’amplifie entre citoyens, pour mieux décrypter ce texte complexe qui sera peut-être notre Constitution. Je vois tous les jours, à travers des centaines de messages, des gens qui découvrent aujourd’hui l’importance d’une Constitution dans leur vie quotidienne et qui se plongent dans le TCE.

Je trouve remarquable que les citoyens de base s’investissent autant dans le texte qui dit pour eux le droit du droit.

Je regrette que le temps nous manque pour mieux échanger entre nous.

S’il vous plaît, faites disparaître les anciennes versions de mon texte et discutons de bonne foi sur l’état actuel de nos réflexions respectives.

Notre échange me fait vraiment évoluer, c’est une réalité.

Je prends conscience d’une irresponsabilité quasi générale dans cette « Europe-qui-a-besoin-d’une-Constitution-pour-être-plus-forte ». Je constate aussi le peu d’importance donnée aux citoyens pour infléchir les politiques qui régissent leurs vies. Oui, nous avons évidemment besoin d’une Constitution. Mais celle-là protège-t-elle vraiment les peuples censés s’unir pour se renforcer ?

On a vraiment un problème de rapport démocratique entre les peuples et leurs élites.

Que ce texte est compliqué à évaluer… et quelle maladie grave il révèle pour notre Cité.

NOTES

[1]   Je suis professeur d’Éco-Gestion au lycée Marcel Pagnol à Marseille, en BTS. J’ai été longtemps prof de droit civil, commercial et constitutionnel en Terminale, et prof de droit fiscal en BTS Compta. Aujourd’hui, je suis devenu essentiellement professeur d’informatique et je suis aussi administrateur du réseau de 150 PC de mon lycée.
J’invoque mon métier de professeur pour qu’on comprenne mon goût d’expliquer, pas du tout pour me servir d’un argument d’autorité que je ne mérite pas. En effet, je ne suis pas prof de fac, pas prof de droit public, pas spécialisé en droit constitutionnel. Mais ma formation de juriste (maîtrise) m’a donné le goût du droit et je parle ici en simple citoyen, étonné par l’absence de débat constaté au début de l’année 2005. Je commets sans doute des erreurs, mais je les corrige si on me les signale.
Je prétends que les citoyens eux-mêmes, tout ignorants du droit communautaire qu’ils sont, comme moi, devraient être invités à réfléchir à leur Constitution
, et que ce texte devrait être élaboré par des représentants élus pour ça, avec un programme politique adapté à la circonstance. À mon avis, ce débat-là ne doit pas être confisqué par les spécialistes. Il le sera finalement peut-être.
Ce texte « Une mauvaise constitution… » m’échappe aujourd’hui complètement. Tout ce que je peux faire, et c’est l’idée de départ, c’est corriger mes erreurs ou les mauvaises formulations et le compléter parfois, au gré de mes lectures qui se poursuivent et des innombrables conseils de mes lecteurs bienveillants.

[2]   Durée d’application du texte : Art. IV-446 : « Le présent traité est conclu pour une durée illimitée. »

[3]   Liste des domaines où l’Europe est compétente : Article I-13 : « Les domaines de compétence exclusive : §1. L’Union dispose d’une compétence exclusive dans les domaines suivants: a) l’union douanière; b) l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur; c) la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l’euro; d) la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche; e) la politique commerciale commune. §2. L’Union dispose également d’une compétence exclusive pour la conclusion d’un accord international lorsque cette conclusion est prévue dans un acte législatif de l’Union, ou est nécessaire pour lui permettre d’exercer sa compétence interne, ou dans la mesure où elle est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée. » Article I-14 : « Les domaines de compétence partagée : (…) §2. Les compétences partagées entre l’Union et les États membres s’appliquent aux principaux domaines suivants: a) le marché intérieur; b) la politique sociale, pour les aspects définis dans la partie III; c) la cohésion économique, sociale et territoriale; d) l’agriculture et la pêche, à l’exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer; e) l’environnement; f) la protection des consommateurs; g) les transports; h) les réseaux transeuropéens; i) l’énergie; j) l’espace de liberté, de sécurité et de justice; k) les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, pour les aspects définis dans la partie III. (…)».

Parmi les compétences exclusives, voir l’art.I-13, §1 : « e) la politique commerciale commune. »…
Les parlements nationaux sont ainsi totalement dépouillés, par exemple, de la moindre capacité d’influencer les accords commerciaux internationaux (AGCS, ADPIC et autres avatars de l’OMC), alors que la vie des citoyens est promise à des bouleversements majeurs à l’occa­sion de ces accords qui se préparent dans la plus grande discrétion.

[4]   Force supérieure des normes européennes sur toutes les autres normes, nationales et internationales : Art. I-6 : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres. »
C’est la première fois qu’un traité européen qui se veut Constitution énonce expressément cette règle et, surtout, rien n’impose à la Cour de Justice Européenne (CJE), seul arbitre au final (sans recours), d’interpréter ce texte de façon restrictive comme l’a fait notre Conseil Constitutionnel (CC, 19 nov. 2004, 505 DC) : il est même hautement probable qu’elle lui donne toute sa portée possible, c’est-à-dire que la moindre norme européenne primera jusqu’à la Constitution des États membres. Voir la passionnante analyse de Frédéric Rouvillois, professeur à l’Université » de Paris V, dans le chapitre 1 « Le double jeu du Conseil constitutionnel » du petit livre « La nouvelle Union européenne. Approches critiques de la Constitution européenne », (éditions XF de Guibert).
Art. I-12 : « §1. Lorsque la Constitution attribue à l’Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s’ils sont habilités par l’Union, ou pour mettre en oeuvre les actes de l’Union. ».
Voir aussi « La primauté du droit communautaire sur la constitution française : l’abrogation implicite de la Constitution », par Armel Pécheul, professeur à l’Université d’Angers (20 p.), chap. 3 du même livre « La nouvelle UE. Approches critiques … », (XF de Guibert) :
« Dans sa décision n°2004-505 DC du 19 nov. 2004, le Conseil Constitutionnel affirme simplement que la constitutionnalisation du principe de primauté ne va pas au-delà de ce que requiert actuellement la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).
Mais, précisément, c’est déjà beaucoup. La Cour de Luxembourg a effectivement déjà tout dit sur ce sujet et ce qu’elle a dit est essentiel puisqu’elle impose la primauté du droit communautaire sur les Constitutions nationales ! »
Un peu plus loin, p. 54, Armel Pécheul rappelle l’arrêt Tanja Kreil du 11 janvier 2000 (CJCE, aff. C-285/98, Rec. I, p. 69) où une simple directive du Conseil de 1976 s’est imposée à des dispositions spécifiques et expresses de la Constitution allemande (article 12) et dans un domaine qui n’était pas communautarisé puisqu’il s’agissait du domaine de la défense.
Je cite Armel Pécheul, dans sa conclusion d’un argumentaire rigoureux : « l’essence de la Constitution française, l’ADN, les dispositions spécifiques et expresses, les dispositions inhérentes à sa structure fondamentale ne sont plus protégées par le gardien de la Constitution [le Conseil Constitutionnel]. Celui-ci en a donné les clefs aux juges européens. Elles ne dépendent pas plus du pouvoir constituant puisque le peuple français est appelé à confirmer cet abandon par la ratification du Traité. Alors oui, l’essentiel est bien remis en cause, c’est-à-dire comme le dit le Président Mazeaud l’existence même de la Constitution française. »
Quelles sont les différentes normes prévues par le TCE ?
Art. I-33 : « Les actes juridiques de l’Union : Les institutions, pour exercer les compétences de l’Union, utilisent comme instruments juridiques, conformément à la partie III, la loi européenne, la loi-cadre européenne, le règlement européen, la décision européenne, les recommandations et les avis.
• La loi européenne est un acte législatif de portée générale. Elle est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.
• La loi-cadre européenne est un acte législatif qui lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.
• Le règlement européen est un acte non législatif de portée générale pour la mise en oeuvre des actes législatifs et de certaines dispositions de la Constitution. Il peut soit être obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, soit lier tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.
La décision européenne est un acte non législatif obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne des destinataires, elle n’est obligatoire que pour ceux-ci. [Voir autre note, un peu plus loin, sur ce point]
• Les recommandations et les avis n’ont pas d’effet contraignant. »

[5]   Voir les arguments d’Olivier Gohin, dans le chapitre 4 du petit livre « La nouvelle Union européenne. Approches critiques de la Constitution européenne », éd. XF de Guibert.

Certains professeurs vont plus loin : « la personnalité juridique de l’Union, instituée par l’art. I-7 », selon François-Guilhem Bertrand, professeur émérite à l’Université de Paris XI, « doit se lire avec l’arrêt du 31 mars 1971 de la Cour de Justice AETR qui décide que la personnalité donnée à l’Europe efface celle des États membres et leur interdit de se manifester lorsque l’Europe s’exprime » (même ouvrage).

C’est peut-être exagéré, C’est peut-être la réalité, c’est peut-être bien ou mal, je n’ai pas de certitude là-dessus, mais on pourrait au moins en débattre, au lieu de faire comme si de rien n’était et de parler du sexe des anges comme cette Charte ou ce droit de pétition qui n’imposent quasiment rien à personne.

[6]   On retrouvera la plupart de ces principes, entre autres, dans le livre de Paul Alliès, professeur de sciences politiques à l’Université de Montpellier I, « Une constitution contre la démocratie ? Portrait d’une Europe dépolitisée ».   Encore un livre absolument passionnant. Extrait (chaque mot compte) :
« La construction européenne a mis silencieusement en péril la tradition de souveraineté populaire qui justifiait l’exercice du pouvoir par les autorités étatiques, leurs décisions n’étant qu’une émanation du peuple souverain. Elle l’a fait de deux façons : d’un côté, le droit constitutionnel européen ignore le moindre souverain constituant ; si bien que les décisions des autorités sont imputées à une entité, l’Union, qui n’est pas une communauté politique. D’un autre côté, il est de plus en plus difficile d’imputer les normes nationales, déduites des normes européennes, au peuple que les Constitutions de chacun des pays membres proclament souverain.
Nous entrons donc dans un système inédit, celui de l’Union où ni les traités en vigueur ni la Constitution ne mentionne aucun « souverain ». Aucun de ces textes n’a su désigner une source légitime du pouvoir de l’Union pour mieux faire semblant de respecter l’héritage d’une souveraineté populaire nationalement morcelée État par État. Le problème n’est pas là de savoir si sociologiquement, ou culturellement, un peuple européen existe. Il est de trancher la nature politique de l’Union à travers le fondement du pouvoir qu’elle contient. Jusqu’ici, le pouvoir constituant inventait un peuple et le faisait vivre. Désormais, une Constitution invente une autorité sans sujet ni fin. » (page 57)

[7]   Constitution européenne : Comment se procurer le texte intégral ?
http://www.constitution-europeenne.fr
À lire avant de voter :
a/ Le traité établissant une Constitution pour l’Europe – 349 pages.
b/ Les protocoles et annexes I et II – 382 pages. Document nommé « Addendum 1 au document CIG 87/04 REV 1.
c/ Les déclarations à annexer à l’acte final de la CIG et l’acte final – 121 pages. Doc. Nommé « Addendum 2 au document CIG 87/04 REV 2.         Total : 349 + 382 + 121 = 852 pages dans la version fin 2004.
La version actuellement disponible (mi avril 2005) est désormais plus compacte : un seul fichier pdf : 485 pages. En écrivant serré, en petite taille, et sur des grandes pages de journal, on peut tout faire tenir en moins de cinquante pages.
À titre de comparaison, les Constitutions françaises et américaines font chacune environ 20 pages.
Autres unités de mesure, moins sujettes à variation typographique, les mots et les caractères : la Constitution européenne contient 70 904 mots, soit 14,7 fois plus que la Constitution française, et 441 895 caractères (contre 46 515).

Argument quantitatif des défenseurs du traité : « Pour réunir 450 millions de personnes, le texte fondateur ne peut pas être court. » La seule raison de cette longueur extravagante (448 articles) est la troisième partie, inutile d’en chercher les raisons ailleurs. Intéressé par cette approche quantitative, je suis allé chercher la constitution de l’Inde, un milliard d’individus, et j’ai trouvé… 151 articles ;o)   http://www.oefre.unibe.ch/law/icl/in00000_.html.
De son côté, la Constitution des USA, 300 millions de personnes, tient en 7 articles.

Enfin, un lien intéressant qui permet de comparer de nombreuses constitutions à travers le monde :
http://mjp.univ-perp.fr/constit/constitintro.htm

[8]   Pourtant, malgré sa longueur, tout n’y figure pas : une information aussi essentielle que la définition des SIEG, services d’intérêt économique général, (cités aux art. II-96, III-122, III-166), à ne pas confondre avec les services publics, ne figurent pas dans les 485 pages : il faut, dans cet exemple, consulter le « livre blanc » de la Commission pour apprendre que les SIG et SIEG ne sont pas synonymes de « services publics » :
http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/services_general_interest/index_fr.htm , p. 23 : « Il convient de souligner que les termes « service d’intérêt général » et « service d’intérêt économique général » ne doivent pas être confondus avec l’expression « service public » (…) ».

[9]   Il faut lire toutes les pages jusqu’au bout : l’interprétation de la Charte des droits fondamentaux est décrite en dehors de la Constitution elle-même, dans un texte qui s’appelle Déclaration 12 : le préambule de la Charte prévoit que « Dans ce contexte, la Charte sera interprétée par les juridictions de l’Union et des États membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte. »
Dans cette déclaration n°12, on trouve parfois le contraire de ce que la Charte affirme haut et fort.
Ainsi, après qu’ait été affirmé le droit à la vie et l’interdiction de la peine de mort dans l’article II-62 de la Charte, l’article 2 de la déclaration n°12, page 435 (qui parle de texte lisible ?) précise : «La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire:
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection
Le même article précise aussi : « «Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions…». On constate donc que tout n’est pas dit dans la Charte elle-même et qu’il faut bien lire toutes les pages.

[10] Le danger des « actes non législatifs », qui permettent aux organes non parlementaires (non élus) de créer librement des règles contraignantes de portée générale, a été dénoncé par le contre rapport des conventionnels jugeant le TCE non démocratique. Un document intéressant, à lire à :
http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=14058
Pour les actes juridiques de l’Union, voir l’art. I-33, note ci-dessus.

[11] Extrait du cours de droit administratif de J. Morand-Deviller (éd. Montchrestien), page 256 : « C’est un problème préoccupant que l’inflation des textes, de plus en plus bavards et confus. Cette inclination, si préjudiciable à la sécurité juridique et contraire à la belle rigueur du droit français, a été dénoncée en des termes énergiques dans le rapport public du Conseil d’État pour 1991 : « surproduction normative… logorrhée législative et réglementaire… Qui dit inflation dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite… Si l’on n’y prend garde, il y aura demain deux catégories de citoyens : ceux qui auront les moyens de s’offrir les services d’un expert pour détourner ces subtilités à leur profit, et les autres, éternels égarés du labyrinthe juridique, laissés-pour-compte de l’État de droit. » Le Conseil Constitutionnel a fait du principe de « l’accessibilité » et de ‘l’intelligibilité de la loi » un objectif à valeur constitutionnelle (décision du 16 décembre 1999). »

[12] Des livres entiers ont été écrits pour dénoncer fortement cette institutionnalisation du néolibéralisme
C’est vrai qu’il faut les lire pour comprendre leurs arguments :o)
On peut citer quelques articles qui portent en eux le néolibéralisme (le néolibéralisme pouvant se résumer à la dépossession des États de leur moyens d’intervention économique au profit de la liberté individuelle, qui débouche finalement invariablement sur la loi du plus fort) :

  • Article I-3.2 « L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où, la concurrence est libre et non faussée. »
    Si l’on comprend « non faussée par les grands groupes», on ne peut qu’acquiescer.
    Mais si l’on comprend « non faussée par l’État », on voit le néolibéralisme trouver ici des racines institutionnelles.
  • L’indépendance de la BCE, c’est une dérégulation, c’est priver les États du levier monétaire pour gouverner, c’est du libéralisme doctrinaire, à un degré unique au monde. (Article I-30 et III-188).
  • Un budget minuscule (1,27%) et l’impossibilité pour le Parlement d’augmenter ce budget (pas de pouvoir parlementaire sur les recettes), c’est la garantie d’une Europe relativement pauvre donc peu interventionniste, c’est néolibéral.
  • Article III-314 : L’Union contribue (…) à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres.
    Cet article interdit aux États d’interdire, ce qui s’appelle la dérégulation, c’est de l’ultra libéralisme. L’expression apparemment anodine « et autres » est nouvelle par rapport à Nice et permet toutes les dérives futures : suppression des barrières sociales, environnementales, etc.
  • Article III-148 : Les États membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire (…) si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent.
    On demande à chaque État d’être « plus royaliste que le roi », carrément par principe.
    Si ce n’est pas de l’ultra libéralisme, ça…
    Je rappelle que le contexte mondial est l’OMC et l’AGCS qui dérégulent méthodiquement toute la planète et qui finiront par tuer tous les services publics ainsi que toute forme de résistance des États contre les grandes firmes. Est-il urgent que la Constitution européenne confirme et amplifie cette épouvantable tendance ?
  • Article III-156 : les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
    Encore une interdiction d’interdire, encore un levier d’action important dont sont privés les États membres, encore le néolibéralisme… Pour le bien de qui ? Pour le peuple ?
    Chacun peut noter la force impérative (qui ne laisse que peu de place à l’interprétation jurispruden­tielle) qu’il y a dans cette disposition à vocation économique et qui fait bien défaut dans les grands beaux principes des parties I et II.
  • Article III-167.1: Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
    L’interdiction d’aider tout acteur, sous quelque forme que ce soit, devient le principe central. C’est encore une marque du néolibéralisme qui vise progressivement l’affaiblissement de l’État providence, même si des exceptions sont encore prévues dans l’alinéa suivant (pour combien de temps ?).
  • Article 178 : Les États membres et l’Union agissent dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources (…)
    « C’est une loi fondamentale de la théorie économique néolibérale qui entre dans le traité : l’économie de marché libre assure l’allocation efficace des ressources. C’est aussi faux, insensé et politiquement choquant que d’écrire que la planification centrale de l’économie assure une allocation efficace des ressources. » (Jacques Généreux, prof à Sciences Po, p. 88).
  • Le comble est atteint avec l’article III-131 dont on se demande s’il faut en rire ou en pleurer : en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre… (c’est grave) …les États membres se consultent (jusque là, on est d’accord), en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires (ils font bien…) pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public…
    Ça ne s’invente pas : même en cas de guerre, il est interdit aux États d’interdire, pour protéger le saint marché, et les autres États s’en portent garants. Plus dogmatique, comme libéralisme, tu meurs !

J’arrête les citations d’articles parce que la partie III est simplement truffée de ce libéralisme qui suinte partout et qui ligote les États membres. Chacun peut le constater en lisant le texte.

Le fait que des ultras extrémistes outre-Manche réclament encore plus et rejettent ce traité parce qu’il n’est pas assez libéral n’est pas la démonstration que le TCE n’est pas une bible libérale. Chacun doit lire le texte et constater le sort qu’on fait aux États et à leur pouvoir d’intervention.

Comme le démontre bien Jacques Généreux (prof à Sciences Po), « au total, la prétendue Constitution pour l’Europe nous promet une compétition toujours plus dure et une exposition croissante aux méfaits sociaux et écologiques de la guerre économique. »

Le libéralisme débridé, c’est le dogme de la responsabilité individuelle, c’est « chacun pour soi et contre tous », la négation de la civilisation et de l’humanisme.

Le néolibéralisme doctrinaire est juste aussi redoutable pour les hommes que le collectivisme aveugle.

À propos, j’ai trouvé la vraie définition de l’expression (trompeuse) « économie sociale de marché ». Frédéric Lordon rappelle fort opportunément la génèse de ce vocable dans son passionnant document « Le mensonge social de la Constitution », http://www.sociotoile.net/article104.html, p. 8 et suiv. où l’on découvre que cette expression désigne un libéralisme extrême, plus encore que celui d’Hayek lui-même, et où le mot social n’a rigoureusement rien à voir avec ce que les français y devinent. « Ce social là n’est que l’effet du marché lui-même et pas autre chose, certainement pas une régulation qui lui serait adjointe de l’extérieur. » Il faut lire ce texte de Lordon, il est fort, il éclaire bien l’aspect profondément doctrinaire du TCE (voir ma page ‘Liens et docs’ sur http://etienne.chouard.free.fr/Europe/index.htm).

[13] Indépendance et missions de la banque centrale : art. I-30 : « §1 (…) La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des États membres dont la monnaie est l’euro, qui constituent l’Eurosystème, conduisent la politique monétaire de l’Union. §2. Le Système européen de banques centrales est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne. L’objectif principal du Système européen de banques centrales est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union pour contribuer à la réalisation des objectifs de celle-ci. Il conduit toute autre mission de banque centrale conformément à la partie III et au statut du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne. §3. La Banque centrale européenne est une institution. Elle a la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. Elle est indépendante dans l’exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres respectent cette indépendance. » et art. III-188 : « ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. »

[14] Voir JP Fitoussi, Professeur des Universités à l’Institut d’Études Politiques de Paris, Président du Conseil Scientifique de l’IEP de Paris, Président de l’OFCE et Secrétaire général de l’Association Internationale des Sciences Économiques, entretiens avec JC Guillebaud, « La politique de l’impuissance », 2005, Arléa :

– JCG : « Vous êtes en train de dire qu’au fond, obsédé par la lutte contre l’inflation, on a littéralement consenti au chômage. »
– JPF : « Pis que ça ! On a dans une première phase instrumentalisé le chômage pour combattre l’inflation. Chaque « banquier central » de la planète sait que, dès qu’il augmente les taux d’intérêts, il met au chômage une partie des catégories les plus vulnérables de la population. Non seulement il le sait, mais c’est précisément pour ça qu’il le fait. Pourquoi augmente-t-on les taux d’intérêts ? Parce qu’on est persuadé que la demande est trop forte et que les entreprises produisant à pleine capacité ne pourraient la satisfaire qu’en augmentant leurs prix. La douche froide des taux d’intérêts réduit ainsi la demande et incite les entreprises à licencier. » (p. 45)
(…)
– JCG : « Que pensez-vous des deux arguments martelés à cette époque [après 1982] à propos de l’inflation et du respect des grands équilibres ? Premièrement on a dit qu’il était légitime (y compris moralement) de lutter contre l’inflation parce qu’elle pénalisait les plus pauvres ; deuxièmement, qu’il fallait maintenir les grands équilibres par simple respect et générosité pour les générations à venir, afin de ne pas faire peser une charge trop lourde sur la tête de nos enfants. On a habillé, en quelque sorte, cette politique d’un discours de générosité… »
– JPF : « C’était un double mensonge. En augmentant les taux d’intérêts, et surtout en les maintenant à un niveau élevé une fois l’inflation vaincue, on savait qu’on favorisait ceux qui détiennent le capital financier, et que l’on excluait de l’accès aux biens durables (qui exigent un recours à l’emprunt) les catégories les plus vulnérables de la population. (…) Le second mensonge, c’est qu’en augmentant les taux d’intérêt on faisait du service de la dette un des postes les plus importants du budget de l’État. » (P. 46)

– JPF : « Que l’orientation des politiques économiques de l’Union soit, pour l’essentiel, indépendante de tout processus démocratique est à la fois contraire aux traditions politiques des peuples européens, et dangereux pour l’efficacité économique de l’ensemble. » (p. 72)

– JPF : « En forçant le trait, on pourrait affirmer que le « gouvernement économique » de l‘Europe se rapproche à s’y méprendre d’un despote éclairé qui, à l’abri des pressions populaires, chercherait le bien commun au travers de l’application d’une doctrine rigoureuse – le libéralisme -, supposée supérieure à toutes les autres en termes d’efficacité économique. La démocratie ne serait donc pas le système politique le mieux à même d’appréhender l’intérêt général ; elle placerait les gouvernements en position de vulnérabilité devant les pressions des populations en faveur de la redistribution.  Le pouvoir a ainsi changé de mains. Les politiques ont préféré le confier à des agences indépendantes. (…)

Mais il est vrai aussi que, dès l’origine, la construction européenne fut l’œuvre d’une démocratie des élites, plutôt que de la démocratie tout court. Cependant les élites ont changé (…) aujourd’hui elles ont tendance à assimiler le bien public au marché.»

La suite est édifiante… Un petit livre important, à lire…

[15] Pacte de stabilité : art. III-184 (2 pages) et art. 1 du protocole n°10 sur la procédure concernant les déficits excessifs « Les valeurs de référence visées à l’article III-184, paragraphe 2, de la Constitution sont les suivantes: a) 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché; b) 60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché. » Voir aussi la note précédente.

[16] Interdiction de fausser la concurrence : cette interdiction est partout dans le texte, elle est formelle et contraignante, y compris pour les entreprises publiques :
Art. III-166 : « §1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment à l’article I-4, paragraphe 2 [non discrimination], et aux articles III-161 à III-169 [règles de concurrence].
§2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence, dans la mesure où l’application de ces dispositions ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union. §3. La Commission veille à l’application du présent article et adopte, en tant que de besoin, les règlements ou décisions européens appropriés. »
Article III-167 : « §1. Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

[17] « La politique de l’impuissance » : voir le petit livre lumineux de Jean-Paul Fitoussi (économiste de premier plan) qui démontre cette dépossession progressive des responsables politiques par méfiance de la démocratie. Voir extrait plus haut.
Voir aussi le livre enthousiasmant de Jacques Généreux, Professeur à Sciences Po, « Manuel critique du parfait européen » qui proteste, lui aussi, contre le sabordage des outils européens d’intervention économique, et contre le dogmatisme aveugle qui soutient cette folie unique au monde. On lit ce livre sans pouvoir s’arrêter…

[18] « Douze économistes contre le projet de constitution européenne », par Gilles Raveaud, docteur en économie et enseignant (Institut d’études européennes, Université Paris VIII, et onze autres : une analyse remarquable, très argumentée, du projet actuel de l’Union, projet plus économique que politique, à lire : http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2231 et http://econon.free.fr/index.html

[19] Procédure de révision ordinaire : art. IV-443.3 : « Une Conférence des représentants des gouvernements des États membres est convoquée par le président du Conseil en vue d’arrêter d’un commun accord les modifications à apporter au présent traité. Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

[20] Rappel : l’article 28 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’an I de la République française (1793) précisait : « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut pas assujettir à ses lois les générations futures. »

[21] Procédure de révision simplifiée :
art. IV-444 : « 1. Lorsque la partie III prévoit que le Conseil statue à l’unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision européenne autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas.
Le présent paragraphe ne s’applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.
2. Lorsque la partie III prévoit que des lois ou lois-cadres européennes sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut adopter une décision européenne autorisant l’adoption desdites lois ou lois-cadres conformément à la procédure législative ordinaire.
3. Toute initiative prise par le Conseil européen sur la base des paragraphes 1 ou 2 est transmise aux parlements nationaux. En cas d’opposition d’un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne visée aux paragraphes 1 ou 2 n’est pas adoptée. En l’absence d’opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision.
Pour l’adoption des décisions européennes visées aux paragraphes 1 et 2, le Conseil européen statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent. »

[22] Voir la passionnante analyse de Laurent Lemasson, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris, titulaire d’un doctorat en Droit Public et Sciences Politiques et chargé de cours à l’Essec, « Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? », document à lire sur le site de l’institut Thomas More : http://www.institut-thomas-more.org/showNews/24. Pour le risque d’extension des pouvoirs des institutions de leur propre initiative et sans l’accord direct des peuples, voir page 10.

[23] Procédure de ratification pour l’entrée d’un nouvel État dans l’UE : Article I-58 : « Critères d’éligibilité et procédure d’adhésion à l’Union : (…) §2. Tout État européen qui souhaite devenir membre de l’Union adresse sa demande au Conseil. Le Parlement européen et les parlements nationaux sont informés de cette demande. Le Conseil statue à l’unanimité après avoir consulté la Commission et après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent. Les conditions et les modalités de l’admission font l’objet d’un accord entre les États membres et l’État candidat. Cet accord est soumis par tous les États contractants à ratification, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. » Ces derniers mots font dépendre du droit national la procédure de ratification de l’entrée d’un nouveau membre.
En février 2005, le Parlement français, réunis en Congrès, a changé la Constitution française pour que cette ratification soit forcément soumise au référendum : article 2 de la loi de révision : « I. – Le titre XV de la Constitution est complété par un article 88-5 ainsi rédigé : « Art. 88-5. – Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République. » » Quand le texte précise « est soumis », c’est obligatoire (en droit, l’indicatif vaut impératif).

[24] Je renvoie encore à la lecture de l’excellent article de Laurent Lemasson, page 5 :
http://www.institut-thomas-more.org/showNews/24

[25] Exclusivité de l’initiative des lois pour l’exécutif :
Article I-26 : « (…) §2. Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement.
Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque la Constitution le prévoit. »
Donc, pour les actes non législatifs (voir note suivante), la norme est l’initiative libre : même pas besoin de la Commission si la Constitution ne le prévoit pas expressément.

[26] Domaines exclusifs, où l’exécutif peut légiférer seul :
Le principe de la codécision :
art. I-34, §1 : « Les lois et lois-cadres européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission, conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément à la procédure législative ordinaire visée à l’article III-396. Si les deux institutions ne parviennent pas à un accord, l’acte en question n’est pas adopté.
Les exceptions à la codécision (dans les deux sens) :
art. I-34, §2 : Dans les cas spécifiques prévus par la Constitution, les lois et lois-cadres européennes sont adoptées par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement européen, conformément à des procédures législatives spéciales
La « participation » pouvant être la simple consultation (non contraignante), le principe de la possibilité de « lois sans Parlement » semble donc ici acquis (première surprise), mais aucune liste claire (et donc contrôlable) n’est précisée (deuxième surprise).

[27] Un outil politique antidémocratique ? Les décisions européennes :
Article I-33 : Les actes juridiques de l’Union : [rappel]
« (…) Le règlement européen est un acte non législatif de portée générale pour la mise en oeuvre des actes législatifs et de certaines dispositions de la Constitution. Il peut soit être obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, soit lier tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.
La décision européenne est un acte non législatif obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne des destinataires, elle n’est obligatoire que pour ceux-ci. » Et quand elle ne désigne pas des destinataires ?… Pourrait-on expliquer aux citoyens quelle est la différence avec une loi, à part la source ? On dirait qu’il n’y en a aucune. Pour l’instant, je dirais que les décisions ressemblent diablement à des « lois sans parlement » (pauvre Montesquieu) :
Article I-35 : Les actes non législatifs :
1. Le Conseil européen adopte des décisions européennes dans les cas prévus par la Constitution.
2. Le Conseil et la Commission, notamment dans les cas prévus aux articles I-36 et I-37, ainsi que la Banque centrale européenne dans les cas spécifiques prévus par la Constitution, adoptent des règlements ou décisions européens.
On note que le Parlement est exclu (par définition ? Alors pourquoi ne pas avoir exclu aussi le Conseil des Ministres qu’on nous présente comme une « chambre haute » composant le pouvoir législatif ?) de ces « actes non législatifs » et alors que les auteurs de ces normes sont rarement élus et souvent hors contrôle. Les « actes non législatifs » ont été décriés comme antidémocratiques par certains conventionnels auteurs d’un « Contre rapport » qui juge le TCE comme « allant à l’encontre de tous les principes démocratiques ». Voir l’annexe III, pages 21 à 24 :
http://europa.eu.int/constitution/futurum/documents/contrib/doc180703_fr.pdf

[28] Qui nomme les commissaires :
l’art. I-19 établit que l’expression « Conseil » sans autre précision désigne le Conseil des ministres : « —le Conseil des ministres (ci-après dénommé «Conseil »), ».
L’art. I-27.2 qui décrit la désignation des commissaires parle de « Conseil » sans autre précision :
« 2.Le Conseil, d’un commun accord avec le président élu, adopte la liste des autres personnalités qu’il propose de nommer membres de la Commission. »   Quel Conseil ? Le paragraphe précédent de l’article 27 fait référence au Conseil Européen (pour nommer le Président de la Commission) : « 1.En tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai d’un mois, un nouveau candidat,qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure. » On peut se demander quel est le Conseil dont il est question au paragraphe 2 : qui nomme les membres de la Commission ?

[29] Laurent Lemasson, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris, titulaire d’un doctorat en Droit Public et Sciences Politiques et chargé de cours à l’Essec, « Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? », document à lire sur le site de l’institut Thomas More :
http://www.institut-thomas-more.org/showNews/24.

[30] Censure de la Commission par le Parlement :
Article I-26.8 : 8 : « La Commission, en tant que collège, est responsable devant le Parlement européen. Le Parlement européen peut adopter une motion de censure de la Commission conformément à l’article III-340.Si une telle motion est adoptée, les membres de la Commission doivent démissionner collectivement de leurs fonctions et le ministre des Affaires étrangères de l’Union doit démissionner des fonctions qu’il exerce au sein de la Commission. »
Article III-340 : « Le Parlement européen, saisi d’une motion de censure sur la gestion de la Commission, ne peut se prononcer sur cette motion que trois jours au moins après son dépôt et par un scrutin public. Si la motion de censure est adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité des membres qui composent le Parlement européen, les membres de la Commission doivent démissionner collectivement de leurs fonctions et le ministre des Affaires étrangères de l’Union doit démissionner des fonctions qu’il exerce au sein de la Commission. (…) »

[31] Apparemment, il n’y a pas de liste des domaines réservés à l’exécutif législateur (Montesquieu fait la toupie dans sa tombe avec des expressions pareilles), c’est-à-dire les domaines réservés d’une part grâce aux exceptions à la codécision (I-34-§2), et d’autre part grâce à l’existence même des décisions européennes (I-33 et I-35) : il faut partir à la pêche dans les 485 pages pour trouver les articles qui prévoient une procédure législative spéciale (sans le Parlement), ou bien le pouvoir de créer du droit par « décision » (sans le Parlement).

Ces domaines étant en quelque sorte une zone franche de contrôle parlementaire, on aimerait pourtant savoir simplement quelles sont les matières concernées.

Ne trouvant pas ce que je cherchais dans mes 485 pages du texte original, j’ai trouvé les explications suivantes sur http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2157 : « Les 21 domaines dont le Parlement est exclu et où le Conseil des ministres décide seul sont d’une importance décisive : le marché intérieur, l’essentiel de la Politique Agricole Commune, le Tarif Douanier Commun, la Politique Étrangère et de Sécurité Commune, la politique économique, la politique sociale, la fiscalité… ».

Interrogé sur les sources de cette affirmation, l’auteur Jean-Jacques Chavigné m’a rapidement donné les n° d’articles précis en commentant : « il ne sera jamais écrit noir sur blanc que le Parlement est exclu de la décision. Il faudra comprendre qu’il est exclu lorsqu’un article de la Constitution précisera que c’est le Conseil décide et/ou que le Parlement sera simplement consulté. (JJC) »

Opacité incroyable du texte suprême qui devrait pourtant être absolument clair, on comprend bien ici pourquoi.  JJC continue : « Voilà donc les domaines (ou les parties de domaine) les plus importants où le Conseil décide seul et où le Parlement n’est pas co-décideur : (JJC jusqu’à la fin de la note) »

Politique Étrangère et de Sécurité Commune :
Article III-295 : Alinéa 1 : « Le Conseil européen définit les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour les questions ayant des implications en matière de défense ».
Article III-300, Alinéa 1 : « Les décisions européennes visées au présent chapitre sont adoptées par le Conseil statuant à l’unanimité ».
Alinéa 2 : « Par dérogation au paragraphe 1, le Conseil statue à la majorité qualifiée ».
Le rôle du Parlement est défini à l’article III-304 : Alinéa 1 : « Le ministre des affaires étrangères de l’Union consulte et informe le Parlement européen… »
Alinéa 2 : « Le Parlement européen peut adresser des questions ou formuler des recommandations… »

Marché intérieur :
Article III-130-3 :
« Le Conseil, sur proposition de la Commission adopte les règlements ou décisions européens… »

Tarif Douanier Commun :
Article III-151-5 : « Le Conseil sur proposition de la Commission adopte les règlements ou décisions européens qui fixent les droits du tarif douanier commun ».

Concurrence :
Article III-163 : « Le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte les règlements européens pour l’application des principes fixés aux articles III-161 et III-162 [règles de concurrence]. Il statue après consultation du Parlement européen. »
Le Conseil s’occupe des « règlements », et le Parlement aura les « recommandations ».
Est-ce qu’on s’est préoccupé de la séparation et du contrôle des pouvoirs ?

Politique Agricole Commune :
Article III-231 : Alinéa 2 : « La loi ou loi-cadre européenne établit l’organisation commune des marchés… »
L’expression « Loi-cadre européenne », sans autre précision, signifie que la procédure législative ordinaire, définie à l’article III-396 s’applique. Il s’agit alors d’une co-décision du Conseil et du Parlement européen. Ce qui est un progrès par rapport aux traités précédents.

Mais :
Alinéa 3 : « Le Conseil sur proposition de la Commission adopte les règlements ou décisions européens relatifs à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives… ». Le Conseil décide donc seul, sur proposition de la Commission, des prix, des aides, des quotas

Fiscalité :
Article III-171 : « Une loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures concernant l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects, pour autant que cette harmonisation soit nécessaire pour assurer l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur et éviter des distorsions de concurrence. Le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social ».

Social :
Il faut distinguer trois niveaux :
1er niveau : domaine de co-décision :
Article III-210-1 :
a- L’amélioration du milieu de travail…
b- Les conditions de travail.
e- L’information et la consultation des travailleurs.
h- l’intégration des personnes exclues du marché du travail
i- L’égalité entre hommes et femmes.
j- La lutte contre l’exclusion sociale
k- La modernisation des systèmes de protection sociale, sans préjudice du point c.
2ème niveau : le Conseil décide seul :
Article III-210-3 : « … dans les domaines visés au paragraphe 1, point c, d, f et g, la loi ou loi-cadre européenne est adoptée par le Conseil statuant à l’unanimité, après consultation du Parlement européen… »
c- la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs.
d- La protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail.
f- La représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs y compris la cogestion, sous réserve du paragraphe 6.
g- Les conditions d’emploi des ressortissants de pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union.
3ème niveau : l’Union (que ce soit le Conseil seul ou le Parlement avec le Conseil) n’est pas compétente :
Article III-210-6 :
« Le présent article ne s’applique ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au lock-out… »
Ce qui rend impossible tout Smic européen.
Ce qui vide de son contenu l’article II-210-3-f.
Ce qui vide de son contenu l’article II-88 : le droit de grève ne pourra être imposé par l’Union à un Etat-membre qui ne le prévoirait pas ou le retirait de sa législation. Ce qui a l’avantage de ne pas, non plus, imposer le « lock out » à une législation nationale qui (telle la législation française) ne le reconnaîtrait pas. (JJC)

[32] La CJE : pierre angulaire du TCE ? La CJE joue à la fois le rôle de Cour de Cassation et de Conseil constitutionnel. En France, le CC est nommé pour partie par le Sénat, l’AN et le Psdt de la République, ce qui permet à chaque pouvoir de se retrouver un peu dans le tribunal suprême. Rien de tel en Europe : le Parlement n’intervient pas dans la nomination des juges qui dépendent directement de l’exécutif.
On lira dans le livre de Paul Alliès, professeur de droit constitutionnel et de sciences politiques à l’Université de Montpellier, « Une constitution contre la démocratie », des explications passionnantes (pages 121 et s.) sur le danger que constitue la Cour de Justice Européenne (CJE), ex CJCE :
« La CJE s’est érigée peu à peu en véritable Cour suprême de l’Union. (…)
La CJE comprend toujours un juge par État membre désigné par eux. (…) Ces juges sont donc nommés dans la plus grande discrétion, à l’opposé de ce qu’on connaît aux États-Unis où la procédure de confirmation par le Sénat donne une publicité maximale à leur sélection. (…) Ils sont privés de garantie d’inamovibilité. Leur mandat est de six ans, ce qui est très bref, d’autant plus qu’ils sont renouvelables. Ce double caractère est traditionnellement considéré comme contraire à l’indépendance des juges qui peuvent ainsi avoir le souci de ne pas déplaire à l’autorité à laquelle ils doivent leur nomination et leur carrière. On comprend aisément que les gouvernements soient attachés à ce dispositif.
Ils ont repoussé, lors de l’adoption du traité de Maastricht, une proposition du Parlement européen qui voulait porter à douze ans la durée du mandat sans réélection possible. »  (page 122) (…)

« C’est par la voie d’autres recours [que le « recours en manquement »] que la cour s’est imposée comme cour constitutionnelle. Par le « recours en annulation », elle est appelée à contrôler la conformité des actes de toutes les institutions européennes, y compris la Banque centrale, à la demande de l’une d’entre elles. Par le « recours en carence », elle peut imposer à une institution l’obligation d’appliquer un acte normatif, à la demande des organes de l’Union, des États membres et des personnes privées. Enfin et surtout, par le « recours préjudiciel » introduit par le traité de Rome, elle accueille les saisines des juridictions nationales confrontées à des contentieux concernant des particuliers et incluant des questions de droit communautaire.
Elle détient donc le monopole de l’interprétation centralisée et unifiée du droit européen en général, ainsi que de celui de son application obligatoire par toutes les composantes de l’Union, des États membres, y compris leurs juridictions nationales. » (page 123)

Paul Alliès prend ensuite l’exemple de la laïcité pour illustrer l’immense danger d’un gouvernement des juges : « L’article II-70 (…) est en contradiction absolue avec le droit français de la laïcité depuis un siècle. (…) Au terme de l’art. II-112, la CJE devra interpréter la Charte au regard des explications (…) du Praesidium de la Convention. (…) Voici donc que le socle de la laïcité dépend de la sagesse de la CJE. (…) Bref, tous les éléments sont réunis pour que (…) la Cour crée un droit spécifique en matière de sécularisation au sein de l’Union. (…) Le secret des délibérations et l’absence de publicité des « opinions dissidentes » n’incitent pas à l’optimisme. » (Page 132)

[33] La Commission peut être censurée par le Parlement, en bloc : voir note 30 ci-dessus.
Un commissaire peut aussi être « démissionné » par le président de la Commission (lui-même entériné par le Parlement) : art. 1-27, dernier § : « Un membre de la Commission présente sa démission si le président le lui demande. ».
Mais ni le Conseil des ministres, ni le Conseil européen, ne sont responsables devant personne.
Le Conseil européen nomme les membres de la Commission (art.1-27 §2), seul le Président de la Commission est « élu » par le Parlement (art. 1-27 §1) sur proposition du Conseil européen. Ce n’est pas le parlement qui choisit le Président. Le parlement n’est pas responsable non plus : personne ne peut le dissoudre.

[34] Yves Salesse, membre du Conseil d’État, « Manifeste pour une autre Europe », pages 36 et s. :

« Le pouvoir de la Commission est surestimé. En droit comme en fait, ce pouvoir est fondamentalement détenu par le Conseil des Ministres. (…) La Commission n’est pas dépourvue de pouvoir, mais elle est subordonnée au premier. Elle est composée de politiques et de fonctionnaires des États qui n’ont pas rompu avec ceux-ci. (…) Ainsi, non seulement le pouvoir de la Commission est subordonné, mais la tendance n’est pas à son renforcement. Elle est au contraire au développement de l’emprise des États.
Lorsqu’ils prétendent avoir été surpris par une décision, ils mentent.

La méconnaissance du pouvoir des États a des conséquences politiques. Elle exonère les gouvernements de leur responsabilité dans les décisions européennes. Ils sont les premiers à propager : « C’est pas nous, c’est Bruxelles
. »

[35] Voir de bonnes explications sur l’AGCS sur le site www.urfig.org (par Raoul Marc Jennar).

[36] Voir le détail de l’humiliation infligée par Pascal Lamy aux parlementaires qui voulaient consulter les documents préparatoires pour l’AGCS dans le livre passionnant de Raoul Marc Jennar, « Europe, la trahison des élites », pages 64 et s., et notamment 70 et 71.
Voir aussi un passionnant article de Jennar intitulé « Combien de temps encore Pascal Lamy ? », à propos des deux accords AGCS et ADPIC : http://politique.eu.org/archives/2004/04/11.html.

[37] Noëlle Lenoir, alors ministre française déléguée aux affaires européennes du gouvernement Raffarin, a déclaré : « il suffira de rassembler un million de signatures en Europe pour obliger la Commission à engager une procédure législative » (Le Monde, 30 octobre 2003).

[38] Droit de pétition : art. I-47, §4 : « Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la Constitution. La loi européenne arrête les dispositions relatives aux procédures et conditions requises pour la présentation d’une telle initiative citoyenne, y compris le nombre minimum d’États membres dont les citoyens qui la présentent doivent provenir. » On est vraiment à mille lieues du référendum d’initiative populaire (suisse, américain ou vénézuélien) qu’on fait miroiter aux électeurs.

[39] Pour le détail des reculs des droits fondamentaux par rapport au droit en vigueur : voir Raoul Marc Jennar, « Europe, la trahison des élites », pages 102 et s.
Voir aussi le point de vue d’Alain Lecourieux, « L’illusion des droits fondamentaux dans la Constitution européenne » : http://www.eleves.ens.fr/attac/Lecourieux-droits-fondam.pdf
Voir aussi la thèse de Anne-Marie Le Pourhiet, professeur à l’Université Rennes I : « Les valeurs et objectifs de l’Union », dans le livre « La nouvelle UE. Approches critiques de la Constitution européenne ».
Voir aussi Jacques Généreux, dans son « manuel critique du parfait européen », pages 113 et s. : aucune avancée des droits sociaux.

[40] Article II-111 : « Champ d’application [de la Charte] :
1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en oeuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les autres parties de la Constitution.
2. La présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution.

Article II-112 : Portée et interprétation des droits et des principes [de la Charte] :
1. Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.
2. Les droits reconnus par la présente Charte qui font l’objet de dispositions dans d’autres parties de la Constitution s’exercent dans les conditions et limites y définies. [Cet alinéa fait de la Charte une partie inférieure aux autres parties, et pas l’inverse]
3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.
4. Dans la mesure où la présente Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions.
5. Les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en œuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l’Union, et par des actes des États membres lorsqu’ils mettent en oeuvre le droit de l’Union, dans l’exercice de leurs compétences respectives. Leur invocation devant le juge n’est admise que pour l’interprétation et le contrôle de la légalité de tels actes. »

J’ai reçu cet après-midi un mail formidable : un espagnol nommé Rodrigo, avocat à Bruxelles, ancien professeur de droit communautaire et fervent partisan du TCE, il parle un français impeccable. Avec un respect parfait, presque déjà de l’amitié, il me dit qu’il est enthousiaste pour ce que je fais en ce moment même s’il n’est absolument pas d’accord avec moi. Puis il m’explique en long, en large et en travers pourquoi c’est excessif de dire que l’article 111-2 « stérilise » la Charte. Je lis attentivement ses explications, je les recoupe avec ce que dit Paul Alliès (c’est l’interprétation de la CJE qui fera la force ou pas de la Charte, et cette force est potentielle, mais réelle)… OK, je retire de mon texte le paragraphe « 111-2 stérilisant » et je ne garde que le recul sur le fond (plutôt moins de droits que plus) et de simples réserves sur la force de la partie. Après, on s’est parlé une heure au téléphone. C’est un exemple, très chaleureux, des échanges que suscite ce débat. On n’est pas obligés de s’empailler sur ce sujet, on survivra au oui comme au non, on peut rêver ensemble d’une autre Europe.

[41] Élection d’une Assemblée Constituante pour fonder une démocratie : chaque fois que l’ONU organise la démocratie dans un pays, elle commence toujours par programmer l’élection d’une Assemblée Constituante.
Donc, le modèle fondateur que l’ONU propose à tous les pays du monde est cette procédure-là.
Je suis donc étonné de constater que certains juristes européens acceptent de s’en affranchir.

[42] Sur ce qu’on peut reprocher à la convention « Giscard », lire l’analyse de Robert Joumard, page 13 et s., voir aussi celle de Christian Darlot. Voir aussi Paul Alliès (professeur en sciences Politiques à l’Universi­té Montpellier I), « Une Contitution contre la démocratie ? », p. 38 et s. Voir aussi le contre rapport des Conventionnels cité plus haut.

[43] Lire à ce propos la position de Pervenche Berès, membre de la convention Giscard, coauteur du texte donc, qui renie pourtant le résultat final tant il a été défiguré par les gouvernements dans l’année qui a suivi, et qui appelle finalement à « Dire « non » pour sauver l’Europe » : http://www.ouisocialiste.net/IMG/pdf/beresMonde290904.pdf.

[44] « Vérole » antidémocratique ? Le Figaro, 11 avril 2005, Alain Minc parle : « Valéry Giscard d’Estaing n’a commis qu’une seule erreur : nommer le texte du traité «Constitution». C’est précisément cette dénomination qui a empêché une ratification par la voie parlementaire. Le référendum est pareil à une «vérole» antidémocratique que la France aurait propagée dans l’ensemble de l’Europe. »
Cette phrase résonne dans ma tête depuis une semaine, elle prend son sens, comme un aveu.
Je ne veux plus que ces gens-là décident de mon sort. Je vais cesser de faire confiance aveuglément et je vais maintenant essayer de m’occuper moi-même de mes affaires.

[45] Planning des ratifications :

Pays qui ne soumettent pas le traité à leur peuple : Lituanie (11 décembre 2004), Hongrie (20 décembre 2004), Italie (25 janvier 2005), Slovénie (1er février 2005), Allemagne (12 mai 2005), Slovaquie (mai 2005), Chypre (mai 2005), Autriche (printemps 2005), Belgique (printemps 2005), Grèce (printemps 2005), Malte (juillet 2005), Suède (décembre 2005 et pourtant 58 % des suédois réclament un référendum), Estonie (2005), Finlande (fin 2005), Lettonie (?).

Pays qui ont opté pour le référendum : Espagne (20 février 2005), Pays-Bas (1er juin 2005), France (29 mai 2005), Luxembourg (10 juillet 2005), Danemark (27 septembre 2005), Portugal (octobre 2005), Pologne (fin 2005), Royaume-Uni (printemps 2006), République tchèque (juin 2006), Irlande (2006).

Trois référendums ne sont que consultatifs (Espagne, Pays-Bas et Luxembourg) et, finalement, seuls six peuples sont véritablement consultés dans ce projet:
le Portugal et l’Irlande (qui vont vraisemblablement voter Oui)
et la République Tchèque, la Pologne, la Grande Bretagne et la France (qui s’apprêtent à voter Non).

Six pays réellement consultés sur vingt-cinq…
Je trouve que ça en dit long sur ce que représente la volonté des peuples pour leurs dirigeants en Europe.

[46] RM Jennar à raison : il faut réaffirmer nos fondamentaux et rappeler ce que proclamait, le 26 juin 1793, l’article 35 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’an I : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». (« Europe, la trahison… », p. 218).

[47] Selon la célèbre formule de Lacordaire :  » Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
Chacun peut prévoir ce qu’il adviendra avec des renards libres dans un poulailler libre.
Les charmes de la liberté débridée sont une fable, une imposture.

[48] Lire les analyses du site Acrimed sur la partialité des médias sur cette affaire :
http://www.acrimed.org/article1950.html.
Lire aussi l’article de Bernard Cassen dans Le Monde diplomatique : « Débat truqué sur le traité constitutionnel » : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/02/CASSEN/11908

O O O O O

Vous pouvez m’écrire à etienne.chouard@free.fr mais je n’ai plus le temps de vous répondre comme il le faudrait, ou seulement de temps en temps. Pardon, vous êtes trop nombreux.

Vous pouvez lire des compléments et télécharger ce document à : http://etienne.chouard.free.fr/Europe
et le diffuser comme bon vous semble, mais envoyez de préférence un lien vers mon site, car un fichier fige mon texte alors que je l’améliore sans cesse grâce à vos vigilantes, bienveillantes et patientes observations.

Voir par ailleurs:

France’s ‘Yellow Vest’ protests take an antisemitic turn
Banner hung on main road calls Macron ‘whore of the Jews’; Paris synagogues shuttered for first time as spike in emigration inquiries is reported
Itamar Eichner
YNET

French Jews have become a focal point for the “Yellow Vest” protests across France, with an increase in anti-Semitism by demonstrators. In recent days, the Jewish community has reported numerous anti-Semitic videos, graffiti and actual threats appearing in central locations and on social media.
Last Saturday, the Chabad House on the Champs-Elysées Boulevard temporarily closed its doors for the first time due to safety concerns. The Chabad House issued a message saying that “for the first time, the Chabad House will not open on Shabbat morning; the police do not have the situation under control and today is a very dangerous day.”
At another synagogue in the city, emails were sent to members of the community before Shabbat, warning of the riots. “In the Eli Dray synagogue they recommended us not to conduct services in the morning,” said Tova and Yehoshua Nagler who were staying in the city for Shabbat. “The caretaker announced that anyone who nevertheless wants to go will only be able to enter until nine in the morning, and take into account that the synagogue will remain closed until evening because the gates will be closed from inside, so they asked people who come to pray to bring food along.”
‘The Jews are pulling the strings’
On Route A6, the main artery between Paris and Marseilles, a huge banner was hung on a bridge, accusing Jews of controlling French President Emmanuel Macron. The banner read: “Macron is a whore of the Jews.” Social networks have also become an arena for spreading anti-Semitic expression. Thus, for example, a message circulated by an anonymous source wearing a mask: “It was the rich Jews who brought Macron to power so that he would be their puppet and they are pulling the strings. The Jews are responsible for the lowering of taxes on the rich and for the whole financial situation.”
In another video, an activist from the “Yellow Vests” invited demonstrators to come to a Chabad Hanukkah candle lighting, saying: “The Jewish people celebrate while the French have nothing to eat.” The anti-Semitic French entertainer Dieudonné M’bala M’bala and his admirers joined the demonstrators and gave the Nazi salute.
A video circulated on the social networks of French musician Stephen Ballet, who lives in Istanbul, inciting protesters to “understand that the real enemy is the Jews.” Ballet, an esteemed musician with a racist reputation, last week uploaded a YouTube video which garnered 36,000 views before it was blocked. In the video, Ballet claims that lighting Hanukkah candles in front of the Eiffel Tower “while the French are dying of hunger” is a deliberate provocation by Jews against the French people. He also expressed regret that he could not come and “say hello” to the Jews who lit the candles.

An increase in number of French Jews wishing to emigrate

The International Fellowship of Christians and Jews, which helps Jews immigrate to Israel, noted that following the events in France there has been a surge in the number of Jews interested in immigrating to Israel. Uriel Saada, head of the France Desk at the Fellowship, said that he received dozens of requests from Jewish families interested in immigrating to Israel.
“Only last Friday I received about ten phone calls, which is very rare because usually they do not call at all on Fridays,” he said. According to Saada, since police forces in Paris are occupied with the riots and attempts to restore order, the Jews began to secure the synagogues themselves, and even warned the weekend that it would be better not to bring children to prayers.
He also noted that the trend of Jewish families planning to immigrate to Israel is increasing. “As long as the activists do not accept what they are demanding — raising the minimum wage — the situation will continue and may even escalate. I do not think that everyone will rush in and make this move, but there is no visible end to this protest.”
Rabbi Yechiel Eckstein, president of the Fellowship, said: “Anti-Semitism in France has become widespread and very blatant in recent years, and the authorities are still acting feebly against it. Due to the situation, we are prepared with the necessary resources to assist any Jew who wishes to immigrate to Israel through us and be successfully absorbed in Israel.”We are also working in France and throughout Europe to secure Jewish institutions. I hope that the European leadership will succeed in its efforts to eradicate anti-Semitism, but until then it is important that we all stand guard.”

Miss France 2019: A quand le QI comme critère d’admission ? (Is Miss America turning into the thinking woman’s debutante ball ?)

16 décembre, 2018

Miss Virginia 2019 Camille Schrier performs an experiment during the Miss America talent portion San Remo (Italie, 1949)San Remo (Italie, 1949)San Remo (Italie, 1949)Anti-Miss America demonstration (1968)graph 1 PsychGuides.comImage result for social origins of Miss America winners since 1920"Monique Lemaire (Miss France 1962)Irène Tunc (Miss France 1954)Sylvie Tellier (Miss France 2002)Iris Mittenaere (Miss France/Miss Universe 2016)Image result for Miss France 2019 costumes de super-héroïnesImage result for Miss France 2019 costumes de super-héroïnes

Vaimalama Chaves est notre nouvelle Miss France 2019, élue à Lille le 15 décembre 2018. - Purepeople

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Share of employees reported as having very good looks by occupation in Germany
Twenty-six-year-old Angela Ponce (pictured) won the Spanish qualifying competition for Miss Universe on Friday

 

 

 

Car on donnera à celui qui a; mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. Jésus (Matthieu 13: 12)
There’s certain things you’re s’posed to know When you’re a girl who grows up in the south I try to use my common sense But my foot always ends up in my mouth And if I had to walk a runway in high heels in front of the whole town I’d fall down And my mama cried When she realized I ain’t pageant material I’m always higher than my hair And it ain’t that I don’t care about world peace But I don’t see how I can fix it in a swimsuit on a stage I ain’t exactly Ms. Congenial Sometimes I talk before I think, I try to fake it but I can’t I’d rather lose for what I am than win for what I ain’t God bless the girls who smile and hug When they’re called out as a runner up on TV I wish I could, but I just can’t Wear a smile when a smile ain’t what I’m feelin’ And who’s to say I’m a 9.5 Or a 4.0 if you don’t even know me Life ain’t always roses and pantyhose. Kacey Musgraves
Il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. (…) Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. (…) Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Pierre Bourdieu
Dans le débat sur la parité (…) on risque de remplacer des hommes bourgeois par des femmes encore plus bourgeoises. Si du moins on se dispense de faire ce qu’il faudrait pour que cela change vraiment : par exemple, un travail systématique, notamment à l’école, pour doter les femmes des instruments d’accès à la parole publique, aux postes d’autorité. Sinon, on aura les mêmes dirigeants politiques, avec seulement une différence de genre. Bourdieu
Les corps auraient toutes les chances de recevoir un prix strictement proportionné à la position de leurs possesseurs dans la structure de la distribution des autres propriétés fondamentales si l’autonomie de la logique de l’hérédité biologique par rapport à la logique de l’hérédité sociale n’accordait parfois aux plus démunis sous tous les autres rapports les propriétés corporelles les plus rares, par exemple la beauté (que l’on dit parfois «fatale» parce qu’elle menace l’ordre établi) et si, à l’inverse, les accidents de la biologie ne privaient parfois les « grands » des attributs corporels de leur position comme la grande taille ou la beauté. Bourdieu
I’m not the beauty queen. I’m the brand ambassador for this organization and I’m more than just someone with a crown on my head. I kind of figured that I would never get on that stage because I was a woman who did not want to get into a swimsuit onstage. And I didn’t have a performing talent, which is really ironic now. Camille Schrier
To make it relevant for these young women, it was important for us as a scholarship and service organization to make sure that we were reflective of this generation, meaning that you no longer had to be defined by some sort of ideal. Regina Hopper (Miss America Organization)
Miss America 2020 was crowned last night, and before we hear gripes about how pageants aren’t rocket science, know that the latest winner is an actual scientist, with a platform focused on education. Camille Schrier, who entered the competition as Miss Virginia, graduated (cum laude, no less) from Virginia Tech with dual bachelor of science degrees in biochemistry and systems biology. She’s now working toward her doctorate of pharmacy (PharmD) at Virginia Commonwealth University. She pledged last night to use her title to promote drug safety and abuse prevention and STEM education. (…) And she did just that in the talent portion of the event, conducting a colorful experiment. Schrier beat out 50 other candidates (in Miss America 2.0, as some fans refer to the revamped event, the women are no longer called contestants) to have Miss America 2019 Nia Franklin place the crown atop her head—and be awarded with scholarship funds. (…) This was the second year of the newer version of the Miss America pageant without the swimsuit competition. That was a very good thing for Schrier. Onstage, she talked about battling an eating disorder and only choosing to compete after the swimsuit competition was eliminated. Glamour
I went in really representing myself as a woman of science, » she told us, « and that was received really well. I actually used dish soap in my beakers so the gas gets trapped, and that’s what forms that foam that shoots out … that’s really the show-stopping moment of my reaction. Even my competitors were eager to watch what I was going to do. It was a fun moment to hear the cheers from people in the audience. I took that as a challenge. It took a little creativity for me to find a way that I could represent the talents I have in a way that was entertaining because sometimes people have this perception that science is boring. I won almost $22,000 of scholarship money to put toward my graduate education. It’s so much more than the quote-unquote ‘beauty pageant’ that it used to be. We’ve gone away from judging women on their physical characteristics, that’s no longer anywhere in the judging criteria. We’ve removed swimsuit and we’re focused on women’s careers. I’m hoping to use this throughout the United States to get young people, especially young girls, interested in STEM and STEM careers, and hopefully be a role model for them. Also to encourage both young girls and young men to be themselves and not change who they are for any situation that they feel like they need to fit in a box. Camille Shrier
For the talent round of this year’s Miss Virginia competition, most of the young female contestants chose to dance or sing. But not biochemistry graduate Camille Schrier. Instead of strutting her stuff, the 24 year-old performed a live experiment on stage – and was crowned the winner. Now the self-confessed « quirky scientist » has told Radio 1 Newsbeat she wants to « break people’s stereotypes ». Camille has two undergraduate science degrees and is studying a doctorate in pharmacy at Virginia Commonwealth University. She says her science experiment – which showed the catalytic decomposition of hydrogen peroxide – was a « big factor » in her win on June 22. At first Camille didn’t think she had a performing talent, but her mum encouraged her to show off her science knowledge. (….) She admits there is still « controversy » over these competitions but says Miss America have « re-branded » and are more « progressive » by focusing more on women’s achievements than appearances. Camille has been taking part in competitions like this since she was a teenager and wants to spend her year as Miss Virginia « advocating for STEM education. Her goal is to use the experiment that helped her win by showing it in schools. BBC
I am more than Miss Virginia. I am Miss Biochemist, Miss Systems Biologist, Miss Future PharmD looking toward a pharmaceutical industry career. Now was the time for me to create a mind shift about the concept of talent by bringing my passion for STEM to the stage. To me, talent is not a passion alone, but also a skill which is perfected over years of learning. Camille Schrier
Instruments are enchanting and singing is sublime but sometimes, to stand out, you gotta make stuff go boom. Camille Schrier was crowned Miss Virginia 2019 at the end of June, and for the talent portion of the competition, the 24-year-old biochemist showed off what she does best: Science. Schrier demonstrated the catalytic decomposition of hydrogen peroxide, a reaction that occurs when hydrogen peroxide comes in contact with a catalyst like potassium iodide, which Schrier used in her presentation. As she mixed the chemicals, large spouts of colored foam came shooting out of the beakers onstage, delighting the audience and obviously impressing the judges. (…) After her big win, Schrier said she hopes her onstage experiment helps change the conversation around talent and what it means to be a beauty queen. (…) Schrier is a graduate of Virginia Tech and is currently a Doctor of Pharmacy student at Virginia Commonwealth University. In keeping with her passion – and talent, – Schrier’s platform issue for the competition was opioid abuse awareness and drug safety. As Miss Virginia 2019, Schrier will compete in the Miss America Pageant in September. CNN
C’est un peu comme une école. On apprend à se coiffer, à se maquiller, à toujours se tenir droite, à être polie (… j’ai hâte de montrer tout ça à mes amis, à ma famille, à ma région (…) ça servira dans la vie de tous les jours… Juliette Aquilina-Reis
En dehors de la beauté, Miss France met en scène d’autres critères de sélections qui participent à légitimer le concours. Pour preuve, l’augmentation du niveau d’études des candidates ou leur implication quasi systématique dans une association. Par certains aspects, c’est un peu un baromètre de l’évolution de la société. Devenir Miss France n’est plus seulement une histoire de conte de fées, il y a bien sûr le rêve de se retrouver sur scène avec une belle robe, mais aussi l’accès à un milieu qui peut offrir des opportunités, des relations voire du travail. (…) Entre leurs premiers pas sur les podiums des élections départementales, avant l’été, et leur entrée sur le plateau de TF1 début décembre, les Miss apprennent beaucoup. Elles serrent des mains, rencontrent des gens, se racontent aux médias (…) Même au niveau local, les retombées sont visibles. A Charenton-sur-Cher comme à Paris, le concours fait son œuvre d’ascenseur social. Camille Couvry
Comme Camille Couvry le montre, il existe une différence entre la vision des femmes impliquées – qui trouvent libérateurs leurs engagements comme Miss – et un certain discours féministe très répandu qui voient dans les concours de Miss un paradigme de l’aliénation des femmes. Ce sont des problèmes politiques qui sont aussi au cœur d’autres théorisations de l’importance sociologique du corps et de la beauté comme celle de Catherine Hakim. Au niveau des rapports de classe, la thèse nous propose une sociologie des rapports de genre dans les classes populaires et la petite bourgeoisie ; au niveau du genre elle formule son questionnement à partir de la théorie de l’empowerment à travers la beauté (avec des points communs avec celle de Catherine Hakim dans Erotic capital) et, sur les rapports de domination internationale, la thèse propose une description des formes d’autonomie et d’hétéronomie sans ignorer ni les différences de ressources entre les agents, ni les manières d’établir un espace relativement libéré des modèles hégémoniques. (…) La thèse montre comment les concours de beauté ont une longue histoire avec des signifiés politiques divers. La tradition d’élections des beautés populaires – parfois pour célébrer l’esprit républicain : J’ajoute aussi que dans les années 1950 le Parti Communiste Italien organisait des concours de beauté (voir l’ouvrage remarquable de Juan José Gómez) – qui seront peu à peu concurrencés par des concours de beautés professionnels. Cela suppose des phénomènes de standardisation (propriétés physiques et création d’un certain circuit) et d’élimination des particularités locales et des modèles non conformes à la norme. Mais il reste toujours quelque chose qui se conserve : le contrôle de la conversation de la beauté comme une ressource, un atout ‘pur’. Il doit toujours composer avec les ressources culturelles, des propriétés de représentation collective, et des règles de bienséance et de pudeur. Peu à peu, l’exhibition du corps féminin joue un rôle plus important mais sans jamais renoncer à l’incarnation de quelque chose qui va au-delà de la beauté. Le corps ne joue jamais dans des marchés où il est la valeur exclusive. Cela me semble important à l’encontre de thèses comme celle d’Eva Illouz concernant l’existence d’une sorte de marchés corporels purs (par exemple dans Pourquoi l’amour fait mal ?). (…) La thèse nous montre des formes de beauté toujours enracinées dans des territoires et des cultures mais aussi orientées par des modèles hiérarchiques. Ces modèles ont tendance à les unifier comme si une sorte d’étalon-or agissait : un processus de normalisation est mis en place et des mesures sont construites autour du rapport taille/poids (p. 84) et de certains prototypes ethniques. Bien qu’il puisse exister des corrections à intégrer aux modèles (ainsi des marques ethniques des femmes de l’Inde), ils ont besoin d’intégrer le standard dominant. Les différents cadres de beauté peuvent contrecarrer partiellement le prototype hégémonique mais sans jamais détruire sa prévalence : ainsi une Miss Zimbabwe vaudra toujours moins qu’une Miss Amérique (voir aussi l’exemple de la Thaïlande). En tout cas, il existe des voies de contestation des patrons hégémoniques : par exemple avec le concours des femmes musulmanes. Enfin, la disponibilité technique du corps – cf. les techniques de chirurgie – a ouvert une voie importante à l’incorporation des modèles dominants. Malgré cette tendance, jamais complète, la beauté se présente comme quelque chose de plus profond lié à des compétences qui seraient en rapport de contiguïté. La respectabilité peut se décliner de plusieurs façons : contrôle de la sexualité des Miss et de leur procréation (p. 104), bourses d’études pour ennoblir le concours…. (…) On ne peut pas contester que la beauté sert de mode de mobilité sociale et peut donner des pouvoirs aux femmes. On ne peut pas discuter non plus du fait que la beauté puisse libérer les femmes des univers centrés sur le mariage et l’enfermement dans la maison. Sans aucun doute, la valorisation capitaliste du corps féminin est plus libératrice que la gestion presque féodale du lignage féminin et un marché des corps plus ‘ouvert’ peut offrir plus de possibilités que la gestion patriarcale d’une famille en Inde. Mais je crois que tous les groupes dominés ont des vertus assignées. Elles sont, comme le soulignait Pierre Bourdieu, ambiguës (cela vaut pour la force prolétaire ou la beauté féminine) et peuvent glisser très vite des louanges au stigmate. En outre, les ressources avec lesquelles se jouent les possibilités des dominés limitent aussi leurs options : le temps investi pour leur corps signifie moins de temps pour la lecture, les études, la politique, autant d’activités qui pourraient donner accès à d’ autres milieux. Bien sûr l’accès à la politique peut se faire à partir de la beauté, mais pas de la même manière que si on le fait par militantisme… (…) par rapport à la possibilité d’un Capital Erotique (selon la théorisation de Catherine Hakim), les concours des Miss apparaissent comme un processus d’institutionnalisation. On pourrait utiliser l’analyse des composantes dudit capital pour voir quelles dimensions du capital corporel sont travaillées. On travaille la grace, l’élégance, mais aussi la manière de s’habiller, l’identité, le relationnel. Pour utiliser des analogies avec les états du capital culturel, on dirait qu’on travaille des dimensions incorporées du capital érotique mais aussi les produits de beauté et les vêtements (on pourrait dire, un capital érotique objectivé) avec l’objectif d’arriver à un titre (un capital érotique institutionnalisé). Ça aurait aidé à préciser les apports de la thèse grâce à un lien plus étroit entre les données empiriques, riches et détaillées et le cadre théorique. (…) la beauté joue un rôle même s’il n’est pas reconnu c’est-à-dire, qu’il s’agit d’un capital qui doit s’associer à d’autres capitaux pour pouvoir agir sans que l’individu perde sa légitimité. Il reste à analyser comment la beauté peut jouer ce rôle dans le journalisme ou les petits boulots, ce qui supposerait une étude des conditions d’exercice du métier qui mettent en valeur la beauté (ou telle dimension de la beauté). Il faudrait explorer les transformations techniques du métier de journaliste et aussi la composition des petits boulots qui permettent de faire valoir la beauté – telle qu’elle était définie par les concours mais qui peut être en discordance avec d’autres formes de bien paraître mobilisées dans le cadre du travail. Ce dernier point exigerait une analyse de la production des compétences des travailleuses et des formes de définition de ce que Marx appelait le ‘capital variable’. Une désagrégation des composantes de la beauté (au niveau du corps, du capital culturel objectivé, des composants techniques du travail) aiderait à voir en quoi la beauté peut – ou non – jouer un rôle et, dans quelles conditions. Moreno Pestana
Dès le Moyen Age, on célèbre les Reines de mai, un rite qui prépare au mariage, ou encore les rosières, élues pour leur vertu. A la fin du XIXe siècle émergent aussi les Muses du peuple qui valorisent le peuple et le travail, et des reines locales un peu partout, dans le cadre des fédérations, des unions de commerçants, des associations sportives. Durant le XXe siècle, la rosière combattante et travailleuse devient plus étroitement liée aux revendications du peuple et symbolise la lutte des classes populaires. Citons encore les reines des lavoirs, les Catherinettes, les reines des groupes folkloriques où l’on retrouve, comme chez les Miss actuelles, un attachement au territoire et aux coutumes locales. Il y a toujours une ambiguïté dans ce type de concours, l’appréciation du physique se mêle à l’appréciation de la vertu des jeunes filles. La moralité est un critère et un symbole, comme l’attestent l’engagement caritatif des Miss France et le sérieux qu’on attend d’elles : elles ne sont pas censées poser nues et c’est pour cela qu’il y a des scandales chaque fois que cela arrive. Les élections de miss privilégient une taille plus grande que la moyenne des Françaises. Au début du XXe siècle, elles apparaissent à un moment où on tente de définir de manière chiffrée des standards idéaux de beauté. L’évaluation consistait à séparer les parties du corps et à prêter une attention particulière au visage, à la taille, au cou, à la jambe, aux dents en tant que parties indépendantes les unes des autres. L’arrivée des concours coïncide aussi avec une période où le corps se dénude dans l’espace public. Aujourd’hui, il s’agit d’évaluer l’attraction globale des candidates et de prendre en compte le corps en mouvement (le tonus, la grâce, le déhanché, la démarche). (…) Le concours de Miss America aux Etats-Unis a été initié par une association d’hôteliers, des hommes, sur les plages d’Atlantic City pour attirer des touristes à la fin de la période estivale, avec une notion événementielle et marchande. Le défilé en maillot de bain est introduit, ce qui implique une prise en compte plus importante des formes du corps dans l’appréciation. En France, le concours de la plus belle femme est organisé dans les années 20 et l’appellation ‘miss’ va être reprise en 1927. De 1920 jusqu’aux années 60, les concours de miss se développent essentiellement dans les villes côtières et vont petit à petit prendre le relais des élections de reines dans les terres. Et en 1954, Geneviève de Fontenay et son mari vont faire des élections de miss une véritable entreprise nationale et médiatique avec, en 1986, la retransmission du concours à la télévision, etc. (…) Il y a aujourd’hui en effet moins d’élections de miss de villes ou de villages qu’il n’y avait d’élections de reines et de miss, toutes confondues, avant les années 70. Mais on assiste paradoxalement à une diversification des concours car le format des élections de miss est décliné pour d’autres profils de candidat(e)s : les mini-miss, les élections de mister, les miss ados ou repris par des publics qui cherchent à faire valoir un droit à la beauté en adaptant le concours à leur cause, par exemple les élections de Miss Ronde, Miss XS, Miss Black. Aucun de ces concours n’échappe vraiment à la beauté en tant que valeur : il y a négociation des critères sans remettre en cause le principe de la beauté comme catégorie de classement. Mais le format des concours est utilisé dans un but quasi politique pour faire valoir un droit à la reconnaissance (…) Il y a eu des concours pour hommes dès le début du XXe mais ce sont les concours pour femmes qui ont eu le plus de succès, donc ils ne se sont pas vraiment développés. Il existe quand même des différences, parce que ces concours ont tendance à mettre en valeur des attributs féminins ou masculins spécifiques, donc à montrer des identités de sexes distincts. On attendra plutôt des femmes la beauté, le sourire, la robe, le maquillage, une taille de 1,70 m. Pour les hommes, ce sera plutôt le corps sportif, performant, capable de repousser ses limites qui sera valorisé. Dans les deux cas, on cherche à mettre en avant un modèle de réussite, avec l’idée que les femmes comme les hommes qui sont candidats sont sérieux, ambitieux et de bonne moralité, fair-play. Camille Couvry
[Bess Myerson’s] Miss America win (….) marked a groundbreaking moment in how the country viewed Jews, especially Jewish women.(…) Her post-crown fame, though, only further begs the question: Why has there not been another Jewish Miss America since 1945? (…) There isn’t a single or straightforward way to answer this question. For starters, it may be as simple as statistics. As of 2013, Jews make up 1.8 to 2.2 percent of the adult U.S. population. As a pure numbers game, there probably wouldn’t be a Jewish Miss America more than once every 50 years. The seven-decade stretch could be a statistical fluke. (…) The movement towards the kind of racial and cultural diversity Miss America is moving towards may be a better explanation for why there hasn’t been a Jewish woman crowned recently. “Diversity comes into people’s consciousness, as a business concern, in the 2000s, and Jews aren’t ‘diversity’ by then. They are [considered] just white,” said Greenblatt. “To show diversity, you need something more ‘exotic.’” There may be another, blunter explanation for the lack of Jewish Miss Americas, namely women of the tribe may simply not be competing as much. This hypothesis is anecdote-based, as I cannot tell from name alone which Miss America contestants on record were Jewish to test this theory. However, a fairly common facet of American-Jewish culture is being reared with an emphasis on education, studies, and professionalism. Even the hot Jewish women I mentioned above did something a bit more “intellectual” than pageantry: acting. The Jewish woman who has come closest to winning Miss America most recently, Loren Galler Rabinowitz, said she “absolutely agrees” that competing in the pageant doesn’t fit with the traditional Jewish-American emphasis on education and intellectual pursuits. Rabinowitz, who was Miss Massachusetts and competed in Miss America in 2011, says her own family and community were surprised when she decided to compete (a decision, which, like Myerson’s, was fueled by a desire to fund her education). “I’m not so sure that’s changed since Bess Myerson. If you read the reactions, she was billed as ‘Beauty and Brains.’ The idea you could be smart and involved in pageants was novel then, and it’s novel now,” said Rabinowitz. “Just like the stigma Jews have faced, so have pageants with the idea that it’s just about being a pretty face.” Myerson herself appears to have bought into that stigma, offering mixed to negative views on the Miss America pageant. When asked if she would enter Miss America all over again in 1980, she stressed that she entered the competition to save money to pursue her music studies. “Having a great desire to be a concert pianist and not having the money to buy a big black Steinway piano? I sure would,” she said. In 1995, Myerson made a point not to attend the 75th anniversary of the Miss America pageant. She was emphatic when asked if she’d let her own daughter compete: “No! I’ve got the money to buy her a piano.” Like most Jewish mothers, Myerson thought her daughter could do better. The Daily beast
Porter les couleurs et le nom de l’Espagne devant l’univers est mon plus grand rêve. Mon objectif est de devenir la porte-parole d’un message d’intégration, de respect et de diversité, pas seulement pour la communauté LGBTQ, mais aussi pour le monde entier. Angela Ponce
Angela Ponce dit s’être sentie femme pour la première fois à l’âge de 3 ans, révèle le Daily Mail. Vingt-trois ans plus tard, elle s’apprête à participer à Miss Univers, un concours ouvert aux personnes transgenres depuis 2012. Le tout, près d’un mois après l’annonce faite par le concours Miss America, qui entend supprimer les passages en bikini lors de la compétition, au profit de la présentation d’un projet humanitaire. Preuve qu’un vent nouveau souffle désormais sur les concours de beauté… Le Figaro
Angela, who is 181 centimetres (5 feet, 9 inches) tall, was crowned Miss Universe Spain at the same time as the Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender (LGBT) community’s celebration of Pride Month. The beauty queen, who says she first identified as a woman at the age of three, will now represent Spain at Miss Universe 2018 at a date yet to be set… The Daily Mail
One of the more fascinating aspects of beauty pageants is that virtually everyone involved with pageants, including the contestants, deny that beauty is the driving force behind the pageant. This denial is stunning, considering that the events are called, after all, beauty pageants. Beauty is a four-letter word in the pageant business. But it wasn’t always that way. Up until the 1960’s, no one seemed to have a problem acknowledging the importance of « beauty » in beauty pageants. It was during that decade that feminists became particularly vocal in their criticism of judging beauty, especially within the context of a beauty pageant. (…) debutante balls, unlike the more egalitarian and working class ritual of beauty pageants, are more controlled and influenced by money than looks alone, though beauty is a dominant factor in both. Anthony Napoleon
Beauty pageants are an extension of the competition between women that begins at birth. All women are in competition with other women to get themselves a good husband. Alfred Patricelli (Miss World-USA)
Les statistiques, c’est comme le bikini: ça donne des idées mais ça cache l’essentiel! Aaron Levenstein (repris par Coluche)
Well, obviously it’s great outer beauty. I mean, we could say politically correct that look doesn’t matter, but the look obviously matters. Like you wouldn’t have your job if you weren’t beautiful. Donald Trump (2014)
It is a well-established view amongst economists that good-looking people have a better chance of employment and can earn more than those who are less physically attractive. A “beauty premium” is particularly apparent in jobs where there is a productivity gain associated with good looks, though this is different for women and men, and 
varies across countries. People also sort into occupations according to the relative returns to their physical characteristics; good-looking people take jobs where physical appearance is deemed important while less-attractive people steer away from them, or they are 
required to be more productive for the same wage. (…) There is substantial empirical evidence that supports the existence of employer discrimination against less-attractive or short workers. In theory, there could be two reasons why employers may choose to avoid working with less-attractive people. First, employers may believe that physically attractive employees are better workers and are more productive. This is the stereotypical view that better-looking people might be more capable at performing their tasks, and does not take into account the innate ability of workers. Second, employers may simply prefer to work with individuals who are more pleasing to look at, even though they do not have any overt prejudice regarding their abilities as workers (“taste-based discrimination”). (…) There is evidence that, in an experimental setting, more-attractive people receive additional call-backs from employers compared to people who are deemed to be less-attractive. (…) As a result, less-attractive or unattractive workers may have to accept lower wages for the same level of productivity as attractive people. Or, alternatively, they will need to be more productive for the same wage. Another explanation for why people’s looks could affect their labor market outcomes is “customer discrimination.” In some occupations, where looks are deemed to be important, physically attractive workers may be more productive than unattractive ones. These occupations might include, for example, salespeople (e.g. in cosmetics or car dealerships); actors; sales assistants; waiting staff, etc. Such occupations generally require extensive worker–customer engagement and interaction. Therefore, if customers prefer to interact with physically attractive workers this could generate advantages in terms of workers’ productivity and thus customer satisfaction. (…) Attractive salespeople generally enjoy the benefits from this type of customer “discrimination.” Purchasers interacting with an attractive salesperson are more likely to book an appointment for a demonstration and, as a result, are probably more likely to go on to purchase the product. Moreover, perceptions of attractiveness appear to induce buyers to behave more favorably toward better-looking sellers. (…) Evidence also indicates that workers appear to “sort” themselves into occupations according to their looks. Individuals who are relatively more endowed with physical beauty seem to concentrate in occupations where the payoff to appearance is high. These occupations usually require very extensive interactions with customers (such as sales assistants), where the effect of physical appearance can be quite significant. Thus, overall, attractive people tend to work in jobs where appearance is important, while less-attractive individuals prefer professions that do not demand good looks. (…) The empirical evidence suggests that good-looking women cluster in managerial and administrative types of jobs and are less likely to be found in blue-collar jobs, such as operative or skilled-craft occupations. (…) A different strand of literature has focused on the extra return to beauty on wages as a result of the fact that good looks may be related to other labor-market-enhancing skills, such as communication skills, confidence, leadership capabilities, test scores, etc. Such skills are valued in the labor market and could have an enhancing effect on physical appearance. They could also effectively increase a worker’s productivity and thus their payoff in the labor market. Research has found that cognitive and non-cognitive skills that have been acquired during secondary education also prove to be important in future labor market outcomes. These include test scores, college enrollment, social behavior, employment, occupational attainment, and wages. Different activities in secondary school contribute to the development of these skills during adolescence, via socialization or other high-school activities. For example, a child who is good looking tends to be given more time and attention by teachers and peers. This suggests that physical attractiveness at younger ages already contributes to the development of the individual’s human capital and investment in future employment. Similarly, attractive and/or tall adolescents are more likely to take part in extracurricular activities at secondary school, such as sports and general interest clubs. Participation in these activities results in a relatively higher acquisition of confidence compared to other peers and this in turn promotes higher future wages. Since good looks may be correlated with cognitive/non-cognitive skills, research estimates could be biased toward the effect of attractiveness. In order to accommodate this, some studies have included IQ scores, secondary school activities, and, if the data permits, the “big five” personality traits (openness, conscientiousness, extraversion, agreeableness, and neuroticism). In general, better-looking individuals exhibit better communication skills, have more confidence, and are more extroverted. These skills most often translate into higher wages. However, one study compared the effects of beauty and confidence measures in Germany and Luxembourg and found wages to be driven more by looks than self-esteem. More attractive young adults also exhibit a lower tendency toward criminal activity, which is again explained by higher student human capital development during high school. Physical attractiveness at the secondary school and university levels has been shown to be correlated with better individual cognitive skills, such as higher test scores and superior study performance. Good looks and capabilities—those qualities/characteristics that would allow you to perform well at your job—have also been found to be complementary at high levels of physical attractiveness, but substitutable at low levels. This means that for attractive individuals an increase in their capabilities would increase the wage premium, while for less-attractive individuals there could be negative returns to capabilities. Women and men differ in the way they make their decisions to participate in the labor market. Consequently, the effect of “attractiveness” on labor market outcomes also differs for the two groups. At the same time, an individual’s physical appearance results in different opportunities for men and women in the labor market. For example, for some occupations (such as sales assistants, waiting staff, television presenters, etc.), good-looking women will have a higher probability of obtaining a job and securing a higher wage than less-attractive women. In addition, better-looking women might be more likely to work in the first place because they are more confident that they will find a job. Since beauty is very likely to enhance their productivity at work, women will also be more inclined to take advantage of this opportunity. However, less-attractive women, given the payoff to good looks, will be more likely to avoid entering the labor market precisely because of the perceived disincentives. (…) In addition, since women may be self-selecting into the labor market according to their good looks, this may alter the distribution of good looks that we observe in the labor market. In other words, better-looking women are more likely to take jobs, while less good-looking women are more likely to stay out of the labor force. As a result, there is less beauty variation in the labor market among women and so the payoff to good looks for women will be smaller. However, the same does not hold true for men. In their case, selection based on physical appearance is smaller and they have higher labor force participation rates in general. This suggests that, in theory, they will also have larger premiums due to good looks compared 
with women. However, with the increased labor force participation of women, the gap in the effect is expected to decrease. This argument is supported by empirical studies from different countries and using different data. For example, studies in the US and Canada report that less-attractive men incur a 9% penalty in hourly earnings, while those who are deemed as having above-average attractiveness receive an earnings premium of 5%. Women, on the other hand, receive a lower beauty premium than men of around 4%, and a similar plainness penalty as men of about 5% in hourly earnings. Other research that captures information about good looks at younger ages indicates that men who are rated as “homely” at both age seven and 11 incur a large and significant pay penalty of 14.9% later in life. This pattern also applies to their female counterparts, with a lower penalty for plain looks of about 10.9%. Within occupations, effects for men are also stronger than for women. Accordingly, men receive higher premiums or penalties than women. One study shows that good-looking men receive higher salaries at the beginning of their careers and continue to earn more over time. Women’s starting salaries, however, do not exhibit a beauty effect; but better-looking women do earn more with experience than their average-looking counterparts. Examining payoffs of law school graduates from the 1970s and 1980s finds that even five years after graduation there is still a statistically significant effect of physical appearance on male, but not on female, wages. (…) There is some cross-country variation in the beauty–wage premium and penalty. Good looks lead to a wage premium in most of the countries examined. The highest beauty premiums are present in Germany and China. And the return is particularly large for women. British and Australian studies show the largest penalties for “below-average” looks . In the UK, however, individuals do not receive a wage premium for good looks, while in Australia, good-looking women also do not receive a positive wage effect for physical appearance. This similarity in the payoff of physical appearance in the two countries may be a result of similarities in their historical economic structures, as well as in their cultures. Eva Sierminska
Since the late ’80s, Miss America has been adjusting its image to maintain relevance and keep viewership. Part of that is about the culture around it. At some point people didn’t need to see scantily clad ladies on the stage anymore — they could see it on their computers. Margot Mifflin (City University of New York)
Sans mon QI, je n’aurais pas été invitée. Je n’y croyais pas quand on me l’a dit. Quand je suis rentrée chez moi et que je l’ai dit à ma mère elle n’a pas réalisé. Mais quand mon professeur l’a appelée pour expliquer les résultats on a compris que c’était une bonne chose. (…) J’ai vraiment hâte d’y être. Plus la soirée approche, plus je suis excitée et stressée. Je pense que ça va passer au moment du bal. Je vais essayer d’en profiter au maximum et de ne pas me prendre la tête. Ce qui m’effraie, c’est de me retrouver dans un univers totalement nouveau pour moi mais je vais faire ce que je peux. Lauren Marbe
C’est une tradition de la noblesse européenne qui revit depuis quelques années. Lors du Bal des Débutantes samedi, une vingtaine de jeunes filles « bien nées » d’horizons différents feront leur entrée dans l’aristocratie sous les lambris de l’Automobile club de France. Parmi elles, Lauren Marbe, une jeune Anglaise qui participera à son premier Bal. Du haut de ses 17 ans, son profil tranche avec celui des autres filles : son quotient intellectuel est plus élevé que celui d’Einstein. Avec 161 de quotient intellectuel, Lauren Marbe fait figure de surdouée. Samedi, Lauren participera à son premier Bal. Une intronisation dans le monde, selon la formule consacrée, que la jeune fille attend avec impatience. RTL
La richesse n’est pas un critère de sélection. Tout est payé par les sponsors donc peu importe la fortune de ces jeunes filles. Ce qui compte le plus, c’est de réunir des familles d’univers différents. (…) Nous choisissons essentiellement des jeunes filles bien éduquées et studieuses, qui font de bonnes études. (…) [la valse] C’est ce qui effraie le plus les filles. Certaines prennent des cours à l’avance pour apprendre à danser la valse. Nous n’organisons qu’une seule répétition de deux heures le vendredi soir, veille du bal. Ophélie Renouard
Elles ont déjà tout et pourtant elles rêvent de ce bal depuis qu’elles sont toutes petites. Inspiré d’une tradition aristocratique européenne, le Bal des débutantes de Paris, le plus renommé, donné cette année au profit de l’association Enfants d’Asie, se déroulera, samedi 30 novembre, à l’Automobile Club de France. Ce grand évènement mondain permet à vingt jeunes filles d’une douzaine de pays, triées sur le volet, de faire leur « entrée » dans le monde, comme l’exigeait le protocole dans les cours royales. Principales conditions d’éligibilité : avoir entre 16 et 22 ans, être jolie et surtout pouvoir rentrer dans les robes prêtées par les maisons de haute couture comme Dior, Chanel ou Armani. Autant dire que passé le 38, c’est fichu. Mais ces trois conditions ne suffisent pas. Si vous voulez danser la valse avec le gratin ou goûter aux petits plats du chef étoilé Christopher Hache, il vous faudra correspondre à un ou plusieurs des critères suivants. Rares sont les élues à pouvoir enfiler les Louboutin pour participer au Bal des « déb ». Tradition oblige. A l’origine, les jeunes filles issues de la noblesse du Royaume-Uni attendaient impatiemment leur dix-huitième anniversaire afin de se présenter devant la reine au bras de leur père. Si vous descendez d’une grande famille aristocratique ou, mieux, d’une famille royale, il vous sera donc plus facile de décrocher une invitation. Cette année, la Grande-Bretagne est représentée par Lady Amelia Windsor, dont le grand-père est Edward, duc de Kent et cousin germain de la reine Elizabeth II. Aux côtés de ces jeunes pousses de l’aristocratie, les filles d’acteurs et de réalisateurs sont de plus en plus souvent invitées. Samedi, Romy David, fille du producteur et acteur américain Larry David, sera de la partie. Ces dernières années, les filles de Rosanna Arquette, de Luc Besson, de Bruce Willis, de Clint Eastwood, de Sylvester Stallone ou encore d’Andie MacDowell ont pu s’illustrer à la valse, sous les ors de l’hôtel de Crillon. Mais les filles de riches industriels ou d’hommes d’affaires ne sont pas en reste. Zoe Springer, petite-fille, très tatouée, du magnat de la presse allemand Axel Springer, compte parmi les débutantes de 2013. (…) Cette année, le rôle de Cendrillon sera tenu par Lauren Marbe, dont Paris Match a fait le portrait. Cette fille d’un chauffeur de taxi londonien aura l’occasion de découvrir un monde qu’elle côtoie peu. Invitée pour son talent et non pour son patronyme, cette lycéenne britannique de 17 ans est devenue célèbre pour son QI Mensa de 161, supérieur à celui d’Einstein. Aussi riche, célèbre et « fille de » soit-elle, Paris Hilton a été recalée du Bal des débutantes. Pas assez classe pour participer. La plupart des filles ne postulent même pas pour être choisies. L’organisatrice Ophélie Renouard s’enorgueillit d’avoir acquis, au fil des ans, un réseau suffisant pour pouvoir inviter les jeunes filles « bien nées » du monde entier. Mais quelques audacieuses tentent malgré tout leur chance et se voient régulièrement refuser l’entrée. Ophélie Renouard, qui a toujours le dernier mot sur le choix des « déb », reçoit près d’une centaine de candidatures par an. (…) Cette année, c’est Kyra Kennedy, la petite-nièce du président John F. Kennedy (ici interviewée par Paris Match), qui ouvrira le bal au bras de son père. Même si une ambiance musicale plus moderne succède aux valses, vers la fin de la soirée, il vaut donc mieux avoir pris quelques cours pour ne pas se prendre les pieds dans sa robe Chanel. Pas de bal sans cavaliers, bien sûr. Les filles ont le choix d’amener le leur. « Avant, la moitié des filles venaient accompagnées. Dorénavant, elles sont paresseuses et la plupart préfèrent que je trouve moi-même leur cavalier », s’amuse Ophélie Renouard. Si vous êtes beau, riche, bien élevé et de bonne famille, vous avez une chance d’être choisi. Parmi les chevaliers servants, cette année, Anthony Ghosn, 19 ans, fils du PDG de Renault Carlos Ghosn, arrivera au bras d’une jeune Hongkongaise. Amaury de Bourbon-Parme et Pierre de L’Espée, deux jeunes aristocrates, sont eux aussi conviés. Les cavaliers qui font forte impression sont invités à revenir d’une année sur l’autre. France info
It’s a night filled with glamour and excitement and, of course, gorgeous gowns. Any girl would enjoy being dolled up and trying on fabulous gowns. When I tried on the [Dior couture] gown, I instantly knew it was the one. I love the gorgeous beadings and intricate details such as pockets on each side, which are perfect for a lip gloss and an iPhone. It also comes with a tuxedo jacket, which gives the gown an edge. Eleanor Liam
A deb needs to be well educated and well-mannered. If she needs an etiquette lesson, she won’t be on my invitation list. (…) The purpose of having the ball in Shanghai is to catch up on the international trend. Chow Wong (daughter of Beijing opera master Zhou Xinfang)
You have the ball in Paris, London, New York and now Shanghai, a city with so much history and heritage to offer. I’m proud to be Chinese … the event was memorable and out-of-the-ordinary. Soo
The introduction of international debutantes enhances the social life and experience of all participants. It also [promotes] international understanding. London Season organiser Hallam-Peel.
In this age of Facebook and other social media, these girls don’t need to be introduced to society. The event now serves as their couture and media premiere. Even if they come from privileged families, they might not have tried a couture gown or worn fabulous jewellery, and most of the time, they have not been [featured] in the media. Ophélie Renouard (founder of Parisian Le Bal)
Eleanor Lam is no stranger to high society’s glitter and glamour. Her father is entertainment tycoon Peter Lam, and her mother is actress-turned-socialite Lynn Hsieh. Lam is used to being in the spotlight but, even for her, the Parisian Le Bal des Débutantes was a once-in-a-lifetime experience. (…) Lam was among the 24 young women from around the world invited to the ball held last November at the heritage Hotel Raphael in the heart of Paris. On the night of the ball, the debs (debutantes) were dressed in lavish haute couture gowns created by top fashion houses the likes of Dior, Elie Saab and Giambattista Valli. After spending hours with a small army of make-up artists and hairstylists to perfect their looks, the debs make their entrance on the arms of their cavaliers and waltz the rest of the night away. While the original purpose of debutante balls – to introduce well-presented young women from upper-class families to society as well as to potential husbands – might have lost its cultural relevance, modern debutante balls have reinvented themselves as highly exclusive social networking events that not only appeal to eligible socialites, but also to luxury brand sponsors. The tradition has been reinvented in Paris, London and New York, and has even sparked new editions in Shanghai. In addition to the Parisian Le Bal, another prominent debutante ball in the 1960s and ’70s – The London Season – was revived by former deb Jennie Hallam-Peel in 2007. In 2011, Hallam-Peel helped Chinese socialite Vivian Chow Wong launch the Shanghai International Debutante Ball. The first edition of the Shanghai ball took place at the heritage Waldorf Astoria hotel on the Bund and has since moved to the nearby Peninsula Hotel. Luxury brands such as jeweller Chaumet and French luxury beauty brand Guerlain are among the headline sponsors for the event. (…) Le Bal, named one of the top 10 parties in the world by Forbes, was created by Renouard in 1992. It puts a modern spin on the traditional ball by bringing in French couturiers and high jewellers to dress the debs. (…) Le Bal has since grown into a party of the year, where European aristocrats mingle with heiresses of Asian and Russian billionaires, politicians and international stars. Among the debs were actor Sylvester Stallone’s daughter, Sophia Stallone; musician Phil Collins’ daughter, actress Lily Collins; Britain’s Lord Ivar Mountbatten’s daughter, Ella Mountbatten; and former Italian prime minister Silvio Berlusconi’s daughter, Barbara Berlusconi. The purpose for the debutante balls might have shifted, yet the selection of debs remain ultra-exclusive. Family background naturally comes first in the screening process. To be invited to the Le Bal, for example, Renouard says the debutante has to be very special. « Her looks, style, lineage or achievements [have to be outstanding]. (…) Family background, however, isn’t the only requirement, Renouard adds. In 2013, for example, Lauren Marbe, the then-17-year-old daughter of a British taxi driver, was invited because she has an IQ of 161 – higher than that of Albert Einstein. Lavish experience and networking aside, being part of the stellar event also helps to boost the debs’ CV – which makes the invitation to the exclusive balls a sought-after ticket for the world’s rich and famous. (…) Debutante balls have opened up to Asian socialites in recent years, addressing the booming Asian economy and the region’s ultra-high-net-worth individuals. Parisian Le Bal first included Asian debs in 2003 with the participation of Wan Baobao, granddaughter of Wan Li, former chairman of the China’s National People’s Congress, as well as Penelope Pei-Tang from China and Candy Soo from Singapore. (…) Putting Asia on the map also helps raise awareness of debutante balls. Although it takes place in China, Chow Wong says the Shanghai International Debutante Ball is an international event, hence only two to three Chinese debs are included each year. (…) Recent Asian debs include Jen Hau, daughter of Taipei’s former mayor Hau Lung-bin, and Annie Liang, a descendant of famous Chinese scholar and philosopher Liang Qichao. (…) Recent Asian debs include Jen Hau, daughter of Taipei’s former mayor Hau Lung-bin, and Annie Liang, a descendant of famous Chinese scholar and philosopher Liang Qichao. Vivian Chen
Nous ne sommes plus un concours de beauté, nous sommes une compétition. Gretchen Carlson (gagnante 1989, présidente du conseil d’administration de la Miss America Organization)
Le nouvel objectif de Miss America est de préparer de grandes femmes pour le monde, et de préparer les grandes femmes au monde. Regina Hopper (présidente de Miss America)
Aux États-Unis, le comité d’organisation de Miss America a fait paraître une annonce importante, ce mardi 5 juin. À compter de la prochaine édition de la compétition, qui doit se tenir le 9 septembre à Atlantic City, les participantes ne défileront plus devant les juges ni en maillot de bain, ni en robe de soirée. À la place, les 50 concurrentes de chaque État devront se présenter pour parler de leurs passions, de leurs engagements, de leur motivations et de leur vision du poste auquel elles aspirent de la manière qu’elles souhaitent. Autrement dit: dans des vêtements avec lesquels elles se sentent à l’aise et en sécurité, afin que leur tenue vestimentaire ne détourne pas l’attention de leurs propos. (…) En France, lors de la dernière cérémonie, plusieurs internautes s’étaient offusqués sur les réseaux sociaux et avaient dénoncé l’aspect sexiste des défilés de Miss en maillot de bain. Cette annonce pourrait-elle s’appliquer dans l’hexagone? Il semblerait que non. Contactée par Le HuffPost, Sylvie Tellier, ancienne détentrice du titre et actuelle directrice de la société Miss France, confirme que ce n’est pas à l’ordre du jour. (…) D’après les propos de Gretchen Carlson, actuelle présidente du conseil d’administration de l’organisation américaine, rien n’empêche les prétendantes au titre de défiler de la sorte. C’est à elles-seules de décider de la tenue dans laquelle elles veulent apparaître: en jean, en jupe, en robe, ou en bikini. Ça ne dépend que d’elles. Huffpost
Le concours de Miss France rassemble de nombreux téléspectateurs. C’est un programme qui fédère et plaît beaucoup aux Français. Ils sont attachés à ces éléments, aux robes de princesse, notamment. Pour reprendre les propos d’Eva Colas [Miss Corse 2017, NDLR], on peut défiler en maillot de bain et être féministe. On n’a jamais obligé une jeune femme à faire ce qu’elle ne voulait pas faire. Elles sont libres de choisir le maillot de bain ou la robe qu’elles veulent porter. Ce n’est pas une révolution. Qu’est-ce qui se passe si une concurrente a envie de défiler en maillot de bain? Sylvie Tellier
J’ai du mal à saisir le sens de ces déclarations. Si ce n’est plus un concours de beauté alors il faudrait définir ce que c’est. Une compétition d’éloquence, de talent, de chant ? Ce sont des costumes qui font partie du spectacle. Nous sommes là pour offrir du beau et transmettre le folklore de cette élection. (…) Avant le test de culture générale importait peu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La future Miss France a un rôle d’ambassadrice même si on ne fait pas de politique. (…) L’interview au micro fait souvent basculer les voix, preuve que les téléspectateurs ne sont pas uniquement dans une recherche esthétique. (…) c’est surtout le reflet de la massification scolaire. (…) Je connais bien l’élection de Miss USA, à ne pas confondre avec l’élection de Miss America qui est moins médiatisée. C’est peut-être un levier d’action pour revenir sur le devant de la scène. Sylvie Tellier (directrice de l’Organisation Miss France)
Cette élection sera un moment pour prendre la parole et sensibiliser les téléspectateurs sur les violences faites aux femmes. (…) L’élection de Miss France, c’est quand même trente jeunes femmes en direct à la télévision pendant trois heures, à une heure de grande écoute. C’est l’occasion de parler de la femme et de dénoncer les violences faites aux femmes qui sont encore beaucoup trop importantes en France aujourd’hui et dont on ne parle pas assez. (…) Miss France 2018 permet de soutenir des causes et de les faire avancer, la prise de parole des Miss au Pérou en est la preuve. Elles agissent à leur niveau pour améliorer la condition féminine. Sylvie Tellier (directrice générale de la société Miss France)
Il est dommage que la seule soirée de l’année dédiée aux femmes à la télévision, cultive l’idée de la femme objet. L’élection Miss France est un concours qui repose sur des critères de beauté réducteurs et ridicules. Il serait plus judicieux de valoriser les talents, plutôt que des stéréotypes physiques irréels. Raphaëlle Rémy-Leleu (Osez le féminisme)
Des body moulants et flashy au décolleté plongeant ont remplacé les maillots de bain deux pièces. En effet, pas de défilé en bikini cette année. À la place, les douze demi-finalistes du concours Miss France 2019 ont enfilé des tenues de super héroïnes… très sexy. Façon Wonder Woman, elles ont déambulé sur la scène du Zenith de Lille, capes couvertes de slogans féministes sur le dos. «Yes women can» (traduction : «Oui, les femmes peuvent») ou encore «Fight for your rights» («Battez-vous pour vos droits») a-t-on ainsi pu lire. Le tout sur les musiques des Spices Girls, «Wannabe», ou encore des Destiny’s Child, «Survivor». Sur scènes, les candidates ont été rejointes par Miss France 2018 Maëva Coucke, en body argenté, avec une cape simplement ornée des mots «Miss France». Paris Match
Ne pas être mariée, ne pas avoir d’enfant, ne pas avoir de tatouage, mesurer 1,70 mètres minimum et avoir moins de 26 ans font partie des règles imposées aux candidates et jugées archaïques et sexistes par les associations. L’Express
C’est en tout cas ce qui permet de rendre le concours socialement plus acceptable. (…) Il y a une injonction à affirmer son ‘je’. Il faut être capable de monter sur scène et prouver que l’on est la meilleure, que l’on est engagée. Pour le moment ce tempérament self-woman est surtout américain, dans la version française nous n’avons d’ailleurs pas de compétition de talents. (…) On veut que la question du jugement esthétique soit plus floue, mais elle ne recule pas. Elle est simplement davantage combinée à la personnalité. Camille Couvry
Je pense qu’un maillot une pièce ouvert sur les hanches et couvrant un peu plus les fessiers éviterait que les candidates deviennent des exhibitionnistes. Geneviève de Fontenay
Encore une fois, le corps des femmes est un objet, comme dans la publicité. Ce sont des corps souvent nus, et l’épreuve du maillot de bain est celle qui est la plus attendue. Éléonore Stévenin (Osez le féminisme)
Il est très curieux qu’en 2016, on éprouve encore le besoin de mettre en concurrence des femmes non pas sur des critères intellectuels ou de mérites, mais sur des critères purement physiques. Le plus problématique est que le concours Miss France, ultra médiatisé, impose des stéréotypes physiques irréels, sans compter le culte de la pureté avec des concurrentes sans petits amis. Cette mise en concurrence à une heure de grande écoute, entraîne beaucoup de souffrance pour d’autres femmes qui ne font pas 1,75m pour 50 kilos. Claire Serre-Combe (Osez le féminisme)
C’est un concours de beauté avec juste une limite de taille. Les critères ne sont pas seulement physiques. Sylvie Tellier
Ces concours se présentent comme de véritables fabriques : le corps des jeunes femmes est façonné par de nombreuses épreuves combinant des exercices de modelage et d’expression corporelle à des séances d’évaluation. L’appréciation de la beauté semble s’effectuer dans le double mouvement du corps regardé et du corps exposé, qui aboutit au classement des postulantes. Les progressives éliminations des candidates (dans les étapes régionales et nationales des compétitions) conduisent à la consécration de la lauréate qui a réussi à incarner l’idéal esthétique de la parfaite féminité. (…) La poursuite du rêve de la parfaite « gynométrie » (…) semble traverser les siècles et les continents. Ainsi, dans l’Inde traditionnelle, la danseuse doit exhiber autour de sa taille trois plis arrondis et gracieux. En France, les seins de Joséphine Bonaparte auraient donné la forme de la coupe à champagne. Si le corps sert de modèle, il est aussi mesuré : par exemple, les « bonnes » proportions des beautés nordiques, et en particulier de leurs jambes et de leur buste (2/3 et 1/3 de la hauteur totale de la femme), font fantasmer les hommes méditerranéens. De façon plus extrême, il peut être modelé pour approcher un idéal culturel et historique de vénusté. Jacques Gélis [1984] et France Borel [1992] rappellent les différentes formes de manipulations possibles et les objets utilisés (habits, postiches, chaussures, bandages, bistouris…), en conséquence, pour le transformer. Leur liste variée et complexe semble négliger les outils de mesure et de calibrage, indispensables à l’estimation des interventions esthétiques souhaitées. Le corps de la Miss est, a fortiori, soumis à la mesure, le rôle des jurys est essentiel dans cette opération, souvent préliminaire, de contrôle. Au sein d’un même concours se succèdent plusieurs instances de jugement : une fois passé les sélections régionales, les jeunes femmes doivent se montrer à des yeux de plus en plus qualifiés, choisis pour leur compétence ; en effet, la spécialisation du jury s’accroît au fil des étapes : les professionnels de la beauté et de la santé, les artistes et les spectateurs réunis décortiquent la jeune fille « sous toutes les coutures », préparant leur vote. Pour l’élection de Miss Italia, les instances de jugements sont multiples ; le jury technique a été composé, après la Seconde Guerre mondiale, par des professionnels de la santé chargés de vérifier les mensurations des concurrentes. En 1949, l’Institut d’éducation physique « Physicol » assurera, au nom de ses compétences, cette visite médicale. Un reportage photographique réalisé par Federico Patellani [Bolognesi, Calvenzi, 2002] nous montre des médecins et des infirmières qui, parés de blouses blanches, inspectent la dentition, pèsent et mesurent (poitrine, taille, hanche, cuisse, cheville). Comme le fait remarquer Paul Ginzborg [1989], l’Italie de l’après-guerre est sensible à l’image d’efficacité et de performance qui vient des États-Unis, les attitudes des experts et leurs équipements renvoient volontairement à ce modèle. La toise, le mètre, le compas sont sortis pour l’occasion. Toute la rigueur de la mesure est mobilisée pour offrir, à la Nation, une Miss aussi belle que saine. Le chiffre magique 90/60/90, indiquant les tours de poitrine, de taille et de hanches, a formalisé pendant longtemps la silhouette recherchée. Il n’est aboli qu’en 1990, à l’initiative du président du jury, étant considéré désuet et insuffisant quant à la définition de la beauté contemporaine. Depuis cette date, la commission technique est formée par des professionnels du monde de la mode et du show-business ayant, pour tout instrument de mesure, leur regard d’experts. Cependant, avant les finales de Salsomaggiore, d’autres présélections, régionales et nationales, sont effectuées dans le peloton des concurrentes : d’une manière radicale sont exclues de la compétition les jeunes trop maigres, celles qui ont un handicap défigurant ou encore celles à la morale douteuse. (…) Aujourd’hui, les instruments de mesure sont utilisés avec plus de discrétion lors des présélections. Toujours présents, ils s’enrichissent de cartes signalétiques et de photographies. Le comité de Miss France, dès le formulaire d’inscription – structuré comme une véritable fiche technique – demande à la candidate de fournir sur l’honneur une longue liste de renseignements, entre autres, sur sa constitution physique, son état de santé et sur sa conduite. Bien que les règlements des concours stipulent que les mensurations ne sont pas des critères exclusifs, parmi les membres du comité de Miss France 2002, on comptait le paléontologue Yves Coppens. (…)Autrefois, la candidate devait effectuer seule les choix de ses tenues et de ses coiffures, tout en se conformant au modèle attendu, voire imposé par le comité. Aujourd’hui, les nombreux sponsors, parfois membres du jury, prennent en charge avec les organisateurs la garde-robe, le « styling » et le maquillage des concurrentes pour lier leur marque à l’événement. L’économique est donc loin d’être absent dans les critères de choix : par exemple, les jambes peuvent être à l’honneur quand les sponsors du concours sont des fabricants de collants. Le port de maillots ou de toilettes « griffés » suscite des émotions dont les publicitaires et les industriels mesurent l’impact commercial. Parfois, les préférences esthétiques pour l’une ou l’autre des parties du corps se combinent à des intérêts politiques. Ainsi, dans l’Allemagne de l’après-guerre, il faut attendre 1957 pour assister au retour des blondes la blondeur ayant été considérée comme le stigmate de l’aryanité. (…) À la lecture des mensurations des élues entre 1920 et 1970, on remarque tout de suite la différence de taille des concurrentes américaines, sensiblement plus grande que celle des Européennes. On assiste, par ailleurs, à leur progressif amincissement, bien que, depuis les débuts du concours, la gagnante ait généralement présenté un poids inférieur à la moyenne nationale. Il faut voir dans ce diktat de la minceur l’influence d’une mode qui trouvait en Poirier et Coco Chanel ses créateurs, et dans les stars et les femmes du « beau monde », ses égéries. Dans le contexte des échanges globalisés, peut-on encore parler de stéréotypes localisés du beau et de ses critères spécifiques ? Ou doit-on plutôt convenir d’une uniformisation de la beauté mondiale, qui impliquerait une mondialisation [Assayag : 1999] des critères de mesure ? Le questionnement reste ouvert. Cependant, on peut remarquer dans le concours français l’émergence de « types exotiques » représentés par les ressortissantes des départements d’outre-mer, et dans le concours « Miss Italia nel mondo », la recherche du « type italien » à travers les jeunes femmes de la communauté vivant à l’étranger. (…) Les organisateurs utilisent l’uniforme, soulignant efficacement les caractéristiques propres à chaque corps, ce qui rend possible la comparaison. Les jeunes femmes défilent dans différentes tenues, souvent semblables, voire identiques. Habillée du simple maillot de bain, la candidate s’expose et est exposée parmi ses camarades. Elle est identifiée par un numéro qui permet de la reconnaître sans véritablement la connaître ; on évalue son corps comme on pourrait évaluer les proportions d’un bel animal. Paradoxalement, les instruments des juges sont aussi les armes de séduction de la Miss. Par exemple, le maillot de bain, apparat le plus simple de la manifestation, sert à la fois les logiques de l’évaluation et celle de la mise en spectacle de la Miss. (…) Appartenir au groupe et s’en distancier caractérise les attitudes que les candidates auront à tenir. Tout au long du concours, les différentes séquences des élections conduisent chacune à un progressif dévoilement, à la déclinaison de son identité : elles tenteront de séduire le public, se présenteront sous différentes facettes, suivant les critères d’un modèle idéal imposé ou affirmant des qualités personnelles. Oscillant entre subjectif et objectif, entre la norme et l’exception [Monjaret, Tamarozzi, à paraître], on passe du mesurable au non-mesurable. (…) À travers la danse, les défilés et tout type d’exercice physique, les concurrentes exposent leurs atouts et les membres du jury évaluent d’autres caractéristiques que la simple plastique : la grâce, l’équilibre des masses musculaires, l’élégance… Le « tout » est une autre clé de lecture et, par là même, de distinction des candidates. (…) Les règlements des concours sont, sur ce point, très différents. Celui de Miss Italia, par exemple, permet aux candidates qui n’ont pas atteint le podium de se représenter à deux ou plusieurs années d’intervalle. Plus récemment (1994), il consent l’accès aux jeunes épouses et mères. Quand la maturité n’est pas là, elle se fabrique de la même manière que les photographies de presse (…) la lauréate est d’abord attachée à l’année de son élection et le restera à vie. Elle représente une époque. Ainsi, les idéaux esthétiques fluctuent [Hubert, 2000]. (…) Selon François Dagognet, « la richesse de la mesure vient de ce qu’elle impose un esprit communautaire : non seulement les expérimentateurs pourront, grâce à elle, échanger leurs résultats et les comparer, mais l’intelligence d’une chose ne peut jaillir que de la comparaison avec ses semblables : il n’est pas de compréhension possible de la “particularité”, encore moins de la “singularité” qui étonne. Il faut, donc, apprendre à rapporter toute chose à ses proches (le rationnel entraîne le relationnel) » [… La règle de la beauté n’est pas absolue [Morin, 1987 : 61]. Elle se fait et se défait au gré des nouveaux impératifs de mode, des représentations du corps, pérennes ou émergentes, ainsi que de principes moraux. Le concours est, donc, avant tout, une mise à l’épreuve, physique et morale, de la jeune fille : le corps est l’instrument de sa métamorphose en femme, mais aussi le porteur des codes sociaux. L’identification au canon est un travail délicat pour la candidate qui doit conjointement jouer entre se conformer au modèle du beau et dévoiler juste le nécessaire de sa personne. (…) Malgré cette liberté, elle est cependant guidée dans son parcours. Les bulletins qu’elle aura à remplir ou les questions qui lui seront posées par le comité d’organisation donnent un aperçu des critères de sélection qui formalisent le canon idéal. Ainsi, dans celui du Comité Miss France (Geneviève de Fontenay, Endemol) disponible sur Internet, parmi les nombreuses rubriques ayant trait à la morphologie des jeunes femmes, l’une d’elles confirme son souci d’une recherche esthétique : « Avez-vous une imperfection physique ? Si oui, laquelle ? » (…) Tout du moins, la Miss doit être en bonne santé, ni trop grosse, ni trop maigre, ce qui sous-entend qu’elle suit un régime alimentaire équilibré où la gourmandise, quand elle est sage, est un signe de vitalité. (…) Dans certains concours comme celui de Miss World France, les conditions médicales sont clairement posées dans le règlement : « Attention, afin de lutter contre l’anorexie (maladie malheureusement à la mode), nous refusons toute candidate qui accusera un rapport poids/taille anormal, ou qui nous semblera trop maigre sur ses photos. » Une fois admise à concourir, la candidate ne doit plus être suspectée d’être malade. (…) Aujourd’hui, sans doute par réaction à ces diktats de la minceur et de la santé, se développent des concours du type Miss obèse, Miss transsexuel. Comme le corps, l’esprit est sondé. Les atouts physiques ne suffisent pas à faire une Miss, il lui faut des bagages intellectuels. Les fiches d’inscription détaillées, quand elles existent, ce qui n’est pas le cas pour Miss Italia, sont en cela significatives. Diplômes, langues étrangères, formations en cours, professions font partie des rubriques mentionnées. Les loisirs et les passions peuvent être aussi demandés. Le comité d’organisation se chargera par la suite de tester leur culture générale qui doit, précise le règlement de Miss World France, « correspondre à leur âge et à leur milieu social ». Jusqu’où va donc la mesure de l’esprit, de l’intelligence ? Le qi deviendra-t-il un critère d’admission ? Les candidates ne doivent donc pas se présenter comme des poupées écervelées, elles doivent également faire preuve de « bonne moralité », de savoir-vivre autant que de savoir-être. Ne pas avoir posé nues pour des photographies de charme ou pornographiques est l’une des conditions. La pudeur est de bon ton. La convenance se joue dans l’équilibre du montré et du caché. Esthétique et qualités morales se combinent pour définir les caractères de la beauté idéale. (…) La Miss est donc une femme intègre. Après la mise à plat de ces données identitaires, en quelque sorte mesurables, l’examen se poursuit pour départager les lauréates sans intégrer, en principe, les critères sociaux, confessionnels et raciaux. (…) La subjectivité et l’objectivité conjointes établissent les modalités de choix de la Miss, qui réussit à se singulariser dans l’uniformité. La souplesse de l’expertise peut conduire le public à s’étonner de la proposition finale, susciter les jalousies. Certains s’amusent à la remettre en question. Sur Internet, une rumeur circule à propos de la non-conformité de la taille de Miss France 2002. Geneviève de Fontenay aurait affirmé « qu’il était exclu que Miss France 2002 se fasse re-mesurer », comme le demandait une candidate évincée. (…) « Explicites ou implicites, connues ou secrètes, les normes de la beauté existent. Elles permettent aux cultures de forger leur identité dans un modèle » [Borel]. Le corps et ses normes deviennent étalons de la société. « C’est donc le corps, le seul instrument de mesure dont on ne puisse se passer, celui que les autres supposent, à la fois sensible et raisonnable, mesureur et mesuré […] » [Comte-Sponville, 1995 : 94]. Les modèles féminins changent ou se reproduisent selon les époques et les valeurs associées à la féminité [Fourmaux, 2001 ; Duret, Roussel, 2003]. (…) Les images du corps ne sont pas des entités rigides : nous construisons et reconstruisons sans cesse notre image » [Borel]. C’est ce qui faire dire à Desmond Morris [1978] que le titre de Miss Monde est dépourvu de sens, qu’il efface les données culturelles et peut contredire les stéréotypes locaux. De nos jours, dans les concours, nationaux ou internationaux, les critères qui permettent de classer les candidates visent principalement à la valorisation de canons qui véhiculés par les médias sont propices au développement des marchés mondiaux de la mode et de la beauté. La mesure des corps appartient à des logiques d’organisation sociale [Baudrillard, 1970], économique et, sans doute, politique. « Il est dans la nature de la mesure de devenir “commune mesure” […]. La commune mesure est une réalité éminemment politique. C’est ce à partir de quoi un groupe s’institue comme société, ce qui définit ses codes, ce qui les pacifie et lui fournit les instruments de sa régularisation. C’est aussi bien ce pour quoi on se bat, on se dispute, on se déchire, ce qu’il faut contrôler si l’on veut détenir le pouvoir et se rendre maître de la norme. Ainsi donc, les élections de Miss sont de bons observatoires de la formalisation des normes, en particulier de la norme d’exception qui s’élabore dans la tension entre mesurable et non-mesurable, universel et culturel, global et local. Anne Monjaret et Federica Tamarozzi
Au milieu des critères esthétiques d’un concours de beauté, il en est un que l’organisation se garde bien d’évoquer. Celui du poids. L’organisation a donc logiquement refusé de nous communiquer, pour ces mêmes raisons, ces données. Mais sur internet, la question continue d’être débattue. Des chiffres circulent sur les pages Wikipédia des anciennes miss France, sans que celles-ci n’interviennent. Des blogs listent inlassablement le poids des jeunes filles, sans que l’on sache le vrai du faux. Les miss livrent parfois un chiffre au détour d’une interview. Sur le modèle du travail du site américain PsychGuides, nous avons cherché à connaître l’évolution de l’indice de masse corporel, cette combinaison entre le poids et la taille d’une personne, des miss à travers le temps. Nos recherches ont permis de lister le poids de 16 miss. Cinq proviennent de sources de confiance. Le graphique ci-dessous est donc purement indicatif, mais il a le mérite de compiler et de mettre en forme les données circulant sur la question. Il en ressort qu’avec un IMC moyen de 18,1 depuis 1954, miss France n’est pas une Française comme les autres. Elle est même beaucoup plus mince. Pour les Françaises de 18 à 35 ans, l’Insee relevait un IMC de 22,4 en 2002, toujours très loin des miss France qui ne sont pas sorties d’un couloir allant de 18,5 à 16,4 entre 2000 et 2017. Plus globalement, en 2016, l’IMC d’une Française était de 23,1 selon les relevés de l’Organisation mondiale de la santé. Cette même organisation évalue l’IMC normal entre 18,5 et 25. Seules cinq miss se trouvent dans cette fourchette. Onze d’entre elles se situent par contre entre 16,5 et 18,5 et seraient donc en situation de maigreur selon l’OMS. Des chiffres inquiétants ? Pas forcément. « Il s’agit plutôt d’une situation de minceur, recadre Emmanuelle Couturier, diététicienne-nutritionniste à Marcq-en-Barœul. L’IMC n’est pas forcément très parlant, car il ne fait pas la différence entre masse graisseuse et masse musculaire. Il ne prend pas non plus en compte l’ossature. Par contre si elles font un régime pour entretenir cette minceur, c’est là que cela peut être compliqué. » La Voix du nord
Je l’ai vécue. On a moins de chance d’être élue car il n’y a pas d’identité régionale en Ile-de-France. Avant l’élection Miss France, aucun média ne s’est intéressé à moi. Je n’ai fait aucune interview, eu aucun soutien. Ça plombe le moral. Margaux Savarit (Miss Ile-de-France 2014 et 11e du concours Miss France)
Beaucoup de Parisiens ou de Franciliens viennent d’autres régions. Moi en tant qu’ancienne Miss Bourgogne vivant à Paris, j’avais tendance à soutenir Miss Bourgogne. Laure Mattioli (Comité Miss Ile-de-France)
La dimension affective liée à sa région d’origine peut se retrouver dans les votes. Le succès au concours Miss France des régions à forte identité locale ne colle pas aux revendications régionales, culturelles ou politiques. Camille Couvry
Le 16 décembre 2017, Maëva Coucke a été élue Miss France 2018, décrochant un troisième sacre pour le Nord-Pas-de-Calais. Si la beauté des jeunes filles originaires du Nord a séduit les téléspectateurs de l’élection à trois reprises ces quatre dernières années, aucune Miss originaire du Nord-Pas-de-Calais n’avait remporté le concours qui existe depuis 1919 avant…2015. Il y a 99 ans, la première Miss France élue, Agnès Souret, venait de Bayonne et portait l’écharpe de Miss Aquitaine. En tout, six jeunes femmes de cette région du Sud-Ouest ont été nommées plus belle femme de France, la dernière en 1995. Il s’agissait de Mélody Vilbert, native de Toulouse. L’Aquitaine a le même palmarès que l’Alsace et la Normandie. Tout en haut du palmarès des régions qui ont remporté l’élection de Miss France le plus grand nombre de fois : l’Ile-de-France. Entre 1933 (date de la première victoire) et 1997 (date de la dernière victoire), l’Ile-de-France a été couronnée 13 fois au concours, loin devant la région Rhône-Alpes qui totalise quant à elle 7 victoires. A l’autre bout du classement, on retrouve la Guyane, le Centre-Val-de-Loire, la Provence et la Corse qui ont chacune une victoire. Les moins bien loties sont les Miss originaires d’Auvergne, de Mayotte, de la Martinique, Champagne-Ardenne, du Limousin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore de Saint-Martin-Saint-Barthélemy, qui n’ont jamais eu la chance de porter l’écharpe tant convoitée de Miss France. Paris Match
Depuis 1929, les Miss Paris ou Ile-de-France ont remporté 15 fois le concours Miss France. Mais la plupart des titres ont été gagnés entre 1930 et 1950. La dernière Miss France francilienne remonte à 1997 avec l’élection de Patricia Spehar. L’an dernier Lison Di Martino avait terminé 2e dauphine de Maëva Coucke. Alors que l’Ile-de-France compte 12 millions d’habitants, pourquoi sa Miss ne profite-t-elle pas du vote du public pour gagner la couronne? L’Ile-de-France aime-t-elle sa miss ? La région est la plus peuplée de France avec 12 millions d’habitants, pourtant quand Lison Di Martino, Miss Ile-de-France 2017, est arrivée dans les cinq finalistes l’an dernier, ce n’est pas elle qui a reçu le plus de votes du public mais la Nordiste Maëva Coucke. Une région avec une identité bien plus forte que l’Ile-de-France… C’est là l’une des faiblesses de la candidature francilienne. 20 minutes
Comme chaque année depuis 1920, date de création du concours de beauté par le journaliste et écrivain belge Maurice de Waleffe, une jeune femme sera en décembre élue Miss France parmi les 30 candidates en lice. Un show présenté pour la 23e année par Jean-Pierre Foucault, accompagné de Sylvie Tellier, directrice générale de la Société Miss France depuis 2010. La cérémonie, bien qu’organisée « dans le respect de la tradition », a connu bien des changements depuis sa naissance il y a près d’un siècle. Aux prémices de l’élection, Maurice de Waleffe avait choisi le terme « La plus belle femme de France » pour désigner le concours. Les portraits des candidates de la première édition étaient publiés dans le quotidien Le Journal. Chacune était présentée sous un pseudo de nom de fleur, de pierre, d’oiseau ou de déesse, révèle Le Figaro Archives dans un article réalisé en partenariat avec l’INA. Entre 1922 et 1926, le concours de beauté n’a pas lieu. Il ne reprend qu’en 1927 sous le nom qu’on lui connaît aujourd’hui : Miss France. Roberte Cusey, Miss Jura 1926, est élue cette année-là. Les jeunes femmes en lice pour le concours Miss France représentent chacune une région de l’Hexagone. Elles étaient 45 en 2006, 33 pour l’élection de Miss France 2011. Cette année, elles seront 30. La réforme territoriale de 2016 n’a pourtant pas eu d’impact sur le nombre de candidates. « Ce nouveau découpage est une affaire politique et économique et nous sommes loin de ces considérations. Notre concours est indépendant du gouvernement », avait confié Sylvie Tellier à L’Express, rappelant que sa priorité était que tous les Français « se retrouvent dans l’élection ».  D’ailleurs, le nombre de candidates n’a jamais véritablement collé à la carte administrative de la France. Pour la directrice du comité Miss France, le but est surtout « d’avoir des identités fortes ». Raison pour laquelle certaines provinces sont absorbées pour renforcer certaines identités territoriales. Les titres de Miss Centre et de Miss Orléanais ont ainsi fusionné pour devenir Miss Centre-Val-de-Loire. Les critères depuis la création de l’élection Miss France excluent une bonne partie de la population féminine. Il faut être une femme -mais pas transsexuelle- et avoir entre 18 et 24 ans. Il faut également mesurer 1,70 mètre minimum, ne pas avoir d’enfant, ni être mariée, et posséder un casier judiciaire vierge. Les tatouages sont également interdits, l’éviction de Miss Martinique en 2017 pour cause de colibri sur l’omoplate avait d’ailleurs suscité l’incompréhension des internautes. Pour Sylvie Tellier, le concours ne repose plus uniquement sur des mensurations. « Les critères ont évolué depuis la création de l’élection pour être plus en accord avec les femmes d’aujourd’hui et correspondre au rôle qui incombe à la future reine de beauté. On porte de l’attention sur la façon de se mouvoir, l’éloquence et le parcours de la jeune femme », nous expliquait la directrice dans un article consacré à la fascination des miss.  Leur temps de parole a d’ailleurs été allongé. « Cette épreuve est parfois décisive pour les candidates », affirme Sylvie Tellier. L’esthétique des jeunes femmes se combine à la personnalité. Le comité du concours Miss America a préféré remplacer le défilé en robe du soir par un exercice d’éloquence durant lequel les jeunes femmes sont habillées de la tenue de leur choix. Pour Camille Couvry, docteure en sociologie et qui a réalisé sa thèse sur les concours de beauté, « c’est surtout une manière de rendre la question du jugement esthétique plus floue et de rendre le concours socialement acceptable ». On attend aujourd’hui de la future Miss France qu’elle soit capable d’argumenter et de s’informer sur l’actualité. « J’élabore avec mes équipes le test de culture générale. Une note en-dessous de la moyenne est pour moi éliminatoire », explique Sylvie Tellier. Une épreuve qui existait déjà aux débuts du concours mais que l’ancienne Miss France 2002 a adapté en s’appuyant sur l’actualité.  (…) Une niveau d’exigence accru en adéquation avec l’augmentation du niveau d’études des candidates. Il faut remonter jusqu’en 2000 pour trouver une Miss qui n’a pas obtenu le baccalauréat. Les diplômes seraient-ils devenus un critère de sélection non-officiel pour espérer décrocher la couronne ? Pour Sylvie Tellier, c’est surtout « le reflet de la massification scolaire ». (…) Depuis 2017, les miss bénéficient de cours de bonnes manières enseignés par Jérémy Côme, auteur de L’Art de maîtriser les codes pour se sentir bien partout en toutes circonstances (éd. Michel Lafon). La future ambassadrice doit être capable de se comporter en parfaite maîtresse de maison et se doit d’être élégante en toute circonstance. Si l’on a envie de crier au sexisme, Jérémy Côme voit plutôt son intervention comme une manière « d’enlever du stress » à la future gagnante. « Je leur donne des tuyaux pour trouver de l’assurance, pour maîtriser l’art de la conversation notamment devant des assemblées -que ce soit pour remettre un prix aux NRJ Music Awards ou pour participer à l’inauguration d’un musée en local-, pour avoir une bonne posture quand on est face à quelqu’un », explique-t-il au site Pure People. Il ajoute également qu’une Miss doit « savoir être chaleureuse, ponctuelle, soignée. Il ne faut pas parler de soi. Globalement, elles n’ont pas besoin de parler d’elles puisqu’on sait qu’elles sont Miss. » Peut-on manger ou non sa salade avec un couteau, à quelle heure arriver à un dîner, comment déguster des huîtres ou qu’apporter à un hôte à l’occasion d’un repas font également partie des conseils distillés par le spécialiste. L’épreuve du passage en bikini cristallise les accusations de sexisme des associations féministes à l’encontre du concours Miss France.  Un défilé supprimé de l’élection Miss America l’année dernière mais qui sera maintenu dans la version française du concours. « Ce sont des costumes qui font partie du spectacle. Nous sommes là pour offrir du beau et transmettre le folklore de cette élection », souligne Sylvie Tellier.  L’épreuve du bikini est récente en France : elle n’a été mise en place qu’après la démission de Geneviève de Fontenay de son titre de directrice du comité Miss France en 2010. Le défilé est d’ailleurs critiqué chaque année par la dame au chapeau qui réclame le retour du maillot une pièce. (…) Le système de vote a été modifié après le départ de Geneviève de Fontenay pour l’élection de Miss France 2010. Le jour du concours, douze miss ont déjà été désignées par le jury -présidé cette année par l’actrice de 90 ans, Line Renaud- durant la semaine précédant l’élection. Pour la sélection des cinq finalistes, se mêlent le vote du public et celui du jury, composé de six célébrités. Enfin, pour déterminer la gagnante et les dauphines, les compteurs sont remis à zéro et c’est uniquement aux téléspectateurs de voter. Lancé en 1993, l’élection de Mister France, le versant masculin, peine à se faire une place sur la scène médiatique. « C’est un spectacle qui ne prend pas. La notion de compétition autour de la beauté de l’homme n’est pas assez enracinée dans notre Histoire », explique l’anthropologue Élisabeth Azoulay, qui a dirigé l’ouvrage 100 000 ans de beauté (éd. Gallimard). Il y a des choses qui ne changent pas. L’Express
Le 15 décembre, une nouvelle jeune française sera couronnée Miss France de l’année 2019. Pour la 89e année consécutive, le concours de beauté le plus célèbre de l’hexagone élira « la plus belle femme de France » devant plusieurs millions de téléspectateurs (7 millions lors de l’édition précédente). Pourtant, l’heureuse élue reste encore très éloignée du physique de la femme française. Pour devenir Miss France, plusieurs critères très précis sont à respecter. Les candidates doivent avoir entre 18 et 24 ans, être françaises de naissance (ou naturalisées) célibataires, ni veuves ni pacsées, sans enfant. Côté physique, elles doivent mesurer au minimum 1m70, ne pas avoir eu recours à la chirurgie esthétique, ne pas avoir de tatouage visible, de piercing, perruque, faux-cils ou autre « artifice tendant à transformer son aspect naturel », comme il est inscrit dans le règlement officiel. Si la liste des recommandations s’étend sur plusieurs pages, un critère important n’est jamais mentionné : le poids minimum ou maximum des futures Miss. France 24
Le critère n’existe pas, c’est sans doute qu’il n’y a aucune justification socialement acceptable par les personnes qui organisent les concours. Cela n’empêche pas les personnes qui sont engagées dans des concours – et une partie au moins de celles qui les regardent – de considérer qu’avoir un poids ‘moyen’ (relatif à la taille minimale de 1m70) est un critère de beauté et d’élégance. (…) Les processus de sélection dans les concours ne sont pas extérieurs à la société dans laquelle ils s’insèrent. Les jurés, tout comme les candidates qui évaluent leurs chances – et peuvent parfois s’auto-éliminer – sont évidemment influencés. (…) Il y a eu dans l’histoire des élections de Miss, et plus largement de la beauté, un souci de la mesure du corps et des critères de beauté. (…) Le changement pourrait venir du bas. J’ai déjà assisté à des concours locaux qui avaient éliminé le défilé en maillot de bain lors d’une ou deux éditions. Camille Couvry (Université de Rouen)
Il y a des différences entre les régions mais il est clair qu’en envoyant des photos de soi, on donne déjà une indication de ses mensurations. Ce ne sont pas seulement les comités qui votent, mais aussi le public, à 50 – 50. Si les gens votaient pour d’autres physiques, ça changerait peut-être. Il n’y a pas de régime imposé mais une observation de comment on se nourrit, ce que l’on choisit au buffet de l’hôtel par les chaperons. Si l’on se ressert plusieurs fois, ça va être remarqué. (…) C’est l’inconscient collectif qui valide des normes de beauté. Si les gens votaient pour d’autres physiques, ça pourrait changer. Pauline Darles (Miss Ile-de-France 2011)
Les métisses sont un peu plus visibles cette année dans le concours et représentent une tendance de fond de la société française, rappelle l’autrice. C’est assez intéressant parce que ça montre la réalité de la société française qui est mélangée quoi qu’on veuille nous faire croire, issue de vagues d’immigration​ très anciennes. Un Francais sur quatre a au moins un de ses grands-parents qui n’est pas né en France. C’est révélateur du métissage progressif de la société française.  Elles viennent toutes plus ou moins de la classe moyenne, et les vagues d’immigration sont souvent dans les classes populaires. Là, le fait que la plupart de ces jeunes femmes soient de classe moyenne montre l’intégration des anciens immigrés à la société française. Ces jeunes filles sont un vrai panel de ce qu’est la société française. (…) C’est un concours lié à l’apparence. Montrer davantage de femmes noires dans ce cadre ne lutte pas contre les stéréotypes parce que ça rentre dans les stéréotypes de la femme et encore plus de la femme noire [une femme très érotisée dans l’imaginaire collectif]. Il faudrait un concours sur la personnalité, le charme, la façon de s’exprimer en public, pas que sur la beauté pour que ça lutte contre les stéréotypes. Les noirs devraient intervenir comme médecin ou ministres à la télévision, pas que dans les concours de beauté et dans le foot. Jessie Magana (autrice d’ouvrages jeunesse autour de la lutte contre les stéréotypes et le sexisme)
“Miss America 2.0.” The new version of the 97-year-old pageant, Carlson and its other organizers announced, will aim to be “empowering.” And “inclusive.” And “transparent” about its own workings. “We are no longer a pageant,” Carlson said on Good Morning America. “We are a competition.”Which means, among other things, as the Times’ and so many other headlines emphasized on Tuesday morning: no more swimsuits. (Which means, even more specifically: no more bikinis.) And also: no more mandatory evening gowns. Instead, contestants will be able to choose clothing that “makes them feel confident, expresses their personal style, and shows how they hope to advance the role of Miss America.” The Tracy Flicks will have their moment. “We want you,” Carlson told prospective pageant participants, “and we want to celebrate your accomplishments and your talents and then we want to hand you scholarships.The updates are a combination of admirable and inevitable. Miss America 2.0, after all, steps onto the American stage after a scandal that involved the publication of misogynistic emails exchanged among Sam Haskell, then the CEO of the pageant organization, and his staffers: notes that critiqued the intelligence—and the sexual behaviors—of pageant contestants. Miss America 2.0 arrives, as well, after news organizations reported on the ways the pageants of Miss America’s fellow organizations, Miss Teen USA and Miss Universe, allegedly served as hunting grounds for their former owner Donald Trump. (…) On the one hand, there is Miss America, the organization that declares, “Miss America is more than a title, it’s a movement of empowering young women everywhere to achieve their dreams” … and on the other, there is Miss America, the show that equates the fulfillment of dreams with the ability to fill out a bikini top.The pageant began as a marketing ploy—in 1921, business owners in Atlantic City, looking for ways to extend the summer season, established a September competition that sought to find “The Most Beautiful Bathing Girl in America”—and the event that was eventually dubbed the “Miss America” pageant remains true to that initial vision. The event that still takes place in late summer is an extended advertisement not for taffy shops on the boardwalk, or even for particular Beautiful Bathing Girls, but indeed for the opposite: for the Beautiful Bathing Girl, as a general idea. For feminine beauty itself—as a standard. As a structure. As a set of rigidly enforced rules. (…) What might a pageant, shed of the myth, actually look like? When Gretchen Carlson announces that Miss America 2.0 will help young women “learn leadership skills and pay for college and be able to show the world who you are as a person from the inside of your soul” … what, realistically, will that mean? Will Miss America become a speech contest? Will it become a talent show? An essay competition? A spelling bee? A platform for young women to share their visions for a better world—ted, but with better clothes? The NewYorker
Fifty years ago, the swimsuit-wearing beauties of the Miss America pageant were confronted with a spectacle on the Atlantic City boardwalk: 100 feminists throwing bras, girdles, curling irons, false eyelashes and other “instruments of female torture” into a trash can labeled “Freedom.” The protesters had planned to set the can on fire but could not get the right permits — so, alas, no bras were burned that summer day, though it is the origin of the term “bra burning.” They were condemning what even then they saw as an antiquated institution, which had mostly male judges scrutinize women’s bodies, women of color at one point not allowed to compete, corporations profiting on the event, and three in four American households watching it all happen on television. “Everybody tuned into Miss America back then — this was like the Oscars,” said the author Alix Kates Shulman, 85, one of the organizers of that 1968 protest. Fifty years later, it appears that #MeToo has done what a protest could not: eradicate one of the most derided aspects of the competition, the swimsuit. The Miss America Organization — whose chief executive resigned in December over lewd emails and whose new chairwoman, Gretchen Carlson, once sued Fox News for sexual harassment — on Tuesday announced it would scrap both the swimsuit and evening gown portion of the competition, replacing them with “a live interactive session with the judges” in which a contestant “will highlight her achievements and goals in life.” (…) The changes will take effect at the national finals, again in Atlantic City, in September. State and local competitions will follow suit after that, but they are likely to continue including swimsuits during the current season. Ms. Carlson said the decision was made in March by a unanimous vote from the organization’s leadership committee. This, of course, is Miss America’s new leadership committee, the one appointed after chief executive Sam Haskell was ousted and replaced by a woman, and a new board was reappointed. Seven of the nine board members are women. (…) Contestants take part in community service, and the organization said it awarded more than $2 million in scholarships last year. But swimsuits have for at least as long defined the pageant — and been at the heart of the debate over its place in American culture. “Speaking for myself, when I competed 20 years ago, I found the swimsuit competition oddly empowering, because once I could walk across the stage in a two-piece swimsuit and high heels I could do just about anything,” said Kate Shindle, the 1998 Miss America who is now a board member of the organization. “But I also don’t think I processed everything at the time. It’s strange — it gives strangers a kind of ownership over your body that you don’t quite anticipate.” The Miss America competition began in Atlantic City in 1921 — one year after women gained the right to vote in the United States — as a way to extend the summer tourist season beyond Labor Day. It “was, literally, about the use of women’s bodies to sell a product — or a place,” the author Jennifer Weiner recently wrote in a column in The New York Times. At the time, it was not only rare to see a woman in a swimsuit in public, it was barred — and so the event, with eight contestants, required the temporary suspension of a ban on revealing beachwear. It was all beauty pageant until 1936, when a talent portion was added. The competition was limited to never-married women ages 18 to 28, and for a time, until 1940, it was written in the guidelines that they must be “of good health and of the white race.” The organization would not have its first African-American winner until Vanessa Williams earned the 1984 crown. “The Miss America state and national process was — and maybe still is — the single largest source of scholarship money for women in the U.S., yet the crucial requirements were physical, not intellectual,” the author and feminist Gloria Steinem said in an interview on Tuesday. “If the same were true for men, people would be saying, ‘No wonder China is winning!’” “It’s not just the bathing suits, it’s physical appearance, irrelevant talents and, until very recently, being white,” Ms. Steinem added. “It’s also less about being unique than conformist.” (…) And in 1995, Miss America encouraged its viewers to call a 1-900 number to say whether swimsuits should be scrapped: two out of three said no. “We are not stupid,” Leonard Horn, then the organization’s chief executive, said in 1993. “We are very sensitive to the fact that the swimsuit competition has always been our Achilles’ heel. The swimsuit competition has been controversial since the early 1920s, but it’s been retained because the majority of the people like it.” Appearing on ABC News to announce the change on Tuesday, Ms. Carlson declared, “We are not going to judge you on your outward appearance.” But it is hard to imagine what Miss America would be without conventional beauty standards at its core. The 2017 Judges’ Manual lists the qualities and attributes required of titleholders, in this order: “beautiful, well-spoken, intelligent, talented, able to relate to young people, reflective of women her age (she should not be a 35-year-old trapped inside a 20-year-old body), charismatic, dynamic/energetic — that ‘IT’ quality that is so hard to define, mature enough to handle the job and all of its responsibilities, comfortable ‘in her own skin,’ manageable, punctual and flexible.” “The American public has an expectation that she will be beautiful and physically fit,” the manual continues. “This is the same expectation they have for all of their celebrities, from music and film to sports, and Miss America is no exception. You must look at her physical beauty as well as her physical fitness. » (…) Tuesday’s announcement was quickly added to the lengthy list of stunning changes that have reverberated through Hollywood, politics and workplaces around the world in the wake of #MeToo. It was a ripple effect, so to speak — one that expanded the conversation from sexual harassment to the larger way that women’s bodies are viewed and consumed. Still, it seemed like a small step to some. “If Miss America wants to get out of the sexism game, it should probably end Miss America,” the writer Jill Filipovic posted on Twitter. NYT
Les candidates à l’élection Miss America ne défileront pas en bikini lors de la prochaine édition du concours. Dans un communiqué publié le 5 juin, les organisateurs ont annoncé la suppression de la présentation des candidates en maillot de bain qui comptait pour 10% de la note finale. Elle est remplacée par un dialogue avec les membres du jury. Le temps pour les participantes d’évoquer les causes pour lesquelles elles souhaiteraient s’investir si elles étaient élues. Autre changement dans les règles du concours dont l’édition 2019 sera diffusé le 9 septembre prochain sur la chaîne américaine ABC, le passage des jeunes femmes en robe de soir -15% de la note finale- deviendra une présentation des candidates, habillées dans une tenue de leur choix. Gretchen Carlson, gagnante du concours Miss America en 1989 et nommée présidente du conseil d’administration de la Miss America Organization affiche clairement sa volonté de nettoyer l’élection de son image sexiste. (…) Une prise de décision qui ne trouve pas écho auprès de Sylvie Tellier. (…) Impossible pour la directrice de l’Organisation Miss France d’envisager le concours annuel sans le défilé en robe couture ou sans le passage en maillot de bain. (…) Mais peut-on encore parler de concours de beauté si la majorité des critères pour remporter l’élection tendent à s’orienter sur des qualités intellectuelles et sur la personnalité plus que sur le physique ? (…) En France aussi, les règles ont évolué. Une note inférieure à la moyenne au test de culture générale est éliminatoire. (…) Le temps de parole consacré aux Miss a été augmenté et c’est désormais le vote des téléspectateurs à 100% qui décide de la gagnante. (…) Le niveau d’études des candidates a lui aussi augmenté. Il faut remonter le temps jusqu’en 2000 pour trouver une gagnante qui n’a pas obtenu le bac. Ces dernières années, la grande majorité des jeunes femmes en lice pour remporter la couronne étaient diplômées d’un BTS, d’une licence ou d’un master. Marine Lorphelin -Miss France 2013- était étudiante en médecine, Iris Mittenaere -Miss France 2016- étudiante en cinquième année de chirurgie dentaire et plus récemment Maëva Coucke – actuelle Miss France 2018- est étudiante en licence de droit. Les diplômes sont-ils devenus un critère de sélection pour redorer le blason d’un rendez-vous qui a mauvaise presse du côté des féministes ? (…) L’appréciation physique tend à être reléguée au second plan, pour laisser place à une recherche de personnalité. (…) L’actualisation des règles du concours de Miss America est aussi une façon de s’adapter -sous-couvert de féminisme- à une évolution de la représentation des femmes dans notre société. Sylvie Tellier s’interroge sur la sincérité de l’organisation américaine à l’origine de la polémique (…) Paradoxalement, les critères de sélection pour se présenter au concours de Miss France, eux, ne bougent pas d’un iota. Il faut avoir entre 18 et 24 ans, mesurer minimum 1m70 et n’avoir jamais eu recours à la chirurgie esthétique. La personnalité et les éventuels engagements des jeunes femmes sont évidemment un plus, mais ne sont pas mentionnés dans le règlement. L’évaluation du corps des femmes demeure omniprésente dans ce type de concours, même si l’on supprime le défilé en bikini. (…) Les Miss ne sont plus soumises à la maxime « sois belle et tais toi ». L’art oratoire en France et la maîtrise d’un talent artistique aux Etats-Unis -chant, théâtre- pèsent considérablement dans la balance. Si la beauté est un avantage considérable et demeure une condition sine qua non pour accéder à ce type de concours, cela ne suffit plus. L’Express

Attention: un racisme peut en cacher un autre !

Jury entièrement féminin, présidé par Line Renaud, moitié des candidates noires, métisses ou issues de l’immigration dont la gagnante, costumes sexy de super-héroïnes, capes couvertes de slogans féministes (« Yes women can », « Fight for your rights »), musiques de girl power (Spice Girls, Destiny’s Child) …

Au lendemain d’une bientôt centenaire élection Miss France

Qui met fin non seulement à la propre malédiction de surpoids de la gagnante

Et à 20 ans de malédiction des candidates tahitiennes « éternelles dauphines du concours » …

Mais envisage déjà, six mois après Miss America et – on n’arrête pas le progrès ! – la première élection d’une Miss Espagne transgenre, la suppression de l’épreuve du maillot de bain .. –

Comment ne pas voir

Après la cantatrice, digne d’un bal de débutante, de Miss America en septembre dernier …

Et cette élection d’une titulaire – multiculturelle comme il se doit elle aussi du côté français – d’un master en management …

Face, sur fond de crise de gilets jaunes vite oubliée, à celles qui n’avaient que leur physique

La domination désormais non plus seulement physique et sociale (minceur comprise) …

Effet Matthieu oblige …

Mais proprement intellectuelle de la classe moyenne supérieure diplômée ?

Concours de beauté

L’épreuve du bikini est-elle indispensable aux Miss ?

Les organisateurs de l’élection Miss America ont décrété la fin du passage en maillot de bain des candidates.
Camille Moreau
L’Express
29/06/2018

Les candidates à l’élection Miss America ne défileront pas en bikini lors de la prochaine édition du concours. Dans un communiqué publié le 5 juin, les organisateurs ont annoncé la suppression de la présentation des candidates en maillot de bain qui comptait pour 10% de la note finale. Elle est remplacée par un dialogue avec les membres du jury. Le temps pour les participantes d’évoquer les causes pour lesquelles elles souhaiteraient s’investir si elles étaient élues.

Autre changement dans les règles du concours dont l’édition 2019 sera diffusé le 9 septembre prochain sur la chaîne américaine ABC, le passage des jeunes femmes en robe de soir -15% de la note finale- deviendra une présentation des candidates, habillées dans une tenue de leur choix.

« Nous ne sommes plus un concours de beauté »

Gretchen Carlson, gagnante du concours Miss America en 1989 et nommée présidente du conseil d’administration de la Miss America Organization affiche clairement sa volonté de nettoyer l’élection de son image sexiste. « Nous ne sommes plus un concours de beauté, nous sommes une compétition », a-t-elle déclaré dans un communiqué. Et Regina Hopper, présidente de Miss America d’ajouter : « Le nouvel objectif de Miss America est de préparer de grandes femmes pour le monde, et de préparer les grandes femmes au monde. »

Une prise de décision qui ne trouve pas écho auprès de Sylvie Tellier. « J’ai du mal à saisir le sens de ces déclarations. Si ce n’est plus un concours de beauté alors il faudrait définir ce que c’est. Une compétition d’éloquence, de talent, de chant ? » Impossible pour la directrice de l’Organisation Miss France d’envisager le concours annuel sans le défilé en robe couture ou sans le passage en maillot de bain. « Ce sont des costumes qui font partie du spectacle. Nous sommes là pour offrir du beau et transmettre le folklore de cette élection. »

Une évolution des critères de sélection

Mais peut-on encore parler de concours de beauté si la majorité des critères pour remporter l’élection tendent à s’orienter sur des qualités intellectuelles et sur la personnalité plus que sur le physique ? C’est en tout cas ce « qui permet de rendre le concours socialement plus acceptable », explique Camille Couvry, docteure en sociologie et qui a réalisé sa thèse sur les concours de beauté.

En France aussi, les règles ont évolué. Une note inférieure à la moyenne au test de culture générale est éliminatoire. « Avant le test de culture générale importait peu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La future Miss France a un rôle d’ambassadrice même si on ne fait pas de politique », souligne Sylvie Tellier. Le temps de parole consacré aux Miss a été augmenté et c’est désormais le vote des téléspectateurs à 100% qui décide de la gagnante. « L’interview au micro fait souvent basculer les voix, preuve que les téléspectateurs ne sont pas uniquement dans une recherche esthétique », ajoute la directrice du comité Miss France.

Le niveau d’études des candidates a lui aussi augmenté. Il faut remonter le temps jusqu’en 2000 pour trouver une gagnante qui n’a pas obtenu le bac. Ces dernières années, la grande majorité des jeunes femmes en lice pour remporter la couronne étaient diplômées d’un BTS, d’une licence ou d’un master. Marine Lorphelin -Miss France 2013- était étudiante en médecine, Iris Mittenaere -Miss France 2016- étudiante en cinquième année de chirurgie dentaire et plus récemment Maëva Coucke – actuelle Miss France 2018- est étudiante en licence de droit. Les diplômes sont-ils devenus un critère de sélection pour redorer le blason d’un rendez-vous qui a mauvaise presse du côté des féministes ? Pour Sylvie Tellier, « c’est surtout le reflet de la massification scolaire ».

Laisser plus de place à la personnalité

L’appréciation physique tend à être reléguée au second plan, pour laisser place à une recherche de personnalité. « Il y a une injonction à affirmer son ‘je’. Il faut être capable de monter sur scène et prouver que l’on est la meilleure, que l’on est engagée. Pour le moment ce tempérament self-woman est surtout américain, dans la version française nous n’avons d’ailleurs pas de compétition de talents », note Camille Couvry.

L’actualisation des règles du concours de Miss America est aussi une façon de s’adapter -sous-couvert de féminisme- à une évolution de la représentation des femmes dans notre société. Sylvie Tellier s’interroge sur la sincérité de l’organisation américaine à l’origine de la polémique : « Je connais bien l’élection de Miss USA, à ne pas confondre avec l’élection de Miss America qui est moins médiatisée. C’est peut-être un levier d’action pour revenir sur le devant de la scène. »

La question esthétique, toujours bien présente

Paradoxalement, les critères de sélection pour se présenter au concours de Miss France, eux, ne bougent pas d’un iota. Il faut avoir entre 18 et 24 ans, mesurer minimum 1m70 et n’avoir jamais eu recours à la chirurgie esthétique. La personnalité et les éventuels engagements des jeunes femmes sont évidemment un plus, mais ne sont pas mentionnés dans le règlement.

L’évaluation du corps des femmes demeure omniprésente dans ce type de concours, même si l’on supprime le défilé en bikini. « On veut que la question du jugement esthétique soit plus floue, mais elle ne recule pas, estime Camille Couvry. Elle est simplement davantage combinée à la personnalité. » Les Miss ne sont plus soumises à la maxime « sois belle et tais toi ». L’art oratoire en France et la maîtrise d’un talent artistique aux Etats-Unis -chant, théâtre- pèsent considérablement dans la balance. Si la beauté est un avantage considérable et demeure une condition sine qua non pour accéder à ce type de concours, cela ne suffit plus.

Voir aussi:

Pour Miss France, Sylvie Tellier ne compte pas suivre l’exemple de Miss America sur les défilés en maillot de bain

À compter de la prochaine édition, les participantes américaines ne défileront plus devant les juges ni en maillot de bain, ni en robe de soirée
Valentin Etancelin
Huffpost
05.06.2018
MISS – Aux États-Unis, le comité d’organisation de Miss America a fait paraître une annonce importante, ce mardi 5 juin. À compter de la prochaine édition de la compétition, qui doit se tenir le 9 septembre à Atlantic City, les participantes ne défileront plus devant les juges ni en maillot de bain, ni en robe de soirée.

À la place, les 50 concurrentes de chaque État devront se présenter pour parler de leurs passions, de leurs engagements, de leur motivations et de leur vision du poste auquel elles aspirent de la manière qu’elles souhaitent. Autrement dit: dans des vêtements avec lesquels elles se sentent à l’aise et en sécurité, afin que leur tenue vestimentaire ne détourne pas l’attention de leurs propos.

En France, lors de la dernière cérémonie, plusieurs internautes s’étaient offusqués sur les réseaux sociaux et avaient dénoncé l’aspect sexiste des défilés de Miss en maillot de bain. Cette annonce pourrait-elle s’appliquer dans l’hexagone? Il semblerait que non. Contactée par Le HuffPost, Sylvie Tellier, ancienne détentrice du titre et actuelle directrice de la société Miss France, confirme que ce n’est pas à l’ordre du jour.

« Le concours de Miss France rassemble de nombreux téléspectateurs, explique cette dernière. C’est un programme qui fédère et plaît beaucoup aux Français. Ils sont attachés à ces éléments, aux robes de princesse, notamment. »

« Défiler en maillot de bain et être féministe »

Au sujet des bikinis, pour elle, la question ne se pose même pas. « Pour reprendre les propos d’Eva Colas [Miss Corse 2017, NDLR], on peut défiler en maillot de bain et être féministe », considère Sylvie Tellier. Elle ajoute: « On n’a jamais obligé une jeune femme à faire ce qu’elle ne voulait pas faire. Elles sont libres de choisir le maillot de bain ou la robe qu’elles veulent porter. »

La responsable du concours émet quelques réserves à la suite de l’annonce du comité de Miss America. « Ce n’est pas une révolution, affirme-t-elle. Qu’est-ce qu’il se passe si une concurrente a envie de défiler en maillot de bain? »

D’après les propos de Gretchen Carlson, actuelle présidente du conseil d’administration de l’organisation américaine, rien n’empêche les prétendantes au titre de défiler de la sorte. C’est à elles-seules de décider de la tenue dans laquelle elles veulent apparaître: en jean, en jupe, en robe, ou en bikini. Ça ne dépend que d’elles.

Voir également:

Miss France 2019 : douze super-héroïnes sexyParis Match

Cette année, pas de défilé en bikini. À la place, les douze finalistes ont enfilé des tenues de super-héroïnes… très sexy.

Des body moulants et flashy au décolleté plongeant ont remplacé les maillots de bain deux pièces. En effet, pas de défilé en bikini cette année. À la place, les douze demi-finalistes du concours Miss France 2019 ont enfilé des tenues de super héroïnes… très sexy. Façon Wonder Woman, elles ont déambulé sur la scène du Zenith de Lille, capes couvertes de slogans féministes sur le dos. «Yes women can» (traduction : «Oui, les femmes peuvent») ou encore «Fight for your rights» («Battez-vous pour vos droits») a-t-on ainsi pu lire. Le tout sur les musiques des Spices Girls, «Wannabe», ou encore des Destiny’s Child, «Survivor».

Sur scènes, les candidates ont été rejointes par Miss France 2018 Maëva Coucke, en body argenté, avec une cape simplement ornée des mots «Miss France». Après un an de règne, la Miss Nord-Pas-de-Calais 2017 posera la couronne sur la tête de celle qui lui succèdera. «J’aurais aimé rester Miss France encore un peu», nous a confié Maëva Coucke, à quelques heures du début de la cérémonie.

Parmi les trente candidates régionales, seules douze ont été sélectionnées en demi-finale et pourront faire partie des cinq finalistes. Voici la liste des demi-finalistes :
– Miss Guadeloupe, Ophély Mezino ;
– Miss Provence, Wynona Gueraïni ;
– Miss Nord-Pas-de-Calais, Annabelle Varane ;
– Miss Limousin : Aude Destour ;
– Miss Ile de France : Alice Querette ;
– Miss Franche Compté : Lauralyne Demesmay ;
– Miss Tahiti : Vaiamala Chaves ;
– Miss Lorraine : Emma Virtz ;
– Miss Aquitaine : Carla Bonesso ;
– Miss Réunion : Morgane Soucramanien ;
– Miss Côte d’Azur : Caroline Perengo ;
– Miss Languedoc : Lola Brengues.

Bal des Débutantes : « Sans mon QI, je n’aurais pas été invitée », dit une participante

INVITÉE RTL – Lauren Marbe, une jeune Anglaise dotée d’un quotient intellectuel de 161 participe ce samedi à son premier Bal des Débutantes.

C’est une tradition de la noblesse européenne qui revit depuis quelques années. Lors du Bal des Débutantes samedi, une vingtaine de jeunes filles « bien nées » d’horizons différents feront leur entrée dans l’aristocratie sous les lambris de l’Automobile club de France. Parmi elles, Lauren Marbe, une jeune Anglaise qui participera à son premier Bal. Du haut de ses 17 ans, son profil tranche avec celui des autres filles : son quotient intellectuel est plus élevé que celui d’Einstein.

Un QI de surdouée

Avec 161 de quotient intellectuel, Lauren Marbe fait figure de surdouée. « Sans mon QI, je n’aurais pas été invitée », assure la jeune fille au micro de RTL. Lauren a pris conscience de ses prédispositions après avoir passé le test de Mensa, un club international regroupant des personnes obtenant des scores parmi les 2% les plus élevés aux tests d’intelligence.

« Je n’y croyais pas quand on me l’a dit. Quand je suis rentrée chez moi et que je l’ai dit à ma mère elle n’a pas réalisé. Mais quand mon professeur l’a appelée pour expliquer les résultats on a compris que c’était une bonne chose », explique-t-elle.

Entre stress et excitation

Si sa vie « n’est plus du tout la même » depuis, la jeune Anglaise ne se sens pas différente des filles de son âge pour autant. « Je pense que je suis toujours la même personne. Je ne passe pas mon temps à le crier sous tous les toits. Je n’ai pas envie de passer pour celle qui a la grosse tête », confie-t-elle.

Samedi, Lauren participera à son premier Bal. Une intronisation dans le monde, selon la formule consacrée, que la jeune fille attend avec impatience. « J’ai vraiment hâte d’y être. Plus la soirée approche, plus je suis excitée et stressée. Je pense que ça va passer au moment du bal. Je vais essayer d’en profiter au maximum et de ne pas me prendre la tête. Ce qui m’effraie, c’est de me retrouver dans un univers totalement nouveau pour moi mais je vais faire ce que je peux« , lâche-t-elle.

Voir de même:

Le traditionnel Bal des débutantes réunira, samedi, vingt jeunes filles triées sur le volet ainsi que leurs familles au très prestigieux Automobile Club de France, place de la Concorde, à Paris.

Elles ont déjà tout et pourtant elles rêvent de ce bal depuis qu’elles sont toutes petites. Inspiré d’une tradition aristocratique européenne, le Bal des débutantes de Paris, le plus renommé, donné cette année au profit de l’association Enfants d’Asie, se déroulera, samedi 30 novembre, à l’Automobile Club de France. Ce grand évènement mondain permet à vingt jeunes filles d’une douzaine de pays, triées sur le volet, de faire leur « entrée » dans le monde, comme l’exigeait le protocole dans les cours royales.

Principales conditions d’éligibilité : avoir entre 16 et 22 ans, être jolie et surtout pouvoir rentrer dans les robes prêtées par les maisons de haute couture comme Dior, Chanel ou Armani. Autant dire que passé le 38, c’est fichu. Mais ces trois conditions ne suffisent pas. Si vous voulez danser la valse avec le gratin ou goûter aux petits plats du chef étoilé Christopher Hache, il vous faudra correspondre à un ou plusieurs des critères suivants.

Descendre d’une grande famille aristocratique

Rares sont les élues à pouvoir enfiler les Louboutin pour participer au Bal des « déb ». Tradition oblige. A l’origine, les jeunes filles issues de la noblesse du Royaume-Uni attendaient impatiemment leur dix-huitième anniversaire afin de se présenter devant la reine au bras de leur père.

Si vous descendez d’une grande famille aristocratique ou, mieux, d’une famille royale, il vous sera donc plus facile de décrocher une invitation. Cette année, la Grande-Bretagne est représentée par Lady Amelia Windsor, dont le grand-père est Edward, duc de Kent et cousin germain de la reine Elizabeth II.

Etre fille d’acteur, d’industriel ou de magnat de la presse

Aux côtés de ces jeunes pousses de l’aristocratie, les filles d’acteurs et de réalisateurs sont de plus en plus souvent invitées. Samedi, Romy David, fille du producteur et acteur américain Larry David, sera de la partie. Ces dernières années, les filles de Rosanna Arquette, de Luc Besson, de Bruce Willis, de Clint Eastwood, de Sylvester Stallone ou encore d’Andie MacDowell ont pu s’illustrer à la valse, sous les ors de l’hôtel de Crillon.

Mais les filles de riches industriels ou d’hommes d’affaires ne sont pas en reste. Zoe Springer, petite-fille, très tatouée, du magnat de la presse allemand Axel Springer, compte parmi les débutantes de 2013.

Etre intelligente ou connue pour soi-même

Ophélie Renouard, qui a créé en 1992 la version contemporaine de ce bal, tombé dans les oubliettes après 1968, l’assure à francetv info : « La richesse n’est pas un critère de sélection. Tout est payé par les sponsors donc peu importe la fortune de ces jeunes filles. Ce qui compte le plus, c’est de réunir des familles d’univers différents. »

Cette année, le rôle de Cendrillon sera tenu par Lauren Marbe, dont Paris Match a fait le portrait. Cette fille d’un chauffeur de taxi londonien aura l’occasion de découvrir un monde qu’elle côtoie peu. Invitée pour son talent et non pour son patronyme, cette lycéenne britannique de 17 ans est devenue célèbre pour son QI Mensa de 161, supérieur à celui d’Einstein.

Savoir se tenir en société et ne pas avoir fait de sex-tape

Aussi riche, célèbre et « fille de » soit-elle, Paris Hilton a été recalée du Bal des débutantes. Pas assez classe pour participer. La plupart des filles ne postulent même pas pour être choisies. L’organisatrice Ophélie Renouard s’enorgueillit d’avoir acquis, au fil des ans, un réseau suffisant pour pouvoir inviter les jeunes filles « bien nées » du monde entier. Mais quelques audacieuses tentent malgré tout leur chance et se voient régulièrement refuser l’entrée.

Ophélie Renouard, qui a toujours le dernier mot sur le choix des « déb », reçoit près d’une centaine de candidatures par an. Parfois complètement farfelues, « comme cette fille qui postule en arguant : ‘j’ai 30 ans mais je ne les fais pas' », raconte-t-elle. « Nous choisissons essentiellement des jeunes filles bien éduquées et studieuses, qui font de bonnes études. »

Savoir danser la valse

Que serait un bal sans valse ? « C’est ce qui effraie le plus les filles. Certaines prennent des cours à l’avance pour apprendre à danser la valse. Nous n’organisons qu’une seule répétition de deux heures le vendredi soir, veille du bal », explique Ophélie Renouard.

Cette année, c’est Kyra Kennedy, la petite-nièce du président John F. Kennedy (ici interviewée par Paris Match), qui ouvrira le bal au bras de son père. Même si une ambiance musicale plus moderne succède aux valses, vers la fin de la soirée, il vaut donc mieux avoir pris quelques cours pour ne pas se prendre les pieds dans sa robe Chanel.

Etre l’un des cavaliers

Pas de bal sans cavaliers, bien sûr. Les filles ont le choix d’amener le leur. « Avant, la moitié des filles venaient accompagnées. Dorénavant, elles sont paresseuses et la plupart préfèrent que je trouve moi-même leur cavalier », s’amuse Ophélie Renouard. Si vous êtes beau, riche, bien élevé et de bonne famille, vous avez une chance d’être choisi.

Parmi les chevaliers servants, cette année, Anthony Ghosn, 19 ans, fils du PDG de Renault Carlos Ghosn, arrivera au bras d’une jeune Hongkongaise. Amaury de Bourbon-Parme et Pierre de L’Espée, deux jeunes aristocrates, sont eux aussi conviés. Les cavaliers qui font forte impression sont invités à revenir d’une année sur l’autre.

Voir de plus:

Debutante balls reinvent themselves as highly exclusive social networking events

The tradition has been reinvented in Paris, London and New York, and has even sparked new editions in Shanghai

Vivian Chen

Eleanor Lam is no stranger to high society’s glitter and glamour. Her father is entertainment tycoon Peter Lam, and her mother is actress-turned-socialite Lynn Hsieh. Lam is used to being in the spotlight but, even for her, the Parisian Le Bal des Débutantes was a once-in-a-lifetime experience. « It’s a night filled with glamour and excitement and, of course, gorgeous gowns, » she says. « Any girl would enjoy being dolled up and trying on fabulous gowns. »

Lam was among the 24 young women from around the world invited to the ball held last November at the heritage Hotel Raphael in the heart of Paris.

On the night of the ball, the debs (debutantes) were dressed in lavish haute couture gowns created by top fashion houses the likes of Dior, Elie Saab and Giambattista Valli. After spending hours with a small army of make-up artists and hairstylists to perfect their looks, the debs make their entrance on the arms of their cavaliers and waltz the rest of the night away.

While the original purpose of debutante balls – to introduce well-presented young women from upper-class families to society as well as to potential husbands – might have lost its cultural relevance, modern debutante balls have reinvented themselves as highly exclusive social networking events that not only appeal to eligible socialites, but also to luxury brand sponsors.

The tradition has been reinvented in Paris, London and New York, and has even sparked new editions in Shanghai. In addition to the Parisian Le Bal, another prominent debutante ball in the 1960s and ’70s – The London Season – was revived by former deb Jennie Hallam-Peel in 2007.

In 2011, Hallam-Peel helped Chinese socialite Vivian Chow Wong launch the Shanghai International Debutante Ball. The first edition of the Shanghai ball took place at the heritage Waldorf Astoria hotel on the Bund and has since moved to the nearby Peninsula Hotel. Luxury brands such as jeweller Chaumet and French luxury beauty brand Guerlain are among the headline sponsors for the event.

« The introduction of international debutantes enhances the social life and experience of all participants. It also [promotes] international understanding, » says London Season organiser Hallam-Peel.

Ophélie Renouard, founder of Parisian Le Bal, agrees. « In this age of Facebook and other social media, these girls don’t need to be introduced to society. The event now serves as their couture and media premiere. Even if they come from privileged families, they might not have tried a couture gown or worn fabulous jewellery, and most of the time, they have not been [featured] in the media. » Le Bal, named one of the top 10 parties in the world by Forbes, was created by Renouard in 1992. It puts a modern spin on the traditional ball by bringing in French couturiers and high jewellers to dress the debs.

Lam was fitted with a Dior couture gown which made her feel like a modern-day princess. « When I tried on the gown, I instantly knew it was the one, » she says.

« I love the gorgeous beadings and intricate details such as pockets on each side, which are perfect for a lip gloss and an iPhone. It also comes with a tuxedo jacket, which gives the gown an edge. »

Le Bal has since grown into a party of the year, where European aristocrats mingle with heiresses of Asian and Russian billionaires, politicians and international stars. Among the debs were actor Sylvester Stallone’s daughter, Sophia Stallone; musician Phil Collins’ daughter, actress Lily Collins; Britain’s Lord Ivar Mountbatten’s daughter, Ella Mountbatten; and former Italian prime minister Silvio Berlusconi’s daughter, Barbara Berlusconi.

The purpose for the debutante balls might have shifted, yet the selection of debs remain ultra-exclusive. Family background naturally comes first in the screening process. To be invited to the Le Bal, for example, Renouard says the debutante has to be very special. « Her looks, style, lineage or achievements [have to be outstanding]. »

Chow Wong agrees. « A deb needs to be well educated and well-mannered. If she needs an etiquette lesson, she won’t be on my invitation list. »

Family background, however, isn’t the only requirement, Renouard adds. In 2013, for example, Lauren Marbe, the then-17-year-old daughter of a British taxi driver, was invited because she has an IQ of 161 – higher than that of Albert Einstein.

Lavish experience and networking aside, being part of the stellar event also helps to boost the debs’ CV – which makes the invitation to the exclusive balls a sought-after ticket for the world’s rich and famous.

« When I see the number of requests that Le Bal gets every week of the year, I have to admit that the event is a true fantasy for the debs and cavaliers, » Renouard says.

Debutante balls have opened up to Asian socialites in recent years, addressing the booming Asian economy and the region’s ultra-high-net-worth individuals. Parisian Le Bal first included Asian debs in 2003 with the participation of Wan Baobao, granddaughter of Wan Li, former chairman of the China’s National People’s Congress, as well as Penelope Pei-Tang from China and Candy Soo from Singapore.

« I’m proud to be Chinese … the event was memorable and out-of-the-ordinary, » Soo says.

Putting Asia on the map also helps raise awareness of debutante balls. Although it takes place in China, Chow Wong says the Shanghai International Debutante Ball is an international event, hence only two to three Chinese debs are included each year.

« The purpose of having the ball in Shanghai is to catch up on the international trend, » says Chow Wong, whose father is Beijing opera master Zhou Xinfang. « You have the ball in Paris, London, New York and now Shanghai, a city with so much history and heritage to offer. »

Recent Asian debs include Jen Hau, daughter of Taipei’s former mayor Hau Lung-bin, and Annie Liang, a descendant of famous Chinese scholar and philosopher Liang Qichao.

Voir encore:

Les Miss France et le poids : une omerta qui perdure en 2018

Si l’on ne connaît pas encore le visage de la future Miss France, sa silhouette ne sera certainement pas une surprise. Décryptage de ce qui modèle le corps de « la plus belle femme de France ».

Le 15 décembre, une nouvelle jeune française sera couronnée Miss France de l’année 2019. Pour la 89e année consécutive, le concours de beauté le plus célèbre de l’hexagone élira « la plus belle femme de France » devant plusieurs millions de téléspectateurs (7 millions lors de l’édition précédente). Pourtant, l’heureuse élue reste encore très éloignée du physique de la femme française.

Un règlement strict, mais qui ne mentionne pas le poids

Pour devenir Miss France, plusieurs critères très précis sont à respecter. Les candidates doivent avoir entre 18 et 24 ans, être françaises de naissance (ou naturalisées) célibataires, ni veuves ni pacsées, sans enfant. Côté physique, elles doivent mesurer au minimum 1m70, ne pas avoir eu recours à la chirurgie esthétique, ne pas avoir de tatouage visible, de piercing, perruque, faux-cils ou autre « artifice tendant à transformer son aspect naturel », comme il est inscrit dans le règlement officiel. Si la liste des recommandations s’étend sur plusieurs pages, un critère important n’est jamais mentionné : le poids minimum ou maximum des futures Miss.

« Si le critère n’existe pas, c’est sans doute qu’il n’y a aucune justification socialement acceptable par les personnes qui organisent les concours », suggère à France 24 Découvertes Camille Couvry, enseignante et chercheuse au Laboratoire des Dynamiques Sociales de l’Université de Rouen. Une absence qui aurait pu être saluée, si les Miss ne faisaient pas toutes un poids plume, largement en dessous de l’IMC de la française moyenne comme le rapportait La Voix du Nord dans un article daté de décembre 2017. « Cela n’empêche pas les personnes qui sont engagées dans des concours – et une partie au moins de celles qui les regardent – de considérer qu’avoir un poids ‘moyen’ (relatif à la taille minimale de 1m70) est un critère de beauté et d’élégance », ajoute Camille Couvry.

À qui la faute ?

Pauline Darles, Miss Ile-de-France 2011, avait quitté l’aventure Miss France en plein voyage préparatoire aux Maldives car elle n’était « pas en accord » avec l’esprit du concours. Quand on l’interroge sur l’uniformité du poids des Miss, la jeune femme nous explique le processus par lequel elle est passée. « Il y a des différences entre les régions mais il est clair qu’en envoyant des photos de soi, on donne déjà une indication de ses mensurations », dit-elle avant de préciser que lors des sélections, « ce ne sont pas seulement les comités qui votent, mais aussi le public, à 50 – 50. Si les gens votaient pour d’autres physiques, ça changerait peut-être ».

Pour elle, cette omerta vient donc d’une responsabilité collective. Idée que partage Camille Couvry, qui nous rappelle que « les processus de sélection dans les concours ne sont pas extérieurs à la société dans laquelle ils s’insèrent. Les jurés, tout comme les candidates qui évaluent leurs chances – et peuvent parfois s’auto-éliminer – sont évidemment influencés. » Influencés par les réseaux sociaux, les arts, la publicité… En bref, tout ce qui ce qui prône l’idéal d’un corps féminin fin et élancé joue un rôle dans cette injonction à la minceur.

Enfin, Pauline Darles se souvient à propos de son expérience au sein de Miss France : « Il n’y a pas de régime imposé mais une observation de comment on se nourrit, ce que l’on choisit au buffet de l’hôtel par les chaperons. Si l’on se ressert plusieurs fois, ça va être remarqué ». Une loi du silence qui règne jusque dans les comportements des participantes, au sein même de la compétition. Contacté par France 24 Découvertes à plusieurs reprises, le Comité Miss France n’a pour le moment pas donné suite à nos questions.

Discours engagés et défilé en bikini 

Certes, les jeunes prétendantes au titre de Miss sont, à certains moments de l’émission, mises en valeur autrement que physiquement. Lors de leurs discours par exemple, ou des courts portraits réalisés par la production. Mais s’en suivra le traditionnel défilé en bikini, exercice très paradoxal puisqu’il consiste à juger les candidates exclusivement sur leurs corps.

À titre de comparaison, le concours Miss America avait annoncé en juin dernier que ce défilé en maillot de bain ne figurerait dorénavant plus dans leur compétition. Sylvie Tellier, directrice de l’organisation Miss France, avait quant à elle indiqué que la France ne suivrait pas cette décision, puisque ledit exercice fait « partie de la magie Miss France ».

« Il y a eu dans l’histoire des élections de Miss, et plus largement de la beauté, un souci de la mesure du corps et des critères de beauté », ajoute Camille Couvry. Des propos qui font écho à ceux des chercheuses Anne Monjaret et Frederica Tamarozzi dans l’article « Pas de demi-mesure pour les Miss : la beauté en ses critères », publié dans  la revue « Ethnologie Française » : « Il faut voir dans ce diktat de la minceur l’influence d’une mode qui trouvait en Poirier et Coco Chanel ses créateurs, et dans les stars et les femmes du ‘beau monde’, ses égéries ».

Certains milieux responsables en partie de ce culte de la minceur commencent pourtant à faire des efforts : Mattel, maison-mère de Barbie, propose depuis 2016 une poupée « plus size » aux mensurations plus généreuses que l’originale. En 2017, deux grands groupes de luxe français LVMH et Kering ont signé une charte les engageant à ne plus faire défiler de mannequin de taille 32. De petits pas en avant, mais des avancées quand même.

Pourra-t-on voir un jour une femme aux proportions plus réalistes être élue Miss France ? « Oui, c’est envisageable », affirme Pauline Darles. « C’est l’inconscient collectif qui valide des normes de beauté. Si les gens votaient pour d’autres physiques, ça pourrait changer ». De son côté, Camille Couvry pense que « le changement pourrait venir du bas ». « J’ai déjà assisté à des concours locaux qui avaient éliminé le défilé en maillot de bain lors d’une ou deux éditions », nous raconte-t-elle. Affaire à suivre, donc.

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Miss France 2018 Des miss à l’IMC si éloigné de la moyenne des Françaises

Au milieu des critères esthétiques d’un concours de beauté, il en est un que l’organisation se garde bien d’évoquer. Celui du poids. En 2016, l’association Osez le féminisme avait, une nouvelle fois, soulevé la question en dénonçant «  cette mise en concurrence à une heure de grande écoute  » entraînant «  beaucoup de souffrance pour d’autres femmes qui ne font pas 1,75 m pour 50 kilos ». « C’est un concours de beauté avec juste une limite de taille. Les critères ne sont pas seulement physiques  » avait alors répondu Sylvie Tellier, directrice générale de la société organisatrice.

Pas un mot sur l’IMC des lauréates

L’organisation a donc logiquement refusé de nous communiquer, pour ces mêmes raisons, ces données. Mais sur internet, la question continue d’être débattue. Des chiffres circulent sur les pages Wikipédia des anciennes miss France, sans que celles-ci n’interviennent. Des blogs listent inlassablement le poids des jeunes filles, sans que l’on sache le vrai du faux. Les miss livrent parfois un chiffre au détour d’une interview.

Sur le modèle du travail du site américain PsychGuides, nous avons cherché à connaître l’évolution de l’indice de masse corporel, cette combinaison entre le poids et la taille d’une personne, des miss à travers le temps. Nos recherches ont permis de lister le poids de 16 miss. Cinq proviennent de sources de confiance. Le graphique ci-dessous est donc purement indicatif, mais il a le mérite de compiler et de mettre en forme les données circulant sur la question.

Cliquez ici pour ouvrir cette infographie en plein écran.

Il en ressort qu’avec un IMC moyen de 18,1 depuis 1954, miss France n’est pas une Française comme les autres. Elle est même beaucoup plus mince. Pour les Françaises de 18 à 35 ans, l’Insee relevait un IMC de 22,4 en 2002, toujours très loin des miss France qui ne sont pas sorties d’un couloir allant de 18,5 à 16,4 entre 2000 et 2017.

« Plutôt une situation de minceur »

Plus globalement, en 2016, l’IMC d’une Française était de 23,1 selon les relevés de l’Organisation mondiale de la santé. Cette même organisation évalue l’IMC normal entre 18,5 et 25. Seules cinq miss se trouvent dans cette fourchette. Onze d’entre elles se situent par contre entre 16,5 et 18,5 et seraient donc en situation de maigreur selon l’OMS. Des chiffres inquiétants ? Pas forcément. « Il s’agit plutôt d’une situation de minceur, recadre Emmanuelle Couturier, diététicienne-nutritionniste à Marcq-en-Barœul. L’IMC n’est pas forcément très parlant, car il ne fait pas la différence entre masse graisseuse et masse musculaire. Il ne prend pas non plus en compte l’ossature. Par contre si elles font un régime pour entretenir cette minceur, c’est là que cela peut être compliqué. »

Pour mieux se rendre compte de l’évolution des miss. Le diaporama vidéo ci-dessous permet de remonter le temps d’Agnès Souret à Alicia Aylies.

Miss France dédié à la cause des femmes, une hypocrisie selon des féministes
Camille Moreau

L’Express

14/12/2017

Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, affirme que l’élection Miss France 2018 aura pour objectif majeur de dénoncer les violences faites aux femmes. Des propos qui passent mal auprès des associations féministes.

L’élection de Miss France 2018 qui se tiendra le 16 décembre à Châteauroux s’inspirera-t-elle de l’élection de Miss Pérou dont les candidates avaient dénoncé les violences faites aux femmes dans le pays? C’est en tout cas ce qu’a annoncé Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, lors de la conférence de presse du concours de beauté. « Cette élection sera un moment pour prendre la parole et sensibiliser les téléspectateurs sur les violences faites aux femmes. »

Une volonté confirmée lors d’un entretien donné à nos confrères du Parisien. « L’élection de Miss France, c’est quand même trente jeunes femmes en direct à la télévision pendant trois heures, à une heure de grande écoute. C’est l’occasion de parler de la femme et de dénoncer les violences faites aux femmes qui sont encore beaucoup trop importantes en France aujourd’hui et dont on ne parle pas assez », affirme Sylvie Tellier.

« Des critères de beauté réducteurs »
Des propos qui font grincer des dents les associations féministes, jugeant le concours Miss France sexiste et dégradant. « Il est dommage que la seule soirée de l’année dédiée aux femmes à la télévision, cultive l’idée de la femme objet. L’élection Miss France est un concours qui repose sur des critères de beauté réducteurs et ridicules. Il serait plus judicieux de valoriser les talents, plutôt que des stéréotypes physiques irréels », s’est par exemple exprimée Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l’association Osez le féminisme.

Ne pas être mariée, ne pas avoir d’enfant, ne pas avoir de tatouage, mesurer 1,70 mètres minimum et avoir moins de 26 ans font partie des règles imposées aux candidates et jugées archaïques et sexistes par les associations. « Je ne vois pas comment on peut se battre pour l’égalité des sexes, revendiquer le respect de la femme tout en cautionnant ce genre de concours », s’indignait il y a quelques semaines une lectrice de la Styles Room.

« Miss France permet de soutenir et faire avancer des causes »

Des critiques qui n’ont pas lieu d’être pour Sylvie Tellier. « Miss France 2018 permet de soutenir des causes et de les faire avancer, la prise de parole des Miss au Pérou en est la preuve. Elles agissent à leur niveau pour améliorer la condition féminine. »

La 88e édition de Miss France sera animée pour la 23e fois par Jean-Pierre Foucault et présidée par Iris Mittenaere, Miss Univers 2017, et le couturier Jean-Paul Gaultier.

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VIDEO. Miss France 2019: Pourquoi l’Ile-de-France, région la plus titrée, ne gagne-t-elle plus le concours?
BEAUTE Miss Ile-de-France n’a plus été élue Miss France depuis 1996. Et si cela changeait cette année? Réponse samedi soir au micro de Jean-Pierre Foucault….

Floréal Hernandez

20 minutes

le 14/12/18

Depuis 1929, les Miss Paris ou Ile-de-France ont remporté 15 fois le concours Miss France. Mais la plupart des titres ont été gagnés entre 1930 et 1950.

La dernière Miss France francilienne remonte à 1997 avec l’élection de Patricia Spehar. L’an dernier Lison Di Martino avait terminé 2e dauphine de Maëva Coucke.
Alors que l’Ile-de-France compte 12 millions d’habitants, pourquoi sa Miss ne profite-t-elle pas du vote du public pour gagner la couronne?

L’Ile-de-France aime-t-elle sa miss ? La région est la plus peuplée de France avec 12 millions d’habitants, pourtant quand Lison Di Martino, Miss Ile-de-France 2017, est arrivée dans les cinq finalistes l’an dernier, ce n’est pas elle qui a reçu le plus de votes du public mais la Nordiste Maëva Coucke. Une région avec une identité bien plus forte que l’Ile-de-France

C’est là l’une des faiblesses de la candidature francilienne. « Je l’ai vécue, avoue Margaux Savarit, Miss Ile-de-France 2014 et 11e du concours Miss France. On a moins de chance d’être élue car il n’y a pas d’identité régionale en Ile-de-France. Avant l’élection Miss France, aucun média ne s’est intéressé à moi. Je n’ai fait aucune interview, eu aucun soutien. Ça plombe le moral. »

Présidente depuis 2014 du comité Miss Ile-de-France, le plus titré avec 15 miss, Laure Mattioli rejoint l’avis de Margaux Savarit. « Beaucoup de Parisiens ou de Franciliens viennent d’autres régions. Moi en tant qu’ancienne Miss Bourgogne vivant à Paris, j’avais tendance à soutenir Miss Bourgogne. » Chercheuse en sociologie à l’université Rouen-Normandie, Camille Couvry reconnaît que « la dimension affective liée à sa région d’origine peut se retrouver dans les votes ».

L’auteure de la thèse Beauté, classe sociale et empowerment : les jeunes femmes de classes populaires dans les élections de Miss en Normandie estime possible l’hypothèse que les miss issues d’une région à forte identité soient avantagée pour capter les votes locaux. « Le succès au concours Miss France des régions à forte identité locale ne colle pas aux revendications régionales, culturelles ou politiques », souligne-t-elle. Et, elle rappelle les victoires depuis 2010 des Miss Normandie, Bourgogne ou Orléanais.

Laure Mattioli incite tout de même « les Franciliens à se sentir investis par rapport à leur miss ». Ça a été le cas pour Lison Di Martino l’an passé mais c’est resté circonscrit à son département d’origine. « La Seine-et-Marne s’est vraiment bougée pour elle, note celle qui est de la promo de Sylvie Tellier en 2002. Elle était l’une des favorites dans la presse, sur les réseaux sociaux. Ça n’a pas suffi. »

Cela va-t-il se répéter pour Alice Quérette, Miss Ile-de-France 2018, 24 ans et originaire de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ? Margaux Savarit ne l’espère pas. « Elle est dans mon top 3 avec Franche-Comté et Languedoc-Rousillon. Je la vois aller très loin, comme l’an dernier. »

Comme en 2017, Miss Ile-de-France – « quelqu’un de bien physiquement et moralement », selon la présidente du comité régional – est l’une des favorites du concours, selon une partie de la presse présente à l’Ile Maurice avec les miss. A Lille, ce samedi, Alice Quérette sera soutenue par quinze personnes, issues de sa famille et du comité, qui s’est mobilisé sur les réseaux sociaux.

Mais, d’après une étude réalisée pour 20 Minutes sur ces mêmes réseaux sociaux à 7 jours de l’élection, et qui sera dévoilée samedi, elle ne figure pas parmi les miss les plus populaires. Si elle souhaite la victoire de sa protégée, Laure Mattioli appelle à « un vote objectif pour faire gagner la plus méritante ». Et l’ex-Miss Bourgogne de conclure : « Le public se trompe rarement. »

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Miss France 2019: La moitié des miss noires ou métisses, une avancée pour le concours?

DIVERSITE Cette année, nombreuses sont les miss noires et métisses et « 20 Minutes » s’est demandé si ça pourrait aider à combattre les stéréotypes…

Claire Barrois

20 minutes

  • Cette année, la moitié des candidates à Miss France 2019 sont noires et métisses.
  • L’élection faisant partie des programmes télé les plus regardés de l’année, nous nous sommes demandé si cela signifiait une avancée de la diversité à la télévision.

L’avez-vous remarqué ? Cette année, la moitié des candidates à la couronne de Miss France 2019 sont noires, métisses ou issues de l’immigration. Près de 8 millions de téléspectateurs vont donc assister à un concours plus proche de la société telle qu’elle est alors que la télévision ne montre quasiment que des blancs. Cette soirée peut-elle porter un message ?

Du côté des miss concernées, on n’en est pas convaincues. Miss Guadeloupe, Ophély Mézino, et Miss Picardie, Assia Kerim, partagent plutôt l’avis de Miss Guyane, Laureline Decocq, pour qui « c’est important d’être nombreuses parce que la France d’aujourd’hui c’est beaucoup de métissages. On montre toutes les facettes de la beauté française. »

« Ça représente la France d’aujourd’hui »

Pour Miss Limousin, Aude Destour, mi-Ch’ti mi-Martiniquaise, l’intérêt c’est que « nous ne sommes pas du tout les mêmes métisses. Par exemple, Miss Provence a des origines algériennes. C’est super bien pour le concours parce que ça représente la France d’aujourd’hui. Il y a aussi des origines d’autres pays d’Europe. » Un constat que partage Jessie Magana, autrice d’ouvrages jeunesse autour de la lutte contre les stéréotypes et le sexisme.

« Les métisses sont un peu plus visibles cette année dans le concours et représentent une tendance de fond de la société française, rappelle l’autrice. C’est assez intéressant parce que ça montre la réalité de la société française qui est mélangée quoi qu’on veuille nous faire croire, issue de vagues d’immigration​ très anciennes. Un Francais sur quatre a au moins un de ses grands-parents qui n’est pas né en France. C’est révélateur du métissage progressif de la société française. »

Mais selon l’autrice, ce qui est aussi intéressant dans le métissage des miss, c’est leur origine sociale. « Elles viennent toutes plus ou moins de la classe moyenne, et les vagues d’immigration sont souvent dans les classes populaires. Là, le fait que la plupart de ces jeunes femmes soient de classe moyenne montre l’intégration des anciens immigrés à la société française. Ces jeunes filles sont un vrai panel de ce qu’est la société française. » Mais cela ne suffira pas forcément à faire évoluer les mentalités.

« Les noirs devraient intervenir comme médecin ou ministres à la télévision »

« C’est un concours lié à l’apparence, rappelle Jessie Magana. Montrer davantage de femmes noires dans ce cadre ne lutte pas contre les stéréotypes parce que ça rentre dans les stéréotypes de la femme et encore plus de la femme noire [une femme très érotisée dans l’imaginaire collectif]. Il faudrait un concours sur la personnalité, le charme, la façon de s’exprimer en public, pas que sur la beauté pour que ça lutte contre les stéréotypes. Les noirs devraient intervenir comme médecin ou ministres à la télévision, pas que dans les concours de beauté et dans le foot. »

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Têtes couronnées

Miss France: ce qui a changé depuis le début de l’élection

Près de 100 ans après sa création, le concours Miss France a connu plusieurs évolutions.

Camille Moreau

L’Express

Comme chaque année depuis 1920, date de création du concours de beauté par le journaliste et écrivain belge Maurice de Waleffe, une jeune femme sera en décembre élue Miss France parmi les 30 candidates en lice. Un show présenté pour la 23e année par Jean-Pierre Foucault, accompagné de Sylvie Tellier, directrice générale de la Société Miss France depuis 2010. La cérémonie, bien qu’organisée « dans le respect de la tradition », a connu bien des changements depuis sa naissance il y a près d’un siècle.

« La plus belle femme de France »

Aux prémices de l’élection, Maurice de Waleffe avait choisi le terme « La plus belle femme de France » pour désigner le concours. Les portraits des candidates de la première édition étaient publiés dans le quotidien Le Journal. Chacune était présentée sous un pseudo de nom de fleur, de pierre, d’oiseau ou de déesse, révèle Le Figaro Archives dans un article réalisé en partenariat avec l’INA.

Entre 1922 et 1926, le concours de beauté n’a pas lieu. Il ne reprend qu’en 1927 sous le nom qu’on lui connaît aujourd’hui : Miss France. Roberte Cusey, Miss Jura 1926, est élue cette année-là.

Une baisse du nombre de candidates

Les jeunes femmes en lice pour le concours Miss France représentent chacune une région de l’Hexagone. Elles étaient 45 en 2006, 33 pour l’élection de Miss France 2011. Cette année, elles seront 30. La réforme territoriale de 2016 n’a pourtant pas eu d’impact sur le nombre de candidates. « Ce nouveau découpage est une affaire politique et économique et nous sommes loin de ces considérations. Notre concours est indépendant du gouvernement », avait confié Sylvie Tellier à L’Express, rappelant que sa priorité était que tous les Français « se retrouvent dans l’élection ».

D’ailleurs, le nombre de candidates n’a jamais véritablement collé à la carte administrative de la France. Pour la directrice du comité Miss France, le but est surtout « d’avoir des identités fortes ». Raison pour laquelle certaines provinces sont absorbées pour renforcer certaines identités territoriales. Les titres de Miss Centre et de Miss Orléanais ont ainsi fusionné pour devenir Miss Centre-Val-de-Loire.

Des critères qui ne sont pas uniquement physiques

Les critères depuis la création de l’élection Miss France excluent une bonne partie de la population féminine. Il faut être une femme -mais pas transsexuelle- et avoir entre 18 et 24 ans. Il faut également mesurer 1,70 mètre minimum, ne pas avoir d’enfant, ni être mariée, et posséder un casier judiciaire vierge. Les tatouages sont également interdits, l‘éviction de Miss Martinique en 2017 pour cause de colibri sur l’omoplate avait d’ailleurs suscité l’incompréhension des internautes.

Pour Sylvie Tellier, le concours ne repose plus uniquement sur des mensurations. « Les critères ont évolué depuis la création de l’élection pour être plus en accord avec les femmes d’aujourd’hui et correspondre au rôle qui incombe à la future reine de beauté. On porte de l’attention sur la façon de se mouvoir, l’éloquence et le parcours de la jeune femme », nous expliquait la directrice dans un article consacré à la fascination des miss.

Leur temps de parole a d’ailleurs été allongé. « Cette épreuve est parfois décisive pour les candidates », affirme Sylvie Tellier. L’esthétique des jeunes femmes se combine à la personnalité. Le comité du concours Miss America a préféré remplacer le défilé en robe du soir par un exercice d’éloquence durant lequel les jeunes femmes sont habillées de la tenue de leur choix. Pour Camille Couvry, docteure en sociologie et qui a réalisé sa thèse sur les concours de beauté, « c’est surtout une manière de rendre la question du jugement esthétique plus floue et de rendre le concours socialement acceptable ».

Des miss en prise avec l’actualité

On attend aujourd’hui de la future Miss France qu’elle soit capable d’argumenter et de s’informer sur l’actualité. « J’élabore avec mes équipes le test de culture générale. Une note en-dessous de la moyenne est pour moi éliminatoire », explique Sylvie Tellier. Une épreuve qui existait déjà aux débuts du concours mais que l’ancienne Miss France 2002 a adapté en s’appuyant sur l’actualité. « Lorsque j’avais passé le test, je me souviens qu’on m’avait demandé de décrire ma chambre. Mais aussi, quel Beatles était mort », se souvient la directrice générale dans une interview accordée au Figaro.

Une niveau d’exigence accru en adéquation avec l’augmentation du niveau d’études des candidates. Il faut remonter jusqu’en 2000 pour trouver une Miss qui n’a pas obtenu le baccalauréat. Les diplômes seraient-ils devenus un critère de sélection non-officiel pour espérer décrocher la couronne ? Pour Sylvie Tellier, c’est surtout « le reflet de la massification scolaire ».

Des cours de bonnes manières

Depuis 2017, les miss bénéficient de cours de bonnes manières enseignés par Jérémy Côme, auteur de L’Art de maîtriser les codes pour se sentir bien partout en toutes circonstances (éd. Michel Lafon). La future ambassadrice doit être capable de se comporter en parfaite maîtresse de maison et se doit d’être élégante en toute circonstance. Si l’on a envie de crier au sexisme, Jérémy Côme voit plutôt son intervention comme une manière « d’enlever du stress » à la future gagnante. « Je leur donne des tuyaux pour trouver de l’assurance, pour maîtriser l’art de la conversation notamment devant des assemblées -que ce soit pour remettre un prix aux NRJ Music Awards ou pour participer à l’inauguration d’un musée en local-, pour avoir une bonne posture quand on est face à quelqu’un », explique-t-il au site Pure People. Il ajoute également qu’une Miss doit « savoir être chaleureuse, ponctuelle, soignée. Il ne faut pas parler de soi. Globalement, elles n’ont pas besoin de parler d’elles puisqu’on sait qu’elles sont Miss. »

Peut-on manger ou non sa salade avec un couteau, à quelle heure arriver à un dîner, comment déguster des huîtres ou qu’apporter à un hôte à l’occasion d’un repas font également partie des conseils distillés par le spécialiste.

Quid du défilé en maillot de bain

L’épreuve du passage en bikini cristallise les accusations de sexisme des associations féministes à l’encontre du concours Miss France. « Encore une fois, le corps des femmes est un objet, comme dans la publicité. Ce sont des corps souvent nus, et l’épreuve du maillot de bain est celle qui est la plus attendue », dénonce Éléonore Stévenin, porte-parole d’Osez le féminisme. Un défilé supprimé de l’élection Miss America l’année dernière mais qui sera maintenu dans la version française du concours. « Ce sont des costumes qui font partie du spectacle. Nous sommes là pour offrir du beau et transmettre le folklore de cette élection », souligne Sylvie Tellier.

L’épreuve du bikini est récente en France : elle n’a été mise en place qu’après la démission de Geneviève de Fontenay de son titre de directrice du comité Miss France en 2010. Le défilé est d’ailleurs critiqué chaque année par la dame au chapeau qui réclame le retour du maillot une pièce. « Je pense qu’un maillot une pièce ouvert sur les hanches et couvrant un peu plus les fessiers éviterait que les candidates deviennent des exhibitionnistes », expliquait-elle dans une lettre envoyée à Sylvie Tellier, publiée sur le site de Jean-Marc Morandini.

Le public souverain dans le choix de la future Miss France

Le système de vote a été modifié après le départ de Geneviève de Fontenay pour l’élection de Miss France 2010. Le jour du concours, douze miss ont déjà été désignées par le jury -présidé cette année par l’actrice de 90 ans, Line Renaud- durant la semaine précédant l’élection. Pour la sélection des cinq finalistes, se mêlent le vote du public et celui du jury, composé de six célébrités. Enfin, pour déterminer la gagnante et les dauphines, les compteurs sont remis à zéro et c’est uniquement aux téléspectateurs de voter.

Lancé en 1993, l’élection de Mister France, le versant masculin, peine à se faire une place sur la scène médiatique. « C’est un spectacle qui ne prend pas. La notion de compétition autour de la beauté de l’homme n’est pas assez enracinée dans notre Histoire », explique l’anthropologue Élisabeth Azoulay, qui a dirigé l’ouvrage 100 000 ans de beauté (éd. Gallimard). Il y a des choses qui ne changent pas.

Miss France 2019 : quelle région a le plus souvent remporté le concours ?
A.B.

Quelle région de France a été couronnée le plus de fois à l’élection de Miss France? Quelles autres, au contraire, ont eu le moins les faveurs des Français? Paris Match fait les comptes.

Le 16 décembre 2017, Maëva Coucke a été élue Miss France 2018, décrochant un troisième sacre pour le Nord-Pas-de-Calais. Si la beauté des jeunes filles originaires du Nord a séduit les téléspectateurs de l’élection à trois reprises ces quatre dernières années, aucune Miss originaire du Nord-Pas-de-Calais n’avait remporté le concours qui existe depuis 1919 avant…2015.

Il y a 99 ans, la première Miss France élue, Agnès Souret, venait de Bayonne et portait l’écharpe de Miss Aquitaine. En tout, six jeunes femmes de cette région du Sud-Ouest ont été nommées plus belle femme de France, la dernière en 1995. Il s’agissait de Mélody Vilbert, native de Toulouse. L’Aquitaine a le même palmarès que l’Alsace et la Normandie. Tout en haut du palmarès des régions qui ont remporté l’élection de Miss France le plus grand nombre de fois : l’Ile-de-France. Entre 1933 (date de la première victoire) et 1997 (date de la dernière victoire), l’Ile-de-France a été couronnée 13 fois au concours, loin devant la région Rhône-Alpes qui totalise quant à elle 7 victoires.

L’Auvergne, Mayotte ou encore la Champagne-Ardenne attendent toujours une victoire

A l’autre bout du classement, on retrouve la Guyane, le Centre-Val-de-Loire, la Provence et la Corse qui ont chacune une victoire. Les moins bien loties sont les Miss originaires d’Auvergne, de Mayotte, de la Martinique, Champagne-Ardenne, du Limousin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore de Saint-Martin-Saint-Barthélemy, qui n’ont jamais eu la chance de porter l’écharpe tant convoitée de Miss France.